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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 7 février 1992 - Vol. 31 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé « Un financement équitable à la mesure de nos moyens »


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-huit minutes)

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais les gens à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je rappelle que la sous-commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens».

Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Aujourd'hui, nous entendrons le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des dentistes du Québec et l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, l'Ordre des optométristes du Québec et l'Association des optométristes du Québec et, finalement, l'Association des fondations des hôpitaux du Québec.

Nous débutons par le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, qui a déjà pris place. J'apprécierais si la personne responsable du groupe pouvait se présenter et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Groupe de recherche interdisciplinaire en santé

M. Brodeur (Jean-Marc): M. le Président, permettez-moi tout d'abord de remercier la commission et le ministère d'avoir osé inviter le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, réputé pour ses critiques du système de soins. Groupe de recherche financé par le FRSQ, et donc par le ministère, depuis 1977, nous ne pouvions évidemment pas décliner cette invitation. Je vous avouerai que c'est avec empressement que tous ceux qui m'accompagnent aujourd'hui ont accepté l'invitation et ont contribué sérieusement à la préparation de ce mémoire.

Je suis accompagné de quatre des chercheurs du GRIS, soit le Dr Raynald Pineault, directeur du département de médecine sociale et préventive, M. André-Pierre Contandriopoulos, directeur intérimaire du département d'administration de la santé, qui vous rend visite pour la deuxième fois cette semaine, M. François Béland, directeur du programme de doctorat en santé communautaire, et M. François Champagne, responsable de notre équipe de recherche en analyse organisationnelle et économique.

Le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé fait partie de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal. Il regroupe une soixantaine de personnes, dont une quinzaine de chercheurs de trois départements: médecine sociale et préventive, administration de la santé et médecine familiale. Le GRIS travaille depuis plus de 10 ans sur le fonctionnement, la dynamique, le financement, l'évaluation et la comparaison des systèmes de santé dans une perspective interdisciplinaire.

Notre mémoire ne vise pas à promouvoir les intérêts d'un groupe d'acteurs ou d'un autre mais plutôt à tenter de confronter les propositions concernant le financement du système sociosani-taire du Québec avec les connaissances existantes.

Les pages 1 à 8 analysent les fondements conceptuels sur lesquels l'argumentation du document s'appuie. Globalement, le document est un effort valable pour étayer une réflexion sur l'état actuel du financement du système de santé québécois. Nos travaux nous ont amenés à faire quelques remarques additionnelles appuyées par un graphique et quatre tableaux. En résumé, il nous semble que le ton alarmiste du document en ce qui concerne le rythme de croissance des dépenses est basé sur des tendances très récentes, et nous considérons qu'il est tout à fait inapproprié dans un tel cas de remettre en cause les grands principes qui structurent le système de santé du Québec.

Examinées sur une période de 10 ans, les dépenses de santé et d'adaptation sociale s'accroissent moins vite que les recettes du Québec. La part des dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux dans les dépenses du gouvernement se maintient et l'endettement de l'administration publique provinciale n'est pas principalement dû aux crédits alloués au domaine de la santé et des services sociaux. Nous pourrons revenir sur ces divers aspects lors de la discussion.

À partir de la page 9, notre mémoire étudie la pertinence et la cohérence des recommandations, et c'est là que se situe notre véritable critique du document. Page 9, «Pertinence et cohérence des recommandations». Nous partageons l'opinion qu'il serait inadéquat de laisser le secteur de la santé et des services sociaux prendre dans l'économie du Québec une place de plus en plus grande. Compte tenu des connaissances disponibles sur les déterminants de la

santé, une telle politique aurait des effets négatifs très importants à long terme. Elle agirait probablement de façon négative sur la santé en privant l'État de moyens qui lui permettraient, entre autres, d'agir sur le développement économique, sur le chômage, sur les enfants des milieux défavorisés, sur le développement urbain, sur l'éducation et sur la formation des travailleurs. Il est donc essentiel que les politiques qui ont permis aux dépenses de santé du Québec de croître, depuis une quinzaine d'années, à peu près au même rythme que le PIB puissent continuer à s'exercer.

Nous sommes aussi d'accord sur le fait qu'il n'est pas possible pour le gouvernement de laisser la dette de l'État augmenter pour financer les dépenses de fonctionnement du système de soins. Dans ces conditions, il serait possible de considérer trois types de solutions. L'une consiste à trouver de nouvelles sources de financement, la deuxième à contrôler d'une façon encore plus rigide la croissance des dépenses du système de soins et, la troisième, à réorganiser le système de façon à en promouvoir l'efficience.

La deuxième option n'est toutefois envisageable, si l'on veut maintenir les grands principes d'accessibilité, d'universalité, d'équité et de qualité des soins, que si la réforme en profondeur du système de santé, ébauchée à la suite du rapport Rochon, est menée à terme. Elle implique, grâce à un redéploiement des ressources dans les différentes régions du Québec et à une vraie décentralisation des décisions, qu'il soit possible d'accroître suffisamment l'efficience de l'ensemble du système de soins pour réduire son importance relative dans l'économie. Elle implique des changements considérables de comportement de la part des acteurs du système de soins et une réforme complète des mécanismes de paiement des ressources. Mentionnons que le système québécois de santé, contrairement au système pancanadien, ne s'est pas doté de grands principes assurant le maintien du système actuel. Ainsi, advenant la disparition des versements au comptant du gouvernement fédéral et, donc, l'impossibilité pour celui-ci de garantir le maintien des grands principes, le système public québécois est, dans les conditions actuelles, menacé d'érosion.

Le document du ministère, après avoir analysé en détail les différents moyens par lesquels ce contrôle des dépenses pourrait être fait, curieusement, élimine l'option d'une réforme du système qui, si elle était retenue, pourrait, contrairement à la poursuite du statu quo, parfaitement justifier une progression temporaire à court terme de la dette pour ensuite, a plus long terme, produire des économies. De façon précise, le document sur le financement s'attarde uniquement à la première option. Ses recommandations portent exclusivement sur les mécanismes qui lui permettraient d'accroître ses revenus et de réduire ses responsabilités.

Il élimine à un point tel l'option que pourrait constituer l'implantation rapide d'une réforme en profondeur qu'il résume, à la page 112, dernière page avant les annexes, dans un encadré gris, sa proposition en écrivant: «Face à l'importance grandissante de cette impasse financière, des choix collectifs majeurs s'imposent entre une révision fondamentale du panier des services sociaux et de santé, une augmentation importante du fardeau fiscal et une tarification liée à la consommation». La question implicite à laquelle il tente de répondre consiste à savoir qui devrait assumer les coûts requis pour permettre au statu quo de durer encore un certain temps. La réponse est claire. Ce sont les citoyens utilisateurs des services. L'option fiscale qui consisterait à faire payer tous les citoyens et les entreprises n'est pas retenue.

Les différents mécanismes proposés: l'impôt-services, la tarification, la désassurance ont comme effet de faire assumer une partie ou la totalité des coûts des services par les utilisateurs en fonction de leur utilisation et, ultimement, de faire augmenter de façon certaine la part des services de santé dans l'économie, conséquence qui va directement à rencontre d'un des objectifs fondamentaux du document. Les autres orientations envisagées - révision de la définition des services de base, révision des grands principes directeurs, renforcement de la responsabilité individuelle - sont, en quelque sorte, instrumentales à la proposition centrale qui vise à privatiser partiellement, c'est-à-dire à diminuer la contribution publique dans le financement total des services de santé. la mise en place du fonds des services sociaux et de santé est, à première vue, intéressante. elle permettrait au ministère d'avoir une gestion budgétaire plus transparente, d'expliciter les relations qui existent entre les sources de financement et les dépenses et d'élaborer des mécanismes d'irnputabilité auprès des citoyens. on doit cependant se demander, premièrement, si ces objectifs ne pourraient pas être atteints sans la création du fonds des services sociaux et de santé et, deuxièmement, plus fondamentalement, si le fonds ne constituerait pas un frein à l'implantation de politiques intersectorielles visant la promotion de la santé de la population, politiques nécessitant des redéfinitions des arbitrages financiers entre les grandes catégories de dépenses de l'état. en d'autres mots, on peut se demander si la création du fonds est vraiment compatible avec la vision large de la santé et de ses déterminants présentés au début du document et, troisièmement, si le fonds ne deviendrait pas rapidement un fonds de sécurité du revenu pour les professionnels, qu'il faudrait alimenter généreusement par tous les moyens possibles, même si cela entraînait une reprise de la croissance des dépenses de santé.

En fait, ces discussions un peu techniques ne doivent pas cacher quels sont les véritables

enjeux de ce débat sur le financement. Les médias l'ont bien compris. Pour la première fois, de façon sérieuse et à la suite d'une argumentation habile, c'est la question du maintien des grands principes qui structurent le système de santé du Québec qui est en jeu. Ce dont il est question, c'est de savoir si l'on doit réduire la couverture des services et diminuer l'équité d'accès aux soins.

D'une certaine façon, c'est la vision du rôle de l'État qui est remise en question à l'occasion de ce débat en apparence technique sur le financement des services de santé et des services sociaux. Comment expliquer autrement les choix qui sont proposés par le document sur le financement? En effet, pour justifier théoriquement une privatisation du financement, il faudrait s'appuyer sur une conception très réductrice de la santé et de ses déterminants. Il faudrait admettre que la santé est un bien, au sens économique du terme, très peu différent des autres biens, que l'individu malade a la capacité d'agir de façon autonome pour déterminer le type et le volume des services de santé qu'il aimerait utiliser et qu'il a aussi les connaissances et la capacité requises pour adopter un comportement limitant les risques d'exposition à la maladie et aux blessures. Dans ces conditions, s'il y a impasse financière, ce ne peut être que la faute des citoyens. Pour corriger cette situation, il faut les faire payer. (10 heures)

Les recherches sur les coûts et le financement des systèmes de soins montrent très clairement que, premièrement, jamais une privatisation du financement des services compatible avec le maintien d'un niveau acceptable d'équité d'accès aux services n'a permis de réduire les coûts totaux du système de soins. À cet effet, l'exemple des États-Unis et l'expérience australienne de privatisation des services de santé sont des plus révélateurs.

Deuxièmement, l'élément critique qui permet la maîtrise des coûts est d'avoir un financement provenant d'une source unique et dont l'ampleur n'est pas directement reliée à l'utilisation des services. Le Canada est, à cet égard, cité en exemple par des pays qui n'arrivent pas à maîtriser les coûts de leur système de soins.

Troisièmement, les frais de gestion des systèmes de soins dont les mécanismes de financement sont diversifiés sont beaucoup plus lourds que ceux dont le financement est assuré par l'État ou une caisse nationale de santé. Reinhardt montre que les coûts de gestion des compagnies d'assurances aux États-Unis varient de 5, 5 % à 40 % des primes, en fonction de leur taille.

Quatrièmement, l'élément important pour l'économie d'un pays, ce n'est pas la partie du coût du système de soins assumé par l'Etat mais la totalité des coûts du système. Le plaidoyer des grosses sociétés américaines en faveur d'une réforme du système de soins pour leur permettre d'améliorer leur compétitivité est, à cet égard, exemplaire.

Cinquièmement, la privatisation du financement a comme principal effet de transférer la charge du paiement vers les utilisateurs malades et donc de créer une iniquité.

Dans ces conditions, sur quels arguments repose la justification de la proposition de privatisation du financement des services de santé? Deux explications en partie complémentaires sont possibles; l'une est fiscale, l'autre politique. Le ministère des Finances, malgré une conjoncture difficile, doit présenter pour 1992-1993 un budget en équilibre. La privatisation du financement d'une partie du système de soins, même marginale pour l'instant et indépendamment de ses répercussions à long terme, est un moyen d'y arriver.

L'autre est liée à la nature de la réforme en cours. Le débat sur le financement permet en quelque sorte, en réduisant les contraintes financières existantes, de laisser la situation de statu quo se poursuivre pendant encore quelque temps. Le processus de réforme qui est engagé nécessiterait en effet, pour être mené à bien, un accroissement non négligeable des dépenses du ministère sans que l'on soit certain, compte tenu des modifications apportées à la loi 120 au début de l'année 1991, que la réforme permette des gains importants de productivité. Dans la mesure où, pour des raisons politiques - victoire des médecins au début de l'été 1991 - et pour des raisons légales - la loi C-3 - il est à peu près impossible de changer l'organisation des services médicaux et l'autonomie des hôpitaux, il est illusoire de croire qu'il soit possible de changer les rôles et les responsabilités des différents acteurs du système, pas plus qu'il n'est possible de changer les modalités de paiement des ressources.

Si ces explications tiennent, le ministère n'a plus d'autre choix que de trouver des moyens de gagner du temps, quelles qu'en soient les conséquences.

Points majeurs, suggestions et conclusion. Pour résumer notre analyse du document, nous croyons que l'endettement de l'administration publique provinciale n'est pas dû uniquement aux crédits alloués au domaine de la santé et des services sociaux.

Le diagnostic de l'impasse budgétaire n'est pas aussi sérieux que le prétend le document sur le financement.

La société québécoise n'a pas les moyens d'abandonner son système public de santé. Toute forme de privatisation menace l'efficacité des mécanismes actuels de contrôle des coûts et, contrairement à ce que le document sur le financement prétend, nuirait au dynamisme et à la compétitivité de l'économie québécoise.

L'application des propositions faites dans le document réduirait l'urgence évidente d'entre-

prendre une véritable réforme en profondeur du système de soins.

Les grands principes qui structurent notre système de soins devraient être maintenus. Ce sont eux qui sont cohérents avec le cadre conceptuel que le document présente. De façon explicite, il faut réaffirmer les principes de base sur lesquels doit continuer à reposer le système de soins du Québec: accessibilité, universalité, équité et qualité des soins.

Dans le système actuel, il y a encore place pour des gains importants d'efficience sur l'exploitation desquels il faut prioritairement travailler.

L'organisation du système devrait offrir plus de flexibilité, être basée sur une véritable décentralisation et sur des modèles de compétition publique privilégiant le recours à des incitatifs promouvant l'efficacité et l'efficience.

Dans ces conditions, dissocier le débat sur le financement de celui sur la politique de santé et sur l'organisation du système de santé et des services sociaux est illogique. La discussion sur le financement devrait être menée de pair avec l'élaboration de la politique de santé qui est en préparation, et non pas la précéder, et elle devrait s'articuler sur un véritable projet de réforme du système de soins.

Les pages 15 et 16 précisent les lignes directrices d'un tel système et les opérationali-sent: critères de base, vision large de la santé, flexibilité et innovation, financement centralisé, paiement des ressources en fonction de la population à desservir, vocation requestionnée, attitude critique et orientée vers les résultats, nombre de médecins contrôlé et système d'information qui permet de suivre et de questionner les décisions prises. Nous pourrons revenir plus en détail sur ces principes lors de la discussion.

Les propositions de notre mémoire ont fait l'objet de plusieurs rencontres entre les membres qui représentent le GRIS devant cette commission et elles ont été discutées lors de deux de nos forums réunissant professeurs, chercheurs, étudiants et personnel de recherche de notre Groupe. L'opinion exprimée par tous les participants était sans équivoque: On n'a pas les moyens d'abandonner la gratuité.

À l'unanimité, les membres considèrent que les mesures proposées reposent sur un ensemble de mythes véhiculés dans l'opinion publique et dont les deux principaux sont les coûts exagérés du système et les bienfaits de la privatisation. À l'unanimité, toutes les mesures proposées ont été jugées inefficaces. La privatisation par l'impôt-services, la tarification ou la désassurance aurait deux principaux effets: diminuer l'équité d'accès aux soins et augmenter les coûts globaux de la santé. Le Québec ne peut se permettre de tels effets dans la conjoncture actuelle. Quant à la caisse-santé - c'est-à-dire que vous allez payer plus d'impôt, mais on vous promet que ça va faire partie d'un budget protégé, indétournable - cest un artifice qui nous apparaît comme une carotte pour faire avaler à la population québécoise très prochainement une augmentation de la fiscalité, à moins que le gouvernement veuille nous dire par là qu'il a besoin de coercition dans l'utilisation de son budget global ou que le ministre de la Santé et des Services sociaux veuille nous dire qu'il a besoin de se protéger face au Conseil du trésor. Nous pensons que ce n'est pas le cas. Le ministre actuel nous a maintes fois démontré qu'il est bien capable de se défendre sans cela.

Pour régler l'impasse, si impasse il y a, la seule solution est, selon nous, un financement équitable qui ne soit pas dissocié d'un système de santé équitable et qui s'appuie sur la réforme proposée par le rapport Rochon, avec les améliorations d'efficience attendues. C'est la seule avenue axée sur le citoyen. Associée à l'implantation d'une véritable politique de santé, une augmentation du fardeau fiscal serait alors justifiée et comprise par la population. Reste à savoir si ce sera sous la forme ou non d'un impôt-santé. Nous disons bien un impôt-santé et non pas une caisse-santé. C'est une décision politique et il appartient au gouvernement de le déterminer.

En terminant, j'aimerais vous préciser que, pour notre Groupe de recherche, la réflexion que vous nous avez demandée a été stimulante, qu'elle n'est pas terminée et que nous comptons, comme groupe de recherche, suivre avec attention l'évolution des débats, poursuivre nos discussions et vous communiquer nos réflexions ultérieures. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, Dr Brodeur. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je pense que, ce matin, il ne fait pas l'ombre d'un doute que c'est l'un des événements importants de la commission, compte tenu que plusieurs groupes qui circulent devant nous s'inspirent et citent très souvent le GRIS. J'imagine que vous êtes à même de vous en rendre compte aussi. Vous disiez tantôt que votre voisin de gauche était là pour la deuxième fois, il nous reviendra la semaine prochaine aussi, avec les CLSC, pour une troisième fois. C'est dire l'importance du GRIS dans cette recherche interdisciplinaire en santé.

Ceci étant dit, il me paraît approprié à ce moment-ci de reprendre quand même un certain nombre de choses qui ont été dites dans votre présentation, répétées par rapport au premier mémoire qu'on a eu. Ton alarmiste? Oui. Je pense que le document ne s'est voulu pour personne, encore moins pour le gouvernement, flatteur. Il a voulu davantage mettre sur la place publique des choses réelles, les données telles qu'elles sont parce que, effectivement, je continue de croire très fermement que nous sommes dans une

situation, comme État, extrêmement difficile et que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit être partenaire de ce gouvernement-là, de ses bénéfices comme de ses problèmes. Dans ce sens-là, un ton alarmiste, ce n'est pas nécessairement mauvais non plus; ça fait prendre conscience à un certain nombre de personnes que c'est un système qui a ses limites aussi sur le plan de ce qu'il peut se payer.

Depuis le début de la commission, un bon nombre de groupes parlent davantage d'une problématique qui est conjoncturelle que d'une problématique structurelle et vous êtes, je pense, de ceux-là. Et c'est peu dire. Donc, on va tenter, au cours de nos échanges, de voir ce qui peut être fart dans ce sens-là et d'aller chercher des consensus. Vous avez, comme les autres, parlé de la politique de santé et bien-être et vous avez raison dans le sens que ça nous prend une politique de santé et bien-être. Ce que nous faisons actuellement, c'est de trouver les moyens de faire en sorte que notre politique de santé et bien-être puisse être publique, une orientation gouvernementale, un guide extrêmement important et nécessaire à la planification. Il faut se donner des objectifs et agir sur les déterminants mais, pour faire ça aussi, vous conviendrez avec moi qu'il faut quand même connaître dans quelle assiette on se situe et quels sont nos «moyens de». C'est interdépendant; il faut que ça converge et qu'on ait tout ça pour être capable d'entreprendre et de finaliser cette réforme.

J'ai bien aimé votre allusion: bâton et carotte. J'ai l'impression que je me la suis fait servir aussi, de manière très habile, en disant que le ministre, par rapport au Trésor... J'avais l'impression aussi qu'il y avait ça dans cette présentation-là, bâton et carotte, et je vous remercie parce que la carotte est pour moi. Évidemment, ça fait toujours plaisir pour un politicien. Mais soyez sûrs qu'on va faire les démarches qu'il faut avec toute la conviction qu'on a, à la lumière de ce qu'on a comme connaissances pour tenter de corriger des situations.

Commençons par une idée qui se dégage... Il y en a deux, je pense, très importantes, que vous tentez de démontrer: désengagement de l'État et privatisation. Je pense que c'est deux éléments très importants qui sortent de votre présentation et qui, je vous l'avoue très franchement, m'agacent. On est aussi bien de se le dire tout de suite; vous l'aurez très certainement senti depuis le début de la commission. Parce que, désengagement de l'État par rapport à sa capacité globale et désengagement de l'État, ou presque, sur le plan des dépenses sociosanitaires, c'est un autre sous-chapitre de cet État, mais qui nous interpelle de la même manière.

Évidemment, vous l'avez dit tantôt, à ce que j'ai compris, vous avez d'abord abordé une période, un cycle. Je pense que ce qui est important pour être capables d'avoir des choses comparables, c'est qu'on se situe dans un cycle qui, règle générale, comme dernier cycle, s'apparente davantage aux années 1983-1984 à 1991-1992 pour avoir des données comparables. Dans ce sens-là, dans le premier document que vous nous avez déposé, vous avez isolé, quant à vous, les périodes 1986-1987 à 1989-1990, et je pense que personne n'a joué avec les chiffres. Les chiffres de cette période-là, c'est les chiffres qu'il y a là, et c'est clair. Mais, quand on isole cette période-là, je pense qu'on n'a pas la justesse des chiffres, ce que ça doit dire pour le cycle qu'on souhaite retrouver. mais je vais ramener ça au niveau de la santé et des services sociaux. quand on parie de désengagement de l'état, je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes: de 1983-1984 à 1991-1992, les crédits ont augmenté de 8 % par année, et c'est nettement supérieur à l'augmentation du pib qui était, lui, à 7,3 %. et là on prend une période, à l'intérieur du gouvernement, dans les dépenses sociosanitaires. une moyenne de 8 % et non pas de 7,3 %. c'est pour ça que j'ai de la difficulté à accepter qu'on sort dans une situation où vous tiriez la conclusion qu'il y a un désengagement de l'état par rapport à sa capacité de payer. je pense qu'il faut que vous me donniez des éclaircissements là-dessus parce que les chiffres, c'est ceux-là. l'engagement de l'état, dans ses dépenses sociosanitaires durant le cycle - donc le cycle dont on parle - c'est 8 %, alors que le pib, c'était 7,3 % en moyenne. comment peut-on tirer une conclusion sur un désengagement de l'état face à ça? ce serait ma première question. (10 h 15)

Le Président (M. Joly): M. Brodeur.

M. Brodeur: Je n'ai pas répété le terme «désengagement» qui apparaît dans le mémoire. J'ai plutôt précisé, quand je suis arrivé dans ces parties-là, que c'est un début de privatisation partielle, de diminution de la contribution publique dans le financement total des services de santé. Et la peur qu'on a, c'est que ce ne soit qu'un début...

M. Côté (Charlesbourg): Mais, M. Brodeur...

M. Brodeur: ...pour aller... Je vais donner la parole à mon collègue après pour discuter des chiffres.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux qu'on isole. On va se parler de désengagement et on va se parler de privatisation aussi. Donc, on va y revenir, sur la privatisation, parce que ça m'apparaît extrêmement important de faire en sorte qu'on puisse clairer ces choses-là de manière très claire. Je sais que vous êtes des scientifiques, des professionnels et que, dans ce sens-là, on va être capables de se parier par la suite sur des bases qui se comparent et qui vont

nous permettre de progresser. Si on a tort, on a tort et on fera les réajustements qu'il faut. D'ailleurs, j'en ai déjà fait, comme homme politique, et je vais continuer d'en faire.

M. Brodeur: Avant de passer la parole à mon collègue, André-Pierre, je voulais dire, premièrement, que notre terme «désengagement» signifie en partie ce départ partiel du ministère dans la part de la contribution publique.

L'autre commentaire que je voulais faire, c'est que je n'aimerais pas que toute la discussion qu'on va faire porte sur les huit premières pages et tourne autour de la discussion des coûts parce que, comme je l'ai dit dans ma présentation, on pense qu'il y a un problème là mais que c'est un peu un artifice, que, vraiment, le débat est ailleurs. Et j'ai de mes collègues ici qui vont vouloir intervenir sur des exemples d'efficience possibles, sur des modifications d'organisation possibles et sur une espèce de modèle qui montre ce que ça va donner, les mesures que vous proposez, à moyen et à long terme. Alors, André-Pierre, la rectification des coûts.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense que, là encore, M. Côté, vous avez en partie fourni la réponse dans vos contre-commentaires. Ces chiffres-là sont excessivement dépendants de la période considérée. Si on travaille sur la période 1981-1982 à 1988-1989, on a une réalité qui ne correspond pas exactement à celle que l'on peut observer si on travaille sur 1983-1984 à 1991-1992. Donc, il y a déjà des différences dans le temps qui expliquent un certain nombre de choses. Plus on s'approche des périodes récentes, 1991-1992, plus on est dans un période de crise, plus c'est une période durant laquelle le PIB du Québec a diminué; les dépenses gouvernementales, naturellement, restent constantes. Donc, vous avez raison de dire que, durant ces toutes dernières années, à cause de la situation de crise, les dépenses du gouvernement, les dépenses gouvernementales, globalement, ont évolué un peu plus rapidement que le PIB.

Mais, par ailleurs - et, dans votre document, c'est tout à fait clair - vous dites: Le problème, c'est que les dépenses du gouvernement québécois vont évoluer à un rythme qui va être IPC + 1 %, alors que le PIB évolue dans ie temps, sur une période plus longue, plus rapidement, à IPC + 3 %. C'est ça qu'on appelle un désengagement de l'État. C'est le fait qu'à long terme la portion des dépenses de l'État dans la richesse collective a tendance à diminuer. Alors, je pense que, là encore, on pourrait argumenter. Je pense que vous avez raison, mais je ne pense pas qu'on puisse dire que nous avons tort, ou inversement.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on a si peu de temps, s'embarquer dans des chiffres, c'est clair que...

M. Contandriopoulos: C'est difficile.

M. Côté (Charlesbourg): On peut s'en parler longtemps parce que j'ai même fait exprès, dans mes chiffres, pour ne pas inclure 1990-1991 et 1991-1992, alors qu'on est dans une situation où on a un PIB + 6 % et un PIB + 7,9 %. Parce que, sans ça, ça aurait très nettement augmenté. Je l'ai sorti parce que, selon les analystes, le cycle dans lequel on a évolué, qui est de reprise à reprise, est davantage dans la période que je vous ai identifiée tantôt. Mais, ceci étant dit, je pense que la démonstration est claire qu'il n'y a pas eu, au niveau du secteur social, compte tenu de la richesse collective, désengagement de l'Etat par rapport à son PIB. D'ailleurs, quand je parte de...

M. Contandriopoulos: Dans les trois dernières années, vous avez raison.

M. Côté (Charlesbourg): Pas seulement dans les trois dernières.

M. Contandriopoulos: Ou dans les quatre dernières années.

M. Côté (Charlesbourg): Sur le cycle. Et, quand on ajoute les dernières années, c'est évident. Et, d'ailleurs, quand je parle de 1983-1984, je ne suis pas politique parce que ce n'est pas nous qui étions là à ce moment-là. C'est tous gouvernements confondus au cours des dernières décennies. Donc, je ne vise pas à défendre mon gouvernement, loin de là.

Deuxièmement, il y a cette crainte qui est répandue et qui n'est pas seulement véhiculée par vous autres mais par d'autres, d'un glissement vers la privatisation. Bon, il vaut mieux être craintifs avant - surtout quand on regarde l'expérience des États-Unis et, vous l'avez citée, vous, l'expérience de l'Australie - que de ramasser les pots après. C'est pour ça que je le prends comme un niveau de discussion très élevé qui nous permettrait, effectivement, de tenter de régler un certain nombre de nos problèmes.

J'aimerais ça avoir une démonstration plus claire que la situation actuelle ou ce qu'on est après faire signifie davantage une privatisation que ce que nous connaissons maintenant. J'ai de la difficulté à comprendre tout ça parce que, de 1981 à 1987, quand on prend les statistiques au niveau du Canada, il y a eu un certain glissement, sur le plan des chiffres, vers la privatisation. Mais vous le savez fort bien, c'est davantage dû aux médicaments et aux services non assurés, comme les services dentaires, qui vont chercher plus ou moins 4 000 000 000 $ sur les 6 000 000 000 $ qui ont glissé vers le privé et, bien sûr, en ajoutant un élément qui est très important: la contribution des adultes hébergés en est un. Elle est apparentée au privé. Elle est quand même un élément qui a progressé au cours

des dernières années. Mais 4 000 000 000 $ des 6 000 000 000 $ du glissement supposé vers le privé au cours de 1981 à 1987 sont dus à des médicaments et à des services dentaires qui s'apparentent davantage à des services complémentaires qu'aux services de base. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur vos craintes quant à la privatisation du système et à la privatisation qu'il y a eu au cours des dernières années, puis si c'est un glissement qui pourrait continuer.

M. Brodeur: On en a discuté et on a un petit modèle qui montre la suite des conséquences que ça pourrait avoir. Je vais laisser la parole au Dr Pineault à ce sujet-là.

M. Pineault (Raynald): Je ne suis pas sûr, M. le ministre, que ma réponse va vous satisfaire, mais je le prendrais à la lecture du document et prospectivement. Je ne parlerai pas sur le passé. Si on lit ce qu'il y a dans le document, c'est clair qu'il y a une préoccupation justifiée pour le financement, pour le déficit, pour la dette publique, etc. Donc, la solution qui semble être proposée, de la façon dont on la décode, c'est une baisse dans les dépenses totales de santé, une baisse de la contribution publique aux dépenses de la santé, de sorte que la conséquence, évidemment, c'est que, dans les dépenses totales, la proportion ou le pourcentage de la composante publique va diminuer et la composante privée va augmenter.

Au total, ce qu'on dit, c'est que - et ça, on en a l'expérience et on a l'expérience de plusieurs systèmes de santé - les systèmes de santé qui réussissent le mieux à contrôler l'ensemble des dépenses de santé sont ceux qui ont la participation la plus élevée du système public dans les dépenses. C'est simple, parce que, en diminuant la partie, la portion publique des dépenses, on perd le contrôle sur une partie qui est la partie privée. La partie privée augmente, sans contrôle, crée des iniquités, parce que ce sont les plus riches qui peuvent se les payer, même si vous dites que les défavorisés seront toujours protégés. On peut contribuer à créer deux médecines, donc à augmenter les iniquités, et le laisser-aller du secteur privé crée un effet d'entraînement sur le système public de façon assez subtile, de sorte qu'au fond le résultat, c'est que les dépenses totales augmentent beaucoup plus rapidement parce qu'une partie de plus en plus grande nous échappe.

C'est curieux de voir que ceux qui dénoncent le plus cette espèce de dynamique là, ce sont les Américains, par exemple, et pas n'importe quels Américains. Ce sont de plus en plus les chefs des grandes entreprises. On a mentionné Chrysler, on a mentionné GM, on a aussi mentionné Bell & Telegraph. On a plusieurs citations. On pourrait vous en donner. Eux, commencent à dire: Ça commence à diminuer notre compétitivité sur le marché. Vous le savez. Par exemple, GM dit: Ça nous coûte 800 $ par automobile pour les frais de santé, donc ça diminue notre compétitivité par rapport aux Japonais. Tout ça, donc, c'est surprenant. Je serais surpris, par exemple, de voir que le Conseil du patronat n'intervienne pas en faveur d'un système public fort.

M. Côté (Charlesbourg): Juste pour compléter là-dessus. Hier, j'ai donné l'exemple des États-Unis quand on a eu le Conseil du patronat. C'est clair dans notre esprit à nous, le système américain n'est pas à imiter, surtout pas après ce que Bush a dit hier. Donc, c'est loin de mon idée. Mais on se compare très souvent - et on a aimé ça pendant le passé - à la Suède. C'a été notre modèle. On parle beaucoup du Japon. On dit: Le Japon, c'est extraordinaire. Le Japon, c'est le phénomène à travers le monde. Ils sont même après acheter les Américains; «c'est-y» possible? Il faut croire que ça ne va pas si pire. Et même, à travers tout ça, on dit que le Japon, c'est tellement bon que ça devient maintenant l'exemple sur le plan de la santé.

La Suède. Ça coûte maintenant 15 $. Pas maintenant parce qu'il y a eu changement de gouvernement - plus conservateur par rapport à plus libéral. C'était commencé du temps d'un gouvernement plus de gauche. On dit: Quand tu fais une visite médicale, tu paies 15 $ pour ta visite médicale chez le médecin. Donc, ça, c'est privé. Au Japon, avant 1980, on payait. Il y avait des parties qu'on payait. De 1980 à 1985, on a abandonné, on est allé à la gratuité totale et on revient, depuis 1985, à une tarification de base.

Pourtant, d'après ce que je comprends, ça demeure toujours des modèles très intéressants pour nous. Et ce n'est pas du fait qu'il y ait une partie absorbée par le privé que le système est plus mauvais. Au contraire, je pense qu'avec des exemples comme la Suède... États-Unis, c'est vrai, Australie, ça peut être vrai, mais ce n'est pas à ceux-là que je veux me comparer, moi. Je veux davantage me comparer à ceux qui marchent, qui ont le respect et qui prennent la part publique. Ça demeure un régime public très important, et Dieu sait que les statistiques sont encore très éloquentes au niveau du Québec par rapport à l'Ontario où la part publique est encore plus importante.

Il faut continuer dans ce sens-là. Ce que ça veut dire, à la lumière des expériences vécues, des bonnes comme des mauvaises, c'est qu'il n'y a pas un peu de place à ce niveau-là, sans pour autant qu'on privatise, avec tous les revers de la privatisation.

M. Béland (François): II y a un journaliste qui, récemment, vous attribuait cette phrase: «C'est faux de dire qu'on remet en cause la gratuité parce que les services ne sont pas gratuits». Je suis persuadé que le journaliste

s'est peut-être trompé.

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

M. Béland: Le journaliste dit: «C'est faux de dire qu'on remet en cause la gratuité parce que les services ne sont pas gratuits», en vous citant; un journaliste du Devoir.

M. Côté (Charlesbourg): II avait parfaitement raison puis c'est toujours vrai. J'ose espérer que vous le partagez parce que l'illusion de la gratuité, j'ose espérer que vous ne direz pas au monde que c'est vrai.

M; Béland: Non. Ce n'est pas ce que je veux dire. Maintenant, les compagnies d'assurances ont témoigné ici et ont bien montré qu'effectivement la gratuité n'est jamais gratuite. Je pense que c'est cet argument-là que l'on veut faire. Bien sûr, je ne crois pas que le Groupe pense que, comme ministre, vous voulez transformer le régime public actuel en régime privé. Mais notre inquiétude, c'est plutôt l'effet de ce qu'on peut appeler la douce érosion que vous proposez, quand vous proposez, n'est-ce pas, de désassurer. Je crois que le témoignage des compagnies d'assurances, ici, a été absolument exemplaire.

Ce que les compagnies d'assurances ont dit, en clair, c'est: Nous allons appliquer nos formules de sélection des risques. En faisant ça, nous allons prendre les bons risques et laisser au ministère les mauvais. Ce qui nous intéresse, c'est l'assurance collective. De cette façon-là, nous allons assurer environ 50 % des Québécois, donc à peu près la moitié des 200 000 000 $ que vous prétendez désassurer. Ensuite, les compagnies d'assurances disent: Les assurances individuelles ne nous intéressent pas tellement. Ce qui nous intéresse, c'est les assurances collectives. Et elles ajoutent: Les assurances collectives, habituellement, c'est partagé par les compagnies, le patronat, etc.

Il y a donc un partage des coûts entre employés et compagnie. Maintenant, toute l'argumentation du document est basée sur l'accroissement de la compétitivité, tandis que les compagnies d'assurances, qui sont aussi des compagnies, vous disent, en fait, qu'une partie des 200 000 000 $ sera assumée par les employeurs. On peut évidemment discuter sur la somme totale que les employeurs vont finir par partager. Qu'est-ce que c'est? Les compagnies d'assurances vont essayer d'aller chercher 50 % du marché. Ce n'est probablement pas 50 % des 200 000 000 $. Là où il y a un problème dans le document - en tout cas, selon nous - c'est que toute cette question-là n'est pas examinée dans le document. (10 h 30)

Comment la privatisation d'une somme relativement mineure va-t-elle avoir un effet sur la compétitivité de l'économie? Qu'est-ce que les employeurs vont finir par assumer? On l'ignore, on ne le sait pas, avec, évidemment, les conséquences en ce qui concerne l'accès. Si le ministère doit assumer les risques qui sont les plus mauvais... Par exemple, dans les frais dentaires. On sait qu'en ce qui concerne les frais dentaires ce sont les enfants des classes défavorisées qui ont les bouches les plus mauvaises et que ce sont elles qui coûtent le plus. Si le ministère les assure, continue à les assurer par crédit d'impôt, etc., de façon directe ou indirecte, le ministère va finir par assumer certains coûts. Tout ça est très mal discuté dans le document.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je pense qu'on ne suit pas le même débat. C'est vrai pour les compagnies d'assurances qui sont venues en groupe dire: On va prendre ce qui fait notre affaire parce qu'on est là pour faire de l'argent. En termes clairs.

M. Béland: Exact.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas le cas de la Croix Bleue. Je pense qu'il faut faire une distinction. Le cas de la Croix Bleue, avec l'expérience de la Floride, démontrait quelque chose de différent. Mais ce n'est pas ça qui est dit dans le document. Dans le document, c'est clair qu'il faut que le régime demeure public, et substantiellement public. C'est clair, ça, dans le document. Personne de l'État n'a dit que ça devait être autrement, et il faut que ça continue à être ça. évidemment, il faut quand même faire attention à ce qu'on dit et parler d'une réalité qui est celle d'aujourd'hui: c'est que le désengagement supposé de l'état au cours des dernières années par un privé qui en a accaparé davantage, la démonstration est faite hors de tout doute que c'est les médicaments, que c'est les soins dentaires où ça a été récupéré. comme c'est considéré comme complémentaire, c'est à la marge. ce n'est donc pas un désengagement de l'état. lorsque vous prenez l'exemple du dentaire pour les populations défavorisées, expliquez-moi comment il se fait que, dans des zones de pauvreté où, effectivement, le phénomène dentaire est plus présent, malgré un système totalement gratuit, accessible et universel, ces gens-là n'y vont pas et que ce n'est pas leur condition à eux qu'on a réussi à améliorer.

Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous plaît, parce que, déjà, le temps manque.

M. Brodeur: M. le ministre, je suis dentiste, moi, et je fais de la recherche. C'est un hasard que je sois directeur du GRIS.

M. Côté (Charlesbourg): Ah! Comme vous voyez...

M. Brodeur: C'est un hasard que je sois directeur du GRIS. Je suis dentiste et je fais de la recherche en épidémiologie dentaire. En 1990, on a fait une enquête financée par votre ministère. Les enfants les plus pauvres du Québec avaient expérimenté 18 caries et le reste de la population, 75 %, 2 caries.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Brodeur: Alors, ce que je ne comprends pas, moi... C'est de deux choses l'une; ou c'est vrai ce que vous dites, et vous allez continuer à assurer les plus démunis et vous ne sauvez rien, ou ce n'est pas vrai que vous allez continuer à assurer les plus démunis et, là, vous allez réduire l'équité chez ces gens-là. Ils ne seront pas en moyens de se prendre de l'assurance parce que, 18 caries à faire traiter quand tu as une famille, tu as des enfants et tu es pauvre, ça coûte passablement cher.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Brodeur: Alors, je pense que, pour un paquet de petits points comme ça, l'espèce d'analyse détaillée sur «Qu'est-ce qu'on va sauver en coupant tel point, en coupant tel service?» n'a pas été faite. C'est pour ça qu'on dit: C'est une politique globale de santé associée à des mécanismes de financement qui devrait être mise en place et non pas des mesures partielles comme ça, non encadrées.

M. Côté (Charlesbourg): Puisque je m'adresse à quelqu'un qui fait en plus de la recherche dentaire, ce serait peut-être bon de faire porter la recherche sur «Qu'est-ce qui fait que le système gratuit, accessible qu'on a n'a pas solutionné les problèmes que vous soulevez?» Je pense que, là aussi, il y a peut-être une bonne recherche à faire. Et, quand l'objectif est le bien-être, la santé des gens et la santé dentaire de ces gens-là, est-ce qu'on n'en est pas rendu à tirer la conclusion que c'est ceux qui sont riches ou dans les classes moyennes qui ont eu accès à ce programme-là, malgré le fait qu'il soit gratuit, accessible, alors que notre système, effectivement, est pour protéger les démunis? Je pense que vous en posez une maudite bonne sur l'efficience de notre système. Elle est bonne.

M. Brodeur: On en fait justement une, recherche. Vous allez voir les dentistes cet après-midi; je ne veux pas que ça redevienne «dentiste» cet après-midi. On en fait justement une, recherche de ce type-là, en ce moment. On s'aperçoit que c'est beaucoup plus dans les critères et dans les mécanismes de paiement des professionnels que le problème est. Si le règlement ne se fait pas à ce niveau-là, vous n'irez pas les sauver, vos millions.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je pense que c'est un mémoire qui est très important. Je vais laisser la parole à mon collègue, quitte à ce qu'on déborde sur le coup de midi. Moi, j'ai quand même quelques questions. On nous a invités à l'efficience et à l'efficacité. On va parler des dents, on va l'aborder un peu: envoyer l'argent à la bonne place pour les vrais problèmes. Il n'y a pas juste dans le dentaire, à ce que j'ai compris; il y en a dans d'autres, mais je vais revenir.

Le Président (M. Joly): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue. On va faire les formules de politesse rapidement parce que, effectivement, il faut prendre tout le temps qu'on peut saisir avec vous autres. Essentiellement, dans le débat actuel, sur le plan des chiffres et sur le plan de la conception dans le système, grosso modo, il y a deux pôles. Je vais les appeler comme ça: le pôle Côté et le pôle GRIS.

M. Côté (Charlesbourg): Là, ce qu'il reste à savoir, c'est si le pôle Côté est noir ou blanc.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Effectivement, vous êtes entre les deux, vous êtes gris!

M. Côté (Charlesbourg): Gris, c'est le «r» qui domine: recherche!

M. Trudel: Effectivement, sur les paramètres et sur le diagnostic, il y a nettement, quant à moi, deux types de diagnostics qui ont été posés. Ce que vous répétez ce matin et ce qui est en filigrane de plusieurs mémoires, c'est qu'il y a une école de pensée GRIS au niveau du diagnostic et qu'il y a une école de pensée ministère Côté. Il faut être capable d'y voir la vérité, en n'oubliant pas que vous voulez parler de l'efficience, aussi, et de modèles. Ça, je vais revenir là-dessus.

Je vais d'ailleurs commencer par ce bout-là, à une exception près. Vous autres, vous dites, sur le plan du diagnostic - pour reprendre des mots qui ont été employés ici: Ce n'est pas si vrai que ça que c'est structurel, le problème que nous avons. C'est à la fois conjoncturel et aussi - vous le rajoutez, si je ne me trompe pas; vous me le direz pour avoir la vérité - dans la façon de calculer et de montrer la réalité qu'il y a un désengagement réel de l'État. Quel est, essentiellement, pour parler ce langage-là, le paramètre économétrique qui change quand, vous autres, vous faites cette analyse-là?

Il y aurait une autre façon de poser la question. Il y a un tableau qui se promène

partout et qui dit, d'après les calculs du GRIS, grosso modo: Le Québec n'a pas augmenté substantiellement ses dépenses de santé. Les paramètres économétriques que vous utilisez, c'est le dollar qui tient compte de sa valeur dans le PIB et l'indice des prix à la consommation. Deux indices. Ce n'est pas commun que l'on utilise deux indices pour «déflationner» les dollars. Vous voyez la question? Qu'est-ce qui différencie, substantiellement? Essayez de nous mettre ça le plus clair possible pour qu'on essaie d'en arriver à un diagnostic.

M. Contandriopoulos: II y a deux éléments: conjoncturel et structurel. Il y a deux situations dont on parle simultanément en permanence: il y a la situation financière et la situation du système de santé, du système de soins. Le système de soins, le système de santé, la commission Rochon l'a très bien indiqué, a clairement un problème structurel qui fait en sorte que les tensions de croissance sont excessivement fortes et que nos capacités de contraindre la dynamique de ce système sont limitées. Donc, il y a réellement un problème structurel, un problème qui demande des réponses structurelles, une réponse de réforme en profondeur, des façons d'améliorer l'efficience. C'est ce dont on a parlé tout à l'heure.

D'autre part, on argumente que le débat, actuellement, est en partie conjoncturel sur le plan financier. On est dans une période de crise. Dans cette période de crise, malgré les efforts qui ont été faits pour que le système, dans sa structure actuelle, soit contrôlé, il continue à augmenter à un rythme plus rapide que l'économie québécoise dans ses toutes dernières années, et on a là une situation qui est une situation conjoncturelle financière de crise.

Ce que l'on dit, c'est qu'il ne faudrait pas utiliser cette situation financière conjoncturelle de crise pour mettre en place des mécanismes qui vont structurer le financement futur du système de soins d'une façon irréversible. En quelque sorte, j'aimerais beaucoup qu'on aide M. Côté à maintenir la place de l'État dans le système de santé. Je suis tout à fait d'accord avec vos affirmations. Vous avez raison. Le système de santé québécois est plus public que celui des autres provinces. C'est un bienfait qu'on a réussi à faire dans les années soixante-dix. Il faut le maintenir. De 1978 à 1987-1988 on est passés de 17 % de privé à 23 %. Les mesures actuelles vont accroître ce mouvement de 23 % à 25 % ou 26 %. On va rattraper la moyenne canadienne dans six ou sept ans. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Est-ce que c'est vraiment ça qui est notre originalité ici, au Québec? Et la réponse qu'on a, c'est: Non, ça ne nous sert à rien d'aller dans cette direction-là. Premier élément.

Le deuxième élément de votre question, c'est les chiffres, le tableau I du document sur lequel on a travaillé pour les CLSC. Ces chif- fres-là nous disent en gros que, de 1972-1973 a aujourd'hui, le montant per capita est resté à peu près constant au Québec; il n'y a pas eu de dérapage. Ce que ça veut dire, en somme, si on veut imager, c'est qu'on a dit: On va prendre le montant du revenu qu'avait un Québécois moyen en 1981 et on va se dire: Quelle est la portion, quelle est la tranche de la tarte de ce montant d'argent, la portion qui a été affectée au domaine de la santé? En 1981, en gros, c'était 1020 $. On s'est dit ensuite: Si les Québécois de 197i avaient gagné en moyenne autant d'argent qu'en 1981, quelle aurait été la portion de la tarte? Même chose: environ 1000 $. Si les Québécois de 1987 ou de 1988 avaient gagné la même chose qu'en 1981, c'est-à-dire si la richesse collective de maintenant était la même qu'en 1981, quelle est la portion de la tarte qui serait allée au domaine de la santé? Même portion de tarte: en gros, 1000 $.

Or, ce qu'on dit, c'est que la portion de ce qu'est le revenu moyen des Québécois per capita est restée constante dans le temps. Bien sûr, comme la richesse collective a augmenté, le nombre de dollars a, lui, augmenté, mais ce chiffre-là de 1000 $, c'est une portion de tarte, et cette portion de tarte est restée constante.

M. Trudel: Bon. Je...

M. Contandriopoulos: Et ça, c'est exactement ce que dit le document. Quand le document dit que les dépenses de santé n'ont pas dérapé par rapport au PIB, c'est ça que ça dit.

M. Trudel: Je ne veux pas pousser trop loin sur le plan économétrique. Je voulais juste vous faire préciser cela. On peut convenir que ce n'est pas classique...

M. Contandriopoulos: Non.

M. Trudel: ...le modèle. Très bien. Et je souhaite vivement que, sur la place publique scientifique, il y ait de la confrontation là-dessus, sur le paramètre. C'est intéressant, quant à moi, de dire: II y a peut-être un nouveau paramètre sur le plan scientifique pour évaluer. Je souhaite que ce débat-là se fasse - sans ça, je vais prendre tout le temps là-dessus - c'est important.

Je dis cependant que c'est extrêmement important ce que vous donnez comme nouvelle définition, surtout quand, par ailleurs, je croise vos affirmations avec le tableau sur le fardeau fiscal des Québécois, dans votre document ici.

M. Contandriopoulos: À quelle page?

M. Trudel: Dans votre document, ici, à la page 8 où, dans la comparaison avec l'Ontario, c'est assez effarant de constater que le fardeau fiscal des Ontariens, toutes sources de fiscalité

confondues, est plus élevé per capita qu'au Québec.

