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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 12 février 1992 - Vol. 31 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé « Un financement équitable à la mesure de nos moyens »


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît! La sous-commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens». Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements, ce matin?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Aujourd'hui, nous entendrons l'Association des centres de services sociaux du Québec, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des manufacturiers du Québec et la Conférence des CRSSS du Québec.

Nous avons déjà l'Association des centres de services sociaux du Québec qui a pris place. J'apprécierais que M. Plamondon puisse nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Auditions

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Plamondon (Denis): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin: à ma gauche, M. Jacques Perreault, vice-président de notre Association; à ma droite immédiate, Mme Lise Denis, directrice générale de l'Association des CSS, et, à mon extrême droite, M. Jean Asselin, qui est conseiller au sein de notre Association.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Plamondon. Je vous souligne que vous avez environ 30 minutes pour nous exposer votre mémoire et que, par après, les parlementaires des deux formations auront le plaisir de partager avec vous. Alors, la parole est à vous, M. Plamondon.

M. Plamondon: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'entrée de jeu, vous remercier ainsi que les membres de cette commission de nous avoir invités à soumettre nos réflexions sur le financement de notre système de santé et de services sociaux au Québec.

Les 17 centres de services sociaux que nous représentons regroupent plus de 5000 personnes et gèrent un budget d'environ 397 000 000 $ sur les 12 000 000 000 $ consacrés aux services de santé et aux services sociaux au Québec. Avec les centres de réadaptation, les centres de services sociaux forment le noyau principal des services sociaux de deuxième ligne, aux personnes les plus vulnérables. Actuellement, les centres de services sociaux fournissent des services psychosociaux aux jeunes, aux adultes et aux personnes âgées et assument également le développement et la gestion des familles d'accueil et des ressources intermédiaires pour ces personnes. Demain, d'ici peu, devenus centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, nous allons concentrer nos services autour des jeunes en difficulté et les services que nous avons développés pour les adultes et les personnes âgées seront orientés vers d'autres établissements.

Comme nous l'avions fait dans le débat sur la réforme du système de santé et de services sociaux, l'Association des CSS a approché le financement dans une perspective de réponse réaliste aux besoins sociosanitaires fondamentaux des citoyens.

Cela dit, M. le Président, notre analyse du document ministériel sur le financement nous amène à partager avec vous un certain nombre de constats. D'abord, le document sur le financement est un document courageux, marqué par un souci de nuances et de mesures qui nous met, certes, face à des choix difficiles, mais qui veut quand même préserver l'accessibilité réelle des citoyens à des services et à des soins adéquats, et ce, par le biais d'un système public fort. Nous sommes aussi d'accord avec votre analyse à l'effet que notre système sociosanitaire est généralement en bonne santé et qu'il a permis depuis 20 ans aux Québécoises et aux Québécois d'atteindre des conditions de santé parmi les meilleures au monde.

Nous croyons comme vous, que les correctifs ou les ajustements à apporter à notre système sociosanitaire, ne devraient pas remettre en cause les objectifs et les bases mêmes de ce système. Nous croyons aussi que les dépenses sociosanitaires ont atteint une part suffisante du budget québécois. Tout accroissement de ces dépenses n'améliorerait pas nécessairement le rendement du système.

Il semble, à la lecture du document ministériel, que le gouvernement éprouve des difficultés à maintenir l'accroissement des dépenses sociosanitaires à un niveau qui ne mette pas en danger les autres missions gouvernementales. Pour corriger le tir, le gouvernement propose trois types de moyens: un meilleur contrôle des dépenses sociosanitaires; l'amélioration de la performance du réseau et, enfin, de nouvelles

sources de revenus.

Avant que Mme Denis vous donne notre réaction détaillée sur chacun de ces remèdes, permettez-moi de vous souligner une lacune dans la lecture globale que le document ministériel fait du système. Cette lacune touche l'absence d'analyse du secteur social. L'analyse s'appuie essentiellement sur des données provenant du secteur de la santé et ne peut donc, de ce fait, être un portrait complet du système sociosanitai-re. En effet, peut-on prétendre que les dépenses du secteur social et du secteur de la santé sont symétriques? Peut-on projeter sur le secteur social les constats que l'on fait sur le secteur de la santé, c'est-à-dire croissance trop rapide des dépenses, impact sur l'équilibre budgétaire et nécessité d'en ralentir le rythme?

En effet, la mission réadaptation sociale qui représente au mieux le cinquième des dépenses sociosanitaires fait l'objet, depuis plusieurs années, d'un contrôle étanche de l'État qui n'a qu'à restreindre les crédits disponibles pour contrôler les services fournis. Alors que les indices permettent de constater une amélioration générale de l'état de santé physique de la population, c'est à une autre constatation que l'on arrive quand on considère l'évolution sociale récente. En effet, cette dernière a engendré un accroissement de la demande des services sociaux: augmentation du taux de suicide - particulièrement chez les jeunes - de l'isolement social, de la violence conjugale, la désinstitution-nalisation, etc.

Nos commentaires sur l'état de question du ministère ne remettent pas en cause toutefois l'essentiel des conclusions auxquelles le document arrive. Ils permettent, cependant, de situer nos observations sur les remèdes proposés dans une perspective particulière. Si vous me le permettez, M. le Président, je laisserai Mme Denis vous parler plus longuement de nos réflexions à ce chapitre.

Le Président (M. Joly): Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Merci. Moi, j'aimerais vous présenter un peu comment l'Association voit les problèmes, comment elle voit les solutions et comment, finalement, elle voit une approche du côté du champ social. Au niveau des problèmes, nous croyons que nous sommes face à deux sortes de problèmes qui s'interinfluencent; un problème à court terme et un problème à moyen et long terme: un problème de conjoncture économique et un problème de structure des dépenses.

À court terme, on peut résumer ainsi la conjoncture: Les dépenses de santé et de services sociaux évoluent plus rapidement que les dépenses des autres secteurs, plus rapidement que notre capacité collective de se les payer. Et cette situation, liée à la conjoncture économique, nous situe dans une impasse budgétaire, si rien n'est modifié, et cela, peu importe qui ou quel phénomène en est responsable.

À moyen et long terme, notre problème structurel peut se résumer ainsi: La dynamique actuelle de l'évolution des dépenses nous conduit inévitablement à accentuer l'écart entre le financement des missions recouvrement de la santé et des missions adaptation sociale et prévention. Le maintien de cette dynamique rend difficilement possible un changement de cap vers une première ligne sociosanitaire, vers des services de prévention, vers des services sociaux en amont plutôt qu'en aval. Le maintien de cette dynamique nous ramènera inévitablement, dans quelques années, dans une nouvelle impasse.

Nous pensons que les solutions qui seront adoptées doivent à la fois permettre de régler le problème de l'impasse budgétaire actuelle à court terme et nous placer progressivement, comme société, dans la situation de modifier la dynamique actuelle. Si nous réglons uniquement notre problème de court terme et fermons les livres, nous serons peut-être en meilleure position financière immédiate, mais nous serons passés à côté des changements majeurs de la réforme.

À notre point de vue, il faut trouver un amalgame de solutions qui vise le court et le moyen terme, garantissant que cet énorme paquebot de la santé et des services sociaux ne soit pas uniquement en mesure de sortir des sables dans lesquels il risque de s'échouer, mais qu'il change de cap. Nous croyons que c'est possible et que plusieurs des solutions proposées dans la réforme et dans le document du ministère, si elles sont retenues, nous amènent dans la bonne voie.

Pour conclure cette partie sur les problèmes, j'ajouterais que, quant à nous, le secteur social, qui est peu traité dans le document et qui, somme toute, fait peu partie du problème, doit faire partie de la solution.

Au niveau des solutions, trois aspects, d'abord, au niveau des dépenses, au niveau de l'allocation des ressources et au niveau du financement. Au niveau des dépenses: d'abord viser juste. Nous croyons que les efforts d'efficacité et d'efficience pour l'ensemble du réseau doivent être poursuivis. Nous pensons cependant que l'essentiel des efforts de rationalisation doivent porter sur la mission recouvrement de la santé et sur la RAMQ. C'est là que se trouve la majeure partie des dépenses engagées et c'est là qu'un examen approfondi doit être fait. Plusieurs exemples ont d'ailleurs déjà été évoqués à la commission parlementaire. Et le gouvernement devrait donner suite à des propositions telles que: achat en commun, révision de certaines pratiques médicales et autres propositions évoquées ici de nature à faire faire des économies substantielles. Il nous semble aussi que le gouvernement doit fixer un budget annuel global fermé à la RAMQ, qu'il doit établir ce budget sur une base régionale et l'assortir de mesures

visant à favoriser une fourniture de services qui réponde avant tout aux besoins de la population des régions et qu'il doit aussi accentuer le contrôle des cartes d'assurance-maladie, avec photo, par exemple. C'est au niveau du contrôle des dépenses.

Au niveau de la réallocation ou de l'allocation des ressources, voilà l'occasion, quant à nous, d'un coup de barre. Rappelons que la détérioration socio-économique et l'évolution des problèmes et des besoins sociaux au cours des dernières années exigent un rattrapage en matière de financement de ces services. Ce rattrapage s'impose d'autant plus que les services sociaux, de manière générale, constituent une façon de prévenir les problèmes de santé. En investissant dans les services sociaux, le gouvernement fait donc d'une pierre deux coups. Il contribue à améliorer la santé et le bien-être de la population et à diminuer les dépenses du système, étant reconnu que les services et les ressources de type social coûtent beaucoup moins cher que les services curatifs de santé. Cette approche n'est, en fait, qu'une application de la stratégie globale proposée par le document ministériel à l'ensemble de la société.

S'il faut ralentir la croissance des dépenses sociosanitaires pour investir plutôt en amont, sur les causes, dans des secteurs tels l'emploi, l'éducation et autres, la logique exige évidemment qu'on fasse de même à l'intérieur de notre système. En pratique, cela signifie qu'on restreint la croissance de la mission recouvrement de la santé pour accélérer le développement de certains programmes des missions adaptation sociale et prévention, notamment ceux visant des clientèles prioritaires telles les jeunes et les aînés. À titre d'illustration, on peut penser que 1 % seulement des dépenses de santé représente environ 80 000 000 $ et pourrait avoir un effet de levier important s'il était investi dans des champs sociaux, avec des objectifs clairs, cependant. (10 heures)

Au niveau du financement. Avant de parler de nouvelles sources de financement, il faut d'abord avoir épuisé, du côté des dépenses de santé, les gains à réaliser, de même que les gains d'efficacité et d'efficience dans l'ensemble du système. Pour notre part, notre jugement en la matière repose à la fois sur notre expérience et notre perception de la situation. Pour avoir été à dure école, nous savons que des contrôles stricts favorisent l'efficience et permettent de faire plus avec les ressources qu'on a. À preuve, l'implantation de ce qui a été le rapport Harvey 1, au niveau de la réception, le traitement des signalements, les systèmes d'information. Nous sommes bien placés pour savoir que de tels contrôles, s'ils étaient appliqués avec la même rigueur et la même étanchéité à la mission recouvrement de la santé, pourraient certainement se traduire par des économies de plusieurs centaines de millions de dollars. C'est pourquoi, avant de s'attaquer au panier de services assurés pour payer l'épicerie, il faut d'abord faire le grand ménage dans une dépense déjà bien garnie.

Quelques remarques s'imposent avant d'aborder notre position sur le système de financement. La première remarque c'est que, déjà, les citoyens paient. Je pense que ça a déjà été évoqué à cette commission parlementaire, mais je pense qu'il est quand même bon de le rappeler. Dans le secteur public, les adultes et les personnes âgées paient une contribution quant à leur hébergement en centre d'accueil ou en famille d'accueil. En matière de placement d'enfants, c'est près de 12 000 000 $ annuellement que les centres de services sociaux perçoivent chez les parents dont les enfants sont placés en famille d'accueil ou en centre d'accueil. Du côté de l'adoption internationale, les requérants paient déjà. Du côté des médecines douces ou alternatives, les citoyens paient. Des consultations auprès de psychologues ou de travailleurs sociaux en privé sont payées par les personnes ou les familles.

La deuxième remarque concerne l'accessibilité, et ce, notamment, du côté des services sociaux. Dans son interprétation actuelle, l'accessibilité est reliée automatiquement à la gratuité. Cette façon de voir, généreuse en principe, entraîne cependant, dans la pratique, d'importants effets pervers. Dans l'application qui en est faite actuellement, l'équivalence absolue entre accessibilité et gratuité constitue, en réalité, un frein à cette accessibilité puisqu'elle enferme les fournisseurs de services dans un dilemme absurde, celui d'offrir les services gratuitement ou de ne pas les offrir du tout. Dans un contexte de restrictions budgétaires, c'est toujours le deuxième terme de l'alternative qui l'emporte.

Pour citer des exemples de cette situation, c'est cette interprétation qui explique que des milliers de personnes doivent attendre plusieurs années pour obtenir des services gratuits dans le secteur des retrouvailles pour la simple raison que les professionnels ne sont pas en nombre suffisant pour répondre à la demande. De la même façon, les trous de services s'aggrandissent lorsque les enfants dont nous ne retenons pas le signalement sont référés vers des CLSC qui n'offrent pas ou peu de services, faute de ressources. Le principe est sauf, mais il a forcé le système, simplement pour ne pas étouffer sous la demande, à trouver une voie d'évitement qui s'appelle la «priorisation» des services. Pour des milliers de citoyens, cependant, le respect du principe a signifié l'absence de services.

La troisième remarque concerne la privatisation de plus en plus grande qui, sans être un mal en soi, doit cependant être l'objet de réflexions et de décisions éclairées. Or, actuellement, faute d'orientation, les producteurs de services invitent souvent les personnes à trouver une réponse à leurs besoins dans le secteur

privé. Avez-vous des assurances? Quel est votre niveau de revenu? Pour ceux qui peuvent se l'offrir, l'hébergement dans un foyer privé devient possible ou la consultation d'un psychologue ou d'un travailleur social en privé devient accessible. Pour les autres, il n'y a bien souvent aucun service de disponible.

Ces remarques étant faites, je voudrais introduire la question du panier des services de base. Poser la question du panier des services de base, c'est poser la question de nos choix de société, de nos valeurs; c'est poser des questions d'éthique. Il faudra cependant un jour y arriver et l'aborder, se demander quels sont les services de base et quels sont les services complémentaires, les services assurés et les services non assurés. Un débat est devenu nécessaire. Le motif principal qui devrait nous inciter à réexaminer toute cette dialectique entre services de base assurés et services complémentaires est la nécessité de tenir ce panier de services à jour, de faire en sorte qu'il continue de répondre aux besoins sociosanitaires les plus importants.

Les limites à notre capacité de payer imposent aussi ces choix. C'est pour des raisons économiques qu'on ne peut plus, comme on l'a déjà fait, se contenter d'empiler de nouveaux services sur ceux qui sont déjà là. Pour répondre à de nouveaux besoins sociaux ou sanitaires, il faudra se résoudre à faire un ménage et à retrancher du panier certains services qui seraient devenus moins essentiels pour le maintien de l'état général de santé et de bien-être de la population. Qu'adviendra-t-il alors de ces services? Qui paiera?

Au niveau du panier de services de base, nous recommandons que le panier de services de base demeure essentiellement accessible gratuitement à l'ensemble de la population. On recommande aussi que les services inclus fassent l'objet d'une révision périodique pour tenir compte de l'évolution des besoins et des consensus sociaux autour de leur importance. Ce panier de base gratuit devrait cependant préciser les services sociaux qui en font partie. Et nous croyons aussi que le futur Conseil de santé et de bien-être du Québec devrait recevoir le mandat de proposer une démarche quant à la façon de réviser ce panier de services de base de façon périodique.

Quant au financement des services de base, de manière générale, nous estimons que la fiscalité progressive est l'outil socialement le plus équitable pour assurer le financement des services publics. En conséquence, nous privilégions le recours à des mesures fiscales de ce type pour assurer le financement des services sociosanitaires, tout en reconnaissant que le fardeau fiscal des contribuables québécois ne peut être augmenté à l'heure actuelle.

Le recours privilégié à des mesures de ce type nous amènent à nous opposer à toute forme de ticket modérateur qui serait exigé pour avoir droit à un service de base assuré. Nous considérons aussi que l'hypothèse de retirer les services de soutien et d'accommodement - repas, hôtellerie, dossiers - des services de base assurés tels que définis actuellement devrait être ajournée.

Services complémentaires, maintenant. Les services complémentaires tels que définis actuellement, pour leur part, peuvent reposer sur d'autres principes de financement. Ainsi, on pourrait considérer que les services complémentaires n'entraînent pas automatiquement la gratuité et qu'une contribution financière pourrait être exigée pour certains d'entre eux. En ce sens, on peut, oui, admettre que le ministère recommande notamment la tarification ou la désassurance dans ce domaine en attendant qu'un débat de fond plus global ait lieu sur l'ensemble de la question. Ces mesures, cependant, devront être prises uniquement si les mesures concernant les dépenses ne permettent pas de régler l'impasse et de dégager une certaine marge de manoeuvre pour réorienter le système. Nous croyons que, si une contribution directe est demandée aux usagers pour des services complémentaires, elle ne devra jamais bloquer l'accès aux services et devra toujours être associée à un crédit d'impôt remboursable. Cette modalité, cependant, peut entraîner des problèmes d'accès immédiat aux services pour des personnes à faibles revenus et on devrait prévoir des moyens de pallier à ces inconvénients.

Donc, dans le contexte des services actuellement définis comme complémentaires, nous croyons qu'au niveau des services pharmaceutiques une tarification fixe par prescription de médicaments pour les personnes âgées, compte tenu des exemptions prévues pour les personnes à faibles revenus, pourrait être établie. Au niveau des services dentaires et optométriques, nous croyons que ces programmes doivent être maintenus pour les jeunes.

Au niveau du champ social. Le questionnement introduit au niveau des services de base et des services complémentaires doit aussi être appliqué au champ social et obéir aux mêmes règles de financement. Le financement des services sociaux ne fait pas l'objet d'un cadre législatif aussi précis que celui de la santé. Les notions de services de base et de services complémentaires n'y sont pas clairement définies ou délimitées par des textes. Les critères prévalant à l'octroi des différentes sources de financement y sont peut-être encore plus ambigus que ceux qui président au financement de la santé et méritent un bon dépoussiérage, d'autant plus que le ministère ne s'est peut-être jamais vraiment intéressé à définir ce que pourrait être un service de base versus un service complémentaire, du côté social.

Nous pouvons difficilement faire une proposition finale aujourd'hui quant aux services de base et services complémentaires en matière

de services sociaux. Nous espérons, cependant, y contribuer et suggérer qu'une telle démarche se fasse avec le ministère, avec les acteurs concernés et des groupes-ressources, s'il y a lieu. À tout le moins, nous voulons amorcer ce débat et proposer des variables qui pourraient guider la réflexion. L'une de ces variables, c'est évidemment le risque que représente la situation de certains groupes pour leur propre bien-être ou celui de leur communauté. On pense, par exemple, aux dangers liés à la pauvreté de certaines familles monoparentales, aux risques qu'occasionnent la grossesse chez les adolescentes, aux difficultés d'adaptation sociale ou d'intégration sociale. La vulnérabilité des personnes représente également une autre variable. Les personnes qui sont victimes de violence, de négligence ou d'exploitation et qui, de manière générale, ont besoin de protection devraient certainement avoir accès à des services de base gratuits en matière de services sociaux.

Troisième variable, la gravité ou l'acuité des problèmes constitue un autre facteur dont il faut tenir compte, par exemple des problématiques graves de santé mentale. Enfin, le contexte d'autorité dans lequel certains services sont fournis devrait également être pris en considération. Le fait que ces services résultent de l'application d'une législation particulière devrait constituer un facteur déterminant pour en faire des services de base. On pense particulièrement aux services fournis dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Toutes ces variables devraient être mises en relation avec les objectifs de santé et de bien-être et c'est la jonction de l'ensemble qui permettra d'établir des critères pour déterminer les services de base. Cependant, pour certains services actuellement considérés, puisqu'il n'y a pas de définition comme telle, comme services de base, il faut accepter de se questionner. Prenons l'exemple précis des retrouvailles. Le droit légitime de connaître ses origines donne-t-il automatiquement accès gratuitement aux services de recherche des antécédents biologiques? Cette recherche des origines, sauf dans les cas de grande détresse sociale ou pour des motifs de santé, est-elle en soi un problème social? À quel besoin social primordial répond-on quand on offre le service des retrouvailles? Ne serait-ce pas la frustration créée par 10 ans d'attente qui accentue la gravité du problème?

On peut soulever le fait que ces services sont marginaux par rapport à l'ensemble des services sociaux. Ce n'est vrai que jusqu'à un certain point, puisqu'on sait que la liste d'attente connue des CSS à l'heure actuelle est de 11 000 personnes. Pensons également à l'adoption où l'on pourrait aussi avancer l'argument que les services d'évaluation des postulants ne constituent pas, en tant que tels, une réponse à un problème social, contrairement aux services aux enfants adoptables. Aussi, ces services pourraient être considérés comme complémentaires et donner lieu à une contribution financière des usagers, sans cependant que celle-ci soit un frein à l'accès.

Si nous appliquons cet exercice aux services jeunesse et famille, nous croyons qu'un certain nombre de services doivent faire partie des services de base, tant au niveau de la première ligne que de la deuxième et de la troisième ligne. Une nomenclature est comprise dans notre mémoire. Actuellement, le gouvernement investit environ 560 000 000 $ dans les services aux jeunes. Les services disponibles en première ligne, CLSC et organismes communautaires, ne représenteraient à peu près que 10 % de cette somme. Nous pensons que ces services non disponibles sur l'ensemble du territoire doivent l'être le plus rapidement possible parce qu'ils contribuent à diminuer l'émergence des problèmes plus graves et évitent qu'un nombre important d'enfants se retrouvent en deuxième ligne. Nous pensons que leur disponibilité doit être assurée rapidement dans les territoires où les populations sont à risque élevé. Un virement de cap dort faciliter progressivement l'implantation des mesures prévues à la réforme pour la clientèle jeunesse, notamment l'objectif de doubler les travailleurs sociaux dans les écoles.

Finalement, je dirais, par rapport à la proposition d'un cadre de dépenses et de financement, que l'Association appuie la création d'un fonds sociosanitaire autonome, qui nous semble favoriser à la fois une meilleure planification des dépenses sociosanitaires et une plus grande visibilité de ces dépenses par le contribuable usager. Nous estimons cependant que les règles d'allocation doivent être clairement définies. Ainsi, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à investir dans les missions amélioration et prévention de la santé et adaptation sociale de façon suffisante pour rencontrer un certain nombre d'objectifs, le fonds sociosanitaire devrait prévoir des mécanismes internes qui garantiront la réallocation, vers ces dernières, des budgets qui dépasseraient un plafond fixé aux dépenses de la mission recouvrement de la santé.

En conclusion, je dirais qu'il faut prendre à court terme les moyens de régler notre problème, qu'il faut prendre à moyen terme les moyens pour modifier la dynamique et qu'il faut faire la réflexion du côté social avec les acteurs concernés. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Denis. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'est toujours un plaisir renouvelé de revoir les gens dans ce genre d'exercice public et à la fois privé, parce que le discours privé n'est pas différent du discours public, et particulièrement l'Association des CSS du Québec.

Malgré sa petite taille, ses petits budgets et sa part relativement modeste de 400 000 000 $ par rapport à 12 000 000 000 $, c'est très certainement, M. le Président, à mon point de vue, l'un dés meilleurs mémoires qui est déposé devant cette commission parlementaire. Je tiens à le dire, pas par flatterie non plus parce que, évidemment, au point où on en est, ce n'est pas une flatterie qui va changer bien des choses. (10 h 15)

C'est un discours que je qualifierai de très lucide; très, très lucide. On n'a pas été nécessairement habitué à ce genre de discours dans le réseau, au cours des dernières années, davantage dans une situation où on demande - on demande et on demande et où on n'en a jamais assez. Votre discours est lucide et témoigne d'une ouverture d'esprit peu commune. On peut, à l'occasion, se faire tendre la main, c'est clair, mais ça se traduit aussi sur le plan d'une logique dans votre mémoire, à partir d'un certain nombre de paramètres que vous vous êtes fixés, et qui est une logique qui est très claire. On peut être en désaccord ou en accord avec certaines des mesures et des opinions que vous proposez, mais il y a une logique là, il y a une ouverture d'esprit tout à fait exceptionnelle et, j'irais même plus loin que ça - ce n'est pas votre première - aussi beaucoup d'audace. Il n'y a pas grand monde qui est venu nous dire ici que le panier de services, il faudrait peut-être le revoir. Il y a davantage des gens qui sont venus nous dire: Ne touchez pas au panier de services. S'il vous plaît, même s'il a 20 ans, ce qu'il y a dedans, le panier, il faut le laisser là et il faut même en ajouter, dans le panier.

Alors, ça me paraît être une contribution assez exceptionnelle, pas parce qu'elle rencontre totalement les vues exprimées par le gouvernement, mais qu'elle se situe dans un contexte très clair où on se pose des questions depuis deux semaines - depuis de nombreuses années, mais de manière plus pointue depuis deux semaines -pour tenter de rendre plus efficient notre système. Et il y a une logique qui est implacable et je tiens à le souligner, à ce moment-ci, et ce n'est pas toujours nécessaire d'avoir des gros budgets pour être capable d'avoir une participation aussi exceptionnelle.

Ceci étant dit, je pense que la première de vos conclusions est à l'effet qu'il n'y a pas de démonstration hors de tout doute qui a pu être faite ici à l'effet que, si on prenait toutes les mesures d'efficience et d'efficacité, on n'en aurait pas assez pour faire face à ce que vous avez qualifié, tantôt - attendez, je vais retrouver mes notes, là, parce que j'en prends - de problèmes à court terme et aussi à long terme. Et ça aussi c'est une nuance, par rapport à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, qui me plaît. compte tenu du fait que nous sommes en moyenne, au cours des dernières périodes, à ipc + 4,2 %, que la moyenne des dépenses gouvernementales veut davantage se situer à IPC + 1 %, prenant en considération que le gouvernement fait le choix qu'il faut investir davantage dans la santé que dans les autres, sans nécessairement se rendre à IPC + 3 %, considérant le fait que notre 4,2 % équivaut à plus ou moins 140 000 000 $, 150 000 000 $ pour le ramener à 3 %, ce que vous nous proposez, c'est d'être à moins que IPC + 3 %. Parce que, en réalité, ce serait ça, le résultat. Si on maintenait, par exemple, en termes de prévention, en termes de social, une augmentation du budget à IPC + 3 % et qu'on ramenait le secteur recouvrement de la santé à IPC + 1 %, ça veut quand même dire qu'au bout de la ligne on serait peut-être à quelque IPC + 1 %, au maximum, 1,2 %.

Mais prenons pour pure hypothèse que c'est à IPC + 2 %. Ça veut dire qu'on est dans une situation où on devra aller chercher plus ou moins 270 000 000 $ à 300 000 000 $ par année d'efficience et d'efficacité pendant cinq ans. C'est ça, notre défi. Je vous dis ça, vous qui représentez le secteur davantage social mais qui, aussi, interpellez le recouvrement de la santé, est-ce qu'il est possible d'envisager que nous puissions aller chercher ce 270 000 000 $ à 300 000 000 $ annuellement pour en arriver à ce que vous souhaitez par efficience et efficacité?

Le Président (M. Joly): Mme Denis.

Mme Denis: Je vous dirais d'abord que plusieurs mesures ont été évoquées depuis la semaine dernière à l'intérieur même de cette commission parlementaire. Plusieurs mesures ont été évoquées depuis le début de la commission parlementaire et, quand on essaie d'en identifier quelques-unes, on arrive quand même autour de 580 000 000 $. Maintenant, c'est sûr que ce ne sont pas nécessairement toutes des mesures qui ont un effet net le 1er avril. Maintenant, ça donne quand même une perspective comme quoi il est donc possible de faire quelque chose.

Maintenant, moi, je voudrais, peut-être par analogie, parce que je pense que c'est peut-être le meilleur angle de prise pour le regarder... Quand on dit, de notre côté, que, même si on doit continuer à faire des efforts d'efficacité et d'efficience, on en a déjà faits, par analogie, je vous dirais que, dans le réseau des centres de services sociaux, il y a probablement encore certains efforts d'efficacité et d'efficience à faire, alors je me dis: Si nous, malgré et avec tous les rapports, ceux qui sont déposés et pour lesquels il y aura des suites, on pense qu'on est encore capables d'améliorer les services qu'on donne et d'améliorer notre performance, il y a sûrement, oui, du côté du recouvrement de la santé, des efforts à faire. La semaine passée, on parlait des tests de routine; on parle aussi des médicaments aux personnes âgées. C'est sûr que, si on n'arrive pas à trouver dans le recouvrement de la santé, à l'heure actuelle, les mesures

qu'il faut pour compenser complètement, je pense qu'il faut regarder des approches au niveau des services complémentaires, notamment de la tarification des produits pharmaceutiques, pour arriver à trouver ce montant qui ne fait pas juste nous placer dans une situation de le régler à court terme, mais qui nous donne un peu de marge pour faire certains changements.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve intéressant dans la présentation, c'est que, effectivement, il y a un focus qui est mis sur la problématique à court terme et, si j'ai bien saisi votre message, c'est qu'en s'adressant au court terme il faut faire attention de ne pas hypothéquer le long terme. Mais il est bien évident qu'il faut prendre des mesures maintenant qui vont agir à long terme et qui, à ce moment-là, parlent davantage du changement de cap prévention.

Prenons pour acquis que vos additions sont bonnes sur notre cueillette des derniers jours, plus ou moins 500 000 000 $ potentiels. Je me méfie toujours un petit peu parce que, au bout de la...

Une voix:...

M. Côté (Charlesbourg): Oh non! C'est quand on les applique que ça devient un petit peu plus difficile, un petit peu plus pénible. A tout le moins, disons qu'il y a une volonté, comme jamais il n'y en a eu dans le réseau, à ce moment-ci, et très clairement manifestée dans cette commission parlementaire, d'un effort concerté de tous les intervenants - même si on trouve toujours des mesures dans les autres secteurs - pour tenter d'aller chercher des sommes sur le plan de l'efficience et de l'efficacité.

S'il y a une démonstration qui est faite là, dans cette commission parlementaire, elle est claire, nette et précise quant à moi, c'est qu'il y a de la marge de manoeuvre, pas sans contrainte, mais il y a de la marge de manoeuvre. Donc, on ne se situe pas en demande d'ajout de services à ce moment-ci, de manière générale, mais davantage dans une demande d'ajout de crédits pour faire le cap prévention. Vous seriez, demain matin, ministre de la Santé et des Services sociaux et, après avoir entendu tout ça pendant deux semaines, devant la possibilité que je puisse aller dire tantôt à mes supérieurs: II y a un potentiel tout à fait extraordinaire qu'on a trouvé de 500 000 000 $ à 600 000 000 $... On fait deux ans avec ça parce que ces 500 000 000 $ à 600 000 000 $, ce qu'on cherche, c'est 250 000 000 $ ou 300 000 000 $ par année, additifs, cumulatifs - prenez tout ce que vous voulez, là, mais ça s'additionne. Donc, il faut que les mesures soient là.

Est-ce que je peux me permettre de prendre la chance d'aller dire à mes supérieurs: C'est presque une garantie que ces 500 000 000 $ qui ont été identifiés par tout le monde, à coup sûr, vous pouvez compter dessus, mettez-les dans les équilibres financiers prévisionnels en disant: Oui, effectivement, on va pouvoir le faire? Dans la mesure où j'entends un message comme celui-là puis que, dans deux ans ou dans un an, ça ne se règle pas, pour que ça fasse sérieux un petit peu, est-ce qu'on ne serait pas dans une situation où on pourrait trouver un moyen de mettre le verrou dessus en disant que, s'il n'est pas livré, il est coupé? Comment vous sentez-vous avec une solution comme celle-là?

Le Président (M. Joly): Mme Denis.

Mme Denis: Pas trop mal à l'aise, même si je n'aimerais pas nécessairement, avoir à prendre cette décision-là demain matin. De fait, il faut peut-être effectivement arriver à trouver un moyen pour bloquer, pour empêcher, pour s'assurer qu'on verrouille. S'assurer qu'on verrouille, ça peut se faire peut-être de différentes façons, mais s'assurer qu'on verrouille pour que les producteurs de services soient contraints à l'intérieur d'une masse donnée. Et ça, je pense que c'est un défi que les producteurs de services doivent accepter de prendre. Probablement que, pour arriver à faire ça et que les producteurs de services soient plus confortables avec ça, je pense qu'il faut sûrement, tantôt, avoir aussi un certain nombre d'objectifs, par exemple, de santé et de bien-être. Je pense qu'il faut aussi peut-être arriver à faire en sorte qu'il y ait peut-être certaines règles assouplies, qu'il y ait de la place pour une capacité des producteurs d'innover. Je vais vous donner un exemple dans notre secteur. C'est de le reprendre par notre secteur. Demain matin, une des propositions, par exemple, que nous on voudrait vous faire, c'est de dire: Prenons le fonds des familles d'accueil pour payer les familles d'accueil. On sait qu'il y a des discussions à l'heure actuelle sur notre taux de placement puis comment on pourrait développer des alternatives. Les propositions qu'on voudrait vous faire, par exemple, c'est de dire: Pour chaque 100 $ que les CSS perçoivent chez les parents, il y en a 10 $ qui s'en vont dans un fonds à l'intérieur du CSS, mais pour développer des alternatives au placement. Là, je dis que, peut-être dans 3 ans, dans 5 ans ou dans 10 ans, vous nous direz: Avec ce fonds-là, il faut vraiment avoir réussi à baisser de tant le niveau de placement au Québec ou vous vivrez avec votre réalité.

Ça, c'est un défi qu'on serait prêts à prendre avec un objectif clair et un assouplissement de la règle puisqu'on est incapables de faire ça au moment où on se parle. Et, là, on accepterait, je pense, avec facilité de rentrer dans cette contrainte-là. C'est comme ça que je l'aborderais.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça

intéressant, parce que ça fait partie de ce qu'on appelle communément des incitatifs aussi ou d'un fonds qui fait de plus en plus son chemin, qui peut se remplir à la mesure dé là performance des expériences qu'on veut mettre en place, sinon, comme vous le dites, tu vis avec ton malheur sur le plan financier. Ça, je pense que c'est une idée qui progresse, qui est intéressante et qu'il faut pousser plus loin. je m'intéresserais peut-être davantage à une expérience vécue au cours des dernières années. par exemple, chez vous, il y a une liste d'attente. il y a eu une opération assez systématique d'une concertation clsc, cr, css, et ainsi de suite, pour tenter de diminuer la liste de signalements et de faire en sorte qu'on soit davantage dans des niveaux acceptables, entre guillemets.

Cette expérience a été menée au prix d'un certain nombre d'efforts et, finalement, c'étaient des objectifs de résultats. C'est un peu le virage qu'on souhaite faire et qu'on a fait aussi dans certains domaines, dans le cas du recouvrement de la santé. À votre point de vue, est-ce que cette méthode-là peut s'appliquer ailleurs, sans nécessairement identifier où ça pourrait être appliqué? Quels sont les principaux bénéfices qu'on en a tirés comme société, bien sûr, et quels sont les écueils à éviter dans ce genre d'exercice? Parce que, quand on parle de mesures d'efficience et d'efficacité, on fait aussi appel à beaucoup de sortes.

Je pense que c'est important de se dire des vérités aujourd'hui, de telle sorte qu'on évite des erreurs, parce que bien des mesures qu'on pourrait prendre sur le plan de l'efficience et de l'efficacité vont avoir comme conséquence qu'on va sauver quelques piastres à court terme, mais qu'on n'en sauvera peut-être pas à long terme. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Et vous y avez fait un petit peu allusion tantôt en disant: Parfait, on a retenu des signalements et il y a des signalements qu'on n'a pas retenus. On dit: Bon, il faudrait quand même que quelqu'un d'autre prenne la relève, parce que, si ces signalements n'ont pas été retenus, ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien. On pourrait éventuellement revenir en signalements s'il n'y a pas un travail qui est fait en première ligne par les CLSC.

Le Président (M. Joly): Mme Denis.

Mme Denis: Je pense que l'exemple est très bon, celui de l'abaissement des listes d'attente qui a été fait à partir d'un objectif de résultats qui a été donné. Je pense, d'ailleurs, que le premier bénéfice c'est d'apprendre à vivre avec, premièrement, des objectifs de résultats puis, deuxièmement, d'avoir aussi réussi à abaisser cette liste d'attente qui, dans le fond, était un fardeau, je dirais, pour tous les intervenants qui vivaient avec le sentiment qu'il pouvait y avoir en attente des enfants à qui il arrivait quelque chose. Je pense que, comme contexte général, ce n'était pas très humain.

