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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 21 août 1987 - Vol. 29 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant projet de loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre immédiatement nos travaux. Nous allons entendre la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec représentée par M. Denis Frenière, 1er vice-président aux ressources humaines et financières.

M. Frenière je vous laisse le plaisir de nous présenter vos collègues. Nous allons vous laisser de 20 à 30 minutes pour l'exposé de votre mémoire et immédiatement après nous procéderons à la période de questions. Ça va? En passant, on vous souhaite naturellement la bienvenue à cette sous-commission.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Frenière (Denis): Merci, M. le Président. Comme vous venez de le dire, je le répète, mon nom est Denis Frenière. Le poste que j'occupe à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins est celui de 1er vice-président aux ressources humaines et financières.

Mes collègues qui m'accompagnent ce matin: à ma droite, Mme Rita Bédard, vice-présidente aux affaires juridiques; - je reviendrai à droite - Mme Michelle Soucy, coordonnatrice clientèle entreprise à la direction du développement des services; M. Pierre Laflamme, conseiller en crédit; à l'extrême-droite, Me Daniel Dionne, conseiller juridique à la confédération.

J'aimerais tout d'abord, au nom des institutions du Mouvement Desjardins, vous remercier, ainsi que tous les autres membres de cette sous-commission, de nous permettre de faire valoir notre point de vue à l'égard de cette pièce législative très importante qu'est l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits. J'aimerais également souligner au ministre de la Justice, M. Herbert Marx, à son adjoint parlementaire pour les fins de cette sous-commission, M. Claude Dauphin, ainsi qu'à toutes les personnes qui ont travaillé à la rédaction de cet avant-projet de loi, notre très grande satisfaction face à la volonté, maintenant clairement exprimée du gouvernement, de revoir en profondeur tout le domaine des sûretés réelles et de la publicité des droits.

Certaines dispositions actuelles ont été édictées il y a plus d'un siècle et il est important de les revoir à la lumière de la réalité d'aujourd'hui. Bien que nous ayons plusieurs recommandations ou suggestions à formuler à cette sous-commission, nous apprécions grandement de nombreuses améliorations proposées par l'avant-projet de loi. Nous croyons qu'avec certains ajustements formulés, tant par d'autres intervenants que par le Mouvement Desjardins, la population du Québec pourrait être dotée dans un avenir, sembte-t-il, assez rapproché d'un régime des sûretés et de la publicité des droits nettement amélioré.

Avant d'aborder de façon plus spécifique certains commentaires contenus dans notre mémoire, il m'apparaît important de préciser quelque peu l'impact que peut avoir cet avant-projet de loi sur l'activité financière du Mouvement Desjardins. Celui-ci est composé d'un grand nombre d'institutions qui, pour la plupart, oeuvrent dans le domaine du crédit. La majorité d'entre elles sont des caisses d'épargne et de crédit réparties sur l'ensemble du territoire du Québec. On en compte actuellement 1358. Plusieurs autres institutions du mouvement oeuvrent également dans ce domaine. Mentionnons particulièrement les onze fédérations de caisse, l'Assurance-Vie Desjardins, la Caisse centrale Desjardins du Québec, la Fiducie du Québec, la Sauvegarde Compagnie d'Assurance sur la Vie, le Crédit industriel Desjardins et, finalement, la Société d'investissement Desjardins.

Les prêts assortis de sûretés réelles se retrouvent principalement dans trois grandes catégories. Les prêts hypothécaires a l'habitation, les prêts commerciaux et industriels et les prêts agricoles.

Au 31 décembre 1986, les prêts hypothécaires à l'habitation consentis par les institutions du Mouvement Desjardins s'élevaient aux alentours de 12 500 000 000 $. Dans le domaine commercial et industriel, dans lequel le Mouvement Desjardins est de plus en plus actif, les prêts s'élevaient à environ 4 030 000 000 $. On peut évaluer qu'environ 75 % de ce montant ou à peu près 3 000 000 000 $ étaient constitués de prêts assortis de sûretés réelles.

Dans le domaine agricole, les prêts

s'élevaient à 1 100 000 000 $ environ. De ce montant, une proportion très importante soit 1 000 000 000 $ est constitué de prêts assortis de sûretés réelles principalement des hypothèques et des nantissements agricoles.

Les prêts assortis de sûretés réelles consentis par les institutions du Mouvement Desjardins s'élevaient donc approximativement à 16 500 000 000 $ en tenant compte des données des plus récentes, on peut évaluer que ce montant est aujourd'hui d'environ 17 000 000 000 $ sur un actif global de 31 000 000 000 $.

Comme les nouvelles règles relatives aux sûretés réelles seront sûrement en vigueur pendant de nombreuses années, les montants en cause sont d'autant plus importants.

L'avant-projet de loi risque donc d'avoir un impact considérable sur l'activité financière des institutions du Mouvement Desjardins. En termes de part du marché, celles-ci occupaient au 31 décembre dernier, 40 % du marché des prêts hypothécaires à l'habitation, ce qui ne tient pas compte, c'est-à-dire exclues les institutions du Mouvement Desjardins, si on ajoutait à ce chiffre les institutions, on arriverait à 43 % du marché.

Dans le domaine des prêts commerciaux et industriels, la part de Desjardina est de 15 %, quand on ne tient compte que des caisses. Là encore, si on ajoute Ies institutions, la part s'élève à 20 %; dans le domaine des prêts agricoles, la part des caisses est de 36 %. Cette proportion passe à 55 % en ajoutant les institutions de Desjardins.

Si on considère que le reste du marché est occupé par de nombreux autres orqanismes, on peut finalement conclure que les institutions du Mouvement Desjardins sont parmi celles qui sont les plus affectées par cet avant-projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous lui avons accordé une grande importance.

J'aimerais également rappeler certaines préoccupations générales qui nous ont inspirés dans l'étude de cet avant-projet de loi. Tout d'abord, compte tenu du rôle important que joue le Mouvement Desjardins au sein de la société québécoise, au chapitre du crédit, nous croyons qu'il est de notre devoir de commenter l'avant-projet de loi en recherchant pour les emprunteurs un système de crédit accessible, le moins coûteux possible et répondant vraiment à leurs besoins.

Une autre préoccupation très importante pour nous concerne la protection accordée par l'avant-projet de loi à la situation du créancier garanti. En effet, lorsqu'un créancier juge important d'assortir son prêt d'une sûreté, il est essentiel qu'il puisse connaître celle qui affecte déjà le bien et qu'il puisse être certain qu'aucune autre sûreté prioritaire qu'il ne peut évaluer d'avance ne l'affectera par la suite. Sinon, c'est dans une insécurité constante que devront travailler les prêteurs. Cela se répercutera sur la quantité et l'ampleur des garanties exigées sur les frais que devront supporter les emprunteurs et sur le service qui leur sera donné.

D'ailleurs, les sommes prêtées par les institutions financières proviennent, en grande partie, de l'épargne qui leur est confiée et les déposants sont en droit de s'attendre à ce que leurs économies soient protégées le mieux possible. Une autre préoccupation majeure est celle de pouvoir obtenir une sûreté réelle en suivant une procédure dénuée de tout formalisme inutile.

Il faut éviter, par exemple, d'imposer des formalités qui augmentent considérablement le travail des prêteurs et les frais d'emprunt pour les emprunteurs, si celles-ci ne visent qu'à prévenir des situations exceptionnelles ou hypothétiques.

Au chapitre de recours, nous avons constaté l'introduction de nombreuses règles destinées à protéger les emprunteurs en difficulté. Nous souscrivons entièrement à cet objectif et à la plupart des mesures prévues à cette fin. Nous soulignerons, toutefois, certaines d'entre elles qui, à la lumière des expériences vécues dans le passé, ne nous paraissent pas opportunes ou qui risquent de produire l'effet inverse de celui recherché.

Par ailleurs, il est essentiel que les articles du Code civil au chapitre des sûretés et de la publicité des droits soient les plus clairs possible. En effet, compte tenu des sommes considérables qui seront prêtées au cours des années à venir sur la foi des nouvelles sûretés, il est essentiel que les prêteurs puissent consentir leurs prêts en ayant le moins de doutes possible quant à l'interprétation des articles pouvant s'appliquer.

Enfin, dans le contexte du décloisonnement, les institutions financières, il est important que le Code civil permette aux institutions de crédit de juridiction provinciale d'être en position concurrentielle face à celles de juridiction fédérale. Cela dit, vous me permettrez, M. le Président, de céder maintenant la parole à Me Daniel Dionne, qui reprendra quelques commentaires contenus dans le mémoire et qui sont plus d'ordre juridique.

M. Dionne (Daniel): Merci, M. Frenière. Comme l'ont fait les autres intervenants, je vais suivre l'ordre de présentation de l'avant-projet de loi. En ce qui a trait, tout d'abord, aux créances prioritaires pour les impenses, l'avant-projet de loi prévoit qu'elles prendront rang avant les hypothèques, sans qu'elles aient à être publiées.

Un prêteur hypothécaire pourrait donc,

après avoir consenti son prêt en ayant fait toutes les vérifications d'usage, apprendre que le bien hypothéqué était grevé d'une ou plusieurs charges prioritaires pour impense pouvant affecter sérieusement la valeur de sa garantie.

À notre avis, c'est une situation difficilement acceptable, parce qu'il est impossible d'évaluer d'avance les montants de tels charges contrairement aux taxes municipales, par exemple. Nous croyons donc que les créances découlant des impenses devraient, du moins dans le cas des immeubles, être publiées pour être opposables aux tiers et qu'elles devraient prendre rang selon leur date d'enregistrement.

Nous avons donc considéré que la meilleure solution serait qu'elles puissent donner lieu à une hypothèque légale plutôt que d'être des créances prioritaires. Certains intervenants ont également parlé d'un droit de rétention. Nous considérons que cette hypothèse est envisageable dans le cas d'immeubles, à la condition, toutefois, que des modalités soient prévues, afin d'assurer aux autres créanciers un traitement équitable. On pourrait penser, par exemple, à appliquer à ce droit de rétention les règles de l'hypothèque mobilière avec des possessions.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi propose que les créances de l'état pour les taxes et les impôts soient des créances prioritaires pouvant grever des biens meubles et immeubles, sans avoir à être publiées. Si elles affectent des biens meubles, ces créance prendront rang avant les hypothèques mobilières, quelles que soit leur date.

Nous sommes conscients que cette priorité existe déjà en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, mais l'expérience vécue jusqu'à maintenant nous permet d'affirmer qu'elle engendre des problèmes très sérieux en matière de gestion du crédit. En effet, la priorité de la créance de l'État oblige les créanciers à effectuer des vérifications lors de l'octroi de nombreux prêts et à faire un suivi de ceux-ci, afin de s'assurer que le débiteur ne s'endette pas de façon importante envers l'État.

Mais il n'est pas possible de toujours faire ces vérifications, et même lorsqu'elles sont faites, elles n'assurent pas le prêteur que le bien obtenu en garantie ne servira pas un jour à payer exclusivement la créance de l'État. Pour pallier ce risque ou réduire le nombre des vérifications, les créanciers doivent parfois exiger d'autres garanties comme, par exemple, le cautionnement d'un tiers. Mais si les choses tournent mal et que l'État se prévaut de son privilège, le créancier doit s'adresser à la caution et c'est finalement elle qui supporte la priorité de l'État et qui parfois se retrouve en sérieuse difficulté financière.