M. Contandriopoulos: Oui, il est inférieur par rapport à la richesse de l'Ontario.

M. Trudel: II est inférieur par rapport à la richesse de l'Ontario.

M. Contandriopoulos: Donc, on ne peut pas dire grand-chose. Pour ces chiffres-là, on a travaillé très fort, et je suis certain que le ministère l'a fait aussi, pour essayer de trouver une façon d'avoir un indicateur total du fardeau fiscal des Québécois. Actuellement, cet indicateur n'existe pas. On a essayé de trouver des chiffres, on a essayé de les travailler et on n'a pas trouvé. Donc, on a essayé de donner un certain nombre d'informations qui nous disent essentiellement que l'analyse du ministère est correcte; per capita, on donne moins d'impôt mais on est moins riches et, par rapport à notre richesse, on fait un effort un peu supérieur à celui de l'Ontario.

M. Trudel: Maintenant, parlons du système. J'allais oublier une remarque tantôt, sur le structurel. La définition du «structurel», d'assez grande évidence, ce n'est pas le même structurel que ce dont le gouvernement veut discuter ou avance comme définition. Vous nous disiez parler de difficultés structurelles au sens des structures du système de santé et de services sociaux.

M. Contandriopoulos: II y a un problème structurel de la dynamique du système de santé, de l'organisation du système de santé, de ce système pris aux mains de ses acteurs, ainsi de suite.

M. Trudel: II est assez clair que, pour le gouvernement actuellement, le mot «structurel», quant à lui - ils en débattront, le ministre va revenir tantôt - c'est le structurel de l'ensemble de la situation. Je laisse ça et ça va revenir comme débat.

L'efficience. Là, il y a un mot clé à la page 10, quant à moi: «Le document du ministère [...] élimine l'option d'une réforme du système». Alors, là, vous allez me dire ce que c'est. Il n'y en a pas, de réforme, etc. Et, deuxièmement, vous avez dit tantôt: On aimerait ça discuter aussi de certains paramètres du modèle à changer - c'est mes mots, c'est pas les vôtres. Alors, il n'y a pas de réforme du système et, deuxièmement, quels sont les éléments du modèle à changer ou les éléments d'efficience à installer? Vous nous avez dit que vous aviez travaillé là-dessus. Allez-y. (10 h 45)

M. Contandriopoulos: L'efficience, là, on revient... Vous avez parlé de deux choses. On fait un constat un peu brutal comme quoi il n'y a pas de réforme ou que la réforme n'a pas encore eu lieu et on se dit que, si on veut... On a fait des efforts, je suis d'accord avec vous. La réforme n'a pas eu lieu comme on aurait pu aimer qu'elle ait eu lieu et, dans ces conditions, il est difficile d'opérationaliser, il est difficile de voir apparaître les gains de productivité qu'on avait attendus à la suite des différents rapports, Rochon et suivants.

Alors, on se dit: Quels seraient les éléments qui nous permettraient d'aller plus loin dans un travail en profondeur? Et ces éléments, je pense, c'est de revenir aux discussions qui ont eu lieu dans les cinq, six dernières années au Québec. Ces discussions tournent autour... D'abord - on en a déjà parlé cette semaine; il faut en reparler, je pense, clairement - donnons-nous des règles du jeu québécoises à l'intérieur desquelles on va pouvoir travailler. La notion des services fondamentaux et des services de base, ce sont des concepts qui n'ont pas de sens. Un service donné par un optométriste est complémentaire. Un service donné par un ophtalmo est de base. Ça n'a strictement aucun bon sens. O.K.? C'est clair. Ça n'a pas de bon sens. Donc, donnons-nous des critères qui aient du bon sens et qui nous permettraient de dire ce qu'on considère comme essentiel, ce qu'on considère comme secondaire, comme plus privé, si on veut, comme bénéfices. Et on va, nous, État québécois, assurer l'essentiel et on va pouvoir trouver des formes différentes de financement pour ce qui est plus privé. Et là on est d'accord qu'on doit rétablir ce qui serait les critères québécois de l'universalité des services, de l'accessibilité à quoi et comment. C'est un élément qui me semble important à faire, et qu'on ne dépende pas de la loi fédérale pour ça. C'est un peu paradoxal.

Le deuxième élément qui nous semble important, c'est de bien concevoir que - le document est clair là-dessus et, au fond, tout le monde, dans les mots, est d'accord que c'est plus difficile à mettre en oeuvre - le système de soins n'est pas le producteur essentiel de santé, qu'il y a bien d'autres facteurs qui jouent dans la production de la santé. L'exemple du Japon, de tout à l'heure, est faramineux. Ils ont un système de soins qui est absolument curieux, au Japon. Les médecins vendent les médicaments à profit, les Japonais consomment des médicaments que ça n'a pas de bon sens. Ils ont deux fois plus de durée d'hospitalisation que nous, ainsi de suite. En termes de système de soins, c'est vraiment un drôle de système. Personne ne voudrait l'acheter et, pourtant, les Japonais ont des états de santé extraordinaires.

Une voix:...

M. Contandriopoulos: O.K. Ensuite, j'ajoute juste un point, c'est qu'il faut favoriser la flexibilité et l'innovation. Il faut trouver des façons par lesquelles on pourrait faire différem-

ment et mieux un certain nombre de choses et que les gens qui font différemment et mieux soient favorisés, soient encouragés à continuer à le faire. Je pense que Raynald, tu avais des idées de mieux...

M. Pineault: Vous nous direz si c'est des exemples que vous avez déjà eus, mais je vais être très concret. Prenons la chirurgie d'un jour. On parte d'efficience. Il y a des gains possibles, importants d'augmentation d'efficience à l'intérieur même du système. La chirurgie d'un jour, c'est un bon exemple, et je vais vous indiquer à un moment donné où ça accroche. La chirurgie d'un jour, on n'a pas d'incitatifs au niveau des gestionnaires dans le cadre du budget global pour être plus productifs parce que, en augmentant la productivité, effectivement, on augmente les coûts et donc il n'y a pas d'ajustement automatique.

Au niveau des fournisseurs de soins, c'est encore pire. Vous allez embarquer les chirurgiens là-dedans si vous leur dites: Vous allez augmenter votre volume parce que vous êtes payés à l'acte. Alors, dans le modèle de rémunération à l'acte, ces deux paramètres-là ne favorisent pas, donc, des économies au niveau de la chirurgie. Il y a un potentiel très grand au niveau de la médecine d'un jour; on parle toujours de chirurgie d'un jour, mais la médecine d'un jour, de plus en plus, on y croit: en gastroentérologie, en n'importe quoi, toutes les investigations peuvent se faire à peu près sur une base ambulatoire. La réduction, par exemple, de la durée de séjour dans le cas d'un infarctus, vous en avez entendu parier, je pense. Toute l'élimination des examens inutiles et des protocoles systématiques, des examens de prééemploi, des examens d'entrée, tout ce qui... Aussi, ce qu'on appelle les examens inutiles, ce sont les examens non appropriés; on vous cite des chiffres là-dessus. Aux États-Unis, selon une étude américaine sur le pontage, 15 % ne sont pas justifiés; 25 % sont douteux. Il y a des gains extrêmement importants.

Mais, dans le système actuel, sans changement, ça semble difficile. Est-ce que les mécanismes actuels d'évaluation de la qualité des soins, de la justesse des procédures ou de la façon appropriée d'utiliser ces ressources-là sont justifiés? Il n'y a pas d'incitatifs non plus pour ça. Alors, je pense qu'il y a des espèces d'institutions qu'il va falloir attaquer de front à un moment donné, mais je pense que la rémunération des médecins est un problème majeur. Il y a des modes de rémunération qui ne sont pas du tout appropriés à des pratiques, par exemple à l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'on peut en prendre, des exemples, en particulier toutes les médecines... On paie plus la médecine à la pièce que la médecine près du malade. Alors, je pense que c'est des choses, à mon avis, dont il faudra discuter et je pense que tout le monde doit se rendre compte de ça, y compris les médecins.

On pourrait avoir d'autres exemples de ça, mais je pense que ça montre un peu que, dans l'état actuel, on ne peut pas procéder à ce type d'efficience là. Il faut changer certaines choses.

M. Trudel: On pourrait revenir là-dessus. On a discuté de cet aspect-là avec l'Association des hôpitaux du Québec, et il y a toute la question du changement de modèle. Si j'ai le temps, je vais revenir là-dessus, mais il y avait un monsieur qui avait des choses à ajouter, là, sur... Non? Bon. Parce que, là, je dirais qu'il m'en faudrait un petit peu plus que ça. Vous dites qu'il n'y a pas de véritable réforme qui a été faite; ce n'est pas ça qui m'intéresse, c'est: Mais quelle est la véritable réforme qu'il faudrait installer? Parce qu'on peut «grafigner», si vous me permettez l'expression, des économies de coût de l'efficience un peu partout dans le système - nous, on l'a dit d'ailleurs à l'ouverture de la commission - mais ça ne réglera jamais l'ampleur du problème qu'on a. et, vous autres, vous dites plus que ça. vous dites: c'est le modèle qui est - j'ose le dire, vous ne le dites pas comme ça -complètement à l'envers, qui ne marche pas si on veut y arriver.

La chirurgie d'un jour, pour prendre cet exemple-là, c'est vrai qu'il y a quelque chose là. Mais on a bien démontré avec l'Association des hôpitaux que c'est 10 %, l'affaire, hein? C'est 10 % d'une journée d'hospitalisation qui coûte, grosso modo, en courte durée, 500 $. c'est 50 $.

Il y a quelque chose à faire là, évidemment, à mon avis, sauf qu'on est loin du changement de modèle quand on prend ça. Ça avait l'air un peu spectaculaire, cette histoire-là, en disant: Bon, chirurgie d'un jour, il y a quelque chose là. Quand on a regardé ça dans les chiffres, directement, avec l'Association des hôpitaux, erreur. Il y a des coûts marginaux, mais pas plus que ça. Oui?

M. Contandriopoulos: Là, on peut continuer un petit peu, et je suppose que le président va rapidement nous rappeler à l'ordre parce que, si on veut, en quelques minutes, élaborer une réforme, ça va être difficile, difficile.

Il me semble que, dans la réforme qui était prévue, il y avait des éléments qui étaient des éléments importants qui étaient porteurs de transformations en profondeur, comme vous dites, qui étaient le transfert des budgets globaux, Régie de l'assurance-maladie comprise, aux régions, la possibilité sur des bases régionales, peut-être même plus petites que les régions qu'on avait pu imaginer, de voir se créer des façons de faire différentes avec, comme corollaire de cette responsabilité financière, l'obligation de venir, de période en période, rendre des comptes sur les façons dont on faisait les choses.

L'AHQ a raison. Si on prend les hôpitaux comme ils sont aujourd'hui, organisés comme ils le sont aujourd'hui, les gains possibles de

productivité sont relativement petits. Ce qui nous permet de dire qu'il y a des choses qu'on peut faire, c'est que d'autres pays utilisent moins de ressources que nous et ont des résultats, la même chose, et qu'il faut donc changer de façon importante les choses. En Angleterre, on y revient encore, il y a eu des changements majeurs. Il y a des hôpitaux entiers qui ont fermé avec la réforme. On s'aperçoit, au bout d'un certain temps, que cette compétition publique à l'intérieur d'un système financé par l'État permet des changements, mais vraiment en profondeur. C'est ça qu'on appelle une véritable réforme et cette réforme-là, elle est encore à faire.

M. Trudel: Bien. Vous vous appelez le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé. Ce que vous venez de toucher, c'est qu'il faut qu'il y ait une espèce de consensus social quelque part pour en arriver à ces modifications, oui, profondes dans le structurel du système de santé et de services sociaux au Québec. Je pense qu'on pourrait résumer, avec ce que vous venez de dire: en santé aussi; des modifications structurelles assez profondes en santé.

Comme vous êtes un groupe de recherche interdisciplinaire, avez-vous regardé quelles sont les conditions sociales qu'il faudrait créer et comment il faudrait créer ces conditions sociales pour en arriver à ce que ce soit, à ce qu'on fasse le virage social? Je vais vous donner un exemple. Ils disent quelque part: Bien sûr, ça prendrait le courage politique de faire ça. Le courage politique de faire ça. Là, on est dans un système aussi. Et c'est très vrai, ce que vous dites. C'est très, très vrai. Je disais l'autre jour, un soir un petit peu tard, il y avait moins de journalistes, qu'entre la première page du Journal de Montréal qui dit: Je veux mon coeur-poumon demain matin, et de véritables investissements sur les déterminants de la santé, comment on décide ça, dans le système actuel, dans nos conditions sociales? Et des conditions sociales, ça, ce n'est pas naturel, ce n'est pas du vitalis-me, ce n'est pas de tout temps; ça se change, ça se modifie, ça. Avez-vous regardé ça, comment les créer, ces conditions sociales là?

M. Contandriopoulos: Encore une fois, c'est vraiment... On est dans des grands enjeux et, là, le temps est vraiment difficile, difficile, hein? Comment créer des conditions sociales favorables au changement? Je pense qu'il y a un tout petit élément important, c'est qu'une société fait ce qu'elle fait parce qu'elle a une espèce de vision d'un phénomène donné. Je m'explique. Si les gens, si le Québec, si les sociétés développées donnent tant d'importance au système de soins, c'est qu'on pense tous ensemble que la meilleure façon de soigner quelqu'un qui a un problème et qui a mal c'est de le faire aller chez un médecin, de lui donner des médicaments, de l'hospita- liser. Il y a une espèce de système de croyance sur l'efficacité de la médecine à améliorer les problèmes de santé qui est extraordinairement grand.

Ce dont on s'aperçoit, c'est que cette croyance-là, elle ne veut pas forcément dire que ça améliore ta santé du monde en termes de longévité, en termes de qualité de vie. Dans la mesure où on dit ces deux choses en même temps, on ne peut pas gérer facilement, comme vous le dites, le transfert de l'argent, de ce qui serait donné à quelqu'un qui a besoin d'un coeur-poumon à une politique donnant du lait à des mères dans les milieux défavorisés. Oonc, l'enjeu, je pense, actuellement... Et c'est pour ça qu'on était, au départ, très favorables au document qu'on étudie. C'est qu'on se dit: C'est vrai qu'une société responsable est une société qui se donne les moyens de dégager des marges de manoeuvre en permettant, d'une part, de répondre aussi bien qu'on le peut à cette exigence de soins quand on a mal et, en même temps, de pouvoir avoir les moyens de faire un peu plus dans le domaine de la pauvreté, dans le domaine du chômage, dans ces domaines que l'on sait être les véritables déterminants de la santé du monde.

C'est de ça dont on parle actuellement et toute notre argumentation, quand on dit qu'on n'a pas le droit de ne pas faire une réforme, c'est qu'on a la conviction que les modalités qu'on prend aujourd'hui pour trouver un peu de sous parce qu'on est en situation difficile risquent de nous empêcher demain de faire ce genre de choses là.

Le Président (M. Joly): Dr Pineault, vous avez un complément?

M. Pineault: Juste un petit commentaire. C'est malheureux, à cet égard-là, qu'on n'ait pas déjà - ce n'est pas un reproche que je fais au ministre - la politique de santé et des services sociaux. Je suis sûr que des éléments de réponse à votre question vont être contenus dans ça. Ce qui est intéressant - et, là, c'est sous forme de question - c'est dans quelle mesure le document du financement va-t-il nous permettre de réaliser la politique sociale? Parce que c'est la charrue en avant des boeufs. On ne finance pas pour rien. On finance pour avoir une orientation et je pense que ça serait intéressant de comparer les deux, la politique sociale et la politique de santé qui, sûrement, va ouvrir sur des choses d'interdisciplinarité et sur les questions que vous posez, entre autres tous les éléments du social. Mais comment le financement, tel qu'il est proposé, va-t-il permettre de réaliser la politique de santé et des services sociaux? C'est une question extrêmement importante, selon moi.

M. Béland: Juste une chose avant de... Ce n'est certainement pas en fiscalisant le débat sur la santé, comme le document essaie de le faire,

que l'on va atteindre le genre de choses que vous voulez. Le gouvernement, en ne mettant pas en parallèle une discussion sur les objectifs du système et son financement, en fart, n'aide en rien l'atteinte, la modification des paramètres dans lesquels un débat peut se faire. Le document, ce qu'il fait, c'est qu'il restreint le débat à là fiscalité. Et, quand on voit, ici, ce que les groupes disent, finalement, plus ou moins... C'est lin peu comme tout le monde qui est à la quête. M. et Mme de l'Association des hôpitaux du Québec disent: Bien voilà, ne touchez pas à mon budget, c'est les malades qui vont payer. Les pharmaciens disent: Bien voilà, ne touchez pas à mon budget, ce sont les personnes âgées qui vont payer. Les compagnies d'assurances arrivent ici et disent: Àh! la caisse passe, je pige dedans puis je prends mon butin. Effectivement, quand on restreint le débat à des termes fiscaux, on a un débat fiscal et ça, c'est la première erreur.

M. Trudel: On va alterner un petit peu. Je ne peux pas m'empêcher de faire une minute de commentaires là-dessus.

Le Président (M. Joly): Je vous la laisse.

M. Trudel: Effectivement, depuis le début de la commission - impression partielle - savez-vous, on est à la recherche de quoi? On est à la recherche du groupe le plus vulnérable pour savoir qui on va «puncher».

Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)

M. Trudel: Là, on tourne en rond et on va essayer de trouver le groupe le plus vulnérable pour savoir qui on va pincer pour un certain nombre de millions de dollars. On n'a pas abordé véritablement la question du modèle d'opération de nos affaires. Par ailleurs, il va falloir y revenir quand même. L'année prochaine, dans deux ans, dans trois ans, pour conserver ces acquis, assez inévitablement, il manquera de fric dans la caisse. Alors, ça aussi, il faut répondre à cette question-là: conserver nos acquis. Nous, on a donné une perspective là-dessus, mais ça existe comme situation. Si on ne veut pas s'attaquer aux véritables racines, on va se reconvoquer ici dans deux ans, trois ans ou quatre ans et on va dire: Ouf! l'impasse financière du système est indexée à l'indice des prix à la consommation. On a juste une impasse qui est plus grande. Je reviendrai là-dessus. Le ministre avait d'autres questions. J'avais convenu qu'il pourrait revenir.

Le Président (M. Joly): Merci. Une dernière question, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): L'impasse est très profonde, M. le Président. Je n'ai pas l'impression qu'on remplit le trou, j'ai l'impression qu'on le creuse, à la fois sur le plan idéologique et sur le plan fiscal. Et je me sens le devoir, M. le Président, de rappeler un certain nombre de choses.

Moi, je suis arrivé au ministère en octobre 1989. Rochon avait fait le tour, très bien supporté par des équipes de recherche. On a dit: C'est un système qui est prisonnier d'intérêts particuliers. Ça fait deux ans que la démonstration a été faite à nouveau, de manière très concrète. Il n'y a personne qui l'a vécue plus durement que moi en mettant la tête sur le billot pour dire que, la réforme, ça se fait en trois temps forts: une réforme des structures - ce qui était souhaité dans Rochon - et d'organisation du système; deuxièmement, un débat sur les finances, réclamé par l'Opposition - pas rien que l'Opposition, tout le monde, parce que c'est inévitable de le faire, le débat sur les finances publiques, y compris celui de la santé - troisièmement, une politique de santé et de bien-être.

Quand j'entends tout ce que j'entends, je me dis: Tu as été un maudit fou de t'embarquer là-dedans parce que, finalement, tout ce que tu as fait avec tous tes collaborateurs et tout ce que Rochon a fait, ça ne vaut pas de la merde. Il faut se le dire tel quel. Ça ne mène nulle part. Que de réussir, à mon point de vue, qui ai une petite expérience parlementaire depuis 20 ans, à déposer une loi qui voulait tenter de clarifier un certain nombre de structures, imparfaitement, il faut l'admettre, à la lumière de ce qu'on connaissait, premièrement. Elle a été adoptée, la loi 120. Elle a des défauts. On les corrigera, les défauts, comme ça a toujours été le cas du gouvernement. Probablement que nos avocats se sont organisés pour qu'il en reste un petit peu et qu'ils continuent d'avoir de l'ouvrage. Deuxièmement, qu'on fasse un débat public comme il ne s'en est jamais fait sur le plan de la fiscalité, avec des chiffres qui sont clairs. Ce n'est pas conjoncturel. Je regarde ça, de 1977-1978 à 1991-1992, c'est 20 000 000 000 $ qu'on a pelletés dans la cour des générations futures. 20 000 000 000 $, ce n'est pas conjoncturel, ça, c'est structurel. Chaque année, ils s'additionnent. On dit: II faut être capable de se poser la question, malgré le fait que le gouvernement fasse des choix. Il les a faits, les choix. Il a dit: Éducation, enseignement supérieur, santé. Des gouvernements, eux autres comme nous autres. On a dit: II faut mettre la part du lion là-dedans, mais ça ne nous empêche pas de poser des questions sur le plan du financement. C'est ça qu'on fait et, en même temps, du monde travaille pour faire la politique de santé et de bien-être qui va être là.

En l'espace de deux ans, du 10 décembre 1990 - date où on a déposé le projet de loi 120 - à aller au mois de juin 1992, on va être passé à travers le changement des structures, après un débat qui n'est pas facile parce que, quant à ces choix-là, les politiciens... Je n'ai pas

vu bien des politiciens qui se garrochaient pour aller annoncer au monde qu'ils allaient les taxer en additionnel et qu'ils allaient les tarifer. Je peux dire qu'ils sont pas mal courageux, ceux-là. D'habitude, ils se cachent et ils attendent le soir du budget. Il n'y a pas une discussion comme celle-là sur la place publique. Et, en plus, la politique de santé et de bien-être, qui va être publique avant la fin de juin, alors qu'on fasse ça en l'espace de 18 mois, moi, je n'accepte pas qu'on vienne me dire que rien ne s'est passé. Ce n'est pas vrai. On est dans une réforme très importante.

Quand on parle du débat sur le plan du financement du réseau, voici ce qu'on a privilégié et ce qu'on a dit: C'est en trois temps. Et c'est là, c'est présent. On ne peut pas dire que ce n'est pas là. C'est là, c'est clair. On dit que c'est en trois temps intervenir sur les niveaux de dépenses, et, là, on parle d'efficience, d'efficacité. C'est clair. C'est là. C'est ce qu'on fait depuis le début de la semaine en interpellant des gens. Tantôt, vous avez donné des exemples qui sont bons parce que, avec les médecins, hier, on les a repris. À partir de l'expérience de l'Angleterre, d'un peu partout, on a dit: Oui, vous êtes des gens qui occasionnez... On a dit: Le véritable consommateur du système - on m'a même dit ça hier - ce n'est pas le consommateur, c'est le médecin. Ça ne fait pas toujours plaisir.

On a dit ça. Après ça, on dit: II faut intervenir sur l'allocation des ressources. Oui, c'est vrai que le social est pauvre. Oui, c'est vrai que, dans la prévention, on n'a pas suffisamment investi au cours des dernières années et qu'il faut le faire et tenter de renverser la pyramide, ce que vous souhaitez, vous autres aussi, pour qu'on agisse davantage sur les déterminants que dans le curatif.

Après ça, on a dit, comme troisième, dans la mesure où nos problèmes financiers ne sont pas réglés: II y a le financement. Ça, ça fait partie de notre monde d'aujourd'hui. Et, moi pour un, ce qui est sacré, au-delà de mes responsabilités de santé et de services sociaux, c'est aussi l'inéquité. On se préoccupe de l'iné-quité entre les pauvres et les riches. On va devoir se préoccuper aussi de l'inéquité vis-à-vis des chômeurs - vous l'avez évoqué tantôt, les chômeurs, il faut s'en préoccuper un petit peu aussi - et de l'inéquité vis-à-vis des générations futures. Ça, je pense que la question, quand on se promène avec 20 000 000 000 $ qu'on va pelleter dans la cour des générations futures, moi, je trouve ça mauditement inquiétant de continuer à ce rythme-là. Il y a un problème qui est là, à mon point de vue, structurel.

C'est clair que, même si on prenait encore une heure ce matin, on ne réglerait pas tous nos problèmes. Je vais faire quelque chose parce que je ne veux pas vous laisser aller comme ça. Je serais bien malheureux si... S'il y a une place pour la discussion, je vais me réserver un après- midi avec vous autres, un bon après-midi avec vous autres parce que vous êtes un groupe que je considère comme étant un des groupes qui assument un leadership dans la société québécoise. On va reprendre notre discussion, non pas un par un, mais élément par élément. Je dois vous dire qu'on va avoir une discussion serrée, mais on va l'avoir pour le bénéfice, finalement, de tous nos concitoyens parce que c'est ce que vous visez et c'est ce que je vise, que ce soit noir, blanc ou gris. Voulez-vous être là?

M. Trudel: Oui, tout à fait, et publique. Je pense que vous avez raison, à mon avis. Il la faut publique. Je parlais de condition sociale tantôt. On ne peut pas se promener avec des paramètres en disant: C'est ça, c'est ce côté-là. Il y a deux écoles de pensée. Moi, l'Opposition, je relève le gant avec vous de dire: On va prendre un après-midi, ce sera public et...

M. Côté (Charlesbourg): Si vous êtes là, je considère que vous êtes public.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): On n'a pas besoin de commission parlementaire. Ce n'est peut-être pas le meilleur forum pour échanger sur des choses aussi importantes que celles-là, c'est-à-dire quand on parle de chiffres, de PIB et de tout ce que tu voudras, de fiscalité...

M. Trudel: Je ne veux pas tirer la couverte...

M. Côté (Charlesbourg): Non, non.

M. Trudel: ...mais vous vous souviendrez que je vous avais proposé de faire une table comme ça et ce n'était pas tout à fait celle-là. Je pense que, publiquement, il doit l'avoir parce que ces gens-là ont posé quelque chose de véritablement différent, qui est au coeur de tout le débat.

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, il y a ce mérite-là d'avoir interpellé. C'est sûr qu'on va se frotter sur les chiffres un peu. On va faire ça avant la fin de février. Avant la fin de février, ça va être fait.

M. Brodeur: M. le ministre, je vous remercie de votre invitation. Je vous ai lancé un peu la perche dans ma présentation, en vous disant qu'on était pour continuer le débat...

M. Côté (Charlesbourg): Vous allez continuer, oui.

M. Brodeur: ...et qu'on avait du plaisir avec ça. J'ai dit aussi, au début de ma présentation, que notre mémoire ne visait pas à promouvoir les

intérêts d'un groupe particulier. On a vraiment l'impression, dans nos discussions des derniers jours ou des dernières heures, que la majorité des groupes qui viennent ici prêchent pour leur paroisse et que le citoyen n'est pas dans le débat, alors que votre reforme était axée sur le citoyen, et qu'on représente peut-être un groupe d'acteurs. On ne veut pas jouer aux curés. On est un petit peu comme les protecteurs du citoyen dans le discours qu'on vous dit.

Ça a l'air évident dans les discussions qu'on a chez nous que ce serait effrayant, les résultats sur l'inéquité par les mesures qui sont proposées.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas...

M. Brodeur: C'est pourquoi notre mémoire s'intitulait...

M. Côté (Charlesbourg): ...je vais dire une affaire, je trouve ça effrayant que vous disiez...

M. Brodeur: ...«On n'a pas les moyens d'abandonner la gratuité».

M. Côté (Charlesbourg): Mais, quand vous dites une affaire de même, imaginez-vous donc, vous qui m'accusez d'être alarmiste dans mon document, est-ce que vous ne vous classez pas dans la catégorie des alarmistes? La sonnette d'alarme est là.

M. Brodeur: II y a de bonnes choses à être alarmiste, vous me l'avez dit tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): M. le député.

M. Trudel: Je comprends, en vous remerciant, que le débat n'est que suspendu, qu'on va le poursuivre. Ça me semble essentiel si on veut aller au fond des choses. Quand je parlais de condition sociale, moi, je n'accroche pas à votre expression en disant: Les citoyens au centre. Vous êtes des citoyens scientifiques. Vous êtes des citoyens avec un niveau de connaissances plus élevé et il faut que vous nous aidiez à voir la vérité pour être capables de dresser les bonnes politiques. Actuellement, effectivement, la conclusion du débat, jusqu'à maintenant, c'est: Si on peut trouver un groupe assez vulnérable... On ne sait pas si ça va être les optométristes, les dentistes ou d'autres. Mais le débat se limite à dire: Pas dans ma cour, et on va essayer de trouver le plus vulnérable pour le «puncher», celui-là, pour trouver de l'argent dans ses poches.

M. Brodeur: Si vous saviez comme on vous comprend et comme le GRIS a, lui aussi, des problèmes majeurs de financement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris, c'est que le président insiste pour être là aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Merci. On se verra à la fin de février.

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier.

J'appellerais maintenant l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux.

La commission reprend ses travaux. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais que la personne responsable s'identifie, s'il vous plaît.

M. Morin (Richard): Richard Morin.

Le Président (M. Joly): Pourriez-vous aussi nous introduire les gens qui vous accompagnent, M. Morin?

Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux

M. Morin (Richard): Oui. M. le Président, M. le ministre, M. le critique de l'Opposition officielle, mesdames et messieurs, permettez-nous tout d'abord de présenter nos remerciements pour l'invitation que vous nous avez transmise à faire part à la commission des affaires sociales de notre point de vue sur le document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens». (11 h 15)

J'aimerais vous présenter les membres de notre délégation: à mon extrême gauche, Mme Joanne King, membre du conseil d'administration et directrice des soins infirmiers à l'hôpital Sainte-Anne-de-Beaupré; M. Benoît Dumais, président sortant de notre Association et directeur des services professionnels au Centre hospitalier de l'Université Laval; à mon extrême droite, M. Claude Poirier, membre du conseil d'administration et directeur des services professionnels à l'hôpital Saint-François d'Assise, à Québec; M. Robert Savard, directeur général de l'Association de cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, et moi-même, Richard Morin, vice-président de l'Association et directeur des soins infirmiers au Centre hospitalier régional de Lanaudière, à Joliette.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Vous connaissez la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes et, par après, nous échangerons avec vous.

M. Morin (Richard): Très bien. J'aimerais également vous prier d'excuser Mme Mariette

Lavallée, présidente de notre Association, qui, malheureusement, ne peut être avec nous ce matin. Croyez qu'elle en est désolée.

Vous ne vous attendez sûrement pas à ce qu'on procède à la lecture intégrale de notre document. Donc, si vous le permettez, je me contenterai d'en faire ressortir certains faits saillants.

L'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux partage le diagnostic qu'effectuent les auteurs du document de consultation. Cependant, elle ne croit pas que l'on puisse conclure que le niveau des dépenses pour la santé et les services sociaux soit forcément suffisant ou qu'il pourrait même être réduit. Vu l'importance considérable de la question, l'Association croit que c'est à la population elle-même qu'il faut la poser: Désire-t-elle le développement des services tout en payant davantage ou, au contraire, tient-elle pardessus tout au plafonnement, voire à la réduction des coûts, même si, pour cela, il faut envisager une limitation des services et une réduction de leur développement?

Pour sa part, l'Association opte pour le maintien d'un panier complet de services offert par un réseau dont les standards seraient définis par l'État. Cependant, à l'instar de l'organisation des services dans le secteur québécois de l'éducation, ce réseau comporterait deux types de fournisseurs de services sociosanitaires: des fournisseurs publics comme actuellement, financés entièrement à même les fonds publics, mais, en plus, des fournisseurs privés dont le financement serait en partie public, en partie privé. L'émergence de fournisseurs privés pourrait redonner au citoyen-consommateur le libre choix de la ressource. En outre, comme les services effectivement rendus par les fournisseurs privés ne seraient qu'en partie financés à même les fonds publics, la pression sur ceux-ci pourrait diminuer et même, à niveau égal de financement public, la demande globale de services pourrait être mieux satisfaite. En outre, l'existence parallèle de fournisseurs privés devrait créer une situation de compétitivité entre les fournisseurs de services, y compris les fournisseurs publics, ce qui obligerait à une meilleure efficience.

Ingrédient nécessaire à l'amélioration souhaitée, l'État doit accepter d'intervenir moins et mieux et de confier davantage de pouvoir d'initiative aux gestionnaires locaux dans la réponse à faire au consommateur demandeur de services. En outre, l'indispensable respect des ressources humaines doit s'incarner dans une suite de gestes concrets et cohérents. De plus, le citoyen-consommateur doit être responsabilisé, c'est-à-dire qu'il doit assumer directement lui-même les conséquences de ses choix qui ont un impact négatif sur sa santé et, à l'inverse, on doit créer des incitatifs économiques favorisant le développement d'habitudes-santé chez lui, qui ont pour effet de limiter les efforts collectifs dans le financement des services de santé et des services sociaux. Enfin, notre Association appuie les efforts du gouvernement pour obtenir une révision de la collaboration fédérale-provinciale et, par le fait même, une plus grande marge de manoeuvre dans la gestion et dans le financement de notre régime de santé et de services sociaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Morin. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je pense que, lorsqu'on s'adresse aux cadres supérieurs du gouvernement, on s'adresse à des gens qui sont très près de l'action ou confrontés, que ce soit dans le domaine social ou dans le domaine de la santé, à toute la problématique qu'on vit, disons, de rareté des ressources, à ce moment-ci - j'imagine que vous étiez présents aux échanges qui ont animé la matinée - et ce n'est pas toujours clair où on peut se diriger sans créer trop, trop de traumatismes.

Mais vous êtes des gens très impliqués dans le quotidien et dans la révision que nous sommes en train de faire. Ce qui me frappe un peu dans votre proposition, et on va y aller tout de go, public et privé... Si je comprends votre proposition, vous n'êtes pas fermés et vous allez même dans une proposition où le privé pourrait prendre une place un peu plus importante. Ce que vous nous dites, c'est que, dans la mesure où le privé prendrait une place un peu plus importante, mais où le financement serait majoritairement public, on se comprend, ça pourrait amener une saine compétition, sans pour autant que les individus, donc nos citoyens, aient moins de services, moins de qualité de services, alors que - vous avez entendu tout le débat d'avant ou la démonstration - il semble, dans la tête de certains - et quand je dis «certains», c'est avec un gros «s» parce qu'ils ne sont pas tout seuls; il y en a d'autres qui pensent ça - que ça puisse nous amener vers une déviance très dangereuse où le citoyen ne trouvera pas son compte. J'aimerais vous entendre davantage parce que vous êtes les premiers à aller aussi loin dans cette voie-là. J'aimerais vous entendre davantage, avec toutes les craintes que ça suppose.

Le Président (M. Joly): M. Savard, s'il vous plaît.

M. Savard (Robert): M. le Président, je pense que M. le ministre a vraiment saisi l'essentiel du message que nous voulions passer. Nous tenons à dire aux membres de la commission que ce n'est pas une habitude que nous avons, nous, les représentants des gestionnaires, d'oser nous exprimer sur la place publique et devant nos institutions publiques, comme l'Assemblée nationale, à titre de citoyens.

M. le ministre l'a rappelé, c'est vrai que

nous ne sommes pas des cadres supérieurs du gouvernement, mais nous sommes des cadres supérieurs d'organismes parapublics essentiellement financés par les fonds publics. Généralement, nous sommes toujours empressés de dire deux choses: comment les choses devraient être faites dans la gestion quotidienne... et nous l'avons fait aussi; s'il faut battre notre mea-culpa, il n'y a pas d'hésitation à le faire. Lorsque nous avons cru nécessaire de rappeler que nous existions pour que les règles du jeu soient meilleures, nous l'avons fait. Mais, cette fois-ci...

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! On va en avoir une partie pour le gestionnaire aussi, après ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savard: Mais, cette fois-ci, nous avons vraiment fait l'effort d'essayer de représenter le point de vue des citoyens que constituent nos membres, des citoyens qui, bien sûr, comme d'autres - on n'a pas le monopole de ça - occupent une place d'observation extrêmement informative. J'imagine que personne ne contestera que, pour se débrouiller dans le système, pour minimiser les misères du système et pour bénéficier des avantages, on est parmi les gens qui savent le faire. Ce qui a motivé les propositions que le ministre qualifie d'avancées - et j'espère qu'elles ne sont pas trop avancées - ce qui nous a motivés, c'est l'esprit même qui gouverne, qui inspire toute la réforme et, au-delà des mots, de faire la réforme, une réforme qui soit axée sur le citoyen. L'interrogation que nous avons - j'aimerais mieux parler d'une interrogation que de propositions précises parce que nous ne sommes pas des citoyens experts; nous ne sommes pas experts pour représenter les citoyens - c'est de dire: Un système monopolistique comme le nôtre ou quasi, dont les coûts sont bien contrôlés, est-ce que cela n'a pas pour effet de limiter de plus en plus le choix du citoyen-consommateur? Quand on observe l'activité des fournisseurs de services ailleurs que dans notre système, on se rend compte que, même dans l'éducation, les fournisseurs de services sont en concurrence entre eux pour trouver des moyens d'attirer chez eux les consommateurs, les citoyens qui veulent utiliser leurs services.

Dans notre réseau, ce qui nous a frappés, c'est le paradoxe suivant, que, dans le fond, on a trop de clients. Si on en a moins, on va mieux respecter les budgets et, si on est capables, si le système ou un élément du système est capable de référer ou d'envoyer un client ailleurs, là où il y a une multiplicité de ressources, bien, c'est tant mieux. Nous pensons que - et c'est l'interrogation que nous avons et l'inquiétude que nous véhiculons - à plus long terme, certainement, ce n'est certainement pas une façon de faire virer le système vers le citoyen.

Nous pensons que pour redonner au citoyen le choix, pour redonner la possibilité au citoyen de dire à un fournisseur de services: Je ne suis pas satisfait, je vais aller ailleurs, il faut qu'un ailleurs existe. Si on se base sur le système de l'éducation, on peut dire que tout le secteur privé contribue sérieusement, bien que financé en partie par les fonds publics, à ce que toute la mission éducative d'accès universel soit bien assumée. S'il fallait, du jour au lendemain, rendre publiques toutes les institutions privées, donc assumer les conséquences financières, probablement qu'on ferait moins.

Bien sûr qu'on a certainement dû voir qu'il y a des difficultés dans la position que nous faisons, nous les voyons. Il y aura des citoyens qui n'auront très certainement pas le choix d'avoir recours à d'autres ressources que la seule qui existe. Donc, il y a des endroits où, très certainement, il sera difficile, pour des raisons géographiques, pour des raisons économiques, qu'il n'y ait pas qu'une seule ressource. Mais ce qu'on se demande, c'est: Pourquoi faudrait-il que tout le monde soit dans le même sac alors qu'il y a des regroupements de population importants au Québec? Pourquoi faudrait-il empêcher les gens qui ont la compétence et les ressources et qui sont capables d'organiser la dispensation de services aux citoyens qui veulent avoir recours à eux, pourquoi empêcherions-nous ça? Comme société, on voit des inconvénients à ce que ces choses-là se fassent.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Sur le modèle, parce qu'on parle un peu d'éducation et un peu de santé, est-ce que ça s'inspirerait davantage du système de santé? Prenons pour exemple des centres d'accueil privés conventionnés par rapport à des centres d'accueil publics, juste pour terminer. Finalement, la totalité des sommes dédiées à ces personnes-là moins la contribution des bénéficiaires pour l'hébergement est donc du domaine public, ou un système d'éducation comme l'école privée - prenons-le - où une partie est payée par l'État et l'autre partie est payée par ceux qui ont les moyens d'y aller. Est-ce que vous vous référez davantage au modèle de l'éducation ou à un modèle éventuellement de privé conventionné?

M. Savard: Nous nous référons davantage au modèle de l'éducation parce que le modèle...

M. Côté (Charlesbourg): C'est encore plus audacieux que je pensais.

M. Savard:... des centres d'accueil privés nous paraît trop proche, tant qu'à faire image, du système public actuel. (11 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. C'est clair. Évidemment, il n'y a pas de miracle qui se fait dans le privé non plus quand il rentre dans la gestion du réseau. Quand tu regardes les paramètres, il y a peut-être supposément un peu moins de cadres, mais, encore là, il faut voir. La démonstration n'est pas clairement faite sur le terrain.

En tout cas, c'est audacieux. On pense, à ce moment-là, encore à une formule qui va plus loin que les OSIS aussi dans ce cas-là.

Est-ce que les craintes véhiculées par rapport au privé... Est-ce qu'à ce moment-là on ne s'orienterait pas davantage vers une médecine comme celle des États-Unis où les plus riches auraient droit à des services que les plus pauvres ne seraient pas capables de se payer? Je pense que la question...

M. Dumais (Benoît): M. Côté, je vais aborder cet aspect-là parce qu'on y a réfléchi aussi, mais en se situant. On va rejoindre le document du ministère là-dessus facilement en disant que la triade - la réforme, le financement et les objectifs de santé - on y croit, et on situe notre proposition à l'intérieur de ça. En juin, on aura une politique de santé et c'est cette triade-là qui va donner la signification, comme ont dit plusieurs groupes antérieurement, à notre réseau.

Deuxièmement, je pense qu'on peut réaffirmer sans aucun doute qu'on ne croit pas, nous, que le ministère, au moins au Québec, se soit désengagé depuis 10 ans. Ça nous semble évident. Mais il y a quelqu'un qui s'est désengagé, il ne faut pas l'oublier...

M. Côté (Charlesbourg): Ah!

M. Dumais: ...ça va faire plaisir à M. Côté, c'est le fédéral. Ça, c'est scandaleux, c'est dégueulasse. Disons-le.

Je rappelle que, dans un...

M. Côté (Charlesbourg): Vous savez qu'on organise un train pour Ottawa?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumais: On va y aller, on va y aller. C-3 qu'il s'appelle? Un train de mesures C-3?

M. Côté (Charlesbourg): On va faire beuh! beuh! là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Parfait. On est habitué, au Québec. On fait ça, des voyages d'autobus.

M. Dumais: Oui.

M. Trudel: On n'a jamais rien, mais ça ne fait rien, on aime ça, les voyages.

M. Dumais: Je voudrais rappeler, comme on l'a fait la dernière fois, lors de la dernière commission parlementaire, que, dans 1 000 000 000 $, il y a mille 1 000 000 $. Je trouve ça vertigineux. Nous, on pense, probablement comme certains regroupements, qu'il y a suffisamment d'argent. Qu'il soit mal distribué, qu'il soit mal interrégionalisé ou entre les établissements, ça, il y a des problèmes de ce côté-là.

Le citoyen - je m'approche de ce qu'on appelle la privatisation - nous, on voit ça, et on rejoint aussi le ministère là-dessus, au niveau des services complémentaires. Prenons l'exemple des médicaments, M. Côté en a parlé plusieurs fois. Moi, je suis poigne tous les jours, et je le dis clairement, à distribuer en clinique externe des médicaments à une clientèle par laquelle je suis complètement dépassé, à laquelle je dois fournir gratuitement des médicaments. Retirons les gens du bien-être social, retirons même les gens de 65 ans et plus et on a constaté, les officiers du ministère, récemment, que 1 500 000 de Québécois âgés entre 18 et 65 ans n'ont aucune assurance-médicaments. Ça me bouleverse. Je ne comprends rien là-dedans. Moi le premier - et on n'est pas élitiste en disant ça - je connais un paquet de gens qui ont les moyens de s'assurer pour se payer des médicaments.

Alors, oui, il faut laisser aller des champs complètement, il faut désassurer des champs complètement et permettre au citoyen dont on parle depuis le début d'exercer des choix et des responsabilités par rapport à sa santé.

Deuxièmement, puisque l'assurance-santé coûte à peu près 1000 $ par année, je donne l'exemple faramineux de l'assurance dentaire qui coûte, si on voulait l'offrir à tous les Québécois, à peu près 1000 $ par année pour quelqu'un, une famille qui veut s'assurer, est-ce qu'il faut que le gouvernement embarque là-dedans encore une fois? Dépendant de notre affiliation politique ou sociale, on va dire: Oui, bien sûr. Mais il y a une limite à tout. C'est ce qu'on dit et on pense que les gens sont capables, que certaines personnes sont capables de s'assurer sur des services, même de base et, surtout, complémentaires.

Donnons l'exemple très, très -concret qui est très à jour: les pontages ou les chirurgies cardiaques. Dans la mesure où les standards actuels du réseau, au niveau de l'accessibilité, ne seraient pas modifiés par un bout de privatisation, on embarque. Si, moi, je dois attendre actuellement - non, M. Côté, c'est mieux - neuf mois pour avoir une chirurgie cardiaque, disons, disons huit mois, neuf mois...

M. Côté (Charlesbourg): Vous risquez de perdre un ministre extraordinaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumais: Je ne vous le fais pas dire. Parce que le temps d'attente est trop long ou... Alors, disons que c'est neuf mois pour tout le monde, même pour les gens de l'Opposition, pour avoir une chirurgie cardiaque. Et on embarque un bout de privatisation là-dedans, avec des services carrément privés, mais dont les standards sont prévus par le public, sont normalisés, sont balisés. Je ne sais pas moi, le Dr Poirier, à droite, lui, peut y avoir accès, parce qu'il paie sa surprime, en deux mois. Mais tant mieux pour lui, en autant que, pour vous, c'est encore neuf mois. Dans ce sens-là, on croit que, s'il y a des balises et des standards de qualité au niveau du système, on embarque là-dedans facilement et on appuierait, comme entrepreneurs, le ministère là-dessus n'importe quand.

Ça peut paraître paradoxal. Nous sommes des cadres supérieurs, nous sommes des cadres du réseau. On dirait qu'on vient de perdre des jobs en disant ça, mais on n'a pas peur de la concurrence parce qu'on a l'impression d'avoir pas mal d'expérience là-dedans pour avoir maintenu le niveau de dépenses actuel, au Québec, dont d'autres intervenants sont responsables aussi. Alors, on entre d'entrée de jeu carrément là-dessus et c'est ce qu'on vous propose.

M. Savard: D'autant plus, pour ajouter un détail dans l'exemple donné par le Dr Dumais, que certainement ceux qui réussiraient à aller sur la courte liste libéreraient d'autant la longue liste.

M. Côté (Charlesbourg): Mais est-ce que ça n'a pas...

M. Savard: Le Dr Poirier voudrait compléter, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Poirier (Claude): Moi, je travaille dans un hôpital qui a un gros département de toxicomanie et, tous les jours, je ne comprends pas... Ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est comment, dans le secteur de la toxicomanie, on accepte qu'il y ait une forte privatisation des services. Pourtant, c'est un problème social important, c'est un problème médical important. Je me sens très à l'aise avec la mission que l'hôpital se donne par rapport à la toxicomanie et je ne vois pas pourquoi des individus qui ont les moyens ne pourraient pas consulter dans des ressources privées, en autant que l'État se donne un certain type de standards d'accès pour une clientèle qui n'en aurait pas les moyens. Je ne pense pas que le type de services que j'offre à l'hôpital Saint-François d'Assise soit moins bon que le type de services qui va être donné, disons, à Jean-Lapointe. Par contre, il y a des standards qui doivent être définis. Je pense que c'est ce que le ministère tente de faire actuelle- ment, au niveau de la toxicomanie, dans le secteur privé. C'est un peu cet exemple-là. pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas accepter que, dans le secteur psychiatrique, un secteur privé puisse se développer? pourquoi est-ce qu'on doit accepter des cliniques de prélèvements avec des délais d'attente d'un mois, de deux mois, parce que les établissements de santé publics n'ont pas les ressources, si on peut permettre à des groupes d'individus, par le biais d'une assurance privée, de se doter d'une clinique de prélèvements avec examen privé? je pense qu'il y a peut-être des variables au niveau des membres de la commission à savoir quel devrait être le pourcentage que l'état devrait consacrer au financement de ces services mi-publics, mi-privés. je pense qu'il peut y avoir des balises ou des différences, mais il y a un certain type de favoritisme et, de toute façon, les gestionnaires du réseau manipulent quotidiennement. il ne suffit que de savoir que, pour une technologie qui est excessivement rare et dont les délais sont très longs, il y a toutes sortes de façons de devancer ces délais et que c'est une forme de privatisation, entre guillemets. je ne vois pas pourquoi une entreprise ne pourrait pas être mise à jour et, par le biais d'une coassu-rance privée, favoriser un accès pour des gens qui favorisent, qui veulent mettre plus d'emphase sur l'accessibilité plus rapide à certains types de services privés. je pense que, comme on a dit, c'est rétablissement des standards de base pour le réseau public et, moi, je favoriserais de beaucoup ce genre de services.

M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite vite qui s'ajoute à ça, parce que, évidemment, il nous vient à l'esprit, quand on entend ça, le modèle américain qui n'est pas nécessairement un modèle à suivre parce qu'on s'est retrouvé dans des situations où les gens paient plus. On dépense davantage et il y a moins de monde bien servi. On sait que les médecins supposément les meilleurs se retrouvent dans des cliniques pour ceux qui ont les moyens de se les payer. Qu'est-ce qui serait différent dans un système comme celui-là de celui des Américains et qui ferait qu'on éviterait les erreurs des Américains?