Je dirais donc que fe premier bénéfice, c'est l'abaissement effectif de la liste d'attente. Je dirais qu'un deuxième bénéfice c'est le partenariat qui s'est développé autour d'un objectif. Des fois, c'est beaucoup plus aisé de se développer des façons de travailler ensemble autour d'un objectif de résultats qui est donné qu'autrement. Dans le fond, ça oblige les producteurs à sortir de leurs cadres stricts, même, d'intervention, pour dire: Qu'est-ce qu'on fait? Comment se mobilise-t-on autour d'un objectif comme celui-là? Dans ce sens-là, c'a aussi cet effet de mettre les producteurs, chacun dans leur spécifique, chacun en prenant leur approche, dans un contexte de travailler ensemble vers un même objectif. Et je pense qu'une des conditions c'est qu'il y ait des objectifs clairs de donnés. C'a aussi pour effet... parce qu'il y a eu beaucoup de questions, à des moments donnés, dans certaines régions entre des catégories de travailleurs, par exemple l'un étant un travailleur social, l'autre étant un psycho-éducateur, l'autre étant un autre type d'intervenant, pour voir comment on réussit, dans la pratique, à faire que tout ce monde travaille de façon complémentaire. Ça, c'est un bénéfice. (10 h 30)

Je dirais qu'en termes d'écueil ce à quoi il faut faire attention, je pense, dans ces opérations - celle-là a été un «blitz» - c'est que, pour les phénomènes qui ont commandé ou qui ont amené la montée, notamment, de notre liste d'attente, qui eux ne sont pas contrôlables, on puisse avoir une récurrence dans l'approche et que ça ne soit pas juste ponctuel pour dire: Maintenant on s'en retourne chacun chez nous, c'est fini, l'objectif est atteint. L'objectif est peut-être atteint de façon ad hoc, mais il reste que, dans le temps, la fluctuation des phénomènes qui font qu'il y a de l'attente n'est pas sous contrôle. Dans le fond, lorsqu'on fait des opérations comme ça, il y a peut-être aussi une forme, je dirais, de récurrence des mécanismes qu'il faut prévoir pour que, déjà, on puisse savoir qu'on peut refaire une opération comme ça, ad hoc, avant que la liste remonte. C'est quelque chose à faire attention.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que la démonstration a été faite. Même si c'est sporadi-que comme mouvement, c'est possible. Je pense que l'élément le plus positif de tout ça est de dire que c'est possible, en autant que ça soit concerté, pour le bénéfice de ceux qui attendent après les services.

Mme Denis: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, le phénomène de récurrence m'apparaît assez important aussi. Je pense qu'on aura l'occasion

d'échanger là-dessus au cours du mois de février pour une solution plus globale. M. le Président avait peut-être...

Le Président (M. Joly): Excusez-moi. M. Plamondon et M. Perreault, par après.

M. Plamondon: Je dirais que c'est peut-être ça qui est le défi, au fond. Dans ce sens-là, la loi 120 veut améliorer ça, veut nous faire fonctionner plus par programme que par établissement, etc., mais ça reste un défi. Et, si on veut faire image, c'est que, dans le système commercial habituel, par exemple, on se bat pour avoir la clientèle et ce qui est terrible dans le réseau c'est qu'on se bat à un moment donné pour ne pas avoir la clientèle. Ça fait image, mais c'est ça. C'est terrible, au fond, quand on regarde ça. On se dit: C'est pas nos clients, c'est au CSS; non c'est au CLSC. Dans ce sens-là, on a un défi extraordinaire.

Par exemple, ce matin, quand on vous dit - et ce n'est même pas chez nous que ça va venir: Oui, il faut plus de travailleurs sociaux dans le scolaire, pourquoi? D'abord, on va prévenir. Il va y avoir moins de monde qui va se ramasser à la protection de la jeunesse et, ensuite, le signal va venir plus vite. Il y a des cas qui vont être des cas de DPJ, mais je pense que le rapport Bouchard l'a montré, plus on intervient vite, plus ça va être léger. On va faire des économies à tous les niveaux, y compris, d'abord, pour le bien-être de la famille mais même en termes de coûts. En même temps, c'est un défi énorme. Comme je vous disais tantôt, on se bat quasiment pour ne pas avoir la clientèle, alors que, normalement, dans le marché, on se bat pour garder sa clientèle.

Le Président (M. Joly): M. Perreault.

M. Perreault (Jacques): Je veux simplement ajouter sur ça qu'autant c'est un projet mobilisateur en termes de partenariat, même à l'intérieur des CSS, pour les gestionnaires, pour les intervenants, c'est un projet mobilisateur en autant qu'on le voit limité dans le temps. Je pense que vous avez entendu les intervenants dire qu'ils viennent de vivre quelque chose de bien intéressant mais qu'ils commencent à être essoufflés de le vivre. Par contre, ce que ça permet, ce que ça nous a permis, avec des objectifs clairs qu'on s'est fixés et avec le développement d'un partenariat, je dirais que c'est une porte d'entrée dans la réforme. Parce que les partenaires qu'on a eus dans cette opération sous forme de blitz, ce sont nos partenaires de demain dans la planification et l'organisation de la dispensation de tous les services à l'enfance dans une région.

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes, comme je l'ai dit tantôt, l'un des rares qui avez évoqué peut-être même l'obligation qu'on a de revoir le panier. L'opération de revoir le panier, ça ne veut pas dire que ton but premier est de sortir des choses du panier. Je pense que c'est de se questionner sur la pertinence de ce qu'on fait et finalement, aussi, de faire éventuellement, à partir d'un certain nombre de paramètres qu'on se donnera, un choix sur la capacité de l'État d'assumer encore, en partie ou en totalité, un certain nombre de services.

Globalement, sur le plan des solutions, vous en arrivez à dire: Tarification, peut-être que oui ou oui sur le plan des médicaments. Comme vous avez eu, et vous avez toujours la responsabilité d'un certain nombre de familles d'accueil pour personnes âgées - on connaît le phénomène des médicaments chez les personnes âgées, avec toutes les conséquences - qu'est-ce qui vous amène à dire que vous êtes ouverts à une proposition comme celle-là, ayant compris qu'il faut d'abord de l'efficience et de l'efficacité? Aussi, au niveau des médicaments, est-ce qu'il n'y a pas de l'efficience et de l'efficacité par une moins mal consommation des médicaments ou ainsi de suite?

Mme Denis: Ou certains contrôles lorsqu'il y a répétition, etc. Oui, je pense qu'il y a aussi des mesures d'efficience, d'efficacité au niveau de l'utilisation des médicaments, notamment par les personnes âgées. Mais, ce qui nous a amenés à dire: Oui, s'il le faut, allons vers une tarification pour les médicaments pour les personnes âgées, c'est vraisemblablement le fait de dire: Dans le fond, sauf les bénéficiaires d'aide sociale, l'ensemble des citoyens du Québec paient pour leurs médicaments. Et c'est le fait d'avoir 65 ans qui devient la barrière ou, si vous voulez, le fait qu'on ne paie plus. Or, et on en voit dans nos clientèles, il y a beaucoup de jeunes mères de famille monoparentale, qui ont trois enfants dont un a une maladie chronique, qui ne sont pas sur le bien-être, qui sont à faibles revenus et qui paient leurs médicaments. Et, nous, on dit: Si ces gens-là paient, il faut que le principe d'équité s'applique partout. Et il est peut-être plus difficile, à certains égards, pour certaines catégories de clientèles qui ne sont pas au-delà de 65 ans d'assumer ces frais-là que ça peut l'être pour les gens de 65 ans et plus, à un certain niveau de revenus. C'est ce raisonnement-là qui nous a amenés vers cette approche-là.

M. Côté (Charlesbourg): C'est aussi une question d'équité...

Mme Denis: Sociale.

M. Côté (Charlesbourg): ...sociale. Juste en terminant, M. le Président.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): D'entrée de jeu, vous avez signalé une lacune du document que nous reconnaissons d'emblée sur le plan des statistiques ou des éléments statistiques comparables sur le plan du social, non pas uniquement santé sociale au Québec mais c'est un phénomène qui se retrouve aussi en Ontario, qui se retrouve au Canada, qui se retrouve à peu près partout II y a effectivement là des problèmes que nous reconnaissons. Évidemment, le virage, il faut qu'il se fasse là aussi. Et, pour être capable d'avoir un virage productif et efficient, il faut être capable de compter sur des données qui nous permettent de prendre des bonnes mesures, à ce moment-ci. Est-ce que le CQRS n'est pas un outil qui a été jusqu'à maintenant sous-utilisé par rapport au FRSQ, par exemple? Dans le domaine de la santé, est-ce que le CQRS ne serait pas, pour nous, l'outil, sans dire que c'est l'outil idéal, disons un outil de premier plan pour faire en sorte qu'on puisse cheminer dans ce mouvement statistique qui nous aidera à ce virage ou à ce changement de cap?

Mme Denis: o.k. je pense que, oui, le cqrs est un instrument pour sûrement développer des meilleures approches comparatives, notamment entre les provinces et les pays. je vous dirais cependant qu'uniquement le cqrs, quant à moi, ce n'est pas suffisant parce qu'on a un ménage à faire chez nous aussi. ce que je veux dire c'est que même dans nos propres statistiques, juste faire l'effort de retrouver quelles sommes sont affectées aux services aux jeunes, c'est difficile. au niveau des css, ça sera sûrement plus facile d'ici un an, mais il faut aller chercher dans le centre d'activités des ressources familles d'accueil. alors, je dis juste que je pense - ça, c'est dans notre propre réseau - que l'exercice pour les clsc n'est pas plus facile que d'identifier... alors, je dis que, pour être capable d'avoir une intervention, une approche par le cqrs, oui, mais je pense qu'il faut aussi, à côté, en termes de gestion et de données d'information, de systèmes d'information, avoir une démarche à l'intérieur avec les producteurs de services et le ministère pour être capables de bien camper de quoi on parle.

M. Asselin (Jean): Si vous me permettez... Le Président (M. Joly): Oui, s'il vous plaît!

M. Asselin: Dans ce cadre-là, le ministère de la Santé et des Services sociaux avec les conseils régionaux financent des projets de développement de banques de données, dans le cadre des projets MSSS-CRSSS et ceux qui ont trait à l'application de la loi de la protection de la jeunesse, le logiciel qui va permettre, effectivement, de cumuler des informations au niveau global et de transférer au ministère va être déployé dans les prochains mois. Et ça pourrait rencontrer un des objectifs qui est souhaité, d'avoir des données comparables au moins pour cette législation-là.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. M. Plamondon, messieurs et Mme Denis, au nom de l'Opposition officielle, bienvenue aussi à cette commission. C'est un langage qui amorce bien la journée, calme, déterminé, dans le sens de reconnaître qu'il y a, en matière de financement des services de santé et des services sociaux au Québec, indéniablement un problème majeur. Ce n'est pas tout d'identifier les coupables, ce n'est pas tout d'identifier le mal, il faut aussi, comme société, faire le maximum d'efforts, partout où on peut les faire, pour sauver la mise, pour sauver les éléments du caractère distinct de cette société, qui est son régime de santé et de services sociaux avec ses caractéristiques et les caractéristiques pour lesquelles vous modulez aussi la définition, en termes de gratuité d'accessibilité, bien lire les choses telles qu'elles sont et non pas telles qu'elles apparaissent uniquement. Ça, c'est important.

Évidemment, sur le plan du diagnostic, d'aucuns diraient: Bon, les représentants de l'Opposition, les membres du Parti québécois vont varioper un peu sur le long terme, mais il faut être capable, je pense, de lire comme il faut la situation et les personnes qui sont avec nous aujourd'hui. Si vous n'avez pas tellement insisté sur la question de la présence et surtout de l'absence du gouvernement fédéral, vous avez tous compris, on a tous compris là-dedans que c'est un acteur majeur et que, par ailleurs, ça ne nous empêche pas de regarder... Et, moi aussi, j'aime mieux regarder ça, pour l'instant, parce que, dans trois semaines, un mois, deux mois, il va falloir prendre des positions pour sauver les acquis. J'aime mieux que l'on regarde cela dans un premier temps. Dans un deuxième temps, inévitablement de toute façon, au plan global de la société québécoise, qu'on le veuille ou non, il y a des échéanciers qui vont se présenter et on fera le ménage, si le ménage est à faire, pour conserver nos choses.

Je reviens, quant à moi, au départ, sur la question du niveau de dépenses. Une petite vite d'abord. Est-ce que je comprends bien que globalement, dans le système, compte tenu des éléments vieillissement de la population, problématique sociale, dislocation des familles, problématiques généralement reconnues dans la société et auxquelles vous faites référence aussi, vous dites: Dépenses de santé pour le prochain cycle, grosso modo, IPC + 3 %? C'est ce que vous dites. Cependant, vous dites - et j'aime bien votre expression, je vous le dis en passant: On va

aller dret au magot, droit au magot. On va aller au paquet. Ça ne sert à rien de niaiser sur la poque, comme diraient d'autres. On va aller droit au magot. Écoutez, ce n'est pas à vous autres les mots, je vais les employer, vous dites: C'est le complexe médico-hospitalier qui est dans les 8 000 000 000 $ et c'est peut-être là qu'il faudrait aller.

Quelles sont les conditions... Je me prendrais plus loin que ça un petit peu. Est-ce que, vraiment, c'est possible, madame, messieurs, de penser que le complexe médico-hospitalier va virer et qu'on est capable de le faire virer? Et quelles sont les conditions qu'on devrait mettre en place pour s'assurer qu'il vire, ce système-là? Vous comprenez bien le langage, je pense. Je fais tout de suite un commentaire en terminant ma question, en disant que - on va revenir tantôt sur les listes d'attente - quand tu es à l'entrée, physiquement pris avec un malaise, tu veux des soins et, grosso modo, on a vu qu'on répond de façon généralement bien au Québec à cette demande de soins.

Alors, si on veut faire virer le système, est-ce possible et quelles conditions il faudrait faire apparaître pour que ça vire, je dirais, de 2 %? Parce que c'est ça votre suggestion.

Mme Denis: Je pense, d'abord, qu'une des premières conditions, et c'est vrai pour l'aspect du recouvrement de la santé comme c'est vrai dans les missions sociales, si on veut que les investissements aient un effet, par exemple, dans le secteur social, il faut les accrocher autour d'objectifs de santé et bien-être clairs et d'objectifs de résultats, autrement on saupoudre ou on investit mais sans savoir le bénéfice qu'on en cherche. Donc, je dis que, même du côté du recouvrement de la santé, par exemple, je pense que la politique de santé et bien-être qui était annoncée est essentielle à une approche comme celle-là. Donc, des objectifs clairs. (10 h 45)

Je dirais que je crois qu'il faut que les producteurs soient un peu commis dans ces objectifs-là et qu'ils soient, même s'il y a une certaine contrainte, commis à cette contrainte et prêts à faire un bout de chemin. Pour avoir entendu parler un peu de ce qui s'est passé en commission parlementaire depuis la semaine dernière, la perception qui se dégage, c'est que, oui, je pense que tous les producteurs de services sont conscients qu'il y a un niveau d'investissement qui a peut-être atteint son maximum en proportion, au moment où on se parle, et que tout le monde doit faire un effort supplémentaire. Et, donc, je pense que les producteurs de services doivent être un peu commis. Peut-être qu'il faut arriver aussi à inscrire des contraintes dans le système, c'est-à-dire un peu comme la question qui m'était posée par le ministre tantôt, peut-être qu'il faut réussir à viser quelque chose en disant: Si on n'atteint pas cet objectif- là... il devra obligatoirement, dans le fond, être atteint.

Je pense qu'il y a aussi tous les éléments incitatifs qu'on évoquait un peu tantôt. Vivre en contrainte, c'est peut-être aussi trouver les moyens de se donner, de se trouver des ressources internes et d'avoir un certain nombre d'incitatifs pour ce faire, pour être un peu plus novateurs, pour être... Et ça, je pense que le système d'incitatifs, il est exigeant, mais je pense qu'il doit accompagner une série d'autres mesures pour obliger les gens à vivre à l'intérieur d'une masse donnée.

Le Président (M. Joly): M. Plamondon.

M. Plamondon: Juste pour compléter. Je pense que la régionalisation est un élément important, aussi, pour mobiliser, autour d'objectifs, les différents producteurs partenaires. Et, dans ce sens-là, quand on parle non seulement, mettons, d'un plafonnement du budget de la Régie mais à un niveau régional aussi, je pense que ça, c'est un effet, aussi, qui peut le permettre, parce que les gens sont plus près des services, plus près d'une possibilité d'une concertation et d'un meilleur contrôle au niveau régional.

M. Trudel: Alors, ça demanderait, à cet égard-là, la définition, je dirais, d'une nouvelle forme de collaboration avec les producteurs. Parce qu'on a pu constater, à la lumière de ces mêmes réponses que nous avons obtenues en commission, ici, que ce qu'on pourrait appeler poliment la tension intergroupe ou intercorporative existe toujours et que le diagnostic de Rochon sur un réseau en otage, c'est loin d'être disparu. Vous, ce que vous dites, c'est qu'il va falloir installer, il va falloir être créatif au maximum pour impliquer les producteurs et poser des objectifs à atteindre. Mais vous dites en même temps: Avec ces producteurs. C'est ça que vous dites?

Mme Denis: Je pense que l'exemple qu'on évoquait tantôt sur ce qui s'est passé au niveau des listes d'attente dans les CSS, où on s'est assis autour d'une table avec les centres d'accueil de la région, les CLSC, bien souvent, le centre de services sociaux, le conseil régional et il y avait un objectif de fixé, d'abaisser la liste d'attente... Dans le fond, la question, c'est: Comment chacun peut faire pour arriver à atteindre cet objectif-là? Qu'est-ce qu'on peut mettre de l'avant, quels moyens peut-on prendre? Et je dis que, quand on a des objectifs comme ça, je pense que ça aide à s'éloigner un peu des intérêts spécifiques des uns et des autres, qui seront toujours là de toute façon. Je pense que c'est normal que les gens aient des intérêts qui ne soient pas tout le temps convergents, mais je dis que l'expérience qu'on a vécue dans ce

sens-là, elle a été positive, de dire: Autour d'un objectif donné, on assoit les gens autour de la table et chacun doit contribuer. Et c'est sûr que les gens n'ont pas tellement le choix que de contribuer non plus, si vous voulez. Il y a une forme de contrainte autour de l'objectif. Mais, moi, je pense que c'est une voie par laquelle on peut faciliter un partenariat plus grand autour d'objectifs mesurables.

Le Président (M. Joly): Oui, M. Perreault.

M. Perreault: Et c'est clair que ce qu'il y a dans la réforme... Parce que je pense que notre base, l'expérience qu'on a vécue avec les listes d'attente, comment on a mobilisé le monde à l'interne, qui sont les producteurs, entre guillemets, en plus de ceux à l'externe, on s'est rendu compte, dans le fond, que plus les gens étaient concernés, plus ça devenait leur liste d'attente et leur résultat à obtenir. Mais la réforme qui s'en vient, avec un certain nombre de regroupements qu'elle propose, particulièrement dans le social, je pense qu'elle va nous inciter encore plus, qu'elle va favoriser ces rapprochements-là. Que ce soit en déficience au niveau des personnes âgées ou au niveau de l'enfance, la réforme va encore plus forcer le partenariat et fa complémentarité.

Le Président (M. Joly): M. Asselin.

M. Asselin: Et, dans ce sens-là, M. Trudel, les régies régionales, comme lieux de concertation pour définir des objectifs et des plans régionaux d'organisation de services centrés sur des résultats, ça pourrait être un moyen efficace de réaliser ces objectifs.

M. Trudel: Si vous aviez du papier là-dessus, j'aimerais ça l'avoir parce que j'ai un petit «deux» avec le ministre sur les économies par rapport à la loi 120. J'ai un petit «deux» qu'on a gagé hier soir.

M. Côté (Charlesbourg):...

M. Trudel: Et j'en ai remis par-dessus. J'ai remis un 2 $ pour aller voir. Je voudrais voir le résultat Mais ce n'est pas ça, l'essentiel.

Mme Denis: Vous fournissez le papier. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que j'ai compris, c'est que notre gageure ne vise pas uniquement les futurs CPEJ.

M. Trudel: Non, non, non. L'ensemble du système.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Parce que je vais additionner les colonnes à la fin, dans tous les systèmes. Là-dessus, c'est même un peu surprenant de vous entendre, et je suis surpris dans le bon sens du terme. Même à l'intérieur de votre propre réseau, vous dites: Nous, on aimerait ça être capables de trouver une espèce d'incitatif pour aller encore vers des ressources qu'on pourrait appeler plus légères ou alternatives. Quand on sait que maintien à domicile et familles d'accueil... Et ce n'est pas facile à gérer parce que ça fait une multiplicité d'intervenants. Est-ce que vous pensez - puis je ne veux pas tenter le diable pour rien - que, dans l'autre réseau, là où est le magot, de votre poste d'observation, on peut, de façon marquée, alléger encore les ressources pour la dispensation des services? Je pourrais la poser en d'autres termes aussi: Est-ce qu'en termes d'institutionnalisation on n'y va pas encore de façon beaucoup trop marquée au Québec et est-ce qu'il n'y a pas, quant à vous, de votre poste d'observation, des efforts supplémentaires majeurs qu'on pourrait réaliser dans ce secteur aussi?

Le Président (M. Joly): Mme Denis.

Mme Denis: Je vais vous répondre par rapport à ce qu'on peut appeler l'institutionnalisation au niveau jeunesse, dans un premier temps, c'est-à-dire les jeunes qui sont placés, et on peut se poser la question à savoir si, oui ou non, on institutionnalise trop ou pas. D'abord, je vais vous dire que ce n'est pas facile de répondre et ce n'est pas les comparaisons entre le Québec et l'Ontario qui peuvent nous servir beaucoup là-dedans; elles comparent des pommes et des oranges. Cependant, effectivement, on fait, à l'heure actuelle, une démarche en se disant qu'il arrive qu'on place des enfants parce qu'il n'y a pas d'alternative. Ce n'est pas tous les cas, mais je dis que c'est des situations qui arrivent.

Quand il serait possible, par exemple, d'envoyer dans une famille une auxiliaire familiale trois jours par semaine et peut-être, en aidant la mère ou en aidant l'enfant, d'éviter qu'il y ait un placement et que cette intervention soit plus intensive, il nous est à peu près impossible, compte tenu des règles actuelles d'utilisation des fonds en fidéicommis, de développer ce genre d'approche. Je dis que le taux exact ou l'objectif exact en termes de taux d'institutionnalisation qu'on devrait atteindre n'est peut-être pas connu. Quel est le taux idéal?

Maintenant, chose certaine, on a des efforts à faire pour aller du côté du secteur jeunesse vers le développement d'alternative au placement, lorsque la situation le permet. Dans les cas de négligence d'enfants, par exemple, il y a des situations où on pourrait favoriser le développement d'alternative. Mais je dis en même temps que c'est difficilement possible au moment où se

parle. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le rapport Bouchard où il est clairement expliqué aussi qu'il serait intéressant qu'à tous les niveaux de services dispensés aux jeunes, les gens fassent des efforts de prévention. C'est un peu dans cet esprit que nous disons que peut-être un des incitatifs ou une des approches serait de dire, par rapport aux fonds perçus chez les parents dont les enfants sont placés: Gardons-en un certain montant pour développer des solutions alternatives au placement, sachant aussi que de l'alternative au placement il doit s'en développer ailleurs.

Le Président (M. Joly): M. Plamondon.

M. Plamondon: Dans le même sens, quand on parle de ressources plus légères que le placement, prenons l'exemple du réseau des garderies. Dans le cas où une mère est surchargée, vit des choses émotivement difficiles, l'utilisation du réseau des garderies serait peut-être des fois plus efficiente et peut-être moins coûteuse si on avait des marges pour les supporter de ce côté-là. Ça, c'est du côté social. Maintenant, du côté de la santé, c'est sûr qu'il y a des gens qui sont venus ici qui sont plus du domaine, qui vous ont déjà ouvert des pistes. Je pense à la médecine d'une journée au lieu d'hospitaliser. C'est sûr que, si les ressources de maintien à domicile sont plus fortes, les personnes hospitalisées pourront peut-être sortir plus vite. C'est d'ailleurs un choix qu'elles ont souvent, elles préfèrent être chez elles, etc. Les médecins ont reconnu eux-mêmes que certains actes pourraient être faits par des infirmières, peut-être au niveau de la délégation. Je pense qu'ils l'ont reconnu devant vous. Moi, je pense même simplement, par exemple, au traitement des verrues plantaires. Actuellement, beaucoup de gens vont chez le dermatologue et c'est coûteux. Il y a des podiatres, c'est dans le privé. Moi-même, c'est un secret, ça reste entre nous, je fais traiter mes verrues plantaires par ma podiatre. C'est ma contribution, M. le ministre. Alors, je sauve ça à l'État. Mais mes assurances, comme travailleur, me permettent de me payer ça. C'est un exemple parmi tant d'autres, l'exemple de la podiatrie, mais c'est moins coûteux. Peu importe qui paie, que ce soit moi ou l'État, c'est moins coûteux. Et il y a sûrement beaucoup d'autres exemples comme ça où des ressources plus légères, moins coûteuses peuvent donner le service.

Mme Denis: J'ajouterais peut-être aussi qu'entre ce qu'on appelle le maintien à domicile et l'institutionnalisation, quand on pose le problème uniquement en termes d'institutionnalisation ou de rester chez soi, moi, je dis, entre les deux: des solutions intermédiaires de ressources de familles d'accueil qui sont peut-être à développer encore plus qu'elles ne l'ont été jusqu'à maintenant pour éviter, effectivement, qu'on institutionnalise puisque, pour des adultes et pour des personnes âgées, vivre dans une ressource intermédiaire, ce n'est pas tellement être institutionnalisé, mais c'est beaucoup plus se recréer un milieu de vie.

M. Trudel: Je n'ose pas vous raconter mon bout de verrue plantaire, moi! Je pense que c'a coûté plus cher que vous avant que je m'en aperçoive.

M. Plamondon: C'est long.

M. Trudel: Là-dessus, il y a le podiatre puis 11 y a la vaseline saiicylée aussi. ça coûte pas mal moins cher, ça.

Un des problèmes dans le réaménagement ou la redéfinition de la direction à savoir comment on dispense les services avec des producteurs ou avec des ressources plus légères, c'est comment faire passer ça sur le terrain. À quelque part, on dirait que le canal se bloque. Tu arrives au niveau de l'immédiat de l'établissement et il y a une série de conditions qui sont là comme, par exemple: Tout le monde le fait comme ça, ça fait que je vais le faire comme ça. On dirait, à certains égards - c'a été véhiculé - qu'on ne se reposerait pas suffisamment de questions sur la façon de gérer les ressources, parce que le système invite - comme tous les systèmes d'ailleurs - à un certain immobilisme. De votre point de vue, il y a quand même un élément nouveau qui s'est promené dans le décor par rapport à un problème, au cours des dernières années, quand on est arrivés face aux urgences, c'est le GTI, le Groupe tactique d'intervention.

Certains ont dit: C'est de la «bullshit»! C'était pour les journaux puis c'était pour le spectacle. D'autres ont dit: Bien, au lieu de mettre 500 000 000 $, on a mis de la réflexion puis de la gestion de lits. C'a donné des résultats que certains disent assez spectaculaires. Est-ce que vous n'avez pas l'impression, au niveau organisationnel, quant à une masse de 12 000 000 000 $ de dépenses, 250 000 salariés et un nombre d'établissements qui va au-delà de 1000 établissements, qu'on devrait avoir, à tout le moins, ce qu'on pourrait appeler un gto, un groupe tactique organisationnel, qui ne soit pas la police, mais le groupe-conseil permanent qui aide, qui suscite, qui pousse dans telle direction, par exemple, des ressources plus légères? avez-vous déjà regardé ça?

Mme Denis: Je ne me suis jamais arrêtée à penser à une formule comme celle-là, bien honnêtement et bien simplement. C'est parce que, dans l'exemple que vous donnez du GTI, un aspect qui est intéressant, c'est peut-être quand on dit: Le réflexe, c'est aussi d'utiliser les ressources plus lourdes. Au niveau de l'opération qui a été faite pour le désengorgeaient des

urgences, il y a plusieurs équipes qui comprenaient, notamment, des travailleurs sociaux. Et je pense que, quand des gens se présentent à l'urgence et que la gravité de leur problème ne requiert pas nécessairement l'utilisation de cette ressource lourde qu'est l'urgence et l'hôpital et qu'un contact, une rencontre avec le travailleur social peut aider à bien faire la part à savoir où est le problème et le référer vers la bonne ressource, on vient de faire des gains en termes d'organisation des services et de réflexes des gens à une meilleure utilisation des ressources plus légères.

J'étais contente que vous apportiez cet exemple, parce que je trouve que c'est un bon exemple, je dirais, d'un mariage entre la dimension santé et la dimension sociale qui sont bien unies là, qui ont donné des résultats et qui ont aussi pour effet de faire en sorte que les consommateurs peuvent, eux aussi, développer d'autres réflexes. Ça n'a pas juste un effet à court terme sur le désengorgement de l'urgence, mais c'a un effet à moyen terme sur le comportement du consommateur. La première des choses. (11 heures)

La deuxième des choses, si on reprend par rapport à vos préoccupations sur l'organisation, sur l'ensemble des organisations, je ne sais pas si c'est un GTO qu'il faut. Ce que je crois, cependant - nous, on va le vivre de façon très concrète dans les prochains mois et les prochaines années - c'est qu'on est appelé, avec l'implantation de la réforme, à se reposer des questions sur nos organisations. Chaque établissement, de par la loi, va être appelé aussi à revoir son plan d'organisation, à le refaire et à le déposer. Donc, je me dis que, s'il y a là des activités et des efforts de rationalisation à faire, à court ou à moyen terme, je pense que c'est cette occasion-là, qui est «built in» dans la loi, qui devrait être le moment de vérité. S'il reste des problèmes, bien, mon doux, on verra c'est quoi la mécanique, pour le suivre après.

M. Trudel: Rapidement.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Oui, M. Plamondon.

M. Plamondon: Au fond, il faut éviter le système soviétique, et c'est ça qu'est le danger de la bureaucratisation. Quand je disais tantôt: Ce n'est pas mon cas, c'est comment faire pour qu'il y ait une espèce de «joint venture» et que tout le monde ensemble, dans une région, que ce soit au niveau de l'urgence, social, santé, on mette ensemble... C'est extraordinaire ce qu'on a comme ressources, mais le problème, c'est qu'elles ne travaillent pas souvent ensemble. La loi 120 est déjà un effort, mais, pour moi, pour qu'elle se concrétise - c'est le défi - c'est la prise en charge par les citoyens. Le citoyen qui vient présider au conseil, lui, il ne travaille pas dans cette botte-là; lui, ce qu'il veut, en bout de ligne, c'est que les gens de sa région, de son district de CLSC aient des services, les meilleurs services. Que ce soit donné par le CSS, lui, il s'en fout et c'est bien correct.

À mon avis, la gageure, c'est que, si les citoyens peuvent prendre au sérieux les marges que la loi leur donne, c'est eux qui vont sauver le système, ce n'est pas les producteurs tout seuls. Il faut mettre à contribution les producteurs. Mais, tout seuls, on peut tomber dans le système soviétique. Ce qui peut nous sauver, c'est la démocratisation, c'est les citoyens. C'est eux qui paient et ça doit être eux qui contrôlent.

M. Trudel: C'est rafraîchissant. Le Président (M. Joiy): Merci.

M. Trudel: Ça fait de la gazoline dans le système.

Le Président (M. Joly): Une dernière question, M. le député, s'il vous plaît.

M. Trudel: Dans les dernières questions... Sur les mesures de financement, en particulier pour l'optométrie, pour les yeux et pour les dents aussi, vous dites: Sauvez les enfants! S'il vous plaît, sauvez les enfants!

M. Plamondon: Oui.

M. Trudel: On est d'accord avec ça. Jusqu'à maintenant, ça aurait tout l'air que, rendu aux dernières journées des débats, on a sauvé les enfants. Si on a sauvé les enfants...

M. Plamondon: C'est déjà ça.

M. Trudel: ...pour les dents et pour les yeux, bien... pour les dents, ce qui était annoncé, c'était tout pour les enfants, donc réglé pour ça.

M. Plamondon: C'est ça.

M. Trudel: Les yeux, les 19 ans et moins, ils seraient sauvés. Il reste donc une petite partie. Quant à moi, je pense que ça vaut la peine de le traiter d'une façon particulière. Vous, vous le dites en termes non pas d'utilisation des services...

M. Plamondon: Oui.

M. Trudel: ...c'est d'économies quant à l'essentiel, le non-essentiel et le complémentaire de base, dans la mesure où les propres producteurs ont offert à cette table, vendredi dernier, de baisser... Ils sont prêts à baisser la charge publique, la facture, le «bill». Dans la mesure où, avec les producteurs, on baisserait le «bill», on

baisserait la facture, vous seriez d'accord pour qu'on ne touche pas à ça, j'imagine, du moins jusqu'au moment où nous opérerons cette révision du panier à la lumière, je le dis comme vous l'avez dit, de critères socialement acceptables. Vous seriez d'accord avec ce genre de raisonnement pour le très, très court terme?

Mme Denis: Je vais vous dire que, par rapport aux services optométriques comme par rapport aux services dentaires - le dentaire, ça touchait uniquement les jeunes - effectivement, il ne faut pas toucher à ces services-là pour les jeunes. D'un côté, il y a là un élément de prévention; de l'autre côté, ce sont des tiers qui décident au nom des enfants. Donc, il y a quelque chose, là, à protéger. Quand on avait regardé les services optométriques, je dois dire, au moment où on a écrit le mémoire, je pense que... Les discussions et les échanges qui ont eu lieu ici, évidemment, sont arrivés après. Est-ce qu'on serait d'accord pour réviser notre position et pour se reposer la question? Oui, on serait d'accord pour se reposer la question.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le député, s'il vous plaît.

M. Trudel: Alors...

Le Président (M. Joly): C'est fini.

M. Trudel: ...c'est la guillotine.

Le Président (M. Joly): Malheureusement. On a une cédule...

M. Trudel: C'est tombé, c'est fini.

Le Président (M. Joly): ...très chargée ce matin...

M. Trudel: Je n'ai pas le droit de dire ça du président, honnêtement, puisqu'il gère bien ce travail de la commission.

Le Président (M. Joly): ...et le temps nous manque.

M. Côté (Charlesbourg): Ça, ce n'est pas un GTO, c'est un GT, c'est gestion du temps!

M. Trudel: GTL, de Laval, à part ça. Alors, merci, Mme la directrice générale, M. le président et messieurs, de cette présentation.

Le Président (M. Joly): C'est bien.

M. Trudel: Oui, il y a un bon nombre de pistes et ça arrive, je pense, à point nommé, à la dernière journée de ce débat, où tout de suite on peut, le moins qu'on puisse dire... Souvent on réclame des débats sur des questions importantes dans notre société. On arrive à la fin et on dit: On n'a pas avancé d'un pouce, ça n'a rien changé. Il y a au moins deux choses qu'on peut dire, c'est que des débats publics sur des enjeux sociaux importants comme notre régime de santé et de services sociaux, nul doute que nous devions les faire, sans l'ombre d'un doute, avec ce que nous avons entendu chez vous ce matin et de la part d'autres intervenants. Deuxièmement, quant à vous, vous faites progresser le débat, c'est le moins qu'on puisse dire. Maintenant, il va s'agir de sauter dans nos bottines et de distribuer quelques coups de pied au derrière, quand il s'agit de l'autre bord de la rivière, et de s'organiser pour plus d'efficience dans certains secteurs, tel que vous le suggérez, avec une vision qui fait appel au partenariat et non pas seulement au bâton, pour en arriver à conserver les acquis du système. Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): À mon tour de vous remercier en fermeture de la même manière qu'en ouverture. Bien souvent ou plus souvent qu'autrement, les commissions parlementaires sont un exercice, effectivement, sur lequel on peut s'interroger. Je pense qu'avec le genre de prestation que vous avez faite ce matin, c'est rafraîchissant d'avoir des commissions parlementaires. Même si ça fait 22 ou 23 semaines, là, pour répéter notre chanson, c'est rafraîchissant, c'est voir l'évolution qu'on peut avoir, la manière dont on peut progresser. Je pense que vous l'avez démontré de manière assez évidente ce matin. M. le président, il était rafraîchissant de vous entendre. J'aurai au moins la consolation de pouvoir dire que j'ai un exemple, à travers le réseau - j'en ai un dans les CLSC avec M. Payette et j'en ai un dans les CSS aussi avec vous - de quelqu'un qui veut appliquer l'esprit de la réforme, citoyen d'abord. Et ça, je trouve ça mauditement rafraîchissant et stimulant pour être capable d'en faire un bout, parce qu'à l'occasion, oui, effectivement, on s'essouffle et on manque de gaz. C'est une bouffée d'oxygène ce matin que de vous avoir entendus, en souhaitant qu'on pourra continuer de progresser à ce rythme-là, de faire les ajustements de trajectoire en cours de route pour être capables d'y arriver avec un fonds de santé sociosanitaire. C'est le meilleur moyen d'arriver aux objectifs qu'on poursuit ensemble, avec l'ouverture des gens, parce que, malgré certains aspects de fermeture ou, sur certains aspects, des fermetures d'esprit, quand même, globalement, ça progresse et c'est ça qui était très, très intéressant. Merci beaucoup. Ça va très certainement inspirer le restant de la commission et les jours qui vont suivre parce que ceux-là aussi vont être assez importants sur les décisions. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir, moi aussi, à mon tour de vous remercier de votre contribution. Merci beaucoup. J'inviterais maintenant les gens de la Fédération des CLSC du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. (11 h 15)

La commission reprend ses travaux. Bonjour et bienvenue aux gens de la Fédération des CLSC du Québec. M. Payette, s'il vous plaît, bien vouloir nous introduire les gens qui sont avec vous.

Fédération des CLSC du Québec

M. Payette (Maurice): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, je voudrais d'abord vous présenter mes collègues: à l'extrême gauche, Mme Carole Lalonde, qui est conseillère cadre à la Fédération et qui a beaucoup travaillé à la confection du mémoire qui vous a été envoyé; Mme Martine Thériault, qui est présidente du conseil d'administration du CLSC Le Norois, à Alma, et qui est aussi présidente du Regroupement des CLSC de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean; à ma droite, M. Marcel Sénéchal, directeur général intérimaire de la Fédération; à ma gauche, M. Conrad Sauvé, qui est vice-président du CLSC Saint-Louis du Parc, à Montréal, et qui est aussi président du Regroupement des CLSC du Montréal métropolitain; enfin, M. Michel Bissonnette, qui est directeur des communications.

M. Côté (Charlesbourg): Ah! C'est lui, ça.

M. Payette: C'est lui, ça, M. le Président. J'aimerais aussi...

M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai compris, on a chacun notre Michel Bissonnette.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payette: II y en a plusieurs, mais il ne faut pas faire de confusion.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Ha, ha, ha!

M. Payette: J'aimerais aussi rappeler que je...

Le Président (M. Joly): M. Payette, vous avez environ 30 minutes pour nous exposer votre mémoire.