Nous trouvons donc inacceptable que l'État passe avant le créancier garanti dans le cas des biens meubles. D'ailleurs, dans l'avant-projet de loi, on a jugé important de prévoir une règle à l'effet que la créance prioritaire de l'État ne prime pas les hypothèques immobilières. Nous ne voyons pas pourquoi il n'en serait pas de même dans le cas des hypothèques mobilières.

Nous sommes également d'avis que la créance de l'État ne devrait pas être prioritaire à celle des créanciers chirografaires. Nous comprenons que des mécanismes sont nécessaires pour permettre à l'État de récupérer le mieux possible les montants qui lui sont dus, mais nous croyons que ce n'est pas à une ou quelques personnes qui ne sont pas concernées par la dette due à l'État d'en supporter les frais et les conséquences.

Nous trouvons injuste que les particuliers ou de petits commerçants perdent des montants considérables parce que les gouvernements sont colloques en premier sur les biens libres de garantie ou qui comportent une équité, d'autant plus que ce sont très souvent les créanciers chirographaires qui ont procuré ces biens au débiteur ou qui lui ont fourni le crédit nécessaire à leur réquisition. N'est-il pas anormal que ce soit un autre créancier qui en profite?

La priorité des créances de l'État est dénoncée par de nombreux organismes qui n'en sont pas personnellement victimes et qui constatent les injustices qu'elle engendre. Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait, comme il a su le faire dans d'autres domaines, innover et abolir cette injustice. L'avant-projet de loi va en sens contraire, car il ouvre la porte au gouvernement fédéral qui n'a actuellement un privilège que dans des cas très rares. À notre avis, l'État devrait tout au plus avoir le droit d'enregistrer une hypothèque légale, ce qui est déjà prévu aux articles 2888 et suivants.

En ce qui a trait aux biens pouvant être hypothéqués, l'article 2825 prévoit que les biens incorporels pourront être hypothéqués. Or, certains biens incorporels sont régis par des lois ou des règlements particuliers qui prévoient des modalités bien précises pour leur aliénation, lesquelles ne concordent pas avec les recours prévus dans l'avant-projet de loi, par exemple, les permis émis en vertu de la Loi sur les transports ou les quotas émis en vertu du règlement sur les quotas de production de lait.

Ces biens ont souvent une valeur appréciable, et ceux qui désirent les acheter ou qui les possèdent déjà veulent parfois les donner en garantie pour faciliter leur acquisition ou pour obtenir du crédit additionnel. Mais les prêteurs hésitent ou refusent de les prendre en garantie, de peur que leur garantie soit déclarée nulle par les tribunaux ou qu'elle soit difficile à réaliser.

Par contre, lorsque leur garantie porte sur tous les biens de l'entreprise, il est très important pour les prêteurs d'avoir également ces biens corporels en garantie.

L'adoption du projet de loi sur les sûretés devrait être l'occasion de régler ce problème. Différentes solutions peuvent être envisagées, nous en suggérons une dans notre mémoire.

L'article 2827 prévoit l'impossibilité d'hypothéquer des biens insaisissables. Cette règle va à l'encontre de la situation actuelle, puisque plusieurs biens saisissables peuvent actuellement être donnés en garantie et deviennent alors saisissables par le créancier. C'est le cas notamment des biens pouvant faire l'objet d'un nantissement commercial, agricole ou forestier. C'est très important qu'il en soit ainsi, sinon les personnes pouvant actuellement consentir ces sûretés auront à l'avenir des difficultés à obtenir le financement nécessaire à l'acquisition de machineries, d'équipement ou d'animaux, par exemple, ou encore au maintien de leurs opérations.

L'impossibilité d'hypothéquer des biens saisissables peut, à première vue, sembler une mesure favorable aux emprunteurs, mais, à notre avis, elle ne favorisera qu'une très faible proportion d'entre eux et,, nuira de façon importante à tous les autres'.

Nous croyons qu'il est essentiel que te gouvernement examine sérieusement les conséquences pratiques de la règle proposée. Faute de temps, il nous est impossible d'en parler en détail au cours de cet exposé, mais notre mémoire aborde la question de façon plus précise. À notre avis, la solution qui devrait être retenue serait de maintenir le statu quo.

L'article 2827, alinéa 2, prévoit qu'il ne sera pas possible d'hypothéquer des honoraires non exigibles. À notre avis, cette règle limitera de façon importante les possibilités de financement de certaines personnes ou entreprises qui peuvent actuellement, en vertu des articles 1570 et suivants du Code civil, se servir de leurs honoraires non exigibles pour obtenir du crédit parfois essentiel à la bonne marche de leur entreprise. Il est en effet souvent nécessaire, lorsqu'on obtient un contrat, d'avoir du crédit pour l'exécuter. Par exemple: paiement des employés, des dépenses courantes, etc. Or, le crédit sera très difficile à obtenir si les emprunteurs ne peuvent plus donner en garantie les honoraires pouvant éventuellement découler des services qu'ils s'apprêtent à rendre, honoraires qui sont parfois le principal sinon le seul actif de l'entreprise. Il devrait donc demeurer possible d'hypothéquer des honoraires non exigibles. D'ailleurs, lorsque des honoraires deviennent exigibles, il est inutile voire inopportun de les hypothéquer, il est plutôt temps de les percevoir. Notre mémoire aborde cette question de façon plus détaillée et peut être consulté au besoin.

L'article 2841 stipule en ce qui a trait aux personnes pouvant consentir l'hypothèque, qu'à moins qu'elle n'exploite une entreprise, une personne physique ne peut consentir une hypothèque mobilière sans des possessions que sur le bien déterminé qu'elle acquiert. À notre avis, une personne physique qui n'exploite pas une entreprise, devrait pouvoir consentir une hypothèque mobilière sans des possessions sur un bien qu'elle possède déjà. En effet, les consommateurs en tireraient de nombreux avantages. II arrive très souvent, par exemple, qu'un consommateur veuille refinancer une dette en vue de réduire le taux d'intérêt qu'il a convenu de payer. Il arrive également que des particuliers veuillent consolider au moyen d'un seul prêt plusieurs dettes dont l'échéance est arrivée ou qui portent intérêt à des taux élevés et même exorbitants.

Le prêteur ne peut toutefois dans certains cas accepter de prêter sans obtenir une garantie. S'il n'est pas possible pour le débiteur d'hypothéquer un bien qu'il possède déjà, il risque de se voir refuser l'emprunt et même de voir le bien être saisi et vendu par un de ses créanciers. Plusieurs préféreraient sûrement pouvoir l'hypothéquer. De plus, s'il était possible pour un particulier de consentir une hypothèque sur un bien meuble qu'il possède déjà, les prêteurs se contenteraient souvent d'une hypothèque mobilière plutôt qu'immobilière, de sorte que les frais d'emprunt seraient beaucoup moins élevés.

Enfin, il est de pratique reconnue que les frais garantis sont consentis à des taux moindres. Il est donc à l'avantage des emprunteurs de pouvoir donner une garantie mobilière plutôt que d'emprunter sans garantie à un taux plus élevé.

S'il est une lacune du domaine des sûretés qui nous est signalée depuis des années, c'est bien celle qui empêche les particuliers de consentir une sûreté sans dépossession, tant sur les" biens qu'ils achètent que sur ceux qu'ils possèdent déjà. L'adoption de l'avant-projet de loi devrait être l'occasion de ta faire disparaître complètement.

Par ailleurs, l'article 2842 stipule ce qui suit: - Je me permets de citer le texte au complet parce qu'il est important - "Seule la personne qui exploite une entreprise, même si elle agit ainsi à titre d'administrateur du bien d'autrui, peut, que l'entreprise ait trait à un bien ou à un service et qu'elle soit ou non à caractère commercial, consentir une hypothèque sur une universalité de biens, meubles ou immeubles, présents ou futurs, corporels ou incorporels. "Elle ne peut cependant hypothéquer que des biens qui sont utilisés pour le

service et l'exploitation de l'entreprise ou qui en font l'objet. Ainsi, elle peut hypothéquer les animaux, la machinerie, l'outillage ou le matériel d'équipement professionnel, les créances et comptes à recevoir, les brevets et marques de commerce, ou encore les meubles corporels qui font partie de l'actif de l'entreprise et qui sont détenus afin d'être vendus ou traités dans le processus de fabrication ou de transformation d'un bien destiné à la vente ou à la fourniture de services."

Cet article est fondamental dans toute cette réforme parce qu'il sera à l'origine d'une quantité considérable de prêts. La cession de biens en stocks, le nantissement agricole affectant des récoltes et des animaux, le transport général de créances, l'acte de fiducie et bien d'autres sûretés seront en effet remplacées par celles prévues à l'article 2842. Des sommes très considérables seront donc garanties par une hypothèque sur une universalité de biens de sorte qu'il est nécessaire que les règles proposées soient très claires.

À notre avis, la référence au concept "exploiter une entreprise" risque de susciter des difficultés d'interprétation semblables à celles qu'a soulevées la notion de commerçant en matière de nantissement commercial et de rendre difficile l'octroi du crédit à certaines catégories d'emprunteurs.

Il n'est pas certain, par exemple, que ceux qui exercent une profession à leur compte, avocats, dentistes, etc., seront considérés comme exploitant une entreprise. Dans la négative, l'article 2842 les empêchera d'hypothéquer l'universalité de leurs créances présentes et futures. Si la règle prévue à l'article 2841 est maintenue, ils ne pourront consentir une hypothèque mobilière sans dépossession sur les biens qu'ils possèdent déjà. Par exemple, de l'équipement de bureau. Cela limitera grandement leur possibilité de financement.

L'agriculteur et celui qui fait l'élevage d'animaux seront-ils toujours considérés comme exploitant une entreprise? Cela est également douteux. Par conséquent, étant donné que le nantissement agricole disparaît, l'article 2842 empêchera les agriculteurs et les éleveurs qui n'exploitent pas une entreprise de nantir l'universalité de leurs animaux présents et à venir, l'universalité de leurs produits d'exploitation présents et à venir etc. Si la règle prévue à l'article 2841 est maintenue, ils ne pourront consentir une hypothèque mobilière sans dépossession sur les biens qu'ils possèdent déjà. Par exemple, des instruments aratoires, des outils, etc.

Les artisans, les peintres et les sculpteurs, etc., exploitent-ils une entreprise? C'est éqalement douteux. Dans la négative, l'article 2842 les empêchera d'hypothéquer l'universalité de leurs oeuvres.

Même si l'article 2842 mentionne que l'entreprise peut être à caractère commercial ou non, cela n'élimine pas complètement les difficultés d'interprétation, car il faut quand même exploiter une entreprise. Est-ce le cas d'un syndicat, d'un collège d'enseignement privé, d'une association professionnelle? Cela demeure très discutable tant pour ces organismes que pour bien d'autres.

L'ampleur et l'importance qu'a pris le crédit de nos jours ne permet pas aux prêteurs de consentir des prêts sur la foi des sûretés contestables, car les montants en jeu sont très importants.

Par contre, les emprunteurs sous-mentionnés ne doivent pas être privés du crédit nécessaire à leurs activités en raison de difficultés d'interprétation que pourrait susciter le concept proposé. Il serait donc important de le préciser afin de s'assurer que ces emprunteurs pourront consentir une hypothèque sur une universalité de biens, et si la règle prévue à l'article 2841 est maintenue, sur les biens qu'ils possèdent déjà.

Par ailleurs, d'autres expressions utilisées risquent de susciter des difficultés d'interprétation quant aux biens pouvant faire l'objet d'une telle hypothèque. Nous les soulignons aux pages 45 et 46 de notre mémoire. Il serait important que le texte final écarte tout doute à ce sujet.