M. Savard: La difficulté que vous mentionnez, M. le ministre, est tout à fait réelle, mais ce qu'on peut observer au Québec, d'abord c'est - on a parlé de monopole - certainement une certaine forme de prédominance du secteur public, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Ensuite de ça, il y a des facteurs aux États-Unis qui contribuent à la hausse des coûts qui n'ont absolument pas leur place au Québec. Bien sûr, on a la même technologie. Ça coûte aussi cher, la technologie, ici, j'imagine, qu'aux États-Unis. Mais prenez tout le problème, dont vous êtes tout à fait au courant, de la responsabilité des professionnels et des fournisseurs de services.

C'est un véritable scandale social aux États-Unis. Il y a des gens qui considèrent peut-être que d'avoir un accident, de la part d'un fournisseur, c'est presque gagner à la loto. Ici, ce genre de situation va peut-être - il ne faut jurer de rien - un jour, se développer, mais ce n'est certainement pas le cas. Alors, les inquiétudes qu'inspire la situation américaine, bien sûr, il faut en tenir compte, mais il ne faudrait pas transposer ça du jour au lendemain. Les iniquités, le déséquilibre qu'il y a dans le système américain s'explique par un certain nombre de choses qui n'existent pas ici; par contre, existent ici des facteurs stabilisants.

M. Côté (Charlesbourg): Je reviendrai avec...

Le Président (M. Joly): Parfait. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci de nous présenter cette vision de l'évolution du système, MM. et Mmes des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux. C'est étonnant, c'est étonnant. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est étonnant et, en même temps, j'oserais dire, par rapport à certaines autres dimensions, courageux. C'est quasiment comme de l'automutilation pour vous autres parce que, si on s'en va plus vers le privé, il va en disparaître, vous allez être trois la prochaine fois.

M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est des citoyens qui parlent...

M. Trudel: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...avec leur expérience.

M. Dumais: On pourrait être engagé au privé aussi, par notre compétence.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui, c'est ça. Bien, justement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Et probablement mieux payés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumais: C'est ça.

M. Trudel: Allons-y directement, là-dessus.

M. Côté (Charlesbourg): Un suicide.

M. Trudel: C'est la fuite en avant. Justement, sur cet aspect-là, n'avez-vous pas l'impression... parce que c'est assez clair. Vous choisissez ce qui est généralement connu dans les écoles de pensée... Il y a deux grandes écoles. C'est: Travaillons sur les déterminants de la santé, «all blame the victim». C'est la faute de l'individu s'il ne prend pas soin de sa santé. C'est à lui de se prendre en charge et de s'occuper de ses affaires. Vous autres, vous choisissez l'école «blame the victim», et ça existe très nettement comme école de pensée. Vous dites dans votre mémoire quelque part, au départ vous avez souligné ça, qu'il faut que l'individu se prenne en charge et soit responsabilisé parce que c'est lui qui est le déterminant de ce qui lui arrive, peu importent les conditions sociales dans lesquelles il est situé. Là, il y a toute une école de pensée qui est assez bien développée depuis une dizaine d'années, qui a été, au Québec, ici, largement véhiculée par le Conseil des affaires sociales, surtout autour d'un document qui s'appelle «Objectif santé», qui a démontré que les facteurs individuels, finalement, on ne peut pas y aller sur «blame the victim», parce que c'est les conditions environnementales dans lesquelles on est situé qui font qu'on aboutit dans le système de la santé et des services sociaux.

Moi, je veux bien, sur une certaine compétition, mais reprenons la boutade que vous venez de faire sur la compétition installée. Est-ce que ça veut dire, ça, que la compétition entre le privé et le public qui pourrait s'installer va supposer, par exemple, au niveau des salaires, qu'il va y avoir les mêmes salaires chez le privé et chez le public? Et cette forme de glissement qui est dénoncée par d'aucuns qui disent que ce qui est meilleur va s'en aller au privé parce que, par définition, ils sont meilleurs... Donc, ça va coûter plus cher et on va payer plus cher. C'est là qu'on va se réveiller avec un système à deux vitesses où les bonnes ressources vont coûter plus cher, mais vont être dans le circuit privé, et où les ressources de moins grande qualité vont s'occuper du monde de moins grande qualité qui a moins de ressources, au public, et on va marcher en parallèle comme ça, avec probablement une distanciation dans le temps, qui va inévitablement se produire. Est-ce que ça suppose que tout le monde serait égal et qu'on serait dans le privé conventionné ou si c'est vraiment le système privé versus le système public?

M. Savard: M. Trudel, je pense qu'il y a plusieurs aspects à votre question. Sur la première question, la typologie à laquelle vous faites référence en nous assimilant à l'école «blame the victim», naturellement, une typologie, c'est utile, généralement, pour comprendre les choses, mais je dois vous avouer que, même si notre mémoire a pu laisser croire qu'on appartenait à l'école de «blame the victim», nous ne sommes pas de cette école-là. Nous adhérons bien davantage aux courants de pensée qui ont été prônés, comme vous l'avez dit, par le Conseil des affaires

sociales et de la famille.

M. Trudel: Si vous voulez, on va juste...

M. Savard: Quand nous parlons de la responsabilisation de citoyens, de contribuables utilisateurs de services pour certaines pathologies, naturellement, nous pensons à des choses auxquelles pense tout le monde. Il y a vraiment des gens qui, par leurs choix personnels, sans que la société ne les pousse vers ces choix-là d'aucune façon, des gens qui sont complètement responsables de leurs choix, continuent à avoir des pratiques contraires à la santé et il n'y a pas vraiment de raisons pour lesquelles la société devrait absorber ça. Mais bien sûr que les gens qui ont des problèmes de maladie courants, que ce soit causé par l'hérédité ou par un milieu social défavorable, il n'est pas question de jouer à «blame the victim» dans ces cas-là. Les personnes, par exemple, qui continuent de faire grand usage du tabac, les personnes qui continuent d'avoir des conduites dangereuses sur les routes... Je ne vois pas beaucoup comment, en général, les accidents de la route seraient causés par des injustices sociales.

M. Trudel: Non, non.

M. Savard: Quelqu'un qui est pressé et qui trouve que ça ne vaut pas la peine de respecter les limites de vitesse, écoutez... On peut peut-être rendre la société responsable de tout, mais...

(11 h 45)

M. Trudel: Pour prendre cet exemple, quand il y a une association au Québec en prévention routière qui a fait spécifiquement une carte des points noirs au Québec, c'est peut-être la courbe qui est mal dessinée et qui cause tous les accidents parce que ça arrive que toutes les victimes se cassent la gueule dans le même coin. Les conditions, c'est aussi cela. On a fait une carte. Le ministère des Transports, d'ailleurs, fait du réalignement. Ils ont un programme de correction des points noirs. Bon.

Parce qu'on peut dire: Ce n'est pas tout à fait la faute des conducteurs, c'est peut-être la faute de notre route aussi qui est mal faite. Quand ils se pètent tous la gueule et que ça coûte des frais à Marc-Yvan Côté, dans le fond, c'est nous autres, les Transports, qui sommes responsables collectivement. On a mal fait la route. Que voulez-vous que je vous dise? Nous autres, dans mon comté, on dit: Ils se pètent tous la gueule dans la courbe de la rivière Héva. Qu'est-ce qu'on attend pour la corriger, cette courbe-là?

Je ne suis pas en train de critiquer le ministère des Transports, ce n'est pas ça du tout. C'est l'école de pensée où on dit: II y a des points noirs sur les routes au Québec. On va corriger les points noirs. Comme les départements de santé communautaire qui sont venus nous dire: Écoutez bien, peut-être que ceinture de sécurité et ballon gonflable, comme obligation, ça pourrait enlever un certain nombre de personnes qu'on accueille dans le système au niveau des hospitalisations. Et ce n'est pas la faute de la victime, de la personne de conduire une automobile. Sur le marché, on a mis une voiture qui... On l'a poussée à consommer une voiture qui nous l'amène dans le système.

M. Savard: Je pense que, dans tout ça, il faut arriver à la conclusion qu'il faut être très nuancé dans ce genre d'avenues.

M. Trudel: Tout à fait.

M. Savard: On n'adhère pas au système «blame the victim», mais, lorsqu'il y a des gens qui sont responsables de leurs choix, il faut tirer des conséquences de ça. Sur les deux autres points que vous avez mentionnés, la compétition, c'est certain que la meilleure protection, selon notre point de vue de cadres, c'est leur compétence et leur capacité de gérer des services en réponse à des besoins de clientèle. Que ce soit dans des institutions publiques ou privées, ce qui nous importe, c'est que les droits des cadres, comme personnes, les normes les régissant soient de bonne qualité.

Pour le reste, s'il faut faire face à la compétition, les règles du jeu sont... Pourvu que les règles du jeu soient équitables, je pense qu'on peut demander à un cadre, surtout quand il est dans un service public, d'être capable de subir des variations dans la sécurité d'emploi qu'il a. Quant au système à deux vitesses, naturellement, nous ne sommes pas des experts pour analyser dans leurs détails toutes les conséquences.

Mais revenons au secteur de l'éducation. Est-ce que les cadres et même le personnel enseignant du collège Brébeuf ou du collège Marie-de-l'lncarnation sont des gens qui ont des conditions de travail si extraordinaires par rapport - je ne sais pas moi - au cégep André-Laurendeau qui vient de développer le programme du baccalauréat international et qui est pourtant un collège public? Est-ce que les conditions de travail du collège Notre-Dame sont telles qu'il siphonne les profs de - je ne sais pas moi -n'importe quel cégep que vous pouvez imaginer dans I Ile de Montréal?

La réponse, c'est non. Il y a une harmonisation qui est faite et il n'y a pas vraiment de raison de penser - à moins que, vous, vous n'en ayez, des raisons de penser, mais, nous, on n'en a pas - que les ressources vont tout d'un coup transférer d'un côté ou de l'autre.

M. Trudel: Mes raisons sont peut-être purement du comportement humain. Moi, voyez-vous, s'il y a quelqu'un qui vient me dire: Vous, M. Trudel, vous êtes recteur de l'Université du

Québec en Abitibi-Témiscamingue et vous gagnez 65 000 $. Voulez-vous devenir recteur d'une autre université aux mêmes conditions, mêmes responsabilités, et on va vous donner 150 000 $? Là, vous savez où je vais aller. Je peux dire: Pas rien que ça; je veux voir les conditions dans lesquelles je suis. C'est qu'il y a quelque chose de purement naturel là-dedans, dans notre société. On est dans un modèle capitaliste tout à fait respectable où les ressources les meilleures, quand elles sont dans le privé, c'est la compétition. Ici, c'est le modèle qui s'applique. Il n'y a pas de blâme sur quelqu'un ou quelque autre. C'est le modèle qui joue là-dessus.

Là, on est en matière de services sur des biens fondamentaux qui s'appellent la santé. Votre démonstration sur le plan chiffré est assez, à mon avis, exacte. Vous dites, dans le fond, grosso modo, qu'il y a plein de monde qui pourrait se payer les 1000 $ supplémentaires d'assurance, ce qui nous permettrait de servir les plus démunis et, par ailleurs, à ceux-là probablement d'être servis plus vite dans le système ou peut-être, en tout cas, d'être servis dans le système, avec le modèle qu'on avance. Nous, de notre côté, on dit: 1000 $ pour tout le monde, de façon à servir tout le monde et, surtout, grande démonstration que nous fait le document présenté par le gouvernement, contrôlons nos coûts parce que, ça, c'est une conséquence importante. Est-ce que la privatisation nous amène à contrôler nos dépenses totales de santé? La réponse, démontrée clairement par le document, c'est non. Plus la portion des dépenses est publique, mieux on contrôle nos coûts. Il est vrai, cependant, et c'est là-dessus que je vais vous poser une question, que, quand on prend une plus grande part de l'argent public pour des services publics, donc qu'on contrôle mieux nos coûts, il y a un jeu social qui s'installe quelque part qui s'appelle la liste d'attente. Est-ce qu'au Québec - vous y faites référence dans votre texte - dans le modèle dans lequel nous opérons actuellement - vous autres, vous êtes des gestionnaires de niveau supérieur - les listes d'attente sont rendues, à votre avis, socialement inacceptables?

M. Savard: Je vais laisser répondre les gestionnaires du réseau qui m'accompagnent, M. Trudel. D'autre part, disons, pour parler un peu de l'université d'Abitibi-Témiscamingue, que c'est évident que, lorsque vous aurez accepté un poste dans une autre université, il y aura peut-être cependant un autre candidat presque aussi valable que vous qui remplira le poste. Au Québec, on n'est pas à cours de ressources, on a de bonnes ressources humaines qualifiées.

M. Poirier: M. Trudel, si je vais jusqu'au bout de votre raisonnement, on oublie la base même de notre système de santé qui est un système excellent. La qualité des soins qui sont donnés dans le système de santé québécois est excellente, il n'y a pas de doute là-dessus. M. Trudel: Le document dit ça.

M. Poirier: Ce que vous me dites aujourd'hui, c'est: Toi, si tu as la possibilité d'entrer dans un autre réseau... moi, comme consommateur, je vais accepter de payer 1500 $ ou 2000 $ de plus pour aller dans un autre réseau en pensant que je vais aller là parce que je pense que je vais avoir de meilleurs services de santé. Ce n'est pas ça que je vous dis. Je vous dis: Comme il y a des individus de la classe des cadres supérieurs qui envoient leurs enfants à l'école privée et qu'il y en a d'autres qui ne valorisent pas ça, il y a des individus qui veulent avoir le pouvoir de dire: Je m'en vais du côté privé. Ça ne veut pas dire qu'ils vont avoir de meilleurs services de santé. Ce que vous nous dites, c'est que l'argument pour empêcher ça, c'est de dire qu'il va se développer un meilleur système privé, comparativement au système public. La base de notre système est différente de celle du système américain qui a toujours été un système privé et public. Nous, on part d'une base qui est une base non seulement acceptable, mais une base extraordinaire, en termes de qualité de soins et en termes de qualité d'accessibilité. Il y a des défauts, mais on dit que... le raisonnement qu'on vous apporte, c'est de dire que ça va peut-être sortir un certain nombre de clients du réseau, pour permettre de contrôler un certain nombre de coûts. c'est l'argumentation qu'on pourrait développer avec vous. quant aux listes d'attente, je sais, entre autres - exemple - qu'à montréal, pour la prostate, ça prend six mois, un an; dans la région de québec, un mois. il y a déjà une iniquité dans les délais d'attente, par rapport à certaines régions. ce n'est pas une iniquité de classes sociales, c'est une iniquité de localisation.

M. Trudel: C'est le système.

M. Poirier: Pourquoi les gens de la région de Montréal n'auraient-ils pas accès à une clinique d'urologie où les gens pourraient, s'ils ne veulent pas attendre 9 mois ou 10 mois parce que le réseau n'a plus d'argent à mettre dans ce... Je pense qu'on peut cibler. La santé mentale est certainement un secteur où on pourrait cibler. Ça ne veut pas dire qu'on ouvre «at large» l'ensemble, mais il y a certains services qui pourraient être ciblés pour désengorger et peut-être diminuer la pression sur les coûts. C'est l'argument qu'on voudrait invoquer avec vous.

M. Dumais: Je voudrais faire boomerang sur les déterminants de la santé parce que, s'il y a des gens qui en mangent, c'est bien nous. On ne veut pas remettre, au contraire. On sait que les déterminants de la santé sont plus importants

que le réseau de la santé, pour la santé des citoyens du Québec. Alors, l'idée, ce n'est pas de faire de l'égocentrisme ou de penser que le réseau de la santé et des services sociaux, actuellement, est le principal déterminant, on en doute. Quelqu'un qui n'a pas de job et qui se met à prendre un coup, qui entre dans un trou noir, dont vous parlez, je pense que c'est un problème de société, ce n'est pas un problème du ministère de la Santé. Alors, c'est dans ce sens-là qu'en dégageant, en désassurant certains services pour une certaine clientèle qui pourra toujours revenir en chercher dans le réseau public, c'est son choix, comme pour l'Éducation, on pense pouvoir dégager des points fiscaux, des dollars pour que l'emploi et les autres niveaux d'activité au Québec puissent fonctionner à plein régime. Alors, l'idée, c'est vraiment de faire du terrain à ces nouveaux dollars qu'on devrait arrêter d'investir dans le réseau de la santé.

M. Trudel: En tout cas, là-dessus, il faudrait à tout le moins corriger votre phrase dans votre résumé. Vous dites très carrément: «Enfin, le citoyen-consommateur doit être responsabilisé, c'est-à-dire qu'il doit assumer directement lui-même les conséquences de ses choix qui ont un impact négatif sur sa santé.» Bon. Ce n'est pas tout à fait ça que vous me dites là.

M. Dumais: II faut nuancer.

M. Trudel: II faut nuancer de beaucoup parce que ça c'est la définition pure théoriquement de ce qui s'enseigne à l'université de «blame the victim». II ne peut pas y avoir meilleurs mots que ça, c'est ça. Mais, comme le temps file, là-dessus, vous avez rectifié. Mais, tout en disant, dans votre réponse, qu'il peut aller chercher le service ailleurs quand il ne l'a pas dans le public, de façon à dégager de l'argent pour, par exemple, créer sa job au niveau du développement économique, donc d'agir sur les déterminants de la santé, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, ce dollar-là, il n'est pas plus disponible pour la création d'emplois. Ce qu'il est important de considérer, c'est la dépense totale de santé et non pas uniquement la dépense publique ou la dépense privée. Deux conséquences ou deux éléments fondamentaux que le document nous donne, c'cot que plus la part des dépenses de santé est publique, meilleur est le contrôle sur les coûts. Donc, la conséquence, c'est qu'il n'en reste plus pour le développement économique. À l'inverse, plus la partie est privée, moins il en reste pour le développement parce que la dépense totale augmente. Alors, il faut faire attention quand on manipule ces chiffres-là.

En conclusion, et c'est une question en même temps, vous dites: Le problème dans le système public, c'est parce qu'on a trop de clients - c'est ça? - on a trop de clients et, nous autres, on pense qu'une des solutions est de les envoyer ailleurs. Mais le client est toujours là.

M. Savard: Je n'ai pas dit qu'on pensait ça. M. Trudel: J'ai compris ça, tantôt. M. Savard: C'est un paradoxe.

M. Trudel: Je vais vous dire franchement, tout le monde a été étonné, hier soir, évidemment, d'entendre cette phrase qui va devenir célèbre dans l'enjeu des élections américaines. C'est clair. Ils se sont positionnés deux gangs, hier soir. Bush s'est positionné hier soir. Il a dit: Un Medicare comme le système québécois, c'est une gangrène socialiste qui ronge une société. Du même coup, ce qui est extraordinaire, du même coup, tout ça résumait notre débat, il ajoute: Cependant, nous allons voir à travailler ça par des crédits d'impôt pour les plus démunis. C'est extraordinaire! C'est extraordinaire! Il dit que c'est une gangrène socialiste de s'occuper de notre santé publiquement et, en même temps, il reconnaît que c'est totalement problématique et il dit: On va regarder ça par des crédits d'impôt au niveau des plus démunis. Ça résume complètement le débat. Ou c'est les compagnies d'assurances privées qui font la job et qui font que les coûts augmentent ou on choisit de le faire ensemble et de se répartir collectivement le coût et la qualité des soins.

Les écoles sont campées. Quand on dit qu'on va tenter - je termine là-dessus, M. le Président, je sais que je suis long - de protéger les plus démunis par des crédits d'impôt, on s'en va directement vers Medicare, Medicaid. Il y a un programme aux États-Unis pour combler les plus démunis. Ça s'appelle Medicaid. Il va falloir le dire, un jour, ça. Les 30 000 000 ou 50 000 000 d'Américains qui ne sont pas couverts, qu'on dit qu'on laisse passer à travers, c'est qui? On n'a pas dit ça. On entend rarement ça sur la place publique. C'est qui, les 30 000 000 à 50 000 000 d'Américains qui passent à travers le filet et qui n'ont pas de services, qui ne sont pas capables? Ce n'est pas les plus démunis. Détrompez-vous! La classe moyenne. Exactement ça. Ce n'est pas les plus démunis et ce n'est pas les plus âgés parce qu'il y a Medicare et Medicaid. C'est juste ceux et celles qui sont sur la frontière et qui sont dans la classe moyenne. Ceux-là qu'on laisse tomber quand on s'en va dans cette direction et ceux qu'on laisserait tomber, c'est encore la classe moyenne qui, actuellement, paie le plus. Il faut faire attention. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le ministre. Vous nous donnez de la misère! (12 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Je me rappelle que, dans notre petit document, à la page 22, on

parlait des listes d'attente, dans le paragraphe d'en bas. On disait ceci: «En fait, ces phénomènes sont présents dans tous les systèmes publics offrant une couverture universelle de services. Même si l'on pouvait investir 1 000 000 000 $ - disait-on, 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $ ou 500 000 000 $ - il est probable que les listes d'attente demeureraient. Les listes d'attente représentent en quelque sorte le revers de l'avantage fondamental de notre système: une chance égale pour tous» les citoyens.

Tantôt - et vous avez parfaitement raison, d'ailleurs, c'est une question qui est fondamentale - On parlait du traitement pour la prostate: six mois d'attente à Montréal, un mois à Québec. C'est vrai que ce n'est pas une chance égale pour les citoyens, compte tenu de son état ou de l'urgence de son état. C'est vrai en cardiologie. C'est un peu vrai, moins vrai un petit peu. Ça prend des mesures. C'est vrai que notre système a aussi ses inégalités et qu'il ne faut pas... Même s'il est bon et qu'on veut le conserver, il faut le travailler...

M. Trudel:...

M. Côté (Charlesbourg): Hein? Comment?

M. Trudel: En Abitibi, tu sais ça. C'est vrai.

M. Côté (Charlesbourg): Oh oui! C'est clair. C'est assez clair et je pense, là-dessus, qu'il y a beaucoup de gens puis beaucoup d'efforts. Je pense que la solution d'interpeller que vous proposez a le mérite d'être audacieuse. C'est ça qu'il faut, c'est ça qu'on voulait dans la commission parlementaire, interpeller et tenter de venir avec des solutions même audacieuses, qui interpellent et qui forcent à questionner puis à voir les avantages, les désavantages et où est-ce que c'est qu'on peut en donner plus aux citoyens pour plus ou moins le même argent. Je pense que ça, c'a ce mérite-là et je trouve ça excellent. J'avais dit tantôt que j'aurais une petite question, même si on dépasse tout le temps. Évidemment, si on ne mange pas, il y aura moins de problèmes pour nos dents...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): ...comme c'est les dentistes cet après-midi. Puis on n'aura peut-être pas de problème de vue non plus parce que, après ça, c'est les optométristes. Bon.

Une voix: ...la carotte.

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

Une voix: La carotte, ça améliore la vue.

M. Côté (Charlesbourg): Comme avec les optométristes, c'est un échange attendu cet après-midi. Ça va être National contre NATCOM. Des voix: Ha, ha, ha! Le Président (M. Joly): Pas de publicité, là.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Ce n'est pas télévisé. Vous ne pouvez pas me passer du plaisir que j'ai d'avoir devant moi des cadres supérieurs du réseau, d'avoir entendu hier des cadres intermédiaires qui, eux, se disent plus près de l'action, d'avoir entendu aussi des directeurs généraux hier et de ne pas demander tout simplement, puisqu'on est dans un système où il se fait un consensus assez large à la commission, je pense, qu'il faut à tout prix mettre l'emphase sur des mesures d'efficience et d'efficacité... Si on a un consensus jusqu'à maintenant, c'est celui-là. Il est clair. Et tout le monde nous dit; nous autres aussi, on dit: De manière macro, c'est sous contrôle, mais en dedans, par exemple, il y a de l'ouvrage un peu.

Si je vous demandais ça à vous autres: Pas deux, pas trois, pas cinq; donnez-moi, demain matin, la mesure, de par votre expérience, non plus de citoyen, mais de gestionnaire du réseau. Quelle est la mesure que nous pourrions prendre demain matin pour nous permettre de sauver des sous? Jusqu'à maintenant, c'est clair qu'on a eu un inventaire assez impressionnant. Il faut quand même le dire, depuis deux jours, ça déboule. Bon. Mais il y a une chose, il y a une réalité: entre le dire, le faire et calculer ce qu'on va récupérer pour peut-être le réallouer, il y a l'air d'y avoir quelques années, peut-être même un cycle très important. Donnez-moi donc une mesure efficace, efficiente demain, qui nous permettrait de sauver des sous et peut-être de les réallouer à de la prévention, par exemple, parce qu'il n'est pas dit qu'on ne pourra pas réallouer ces sommes-là dans d'autres domaines.

M. Poirier: Moi, j'aurais le goût de vous dire tout de suite, M. le ministre: Donnez-nous un incitatif à améliorer l'efficience, un incitatif probablement de type ou de nature financière à améliorer notre efficience, c'est-à-dire nous donner plus de liberté à l'intérieur des établissements de faire ce qu'on veut avec ce qu'on va économiser.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Sans nécessairement... Il faut bien se comprendre, parce que je pense qu'on va devoir finir par en arriver à des mesures incitatives. Est-ce qu'on doit comprendre... Ma crainte, quand on parle de ça, c'est que, si, effectivement, par exemple, on trouvait une mesure qui allait nous permettre d'économiser demain matin 50 000 000 $ - je veux bien en garder une partie si c'est possible - et que je disais: Oui, on est prêt à envisager des mesures pour en laisser aux établissements,

est-ce que ça voudrait dire, dans ces conditions-là, que la liberté irait, pour l'établissement, jusqu'à pouvoir développer des services nouveaux qui, à ce moment-là, ajouteraient au coût? Est-ce que ça pourrait aller jusque-là ou si c'est pour améliorer l'efficience de ce qui est déjà là?

M. Poirier: Mais, dans le contexte, M. le ministre, où vous maintenez la responsabilité des établissements d'en arriver à un équilibre budgétaire, si quelqu'un prend la responsabilité de développer un nouveau service qui va le mener à un budget de fonctionnement plus élevé à même ses économies, c'est une responsabilité. C'est donc dire qu'il va falloir que ces mesures-là soient favorables ou amener les gens à faire de façon différente ce qu'ils font aujourd'hui.

Exemple: C'est un secret de polichinelle que, dans certains établissements, la durée de séjour est trop longue. Nous, on se dit: Réduisons le nombre de lits et réinvestissons cet argent-là dans des priorités opératoires pour permettre de passer plus de monde. Mais il n'y a pas d'incitatifs à ça parce que tu diminues le nombre de lits. Les gens n'ont pas beaucoup de statut par rapport au nombre de lits. Il y a des mesures comme ça pour lesquelles il faut avoir un peu plus de liberté ou de possibilités. C'est vrai qu'on est encarcanés aussi dans des structures corporatives à l'intérieur des établissements. Mais je me dis qu'il y a une certaine façon de pouvoir déréglementer la gestion hospitalière pour nous permettre à nous, les gestionnaires, de pouvoir proposer des mesures d'amélioration, d'efficience et d'efficacité à l'intérieur des budgets qui nous sont confiés.

M. Côté (Charlesbourg): Mais qu'est-ce qui vous empêche de le faire actuellement?

M. Poirier: Je pense que ce qui est probablement difficile, contrairement à ce que je pourrais vous dire, c'est que la structure hospitalière est une structure qui n'est pas bureaucratisée, c'est-à-dire que c'est une structure où la majorité des cadres supérieurs et des cadres Intermédiaires ne sont pas équipés pour amener de l'input ou des données pour nous permettre vraiment d'organiser ça. Autrement dit, ce que je veux dire, dans une direction de services professionnels, il y a un DSP, il y a 14 chefs de département et il y a toute la structure laboratoire, radiologie, pharmacie. Autrement dit, c'est difficile de commencer. Ça prend beaucoup, je dirais, de consensus à l'intérieur d'un établissement pour amener l'ensemble des professionnels à se concentrer sur une priorité de réorganisation administrative sans être capable de fournir des données microscopiques ou des données pour permettre aux gens de réaliser qu'effectivement c'est un projet qui se fait. Mais je ne vous dis pas que ce n'est pas possible.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Poirier: Ça peut se faire. Je pense que le Montréal General est un exemple. Il a essayé de le faire, mais avec une modification dans sa structure administrative.

M. Savard: Je ne sais pas, M. le Président, si je pourrais compléter la réponse qui vient d'être faite à la question du ministre. Est-ce que j'ai encore 30 secondes?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.

Le Président (M. Joly): On vous les offre.

M. Savard: Je pense...

M. Côté (Charlesbourg): Surtout qu'on est en train de trouver des solutions.

M. Savard: ...M. le Président, que je vais rejoindre l'une des choses qui ont déjà été dites, y compris par vous, que ce genre d'amélioration de l'efficience passe par les personnes. Ce qui a été amorcé, c'est-à-dire l'amélioration de l'environnement qualitatif dans lequel travaillent les cadres, ça doit continuer parce qu'on est encore en retard par rapport à des cités mieux organisées et même Québec.

Deuxièmement, on ne devient pas efficients par l'opération du Saint-Esprit; on se forme à l'efficience. Il y a des efforts qui ont été amorcés. Il faut qu'ils continuent pour rattraper le retard de quelque 10 ans que les cadres ont eu dans le développement professionnel. Avec des personnes qui ont de véritables défis comme l'évoquait mon collègue, M. Poirier, avec des gens mieux formés, avec un environnement qui ne les amène pas a penser à eux-mêmes, mais à ce qu'ils ont à faire, je pense que l'efficience va se développer.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le député.

M. Trudel: Alors, je veux vous remercier de votre présentation. Oui, effectivement, il faut voir toute la gamme. Quand on fait un débat, on fait un débat. Inutile de le dire que vous avez ajouté un ingrédient dans le débat qui fait débat. Il faut de l'audace pour ça. Il faut regarder tout ça parce que vous reflétez - le moins qu'on puisse dire - oui, un courant de pensée très important dans le système actuellement. Il faut être capable d'en débattre. Merci de l'avoir posé, de nous l'avoir indiqué et de continuer à gérer des établissements qui sont, grosso modo, comme dit le document, sous contrôle. Merci.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. On aura très certainement l'occasion de se recroiser. Je pense que c'est un débat qui est lancé. Il va

se finir, mais on aura...

M. Savard: Peut-être le 13 mars, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Ça, c'est une invitation renouvelée.

Une voix: Oui.

M. Savard: dans la dernière commission parlementaire, vous nous avez fait une annonce. peut-être ferez-vous la même chose aujourd'hui.

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Je ne le sais pas là, je ne le sais pas. Il faut que je regarde un certain nombre d'agendas. Il est assez chargé de ce temps-ci. Mais je n'ai pas d'objection fondamentale à rencontrer les gens et à échanger avec eux.

M. Savard: Vous êtes même un peu pour. M. Côté (Charlesbourg): Comment? M. Savard: Vous êtes même un peu pour.

M. Côté (Charlesbourg): Un peu pour. Ah oui! C'est clair, définitivement.

M. Trudel: En se souvenant qu'il y a une promesse d'abord de venir à Rouyn-Noranda avant.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir moi aussi de vous remercier d'avoir été présents. On va sûrement avoir l'occasion de vous rencontrer à nouveau. Au plaisir.

Je demanderais à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, s'il vous plaît, de bien vouloir s'avancer.

Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. Vous excuserez notre retard. Dans la foulée et dans la fougue - vous voyez comment c'est - et dans l'intérêt public aussi, il a été convenu qu'on déborderait. Normalement, on arrête à 12 h 30, mais on va déborder jusqu'à 13 heures. Alors, si vous voulez peut-être présenter votre mémoire de la façon la plus concise possible de façon à ce qu'il vous reste du temps pour pouvoir échanger avec M. le ministre, les parlementaires et les membres de l'Opposition.

La personne responsable, c'est Mme Pel-land? C'est ça? Alors, s'il vous plaît, veuillez nous introduire les gens qui vous accompagnent, Mme Pelland.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Mme Pelland (Jeannine): D'accord. À ma droite, j'ai Thérèse Guimont, directrice générale et secrétaire de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, à sa droite, Me Claudette Ménard, conseillère juridique chez nous, et, à ma gauche, Carole Mercier, qui est une conseillère aux services professionnels.

Le Président (M. Joly): Merci.

Mme Pelland: Comme vous le soulignez, M. le Président, nous allons essayer, dans la mesure du possible, de ne pas tout lire notre document, mais, par contre, - est-ce qu'on doit arrêter? oui - nous souhaitons pouvoir insister sur certaines parties quand même qui nous semblent bien importantes et qui vont sûrement donner lieu à des débats par la suite.

Je commence en disant que nous avons eu beaucoup d'empathie pour le ministre de la Santé, en bonnes infirmières que nous sommes, et que nous essayons de comprendre ses problèmes, mais il a probablement dû réaliser et il va réaliser encore que nous ne sommes pas complètement d'accord avec lui.

Nous comprenons fort bien qu'il veut maintenir un certain rythme de croissance au système de santé et qu'il voudrait bien maintenir l'IPC plus 3 %, mais le ministre des Finances, lui, en a décidé autrement. Pardon?

Une voix:...

Mme Pelland: Pas encore. Mais enfin, c'est une très forte recommandation puis, entre parenthèses, ça serait traiter le système de santé comme tout le reste et, pour nous, c'est déjà une injustice.

Mais quand même, on comprend que vous avez 200... Ha, ha, ha! Vous écrivez ça, là? Mais on comprend quand même que vous avez entre 200 000 000 $ et 400 000 000 $ à aller chercher et on va peut-être avoir des suggestions à vous faire. Ça, c'est annuellement durant cinq ans, hein? On a bien compris ça? Bon. D'accord.

Une voix:...

Mme Pelland: Bon. Parfait. Ça ne fera peut-être pas l'affaire de tout le monde, mais on a déjà des petites solutions très rapidement trouvées. Comme je le disais tout à l'heure, on va quand même lire certaines parties de notre mémoire qui nous semblent bien importantes. Tout de suite, je vous amènerai au bas de la page 3, quand on parle de l'utilisation judicieuse des professionnels de la santé, parce qu'on pense que, pour nous, c'est un aspect bien important.

Avant de commenter les différentes propositions présentées dans le document de consultation, l'Ordre réitère sa position à l'effet qu'une

utilisation plus judicieuse des différents professionnels dé la santé, notamment les infirmières, réduirait les coûts tout en conservant, sinon en améliorant la qualité des interventions auprès des clientèles à desservir. La structure monopolistique des médecins ne peut, à elle seule, être garante de l'efficacité et de l'efficience des services. L'obligation de recourir à une prescription médicale pour agir en matière de santé représente un frein à une utilisation rationnelle du potentiel des autres professionnels de la santé. Les retards dans la satisfaction des besoins des clientèles et les délais lors des consultations interprofessionnelles peuvent servir d'exemples à cet égard.

L'importance de plus en plus marquée de devoir investir dans les déterminants de la santé vient supporter cette proposition, et je pense qu'on insisté, comme beaucoup d'autres. Je pense même que je vais passer assez rapidement, puisque toute la semaine, on est revenus sur les déterminants de la santé.

Je passerais immédiatement à une révision fondamentale du panier de services. Une société québécoise... Pas parce qu'on est d'accord, là. C'est sur l'ensemble. Mais, quand même, ça porte ce titre-là. La société québécoise doit effectuer, sans plus tarder, une révision du panier de services. Bon. C'est sûr. Le système de santé ne doit plus seulement être efficient, il doit être efficace. L'amélioration de l'état de santé de la population doit se traduire dorénavant par des actions concrètes et à travers des objectifs de résultats. (12 h 15)

D'abord, il importe que les systèmes d'information médicale et de gestion se raffinent afin de déterminer les pratiques les plus performantes, les plus efficaces par rapport à leur coût. Croire que tous les services déterminés par les dispensateurs de soins sont efficaces permet simplement d'éviter de faire les choix qui s'imposent et de confronter ouvertement ces professionnels. À l'heure actuelle, il n'est plus possible de laisser aux seuls dispensateurs de soins, à travers la relation individuelle qu'ils établissent avec le bénéficiaire, le soin de disposer et d'exiger des ressources. En effet, le critère de «services médicalement nécessaires fournis par un médecin» de la loi canadienne sur la santé ou «tous les services que rendent les médecins et qui sont requis du point de vue médical» de la Loi sur l'assurance-maladie pour justifier la couverture de l'assurance-santé est déphasé, puisqu'il est généralement admis que le bien santé déborde largement l'intervention médicale qui n'est qu'un volet d'un redressement nécessaire.

D'autres critères devraient être pris en compte particulièrement en ce qui concerne l'efficacité. L'incertitude médicale qui, en somme, signifie l'efficacité qu'on questionne, est démontrée par plusieurs recherches scientifiques dont, entre autres, les études de variation des taux d'actes médicaux et chirurgicaux. L'incertitude médicale conjuguée à la rareté des ressources exigent que des choix collectifs de services soient faits.

L'efficacité des services doit se démontrer à partir de critères distincts et multidimensionnels Pour ce faire, il importe que les aspects sociaux économiques, cliniques, éthiques soient pris en considération simultanément. À moyen terme, en vertu de ces éléments d'analyse et de l'incertitude médicale, la société devra choisir les services assurés, et ce, en fonction des besoins de santé d'une population, de leur coût, de leur efficacité relative et des préférences des citoyens.

Les déterminants de la santé, on en a parlé, mais on voit la nécessité - je pense que je le répète - d'investir dans les déterminants de la santé parce que c'est un investissement rentable.

Je passe tout de suite au paragraphe qui commence par: Les connaissances relatives à la santé des individus d'une population se raffinent. Elles établissent des liens qui n'avaient pas été démontrés antérieurement. Il serait difficile de les ignorer. Par conséquent, agir sur les déterminants de la santé, comme le propose le Conseil des affaires sociales, est une orientation qui ne peut être exclue. La pauvreté, l'emploi, l'environnement et l'éducation, situés en amont des problèmes de santé, constituent les déterminants de la santé.

Je passe tout de suite au milieu de cette page. Lors de la révision du panier de services assurés, il sera absolument capital d'intégrer à l'intérieur du cadre d'analyse une approche d'«intersectorialité» afin de prendre en compte les déterminants de la santé et, par conséquent, d'influer sur la macroallocation des ressources.

Ces démarches sont progressives et des résultats probants sur l'amélioration de l'état de santé de la population et les coûts ne peuvent être perceptibles qu'à moyen et long terme car, entre autres, elles nécessitent des systèmes d'information plus développés et des études de type longitudinal. Pourtant, cette orientation ne devrait pas être mise à l'écart comme elle l'a été dans le document sur le financement, compte tenu des impératifs qui prévalent à l'heure actuelle au niveau des finances publiques.

En ce qui concerne le financement, nous sommes très conscientes que le ministre veut des montants d'argent nouveaux. Ce n'est peut-être pas possible de vous en servir aujourd'hui, mais on a quelques pistes à vous indiquer et on n'est pas sûres aussi qu'il en manque nécessairement. On peut peut-être commencer par ça. Je pense que je passe tout le premier paragraphe. Nous sommes prêtes à envisager, cependant, dans une certaine mesure, la désassurance partielle ou complète des services complémentaires et ça, dans le sens où on en parle dans le document, parce que, comme l'ont mentionné les représen-

tants du GRIS, on n'est pas sûres qu'on ait toujours le même discours quand on parle des services de base et des services complémentaires. Il y aurait toute une clarification à apporter peut-être en dehors de cette commission-ci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelland: Oui, parce que depuis le début de la semaine qu'on essaie de clarifier et je pense qu'on n'a pas réussi. La tarification des services pharmaceutiques associée à un crédit d'impôt remboursable et la désassurance des services optométriques et dentaires curatifs associée à un crédit d'impôt remboursable sont des mesures réalisables malgré les contraintes imposées par la loi C-3. Certaines clientèles pourraient continuer de bénéficier des programmes actuels. Par exemple, la désassurance des services optométriques pourrait toucher les personnes âgées de 19 à 64 ans. On ne veut sûrement pas toucher la prévention et, nous autres, il nous semble que, jusqu'à 19 ans, la prévention, elle, a quand même été sauvegardée. De 19 ans à 64 ans, les besoins ne sont peut-être pas les mêmes, mais, à compter de 64 ans, les besoins se font de plus en plus sentir.

Ces mesures nous apparaissent être un moindre mal dans le contexte actuel, compte tenu que les services préventifs sont préservés et que les clientèles démunies sont exemptées. Toutefois, avant d'appliquer de telles mesures, une évaluation de l'efficacité de ces services devrait être effectuée de la même façon que pour les services de base, toujours dans le sens où on utilise «services de base» dans le document.

Quant à la tarification, on n'est pas d'accord avec la tarification parce qu'on considère que le financement collectif, tel qu'il existe à l'heure actuelle, c'est déjà beaucoup et c'est déjà un investissement très garant de la part de la population. Par contre, on a certains commentaires à vous faire sur les appels que vous faites à la responsabilité individuelle et à la responsabilité collective.

En ce qui concerne la responsabilité individuelle, je vous amène à la page 10. Je saute assez rapidement. La responsabilité individuelle ne peut être envisagée qu'à partir du moment où l'individu contrôle la situation, c'est-à-dire qu'il détient toute l'information nécessaire à la prise de décision. Il en va de même pour les interventions des professionnels de la santé auxquels s'ajoute la certitude médicale traitée précédemment.

Les mesures pour améliorer les systèmes d'information médicale et de gestion doivent être mises de l'avant. De plus, l'information sur les coûts et l'efficacité des services doit être accessible aux usagers, aux dispensateurs et au public selon le cas. À ce stade-ci du débat, il serait aberrant de faire payer des individus pour les services qu'il n'aurait pas choisis et dont le rapport coût-efficacité n'a pas toujours été démontré. Il serait contraire à l'esprit de la Loi sur les services de santé et les services sociaux d'imposer un ticket orienteur quand les mesures d'information sur les services offerts dans une région ne sont pas encore disponibles.

La responsabilité individuelle débutera quand l'individu aura l'information sur les coûts des services qu'il aura consommés associée à leur efficacité. La transparence doit s'étendre et permettre d'établir également les liens entre les dépenses globales de santé et leur financement global. Ces informations sont indispensables dans le choix du citoyen face aux priorités de société. Des mesures permettant de rendre ces liens plus évidents, telle l'identification de la partie de l'impôt, ce que vous appelez l'impôt-santé, qui est dévolue aux dépenses de santé, ont sans conteste notre assentiment, sauf que la deuxième partie, quand on explique l'impôt-santé, nous, on la questionne.

Le fait qu'on laisse entendre que, continuellement, l'impôt-santé devrait être augmenté... Avant qu'on en fasse la preuve, nous autres, on questionne cette deuxième partie de l'assertion que vous avez là. En ce qui concerne la responsabilité collective, nous croyons qu'avant de procéder à quelque alourdissement fiscal que ce soit, une démonstration rigoureuse d'un manque de ressources financières dans le réseau des services de santé et des services sociaux devra être faite.

Des professionnels autres que les médecins devront être utilisés à leur juste valeur. Un contrôle accru des dépenses devra être exercé et l'adéquation des services efficaces aux besoins de la population devra être démontrée. Cet exercice doit être complété avant de porter atteinte aux principes de base de notre système de santé.

En ce qui concerne les mécanismes de contrôle, le contrôle des rémunérations du personnel du réseau et des médecins, le contingentement du nombre d'étudiants admis dans les facultés de médecine, le contrôle de la technologie, l'octroi de budgets globaux constituent des mesures qui ont été garantes de succès dans le contrôle des dépenses de santé jusqu'à présent. Réitérer certaines d'entre elles apparaît quelque peu saugrenu, car le ministère a entre les mains la fin et les moyens. D'ailleurs, vos interventions d'hier nous le laissent croire encore plus. Vous avez beaucoup d'éléments entre les mains pour intervenir. Il n'en tient qu'à lui de rencontrer certains objectifs fixés. Par ailleurs, que certaines de ces mesures soient liées à la croissance démographique et aux besoins de la population nous apparaît plus que légitime. Il nous est apparu indécent de voir inscrit dans un tel document l'objectif d'appliquer de nouvelles mesures pour interdire les dessous de table versés à certains médecins par des établissements. Connaissant ces faits, pourquoi n'y a-t-il pas d'intervention?

Certaines propositions sont déjà inscrites dans la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il nous semble utile de les commenter, à ce stade-ci. En effet, il est à espérer que la réforme conduira à tout le moins à éliminer les dédoublements de services, à assurer la complémentarité et la coordination des services et à adapter les services aux besoins de la population. Une planification adéquate des priorités régionales en fonction de la politique de santé et de bien-être et des besoins de la population devrait permettre d'axer le système vers des objectifs de résultats. L'allocation des ressources, déterminée en fonction de la clientèle et non pas en fonction des dispensateurs, devrait être garante d'une meilleure utilisation des sommes d'argent investies.

Toutes les mesures permettant d'ajuster les ressources aux besoins des citoyens, à documenter les coûts des services en rapport avec les interventions diagnostiques et les interventions thérapeutiques et de soins contribueront à contrôler les coûts et à effectuer les redressements qui s'imposeront. Les données recueillies amélioreront les connaissances en vue d'atteindre les objectifs d'efficacité et d'efficience.

En conclusion, dans un contexte de rareté des ressources, une meilleure utilisation des services des infirmières et de certains autres professionnels de la santé s'avère une mesure essentielle à prendre en considération dans la planification et le contrôle des coûts et dans la distribution des services en fonction des besoins de santé et de bien-être de la population. Nous soulignons l'importance d'investir dans les déterminants de la santé. Nous ne sommes pas en désaccord avec une révision du panier de services de base ni avec la possibilité, en dernier recours, de désassurer de manière limitative certains services complémentaires, mais après avoir fait certaines analyses. (12 h 30)

Nous sommes contre la tarification qu'elle appelle ticket modérateur, orienteur, désorien-teur, impôt-services, c'est-à-dire tous frais liés à la consommation. Nous considérons qu'il s'agit d'une mesure pernicieuse, difficile d'application et constituant une double imposition.

Enfin, nous manifestons notre adhésion sans réserve à toutes les mesures permettant de rendre plus visible la gestion des décideurs des ressources financières consacrées à la santé et au bien-être et favorisons les interventions visant à responsabiliser les usagers et les dispensateurs de services. Voilà.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre, je vous accorderais une quinzaine de minutes.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'est à nouveau un plaisir de vous recevoir en commission parlementaire. Votre présentation est égale à celle que vous nous avez faite dans le passé. Même si vous ne partagez pas tous nos points de vue, je trouve que c'est un positionnement qui situe votre Ordre dans le réalisme des choses, ce à quoi on n'a pas été nécessairement habitués avec tout le monde qui est venu en commission parlementaire. Je vous le dis. Je le prends comme étant un document rafraîchissant. Ce n'est pas une fermeture complète, ce n'est pas une ouverture complète. C'est la voix du bon sens que vous nous demandez de suivre, si j'ai bien compris. C'est une position qui, pour moi, est intéressante, qui est d'une bonne logique.

Bon, on parle du niveau de dépenses parce que c'est quand même un élément extrêmement important dans l'univers financier du gouvernement. On fait partie de cet univers-là pour 32 %.

La croissance des dépenses gouvernementales, IPC + 1 %, alors que nous disons, nous, que nous devons faire le maximum pour se maintenir, pour que le plafond soit IPC + 3 %. Il faudra donc, par conséquent, avoir toute une série de mesures d'efficience et d'efficacité pour tenter de le ramener parce qu'il n'est pas à ça à ce moment-ci. On est au-dessus de ça, à 4, 2 %, alors qu'on pariait de 6 % en 1990-1991, de 7 % en 1991-1992. C'est quand même un exercice assez laborieux, merci.

Est-ce que IPC + 1 %, + 2 %, + 3 %, vous vous êtes attardés là-dessus en disant: IPC + 3 %, c'est dur, mais il faut vivre avec, et on devra vivre avec? Il va falloir finir par dire, à un moment donné: Voici le maximum qu'on peut se payer comme société puis, après ça, découlent tous les problèmes. Si, demain matin, on disait: IPC + 2 %, on serait quand même 1 % au-dessus de la croissance gouvernementale et on aurait une indication très nette que c'est une priorité que le gouvernement fait parce que le 1 % additionnel, entre IPC + 1 % et +2 %, c'est d'autres ministères qui seront à IPC ou en bas. Mais il y a plusieurs ministères qui ont vécu ça au cours des dernières années. Dans ce sens-là, est-ce que vous avez des indications à nous donner sur le plafond?

Le Président (M. Joly): Mme Pelland.

Mme Pelland: On va tout de suite mettre nos limites, M. le ministre. Nous ne sommes pas des économistes, mais je pense qu'on peut peut-être en parier un peu. IPC + 1 %, à l'heure actuelle, pour tout le monde - je pense que j'ai commencé à le mentionner - ça nous semble un peu injuste parce que le bien santé, c'est un bien qui est très différent d'autres biens et il me semble que cet équilibre qu'on essaie de maintenir pour tous les ministères, ça serait peut-être à réviser.