M. Payette: 30 minutes? On va se partager ça.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Payette: On s'est entendu à l'effet que la présentation des mémoires sera faite par des citoyens décideurs, peut-être pour démontrer, M. le ministre, que je ne suis pas le seul à prendre au sérieux ce rôle-là. J'ai beaucoup de collègues au sein du réseau, comme les deux collègues qui m'accompagnent, Mme Thériault et M. Sauvé, qui sont des bénévoles et qui travaillent avec beaucoup d'ardeur comme citoyens décideurs. J'aimerais vous dire, au début, que nous apprécions grandement le fait qu'un débat démocratique puisse se faire sur le problème crucial du financement du système de santé et des services sociaux. C'est un signe de santé de notre démocratie, je pense. Comme citoyens-payeurs et comme citoyens décideurs qui oeuvrons dans un réseau d'établissements, nous sommes heureux d'apporter, si possible, une contribution qui pourra servir à résoudre les difficultés, sinon les impasses que nous rencontrons.

J'ai lu très attentivement le document sur le financement qui nous a été présenté par le ministère. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce document parce que, d'une part, il était bien fait, relativement accessible pour le non-initié que je suis et, surtout, parce qu'il renferme un ensemble de pistes et d'orientations que je trouve très constructives. Nous sommes d'accord avec la grande majorité des orientations, mais, en gros, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Pour nous, ça ne sera pas suffisant de faire mieux, on pense qu'il faut faire autrement, et c'est le titre de notre mémoire.

Au mois de mars 1990, en présentant à votre commission le mémoire de notre Fédération, j'ai utilisé une métaphore qui a frappé l'imagination de plusieurs, dont celle de M. le ministre: la pyramide. Le système actuel, disions-nous, ressemble à une pyramide qui est à l'envers parce que sa base, étroite et fragile, doit supporter un sommet qui tend à s'élargir et à menacer la stabilité de l'ensemble. Depuis ce temps, le livre blanc «Une réforme axée sur le citoyen» et la loi 120 ont amorcé, reconnaissons-le, un certain nombre de virages: axer le système sur le citoyen plutôt que sur le producteur de services, décentraliser les processus décisionnels vers les niveaux régionaux et locaux, fixer et poursuivre des objectifs de résultats plutôt que de distribuer des services, consolider les services de première ligne en faisant du CLSC la porte d'entrée majeure du réseau. comme le dit, à certains moments donnés, m. le ministre, la pyramide, ça s'en vient. ça s'en vient, mais, pour aller jusqu'au bout de la logique de l'inversion de la pyramide, il me paraît nécessaire de modifier, de façon assez radicale, la cadre financier actuel. l'impasse financière, à mon sens, ne consiste pas à ne plus avoir les moyens de payer pour un système accessible, gratuit et universel, mais plutôt à laisser les coûts du système se gonfler vers le

haut de la pyramide. Pour vraiment inverser la pyramide, il faut éviter le piège qui consisterait à ajouter de l'argent pour régler le problème. Ce serait, à mon sens, faire plus de la même chose. Je me permets, là-dessus, de rappeler qu'au cours des 10 dernières années, nous avons tenté de régler le problème des urgences des hôpitaux en mettant plus d'argent, plusieurs centaines de millions. Il aura fallu le courage d'un ministre pour mettre sur pied un groupe d'intervention, dont il a été question tout à l'heure, qui a conclu que le problème est plutôt un problème d'organisation et de gestion qu'un problème financier: faire autrement plutôt que faire la même chose. Pour inverser la pyramide des coûts, il faudra modifier les comportements souvent luxueux de certains producteurs de services, parfois en conflit d'intérêts, plutôt que de rationner ou de taxer le citoyen-utilisateur.

Pour livrer le courrier dans une grande ville, dans un centre-ville, les petites Toyota sont moins coûteuses et plus efficaces que les grosses Cadillac. Inverser la pyramide va nécessiter une révision de la flotte de nos voitures. Pour inverser la pyramide, il faut arrêter, à mon sens, la croissance des ressources lourdes dont la pertinence est souvent douteuse, comme plusieurs études le démontrent, et transférer rapidement les économies vers les ressources légères, la prévention, les services de première ligne. Inverser la pyramide, c'est aussi, comme le reconnaît le document ministériel, cesser, le plus tôt possible, d'intervenir presque exclusivement en aval dans les services du réseau pour investir, prioritairement, en amont, en intervenant sur les comportements, les habitudes de vie et les difficultés. Faire de la prévention, c'est aussi bien empêcher le mal d'apparaître qu'intervenir rapidement pour éviter la détérioration et faciliter la réadaptation. C'est aussi aider les personnes à développer leurs compétences et leur capacité de faire face avec succès aux difficultés courantes. C'est aussi amener des communautés à s'entraider en prenant en charge, collectivement, le problème de la santé et de leur bien-être. Inverser la pyramide, ce sera aussi considérer que l'hébergement pour les personnes en perte d'autonomie n'est plus une alternative au maintien à domicile, donc stopper tout développement de l'institutionnalisation pour investir dans des services qui permettront aux personnes de demeurer dans leur milieu de vie naturel, chez eux, dans leur communauté, ce que 93 % de la population souhaitent, selon le sondage Léger et Léger.

Nous n'avons pas la prétention de présenter une solution miracle ni de pouvoir résoudre le problème complexe du financement du système. Vous avez entre les mains plusieurs cartes gagnantes, comme le démontre le document ministériel et, j'ai dû comprendre, comme aussi la commission parlementaire a permis d'en identifier un grand nombre. Nous avons cepen- dant la ferme conviction que la société québécoise a entre les mains une autre carte gagnante, un scénario qui a toutes les chances de contribuer, de façon efficace et significative, à résoudre le problème de la croissance des coûts.

Ce scénario, le scénario de la première ligne, nous paraît gagnant pour plusieurs raisons. D'abord, parce que les infrastructures du réseau public de première ligne sont déjà en place: un réseau de 158 établissements et de plus de 500 lieux de dispensation de services et, surtout, une expertise de 20 ans, 15 000 intervenants qui l'ont développée avec succès.

On apprenait récemment, dans les journaux, que l'Ontario vient d'annoncer son intention de couper les dépenses hospitalières pour créer un réseau de «community centers» qui ressemblent étrangement à ce que sont les CLSC. Je pense que nous avons une bonne longueur d'avance. Je me permets de rappeler que, le 13 décembre dernier, aux Îles-de-la-Madeleine, M. le ministre a déclaré publiquement: Si les CLSC n'existaient pas, il faudrait les créer, et il a ajouté: Je n'ai pas toujours pensé ça, mais je le pense maintenant et j'en suis convaincu.

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que, puisqu'ils sont là, il faut les rentabiliser.

M. Côté (Charlesbourg): C'est la logique.

M. Payette: C'est la logique. Une autre raison pour laquelle le scénario première ligne est une carte gagnante, c'est que je pense que la population du Québec a dit oui à son réseau de première ligne. La connaissance et l'utilisation des CLSC n'ont jamais cessé de croître. Le sondage du mois de décembre dernier, fait par une firme indépendante, indique que, maintenant, 3 000 000 de Québécois utilisent leur CLSC, 32 % pour des services individuels et 41 % si on ajoute les services collectifs. Lors du récent débat sur la vaccination contre la méningite, l'éditorialiste Alain Dubuc, de La Presse, écrivait: Le Québec veut mettre l'accent sur la prévention et les services communautaires. De plus, une étude macro-économique faite par le GRIS, dont vous avez une copie en annexe, démontre que ce scénario est non seulement soutenable financièrement, mais qu'il pourra engendrer des économies, et cela, très rapidement.

Je laisse maintenant à Mme Thériault le soin d'apporter quelques exemples concrets sur la prévention.

Mme Thériault (Martine): M. le Président, M. le ministre, M mes et MM. les députés, il me fait plaisir de participer aux travaux de cette commission. Vous savez, lorsque Maurice m'a approchée pour collaborer à la présentation de ce mémoire, il m'a posé la question comme présidente bénévole d'un CLSC: Est-ce que, nous autres, des CLSC, on peut faire autrement? Alors, avec la connaissance que j'ai du réseau en

ayant une implication de près de huit ans, j'ai trouvé une partie de la réponse assez rapidement, en disant: C'est déjà fait, les CLSC font déjà autrement. C'est dans la culture des CLSC. La présentation que je vais vous faire démontre la rentabilité d'un virage axé sur la prévention.

Une majorité d'experts dans le domaine sociosanitaire s'entendent pour dire que plus on intervient tôt, intensément et de façon préventive auprès des personnes, des familles et des communautés en général, plus les coûts, à moyen et long terme, s'en trouvent diminués.

Alors, cette démonstration-là, je vais vous la faire avec des exemples dans différents secteurs. Le premier secteur: l'enfance et la jeunesse. Une étude réalisée par le Dispensaire diététique de Montréal, en 1991, démontre que l'intervention des CLSC auprès des femmes défavorisées visant à diminuer le pourcentage de bébés à petit poids à la naissance de 12 % à 6 % entraîne des économies de 6 000 000 $ annuellement, et cela, sans compter les autres interventions qu'on ne comptabilise pas: la non-hospitalisation, les problèmes neurologiques, les problèmes de retard scolaire, etc.

Si on généralisait ce principe à l'ensemble de la province, ce serait une économie de l'ordre de 44 000 000 $ en frais hospitaliers économisés et à l'intérieur d'un an. M. le ministre, on sait qu'une grossesse, en moyenne, c'est neuf mois. Alors, des projets comme OLO - c'est-à-dire suppléments alimentaires oeuf, lait et orange - destinés à financer les suppléments alimentaires pour les femmes enceintes de milieux défavorisés, ont été mis sur pied dans une quarantaine de CLSC. D'ailleurs, votre ministère a collaboré à la création de la fondation nationale pour supporter financièrement les projets. Alors, les CLSC croient que ce type d'action est rentable pour le système de la santé et rentable aussi pour toute la société. (11 h 30)

Paradoxalement, le Québec possède l'un des meilleurs taux mondiaux de sauvetage des bébés de petit poids à la naissance dans les pays développés; il a aussi le redoutable privilège de figurer parmi ceux qui ont le plus fort taux de naissance des bébés de petit poids. Alors, que doit-on faire? Investir d'importantes sommes d'argent pour maintenir notre performance en sauvetage ou investir pour enrayer le nombre de ces naissances?

Que fait-on maintenant avec nos enfants entre leur naissance et l'âge adulte? L'avis publié en 1989 par le Conseil des affaires sociales montre que le Québec, comparativement à l'Ontario, connaît des taux de placement deux fois plus grands. Parmi les facteurs explicatifs de ces différences, on note un engagement plus ferme de l'Ontario envers la prévention des abus et de la négligence. Le Conseil, appuyé par le ministère de la Santé, croit que l'on peut réussir à diminuer substantiellement ces taux de place- ment et de signalement en instaurant des mesures préventives et efficaces. Et ça, M. le ministre, on le croit. Cet avis est confirmé, dans la pratique, par divers exemples concrets. Un projet expérimental au CLSC Côte-des-Neiges visant à intensifier le rôle des CLSC dès l'étape de signalement à la DPJ est intervenu sur une période d'environ cinq mois auprès de 118 enfants signalés à la DPJ. Grâce au travail d'une équipe multidisciplinaire et par une intervention rapide et directe auprès des familles concernées, on a pu maintenir ces enfants dans leur milieu de vie naturel, donc éviter le placement en institution. Si on multipliait ce genre d'intervention à l'échelle du Québec, c'est environ 40 000 enfants qui en bénéficieraient.

Un autre exemple éloquent avec le CLSC Montréal-Nord: la Fondation de la Visite, soit un programme de prévention des abus et de la négligence envers les enfants, s'adressant aux parents des nouveau-nés. L'intervention consiste, pour des mères visiteuses, à aider des parents dans leur milieu. C'est des gens, entre autres, qui sont bénévoles. Cette initiative a permis, de façon significative, de modifier des comportements dommageables ou des problèmes risquant de s'aggraver. De plus, de meilleures habitudes ont été prises, soit fa pratique moins punitive, soit le recours moins fréquent à l'urgence et bien d'autres. Un tel programme présente un rapport coûts-bénéfices très positif. On estime que chaque dollar investi en fait économiser trois en service de protection, de réadaptation ou de santé. On n'a qu'à citer le programme américain «Perry Preschool Project» qui voit à la stimulation infantile visant les enfants de deux à quatre ans et leurs parents, dont l'analyse coûts-bénéfices est d'environ 30 000 $ par enfant, soit sept fols la mise initiale. Alors, vous pouvez comprendre que l'aspect social également peut faire, à un moment donné, générer des économies, même si ce n'est pas le côté santé. C'est d'ailleurs dans cette direction que le récent rapport Bouchard sur la situation des jeunes recommande d'agir. Et la Fédération appuie ce rapport.

Autre secteur: les services courants. Dans ce domaine, une étude d'Angus et Mangea, en 1990, sur l'efficacité de divers modèles de prestation des soins de santé démontre que les CLSC sont généralement plus rentables par rapport à la pratique médicale basée sur le système de paiement à l'acte. Par exemple, l'évaluation des deux plus grandes cliniques communautaires de la Saskatchewan est inférieure de 13 % au coût des services offerts aux clients de cliniques privées. La principale raison de cette rentabilité? C'est que la clientèle de ces cliniques communautaires semble utiliser beaucoup moins les installations hospitalières.

Plus près de nous, l'étude réalisée par Aubin et Duplessis indique que l'équipe infirmière-médecin des services courants en CLSC permet une utilisation plus efficiente des res-

sources humaines que l'approche des médecins en cabinet privé ou en clinique externe. L'infirmière qui répond à ces demandes de services de santé courants permettrait des économies au coût unitaire de l'ordre de 6,70 $. Si on considère que 70 % de la population consultent au moins une fois par année pour un problème de santé, c'est entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $ annuellement que pourrait faire économiser au Trésor une telle approche.

En Montérégie, depuis que le service de prélèvements a été transféré aux CLSC, cela a permis de désengorger les urgences hospitalières et de mieux maximiser l'utilisation des services des CLSC. Dernièrement, plusieurs CLSC ont été appelés à intervenir rapidement dans le dossier de la méningite. Il en aurait coûté combien pour procéder à la vaccination si cela c'était fait par une autre structure? Et là, plus particulièrement, M. le ministre, je suis fière de mon CLSC parce que, dernièrement, on a été récipiendaire d'un prix André-Tétreault sur un programme qui est tout modeste, tout simple, c'est la prise de tension artérielle. Chez nous, le territoire, le DSC a dénombré un nombre effarant de personnes qui ont des problèmes cardiovasculaires. Vous allez voir que le principe est simple. C'est des groupes dans les différents secteurs sur notre territoire qui ont pris en charge la prise de tension artérielle. Ce que ça implique maintenant, ça a été l'intervention d'un travailleur communautaire pour démarrer le projet, une infirmière sur la base des techniques. Actuellement, depuis 1985, près de 1600 personnes-année bénéficient de cette technique-là, ce qui permet de la prévention, en collaboration, bien entendu, avec le cardiologue. La prise de tension dans un cabinet privé souvent n'est pas significative parce que la personne, quand elle attend, la pression lui monte. Chez nous, depuis ce temps-là, 1600 personnes de 6 à 8 fois par année, vous comprendrez combien on sauve à ne pas envoyer ces gens-là en cabinet privé.

Concernant le dernier volet: les services à domicile, au Canada, les travaux d'Evelyn Shapiro, spécialiste reconnue sur le plan international, ont permis de faire avancer les discussions sur la rentabilité des services offerts à domicile par rapport à l'hébergement, en plus de mettre en évidence le fait que les services à domicile au Québec sont sous-financés et sous-administrés. Toutefois, la dispensation de services à domicile aux personnes âgées en légère perte d'autonomie est relativement peu coûteuse et l'effet préventif sur leur institutionnalisation éventuelle est réel. Je vous rappelle que les orientations de votre livre blanc, M. le ministre, vont dans le sens d'une augmentation des services de soutien à domicile. Les besoins sont criants et il faut actualiser au plus vite les mesures préconisées. De plus, demeurer chez soi correspond, selon un sondage effectué en 1991 par la firme Léger et Léger pour la Fédération, aux aspirations de la population. En outre, il s'agit là d'une orientation partagée et endossée par l'ensemble des organisations des personnes âgées. Également, le forum sur le soutien à domicile «Vivre chez soi» a confirmé la justesse de cette orientation.

Des études au Québec convergent pratiquement toutes dans le même sens. Une injection massive dans les soins et les services à domicile contribuerait à mieux desservir les personnes âgées en perte d'autonomie, diminuerait les demandes et les recours au placement pour l'hébergement. À cet égard, signalons la performance reconnue des services intensifs de maintien à domicile, c'est-à-dire SIMAD, un programme conçu en 1986 dans le plan de désengorge-ment des urgences. Une étude réalisée par une équipe du CHUL, en 1991, montre que SIMAD constitue un investissement rentable pour l'État et qu'il produit plus de services que ce qu'il en coûte. Ainsi, le coût d'un service par bénéficiaire varie de 8000 $ à 11 800 $ annuellement, selon les caractéristiques des bénéficiaires desservis. Ces coûts se comparent très avantageusement aux coûts que l'on retrouve en centre d'accueil d'hébergement ou dans toute autre institution de soins de longue durée. Je vous dirai que le coût d'hébergement est estimé à environ 25 000 $. Ça représente le double.

Selon les auteurs, SIMAD permet d'éviter des recours à l'hospitalisation et de diminuer des durées de séjour, en assurant une disponibilité de services suffisante pour prévenir ou solutionner des situations de crise ou en favorisant le retour à domicile. Ce programme permet le développement d'une collaboration essentielle entre les CHSCD et les CLSC pour le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie sévère. En ce sens, SIMAD peut donc créer des conditions favorables au désengorgement des hôpitaux de courte durée.

Tous ces exemples démontrent très bien qu'un système axé sur la prévention des problèmes sociaux et de santé ainsi que sur une première ligne bien organisée constitue l'une des options les plus économiquement rentables, tout en assurant une meilleure qualité de vie pour les citoyens. En terminant, M. le ministre, au niveau des CLSC, nous avons une croyance indéfectible dans la prévention et je pense que le vieil adage qui dit: Vaut mieux prévenir que guérir, s'applique dans ce cas-ci. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Thé-riault. M. Sauvé, s'il vous plaît.

M. Sauvé (Conrad): M. le ministre, Mmes, MM. les députés, le ministère nous propose de discuter de financement du réseau de la santé et des services sociaux avant même que soit connue sa politique sur la santé et le bien-être et qu'aient débuté les modifications contenues dans le projet de loi 120. Nous sommes cepen-

dant convaincus que le ministère, s'il veut permettre à tous de relever les réels défis, orientera sa politique sur un renforcement d'une première ligne publique forte. Il devra aussi, par cette politique, viser l'efficacité et l'efficience en donnant à tous des objectifs à atteindre et en évaluant nos résultats. Nous partons donc de ces principes pour vous proposer, dans le cadre de ce débat sur le financement, de renforcer la première ligne publique du réseau des CLSC, la porte d'entrée du système.

M. le ministre, depuis le début de ma vie active, j'ai toujours oeuvré dans le milieu communautaire. J'ai fait ce choix parce que je crois fondamentalement qu'à ce niveau nous sommes plus près des citoyens, nous connaissons mieux leurs problèmes et nous pouvons donc développer des outils et des moyens plus efficaces pour les rejoindre. C'est par conviction que je suis bénévole dans mon CLSC. Dans mon quartier, dans ma région, le CLSC constitue le point de convergence des initiatives au niveau de la communauté, que ce soit en santé ou en services sociaux.

Il nous faut donc, pour travailler sur les déterminants de la santé, un CLSC fort, impliqué dans son milieu et qui développe des services de santé et des services sociaux de base nous permettant de rejoindre la population du territoire. Nous sommes convaincus que ceci nous permettra d'augmenter la qualité de vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Je pense que c'est ça, l'objectif.

Étant donné que nous sommes à discuter d'argent, cela se traduira sûrement, et toutes les études le prouvent, par une réduction importante du nombre de personnes âgées en établissement, une réduction significative des placements d'enfants, le désengorgement des urgences et une utilisation plus judicieuse des ressources.

À la lecture de notre mémoire, vous pourrez constater qu'une utilisation d'une première ligne forte, et ce, pour l'année 1988-1989, nous aurait permis des économies substantielles, évitant ainsi que les débats de la commission parlementaire portent aujourd'hui sur des coupures de services.

Il y a là, à notre avis, diverses façons de renforcer la première ligne publique CLSC, soit par la réallocation des ressources humaines et financières et par les budgets de développement. En août dernier, vous avez adopté le projet de loi 120. C'est une réforme majeure qui invite la population à s'impliquer de façon fort significative dans ce réseau - je pense que notre présence ici vous démontre que nous y souscrivons - et qui responsabilise les régions face aux choix et aux moyens à prendre pour être plus efficaces.

Enfin, les missions des établissements ont été mieux définies, de façon à éviter, tant que faire se peut, le dédoublement de services. Le projet de loi 120, à notre avis, résoudra une grande partie du problème du financement, et ce, conformément aux différentes études encore. Cette réforme comporte donc une allocation des ressources humaines, financières et matérielles. C'est, à notre avis, un défi majeur que le gouvernement doit réaliser le plus rapidement possible.

À cet effet, nous sommes confrontés présentement à des réactions différentes: celle des établissements qui auront à procéder au transfert et celle des travailleurs qui seront transférés. Les établissements ont tendance à conserver leurs acquis, et ça, c'est une réaction normale. Ils souhaitent une dispensation de services plus régionale que locale. Enfin, on a l'impression parfois qu'ils se déguisent en ministère pour aussi déterminer où iront les ressources transférées. Les travailleurs sont insécures face à ce changement. Certains ont quelquefois des préjugés envers les CLSC et souhaitent continuer à travailler avec des collègues ayant la même expertise. Là-dessus, je pense que le terme qu'on nous renvoie le plus souvent, c'est des masses critiques. Il faut être une masse critique pour intervenir efficacement.

Tout à l'heure, j'entendais les gens des CSS parler aussi de structure légère. Alors, masse critique, structure légère. Je pense qu'on l'a, la structure légère: c'est les CLSC. Je pense que les travailleurs aussi, M. le ministre, vont être plus intéressés à travailler dans une structure légère que dans une masse critique, au bout du compte. Là-dessus, on est intéressés, s'il le faut, à parler à ces travailleurs, à leur expliquer ce que sont les CLSC et à peut-être les sécuriser quant aux modes d'intervention qui se pratiquent en CLSC actuellement.

Somme toute, tout changement est difficile à faire, que ce soit par les gestionnaires qui verront leur équipe diluée ou par les travailleurs directement impliqués, souvent incorrectement informés. L'appui du ministère, en ce sens, nous apparaît essentiel, même si on sait qu'actuellement lui-même doit faire face à la gestion du changement tout en étant partie prenante de ce changement.

Pour nous, à Montréal - et je voudrais insister là-dessus, M. le ministre, si je peux avoir toute votre attention - une réallocation des ressources...

M. Côté (Charlesbourg): II n'y a aucun problème, j'ai deux oreilles.

M. Sauvé: Oui. Je sais qu'il y a un monsieur, à côté, qui a l'air pas mal important.

M. Côté (Charlesbourg): C'est justement ce que vous êtes après décrire: la difficulté d'appliquer une réforme en même temps que digérer le quotidien.

M. Sauvé: Oui, c'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, c'est la démonstration patente de tout ça. (11 h45)

M. Sauvé: J'ai travaillé fort sur mon texte, M. le ministre. J'aimerais ça avoir toute votre attention. Ça a été bénévole aussi, ça n'a rien coûté. Pour nous, à Montréal, une réallocation des ressources - et ça, c'est très important -implique une meilleure répartition des ressources médicales entre les secteurs public et privé. La venue en CLSC de médecins en nombre important nous permettrait d'offrir des services médicaux courants avec ou sans rendez-vous. Les objectifs de bien-être ne peuvent être atteints sans eux et notre approche globale ne peut être réalisée non plus sans eux. Enfin, les services médicaux nous permettent de rejoindre plus efficacement les clientèles plus à risque. Souhaitons-nous des services médicaux courants offerts principalement par les réseaux publics ou un meilleur équilibre entre le public et le privé.

Là-dessus, je voudrais vraiment insister. À Montréal, j'ai la chance d'être impliqué dans un CLSC qui a des médecins et ça fait une différence. L'aspect des clientèles à risque... On a eu des cas de femmes enceintes, de jeunes femmes enceintes cocaïnomanes. Quand elles viennent au CLSC, ce n'est pas pour leur problème de cocaïne, c'est pour leur nez qui coule et des choses comme ça. Ça nous sert de dépistage. C'est un complément. Ce n'est pas un complément, c'est une nécessité dans les CLSC. Tout à l'heure, vous avez dit que c'était important qu'on ne fasse pas d'erreurs dans la réforme. Si les CLSC n'ont pas leur complément de médecins, ça risque d'être une erreur importante.

Nous avons aussi été étonnés d'entendre dire par les fédérations de médecins que le coût des services médicaux en CLSC était plus élevé qu'en cabinet privé. Là-dessus, si le gouvernement a le moindre doute sur cette affirmation des fédérations de médecins, nous l'invitons à évaluer les services médicaux en CLSC. Nous sommes également intéressés à connaître s'il y a, dans les faits, des différences importantes dans la prescription de médicaments aux personnes âgées et aux assistés sociaux et dans les frais de laboratoire et d'analyse. Le mode de pratique médicale en CLSC, la synergie de l'équipe multidisciplinaire et le temps consacré à chaque patient nous portent à croire d'emblée que la différence sera probante.

Quant à la réallocation des ressources financières, encore là, nous nous butons à de grandes difficultés. Il est déjà difficile d'abolir un service dans ces réseaux, récupérer l'argent de ce service semble impossible. Voici un exemple qui illustre mon propos: l'hôpital à domicile. Ce programme devait, dans le plan de Mme Lavoie-Roux, désengorger les urgences et être offert par un centre hospitalier. Après un an, une évaluation d'une équipe de recherche opérationnelle en santé du Département d'administra- tion de la santé de l'Université de Montréal démontrait que ce programme n'atteignait pas les objectifs de départ. Premièrement, il ne rejoignait pas la clientèle cible et, deuxièmement, le coût par personne était plus élevé qu'à l'hôpital. Ça commence à être cher, ça!

Ce n'est rien. Quelques années plus tard, quatre hôpitaux offrent ce service et une étude du ministère arrive aux mêmes conclusions. Il est maintenant question de transférer ce service aux CLSC via son programme de maintien à domicile. Les CLSC pourront effectivement le faire en augmentant leurs services, mais il semble impossible de transférer le budget. Ces établissements souhaitent évidemment conserver ce budget et développer un nouveau service. On ne manque pas de services.

Somme toute - on a fait une correction ici - nous sommes convaincus qu'il est essentiel d'avoir une première ligne publique et forte. Par une réallocation des budgets actuels et par un pourcentage significatif des budgets de développement, faire la première ligne publique des CLSC.

M. le ministre, en terminant, vous pouvez également compter sur l'appui des CLSC dans vos demandes d'équité en matière de péréquation. Cette bataille est d'autant plus importante que les Québécoises et les Québécois qui paient des taxes à Ottawa sont en droit de recevoir la juste part qui leur revient. C'est donc sans réserve que nous vous appuyons dans vos démarches. Je cède la parole à M. Payette, pour la conclusion.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Sauvé. M. Payette, très brièvement, parce que vous avez déjà écoulé...

M. Sauvé: Le temps.

Le Président (M. Joly): ...l'enveloppe de temps que vous aviez à votre disposition. Alors, M. le ministre, MM. les députés, on le permet? Oui? On peut déborder?

M. Côté (Charlesbourg): J'imagine qu'on est à la phase de la conclusion.

M. Payette: Une petite conclusion pour résumer l'essentiel de notre discours.

M. Côté (Charlesbourg): Prenez le temps de la faire.

M. Payette: Premièrement, après beaucoup d'hésitations puis d'évaluations, le gouvernement a décidé de prendre une décision importante qui était non seulement de conserver les CLSC - parce qu'on aurait pu les faire disparaître - mais de les consolider et de faire un virage vers un réseau de services de première ligne public et de permettre ainsi aux citoyens d'avoir accès à ces choses-là.

Pour nous, les administrateurs en CLSC, la commande est claire. On n'a pas reçu la commande de maigrir, mais, au moins, de conserver ce qu'on a et, on pense aussi, de pouvoir avoir des ressources additionnelles. Ça paraît évident qu'on ne pourra pas le faire sans ressources additionnelles. Tous en conviennent. La question qui se pose, c'est: Comment, dans les circonstances actuelles, aller chercher des ressources additionnelles que tous réclament, et ce, je dirais, sans taxer davantage les citoyens? Sans aller dans le détail, je me permets de penser qu'il y aurait deux choses à faire - et je vais terminer avec ça - en m'inspirant de ce qui s'est passé pour les urgences; deux choses qu'on ferait simultanément.

Dans un premier temps, c'est, au fond, je dirais, stopper immédiatement le développement du recouvrement de la santé. Je ne suis pas assez spécialiste pour savoir si c'est IPC + 1 %, 2 % ou 3 %, mais stopper le développement immédiatement. En même temps, utiliser ce qui semblerait être une marge de manoeuvre qui existe pour rapidement Investir dans la prévention et les services de première ligne, surtout dans les programmes qui permettent de faire rapidement des économies selon les exemples que nous avons donnés, et pouvoir ainsi arriver, sans nécessairement nuire aux besoins que nous avons de ressources médico-hospitalières, pouvoir rapidement faire le virage de la prévention. On a réussi à stopper le développement des urgences et en même temps, grâce à un groupe d'intervention, à régler une bonne partie des problèmes qu'il y avait en urgence. On pense que c'est de cette façon-là qu'on pourrait procéder. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je n'ai strictement rien à retirer de mes propos du 13 décembre. Je dois profiter de la commission pour vous dire que plus ça progresse, plus je suis convaincu que c'est la bonne voie et qu'il faut continuer d'aller dans ce sens-là. Oui, la première ligne est de plus en plus imitée par l'extérieur du Québec, et tant mieux! Tant mieux parce que c'est un virage qui a été amorcé il y a 20 ans. Il y a certainement des communications que vous aimerez faire, à la fin de cette commission, compte tenu du vingtième ou des secrets de la semaine prochaine ou des semaines à venir.

M. Payette: Les fêtes du vingtième se feront lundi et le ministère sera représenté lundi matin en conférence de presse. Un petit commercial!

M. Côté (Charlesbourg): Un petit commercial!

M. Payette: Ça repose!

M. Côté (Charlesbourg): Ça repose! À la lecture du mémoire qui a été déposé, je pense qu'il est très important, d'entrée de jeu, de dire que, sur le plan philosophique, il n'y a pas de divergence fondamentale entre le ministère et la Fédération des CLSC. Lorsqu'on parie de prévention, lorsqu'on parie de virage, nous n'avons pas et je n'ai pas de problème avec cet aspect-là d'agir sur les déterminants politiques de santé et bien-être, etc. Je pense qu'il faut faire ce virage. Il m'apparaît extrêmement important de le faire.

Évidemment, lorsqu'on en arrive à dire: Ce virage, il faut le faire... Prenons notre fameuse pyramide. On est donc convié à un exercice de virer la pyramide sans que la pyramide s'écrase. Ce n'est pas un exercice qui est facile. On le constate depuis deux ans maintenant, ou une grosse année et demie, il y a un petit peu de résistance. Je pense qu'on peut être dans une situation où on comprend un certain nombre de résistance parce qu'il y en a partout. Ce n'est pas exclusif aux médecins. De la résistance, il y en a un peu partout. C'est la nature humaine qui est faite comme ça. Je pense qu'il faut continuer de travailler et faire en sorte qu'on puisse faire les ajustements nécessaires pour que cette résistance-là s'élimine et qu'on aille dans le sens que vous souhaitez, qui est souhaité par les CSS: le citoyen d'abord. C'est ça, notre préoccupation en termes de services à donner à ces gens-là.

Mais, quand on veut faire le virage, c'est là qu'on commence à tomber dans le concret. On a dit: La réforme, voici ce qu'on pense que le système devrait être: des missions mieux définies, structurées de telle manière, etc. Sur le plan financier, on a dit: Oui, il y a des besoins. Ce n'est pas au président du conseil d'administration du CLSC Lac-Saint-Louis que je vais dire qu'il a tout ce qu'il faut comme budget pour répondre aux besoins qu'on lui a confiés, en particulier Saint-Louis.

M. Payette: Saint-Louis du Parc.

M. Côté (Charlesbourg): Saint-Louis du Parc? O. K. Saint-Louis m'avait frappé. J'ai l'impression qu'il reste encore quelques problèmes de CLSC sous-financés, de ce que j'ai compris. Mais on constate que ce n'est pas facile. Il s'agit de savoir comment on a de la difficulté à se partager 10 000 000 $ pour être capables de répondre aux besoins - ce n'est pas facile - de ressources. Il y en aura d'autres, mais, déjà, sur 10 000 000 $ à partager à l'intérieur des besoins de CLSC, ce n'est pas facile. Donc, il y a un constat qui est clair. Le nombre de CLSC à travers le Québec est à son maximum. Ils sont bien connus. Les structures sont là. Ils ne sont pas pourvus du même budget pour offrir les mêmes services partout à travers le Québec et il

faut ajouter; c'est clair. On le dit dans la réforme et je n'ai pas changé d'idée depuis ce temps-là, je ne tenterai pas d'amenuiser ce qu'on doit faire pour aller rejoindre la première ligne, c'est clair.

Évidemment, c'est un exercice absolument de cascadeur que de tenter de virer la pyramide et de la virer à l'intérieur du système sans que le système vire à l'envers. Donc, on est confronté à une ressource de première ligne qu'il faut mieux établir, mieux financer pour faire de la prévention, pour agir sur un certain nombre de déterminants, parce qu'ils peuvent le faire, et donner des services à la population. Donc, ça prend des sous additionnels. Ces sous additionnels là, il y a deux manières de les faire. Par l'ajout de sommes d'argent, de l'argent neuf, ce qu'on appelle de l'argent neuf; on le prend quelque part, dans la poche du citoyen, par des taxes et on dit: On en met par-dessus le paquet, donc qui s'ajoute aux 12 000 000 000 $. Ou l'autre, ce que vous avez abordé, c'est par le redéploiement de ressources. Moi, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, comment est-ce qu'on va réussir à faire ça. Évidemment, si on parle de redéploiement, c'est qu'on va le chercher dans l'assiette d'un autre pour l'amener dans notre assiette. On est d'accord avec ça. Les CLSC, il faut mieux les financer pour les deux missions qu'on leur donne: personnes âgées et aussi jeunesse. Mais il faut nécessairement, à ce moment-ci, aller en chercher quelque part, ça s'appelle du redéploiement pour le donner aux CLSC. Celui qui reçoit, lui, en règle générale, en tout cas, il doit être à la moitié, aux trois quarts ou totalement satisfait; par le fait même, celui à qui on le prend, il n'est pas toujours très, très satisfait.

Est-ce que, dans votre esprit, parce qu'il me semble y avoir une différence dans votre proposition de tantôt par rapport au document, l'ajout de ressources, par exemple en CLSC ou en CSS, se ferait uniquement par le fait qu'on puisse geler le budget de recouvrement de la santé, par exemple, à l'IPC, disons, + 1 %, l'augmentation normale gouvernementale, et que l'excédent que le gouvernement est prêt à faire, à ajouter, il irait, lui, dans des priorités dans le domaine de la première ligne, en particulier? Est-ce que c'est ça? Ça me paraît être un petit peu différent de votre mémoire. Votre mémoire me paraissait aller beaucoup plus loin. Si c'est ça, j'y reviendrai.

M. Payette: On peut écrire un mémoire et continuer à réfléchir après.

M. Côté (Charlesbourg): C'est clair. D'ailleurs, il ne faut surtout pas que ce soit...

M. Payette: Bien sûr! Et ça aide. M. Côté (Charlesbourg): ...statique.

M. Payette: II ne faut pas s'arrêter là, et ainsi de suite. Écoutez, moi, je pense que, oui, on est allé plus loin. D'abord, je voudrais rappeler un souvenir. En mars 1990, à la dernière commission parlementaire, vous m'aviez demandé: Combien vous nous donnez de temps pour inverser la pyramide? Je me souviens très bien de vous avoir répondu: J'espère qu'en l'an 2000 ça va être fait! C'est un processus progressif; on ne s'attend pas, nous autres, à ce que, du jour au lendemain, le bouleversement soit fait et ainsi de suite. Ce qui est important pour nous, c'est qu'il y ait un signal clair. Il commence à y en avoir, des signaux. Pour la population, pour les producteurs de services et pour les utilisateurs de services aussi, il faut que le signal soit clair. Je pense, en tout cas, que, pour nous, il y a possibilité, comme je disais, de stopper le développement et de «prioriser» les budgets de développement vers la prévention et vers les services de première ligne. J'aurais une préférence pour cette solution plutôt que celle de tarifier ou de taxer davantage les citoyens.

Notre propos, c'est qu'on pense qu'à l'intérieur de ia masse des 12 000 000 000 $ il y a de petites marges de manoeuvre qui permettent de faire ça. Je ne sais pas si d'autres... Marcel, peut-être, aurait des commentaires plus techniques. (12 heures)

M. Sénéchal (Marcel): Oui. Je pense qu'il y a plusieurs solutions, vous en soulevez plusieurs dans le document. De fait, je pense qu'on est assez d'accord avec une proposition comme celle qu'a faite l'ACAQ qui est de geler, à toutes fins pratiques, le recouvrement de la santé, de profiter de la marge de manoeuvre qui est générée par ce gel pour renforcer les services et, notamment, les services de première ligne. Il y a ça, d'une part.