Mais, à notre avis, la restriction prévue à la première phrase du deuxième alinéa ne devrait s'appliquer qu'aux personnes physiques. Ainsi, dans le cas d'une corporation ou autre personne morale, la règle serait que l'hypothèque peut grever tous les biens de cette entreprise, de sorte qu'on n'aurait pas, dans ces cas, à se demander si tel ou tel bien peut faire partie de l'hypothèque.

En ce qui a trait aux obligations pouvant être garanties par hypothèque, l'article 2846 prévoit que l'hypothèque n'est valide qu'en autant que l'acte constitutif indique la cause de l'obligation et, de manière certaine et déterminée, la somme pour laquelle elle est consentie et la valeur de l'obligation dont elle garantit l'exécution.

Nous croyons que l'obligation d'indiquer la cause et la valeur de l'obligation est inutile et qu'il sera souvent difficile de savoir si elle est respectée.

À notre avis, il devrait être suffisant d'indiquer le montant de l'hypothèque, comme c'est le cas actuellement. D'ailleurs, l'obligation d'indiquer la cause et la valeur de l'obligation empêchera une personne ou une entreprise de consentir ce qu'on appelle une hypothèque continue, c'est-à-dire une hypothèque affectant un bien ou une universalité de biens en garantie de toute dette existante future ou éventuelle envers un créancier. C'est actuellement possible dans le cas de certaines sûretés, par exemple, dans le cas des transports de

créances. Cela facilite grandement pour les prêteurs et les emprunteurs l'octroi de crédits additionnels tout en réduisant de façon substantielle les frais d'emprunt. Si l'avant-projet de loi permettait de consentir des hypothèques continues, un emprunteur pourrait, par exemple, hypothéquer son immeuble en garantie de toute dette existante, future ou éventuelle envers le prêteur et effectuer plus tard des rénovations à son immeuble sans avoir à consentir une nouvelle hypothèque pour garantir le prêt nécessaire aux rénovations. Une entreprise pourrait également hypothéquer son équipement ou l'universalité de ses comptes à recevoir en garantie de toute dette existante, future ou éventuelle envers le prêteur et, par la suite, emprunter de nouveau, peu importe la raison, sans avoir à consentir une nouvelle hypothèque sur les mêmes biens ou sur d'autres biens. (10 heures)

L'hypothèque continue aiderait également à régler le problème des ouvertures de crédit qui doivent très souvent être augmentées en raison de l'expansion de nombreuses entreprises. Les parties n'auraient qu'à convenir d'un montant d'hypothèque suffisamment élevé pour faire face à la possibilité d'une telle augmentation. Cela éviterait d'avoir à reprendre une nouvelle hypothèque dont l'emprunteur doit supporter les frais souvent élevés lorsque vient le temps d'augmenter l'ouverture de crédit.

Pour que cela soit possible, il faudrait que l'article 2846 précise que l'hypothèque peut être consentie pour garantir des obligations existantes, futures ou éventuelles et que l'article 2848 soit modifié pour qu'il ne soit pas nécessaire d'indiquer la cause et la valeur de l'obligation. Seul le montant de l'hypothèque serait obligatoire, comme c'est le cas actuellement. Ainsi, les tiers tiendraient compte de ce montant si l'emprunteur désire, à nouveau, hypothéquer le ou les biens concernés en leur faveur.

Les articles 2850 à 2853 prévoient toute une série de règles dans les cas où la valeur de l'obligation est indéterminée. Nous comprenons mal l'objectif visé par ces articles qui prévoient une procédure qui nous semble inutilement complexe qui n'existe pas actuellement. Si l'acte devait simplement mentionner le montant jusqu'à concurrence duquel l'hypothèque est consentie, ces articles n'auraient plus de raison d'être.

En ce qui a trait à l'hypothèque mobilière grevant des créances, les articles 2874, 2875 et 2884 prévoient des formalités qui devront être suivies pour rendre opposables aux tiers les hypothèques grevant une ou des créances ou une universalité de créances. Dans le cas d'une hypothèque grevant une ou des créances spécifiques, le créancier ne devrait pas être obligé de remettre une copie ou un extrait de son hypothèque au débiteur de la créance pour avoir priorité sur les tiers, par exemple, un syndic de faillite, un créancier qui effectuera une saisie-arrêt. C'est seulement pour rendre l'hypothèque opposable au débiteur de la créance que la remise d'une copie ou d'un extrait de l'acte devrait être nécessaire. En effet, la créance ne sera hypothéquée qu'à titre de sûreté d'une obligation, de sorte que le créancier devrait être libre de ne la signifier que s'il le juge opportun. Notre mémoire suggère les modifications requises aux articles sus-mentionnés.

Dans le cas de l'hypothèque grevant une universalité de créances, l'article 28.75 fait en sorte qu'il sera nécessaire de donner un avis individuel ou général au débiteur pour pouvoir faire valoir l'hypothèque grevant une universalité de créances à l'encontre des tiers. Par conséquent, les prêteurs n'auront d'autre choix que de signifier, dès la prise de la garantie, l'avis individuel ou général au débiteur, c'est-à-dire une publication dans les journaux s'ils veulent éviter que les créances qu'ils auront en garantie passent aux mains d'un tiers. Or, cela engendrera des problèmes très sérieux pour le prêteur, les débiteurs et surtout pour l'emprunteur. En effet, la publication d'un avis à cet effet pourra être perçue par les créanciers de l'emprunteur comme une indication qu'il est en difficulté financière. Quant aux débiteurs des créances concernées, ils se considéreront obligés, dès la publication de l'avis, de payer le prêteur plutôt que leurs créanciers, alors que ce dernier ne sera même pas en défaut.

Actuellement, la cession en garantie d'une universalité de créances se fait en vertu de l'article 1571d du Code civil. La rédaction de cet article fait en sorte que le transport est opposable aux tiers dès l'enregistrement, mais les débiteurs qui acquittent leurs dettes avant la publication de l'avis sont protégés. C'est également ce que devrait prévoir l'avant-projet de loi pour les hypothèques grevant une universalité de créances.

En ce qui a trait aux hypothèques ouvertes, de la lecture des articles 2879 à 2884 et 3315, on peut conclure que le créancier détenant une hypothèque ouverte aura, tant qu'il n'aura pas enregistré un avis de clôture, une garantie très aléatoire pour les raisons suivantes: si le débiteur consent une hypothèque non ouverte sur une partie ou sur la totalité des mêmes biens, l'hypothèque du deuxième créancier aura priorité de rang sur celle du premier; si un tiers, par exemple l'État ou une personne morale de droit public ou une personne ayant obtenu un jugement contre le débiteur, enregistre une hypothèque légale sur une partie ou sur la totalité des mêmes biens, l'hypothèque légale aura priorité de rang. Si un tiers saisit la totalité ou une partie des biens visés par l'hypothèque ouverte, le

saisissant pourra probablement faire vendre les biens saisis et en percevoir le produit en priorité sur le créancier détenant l'hypothèque ouverte. Un créancier pourrait donc verser des fonds à l'emprunteur pour financer ses animaux, ses inventaires ou ses comptes à recevoir, les prendre en garantie au moyen d'une hypothèque ouverte et se retrouver, tout à coup, dans l'impossibilité de se rembourser à même les biens hypothéqués parce qu'un des éléments prévus ci-dessus se sera produit. Il aura peut-être le droit, par préférence à tout autre créancier, de prendre possession des biens pour les administrer, mais il n'en tirera aucun avantage si les autres créanciers ont priorité de rang sur lui et qu'il doit les payer en entier.

À notre avis, la raison d'être d'une hypothèque ouverte est de permettre un roulement des biens ou des créances visées. C'est pourquoi il est normal qu'on permette au débiteur d'aliéner les biens visés dans le cours ordinaire de ses activités ou, lorsque ce sont des créances qui sont hypothéquées, de les percevoir jusqu'à ce que les créanciers enregistrent un avis de clôture. Par contre, nous ne voyons pas pourquoi un deuxième créancier, à qui le débiteur consentirait subséquemment une hypothèque sur les mêmes biens ou qui enregistrerait une hypothèque légale, aurait priorité de rang sur le premier créancier. Nous n'avons pas d'objection à ce que le débiteur puisse consentir une hypothèque sur les mêmes biens et que l'hypothèque ouverte prenne rang lors de l'enregistrement de l'avis de clôture. Mais, si le créancier détenant l'hypothèque ouverte décide d'enregistrer un avis de clôture, son hypothèque devrait prendre rang à la date d'enregistrement de l'hypothèque ouverte et non à celle de l'avis de clôture.

Les hypothèques ouvertes sont destinées à remplacer certaines sûretés dont le rang est déterminé selon la date d'enregistrement, c'est-à-dire le nantissement agricole et forestier sur des animaux et des produits de l'exploitation, la cession de biens en stock, le transport général de créances et l'acte de fiducie. Il est très important qu'il continue à en être ainsi.

En ce qui a trait aux hypothèques légales, les articles 2888 et 2892 prévoient que le vendeur d'un bien qui n'a pas été payé aura droit à une hypothèque légale sur ce bien. L'hypothèque légale, hypothèque qui aura effet à compter de l'enregistrement de la vente. En mettant ces articles en relation avec les articles 3314 et 3315, on peut conclure que les fournisseurs d'une entreprise auront droit à une hypothèque légale sur les marchandises vendues et que celle-ci aura priorité sur celle d'un prêteur qui aura obtenu, avant la vente, une hypothèque ouverte grevant une universalité de biens présents et futurs. C'est donc dire que si le prêteur fait défaut de respecter ses obligations envers le prêteur et que ce dernier se voit dans l'obligation d'exercer ses recours, il risque de voir une partie importante, sinon la totalité des biens hypothéqués en sa faveur, servir au paiement des fournisseurs. Il est important que les institutions financières ne pouvant se prévaloir de la Loi sur les banques ne soient pas défavorisées à ce chapitre par rapport aux banques. Nous sommes portés à croire qu'il pourrait en être ainsi. Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis que les fournisseurs devraient être tenus, s'ils veulent avoir droit à une hypothèque légale, d'exercer des recours dans un délai raisonnable, par exemple, de 30 à 60 jours après la vente, comme c'est le cas par exemple, pour les personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble. Autrement, les prêteurs devront exercer un contrôle très serré sur les comptes à payer pour s'assurer que les fournisseurs sont payés régulièrement. Cela n'est pas toujours facile et implique des frais d'administration importants qui augmentent les frais d'emprunt.

L'article 2895 prévoit la possibilité pour un créancier, détenteur d'un jugement, d'enregistrer une hypothèque légale sur un bien meuble ou immeuble. Certains s'interrogent sur l'opportunité d'une telle hypothèque. À notre avis, elle permet de retarder la saisie et la vente des biens ainsi hypothéqués, ce qui peut permettre au débiteur de payer sa dette et de libérer par le fait même les biens hypothéqués. Éliminer cette possibilité fera en sorte, dans plusieurs cas, que les biens seront immédiatement saisis et vendus au détriment des débiteurs. Par ailleurs, si on veut que cette procédure soit utilisée plus souvent qu'actuellement, à la place d'une saisie, il faudrait qu'elle soit reconnue en cas de faillite; par exemple, après un certain délai, ce qui n'est pas le cas actuellement. Une modification à l'article 50 de la Loi sur la faillite pourrait être demandée par le gouvernement du Québec.