Maintenant, je sais que j'ai des collègues qui ont regardé ça de très près. Me Ménard, voulez-vous intervenir là-dessus, et peut-être ma

collègue de gauche?

Le Président (M. Joly): Me Ménard. Mme Ménard (Claudette): Oui. Mme Pelland: Me Ménard. Des voix:...

Mme Pelland: Bon, eh bien, ne vous battez pas pour intervenir, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Mme Guimond.

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que, là, je vais savoir si c'est deux ou trois.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelland: Peut-être que ça va être progressif. Ha, ha, ha!

Mme Guimond (Thérèse): Dans la conjoncture actuelle, moi, je trouve que IPC + 3 %, c'est large quand on regarde au niveau industriel, au niveau commercial ce qui se passe. C'est certainement IPC moins quelque chose dans ces zones-là. On sait aussi que, quand on est dans une période de récession, il y a un impact direct sur la santé. Tous les gens sont touchés par une récession économique; plusieurs d'entre eux ont des effets néfastes au point de vue santé: santé mentale et santé physique, effectivement. Je n'ai pas de chiffres pour ça, mais je pense que tout le monde, on est d'accord avec ça. On devrait voir plus de monde dans les hôpitaux, dans les CLSC. Probablement que les CLSC vont devenir un peu plus en vogue parce que les gens vont avoir plus le temps et peut-être que ça les occupe aussi moralement et intellectuellement que de s'occuper d'eux un peu, donc d'aller consulter.

Pour moi, IPC + 3 %, ça m'apparaît actuellement une très belle marge de manoeuvre, parce qu'on ne peut pas dissocier de l'environnement économique. Donc, IPC + 2 % serait un bon résultat, je pense. IPC + 1 %, je pense qu'on pourrait se péter les bretelles. Je pense que c'est vrai aussi qu'il y a un impact sur les autres ministères, mais, pour nous, les infirmières, je pense qu'on a toujours regardé la santé comme étant un investissement, pas toujours uniquement le côté dépense. Mais il faut regarder sérieusement, là, la façon dont on offre des services et quelle sorte de services on offre. Je pense que les infirmières sont des témoins privilégiés de l'utilisation des services et de l'offre des services.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un courant qui commence a se dégager. Des médecins en santé communautaire sont même venus nous dire: On devrait prendre l'argent qu'on a actuellement et l'investir dans la création d'emplois. Possiblement qu'on retrouverait moins de monde dans notre système de santé et de services sociaux. Donc, c'est des courants qui se dégagent et qui sont aussi des indications assez intéressantes.

Il est bien évident que ce n'est pas un virage qui peut se faire du jour au lendemain parce qu'on est obligé de gérer le quotidien jusqu'à temps qu'on réussisse à virer le Titanic en avant du port de Québec, et Dieu sait que ce n'est pas facile avec les courants, hein? Alors, j'ai toujours mon exemple de marin, mais il y a des fois des contre-courants qui ralentissent la progression de ce virage. Mais on finira par y arriver.

M. Trudel: II y a des tempêtes des fois.

M. Côté (Charlesbourg): Puis on a des tempêtes des fois. Ha, ha, ha! J'ai toujours dit que ça dépendait du nombre de rameurs qu'il y avait à bord du bateau pour être capable de le virer. Je pense que c'est une position qui est très raisonnable.

Dans vos propositions, vous mentionnez qu'il devrait y avoir une utilisation plus judicieuse des professionnels de la santé. Est-ce que vous faites spécialement allusion, à ce moment-ci, à une délégation d'actes?

Mme Pelland: Non. C'est très rapide parce que, pour nous, la solution ne passe pas nécessairement, pour les infirmières et pour les autres professionnels de la santé... Vous avez vu qu'on a élargi le débat; on ne s'est pas arrêté aux infirmières. C'est une question de champ d'exercice de bon nombre de professionnels qui possèdent de l'expertise et des expertises de spécialistes. Là, je pourrais vous en nommer d'autres que les infirmières: les psychologues, les diété-tistes, les ergothérapeutes, les physiothérapeu-tes... Enfin, je les vois et nous les voyons tous les jours dans les services comme étant des spécialistes et ça ne passe pas par des délégations d'actes. Ça passe par une ouverture du système qui ferait en sorte que le seul point d'entrée du système ne soit pas le médecin. C'est la porte d'entrée et c'est la porte de sortie. Alors, c'est une ouverture qui doit être faite dans ce sens-là.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est davantage un état de tout le monde. C'est une prise de conscience que la personne a besoin de services multiples...

Mme Pelland: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...tant du domaine social que du domaine de la santé, et que, si on s'adresse à la personne, il faut décloisonner un

peu. Il pourrait y avoir un certain nombre d'économies assez appréciables à ce niveau-là.

Vous n'êtes pas totalement fermés à la révision du panier de services. Ça veut dire, quoi, ça, pour vous, de manière concrète, demain matin, quand on parle de la révision du panier de services? Je trouve ça bon parce qu'il y en a qui se braquent pour dire: Vous ne toucherez à rien. Toucher au panier de services, ça signifie que vous allez toucher à des acquis extrêmement importants, qu'ils soient bons ou pas bons. Que le service soit bon ou pas bon, vous n'y toucherez pas. Est-ce que c'a du bon sens, ça? Il me semble bien que, dans une société qui évolue, on doit être capable de voir un certain nombre de choses, de revoir un panier, des fois pour en ajouter, pas rien que pour en enlever, parce qu'on fait face à des problématiques nouvelles. J'aimerais ça vous entendre davantage sur quel genre d'exercice pourrait être mené quant à la révision du panier de services.

Mme Pelland: Je vais demander à ma collègue de gauche, Carole, de...

Le Président (M. Joly): Mme Mercier. Mme Pelland: Oui.

Mme Mercier (Carole): Quand on parie de panier de services, on parle d'un panier de services qui peut être très large. Quand on parle de services de base, de services complémentaires, on ne fait pas de distinction par rapport à ces notions-là. On peut rentrer aussi de façon plus pointue les actes médicaux aussi, la liste d'actes médicaux. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut le revoir. On dit que ce n'est pas un exercice qui peut se faire rapidement et sans tenir compte des conséquences. Je peux parler peut-être de l'expérience de l'Oregon qui s'est donné un cadre d'analyse. À ce moment-là, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder une telle démarche? Parce que les critères qui doivent être pris en compte doivent être, en tout cas, vraiment multfcJimen-sionneis, comme on le disait, et là il y a des choix éthiques qui doivent être faits aussi.

Je pense que, quand on parle d'efficacité, c'est un terme qu'il faut aussi expliciter parce que l'efficacité, ça peut être en fonction de l'amélioration de l'état de santé d'une population, mais qu'est-ce qu'on fait de la qualité de vie des personnes hébergées? Alors, ça, je pense qu'il faut avoir des débats sur des notions comme ça. Nous avons une ouverture pour ça, mais il faut être prudent. Il faut vraiment essayer de clarifier les concepts et la démarche dans laquelle on s'est fait prendre, avec les services de base et les services complémentaires, le prouve. Je pense qu'il faut être prudent, mais on n'est pas indifférents à regarder... Est-ce que ça clarifie?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, bien, c'est-à- dire que je pense que I orientation... un ne peut pas... C'est sûr que, quand on parle de révision du panier de services, s'il y a un blocage en disant: On ne touche à rien, on ne peut pas rien faire. Mais à partir du moment où H y a une ouverture, qu'il faut que ça se fasse, l'objectif premier n'est pas, dans la révision du panier de services, de sauver de l'argent. L'objectif est de s'assurer que ce qui reste dans le panier, les services qui sont dispensés, ce sont des services nécessaires qui améliorent la qualité de vie de l'individu qui va recevoir ces services-là. S'il y a des économies au bout, tant mieux! Après ça, on envisagera si on les réalloue à d'autres services ou si on décide de prendre cet argent-là pour aller dans des déterminants, parce qu'on en parle souvent. Ça fait longtemps qu'on se le dit. Il faut aller agir sur les déterminants, mais tantôt, si, pour agir sur les déterminants, il faut toujours prendre de l'argent et en ajouter, bon, avec IPC + 2 % ou IPC + 3 %, il est bien clair qu'on n'en aura pas assez. On ne trouvera pas d'argent à moins de dire à tout le monde: On vient de vous faire à tout le monde une ponction dans vos budgets de 2 % sans égard aux services que vous donnez. On dit: 2 % tout le monde. On prend cet argent-là et on dit: On agit sur les déterminants.

Parce qu'on est dans une situation où il faut toujours ajouter pour aider nos problèmes, toujours, toujours, toujours, continuellement. C'est ce qu'on a fait. Et, là, on n'a plus les moyens de le faire. Donc, la révision du panier de services, il faut qu'elle se fasse avec un guide de façon à ce qu'on privilégie d'abord la personne, pas nécessairement l'argent qu'on va sauver. Mais on sait que, le Dr Richer nous l'a dit hier et répété... L'obésité, c'est un exemple. J'ai pris d'autres exemples hier. Est-ce que c'est encore nécessaire, sur le plan esthétique, de coller des oreilles et que ce soit la société qui paie? On en a sorti quelques-uns comme ça, hier, au niveau des médecins. Probablement qu'on pourra en sortir dans les autres professions aussi.

Mais, quand on regarde tout ça, je pense que c'est le panier... Quand l'ouverture est là, il faut se donner des paramètres et des objectifs très clairs. Je pense qu'il y a de quoi à faire là.

Mme Ménard: Oui, l'idée de notre position, c'est qu'il y a une croyance populaire qui est à l'effet que, si on parle de révision du panier de services, on parle nécessairement de coupures. Alors, ceci n'est pas tout à fait exact. Ce discours-là, à notre avis, est assez faux. On peut couper des choses qui sont inefficaces et on ne fera de mal à personne. C'est ça notre discours.

M. Côté (Charlesbourg): d'ailleurs, c'est le conseil d'évaluation des technologies de la santé, pour 11 dossiers qu'il a examinés, qui interpelle à la fois l'appareil, la manière de le faire...

Mme Ménard: Exactement.

M. Côté (Charlesbourg): ...et nous a fait une démonstration assez rapide. On a dépensé, au cours des dernières années, de l'argent strictement pour rien. Je pense qu'avec des professionnels il y a moyen d'évaluer les impacts de la révision, et, en ce sens-là, on pourrait progresser.

Mme Pelland: M. le ministre... M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Pelland: ...quand on résiste... On résiste peut-être à vous faire des listes dans le panier de services, mais je pense qu'il y a deux critères, et vous les avez mentionnés: c'est l'efficience et l'efficacité. Il faut les utiliser quand on regarde le panier de services. L'efficience, si c'est bien fait, et l'efficacité, si c'est le bon service. L'exemple que vous donnez - et je pense que ça, on pourrait en donner beaucoup dans les milieux, à partir de ce qui est vécu dans les milieux - quand vous parlez d'obésité, notre solution de dire d'utiliser d'autres sortes de professionnels, c'est que l'obésité très souvent, c'est un problème de nutrition, et d'autres professionnels que les médecins sont capables d'intervenir. Ça occasionnerait probablement des diminutions de coûts très importantes non seulement pour les services médicaux, mais aussi pour tous les services de diagnostic. Tu veux ajouter quelque chose?

Mme Guimond: Bien, moi, je voulais revenir sur ce que le GRIS a présenté quant aux définitions de panier de base et de panier complémentaire par rapport aux services essentiels, secondaires. Il me semble qu'il devrait y avoir effectivement une réflexion très sérieuse sur ces déterminants, ces étiquettes qu'on donne aux services essentiels. On l'a déjà fait pour les conventions collectives et pour les syndiqués. On s'aperçoit que quasiment tout est essentiel.

Alors, je me dis quand même... Et ça devrait être fait avec une équipe multidiscipli-naire. À l'Ordre, on est assez inquiet du conseil médical provincial. On trouve que c'est dépassé, en 1992, surtout quand on a des problèmes aussi sérieux que ceux qu'on voit. On n'aime pas qu'un seul corps professionnel soit mis sur la sellette comme ça sans penser à l'aspect multidisciplinai-re. Mais on pense qu'il y a de la place pour d'autres professionnels de la santé pour discuter de l'essentialité - je ne sais pas si c'est un mot - de certains services.

M. Côté (Charlesbourg): Alors qu'il y a eu des choix de faits...

Mme Guimond: Ça dit bien ce que je veux dire.

M. Côté (Charlesbourg): ...à un conseil médical, qui est là bien sûr et qui est créé avec un conseil de la santé et du bien-être, dont le projet de loi va être déposé à la reprise de la session. Moi, si j'avais le choix, je préférerais me retrouver dans le conseil de la santé et du bien-être. C'est plus global.

Mme Guimond: Ces parallélismes nous font peur.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais, inévitablement, je pense qu'il y a du monde, y compris de la profession médicale, qui devra se retrouver dans le conseil de la santé et du bien-être. On sera avec une vision plus large au lieu d'une vision pointue, et ça je pense que c'est des options, c'est des choix qui ont été faits et qui devraient grandement nous aider là-dessus. Alors, merci beaucoup. (12 h 45)

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député...

M. Côté (Charlesbourg): Ah! c'est vrai, ma petite question. Ma petite question: Si j'avais une mesure à prendre demain...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelland: Ah oui! On en a une.

M. Côté (Charlesbourg): ...sur l'efficience, sur l'efficacité, laquelle je devrais prendre?

M. Trudel: Vous avez 10 minutes pour y penser. Vous répondrez à la fin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ah oui! Vous pouvez répondre après, à la fin. Vous pouvez finir avec ça, là.

Mme Pelland: Ça serait mieux en partant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Allez-y tout de suite. Non, non.

Mme Pelland: Qu'on puisse sortir rapidement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Honnêtement, si vous voulez y aller tout de suite, allez-y. Honnêtement, sur la réponse, si vous voulez y aller tout de suite, allez-y tout de suite. Est-ce que vous voulez répondre tout de suite à la question du ministre?

Mme Pelland: Non, non, non. Je vous ai dit: C'est mieux en partant.

M. Trudel: O.K. Mais vous n'y échapperez pas. Il va falloir répondre à celle-là.

Le Président (M. Joly): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci de cette présentation. Oui, effectivement, depuis le début des billets de saison de la commission parlementaire autour de la santé et des services sociaux...

M. Côté (Charlesbourg): II va en avoir encore une autre. Peut-être deux.

M. Trudel: Gardez vos tickets. Ça va se poursuivre.

M. Côté (Charlesbourg): J'espère que vous ne vous plaignez pas d'être consulté.

M. Trudel: Pas du tout. Nous autres, on insiste toujours pour que nos tickets servent le plus souvent possible. Même qu'on va peut-être avoir une représentation supplémentaire avec le GRIS. On a vu ça tantôt.

M. Côté (Charlesbourg): Non, mais, d'ailleurs, c'est extraordinaire parce que ça aussi, c'est un ticket orienteur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce que je trouve curieux, c'est que vous l'appliquiez, celui-là.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais l'autre, ça prend de l'information avant de l'appliquer.

M. Trudel: Ha, ha, ha! Est-ce que l'information n'est pas suffisante? Bon. Très bien. Alors, au niveau de la présentation, on ne vous oubliera pas, Mmes et MM. les infirmières et infirmiers. Bon, il y a une séquence d'une logique quasiment implacable dans votre mémoire. Comme je sais que vous êtes capables de le prendre, je vais essayer de vous déjouer un peu sur la logique, pour qu'on fasse ressortir les faits. On comprend tous très, très bien l'apport assez extraordinaire... Comment je vous flatterais pendant 10 minutes pour vous dire que vous êtes bonnes, que vous êtes fines et que vous faites tout dans le système de santé, vous faites une part extraordinaire, point. Vous comprenez et c'est vrai, on a tous de l'admiration pour ce que vous faites.

Sur l'utilisation des ressources, vous dites: Peut-être que, professionnellement, on ne confie pas aux bonnes personnes, en termes d'efficience du système, les bons gestes à poser. Bon, alors, le ministre vous demandait tantôt: Est-ce qu'il s'agit de la délégation de l'acte? Hier, je demandais aux médecins à peu près cette question-là: Vous autres, les médecins, êtes-vous prêts à vous asseoir rapidement autour d'une table qu'on va essayer de constituer de la façon la plus équitable possible et que, correctement, professionnellement, on s'entende, possiblement pour qu'on parle de ça, parce que, effectivement, il faut absolument se référer au mémoire des départements de santé communautaire qui nous donnaient des statistiques ou des indications absolument effarantes sur des actes, à cause du système de rémunération, qui sont réalisés par des médecins et qui pourraient très bien être réalisés par d'autres catégories de personnel. Et, là, ils nommaient les infirmières. Hier, les médecins ont répondu oui. Eux, ils étaient prêts à regarder ça. Augustin, qu'il se prépare parce qu'il va se faire poser la question en «tabar-nouche» quand il va passer, lui, là.

Mme Pelland: Je le sens derrière moi, là.

M. Trudel: II va se la faire poser, la question. Mais là, maintenant, c'est vous autres. Est-ce que ça vaut pour tout le monde? Est-ce que vous êtes prêts a vous asseoir à la table et à regarder les actes que vous avez de réservés actuellement et qui pourraient aller chez les infirmières auxiliaires et chez les préposés?

Mme Pelland: Bon. On l'attendait celle-là.

M. Trudel: Parce que je sais que vous êtes capables de la prendre et de répondre.

Mme Pelland: Jusqu'à maintenant, on a joué du coude avec les règles du jeu qu'on avait. Quand on vous parle d'ouverture vers les autres professionnels de la santé, ce sont de nouvelles règles du jeu qu'on préconise et c'est dans ce sens-là que j'ai dit que ça ne passe pas par des règlements d'autorisation d'actes nécessairement. C'est les anciennes règles du jeu. Je préconiserais de nouvelles règles du jeu, si vous voulez, et ça passerait par les champs d'exercice qu'on voit que des professionnels, de par la définition de leur champ d'exercice, sont capables de faire davantage que ce qu'on leur demande de faire.

Pour répondre précisément à votre question concernant les infirmières auxiliaires, une analyse de la situation nous amènerait à voir que probablement certaines infirmières auxiliaires ne sont pas bien utilisées. Je dis certaines infirmières auxiliaires, et on est capable de s'engager à faire une révision. Bon. Par contre, il y en a qui n'ont probablement pas, à l'heure actuelle, ce qu'il faut et, là encore, on serait prêtes à travailler pour trouver des mesures qui les amèneraient à être plus efficaces dans le système et à être mieux utilisées. Il n'y a pas de fermeture de ce côté-là.

La situation, est-ce que ce serait de revoir le règlement? Est-ce que ce serait une autre solution? Je ne le sais pas à l'heure actuelle, mais on serait prêtes à revoir, à s'asseoir, comme vous dites, et a revoir des solutions.

M. Trudel: Ça c'est un engagement public important parce que, Mme Pelland et mesdames...

Mme Pelland: Oui.

M. Trudel: ...il va de soi que je ne pose pas... Je ne veux pas tâter le détail en disant que chez l'autre corps constitué corporativement qui s'appelle les auxiliaires infirmières, il manque peut-être des choses. C'est évident qu'il va falloir regarder ça. On n'ira pas déléguer des actes à une catégorie de professionnels. La même chose, chez les médecins, va se poser. Les médecins pourront dire quelque part: Là-dessus, on conteste parce qu'on pense que vous ne l'avez pas, et il va falloir s'entendre, s'il faut ajouter des compléments de formation, etc. Les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.

Ce qu'il est important de savoir, c'est: Chez le corps constitué corporativement qui s'appelle les infirmiers et les infirmières, est-ce qu'on a cette ouverture? Vous venez de prendre l'engagement public que oui, l'ouverture existe.

Mme Pelland: Oui, oui.

M. Trudel: Pas à travers les vieilles règles du jeu. De nouvelles règles à établir. C'est ça que vous nous dites?

Mme Pelland: Je vous dis que ça ne passe pas nécessairement par le règlement d'autorisation parce que ça pourrait aller jusqu'à leur permettre de devenir des infirmières. Je ne suis pas sûre que l'autre corporation voudrait ça, cependant. Mais ça pourrait aller jusque-là. Quand je dis qu'il faut regarder ce qu'elles ont comme potentiel à l'heure actuelle, comme connaissances, ça irait jusqu'au fait de dire: Peut-être qu'on peut, pour un certain nombre, revoir des solutions qu'on avait privilégiées dans les années soixante-dix et qu'elles puissent devenir infirmières.

M. Trudel: Bon, en général, parce que ne commençons pas les négociations tout de suite ici, c'est juste au niveau du principe, c'est que vous dites formellement... Quand moi, en tout cas, j'ai posé la question aux professionnels de la santé qui s'appellent les médecins, ils disent qu'ils sont prêts. Moi, je vous repose la question à vous. Vous dites: Oui, on est prêtes. Sur le détail, je vous dirais, mais qui peut devenir l'essentiel des règles, moi, c'est l'ouverture d'esprit parce que l'utilisation la plus efficiente d'une ressource professionnelle en santé, ça vaut pour le médecin, ça vaut pour l'infirmière aussi.

Mme Pelland: Exactement.

M. Trudel: Je ne suis pas le plus grand spécialiste de chacun des gestes qui vous sont réservés, mais il me semble qu'à des places, à l'oeil, comme consommateur, il y a aussi des gestes mécaniques qu'on vous fait réaliser et qui pourraient avantageusement être remplacés par d'autres gestes - je vais appeler ça plus professionnels - qui rendraient le système davantage efficient. La logique vaut tout le temps, aussi pour les infirmières auxiliaires et probablement pour les préposés.

Je terminerai la remarque en disant ceci: II y a une plainte générale qui a été à peu près adressée à l'ensemble par tous les groupes qui sont passés. Pour tout le monde, je dirais, allé du bas de l'échelle jusqu'en haut, c'est: Vous nous utilisez mal et on ne se sent pas utilisés à notre potentiel. Il va falloir qu'on s'adresse à ce problème-là aussi, qu'on y fasse face à ce problème-là. Vous en faites l'engagement public.

Deuxièmement - ça passe vite - maintenant, revenons sur les dépenses, toujours pour trouver des voies de solutions. Mme Guimond...

Mme Guimond: Oui.

M. Trudel: ...dans votre comparaison en réponse à la question du ministre sur IPC plus 1 %, plus 2 %, plus 3 %... Bon, d'abord, précisons que je ne veux pas vous mettre en boîte dans un débat d'économistes. Ce n'est pas ça du tout. Vous faites une bonne référence à ce qu'on aperçoit généralement dans la société comme scheme de référence, c'est-à-dire l'évolution du monde commercial et privé. Bon. Vous dites: Dans le commercial et privé, si ça marchait à plus 3 %, il me semble qu'on serait comme en voiture. Et vous dites: Dans le cas de la santé et des services sociaux, de continuer, donc, à y aller à IPC plus 3 %, on a l'impression que c'est peut-être un peu gras. Le mot est de moi. Ce n'est pas de vous. C'est peut-être un peu gras. Mais un autre élément qui est bien répandu comme scheme, c'est: Nous autres, dans l'entreprise privée, on ne dépense pas plus que ce qu'on a.

C'est à ça que vous vous référiez comme élément, comme modèle. Quand vous prenez le tableau de la page 101 qui fait l'illustration de ces trois scénarios, cette page-ià, c'est comme un contrat d'assurance. Il faut aller voir les petites lignes en bas. Regardez bien les petites lignes en bas.

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Guimond: Oui, oui.

M. Trudel: C'est là qu'est le secret de l'affaire. Le tableau de la page 101.

M. Côté (Charlesbourg): Sauf que, sur les contrats d'assurance, le caractère qui est en bas, ça, c'est le caractère principal.

Mme Guimond: Oui.

M. Trudel: Oui, c'est ça. Et là, ici, ça devient aussi le principal dans le mode de calcul. Il est bien dit, dans la note, que «pour l'ensemble de ces scénarios, les hypothèses utilisées pour les variables économiques sont: IPC + 3, 5 %; PIB + 3, 5 %» Ça veut dire que, quand on irait à + 3 %, on suivrait très exactement le niveau d'enrichissement de la compagnie. On ne dépasse pas. Ce que ça veut dire, c'est que le débat n'est pas situé là parce que le paramètre est bien établi. Quand on s'enrichit de + 3 %, pourquoi on n'en mettrait pas + 3 % dans la caisse? Dans ce sens-là, 3 % fait juste respecter la richesse de la compagnie. On n'en met pas plus.

Le véritable débat c'est: Est-ce que le système de santé et des services sociaux doit contribuer à rétablir le niveau d'équilibre des finances publiques du Québec? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Guimond: Pas tout seul, certain. Bon. Ça nous apparaît être un peu odieux, vous savez. Je pense qu'on en a parié un peu comme quoi on trouve qu'il ne faut pas que l'accent soit mis... comme quoi il faut que ce soit le système de santé qui soit le modèle dans ça et l'unique participant. Je ne pense pas que ce soit la réalité non plus. En tout cas, je l'espère fortement. La santé, comme je vous le dis, c'est un investissement. Donc, ii faut peut-être regarder le système de santé comme étant quelque chose d'un peu différent d'autres services qui sont offerts et couverts au niveau des dépenses publiques.

M. Trudel: Je vais vous en dire un peu plus. Je suis d'accord avec vous, absolument. Mais même là, en disant un service public qui est différent, ce que je viens de dire avec les chiffres, c'est qu'il n'est même pas différent, là. Il continuerait à s'enrichir, entre guillemets, du même niveau d'enrichissement collectif, là. Ça fait que le problème, il n'est pas là. Le problème serait à l'extérieur de ce système, au niveau des projections des années à venir. Bon. Et là, évidemment, peut-être que vous me voyez venir avec mes grosses bottines. Comme disaient les personnes âgées, hier: Embarquez-nous pas dans une patente nationaliste, vous, là...

M. Côté (Charlesbourg): Juste dans l'autobus.

M. Trudel:... juste dans l'autobus. ce dont je veux juste qu'on se rende bien compte, c'est que, quand vous utilisez l'expression - et vous êtes, quant à moi, socialement, comment dire, dans la moyenne; vous reflétez parfaitement ce qu'on entend le plus largement sur la place publique, dans les réseaux d'information, journaux, télévision - «dans un contexte de rareté de ressources», c'est une expression que vous avez employée, «dans un contexte de rareté de ressources» est une affirmation fausse - ce n'est pas à vous que je fais le reproche, c'est à tout le monde - dans la mesure où la projection d'investissements en santé et services sociaux, à sa théorie, à son hypothèse maximale, prévoit investir uniquement le pourcentage d'augmentation du produit intérieur brut ou le rendement général des impôts. Le problème, il est ailleurs.

Dans la mesure - je conclus là-dessus parce que je n'ai pas le choix - où le ministre, décrivant la situation, dit: Notre problème, au départ, il est de 1, 2 % à comprimer... C'est ce qui dépasse. Ça, ça dépasse le produit intérieur brut; c'est déjà une job de faire ça, 1, 2 %. Si on veut être correct en matière d'évolution des dépenses publiques de santé, on a 1, 2 % du PIB ou du pourcentage de dépenses qu'il faut, de toute façon, comprimer. Le ministre disait hier: Ça, c'est quelque chose comme 140 000 000 $, 150 000 000 $. Le restant du problème, ce n'est pas la santé et les services sociaux; c'est les finances publiques du Québec. Là, il va falloir aller voir ailleurs ce qui cause ce débalancement et qu'on s'y attaque fermement. Sans ça, on va faire payer à la santé et aux services sociaux le problème que nous avons en matière de santé publique.

Je concluerai en disant: Quant à votre vision de la révision du panier de services, nom de Dieu, il faut bien faire le ménage quelque part. Avec une définition comme vous avez là, quant à moi, je vous dis ça là-dessus, vous faites progresser le débat À la page 5 de votre document - je n'ai même pas besoin de vous poser la question, mais il faut que je le souligne - vous faites progresser le débat de la révision du panier parce que ça a trois, quatre définitions, ça, la révision du panier: «L'efficacité des services doit se démontrer à partir de critères distincts et multidimensionnels. Pour ce faire, il importe que les aspects sociaux, économiques, cliniques, éthiques», avez-vous dit, madame de la section des services professionnels dans votre Ordre. C'est à ça que nous invite la définition de l'essentiel ou du non-essentiel et, à cet égard-là, si on fait ça comme cela, je suis à peu près assuré qu'on n'a pas besoin de mettre les yeux et les dents dans la balance pour les désassurer en termes d'essentiel ou de non-essentiel. J'ai parlé beaucoup, mais, si ce n'était pas vrai ce que je disais, vous m'auriez dit: Non, non, non. Vous m'auriez arrêté. Merci beaucoup de votre contribution. C'est appréciable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Mais parce qu'ils n'ont pas réagi, ils sont d'accord avec tout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui, pour ça, là.

Mme Pelland: Non, on le laissait aller. Le Président (M. Joly): M. te ministre. M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Pelland: Mais j'ai déjà trouvé 50 000 000 $ pour vous, M. le ministre, oui, dans la rémunération des fonctions clinico-médico-administratives. Je m'étais dit que je le dirais et je vais le mentionner. Il y a un moyen de diminuer probablement encore, suite à la loi qui a été passée l'été dernier, là. On peut prévoir qu'il va y avoir encore des frais de gestion qui vont devoir être versés à certains chefs de programmes, entre autres les chefs de direction, que vous allez déterminer à partir de l'article 105, 13°. J'imagine que c'est le gouvernement qui peut faire ça, mais vous allez avoir une grosse part de responsabilité. Alors, en plus des 50 000 000 $ qui sont déjà identifiés, je ne sais pas qu'est-ce que ça peut représenter. Ça peut peut-être représenter encore 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $, ça. Il y a certainement une épargne à faire de ce côté-là et ça va aider, dans une autre mesure, les directrices de soins infirmiers à exercer leur fonction d'aspect administratif. Je pense qu'on se comprend.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Pelland: En travaillant sur 105, 13°, et en travaillant sur l'article 189, il y a des économies sérieuses à faire et ça aidera sûrement au bon fonctionnement des institutions.

M. Côté (Charlesbourg): Je m'en suis fait parler quand j'ai été hospitalisé à l'Enfant-Jésus.

Mme Pelland: Bon, parfait! Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Trudel: ...avec un boomerang.

M. Côté (Charlesbourg): Non, je pense que ça interpelle tout le monde et là où il y a des moyens ou des possibilités, il faut tous les explorer. Merci beaucoup de cette contribution. On va avoir un rendez-vous sur les thérapies alternatives et on va avoir un rendez-vous sur la politique de santé et bien-être, donc il y a encore deux morceaux à votre ticket.

Mme Pelland: Parfait!

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, à mon tour de vous remercier. Merci d'avoir été présentes. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 15.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise à 14 h 26)

Le Président (M. Joly): Bonjour à tous et à toutes à cette commission. Nous avons le bonheur d'avoir ici l'Ordre des dentistes du Québec et l'Association des chirurgiens dentistes du Québec. Avant de vous demander de vous introduire, je vous rappelle un peu la façon de procéder. Vous avez une trentaine de minutes pour exposer votre mémoire et, par après, les parlementaires se partageront la balance de l'enveloppe de temps pour échanges et discussions. Alors, la personne responsable du groupe c'est?

Ordre des dentistes du Québec et

Association des chirurgiens

dentistes du Québec

M. Boucher (Marc): Dr Marc Boucher, président de l'Ordre des dentistes du Québec.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Boucher: J'aimerais vous présenter ceux qui sont avec moi à cette table: à ma droite, le Dr Jean-Paul Lussier, ex-doyen de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal; à mon extrême-droite, le Dr Pierre-Yves Lamarche, directeur général et secrétaire de l'Ordre. Pour une fois que j'ai l'occasion de présenter le président de l'Association, j'en profite. Je ne peux pas manquer ça. Alors, le Dr Claude Chicoine qui, lui, se fera un devoir de vous présenter celui qui l'accompagne. Alors, le Dr Claude Chicoine, président-directeur général de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec.

M. Chicoine (Claude): M. le Président, je suis accompagné de Me Yvan Brodeur qui est consultant a l'Association des chirurgiens dentistes.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. La parole est à vous.

M. Boucher: Alors, M. le Président, brièvement, je vous ferai, comment dire, un résumé succinct et rapide du mémoire de l'Ordre des dentistes du Québec. J'aimerais, dans un premier temps, si vous me le permettez, tout d'abord remercier cette commission, vous, M. le Président, le ministre et son gouvernement, de nous donner l'occasion, bien sûr, de faire part à cette commission des vues et des moyens proposés par l'Ordre en regard des points et des aspects qui relèvent de notre compétence.

L'Ordre des dentistes, comme vous le savez,

a succédé à la Corporation professionnelle des dentistes que l'on appelait, dans le temps, le Collège, pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui: l'Ordre des dentistes du Québec. L'Ordre représente les 3300 dentistes qui ont droit de pratique au Québec. J'aimerais bien rappeler à cette commission, bien sûr, que le mandat officiel de l'Ordre des dentistes du Québec est de protéger le public et que, de ce fait, nous pensons qu'il est de notre devoir d'intervenir en toutes circonstances où la santé dentaire est mise en cause. Et justement, compte tenu du fait que nous croyons que la proposition faite à ce moment-ci de désassurer cette partie curative incluse dans le programme de soins dentaires pour les enfants pourrait remettre en cause la santé dentaire de ces mêmes enfants, nous prenons partie pour nous opposer à cette proposition faite par le gouvernement. Cependant, nous constatons avec satisfaction, bien sûr, que le programme de chirurgie buccale et que le programme de soins dentaires pour les prestataires de la sécurité du revenu sera maintenu, bien évidemment, grâce à C-3.

L'Ordre voit, dans la proposition de réduire le coût des services dentaires, une atteinte à la santé dentaire des enfants en ce que le moyen mis de l'avant, la désassurance des soins curatifs de ce programme, n'est pas l'instrument indiqué pour régler le problème qui est en cause, c'est-à-dire celui du financement. Nous prévoyons même que la mise en application de cette mesure va entraîner des effets contraires aux objectifs de santé à respecter, même si le volet préventif du programme est conservé, ce dont l'Ordre, bien sûr, se félicite.

M. Côté (Charlesbourg): Grâce à C-3.

M. Boucher: C'est vous qui le dites, M. le ministre. Je ne vous le fais pas dire.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non, moi, je veux juste compléter. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: J'avais pensé qu'une fois c'était suffisant. L'examen des faits et des caractéristiques du programme nous amènera à prouver ce que nous avançons à l'effet que la proposition mise de l'avant par le gouvernement pourrait causer des problèmes plus graves que ceux que l'on veut éviter.

Les faits. L'évolution du programme. On le sait, ça a été mis en place en 1974. À ce moment-là, les enfants de huit ans étaient les seuls assurés. Avec le temps, tous les enfants de 15 ans et moins ont été assurés par ce même programme. En 1982, le gouvernement, pour des raisons qui sont les siennes, a jugé bon d'apporter des changements importants à ce programme de sorte que les soins préventifs n'ont plus été couverts pour les enfants de 0 à 12 ans et que les soins curatifs ont aussi été éliminés du programme pour les enfants de 0 à 12 ans et de 13 à 15 ans. En 1989, l'examen était reporté à tous les 244 jours ou à tous les huit mois plutôt qu'à tous les six mois ce qui, bien sûr, apportait des réductions de coût importantes.

Quand on regarde la participation des bénéficiaires au régime, on se rend compte que le taux s'est maintenu à des niveaux raisonnables, le taux étant, en 1987, de l'ordre de 61 %. Quand on regarde un peu plus attentivement les chiffres, le taux ventilé de la fréquentation, en 1989, nous indique qu'il y a une faible participation des enfants d'âge préscolaire, mais pour ce qui est des enfants de 5 à 14 ans, la participation est de l'ordre de 75 %.

Maintenant, la nature et le volume des services. On se rend compte que tout ce programme a évolué vers ce que souhaite le ministère, vers ce que souhaite le gouvernement, c'est-à-dire vers la prévention. Entre 1983 et 1989, on dénote une légère hausse des examens, on dénote une légère hausse de la prévention, mais on constate aussi en même temps une baisse d'à peu près même dimension au niveau des soins de restauration. Mais ce qu'il est important de constater, c'est que les extractions ont diminué de moitié entre 1980 et 1989. Le nombre des services, pendant ce temps, se maintient à un niveau à peu près semblable. En 1983, il était à 4,4; il est maintenant à 3,8 services par bénéficiaire en 1989.

L'évolution des coûts. Si tous les services qui sont assurés par le grand programme de la santé devaient maintenir une allure semblable à celle qu'ont connue les services dentaires, je suis même presque convaincu que nous ne serions point ici aujourd'hui puisque le service a connu une évolution en deçà de l'IPC, de 1983 à 1989. C'est donc dire que les faits nous démontrent hors de tout doute l'efficacité du programme, du contrôle exercé sur le programme et une absence de surutilisation des services. Alors, sur ce plan-là, le contrôle est assuré. Ce qu'il est important de noter, ce sont les résultats qui nous sont venus de la mise en application de ce programme. Pour prouver ce que nous avançons, bien sûr, nous nous appuyons sur des enquêtes qui sont basées sur des chiffres, sur des faits, sur ce qui s'est passé au Québec, chez nous. Pas sur la planète Mars, mais bien chez nous.

En 1977, les enfants de 13 ans du Québec étaient, si l'on peut dire, les seuls aspirants au championnat toute catégorie de la mauvaise santé dentaire. Nous avions le plus grand nombre de caries, le plus grand nombre de dents absentes, le plus grand nombre de dents obturées. On n'avait même pas de gens qui pouvaient nous contester ce championnat-là, nous étions les champions toute catégorie. En 1984, après la mise en application du programme qui, disons-le, a été mis en application en 1974, pour le CAO,

c'est-à-dire les dents cariées, les dents absentes, les dents obturées, l'indice chute de 8,5 à 5,6. En 1990, il est à 4,2. Et ce qu'il est important de noter, c'est qu'en 1990 le nombre de dents obturées a augmenté d'une façon extraordinaire, de sorte qu'en 1990 les extractions ne comptent plus que pour 0,7 % des actes posés à l'intérieur de ce même programme. Voilà, à notre avis, des effets directs de la mise en application d'un programme qui a fait plus que la preuve du rapport coûts-bénéfices.

Il y a d'autres effets à notre avis tout aussi importants, mais que l'on ne peut pas comptabiliser; c'est, par exemple, le fait que les enfants, maintenant, de ces âges, de 0 à 15 ans, vont chez le dentiste, je ne dirais pas en chantant, mais presque. Ils n'ont plus peur d'aller chez le dentiste. Et ce que l'on est en train de préparer, c'est une population adulte de demain avec une santé dentaire comparable à celle de nos jeunes voisins du sud immédiat. Et je parle ici, bien sûr, des Ontariens et, bien évidemment, des jeunes Américains. Mais, malgré tout, bien que nous ayons fait des progrès remarquables, la tâche est loin d'être terminée. En 1990, la santé dentaire des jeunes Québécois se compare à celle des jeunes Ontariens de 1978 et à celle des jeunes Américains de 1970. C'est donc dire que la tâche est loin d'être terminée.

C'est vrai que le volet préventif du programme n'est pas remis en cause. Mais, à lui seul, nous tenons à le dire à cette commission, il ne va pas corriger la situation. Nous l'avons souligné précédemment, il y a encore 25 % des enfants de 5 à 13 ans qui ne participent pas au programme et on a, comment dire, établi un lien direct entre les non-participants et les groupes à risque où l'on retrouve un taux élevé de caries. On a observé récemment, lors d'une enquête faite par Payette et compagnie, que 25 % des enfants avaient, à eux seuls, plus de 70 % de toute la carie. Or, il arrive que ces enfants se retrouvent surtout dans les familles à faibles revenus. On risque donc, avec l'abandon du volet curatif, de les marginaliser davantage.

Ce que l'on voit dans le livre vert, ce que le ministre propose, ce que le gouvernement propose, c'est d'établir un lien direct entre la consommation et la contribution financière, d'exempter les personnes démunies d'une contribution liée à la consommation et d'inciter davantage les citoyens à la prévention. Nous, il nous est apparu, à la lecture de ce document, que cette prise de position était quasiment légitimée entièrement par une surutilisation du programme dit des médicaments. Nous, chez nous, ce que l'on constate, c'est que pour la consommation des services et la contribution financière, la relation est demeurée parfaitement sous contrôle. Les services n'ont pas donné lieu à une surutilisation. Je pense bien que je n'aurai pas besoin de faire de dessin à personne pour dire qu'on ne va pas chez le dentiste par plaisir, mais qu'on y va par nécessité. Rares sont ceux qui y vont pour surconsommer. Quant au contrôle des coûts, on veut ici souligner le travail fait par la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui a rempli son rôle en ce domaine de surveillant et de chien de garde des finances d'une façon tout à fait extraordinaire.

Au sujet des personnes démunies, M. le ministre, on peut s'attendre à ce qu'une partie des soins rendus dans le cadre du programme de services dentaires pour les enfants va se retrouver, bien sûr, dans le programme de services dentaires pour les prestataires de la sécurité du revenu. Quant aux autres qui en seront exclus, je pense qu'il n'y a pas besoin encore une fois de faire de dessin, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que ces gens-là vont utiliser toutes sortes de raisons pour remettre à plus tard leur visite chez le dentiste et, de ce fait, compte tenu qu'ils ne seront pas chez nous à tous les six mois, comme il se doit, les problèmes que ces gens-là vont, comment dire, développer vont nécessiter des travaux qui vont demander que ces gens-là y consacrent davantage d'argent.

Pour ce qui est de l'incitation à la prévention, je me permettrai de souligner que les remarques déjà faites démontrent clairement que la tendance va vers cette caractéristique que l'on voudrait voir au régime, c'est-à-dire la prévention. Nous pensons que le ministère devra se montrer prudent dans l'application de ses nouvelles orientations pour ne pas aller à rencontre des objectifs qu'il se propose. Si les services dentaires curatifs, du fait qu'ils soient intégrés aux programmes complémentaires... Je voudrais ouvrir ici juste une petite parenthèse, M. le ministre, pour vous souligner qu'il existe tellement d'autres beaux adjectifs dans le «Petit Robert» que «complémentaires». Pour nous, les services dentaires, c'est...

M. Côté (Charlesbourg): C'est complémentaire!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Peut-être pour vous. Mais ils sont tout aussi essentiels que les autres. Juste pour vous souligner qu'à notre avis, en tout cas, il n'y a pas de bonne santé comme telle s'il n'y a pas de bonne santé dentaire. Je vous assure que ce n'est pas facile de se nourrir et de s'alimenter correctement quand tu n'as pas beaucoup de dents dans la baboune. Tout ça pour vous dire que vous feriez fausse route - je parle du gouvernement, bien sûr - si vous deviez aller dans le sens que vous proposez dans ce livre vert et désassuriez les soins curatifs. Il va s'ensuivre, quant à nous, un recul d'autant moins excusable que les économies entrevues ne seront, en définitive, qu'apparentes.

Vous proposez dans votre livre vert une

politique de santé générale. Nous souscrivons entièrement à cette proposition, mais ce que nous vous demandons, c'est qu'une politique de santé dentaire soit incluse dans cette grande politique de santé en général, vous soulignant encore une fois que la santé dentaire est tout aussi importante que les yeux, que les oreilles, que le nez et je ne sais trop quoi.

Ce que l'Ordre vous recommande, c'est de conserver le programme de services dentaires pour les enfants dans sa forme actuelle en ce qui a trait au volet curatif, et, tant qu'à y être, si on veut éviter que les coûts ne deviennent de plus en plus importants, de revenir à six mois dans l'intervalle des examens dentaires pour les enfants, et de considérer prioritaires les services dentaires à certaines clientèles spécifiques, et, bien sûr, d'élaborer une politique dentaire qui fasse état des objectifs à atteindre au cours des prochaines années. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, Dr. Boucher. Dr. Chicoine.

M. Chicoine: M. le Président, dans le volume du ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec en 1990, qui était intitulé «Une réforme axée sur le citoyen», on peut lire ceci: «La gratuité des services est une illusion. Les citoyens paient pour les services qu'ils consomment. Toutefois, les modes de paiement comportent des différences notables selon que la facture est réglée par l'individu ou la collectivité. » Fin de la citation. Voilà, posée en un paragraphe, de façon précise, concise et intelligente, la problématique du financement des soins de santé au Québec. La question essentielle est donc la suivante: Qui doit régler la facture des diverses catégories de services de santé? Ainsi, eu égard aux soins dentaires assurés, il faut se demander qui de l'individu ou de la collectivité doit payer la facture des soins dentaires dispensés aux enfants du Québec.

Dans un premier temps, nous tenterons d'établir ce que nous enseignent les 20 dernières années. À cette fin, nous examinerons l'implication financière de la collectivité depuis l'instauration du régime d'assurance dentaire public en 1973. Nous traiterons alors des questions suivantes: l'évolution de la couverture de soins dentaires depuis 1973; les coûts assumés par la collectivité depuis cette date; le niveau de participation des enfants au régime et la justification financière de la décision des citoyens du Québec d'assumer collectivement une partie de la facture des soins dentaires dispensés aux enfants. Après cette rétrospective, nous traiterons de la question centrale du présent débat: Doit-on maintenir intégralement le régime public d'assurance dentaire pour les enfants? Nous aborderons finalement la question des sources de financement de l'État et celle de la création d'un fonds général de services complémentaires.

De 1973 à 1982, la collectivité, c'est-à-dire le gouvernement, s'implique, puis se retire. On peut dire essentiellement que, de 1973 à 1982, la collectivité a assumé de façon croissante le coût des soins dentaires aux enfants, puis, au cours des 10 dernières années, que l'État a ciblé et diminué de plus en plus son engagement, laissant les parents assumer une part grandissante de la facture. Examinons l'évolution de la couverture de soins dentaires.

Le programme public de services dentaires est entré en vigueur le 1er mai 1974. Il visait alors les services de prévention et les services curatifs. Seuls les enfants de moins de 8 ans y avaient droit. Le 1er mai de chacune des années suivantes, le programme connaît des extensions: couverture des enfants de 8 ans en 1975, 9 ans en 1976, 10 et 11 ans en 1977, 12 et 13 ans en 1978, 14 ans en 1979 et 15 ans en 1980.

En 1982, la couverture des services assurés est modifiée. Le programme ne comprend plus ies services de prévention en cabinet privé pour les enfants de moins de 12 ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, la couverture se limite aux services de nature diagnostique et préventive ainsi qu'aux services de chirurgie, à l'exception de l'extraction des dents ou de racines. Enfin, le 1er janvier 1989, le délai minimum entre les examens complets est porté de 180 à 244 jours.

Les modifications de 1982 et de 1989 expliquent, pour une bonne part, que de 7 % du coût total des programmes de la RAMQ, en 1980-1981, le coût des programmes de services dentaires pour les enfants ne représente plus maintenant que 2, 8 % du coût total. Ainsi, depuis 10 ans, l'État, c'est-à-dire la collectivité, a réduit considérablement sa participation au coût relié à la santé dentaire des enfants du Québec. Les parents ont donc assumé individuellement une proportion croissante de ces coûts. (14 h 45)

Les normes nationales prévues à la loi C-3 ne s'appliquent pas aux services dentaires assurés par les provinces. Le gouvernement du Québec et le ministre des Affaires sociales ont donc pu, à plusieurs reprises et de diverses façons, optimiser l'investissement de l'État québécois dans la santé dentaire des enfants du Québec. L'Association des chirurgiens dentistes du Québec a apporté son soutien à ces efforts chaque fois qu'ils conservaient intacte la cohérence du régime.

Au titre de l'évolution des coûts et du niveau de participation des enfants au régime, les résultats sont impressionnants. Premièrement, si nous regardons la progression des coûts des programmes, de 1983-1984 à 1988-1989, soit une période où il n'y a pas eu de modification à la couverture des soins dentaires assurés, nous remarquons que le coût des soins dentaires pour les enfants augmente de 5, 9 % en moyenne, alors que celui de l'ensemble des programmes augmente, pour cette période, de 8, 6 %. De 1980 à 1989,

malgré une population admissible en légère décroissance, le nombre des participants s'est accru annuellement de 0,8 % en moyenne. Ainsi, le taux de participation est passé de 54,6 % en 1980 à 60,4 % en 1989, soit un accroissement annuel moyen de 1,1 %.

De 1983 à 1988, le nombre de services par bénéficiaire a diminué, en moyenne, de 1,3 % par année. Soulignons toutefois une stabilisation du nombre de services par bénéficiaire à 4,1 au cours des années 1986,1987 et 1988. une analyse plus détaillée révèle que la baisse de 1983 à 1988 est due au fait que les actes curatrfs ont diminué, en moyenne, de 4,6 % par année. ces données indiquent clairement une amélioration constante de la santé dentaire des enfants.