Un autre moyen, c'est fa réallocation. On a fait la preuve, en 1984-1985, que de la réallocation, c'est faisable. Il y a des limites, mais c'est faisable, d'une part. Il y a des limites qui sont de différents ordres. Je prends seulement l'exemple de la région 12, qui est la région Rive-Sud-Québec. On dit que le maintien à domicile devrait se financer par des coupures de lits. On s'aperçoit, quand on veut opérationaliser ça, quand on veut faire ça concrètement, que ça devient difficile. Il y a des contraintes de toutes sortes, des contraintes qui sont d'ordre économique, parce que, si ton centre d'accueil est tout seul dans un village et qu'il fait vivre le village économiquement, le fermer, ça a des retombées, ça a un impact. Il y a des contraintes qui sont d'ordre administratif, parce que ce n'est pas parce qu'on ferme 10 lits qu'on va fermer la cafétéria, etc. Donc, il y a des contraintes de ce genre-là qui sont reliées à une stratégie qui serait une stratégie de réallocation.

Et c'est pour ça qu'il faut penser que, cette stratégie-là ayant des limites, il faudra profiter

d'un développement quelque part, donc d'une marge de manoeuvre qu'on va libérer de deux façons, je dirais: le gel, j'en al parlé, et l'autre façon, c'est les économies qui sont reliées à des stratégies d'intervention de première ligne. Et ça, il y en a de nombreux exemples en CLSC qui sont générateurs d'économies, qu'on pense à l'éducation, qu'on pense à l'enseignement, qu'on pense à la surveillance des médicaments qu'on fait, par exemple, dans 16 domaine du maintien à domicile, qu'on pense à l'aménagement du domicile qui peut se faire par des ergothérapeu-tes et des intervenants, toujours en maintien à domicile, qu'on pense à l'approche communautaire, par exemple, c'est-à-dire à l'utilisation des ressources du milieu - on en a donné un exemple, tout à l'heure; Martine en donnait un exemple - à la collaboration et à la contribution du milieu à la dispensation même de services de santé, qu'on pense à la vaccination, qu'on pense au suivi des enfants fait par des infirmières plutôt que par des médecins. Il y a une série, une foule - et on pourrait en nommer encore - de moyens, de stratégies d'intervention qui sont le propre du CLSC, et c'est ça qu'il faut consolider, qui font qu'on génère des économies importantes dans le système.

M. Côté (Charlesbourg): Jusqu'où pensez-vous que le niveau de tolérance... Parce que, au bout de la ligne, on a tous le même but. Quand les médecins viennent, c'est aussi pour le citoyen. Quand vous discutez, c'est pour le citoyen. Quand je discute, c'est aussi pour le citoyen. À partir du moment où on gèle le budget du recouvrement de la santé - soyons généreux là - à IPC + 1 % de la croissance normale, qu'on le gèle là, par rapport à ce qui est 4, 2 % aujourd'hui, il y a quand même un écart de 3, 2 % qui signifie plus ou moins 400 000 000 $. C'est de l'argent. Si on décide ça derhain matin et qu'on le fait de cette manière-là, c'est donc beaucoup d'économies. Ça aura pour conséquence, tantôt, inévitablement, des fermetures de lits ou des listes d'attente qui peuvent peut-être s'allonger, s'il y a une fermeture de lits. Jusqu'où les gens sont-ils prêts à souffrir cette situation ou à endurer cette situation pour accepter qu'on puisse virer le système et aller agir en amont? Parce que tantôt on va avoir à gérer ça.

Il y a des décisions à prendre et c'est pour ça qu'il faut être capables de se le dire publiquement aujourd'hui: Ce n'est pas un virage qui est facile. Jusqu'où le niveau de tolérance va pouvoir accepter ça? Surtout quand on considère qu'à partir du moment où on met des mesures comme le dentaire et l'optométrie, l'optométrie, c'est 50 000 000 $ et, pour le dentaire, la mesure visait plus ou moins 30 000 000 $. En regardant la réaction que ça provoque, J'aimerais ça savoir jusqu'où on peut aller à ce niveau-là parce que ça a des conséquences.

M. Payette: Le niveau de tolérance du citoyen, là?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, le citoyen, parce que, évidemment, tantôt il va venir nous voir...

M. Payette: Oui, oui, que nous sommes tous.

M. Côté (Charlesbourg):... et dire: Votre réforme, vous la faites pour nous autres, mais on a l'impression d'avoir moins de services qu'on en avait.

M. Payette: Oui, oui, certainement. Moi, je pense, en tout cas, qu'il faudrait distinguer des choses. Il y a, dans le moment - le livre blanc le disait - à peu près la moitié des gens qui se présentent à l'urgence pour des services de deuxième ligne qui sont plus coûteux, alors que ça pourrait être ailleurs. Je pense que le citoyen pourrait tolérer de changer son orientation dans les services et qu'il pourrait en avoir autant pour son argent si on avait des moyens pour faciliter cette orientation. Quand le citoyen peut avoir la même chose ailleurs, moi, je pense qu'il est en mesure de tolérer ça. Si ce sont des choses qui ne peuvent pas être là, moi, je pense qu'il faut donner au citoyen la chance de pouvoir, progressivement, je dirais, s'endurer ou accepter que ça ne soit peut-être pas tout ce qu'il désire. Je pense aussi qu'il faudrait progressivement surtout réviser ce qu'on a appelé le panier de services, pas juste à la lumière du critère des services de base ou services complémentaires, mais à la lumière de la pertinence.

Jean Francoeur, éditorialiste du Devoir, écrivait un article au mois d'octobre dernier qui finissait en disant: «Et s'il était vrai qu'un bon tiers des activités hospitalières étaient inutiles... » Il n'affirme pas ça, mais il y a une série de questions qui sont posées là-dessus, sur des choses comme ça. Donc, moi, je pense qu'il faudrait à l'intérieur de ça, des choses qui ne sont pas pertinentes... À mon sens, le citoyen devrait être en mesure de tolérer qu'il ne puisse pas avoir accès à des services qui ne sont pas jugés pertinents. Je pense qu'il faut ménager le citoyen et je suis d'accord avec vous qu'il faut tenir compte de ce niveau de tolérance. Conrad, as-tu quelque chose?

M. Sauvé: Juste pour ajouter, il faut aussi donner au citoyen l'accès aux services qu'il veut. Quand on parle du maintien à domicile, entre autres, c'est ce que les citoyens veulent. On ne veut pas être dans les institutions, le moins possible. Donc, II y a une question de communication, là aussi, sur ce que les gens veulent.

M. Côté (Charlesbourg): Puisque vous parlez de maintien à domicile, qui est l'une des bonnes marques de commerce des CLSC où, effective-

ment, la performance est là et les gens en réclament même davantage, c'est une mesure qui, dans la réforme, est privilégiée comme étant jusqu'à un certain point un substitut à l'institutionnalisation qui coûte beaucoup plus cher. L'objectif de la réforme est de dire: On devrait, d'ici l'an 2000, institutionnaliser 33 % moins de gens que l'on en institutionnalise actuellement. C'est une commande assez appréciable, merci. Notre taux d'institutionnalisation aujourd'hui est de plus ou moins 7 %; ce qu'on vise, c'est 5 %.

Il est clair que par les SI MAD, par le support du maintien à domicile, par des organismes communautaires, il se fait beaucoup de travail pour maintenir les gens dans leur milieu et c'est souhaitable. Mais jusqu'où peut-on aller? Évidemment, avant, on se le répète, en centre d'accueil d'hébergement, les gens arrivaient sur leurs pieds, ils entraient dans le centre d'accueil et il n'y avait pas de problème. La plus belle preuve, c'est quand on en visite aujourd'hui et qu'on s'aperçoit que les corridors étaient faits pour des gens qui se rencontraient debout et non pas en chaise roulante. Et ça, on en a un peu partout de ça. On fait appel à des rénovations fonctionnelles extrêmement importantes pour s'adapter à nos clientèles qui ont vieilli. La moyenne d'âge est de 82-83 ans, alors qu'avant, à 65 ans, il y en a qui attendaient à la porte pour entrer.

Il y a donc des cas beaucoup plus lourds parce que, au bout de la ligne, le maintien à domicile nous a permis de respirer, sur le plan de l'institutionnalisation, pendant un certain nombre d'années. Mais la cohorte qui est passée de 70 à 80 ans, quand elle arrive, elle arrive beaucoup plus lourde. Donc, est-ce qu'il n'y a pas une limite aux économies qu'on peut faire, sachant que, quand on se donne comme objectif 33 % d'institutionnalisation de moins qu'aujourd'hui, c'est tout un contrat qu'on se donne? Selon votre expérience, est-ce qu'on pourra faire plus que ça? Vous allez voir où je veux en arriver. Dans votre mémoire, vous nous dites: Au lieu d'investir dans 7000 lits additionnels en longue durée, prenons cet argent-là pour agir sur les déterminants et l'investir dans la première ligne. Il y a une limite à notre capacité. Nous avions évalué, quant à nous, qu'en le ramenant à 5 % ça nous prenait de toute manière les 7000 lits additionnels dont on a fait état.

M. Payette: sur un plan plus technique, je vais demander à marcel de répondre, mais j'aimerais dire que les autres provinces canadiennes ont réussi les 5 % et que certains pays scandinaves ont réussi les 3 %. donc, le plafond est assez haut et, moi, j'ai l'impression, sans connaître toutes les technicalités... je vais peut-être être bientôt un récipiendaire du maintien à domicile, mais, sans connaître ça, j'ai l'impression que, quand c'est bien organisé, on peut aller assez haut et même, dans certains cas, il y a des soins palliatifs qui permettent aux gens de rester chez eux jusqu'à la fin de leur vie, et ainsi de suite. Est-ce qu'il y a des limites concrètes techniques? Peut-être que Marcel pourrait donner des réponses là-dessus.

M. Sénéchal: je pense qu'actuellement on a des informations, que vous connaissez sans doute, qui nous montrent que c'est faisable à certaines conditions, mais c'est faisable. le programme de services intensifs de maintien à domicile a été évalué de façon rigoureuse par des instances externes; non pas par les clsc, mais par d'autres secteurs, par le milieu universitaire. d'abord, on constate que la clientèle qui est desservie par ce programme, c'est une clientèle qui connaît des problèmes de détérioration sévère. dans les évaluations qui ont été faites, 50 % de la clientèle, ce sont des personnes qui sont âgées de 76 ans et plus; 80 ans et plus, 38 % de la clientèle desservie par les simad. donc, là aussi, on peut parler de cas lourds pour ce qui est du programme de services intensifs de maintien à domicile.

L'enjeu, c'est le nombre d'heures qu'on est capables de fournir. Mais, déjà, dans le programme existant, ça varie entre 12 heures et 22 heures par semaine qui sont données à ces personnes par le biais de ce programme. Je pense qu'on a le savoir-faire pour être capable de garder à domicile des gens qui veulent et qui sont capables d'y rester. On a le savoir-faire maintenant. Il s'agit ici de dégager les marges de manoeuvre pour renforcer ça et on pense qu'on peut le faire, ça aussi, par les moyens et les stratégies qu'on vous donnait tantôt.

Mais le programme de services intensifs de maintien à domicile, je pense que c'est là qu'il faut investir, quand on sait que, pour l'ensemble de la clientèle âgée, les gens qui ont le plus de poids sur le système, qui accaparent le plus de services, ce sont les gens les plus âgés. Ce sont vraiment ceux qui constituent la clientèle du programme de services intensifs de maintien à domicile. Donc, je pense que c'est là prioritairement, en maintien à domicile, qu'il faut investir, dans les services intensifs de maintien à domicile.

M. Côté (Charlesbourg): Mais on est tous conscients qu'on s'est donné un défi absolument extraordinaire: institutionnaliser 33 % de moins que nous le faisons maintenant. Et M. Payette en rajoute là, quand il dit qu'en Suède c'est 3 % au lieu de 5 %. C'est dire qu'on se rend à quoi? À 60 % d'institutionnalisés de moins. Évidemment, c'est une commande absolument phénoménale. Je pense que le savoir-faire est là, c'est clair, mais il doit y avoir une limite, j'imagine, à nos capacités en termes d'économie de coûts - parce qu'on parle de ça aussi - de ce support au maintien à domicile.

On a eu un témoignage, la semaine der-

nière, d'une personne handicapée qui avait plus ou moins 40 heures par semaine et qui souhaitait en avoir davantage pour le maintien à domicile. Donc, ç'a aussi des limites même sur notre savoir-faire, sur notre capacité et les économies qu'on peut faire, d'où une institutionnalisation qu'on ne peut pas éviter, de toute manière, puis dans des ressources qui vont être plus lourdes, qui vont commander davantage de longue durée que ce qu'on appelle communément un centre d'accueil d'hébergement.

Je veux revenir à la réallocation, parce que M. le président de Saint-Louis du Parc nous a illustré un exemple tout à fait extraordinaire de la réalité-terrain: l'hôpital à domicile. On dit: Priorité CLSC. Il y a quand même des hôpitaux, dans une saine compétition du passé, qui ont développé l'hôpital de jour en alternative à autre chose et on ait aujourd'hui que ça coûte un peu plus cher. Évidemment, tout le monde des hôpitaux est conscient qu'il va devoir laisser aller ce morceau, la mission mais pas nécessairement les budgets. C'est un cas précis où on parle de réallocation.

De votre point de vue, est-ce que je dois comprendre que le leadership devrait revenir au ministère d'imposer le transfert financier en termes de réallocation à ce moment-là? Si ça vaut pour ça, ça vaut pour d'autres exemples aussi, parce qu'on n'est pas au bout de nos peines quant à la séparation des champs avec tout ce qui s'en vient: CLSC, CSS, CPEJ, et ainsi de suite.

Le Président (M. Joly): M. Sénéchal. (12 h 15)

M. Sénéchal: ce que je disais tantôt, c'est qu'il pouvait y avoir de bonnes raisons pour ne pas réallouer, mais il peut y avoir aussi de mauvaises raisons pour ne pas réallouer. et l'exemple qui a été donné, je pense, c'est un exemple de mauvaises raisons. et, dans ce sens-là, effectivement, je pense qu'il revient au ministère de prendre les décisions qui s'imposent. il n'y a pas de raison pour que, pour un budget comme celui des hôpitaux à domicile, à partir du moment où on en est arrivé à conclure qu'il y a dédoublement avec les services de maintien à domicile, qu'on ne rejoint pas les clientèles pour lesquelles c'est fait, il n'y ait pas réallocation.

M. Côté (Charlesbourg): Juste un dernier... Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Oui? Oui, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, mais on est forcés.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste prendre un autre exemple, M. le Président. On parle, dans ce cas-là, de désinstitutionnaliser, des comportements qu'on a eus au cours du passé et qui coûtent assez cher. Prenons un autre exemple: lits de longue durée, psychiatrie. Il y en a 1366 à travers le réseau qui coûte x millions de dollars. Selon votre choix, dans le mémoire, on pourrait avoir plusieurs avantages à tout simplement les éliminer pour faire place à des ressources alternatives moins dispendieuses. Quand on prend notre expérience de désinstitu-tionnalisation, évidemment, il y a des gens qui croient encore que le gouvernement, lui, a sauvé bien de l'argent quand il a fait ça et que c'était l'objectif premier, alors qu'on a désinstitution-nalisé et qu'on est allés dans des voies alternatives, disons, mieux adaptées - je pense que ça m'apparaît très clair - dont l'objectif premier est le bénéficiaire lui-même, mais qui ont nécessité des ressources additionnelles à la désinstitutionnalisation pour être capable d'assurer un suivi. Et encore, dit-on, ce n'est pas totalement parfait et il reste encore des conséquences de cette désinstitutionnalisation. Est-ce qu'il n'y a pas un peu aussi ce risque-là lorsqu'on souhaite avoir une désinstitutionnalisation qui est quand même massive par rapport à nos principes actuels au niveau des personnes âgées, ou si on est pas mal à l'abri compte tenu du savoir-faire qu'on a et des expériences qu'on connaît actuellement?

M. Payette: O. K. Dans un premier temps, nous parlons plus de non-institutionnalisation que de désinstitutionnalisation, ce qui est une grande différence. Nous, ce qu'on voudrait, c'est faire en sorte que la vie dans la communauté et les ressources auxquelles les personnes qui ont des difficultés peuvent avoir accès puissent être suffisantes pour qu'il n'y en ait pas, d'institutionnalisation. Notre idée, ce n'est pas de dire: On va prendre les malades qui sont dans des hôpitaux psychiatriques et, du jour au lendemain, on va désinstitutionnaliser. C'est beaucoup plus en termes d'une prévention. Il y a des expériences qui ont été faites et il y a des exemples de ressources de première ligne en santé mentale, qui, actuellement, ne sont pas très nombreuses; à part les cabinets privés des psychologues, il n'y en a pas tant que ça, des ressources de support en santé mentale pour des gens qui rencontrent des difficultés. On pense que, s'il y en avait davantage sur le plan des ressources de première ligne, on serait en mesure, peut-être pas du jour au lendemain, de viser l'objectif d'éviter d'augmenter le taux d'institutionnalisation. Peut-être que Carole a des notions plus précises là-dessus parce que c'est un dossier qu'elle connaît bien.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, madame.

Mme Lalonde (Carole): Dans l'estimation de la libération, effectivement, il y avait une partie

qui était de la désinstitutionnalisation, mais il y a aussi une partie qui vise la non-institutionnalisation. Cette estimation venait de la généralisation du plan de Robert-Gtffard qui a libéré un certain nombre de lits pour créer des ressources alternatives dans fa communauté plus en lien également avec les centres de crise et les équipes de crise des CLSC. Évidemment, il est un peu tôt pour savoir à quelle échelle sont les économies, mais elles semblent être dans la bonne voie.

Dans le plan de désengorgement des urgences à Montréal, il y a sept CLSC qui ont été impliqués avec l'hôpital Louis-H. LaFontaine pour justement pouvoir recevoir des patients qui étaient hospitalisés au niveau psychiatrique. L'évaluation qui a été faite par l'hôpital Douglas à Montréal montre qu'effectivement les services de première ligne pourraient représenter une option rentable par rapport au fait de garder ces patients-là au niveau du centre hospitalier.

Je pense qu'il y a quand même quelque chose au moins à aller voir. Les expériences en santé mentale sont plus récentes. SIMAD, c'est déjà un peu plus poussé. Quand vous parliez de limites tantôt, l'évaluation qui est faite par le CHUL, le Centre hospitalier de l'Université Laval, à laquelle on fait référence, montre que, finalement, SIMAD produit même plus de services et voit plus de gens que ce qui était initialement prévu. Et, dans la Montérégie, à titre d'exemple, on offre 22 heures par semaine de services à une clientèle qui est suivie principalement pour des soins palliatifs. Alors, les expériences sont assez minimes, mais je pense que le potentiel qui est là semble vraiment assez important. Et, quand vous parlez du tiers, moi, je suis assez optimiste. Je pense même que, si on investissait dans une autre région - parce qu'à l'heure actuelle seulement trois ou quatre régions en bénéficient -on pourrait, même dès l'année prochaine, montrer qu'il y a des économies qui sont à faire.

Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous plaît, madame.

Mme Lalonde: Et les limites sont vraiment immenses, parce que l'expérience des autres provinces canadiennes, de certaines autres provinces canadiennes et de certains pays comme la Norvège montre que, quand on peut investir plus massivement dans la clientèle du maintien à domicile, on peut vraiment freiner l'hospitalisation.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Merci, M. ie ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: merci, m. le président. je souhaite la bienvenue, au nom de l'opposition officielle, aux représentants des clsc: m. le président, m. payette, m. le directeur général, mesdames, messieurs. Évidemment, c'est un moment assez important de cette commission lorsqu'on s'entretient avec les gens qui ont la mitraille sur la première ligne de feu. Je veux bien reconnaître que vous ayez appelé le repentir des Îles-de-la-Madeleine - je dirais le repentir de Marie-Madeleine - vis-à-vis des CLSC. Je crois qu'il est sincère et je souhaite qu'il soit durable. Je n'ai pas de doute là-dessus qu'il soit durable, quant à ce repentir, il est un peu plus spectaculaire que des vieux croyants, évidemment!

M. Côté (Charlesbourg): C'est du développement durable.

M. Trudel: C'est du développement durable. Et, là-dessus, il faut se réjouir de ce virage-là et vous vous souviendrez, dans la même foulée, au moment de la loi 120, que nous avons voulu faire inscrire cette profession de foi et ce repentir dans la loi en inscrivant bien que les CLSC sont les établissements de première ligne dans la redéfinition et l'éclaircissement des missions au niveau de chacun des établissements.

Et votre proposition globale, M. Payette, évidemment, votre pyramide continue à faire son chemin comme une charrue. Et, maintenant, la situation, c'est effectivement comment on va faire virer ça, parce que, sur papier, ça se décrit bien et c'est un transfert interétablissements ou inter grands secteurs. Et vous disiez, il y a quelques instants - et c'est le premier élément sur lequel j'aimerais vous interroger - en réponse à une question du ministre: Eh bien, ça va être au gouvernement, à l'État de donner le coup de barre puis de faire en sorte qu'on gèle quelque part le niveau du complexe médico-hospitalier, puis on passerait à l'action du côté du virage prévention, du côté du modèle première ligne, comme vous l'appelez dans votre document.

Et ça, je pense qu'il n'y a personne qui sous-estime la difficulté de faire cela, pour n'importe quel pouvoir public, tout ministre, tout gouvernement confondu. Est-ce que, vous, vous pensez que, sur le plan local et régional, on pourrait, à tout le moins, lancer très rapidement - ça s'appelle pour la prochaine période budgétaire - une des ouvertures du document du 18 décembre, c'est-à-dire prendre une région donnée, s'entendre avec cette région sur un budget global fermé et dire: Dans cette région avec - je donne un chiffre pour faire image - 300 000 000 $, vous allez organiser la première, la deuxième, la spécialité, vous allez organiser l'ensemble des services?

Somme toute, est-ce que vous pensez que nous serions prêts et est-ce que vous êtes prêt à dire ceci: Nous, sur le terrain, donnez-nous à titre expérimental, par exemple pour un territoire de MRC ou un territoire de CLSC dans la région de Montréal, l'ensemble du budget et les espèces de transferts, les espèces de virages qu'il faut prendre dans le système, on pense qu'entre

intervenants, sur le terrain local, on pourrait réussir à faire une démonstration pratique avec les moyens entre les mains? À ce moment-là, on pourrait au moins dire au ministère, au gouvernement, à l'État: Voyez, ça se fait!

M. Payette: J'aurais tendance à dire, dans certains cas, oui puis, dans d'autres cas, non. Tout dépend, je dirais, de la capacité d'ouverture de l'ensemble de ces intervenants-là. Il ne faut pas se le cacher, moi, je pense que le virage axé sur le citoyen, il n'est pas encore fait, bon) Pour faire ça, ça suppose qu'il y a déjà un début de producteurs. Au fond, vous me demandez: Est-ce que des producteurs pourraient se mettre ensemble en disant: Bon, bien on prend le budget global quitte à renoncer à certains acquis et à travailler à l'intérieur de ça pour établir, à l'intérieur d'une région ou d'une localité, un ensemble de services? Moi, je dirais qu'il y a des endroits où c'est possible. Il y a déjà des exemples de collaboration, de complémentarité entre les différents producteurs sur le plan local qui, je crois, nous permettraient de dire qu'il y a des chances dans ces endroits-là. Si on voulait faire ça comme un projet-pilote, il faudrait le faire dans des endroits où on a toutes les chances du monde que ça puisse marcher et que ça puisse servir de stimulant et de moteur. Mais, je crois que ça demande quand même un certain nombre de conditions pour arriver à faire ça.

Moi, j'ai l'impression, comme je le disais tout à l'heure, qu'il faut quand même qu'il y ait un signal clair de la part du gouvernement concernant le fait qu'on s'en va par là. Il faut qu'il y ait ce signal-là. Je crois que tant qu'il n'y aura pas ce signal... Je ne dis pas que ça doit être nécessairement une loi ou des restrictions. Que ce soit par des mesures, je dirais, incitatives ou des mesures correctives, il faut qu'il y ait ce signal-là, parce qu'il n'est pas encore clair au niveau des producteurs de services.

M. Trudel: Est-ce que vous ne considérez pas... Excusez.

M. Payette: Michel, là-dessus.

M. Bissonnette (Michel): Peut-être un élément. Quand on parle de virage, on parle d'un virage provincial, on parle d'un virage majeur, d'un changement de cap et ça signifie du changement. Commencer par une région ou une autre région, ça apparaît peu approprié compte tenu des importantes sommes dans le fond qui sont souhaitées pour faire ce virage. Mais il y a des éléments importants: par exemple, la façon d'harmoniser entre établissements et services, la façon de rendre plus efficients et plus productifs des services qu'on donne. Il y a un certain nombre de contraintes qui peuvent être imposées et qui peuvent favoriser ce changement Par exemple, quand on parlait de gel du recouvrement, à partir du moment où le budget est gelé, ça pédale vite pour rationaliser. Ça, c'est très clair et il n'y a pas d'autres moyens. La seule façon de s'en sortir, c'est de rationaliser et de le rendre plus efficient. Ça, c'est une contrainte que je calculerais peut-être d'incitative mais importante.

M. Trudel: Dans les signaux à donner, moi, j'imagine que ça pourrait faire partie de l'arsenal en disant rapidement: Puisqu'on achète grosso modo le modèle et le virage à prendre... Et je le répète, ça ne peut être facile socialement, pour ne pas dire politiquement, de te planter, ce virage, de faire en sorte qu'il soit concret. Ce n'est pas exclusif. Ce que je vous demande comme question, c'est: Est-ce qu'on pourrait, par ailleurs, dans ces signaux, dire à une région: Oui, 300 000 000 $ et vous vous occupez de l'ensemble des services dans des conditions à discuter, parce qu'il y a toujours des éléments de base? Bon!

Je voudrais préciser un petit peu votre affirmation de tantôt. Vous avez dit: Ce virage-là, indéniablement, il est à prendre si on veut s'en sortir, et vous avez dit: II faut donner à tous des objectifs à atteindre. Vous ne croyez pas, d'abord, qu'à travers une expérience de type régional on pourrait également donner des objectifs à atteindre - les objectifs, ça marche dans tous les sens - en disant: On bloque, par exemple, l'institutionnalisation à tel niveau ou ça doit se faire à travers un tel pourcentage de niveau d'institutionnalisation? Ça se dit comme objectif, ça se partage avec les intervenants, cela. Ça, ça pourrait être un élément. (12 h 30)

Une deuxième question: Ce serait quoi, le moyen de contrôle, au niveau national si on prenait la piste: On fixe des objectifs à atteindre à tel secteur, à tel autre secteur et à tel autre secteur? Quels seraient les moyens de contrôle que nous aurions pour faire en sorte que les résultats soient atteints dans ce virage?

M. Payette: D'abord, avoir des objectifs très clairs, très opérationnels et qui pourraient être évaluables. Je pense que le moyen de contrôle, ce serait l'évaluation après un tel exercice qui le ferait. Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à dire que, dans les objectifs à atteindre, le virage pourrait devenir un objectif? Si, à ce moment-là, il y a une région, disons l'Abitibi-Témiscamingue, par exemple, où II y a, en tout cas, une volonté suffisante de faire ça, moi, personnellement, je pense que ça vaudrait la peine de responsabiliser les gens de la région. Moi, je suis sûr que, pour faire ce virage-là, il y a un ensemble d'acteurs qui doivent en assumer la responsabilité parce que, autrement, on n'arrivera à rien. Alors, si on avait ça comme objectif, par exemple, avec un

certain nombre de critères, de faire le virage vers la prévention, vers les services de première ligne et d'avoir la possibilité d'interagir avec d'autres, moi, je pense qu'on pourrait tenter l'expérience et l'évaluer de façon rigoureuse à partir des objectifs qui auraient été fixés.

M. Trudel: M. Sauvé?

M. Sauvé: Oui. Il y a peut-être des signaux. On parle de signaux à donner. Il y a des choses qui ne sont peut-être pas des aussi grands virages, aussi, à court terme. On pourrait compléter le cadre de partage à Montréal, qui n'est pas encore complété. C'est des petits virages, ça. Compléter les effectifs médicaux à Montréal aussi. On parle du maintien à domicile; c'est le seul programme qui est partout dans les CLSC. On en parle et on est heureux de l'avoir, mais on pourrait peut-être compléter de petites affaires aussi avant.

M. Trudel: Dans cette optique-là.

M. Payette: Les petits virages entraînent de grands virages.

M. Trudel: Je vais même aller plus loin pour avoir votre opinion sur le fait que des intervenants, ici, ont poussé un petit peu plus loin la piste qui est déjà présente dans le document de décembre, des HMO, c'est-à-dire, grosso modo, une allocation par personne pour maintenir en santé une population donnée.

Est-ce qu'un CLSC au Québec, à votre avis, serait prêt à relever le défi d'une expérience d'OSIS, la formule québécoise, puisque la loi 120, qui a été adoptée, le permet? Le ministre a dit: II n'y en aura pas, au niveau de l'établissement politique de la ligne où il se situe, sauf que la loi le permet. Est-ce qu'il y a un CLSC dans le réseau au Québec qui serait prêt à tenter une expérience de HMO ou d'OSIS au Québec, toujours parce que nous devons aller vers la prévention, la santé, le développement de la première ligne, mais vraiment le développement de la première ligne, pas les à-peu-près, et à la tenter, cette expérience-là, de façon contrôlée, avec les différents responsables aux niveaux national, régional et local?

M. Payette: Dans les années 1987-1988, quand il en était sérieusement... je ne dis pas sérieusement question, mais, en tout cas, c'était sur la table. Il y avait des CLSC qui s'étaient pratiquement portés candidats pour faire ça. De notre côté - notre opinion comme Fédération - on est plutôt hésitants à faire une telle expérience. Les raisons qui nous amènent à penser ça sont assez nombreuses et je laisserais à Mme Lalonde le soin de nous les apporter parce que c'est un dossier qu'elle connaît bien. Carole.

Le Président (M. Joly): Mme Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Lalonde: On a profité d'un stagiaire chez nous qui a fait une étude relativement complète; il venait de passer un an à Boston et avait étudié ces modèles. On se réfère souvent au modèle des HMO comme une formule assez gagnante, mais il faut voir qu'il y a à peu près 25 sortes différentes de HMO. Celles qui sont rapportées comme étant les plus rentables sont, généralement, les plus grosses et celles qui s'éloignent le plus des formules, disons, qui seraient applicables ici. C'est une des difficultés, l'application du modèle, dans les travaux qu'on avait avec le ministère, qui semblait relativement complexe d'application à cause du régime d'assurance public. Il faut comprendre que les HMO fonctionnent à partir d'un modèle d'assurance privé où ce sont les producteurs, dans le fond, qui, à toutes fins utiles, reçoivent les cotisations des personnes qui contribuent pour avoir une gamme de services précis et ont tout incitatif, évidemment, pour que ce soient des services légers plutôt que des services qui requièrent des hospitalisations. C'est généralement des médecins, même, qui sont les gérants, disons, de la formule.

Nous, on n'est pas rébarbatifs - comme M. Payette vient de le dire - à une telle formule, mais, dans le cadre des travaux qu'on a menés avec le ministère, l'application, en contexte québécois, semblait relativement difficile et on en venait un peu à la conclusion de dire: Bien si, dans le fond, on consolidait les services médicaux courants dans les CLSC qui ont l'approche justement de favoriser la prévention, une médecine familiale qui prescrit en général pour de moins grandes périodes la médication, donc c'est déjà philosophiquement proche, en termes de formule, de ce que les HMO apportent comme élément rentable, on atteindrait les mêmes objectifs.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Lalonde. M. le député.

M. Trudel: Philosophiquement, vous dites: Ce n'est pas impossible. Et je quitte le terrain de l'expérimentation qui m'apparaît être nécessaire dans le contexte actuel. Il faut au moins qu'on aille vers des expériences-pilotes dans un certain nombre de formules et de secteurs de réponse à la demande de services. Sauf que vous soulevez là, oui, effectivement, une dimension essentielle de ce projet: les médecins en CLSC. La profession de foi du ministre dans les CLSC ne s'est pas transformée sur le terrain de la négociation jusqu'à inclure les omnipraticiens comme activité particulière, pour être reconnu dans l'entente, à la pratique en CLSC. Alors, à cet égard-là, comment on va faire pour en arriver à avoir cette équipe de médecins en

CLSC? Parce que vous êtes en déficience. Je le dis un peu à la blague: Les optométristes veulent rentrer deux par la porte chez vous, les pharmaciens m'ont dit de vous passer le message qu'ils veulent bien rentrer chez vous aussi. Tout le monde veut aller aux CLSC, il y a juste les médecins qui ne veulent pas y aller. Comment va-t-on y arriver, à cette condition essentielle du virage également?

Le Président (M. Joly): M. Sénéchal, s'il vous plaît.

M. Sénéchal: Bien, je pense que je fais la distinction entre les médecins comme individus et les médecins comme regroupement. Et nous, ce qu'on pense, si on prend strictement le problème du recrutement des médecins en CLSC, ce sur quoi on a travaillé et la formule qu'on a développée pour les attirer, c'est qu'il faut offrir aux médecins en CLSC un lieu d'exercice qui est intéressant, qui est attrayant et qui est attirant. Et c'est ce qu'on a déposé auprès du ministre - vous en avez copie - un projet médical en CLSC. Ce projet médical exige qu'on ait en CLSC une gamme complète de services, dont des services médicaux courants, dont des services médicaux qui s'adressent à des clientèles à risque, dont des services médicaux aussi qui sont préventifs. Parce que, qu'on le veuille ou pas, nous, on pense que la prévention, ça vaut aussi pour le médical et ça se fait dans le cadre de services médicaux. Alors, il faut avoir ce projet médical et c'est à cette condition-là qu'on va être capable d'intéresser des médecins. Ce n'est pas vrai que des médecins vont venir en CLSC seulement pour faire de la prévention, par exemple. On va avoir beaucoup de difficultés. Ce n'est pas vrai que des médecins vont venir en CLSC, en tout cas pour une bonne partie d'entre eux, seulement, par exemple, pour faire des services à domicile. Ce sont des généralistes qui sont intéressés à une pratique générale, à une pratique de médecine familiale et, si on n'a pas ces instruments-là pour les attirer en CLSC, on ne les aura pas. Donc, ça veut dire qu'il faut développer des services médicaux, une médecine familiale en CLSC, des services médicaux courants, dans tous les CLSC.

M. Trudel: Et vous pensez que, dans ce cadre...

M. Sénéchal: Et, en plus, c'est rentable.

M. Trudel: Tel que vous l'avez décrit tantôt, ça peut se faire. Vous pensez qu'avec ce cadre d'activités médicales en CLSC, ce projet médical en CLSC, ça va créer les conditions, disons, suffisantes pour faire en sorte qu'on ait vraiment tous les effectifs médicaux nécessaires pour véritablement opérer la première ligne?

M. Sénéchal: Nous, en tout cas, on est prêts à jouer le jeu de la compétition, de la concurrence et du marché là-dedans. Le projet médical qu'on a développé l'a été avec la collaboration de médecins. Il y a dans des CLSC - et M. le ministre a eu l'occasion d'en visiter - des équipes importantes de médecins, en milieu rural comme en milieu urbain. Une partie de ces médecins ont contribué à l'élaboration du projet qui était là. Il y a même la Corporation des médecins, en passant, qui a travaillé à l'élaboration de notre projet médical.

M. Trudel: Ah! Le diable s'est mêlé de ça.

M. Sénéchal: Et on avait autour de la table les gens qu'il fallait pour nous dire c'est quoi qui pouvait les attirer en CLSC, à partir d'une expérience vécue et de projets qu'on a développés déjà au cours des années.

M. Payette: Juste un élément de réponse. Le Président (M. Joly): Oui, M. Payette.

M. Payette: Dans le sondage dont je parlais tout à l'heure, on a posé la question aux gens, de même qu'en 1984, en 1989 et en 1991: Si vous aviez un problème de santé mineur, si quelqu'un de votre entourage, vous-même ou votre famille avait un problème de santé mineur, à qui vous référeriez-vous? Et on donnait un ensemble de réponses: l'urgence de l'hôpital, le cabinet privé, la clinique, le CLSC ou autre chose. La progression de la réponse de la population est assez forte. Alors qu'en 1989 15 % des gens disaient: Moi, je me référerais aux CLSC, en 1991, en décembre dernier, c'est 27 % de la population qui disait: C'est le CLSC. Évidemment, il y a eu depuis ce temps-là l'annonce de la réforme, des messages qui ont été clairs et ces choses-là. Moi, je me dis que ça, c'est un élément qui va être important, le fait que la population va demander de plus en plus d'avoir des services courants en CLSC pour des problèmes et ça va, en tout cas, permettre de pouvoir modifier actuellement les forces qui sont en jeu, le marché au fond. Conrad a une petite chose a ajouter.

M. Sauvé: Oui, simplement...

Le Président (M. Joly): M. Sauvé.

M. Sauvé: ...sur la question des omniprati-ciens aussi. On sait qu'à Montréal il y a trop d'omnipraticiens, mais il n'y en a pas assez en CLSC. Il faut faire la distinction. Il faut nous donner les moyens quand on...

M. Trudel: Je veux juste, à ce chapitre, avoir une confirmation. Vous dites: Si on fait - toujours selon votre langage - le virage première ligne et qu'il y a réallocation de

ressources, la grande question matérielle de dire, sept jours par semaine, 24 heures sur 24, on pourrait y arriver dans un laps de temps relativement court?

M. Payette: O.K. Nous, comme utilisateurs, représentants des usagers, on a toujours trouvé que nos CLSC ne sont pas assez ouverts. Ça, c'est clair. Dans les conseils d'administration, on tente de plus en plus de «prioriser» le problème de l'accessibilité et, à mesure qu'on a des budgets de développement, de mettre ça sur l'accessibilité. Pour répondre à votre question, il y a deux façons d'augmenter l'accessibilité et c'est deux façons complémentaires. Je pense qu'il y a une première façon qui peut être au niveau de la réorganisation des horaires, en autant qu'on a la collaboration du personnel pour quitter une culture de 9 heures à 17 heures et entrer dans une culture, je dirais, de services de première ligne. Il y a ça qui peut être fait. Il y a plusieurs CLSC qui, à l'intérieur des sommes qu'ils ont, ont réussi à agrandir leur horaire d'une façon significative. Ça, c'est une façon de limiter.