Au chapitre des recours, notre mémoire suggère différentes modifications dont plusieurs sont importantes, mais que je ne reprendrai pas dans cet exposé, faute de temps.

En ce qui a trait à la publicité des droits, l'obligation d'accompagner les actes sous seing privé du certificat d'un notaire ou d'un avocat prévue à l'article 3336 ne nous paraît aucunement justifiée, du moins dans le cas des hypothèques mobilières.

En effet, elle évitera peut-être quelques problèmes dans des cas extrêmement rares mais elle alourdira la procédure de façon importante et augmentera par conséquent Ies frais d'emprunt pour tous les actes sous seing privé.

Déjà on pouvait s'interroger très sérieusement sur la pertinence et l'utilité de l'affidavit et des deux témoins. Nous ne voyons donc pas pourquoi des formalités encore plus lourdes seraient imposées. La loi sur les connaissements, les reçus et les cessions de biens en stocks a introduit en matière de publicité des droits une procédure simple, dénuée de tout formalisme inutile qui est très appréciée. Il s'agit simplement d'enregistrer un avis très sommaire signé uniquement par le prêteur et sans témoin ni affidavit. Comme cette procédure ne semble pas créer de problèmes on devrait s'orienter vers un système semblable pour toutes les hypothèques mobilières. Si on tient à exiger le certificat d'un notaire ou d'un avocat dans le cas des actes sous seing privé il faudrait le faire lorsque c'est vraiment justifié, ce qui ne nous semble pas être le cas pour les hypothèques mobilières.

Enfin, l'article 3422 prévoit qu'une hypothèque immobilière est radiée sur présentation d'une réquisition qui doit être en forme notariée et portant minutes.

Nous sommes d'avis qu'on devrait pouvoir radier une hypothèque immobilière au moyen d'une réquisition sous seing privé. En effet, les emprunteurs sont souvent choqués d'avoir à payer des honoraires légaux pour faire radier l'hypothèque après qu'ils ont effectué le dernier paiement. Plusieurs institutions affiliées au Mouvement Desjardins procèdent déjà à la radiation de leurs hypothèques immobilières au moyen d'actes sous seing privé. D'autres manifestent le désir de le faire dans l'intérêt de leurs membres. Il serait dommage que l'adoption de l'avant-projet de loi les en empêche.

Faute de temps, il m'était impossible de reprendre tous tes commentaires contenus dans notre mémoire. Nous espérons que ceux qui n'ont pas été repris au cours de cet exposé, dont plusieurs sont pour nous tout aussi importants que ceux que j'ai abordés seront tout de même pris en considération par les personnes concernées.

Je vous remercie encore une fois, M. le Président, de même que tous les membres de cette sous-commission de nous avoir permis de vous présenter cet exposé.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant nous allons procéder à cette période d'échange. Je vais reconnaître le député de Marquette, l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter, au nom du ministre de la Justice et du gouvernement du Québec, la bienvenue à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, M. Frenière, son 1er vice-président, Mme Bédard, Me Dionne, Mme Soucy et M. Laflamme. Évidemment, j'aimerais vous dire à quel point tous les membres de la sous-commission sont heureux de votre participation à nos travaux, considérant effectivement l'institution des caisses populaires Desjardins au Québec qui fait "partie intégrante", si vous me permettez entre guillemets, de la société distincte au Canada comme institution. J'aimerai vous dire aussi que votre mémoire a été très bien fait, il est de bonne qualité. J'aimerais maintenant passer aux questions. On a reçu plusieurs groupes et associations depuis mercredi matin. J'aimerais faire référence à la notion de présomption d'hypothèque que l'Office de révision du Code civil proposait dans son rapport, notamment à l'article 281 qui stipule: "Nul ne peut prétendre à un droit sur un bien pour assurer le paiement d'une obligation si ce n'est par hypothèque", que toute forme de sûreté ou toute stipulation constituait une présomption d'hypothèque. La première question que j'ai à vous poser, c'est pour savoir si votre groupe s'est penché sur le sujet puisque d'autres groupes s'y sont penchés, notamment l'Association des banquiers canadiens qui est en faveur et, également, le Barreau du Québec qui est en faveur et la Chambre des notaires est contre. J'aimerais savoir si vous vous êtes penchés là-dessus.

M. Frenière: Je vais demander à Me Dionne de vous donner la réponse.

M. Dionne: Tout d'abord, on n'y a pas réfléchi en groupe, si on veut, parce que l'avant-projet de loi ne contenait aucune disposition dans ce sens-là et, faute de temps, on n'a pas pu prendre connaissance des propositions de l'Office de révision du Code civil. Donc, on ne s'attendait pas que cette question nous soit posée. Par contre, j'ai assisté à la première journée d'audition et je me suis rendu compte effectivement que cela semblait être une préoccupation pour plusieurs; donc, j'y ai réfléchi personnellement et je ne voudrais pas engager ni le Mouvement Desjardins ni mes collègues. La réflexion que je me suis faite est la suivante. Dans mon exposé, j'ai soulevé certains problèmes, par exemple, au niveau de l'hypothèque grevant l'universalité de créance ou de bien, c'est une garantie très importante. On constate qu'une qu'on considère, quant à nous, majeure, entre autres, quant au rang que d'autres personnes pourraient avoir ou quant à la perte de rang qu'on pourrait subir face à d'autres créanciers, quand on regarde cela, on se demande évidemment: est-ce qu'on va investir des milliards, comme on en a parlé tout à l'heure, dans une garantie qui comporte des risques comme celui-là? Donc, si l'avant-projet de loi n'était pas modifié pour apporter des modifications que nous

considérons importantes, on se dit qu'on va peut-être envisager d'essayer de trouver d'autres solutions pour prêter les mêmes montants à ceux qui nous les demandent. À ce moment-là, la présomption d'hypothèque nous empêcherait de le faire parce qu'on reviendrait à la sûreté qui est prévue dans le Code civil. C'est la raison pour laquelle, pour le moment, il est difficile de se prononcer à savoir si on est favorable ou pas. Il faudrait savoir quel sera le texte définitif du Code civil pour dire si, oui ou non, on l'est. Si le texte définitif contient des contraintes majeures pour nous, on sera peut-être obligés de regarder d'autres choses que nous offrirait le droit civil du Québec pour prendre des garanties.

Il y a également une chose que j'aimerais mentionner. II y a peut-être une lacune que la présomption d'hypothèque corrigerait, par contre, c'est la question du contrat de vente conditionnelle qui n'est pas publicisé. Je ne sais pas ce que va devenir -ce n'est pas une sûreté - en fait, ce droit-là dans l'avenir. C'est un fait que, malheureusement, pour certaines personnes, par exemple pour les gens qui vont acheter une voiture et qui, un bon matin, vont apprendre que c'est une compagnie de finance qui est propriétaire du véhicule; elles n'ont pas pu le savoir parce que ce n'était publicisé nulle part. Cela pourrait corriger cette lacune-là, c'est bien certain. Mais on prend des contrats de vente conditionnelle actuellement, pourquoi? Parce que, justement, notre Code civil n'est pas adapté à nos besoins. Si le Code civil l'est dans l'avenir, en apportant certaines modifications au projet de loi, on pourrait probablement être favorable à la présomption d'hypothèque. Présentement, c'est prématuré de se prononcer sur cette question. Mais, en gros, c'est la réflexion que j'ai faite dans les heures qui ont précédé cet exposé.

Mme Bédard (Rita): J'aimerais ajouter qu'on avait étudié à l'époque le rapport de l'Office de révision du Code civil et que, malheureusement, le temps ne nous a pas permis de revoir cette étude qui avait été faite. Mais comme le soulignait Me Dionne dans cet exposé, il nous apparaît que l'emprunteur puisse le plus facilement possible obtenir du crédit et que le prêteur, lui, soit aussi assuré des garanties adéquates quand il juge que sa demande est garantie. Comme disait Me Daniel Dionne, si cela peut effectivement apporter des améliorations, je pense que, tant dans l'intérêt de l'emprunteur que dans celle du prêteur, on serait favorable. D'autre part, si on peut, au contraire, préciser les aspects qu'on vous a soulignés ce matin, on aura un système de crédit efficace. (10 h 15)

M. Dauphin: Merci beaucoup. Je reviens à votre mémoire sur les créances prioritaires. Vous êtes effectivement contre le fait que l'État ait une créance prioritaire. Vous êtes contre également le fait du remboursement des impenses de la personne qui a porté des impenses sur un bien.

Durant les trois jours de sous-commission, on n'a jamais traité des frais de justice. Êtes-vous d'avis qu'on devrait conserver le recouvrement des frais de justice comme prioritaire, comme privilège?

M. Dionne: Je dois avouer que c'est une question qu'on ne s'est même pas posée lorsqu'on a travaillé en équipe sur le dossier. Malheureusement, en tout cas, moi, personnellement, je serais mal à l'aise de répondre à cette question, parce que personne ne l'a abordée. Cela existait déjà, alors, on s'est dit: C'est la suite de ce qui existe déjà et, habituellement, ce ne sont pas des montants importants qui font en sorte que ça nuit à notre garantie.

M. Dauphin: D'accord. Vous parlez aussi des quotas et des permis qui donneraient la possibilité d'une hypothèque, qui seraient susceptibles d'êtres hypothéqués. On sait que l'Union des producteurs agricoles s'en vient tout de suite après vous et elle nous recommande de ne pas donner la possibilité d'hypothéquer les permis ou les quotas. Vous nous dites que les quotas sur le plan financier, ça peut valoir beaucoup. Mais ça devrait donner la possibilité d'être hypothéqué. Alors, est-ce que vous pourriez élaborer davantage là-dessus?

M. Dionne: En fait, on demande cette possibilité, parce que, dans le passé, c'est arrivé à plusieurs reprises, par exemple, que des agriculteurs se présentaient et voulaient soit acheter un quota... Vous savez, des quotas de lait, il y en a qui peuvent valoir tout près de 100 000 $. Je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais c'est coûteux à acheter et c'est parfois aussi un actif considérable dans l'entreprise.

L'individu se présentait à la caisse en demandant un emprunt et en offrant cette garantie. Alors, les gens des caisses nous appelaient en nous demandant si on peut les prendre en garantie. Alors, il fallait faire toute une pirouette pour réussir à avoir quelque chose et c'étaient des garanties incertaines.

On essaie, en fait, de répondre à ce qu'on pense être un besoin. Maintenant, si l'UPA vient démontrer que cela n'en est pas un... Nous le faisons pour les emprunteurs, on ne le fait pas pour nous, en fait. On essaie de répondre à ce qu'on pense être un besoin. Si cela n'en est pas un...

M. Dauphin: Dans la pratique, dans le vécu, vous avez des demandes en ce sens de

la part des agriculteurs.

M. Dionne: Absolument.

Mme Bédard: On a beaucoup de demandes. C'est déploré qu'on ne puisse pas les détenir en garantie, parce qu'il faut retenir aussi que détenir une garantie ne veut pas dire nécessairement tout saisir. C'est une garantie que les deux parties se donnent pour avoir de meilleurs taux. Il faut retenir ça comme objectif. Effectivement, on a beaucoup - non seulement de demandes -de doléances en ce sens que c'est inadéquat. Compte tenu de la valeur que ça peut représenter maintenant - M. Frenière vous disait que cela peut même excéder 100 000 $, finalement - c'est dans l'intérêt de tout le monde, encore une fois.

M. Dauphin: Me Pineau me suqgère de vous demander quels genres de pirouettes ils font actuellement pour obtenir une garantie.