Finalement, le coût moyen des services est passé de 16,58 $ en 1983 à 20,97 $ en 1989, soit une augmentation annuelle moyenne de 4 % au cours de cette période. Le fait que le coût moyen des services se soit accru moins rapidement que les tarifs, de 1983 à 1989, résulte du changement de composition des différents types d'actes. En effet, il y a de plus en plus d'actes de prévention ayant un tarif peu élevé et de moins en moins d'actes curatifs, alors que le nombre d'examens reste à peu près le même.

À notre avis, en termes de coût global, le régime public d'assurance dentaire du Québec est moins coûteux qu'un système où les citoyens défraient eux-mêmes ou par le truchement de leur régime d'assurance privé le coût des services dentaires dispensés aux enfants. À titre illustratif, examinons la situation des coûts de la santé aux États-Unis. Alors qu'au Québec tous les citoyens ont accès aux services médicaux et hospitaliers, aux États-Unis, 17,5 % de la population n'a aucune couverture médicale privée ou publique. Ce pourcentage représenterait, au Québec, 1 200 000 personnes. Pourtant, en 1987, aux États-Unis, les dépenses totales de santé par habitant étaient de 2051 $ US comparativement à 1440 $ US au Québec. Par ailleurs, le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité prénatale sont plus élevés aux États-Unis qu'au Québec. On peut comprendre que 10 % seulement des Américains considèrent que, dans l'ensemble, leur système de santé fonctionne bien.

Pour la collectivité, un système public de santé peut donc représenter un investissement plus rentable qu'un système privé. Les raisons sont multiples. Ainsi, à titre d'exemple, les honoraires versés aux médecins québécois sont négociés par l'État qui, profitant de sa situation de législateur et d'acheteur unique de ces services de santé, obtient un niveau d'honoraires plus faible que celui du marché libre. La Régie de l'assurance-maladie, comme agent payeur unique, est en situation idéale pour exercer un contrôle très serré sur l'ensemble de la facturation des professionnels, ce qu'aucune compagnie d'assurances ne peut réaliser. De plus, la Régie, qui administre un régime de santé unique s'ap-pliquant à tous les citoyens du Québec dans un cadre de procédure de facturation identique pour chaque catégorie de professionnels, administre les régimes de santé à un taux extrêmement faible comparé au taux que l'on retrouve chez les assureurs privés. Avec un budget de 72 000 000 $, la Régie administre des demandes de prestations totalisant 3 016 000 000 $, soit un taux de 2,3 %. Or, les assureurs privés chargent usuellement de 10% à 15% pour les services d'administration.

Qu'en est-il des services dentaires dispensés aux enfants? Le ministère des Affaires sociales négocie avec l'Association des chirurgiens dentistes du Québec les taux payés par la Régie de l'assurance-maladie pour les services assurés par décret du gouvernement. Comme représentant de la collectivité et négociateur d'une masse importante de services, le gouvernement est bien placé pour obtenir des taux préférentiels, et il les obtient. C'est ainsi que les taux versés par la Régie de l'assurance-maladie représentent environ 50 % des taux prévus - on va s'obstiner là-dessus, M. le ministre, ça va venir tout à l'heure, soyez patient - au «Guide des tarifs» de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec. Bien sûr, les dentistes ont souvent indiqué que ces honoraires sont trop faibles. Pourtant, ils ont accepté de dispenser des soins à ces conditions, convaincus qu'ils sont de l'importance d'un régime public d'assurance dentaire pour les enfants, car ils savent d'expérience que les bases d'une saine dentition à l'âge adulte sont déjà posées même avant l'adolescence.

La Régie de l'assurance-maladie du Québec est l'administrateur unique de ce régime. Tel qu'indiqué précédemment, elle administre le régime à des coûts beaucoup plus faibles que ceux chargés par des assureurs privés. En d'autres termes, le régime actuel permet à tous les enfants québécois de recevoir des services pour un coût global moindre qu'en l'absence de régime public, même si, alors, des milliers de jeunes Québécois étaient privés de services pour des raisons économiques.

Nécessité de maintenir intégralement le régime public d'assurance dentaire pour les enfants. Les enfants québécois peuvent-ils se passer du régime public d'assurance dentaire? L'examen des données épidémiologiques concernant la carie dentaire chez les enfants du Québec nous fournit une réponse non équivoque. Citons une étude du Dr Daniel Kandelman, professeur à l'Université de Montréal et gradué de Harvard: «Les comparaisons avec les enquêtes réalisées dans d'autres provinces canadiennes et aux États-Unis indiquent que la baisse de la carie a été plus importante au Québec au cours des 15 dernières années, mais il faut tenir compte du fait que la prévalence de la carie a été très élevée dans le passé dans la population québécoise et notamment chez les francophones.

À partir des chiffres de l'enquête «Santé dentaire Québec 1990» et de ceux de l'enquête nationale réalisée en 1986-1987 aux États-Unis, il faut constater qu'à l'heure actuelle les enfants du Québec ont 40 % plus de caries que les enfants américains du même âge. La différence entre le CAO du Québec et ceux de l'Ontario, de I'Alberta et de la Colombie-Britannique est respectivement de 34 %, 35 % et 42 %. Il faut également observer que, malgré les progrès importants enregistrés au cours des dernières années au Québec, la prévalence de la carie des écoliers québécois en 1990 correspond à celle des enfants ontariens en 1978. Ces comparaisons montrent à quel point il est capital de continuer les efforts de nos politiques de santé dentaire.» Fin de la citation.

Notons qu'il n'y pas de régime public d'assurance dentaire en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, mais le problème se pose bien différemment dans ces trois provinces, vu la différence avec le Québec dans le taux de la carie chez les enfants et vu que la proportion des enfants y détenant une protection d'assurance dentaire privée y est beaucoup plus élevée qu'au Québec.

Par ailleurs, notons que les enfants des provinces suivantes bénéficient d'un régime public d'assurance dentaire comprenant les examens, les actes de prévention et les actes cura-tifs: Saskatchewan, Manitoba, Nouvelle-Ecosse, île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.

Les effets d'une désassurance des soins dentaires sont essentiellement prévisibles. Ainsi, l'expérience de la désassurance des soins curatifs pour les 13, 14 et 15 ans en 1982 permet de conclure qu'advenant la désassurance des soins curatifs pour les enfants de 12 ans et moins des milliers d'enfants de familles à faibles revenus cesseront de fréquenter le dentiste.

Il est injustifiable de refiler aux parents la facture des soins dentaires curatifs de leurs jeunes enfants, particulièrement dans un contexte de difficultés économiques où les familles sont d'autant plus vulnérables. Il serait bien difficile de concilier une telle mesure avec la politique familiale du Québec dont le gouvernement est fier, à juste titre. Il serait également difficile d'affirmer que l'on a respecté l'une des priorités du gouvernement énoncées au document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens»: l'accessibilité des citoyens démunis aux services complémentaires.

Le financement. Le document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens» traite de façon bien spécifique du financement des services complémentaires. De façon préliminaire, il est opportun de bien saisir la notion de «services complémentaires». Le concept de services complémentaires n'est pertinent et utile pour désigner les services dentaires qu'en relation avec la couverture visée par la loi C-3. En d'autres termes, tout service de santé dont le financement n'est pas assumé par le gouvernement fédéral dans le cadre de C-3 est un service complémentaire. La pertinence de cette notion se limite donc au cadre du financement conjoint fédéral-provincial des services de santé.

Par ailleurs, dans une perspective globale de politique de la santé, les services dentaires sont évidemment des services de base. Il sont aussi des services préventifs. Comment désigner autrement des services de santé dont dépend l'état de santé général d'un bénéficiaire?

D'autre part, il nous semble important de préciser que les services dentaires couverts par le régime public rencontrent depuis longtemps les orientations majeures du gouvernement. Premièrement, le lien direct entre la consommation individuelle et la contribution financière existe depuis 1982 puisque, depuis cette date, les parents défraient eux-mêmes le coût des services de prévention pour les enfants de moins de 12 ans et des services curatifs pour les enfants de plus de 12 ans. Il n'existe évidemment aucun problème de surconsommation de services dentaires assurés chez les jeunes, vu que la visite chez le dentiste les incitent rarement à des effusions de joie.

Pistes de solutions. Ces remarques préliminaires étant énoncées, il convient de discuter des modalités de financement de la contribution de la collectivité qui nous semblent les plus appropriées. Soulignons d'abord que nous ne prétendons à aucune expertise dans le domaine des finances publiques. Pour autant, nous répondons volontiers à l'invitation du ministre et nous nous permettons d'indiquer quelques pistes de solutions. Autant que possible, nous chercherons des solutions dans notre domaine d'activité, évitant ainsi la tentation tellement répandue de pelleter sa neige dans la cour du voisin.

Première piste. Au début de notre mémoire, nous identifions la question essentielle du présent débat: Qui doit régler la facture des soins dentaires dispensés aux enfants du Québec? Le parent ou la collectivité? Depuis 10 ans, la proportion de la contribution des parents s'est accrue considérablement alors que celle de la collectivité diminuait d'autant. Tout rétrécissement futur de l'implication de la collectivité viendrait mettre en péril l'équilibre fragile du régime actuel et les acquis en termes de santé dentaire des enfants du Québec. Tenant compte de cet état de fait, nous n'hésitons pas à suggérer que la contribution de la collectivité soit financée à partir du fonds consolidé ou d'une contribution mixte des employeurs et du fonds consolidé.

Deuxièmement, par ailleurs, si le gouvernement devait retenir une formule impliquant un nouvel effort financier de la part des parents, nous privilégions la formule d'un impôt-services. Pour nous, cette approche a surtout le mérite d'assurer une contribution du bénéficiaire qui augmente en fonction de son revenu. On a

soulevé certains problèmes administratifs reliés à cette formule. Ces problèmes ne nous semblent pas plus complexes que ceux qui seraient créés dans le cadre de l'administration de la Loi sur l'aide sociale, advenant une désassurance des soins curatifs. En effet, pour les enfants des bénéficiaires de l'aide sociale, les soins désas-surés aux termes de la Loi sur l'assurance-mala-die deviendraient des soins couverts aux termes de la Loi sur l'aide sociale. L'administration de cette loi en serait considérablement compliquée. D'autre part, on s'est questionné sur les coûts administratifs d'une telle mesure. Il nous semble évident que les avantages financiers extrêmement importants d'un régime public compensent largement cet inconvénient. Pensons notamment aux faibles tarifs payés par la Régie de l'assurance-maladie et aux économies d'échelle réalisées par cet organisme. Au seul titre des frais d'administration, on parle ici de 10 % d'économie par rapport à un assureur privé.

Enfin, il nous semble que le gouvernement devrait expérimenter la formule de l'impôt-services dans un secteur limité d'abord avant d'en étendre la portée ailleurs dans le système. Nous sommes disposés à collaborer à cette expérience.

Troisièmement, l'extension de l'impôt-services à d'autres services. Nous croyons qu'un système d'impôt-services pourrait être très utile pour contrôler les coûts de certains programmes, notamment: programme de médicaments, visites médicales trop fréquentes, services d'hôtellerie dans les hôpitaux, etc. (15 heures)

Quatrièmement, le contingentement des effectifs dentaires. Nous sommes la seule province, au Québec, avec trois facultés. Si on compare les cours de nos hygiénistes dentaires avec ceux de la Colombie-Britannique où il y a à peu près le même nombre de dentistes, en Colombie-Britannique, il y a une école d'hygiénistes dentaires et, au Québec, nous avons les moyens de nous en payer huit.

La révision du programme public de prévention dentaire et, finalement, l'exigence de frais correspondant aux coûts réels pour les étudiants étrangers.

Le document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens» suggère un nouveau cadre dans le but de rétablir la visibilité des liens systématiques existant entre l'ensemble des dépenses sociales et de santé ainsi que leur source de financement, soit la création du fonds général des services sociaux et de santé. Cette approche est réaliste et prometteuse. Elle devrait permettre au gouvernement, aux citoyens et aux dispensateurs de services de mieux identifier les revenus et les dépenses du secteur de la santé et, par conséquent, de mieux cerner les problèmes et les voies de solutions.

Nous croyons toutefois que les objectifs d'une telle approche commandent que l'on crée à tout le moins deux fonds: un fonds pour les services sociaux et un fonds pour les services de santé. En effet, nous voyons peu d'avantages à traiter, comme partie d'un même ensemble, des services essentiellement différents, tant de par leur nature que de par leur source de financement. Par ailleurs, il serait peut-être opportun de subdiviser le fonds pour les services de santé si l'on vient à la conclusion que les sources de contribution devraient être différentes selon qu'il s'agisse de services dentaires ou d'autres services.

Conclusion. Nous croyons que les Québécois veulent maintenir intégralement leur contribution collective au coût des services dentaires dispensés aux enfants. Leur choix est justifié. Premièrement, la collectivité ayant déjà choisi en 1982 et en 1989 de restreindre sa participation au coût des services dentaires dispensés aux enfants, les parents ont vu leur contribution individuelle augmenter substantiellement au cours des 10 dernières années. Deuxièmement, le régime public de soins dentaires assurés a été un succès; depuis 10 ans, les coûts sont à la baisse alors que la participation des enfants est en hausse. Troisièmement, en termes de coût global, le régime public d'assurance dentaire est moins coûteux qu'un système où les citoyens défraient eux-mêmes, ou par le truchement d'une assurance privée, le coût des services dentaires dispensés aux enfants. Quatrièmement, malgré une amélioration importante de leur santé dentaire, les enfants québécois ont encore un besoin essentiel du programme public de soins dentaires assurés, autant pour les services préventis que curatifs. Le niveau actuel de la carie dentaire ne laisse aucun doute à ce sujet.

Le régime public de soins dentaires est une réalisation exceptionnelle de notre collectivité. Il a permis d'améliorer l'état de santé dentaire des Québécois de façon déterminante. Malgré ces progrès, vu les retards énormes que nous avions accumulés, nous n'avons pas encore atteint le niveau de santé dentaire ayant cours dans les sociétés industrielles auxquelles nous aimons nous mesurer. La collectivité doit donc continuer d'aider les jeunes Québécois et leurs parents. Nous avons suggéré des pistes de solutions. Le gouvernement du Québec peut compter sur notre collaboration pour actualiser celle qu'il choisira de privilégier.

Le Président (M. Joly): Merci, Dr Chicoine. Vous avez remarqué que je vous ai laissé déborder largement. Alors, ça suppose qu'on va avoir un petit peu moins de temps pour la discussion. Je vous remercie. M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Si vous avez compris, c'était préventif. D'abord, commençons par admettre des choses. Ça me paraît être dans l'ordre. Oui, il y a eu une progression qu'on pourrait qualifier de fulgurante de l'état de santé dentaire au Québec.

Je pense que les chiffres qui sont là sont très clairs, et c'est certainement dû à la qualité professionnelle et à la prévention aussi, de manière générale, si on en est là aujourd'hui. Oui, effectivement, rapport qualité-coût, ce n'est pas si mal. On verra tantôt, parce qu'on va s'en reparler un petit peu, que c'est acceptable.

Oui, globalement, un contrôle des coûts. M. Boucher avait parfaitement raison de dire que si, de manière globale, le reste était contrôlé comme celui-là l'a été, on serait peut-être encore ici, mais on se parlerait juste de mesures d'efficience et d'efficacité, on ne se parlerait pas du reste, probablement. De 1986 à 1990, c'est passé de 111 000 000 $ à 115 000 000 $. Ce n'est quand même pas des augmentations à faire trembler tous les trésors. Continuons dans ces affirmations-là parce qu'elles m'apparaissent assez importantes. Rendons à César ce qui appartient à César. C-3, pour la partie qu'on lui doit dans ce programme particulier, c'est la chirurgie buccale en établissement, et c'est 3 800 000 $ sur les 115 000 000 $. C'est ça qu'on doit à Ottawa. Par rapport à son désengagement, il y a un déséquilibre assez important.

Je continue. Dans le reste, c'est le gouvernement du Québec qui décide. Prévention, c'est le gouvernement du Québec qui a décidé de la mettre. Le programme d'aide sociale, c'est le gouvernement du Québec aussi qui l'a intégré. Quand on fait tout ça, pour savoir ce dont on parle actuellement - ça me paraît très important avant même de commencer à échanger un petit peu - on dit: 115 000 000 $, le programme. Donc, on ne touche pas aux 3 800 000 $, ils sont protégés par C-3. Merci au fédéral. Pour au moins une fois, il y en aura une, fois, pendant cette commission-là, où on aura pu dire un merci réel et sincère au fédéral.

M. Trudel: ...1 200 000 000 $. Mais, là, on diminue ça de la facture. On s'entend.

M. Côté (Charlesbourg): On diminue ça, premièrement. Deuxièmement, on dit: Le programme sur l'aide sociale. Troisièmement, la prévention. En tout cas, moi, ça m'a paru clair dans le document. On va le relire. Des fois, moi aussi, je suis obligé de relire parce qu'on en voit tellement d'interprétations différentes que je viens que je ne sais plus ce qu'on a dit dans le document. Je regarde mon petit document à la page 82, et on va le relire ensemble.

C'est bon, à part de ça. Quand je le relis, je trouve que je ne m'en sers pas assez souvent, du livre. À la page 82, on va le lire ensemble: «L'introduction de services dentaires assurés pour les enfants visait à favoriser la prévention et à corriger un nombre élevé de caries affectant leur santé dentaire. Des progrès importants ont été observés depuis l'introduction du programme. Une désassurance éventuelle ne porterait que sur la partie des services dentaires curatifs de ce programme dont les coûts peuvent être en grande partie évités par une hygiène buccale normale qui relève de la responsabilité individuelle et familiale. Les efforts actuels d'éducation à l'hygiène buccale et les services d'examen annuel ayant un effet préventif seraient maintenus. La désassurance ne s'appliquerait pas aux enfants de familles bénéficiant de prestations de sécurité du revenu.»

Donc, ça c'est là, c'est clair. C'est ce que je venais de dire, pour être bien sûr. On parle de quoi, financièrement? On parle, en somme, de 34 000 000 $ sur un programme de 115 000 000 $. On peut bien se chicaner sur quelques milliers de piastres, mais on parle de 34 000 000 $. Donc, ce n'est pas le cataclysme qu'on oserait prétendre par rapport à ce qu'on entend à gauche et à droite.

Je ne dis pas que c'est vous autres qui le véhiculez, mais, sur le plan de la désassurance, il y a quand même des choses qu'on maintient et qui sont extrêmement importantes. On garde ça à l'esprit. La mesure gouvernementale, donc, ce qu'elle vise, c'est 34 000 000 $ sur 115 000 000 $. Logique. Prévention. D'ailleurs, des optométristes s'en servent, de ça. Ils disent: Pourquoi avez-vous de la prévention là et qu'ailleurs vous n'en avez pas? On verra ça dans l'autre ronde, tantôt, comment on règle ça.

Tout le monde le dit, il y a des progrès considérables parce que... Et on se glorifie de tout ça. Donc, sur le plan politique, c'est payant aussi. Malgré le fait qu'on a fait des réaménagements à l'intérieur du programme, on se glorifie de tout ça. On dit: Les politiciens ont été prévoyants, peu importent les gouvernements, ils ont maintenu le système. Ça donne des résultats très intéressants et extraordinaires. Quand je regarde dans mon petit cahier, à la page 123... Attendez un peu, je vais retrouver ma petite page 123.

Le Président (M. Joly):...

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

Le Président (M. Joly)

M. Côté (Charlesbourg): On va voir ça tantôt. À la page 123, on a le tableau de comparaison interprovinciale.

M. Boucher: Je vous soulignerais une erreur, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. M. Boucher: Vous l'avez vue?

M. Côté (Charlesbourg): Je vais la corriger tout de suite.

M. Boucher: Correct.

M. Côté (Charlesbourg): On a les mêmes sources d'information, pour moi. L'erreur, c'est l'Alberta.

M. Boucher: Je n'en suis pas certain, non. Sur le Québec. Sur le Québec, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça marche. Mais, globalement, juste pour bien se comprendre, on voit l'Ontario, la Colombie-Britannique: aucun. Je suis convaincu que vous me voyez venir. Donc, il n'y a pas de programme en Ontario et il n'y en a pas en Colombie-Britannique. Quand on regarde l'état de santé dentaire dans ces provinces-là, y compris les États-Unis où, là non plus, il n'y a pas de programme... Si je vous ai bien compris tantôt, dans votre présentation, vous avez dit: On cherche à atteindre les niveaux relatifs de l'Ontario. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Je trouve ça extraordinaire que l'Ontario, la Colombie-Britannique, l'Alberta, même les États-Unis aient une santé extraordinaire et qu'on veuille les atteindre, nous autres, par un système public, alors qu'eux autres ils l'ont par le privé. Expliquez-moi ça, je ne comprends plus rien.

M. Boucher: Le Dr Lussier qui m'accompagne semble avoir envie de vous répondre. Alors, compte tenu de l'expérience de ce jeune homme - il a un peu vécu et pas tellement lu - je le laisserai répondre à la question que vous posez et j'y ajouterai, si nécessaire. Dr Lussier.

M. Lussier (Jean-Paul): M. le Président, je pense qu'il faut remonter pas mal loin et se rappeler que la fluoration est un système qui a été mis en vigueur de façon assez irrégulière au Canada, mais qui l'a été de façon assez systématisée aux Etats-Unis. L'avance sur la santé dentaire qui a été prise aux États-Unis dépend, en grande partie, sinon exclusivement, pour les premières années, de l'efficacité de la fluoration. Il ne faut pas oublier que la fluoration est en vigueur depuis 1945, à peu près à ce temps-là aux États-Unis. Donc, ça veut dire que ça fait 45 ans que la plupart des États américains et que toutes les grandes villes américaines, sauf Los Angeles, profitent de la fluoration. Ceci amenait, au départ, 50 % de protection contre la carie.

En Ontario, la fluoration a été instituée en 1960, un petit peu avant, disons, dans certaines villes, en 1955, mais à Toronto et dans les environs de Toronto, à partir de 1960. Cette intervention-là qui dure encore est responsable, justement, de cette différence. Si la même utilisation de la méthode avait été faite au Québec, je pense qu'on pourrait se comparer actuellement favorablement avec...

M. Côté (Charlesbourg): La Colombie-Britannique?

M. Lussier: Le cas de la Colombie-Britannique est un petit peu différent. C'est vrai qu'ils n'ont pas eu la fluoration en Colombie-Britannique. Mais ils ont eu un système public de surveillance et d'éducation qui a été extrêmement efficace et qui a pris naissance dans les années cinquante. Je pense que, si on avait, encore une fois, utilisé la même méthode ici, en ayant, dans le système public, des interventions aussi immédiates qu'on le fait de ce côté-là, nos résultats seraient encore meilleurs aujourd'hui.

M. Chicoine: Vous permettez, M. le ministre, sur la Colombie-Britannique... Au Québec, il y a 18 % des Québécois qui ont une assurance dentaire privée et, en Colombie-Britannique, 80 %.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Évidemment... M. Chicoine: Ça change l'état de santé.

M. Côté (Charlesbourg): oui, mais c'est signe qu'une assurance privée est payée par l'individu puis que ça donne des résultats au bout de la ligne.

M. Chicoine: Dans un système différent.

M. Côté (Charlesbourg): Ah, ça ne marcherait pas chez nous?

M. Chicoine: Non, non. Là, on commence à comparer des choses qui ne sont pas exactement dans le même cadre.

M. Côté (Charlesbourg): On parle et on donne comme exemple l'état de santé dentaire des gens, que ce soit... Je comprends quand on me dit: L'exemple de l'Ontario... La fluoration, on ne l'a pas au Québec. Je comprends aussi quand on me donne des exemples des États-Unis. La fluoration, on ne l'a pas au Québec. En Colombie-Britannique, il n'y en a pas. À ce qu'on me dit, en Colombie-Britannique: surveillance et éducation.

M. Chicoine: Et éducation.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que c'est très important, puis c'est un débat très mature qu'on fait. Donc, quand on regarde de plus près l'état de santé dentaire des Québécois, ceux qui ont profité du programme - si c'est un mythe, on va le détruire aujourd'hui puis, si c'est vrai, on va le confirmer - au Québec sont ceux davantage de la classe moyenne que des gens pauvres. Malgré le fait que c'était accessible, universel, gratuit, ces gens-là n'en ont pas bénéficié. C'est davantage les classes moyennes. Dans la mesure qui est proposée, nous protégeons les démunis. Donc, là où il y a encore place à de l'amélioration de la santé, de manière très

importante - je vais y aller directement parce que, par la Colombie-Britannique, vous me parlez de surveillance et d'éducation - est-ce que ce n'est pas davantage par la surveillance, l'éducation, l'information et la prévention qu'on va réussir à rejoindre ces gens-là que par le curatH? Il me semble bien qu'effectivement on a fait des progrès substantiels. Est-ce que les progrès à faire, à ce moment-ci, au Québec, pour améliorer ne sont pas davantage par le préventif dans les catégories qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été atteintes par ces programmes-là?

M. Boucher: Le problème que vous avez, M. le ministre, là-dessus, vous et ceux qui vous conseillent, c'est que vous faites une distinction nette entre le préventif et le curatif. Vous faites ça comme si c'était dans deux petites boîtes à part, comme s'il ne pouvait pas y avoir de synergie entre le préventif et le curatif. Pourtant, Dieu sait que la médecine, la médecine dentaire, ça ne se fait pas d'une façon compartimentée comme vous le voudriez. (15 h 15)

Je vous donne, par exemple, le programme que vous proposez. Si on devait, comme vous le dites, éliminer du programme le curatif qui, soit dit en passant, on ne se chicanera pas sur les chiffres là, mais on dit que... En tout cas, en 1990, c'était 32 000 000 $, plus les quelques montants que vous récupérez du fédéral pour les moins bien nantis. Parlons de quelque 30 000 000 $. Dans l'état actuel du programme, on le sait, la prévention n'est pas assurée pour les enfants de 0 à 5 ans, pas plus qu'elle ne l'est pour les 6 à 12 ans.

On se dit que ça se fera peut-être par le biais de l'enseignement que l'on fait dans les écoles, de vos hygiénistes qui s'y promènent et qui tentent de faire leur possible: II est à noter que les enfants de 0 à 5 ans sont d'âge préscolaire, donc ils n'y sont pas. Si on devait aller dans le sens que vous proposez, alors que, ces gens-là, ces petits venant dans nos bureaux, nous pouvions faire de la prévention et de l'éducation par le biais du curatif... Ce n'est pas défendu, au moment de toucher à une obturation, de semer la bonne nouvelle, de parier de l'importance que doit avoir la santé dentaire. C'est donc dire que la prévention se faisait au moment où nous faisions du curatif.

Les enfants de 6 à 12 ans qui sont dans les écoles, vous le savez fort bien, comme moi, que les hygiénistes ne font que leur possible. Elles ne sont pas comme Dieu, elles ne peuvent pas être partout. Compte tenu de leur nombre restreint, vous le savez bien, elles ne peuvent atteindre cette jeune population des 6 à 12 ans qui, elle aussi, est exclue de la prévention dans le régime actuel. C'est donc dire que, pour cette tranche de la population, nous faisions la même chose pour ces gens-là que nous faisions pour les petits de 0 à 5 ans et que, finalement, venant chez nous, nous en profitions pour tes instruire, pour les informer, pour sensibiliser les parents qui les accompagnaient à l'importance que doit avoir la santé dentaire.

Quant au fait que les services, le programme ne soient fréquentés que par les gens, disons, socioculturellement plus - je ne sais pas quoi -favorisés ou par les autres, il n'est pas facile, M. le ministre, à partir des chiffres que nous donne la Régie, d'en arriver à la conclusion à laquelle vous arrivez. Puisque l'on sait qu'il y a quand même 75 % des jeunes de 5 à 13 ou 14 ans qui fréquentent le dentiste ou qui, finalement, profitent du programme, ce serait donc dire que les 25 % qui n'en profitent pas, ce ne sont que des démunis ou que ceux qui en profitent, ce ne sont que ceux de parents qui sont bien nantis.

Sans vouloir, M. le ministre, vous faire des blâmes, je vous dirai que, si, finalement, les démunis ne fréquentent pas suffisamment le dentiste, c'est, d'une part, parce que le gouvernement n'a pas fait assez de publicité autour du programme, et j'en veux pour preuve... Écoutez, même mes amis, des docteurs, comme le Dr Richer, sont prêts à vous proposer comme solution de jeter le programme complémentaire des services dentaires carré dans le Saint-Laurent. Lui-même, le docteur, ne considère pas les services dentaires comme importants. Il est prêt à les balancer pour garder d'autres choses dans le programme global. Si le docteur ne comprend pas, dites-vous bien qu'il y a une partie de la population qui n'est pas en mesure de comprendre, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!

M. Boucher: Ceci dit, M. le ministre, l'Ordre des dentistes... Je veux vous dire, M. le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): à ce que je viens de comprendre, alors que c'est le ministre qui était visé pour se faire arracher une dent, c'est un docteur qui l'a eu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Lui, on vient de lui en visser une. Il faut dire que je l'avais vu, avec vous, au programme «Scully rencontre». Voyant bien que personne ne se gênait pour pelleter chez nous, avec la méthode Ryan, ce qu'H ne fallait pas faire, je me suis dit: Si les gens...

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes influencé par des dossiers de la maison, vous là, si vous parlez de Ryan.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Vous me connaissez trop bien, vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Remarquez, M. le ministre, que ce n'est pas là votre seul mérite de me connaître très bien.

M. Trudel: Vous n'êtes pas comme Sinclair Stevens, vous parlez au déjeuner, vous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: On essaie, on a un modérateur des débats. Tout le monde parle beaucoup chez nous. Enfin, ceci étant dit, je pense que je veux rajouter ceci. C'est que l'Ordre des dentistes, compte tenu de ses faibles moyens et avec l'argent de ses membres, a fait, comme vous avez pu le constater, de la publicité dite institutionnelle, vantant les mérites de la santé dentaire si l'on veut avoir une bonne santé en général. De là, M. le ministre, à vous inviter à investir quelques millions dans une publicité de cette nature, comme celle qui, disons-le, a peut-être réussi à changer le comportement de nos conducteurs d'automobile. Je ne vois pas pourquoi on n'en arriverait pas, par le biais d'une publicité qui vous coûterait beaucoup moins cher que ce que vous voulez faire en désassurant le curatif, qui lui... Cette mesure-là va faire que les gens vont se ramasser avec des problèmes importants. Je vous incite à investir dans la publicité.

M. Côté (Charlesbourg): On me signifie qu'il ne me reste pas grand temps, mais j'ai bien des petites affaires à vous proposer. Dans ces échanges-là de services, oui, effectivement, on pourrait peut-être investir. Moi, je vais vous en donner une pour vos dentistes. J'ai des enfants, moi aussi. Expérience personnelle. À l'occasion, ils nous font un rappel que le temps est arrivé. Ils pourraient mettre le même effort pour avertir ceux qui n'y vont jamais, dans les zones défavorisées. Ça aussi, sur le plan de la collaboration...

M. Chicoine: Ceux qui n'y vont jamais, ils ne les connaissent pas.

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

M. Chicoine: Ceux qui n'y vont jamais, ils ne les connaissent pas.

M. Côté (Charlesbourg): Ah! mais ça serait bien facile, sur le plan publicitaire, d'y aller et de les informer parce que m'appeler, moi, pour me dire d'y retourner, ce n'est pas... Moi, je le sais qu'il va falloir y retourner. Mais le temps investi pour m'avertir qu'il faut que j'aille, il pourrait être investi pour aller chercher de la clientèle.

M. Boucher: m. le ministre, dans la mesure de nos faibles moyens - je vous le disais tantôt - on a investi 500 000 $ par année là-dedans.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve tout à fait extraordinaire, c'est qu'au lieu de l'avoir investi pour dire au gouvernement, avec NATCOM, que vous êtes après aller à une catastrophe, vous avez conservé l'argent pour être capable d'informer les gens. Bravo! C'est comme ça qu'on doit travailler dans la société, sur le plan positif.

Mais, comme on parle de piastres et cents...

M. Boucher: Je n'aime pas ça quand vous me faites... ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, comme on parle de piastres et cents, et qu'on veut tenter de les trouver là...

M. Chicoine: Mais, est-ce que je pourrais, M. le ministre, comme vous parlez de piastres et cents...

M. Côté (Charlesbourg): Oui, juste... Le Président (M. Joly): Dr Chicoine.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vous allez avoir la chance de répondre par mes questions, j'en ai des bonnes qui vont s'adresser à vous autres. Je pense qu'elles sont bonnes. Si elles ne sont pas bonnes, vous me le direz. Il n'y a pas de gêne, on est entre nous autres. Donc, dans le programme actuel, il y a un certain nombre de points sur lesquels on pourrait travailler. Si - une supposition - on ne désassure pas... Notre objectif, c'est de tenter de trouver des sous. Il y a peut-être moyen par l'efficience, l'efficacité d'en trouver. Je veux vous donner quelques exemples. Je voudrais avoir votre point de vue là-dessus, pour savoir si on peut travailler pour aller le chercher. De ça dépendra ce qu'on aura à prendre comme décision ultérieurement. Comme vous l'avez dit, j'ai des bons conseillers.

M. Boucher: On verra.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez dit, tantôt, que la RAMQ faisait un contrôle tout à fait extraordinaire. J'y ai vu des compliments à la RAMQ. Comme c'est les mêmes qui me conseillent, on va voir dans les solutions, ça peut apparaître aussi très intéressant. Limite de paiement, limite supérieure de paiement. Ça signifie qu'il y aurait, possiblement, quelques millions de dollars à aller chercher là alors qu'on est possiblement dans des cas isolés. Mais, c'est

des cas, il faut bien le dire, des situations où il peut y avoir des abus. Finalement, ce qu'on me propose... On dit que c'est une mesure qui viserait à réduire certains coûts sans restreindre le professionnel dans la thérapie qu'il choisira. Alors, on parle de limite supérieure de paiement. C'en est une première mesure sur laquelle il faudrait échanger et, dans ce cas-là, sans que ce soit préjudiciable, bien sûr, au bénéficiaire.

Je vais vous en donner quelques-unes de même, et vous réagirez après pour savoir si, effectivement, il y a de l'espace là. S'il n'y en a pas, vous me le dites, et ça ne veut pas dire qu'on ferme les livres. On pourra se parler ultérieurement, compte tenu des conseils.

J'en ai une deuxième. Paiement d'un coût moyen par dent. Ça implique très certainement un peu d'investissement sur le plan de l'information a échanger...

M. Boucher: Le coût moyen par?

M. Côté (Charlesbourg): Dent. Pour ça aussi, il y a des possibilités, semble-t-il, de travailler, si on veut travailler ensemble là-dessus. Ma meilleure, d'après moi, ma meilleure. Celle-là, je l'ai adorée quand ils me l'ont présentée, j'ai dit: Comment ça se fait que vous n'avez pas appliqué ça depuis un certain temps? On s'est dit tantôt que nos dentistes, c'est des professionnels, c'est clair, et je pense que personne ne va le mettre en doute. Je ne le sais pas, parce que je ne suis pas un spécialiste, mais on me dit que, normalement, ce qui est reconnu dans le métier, c'est que la durée normale d'une obturation, c'est de 5 à 10 ans. On me dit aussi qu'il y a des études en Angleterre qui nous indiquent que plus ou moins 50 % des obturations ne se rendent pas à cinq ans. Donc, il y a un retour sur la table de travail, et ça pourrait peut-être correspondre - je le mets entre guillemets parce qu'il faudra s'en parler - à une situation aussi au niveau du Québec. Est-ce qu'on ne serait pas dans un système où, à partir du moment où on dit qu'on fait un travail, qu'on est professionnel, que la durée de vie doit normalement être de cinq ans... Est-ce qu'on ne serait pas dans une situation pour dire: Parfait, dans la mesure où il y a l'obligation de revenir un peu avant, il y a une garantie là, quelque part, une garantie professionnelle?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Si c'est ça la moyenne, 5 ans minimum. Je me dis: Parfait! On a des professionnels qui sont bien formés et qui sont là. Qu'ils nous garantissent la job qu'ils font et, s'il y a un retour avant cinq ans... Ça a l'air qu'il y aurait de la marge de manoeuvre un petit peu, là. J'aimerais juste vous entendre là-dessus. Ça paraît intéressant. Il y a de l'argent un petit peu.

M. Boucher: remarquez une chose: c'est mon confrère de gauche qui négocie tous ces programmes-là avec vous. mais je dois vous dire que la dernière mesure que vous avez proposée, bien que vous l'ayez annoncée comme étant votre meilleure, je vous dirai que c'est votre moins bonne.

M. Côté (Charlesbourg): Ah oui!

M. Boucher: Je vais vous dire pourquoi, par exemple.

M. Côté (Charlesbourg): Dites-moi ça, là.

M. Boucher: Vous demanderiez aux dentistes ce que vous n'oseriez pas demander à personne, c'est-à-dire une obligation de résultats. On a une obligation de moyens comme les avocats, les notaires, les docteurs, enfin nommez-les, «whatever you want». Même, je vous dirais, comme les politiciens. Cependant, M. le ministre, il y a tellement de facteurs qui font que la durée moyenne d'une obturation est de 5, 6, 7, 8, 9 ou 10 ans et qui sont, comment dire, tout à tait hors du contrôle du professionnel qui donne les services, qu'imposer pareille contrainte aux dentistes serait, à mon avis, une mesure... Enfin, je n'ose pas dire odieuse, ce n'est pas le mot, ce n'est pas le bon... Non, ce n'est pas le bon qualificatif. Ce n'est pas le qualificatif, mais c'est une mesure qui serait, comment dire, tellement exagérée. Essayez de penser que vous demanderiez à un docteur - «choose whatever you want» - de vous donner une garantie, demain matin, que les amygdales qu'il enlève, lundi, il n'y aura aucune espèce de retouche. En tout cas, nommez-les. Il n'y a pas un docteur, même Augustin, qui va vous promettre ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Je sais qu'Augustin n'est pas loin.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Boucher: Le coût moyen par dent, M. le ministre, ce n'est pas là, non plus, une mesure très, très appropriée. Je vais vous dire pourquoi. Je pense que la meilleure façon de charger des honoraires a un patient ou à une patiente qui vous visite, c'est en fonction du travail que vous avez à faire, des aptitudes que vous avez et de la difficulté que représente son cas. Comment peut-on dire qu'il y aura un coût moyen par dent alors que l'on ne connaît pas l'état de la carie, qu'on ne connaît pas l'état de la dent, qu'on ne sait pas trop, trop où elle est placée et qu'on ne sait pas quel temps ça va prendre?

Le meilleur moyen de charger quelque chose à quelqu'un, c'est en fonction du temps que tu passes pour lui donner le service que son état

requiert. Quant au plafond, oup! je ne suis pas sûr - je vous parle comme président de l'Ordre des dentistes - que ça ne serait pas une bonne solution. Je sais que vous en avez imposé aux médecins. Vous leur avez dit: À partir de telle date, allez donc vous asseoir sur votre chaise berçante et lisez Le Journal de Québec. S'ils sont de Montréal, c'est Le Journal de Montréal, ça va de soi. Je ne peux pas dire que ça ne serait peut-être pas bon pour les dentistes.

Cependant, tout en respectant le mandat qui est le vôtre et la mesure que vous proposez, je voudrais vous rappeler, M. le ministre, que le programme de soins dentaires pour les enfants a été coupé du pied gauche, coupé du pied droit, amputé de la main gauche et là, si ça continue, ça va être en chaise roulante que le programme va se promener. Je pense qu'on a suffisamment fait de sacrifices au niveau de ce programme pour que vous puissiez chercher ailleurs l'argent dont vous avez besoin.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste... C'est des pistes.

M. Boucher: Oui.

(15 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): Tout ce que je veux mesurer - Dieu sait que je vous le pose très ouvertement - c'est...

M. Boucher: Oui, oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...la faisabilité, tout en évitant des erreurs. Je pense que c'est ça, le but de l'exercice, savoir où on peut sauver de l'argent. Le message, il était assez clair. Si vous ne voulez pas qu'on désassure pour être capable d'arriver où on veut, est-ce qu'il y a, quelque part, une marge de manoeuvre, sur le vécu, qui nous permettrait de faire du chemin, pas au détriment des bénéficiaires? Il y a des pistes de solutions qui ont été mises là. À première vue, il y en a qui peuvent être intéressantes et d'autres qui ne le semblent pas, mais il s'agit de voir si vous êtes ouvert à ce qu'on puisse l'examiner. Si, au bout de la ligne, la conclusion, c'est non, ce sera non. Sur le plan de l'efficacité, c'est ça qu'il faut voir.

M. Chicoine: M. le ministre, il y a déjà des plafonds qui existent dans l'entente. Donc, il y a des limites supérieures. Je ne sais pas si la proposition que vous mettez sur la table est en vue de diminuer ces plafonds, mais je peux vous dire que les honoraires étant déjà peu élevés dans le régime, il n'y a pas beaucoup de dentistes qui atteignent les plafonds, premièrement.

Deuxièmement, quand on examine des pistes de solutions pour sauver de l'argent... Je ne sais pas combien il y avait d'argent... Je ne reviendrai pas sur les autres, le Dr Boucher a bien répondu. Vous voulez sauver de l'argent. Quand on pense que, dans le régime public de prévention pour les enfants de 3 a 12 ans, vous dépensez entre 8 000 000 $ et 10 000 000 $ et que les enfants de 5 à 13 ans, donc qui sont vus par les gens du régime public de prévention, coûtent 30 700 000 $, un homme d'affaires dirait: Je dépense 10 000 000 $ pour essayer de sauver quelque chose qui m'en coûte 30 000 000 $, une proportion de 1 à 3. Je vais dépenser 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ pour les 30 000 000 $. On a des groupes cibles sur lesquels il faut réellement mettre l'emphase.

Deuxièmement, ça ne donne rien d'avoir un système public de prévention aussi répandu. Vous pouvez dépenser - je ne sais pas si c'est avec National ou NATCOM - en télévision, en messages... Quand vous aurez dépensé 1 000 000 $, beaucoup d'argent... La prévention, avant tout, en dentisterie, c'est la motivation. Je peux vous dire que ce qui a motivé davantage la population aux soins dentaires, c'est la télévision. Ils arrivaient dans nos bureaux et ils disaient: Je veux avoir les dents comme l'acteur Untel ou Untel. La motivation vient de là. Le gouvernement est très généreux, mais vous n'investissez pas nécessairement aux bons endroits.

M. Côté (Charlesbourg): Je prends le message comme homme d'affaires qui a à gérer les deniers publics du Québec. Je dois vous dire que, quand j'ai posé la question sur les obturations dentaires, c'est comme homme d'affaires que je me suis interrogé parce que 50 % du coût, c'est une reprise. Quand il y a 50 % des coûts qui sont une reprise, un homme d'affaires va dire: C'est quoi qui ne marche pas dans mon affaire? C'est ça que j'aimerais regarder avec vous autres.

M. Chicoine: Écoutez, la Régie de l'assurance-maladie a de très bonnes mesures de contrôle. Aujourd'hui, j'apprends ce chiffre-là. Tout d'un coup, ça sort en commission parlementaire comme quoi c'est 50 % de reprises. J'émets des doutes, M. le ministre. J'aimerais ça examiner les bandes et qu'on examine la même chose de façon à être capable de faire un bout de chemin, quel qu'il soit, mais de le regarder. Ça arrive tout d'un coup, en parachute, cette chose-là, et on ne sait d'où. Ça, c'est premièrement. Deuxièmement, quand on parle d'obligation de résultats, le président de l'Ordre avait raison. Le dentiste, il ne peut pas être responsable d'un enfant. D'ailleurs, il y a déjà une garantie d'un an dans l'entente, 365 jours. C'est pour ça que les reprises sont difficiles. Oui, M. le Président.

Le Président (M. Joly): moi, je vais être obligé de conclure parce que, là, je ne pourrai plus administrer la feuille de temps qu'on m'a confiée.

M. Trudel: II va vous manquer des dents, M.

le Président...

Le Président (M. Joly): Je ne verrai plus clair non plus.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends que l'ouverture est là et on va la regarder.

M. Chicoine: C'est ça.

Le Président (M. Joly): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition officielle, messieurs de l'Ordre et de l'Association, bienvenue. Votre mémoire et votre présentation sont très importants parce que vous êtes dans les deux groupes directement visés au niveau des coupures de services. On va se parler, tantôt, de révision du panier de services, mais, dans la perspective du panier actuel, il y en a deux qui vont tomber en bas du panier: c'est vous autres et les optométristes.

Une voix: Pour une partie.

M. Trudel: Pour une partie, chez les dentistes. Maintenant que le ministre, lui, a accroché plus les optométristes que les dentistes et que vous, vous avez réglé vos comptes avec les omnis, j'aimerais parier des usagers. J'aimerais parler de ceux qui paient un peu.

M. Boucher: Pas de problème.

M. Trudel: Ça vous intéresse parce qu'il y a des éléments qui sont très précis dans votre mémoire. Je pense que la perspective, quant à moi, est juste. Finalement, la question, c'est: On fait payer qui? Est-ce qu'on fait payer l'individu à partir de sa propre entité ou si on se le paie collectivement, étant entendu qu'il y a toujours des individus quelque part? Dans ce sens-là, je passe par-dessus les remarques que le ministre faisait lui-même au niveau du résultat de le faire collectivement, comme programme. Les résultats que nous avons par rapport à l'Ontario et par rapport aux États-Unis, j'aurai peut-être l'occasion d'y revenir.

Donc, la question, c'est: Qui paie? Vous dites, et le ministre dit aussi dans sa proposition: En ce qui concerne ceux qui vont payer individuellement, si la proposition continue d'aller dans le même sens, ce sera une dépense privée. En même temps, on va protéger les plus démunis, on va s'organiser pour protéger les plus démunis. Ça, c'est comme le positionnement américain qu'il y a eu hier soir, n'est-ce pas? C'est clair, le régime d'assurance-santé, des services sociaux au Québec, Bush dit: C'est une gangrène socialiste qui ronge la société canadienne, et, en même temps, il ajoute - je ne sais pas s'H a repris son souffle entre les deux: Cependant, nous allons améliorer le système de crédit d'impôt pour protéger les plus démunis. Si ce n'est pas vers ça que s'en va la proposition actuelle, j'en perds mon latin, sinon mes dents. C'est exactement la proposition qui est faite, ce serait de réduire la gangrène socialiste qui couvre le programme d'assurance dentaire pour les enfants.

Autre élément. J'ai un autre élément à ajouter avant de vous poser la question. On dit que le système américain est épouvantable et qu'il coûte cher. Ce sont les deux grosses affirmations que l'on retrouve. C'est bien prouvé, ça coûte 12 % en dépenses de santé, aux États-Unis - on est plus proche de 12 % que de 11 % - 12 % du PIB dans l'ensemble des dépenses et H y a - vous autres, vous dites 15 %, 17 % - une vingtaine de millions d'Américains qui échappent... Le ministre disait, l'autre jour: Le chiffre le plus communément entendu, c'est 30 000 000, et ça a l'air qu'on est rendu proche de 50 000 000. Il est important de savoir ceci.

Mais, qui sont donc ces 50 000 000 d'Américains qu'on échappe dans le système et qui ne sont pas capables de se payer ça? Ce ne sont pas les plus démunis; bien non, il y a Medicaid. Ce ne sont pas les plus âgés; il y a Medicare. Ce qu'il faut donc comprendre, avec la proposition actuelle de désassurance au niveau dentaire, c'est qu'on vient de donner un autre coup à la classe moyenne du Québec. C'est exactement à cette classe qui se dit éc?urée de payer, qui n'est plus capable de résister à l'érosion de son revenu, c'est à cette population que s'adresse l'absence de couverture, la réduction ou la coupure des soins dentaires aux familles du Québec. Il faut bien saisir ça. On pense toujours, généralement, que ceux qu'on laisse tomber, aux Etats-Unis, ce sont les plus démunis; ce n'est pas vrai, c'est la classe moyenne. Ce qu'on prépare ici, dans le sens où sont parties les choses, c'est qu'on veut faire de notre régime d'assurance-maladie et de santé au Québec, de notre régime de santé et des services sociaux... c'est qu'on veut se diriger vers un Medicaid et un Medicare américain. C'est très clair qu'on va dans cette direction-là.

Par ailleurs, chez vous, ce que je ne comprends pas, au niveau du financement... Là, vous opinez du bonnet en m'écoutant, en disant: C'est la classe moyenne qu'on va aller prendre. Pourquoi favorisez-vous, d'abord, au niveau du financement, l'établissement d'un impôt-services? L'impôt-services va essentiellement frapper la classe moyenne au niveau du revenu supplémentaire du financement, cette classe que vous ne voulez pas qu'on sorte, en quelque sorte, de l'assurance, ou qu'on invite à ce qu'elle paie plus cher pour les soins dentaires. Le pourquoi de l'impôt-services.