Mais il y a aussi, je pense, nécessairement un ajout de ressources et, à mesure que les ressources vont s'ajouter, moi, je pense qu'on va augmenter. On peut dire que, dans les 10 dernières années, la moyenne d'heures d'ouverture dans les CLSC augmente constamment. Dans le moment, je pense qu'on est rendu à 65 heures par semaine et nous pensons qu'il faut se rendre à 95 heures avec le support d'un système d'Info-Santé qui fonctionnerait sur une base régionale, ce qui ferait que n'importe quel citoyen, quand il appelle son CLSC, 24 heures par jour, sept jours par semaine, aurait une réponse - mais pas un répondeur - d'une personne qualifiée pour l'aider dans sa démarche. On pense que ça peut se faire assez rapidement, particulièrement avec le support de l'info-services... l'Info-Santé.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette.

M. Trudel: Info-Santé. Il ne faut pas se laisser fourcher la langue pour aller dévier sur l'impôt-services. Info-Santé.

M. Payette: Excusez, excusez. Un lapsus.

M. Trudel: M. Sauvé - je termine là-dessus - avec une assez grande lucidité, vous dites: Je n'oublie pas, par ailleurs, que, dans tout le système, il y en a un qui ne fait pas sa job. Et vous dites: Nous, M. le ministre, on est prêts à vous appuyer pour aller chercher notre juste part des points d'impôt dont nous aurions besoin, de là où est la caisse, sur 25 000 000 000 $, pour nous permettre de réaliser ce virage-là.

Vous savez que, depuis le début de la commission, M. Sauvé, un peu à la blague, nous avons dit: On va organiser un autobus et on va tous descendre à Ottawa pour aller les rencontrer. Mais, à cet égard-là, il y a trop de monde qui a manifesté, jusqu'à maintenant, l'intention d'au moins avoir les explications, au Québec, du comportement du gouvernement fédéral eu égard à notre système de santé. Tout le monde a remarqué bien précisément, à «Scully rencontre», une affirmation qui n'est pas neuve, mais qui est répétée par le ministre: Juste pour 1991-1992, il y a 1 200 000 000 $ qui ne sont pas arrivés dans les coffres. C'est pourquoi, entre autres, on se tortille les tripes et on est en train de faire l'exercice qui est devant nous.

Motion proposant d'inviter le ministre de la

Santé nationale et du Bien-être social du

Canada, M. Benoît Bouchard, à venir expliquer

la position du gouvernement fédéral

alors, m. sauvé, il faut que ce soit concret, ces choses-là. aujourd'hui, on est à la dernière journée de la commission, je veux déposer une motion devant cette commission, m. le président...

Le Président (M. Joly): Vous me surprenez, M. le député.

M. Trudel: ...pour que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat de consultations particulières et d'audiences publiques sur le document intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens», invite le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du Canada, M. Benoît Bouchard, à venir témoigner afin d'expliquer la position du gouvernement fédéral quant au financement de notre système de santé et de services sociaux au Québec. J'en fais motion, M. le Président, et je la dépose devant vous.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. le député. Tous les gens présents dans cette salle, à la lecture de cette motion, ont compris que je devrai rendre une décision, premièrement, sur la recevabilité. Alors, comme le temps presse et que tout le monde est pris, comme vous le disiez, par les tripes, partant de là, je prends acte de votre motion et je rendrai mon jugement lorsque nous reviendrons pour siéger, juste avant d'entendre l'Association des manufacturiers du Québec. À moins que vous ayez des remarques de clôture, si on peut dire, je pense que c'est...

M. Trudel: Merci, M. le Président, de recevoir la motion pour l'instant.

Le Président (M. Joly): Pour le moment.

M. Trudel: Je vais attendre votre jugement et je reviendrai pour les remerciements.

M. Côté (Charlesbourg): Je remercie la

Fédération des CLSC pour sa présentation. On va se dire qu'il nous reste encore pas mal de chemin à faire, tout en faisant le maximum pour ne pas faire en sorte que notre pyramide ne soit qu'un amoncellement de parties de pyramide qui tombent par terre, mais qu'elle demeure toujours pyramide inversée, selon ce qu'on souhaite.

En terminant, quant à la réflexion de mon ami Trudel, pendant le lunch, quant à sa motion, moi qui suis un Gaspésien d'origine et qui ai toujours été habitué de travailler avec la mer et avec les rivières, c'est toujours plus facile de les faire descendre que de monter. Et on ne descend pas à Ottawa, on monte à Ottawa. Quand on veut agir en amont sur les déterminants, il est clair qu'il y a une certaine convergence des points de vue et, dans ce sens-là, on va analyser de très près la proposition qui invite. Je ne pense pas qu'il faudra se faire beaucoup d'illusions sur le niveau de recevabilité de la part du fédéral d'une invitation comme celle-là, mais je serais particulièrement heureux de voir deux «churns», qui étaient bras dessus bras dessous en 1980, ou presque...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): ...qui, initialement, sur le plan électoral, avaient choisi la même voie, d'aller au fédéral, les deux, se retrouver à une table provinciale. Probablement que celui qui sera le plus à l'aise, si jamais il accepte, c'est moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Merci à la Fédération des CLSC. Vous allez comprendre qu'il y en a qui comprennent plus vite que d'autres; vous allez le dire aussi. En remerciant la Fédération des CLSC, c'est une proposition audacieuse que vous avez faite, étayée, réaliste et réalisable. Il y a une grande part de la réalisation de cette piste qui repose sur la volonté de le faire et sur le virage, mais aussi sur la concertation et la complémentarité sur le terrain. À cet égard-là, je crois que les CLSC ont suffisamment d'expérience de terrain pour être capables de pousser dans la direction pour faire en sorte que ça appuie également le nécessaire virage au niveau de l'allocation des ressources et du type de ressources employées pour répondre à la demande. Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Au nom des membres de cette commission, à mon tour, je remercie les membres de la Fédération des CLSC du Québec de nous avoir communiqué leur mémoire et de nous avoir permis d'échanger.

La commission suspend ses travaux. Nous reprendrons à 13 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprise à 14 h 6) le président (m. joly): la commission reprend ses travaux. bienvenue, m. le hir, de l'association des manufacturiers du québec, et monsieur...

M. Le Hir (Richard): Gaston Charland, qui est le directeur de nos études sur ces questions.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Peut-être que vous n'étiez pas ici au moment où nous avons suspendu nos travaux. Il y a une motion qui a été présentée par M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue pour laquelle je m'étais engagé à rendre une décision. M'inspirant de l'article 170 de nos règles de procédure et regardant la jurisprudence de l'ancien président, M. Jean-Pierre Charbonneau, cette motion comme telle est irrecevable. Par contre, compte tenu des ententes qui existent au niveau de cette sous-commission et compte tenu du fait que ce sont des ententes unanimes, je suis prêt à considérer que la motion telle que déposée puisse avoir libre cours.

M. Trudel: M. le Président, je n'ai pas à rallonger de beaucoup le débat.

Le Président (M. Joly): Par contre, je dois enregistrer aux galées officielles comme quoi c'est bien unanime, les membres de cette commission, tant du parti ministériel que du parti de l'Opposition.

M. Paradis (Matapédia): Vous nous dites que, sur consentement unanime des membres de la commission, cette motion pourrait être rece-vable.

Le Président (M. Joly): Non, je n'ai pas dit que la proposition comme telle était recevable. Si on se fie à la jurisprudence comme telle, elle n'est pas recevable.

M. Paradis (Matapédia): O.K.

Le Président (M. Joly): Mais, compte tenu de la façon dont nos travaux ont été amorcés et compte tenu aussi que, tout au cours de ces derniers, il y a eu ce qu'on appelle cette bonne volonté entre les deux formations, je serais prêt à considérer, telle que libellée, la motion de M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Paradis (Matapédia): Vous connaissez notre très grande magnanimité.

Le Président (M. Joly): Je n'en ai jamais douté, M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Alors, notre consentement vous est acquis, mon cher ami.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris, c'est que, dans la mesure où on réussit à avoir le ministre fédéral de la santé et des services sociaux, ce sera une bonne pilule pour le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Je ne veux rien de mieux que son bien-être.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Matapédia): Puis on va sauver l'autobus.

M. Trudel: Vous savez que tout ce qui nous préoccupe, c'est... C'est pour vous éviter un voyage en autobus.

M. Paradis (Matapédia): On va sauver l'autobus.

Le Président (M. Joly): Vous comprendrez que cette motion s'adressait aussi à la sous-commission et non pas à la commission. Correct?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, oui. M. Trudel: À la sous-commission. Le Président (M. Joly): Merci.

M. Côté (Charlesbourg): S'il accepte le débat, on va avoir du «fun»...

M. Trudel: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...de discuter de souveraineté, d'indépendance, de fédéralisme, d'asymétrie, de symétrie, et tout ça.

Une voix: II y a tout un lexique.

M. Côté (Charlesbourg): On va vous regarder, on va avoir du «fun».

M. Trudel: Ah bon! Puis on va sortir le dictionnaire.

Le Président (M. Joly): Mais il faudrait peut-être mentionner à M. Bouchard pour combien de jours vous en avez besoin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ah! on peut lui apporter un calendrier avec ça s'il le veut. merci beaucoup. je comprends que c'est adopté à l'unanimité. merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Donc, la motion est adoptée à l'unanimité. Merci.

Donc, bienvenue aux membres de l'Association des manufacturiers du Québec. Vous nous excuserez du retard. Vous avez sûrement compris que nous avons fini pas mal tard avant l'heure du dîner. Alors, vous avez le temps voulu, normalement une vingtaine de minutes, pour nous présenter votre mémoire et, par après, les membres de cette commission échangeront avec vous.

Association des manufacturiers du Québec

M. Le Hir: Merci, M. le Président. Un mot, tout d'abord, pour remercier la commission d'avoir accepté d'entendre notre témoignage sur l'opportunité de revoir le financement de nos services de santé et de nos services sociaux. L'Association avait tout d'abord pris la décision de ne pas présenter de mémoire. En effet, les sujets sur lesquels nous sommes présentement appelés à nous prononcer en ce moment sont très nombreux et ils revêtent, pour la plupart, une urgence plus grande pour les manufacturiers et ont une relation plus directe avec leurs activités. De plus, l'Association ne prétend à aucune expertise particulière en matière de services de santé et de services sociaux.

Cependant, un examen des propositions que le gouvernement soumet à l'attention de la population et certains arguments qu'il invoque au soutien des orientations qu'il propose nous ont rapidement convaincus de la nécessité pour nous de ne pas nous désintéresser de la question dans la mesure où nous sommes appelés à participer au financement de ces services et où il nous apparaît maintenant que la machine est hors de contrôle.

Nous vous soumettons donc ce mémoire qui n'a pas la prétention de constituer une critique exhaustive du document déposé par le gouvernement. Notre critique est délimitée, bien sûr, par notre vision de ce qui est en jeu pour nos membres et leurs besoins, de même que, bien humblement, par notre absence de familiarité avec les besoins spécifiques de la population en la matière, notre ignorance de la façon dont fonctionnent les réseaux de services de santé et de services sociaux au Québec et, dans un tout autre ordre d'idées, le temps que nous avons pu consacrer à sa préparation vu nos autres engagements.

Cela dit, nous savons tout de même lire, compter et écrire aussi bien que bien d'autres et nous sommes à même de vous livrer nos impressions sur cette importante réflexion dont nous sommes tout disposés à admettre en premier lieu qu'elle s'imposait.

En effet, s'il est une crainte que nous partageons aisément, c'est bien celle de notre capacité collective à soutenir le rythme de la croissance de nos dépenses en services sociaux et de santé. De la même façon, sommes-nous préoccupés de la lourdeur du fardeau que nous laisserons aux générations futures et du poids qu'il pèsera dans leur capacité à créer une richesse au moins aussi grande que celle que nous avons connue et à développer, à leur tour,

les services dont ils profiteront et qu'ils laisseront en héritage à leurs successeurs.

Vu les limites que nous avons évoquées plus haut, votre commission ne sera sans doute pas surprise de nous voir aborder le problème par l'angle qui nous est le plus familier. Il s'agit, bien sûr, de l'angle économique. Sur ce point, nous souhaitons, d'entrée de jeu, vous faire part d'un sentiment de malaise que nous avons ressenti dès les premières pages de la réflexion du gouvernement et qui ne nous a jamais quittés jusqu'à la fin. En effet, les dés nous semblent pipés dès le départ et le gouvernement utilise tous les arguments disponibles pour nous amener à la solution de son problème, celui du déséquilibre des finances publiques et de la nécessité devant laquelle il se trouve d'identifier les moyens devant lui servir à colmater des brèches de plus en plus béantes. Quoique ce problème soit bien réel et que nous ne souhaitions en rien le minimiser, il nous semble qu'il soit l'accessoire d'un autre, bien plus fondamental, qu'en revanche le gouvernement semble presque disposé à escamoter, coincé qu'il est à très court terme par le premier.

Le défi que la société québécoise doit affronter aujourd'hui est celui du maintien de la couverture de sécurité sociale dont elle s'est dotée, sans en avoir eu les moyens, tout en récupérant la marge de manoeuvre qu'elle a perdue en s'endettant pour offrir cette sécurité à sa population. Vous en conviendrez, il s'agit d'une grosse commande. Exagéré, nous direz-vous? Pas le moins du monde. Bien sûr, si l'on regarde les tableaux que le gouvernement a prépares, la situation, quoique inquiétante, n'a rien d'alarmante. En effet, le niveau de nos dépenses correspond, au dire du gouvernement, à notre richesse relative et au comportement moyen des provinces et des pays industrialisés; ce niveau est relativement modéré en contexte nord-américain, mais on note quand même qu'il est supérieur à celui des autres pays industrialisés; la part des dépenses de santé supportée par les fonds publics se compare à celle des autres pays, mais on admet qu'elle est supérieure à celle de l'Ontario et du Canada.

Pourtant, à y regarder de plus près, on peut brosser un tout autre portrait. D'ailleurs, le gouvernement en est bien conscient car il ne néglige pas d'aborder la dimension du niveau de notre dette publique dans la partie qu'il consacre à l'ensemble de cette problématique, tous services publics confondus. Mais la vérité toute nue et toute crue ne peut s'apprécier au seul regard de la progression de nos coûts face à la croissance de notre PIB. La progression de notre PIB ne fait que mesurer notre capacité à créer de la nouvelle richesse; elle ne mesure pas l'efficacité et l'efficience que nous pouvons avoir dans la gestion de la richesse ainsi créée. Pour obtenir cette mesure, il nous faudrait déduire de la richesse créée le niveau de l'endettement con- tracté dans l'utilisation de cette richesse. Et là il ne devrait faire aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que notre performance est nettement moins bonne: si l'on tenait compte de la part d'endettement que nous avons contractée au chapitre de nos dépenses de santé et des services sociaux, notre performance serait très nettement inférieure au comportement moyen des provinces et des pays industrialisés, dans le sens où nous avons dépensé trop; ce niveau serait plus élevé relativement au contexte américain et il serait de beaucoup supérieur à celui des pays industrialisés; la part des dépenses de santé et de la dette contractée à ce chapitre pour être supportée par les fonds publics dépasserait nettement celle des autres pays industrialisés et serait de beaucoup supérieure à celle de l'Ontario et du Canada.

En effet, le niveau de notre endettement public au Québec et au Canada est très élevé. Certes, le fait que la situation de l'Ontario soit présentement en train de se détériorer de façon accélérée nous permet de dire que notre situation relative s'améliore. Mais il s'agit d'une bien piètre consolation. Autant il peut être stimulant de comparer sa situation propre face à une situation qui s'améliore rapidement, autant il peut être périlleux de faire la même chose en rapport avec une situation qui se détériore rapidement. Cette réflexion nous amène d'ailleurs à souligner combien, tant à la hausse qu'à la baisse, toute référence à un autre modèle peut être source d'erreurs tant il est vrai que les situations ne sont jamais véritablement identiques. Le «toutes choses étant égales d'ailleurs» est une vue de l'esprit avec laquelle la réalité s'accommode généralement assez mal. Les références à l'Ontario pouvaient avoir un certain sens lorsqu'il s'agissait d'avoir une référence pour l'amélioration des services. Se référer à l'Ontario alors que le système craque de partout, autant, d'ailleurs, en Ontario qu'au Québec, et peut-être même plus en Ontario que chez nous si l'on se fie aux mesures draconiennes annoncées par le premier ministre Rae, nous mène tout droit à la catastrophe financière.

Dans ces conditions, la réponse à la question suggérée par le gouvernement devient assez facile: par rapport à leur richesse collective, les citoyens du Québec consacrent davantage de ressources économiques aux services sociaux et de santé qu'ils n'ont effectivement les moyens de le faire.

Le niveau de ces dépenses est également susceptible d'augmenter plus rapidement qu'ailleurs en raison de la situation particulière du Québec au plan des ressources disponibles, que ce soit en ce qui concerne le nombre d'omni-praticiens per capita par rapport à la moyenne canadienne ou le nombre de spécialistes per capita par rapport autant à la moyenne ontarien-ne qu'à la moyenne canadienne. Cette situation pourrait constituer un avantage au plan de

l'accessibilité aux services si l'on n'avait pas à déplorer, au Québec, de criantes disparités d'une région à l'autre et si ces disparités n'étaient pas à l'origine de distorsions importantes dans l'offre et la demande de services avec les conséquences que ces distorsions peuvent avoir sur les coûts.

À ce chapitre, d'ailleurs, le rapport du gouvernement est singulièrement muet. En bonne logique économique, il y a une relation directe entre l'offre et la demande. Et il est bien connu que tout développement de l'offre stimule la demande. Ce phénomène est d'autant plus aigu dans une situation où il n'existe aucune régulation de la demande par le prix qu'a à supporter le consommateur. On peut argumenter que l'impôt joue ce rôle, mais la relation entre l'augmentation des impôts et la consommation des services est tellement éloignée et tellement peu proportionnée à la consommation réelle qu'elle n'est pas véritablement perceptible par ce consommateur de services.

Dans ces conditions, le fait que le nombre de médecins au Québec augmente à un rythme trois fois plus rapide que la population constitue une source de préoccupation majeure dans la mesure où le système en place leur garantit un accès à une source de revenus dont la limite n'est pas fixée par la taille du marché mais bien plutôt par leur ingéniosité à exploiter ce marché en occupant des créneaux particuliers, que ce soit par le choix d'un champ de spécialisation ou par le mode d'organisation retenu pour la dispensation de leurs services.

Par ailleurs, le bon jugement économique des médecins les amène aussi à privilégier, pour s'installer, les lieux où les concentrations de la population sont les plus importantes pour maximiser le potentiel de leurs revenus. Cette situation se traduit par des écarts d'accessibilité qui, si les détails en étaient bien connus, permettraient de faire un bon diagnostic sur les moyens à prendre pour limiter l'offre dans certains cas et l'augmenter dans d'autres. Et il est bien évident que la position du gouvernement entre ceux qui offrent les services et ceux qui les demandent pourrait devenir particulièrement inconfortable, ce qui peut expliquer pourquoi on semble avoir rapidement glissé sur la question de l'équité interrégionale dans l'accès aux soins de santé. le chapitre du rapport consacré à l'allocation des ressources a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête de tout gestionnaire du secteur privé. les aveux qu'on y trouve sont consternants et suffiraient, à eux seuls, à justifier le renvoi sur-le-champ du directeur des services financiers dans une entreprise privée. pour en apprécier la gravité, il faut faire un retour en arrière au début du document. en effet, il y est dit que «l'objectif fondamental de l'état, en tant que fiduciaire du bien commun, c'est de contribuer à améliorer la condition de santé et de bien-être des citoyens, et ce, par les moyens disponibles qu'il juge les plus efficaces possible».

On constate donc que l'action de l'État sera guidée par deux notions, celle de fiduciaire du bien commun, et, selon nous, cette notion de fiduciaire du bien commun s'étend à la gestion des deniers publics, et une deuxième notion qui est celle de l'efficacité.

Or, le document du gouvernement fait état de l'utilisation de méthodes de gestion pour le moins discutables. On cite ici le rapport: «la dynamique ne s'applique pas à définir explicitement des objectifs précis de santé et ne s'interroge pas suffisamment sur l'efficacité»; «les avantages sanitaires et socio-économiques des services de santé et des services sociaux se trouvent ainsi ne pas être maximisés»; «en ce qui concerne les services hospitaliers, d'année en année, les budgets sont reconduits dans le cadre d'un processus de dotation budgétaire globale sur la base d'indexations uniformisées valables pour tous les établissements, sans même que l'on s'interroge sur leurs bases historiques»; «la reconduction mécanique des budgets d'établissements [...] ne permet pas de prendre en compte de façon adéquate l'évolution des besoins desservis et des volumes d'activité»; «les mécanismes n'encouragent pas adéquatement les gestionnaires en fonction des efforts fournis et de leurs succès à améliorer la performance de leurs établissements. Ils ne constituent donc pas un incitatif à produire les services avec efficience, c'est-à-dire au meilleur coût unitaire possible».

Alors, comme on ne sait pas trop ce qu'on veut faire, on fait un peu n'importe quoi, en utilisant à peu près tous les moyens sans trop savoir si c'est très efficace et si l'on en a pour son argent.

Voilà ce qu'on nous dit une fois éliminé le jargon technico-économico-bureaucrati-que. Et voilà comment on finit par endormir les populations pour leur faire accepter l'inacceptable. Sur la base de son objectif fondamental qui était le sien, l'État a lamentablement failli, il avoue lui-même avoir été un mauvais fiduciaire et son action n'a pas été efficace.

Et nulle part sa mauvaise performance n'est-elle plus visible que dans les abus auxquels le système ouvre la porte toute grande. La carte-soleil dont disposent les Québécois est, en fait, un chèque en blanc que tous les Québécois peuvent à tout moment tirer sur le trésor québécois. Lequel d'entre nous, ayant eu à laisser un chèque en blanc, n'a pas pris un minimum de précautions? Pourtant, l'État québécois, lui, en prend très peu: laxisme dans l'émission des cartes qui fait que des personnes n'y ayant pas droit en obtiennent, laxisme dans l'utilisation des cartes qui fait que des personnes n'ayant pas droit aux services obtiennent ces services aux frais des Québécois en se servant de cartes fausses, «louées» ou volées, et, enfin, laxisme dans l'administration du système qui n'applique

pas de règles strictes et dissuasives sur l'extension de la couverture en dehors des frontières du Québec où le contrôle sur les coûts devient presque impossible. La vérité, c'est qu'en dehors du contribuable personne n'a intérêt à ce que les abus soient réprimés. Et il est, à notre avis, beaucoup trop facile pour le gouvernement de se laver les mains en mettant ces abus sur le compte des coûts du système, à mettre en perspective avec ses avantages intrinsèques. Aucun assureur privé n'accepterait une réponse comme celle-là, justement en raison de ses obligations de fiduciaire. L'État fiduciaire a-t-il moins d'obligations? Nous pensons que c'est plutôt le contraire.

Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement fait grand cas du désengagement progressif de son partenaire fédéral qui, à l'origine, participait au financement des programmes. Ce désengagement est évoqué au chapitre de la stagnation des transferts fédéraux qui représentaient 28,9 % du revenu budgétaire du Québec en 1983-1984 et n'en représenteront plus que 18 % en 1993-1994.

À ce sujet, le gouvernement du Québec ne peut plus continuer à espérer naïvement que l'état des finances publiques fédérales va finir par s'améliorer bientôt et que les choses vont revenir à la normale. La vérité est que la situation des finances publiques fédérales est désespérée. Le gouvernement fédéral n'arrive pas à prendre le contrôle de son déficit comme il en avait annoncé l'intention. Chaque année, année après année, le déficit de fin d'année excède le déficit annoncé et la situation est encore plus grave une fois les chiffres révisés par le Vérificateur général. La mauvaise conjoncture économique des deux dernières années n'améliore pas la situation, bien au contraire, et le gouvernement fédéral sera incapable de rencontrer les objectifs de réduction de déficit qu'il s'était fixés pour 1995. Le gouvernement du Québec serait donc bien avisé de commencer tout de suite à réduire sa dépendance à l'endroit des transferts fédéraux dont il est d'ores et déjà certain qu'ils vont encore baisser sensiblement avant de, peut-être, un jour lointain, remonter.

Si nous partageons l'analyse du gouvernement quant à la nécessité d'un redressement, nous sommes en revanche plus circonspects sur les moyens à privilégier. Selon nous, l'évolution des dépenses globales doit tenir compte non seulement de la croissance de son PIB, mais également de la part de celui-ci qui doit être affectée au remboursement de la dette publique.

Avant d'envisager toute réduction de la couverture des services ou toute augmentation de ses services de financement, le gouvernement doit démontrer à la population québécoise que la gestion des services de santé et des services sociaux est au-dessus de tout reproche. Autrement, il se trouve à demander à la population de verser une prime à l'inefficacité.

Le gouvernement doit cesser d'utiliser l'indice des prix à la consommation comme cadre de référence pour l'augmentation des budgets. Non seulement cette référence est inflationnaire, mais elle constitue une source profonde d'inéquité envers le secteur privé lorsque la croissance du PIB est inférieure à l'inflation. De plus, elle accentue le déséquilibre des finances publiques et contribue à la perception de l'existence d'un secteur public complètement isolé des contrecoups de l'économie.

Le gouvernement doit s'engager avec tous ses partenaires dans une démarche de qualité totale pour réduire tous les coûts reliés à la dispensation des services.

Le gouvernement doit introduire des mécanismes qui vont permettre de régulariser l'offre et la demande.

Le gouvernement doit donner aux Québécois des moyens de prendre connaissance de la valeur des services qu'ils obtiennent individuellement et de leur coût pour l'ensemble de la société.

Le gouvernement du Québec doit se préparer à gérer un désengagement du fédéral encore plus important du financement des services de santé et des services sociaux.

Le gouvernement doit réaliser que l'augmentation de la part de notre richesse collective affectée au financement de ces services apporterait peut-être un soulagement temporaire à ses problèmes de gestion des finances publiques, mais, en revanche, aurait pour effet, à plus long terme, de miner davantage la compétitivité de notre économie. En effet, le fait pour les Québécois d'avoir à puiser dans une autre poche pour pouvoir obtenir les mêmes services ne peut mener qu'à un affaiblissement de notre capacité concurrentielle.

Le gouvernement doit ajuster dès cette année les budgets qu'il consacrera aux services sociaux et de santé pour refléter la réalité économique actuelle et les recommandations contenues dans le présent mémoire. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Le Hir. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier d'avoir révisé votre position et d'avoir accepté de venir nous voir pour nous donner un point de vue qui, je ne peux pas dire que ça me fait dresser les cheveux sur la tête parce qu'il ne me reste pas beaucoup de cheveux, mais, à tout le moins, est bien différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Évidemment, l'objectif de cette commission est de faire intervenir des gens qui pourraient avoir des points de vue différents et qui pourraient nous dire un certain nombre de vérités, même s'il y a certaines vérités qui ne font pas toujours plaisir à entendre. Je pense que vous avez bien réussi, parce que le ton du mémoire est assez chargé et que ce dernier fait

appel à un certain nombre de faits que l'on ne peut pas nier. Même le constat qu'on fait nous-mêmes... Dans votre mémoire, je me retrouvais, parce qu'on pourrait prendre des parties que vous mettez dans votre présentation, les prendre du mémoire, et c'est la même chose, donc, en termes de constat-diagnostic. C'est ce qu'on a voulu faire à partir de la loi de la réforme, du cadre fiscal aussi, pour qu'on soit bien conséquents quant aux gestes que nous allions poser, en ce sens qu'il faut qu'ils partent d'un diagnostic.

Sur le plan de l'efficience et de l'efficacité, c'est clair qu'on a, à l'intérieur du document, au-delà du diagnostic, proposé un certain nombre de mesures, y compris dans la réforme et dans le document sur le financement, donc proposé des mesures qui accompagnent. Je pense que ce serait irresponsable de faire un diagnostic où on dit, et je tiens à le répéter parce que je ne veux pas que ça dérape non plus, que, de manière macro, les dépenses sont sous contrôle... Et il n'y a pas personne qui a fait la démonstration que les dépenses n'étaient pas sous contrôle de manière macro. Mais, lorsqu'on regardait dans des tiroirs, à gauche, à droite, un peu partout, là il y avait un certain nombre d'interrogations assez pointues qu'on a faites sur l'efficience du système et sur le questionnement d'un certain nombre de choses. Je partage votre constat à plusieurs égards, tout en disant que ça s'accompagne, dans le document, d'un certain nombre de mesures d'efficience et d'efficacité, d'abord, et, si ce n'est pas suffisant, par la suite, il va falloir regarder qui paie. Ce que j'ai compris, c'est que, des Québécoises et des Québécois qui se sont présentés devant nous, il n'y a pas grand monde qui est venu nous dire: Oui, vous pouvez en amputer. C'est clair que c'est toujours difficile, bien, bien difficile. Dans ce sens-là, on a un système de santé qui est reconnu mondialement comme étant un bon système. Les coûts sont sous contrôle, je tiens à le répéter, globalement. Il y a peut-être la Colombie-Britannique qui fait mieux que nous. Vous avez évoqué tantôt l'Ontario qui n'était plus un exemple à suivre, c'est ce que j'ai compris, et un certain nombre de mesures ont été prises à ce niveau-là.

Vous évoquez, à l'intérieur de cela, donc, des mesures qui devraient, d'abord et avant tout, s'adresser à l'efficience et à l'efficacité. Ce que ça sous-tend, à un moment donné, c'est qu'il faut trouver le moyen d'avoir un certain nombre d'incitatifs, et les gens nous ont dit ça aussi. On retrouve ça dans le privé, à l'occasion, des incitatifs. Quels sont des exemples d'incitatifs que vous avez dans le privé qui vous permettent d'avoir des gestionnaires performants et qui pourraient être applicables dans le réseau de la santé et des services sociaux? On est déjà avec un budget fermé. On l'est déjà à la RAMQ, y compris au niveau des établissements, et, finalement, les surplus, ils les conservent. Donc, il y a déjà une dynamique de budget fermé et aussi une certaine incitation. Mais qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour faire en sorte qu'on sorte de notre système, qu'on en fasse sortir davantage qu'on en a maintenant, avoir au moins le sentiment qu'on puisse en avoir pour notre argent?

Le Président (M. Joly): M. Le Hir.

M. Le Hir: D'abord, je ne voudrais pas laisser passer l'impression qu'on estime que la situation est sous contrôle, même au plan macro. Compte tenu de notre niveau d'endettement et de la part de cet endettement qui est reliée aux services de santé et aux services sociaux, on ne pense pas que la situation soit aussi supportable que vous l'estimez. Pour répondre spécifiquement à votre question, dans le secteur privé...

M. Côté (Charlesbourg): Ça va être important de faire des distinctions. «Sous contrôle» et «supportable», c'est différent, pour moi. Peut-être que notre société ne peut pas supporter le niveau d'investissement qu'on fait maintenant; ça ne veut pas dire que, de manière macro, ce n'est pas sous contrôle. Il y a des choix à faire, et c'est un peu ce pourquoi cette commission-là invite les gens. Je pense que votre point de vue est différent. Ce que vous nous dites, c'est qu'on en met déjà trop, qu'il faut en mettre moins.

M. Le Hir: Oui, effectivement. Bon, je veux bien admettre la distinction que vous faites entre «sous contrôle» et «supportable».

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!

M. Le Hir: Pour répondre spécifiquement à la question que vous posiez, dans le secteur privé, on fonctionne encore, et peut-être est-ce par manque de subtilité, avec des systèmes de carotte et de bâton. Il y a des primes de rendement qui sont accordées aux gens qui réussissent la performance qu'on demande d'eux et il y a des sanctions appliquées à ceux qui ne réussissent pas la performance qu'on exige d'eux. Dans ce sens-là, disons, si vous me parliez du cas des gestionnaires des services de santé, ce serait sans doute un moyen à regarder. Mais je vous dirai quand même que ces systèmes-là sont de plus en plus remis en question par la pratique de la gestion de la qualité totale qui fait appel à un comportement beaucoup plus responsable de la part des gestionnaires et qui exige, sur le plan démarche méthodologique, une discipline beaucoup plus grande. C'est pour cette raison que, nous, on a inscrit comme recommandation la nécessité pour le gouvernement de s'engager dans une démarche de qualité totale, et ça suppose l'existence de certains partenariats et le développement d'une éthique qu'on semble avoir perdue en cours de route dans notre système.

M. Côté (Charlesbourg): lorsqu'on parle d'éthique qu'on semble avoir perdue, est-ce qu'à ce moment-ci on s'adresse au niveau gestionnaire?

M. Le Hir: À tous les niveaux.

M. Côté (Charlesbourg): Ça pourrait être aussi l'entrepreneur libre. (14 h 30)

M. Le Hir: Absolument. On vise autant les gestionnaires que les consommateurs de services, que les médecins, que les pharmaciens, que tout le monde, quoi! C'est toutes les parties prenantes.

M. Côté (Charlesbourg): Selon vous, quel devrait être le niveau, de manière très claire et très précise, que devrait consacrer le gouvernement du Québec aux services de santé et aux services sociaux?

M. Le Hir: C'est une question qui est toujours délicate dans la mesure où on se dit: Face aux services de santé et aux services sociaux, on ne peut pas se permettre de ne pas donner aux gens ce dont ils ont besoin. Malheureusement, la réalité économique a des exigences également et il faut regarder la progression de notre richesse collective et de quelle façon elle progresse. Quand on voit, par exemple, des budgets indexés automatiquement sur la base inflation + 3 %, vous comprendrez que, dans le secteur privé où, depuis des années, on vit avec des progressions budgétaires qui sont systématiquement en bas de l'inflation pour les entreprises qui réussissent - je ne parierai pas de celles qui ne réussissent pas, on voit où ça les mène - on est bien obligé de constater qu'il y a une situation déplorable qui s'est développée dans le secteur public par rapport à l'aisance qu'on pouvait prendre avec des réalités économiques de base, comme la progression du produit intérieur brut qui est la véritable mesure de notre richesse.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous nous dites, c'est davantage en fonction du produit intérieur brut que de toute autre mesure.

M. Le Hir: Exactement.

M. Côté (Charlesbourg): Ça permettrait, finalement, d'avoir une variante à la hausse ou à la baisse, dépendamment de...

M. Le Hir: Pour vous donner un exemple, l'an dernier, la croissance économique, c'est - 1,5 %, - 2 %, selon l'endroit où on se trouve. Si vous avez l'inflation + 3 %, l'inflation était de 5,5 %, + 3 %, ça fait 8,5 %, plus les deux points d'écart, vous êtes à 10,5 % par rapport à la situation réelle du produit Intérieur brut. Ça commence à créer un trou qui, d'année en année, avec les déficits, s'agrandit et qui fait qu'à un moment donné on perd toute marge de manoeuvre.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je comprends là. Vous êtes des gens de l'entreprise privée et vous souhaitez davantage qu'il y ait une gestion plus serrée et plus réaliste, selon nos capacités de payer, de notre système de santé et de services sociaux. Évidemment, à partir du moment où on se dit ça, et vous avez pris soin de dire tantôt: Les gens ont quand même des services, à partir du moment où on coupe à quelque part ou on en enlève, ça va signifier sur le terrain, de manière concrète, quelqu'un qui, tantôt, à l'hôpital, n'aura pas accès à des services qui sont supposément médicalement requis parce que c'est le médecin seul qui peut en décider. Ça aurait ces conséquences-là. Juste couper, demain matin, 500 000 000 $ dans le budget de la santé et des services sociaux, en termes pratiques, ça va signifier un certain nombre de lits de courte durée qu'on ferme avec une série de services qui ne seraient pas là. Est-ce qu'il y a un niveau de tolérance que les individus citoyens peuvent endurer?

M. Le Hir: Nous, on ne souscrit pas à votre prémisse à l'effet que ça aurait nécessairement le résultat que vous dites. Je comprends que vous la faites dans la perspective qui est la vôtre, d'un ministre chargé de gérer un système, mais il n'est pas automatique que ces 500 000 000 $, on ne puisse pas les récupérer autrement par l'efficacité du système.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais c'est parce que l'on en parle depuis 10 jours, avec des gens qui sont dans le système; peut-être qu'ils...

M. Le Hir: Oui, mais...

M. Côté (Charlesbourg): ...n'ont plus suffisamment de distance pour être capables de...

M. Le Hir: Ils ont les doigts dans l'assiette au beurre, comme on dit communément, et ce n'est peut-être pas nécessairement toujours à ces gens-là qu'il faut poser les questions en premier. On n'a pas de régulation - vous le dites vous-même dans votre mémoire - de l'offre et de la demande et, effectivement, le système est un chèque en blanc. À tout le monde!

M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que je pense qu'il y a au moins une partie qu'on a. Elle peut être mal ajustée, mais l'offre, en bonne partie, elle a commencé à être contrôlée au cours des dernières années par la limitation du nombre de médecins. Peut-être qu'il y a trop de médecins aujourd'hui, mais l'offre commence à

être globalement contrôlée au niveau des médecins, donc des dispensateurs, du nombre de lits qui sont disponibles aussi, et ainsi de suite. Donc, de ce côté-là, il y a...

M. Le Hir: mais vous dites vous-même dans votre mémoire que le nombre de médecins augmente trois fois plus rapidement que le rythme de la population.

M. Côté (Charlesbourg): Ah bien oui! Mais ça, c'est clair. On n'a rien caché. C'est pour ça que le document...

M. Le Hir: Non, non. Alors, ne venez pas dire qu'il y a de la régulation de l'offre.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Il y en a. Parce qu'on a commencé à réduire le nombre de médecins qui entrent en faculté. Ça prend 6 ans au minimum pour être un omnipraticien, ça prend 10 ans pour être un spécialiste. Donc, avant que ces effets-là se fassent sentir, c'est clair que ça prend un certain temps. J'admets volontiers qu'on aurait dû prendre ces mesures-là bien avant, mais elles sont prises, parce qu'il y en a un certain nombre, de mesures, qui sont en force, dont les résultats vont venir progressivement.