Mme Bédard: On se rappellera là-dessus.

M. Dionne: Je vous laisserai notre carte.

M. Dauphins Alors, on répondra à votre question après.

Une voix: ...sont enregistrés.

M. Dauphin: Vous dites également que des biens insaisissables devraient donner ouverture également à une hypothèque. Sans être spécialisé dans le domaine, comment est-ce qu'un bien saisissable - je sais que ça se fait en pratique; il faut y renoncer, je présume- peut être grevé d'une hypothèque?

M. Dionne: Malheureusement, je n'ai pas mon Code de procédure civile ici. Mais dans le Code de procédure civile, à l'article 553, par exemple, on prévoit que dix vaches ou Ies abeilles, en tout cas, un certain nombre d'animaux sur une ferme sont insaissibles. Le nantissement agricole prévoit qu'on peut nantir des animaux présents et futurs et il y a une disposition à la fin des règles du nantissement qui dit que si les biens sont nantis en vertu d'un nantissement agricole, ils demeurent saisissables pour ce qui est dû au créancier. Autrement dit, on écarte quand il y a un nantissement les rèqles d'insaisissabilité.

Par exemple, on pense également au fait que dans le Code de procédure civile il est prévu que les biens nécessaires à l'exercice de la profession, de l'art ou du métier d'une personne sont insaisissables. Alors, dans le cas des commerçants, si la disposition prévue au nantissement n'existait pas, on ne pourrait pas prendre la caisse enregistreuse, etc. Ce sont ces articles-là qui nous bloqueraient et c'est la disposition prévue à la fin des règles du nantissement qui nous permet de prendre les biens en garantie, autrement on ne pourrait pas faire le financement, le bien serait insaisissable.

Il y a un problème également qui est sérieux en matière de financement automobile. Il y a des jugements qui ont été rendus par les tribunaux du Québec et qui ne sont pas rapportés à ma connaissance, mais j'en ai eu plusieurs qui disent que lorsqu'une personne possède un véhicule et qu'il n'y a pas de transport en commun efficace dans son patelin et qu'elle doit prendre son véhicule pour se rendre à son travail, par exemple, dans un village si la personne a 20 milles à parcourir, son véhicule est insaisissable. Cela veut donc dire et je pense à nos caisses, entre autres, qui sont réparties partout sur le territoire, et plusieurs sont en milieu rural, chaque fois qu'elles vont vouloir prendre une hypothèque sur une automobile, elles seront obligées de se demander: Quelle est la distance que la personne doit faire pour se rendre à son travail? Est-ce que les transports en commun sont efficaces? Peut-elle circuler avec un voisin, un ami, etc.? Comment voulez-vous que l'on sache si la garantie est bonne dans ce cas-là?

Actuellement, il y a une autre disposition dans le Code de procédure civile qui dit que lorsque les biens sont vendus ou nantis, ils deviennent saisissables. Donc, en quelque sorte, le fait de les nantir, les deux codes prévoient que cela constitue une renonciation indirecte à l'insaisissabitité. Ce que l'on demande tout simplement c'est le statu quo, que cela reste comme cela parce que, sinon, les agriculteurs, les commerçants et les particuliers vont en souffrir. Quand on ne peut pas donner une garantie, on risque de ne pas pouvoir avoir les crédits que l'on demande.

M. Dauphin: La réflexion que je faisais, c'est que si le législateur a prévu de rendre insaisissables certains biens, c'est dans un instinct de protection, j'en suis persuadé. Alors, si "at large" on permet à tous les individus d'hypothéquer ou de donner en sûreté effectivement ce qui est essentiel soit à son travail ou à la maison, pour sa famille, je me demande si socialement on ne s'embarquerait pas plutôt sur un terrain dangereux.

Mme Bédard: II faut faire attention. Cela donne peut-être l'impression qu'effectivement on voudrait aller chercher en qarantie tous les biens saisissables, loin de là notre intention. Ce qui est demandé, c'est plutôt le statu quo par rapport à une situation actuelle ou en matière de nantissement agricole et commercial et certaines

autres garanties, par exemple, sur des voitures pour que l'on puisse donner le même service qui semble satisfaire les gens jusqu'à maintenant et qui a fait en sorte que l'on n'a pas dépouillé personne de tous ses biens, même les plus fondamentaux.

M. Dionne: D'ailleurs, si vous me permettez de préciser, on ne demande pas par exemple en ce qui a trait aux meubles meublants, s'ils sont insaisissables, mais on ne demande pas de pouvoir les hypothéquer, pas plus que le fauteuil roulant d'une personne handicapée. C'est un bien insaisissable et on ne demande pas de pouvoir le prendre. Actuellement, ce n'est pas possible de toute façon. Cela n'est pas possible. Donc, on demande tout simplement de maintenir le statu quo, c'est-à-dire ce qui est déjà permis et raisonnable à notre point de vue et ce qui est à l'avantage d'ailleurs des emprunteurs, on demande que cela soit maintenu, tout simplement.

M. Dauphin: L'or et tout, vous n'avez pas l'intention de toucher à cela?

M. Oionne: Non.

M. Dauphin: Alors, juste avant de laisser la parole au président qui, lui, laissera la parole à un autre député, j'aimerais m'attarder quelque peu sur l'hypothèque mobilière. Au même titre que l'Association des banquiers canadiens, vous demandez notamment pour la personne physique la possibilité d'hypothéquer tous ses biens ou d'autres biens que le bien qu'elle acquiert en vertu de l'avant-projet de loi actuel.

Mercredi, on a reçu la Commission des services juridiques qui nous recommandait d'être très prudents là-dessus pour ne pas surendetter notamment les citoyens, les particuliers. J'aimerais avoir votre opinion sur cet aspect-là.

M. Frenière: D'abord, disons que dans les années que l'on vit, l'objectif qui est poursuivi en demandant de permettre ou de donner cette possibilité-là, ce n'est pas de favoriser strictement l'endettement, mais de favoriser l'utilisation de façon judicieuse du maximum de leviers financiers que peut posséder un individu par ses actifs. C'est un premier objectif. Quand on demande que ce soit permis, ce n'est pas de permettre ou de faire en sorte qu'on va favoriser un endettement désordonné. Au contraire, je pense que tous nos services de formation, d'éducation des fédérations et même des caisses prônent l'utilisation rationnelle et judicieuse du crédit.

Il arrive à certaines occasions que pour permettre à un emprunteur de profiter de l'opportunité du RÊA, par exemple, ou d'autres formes d'investissements, de ne pas pouvoir aller plus loin à cause du fait qu'il lui manque certaines garanties. Cela lui permettrait d'utiliser au maximum son levier financier pour autant que c'est fait de façon judicieuse. Maintenant, légalement, on pourra ajouter des choses.

M. Dionne: Non. On en a parlé dans l'exposé. On a démontré, je pense, certaines situations où, en fait, les consommateurs eux-mêmes auraient avantage... Par exemple, on parlait de consolidation, tout à l'heure. Quand une personne a une vingtaine de dettes dont certaines sont arrivées à échéance, les créanciers lui crient après, certaines sont à des taux d'intérêt exorbitants et ça arrive encore aujourd'hui, on le voit. Par contre, elle serait en mesure de payer tout cela si elle avait un emprunt échelonné sur une certaine période de temps. Mais parfois, quand tu consolides le tout, ça fait un montant important. Le créancier qui reçoit une demande comme celle-là n'a pas le choix de demander une garantie. Il se trouve par hasard que l'individu possède un véhicule qui a une très bonne valeur. S'il peut le donner en garantie, le prêteur va lui consentir le prêt et, normalement, ça entraîne une réduction importante du taux d'intérêt qu'il doit payer. Ça le soulage financièrement.

Il ne faut pas oublier dans te cas, par exemple, où il y aurait un véhicule qui est en sa possession, s'il ne peut pas l'hypothéquer et ne peut pas obtenir son emprunt, il risque de se voir saisir ce bien dans les jours qui vont suivre et de le perdre. Il va peut-être préférer pouvoir l'hypothéquer et le conserver. Il y a d'autres exemples également qu'on pourrait donner.

Mme Bédard: On sait qu'il y a un grand débat aussi ces temps-ci sur la transformation des logements en condominium. On entend souvent, ou on l'entendait, en tout cas, dire que les Québécois forment un peuple de locataires. Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas d'immeuble et qui n'ont que des biens mobiliers; ils se trouvent pénalisés de ne pas pouvoir les offrir en garantie. Il faut tenir compte de cette partie de la population qui y trouverait intérêt, puisqu'encore là on peut parler de prêts à taux inférieurs qui, comme disait M. Frenière, permettront à ces personnes d'utiliser leur levier financier.

M. Dauphin: Merci. J'aurais d'autres questions, mais je vais laisser la chance à d'autres députés ou experts d'en poser.

Le Président (M. Marcil): Très bien, M. le député de Marquette. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je

veux, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue à cette commission. M. Frenière, Mme Bédard et les personnes qui vous accompagnent, j'ai cru comprendre que la réalisation de ce mémoire que nous discutons ce matin avait été un travail d'équipe. Je veux en profiter parce qu'il nous arrive tellement souvent, de ce côté-ci de la commission ou de ce côté-ci de la Chambre, comme on dit habituellement, de parler des mauvais coups du gouvernement, je veux quand même souligner le bon coup qui consiste à la nomination de Mme Bédard comme sous-ministre aux Affaires municipales. Je pense que votre nomination devient effective...

Mme Bédard: Lundi. Une voix: Lundi.

Mme Harel: ... à partir de lundi prochain.

Mme Bédard: C'est ma dernière fonction officielle à Desjardins.

Mme Harel: Je pense que c'est une acquisition d'une certaine façon...

Mme Bédard: Sous-ministre adjointe. (10 h 30)

Mme Harel: Sous-ministre adjointe, oui. Vous parliez, je dirais presque, des objectifs que vous poursuiviez au moment où vous avez examiné tout l'avant-projet et, à deux reprises, Me Dionne et vous aussi Mme Bédard, êtes revenus sur le fait que vous cherchiez à la fois à faciliter l'obtention du crédit pour l'emprunter, et garantir le plus possible sa créance pour le créancier. Il y a un élément qui n'a pas été mentionné et qui, pourtant, a été abordé dans des mémoires déposés devant cette commission, c'est celui de la protection du débiteur. Tout cela n'est pas indifférent parce qu'une des questions qu'il faut évidemment se poser lorsqu'on examine toute cette question des sûretés, c'est: l'État doit-il favoriser tous les moyens pour que la personne puisse toujours obtenir tout le crédit qu'elle veut? On y reviendra. Vous allez me dire que c'est peut-être un débat quasi philosophique, mais on peut y revenir, notamment sur la question de l'hypothèque mobilière. C'est intéressant, car vous nous apportez le point de vue des avantages d'une hypothèque mobilière. Évidemment, vous nous dites qu'elle peut soulager le consommateur et lui permettre une consolidation de dettes. Il n'y aura pas de surendettement parce que, de toute façon, le mouvement Desjardins a déjà une vision de protection du consommateur et il en a d'ailleurs bien témoigné dans ses multiples programmes d'éducation. Mais l'État ne légifère pas que pour le mouvement

Desjardins; il légifère aussi pour toutes sortes d'autres institutions, parfois moins élégantes avec le consommateur. Je n'en nommerai pas, mais on en connaît quelques-unes qui nous viennent à l'esprit.