M. Boucher: Je vous dirai que, de la part de l'Ordre qui, finalement, représente ici le public

dont nous avons garde de la protection, on n'a pas pris de position quant au financement. Je sais qu'en lisant notre mémoire des gens ont dû se dire: Mais, ils ne répondent pas à la question. Il y a des raisons évidentes pour lesquelles nous n'avons pas, comment dire, promu des solutions de financement. C'est que nous nous disions justement, en faisant référence à la classe moyenne, que, si on devait promouvoir quelque mesure que ce soit, ce serait, encore une fois, poser une barrière financière que le programme, justement, avait enlevée.

Ce que nous voulons, c'est que les gens, surtout ceux de la classe moyenne... Ça va de soi puisque les plus riches, je pense bien, peuvent prendre soin de leurs affaires et que les plus démunis, le gouvernement se propose de les assurer. Il y a cette classe moyenne qui, vis-à-vis d'une pareille mesure, mettrait probablement de côté la visite chez le dentiste et le recours aux soins dentaires. Ce que nous disons - et clairement, dans notre mémoire - c'est que, de ce fait, on verrait apparaître chez cette classe moyenne des problèmes d'ordre dentaire graves, à un point tel que l'argent qu'on devrait y investir pour remédier à la situation engendrée par pareille carence, cet argent-là serait plus important que les autres sommes qu'on voudrait économiser. Pour ce qui est de l'impôt-services, je laisse le soin au Dr Chicoine qui, dans son mémoire, met cette mesure de l'avant, de vous dire pourquoi.

M. Chicoine: en fait, m. le président, quand le gouvernement a décidé de désassurer les soins curatifs pour les 13, 14 et 15 ans, il y a eu une baisse de fréquentation de cette classe d'enfants de l'ordre de 25 %. or, dans notre mémoire, on dit en premier: ne désassurez pas. puis, en deuxième lieu, on dit: au bout du compte, par dépit, on est prêt à accepter d'être le projet-pilote de l'impôt-services pour conserver le régime et empêcher qu'il y ait des effets désastreux par une désassurance pure et simple, telle que proposée dans le livre vert du gouvernement.

M. Trudel: Même si les...

M. Chicoine: C'est en deuxième lieu. En premier lieu, on dit: Vous le conservez tel quel.

M. Côté (Charlesbourg): Dernier recours.

M. Trudel: Dernier recours. Mais, vous savez, quand un gouvernement est parti à la chasse, par quels moyens il va taxer, il va vite, vite, vite, vers ceux qui ont fait des suggestions et qui disent: Ah! Il y aurait peut-être un moyen là. On aurait peut-être un morceau là. C'est très drôle parce que, compte tenu de l'objectif que l'on poursuit... Bien, je comprends, c'est à défaut de; à défaut de pouvoir régler la situation, vous dites: Allez à l'impôt-services.

Je rappelle qu'il faut être, quant à moi, extrêmement prudent avec cette formule puisqu'elle fait en sorte qu'on va faire porter le poids du régime collectif à un groupe seulement de la société qui, inévitablement, va être la classe moyenne, encore une fois, au niveau de l'impôt-services. On l'assimile souvent en disant: Aux plus riches. Ça ne peut pas être uniquement les plus riches. C'est contraire au rendement qu'on veut aller chercher, c'est donc avec la classe moyenne. Là, ceux qui veulent jouer aux Robin des Bois avec cette formule-là, ça ne marche pas parce qu'ils chassent dans leur propre cour.

Il y a un autre élément, je pense, qu'il faut examiner. C'est celui que vous avez commencé à examiner un peu avec le ministre en matière de rémunération dans ce programme, chez vous, au niveau de votre profession. S'il est un secteur dans lequel la prévention, la rencontre avec l'individu, le fait de communiquer avec l'individu est d'une importance vitale, c'est bien chez vous, en matière de santé dentaire, de santé buccale. Est-ce que vous avez déjà examiné, chez vous, des formules comme la capitation, des formules comme celles qu'on utilise aux États-Unis aussi dans certaines expériences, des HMO, c'est-à-dire grosso modo - et qu'on s'entende, vous savez de quoi on veut parler - qu'on vous donne tant par...

M. Chicoine: Tête de pipe.

M. Trudel: ...usager. Si vous réussissez à faire en sorte qu'ils soient très prudents, qu'ils soient très soigneux de leur santé buccale, eh bien, à ce moment-là, ça se traduira quelque part, pour vous autres, par un rendement, disons, normal. Est-ce que vous avez déjà examiné ces formules-là, compte tenu du champ d'expertise, du champ professionnel dans lequel vous êtes? (15 h 45)

M. Boucher: Oui, M. le député. Je peux vous dire que ça ne nous a pas pris de temps pour dire que c'était là une solution de broche à foin. Je vais vous dire pourquoi. Quand vous proposez pareille solution, c'est que vous invitez le dispensateur à commettre, à tout le moins, des péchés véniels. C'est comme si vous donniez une Mercedes à quelqu'un et que vous lui disiez: Tu te rends à Québec dans deux heures, mais je te défends bien de dépasser 100 kilomètres à l'heure. Vous donnez 100 000 $, tu as ça dans la grosse poche, comme tu dis. Tu as 1200 chrétiens à traiter et, s'ils prennent bien soin de leur santé, bien il en restera plus dans la petite poche qu'on vient de te donner. Mais je dois vous dire que le réflexe humain du gars qui traite, c'est de les traiter le moins possible pour qu'à la fin de l'année il en reste plus dans la poche qu'on vient de lui offrir pour traiter à peu près 1200 catholiques. À ce compte-là, il est clair et net que les gens ne recevraient pas les

soins auxquels Hs ont droit. La formule de la capitation, quant à nous, c'est une formule qui n'a aucun avenir et qui ne fait que pénaliser les gens qui devraient recevoir les services. D'autre part, elle pénalise le dentiste qui, s'il veut bien faire son travail, prend les risques qu'un assureur devrait prendre. Mais la seule personne qui prend des risques dans la capitation, c'est le dentiste. On veut bien être les messieurs Vincent de Paul de 1992, mais, je dois vous dire, pas à ce point-là.

M. Chicoine: Mais sur la capitation, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Joly): Allez.

M. Chicoine: En fait, la capitation, c'est absolument l'inverse de l'efficience et de l'efficacité parce que, avec la capitation, moins le professionnel voit le patient, plus il fait de l'argent. Donc, on paie pour ne pas qu'il en voie. Alors, c'est pour ça que la capitation, pour nous...

M. Trudel: Mais, dans la formule HMO...

M. Chicoine: Oui, dans la formule HMO, aux États-Unis

M. Trudel: ...ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans la formule HMO, plus le professionnel, en quelque sorte, s'occupe de son usager et moins celui-ci a recours au curatif. Il y a de l'incitatif parce que le résultat financier - oui, il faut le dire - est plus intéressant. C'est une formule qui, aux États-Unis, pour tous les soins de santé... Les directeurs des départements de santé communautaire nous ont dit que ça avait des résultats assez spectaculaires au niveau du rendement pour les professionnels et au niveau du rendement de la santé du groupe concerné. Vous comprenez?

M. Chicoine: Ah! La capitation, je la connais très, très bien...

M. Trudel: O.K.

M. Chicoine: ...parce qu'on l'a sortie du Québec avec les assureurs privés. Il y avait la compagnie Pace qui était parmi les cinq plus grands assureurs. On les a fait sortir du Québec et la compagnie a fermé ses portes. On est même allés en cour avec eux autres. Dans la publicité qui est faite, en ce qui concerne les HMO, l'intérêt pour le professionnel, c'est de voir les gens les plus en santé possible, de ne pas voir les malades, de ne pas voir ceux qui ont beaucoup de problèmes. En fait, on peut couper court à cette discussion-là et vous dire une chose: pour nous, la capitation est totalement inacceptable. On l'a étudiée et on l'a regardée sous tous ses angles. Elle est inacceptable.

M. Trudel: Correct pour la capitation. On va quitter ce chapitre-là. Je ne parlais pas que de la formule de capitation, je pariais d'autres formules. La formule de tant par client, ce n'est pas un client attaché. Ce n'est pas la même chose.

M. Chicoine: Non, non.

M. Trudel: La capitation, c'est un client attaché.

M. Chicoine: Oui.

M. Trudel: Mais un client à tel prix, qui peut également jouer sur la concurrence, c'est ça la formule HMO pour les soins en général d'une personne aux États-Unis. Il paraît que ça fonctionne et je souhaite qu'on puisse l'explorer. La capitation, enlevez ça, sortie, ça ne fonctionne pas. Mais la formule pour s'occuper d'une personne, au niveau dentaire, à partir d'un montant fixe à négocier avec l'État, pour vous autres, je pense qu'il y aurait un certain nombre d'avantages globaux dans le système, et pour les professionnels et pour les usagers du système.

M. Boucher: Je veux juste vous dire avant, pour ne pas que les gens partent sur une impression qui, quand même, leur fasse voir que c'est là la solution rêvée et qu'ils pensent qu'on a trouvé ensemble la pierre philosophale, que, si on a l'occasion de rediscuter là-dessus, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, nous pourrons finalement vous prouver facilement que les HMO comme les OSIS qu'on a proposés ici, au Québec - une formule plus ou moins comparable - ne sont pas tout à fait à l'avantage de ceux qui consultent dans ces mêmes organisations là.

Nous espérons avoir la chance de vous faire un portrait le plus complet possible de la solution HMO-OSIS. Mais vous verrez bien que ce n'est pas la solution de demain.

M. Trudel: Effectivement, il va falloir regarder ça. En tout cas, ici, devant cette commission, les départements de santé communautaire ont prôné au moins une expérience avec cette formule.

M. Boucher: Je peux vous dire que, sur cette chose-là, j'ai un dernier commentaire: Le président Bush aurait avantage à regarder la poutre qu'il a dans l'oeil plutôt que la paille qu'on a dans le nôtre.

M. Trudel: Sur la gangrène.

M. Boucher: Ah oui! Il est vraiment dans le «bush»!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Mais, faites attention, on s'en va dans cette direction-là, ici.

Une voix: Ça «débouche»!

M. Trudel: Vous faites bien de...

M. Boucher: «Bush», dans le sens de buisson. On ne parlait pas de «bouche». C'est un Américain, lui, quand même.

M. Trudel: II va falloir inventer une nouvelle expression. Il y a la «concurrençante» qui est apparue avec le document du 18 décembre. Maintenant, il va y avoir la «bushisation» des affaires en santé et en services sociaux au Québec.

Une autre question, M. le président de l'Association. Au niveau des éléments de solutions que vous avancez, vous dites: II y a également ce qu'on pourrait appeler le contingentement des effectifs au plan des professionnels dans le secteur dentaire. Vous dites: Au Québec, on se paie huit écoles de formation en matière d'hygiénistes dentaires. Est-ce que vous faites le même raisonnement pour les trois facultés d'art dentaire que nous avons au Québec? Est-ce qu'il y en a trop?

M. Chicoine: Écoutez, la province de l'Ontario a les moyens de se payer seulement deux facultés. Nous, ici, on est riche, on s'en paie trois. Il y a peut-être un examen de conscience à faire de ce côté-là, au niveau des écoles des hygiénistes dentaires et au niveau aussi du nombre de denturologistes qui sortent par année. Nous sommes, actuellement, en ce qui concerne les dentistes, en situation de surplus d'effectifs.

C'est dommage que l'État dépense 100 000 $ pour former un dentiste et qu'après ce type-là ne travaille que 20 % de son temps par année.

M. Boucher: Je devrai ajouter là-dessus, M. Trudel, que... Ah non! On doit dire M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, pour avoir écouté les débats à la Chambre. Je ne voudrais pas vous...

M. Trudel: Ne commencez pas ça ici, vous là.

M. Côté (Charlesbourg): C'est le même personnage.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Oui, oui, je sais, je ne l'ai pas mêlé avec quelqu'un d'autre. Mais, là, je ne peux pas dire: mon confrère d'en face, je suis obligé de dire: Mon gars d'à côté.

Évidemment, ce problème-là est un problème qui regarde beaucoup plus l'Ordre que l'Association puisque c'est nous qui avons, comment dire, comme principale fonction de voir à ce que les intérêts du public soient protégés. Quand on parle de contingentement, je dois vous dire qu'on vient d'avoir ce qu'on convient d'appeler des états généraux. Étaient présents, à ce moment-là, les doyens des trois facultés. Unanimement, ils ont convenu qu'un contingentement à la baisse s'imposait. On produit, à l'heure actuelle, des dentistes à un rythme qui s'accroît quatre à cinq fois plus vite que l'augmentation de la population. Je pense que l'État a mieux à faire que de dépenser pour la formation coûteuse de spécialistes de la médecine dentaire. Il y aurait de l'argent à investir justement au niveau de la santé de nos jeunes plutôt que de l'investir dans des professionnels de la santé alors qu'on ne pourra pas mettre à contribution les talents et les acquis de connaissances que ces gens-là ont mis des années et des efforts à acquérir. Je pense que nous pourrons en rediscuter avec vous si vous le voulez bien.

Au niveau des denturologistes, c'est très exactement la même chose. Je pense qu'on a l'habitude, ici, de se parler de façon franche. Quant à nous, les denturologistes sont comme les dynosaures, ils sont une race qui est en voie d'extinction. Compte tenu du fait que la santé des Québécois et des Québécoises s'améliore et que les gens de demain, les plus vieux, vous et moi... Je vois que vous avez encore vos dents, M. le député, bonne chose. Continuez comme ça, visitez votre dentiste, ça vous évitera de mettre votre béquille sur la table le soir. Donc, des gens, comme vous, qui n'ont pas mon âge, le ministre qui est évidemment beaucoup plus jeune que moi, et d'autres qui sont avec moi ont conservé toutes leurs dents, ce qui leur permet de mordre plus facilement ceux qui s'attaquent au régime...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ceci était un...

M. Côté (Charlesbourg): Régime de bananes!

M. Boucher: C'est André Arthur qui appelle ça comme ça. On le connaît bien tous les deux, hein?

M. Côté (Charlesbourg): C'est presque rendu de famille.

Une voix: Ce qu'il ne faut pas entendre.

M. Trudel: II reste au moins encore une couple de questions.

Le Président (M. Joly): II vous reste quelques minutes.

M. Trudel: Ceci était un message enregistré, retenu et payé par l'Association des dentistes du Québec. Très bien, c'est bon, bravo! C'est fait.

M. Boucher: Ça n'a rien coûté.

M. Trudel: Ça n'a rien coûté et les den-turologues, c'est réglé pour eux autres. On verra avec eux autres, à ce moment-là, quand on aura un autre débat sur d'autres éléments du programme. Pourquoi prônez-vous, au niveau de l'Association, la création de deux fonds distincts: un fonds social et un fonds santé? La question est importante parce qu'il y a beaucoup de groupes et nous partageons - je vous le dis tout de suite - cette perspective qu'on a toute une série de problèmes parce qu'on ne travaille pas suffisamment sur les déterminants de la santé. Ça s'appelle, généralement, la prévention que l'on retrouve plus dans le domaine social. Si j'ai bien compris, on aurait un fonds qui ne s'occuperait que de santé. Souvent, santé égale curatif et social égale préventif et d'autres éléments moins systématiques. Pourquoi, vous préconisez la séparation ou la création de deux fonds?

Le Président (M. Joly): Dr Chicoine.

M. Chicoine: Parce que, d'expérience, on s'est fait jouer un tour dans le passé. En 1977, la Régie de l'assurance-maladie avait dans sa caisse 126 000 000 $ de surplus qu'elle a temporises pour transférer dans le fonds consolidé de la province. On a perdu l'argent où il était. Oui, je comprends que c'est un autre gouvernement, mais...

M. Côté (Charlesbourg): Nous deux, on s'en passe comme ça de temps en temps!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chicoine: Ce qui veut dire que c'est important pour le public de savoir où va l'argent. Il y a 126 000 000 $ qui ont disparu à ce moment-là. Les cotisations étaient à 1,5 %. On a dit qu'on manquait d'argent, qu'on était pour en manquer, on a augmenté les cotisations à 3 %. Ensuite de ça, il y eu des transferts de points d'impôt d'Ottawa. On ne sait pas ce que ça a donné comme argent. Finalement, aujourd'hui, on dit: La santé, c'est effrayant. Quand on dit que ça coûte 12 000 000 000 $, il y a une partie de services sociaux là-dedans, d'une part. Quand on demande aux gens s'ils sont prêts à payer davantage pour leur santé, les gens disent oui. Mais, si on leur posait la question: Est-ce que vous voulez payer davantage pour la santé et les services sociaux? je ne suis pas sûr que la réponse serait aussi claire.

Je pense qu'on a l'avantage, ici... et le ministre, dans son livre - c'est bien qu'il le fasse - parle de transparence. Mais si on veut que ce soit transparent, même si c'est le même ministère, il faut que la santé et les services sociaux soient distingués de façon à ce que, dans 5 ans ou dans 10 ans, soit à cause du vieillissement de la population, soit à cause de nouvelles maladies, soit à cause de nouvelles technologies dont il va falloir acquérir les équipements, quand on aura besoin d'argent, on soit capable de dire: Ça sert à la santé. Ça pourra être identifié puis ce sera facile pour tout le monde. Je pense que, lorsqu'on veut mêler les deux fonds, on veut brouiller les cartes.

M. Trudel: en tout cas, je voulais avoir votre définition par rapport à cela. ça aussi, ça demanderait, je pense, un approfondissement quant à la conception...

M. Chicoine: C'est une question de transparence.

M. Trudel: ...et je souhaite qu'on puisse avoir le temps. Ça fait trois jours maintenant, trois jours et demi, quatre jours qu'on est assis ici, autour de la table, et qu'on voit défiler à peu près tout le monde concerné. On est rendu vendredi, il est 16 heures et je vous dirais que, presque à la fin de cette semaine, j'ai souvent l'impression qu'on n'a pas sauvé les trois caractéristiques fondamentales de notre régime de santé et de services sociaux: l'accessibilité, l'universalité - moi, je le dis, s'il y en a que ça gêne, moi, ça ne me gêne pas - la gratuité au sens du financement par toute la société, au sens de l'universalité du financement. J'ai comme l'impression qu'à ce rythme-là non seulement on n'y arrivera pas, mais, au bout des deux autres journées supplémentaires, que ça risque de coûter les yeux et les dents aux enfants du Québec. Ma question est la suivante: Quel est le grand conseil que vous nous donnez pour sauver les dents et les yeux - en termes de programmes d'assurance - des enfants du Québec? (16 heures)

M. Boucher: Deux choses. À vous et à M. le ministre d'user de sagesse, de bon sens et de faire preuve du jugement qui a toujours été le vôtre, c'est-à-dire de considérer comme prioritaire la santé dentaire des enfants. Nous sommes convaincus, compte tenu de ce que vous avez entendu aujourd'hui, que ça a probablement été la meilleure de vos journées, de vos quatre journées et que, si ce n'était du président, nous pourrions continuer comme ça encore bien longtemps, et nous sommes convaincus que ce gouvernement, et en particulier son ministre, et vous autres de l'Opposition prendrez dans ce dossier la seule solution qui est envisageable, et c'est de conserver intact le programme de soins dentaires pour les enfants.

Et, pour y arriver, je vous répète encore une fois ce que je vous disais en préambule: la sagesse du ministre, le bon sens et de l'un et de

l'autre, le jugement qui a toujours été le vôtre et, on vous a parlé de politique, on vous assure de la collaboration de l'Ordre des dentistes pour en arriver à pouvoir écrire une politique de santé qui inclura bien évidemment la santé dentaire. Dans ce sens-là, Québécois et Québécoises, nous travaillerons dans un seul but, améliorer chez nous ce qui a toujours été, c'est-à-dire la santé des uns et des autres, et, en particulier, compte tenu du fait qu'il y a encore un sacré bout de chemin à faire, je suis convaincu que vous allez vouloir accorder à la santé dentaire les ressources qu'elle mérite et que, dans 5, 10 ans, si on doit se réunir encore une fois et que Marc-Yvan Côté est encore là comme ministre, quoiqu'il ait dit qu'il commençait à en avoir assez - on le voit ailleurs - ou quelqu'un d'autre le remplaçant, on pourra se dire: Dieu, mes pairs, qu'on a pris une bonne décision en accordant à la santé dentaire l'argent qu'elle méritait. Et c'est, encore une fois, à belles dents que nous continuerons à mordre dans la vie, cette fois-là, et non pas dans les budgets consacrés à la santé. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Dr Boucher.

M. Trudel: En vous remerciant au nom de l'Opposition officielle, puisque mon temps est écoulé aussi, de cette présentation, messieurs de l'Association et de l'Ordre respectivement. C'est très important ce que vous avez signalé aujourd'hui. J'aimerais ça, M. Boucher, partager votre optimisme, mais, en attendant, de votre côté, ne lâchez pas C-3. C'est la meilleure poignée que vous avez, quant à moi, actuellement. Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, à mon tour je veux remercier l'Ordre et l'Association. Certainement que nos échanges ont eu du mordant et c'est probablement parce qu'il nous reste encore un peu de dents qu'il faut, bien sûr, protéger les dents de nos enfants et de ceux qui suivront. C'est un peu pour ça qu'on travaille actuellement et qu'on tente de créer un certain nombre d'ouvertures parce que la problématique financière, c'est l'affaire de tout le monde aussi. Vous êtes tous des payeurs de taxes à travers le Québec et, dans ce sens-là, ça a été des échanges très ouverts, très francs. Je pense qu'il faut continuer, à la fois avec l'Ordre et avec l'Association, d'échanger pour tenter de trouver des solutions.

Dans cinq ans, non, je ne serai pas là. Je vais réfléchir. Il y en a qui me prêtent des intentions sur le plan municipal. Peut-être que ça pourrait permettre d'unifier Sainte-Foy et Québec si jamais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Merci.

Le Président (M. Joly): Alors, moi-même, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ce fut très enrichissant. Merci beaucoup. J'appellerais maintenant l'Ordre des optométristes du Québec ainsi que l'Association des optométristes du Québec, s'ils veulent bien s'avancer, s'il vous plaît. Faites ça assez rapidement. Nous avons un petit peu de temps à rattraper. S'il vous plaît! Un peu d'ordre, s'il vous plaît!

Alors, à vous, messieurs de l'Ordre et de l'Association des optométristes du Québec, je souhaite la bienvenue. Je vous explique un peu la procédure. Vous avez environ une trentaine de minutes pour nous exposer votre mémoire. Si vous aimez mieux le faire sur une base ad lib, vous le faites et, après, le temps qui reste à notre cédule, on le sépare entre les deux formations. M. Chaiken et M. Neilson, je ne sais pas lequel des deux va présenter qui. De cette façon, nous saurons avec qui on traite. Alors, je vous laisse la parole, M. Chaiken.

Ordre des optométristes du Québec et Association des optométristes du Québec

M. Chaiken (Michael): À ma droite, il y a Claude Gareau, qui a occupé le poste de directeur général auprès de l'Ordre des optométristes pendant 35 ans; à ma gauche, Claude Neilson, le président de l'Association des optométristes du Québec, ainsi que François Charbonneau, qui est le directeur général de l'Association. Je suis Michael Chaiken, président de l'Ordre des optométristes du Québec.

M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le représentant de l'Opposition, s'il est ici - il s'en vient - Mmes et MM. les députés de la commission des affaires sociales, au nom de l'Ordre des optométristes du Québec, je vous remercie de cette occasion de faire valoir notre point de vue sur le livre vert «Un financement équitable à la mesure de nos moyens». Apparemment, M. le Président, si je lis bien les journaux, nous sommes très attendus. Alors, voilà, nous sommes là. Avant de commencer, M. le ministre, je viens d'apprendre par votre sous-ministre, M. Dicaire, que notre message publicitaire télévisé que nous avions interrompu mercredi a malheureusement passé en ondes jeudi soir. Nous sommes à faire les vérifications concernant ce malentendu et nous vous soumettrons un rapport sous peu.

Tout d'abord, permettez-moi de vous assurer de notre compréhension des difficultés budgétaires auxquelles le gouvernement et la société font face. À titre de président de l'Ordre des

optométristes, je puis vous assurer que les membres de notre profession sont prêts à faire leur part pour assainir le financement de notre système de santé. À cet égard, certaines recommandations contenues dans mon exposé complètent les conclusions des mémoires présentés le 20 janvier dernier.

Nous sommes ici aujourd'hui pour un débat de fond sur la question de la désassurance des services optométriques. Nous souhaitons vivement collaborer avec le ministre de la Santé pour trouver de véritables solutions aux problèmes de financement sans pénaliser la population et sans réduire les services que nous croyons essentiels. Dans cet esprit de collaboration, il me paraît important de bien situer le rôle de l'optométriste dans notre système de santé.

L'optométriste est le professionnel de la santé qui offre chaque année les services oculo-visuels de première ligne à plus de 1 500 000 Québécois. D'ailleurs, un sondage réalisé pour le compte de l'Association des ophtalmologistes du Québec, en janvier 1991, démontre qu'une proportion importante de la population perçoit l'optométriste comme un médecin de première ligne.

Au plan académique, l'optométriste possède une formation équivalente aux autres professionnels de la santé. Après avoir complété quatre années d'études à l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal, l'optométriste obtient un doctorat en optométrie qui lui permet d'exercer sa profession. Ce doctorat professionnel est identique à celui que détiennent les médecins et les dentistes. Lors d'un examen oculo-visuel complet, l'optométriste peut déterminer la présence de défaut de la vue, telle la myopie et l'hypermétropie, la présence de problèmes oculo-moteurs, tel le strabisme, ainsi qu'une foule de problèmes qui peuvent être solutionnés par un traitement approprié.

Quant à la prévention, elle joue un rôle extrêmement important dans l'examen oculo-visuel. L'optométriste vérifie la santé des yeux en plus de déceler une panoplie de maladies oculaires, telles le glaucome et les cataractes. Il peut également dépister plusieurs maladies systémiques, tels le diabète et l'hypertension, en examinant l'intérieur de l'oeil. Les optométristes détectent des maladies oculaires qui menacent la vue. Une détection rapide permet aux optométristes de référer les patients aux spécialistes qui sont, dans la plupart des cas, les ophtalmologistes. Ces derniers peuvent alors agir en traitant les patients avant que les maladies oculaires dépistées menacent la vue.

L'optométriste n'a certainement pas passé quatre ans à l'université pour se faire traiter, comme certains le prétendent, de marchand de lunettes, pas plus qu'un dentiste ne peut être identifié comme un vendeur de prothèses. D'ailleurs, M. le Président, pas plus de 50 % des patients subissant un examen de la vue fait par un optométriste requièrent une prescription pour lunettes ou lentilles cornéennes.

L'option de désassurer les services optométriques origine sans doute du fait que ces services sont classés comme services complémentaires, donc non protégés par C-3. Y a-t-il une personne dans cette salle qui aurait l'audace de dire que la vision et les yeux ne sont pas essentiels à son bien-être? J'en doute. Classer la vision et les yeux comme complémentaires est tout à fait aberrant. Avant d'examiner les effets d'une éventuelle désassurance, il faut se demander pourquoi les optométristes étaient inclus dans le régime de l'assurance-maladie dès son adoption, il y a de ça 22 ans. Cette décision tenait aux principes d'universalité et d'accessibilité.

Leur exclusion aurait dirigé le flot de patients vers les ophtalmologistes peu nombreux et mal répartis, mais qui faisaient néanmoins partie du régime. Je suis fier d'affirmer que les optométristes sont encore les professionnels de la vision les plus nombreux et les mieux répartis à travers la province. Saviez-vous, M. le Président, qu'il y a environ 1100 optométristes au Québec répartis dans 225 municipalités, tandis que les ophtalmologistes ne sont que 278 environ et se retrouvent dans moins de 60 villes et principalement dans les grands centres urbains?

Les services oculo-visuels de base sont donc assurés principalement par les optométristes, car ces derniers sont présents presque partout. À cet égard nous vous invitons à consulter les annexes II et III de notre mémoire qui en font la démonstration.

De plus, M. le ministre, je dois vous signaler que la position de l'optométrie au sein des professions dites complémentaires est unique au Québec, car même si vous décidiez de désassurer les services optométriques, d'autres professionnels de la santé pourront continuer à rendre ces mêmes services a l'intérieur du régime de l'assurance-maladie. Ce que vous proposez dans le livre vert, c'est un régime généralisé de deux poids, deux mesures. (16 h 15)

L'examen préventif de la vue profite à plusieurs groupes de la société. Ainsi, les enfants d'âge scolaire bénéficient du programme d'examen régulier. Le dépistage précoce des troubles de la vue améliore les résultats scolaires des jeunes enfants. L'enfant qui ne voit pas bien au tableau ou qui ne peut pas lire sans maux de tête pourrait certainement éprouver des difficultés à l'école. À l'heure où les Québécois s'interrogent sur les coûts du décrochage scolaire, a-t-on vraiment intérêt à priver les enfants d'un service aussi essentiel et à augmenter ainsi les risques d'échec scolaire?

Les soins optométriques sont aussi essentiels aux milliers de travailleurs dont la santé et la sécurité au travail dépend en majeure partie de l'état de leur vision. Afin qu'un travailleur donne un rendement maximal, ce dernier a besoin

d'une bonne vue; que ce soit devant un écran cathodique ou auprès d'une chaîne de montage, il est impératif de s'assurer qu'il ait une vision confortable. Les personnes âgées constituent également un groupe vulnérable tant sur le plan financier que sur le plan de la santé. Une bonne vision est essentielle à la qualité de vie de ces personnes souvent aux prises avec des problèmes qui exigent des soins assidus. Mal suivies, ces personnes souffriront de différentes maladies de l'oeil et d'une baisse progressive de la vue, ce qui attaquera de plein fouet leur autonomie. Or, dans la réforme envisagée par le ministre, la santé et le bien-être des personnes âgées sont prioritaires, l'objectif étant de favoriser leur autonomie et leur maintien à domicile.

Le livre vert nous rappelle que la population est vieillissante, mais, avec la désassurance, les personnes du troisième âge vivant en régions éloignées devront soit payer leur optométriste de leur poche, soit parcourir des distances considérables pour trouver un ophtalmologiste, soit se priver de services oculo-visuels. Enfin, tous les hommes, femmes et enfants du Québec souffrant de maladies oculaires, de maladies systémiques présentant des signes ou des symptômes oculo-visuels risquent de subir des dommages irréparables à leurs yeux; lesdits dommages pourraient se traduire, dans les pires cas, par une perte totale de la vue.

Pour l'Ordre des optométristes, il est évident que la désassurance conduirait inévitablement à une baisse du nombre d'examens préventifs en général et provoquerait un glissement de patients vers les ophtalmologistes, les médecins omnipraticiens et les salles d'urgence. Pour nous, défaire un système qui fonctionne bien, qui répond aux attentes de la population, qui est réparti de façon exemplaire dans toutes les régions de la province et qui coûte moins cher que les services optométriques fournis pas les ophtalmologistes n'a aucun sens. Au contraire, en utilisant davantage les optométristes, en leur permettant l'usage de médicaments diagnostiques comme partout en Amérique du Nord, sauf au Québec, et des médicaments thérapeutiques comme c'est le cas dans 29 États américains, nous pourrions non seulement réaliser des économies importantes mais, en même temps, améliorer les services oculo-visuels partout en province.

L'Ordre des optométristes qui est responsable de la protection du public dans le domaine oculo-visuel s'oppose donc fermement à ce que la santé visuelle des citoyens se dégrade par la désassurance des services optométriques. Voici nos recommandations. 1° Le maintien des services optométriques au sein de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Les dirigeants de notre profession sont prêts à discuter des différentes options afin de réduire les coûts de nos services à la société sans pour autant compromettre les principes d'universalité, d'accessibilité et d'équité: une rationalisation dans le nombre d'actes payés par la Régie, l'élimination, par tous les moyens possibles, des abus, ainsi que toute mesure raisonnable que le gouvernement voudra discuter. 2° La remise d'un reçu au patient, indiquant le montant total des honoraires facturés. 3° La création de fonds distincts de services sociaux et de santé. 4° L'augmentation des pressions en vue d'accroître la contribution du gouvernement fédéral au financement du système. 5° L'adoption de mesures de rationalisation pour améliorer l'efficacité et l'efficience dans la distribution des services de santé et des services sociaux. 6° La personnalisation de la carte-soleil grâce à la photographie du bénéficiaire. 7° Une meilleure utilisation des professionnels de la santé de première ligne que sont les optométristes en leur permettant de prescrire des médicaments thérapeutiques. 8° Le contingentement des professionnels de la santé. 9° L'exercice d'une surveillance accrue des actes assurés par la Régie de l'assurance-maladie et dispensés par les professionnels de la santé.

L'Ordre des optométristes soumet au ministre qu'il est possible d'améliorer et de réduire les coûts de notre système de santé sans pour autant couper les services, ce qui correspond, croyons-nous, à l'opinion de la majorité des citoyens et citoyennes du Québec.

En terminant, l'Ordre des optométristes vous réitère sa collaboration afin d'atteindre le plus tôt possible les objectifs de cette sous-commission. Maintenant, je cède la parole à mon confrère, Claude Neilson, président de l'Association des optométristes du Québec. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Chaiken. M. Neilson, s'il vous plaît.

M. Neilson (Claude): M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de l'Opposition, Mmes et MM. de la commission, mes remerciements de nous recevoir dans le cadre de ces importants travaux sur le financement de notre système de santé. Je ne reprendrai pas ce que mon collègue a dit sur la formation des optométristes, leur répartition géographique exemplaire et l'importance des services oculo-visuels pour la population et pour celle des très nombreuses régions du Québec en particulier.

Voici certaines considérations utiles lorsque l'on veut poser un diagnostic éclairé de la situation générale qui nous occupe. D'une part, la santé est très institutionnalisée au Québec. En effet, 57,1 % des dépenses de santé, au Québec, sont dues aux services institutionnels. Ce pourcentage n'est que de 47,9 % pour l'Ontario et de 51,2 % pour le Canada. D'autre part, la santé est

très médicalisée, au Québec. Le Québec est la province canadienne qui compte le plus de médecins spécialistes par habitant, soit 103,7 spécialistes pour 100 000 de population. L'Ontario en compte 95,9 et le Canada, 90,6.

Enfin, le gouvernement du Québec ne doit pas se laisser influencer par les normes fédérales faisant, pour des raisons juridiques ou financières, une distinction purement artifielle entre des services dits de base et des services dits complémentaires. Les services optométriques sont, dans les farts, des services de base malgré la distinction qu'en fait le fédéral. En effet, est-il pensable d'affirmer que les yeux et la vision sont moins importants qu'un doigt, un pied, un rein? Selon ce raisonnement, dans le domaine oculo-visuel, c'est le type de fournisseur qui déterminerait qu'un service est de base ou complémentaire alors qu'il s'agit du même service.

Il est une autre affirmation que je veux clarifier. Le Québec n'est pas plus généreux que les autres provinces en ce qui concerne les services optométriques. En effet, dans huit provinces canadiennes, on retrouve un régime comparable des services optométriques. Seule l'île-du-Prince-Édouard n'a jamais eu de régime pour les services optométriques. Quant à Terre-Neuve, nos références nous indiquent que M. Clyde Wells vient de les désassurer du jour au lendemain, le 1er avril de cette année. Mais est-ce vraiment une référence?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Neilson: Je ne pense pas, M. le ministre, que vous ayez des atomes crochus avec Clyde Wells.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Neilson: Dans notre mémoire, nous démontrons que la désassurance des services optométriques va déplacer les budgets gouvernementaux vers d'autres ressources plus dispendieuses auxquelles les gens recourront forcément. La société québécoise aurait à débourser 16 000 000 $ de plus qu'actuellement pour les mêmes services. En plus, la désassurance des services optométriques entraînerait les conséquences suivantes. 1° Un individu recevant un service rendu par un optométriste aurait à payer, tandis que le même service rendu par un ophtalmologiste n'entraînerait pas un tel déboursé. 2° Les listes d'attente en ophtalmologie, dans les grandes villes, vont s'allonger et des patients qui, sans nécessairement le savoir, attendent - on sait que l'attente moyenne est déjà de plusieurs semaines - verront leurs troubles oculo-visuels s'aggraver. Cela coûtera plus cher à l'État en traitements plus complexes et surtout très cher à la santé oculo-visuelle de l'individu en coûts sociaux - baisse de productivité, perte d'autonomie, atteinte personnelle et permanente, etc. 3° S'ils ne peuvent pas attendre - on pense aux conjonctivites, aux yeux rouges, à l'oedème - les gens iront à l'urgence et susciteront encore des coûts de système tout en engorgeant une des structures les plus stratégiques de notre système de santé, en plus des pertes de temps pour la population. 4° Enfin, un individu ayant la chance de souffrir d'un problème auditif n'aura pas à débourser pour des soins, alors que celui souffrant de problèmes oculo-visuels aurait à le faire.

Dans notre mémoire, nous disons que les services optométriques sont plus économiques que les recours aux services hospitaliers où il en coûte 18 $ par personne dès qu'elle met le pied dans un hôpital, sans compter les services médicaux qu'elle y recevra. Ils sont plus économiques que le recours à la combinaison omni-praticien-ophtalmologiste ou à l'ophtalmologiste en cabinet ou en clinique externe.

Rappelons que l'optométriste oeuvre en cabinet privé où il fournit lui-même le personnel d'encadrement, les locaux, l'instrumentation, et ce, sans subvention de l'État. Nous sommes d'ailleurs heureux d'avoir entendu hier le Dr Richer, président de la FMOQ, corroborer cette affirmation en disant qu'un service rendu en hôpital était plus cher qu'un service rendu en CLSC et qu'un service rendu en CLSC était plus cher qu'en cabinet privé.

Nous avons également abordé les conséquences socio-économiques pouvant résulter d'une atteinte à la santé oculo-visuelle des Québécois et des Québécoises, suite à la désassurance des services optométriques. Je n'insiste pas, mais c'est le rendement scolaire de nos enfants, la productivité de nos travailleurs et la qualité de vie de nos personnes âgées qui sont en cause.

En conclusion, il ne fait aucun doute que le ministère de la Santé et des Services sociaux prendrait la mauvaise direction en désassurant les services optométriques comme moyen de financer le système de santé. L'Association des optométristes du Québec en est convaincue, pour les raisons suivantes. les services rendus par les optométristes sont des services de prévention et de première ligne qui permettent de maintenir les coûts du traitement des troubles oculo-visuels et leurs conséquences à un niveau minimal.

La désassurance des services optométriques entraînerait des iniquités régionales, amènerait à terme une détérioration de la santé oculo-visuelle de la population et accroîtrait les coûts de la santé oculo-visuelle publics et privés de l'ordre de 16 000 000 $ par année, sans compter les risques d'augmentation des coûts dus aux conséquences d'une détérioration de la santé oculo-visuelle de la population - référence à la page 47 de notre mémoire.

Tous nos chiffres démontrent l'efficience du régime optométrique et l'importance pour le gouvernement de privilégier la première ligne dans le domaine oculo-visuel afin de bien desservir la population de toutes les régions, dans son milieu, aux meilleurs coûts de système possible.

L'Association des optométristes du Québec est consciente des enjeux qui sont en cause pour la société. Dans cette perspective, nous sommes définitivement prêts à collaborer avec le ministre, et ce, le plus rapidement possible. Quant aux autres solutions, nous avons poussé le plus loin possible nos recherches, ces derniers jours, conscients des efforts que vous faites. (16 h 30)

L'Association est d'avis que le moment d'augmenter la charge financière des Québécois n'est pas encore arrivé. Si, toutefois, le gouvernement entend augmenter d'une façon ou d'une autre le fardeau financier des particuliers, l'Association favorise tout mécanisme qui répartisse cette charge additionnelle sur l'ensemble des particuliers. Il faut éviter toute forme de taxe à la maladie, telle la désassurance ou l'impôt-services. Cet impôt-services, s'il devait être retenu, ne devrait cependant pas être mis en application sur certaines maladies seulement ou sur des services selon qu'ils sont rendus par certains fournisseurs plutôt que d'autres. Il serait ainsi désastreux qu'il s'applique aux services complémentaires en attendant de le faire pour des services de base.

De façon générale, nous recommandons: 1° Comme plusieurs des groupes que vous avez entendus l'ont fait, la création d'un fonds distinct pour la santé et d'un fonds pour les services sociaux. 2° Une rationalisation de tous les secteurs de la santé publique au Québec. 3° À l'instar de l'Oregon, une réflexion sur les technologies que l'on peut se payer et celles que l'on ne peut pas. À cet effet, 1 000 000 000 $ représenteraient 8 % d'économies.

Nous sommes d'avis que le gouvernement québécois devrait entreprendre et/ou poursuivre avec le gouvernement fédéral, accompagné de tous les organismes sociosanitaires du Québec, une modification des normes fédérales de transfert de fonds, bill C-3. 4° L'utilisation de la première ligne des soins dans tous les secteurs par une meilleure information au public. Nous pensons à des programmes conjoints d'information. 5° La participation active à un processus d'évaluation coût-efficacité de l'ensemble des services de santé, y inclus les services optomé-triques, à la condition que les mêmes critères d'évaluation soient retenus et que ceux-ci reflètent adéquatement l'aspect préventif dans la santé.

Maintenant, plus spécifiquement dans notre cour, alors que plusieurs ont tendance à regarder dans la cour de leur voisin: 6° La possibilité pour les optométristes de prescrire des médicaments thérapeutiques oculaires tout en favorisant une meilleure collaboration entre les optométristes et les médecins spécialisés en ophtalmologie. Une telle mesure entraînerait une économie potentielle de 13 000 000 $. 7° L'amorce de discussions ad hoc pouvant permettre d'examiner, dans notre régime, des moyens de limiter les coûts.

Nous félicitons le gouvernement d'avoir eu le courage de lancer le débat. Nous l'invitons cependant à la prudence et à continuer à privilégier la prévention tout en demeurant à l'écoute des citoyens. Nous réitérons notre disponibilité pour toute étude, analyse ou discussion sur la nature et l'orientation du système oculo-visuel au Québec. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Neilson. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): «Well»!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: «The gate is moving now».

Le Président (M. Joly): Les jeux sont faits.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, oui, vous étiez attendus, mais je vous dirai d'entrée de jeu que c'était davantage pour trouver une astuce pour nous permettre d'avoir la presse un vendredi, fin d'après-midi. Comme vous voyez, ça a fonctionné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Trêve de plaisanteries, c'est certainement l'un des moments - il y en a eu d'autres - très importants parce que ce dont nous discutons à ce moment-ci est un des programmes qui fait l'objet d'une des propositions et qui fait l'objet d'une proposition de désassurance.

Loin de moi l'idée de contester le droit, voire même le devoir de l'Association ou de l'Ordre de représenter les optométristes, et je pense que leur devoir le plus sacré est de représenter les optométristes et les intérêts des optométristes. Ça, je pense qu'il faut que ce soit très clair avant même qu'on commence à se brasser la cage un peu. Il faut établir des choses très claires.

D'aucune manière, il ne faut avoir de doute quant au respect du professionnel qu'est l'opto-métriste et qui est un professionnel. On doit se dire un certain nombre de choses très claires. Oui, c'est vrai que, pour un régionaliste, à tout crin, qui se bat aussi pour les régions du Québec, oui, les optométristes sont pas mal plus présents dans les régions du Québec. Puis faisons

le pari que, s'il y avait 1100 ophtalmologistes à travers le Québec, ils ne seraient pas répartis dans les régions comme vous l'êtes, disons-le clairement. Ça se vérifie dans d'autres spécialités avec tous les problèmes qu'on a.

Oui, la prévention c'est extrêmement important. Je vais vous le dire, ce qui m'a choqué, et j'ai le droit de me choquer avec le caractère que j'ai. Vous commencez à me connaître. C'est lorsqu'on est professionnel, et vous l'êtes, qu'on est dans un cadre de démarche très démocratique... C'est ça, là. On l'est en bibite depuis qu'on a amorcé cette réforme-là. Ça va être la 22e ou 23e semaine de commission parlementaire dans un an, pour entendre les gens, pour échanger avec le monde, pour tenter de faire progresser le système, le brasser, le système. Évidemment, quand on brasse un système et qu'on brasse du monde, il faut s'attendre à se faire brasser aussi. Je comprends ça, en politique on est habitués à ça un peu. Mais, quand on est dans un cadre démocratique comme celui-là, où, le plus honnêtement possible, on met sur la table, comme on l'a fait au mois de décembre, un document qui, de manière générale, est admis comme étant un document important, crédible, pas parfait, bien sûr - si on le fait, on ne le fait pas pour le plaisir de le faire, mais par une situation qui nous oblige à le faire - quant à moi, je préfère que la discussion se fasse ici plutôt qu'à la télévision parce qu'à la télévision, je n'ai pas le moyen de vous suivre, surtout avec une firme comme NATCOM. Ils pensent avoir «shaké» le pommier une fois, puis ils ont repris exactement le même thème sur le plan publicitaire pensant qu'ils vont «shaker» le pommier une deuxième fois. Eh bien, le pommier a appris de la première, puis il ne «reshakera» pas une deuxième et une troisième fois non plus. Ça, je peux vous l'assurer. C'est davantage un message pour NATCOM que pour vous autres.

Dans ce sens-là, j'ai compris tantôt qu'un certain nombre de choses... Vous avez pris un certain nombre de décisions, c'est votre responsabilité et, à ce niveau-là, je l'accepte. Ceci étant dit, c'est un épisode qui, pour moi, est terminé. On essaie par tous les moyens de faire en sorte que les gens prennent conscience d'une situation sur le plan financier qui n'est pas une situation facile pour le gouvernement, parce que j'imagine que, si on s'adressait, pas à l'optomé-triste, mais au payeur de taxes, peut-être qu'il aurait l'humeur un peu plus massacrante ou massacrée en se disant: On est tanné de payer des taxes sur à peu près tout. On en paie suffisamment, sacrez-nous la paix, ajoutez-en pas parce qu'on en a jusque-là. Dans ce sens-là, c'est notre responsabilité, comme hommes politiques, de tenter de gérer avec ce qu'on a, puis, si possible, de tenter d'en sauver pour faire en sorte qu'on puisse le réallouer à des nouveaux besoins et davantage en prévention, ce dont vous vous êtes servi assez abon- damment, merci!

Dans ce contexte-là, ma première question, et on reviendra de manière plus précise sur la désassurance: Est-ce que la croissance budgétaire devrait être, d'après vous, IPC + 1 %, IPC + 2 %, IPC + 3 %, sachant qu'actuellement on est à un rythme de IPC + 4,2 %? Nous, on s'est dit: À partir de ce moment-là, si on veut le ramener au maximum à 3 %, comme étant un plafond, il y a 1,2 % qu'il faut tenter de récupérer quelque part. On a mis des pistes. Bon. Je vais vous dire une affaire, on a eu bien des idées, mais ça va prendre plusieurs 0,25 $ pour être capable de faire de l'argent tantôt. On va tenter d'en trouver et de ramener notre système à des conditions acceptables. Bon. Je sais que tantôt, autant l'Ordre que l'Association, vous avez passé une série de propositions pour tenter d'être plus efficients, plus efficaces, mais quel est le niveau qui vous apparaît souhaitable et acceptable en termes de dépenses: IPC + 1 %, parce que ça va être la croissance des dépenses gouvernementales, IPC + 2 %, ou IPC + 3 %? Ça me paraît être une question fondamentale à ce moment-ci à laquelle vous devriez me répondre.

M. Chaiken: Avant de répondre à cette question précise que je vais d'ailleurs laisser à mes collègues de l'Association, M. le ministre, moi aussi j'aimerais clarifier certaines choses avec vous aujourd'hui. En rencontrant plusieurs personnes en politique, des députés, certains ministres, tous m'ont dit que le ministre Côté se choque rapidement, mais aussi qu'il se déchoque rapidement et que c'est un homme de gros bon sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chaiken: Je suis certain que vous allez bien comprendre nos arguments aujourd'hui. Concernant la question de la publicité à la télévision...

M. Côté (Charlesbourg): Vous m'avez encerclé, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chaiken: ...on n'a pas voulu brasser la cage de personne au niveau du gouvernement avec notre publicité. La seule raison pour laquelle cela a été fait, même si c'est dans le passé, c'est parce qu'on a eu un beau cadeau de Noël le 18 décembre où il y avait un paragraphe qui parlait de désassurance des services complémentaires et l'optométrie y passait au complet. Il fallait qu'on retrouve une façon de soulever le débat. C'a été fait. On l'a soulevé, c'est fini, on a interrompu cette publicité et, pour nous aussi, c'est terminé.

M. Côté (Charlesbourg): Qu'on soit bien

clair. C'est votre droit le plus légitime de faire la publicité que vous voulez. Ça, je ne conteste pas ça.