M. Le Hir: Mais, M. le ministre, moi, j'admets et, effectivement, je vous concède volontiers qu'il y a eu des mesures de prises et tant mieux. Il était temps. Mais je vous dirai quand même que, moi, je suis inquiet parce qu'on va perpétuer encore pendant des années une situation du fait que ces mesures-là tardent à produire des fruits, une situation où il va y avoir un déséquilibre, qui va aller en se creusant, entre notre croissance économique et le coût des services que nous payons. Ce creux qui va continuer de se développer va miner notre capacité concurrentielle et ça va compromettre de façon très certaine le niveau des services que nous souhaitons avoir. Alors, peut-être faudrait-il faire un effort qui donnerait des résultats à beaucoup plus court terme compte tenu des vérités économiques que les nouvelles tendances sont en train de nous assommer.

M. Côté (Charlesbourg): Vous savez que, si on vous a invités à cette commission-là, c'était définitivement pour aborder la fiscalité et la «concurrençante» de nos entreprises. Je pense qu'il faut déboucher là-dessus et qu'au sortir de cette commission il y a un certain nombre de décisions qu'on devra prendre et qui devront avoir des effets à court terme, à moyen terme et à long terme. Donc, ce n'est pas un exercice pour le plaisir de se taper l'exercice d'une commission parlementaire où on va entendre des gens et on va avoir la paix pendant 10 ans.

L'urgence de la situation, on l'a démontrée dans le document. Il y a une impasse qui est majeure et il faut tenter de créer... Même si vous dites: Les dés sont pipés avant même que ça commence, moi, je ne suis pas sûr de ça. Évidemment, on peut toujours avoir cette perception-là. Mais je ne veux pas perdre de temps là-dessus. Des gens jugeront l'arbre à son fruit, ultérieurement.

Parce qu'on a beaucoup entendu parler des gens qui sont venus nous dire: II y a de l'iné-quité au Québec; les travailleurs ou la classe moyenne paie beaucoup trop d'impôt et de taxes et il y en a à quelque part qui ne paient pas assez d'impôt et de taxes et devraient en payer davantage. Par exemple, les gens à hauts revenus comme individus. Comme exemple, les compagnies - on entend ça assez souvent - en particulier dans le domaine bancaire, qui ne paient pas d'impôt. Il y a donc une volonté d'un débat sur la fiscalité qui recentrerait un certain nombre de choses et qui ferait un meilleur équilibre. Ça, c'est un élément de fiscalité. Et, quand on parle de fiscalité, on parle aussi de concurrençante par rapport à l'Ontario, par rapport aux États-Unis, par rapport à tout ce qu'on a entendu de mondialisation des marchés, et ainsi de suite. Est-ce que nos entreprises au Québec - je suis sûr que vous allez me dire non, mais vous allez être obligé de m'étayer ça un petit peu plus que le non - sont capables d'en prendre davantage?

M. Le Hir: Écoutez, je vais être obligé de vous dire non, mais je peux vous dire pourquoi, par exemple.

M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est le diagnostic, non. Mais, après ça...

M. Le Hir: La raison est, finalement, assez simple et, nous, on la répète sur tous les toits, c'est que nous ne sommes plus concurrentiels. La façon dont ce message-là nous est livré, c'est par les fermetures, les abandons d'activités des entreprises, les licenciements, les faillites, et ça, c'est une mesure de notre non-compétitivité. Vous allez me dire: II y a une crise économique à l'heure actuelle, il y a une récession, et une récession, ça a un impact purement conjoncturel. Mais, en vérité, c'est qu'on est en train de vivre un réajustement profond des économies mondiales et de la façon dont elles interagissent les unes avec les autres. Quand on parle, par exemple, d'ouverture des marchés, de libéralisation des échanges, il devient impossible de penser que les mesures fiscales qu'on adopte ne se refléteront pas dans la compétitivité des entreprises.

Or, sur ce plan-là, si on regarde notre compétitivité par rapport à celle des pays industrialisés, au Canada la situation se détériore systématiquement depuis 1968. En 1980, le Canada se situait au niveau de la moyenne des pays industrialisés qui sont membres du Groupe des

Sept et, en 1991, nous avions perdu 16 % ou 17 % par rapport à cette compétitivité. On le voit de la façon suivante. La part de la production manufacturière que nous consommons, qui est d'origine canadienne, au Canada, n'a cessé de diminuer depuis 10 ans. Elle est passée de 57 % à 42 % à peu près. Donc, ça veut tout simplement dire, que ce soit pour le prix, que ce soit pour la qualité ou que ce soit pour d'autres raisons, que notre production n'est plus compétitive. Et il faut récupérer cette compétitivité-là parce que c'est la création de biens qui est le principal facteur de la richesse collective d'un pays. Comme on était très dépendant des ressources naturelles et que, dans une conjoncture mondiale où c'étaient les richesses naturelles qui étaient le principal facteur de la richesse... Aujourd'hui, la situation a changé. C'est notre capacité d'ajouter de la valeur. Quand on parle de valeur ajoutée, la compétitivité et les coûts de production, la structure des coûts de production devient déterminante dans les coûts de productivité. Quand on compare la structure de nos coûts de production avec celle de nos concurrents industriels, il nous est impossible de concurrencer, le fardeau est trop lourd. Ajoutez à ça le dollar qui augmente, puis, bien, vous avez la situation qu'on vit.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends que vous donnez une explication au non qui fait en sorte qu'on est dans une situation où, effectivement, nos entreprises, de manière générale, et en particulier la PME, je pense, ont un certain nombre de difficultés à ce moment-ci, dont une des causes est le fardeau fiscal. Il n'y a pas beaucoup d'espoir de ce côté-là pour être capable de financer notre système de santé et de services sociaux après avoir passé par les mesures d'efficience et d'efficacité. De toute façon, je pense qu'on aura l'occasion d'en parler ultérieurement, parce qu'un débat sur la fiscalité est souhaité et je pense qu'on devrait l'avoir, et la démonstration qui en sortira ne sera peut-être pas nécessairement celle que les gens souhaitent, mais tant qu'à en avoir un, c'est aussi bien que ce soit cartes sur table, et je suis favorable là-dessus.

D'après vous - et je vais vous poser toute ma question, au complet, pour ne pas que j'aie l'air d'un gars qui veut essayer de vous piéger - est-ce qu'il y a une place plus grande pour le privé dans la dispensation de nos services de santé et services sociaux au Québec, surtout - c'est pour ça que je vais aller jusqu'au bout, parce que j'aurais pu poser celle-là, attendre et vous poser mon autre après, mais ça aurait eu l'air de quelqu'un qui veut attraper quelqu'un -lorsqu'on regarde ce qui se passe aux États-Unis? Aux États-Unis, ils investissent beaucoup plus d'argent que nous dans le domaine de la santé, le privé est pas mal plus présent qu'actuellement et Dieu sait qu'ils ont des indicateurs de santé nettement inférieurs à ceux qu'on connaît. Je pense que - en tout cas, c'est mon opinion - c'est le système le pire, qu'il faut l'éviter - alors, il y a bien loin des propos de M. Bush aux nôtres - et que, somme toute, lorsqu'on est en situation d'entreprises privées dans le domaine de la santé et des services sociaux, on est dans une situation où il y a des masses beaucoup plus importantes sur le plan financier et que la solution n'est pas nécessairement là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Le Hir: Je ne vous cacherai pas qu'au départ on a un biais en faveur du secteur privé, mais, quand il s'agit des services de santé et des services sociaux, il faut voir la situation dans laquelle on est rendu. Et, pour le meilleur et pour le pire, il s'est établi un genre de contrat social entre les Québécois, les gouvernements et tous les partenaires qui participent. Je pense que, de façon générale, si ce n'était pas de la question des coûts, tout le monde se trouverait assez satisfait du système. Aujourd'hui, il faut régler le problème des coûts et la crainte qu'on a nous, comme manufacturiers, c'est qu'on ouvre la porte, d'une façon ou d'une autre, à des mesures, que ce soit par la privatisation partielle ou par des augmentations de taxes, qui auraient pour effet d'augmenter fa part effective de notre richesse qui est affectée au financement des services de santé et des services sociaux. Donc, on est très circonspects par rapport à toute démarche qui irait dans le sens de la privatisation parce qu'on craindrait, à l'heure actuelle, compte tenu du système qu'on vit, que ce soit un moyen détourné de verser davantage, faire verser aux Québécois davantage dans le financement de ces services-là. D'un autre côté, s'il y avait moyen d'établir une relation directe entre l'efficience et la privatisation, l'efficacité et la privatisation, c'est clair qu'on le favoriserait. (14 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il y a des syndicats qui vont être heureux de vous entendre - ils vont dire qu'au moins vous avez un point en commun avec eux autres - sur une privatisation avec les dangers, parce que, effectivement, il n'est pas clair qu'en privatisant notre régime il y ait toujours des économies ou une part de la richesse collective moindre qui va aller à la santé.

M. Le Hir: Exactement.

M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. M. le Président, merci.

Le Président (M. Joly): Ça me fait plaisir, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, avec la même ouverture d'esprit.

M. Trudel: Ah! certainement, surtout que...

M. Côté (Charlesbourg):... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ha, ha, ha! En souhaitant la bienvenue à l'Association des manufacturiers du Québec au nom de l'Opposition, vous avez, je pense, avec vos affirmations d'ouverture et votre texte, à tout le moins déjà raccourci un certain nombre de mes interventions, parce que, quand on constate que le problème financier strict, il est à 92 % - je l'avais chiffré au début - du gouvernement fédéral, vous nous dites: Là-dessus, c'est désespéré, il n'y a plus rien à faire, ils ont perdu le contrôle de toutes leurs patentes. Et vous comprenez qu'à l'intérieur du projet que nous supportons, je dirai que la conclusion que je tire, c'est: Quant à nous, il est donc urgent de ne rien faire, ça coule et il n'y a rien à espérer de ce côté-là, puisqu'ils sont littéralement en situation de faillite. Et j'ai eu l'occasion, hier soir, de faire référence au diagnostic de l'Association des manufacturiers quant à (a gestion du gouvernement fédéral au cours des 20 dernières années, et non pas du gouvernement actuel, mais du gouvernement fédéral, où vous l'avez qualifiée, encore là, de faillite quasi totale et de drame national. On n'a pas à revenir là-dessus. Voilà pourquoi nous sommes un peu condamnés, faut-il le dire, à regarder, c'est le moins que l'on puisse dire, toutes les mesures d'efficience et d'efficacité que l'on pourrait retrouver dans notre système si tant est que l'on veut en sauver les caractéristiques principales et ce qu'il offre comme réponse actuellement dans le domaine des services, très immédiatement et sans aller au-delà, sans en ajouter pour sauver l'essentiel.

Ceci étant dégagé du côté du fédéral où c'est désespéré, j'aimerais donc poursuivre un petit peu dans la même ligne que le ministre, que les dernières questions du ministre. Le Montréal Board of Trade, hier soir, allait encore, je pense, plus loin au niveau de l'analyse en disant que notre système de santé et de services sociaux, avec ses caractéristiques, est un avantage concurrentiel pour les entreprises au niveau de l'Amérique du Nord dans le sens où nos coûts sont relativement bien contrôlés, que la partie du PIB qu'on y consacre est, par rapport aux pays industrialisés - le document nous indique ça -somme toute, dans la même «bracket», dans le même niveau, et qu'en autant que nous poursuivions dans la même ligne de pensée, c'est-à-dire ne pas aller au-delà de l'enrichissement collectif, du PIB, eh bien, ça devient un avantage comparatif par rapport à d'autres sociétés, compte tenu du fait qu'aux États-Unis, par exemple, qui est une des principales sociétés auxquelles on fait référence lorsqu'on parle de coûts, il en coûte beaucoup plus cher au niveau des dépenses totales de santé. Je ne parie pas des dépenses publiques, mais des dépenses totales de santé. Ça aussi, vous l'avez vu dans le document, c'est autour de 12 % du PIB, les dépenses totales de santé. Est-ce que vous êtes prêts aussi, est-ce que c'est votre constat de dire que, dans les limites actuelles, pour le monde des manufacturiers, notre système est, à bien des égards, un avantage dans la «concurren-tialtté» des marchés nord-américains et ce qu'on vit comme façon d'organiser la production?

M. Le Hir: Écoutez, on ne peut pas dire que... Si le financement ou, en tout cas, la part de notre richesse qu'on affecte au financement de nos services de santé suivait la progression de notre produit intérieur brut, je serais effectivement d'accord pour dire avec vous que ça constitue un avantage concurrentiel, d'autant plus que j'ai eu l'occasion, lundi, de visiter un groupe d'industriels de la Nouvelle-Angleterre, au New Hampshire, et il est bien évident qu'ils ont des problèmes de compétitivité importants, eux aussi. Il ne faut pas se le cacher, ils sont même, à certains égards, dans certains domaines - on pariait ici des industries de la forêt - dans une situation pire que la nôtre. Malgré ça, nous, on a réussi, avec un modèle qui nous est bien particulier, à tirer notre épingle du jeu avantageusement. Le problème, c'est qu'il y a, à l'heure actuelle, des excès, et ce sont ces excès-là qu'il faut corriger. Et il ne faudrait surtout pas penser qu'on souhaite, nous, qu'on jette le bébé avec l'eau du bain, ce n'est pas le cas.

M. Trudel: Voulez-vous préciser le type d'excès dans lequel...

M. Le Hir: À partir du moment où on se met à affecter davantage au financement des services de santé et des services sociaux, davantage que ne nous permet le rythme de notre création de richesse, à ce moment-là, sur le plan économique, il y a excès.

M. Trudel: Mais vous êtes prêts à constater comme nous que, cependant, au niveau du pourcentage de la richesse collective, du PIB, à cet égard-là, oui, les Américains vivent des problèmes assez immenses. M. Poulin, un actuaire travaillant dans la région de Washington, est venu, hier, avec la FTQ nous décrire les maux de tête incroyables des entreprises manufacturières américaines qui sont aux prises actuellement avec la négociation de conditions «built-in» dans les conventions collectives, d'avantages sociaux en ce qui regarde les services de santé, ce qui n'est pas rare. Lui, il s'est présenté, il disait qu'il était comme une espèce de «broker» de négociations de ces conditions-là. De voir des conventions qui garantissent jusqu'à 400 $ par mois par travailleur pour les services de santé de ces travailleurs qui interviennent dans l'entreprise, on est assez loin du compte en ce qui regarde le Canada et le Québec.

M. Le Hir: Écoutez, là-dessus, on est d'accord avec vous. C'est le point que je viens de faire. Encore une fois, le problème est simplement le suivant, c'est qu'il ne faut pas que nos dépenses dépassent le rythme de notre accroissement de richesse.

M. Trudel: Alors, je conclus là-dessus en disant: Oui, effectivement, comme disait le ministre tantôt, la version de Bush, l'affreuse gangrène socialiste que constitue notre régime de santé et de services sociaux, il faut moduler ça. C'est ce que Bush disait à propos de notre régime, la semaine dernière. Et c'est à se demander si ce n'est pas de son côté qu'il y a un certain retard qui est en train de se prendre au niveau des services de santé quand on pense qu'il y en a 45 000 000 qui passent dans le filet et qui n'ont pas de services là-dessus. vous dites: ii n'y a pas, dans la mécanique actuelle, de mécanismes de régulation. qu'est-ce qui serait à mettre en place pour faire apparaître cette régulation-là? vous ayez touché, je comprends, la question du nombre de producteurs de services, mais, par rapport à offre-demande, qu'est-ce qui pourrait, comme mécanisme, l'introduire, cette régulation?

M. Le Hir: Bien, la définition d'objectifs précis pour les services de santé et les établissements serait certainement un moyen de réglementer l'offre. Également, une plus grande transparence des besoins sur le plan régional qui permettrait de voir qu'il y a des régions qui sont surdesservies, d'autres qui sont sous-desservies, et qui permettrait également de voir qu'il y a des spécialités qui se développent qui entraînent des coûts sur les services qui sont peut-être plus grands qu'est grande notre capacité de les supporter.

M. Trudel: Quant aux disparités régionales, 100 %, je sais ce que c'est, je suis dans la partie de la disparité, moi, je ne suis pas dans la partie des surplus. Alors, vous avez absolument raison là-dessus. Mais, en matière de transparence, est-ce que l'idée avancée par le document, par l'État, de la création d'une case distincte, d'un impôt-santé, vous apparaît comme une mesure heureuse eu égard à la transparence? Je n'ai pas parlé de financement, pour l'Instant. L'État l'a présentée comme une mesure de transparence uniquement, pour identifier auprès du citoyen-payeur, de l'entreprise qui paie la relation coût-service dans notre système. Est-ce que ça vous apparaît une bonne idée, oui ou non, et pourquoi?

M. Le Hir: Je pense qu'il y a d'autres moyens que celui-là. On pourrait faire parvenir chaque année un bilan avec l'impôt sur le revenu ou une autre façon qui permettrait à chaque citoyen de voir exactement ce qu'il a coûté à l'État et ce qu'il a reçu de l'État sous forme de services. Autrefois, c'était une pratique qui existait; on recevait, après quelques mois, un rapport. Qu'on le fasse sur une base systématique, c'est peut-être coûteux et, là-dessus, on l'admet, mais, sur une base annuelle, c'est peut-être envisageable. C'est des moyens comme ceux-là qui permettraient de savoir exactement ce que les gens paient comme services. Mais, quant à faire du «earmarking», nous, on est plus réservés sur l'efficacité de ça.

M. Trudel: II y a un autre point sur lequel vous vous entendez avec les syndicats. Ils ont dit: Ça, c'est un gadget. C'est un gadget, et vous suggérez un moyen, cependant, où vous dites: II faudrait faire parvenir, en quelque sorte, la facture annuelle, il faut donner crédit à certaines dispositions de la loi 120. Je ne donne pas le crédit sur tout, mais c'est prévu maintenant de la part de l'État, le ministre le relèvera certainement, c'est maintenant autorisé à se faire et ça devrait se faire, j'imagine, puisqu'on l'a adopté comme mesure législative.

Au niveau de la gestion, M. Le Hir, le ton de votre présentation sur le technico-économico-bureaucratique, je pense bien, traduit une pensée, une vision générale du monde des affaires quant à la gestion de nos systèmes de santé et de services sociaux. Remarquez que je ne vous en fais pas grief parce que peut-être n'étiez-vous pas là. Je vais vous répéter comment on peut en arriver peut-être à faire servir 1 $ qui vient du gouvernement fédéral. Quand il y a 1 $ du gouvernement fédéral qui pourrait servir à la santé, pour qu'il arrive à l'usager, il fait le cheminement suivant. Il va d'abord au ministère du Revenu national fédéral, il va au ministère des Finances fédéral, il va au Conseil du trésor fédéral, ce dollar se transporte à la Chambre des communes d'Ottawa, il va au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social du Canada, il va ensuite au ministère des Finances du Québec, il va ensuite, bien sûr, au Conseil du trésor du Québec, il se rend ensuite à l'Assemblée nationale pour être réparti, il va au ministère de la Santé et des Services sociaux, il va se rendre dans les régies régionales, il va passer par l'administration d'un établissement et, s'il en reste, il touchera un usager.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Meu, meu!

M. Trudel: Vous avez raison... Meu, meu!

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez oublié le Sénat.

M. Trudel: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez oublié le Sénat.

M. Trudel: Ah! le Sénat, on ne touche pas à ça. C'est s! on peut. C'est juste si on peut. Ça traduit un état d'esprit de votre groupement. Est-ce que vous avez vraiment l'impression - je vais le dire comme je le pense - que nos organisations de santé et de services sociaux, nos établissements ne sont pas gérés le diable ou sont gérés d'une façon déficiente par nos gestionnaires dans le système public?

M. Le Hir: Écoutez, là-dessus, on ne peut pas faire autre chose, pour nous qui ne sommes pas près de cette réalité-là, que de s'en remettre au constat du mémoire. Et je dois vous dire que, s'il fallait qu'un directeur financier aille faire rapport à son patron qu'il a administré des fonds de cette façon-là, je ne donnerais pas cher de sa peau.

M. Trudel: Mais, là, vous soulevez la...

M. Côté (Charlesbourg): La différence avec le système public - je m'excuse, c'est juste parce que...

M. Trudel: Oui, allez-y.

M. Côté (Charlesbourg): C'est qu'ils font faillite.

M. Le Hir: Exactement.

M. Côté (Charlesbourg): II faut quand même se dire qu'il y en a un paquet qui ont fait faillite aussi.

M. Le Hir: Effectivement. Mais il y a une sanction dans le système.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends, mais c'est parce que...

M. Le Hir: Dans le vôtre, il n'y en a pas, ça s'accumule sous forme de déficits.

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce qu'il y a des mesures aussi de mises en place sur le plan de la régulation.

M. Trudel: Oui. Je comprends qu'il y ait cette forme de régulation dans le système, dans le privé. Mais, au niveau du public, ce que vous touchez, donc, c'est l'imputabilité?

M. Le Hir: L'imputabilité, et c'est un aspect, mais ce n'est pas le seul.

M. Trudel: Le document le fait assez bien ressortir aussi, M. Le Hir. Grosso modo, moi, je dis: Le jugement est peut-être un peu sévère. Je veux dire, on ne peut pas changer la perception, il va falloir travailler là-dessus très certainement. Mais, dans la mesure où on affirme que notre système à 12 000 000 000 $ est relativement et assez bien contrôlé en termes d'évolution des coûts... Le paramètre, ça, il faut en discuter sous un autre pan.

M. Le Hir: Comment pouvez-vous dire une chose pareille quand on voit, par exemple, les usages auxquels peuvent servir... enfin, le trafic qui entoure simplement l'utilisation de la carte? Je ne comprends pas.

M. Côté (Charlesbourg): C'était vrai. M. Le Hir: C'est encore vrai.

M. Trudel: Remarquez que je pensais plus à la gestion des établissements en soi...

M. Le Hir: Oui.

M. Trudel: ...de nos gestionnaires. On l'a soulevé nous autres mêmes. On l'a soulevé nous autres mêmes, effectivement. Vous dites: Bon, moi, j'hésiterais aujourd'hui... Vous voulez dire: J'hésiterais à donner ma carte de crédit à quelqu'un en disant à ce quelqu'un: Veux-tu t'en servir à bon escient, s'il vous plaît? en me disant: Ça va marcher, c'est numéro un. En 1992, peut-être qu'on devrait se poser plus de questions là-dessus. Mais, sur l'offre de services via les établissements, ce que vous dites, en tout cas, c'est: Avant que l'on aille taxer davantage quiconque, l'État doit faire la démonstration de son efficacité la plus complète. (15 heures)

M. Le Hir: Exactement.

M. Trudel: Comment il va devoir faire ça? C'est une commande.

M. Le Hir: Écoutez, si l'État n'avait pas lui-même fait le constat à l'effet que, sur le plan de l'efficacité et de l'efficience, il y a des problèmes, on ne serait pas ici à en discuter. Alors, l'aveu qui a été fait nous amène à demander au gouvernement maintenant de faire la preuve que, sur le plan de l'efficacité administrative et de l'efficience, tous les moyens sont pris pour garantir que les services sont dispensés avec la meilleure qualité possible, aux meilleurs coûts. Et, à l'heure actuelle, cette preuve demeure à administrer.

M. Trudel: II y a là, très certainement, oui, un lien à créer, ne serait-ce qu'à partir de l'illustration que vous en donnez du jargon où, d'évidence, il y a une distance qui sépare le citoyen-payeur manufacturier, industriel, commercial et ce monde de la prestation des services en matière de santé et des services sociaux. C'est

clair qu'il y a un monde entre les deux et que la démonstration de l'efficience et de l'efficacité du système reste à faire jusque dans ses moindres détails là-dessus.

Quant à moi, M. Le Hir, j'aurais peut-être une dernière question. Est-ce que vous pensez - je ne veux pas que vous vous sentiez piégé ou que je veuille vous improviser spécialiste - qu'à l'égard des services que nous assurons actuellement au Québec, en matière de santé et des services sociaux, l'aperçu global, on doit réviser et couper dans la couverture de services que nous avons actuellement? Avez-vous regardé ça?

M. Le Hir: Sur les services eux-mêmes, on a dit dès le départ qu'on ne se considérait pas comme des spécialistes. Je vous dirai tout de même qu'on a une perspective du fait qu'on paie pour ces services-là, qu'on participe à leur financement. C'est qu'avant d'enlever les choses il faut faire la preuve que c'est vraiment nécessaire de les enlever. On a établi, malgré tout, autour de ce service-là, un certain consensus social et, quant à nous, on est satisfait qu'à l'heure actuelle il existe un climat, une paix sociale au Québec, qui constitue un actif pour le Québec. On serait très malheureux de voir cette paix sociale remise en cause par l'ouverture de fronts sur la couverture des services qui nous amènerait à des abus comme justement ceux qui vous ont été signalés, ceux de votre spécialiste de Washington qui est venu hier.

M. Trudel: Avec cette affirmation, j'ai presque envie de ne pas vous poser d'autres questions parce que c'est une question de consensus social. Là-dessus, oui, il existe assez nettement une ligne qu'on s'est donnée comme société et vous dites - j'aime bien la façon dont vous l'abordez - qu'avant de couper il va falloir s'assurer du consensus social aussi et de la pertinence de.

Je pense qu'on pourrait aussi aller, pour ma part... On pourrait aussi faire le même raisonnement pour en enlever, c'est-à-dire pas couper des services en soi, mais, dans le médicalement requis pour assurer le bien-être d'une personne, on pourrait, tous autour de la table, payeurs, spécialistes et les gens généralement concernés, regarder un certain nombre d'éléments du livre d'à peu près cette épaisseur qui couvre l'ensemble des actes assurés au cours des 20 dernières années. Il y a peut-être des actes sur lesquels on pourrait se reposer un certain nombre de questions. Est-ce que je dois conclure, par ailleurs, qu'au niveau d'autres mesures de financement avancées dans la publication du 18 décembre, pour vous autres, les tickets, ça ne vous intéresse pas beaucoup?

M. Le Hir: Ce n'est pas une question de mécanisme. Pour nous c'est une question de s'assurer que, par ce mécanisme-là, on ne se trouve pas, au fond, à augmenter le coût des services en question. Autrement dit, on ne veut pas que ça devienne une prime à l'inefficacité du système. S'il est démontré que, effectivement, ça devient le dernier recours nécessaire, bon, on acceptera. Mais il y a bien du travail à faire avant que cette preuve-là soit démontrée.

M. Trudel: Avec cette réponse-là, c'est sûr que je ne vous en pose pas d'autres. Merci beaucoup de votre contribution. C'est lapidaire par moments, mais c'est clair, précis et ça révèle, encore une fois, un certain nombre de problèmes de communication évidents entre des groupes dans notre population quant au comment faire et à l'efficacité. Bien, au moins, il va falloir faire ce bout-là et, par ailleurs, il y a des jugements que vous nous apportez, au nom des manufacturiers, qui sont à retenir, quant à nous, en tout cas, et, bien sûr, du côté du gouvernement, je le souhaite, dans les options qui seront à se dessiner et à s'implanter dans les mois à venir. Merci beaucoup de votre contribution. C'est très apprécié.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): merci, m. le président. moi aussi, je veux vous remercier. ça fait du bien, à l'occasion, d'avoir un ton qui brasse, qui provoque même et qui peut choquer. c'est comme ça que les idées se brassent et qu'on réussit à sortir la vérité. évidemment, on aura passablement de difficultés à résoudre notre ensemble de problèmes parce que ce que je comprends du message - et c'était le nôtre aussi - c'est que le plafond des dépenses ne peut pas être supérieur à ce qu'on appelle le pib, sinon on court à la catastrophe. ça, c'est clair. deuxièmement, on dit: le système qu'on a, c'est un consensus social. faisons attention, en enlevant une brique, pour ne pas faire éclater le consensus social. j'en suis, mais, là, on prend le meilleur des deux mondes. on fait le pari et c'est le pari auquel vous nous invitez, que, par ' des mesures d'efficience et d'efficacité, on puisse aller chercher ce dont on a besoin pour être capable de faire cette job-là.

Alors, c'est un beau défi. C'est un défi extraordinaire. Moi, je dis: Oui - et on ne l'a pas caché parce que notre document est très honnête, très clair - par des mesures d'efficience et d'efficacité, d'abord. Mon opinion, pour le vivre depuis deux ans et demi, c'est que je suis pleinement convaincu que, par des mesures d'efficience et d'efficacité, ce ne sera pas suffisant et qu'il va falloir envisager autre chose. Mais je comprends les messages: Modérez vos transports sur le plan de la dépense, soyez plus efficients sur le plan de ce que vous avez, touchez le moins possible au consensus social. Je

pense que le message est assez clair à ce niveau-là. C'est un message qui est loyal, qui est clair venant de l'entreprise et des employeurs - disons-le en même temps - qui contribuent quand même pour 2 600 000 000 $ dans la cagnotte avec leurs 3,75 %, ce n'est pas négligeable non plus. Donc, c'est une voix de poids qu'on entend et on va tenter d'être imputable le plus possible, d'être efficient, efficace et de prendre les messages que vous nous avez passés. Merci bien.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Au nom des membres de cette commission, M. Le Hir, merci, M. Charland, merci, et au plaisir. Alors, je demanderais aux gens représentant la Conférence des CRSSS du Québec de bien vouloir s'avancer le plus rapidement possible, s'il vous plaît. Nous sommes un petit peu en retard sur notre cédule de temps. Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à la Conférence des CRSSS du Québec. M. Fortin, s'il vous plaît, je vous saurais gré de bien vouloir introduire les gens qui vous accompagnent.

Conférence des CRSSS du Québec

M. Fortin (Gilles): Oui. Alors, je vais les introduire dans mon début de texte, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Joly): On peut toujours faire ça. D'ailleurs, je vais vous expliquer, par contre, la procédure. Vous avez une trentaine de minutes.

M. Fortin: On va être plus court que ça.

Le Président (M. Joly): Plus court que ça? Merveilleux. Ça va nous laisser un petit peu plus de temps pour jaser avec vous autres.

M. Côté (Charlesbourg): Déjà là, c'est l'efficience et l'efficacité dans le temps. Je suis convaincu que, si vous parlez moins longtemps, ça va nous coûter moins cher aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas fin, ça, hein?

M. Fortin: On pourrait commencer tout de suite.

Le Président (M. Joly): Alors, d'entrée de jeu, allons-y. M. Fortin, s'il vous plaît.

M. Fortin: Oui. Au nom des conseils régionaux de la santé et des services sociaux, je tiens d'abord à remercier la commission pour l'occasion que nous avons aujourd'hui de venir débattre publiquement la difficile question du financement du système de services sociaux et de santé. Les délais impartis pour l'analyse du document soumis à notre attention ont certes été courts. Néanmoins, les données, les analyses et les conclusions du gouvernement sont dans l'ensemble sur la table. Elles permettent un débat que nous estimons correct et auquel il nous importait de contribuer dans la mesure de nos moyens.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter notre délégation. D'abord, à mon extrême gauche, M. Norbert Rodrigue, directeur général de la Conférence des CRSSS; ensuite, M. Roger Bertrand, vice-président de la Conférence et directeur général du CRSSS de Québec et Chaudière-Appalaches; à mon extrême droite, M. Charles Chamard, président de la table de concertation de la nouvelle région Chaudière-Appalaches, une personne douée d'une vaste expérience dans le domaine de la santé et qui, depuis des années, fait une excellente carrière dans le milieu des affaires.

M. Côté (Charlesbourg): C'est lui qui a la responsabilité de contenir Garon. C'est tout un contrat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin: Enfin, à ma droite immédiate, M. Floriant Saint-Onge, président du CRSSS Lauren-tides-Lanaudière et administrateur de la Conférence. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il se joint à nous ici aujourd'hui. Il faut préciser que M. Saint-Onge est bien connu aussi au niveau municipal, maire de Carillon, préfet de la MRC d'Argenteuil et vice-président de l'Union des MRC du Québec. M. Saint-Onge est une personne très sollicitée, comme vous le savez sans doute. Je vous prie de l'excuser, car il devra en principe nous quitter avant de terminer la présente audience.

Nous nous présentons donc ici, M. le Président, avec le souci de nous inscrire dans le fil des réflexions de la commission et de ses audiences. Il aurait été plus facile de ne présenter que le contenu du mémoire déjà déposé et de répondre à vos questions. Nous avons choisi d'aller plus loin en ciblant les enjeux tels que nous les comprenons actuellement après sept jours de débat.

Notre représentation sera brève. Nous choisissons en effet, malgré ses risques, la voie du dialogue et des échanges, l'important n'étant pas d'avoir raison à tout prix, mais bien d'apporter toute la lumière possible sur les principales questions que la commission se pose encore aujourd'hui. Nous espérons ainsi contribuer encore plus utilement a ses efforts. Bien sûr, nous tenterons de nous rendre au désir souventefois exprimé par le ministre de descendre des nuages dans le concret. Nous le ferons en jetant quand même de temps à autre un oeil au-dessus de la cime des arbres pour

mieux trouver l'issue dans la forêt.

Qu'en est-il maintenant des résultats de cette réflexion collective depuis quelques jours? D'abord, tous ceux qui sont passés ici, sauf exception, conviennent qu'il y a assez d'argent dans le système, du moins pour les services de santé. À 9 % de notre richesse collective au total dans la santé, c'est assez. Côté social, c'est une autre histoire en l'absence d'un portrait vraiment clair de notre situation d'ensemble.

Ensuite, la très grande majorité souligne qu'il importe de contrôler davantage la dépense que d'augmenter les finances. Ils souhaitent le maintien du système actuel et nous disent et illustrent par des exemples évidents que des marges de manoeuvre existent à l'interne, qu'il faut rationaliser plutôt que tarifer, qu'avant d'aller chercher davantage d'argent il faut faire notre ménage.

À part quelques divergences sur le caractère structurel ou conjoncturel de la crise, on convient qu'il faut trouver solution à l'impasse: un manque à boucler que le gouvernement estime entre 200 000 000 $ et 400 000 000 $ dans notre secteur annuellement selon les paramètres qu'il nous présente. Ces réactions rejoignent pour l'essentiel nos propres conclusions sur la base des analyses que nous avons faites du document gouvernemental. Soulignons cependant que nous n'étions pas en mesure dans le temps imparti de procéder à un examen en profondeur de la situation d'ensemble des finances publiques et, en particulier, de tout le volet fiscalité.

Nous recommandons le maintien du caractère public du système actuel, incluant son financement général fiscalisé. Nous proposons plusieurs mesures destinées à régler l'impasse. Elles assureront la stabilisation et même la réduction de la dépense totale de santé en proportion de notre richesse collective.

Nous recommandons l'orientation des marges de manoeuvre résultantes vers les activités et les secteurs ayant un effet plus important sur les déterminants de la santé et du bien-être. On devra s'assurer d'une contribution réelle de ces secteurs à la réduction des problèmes en contrepartie de l'espace financier ainsi dégagé. Nous insistons également sur l'atteinte d'un meilleur équilibre dans la distribution de la richesse comme facteur déterminant. (15 h 15)

Pour résoudre l'impasse dont il est question pour les cinq prochaines années, nous recommandons des mesures visant tant la production et la consommation que le financement. Les rendements combinés de ces solutions permettraient également le financement des mesures annoncées dans la réforme et le dégagement de marges au bénéfice d'autres secteurs d'activité, un potentiel que nous estimons à 500 000 000 $ sur une base annualisée.

Les régimes d'incitatifs, particulièrement du côté des services médicaux et hospitaliers, dont les modes de rémunération des services médicaux, sont à modifier. Un meilleur contrôle dans plusieurs champs d'activité doit être assuré, et nombre d'exemples ont été portés à l'attention de la commission à cet égard. Nos concitoyens devraient être informés, sensibilisés et instrumentés afin qu'ils se développent davantage comme consommateurs avertis. Quant au financement, nous recommandons que le Québec prenne les dispositions nécessaires pour qu'il assume le plein exercice de ses pouvoirs dans le champ des services de la santé et qu'à cette fin il rapatrie du gouvernement fédéral la totalité du financement.

Au plan international, nos accords commerciaux devraient comporter des mesures négociées d'harmonisation des programmes sociaux. À défaut, des mécanismes compensatoires ou tarifaires devraient être introduits pour garantir la «concurrentialité» de nos entreprises face à d'autres opérant dans des pays où la carence des mécanismes de protection et de support social procure un avantage indu.

La Conférence des CRSSS recommande l'application conforme des dispositions prévues dans la réforme, telles la décentralisation des pouvoirs et des ressources, car celles-ci, à long terme, auront un impact déterminant sur le financement du système; la clarification des objectifs par la politique de santé et de bien-être; la répartition équitable des ressources entre les régions; la révision du panier des services et de leur organisation pour tous les programmes; l'allocation des ressources en conséquence; l'évaluation des résultats.

Nous appuyons l'impôt-santé et le fonds général des services sociaux et de santé comme moyens d'assurer une plus grande transparence, collectivement, entre la dépense et le financement. La Conférence conclut enfin que ces solutions sont à notre portée et qu'elles permettront de régler l'impasse actuelle dans le respect des principes à la base de notre système et d'une façon à atteindre une meilleure équité au sein de la collectivité.

Ceci étant dit, nous comprenons que la commission se pose actuellement les questions suivantes: Comment se donner de l'oxygène financièrement à court terme? Comment contrôler l'évolution de la dépense à plus long terme? Enfin, comment identifier le panier des services assurés? À court terme, par exemple, pour les deux prochaines années, le règlement de l'impasse tient à une série de mesures destinées à corriger les situations aberrantes à leur face même et auxquelles nos prédécesseurs à cette table ont déjà fait référence pour l'essentiel: utilisation frauduleuse des cartes d'assurance-maladie; surconsommation des médicaments; consommation de certains services médicaux et hospitaliers hors Canada; utlisation inappropriée de certaines ressources ou de certains services, le cas des services d'urgence, entre autres.