Il y a donc à la fois la garantie du créancier, l'accès facile au crédit et la protection du débiteur. Inévitablement, quand on est de ce côté-ci, on se rend compte, et c'est légitime aussi, que toutes les personnes qui s'installent du côté où vous êtes maintenant finissent toujours par plaider par là où elles ont des pieds, d'une certaine façon. Si elles ont les pieds d'un créancier, elles ne plaident pas comme si elles les avaient comme débiteur ou, à l'inverse, comme emprunteur. C'est tout à fait légitime qu'il en soit ainsi.

Je pense que la question relative à l'hypothèque mobilière est fort intéressante, parce qu'elle nous permet d'avoir un contrepoids. Le député de Marquette vous disait avec raison que, selon la Commission des services juridiques, le problème de l'avant-projet - je vais vous le lire, car j'aimerais avoir votre réaction - pour la commission, était d'unifier les règles de sûretés tant pour le domaine commercial que pour le domaine de la consommation, la commission considérant que le marché du prêt commercial devait être distingué de celui du prêt à la consommation et que l'hypothèque mobilière pouvait favoriser la possibilité pour une personne physique ou un consommateur de se surendetter ou de se surhypothéquer sur le bien qu'il allait acquérir. En fait, le jugement était assez sévère, car la commission concluait globalement que, dans sa forme actuelle, l'avant-projet lui semblait davantage axé sur la protection des créanciers que sur celle des individus qui contractent.

Vous nous apportez un point de vue qui fait contrepoids, parce que vous nous dites que cela pourra, au contraire, soulager le débiteur en lui permettant de consolider ses dettes. J'avais pris en fait quelques autres notes sur tous les avantages qu'il allait en retirer. Évidemment, c'est toujours une balance d'inconvénients et vous avez l'impression que les avantages pour l'emprunteur, de votre point de vue, pourraient être supérieurs aux inconvénients qui pourraient en résulter.

Mme Bédard: Je me dis qu'il va falloir que les gens continuent d'être quand même intelligents et qu'ils fassent des évaluations rationnelles de leurs besoins.

Mme Harel: Mais on ne peut pas légiférer l'intelligence, paraît-il.

Mme Bédard: Je comprends que c'est difficile de... Ce n'est pas à vous que je dis cela; c'est aux emprunteurs et aux prêteurs.

Lorsque quelqu'un contracte un prêt, je pense que la première chose que fait l'institution financière est d'essayer d'évaluer sa capacité de payer et même de lui donner des conseils judicieux pour voir s'il sera capable de rembourser. Quand on essaie de proposer des mesures qui, on en a l'impression, favoriseront l'emprunteur en ce sens qu'elles pourront lui faciliter le crédit, on y croit. Si on l'en empêche, cela va-t-il empêcher certaines situations très malheureuses comme on en voit déjà où, pour ne pas nommer les institutions que vous ne vouliez pas nommer tantôt... Mais il y a des gens qui se surendettent et il arrive que les caisses doivent essayer d'aider ces gens qui doivent consolider leurs emprunts. Qu'elles ne puissent accorder d'hypothèque ou qu'elles puissent en donner, je pense que, pour certaines personnes, on ne réglera pas tous les problèmes et cela va rester un problème.

Cependant, je pense qu'on peut aussi faire confiance tant aux institutions financières qu'aux individus qui vont essayer de vivre le mieux possible, tout en contractant du crédit. Comme vous le dites, c'est un débat philosophique. On pourrait, je pense, en parler tout la journée. À notre point de vue, il y aurait peut-être des restrictions à apporter au projet de loi. C'est sûr qu'on ne demande pas de pouvoir hypothéquer tous les biens immobiliers d'une personne. Il y a toute la portion des biens saisissables. Il y a des choses qui seraient avantageuses. Par exemple, maintenant, on voit un développement des instruments de communications, des vidéocassettes, etc.. Ce serait peut-être intéressant de pouvoir les offrir en garantie sans que la personne se sente démunie si jamais, à la limite, on est obliqé d'aller chercher la garantie.

En tout cas, la position qu'on défend, au Mouvement Desjardins, est la suivante. On est la propriété de 4 000 000 de Québécois. Le3 sommes qu'on prête sont l'épargne de ce3 gens. On doit s'assurer du meilleur système financier en vue d'assurer la garantie de leur dépôt et de leur retourner le plus de ristourne possible.

Mme Harel: Quant à l'hypothèque mobilière, est-ce que le projet de loi prévoit des dispositions où le non-commerçant ne pourra hypothéquer que le bien qu'il acquiert? Je pense que votre recommandation, c'est qu'il puisse hypothéquer son patrimoine actuel ou futur également. C'est l'universalité du bien. Prenons l'exemple d'un jeune de moins de 30 ans qui se lancerait en affaires et qui pourrait être amené, dès le départ, a négocier avec une première institution qui l'amènerait, dans une première transaction financière, dans un premier emprunt, à se voir exiger, comme c'est le cas actuellement pour les corporations, il peut y avoir fiducie avec charge flottante, etc. Ne pensez-vous pas que, du fait que cela puisse être sur l'universalité des biens, sur le patrimoine actuel ou futur, cela pourrait engager quelqu'un dans un corridor assez étroit pour l'avenir?

Mme Bédard: C'est sûr que ce risque existe toujours, même avec les garanties actuelles, je pense. Quelqu'un peut avoir à s'endetter au départ de façon assez sérieuse et être obligé d'avoir du crédit pendant de nombreuses années. En contrepartie, cela peut aider aussi une personne à se lancer en affaires. Autrement, dans le système actuel, elle ne recevrait pas tout le crédit dont elle a besoin.

Mme Harel: Évidemment, se lancer en affaires, mais même avec des biens qui ne servent pas au commerce. Donc, la recommandation que vous faites pourrait porter sur l'ensemble du patrimoine, même sur les biens qui ne serviraient pas au commerce.

Mme Bédard: Comme je vous l'ai dit, encore là, des précisions pourraient être apportées de façon que ce soient certains biens de l'emprunteur, comme une voiture ou d'autres éléments mobiliers.

Mme Harel: Concernant les permis et les quotas, je considère que nous n'en avons pas encore parlé, mais il était évident que nous allions en parler, ce matin, avec la présentation du Mouvement Desjardins et, par la suite, de l'UPA. À la page 12 de votre mémoire, vous proposez que les permis et les quotas puissent être hypothéqués et fassent l'objet de recours hypothécaires. Évidemment, on va en reparler certainement avec l'UPA. La question que je vous pose immédiatement est la suivante. Qu'en serait-il des normes applicables à chacun des droits et permis, par exemple, quant au cumul, quant à la qualité des titulaires des permis et quant au genre d'entreprise, si c'était vendu aux enchères? Dans le cas où c'est hypothéqué et que, par la suite, c'est vendu aux enchères, qu'arrive-t-il de toutes les dispositions dans les lois particulières qui régissent les permis et les quotas?

M. Dionne: En fait, si c'est vendu, on demande de suivre le processus prévu dans la loi particulière. Par exemple, si je ne me trompe pas, il y a deux ou trois ans, les quotas se vendaient le troisième jeudi du mois à un endroit en particulier par le syndicat, je pense. C'est un peu loin, remarquez. Mais nous demandons de suivre ce processus, de pouvoir le suivre, en fait. Autrement dit, en réalisant la garantie, cela se ferait exactement de la même façon que

dans une vente de gré à gré par le propriétaire de son quota lui-même.

Mme Harel: La réalisation de la garantie serait entièrement assujettie aux lois particulières.

M. Dionne: C'est cela. Par exemple, en ce qui a trait à un permis de transport de taxi, si cela doit passer par la Commission des transports, on n'a pas d'objection, il s'agirait tout simplement de prévoir évidemment, il y a des modalités - que quand on l'a en garantie, on procède de cette façon et, à ce moment, au lieu d'exercer soit la vente sous contrôle de justice ou la prise en paiement, on ferait exactement de la même façon, sauf qu'on récupérerait le résultat de la vente.

Mme Harel: II y a le problème, par exemple, des quotas de poulet où il n'y a pas de cumul et qui ne peuvent être vendus... Il ne peut pas y avoir de cumul dans les quotas de poulet qui ne peuvent être vendus qu'à des producteurs. À ce moment, ce seraient les lois particulières qui régissent... ce seraient plutôt tes dispositions particulières qui régissent les quotas qui s'appliqueraient.

M. Dionne: C'est pour cela qu'on dit qu'on est prêt à suivre ces lois ou règlements, c'est justement pour que, par exemple, les acheteurs, s'ils sont limités, ne soient pas tout à coup illimités.,

Mme Bédard: En fait, on s'était dit: soit qu'on prévoit de façon particulière pour chaque catégorie dans le Code civil, ce que cela devrait être, ou encore qu'on réfère aux lois particulières qui les régissent actuellement.

Mme Harel: Je pense que l'avant-projet est muet quant à l'application des lois particulières, c'est votre recommandation.

Mme Bédard: Oui.

Mme Harel: II y a Me Mélançon qui aimerait, sur cette question, poursuivre l'exploration.

M. Mélançon (Claude): Claude Mélançon. Ne pensez-vous pas justement que la réalisation de l'hypothèque grevant les quotas pourrait entraîner une dévaluation importante du prix des autres actifs de l'exploitation agricole, une fois que le quota est vendu? Ne pensez-vous pas que les autres actifs ont une valeur non pas symbolique, mais beaucoup moindre dans certains cas, pour ne pas dire inexistante, quand le quota est essentiel pour exploiter une entreprise comme c'est le cas?

Mme Bédard: C'est sûr qu'il y a un risque, oui, sur cela vous avez raison. Cependant, l'entreprise peut très bien aller et pour faciliter le crédit à cette entreprise agricole, actuellement cela nous crée des problèmes; comme on le disait, cela entraîne même des doléances de la part des emprunteurs. Mais à la limite, je suis obligée de vous dire qu'il peut y avoir des risques.

Mme Harel: D'une certaine façon, vous savez, la question est: Faut-il faciliter le crédit à tout prix et à quel prix? Peut-être pas à tout prix, mais, dans le fond, la question à laquelle on a à répondre est: À quel prix? C'est cela?

M. Dionne: II ne faut pas oublier, je pense, aussi qu'il y a une faible proportion des emprunteurs qui deviennent en difficulté un jour. Je n'ai pas les chiffres, cela peut représenter 1 % ou 2 %. Ce qu'on dit, en fait, c'est que c'est sûr qu'on peut mettre des règles uniquement pour protéger ces gens, mais cela nuit à 98 % des autres, il faut vraiment se poser la question à ce moment: Est-ce que c'est approprié ou non?

Mme Bédard: Je pense qu'il ne faut pas oublier que nous sommes des institutions d'épargne et aussi de crédit. À ce moment, si les Québécois ont fondé les caisses, c'est que ce n'était pas seulement pour déposer mais c'était pour venir emprunter. Si nous continuons d'exister, je pense qu'on a nos deux activités à faire. Il faut, je crois, faciliter les choses afin d'aider les deux parties. Notre objectif à nous est une utilisation rationnelle du crédit. Je peux vous donner un exemple que j'ai vécu au dernier conseil d'administration de la compagnie VISA Desjardins où je siégeais la semaine passée, c'est la compagnie qui traite notre carte VISA. Au conseil d'administration, on a eu à adopter le projet de planification stratégique et les objectifs et valeurs de la compagnie. Il y avait six grands points, naturellement, productivité, rendement, etc. La réaction des administrateurs a été de dire qu'il manquait une valeur parce que Desjardins avait un rôle particulier au Québec et c'était de l'éducation à une utilisation rationnelle du crédit. Je pense que Desjardins prône cela depuis sa fondation et le prône encore. On a des séances de formation tant pour notre personnel que pour les membres. On collabore à des brochures. Un des dossiers que je laisse, c'est une brochure d'information en collaboration avec le secrétariat à la Condition féminine sur l'accès du crédit aux femmes en vue de leur démontrer comment elles peuvent en obtenir, quels sont les obstacles, tant de leur côté que chez les institutions financières, et comment on peut leur faciliter le crédit. Alors, je pense que Desjardins a eu un rôle

d'éducation qui a été très grand et qu'on veut poursuivre. C'est là notre objectif.