M. Chaiken: Ce n'était pas fait pour brasser la cage du gouvernement. C'était pour soulever des débats au niveau public pour démontrer aux gens, au public qu'il y avait un problème, qu'il y avait un danger et pour impliquer le public dans le débat également. Alors, nous sommes ici. On va avoir une discussion franche, je crois. Je laisserai mes collègues répondre à votre question.

M. Neilson: Si je peux juste ajouter très brièvement là-dessus. Si vous avez été choqué, M. le ministre, les optométristes ont été choqués aussi quand ils ont vu la façon rapide et cinglante avec laquelle on parlait de désassurer complètement les services optométriques et aussi choqués de voir que, dans les médias, en général, on en pariait très peu. En fait, on avait un problème, c'est que personne ne semblait au courant. Encore il y a quelques jours, cette semaine, à Radio-Canada, le reporter pariait de désassurer les lunettes et les verres de contact en voulant parier des services optométriques.

On n'est pas perçu. Alors, il fallait brasser fort, et c'a brassé fort. Mais, là, je pense que les gens, la population est informée. Et donc...

M. Côté (Charlesbourg): Oui, il y a un digne représentant de Radio-Canada ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Tout est réglé, c'est sa faute.

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, ça devait probablement être pour ça qu'il était ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Service commandé.

M. Neilson: Alors, plus spécifiquement au sujet de votre question, au sujet de l'IPC, évidemment, à l'Association, on croit que les dépenses de santé devraient être maintenues au minimum, c'est-à-dire autour de IPC + 1 %. Maintenant, même si on parie de financement, il ne faut pas, par contre, perdre de vue aussi les objectifs de notre système de santé qui est reconnu et qui est apprécié par la population du Québec, et qui est reconnu aussi à travers le monde comme étant un très bon système de santé. On regarde aux États-Unis, actuellement, ils sont pris avec des problèmes, je pense, encore plus importants au niveau de la santé. Ça leur coûte plus cher, ils sont moins bien couverts. Donc, il ne faut pas perdre ça de vue, aussi. Il faut essayer de maintenir les coûts au minimum, c'est entendu.

Et, comme on l'a dit, on est prêt à regar- der beaucoup de choses et à faire notre part, à s'asseoir et à discuter pour restreindre les coûts au maximum. Mais il ne faut pas perdre de vue la valeur, l'efficience de notre système de santé, actuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Tantôt, dans votre présentation, vous avez très habilement fait référence à M. Wells...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): ...et à ses comportements très libéraux. Si je vous pariais de M. McKenna, de ce qui se passe au Nouveau-Bruns-wick? C'est quoi votre opinion sur la situation au Nouveau-Brunswick par rapport à l'optomé-trie?

M. Neilson: Au Nouveau-Brunswick, il y a un choix qui a été fait, évidemment, qui couvre de façon différente, mais qui couvre les services optométriques. Ce qu'il est important de retenir, c'est qu'on a dit: Au Québec on est beaucoup plus généreux dans le panier des services complémentaires, et donc, pas spécifiquement, mais on incluait l'optométrie. Alors, c'était pour mettre ça dans la perspective. Au point de vue optométrique, en tout cas, on n'est pas plus généreux. On est à peu près dans la ligne du reste de la province.

M. Chaiken: II ne faut pas oublier, M. le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

(16 h 45)

M. Chaiken: ...également, que les résultats des actions au Nouveau-Brunswick ne sont pas encore comptés. On n'a pas vu comment ça avait affecté la population à long terme et on ne sait pas non plus si, au Nouveau-Brunswick, on va revenir, par exemple, sur la décision, comme on l'a fait en Alberta.

M. Charbonneau (François): Si vous me permettez juste un éclairage.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Charbonneau (François): Je pense que beaucoup de gens ne connaissent peut-être pas ce qui existe à travers le Canada. Au Québec, on a les services qu'on a, relativement universels en optométrie.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vos optométristes le savent là.

M. Charbonneau (François): C'est le cas de l'Ontario... Pardon?

M. Côté (Charlesbourg): Vos optométristes

qui vous accompagnent le savent certainement.

M. Charbonneau (François): Oui, il y en a quelques-uns.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (François): Mais le Québec, comme grande province, se compare, au niveau des services optométriques, avec l'Ontario et la Colombie-Britannique. Il existe, en Alberta et en Saskatchewan, un régime qui est identique, sauf que les 19-64 ans ont un examen annuel aux deux ans. Il existe, dans les Maritimes, la Nouvelle-Écosse qui a un régime comme le nôtre; le Nouveau-Brunswick où c'est les 16 ans et moins; l'île-du-Prince-Édouard n'en a jamais eu et, à Terre-Neuve, M. Wells vient de s'enfarger à nouveau. Alors, c'est la situation canadienne.

M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour vous amener sur une piste qui est la suivante. Quelle serait votre réaction, comme professionnels, si le gouvernement du Québec disait, demain matin: Oui, effectivement, ce qu'on a les moyens de se payer, c'est de protéger les 19 ans et moins et les 65 ans et plus?

M. Neilson: On dirait que c'est moins pire que la désassurance complète, mais que ça a encore des lacunes importantes. La population de 19 à 64 ans a quand même des besoins importants. Comme on le dit, on est ouvert à des discussions là-dessus et il y aurait peut-être à regarder des fréquences selon des couches d'âge. On n'est pas fermé à cette discussion-là, mais il reste que la désassurance des 19-64 ans nous paraît extrême.

M. Côté (Charlesbourg): O. K.

M. Chaiken: Je peux vous dire, M. le ministre, de la part de l'Ordre des optométristes, que nous croyons, à titre de représentants du public et protecteurs du public dans le domaine oculo-visuel, que c'est très important que les gens, par exemple, comme moi, de 40 ans et plus maintenant, aient un examen de prévention. Je peux parler spécifiquement, par exemple, des tests de glaucome qui comprennent la pression intra-oculaire. C'est une maladie qui arrive... On devrait commencer à faire ces tests-là régulièrement; quand on commence à les faire à 65 ans, les dommages sont déjà faits.

Alors, comme le disait mon confrère, nous croyons qu'il y a possibilité, à l'intérieur du régime, de regarder les fréquences selon les couches d'âge. Mais, désassurer un groupe au complet, nous ne pensons pas que ce soit la meilleure solution. Et, d'une manière ou de l'autre, comme nous l'avons dit dans notre mémoire tout à l'heure, ça pénalise non seulement ces gens au niveau économique, mais ça crée des iniquités régionales, ça va engorger les ophtalmologistes et, pour nous, ce n'est pas une solution.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais revenir tantôt à opto-ophtalmo parce que c'est des discussions qu'on a déjà eues dans les mois antérieurs et je vais y revenir de manière spécifique parce qu'il y a un problème réel.

Le Président (M. Joly): M. Charbonneau avait de quoi à dire.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Charbonneau (François): Oui. Si vous le permettez, juste avant qu'on aborde d'autres parties des discussions, quand on parle des 20-65 ans, c'est quand même notre population laborieuse; c'est la productivité de nos travailleurs, ça. Désassurer, désinclter les gens à l'examen visuel dont ifs ont besoin quand on veut une main-d'oeuvre comme celle que M. Bourbeau cherche à avoir, productive en haute technologie et performante au travail... Vous avez juste à regarder les chiffres - vous les connaissez mieux que moi - au niveau de la santé et sécurité au travail. C'est vrai au Québec, c'est vrai au Canada, c'est vrai aux États-Unis que nos travailleurs dans l'industrie ont besoin d'une excellente performance visuelle; 90 % des gens qui travaillent sur des écrans cathodiques - ce sont des gens de 20 à 60 ans - ont des problèmes, des manifestations de troubles oculo-visuels. Alors, statistiquement, ça peut se regarder par couche, mais il faut faire attention et, moi, j'ai de très fortes réserves ou oppositions à ça, mais, comme on le disait, il y a du travail qui peut se faire avec des experts pour voir s'il n'y a pas des choses qui peuvent s'identifier.

Le Président (M. Joly): M. Gareau.

M. Gareau (Claude): M. le Président, moi, je me reporte, si vous me le permettez, 22 ans en arrière; j'étais assis à la même table, au moment où, précisément, le gouvernement libéral a instauré le régime d'assurance-maladie. Et on était dans la même situation difficile parce que M. Castonguay, qui avait fait le rapport Caston-guay, n'avait pas recommandé les services optométriques, au départ. Cependant, quand il a été nommé ministre, dès 1970, et qu'il a eu à réaliser son rapport, bien, il a été obligé d'en venir à la conclusion que, pour la population, il était impossible d'établir un système équitable - dans le temps, on disait gratuit - accessible et universel sans que les optométristes y soient.

Ce que je voudrais faire ressortir, c'est qu'on est dans une situation, comme profession, qui est unique dans les services soi-disant complémentaires. Je demeure convaincu que les

services optométriques sont des services de base. La raison pour laquelle je dis que c'est une situation unique, c'est que ni les dentistes ni les pharmaciens n'ont de spécialité médicale qui chevauche dans notre champ d'activité. Comme vous le mentionniez tantôt, comme régionaliste, vous savez fort bien que la recommandation, si elle était appliquée, pénaliserait d'abord et avant tout la population, non seulement la population des régions éloignées, mais également la population des grands centres urbains où les listes d'attente deviendraient tellement longues qu'en bout de compte on aurait deux médecines: une des pauvres et une des riches.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends les écueils. Je pense qu'on en a échangé. On analyse de part et d'autre pour tenter de voir clair à travers tout ça.

M. Gareau: D'accord.

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que vous me reportez à la période de M. Castonguay. Je pense que le Québec était dans une situation où il y avait une prospérité économique beaucoup plus importante, à l'époque, lorsque ces décisions-là se sont prises. Je traîne toujours un petit tableau, là, parce qu'il faut toujours se le rappeler. Juste pour financer notre épicerie, depuis 1977 à 1991-1992, c'est 20 000 000 000 $ qu'on a empruntés pour des dépenses d'épicerie. C'est considérable et je pense qu'on est dans une situation où il faut s'interroger sur notre capacité de continuer. Effectivement, on peut, dans certaines circonstances, être inéquitables vis-à-vis des catégories de citoyens, mais est-ce qu'on peut continuer d'être inéquitables aussi vis-à-vis des générations futures? Ça aussi, c'est une question qui est fondamentale et qu'il faut se poser. On peut bien le faire. On peut bien dire: On va continuer et on va pelleter ça sur les jeunes de demain, mais je ne suis pas sûr qu'ils vont être très heureux à partir du moment où ils recevront le cadeau dans les mains.

M. Chaiken: Je pense, M. le ministre, que vous avez tout à fait raison et je pense que tout le monde dans la salle, ici, serait d'accord avec vous pour dire qu'on a des problèmes de financement, en santé, du budget en général. C'est un problème grave, mais ça ne veut pas dire, par contre, qu'il faille éliminer complètement des services, détruire un système qui fonctionne bien, qui est apprécié de la population, qui est établi partout et qui a fait ses preuves.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais...

M. Chaiken: Pourquoi ne pas regarder les véritables solutions? Il y a des façons et nous sommes ici pour en discuter.

M. Côté (Charlesbourg): Je les attends. Je les attends, parce que la balle est dans votre camp. Évidemment, vous avez reçu comme une brique la proposition du 18 décembre. Je pense que, si vous ne la voulez pas, il va falloir qu'il y ait des alternatives de mises sur la table.

M. Chaiken: Je vais vous dire, par exemple, quant à notre deuxième suggestion de donner un reçu au patient, non seulement aux patients des optométristes, mais aux patients de tous les médecins, de tous les praticiens dans le domaine de la santé une fois que l'acte médical ou autre est fait, est-ce que c'est déraisonnable de démontrer au patient combien a coûté ce service? Nous ne sommes pas gênés de dire aux gens que les coûts de ces services-là sont relativement minimes par rapport à d'autres professions. Je pense que c'est important de conscientiser la population sur les coûts qui sont engendrés quand ils visitent les médecins. J'imagine que M. Tout-le-Monde va être sensible à ça quand il va savoir combien ça coûte. Peut-être qu'il va y avoir une certaine rationalisation. Il y a d'autres choses qu'on suggère.

M. Côté (Charlesbourg): Informer le citoyen, je pense que c'est une bonne affaire. On parle de transparence. L'informer des véritables coûts, ça, c'est une décision qu'on a déjà prise et on a voté, à l'intérieur du projet de loi 120, les mécanismes qu'il faut. Évidemment, par cette proposition-là, vous prétendez que, dans la mesure où on informera les citoyens, il y aura moins de consommation et, ayant moins de consommation, que ça coûtera moins cher, donc qu'il y aura des économies.

M. Chaiken: Bien sûr.

M. Côté (Charlesbourg): Là, on se dit: Oui, bonne chance. On ne sait pas ce que ça donnera au bout.

M. Chaiken: Ça vaut peut-être la peine de l'essayer, avant de défaire le système.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends, mais je veux d'autres propositions, ça me prend d'autres propositions.

M. Neilson: On en a fourni d'autres, entre autres la suggestion de l'utilisation des médicaments thérapeutiques par les optométristes. Si on regarde un peu plus loin, ça ne veut pas dire juste ça. Ça veut dire qu'évidemment cette proposition-là s'assortirait d'un coût qui ne serait pas plus élevé que ce que ça coûte actuellement chez l'optométriste. C'est-à-dire que ce serait une visite normale - une visite partielle ou autrement, je ne veux pas devenir trop technique - et ça diminuerait les coûts grandement par rapport à ce que ça coûte actuellement.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai des petites nouvelles pour vous parce que le ministère a déjà, lui, donné un avis favorable au gouvernement pour que ça se fasse.

M. Chaiken: Pourquoi ça ne s'est pas fait? M. Côté (Charlesbourg): Comment? M. Chaiken: Pourquoi on ne l'a pas fait?

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je ne sais si vous êtes informés des décisions, mais je n'étais pas au Conseil des ministres, mercredi, j'étais ici. Donc, des avis favorables ont été donnés et, dans ce sens-là, on verra ce que le ministre responsable, lui, décidera de ça puisque c'est de lui que ça relève.

M. Charbonneau (François): Juste un point de détail...

M. Côté (Charlesbourg): Mais pour être concret...

M. Charbonneau (François): Oui, juste un point de détail. Assurez-vous qu'on ne parle pas de médicaments diagnostiques seulement. Nous, ce qu'on dit, c'est que, pour éviter la filière hôpitaux-institutionnalisation, il faut miser sur les premières lignes. Si c'est des médicaments thérapeutiques dont vous avez parlé, vous allez économiser des millions. Il y a plus à faire que ça, mais c'est un très bon début. Thérapeutiques.

M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour signifier que le ministère considère l'optométriste comme un professionnel. C'est un signal. Si des démonstrations peuvent être faites qu'il y a des économies ailleurs sans pour autant que d'aucune manière il y ait des risques pour le bénéficiaire, ce sont des choses qu'on peut regarder si, au bout de la ligne, ça nous permet d'économiser des sous. C'est clair que c'est ça que nous voulons comme proposition.

On me signifie qu'il ne me reste pas grand temps. Un des arguments de poids que vous avez et que je ne prends pas à la légère, c'est le glissement de pratique de l'optométriste vers l'ophtalmologiste qui coûterait plus cher. Vous avez raison. D'ailleurs, je vous l'ai dit dans le privé, ça ne me coûte pas plus cher de le dire en public. C'est clair. À partir de ça, dans les conversations, il était clair qu'on s'était dit que, dans la mesure où on le faisait, il fallait s'assurer que ce soit désassuré dans les deux cas pour être équitable envers des professionnels et qu'on ne se retrouve pas à sauver un coût qui nous coûte moins cher pour le transposer chez quelqu'un qui va nous coûter plus cher pour le même service. À ce niveau-là, on a compris ça. Mais, même si on faisait ça, j'ai l'impression que vous ne seriez pas bien, bien satisfaits.

M. Chaiken: Je pense, M. le ministre, que c'est premièrement impossible que vous le fassiez. Il y a peut-être une façon dont vous pouvez le faire, et je ne pense pas que ce sera très bien reçu de la part des médecins, par exemple, et c'est simplement parce que la suite logique de ça, il n'y en a qu'une, à mon avis, c'est de changer la loi médicale pour ne plus permettre à des médecins spécialistes ou autres de faire des examens de la vue, de prescrire des lunettes et de prescrire et vendre des verres de contact. Il n'y pas d'autre solution pour arriver à ce but-là. Parce que, même si vous disiez aux ophtalmologistes: II faut charger, maintenant, pour l'examen visuel de base et vous chargez directement au patient, on va voir que les diagnostics ne seront plus la myopie, l'hypermétropie ou la presbytie, mais qu'ils vont avoir d'autres choses: un problème ici ou un problème là. C'est ça qui va arriver, et vous savez fort bien que ce sera le cas.

M. Neilson: Les expériences qu'on a pu voir ailleurs, c'est que tout examen de vision devenait médical, à ce moment-là. Oui, on a eu des discussions, M. le ministre, et je me souviens qu'on en a parié, de ça. On s'est penché là-dessus, on a regardé ça et je vous avoue qu'après bien des contorsions c'est à peu près impossible, sauf de la façon dont vient de parler mon confrère, le président de l'Ordre. Et je crois que c'est encore plus utopique de penser que ce soit possible de faire ça. (17 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière. Ce n'est pas parce que je n'en ai pas d'autres, mais une dernière. Vous nous recommandez de créer un fonds santé. Je vais vous le dire tel que je le pense, parce que, tantôt, je l'ai oublié pour les dentistes, ça aurait été la même réaction. Vous n'avez pas l'impression que vous êtes 20 ans en arrière avec une proposition comme celle-là? Il me semble bien que tous les courants font en sorte aujourd'hui qu'on dit: La personne, ce n'est pas rien qu'une question de santé, c'est une question globale qui inclut aussi le social. Moi, je trouve ça épeurant de me demander ou de nous demander de créer un fonds uniquement santé et un fonds social. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui les gens viennent nous dire: Faites-nous notre belle petite globule à nous autres, laissez-nous dedans et les autres, sur le plan du social, oubliez ça. Il me semble bien qu'aujourd'hui, là, avec tous les problèmes qu'on a, on doit faire appel à plusieurs intervenants pour être capables de solutionner nos problèmes et de régler les problèmes de nos personnes. C'est l'impression que ça me donne.

M. Charbonneau (François): Je vous dis ceci, M. le ministre: À mon sens à moi - je ne suis pas un expert dans ces matières-là - il me semble que, si on commençait par isoler du fonds

consolidé la santé, les services sociaux, les regarder aller un an, deux ans, trois ans, les fusionner plus tard serait peut-être une conclusion. Allons-y par étapes. Essayons de voir. D'abord, sortons ça du fonds consolidé. Ce n'est pas fait, ça. Si on est capables de sortir ça et de regarder ça, il y en a d'autres qui n'aimeront pas ça, mais, un coup qu'on aura fait ça, on les regardera aller tous les deux, ces fonds-là. On verra ce qu'il faut faire. Commençons, à mon sens, par cette première étape là. C'est le sens de notre recommandation.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vous n'avez pas d'objection à ce qu'on en arrive à ce mariage au profit du bénéficiaire?

M. Charbonneau (François): On est là pour le servir.

M. Chaiken: C'est évident que toute suggestion qui pourrait être faite pour assainir les finances et qui bénéficie à la société en général sera très bien acceptée de notre part.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. J'aimerais vous saluer, M. le président de l'Association, M. le président de l'Ordre et les gens qui vous accompagnent. Bon, maintenant que vos chicanes de ménage sont réglées, on va parler des usagers. Je ne voudrais pas oublier non plus, parce que je les ai vus dans la salle, de saluer la relève, les étudiants en optométrie de l'Université de Montréal qui sont venus voir ce qui les attendait si la politique suivait son cours, parce que c'est bien ça la proposition. Alors, il faut les saluer aussi parce que je les connais assez bien, ces gens-là, et je sais que, pour passer à travers leurs quatre années de formation, c'est important qu'ils soient là également et qu'ils soient sensibilisés à ce que nous vivons comme débat actuellement au Québec.

Du côté des optométristes, du côté de l'examen de la vue, je pense qu'on vient d'en dégager un bon bout sur le terrain et il semble se dessiner des pistes, je dirais, réparatrices, compte tenu de la proposition, compte tenu des derniers échanges qu'il y a eu.

Mais vous autres, du côté des optométristes, ne vous trompez pas, vous êtes les victimes Montmorency-Anjou. Vous êtes le résultat. Je vais vous expliquer ça. Le ministre le disait tantôt, la population, au niveau des taxes, elle n'en a rien qu'en masse. La classe moyenne, on l'a vu, ils en ont jusque-là. Et, en termes politiques, c'est le ministre lui-même qui le donnait comme diagnostic après Montmorency: On ne peut pas y aller tout le temps, disait-il, sans que ça nous coûte quelque chose sur le plan de la taxation...

M. Côté (Charlesbourg): Ça a coûté moins cher dans Anjou.

M. Trudel: ...et ça a coûté Montmorency et ça a coûté Anjou.

M. Côté (Charlesbourg): Moins cher un peu dans Anjou.

M. Trudel: On l'a assez dit souvent: Les victoires morales, voulez-vous en manger? Toute la gang que vous voulez, toutes celles que vous voulez! On en a mangé 36 fois. Une belle victoire morale, c'est extraordinaire, c'est parfait.

Des victimes de ça. Et vous avez raison. Dans ce sens-là, j'ai dit à l'ouverture de la commission: Ce document ne doit pas s'appeler «Un financement équitable à la mesure de nos moyens», c'est «Le choix de Sophie»: Ou je me coupe un bras, ou je me coupe une jambe; ou je taxe ou je coupe des services. Vous autres, vous êtes dans la coupure et c'était important que vous veniez nous donner les informations sur le pourquoi il faudrait éviter de prendre cette voie de la coupure.

M. Charbonneau (François): Permettez-moi juste de vous dire qu'on est dans la mire de la coupure parce que la loi fédérale fait en sorte qu'on s'est fait classer inférieurement, com-plémentairement. Mais, à part ça, on devrait être dans un débat général de société pour savoir qu'est-ce qu'on fait des 12 000 000 000 $.

M. Trudel: Parfait. Je ne vous en demandais pas tant, je m'en allais là de toute façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (François): Je ne pouvais pas la laisser passer.

M. Trudel: Je ne vous en demandais pas tant.

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, le train est prêt, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Eh bien, là, je vais avoir une surprise pour vous. J'ai une surprise pour vous, là, parce que votre première recommandation, dans le résumé, que vous nous avez avancée, vous dites... Et je pense, quant à moi, que vous avez fait un bon diagnostic. La chicane de famille qu'on a au Québec en santé et services sociaux, il ne faut pas se tromper, les premiers éléments du diagnostic du 18 décembre disent qu'on fait bien les choses au Québec en matière

de contrôle, en matière d'utilisation des services. Grosso modo, tout gouvernement confondu, on fait ça correct. On a une chicane de famille au Québec parce que le fédéral ne paie plus ce qu'il a à payer. Et vous le dites dans votre première recommandation. Je sais que je ne peux pas vous en demander beaucoup plus que ça au niveau de l'écriture, mais, là, on est rendu vendredi puis on va faire le point sur quelque chose.

Il y a beaucoup de groupes qui sont venus ici et qui ont dit: La source du mal, c'est le gouvernement fédéral qui fait d'autres choix - le document le dit aussi honnêtement - de priorités. On va avoir eu cette grande chicane au Québec, puis on va peut-être «scraper» notre régime, puis il y a quelqu'un qui ne se sera pas présenté la face à la commission parlementaire qui débat la question sur le financement des services de santé et des services sociaux au Québec. Je dis ceci: Eu égard à votre première proposition, je défie le ministre fédéral de la Santé nationale et du Bien-être social, Benoît Bouchard, de venir se présenter devant cette commission parlementaire, expliquer aux Québécois et aux Québécoises pourquoi il faut abandonner les trois dimensions les plus essentielles de notre régime, un des acquis les plus importants de notre société en matière d'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux.

À la blague, cette semaine, tous les Québécois et Québécoises qui sont passés ici disaient: Nous, on devrait se lier en groupe - vous le dites vous aussi d'ailleurs - et demander au fédéral... Non, rendu à ce moment-ci, on ne déplacera pas le piano, on va demander au banc de se déplacer, et au gouvernement fédéral et au ministre Benoît Bouchard de venir volontairement se présenter devant cette commission, et nous débattrions publiquement pourquoi on a cette chicane de famille et pourquoi il va nous falloir, peut-être, couper les soins d'examens de la vue à toutes les catégories de personnes, parce que, par ailleurs, la problématique financière, le ministre a assez insisté tantôt, elle existe. Nous faisons même, de notre côté, un reproche au gouvernement. On lui fait même un reproche, on dit qu'il n'a pas tout dit et que c'est plus que cela. C'est déjà assez, de toute façon, le diagnostic qui est posé.

À cet égard-là, est-ce que vous, de votre côté, parce que vous êtes directement impliqués, vous êtes prêts à l'interpeller, le fédéral, aussi directement pour qu'il soit, comme cause du mal, comme cause de la situation, appelé au moins à répondre de ce qu'il nous cause comme société?

M. Charbonneau (François): Je vous dirais, M. Trudel, qu'on est prêt à y aller avec NATCOM. Ça va brasser là-bas.

M. Côté (Charlesbourg): Je n'irai pas!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chaiken: Si le président de la sous-commission nous le permet, j'enverrai une invitation ce soir à M. Bouchard. C'est sûr et certain qu'il devrait être ici.

Le Président (M. Joly): Moi, je ne peux pas vous empêcher de faire ce que vous voulez faire, mais ne me liez pas, si vous voulez, aux intentions ou aux actions que vous voulez prendre. Prenez l'initiative puis, s'il se manifeste, on verra ce qu'on fera avec...

M. Chaiken: On peut le faire. Peut-être que ce ne serait pas une mauvaise idée de demander à l'Association canadienne des optométristes, à titre de responsable de l'optométrie au niveau fédéral, de faire une intervention en ce sens-là, de demander à M. Bouchard de venir s'expliquer.

M. Charbonneau (François): En 1980 ou 1982, un prédécesseur du ministre de la Santé, je pense, est allé au fédéral lors de discussions avec Mme Bégin et a amené du monde avec lui, des gens qui représentaient le Québec pour défendre un dossier. Je ne sais pas, je ne suis pas un expert des relations fédérales-provinciales, si c'est le piano qui doit suivre le banc ou le banc qui doit se rapprocher du piano, mais il y a du monde au Québec qui vous accompagnerait s'il fallait négocier notre système de santé.

M. Trudel: J'apprécie ce que vous dites, mais, là, c'est fini que ce soit nous autres qui fassions les voyages dans ce sens-là. C'est à eux autres à descendre vers nous autres. Parce que les voyages organisés, |e les ai tous id. Ils ont commencé des voyages organisés le 25 juillet 1960 avec M. Jean Lesage, qui était un homme... Le ministre l'a dit, on a tous eu notre brin de fierté québécoise à partir de cette affirmation-là. Le 25 juillet 1960, spécifiquement sur ce qu'on discute aujourd'hui, ça fait 32 ans, il disait une chose bien simple. Il disait: Donnez-nous nos points d'impôt pour qu'on puisse s'occuper de nos affaires en matière de santé et de services sociaux. Il ne disait pas: Payez-les, donnez-nous de l'argent qu'on n'aura pas gagné. Il disait: Donnez-nous nos points d'impôt, des Québécois et des Québécoises, qui transitent par Ottawa. Donnez-nous ça. Vous le savez que nous autres on dit: Donnez-nous le butin au complet. Je respecte ça, moi, les opinions des autres et les options des autres. Ça fait 32 ans qu'on fait le voyage en autobus, en train, en avion, en groupe, en petit, en gang. Cette fois-là, minimum, que le banc se déplace donc vers le piano et qu'on regarde ça en face parce que peut-être qu'on est en train de se martyriser entre nous parce qu'il y en a un autre qui a fait des choix différents.

Ça, c'est un chapitre, mais ça ne m'empêche pas, par ailleurs, de vous faire, moi aussi, quelques petits reproches. Ce n'est pas parce que vous êtes d'accord avec moi que je ne serai pas sévère, par ailleurs, sur certains éléments. Vous répétez dans votre message quant à notre régime, parce qu'il y a de l'efficience, il y a de l'efficacité à gagner, que les dépenses de santé au Québec sont grosso modo beaucoup trop institutionnalisées et médicalisées. C'est une affirmation de l'Association. Je ne me trompe pas là, de l'Association.

Ça, c'a été aussi de l'argumentation qui a été fréquemment invoquée ici devant cette commission parce que le pendant de ça, évidemment, vous l'avez illustré, c'est les coûts qui sont beaucoup plus élevés. Vous n'avez pas l'impression qu'au Québec, en matière de santé et de services sociaux, à partir de cette information que vous corroborez vous autres mêmes, il va falloir aussi se donner un grand coup sur le modèle de nos systèmes de santé et de services sociaux, qu'il va falloir prendre un virage assez important sur comment sont dispensés nos soins et que l'institutionnalisation est peut-être un des éléments de rationalisation, d'efficacité et d'efficience sur lesquels on peut le plus travailler parce que ça enchaîne des coûts majeurs? Et par où on commence pour faire ça?

M. Chaiken: Je pense, M. Trudel, même si les chiffres que vous citez sont les chiffres de l'Association, que je peux quand même vous dire que, dans notre mémoire, le mémoire de l'Ordre des optométristes, nous avons suggéré que, par exemple, les hôpitaux deviennent surtout des institutions de deuxième et troisième lignes. Je trouve ça tout à fait anormal qu'un citoyen puisse se présenter dans une salle d'ophtalmologie à l'intérieur d'un hôpital, dans une clinique d'ophtalmologie à l'intérieur d'un hôpital, passer un examen de la vue de base et engendrer des coûts d'infirmières, d'ouverture de dossier, des coûts plus élevés de l'ophtalmologiste, des instruments payés par l'État, etc., tandis que ce même citoyen pourrait passer dans le bureau de l'optométriste, ce qui coûterait beaucoup moins cher à la société. Alors, il faut que les hôpitaux, par exemple, deviennent ce que ça devrait être, des centres de deuxième et troisième lignes. C'était une suggestion. Il y a la façon aussi de faire appliquer des politiques.

M. Trudel: Très bien. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, M. le président? Ça va? Bon. Ça va. Le temps est court. Si c'est correct...

M. Charbonneau (François): Peut-être juste un élément. Vous êtes aussi conscients que nous qu'il ne faut pas bouger beaucoup dans le domaine institutionnel pour récolter des gros sous. On est prêts à faire notre part, mais, quand vous regardez les 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $, 5 000 000 000 $ des institutions, il ne faut pas bouger beaucoup pour rationaliser et faire de l'argent avec ça. Ça ne nous «discompte» pas de faire notre part, mais il y a de l'argent là. L'argent, il est là. (17 h 15)

M. Trudel: Je vais vous en donner un, petit coût supplémentaire, aussi. Vous voyez, au Québec, c'est vrai qu'on ne fait vraiment pas les choses comme ailleurs. Ce n'est pas vrai qu'on est toujours en désaccord avec le gouvernement et la façon dont le gouvernement fait les choses, parce qu'on a des problèmes collectifs. Sur la création du fonds santé, fonds social, je vais vous dire franchement, j'ai pas mal tendance à être d'accord avec le ministre, là. Il faut regagner des années. Et, à cet égard-là, moi, j'irais un petit peu plus loin sur la réflexion qui a été faite. Je pense que c'est suffisamment bien démontré maintenant que ce qu'on fait en santé retrouve très généralement ses origines et ses causes dans le social, et séparer les deux caisses nous amènerait inévitablement à avoir une pression - ça me semble évident - sur la caisse santé, tandis que la caisse sociale, elle... La caisse santé a un gros avantage; vous y avez pensé, j'en suis sûr, mais je vais le dire publiquement. La caisse santé a un gros avantage au niveau de la pression. La caisse santé a une liste d'attente, elle. La caisse santé a une liste d'attente parce que, quand la liste en cardiologie s'allonge trop et dure trop longtemps, eh bien, ça finit par remonter à la première page du Journal de Montréal, dans la première page de La Presse. Il y a une liste d'attente. Ça va bien de faire monter la pression par la politique. Dans le social, on n'a pas de liste d'attente. On n'a pas de liste d'attente, tout le monde attend tout le temps, puis on ne corrige pas les déterminants de la santé. À cet égard-là, est-ce que vous êtes prêts, je dirais, à reconsidérer, je dirais à examiner plus largement toute la question du rôle des CLSC dans notre système?

Je vais vous le dire franchement, ça m'a choqué un petit peu tantôt. Ça m'a choqué un petit peu tantôt. M. Richer m'a choqué hier aussi en disant: Bien, voyez-vous, ça coûte moins cher en CLSC qu'en milieu hospitalier, mais ça coûte encore moins cher en cabinet privé. Il y a des clientèles, là, qu'on ne rejoint pas ni à l'un ni à l'autre, et c'est pour ça qu'on s'est créé, ce qui distingue le régime québécois, des centres locaux de services communautaires.

Êtes-vous prêts à regarder ça et à être dans la chaudière, en particulier au niveau des services en CLSC, pour qu'on puisse en faire plus sur le terrain compte tenu du rôle qu'on a donné et que ça s'appelle généralement le social et le communautaire?

M. Neilson: Effectivement, on est très peu, les optométristes, dans les CLSC. À ma connais-

sance, il y a peut-être un ou deux endroits au Québec où il y a des optométristes dans les CLSC. C'est certainement une avenue qui pourrait être regardée, et on n'a aucune objection à s'asseoir et à regarder les façons dont ça peut être dispensé. Mais, encore là, souvent, les bureaux d'optométristes à travers la province, je ne suis pas certain, à prime abord, qu'ils ne coûteraient pas moins cher que de faire l'équipement à l'intérieur d'un CLSC. Mais on n'a aucune objection et on est prêts à regarder ça, tout à fait.

M. Chaiken: M. le Président, j'aimerais répondre également à ça. Je pense que l'op-tométrie, les optométristes seront très intéressés à être inclus dans le système de santé, que ce soit dans les CLSC ou en institution hospitalière, par exemple, mais sous une condition: qu'on soit considéré comme des professionnels à part entière et pas sous la tutelle de quiconque, soit d'une profession médicale ou autre.

Je peux vous assurer qu'aux États-Unis il y a des optométristes qui oeuvrent dans les hôpitaux à des coûts moindres et qui offrent d'excellents services. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas inclure les optométristes dans le système. Nous rendons de bons services; nous sommes partout et ce serait peut-être le temps que le gouvernement examine cette possibilité pour le bénéfice de la population.

Le Président (M. Joly): M. Gareau.

M. Gareau: M. le Président, si on lit les mémoires que l'Ordre a déjà présentés au gouvernement, on va y retrouver plusieurs recommandations qui ont été faites par l'Ordre à l'effet d'intégrer les optométristes dans les CLSC. On a la même perception que vous et je pense que l'approche du citoyen doit être une approche holistique tant au niveau de la santé que des services sociaux. Jamais on a refusé. Le seul endroit où on a pu faire une trouée, c'est dans les institutions pour les handicapés visuels. Mais on est, avec notre répartition que vous connaissez bien, favorables à une pénétration de l'optométrie dans les CLSC, tout proche du citoyen, dans sa localité.

M. Trudel: Je suis heureux de vous l'entendre dire et, effectivement, je me référais à la dimension géographique également, puisque vous en faites un argument fort dans votre mémoire. Si j'étais de votre club, j'utiliserais ça à fond aussi. Un gars de Rouyn-Noranda et de l'Abitibi-Témiscamingue, ça le sait, ça. Ça sait qu'on ne peut pas avoir autant de médecins spécialistes en ophtalmologie à Rouyn-Noranda qu'il y en a à Montréal. Il y a quelque chose de compréhensible là-dedans au niveau de l'oculo-visuel. Bon, ça ne vient pas de Québec, les patentes. Là, ça vient de Rouyn-Noranda, c'est bien sûr. Les enfants, c'est la même chose. C'est important, ce type de services. Mais, par ailleurs, comme vous êtes partout sur le terrain, vous avez aussi le devoir, je pense, comme professionnels, de vous rapprocher d'un instrument communautaire qu'on s'est donné, qui s'appelle les CLSC et qui sont des instruments assez extraordinaires, il se développe - ce n'est pas nouveau - une conception qu'on peut prendre tout ce qui passe, puis le restant, on laisse ça aux CLSC. Occupez-vous avec ce dont, nous, on ne veut rien savoir, ce dont on ne s'occupe pas, nous.

Il faut qu'on ailIe vers la complémentarité et la multidisciplinarité. Dans ce sens-là, je comprends aussi, M. le président de l'Ordre, quand vous dites: On va y aller, mais sous la tutelle de personne. Mais «sous la tutelle de personne» ne veut pas dire qu'on ne peut pas agir à l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire. Les départements de santé communautaire nous ont fait une démonstration extraordinaire de ce que peut vouloir dire le multidisciplinaire. Par exemple, vous disiez tantôt - et j'étais assez impressionné; en commission parlementaire, on en apprend aussi, toujours: Nous autres, les optométristes, on fait aussi du dépistage comme, par exemple, le diabète et l'hypertension. Ce n'est pas négligeable que, par la voie de l'examen oculo-visuel que vous faites, l'examen et tous les autres gestes, bien sûr, vous fassiez du dépistage de ces maladies-là. C'est important d'être dans le multidisciplinaire, et nos centres locaux de services communautaires, ce sont les instruments qu'on a mis sur pied pour favoriser cela. Quant aux formules elles-mêmes, ça peut accrocher à des places, c'est vrai, mais il faut montrer une disponibilité d'esprit parce que, ça aussi, ça fait partie du défi que nous avons, au Québec, de la multidisciplinarité. Souvenez-vous de la première recommandation ou du premier élément diagnostique, plutôt, du rapport Rochon: le système est l'otage des groupes d'intérêt. Traduction libre: le système est l'otage des corporations et des différents groupes qui oeuvrent à l'intérieur.

Le Président (M. Joly): M. Charbonneau.

M. Trudel: Nous, ce qu'on a toujours reproché à la commission Rochon, même si elle a fait un excellent diagnostic quant à nous, c'est de ne pas avoir illustré ça de cas très précis par des auditions publiques. C'est un peu ce qu'on fait aujourd'hui, je pense. Alors, j'insiste là-dessus pour le décloisonnement. Et ça ne s'adresse pas rien qu'à vous, ce que je dis là, c'est aussi à d'autres professions.

Le Président (M. Joly): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (François): Je peux corroborer ce que vous dites. On a commencé avec le ministre Claude Forget en 1975 et, ensuite, avec tous les autres ministres de la Santé. Il y a

une lettre signée par les ministres de la Santé dans les dossiers du MSSS pour un comité d'étude pour faire en sorte que les optométristes puissent pratiquer en établissement et plus particulièrement, dit cette lettre d'entente, dans les départements de santé communautaire et dans les CLSC. On a déjà une quinzaine d'optométris-tes qui travaillent vaillamment, sans beaucoup d'encadrement, dans le cadre du programme AMEO, dans des centres de réadaptation et on est très disposés à ouvrir ces portes-là.

Le Président (M. Joly): M. Chaiken.

M. Chaiken: C'est justement pour dire, M. Trudel, qu'en utilisant encore plus les services des optométristes à travers notre province on pourrait améliorer la santé oculo-visuelle des citoyens et des citoyennes. Ce n'est certainement pas en éliminant ou en désassurant ces services-là qu'on va régler des problèmes, qu'on va améliorer la situation.

Le Président (M. Joly): M. Gareau.

M. Gareau: On compte beaucoup, M. Trudel, sur les régies régionales qui ont été reconnues par la loi 120, justement, pour décentraliser. Je pense que les populations régionales vont reconnaître les besoins oculo-visuels de chacune des régions.

M. Trudel: Un dernier élément, quant à moi. Vous avez parlé également, dans les éléments de solutions, du contingentement des professionnels, du contingentement du nombre chez vous.

M. Gareau: C'est exact.

M. Trudel: Vous allez m'en parler un petit peu plus parce que vous avez l'impression qu'il y en a beaucoup trop et que ça fait augmenter la facture. Expliquez-moi ça parce que, je dois vous dire, ça fait curieux d'entendre ça ici. C'est tout à votre honneur, mais on n'est pas habitués d'entendre ici que les professionnels de la santé veuillent se contingenter. Vous devez nous expliquer ça, parce que vous êtes des héros, ici.

Le Président (M. Joly): M. Gareau.

M. Gareau: m. trudel, on ne peut pas, comme les dentistes l'ont mentionné cet après-midi, fermer une école, on n'en a qu'une au québec...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gareau: ...et les doyens ne se sont pas concertés pour la fermer. Mais nous, ce qu'on réalise, au niveau de l'Ordre, c'est que, présentement, on commence à atteindre un degré de saturation. Et chaque fois que, dans le passé, on a parlé de contingentement, comme Ordre, on nous a toujours reproché: Vous voulez garder votre monopole, vous voulez augmenter le nombre de vos membres de manière à faire beaucoup plus d'argent. Alors, ne nous parlez pas de contingentement.

L'autre aspect, l'autre dimension, c'est que ce n'est pas nous qui avons la clé du contingentement, ce sont les universités et le ministère de l'Éducation. À l'Ordre des optométristes, on est obligés d'accepter tous les gradués de l'École d'optométrie de l'Université de Montréal. Les universités n'ont pas intérêt à diminuer le nombre de leurs membres parce que les sommes d'argent qui leur sont...

M. Trudel: Le fric.

M. Gareau: Oui, c'est per capita. Alors, il se pose un problème et je pense qu'il devrait y avoir une discussion entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé, à cet effet-là, et nous-mêmes.

M. Chaiken: Je pense, M. Trudel, que ce n'est pas seulement le contingentement des optométristes, mais d'autres groupes de professionnels de la santé, et il commence à y en avoir beaucoup. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'augmenter leur nombre, parce que ça engendre des coûts exceptionnels au niveau de la société. Il faudrait peut-être davantage regarder la répartition des gens dans d'autres professions de la santé. Je pense que c'est très clair que, nous, on est bien établis partout en province. Est-ce qu'on peut dire la même chose d'autres?

M. Neilson: À l'Association, on a fait faire une étude de projection pour les 10 prochaines années sur l'offre et la demande en services optométriques. On s'est rendu compte d'une chose, c'est que l'offre de services augmente beaucoup plus vite que les besoins de la population. On n'a pas pris de décision finale là-dessus. Il n'y a pas eu d'états généraux sur cette question-là à l'intérieur de la profession. On a été peut-être un petit peu bousculés par la commission. On voulait peut-être prendre position, mais nos réflexions là-dessus ne sont pas terminées. On a envoyé ce rapport sur la projection pour les 10 prochaines années à l'École et à l'Ordre, et c'est sûrement quelque chose qu'on regarde et qu'on va évaluer. Mais, à première vue, il est certain que les besoins augmentent beaucoup moins vite que le nombre de professionnels.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Neilson. En conclusion, M. le député.

M. Trudel: Oui. Oui, M. Gareau. Généralement, quand les professionnels de l'ordre concerné parlent au ministère de l'Enseignement

supérieur et de la Science, croyez-en un exrecteur d'université, ça opère vite sur le terrain, parce que ceux qui paient, ce sont eux, c'est le gouvernement qui paie. Si le besoin est moins grand, le ministère, quels que soient les gouvernements, y va assez rapidement. Je comprends que ce n'est pas, que ce n'est jamais - je le sais, j'ai fait tout ce jeu-là pendant longtemps - de l'intérêt de l'université, évidemment, de diminuer le nombre de places, surtout qu'en optométrie - on ne se lancera pas là-dedans - comme on dit communément en jargon universitaire, les EETC sont payants, les étudiants équivalents à temps complet sont payants par rapport au système. Mais il faudrait très certainement, donc, faire ce contact, puisque vous autres même, sur le terrain, vous constatez qu'il y a peut-être un niveau trop élevé là-dessus.

Alors, merci de votre contribution. Je souhaite vraiment, quant à moi, que la chicane de ménage sort réglée, peu importent les raisons, qu'on va réussir à sauver l'examen de la vue. Si le système est aux soins intensifs, si le système de santé et de services sociaux québécois est aux soins intensifs, est-ce que les yeux sont moins importants que les pieds ou les doigts? Comme vous l'avez dit dans votre mémoire, je souhaite que l'on puisse, ensemble, collectivement, solidairement, sauver l'ensemble. Pour sauver l'ensemble, minimum, il va falloir augmenter notre efficience et notre efficacité.

Je souhaite que ce ne soit pas seulement... Ce n'est pas un reproche que je vous fais, au contraire. Je souhaite qu'à votre exemple d'autres professions également, concernées dans le domaine de la santé, se mettent à la tâche et que ce ne soit pas seulement au moment où on touche à leur secteur professionnel qu'elles s'animent pour nous aider collectivement à sauver notre régime. Nous sommes face à un très gros défi, et c'est seulement la solidarité entre les Québécois et Québécoises et les professionnels, en particulier, qui va nous amener à trouver une solution. (17 h 30)

Après ce que j'ai entendu, j'ai l'impression que les yeux sont moins en danger; ça va être plus les verres et les blessures. Cependant, je vous dis: Mais restez vigilants. Restez vigilants...

Le Président (M. Joly): Ayez l'oeil ouvert.

M. Trudel: ...parce que les choix ne sont pas faits encore.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Oui, effectivement, les choix ne sont pas faits. Je pense qu'on est dans un processus de discussion et d'échanges pour tenter d'avoir le plus d'informations possible sur les choix à faire et tenter de faire les meilleurs dans les circonstances que nous connaissons.

Je veux vous remercier de votre participation. Elle était, bien sûr, attendue. Je pense que votre présence n'aura pas été inutile sur le plan des éclairages à apporter dans les choix que nous aurons à faire, et ces choix-là viendront inévitablement avant ou au cours du budget, aux horizons du mois de mai au plus tard, parce qu'on n'a pas le choix que de ne... Il faut faire en sorte que cette deuxième étape, on finisse par passer à travers et qu'on fasse autre chose par la suite.

Quant à l'entrée en matière de mon ami Trudel dans son pèlerinage à Ottawa, U vient de changer de cap en début d'après-midi. Parce que, depuis le début, on montait a Ottawa. Là, après-midi, il a changé, il a dit: On va faire descendre Ottawa. Il ne faudrait pas qu'il en veuille à personne, si le 21 novembre 1988, il a essayé d'avoir un voyage organisé, lors des élections, et qu'il l'a manqué. Ça, c'est une autre paire de manches.

M. Trudel: J'en suis fort aise. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ça aussi, c'était un voyage de «verres» à Ottawa. Merci beaucoup.

M. Chaiken: Je vous remercie, M. le ministre, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette commission, je tiens à remercier autant l'Ordre que l'Association des optométristes du Québec. Bon voyage de retour. Au plaisir.

J'appellerais maintenant l'Association des fondations des hôpitaux du Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place.

La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à l'Association des fondations des hôpitaux du Québec. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais que la personne responsable du groupe veuille bien se présenter et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association des fondations des hôpitaux du Québec

M. Granger (Roland): Merci, M. le Président. Au départ, je voudrais remercier la commission d'avoir bien voulu accepter de prolonger son horaire et de nous recevoir. Mon nom est Roland Granger, je suis le président de la fondation du CHRDL de Jdiette-Lanaudière et je suis président de l'Association. Je suis accompagné, à mon extrême droite, de M. Jean-Paul Champagne, directeur général de la fondation de la Cité de la santé de Laval, qui est secrétaire

de l'Association; M. Pierre Blain, président du conseil d'administration de la fondation du centre hospitalier de l'Outaouais et vice-président de l'Association; à l'extrême droite, M. Robert Devroede, directeur général de la fondation du centre hospitalier Jean-Talon, trésorier de l'Association, et, à ma droite immédiate, M. Claude Monette, président de la fondation du centre hospitalier Anna-Laberge à Châteauguay, deuxième vice-président de l'Association.

Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes pour livrer votre mémoire. Par après, les parlementaires échangeront avec vous.

M. Granger: Merci. D'abord, je voudrais rassurer les membres de la commission, on ne vient pas vous demander d'argent. Nous, on voudrait simplement, non pas aborder les problèmes que vous avez abordés jusqu'à date, mais je pense qu'on fait partie des solutions et non pas des problèmes.

Le présent mémoire soumis par l'Association fait suite à l'invitation que vous nous avez adressée et que vous avez adressée à toute la population du Québec de traiter des problèmes du financement de la santé. Mais ce qu'on veut davantage aborder nous, c'est la partie qui traite d'autres options envisageables et réalistes.

Malgré le silence du document de consultation sur la contribution des fondations au réseau, l'Association veut signaler à la commission qu'elle est déjà un partenaire du système de la santé au Québec. En effet, les fondations injectent des sommes importantes dans le développement des centres hospitaliers. Ces sommes proviennent principalement des dons des citoyens et des corporations.