On pourrait aussi ajouter à cette liste que vous connaissez déjà le ménage à faire du côté des examens médicaux liés à l'emploi, un programme complémentaire qu'il faut abandonner, selon certains, ainsi, de plus, que l'accentuation des achats en commun de produits et services où des économies de plusieurs dizaines de millions de dollars sont possibles à court terme. Je tiens à vous préciser qu'on pourra, lors de la période d'échanges, apporter des précisions quant à ces deux éléments.

À plus long terme, cependant, il faut dépasser ces mesures pour modifier l'essentiel de la dynamique actuelle des dépenses. Pour cela, il faut d'abord imprimer une logique, une orientation, un sens des priorités au système des services sociaux et de santé. La politique de santé et bien-être en constitue d'ailleurs la pierre d'assise.

La logique actuelle d'allocation des ressources financières est à changer: avoir pour base de référence les problèmes à régler et non les ressources à financer a priori; distribuer les sommes d'argent équitablement en fonction des problèmes observés, de la richesse déjà existante et de la performance des réseaux de services. On allouera alors davantage en fonction des besoins et de la contribution aux résultats attendus.

En outre, l'équité dans la distribution des ressources est une autre disposition importante déjà prévue dans la réforme. Nous ne saurions trop insister sur cette question. Quel que sort le niveau des ressources rendues disponibles, l'absence d'équité conduit aux réclamations additionnelles ad hoc plutôt qu'à l'examen rigoureux des possibilités de faire davantage, compte tenu de l'argent disponible, de manière équitable dans un milieu. Quand une collectivité, une région reçoit sa juste part, elle peut, avec plus de conviction, se retourner et questionner ces façons de faire pour retirer davantage de chaque dollar investi. C'est aussi ce que la réforme propose déjà et que nous remettons sur cette table. On parle alors d'examiner nos organisations, nos services actuels autant que nouveaux et c'est là qu'on se réfère au plan d'organisation de services. Nous touchons alors directement par ce processus la détermination du panier des services, ce sur quoi nous reviendrons plus loin.

D'ici à ce que ces mesures, à plus long terme, portent, nous recommandons le maintien à l'IPC des coûts hospitaliers médicaux, tout en permettant une certaine croissance de la rémunération des médecins à même les économies qu'ils pourraient certes générer par des ajustements dans leur pratique. Une telle mesure juxtaposée à une révision des modes de rémunération pour les services médicaux aurait un effet réducteur considérable sur les coûts hospitaliers. Parce qu'on touche alors aux incitatifs mêmes à la base du comportement des médecins, l'effet serait structurel et permanent. Cette seule mesure représente quelque 240 000 000 $ d'économie potentielle et cumulative dans le temps. À noter également que la règle de l'IPC appliquée à l'ensemble des services sociaux et de santé implique des économies de 360 000 000 $ par rapport au cadre financier projeté par le document gouvernemental.

Donc, en résumé, nous proposons des mesures à court terme pour nous donner de l'oxygène sur le plan financier sans modifier, cependant, la structure de la dynamique des dépenses. Puis, nous proposons des mesures à moyen terme modifiant de façon un peu plus fondamentale certaines dynamiques chez les producteurs et les consommateurs. Nous recommandons aussi, à tout le moins, de juguler le drainage actuel du gouvernement fédéral vers ces programmes. Enfin, nous vous réitérons les mesures de la réforme qui, à long terme, nous permettront de faire bien plus avec ce qu'on a déjà et même de réduire la dépense totale en santé, du moins.

Revenons maintenant à la définition du panier des services. Cette question, à l'allure bien compliquée à première vue, est pourtant bien simple. Le panier des services doit, bien sûr, s'adapter dans le temps. Il doit aussi être déterminé en fonction des problèmes jugés prioritaires et des modes d'intervention jugés les plus performants et les plus désirés par rapport au résultat recherché.

Pour la Conférence, on voit mal comment on peut faire un exercice de révision du panier des services en soi, indépendamment des dispositions déjà prévues par la réforme. Le panier des services peut très bien être la résultante de l'organisation des services qu'on déterminera sur le territoire, région par région, tout en s'as-surant d'une cohérence globale sur l'ensemble du territoire québécois. En ce sens, l'élaboration des plans d'organisation des services constituera l'exercice par lequel le panier des services se déterminera finalement. De même, la mise à jour régulière de ces plans constituera la garantie de faire évoluer ce panier en fonction des nouveaux problèmes, des nouvelles priorités, des nouveaux modes d'intervention, tout en requestionnant les anciennes façons de faire. Pour la Conférence, la question de comment identifier le panier des services est donc déjà réglée dans ce que prévoit la loi récemment adoptée.

Enfin, M. le Président, nous terminerons avec quelques brèves remarques. Tout d'abord, nous n'aurons pu aborder au cours de ces audiences les enjeux reliés au régime fiscal. Nous sommes d'avis qu'un débat sur cette question devrait être entrepris également afin d'examiner en profondeur non seulement l'aspect dépense, mais aussi le volet fiscal de notre problème collectif. Nous nous ferions un devoir éventuellement d'y participer dans la mesure de nos moyens et de contribuer ainsi, comme d'autres ont dit, à réhabiliter la fiscalité comme outil de

développement social.

Deuxièmement, nous réitérons la nécessité de développer pour le secteur social des comparaisons équivalentes, tant au niveau canadien qu'international, à celles disponibles dans le secteur de la santé. D'ici à ce que de telles comparaisons soient disponibles, il nous faut vous recommander la plus grande prudence quant aux mesures à appliquer au secteur des services sociaux sur la seule base de ce qu'on observe du côté des services de la santé.

Troisièmement, nous souhaitons que, si le présent débat doit se poursuivre éventuellement avec le GRIS, nous puissions, comme d'autres, y assister car notre expérience des derniers jours nous démontre qu'on peut retirer autant de la discussion elle-même que de ses résultats.

Enfin, la question de la gestion des ressources humaines, pourtant centrale dans la réforme, n'a pas beaucoup été abordée au cours de ces audiences. Malgré les dispositions réglementaires et celles des ententes collectives, on arrive à progresser sans difficulté dans certains milieux alors qu'ailleurs, avec les mêmes règles du jeu, en définitive, on reste bloqué, paralysé.

L'harmonie, l'efficience et l'efficacité dans nos organisations sont loin de ne dépendre que des règles du jeu établies. Rien ne remplacera la compétence de nos organisations dans la gestion des ressources humaines. L'ouverture, les attitudes proactives, l'implication de chacun et de chacune, le souci du travail bien fait, le respect des personnes dans nos organisations, nous avons là également tout un défi. Il ne faudrait pas l'oublier. Merci de votre attention. Nous sommes, bien sûr, disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Fortin. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je suis très heureux qu'on puisse terminer cette commission avec ceux qui ont des responsabilités sur le plan régional et qui auront, lorsque la réforme sera appliquée, un niveau d'organisation de services assez important et seront des acteurs sur la première ligne de feu quant à l'organisation, quant à l'efficience et l'efficacité.

Ce qu'on a souhaité dans la réforme, c'est de rapprocher un certain nombre de décisions, je dirais, au ras les racines, pour rejoindre les arbres dont on parlait tantôt, et faire en sorte que ce soit davantage campé sur des réalités régionales et locales qu'une vision plus centralisatrice venant de Québec. Comme vous avez pu le constater par les constats de ceux qui vous ont précédé à cette table, comme gestionnaires, on a encore un petit peu d'ouvrage à faire d'après eux, et même beaucoup. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a des défis très intéressants.

Vous nous dites, si j'ai bien compris, qu'il faut réduire les augmentations à l'IPC, donc, des ressources consacrées globalement au secteur de la santé, en particulier, et des services médicaux, tout en apportant une variante aux services médicaux où il pourrait y avoir une augmentation, mais qui serait générée, qui serait financée par des économies de pratiques qu'il pourrait y avoir à l'intérieur de l'enveloppe globale.

Laissons de côté maintenant les services médicaux et abordons l'autre aspect. Ce n'est pas sans conséquence, lorsqu'on parie du recouvrement de la santé, que de passer d'une situation où on est habitué à des augmentations un peu plus substantielles, merci, et d'en arriver à l'IPC demain matin, parce que c'est ce que ça signifie, demain matin, pour les lits de courte durée, par exemple. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que ça pourrait causer un certain nombre de perturbations que la population ne pourrait pas tolérer? J'aimerais avoir un petit peu plus d'explications. Comment est-ce que ça pourrait se faire? Est-ce que c'est dans le temps, donc graduel? Comment est-ce qu'on gère la période intérimaire?

Le Président (M. Joly): M. Bertrand.

M. Bertrand (Roger): Alors, M. le ministre, il s'agit d'une disposition qui viserait - je n'ose pas dire à s'attaquer - à s'intéresser directement aux incitatifs à l'intérieur même de ce système médical et hospitalier. On a souvent dit que le fait, par exemple, d'avoir des entrepreneurs libres à l'intérieur du système créait des pressions considérables et que les règles du jeu quant à la rémunération, principalement à l'acte, faisaient en sorte qu'effectivement il n'y avait pas d'incitation à l'intérieur du système pour vraiment rechercher toujours les meilleures formes d'intervention de prise en charge des patients.

C'est un peu l'idée qui avait mené à l'origine, par exemple, à la création des HMO. Bon. Jean Rochon a souvent dit, d'ailleurs, que le Québec pris dans son ensemble, à quelques détails près, pouvait être considéré comme un HMO. On ne peut pas dire d'un côté qu'on attribue beaucoup des pressions qu'on a, finalement, à la pratique médicale et en même temps passer à côté de ça et ne pas pouvoir essayer justement de modifier ces incitatifs-la.

Alors, en faisant un lien d'une certaine façon entre la rémunération pour les services médicaux et pour les médecins et justement l'ensemble des coûts hospitaliers correspondants, en ne liant pas uniquement la rémunération des médecins à la pratique à l'acte, on pense, nous, que ça va avoir un effet éventuellement fort important dans le comportement des producteurs. (15 h 30)

Là-dessus, les médecins réagissent ou agissent de façon tout à fait rationnelle économiquement. Ils ne sont pas pires ni meilleurs que

les autres. En fonction des incitatifs qui sont présents, ils se comportent de la façon qu'on voit dans le moment. Il suffit de jouer sur ces incitatifs-là pour que, structurellement, à moyen terme, on puisse en retirer des bénéfices.

M. Côté (Charlesbourg): Si je veux tenter de simplifier ça, essayer de faire une image - c'est toujours par des images qu'on finit par bien comprendre - ce que vous êtes en train de nous dire c'est qu'il faut trouver des moyens pour que le monde soit moins malade et que, par conséquent, si on avait des incitatifs pour les médecins, on aurait des incitatifs qui feraient en sorte que les lits seraient moins occupés, donc ce serait une conséquence et c'est comme ça qu'on réussirait à sauver une certaine somme d'argent. Ce que je comprends, c'est que l'incitatif au médecin vise davantage, par exemple, à moins hospitaliser. Ça pourrait être ça, une des conséquences de ce que vous proposez.

M. Bertrand: Ça pourrait être un des effets. Il y a aussi l'effet relié au fait qu'en modifiant, par exemple, les exigences en termes, je ne sais pas, d'examens de laboratoire ou autrement, il y ait des coûts associés également à l'hospitalisation sur lesquels on pourrait voir des bénéfices, selon nous en tout cas, assez substantiels.

M. Côté (Charlesbourg): Profil de pratique et ainsi de suite.

M. Bertrand: Exactement. M. Côté (Charlesbourg): O.K.

M. Bertrand: On vous avoue ici qu'on n'a pas eu, évidemment, le temps de développer toute la mécanique et la plomberie de tout ça, mais je pense que, si on fait le lien entre la rémunération des médecins et l'évolution des coûts hospitaliers puis qu'on essaie de faire un tout de cette masse-là, on devrait en voir des effets assez rapidement. Maintenant, c'est une mesure qui, bien sûr, n'est pas suggérée et on ne prétend pas que ça puisse avoir des effets demain matin, mais on pense que, dans un horizon de peut-être deux ans, ça pourrait commencer à compter, en termes de réduction de pression sur les coûts hospitaliers.

Le Président (M. Joly): M. Fortin, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Fortin: Ça permet de rejoindre aussi un des commentaires de l'Association des manufacturiers qui nous précédait, à l'effet qu'une partie de la rémunération serait due au rendement, à une certaine forme de rendement de la part du producteur. Au fond, on va joindre une partie des préoccupations qui nous ont précédés.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je pense qu'une des choses qui ressort de cette commission c'est qu'on est dans un système où on n'a pas d'incitatifs pour les gens qui auraient des bonnes idées et qui prendraient soin de bien gérer les économies. On en a eu des exemples pendant cette commission. Je me suis laissé dire par quelques intervenants que, si le regroupement des achats que nous connaissons maintenant pour plus ou moins 300 000 000 $ sur le 1 400 000 000 $ avait plus ou moins de succès, c'était principalement dû au fait que certains établissements qui s'associaient à cette mécanique n'avaient pas d'incitatifs suffisants pour être de la partie et pour jouer la «game», comme on dit, très franchement et très ouvertement. Je me suis fait dire ça par le D.G. d'un hôpital pas très petit à Montréal, qu'il y avait moyen de passer maintenant à côté du système.

Donc, c'est un message que j'ai compris au cours de la semaine dernière et qui dit: Si vous voulez qu'on soit un petit peu plus productifs, organisez-vous donc pour qu'il en retombe un petit peu dans notre assiette aussi. Si vous voulez tout avoir, vous n'aurez rien et, s'il y a des incitatifs, peut-être que vous pourrez en avoir plus. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Joly): M. Fortin.

M. Fortin: Je peux dire un bref mot. Je céderai la parole à M. Bertrand après. En tout cas, c'est un réflexe que j'ai en regard de ça. Ce n'est pas écrit dans le mémoire. Quels que soient les incitatifs pour un centre hospitalier ou quel que soit l'établissement qu'il peut y avoir dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce qui compte, d'abord et avant tout, c'est de réussir à acheter un produit au meilleur coût possible, qu'on en retire ou pas un avantage comme établissement. Ce qui compte c'est d'abord et avant tout la société, et le réseau, au sens large, en profite.

Alors, je me dis que ce n'est pas du tout une raison à invoquer de la part d'un établissement, de dire: Si je n'en retire pas profit, je vais acheter le même produit plus cher. À ce niveau-là, c'est un constat que je fais et je trouve que c'est un genre de réflexion qui est inacceptable dans un contexte où on travaille justement pour faire des économies et gérer de façon plus économe, entre guillemets. Sur les économies générales qui peuvent être anticipées, je peux céder la parole à M. Bertrand.

M. Bertrand: Juste aborder, M. le ministre, la question de la dynamique derrière tout ça. La réaction que vous avez vue est typique du genre de choses qu'il faut changer dans ce réseau-là. On est des gens qui évoluons à l'intérieur d'organisations, d'établissements et qui faisons partie d'un réseau à un moment donné. L'important, c'est de générer les économies qui vont

servir à l'ensemble du réseau de services, et à l'ensemble, finalement, des concitoyens en termes de services et non pas tout le temps être là à défendre sa propre chapelle.

Ce qui est important, à mon sens, et ce serait applicable à un tas d'autres mesures qu'on mentionne là-dedans, c'est que les marges de manoeuvre qu'on dégage à ce moment-là soient mises dans un pot quelque part, sous une cloche de verre d'une certaine façon, et qu'au moment de la répartition eux autres aussi soient dans le coup. C'est ça qui est important.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends là et on touche peut-être du doigt un des problèmes: changer les mentalités. Évidemment, le message qui s'était largement passé, c'est: Trouvez-nous des incitatifs et peut-être qu'on sera plus productifs. Je ne pense pas avoir tiré une mauvaise conclusion de ce que j'ai entendu, à la fois en me promenant et devant cette commission.

Vous avez évoqué tantôt plus ou moins 500 000 000 $ de possible économie d'efficience et d'efficacité. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus parce que, là, ça commence à être des niveaux qui méritent une attention tout à fait particulière et qui commencent à rejoindre de nos préoccupations. Évidemment, en tentant d'aller au-delà de la nomenclature de ce que vous avez fait tantôt à court terme ou en les incluant, j'aimerais avoir un petit peu plus de précisions là-dessus.

M. Bertrand: II y a une distinction là-dessus. Il y a effectivement des mesures à court terme. On vous en a déjà mis depuis le début de la commission pour l'équivalent, me dit-on, d'à peu près 500 000 000 $, pour ceux qui ont calculé les affaires. Que ça donne ça ou pas, en tout cas, il y a certainement une marge de manoeuvre là. Je vous mentionne en passant que les deux mesures additionnelles qu'on vous propose peuvent générer assez rapidement des rendements de l'ordre de 40 000 000 $ chacune. O.K.? Au net, peut-être un peu moins, mais c'est de l'ordre de plusieurs dizaines de millions de dollars. Les 500 000 000 $ dont on parle ici - et je pourrai développer un peu là-dessus tout à l'heure - c'est les rendements anticipés des trois mesures les plus importantes que la Conférence vous propose.

La première est de fixer à l'IPC le coût des services médicaux et hospitaliers. Ça, ça rapporte 240 000 000 $ et, si on l'applique à l'ensemble du réseau santé et social, ça signifie une marge de manoeuvre de déjà 360 000 000 $ ou une disponibilité. On verra quoi financer après, O.K.?

La deuxième mesure qu'on propose auprès des consommateurs: information, sensibilisation, instrumentation. On n'a jamais fait ça jusqu'à présent. C'était une des principales recommandations également de la commission Rochon. Les consommateurs, peut-être, se comportent parfois de façon pas très avertie, mais est-ce qu'on s'est vraiment donné la peine de les sensibiliser là-dessus? À titre d'exemple, un médicament sur quatre de moins, ce n'est pas la fin du monde, soit en termes de prescriptions, soit en termes de consommation. C'est 120 000 000 $ par année. C'est un autre exemple. Si on insère dans le système des réflexes de type consommateur averti sur l'ensemble des services, imaginez les rendements que ça peut éventuellement produire. Mais il faut vraiment cibler sur des programmes particuliers et, là, y aller dans des stratégies de communication qui vont faire en sorte que le monde va être mieux équipé pour développer son libre arbitre.

La troisième mesure - je ne veux pas trop m'étendre là-dessus - c'est celle qui concerne le rapatriement du financement fédéral. On a une source de financement qui, depuis 1982, suite à une modification des règles du jeu unilatérale de la part de notre partenaire libéral... fédéral... On a une atrophie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): On peut dire que c'était un lapsus pas «chrétien».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bertrand: Alors, on se reprend. Donc, de la part du gouvernement fédéral, une atrophie systématique amène des points d'impôt, finalement, que les citoyens et citoyennes du Québec paient. Le seul rapatriement des points d'impôt au niveau du financement actuel, compte tenu de l'évolution de la richesse collective du rendement des points d'impôt actuels, pas ceux qu'on avait en 1982, représenterait 160 000 000 $ par année de plus au titre du financement des programmes établis.

Entre moins 40 000 000 $ ou 45 000 000 $, la situation actuelle, et plus 160 000 000 $, est-ce qu'il est possible de penser qu'on puisse effectivement, avec l'appui que vous avez maintenant - tout le monde vous en a parlé, le train commence à être long pour Ottawa...

M. Côté (Charlesbourg): On est tellement forts qu'on ne veut plus y aller, on veut les descendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Au début, on partait et on allait faire meu, meu, meu! Là, on est rendus assez forts à la fin de cette commission qu'on dit: Aïe! venez nous voir! Viens-t'en avec le «cash» sinon on te passe au «cash».

Le Président (M. Joly): M. Rodrigue, vous voulez rajouter quelque chose?

M. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais ajouter d'autres exemples, un exemple au moins où on pourrait agir davantage à moyen terme et à long terme. On ne vous reprocherait sûrement pas, M. le ministre, comme ministère ou comme gouvernement, de prendre certaines décisions, par exemple, si je donne l'exemple des services tertiaires. Prenons la cardiologie, en termes de services tertiaires. À Toronto, il y a 4 hôpitaux qui se coordonnent pour desservir la clientèle en ce qui concerne les besoins en cardiologie. À Montréal, il y a 10 hôpitaux. Je pense, à ma connaissance...

M. Côté (Charlesbourg): Et on n'en a pas assez.

M. Rodrigue: ...pour y avoir été un peu, qu'ils ne sont pas trop coordonnés. Chacun a sa liste d'attente. Je pense bien qu'ils ne confient la gérance à personne d'autre pour leur liste d'attente. Il me semble qu'avec une décision clairement arrêtée d'identification des CHU, par exemple, une fois ça fait et un certain nombre de critères mis en place en termes de forcer un peu la coordination - on n'enlève l'autonomie à personne quand on dit ça - faire des efforts supplémentaires de cohésion, on pense que ça nous conduirait vers des économies importantes, très importantes.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que ça explore des pistes où... Vous comprendrez que c'est des bonnes pistes, mais ça ne sonne pas encore. Je me suis emballé depuis le début et, moi, je suis un éternel optimiste, vous me connaissez. Dans ce sens-là, je suis très optimiste pour tout ce que j'entends, mais je n'ai pas encore de sous dans ma cagnotte, là. Donc, je trouve rafraîchissant qu'un niveau régional comme le vôtre en identifie, s'associe et veuille faire une démarche pour tenter d'aller chercher ce qu'on devrait aller chercher, je pense, pour rendre notre système plus efficient.

Dans la présentation, tantôt, mon oreille a tiqué un petit peu quand vous avez parlé, M. le président, des plans régionaux d'organisation de services en relation avec le panier de services. Je n'ai pas tout à fait bien saisi et j'ai poussé mon petit raisonnement un petit peu plus loin en même temps. Je vais vous poser une question. Ça vous permettra de répondre de manière plus large. Est-ce que ça pourrait signifier, par exemple, que, dans cette proposition-là, on pourrait se retrouver - et je vais prendre un exemple extrême, parce que, de prendre des exemples plus serrés, on peut être sur la frontière - dans une région comme Québec où les retrouvailles seraient assurées, donc services...

M. Fortin: Je l'attendais, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): ...et se retrouver dans Chaudière-Appalaches - c'est les plus pauvres, ça - où on dirait non? Donc, on se retrouverait avec un panier de services différents d'une région à une autre. Est-ce que j'ai bien saisi ou s'il n'est pas question de ça, là?

M. Fortin: Je vous avoue, M. le ministre, que j'ai posé exactement la même question quand on a fait nos réflexions. Est-ce qu'ultimement on pourrait arriver avec 16 ou 17 paniers de services différents, un panier de services différents d'une région à l'autre? Il reste, en regard de l'exemple que vous venez de dire, que ce ne serait pas souhaitable. Ce ne serait pas souhaitable qu'un citoyen, parce qu'il change de région administrative, arrive dans un contexte où il y avait un service et il n'y en a pas lorsqu'il change de région. Il y a un danger de ce côté-là.

La base de notre réflexion est la suivante. Les plans d'organisation de services vont être réalisés. Il y en a qui sont enclenchés, qui sont déjà réalisés, mais il reste que toute l'opération de planification qui devrait se faire au cours des prochaines années devrait prendre base, prendre appui sur l'enquête de santé et bien-être qui va être sur le point de voir le jour.

Sur la base de ça, sur la base des plans de services, on pourra être capable d'établir exactement quel genre de services, quel genre de problématique, quel genre de soins sont à régler, c'est-à-dire quel genre de soins sont requis. En faisant la sommation par région, on pourra faire un genre d'arbitrage au niveau national pour faire en sorte qu'on puisse arriver à un panier de services qui respecte à la fois les besoins identifiés dans chacune des régions et les objectifs de santé et de bien-être qu'on se serait donnés par région et au niveau national et, à partir de ça, faire une corrélation et arriver avec un panier de services national qui respecterait à la fois tous ces éléments. Je pourrais céder la parole à M. Bertrand pour avoir un peu plus de détails.

Le Président (M. Joly): M. Bertrand, s'il vous plaît.

M. Bertrand: Je voudrais peut-être juste mentionner, M. le ministre, qu'il faut aussi, je pense, sortir d'une certaine illusion. Tout ce qui est dans le panier de services, actuellement, il y a des niveaux d'accès qui sont assurés différemment. On parle souvent de listes d'attente. Ce n'est pas parce qu'un service est prescrit qu'il est immédiatement consommé. (15 h 45)

Alors, il y a, à l'intérieur des plans d'organisation de services, ce jugement-là à savoir jusqu'à quel point, sur un territoire donné, on va assurer la disponibilité d'un service. Il va être dans le panier, mais il y a une question de degré qui doit se jouer à ce moment-là. Ça, je pense que ça doit se faire avec, justement, les objec-

tifs de santé et de bien-être en tête et également les forces de la région associées à un exercice semblable, pour en faire vraiment un choix un peu collectif, je dirais, compte tenu des contraintes financières.

M. Côté (Charlesbourg): Vous comprenez qu'il y a des dangers qu'il va falloir bien mesurer avant même de s'embarquer là-dedans. La révision du panier, c'est une chose, l'inéquité d'accessibilité à des services, c'est une chose, mais de se retrouver dans un système... Moi, j'ai tou|ours compris que quand on parlait de nos plans régionaux d'organisation de services et qu'on prenait l'exemple des personnes âgées, par exemple, puis que les régions avaient la liberté de choisir entre du béton, du maintien à domicile ou des ressources alternatives, ça avait du bon sens, mais je pense qu'il va falloir y aller de manière très, très prudente. Oui, M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Floriant): M. le Président, la question soulevée par le ministre m'amène peut-être à être logique avec des positions que nous avons prises dans le passé. Je pense qu'on ne peut pas aborder cette question-là sans revenir avec la question de la décentralisation. En ce qui nous concerne, je pense que nous avons fait connaître notre point de vue. Nous sommes des tenants de la décentralisation et, personnellement, je suis un des grands défenseurs de la décentralisation.

Alors, il faut être logique. On ne voulait pas et on ne veut pas encore du mur à mur à travers toute la province. À ce moment-là, je me dis: Le gouvernement a un rôle à jouer de coordination dans l'ensemble des services pour l'ensemble de la province et, après ça, tes régions ont des choix à faire, à identifier en fonction des besoins qui sont demandés et là aussi il peut y avoir, par rapport à la région, certaines différences. Alors, c'est là en somme que ça prend une coordination, mais aussi il ne faut pas que ce soit du mur à mur à travers toute la province.

M. Côté (Charlesbourg): Non, si on est pour faire du mur a mur... Je comprends ça, là. Je vous connais très bien sur le plan de votre vision des régions. Je connais aussi ce que je pense et on n'est pas très loin l'un de l'autre à ce niveau-là. Évidemment, il y a quand même des mécanismes à mettre en place pour s'assurer que tout se fasse de manière à ce que ce soit le citoyen, au bout de la ligne, qui soit le bénéficiaire de tout ça. Est-ce que vous me signifiez que j'ai fini, M. le Président?

Le Président (M. Joly): J'ai même déjà été un peu tolérant. C'est très intéressant. Alors, peut-être qu'à la fin, si vous voulez revenir, M. le ministre... Si vous en avez encore une courte...

M. Côté (Charlesbourg): Non, je reviendrai.

Le Président (M. Joly): Non? Vous aimez plutôt revenir? Parfait. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue au nom de l'Opposition officielle. Oui, je pense bien que c'est une bonne façon de capéer les affaires, d'avoir les Conseils régionaux de la santé et des services sociaux comme dernier organisme qui vient se présenter devant nous. Vous nous présentez un peu à votre façon une espèce de synthèse de ce qui s'est déroulé devant nous et de ce que vous en avez tiré en quelque sorte pour quelques éléments de ce que vous avez entendu, ce qui a été véhiculé durant cette commission. Personnellement, en tout cas, je pense que ça nous fait progresser dans le débat.

Est-ce que je comprends dans vos propositions, je dirais propres à la Conférence, quand vous dites: Limiter le secteur hospitalier à l'IPC, que ça veut dire qu'on irait vers un gel des salaires à l'IPC pour tout le personnel dans ce secteur-là?

M. Bertrand: Ça veut dire qu'il faut composer avec ce qui est signé comme entente sur le plan collectif. Je comprends que 75 % de la masse est en rémunération et qu'une bonne partie de celle-ci est liée à des ententes, mais, même à l'intérieur de ça, il y a des économies qui sont possibles à l'interne, sans nécessairement devoir réviser les ententes. Ceci étant dit, je pense qu'on est devant un projet de société aussi. Il va falloir que tout le monde - les syndicats nous ont dit les gestionnaires, certains des gestionnaires nous ont dit les travailleurs, les travailleuses et les employés - y mette du sien, je pense, pour passer à travers les défis qui nous attendent.

M. Trudel: Ma question est moins sur l'applicabilité immédiate, demain matin, de ça que sur l'esprit de la mesure qui est proposée. Mais, quand même, pour le prochain exercice budgétaire ou un exercice subséquent, il faut être précis. Si vous dites: Geler à l'IPC les dépenses du secteur hospitalier, ça ne veut pas nécessairement dire geler la masse salariale et les salaires des concernés salariés à l'IPC. Ça veut dire que la pression sur les 20 %, 22 %, 23 % des autres dépenses qui devraient absorber cela, ça devient... On va avoir du monde dans le gymnase, mais on n'aura peut-être pas de ballon. Ne pensez-vous pas?

Le Président (M. Joly): M. Rodrigue, s'il vous plaît.

M. Rodrigue: Comme M. Bertrand disait, c'est une question qui est difficile, qui n'est pas

facile. C'est un appel à un certain nombre d'acteurs, à tous les acteurs du réseau, dans le fond. Je dirais qu'il y en a un certain nombre d'entre eux, probablement, qui préféreraient être à l'IPC que d'être coupés de 20 % ou d'être gelés pour un certain nombre d'années ou de mois. Ce n'est pas simple, mais on pense que le dialogue peut s'amorcer. Comme disait M. Bertrand, c'est un projet de société. C'est le dernier pan de projet de société de la Révolution tranquille, au Québec, qui demeure intact pour l'instant. Si on ne le protège pas minimalement et si on n'appelle pas à l'adhésion à ce système-là et aux efforts à faire pour le protéger minimalement, je pense qu'on va passer à côté de la coche. Alors, dans ce sens-là, c'est un appel. Ça va devoir exiger un dialogue certain et peut-être des décisions difficiles.

M. Trudel: Oui, oui. Ce n'est pas mince, les deux éléments de la perspective. Si cet appel collectif signifiait de geler notre masse salariale et nos salaires individuels pour un certain nombre de mois et d'années pour aller chercher ce que vous évaluez - pour donner un ordre de grandeur - à 240 000 000 $, annuellement, en ce qui concerne le réseau hospitalier, ou à 360 000 000 $, quand on est à l'ensemble de la santé et des services sociaux, il faudrait vraiment que tout cela soit mis dans la balance du pourquoi. Vous, ce que vous dites, M. Rodrigue, c'est que c'est au dernier grand pan des acquis de la Révolution tranquille auquel on est peut-être en train de s'attaquer. Vous avez dit ailleurs - il y a les mouvements communautaires qui vous ont cité - que ce serait un suicide collectif pour les Québécois que de laisser aller ce pan de l'universalité, de l'accessibilité et du financement universel de son système de santé et de services sociaux. C'est en vertu de ça que vous faites l'appel?

M. Rodrigue: Si le président me le permet...

Le Président (M. Joly): Oui, allez, M. Rodrigue.

M. Rodrigue: C'est certain que, pour moi, c'est une forme de suicide collectif. Sans ça, on risque de verser dans des régimes qui vont - je n'ai pas besoin de décrire ça - appeler à des situations comme celle des États-Unis. Vous l'avez décrit ce matin avec les manufacturiers. Pour moi, quand on parie des citoyens et des citoyennes du Québec, on parle aussi des productrices et des producteurs, et c'est un appel à l'ensemble de ce monde-là. Alors, encore une fois, c'est discutable pour certains, mais c'est abordable, comme dialogue. Moi, je pense qu'il y a là une marge possible de discussion. Il s'agit de voir si on est capables de se convaincre mutuellement.

M. Trudel: Oui. Je reconnais que c'est le seul angle sous lequel on peut le prendre, cet appel ou cette façon de voir les choses. C'est vraiment en termes de consensus social, en disant: La brique de l'édifice est en train de s'effriter inexorablement et une des façons, c'est la solidarité, c'est la corvée, comme on l'a souvent fait au Québec dans différentes périodes de notre histoire. C'est un peu ça, parce que, sur le strict plan des chiffres, j'ai bien peur que vous ayez raison. Vous avez probablement raison.

La première ligne, quant à nous, l'an prochain, il faut qu'il en entre 169 de plus ou qu'il en disparaisse 169 au minimum. Quand je dis ça, je ne compte pas les 140 000 000 $ décrits par le ministre. Le ministre dit, chiffres à l'appui: On est sur la vitesse de croissance de 4,2 %, l'IPC + 4,2 % et, grosso modo, le PIB va dans les 3 %. Donc, j'ai un premier 1,2 % à récupérer ou à aller chercher, ce qui me donne quelque chose comme 140 ou 150 dans ce qu'on ne recevra plus comme financement. Ce n'est pas là-dessus que je veux vous amener, là. Je ne veux pas vous gosser là-dessus, vous avez fait vos professions comme il faut. De ce qu'il faut ajouter, j'y reviendrai. Il y en a un autre 170 000 000 $. Dans ce sens-là, l'ampleur des chiffres se rapproche du total. C'est en vertu uniquement de sauver les systèmes au complet qu'on pourrait faire appel à l'ensemble des salariés. Vous vous êtes bien expliqués là-dessus. C'est une perspective qui est envisageable, cet appel à la solidarité, comme dernier pan des acquis de la Révolution tranquille qui est en train de nous filer entre les mains.

Sur le plan très pratique, est-ce que vous avez quand même examiné la demande que nous avons faite ici, en particulier aux centrales syndicales, de dire: À l'inverse, en retour de la garantie que nous allons respecter les mécanismes de négociation et la participation au partage de la richesse collective, si tant est qu'il y en ait, est-ce que vous accepteriez de revoir ce qu'on appelle le normatif, le normatif lourd ou la mobilité ou encore les questions de polyvalence des tâches? Est-ce que, vous, vous avez regardé cet aspect-là? Le fric est peut-être là en termes d'appel collectif.

Le Président (M. Joly): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge: M. le Président, la question qui est posée me sensibilise peut-être à quelque chose. Si, dans le dialogue, vous réussissiez à obtenir cet objectif, évidemment, il pourrait y avoir certaines économies dans la masse globale, dans la masse salariale. On pariait ce matin de la réallocation des ressources, et ça peut-être des ressources humaines. Moi, je me dis que, si l'on fait une réorganisation et qu'on réalloue certaines ressources, qu'on déplace plutôt que simplement aborder cette question-là - il peut y avoir aussi de ne pas remplacer des gens qui s'en

vont - alors, à ce moment-là la masse salariale est peut-être... Bon. Tant mieux si on a un dialogue avec les syndicats, etc. et qu'on réussit quelque chose. Il peut y avoir aussi une diminution ou, en tout cas, un non-remplacement de certaines ressources par attrition.

M. Bertrand: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Joly): Oui, allez-y, M. Bertrand.

M. Bertrand: Sur cette question-là, nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter entre nous alors c'est difficile de vous donner une position officielle là-dessus de l'ensemble des conseils régionaux. Il me semble tomber sous le sens que, quand vous vous référez au grand pan de mur de ce côté-là, ça puisse, effectivement, être au moins examiné. Il me semble intéressant que ça puisse se faire un peu d'égal à égal avec les centrales en question. Mais l'essentiel de notre message, c'est de dire: N'oublions pas que, quelles que soient les règles du jeu dont on conviendra, on a des devoirs à faire en gestion des ressources humaines, quelles que soient les règles. On ne voudrait pas que la discussion là-dessus masque ce défi qu'on a à relever.

M. Trudel: ce qui est apparu aussi assez inévitable dans la filière de conserver les acquis, c'est qu'il y aurait un certain nombre de virages assez importants à prendre au québec. m. le maire vient de faire allusion à un de ces virages, le virage de la première ligne, le virage proposé par les clsc. est-ce que vous autres vous croyez, comme les planificateurs régionaux - vous êtes un peu au-dessus de la mêlée, au-dessus de la bataille; c'est votre responsabilité et vous voyez tout ça - que ce type de virage - je ne veux pas parler spécifiquement des clsc - que d'autres appellent le virage prévention, le virage dans le social, le virage assez bien découpé par les clsc ce matin, on peut collectivement assez rapidement y arriver? d'abord, est-ce que c'est souhaitable? est-ce qu'on peut y arriver? au bout du compte, est-ce que ça peut aussi générer un certain nombre de réallocations de ressources pour avoir plus d'efficacité et d'efficience pour répondre aux services et, encore une fois, conserver les acquis? (16 heures)

M. Bertrand: M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Joly): M. Bertrand, s'il vous plaît.

M. Bertrand: La réponse là-dessus peut être assez brève. On est depuis 25 ans dans un système privé d'objectifs, carrément. Il n'y a pas une organisation petite ou grande qui, privée d'objectifs, est capable de faire des virages. Je veux dire, on continue rien qu'à gérer, à «processer» le quotidien. En ayant d'abord clarifié les priorités de santé et de bien-être. L'ACAQ en parlait, il faut, bien sûr, pour réussir l'arrimage entre les ressources et les problèmes, savoir «prioriser» un peu, ordonnancer ces problèmes-là. C'est le premier outil qu'on doit développer ensemble, clarifier ses objectifs de santé et de bien-être pour donner un sens au travail qu'on fait, et, à partir de ce moment-là, on peut effectivement faire des virages parce que ça procède d'une logique. C'est vrai autant dans la conduite de votre personne que dans la conduite d'un système à l'échelle de la santé et des services sociaux.