Mme Harel: Mais c'est certainement un rôle qui vous est connu et reconnu. C'est un rôle qui vous permet, je pense, d'être respectée comme une institution spécifique à la société québécoise. Par ailleurs, on ne léqifère pas que pour le Mouvement Desjardins. (10 h 45)

Mme Bédard: C'est vrai.

Mme Harel: C'est dans cette perspective-là, d'une certaine façon, qu'il nous faut examiner finalement la question.

Dans votre mémoire, vous souhaitez ne pas être défavorisée en regard des autres institutions qui sont, elles, régies par les lois fédérales; je ne me rappelle plus où exactement....

Mme Bédard: À la page 25, je crois. Mme Harel: Oui.

Mme Bédard: C'est dans l'introduction du mémoire.

Mme Harel: Oui, c'est cela.

Mme Bédard: À la page 25, plus précisément.

Mme Harel: Oui, c'est cela. En fait, si je comprends bien, vous voudriez obtenir l'équivalent de ce qui est permis dans la Loi sur les banques et qui frustre, d'une façon, les privilèges des fournisseurs impayés.

Mme Bédard: Je comprends qu'il y ait un problème vis-à-vis de l'avantage qu'ont les banques sous l'article 178.

Mme Harel: C'est cela, dans la loi des...

Mme Bédard: On ne voudrait pas avoir de problèmes. Me Dionne peut terminer.

M. Dionne: En fait, c'est justement parce que l'article 178 prévoit que les fournisseurs impayés qui n'ont pas été dénoncés à la banque passent après la banque alors que, selon l'avant-projet de loi, il est prévu expressément qu'ils vont passer devant les créanciers détenant une hypothèque sur une universalité de biens. Cela fait en sorte qu'une banque qui aurait une cession en vertu de l'article 178 serait dans une situation où elle serait favorisée par rapport à une caisse qui aurait une garantie prise uniquement en vertu du Code civil. Alors, ce qu'on voudrait, c'est être sur le même pied qu'elles finalement. C'est peut-être au moyen de pressions auprès du législateur fédéral qu'on pourrait le devenir, mais on demande, en fait, au ministère de la Justice de regarder cette question-là et d'essayer de faire en sorte qu'on soit sur le même terrain que les banques, ce qui nous apparaît tout à fait normal.

Mme Harel: En attendant, vous nous dites que les dispositions que vous examinez dans l'avant-projet de loi... De toute façon, cette disposition concernant les commissaires impayés va être caduque parce que les banques vont utiliser une disposition de la loi qui les régit pour passer outre. C'est cela?

M. Dionne: C'est possible. Évidemment, elles vont regarder les avantages et les inconvénients, peut-être vont-elles trouver plus d'avantages à se servir du Code civil que de la Loi sur les banques, je l'ignore présentement parce qu'il y a différents aspects à regarder, il n'y a pas seulement la question des privilèges. Il est donc possible qu'elles en viennent à la conclusion qu'elles ont avantage à utiliser plutôt l'article 178 de la Loi sur les banques et, à ce moment-là, on serait défavorisé.

Mme Harel: Vous avez dit également dans votre mémoire que vous considériez que la notion d'État, de la créance de l'État contenue dans l'avant-projet de loi allait ouvrir la porte possiblement aux créances du gouvernement fédéral. Pouvez-vous expliciter cette question?

M. Dionne: En fait, on ne voit jamais actuellement le gouvernement fédéral invoquer un privilège. Elles en ont créé un récemment; je pense qu'elles n'en ont pas sauf un qui a été instauré il y a un an environ et je pense qu'il n'est même pas encore en vigueur. De toute façon, on ne les voit jamais invoquer des privilèges, en fait, en fonction des montants qui sont dus en taxes ou en impôts. Le Code civil actuel ne leur en donne pas. L'avant-projet de loi, en utilisant le mot "l'État", je pense, va donner ouverture au gouvernement fédéral de s'introduire dans ce domaine-là. Le problème qu'on vit actuellement avec le ministère du Revenu va doubler en quelque sorte en importance puisqu'on va le vivre maintenant avec le gouvernement fédéral en plus.

Mme Harel: Le problème vient, dans l'avant-projet de loi, de la définition du mot "État".

M. Dionne: État. Évidemment, je ne suis pas un spécialiste du droit administratif pour savoir si cela vise le gouvernement fédéral, mais c'est mon impression.

Mme Bédard: On n'a pas eu le temps de faire l'étude très approfondie, mais on a

quand même regardé, et on a une crainte à ce sujet.

Mme Harel: Oui, c'est intéressant. Compte tenu de l'expertise que vous avez en ces matières, pensez-vous qu'un système, par exemple, qui serait introduit et qui pourrait prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard, qui décrirait la sûreté, pourrait remplacer l'acte au long, tel qu'on le connaît présentement?

M. Dionne: Ce qui se passe, en fait, c'est qu'on revient au sommaire en quelque sorte dont il est question, je ne me rappelle plus à quel article, mais sous une forme une peu différente, je pense. Je vous avoue que quand on a regardé la question du sommaire, on comprenait que c'était pour des raisons d'économie d'espace et d'argent que le gouvernement instaurait cette mesure. Alors, on a essayé de la regarder de façon positive et on a souligné quelques lacunes qu'on y trouvait, entre autres, en ce qui concerne la description des biens. Par exemple, lorsqu'on va prendre les stocks d'une entreprise, cela va être un sérieux problème de décrire quels biens on a en garantie. On pense que le code devrait nous permettre de dire: tous les biens en stock, parce qu'en pratique, c'est cela qui se passe. Donc, on a souligné quelques problèmes comme ceux-là, mais sans plus.

Mme Bédard: Est-ce que vous parlez du sommaire ou d'un acte de prêt hypothécaire standard?

Mme Harel: Un acte de prêt hypothécaire.

Mme Bédard: D'accord.

M. Dionne: Lors de la première journée d'audition à laquelle j'ai assisté, j'ai constaté qu'il y avait des personnes qui se préoccupaient beaucoup du remplacement du dépôt de l'acte par le sommaire. Les interventions que j'ai entendues m'ont intéressé beaucoup. Je me demande effectivement - on n'a pas eu le temps d'y réfléchir longuement - s'il n'y aura pas des problèmes qu'on n'avait pas envisagés en procédant par le dépôt du sommaire. Je ne suis pas en mesure d'y répondre ce matin, mais il est possible qu'effectivement, il serait peut-être préférable de conserver ce qu'on a actuellement comme processus.

Il y a peut-être une chose aussi qu'on pourrait signaler à ce sujet, c'est que l'avant-projet de toi propose l'extinction des garanties ou des hypothèques mobilières après cinq ans, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est quinze ans dans le cas du nantissement agricole, dix ans dans le cas du nantissement commercial. Je me dis que le délai de cinq ans va probablement être... Une fois que le délai de cinq ans va être écoulé, très souvent, la garantie va être éteinte et on va laisser l'hypothèque s'éteindre automatiquement. Je me demande si la question de l'espace ne pourrait pas être réglée par - je ne sais pas - une destruction de ces documents une fois qu'ils n'ont pas été renouvelés, Cela pourrait être une solution. On propose l'hypothèque continue, par exemple. Cela diminuerait le nombre des actes qui seraient enregistrés au bureau d'enregistrement parce qu'on en aurait moins à enregistrer. Une fois qu'il y en aurait un d'enregistré au bureau d'enregistrement, il s'agirait de le renouveler et il serait toujours bon, alors que si on est obligé d'en faire un à chaque fois qu'on fait un nouveau prêt ou qu'on augmente l'ouverture de crédit, c'est un acte à chaque fois et parfois, c'est à chaque année. En matière d'ouverture de crédit, par exemple, il est très fréquent qu'après un an, le montant est insuffisant. Une entreprise qui a une progression importante, au bout de six mois, parfois, l'ouverture de crédit est insuffisante. Alors, il faut recommencer la garantie et payer des frais. L'entreprise paie des frais de notaire ou tous les frais reliés à la transaction pour reprendre sa garantie. Alors, ce sont certaines solutions qui pourraient être envisagées.

Quant à la question de savoir si on devrait le remplacer par un document encore plus court, c'est difficile de répondre pour le moment. C'est trop complexe d'envisager tous les aspects de cette question.

Mme Bédard: Si on se réfère cependant à la Loi sur la protection du consommateur qui donne en annexe différentes mentions obligatoires que doit contenir un acte - ici, on parie d'un acte standard dans ce sens - je ne suis pas certaine qu'on y trouvera nécessairement avantage. Je regarde les formules actuelles. Toutes les institutions financières les ont faites en s'inspirant des modèles. On a recopié tous les articles de loi nécessaires, les petits caractères et les gros caractères. Alors, je ne sais pas ce que pourrait comprendre cet acte. Regardons les contrats de vente conditionnelle, compte tenu toujours des indications qu'il faut mettre dans la toi. Dans les institutions financières, on a peut-être des contrats superbes de cette grandeur. Est-ce que tout le monde y a trouvé intérêt? Je n'ai entendu personne applaudir ni du côté des emprunteurs ni du côté des prêteurs sur des exigences quant à la forme. Je ne pense pas qu'on ait besoin de se rendre jusque là.

Mme Harel: Ici, j'ai copie du formulaire utilisé pour les connaissements reçus, cession de biens en stock. C'est un formulaire qui est signé sans nécessairement la présence

d'avocat ou de notaire. Cela vaut aussi pour l'avis d'une garantie. Ce sont des avis de garantie en fait. La question est de savoir si c'est souhaitable d'introduire pour l'hypothèque ce type de formulaire? Poser la question n'est pas nécessairement y répondre. C'est justement parce qu'on explore. Au contraire, on nous a dit qu'un formalisme est nécessaire et souhaitable. Nous disons: moins de formalisme possible.

Mme Bédard: Entre nous, on a refait tout le dossier hypothécaire en 1979 pour essayer d'avoir un vocabulaire concret et compréhensible. On voulait s'assurer que les emprunteurs, en lisant l'acte hypothécaire, ne tomberaient pas endormis à la troisième page et pouvaient, si certains voulaient le lire, comprendre ce qu'ils venaient de signer. On vient de réaménager encore au complet ce dossier, il y a quelques mois. Me Dionne en a été un qrand artisan. J'avoue, comme disait Daniel tout à l'heure, qu'en fait on n'y a même pas pensé qu'il pourrait y avoir un acte standard. Pour le moment, personnellement, je ne vois pas tellement d'intérêt.

Mme Harel: Juste avant de terminer, M. le Président, je veux vous demander d'élaborer le plus possible, parce que cela sera le seul échange que l'on aura finalement avec vous sur cette question d'hypothèque continue. Vous êtes les seuls et les premiers à en parler, alors si vous avez quelque chose à dire ou à verser au dossier sur cette question, il serait souhaitable de le faire maintenant.