L'Association émet cependant quelques réserves sur sa contribution au débat sur le problème du financement de la santé au Québec. Nous aurions aimé élaborer davantage sur le rôle de nos membres et de leur philanthropie, mais notre jeune existence - septembre 1991, six mois sans permanence, simplement la volonté des bénévoles qui siègent à l'Association - alliée aussi à la faiblesse de nos moyens, nous oblige à limiter nos propos. Je vais maintenant céder la parole à M. Pierre Blain, vice-président.

M. Blain (Pierre): Comme c'est la première fois que nous nous présentons devant une instance gouvernementale, nous aimerions nous situer. C'est en février 1990 qu'est né le regroupement actuel des fondations des centres hospitaliers. Sur l'invitation de la fondation du centre hospitalier régional de Lanaudière, 42 fondations exprimèrent à ce moment-là leur volonté de former une association. Un comité de suivi fut alors mandaté pour entreprendre toutes les démarches appropriées.

La première assemblée générale des membres eut lieu le 7 septembre 1991. L'Association compte à ce jour 50 membres. Vous avez la liste en annexe. Notre structure est faite selon la Loi sur les compagnies et le conseil d'administration compte 13 membres. De ce conseil est issu un comité exécutif formé de 5 officiers que vous avez aujourd'hui ici. Les règlements de la corporation prévoient aussi deux autres organes dont le comité du respect des objets et le comité de nomination.

Bien que les objets de la charte couvrent de nombreux champs d'activité, les membres ont privilégié dans l'immédiat d'intervenir dans les domaines suivants: 1° représenter les membres auprès de toutes les instances afin de faire valoir leur position et leurs revendications dans tout champ compatible avec leur mission; 2° procurer aux membres également tout service de nature à les rendre plus performants en levée de fonds; 3° diffuser toute information pertinente et assurer la communication entre les membres; 4° faire la promotion de la mission des fondations, susciter l'adhésion à des règles d'éthique et accroître la notoriété de nos membres auprès de la population du Québec.

Outre le recrutement, la représentation et la mise en place des mécanismes de communication, l'Association des fondations des hôpitaux du Québec s'est donné comme priorité de dresser un bilan sommaire des fondations membres. Nous visons ainsi à déterminer la contribution financière des fondations dans leur centre hospitalier. Cette information n'est disponible nulle part présentement.

M. Devroede (Robert): Je vais vous présenter brièvement les buts et les rôles de notre organisation. On est d'abord et avant tout des organismes de charité qui ont été créés par les citoyens pour recueillir des fonds. C'est notre mission première. Cet argent sert surtout à l'amélioration de la qualité de vie des bénéficiaires des centres hospitaliers de diverses façons, surtout par l'acquisition d'équipement, la réalisation de projets immobiliers et le soutien à la recherche médicale. Les centres hospitaliers sont donc mieux positionnés pour solutionner, répondre à leurs besoins, notamment au niveau du renouvellement des équipements et de la réalisation de leur plan de développement. Ce qui nous apparaît primordial dans tout ça, pour nous autres, c'est d'apporter une contribution à l'amélioration du mieux-être des patients.

Dans un État où les services de santé sont entièrement assumés par le gouvernement, tous sont en droit de s'attendre à ce que les coûts de ce régime soient défrayés en totalité par les impôts et les taxes. Dans ce contexte, on convient que les fondations suppléent l'État. Conscients de cette situation, les Québécois et les Québécoises acceptent quand même de

souscrire généreusement dans les différentes campagnes de levée de fonds que nous leur proposons. Parmi les motifs qui soutiennent leur générosité, on note la volonté d'investir et d'effectuer un placement pour s'assurer que leurs centres hospitaliers vont avoir tous les équipements nécessaires pour les mieux soigner et une façon d'exprimer aussi leur satisfaction et leur gratitude. En plus des sommes qui sont données, il y a un apport en bénévolat qui est aussi très important par des organismes, soit les fondations, et aussi à l'intérieur déjà d'une façon structurée dans les hôpitaux.

La structure juridique des fondations en fait des entités morales autonomes. On a nos propres conseils d'administration sur lesquels siègent la plupart du temps des représentants dûment mandatés par le centre hospitalier, souvent les directeurs généraux et les membres du CMDP. On agit donc en conformité avec les vocations du centre hospitalier et on est conscients que toutes les contributions doivent respecter les priorités de la direction du centre hospitalier et de son plan de développement.

Au niveau de l'appui financier, au ministère comme à l'Association, malheureusement, il n'existe pas encore de comptabilisation qui nous permette d'identifier de façon précise le montant total versé par les fondations. Le seul endroit où on retrouve ça, c'est dans nos déclarations officielles d'impôt, et ce n'est pas des données qui sont disponibles à première main. C'est un de nos premiers objectifs, d'être capables de comptabiliser ça. On sait, par contre, qu'il s'agit de dizaines de millions de dollars, sommes qui ne sont certainement pas négligeables.

Nous pensons que cet apport au réseau des centres hospitaliers doit être reconnu à sa juste valeur et encouragé par différents moyens. L'incitatif fiscal en serait un, puisqu'il motive le donateur à être plus généreux. L'État peut favoriser davantage la philantropie chez ses citoyens en améliorant la fiscalité des dons. Est-il acceptable que les mêmes sommes d'argent accordées à un parti politique génèrent un crédit d'impôt plus élevé que celui accordé à une oeuvre de charité qui investit dans le réseau de la santé? La démocratie est certainement aussi importante que la santé, mais peut-être pas plus.

Au niveau des autres moyens d'action, on propose différents véhicules. Principalement, on concentre nos énergies vers des campagnes annuelles de capitalisation puis vers des événements spéciaux qui donnent lieu souvent à des façons très originales... Et vous avez certainement tous et chacun été invités à des événements spéciaux de fondation, et probablement plus souvent que vous ne vous y seriez attendus.

À titre d'exemple, on voudrait proposer d'autres systèmes. On pense, entre autres, à un exemple qui nous vient de l'Ontario. Il y a une Trillium Foundation qui existe depuis 1989 - on vous a fourni un document en annexe qui donne les détails - qui a versé 18 000 000 $ dans le système de santé. C'est un système qui est financé à même une loterie provinciale et, nous autres, on propose une loterie semblable qui pourrait engager chaque fondation qui aurait la responsabilité de la vente des billets de cette loterie sur son territoire. La fondation aurait le bénéfice de faire profiter son centre hospitalier de ses efforts. Ce mode de fonctionnement aurait l'avantage de responsabiliser les régions, de distribuer les profits en fonction des efforts déployés et de bénéficier d'une promotion centralisée. (17 h 45)

Une autre avenue qui nous apparaît intéressante, c'est l'exploitation des casinos. Nous constatons que les objections à leur légalisation s'estompent peu à peu et que le jour est peut-être proche où le gouvernement autorisera la tenue de casinos. Pourquoi ne pas envisager dès maintenant que les profits réalisés avec les casinos soient entièrement affectés à l'amélioration du système de santé au Québec? Dans le but de faire profiter toutes les régions du Québec d'une telle source de fonds, on pourrait préconiser la formule des casinos itinérants. Encore là, la fondation initiatrice serait responsable de la promotion et récolterait évidemment le fruit de ses efforts. Je vais passer la parole à Jean-Paul Champagne qui va nous parier des perspectives d'avenir.

Le Président (M. Joly): M. Champagne.

M. Champagne (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Les contribuables ne manquent pas d'occasions pour faire savoir aux différents gouvernements que leur capacité à payer de nouvelles taxes et des impôts additionnels a atteint les limites extrêmes. Les gouvernements sont donc tous amenés à revoir les programmes, à reconsidérer l'allocation de nombreuses dépenses. L'État-provkJence est maintenant chose du passé.

L'adoption de la loi 120 s'inscrit dans la perspective de responsabiliser le citoyen. Celui-ci est maintenant au centre du système. De plus, il y a tout lieu de croire que la régie régionale provoquera une plus grande concertation et, par voie de conséquence, une plus grande complémentarité et une meilleure allocation des ressources.

Malgré les efforts de rationalisation, la situation actuelle amène nombre d'organismes à recourir à la philanthropie pour leur permettre de réaliser leur mission. Il y a donc effervescence sur le marché de la levée de fonds et cette tendance ira assurément en s'accentuant. Il y a tout lieu de croire que la générosité des Québécoises et des Québécois sera davantage exploitée dans un proche avenir. D'ici l'an 2000, on prévolt que la contribution des particuliers au Québec passera de 333 000 000 $, qu'elle a été

en 1989, à plus de 1 000 000 000 $. La référence vient de «La générosité des Québécois et des Canadiens. Qui donne et combien?» Ça vient du Centre québécois de philanthropie. Dans le 1 000 000 000 $, j'ajoute bien que la contribution des particuliers est basée simplement sur les reçus d'impôt qui ont été émis pour fins de charité. Il faudrait ajouter à ça les fondations privées, les corporations, les événements spéciaux et le reste.

La générosité des Québécois et des Québécoises est déjà mesurable et s'accroît même constamment; à preuve, un Québécois sur quatre fait un don. La philanthropie se porte de mieux en mieux puisque le pourcentage actuel des donateurs est un marché en développement. Les statistiques nous apprennent que, de 1982 à 1988, le nombre de donateurs n'a cessé de croître au rythme de 8 % par année. Le montant des dons a également augmenté de 14 %. J'ai eu une statistique dernièrement pour montrer cette croissance-là, toujours basée sur les rapports d'impôt. De 1988 à 1989, seulement au Québec, il y a eu 1700 nouveaux donateurs, au Québec. Là-dessus, la moyenne des contributions a été de 306 $. Ça veut dire que la philanthropie a eu comme augmentation plus de 32 000 000 $ en plus, simplement de 1988 à 1989. Et ces statistiques fiscales viennent du ministère du Revenu du Québec.

Le Centre québécois de philanthropie prévoit, pour 1992, qu'au Québec plus de 1 065 000 000 $ seront recueillis dans le domaine de la philanthropie. De ce montant, environ 15 % iront aux centres hospitaliers. Si on fait le calcul des 15 %, ça donne à peu près 160 000 000 $. Si on enlève à peu près le pourcentage des opérations, ça veut dire qu'en 1992 il y aura une injection nette, dans le domaine hospitalier uniquement, de 100 000 000 $. J'ajouterais, de la même source, qu'on apprend qu'au Canada anglais, pendant la même période, les centres hospitaliers recevront 25 % des sommes amassées par la philanthropie. Faut-il ajouter qu'au Québec on dit que c'est 15 % de ce montant-là pour les centres hospitaliers et on ajoute que 10 % doivent être ajoutés, qui iront au secteur de la santé globale, et ça donne un autre 106 000 000 $.

Une observation que je me permets de faire: au Québec, pour les hôpitaux dans le secteur de la santé, il y a à peu près 25 % de ces montants-là qui sont donnés, tandis qu'au Canada anglais ça va jusqu'à 40 %. Alors, il y a un écart, et je pense que, si on fait des études, des statistiques, à ce moment-là, on s'aperçoit que cet écart se réduit de plus en plus.

Une autre observation. Je viens de donner les pronostics de 1992: c'est 100 000 000 $. En 1989, les pronostics étaient, à ce moment-là, de 70 000 000 $. Ça veut dire qu'en l'espace de trois ans la philanthropie a injecté, simplement dans le domaine hospitalier, 10 000 000 $ de plus par année.

Outre le potentiel des donateurs, une conscience sociale plus développée viendra augmenter les dons des corporations et des particuliers. Le Centre canadien de philanthropie s'y emploie avec sa campagne «Imagine». Celui-ci veut sensibiliser et éduquer les Canadiens à la philanthropie. Ce programme invite individus et entreprises à donner davantage de leur temps et de leur argent aux organismes de charité de leur choix. Les individus sont incités à donner 1 % de leurs revenus et à offrir une seule journée de bénévolat par mois et les milieux d'affaires, à contribuer au moins 1 % de leurs profits moyens avant impôt. Comme on peut le constater, le potentiel existe et l'incitation à donner sera encore plus soutenue, ce qui nous permet de prévoir des retombées considérables pour l'avenir du financement du secteur de la santé par le biais de la philanthropie. Je pense que celui qui va me succéder, c'est M. Claude Monette.

Le Président (M. Joly): M. Monette, s'il vous plaît.

M. Monette (Claude): Alors, je vais vous faire part de quelques recommandations, lesquelles, nous pensons, pourraient apporter des solutions au système. Le conseil d'administration de l'Association des fondations des hôpitaux du Québec soumet donc ses recommandations susceptibles d'accroître la contribution financière des Québécoises et des Québécois via la philanthropie et par le biais de leurs fondations membres.

Un incitatif fiscal. Nous recommandons que le gouvernement du Québec accroisse l'incitation des contribuables à donner aux organismes de charité et aux fondations en leur accordant un avantage fiscal supérieur.

La loto-santé. Nous recommandons que la Régie des loteries et courses du Québec accorde à l'Association des fondations des hôpitaux du Québec le droit d'opérer, en exclusivité avec celle-ci, une loterie-santé et le droit d'en répartir les profits.

En ce qui regarde les casinos, nous recommandons au gouvernement du Québec qu'il accorde aux membres de l'Association des fondations des hôpitaux du Québec l'autorisation de tenir des casinos itinérants dans toutes les régions du Québec. Ces casinos, en passant, entre parenthèses, ne viendraient pas confronter les casinos présentement tenus par l'organisme UAP. Alors, pour la conclusion, j'aimerais retourner la parole à notre président, M. Granger.

Le Président (M. Joly): M. Granger, s'il vous plaît.

M. Granger: C'est un fait, les Québécoises et les Québécois sont reconnus comme étant généreux, mais, pour que cette générosité

s'exerce, il faut un certain nombre de conditions préalables, dont la confiance dans l'administration, l'efficience et la transparence des organismes de levées de fonds. Ça fait partie de notre mission.

Il est aussi essentiel que le réseau de la santé en arrive à une plus grande complémentarité et une meilleure optimisation des ressources. On doit éviter tout dédoublement, par exemple, dans la prestation des services pour un même bassin de population. Ces facteurs ne peuvent que favoriser un sentiment d'appartenance et d'implication des bénéficiaires et de la population dans leurs institutions.

L'Association des fondations des hôpitaux du Québec a voulu démontrer à la commission des affaires sociales que la philanthropie se portait bien au Québec et qu'elle pourrait, dans l'avenir, canaliser de plus en plus la volonté des Québécoises et des Québécois de soutenir leurs centres hospitaliers. Cette contribution volontaire des citoyens est une preuve additionnelle qu'ils se sentent responsables vis-à-vis de leur réseau de santé.

Finalement, nous espérons que le gouvernement du Québec se penchera, dans un avenir immédiat sur les mesures d'encouragement très concrètes que nous lui proposons en vue d'inciter les Québécoises et les Québécois à investir encore plus généreusement dans leurs centres hospitaliers. Nous vous remercions.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Granger. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Il est certain que, si nous n'avions pas, dans plusieurs établissements du Québec, des fondations, il y a encore un certain nombre de centres hospitaliers ou autres qui attendraient après des appareils modernes. Je pense que la démonstration a été faite assez allègrement merci. Ne serait-ce que Sept-îles, par exemple, où c'est la fondation qui est allée chercher des sommes. Lorsqu'on participe à 50 % et que les fondations paient les autres 50 %, ça me paraît une bonne manière d'impliquer aussi les citoyens qui le veulent. C'est un travail tout à fait extraordinaire et exceptionnel qui est fait et qui n'est pas toujours reconnu à son mérite ou à sa valeur. Je pense que le fait que vous vous soyez regroupés maintenant est très certainement un moyen de faire progresser cette situation-là.

Évidemment, dans les moyens, vous en proposez un certain nombre. Je distinguerai vos recommandations; pour moi, elles sont de deux ordres. Évidemment, vous allez en chercher davantage. Disons que c'est moins, je dirais, odieux pour des fondations d'aller chercher de l'argent par des moyens comme ceux-là que pour le gouvernement. Pour le gouvernement, on dit que c'est une taxe déguisée, alors que, pour une fondation, c'est une oeuvre louable. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, je pense que ça sert des causes, de très, très bonnes causes. Donc, des mesures, H y en a, à mon point de vue, de deux ordres: casinos-loto et fiscalité. Je pense que vous marquez un point certain en faisant la comparaison, sur le plan fiscal, des partis politiques par rapport aux fondations. Je vous dirais que c'est un très gros but, je dirais même qu'il est en prolongation, pour dénoter toute l'importance de ce but-là. C'est vrai. D'ailleurs, ça ne m'a jamais frappé de cette manière-là. Je pense qu'on doit avoir une certaine ouverture et regarder ce qui peut être fait dans le domaine d'un incitatif sur le plan fiscal; ça me paraît plus facile.

Les deux autres, sur le plan philosophique, j'ai plus de problèmes avec. Casinos et loto, le Conseil des affaires sociales - vous connaissez ça, vous, un petit peu - ...

Une voix: Ça me dit quelque chose.

M. Côté (Charlesbourg): ...et bien d'autres organismes disent toujours: Les casinos, la loto, c'est tenter les pauvres, les faire rêver qu'ils peuvent devenir riches du jour au lendemain. Ils vont acheter un billet, Ils vont jouer à la roulette dans l'espoir de sortir riches le lendemain, et c'est le jeune, à la maison, qui n'aura pas son lait et qui n'aura pas ce qu'il faut pour aller à l'école. C'est même antisocial. N'avez-vous pas peur de ça un peu, comme réaction, surtout compte tenu des buts? Ce n'est pas pour l'investir ailleurs que dans la santé des gens, je comprends, mais c'est quand même un élément très important qui nous revient très souvent, lorsqu'il s'agit de casino ou de loto.

Le Président (M. Joly): M. Granger.

M. Granger: En tout cas, je vais démarrer et, peut-être, mes compagnons pourront compléter. M. le ministre, le jeu, la loterie ou tout ce qui regarde ces façons de miser, je pense que ça fait partie des moeurs. On relatait tantôt, en montant, que, depuis longtemps, les Québécois ont misé sur la santé. Vous avez probablement tous déjà acheté des lotos - en tout cas, moi, quand j'étais jeune, ça se passait comme ça chez nous - pour les loteries irlandaises. Et même, il fallait donner des noms fictifs parce que ce n'était pas permis, ça se faisait en cachette. C'est passé dans les moeurs. Aujourd'hui, les loteries, c'est la même chose. Alors, je ne pense pas que ce soit antisocial. Je pense qu'il s'agit d'une volonté de dire: Chez nous, tout ce qui va tourner autour des casinos ou des loteries... Et la loterie-santé, c'est comme toutes les autres loteries qui sont déjà distribuées dans le réseau des loteries et courses du Québec. Ce serait une loterie affectée uniquement à la santé,

et la santé est probablement l'oeuvre ou la cause qui passe le plus au Québec. Je pense qu'à ce niveau-là il ne se poserait pas de problème.

M. Blain: Si je peux me permettre... Le Président (M. Joly): M. Blain.

M. Blain: Dans ce cas-là, justement, je pense que, quand on parle, au niveau social, des implications des loteries, c'est quand on arrive surtout avec des montants faramineux comme prix. Je pense qu'une loto-santé pourrait justement plutôt avoir des prix qui seraient minimes et, à ce moment-là, ce ne serait pas nécessairement un incitatif d'acheter des billets parce qu'on va gagner un gros prix, mais tout simplement parce qu'on veut investir dans la santé. Déjà, ça, c'est un point qui est important. (18 heures)

L'autre point, aussi, qui nous préoccupe un peu, c'est que, chacun d'entre nous, dans nos fondations, nous en faisons des loteries, nous en faisons des tirages, nous en vendons. Le seul problème, cependant, c'est que nous payons des taxes sur ces montants d'argent que nous recevons de la population, parce que nous devons payer une licence et, dans certains cas, c'est assez onéreux. En plus, on doit retourner un minimum de 10 % en prix accordés, à ce moment-là. Alors, déjà, si on va dans un sens comme ça, je pense que c'est déjà moins pire.

Le Président (M. Joly): Merci.

M. Devroede: Si je peux me permettre un dernier commentaire. Effectivement, je vous l'avoue, il y a un certain malaise à promulguer le jeu pour régler des problèmes. Je suis d'accord avec vous. Mais c'est vrai que Loto-Québec fait partie des moeurs. Je pense que nous autres... Moi, ce que j'ai lu dans votre mémoire, ce qu'on a regardé et, je pense, ce qui est primordial, c'est que vous parlez de transparence. Je pense que ça, c'est important. Si on lit le rapport annuel de Loto-Québec, c'est transparent, sauf que les 300 000 000 $ en jeu sont au fonds consolidé. Ce n'est pas évident pour les citoyens.

Je reprends l'exemple de la Régie de loteries et courses. On avait droit, comme organisme sans but lucratif, à un permis par année jusqu'à l'année passée. Puis, tout à coup, je peux en avoir 75 demain matin. Moi, j'aime bien mieux m'affilier à Loto-Québec, avoir un produit professionnel, peut-être l'insérer dans les moeurs avec qualité et aller chercher quelque chose qui va être tangible pour les citoyens. Tous les gens me le disent à l'hôpital: II y a une boutique de cadeaux en bas; pourquoi vous ne faites pas des «gratteux» au profit de la fondation? Au lieu de l'envoyer à Québec, on le met dans l'hôpital. Alors, je pense que c'est un moyen. C'est aussi simple que ça et la réflexion, c'est exactement ça. Moi, je reçois la demande quoditiennement.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Devroede.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va être là que va être notre problème, si on fait reculer le «tape» un peu. Il ne faudrait pas que ça aille aux oreilles du ministre des Finances parce qu'on va avoir des problèmes tantôt. Justement, vous avez dit: «Au lieu de l'envoyer à Québec». Je comprends, au lieu de l'envoyer à Québec, les gens vont davantage l'apprécier, que ce soit à Joliette, que ce soit à Jean-Talon ou ailleurs. C'est clair que les gens vont le trouver plus visible dans leur établissement qu'ils fréquentent. À ce moment-là, s'ils ont le choix, ils ne l'enverront pas à Québec. À ce moment-là, vous venez de créer un autre problème ailleurs.

M. Trudel: À Rouyn...

M. Côté (Charlesbourg): Hein?

M. Trudel: À Rouyn, il y a moins de monde.

Une voix: II y a des compétiteurs.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un des dangers. Et, évidemment, sur le plan gouvernemental, avant d'autoriser une chose comme celle-là, c'est là où ça va davantage se questionner. C'est pour ça que, tantôt, je disais que le fiscal aussi est une manière qui peut être assez intéressante à ce niveau-là. Je préfère garder l'image que vous nous avez transmise tantôt de crédit d'impôt aux partis politiques, mais pas nécessairement pour ceux qui investissent dans une fondation. Ouais! Elle m'accroche, celle-là, dans le sens qu'il faudra peut-être la questionner.

Une autre petite question. Évidemment, je comprends, c'est un regroupement qui est jeune, il a à peine six mois. En regardant rapidement la liste des membres, ce que je remarque: c'est d'abord la santé, très, très majoritairement. Et, il ne faut pas se cacher la vérité, les fondations sont beaucoup plus présentes et mieux articulées dans le domaine de la santé, dans les centres hospitaliers, qu'elles ne le sont dans les CLSC, qu'elles ne le sont dans d'autres établissements du social.

Je me souviendrai toujours d'une rencontre que j'ai eue avec les organismes communautaires, pour ne pas le mentionner, en particulier, concernant les conjoints violents, où j'étais après faire le beau discours de dire: Bien, écoutez, on peut vous aider, mais vous pouvez faire des levées de fonds pour être capables de vous aider vous autres aussi. Il m'a dit: M. le ministre, avez-vous essayé ça, vous, d'aller sur la place publique pour sensibiliser quelqu'un à donner de l'argent à un conjoint qui est violent? Ce n'est

pas automatique, hein? Ce n'est pas automatique que les gens vont se garrocher dessus pour lui donner de l'argent, là. Donc, ça a des limites. Et, là, j'ai dit: Oups! c'est vrai que, sur le plan social, c'est beaucoup plus difficile d'aller sur la place publique et de solliciter des dons. L'hôpital a toujours un pouvoir d'attraction assez extraordinaire qui est là, qui est réel, parce que les gens ont des services et ils l'apprécient.

Dans la mesure où il y aurait un progrès à ce niveau-là, est-ce qu'on ne devrait pas davantage reconnaître que ça puisse être à la fois au bénéfice du social et de la santé?

M. Granger: Je pense qu'avec la complémentarité que va provoquer la réforme, par exemple, chez nous, où il y a davantage de travaux qui vont être faits ou de services à la population qui vont être offerts en collaboration, en tout cas, plus étroite entre le centre hospitalier et le CLSC - je pense aux soins palliatifs où, chez nous, H y a des avenues, où, déjà, on nous demande des équipements pour les soins palliatifs, mais qui vont probablement être des équipements qui vont servir à la fois autant au CLSC qu'au centre hospitalier parce que le CLSC, sa collaboration va être demandée par des infirmières, etc. - indirectement, on va en arriver à ce que les équipements - comme une pompe à transfusion qu'on va acheter au centre hospitalier - vont servir autant au CLSC qu'au centre hospitalier. Et, là-dessus, je pense que la régie et le travail qui va se faire en région vont provoquer ce genre d'échanges. Mais il ne faut pas oublier que, dans la plupart des cas, les fondations sont nées de la volonté des centres hospitaliers eux-mêmes et qu'il y a une étroite collaboration entre les fondations et les centres hospitaliers. Je pense qu'il va probablement falloir vivre cette dynamique-là et que ça va probablement, avec le temps, se produire, mais il va falloir y aller avec parcimonie.

Le Président (M. Joly): M. Blain.

M. Blain: II y a peut-être une autre chose qui serait Importante, c'est aussi au niveau des régies régionales. Dans les centres hospitaliers, maintenant, on a cru important d'avoir des fondations, d'avoir au moins un membre représentant les fondations. Il serait peut-être bon aussi de penser que, sur les régies régionales, il y ait peut-être une ou des fondations qui soient représentées là aussi pour amener justement cet esprit pour le citoyen comme tel. On présume qu'il va y en avoir qui vont passer dans le milieu, mais...

M. Côté (Charlesbourg): Bien, j'espère. Si on n'a pas le respect de ceux qui le font bénévolement et gratuitement, j'imagine qu'on n'aura pas trop, trop le respect du bénéficiaire en plus, hein?

M. Blain: Je suis content que vous le disiez.

M. Côté (Charlesbourg): II y a des messages qui doivent se passer. J'espère, à tout le moins, qu'ils vont se rendre. En tout cas, je pense que le message est clair. Il y a des gens qui sont prêts à donner des sous, qui en donnent d'ailleurs. Il faut peut-être davantage trouver des moyens de les canaliser vers la santé, la santé étant la priorité pour à peu près tout le monde, au lieu de les perdre dans toutes sortes de projets qui, finalement, n'ont pas les mêmes objectifs ou n'auraient pas le même résultat que dans la santé. En sachant que le social n'est pas banni, reconnaître qu'effectivement, s'il y a autant de fondations, c'est que ça a été de la volonté des centres hospitaliers de les créer, et c'est probablement une invitation à d'autres secteurs d'en faire autant. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue, M. le président Granger et messieurs qui l'accompagnez aujourd'hui. Quand on a établi la liste de consultation, on vous avait oubliés. Vous nous avez appelés et je dois dire honnêtement que, du côté gouvernemental également, ça n'a pas été bien, bien long à régler, compte tenu du rôle que vous jouez et de la problématique à laquelle nous sommes confrontés en matière de financement.

Vous voyez, on vit dans ce système, du moins en apparence, des contradictions, hein? Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais il y a pas mal plus de caméras quand il y a du monde qui dépense, qui sont à la barre, que quand il y a du monde qui ramasse de l'argent. Puis, c'est un peu à la blague parce que, quand on dit qu'ils dépensent, ils donnent des services aussi, parce qu'on a des professionnels et il y a nombre de professionnels et d'associations d'établissements qui sont concernés et ils font leur part aussi.

Moi aussi, je ne pourrais passer sous silence l'importante contribution que vous faites dans nos établissements hospitaliers à travers le Québec. Vous le savez, je suis dans une région périphérique, l'Abitibi-Témiscamingue. Je sais que chez nous, Rouyn-Noranda et Val-d'Or sont bien avec vous autres et je pense que c'est deux bonnes fondations, elles font du bon travail. Et ça permet aussi de développer cet aspect qui me frappe toujours, une complicité aussi avec les professionnels de la santé, en particulier dans les hôpitaux. Moi, j'ai toujours remarqué, dans les différentes campagnes qui ont été levées, comme, par exemple, les médecins spécialistes, ils sont toujours associés de très près à vos campagnes. Et d'aucuns diraient: Bien oui, mais c'est parce que c'est dans leur intérêt. Non, non, ce n'est pas ça. C'est parce qu'ils ont à coeur l'intérêt

des gens, des usagers et qu'ils souhaitent avoir le meilleur matériel possible à leur disposition.

Il faut vous rendre hommage de vous être regroupés en association. Ça nous permet de glaner des idées-forces comme vous le suggérez dans votre mémoire. Je vous avoue bien candidement que, moi aussi, je n'avais jamais vu ça, l'histoire de la déduction fiscale, la comparaison avec les partis politiques. Et Dieu sait qu'on n'est pas une oeuvre charitable - enfin, d'aucuns le disent - et que ce serait là un effort. C'est plus important, remarquez, que ce soit le gouvernement qui vous entende que l'Opposition, en pareille matière, mais on ne sait jamais, vaut mieux que le message soit entendu largement.

Seulement quelques petites questions complémentaires parce que celles que le ministre a posées étaient... Je voulais aller dans la même direction et on a eu des bonnes réponses. Quand on a fait les auditions, au printemps 1990, en prévision d'une modification à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le mouvement communautaire - je ne sais pas si mon mot est juste - s'était assez amèrement plaint que, comme mouvement communautaire, ils étaient loin de posséder les moyens que vous pouviez avoir pour solliciter et faire du bien et, à cet égard-là, ils demandaient à l'État en quelque sorte d'en donner plus au communautaire parce que eux étaient comme défavorisés de par la visibilité que vous avez. De par l'objet que vous traitez, c'est plus facile un peu, même si c'est toujours difficile de rendre ça visible. Est-ce que vous pensez que, dans le domaine du communautaire, il pourrait soit y avoir des associations de travail, je dirais, avec vous autres, de façon... Le ministre parlait du fonds social et du fonds santé, de partager avec le social. Est-ce que vous pensez qu'il y a de possibles associations avec le mouvement communautaire pour en arriver à aller plus loin et aider dans une diversité plus grande des organismes ou des éléments du système?

M. Granger: Au niveau des moyens, je pense que c'est nous-mêmes qui nous les donnons bien souvent par l'originalité de notre travail, de nos levées de fonds ou des moyens qu'on prend pour y arriver. Évidemment, on possède une cause qui se vend bien. Ça, ça déjoue déjà. Mais, au niveau du communautaire, je pense que là aussi il y a à innover au niveau des moyens pour arriver à avoir une meilleure pénétration, à avoir une plus grande efficacité de leurs levées de fonds. Mais ça, c'est au niveau de l'imagination qu'il faut travailler, au niveau d'une approche aussi professionnelle et avec une mise en marché du produit. On a un produit à vendre, il faut trouver nos créneaux, nos démarches, faire une promotion de nos produits. Il faut là-dessus prendre des techniques modernes de travail et de mise en marché, comme tout ça.

Là-dessus, M. le ministre a signalé une cause qui est évidemment difficile à vendre dans certains milieux, mais je pense que ça dépend des moyens qu'on prend pour y arriver.

Le Président (M. Joly): M. Champagne.

M. Champagne: En parlant du communautaire, c'est entendu que nous - je parle pour la Cité de la santé de Laval - appuyons les démarches du département de santé communautaire qui a aussi des objectifs de prévention, d'éducation et d'information. Alors, jusqu'à un certain point, on rejoint le communautaire de cette façon-là. Je pense que, dans la nouvelle structure que vous allez établir avec les régies régionales qui vont partir des tables de concertation, c'est entendu qu'ils auront peut-être un mot à dire dans toute cette envergure, dans tout cet environnement du système de la santé, en fin de compte. Le communautaire, pour nous, c'est entendu. Je ne veux pas dire que c'est primordial, quand même, parce qu'on est des fondations directement reliées à l'hôpital.

M. Trudel: Juste là-dessus, est-ce que vous avez choisi spécifiquement d'être un regroupement de fondations des hôpitaux?

M. Champagne: Oui.

M. Trudel: Donc, décision d'être dans les hôpitaux. Parce qu'il en existe quand même au moins quelques-unes, à ma connaissance, des fondations, par exemple dans les CLSC, dans d'autres établissements. Est-ce que vous êtes ouverts aux autres fondations d'autre nature? J'aimerais juste connaître... c'est un peu de la curiosité.

M. Champagne: C'est bien sûr qu'on commence, depuis six mois, à établir peut-être un genre d'encadrement. C'est entendu que, seulement dans le domaine des affaires sociales, je pense qu'il y a plus de 1000 fondations, que ce soient les CLSC, les centres d'hébergement et le reste. Alors, nous, on a notre spécificité, c'est les fondations des centres hospitaliers. Pour le moment, c'est notre principale cause.

Le Président (M. Joly): M. Devroede, s'il vous plaît.

M. Devroede: La raison pour laquelle on s'est regroupés, c'est par intérêt commun, et je pense qu'on a un avantage à être des fondations. En étant des organismes autonomes, on peut aller chercher d'autres bénévoles et ajouter des gens qui vont graviter autour d'une institution. Par contre, on n'est pas l'institution et ça, des fois, il y a des inconvénients. Une des raisons pour lesquelles on s'est regroupés, c'est qu'on a des problèmes communs de transparence, de connaissance du système de santé et d'impact direct sur

le système de santé. Donc, on s'est regroupés pour essayer... Il y a aussi l'expertise au niveau de la levée de fonds. Votre question est très pertinente, parce que la levée de fonds, c'est devenu un métier maintenant. Il y a des organisations professionnelles qui regroupent les gens sans distinction du secteur où ils travaillent. Les associations ne sont pas évidentes encore au Québec à ce niveau-là et je pense que c'est en train de faire son chemin. C'est pour ça que j'ai envie de vous dire qu'au niveau du social je pense que ces gens-là, en nous regardant travailler... On a fait la même chose, on a regardé ceux qui avaient du succès. Je pense qu'il va y avoir une interrelation de ce côté-là. Mais ça reste qu'en philanthropie on demande toujours à quelqu'un de donner quelque chose, et ça reste des relations, et ça reste de la sensibilisation. Je pense que, de ce côté-là, nous autres, on peut s'ouvrir à ça, mais c'est d'abord par besoins communs qu'on s'est réuni. Moi, j'espère, étant dans le domaine depuis sept ans maintenant, qu'il va y avoir des regroupements de plus en plus professionnels. (18 h 15)

M. Trudel: Oui, bien sûr, un bon exemple, ça entraîne toujours. Si ça peut aller dans cette direction-là, tant mieux, puis on ne peut pas tout faire en même temps non plus. Ça fait six mois que vous êtes regroupés; alors, on ne peut pas tout faire en même temps. C'est déjà extraordinaire, le travail que vous faites dans chacun des milieux, l'effort que vous consacrez et, en plus, de vous rassembler au niveau du Québec en termes d'association de fondations. Mais je vous dis que, moi, je souhaiterais que. Si, quelque part, dans le temps, on faisait des choses au fur et à mesure, si on pouvait arriver à intégrer ce que j'appellerais ies fondations du social ou les fondations d'autres secteurs et à profiter de votre expérience, de votre expertise, eh bien, tant mieux, mais c'était surtout une question d'information.

L'autre question, c'est: Est-ce qu'en général, dans vos fondations respectives - ou, en général, parmi les membres - on investit seulement les intérêts de l'argent amassé ou si on a plutôt tendance à dire: Levée de fonds spécifique et on dépense l'argent sur un appareil, par exemple? On ne capitalise pas beaucoup en quelque sorte.

M. Monette: C'est une question de politique interne, je pense, du conseil d'administration de chaque fondation. Bien sûr que toute fondation a intérêt à faire une capitalisation à moyen terme ou à long terme, mais ce qui se passe actuellement, c'est que la plupart des fondations que nous représentons et que nous avons contactées, ce n'est pas de vieilles fondations et des fondations qui reçoivent des dons comme certaines fondations peuvent en recevoir, des dons majeurs. Alors, beaucoup de fondations ne peuvent pas, au moment où on se parle, capitaliser parce que leur organisation est au début et leurs ramifications ne sont pas assez grandes pour être capable de faire une capitalisation. Mais, définitivement, je pense que, pour toute fondation, c'est un but visé d'arriver à un capital, un patrimoine qui fait en sorte que vous avez un intérêt garanti à chaque année et qu'après un certain temps, eh bien, vous pouvez, comme on le dit, débarquer du marché et laisser la chance à d'autres fondations de faire la même chose éventuellement.

Vous mentionniez tantôt qu'il existe énormément de fondations et de clubs sociaux de toutes sortes, d'organismes sociaux de toutes sortes. Tous ces gens-là, bien sûr, font des levées de fonds avec des idées des fois très farfelues. Nous, on a voulu rester dans les fondations hospitalières parce que notre but est un but bien précis, c'est la santé. Tandis que le but de ces gens-là, presque à 100 %, n'est pas du tout le domaine de la santé, mais une foule de choses qu'ils font socialement, qui sont très louables et très valables, mais qui n'ont pas pour but la santé, comme notre regroupement.

M. Granger: Vous savez, M. Trudel, qu'il y a une règle fiscale au niveau de l'injection des fonds; pour 80 % des fonds recueillis, on a émis un reçu d'impôt et il faut le verser dans l'année aux centres hospitaliers. Alors, là-dessus, la capitalisation... En tout cas, chez nous, à l'heure actuelle, on n'a pas encore de lecture de ce qui se fait dans l'ensemble de nos fondations. D'ailleurs, on fait état dans notre mémoire qu'on est à réaliser un bilan sommaire de ce qui s'est réalisé dans nos fondations et de leur fonctionnement. On pourra s'en reparler un peu plus tard comme ça fonctionne, mais, règle générale, non.

M. Trudel: En vous disant sur cette règle fiscale, pour en avoir monté une, fondation, qui a amassé 1 000 000 $ à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, que je pourrais vous donner le nom d'une couple de bons comptables qui vont vous arranger ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ils vont vous arranger ça.

Juste en terminant, on ne peut probablement pas additionner la somme d'années d'expérience de cette table, comme citoyens, sans nous permettre une question. Alors, défaites vos habits de président de fondation ou de directeur général de fondation parce que c'est évident que vous êtes du monde d'expérience du monde du social, du monde des affaires et, bien sûr, la plus grande qualité que vous avez, c'est d'être citoyens du Québec. Mais, quand même, en rapport avec vos fondations, quand vous contribuez, de par votre temps, de par votre énergie et de par votre argent, vous autres et les gens

qui vous aident, qui nous aident, comment ressentez-vous le fait qu'on doive en ajouter, parce que, collectivement, on n'en a pas assez?

M. Côté (Charlesbourg): Je pensais que c'était l'autobus qui arrivait!

M. Trudel: Non, non, on ne peut pas faire ça à du monde de même. Comment réagissez-vous au fait que collectivement on dise... Vous connaissez la réaction: Comment ça se fait que le gouvernement ne paie pas ça?

M. Devroede: Vous avez tout à fait raison et la question est très appropriée. J'ai lu ce document-là, je vous avoue, au complet. J'ai pris le temps de le faire, puis, moi, ce qui m'a fait le plus plaisir dans ce document-là, c'est que les questions sont posées: C'est quoi qui coûte quoi, et où est-ce qu'on dépense, et où est-ce que ça va? Puis j'ai envie de vous dire que la réponse à votre question, ça va être nos éléments pour aller en chercher plus. Dites-moi exactement où va l'argent et je suis capable de dire au donateur: Regarde, on fait ça, ça, ça, avec ton argent, mais ça, on n'est pas capable. Veux-tu le payer? Puis le problème qu'on a, ce n'est pas que les gens disent: Le gouvernement devrait tout payer, c'est que, quand je te donne une piastre, je ne sais pas où elle va aller. C'est ça le problème qu'on a, parce que c'est assez sans fond.

La technologie avance au point où demain matin ils vont inventer la machine qui coûte 3 000 000 $, qui va devoir remplacer la machine qui m'a coûté 1 000 000 $ l'année passée. Je m'attends à ça, mais je n'ai pas de problème avec ça si je suis capable de dire aux gens: Regardez où vous avez dépensé. Oui, vous avez payé ça en impôt et c'est là que ça va. C'est le seul problème que j'ai avec un donateur, de lui dire où ça va et quand ça y va. Et ça répond à votre question au niveau de la capitalisation: Est-ce que vous allez me donner 20 $ pour que je les dépense dans 20 ans? Mais, si je vous demande 20 $ pour une pompe demain matin, dont votre mère va peut-être se servir, vous allez me les donner. Alors, il y a une question d'immédiateté là-dedans.

Je suis très content de voir le questionnement social qui se fait. J'espère que tous les citoyens vont le faire avant d'aller chez le médecin. C'est: Où est-ce qu'on dépense et comment on le dépense? Si on le demande comme il faut aux gens, ils vont payer le supplément. Je pense que l'inquiétude, c'est ça. Il y a un exemple de campagne qui s'est faite sur la rive sud à Montréal où un hôpital voulait un centre de traumatologie. Ils se sont assis avec l'hôpital qui venait de se construire, qui s'était construit de l'obstétrique, et ils se sont entendus qu'il y aurait un centre de traumatologie. Ils sont allés voir les hommes d'affaires et ils ont réglé la campagne dans un an: ils ont un centre de traumatologie et un centre d'obstétrique. Ce n'est pas dans le même centre hospitalier. Les gens d'affaires ont embarqué parce qu'il y avait un effort de rationalisation.

Alors, je pense que, de ce côté-là, on parle sous nous autres aussi, et on parie le plus possible à des gens qui en ont le plus possible. C'est habituellement ceux qui comptent le mieux. Alors, leurs questions sont souvent pertinentes.

Le Président (M. Joly): M. Granger et M. Champagne et, après, M. Monette.

M. Granger: Vous savez aussi, M. Trudel, quand la fondation s'en va en campagne, elle annonce bien souvent le thème ou l'équipement qu'elle va aller chercher. En campagne, elle ramasse... Alors, il y a tout de suite un lien entre l'équipement et le don.

M. Trudel: La transparence.

M. Granger: Beaucoup de personnes, chez nous en tout cas, disent, concernant l'appareil de laparoscopie ou d'autres équipements: J'ai utilisé l'appareil que la fondation a donné. Il y a un lien entre les deux. Là-dessus, quand on est en campagne, on a un contrat moral avec la population. On a un contrat moral et le centre hospitalier avec qui on est partenaire, on lui dit: Nous autres, on s'en va en campagne pour acheter tel équipement. C'est bien entendu qu'il va falloir que l'équipement rentre. Les gens s'accrochent à ça. En tout cas, chez nous, en région, ils s'accrochent beaucoup à ça et ça fait partie du succès des fondations.

Le Président (M. Joly): M. Champagne.

M. Champagne: Le domaine de la santé, ça touche de très près les gens. Puis, enfin, je parle pour mon patelin, le patelin aussi de M. Joly, puis les gens veulent des soins de santé de qualité supérieure. Si, nous, à la Cité de la santé, on n'avait pas eu de sous, on n'aurait pas pu acheter un appareil de chirurgie par laparoscopie. Alors, on l'a acheté. On a acheté un appareil de mammographie et on a acheté un scanner, tout ça. Alors, les gens sont prêts à fournir pour ça parce qu'ils y croient et ils veulent se donner dans la région des soins de santé supérieurs.

Le Président (M. Joly): Est-ce ce pourquoi vous avez une activité le 14 février?

M. Champagne: Oui, le 14 février. Vous allez être là, monsieur. Ça vous coûte combien? Oui, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): C'est la mémoire. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui, mais, M. le Président, finissez ce que vous commencez. Je vais vous aider: Mais qu'est-ce qu'il y a le 14 février à Laval?

Le Président (M. Joly): M. Champagne, aimeriez-vous en glisser un mot?

M. Champagne: Oui. Alors, voici, c'est le bal de la santé où il y aura 800 personnes qui vont payer 150 $ pour assister à un bal. Ça va nous donner...

Le Président (M. Joly): Au profit de la fondation.

M. Champagne: Au profit de la fondation et on va faire 90 000 $ clair pour injecter dans les fonds de la Cité de la santé.

M. Côté (Charlesbourg): À Anna-Laberge, vous étiez en train de vendre des billets pour une maison quand j'y suis allé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Et en terminant...

Le Président (M. Joly): M. Monette.

M. Monette: effectivement. si vous venez vous promener dans notre secteur, il y a tellement de postes de distribution que, si vous n'en avez pas, c'est de la mauvaise volonté.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, vous avez un mot de la fin?

M. Trudel: En terminant, toujours, mais là vraiment, avec votre habit de citoyen, pour 12 000 000 000 $, est-ce qu'on en a pour notre argent, au Québec, en santé et en services sociaux? Est-ce que vous avez l'impression, comme citoyen, qu'on en a pour notre argent?

M. Monette: La santé, en fait, c'est une discipline personnelle. Beaucoup de gens, on peut dire, se font violence eux-mêmes, en santé, pour une multitude de choses. Un exemple flagrant, je prends le fumeur. C'est une personne qui, sciemment, consciemment se fait violence à elle-même en faisant l'utilisation du tabac. Elle sait très bien qu'éventuellement elle va avoir besoin d'avoir des soins; c'est à peu près sûr à 95 %. Quand on pense que l'industrie du tabac, au Canada, génère des retombées d'à peu près 3 000 000 000 $, mais que l'usage du tabac sous toutes ses formes nous coûte 11 000 000 000 $, ça veut dire qu'avec l'industrie du tabac on est en déficit de 8 000 000 000 $. Alors, c'est ça que je vous dis, c'est une discipline personnelle. C'est la responsabilité de chaque citoyen du Québec, du Canada et, enfin, du monde entier.

C'est inné, dans nos tripes, on a plus de facilité à s'en aller vers quelque chose qui est facile et qui n'est pas correct qu'à s'en aller dans la discipline et le droit chemin. Alors, on doit vivre avec une société qui est conditionnée comme ça. Surtout au Québec, des tempéraments latins, on aime faire beaucoup de choses, on a beaucoup d'effervescence et on se permet toutes sortes de choses qui ne sont pas toujours bonnes pour la santé. Je ne sais pas de quelle façon on pourrait corriger ça. mais c'est un état de fait, et c'est comme ça. Alors, bien sûr que des sous pour régler tous ces problèmes-là, ça va en prendre énormément parce que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas conditionné notre société à un autre - passez-moi l'expression anglaise - «thinking», on aura à mettre la main dans nos poches et on aura à faire les frais d'une société qui nous coûte extrêmement cher au point de vue santé.

Le Président (M. Joly): M. Blain, très brièvement parce que...

M. Blain: Bien sûr. Tout simplement pour dire que la santé ou les soins de santé qu'on a, ce n'est pas nécessairement une question d'argent, c'est une question d'attitude. Quand on est reçu par des infirmières qui ont le sourire, c'est tellement plus facile d'avoir une piqûre. Je pense qu'il y a ça aussi.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. Champagne.

M. Trudel: Alors, je voudrais vous remercier avec le plus grand des sourires que je pourrais avoir.

Le Président (M. Joly): M. Champagne.

M. Champagne: M. le Président, j'ai peur qu'on n'ait pas de droit de réplique, de toute façon, à ce qui s'est dit autour de la table. Moi, si vous me permettez, je ferai une observation. Je suis un petit peu déçu de la timidité que vous mettez sur la table ici au sujet de la loto-santé et du casino. C'est une observation qu'on fait. Lorsqu'on pense qu'il y a 34 États, aux États-Unis, qui ont des lotos là-dessus, sur la santé, lorsqu'on dit qu'en Ontario - quand même, c'est toujours notre référence politique, souvent - ...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!

M. Champagne: ...ça se fait, alors j'aimerais

ça que...

Le Président (M. Joly): Parfait!

M. Champagne:... vous ayez une oreille attentive.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Mais, M. le Président, tout le monde est venu nous dire que le modèle américain n'était pas à suivre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Champagne: Pas pour ramasser de l'argent, pour dépenser, là. Ha, ha, ha!

Une voix: On vient simplement nuancer.

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette commission, à mon tour, je tiens à vous remercier. Merci d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir éclairés sur le rôle que vous jouez et sur celui que vous souhaitez qu'on joue. Au plaisir. Merci.

Nous ajournons nos travaux à mardi, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 18 h 29)

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