M. Fortin: Au fond, lorsqu'on aura décidé, M. le Président...

Le Président (M. Joly): M. Fortin.

M. Fortin: ...qu'est-ce qu'on a à faire, on pourra décider qui est-ce qui est le mieux placé pour le faire dans un contexte ou qui est-ce qui est le mieux placé pour le faire et de la façon la plus rentable possible pour la société, au fond. Mais on aura un objectif bien précis à régler.

M. Trudel: M. le maire avait quelque chose...

Le Président (M. Joly): Oui. S'il vous plaît, M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge: M. le Président, ce que je voudrais ajouter à M. Trudel, c'est que j'ai l'impression que c'est un premier pas que l'on fait. À votre question, précisément, moi, je me dis: Je ne pense pas qu'on arrive demain matin... Parce que je reviens avec cette question de décentralisation. Moi, je dis: C'est simplement un premier pas. On n'a pas réussi, quand on a commencé à parler de la réforme... et ce qui était exprimé, en tout cas, par nos collègues, c'était beaucoup plus que ce qui se passe actuellement et autant pour arriver à ça il faut avoir une décentralisation avec la responsabilisation des gestionnaires. On a critiqué les gestionnaires. Je pense qu'il faut exiger beaucoup. Il faut contrôler les gestionnaires, mais, pour ça, il faut leur donner les moyens d'avoir tout le contrôle de leurs ressources tant budgétaires qu'humaines et, ensuite, en vertu de l'imputabilité, on leur demande des comptes. Pour moi, actuellement, si la réforme, si ce qui est appliqué ou ce qui s'en vient c'est un premier pas, il en reste encore un autre grand à faire par la suite.

M. Trudel: Après avoir été dans un conseil municipal pendant une dizaine d'années, je dirais: Ça, c'est l'efficacité municipale à son meilleur.

M. Saint-Onge: Non, monsieur. Je pense bien que ce n'est pas le municipal qui nous permet de parler ainsi. C'est que ce dont on discute aujourd'hui, comme un peu la politique des achats tantôt... J'ai oeuvré à la direction générale d'un grand organisme dans le domaine scolaire et ce qu'on soulignait tantôt... Moi, je ne peux pas blâmer les gens des établissements de craindre une question de politique des achats, par exemple, parce que, si la moindre petite affaire, ça ralentit d'un mois quelque chose dont ils ont besoin demain matin, je ne peux pas les blâmer. On l'a vécu. Je peux bien vous le dire. En fait, c'était au Conseil scolaire de l'île de Montréal avec les commissions scolaires. Mais le jour, par exemple, où des collègues s'aperçoivent qu'il y a un gain énorme en se regroupant ensemble pour acheter, là on a un bon moyen de conviction, et c'est un peu la même chose. Donc, c'est peut-être mon expérience dans le domaine scolaire où j'ai vécu de la décentralisation et tout qui me permet, justement, d'être un défenseur de la décentralisation.

M. Trudel: Très bien. C'est impressionnant, cette réponse. Mais, M. Bertrand, c'est impressionnant aussi ce que vous dites. Vous dites: 25 ans sans objectifs. Ouf! Là, 25 ans sans objectifs, je prends ça comme image, ce que vous dites, ce qu'il faut. C'est comme l'association des DSC. Ils ont dit, là: Donnez donc la direction, donnez du gouvernail et, quand vous aurez donné du gouvernail, nous autres, on vous exécutera bien ça avec des éléments précis de contrôle et d'imputabilité. Alors, quand vous dites comme... Vous avez une expérience assez considérable, vous, personnellement, monsieur, du CRSSS de Québec, dans le système, avec un champ de compagnie en disant: Ça fait 25 ans qu'on ne les a pas eus, ces objectifs-là, et c'est d'abord ça qu'il faut se donner. C'est un message très important à retenir.

Deux petites vites en terminant. À la page 13 de votre mémoire, juste comprendre, quand vous terminez, vous avez fini d'énumérer les trucs, les mesures à court terme qu'il faut absolument regarder, vous dites: «Nous recommandons aussi, à tout le moins, de juguler le drainage actuel du gouvernement fédéral vers ces programmes.» Est-ce que vous parlez de quelque chose de précis en santé et services sociaux ou si vous faites appel à la question générale du débalancement des finances fédérales? C'était quoi cette phrase-là?

M. Bertrand: On se réfère essentiellement au retrait progressif du fédéral dans le financement des programmes à frais partagés.

M. Trudel: Ah! O.K. C'est parce que je pensais que vous faisiez allusion à autre chose; à l'ensemble de l'intrusion du fédéral dans le domaine des services eux-mêmes au Québec, toxicomanie, etc.

M. Côté (Charlesbourg): C'est à part de ce qu'il dépense, tout en nous coupant.

M. Trudel: C'est ça.

M. Bertrand: Bien, c'est ça. On s'est privé, sur une base annuelle, de 1 700 000 000 $ par année, l'équivalent, actuellement, depuis, bon... Moi, je n'ai pas vu réduire le déficit fédéral depuis 10 ans, là. Alors, je ne sais pas à quelle place est allé l'argent; il n'est sûrement pas allé...

Le Président (M. Joly): M. Chamard.

M. Trudel: Je comprends, M. Bertrand, qu'il ne faut pas faire le...

Le Président (M. Joly): M. Chamard voulait rajouter quelque chose à ça, M. le député.

M. Trudel: Je regrette.

M. Chamard (Charles): Ce qu'on voudrait dire, M. le Président, c'est: N'y aurait-il pas lieu que le gouvernement légifère pour récupérer ses points d'impôt? Il y a des gouvernements antérieurs qui ont fait ça il y a 40 ans, il y a 30 ans. Si la négociation est difficile, est-ce qu'il n'y a pas lieu, à un moment donné, de dire: On va légiférer et, après ça, on cède du terrain. Non?

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être qu'on ne sera pas obligé de se rendre là. À ce que je comprends, c'est qu'au fédéral il y a une révision du panier de services.

M. Chamard: J'ai vu ça aussi, suite à la réunion des premiers ministres. Mais il faut que ça bouge de ce côté-là. Depuis plusieurs années, les gouvernements ou le gouvernement du Québec a essayé d'intervenir sans résultat. Il faut que ça débouche, ça, un bon jour.

M. Trudel: On ne reprendra pas toute la série au complet en disant... On va convenir que M. Lesage, en notre nom à tous, le 25 juillet 1960, avait fait tout ce message-là, et ça se répétait à peu près à tous les ans. Effectivement, il faut que les points d'impôt reviennent, mais, là, on tombe dans le constitutionnel et on manque un petit peu de temps. Juste pour vous dire que je suis d'accord avec vous; sur le moyen terminal, ça, c'est une autre histoire.

M. Côté (Charlesbourg): Dans le constitutionnel, puis c'est «mercredi».

M. Trudel: On verra. C'est «mercredi». Bon, voilà!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: On a quelque chose ce soir à 600 milles plus loin. Non, si vous voulez quand même faire allusion qu'en plus de cette problématique fiscale... Équité, on n'en parle plus pour l'instant. Il y a aussi un autre aspect qu'on n'a pas eu le temps de toucher du tout dans cette commission, c'est l'intrusion directe du fédéral dans certains programmes de santé et de services sociaux sur le terrain qui dédoublent ce que vous faites, qui vont massacrer les priorités: désinsti-tutionnalisation, personnes âgées, médicaments aux personnes âgées, polytoxicomanie, alcoolisme et toxicomanie, personnes handicapées, des secteurs dans lesquels, en plus du problème fiscal, le gouvernement fédéral vient intervenir directement. Il y en a pour une centaine de millions au minimum là-dedans qui, très clairement, quand, nous autres, on est tout organisés et que vous êtes, en quelque sorte, les gérants de la planification régionale de ces services. Je pensais que, quand vous parliez de ça, les programmes du fédéral, c'était à ça que vous faisiez allusion.

Une dernière petite question. Je l'ai posée aux CLSC ce matin. Dans le réseau, les CRSSS, les régies, êtes-vous prêts à une expérience régionale: On vous donne une enveloppe fermée, santé et services sociaux, avec des objectifs à atteindre? Est-ce que vous pensez qu'il y a une région, parmi vous qui êtes à table, qui est prête à cette expérience de gestion décentralisée au total, à cette expérience-pilote? Êtes-vous prêts? Et nommez-les. Nommez-la!

Le Président (M. Joly): M. Fortin, s'il vous plaît.

M. Fortin: On se dispute pour répondre, M. le ministre!

Le Président (M. Joly): Allez, M. Chamard, s'il vous plaît.

M. Chamard: Pourquoi pas? Pourquoi pas? Non seulement sur le plan régional, mais peut-être aussi, éventuellement, sur un plan plus local, MRC, comme exemple. Moi, je viens du milieu rural. Quand je regarde les MRC dans le milieu, est-ce qu'elles ne seraient pas... Elles sont plus près de la population, d'abord, premièrement, et probablement qu'elles sont capables d'identifier plus rapidement, plus facilement les problèmes du milieu et d'y trouver aussi des solutions. À présent, est-ce qu'on est rendu au point de tenter des expériences-pilotes sur le plan de la décentralisation et de la responsabilisation sur le plan local, sur le plan des communautés? Pour moi, ça m'apparaît qu'il serait souhaitable qu'on évolue dans cette direction-là.

Le Président (M. Joly): M. Bertrand.

M. Bertrand: M. le Président, toute l'économie de notre mémoire, au fond, est dans ce sens-là. On dit, premièrement, que, de l'argent, il y en a assez dans le système. O. K. ? Deuxièmement, ce qui est important, c'est bien sûr d'avoir des objectifs et tout ça, mais un élément très important également, c'est d'avoir une répartition équitable des ressources entre les différentes communautés.

À partir de ce moment-là, on va se retourner de bord et on va faire notre job. O. K. ? Je pense que c'est essentiellement ce qu'on réclame, d'une certaine façon, les sommes d'argent que l'Assemblée nationale estime nécessaire de rendre disponibles dans le domaine de la santé, qu'on les répartisse correctement et, à partir de ce moment-là, qu'on essaie de faire le plus possible avec l'argent confié.

M. Trudel: Alors, merci de cette réponse. Je pense que, oui, on doit y aller au moins pour une expérience. Assez rapidement, les facteurs de contrôle ne sont pas faciles à établir, mais relativement faciles a discuter et on peut en arriver à des consensus. Je remercie l'association des CRSSS de sa présentation, à la fois des éléments de synthèse et un appel général que, moi, je ressens comme Québécois de façon marquée. Lorsque j'entends une phrase comme «le dernier grand pan des acquis de la Révolution tranquille», eh bien, ça me fait vibrer quelque chose. Quand je vois des gens des régions, des gens de partout au Québec, que vous représentez, qui viennent nous le dire ici, c'est bien la tâche à laquelle on devra s'attaquer d'ici quelques minutes, quelques heures. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Maintenant, j'en suis rendu au dépôt des mémoires.

M. Côté (Charlesbourg): Puis-je les remercier moi aussi, M. le Président?

Le Président (M. Joly): Ah bien, sûrement. Allez. Je pensais que vous alliez profiter de la même occasion. Allez, allez.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Vous remercier et se dire ensemble qu'on a une tâche assez ingrate et colossale qui nous attend au cours des prochaines semaines, des prochains mois pour des rendements rapides, et c'est là qu'on réussira à prouver notre efficience et notre efficacité comme partenaires dans cette réforme. Je suis pleinement convaincu qu'on va pouvoir compter sur votre collaboration pour changer les mentalités, parce qu'il y en a à changer.

On sera très heureux de continuer de collaborer dans une discussion très ouverte, très franche et pour améliorer le bien-être de notre

citoyen, qu'il soit consommateur - et ce que j'ai compris au cours de cette commission-là - ou surtout payeur. C'est à celui-là qu'on va penser au cours des prochains jours, des prochaines semaines. Merci bien.

Le Président (M. Joly): Moi-même, avant de reconnaître M. le ministre pour les remarques finales ainsi que M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, je tiens, au nom des membres de cette commission, à vous remercier d'avoir été présents parmi nous et de nous avoir apporté un peu d'éclairage sur le sujet.

Mémoires déposés

J'en suis rendu au dépôt des mémoires. Donc, pour les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils avalent été présentés devant la sous-commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui ont transmis un mémoire dans le cadre des présentes consultations et qui n'ont pas été entendus par la sous-commission, à savoir: l'Association canadienne du diabète, division de Québec; l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques; l'Association médicale du Québec; l'Association des biochimistes cliniques du Québec; l'Association des centres d'accueil privés autofinancés inc.; MM. Louis Bernard et Gérald Guay; Mme Louise Cayer; Centre de services sociaux Richelieu; Corporation professionnelle des diété-tistes du Québec; Fédération des ACEF du Québec; M. Louis Grondin; Ordre des audioprothésistes du Québec; réseau La Relève; Services Présence Famille; M. Nicolas Steinmetz; M. Fernand Turcotte et lettre d'appui du Département de santé communautaire du Centre hospitalier régional de l'Outaouais.

Maintenant, M. le ministre, je vous reconnais le droit de parole dans vos remarques finales.

Conclusions M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je pense qu'on constatera que c'est un certain nombre de conclusions qui ont pu se dégager en cours de discussion. Je voudrais les étayer, M. le Président, à partir de sept éléments principaux. Il faut donc faire un certain nombre de constats à ce moment-ci et en même temps aussi un certain nombre de mises au point.

Premièrement, le problème du financement est structurel et non conjoncturel. D'abord, quant au niveau de nos dépenses, ce qui représente un réel sujet d'inquiétude, ce n'est pas tant le niveau per capita actuel que les perspectives par rapport à notre richesse collective dans le nouveau contexte d'économie mondiale. (16 h 15)

À 9 % du PIB en termes de dépenses totales, le Québec se situe au niveau le plus élevé au monde après les États-Unis, ex aequo avec la Suède. La part des dépenses publiques dans le PIB, qui se situe à 6,9 % selon les bases statistiques reconnues - et non à 5,2 % comme certains groupes et, en particulier, les médecins le laissent entendre - représente un effort relatif plus élevé qu'en Ontario, qui est à 5,9 %, qu'au Canada, à 6,5 %, et que dans la grande majorité des pays industrialisés. Alors que de très fortes pressions s'exerceront à la hausse sur les dépenses, il apparaît évident que ce niveau ne pourra être dépassé sans risque sérieux pour la compétitivité de notre économie et notre capacité même à créer des emplois et du bien-être à long ternie.

Concernant l'évolution des dépenses, sans parler de ceux qui n'ont pas vu les dépenses bouger depuis 1971, il est inquiétant de constater que, malgré la démonstration qui a été faite, un bon nombre d'intervenants continuent de croire que le problème actuel du financement est de nature conjoncturelle et qu'il se résorbera de lui-même lors de la prochaine reprise économique. l'on ne peut plus se soustraire à regarder la réalité en face. nous avons accumulé 20 600 000 000 $ de déficit d'épicerie depuis 1977-1978 et nos dépenses sont appelées à augmenter à un rythme annuel composé de l'ordre de l'ipc + 4,2 % - et, soit dit en passant, ipc + 6 % en 1991-1992 - alors que révolution tendancielle de la richesse collective ne sera au maximum que l'ipc + 3 % et que les disponibilités budgétaires du gouvernement seront de l'ordre de l'ipc + 1 % au cours des prochaines années.

Conséquence, si des dépenses de santé et de services sociaux continuent aussi à augmenter à IPC + 3 %, les autres secteurs d'activité du gouvernement ne pourraient augmenter plus rapidement que l'IPC - 1 %, alors que ces secteurs font face à des besoins prioritaires grandissants - mentionnons l'environnement, mentionnons la formation de la main-d'oeuvre. Compte tenu du fardeau de la dette accumulée qui, à 6700 $ par Québécois et par Québécoise, représente le niveau le plus élevé de toutes les provinces, dont l'Ontario à 4266 $, et compte tenu également du fardeau fiscal de 2 100 000 000 $ de plus qu'en Ontario qui, lui, est à 7 500 000 000 $, il doit être clair, au terme de cette commission, que la société du Québec ne pourra se payer le luxe de continuer sur cette lancée.

La problématique du financement de la santé et des services sociaux ne pourrait être isolée de la problématique des finances publiques et je partage l'avis qu'un débat sur la fiscalité s'impose de plus en plus. Cependant, il doit être clair que, si un tel débat ne permettait que d'améliorer l'équité de la fiscalité, il ne permet-

trait pas de procurer des revenus additionnels au gouvernement, ce qui ne résoudrait pas l'impasse actuelle. Par contre, si une telle révision avait comme conséquence d'augmenter les recettes, ce serait par une augmentation de la fiscalité, ce qui, en ce cas, compromettrait notre compétitivité et empirerait le marché de l'emploi. Le problème du financement de la santé et des services sociaux ne pourrait donc attendre les résultats d'un tel débat sur la fiscalité.

Deuxièmement, la loi 120 et la politique de santé et bien-être doivent être compatibles avec la politique de financement. Alors que la présente commission s'adressait au financement, certains ont dit regretter que l'on ne se soit pas consacrés à la politique de santé et bien-être. Alors que l'on examinait le projet de loi 120, ceux-ci réclamaient un débat sur la question du financement. On ne peut tout faire en même temps. Cependant, l'on doit connaître le cadre financier dans lequel devra se situer l'application de la loi 120 et la politique de santé et bien-être. Ces trois éléments fondamentaux de notre politique doivent être convergents et respecter la capacité de payer de notre société.

Troisièmement, la politique de santé et bien-être devra tenir compte a long terme d'un virage réclamé vers les déterminants de la santé. Si certains ont argumenté que les dépenses globales devaient être maintenues au rythme minimum du PIB, un bon nombre ont, au contraire, affirmé qu'il y avait assez d'argent dans le système, qu'on ne devrait plus injecter tant de ressources additionnelles dans le médico-hospitalier et qu'afin d'améliorer les conditions de la population, il serait désormais plus efficace d'investir plutôt en amont dans les déterminants généraux de la santé ainsi que dans la prévention. Ce virage graduel vers le social et l'économique s'impose et la future politique de santé et bien-être ne pourrait pas ne pas en tenir compte. Cependant, à court terme, l'évolution des dépenses excède la marge de manoeuvre du gouvernement.

Quatrièmement, les mesures d'efficience et d'efficacité doivent être appliquées en priorité. Je continue en disant - parce que je suis sur mes gardes et, tant que je ne verrai pas ça sonner, je vais continuer d'être sur mes gardes - que, cependant, elles seront insuffisantes; la preuve de la suffisance est à faire dans le concret. Si l'on pouvait, au cours des prochaines années, s'entendre sur un cadre financier qui plafonnerait les budgets du réseau à un rythme de croissance compatible avec la politique budgétaire du gouvernement, soit IPC + 1 %, il est évident que la problématique actuelle du financement serait résolue. Il ne serait plus nécessaire de choisir entre une augmentation substantielle du fardeau fiscal, une révision fondamentale du panier des services assurés et une contribution liée à la consommation. Compte tenu de l'écart entre la tendance actuelle de

IPC + 4,2 % et un tel objectif de IPC + 1 %, l'on doit réaliser que ceci pourrait représenter un défi global de l'ordre de 385 000 000 $ par année, et ce, de façon récurrente et cumulative.

S'il est un consensus établi, M. le Président, lors de cette commission, c'est qu'il y a place à l'amélioration dans fa pratique professionnelle et dans la gestion des établissements et que des mesures d'efficience et d'efficacité doivent être maximisées prioritairement au prélèvement de nouvelles sources de financement. Face à ce défi colossal, il est très encourageant de constater combien tous ont à coeur de préserver les avantages de notre système. Un grand nombre de propositions constructives ont été faites et nous devrons miser sur cette volonté de nous serrer les coudes afin d'explorer les pistes et de saisir les ouvertures qui ont été faites de la part des intervenants.

On doit cependant être réalistes. Si certaines propositions méritent d'être étudiées, d'autres, cependant, exigeraient de nouveaux développements de l'offre de services et n'entraîneraient pas d'économies nettes, substantielles; ne prenons que pour exemple la chirurgie d'un jour. Les propositions qui nous ont été faites ne seraient pas rapidement opérationnelles et, bien qu'elles permettraient de réduire à long terme les pressions sur les dépenses, elles ne permettraient pas un rendement suffisant au cours des prochaines années pour combler un manque à gagner de l'ordre de 200 000 000 $ à 400 000 000 $ par année, cumulatifs.

Cinquièmement, le gouvernement fédéral, pas plus que le gouvernement du Québec, n'a les moyens de soutenir les normes actuelles. Certes, d'un point de vue strictement comptable, le problème actuel apparaît provenir en majeure partie du désengagement fédéral, lequel entraîne un manque à gagner de 1 200 000 000 $ en 1991-1992 et dont le gel annoncé entraînera un manque à gagner supplémentaire de 1 000 000 000 $ en 1996-1997, soit 200 000 000 $ par année.

Le véritable problème cependant, c'est que le citoyen québécois est, tant au palier fédéral que provincial, surendetté et surtaxé, alors que son économie subit un ralentissement tendanciel, étant soumise à un stress de compétition internationale sans précédent. Dans ce contexte, comment peut-on croire que le rapatriement, dans les finances publiques du Québec, de notre part du déficit fédéral et de points d'impôt, dont le rendement est de 15 % inférieur à la moyenne canadienne, ainsi que l'ajout de contraintes économiques supplémentaires permettraient aux citoyens du Québec d'être plus avancés?

Sixièmement, de nouvelles sources de financement seront requises, qui impliqueront nécessairement une révision du panier et une contribution de l'usager. À la question fondamentale posée lors de cette commission, l'on doit se dire les choses bien en face: Non, le gouverne-

ment ne pourra continuer indéfiniment de compenser le désengagement fédéral en améliorant la performance de ce secteur, en demandant aux autres ministères de s'éteindre à petit feu, en surchargeant l'endettement des générations futures ou en augmentant le fardeau fiscal.

Plusieurs sont venus dire qu'une révision du panier des services assurés de même qu'une tarification, même en excluant les démunis et en tenant compte de la capacité de payer, seraient absolument inéquitables vis-à-vis des usagers. Pourtant, l'augmentation de la fiscalité qu'ils recommandent rendrait l'économie moins compétitive et serait inéquitable vis-à-vis des citoyens en recherche d'emploi. Par ailleurs, une augmentation du déficit serait inéquitable pour les générations futures. Il n'a jamais été question de remplacer le système public actuel par un système privé de type américain, mais de laisser respirer marginalement la capacité financière de l'État qui est à bout de souffle. Certains ont exprimé leur angoisse pour la moindre défiscalisation qui plongerait le Québec dans l'iné-quité. Pourtant, en maintenant les normes actuelles qui sont au-dessus de nos moyens, nous entretenons, depuis plusieurs années déjà, une situation inéquitable, et la situation du chômage et de la dette accumulée le démontre très bien. dans les circonstances actuelles, comment peut-on encore considérer qu'il serait plus inéquitable de demander à un usager qui a les moyens de contribuer de façon modeste pour les services qu'il consomme, comme dans pratiquement tous les pays du monde, que de faire payer les générations futures qui ne bénéficient même pas de ces services? pourquoi une contribution modeste de ceux qui retirent un bénéfice du système public ne serait pas acceptable au québec, alors qu'elle l'est pour les médicaments, par exemple, pour 90 % des citoyens des pays de l'ocde, excluant les états-unis, notamment en suède, en france, en angleterre, en allemagne, en suisse, en italie, en belgique et en finlande? ces pays n'ont-ils pas, eux aussi, des valeurs sociales?

Comment peut-on encore, en 1992, défendre que le panier des services assurés à la génération actuelle ne devrait aucunement être révisé, quelles qu'en soient les conséquences sur la capacité des générations futures à s'offrir ces services et quel qu'en soit leur degré d'efficacité? Toutes les organisations doivent constamment s'adapter. Après 20 ans, une organisation qui ne réviserait pas son panier de services en regard de l'évolution de l'utilité de ces services et de sa capacité à les produire serait vouée à l'échec. Il n'en saurait être autrement pour notre système de santé et de services sociaux. en conclusion, de façon prioritaire, mais absolument prioritaire, les mesures de contrôle et d'amélioration d'efficience et d'efficacité proposées dans le document et celles qui se sont ajoutées en cours de route devront être con- crétisées. Plusieurs des pistes suggérées lors de cette commission devront être poursuivies. Par ailleurs, au début de cette commission, j'ai dit que l'État devrait se préoccuper de la santé et du bien-être de tous les citoyens et qu'il était de la responsabilité de la société québécoise toute entière de placer les droits et les intérêts légitimes de nos enfants et de nos petits-enfants, (es futurs citoyens, qui sont sans voix pour les faire valoir, sur un pied d'égalité avec ceux de leurs contemporains. Dans des décisions qui devront bientôt être prises, le gouvernement devra manifestement prêter sa voix aux citoyens de demain afin de rétablir un juste équilibre dans les droits de tous les citoyens, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain.

Nos choix collectifs devront également être révisés sur une base régulière, afin de faciliter l'implantation des mesures d'efficience et d'efficacité et de favoriser une meilleure prise de conscience pour l'acceptation de nouvelles sources de financement. Le fonds général des services sociaux et de la santé sera un nouvel outil fort utile. À cet égard, il ne me paraît pas concevable qu'on puisse, comme certains le proposent, créer deux fonds distincts, santé et social, alors que la conception moderne de la santé tend vers l'intégration de la dimension sociale et que la population requiert un virage vers les déterminants généraux.

J'aimerais souligner enfin que je suis très fier de la façon dont s'est déroulée cette commission parlementaire et du niveau du débat sur un sujet aussi complexe et sensible que le financement des services sociaux et de santé. Je suis particulièrement heureux que, malgré certaines divergences concernant les solutions apportées, une volonté très nette se soit exprimée de la part de tous les intervenants de ne pas s'isoler et de travailler ensemble de façon plus étroite que jamais pour solutionner le problème du financement, tout en faisant progresser notre système. La création d'un conseil de santé et de bien-être permettra sans doute d'actualiser cet esprit de partenariat dans le meilleur intérêt de tous les citoyens du Québec. Je vous remercie, M. le Président. (16 h 30)

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je serai bref dans ces remarques terminales. C'est bien sûr que tes intervenants concernés avaient plus hâte d'avoir les conclusions de la partie gouvernementale quant aux choix qui commencent à s'opérer et à se décider à la suite de ce débat que celles de l'Opposition, mais je ne pourrais pas, bien sûr, terminer cette longue session, ces séances de travail sans apporter certains éléments de conclusion de la part de l'Opposition.

D'abord, il est, dans ces questions de débat autour de grands enjeux sociaux, une remarque qui apparaît souvent lorsqu'on les termine en disant: On n'a pas progressé d'un pouce, on n'a pas avancé. Nous pouvons tirer très nettement la conclusion aujourd'hui - c'est, du moins, celle de l'Opposition - que nous avons progressé de façon sensible et, à cet égard, lorsque nous avions réclamé ce débat sur le financement du système de santé et des services sociaux au Québec, c'est à ce genre d'illustration, à tout le moins, que nous pensions que nous pourrions en arriver en termes de tenants et d'aboutissants pour nos services de santé et nos services sociaux. Nous pensons que les six journées que nous avons passées avec des partenaires des différents groupes de la société sont finalement un investissement qui va être profitable et qui va nous amener à des conclusions qui peuvent être intéressantes, du moins sur le plan du défi collectif.

Il est assez clair que tout ce que nous avons entendu devant cette commission, d'abord, confirme non seulement le diagnostic chiffré de l'État, du gouvernement à partir du mois de décembre, mais confirme également celui que nous avions nous-mêmes apporté en début de commission en disant que notre impasse, sur le pian financier, est de 2 870 000 000 $ jusqu'à 5 561 000 000 $ sur les cinq prochaines années. Ces chiffres-là ont plutôt été confirmés qu'infirmés. C'est décrire toute l'ampleur du défi qui nous attend. C'est décrire l'ampleur des difficultés.

Ce qui s'est dégagé quant à nous de façon très claire au cours de ces audiences, au cours de ces séances, c'est qu'il y a un certain nombre de virages à prendre au Québec en matière de santé et de services sociaux, en matière de financement de nos services de santé et de nos services sociaux et qu'au cours des prochaines années, il sera difficile d'échapper à ces remises en question, à ces virages qui ont été proposés sous différentes formes, sous différentes appellations.

Je veux en retrouver ou en noter les principaux virages, d'une politique de santé et de bien-être. Le gouvernement aura beau nous expliquer, nous réexpliquer qu'il ne pouvait faire autrement qu'en même temps qu'on était sur une réforme de structures et qu'on débattait sur le financement, ce que nous avions nous-mêmes réclamé, il ne pouvait s'occuper de la politique de santé et de bien-être, je dirais qu'à peu près tous ceux qui sont intervenus ici devant cette commission ont dit qu'il aurait fallu commencer par le commencement, à commencer par les derniers qui sont passés ici, les conseils régionaux de la santé et des services sociaux qui nous disent: Pendant 25 ans, avec une absence d'objectifs ou l'absence d'objectifs pendant 25 ans, eh bien, la façon de s'en donner, ça s'appelle une politique de santé et de bien-être. Dans une politique de santé et de bien-être, le premier virage - je suis heureux, le ministre vient de donner un des éléments de la direction qu'il faudra entreprendre - est de travailler sur les déterminants de la santé, sur les déterminants d'abord, et ça, c'est un virage important.

Collectivement, que nous nous soyons dit, répété, affirmé, confirmé, tout ce que vous voulez, qu'il faut d'abord travailler en amont, qu'il faut d'abord travailler sur les déterminants de la santé... Le premier déterminant de la santé, le premier élément, c'est une véritable politique de lutte à la pauvreté ou, dans le sens positif, une véritable politique de développement du plein emploi, parce qu'on le sait, une personne au travail est une personne qui consomme moins. Virage important à prendre sur le plan des ressources à consacrer quant aux déterminants de la santé. Virage important également dans le système quant à ce qu'on a appelé le complexe médico-hospitalier qui inclut les ressources professionnelles médicales, qui comprend toutes ces ressources qui tournent autour de la pratique médicale.

Qu'on le veuille ou non, qu'on soit justifiés ou pas, si nous n'avons pas entendu ici, au cours des six dernières journées, qu'il doit y avoir un virage sur le plan de la pratique médicale, sur le plan du comportement du médico-hospitalier au Québec... Je pense que le message n'aurait pas pu être plus clair que ça, on ne peut pas être plus clair que ça sur ce que nous avons entendu, et ça réclame un virage. Il va falloir s'y attaquer. Je suis, quant à moi, et je continue à être très inquiet sur l'espèce de «désolidarisation» que nous avons au plan social, au Québec, en particulier avec les médecins, et il y a du travail à faire sur ce virage nécessaire, sur le plan du médico-hospitalier, à réaliser au Québec.

Un troisième virage, c'est le virage de la prévention de la première ligne, ce que d'aucuns ont appelé le modèle de la première ligne. Il me semble assez clair, compte tenu de l'état des ressources, ça aussi, que ce virage nous interpelle, que tout ça est une question de temps, que nous aurons à prendre ce virage et que nous sommes aussi bien de nous y attaquer rapidement.

Le virage également de qui réalise quoi dans le réseau de la santé et des services sociaux. Tous les groupes ont été interpellés, de la pratique médicale allé aux infirmières, allé aux auxiliaires, allé aux préposés, allé aux différentes catégories de personnel, allé aux gestionnaires d'établissement, et ils nous ont à peu près tous indiqué qu'il y avait un virage assez important, une remise en question à faire et un virage important à prendre parce que, au Québec, on pourrait réaliser plus avec ce que l'on a. On pourrait peut-être réaliser mieux avec ce que l'on a et, dans ce sens-là, le dernier virage qui me semble se dégager rapidement, c'est, oui, le virage de la gestion des établissements où, si on

procède soit par l'incitatif, sort par la détermination d'objectifs très clairs, on pourra en arriver à des résultats sensiblement différents et à une meilleure utilisation des sous que le public nous confie et que nous avons actuellement.

Dans le très court terme, il est évident, il est très évident qu'on doit consacrer le maximum d'énergie à sauver les pans qui s'appellent les yeux, les dents, les médicaments aux personnes âgées. De façon très précise, nous étions dans un débat et nous sommes dans un débat sur le financement. À partir du moment où on veut aller au-delà de la symbolique, bien sûr, et qu'on veut aller dans le concret... Les optométristes nous ont démontré ici que non seulement l'économie n'était peut-être pas si substantielle que nous le prétendions ou qu'on le prétendait du côté gouvernemental, mais, plus que cela, qu'ils manifestaient une ouverture publique à la révision de leur propre rémunération au niveau des actes. Avant de sabrer dans ce programme du côté des optométristes, du côté de l'oculo-visuel, s'il vous plaît, rendons-nous à l'extrême des possibilités pour sauver ce pan du régime, sauver les enfants au niveau des soins dentaires. Là aussi, il y a eu des ouvertures, il y a eu des aménagements possibles au niveau des périodes d'examen et, encore là, oui, les professionnels du secteur, les familles nous l'ont réclamé. Chacun est prêt à faire son bout. Du côté des médicaments aux personnes âgées, on en a suffisamment parlé pour dire que contrôle et suivi peuvent peut-être s'articuler d'une autre façon que par l'introduction d'un ticket orienteur ou d'un ticket modérateur à la consommation, tout en reconnaissant qu'il y a là un problème au niveau de la consommation.

Je conclurai en disant que, sur le long terme, il est évident, M. le ministre, que nous ne nous contenterons pas, au niveau des recettes, d'explications aussi simplistes que celles que vous nous avez présentées aujourd'hui. Nous ne nous contenterons pas de nous faire dire que nous sommes petits et que, les milliards de dollars qui sont au gouvernement fédéral, on en prendra notre juste part, 18 %, et qu'on va refuser de prendre un point d'impôt qui, à la limite, vaudrait 0, 85 $, qu'on serait capable de mieux gérer que le dollar qu'on envoie là-bas et pour lequel, en matière de santé et de services sociaux, on ne nous retourne que 14, 2 %. Nous n'accepterons pas ce raisonnement simpliste de dire que nous ne sommes pas capables de le prendre en main, que de toute façon, il n'y a pas d'économie, que la théorie du pire est encore la meilleure et qu'on les laisse couler avec notre argent. Non, au prix de saboter notre régime de santé et de services sociaux, non, nous n'accepterons pas ce raisonnement. Jamais nous ne l'accepterons et nous nous rendrons au bout du raisonnement.

Nous pensons, à cet égard, que le principal défi, pour le gouvernement du Québec, non seulement en termes de sources de financement, mais pour le réseau de la santé et des services sociaux, pour les jours et pour les semaines à venir... Tous les intervenants de ce réseau ont le droit de réclamer que ce ne soient pas les services de santé et les services sociaux qui fassent les frais du débalancement des finances publiques au Québec, compte tenu des constats d'administration du contrôle et du niveau de dépenses dans le régime de santé et de services sociaux au Québec. Quant à nous, les intervenants, les citoyens ont le droit de réclamer de leur gouvernement que ce ne soient pas les services de santé et les services sociaux qui fassent les frais de la mauvaise gestion, de la mauvaise administration et du débalancement structurel ou conjoncturel des finances publiques du Québec.

En toute conclusion, oui, ce débat a été, comme durant bien d'autres semaines que nous avons passées avec le ministre, franc, ouvert, avec un certain nombre de conclusions qu'il ne faut pas avoir peur de tirer, des exigences qu'il ne faudra pas avoir peur d'avoir pour les prochaines semaines. On a eu, quant à moi, suffisamment de démonstrations pour dire qu'on peut avoir confiance dans tous les éléments du réseau de la santé et des services sociaux pour que nous soyons capables de relever le défi, et qu'on procède, dans les plus brefs délais, à la mise sur pied des quatre comités que je suggérais, à l'ouverture de cette commission, quant aux économies envisageables en matière de gestion de l'appareil administratif, d'identification des dédoublements et des irritants inutiles, et qu'on formule des recommandations, notamment en regard des outils de gestion, qu'on évalue les économies envisageables, à la suite de la révision de l'attribution de la délégation des actes médicaux et paramédicaux, les économies envisageables en termes de normatif dans le système de santé et de services sociaux, si on garantit aux salariés que nous allons respecter les mécanismes de négociations et leur participation à l'enrichissement collectif, et économies envisageables, bien sûr, avec les gens concernés, que nous pourrions réaliser en réexaminant, avec tous les critères requis, le panier de services actuellement compris en matière de santé et de services sociaux assurés au Québec. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. te député. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, après ces déclarations, je pense qu'il est de mise de remercier tous ceux qui ont participé, y compris des collègues de la majorité, de l'Opposition, se disant que c'est un au revoir, parce qu'on a deux autres rendez-vous: la politique de santé et de bien-être et les thérapies alternatives. Éventuellement, si on veut voir un horizon des thérapies alternatives, possiblement en août

ou en septembre, à titre d'indication, on aura des échanges ultérieurement. quant à la politique de santé et de bien-être, je l'espère très prochainement.

M. Trudel: Je voudrais remercier à mon tour M. le Président...

Le Président (M. Joly): Très bien. Ça m'a fait plaisir, monsieur.

M. Trudel:... qui, encore une fois, a présidé nos cérémonies avec une grande efficacité. Merci aux gens qui sont intervenus. Je voudrais dire aux gens à l'arrière: Ne déchirez pas vos billets de saison, ne déchirez pas vos tickets.

Une voix: C'est meilleur que les Nordiques.

M. Trudel: C'est aussi bon que les Nordiques et peut-être qu'il y aura une rallonge de spectacle si Bouchard vient. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président.

Le Président (M. Joly): Oui, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si jamais Bouchard venait, c'est là où mon cinquième élément, qui a semblé interpeller de manière assez importante mon collègue...

Une voix: Tout à fait.

M. Côté (Charlesbourg):... prend toute son ampleur, y compris dans ses bons et mauvais côtés. C'est un paragraphe très équilibré, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, la sous-commission ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Bon voyage de retour.

(Fin de la séance à 16 h 45)

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