Mme Bédard: Encore là, cela répond à une demande. Il nous arrive de recevoir des caisses, des dossiers de crédits et des actes hypothécaires même des projets d'actes hypothécaires qui contiennent une clause, à savoir que l'hypothèque pourra être consentie pour toute démarche présente ou future ou éventuelle. Les emprunteurs y voient un intérêt en ce sens qu'ayant limité le montant de l'hypothèque, ils savent que cela ne pourra jamais dépasser ce montant, mais que le montant du crédit pourra varier à l'intérieur de cela. Cela veut dire naturellement qu'on enlève beaucoup de formalisme et surtout des coûts. Les gens se plaignent énormément des frais élevés. On sait que les honoraires professionnels ont augmenté pour toutes les catégories de professionnels. À un moment donné, il y a quelques années, on a été plus exigeants à l'interne en matière de certificats de localisation. D'autre part, les gens qui font les certificats nous ont annoncé qu'ils ne faisaient plus de mise à jour, mais chaque fois que l'on demandait un dossier hypothécaire, c'était un nouveau certificat de localisation. Alors vous avez idée des coûts que cela entraîne. Ce qui fait que, pour nous, l'hypothèque continue pourrait s'avérer dans certains cas un phénomène intéressant pour nos emprunteurs. La demande nous vient des caisses. Je ne sais pas si tu as autre chose à ajouter.

Mme Dionne: J'ajouterai que la pression est forte. Non seulement elle est forte, mais elle se pratique... On ne l'a pas généralisée parce qu'elle comporte des incertitudes. On ne peut pas se permettre d'émettre 11 000 000 000 $ d'actifs dans un acte d'une validité... Même si le risque est de 1 %, c'est quand même beaucoup. Mais la pression est très forte. Les caisses le demandent, mais on sait qu'en pratique il s'en signe. On en voit des fois qui arrivent sur nos bureaux avec des clauses qui prévoient que le prêt est valable, non seulement pour le montant consenti, mais ultérieurement s'il est remboursé en partie, l'emprunteur va pouvoir réutiliser le montant remboursé. Cela démontre que c'est ce qu'ils veulent des deux côtés, finalement. Si l'emprunteur le signe, comme on le mentionnait, cela a ses avantages. Ultérieurement, s'il veut faire des rénovations à sa maison, il reprend ce crédit et il n'a plus besoin de consentir un nouvel acte.

M. le Président, avec votre permission, j'aimerais revenir sur une question antérieure de Mme Harel concernant la possibilité d'hypothéquer les biens qu'un emprunteur possède déjà. Vous nous avez mentionné à deux reprises que le gouvernement ne peut pas légiférer que pour Desjardins et je suis d'accord avec cela, c'est évident. Mais il faut se rappeler que le Mouvement Desjardins touche quand même un peu plus de 4 000 000 de Québécois qui sont déjà membres du Mouvement Desjardins. On a déjà nos services d'éducation qui sont reconnus. Il y a aussi une foule de journaux, de revues qui font de l'éducation économique, financière; les objectifs qui sont derrière les mots et que l'on poursuivait en voulant permettre l'hypothèque de biens qu'ils possèdent déjà, c'est l'utilisation, comme je vous l'ai dit, du levier financier qui permet de profiter de l'occasion de faire du développement, la consolidation, comme l'a mentionné Me Dionne, de soulager et de faire face aussi à ses obligations, d'élargir les possibilités de crédit pour supporter parfois les besoins essentiels... Quand je pense aux jeunes professionnels - vous l'avez mentionné vous-même - dont les besoins sont énormes, surtout au moment où ils se lancent en affaires, où on a les jeunes entrepreneurs, où le gouvernement a déjà reconnu que les besoins sont grands en faisant des lois spéciales et aussi en étant derrière la Société d'investissement jeunesse, tout cela vient permettre toutes sortes de

possibilités et cela n'est pas que pour Desjardins. C'est une précision que je pensais utile d'apporter.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Grenier. Je reconnais Me Cossette.

Une voix: M. Frenière.

M. Frenière: J'avais compris pareil. (11 heures)

M. Cossette (André): Merci, M. le Président. Tout le monde sait que le Mouvement Desjardins est une institution financière pas comme les autres. Ces derniers temps, on a parlé souvent du bilan social des caisses populaires. On nous dit, par exemple, que certaines caisses populaires consacrent des sommes assez importantes pour faire des prêts à des personnes qui n'offrent absolument aucune garantie. Ma curiosité est la suivante. Je voudrais savoir quel est le montant total de ces prêts consentis à des personnes sans aucune garantie et quelle est la proportion des pertes que vous subissez dans ce genre de prêts?

Mme Soucy (Michelle): On va retrouver la majorité des prêts consentis sans garantie parmi nos prêts personnels, prêts à la consommation. Le montant est d'environ - ne bougez pas, j'ai cela pas loin 4 300 000 000 $.

M. Frenière: Ce sont des prêts personnels consentis à des individus, des personnes sans garantie aucune, sur la signature, sur la valeur morale.

Mme Harel: J'imagine que vous aimeriez les garantir sur les biens mobiliers.

Le Président (M. Marcil): Oui? M. Cossette.

M. Cossette:...prêter d'intention...

Mme Bédard: Non. On va prêter encore plus.

Mme Soucy: Peut-être que ces emprunteurs sans garantie, s'ils peuvent donner des garanties supplémentaires, obtiendront de meilleures conditions de financement aussi.

Mme Bleau: M. le Président, il y a une réponse qui n'a pas été donnée. Est-ce que vous avez beaucoup de pertes sur ces emprunts sans garantie?

M. Frenière: Je n'ai pas de chiffres exacts sur les emprunts sans garantie. Mais globalement, les pertes chez Desjardins, l'octroi du crédit étant judicieux, les pertes sont largement inférieures aux normes qu'on rencontre dans l'industrie. On peut parler facilement de chiffres inférieurs à un demi de un pour cent du total du portefeuille des prêts.

Une voix: On devrait diminuer les garanties dans ce cas.

M. Frenière: On essaie d'administrer le plus judicieusement possible l'épargne qui nous est confiée par les déposants.

Une voix: Cela va?

Le Président (M. Marcil): Madame, vous vouliez également intervenir?

Mme Longtin (Marie-Josée): Oui. Ma question concerne la prise en paiement. Dans votre présentation, vous avez à peine effleuré la question. Dans le projet, il y a deux mesures qui ont été introduites qui se veulent en faveur du débiteur, pour contrer les abus auxquels la clause de dation en paiement a pu donner lieu dans le passé. C'était, d'une part, avant de prendre en paiement, que le créancier obtient l'autorisation du tribunal lorsqu'il y a 50 % du capital qui ont été acquittés. Vous nous dites que vous voudriez que ce ne soit pas le créancier qui a demandé cette autorisation mais le débiteur, alors même que le créancier est plus en mesure peut-être de connaître la portée de la dette.

La deuxième chose, c'est qu'à l'article 29.62, on prévoyait que la prise en paiement était obligation jusqu'à concurrence de la valeur marchande du bien pris en paiement. Encore là, vous dites que cela devrait être possible seulement sur un accord préalable où les parties se seraient entendues sur les prix. À ce moment, ne serait-ce pas toujours un peu à l'avantage du créancier hypothécaire qui est plus en mesure d'imposer le prix de la valeur marchande qu'il considère appropriée?

M. Dionne: En ce qui a trait à votre première question, pour la nécessité d'obtenir l'autorisation du tribunal lorsque la moitié de l'obligation a été acquittée, comme on le dit dans notre mémoire, en fait on est tout à fait d'accord avec cette mesure dans le cas des immeubles, par exemple, parce que, habituellement, ils ne se déprécient pas, comme c'est le cas des biens meubles.

En matière de biens meubles, ce qu'il arrive, c'est que le bien justement se déprécie à peu près à la même vitesse que le prêt. Très souvent, quand vient le temps d'exercer des recours, supposons qu'on aurait dans l'avenir une hypothèque sur une automobile et que l'emprunteur, sur un prêt de 10 000 $ est rendu à 5000 $, bien,

l'automobile va valoir à peu près le même montant. Alors, très souvent, il va être prêt à laisser le créancier procéder et l'obligation de se présenter devant la cour va augmenter les frais parce que c'est lui qui, de toute façon, paie les frais de justice même si ce n'est pas une créance prioritaire. Les tarifs prévoient - la Loi sur le Barreau, je ne me souviens pas - qu'il doit les supporter.

Nous disons: Si c'est à l'emprunteur à faire cette demande, elle ne serait donc faite que dans les cas où, précisément, il a le goût de conserver son bien. À ce moment-là, on réduirait les frais en question. On mentionne également qu'il y a d'autres possibilités qui sont offertes à l'emprunteur, entre autres, obliqer le créancier à exercer un autre recours. On pense que, finalement -il faut lire notre mémoire pour bien suivre notre raisonnement - cela risque de nuire plus à l'emprunteur en termes de coûts, de frais et de délais, que de lui être utile. On ne demande pas qu'il n'ait pas ce droit-là, mais que ce soit plus à lui à le demander, quitte, comme on le dit dans notre mémoire, à ce qu'on soit obligé dans nos avis ou dans nos mises en demeure à l'informer qu'il a ce droit.

Le Président (M. Marcil): La dernière question.

Mme Harel: Me Gariépy voudrait enchaîner sur la question de Me Longtin.

Le Président (M. Marcil): Cela va. Une voix: ...

Le Président (M. Marcil): Non, c'est cela. Il vous reste encore à répondre à une partie.

M. Gariépy (Pierre): Je vais...

Le Président (M. Marcil): Un instant, Me Gariépy.

M. Gariépy: Excusez-moi.

Mme Harel: La question va peut-être...

Une voix: Non, c'est sur la deuxième partie.

Mme Harel: La deuxième partie. D'accord.

M. Dionne: Je pense que votre question porte sur l'article 2962. C'est cela, l'extinction...

Mme Longtin: Sur l'extinction de l'obligation.

M. Dionne: Encore une fois, on mentionne dans notre mémoire que, tout d'abord, l'on pense que cela va créer des litiges fréquents entre les parties et cela a été le cas dans le passé, entre autres, avec l'article 1202 du Code civil. Chaque fois qu'il a été invoqué, les parties ne s'entendaient pas sur la valeur marchande. 1202a, je ne me rappelle pas l'article précis, mais cela a été très fréquent. L'emprunteur veut toujours dire que sa maison vaut tant ou que son bien vaut tant et il est porté à surévaluer, et le créancier, c'est l'inverse. C'est un peu normal; c'est humain. Cela crée parfois des litiges pour des montants qui ne sont pas énormes. Deuxièmement, on mentionne - je pense que cela a été vrai surtout dans les années 1980, 1981 et 1982 où il y a eu la crise économique, entre autres - que, très souvent, l'emprunteur était très heureux que le créancier exerce la dation en paiement plutôt qu'un autre recours comme l'action hypothécaire parce que l'immeuble valait moins que le montant de la créance et, à ce moment-là, évitait tout recours personnel contre lui par la suite. Très souvent d'ailleurs - c'était peut-être la majorité des prêts à cette époque -les gens arrivaient avec les clés en disant: Je vais vous donner mon immeuble et je ne veux plus rien savoir. Quand on exerce un recours habituellement - dans le cas d'un immeuble en tout cas - c'est très souvent que la créance est rendue à un montant plus élevé ou à presque la valeur de l'immeuble. On pense qu'il serait préférable pour l'emprunteur, pour les deux parties en fait, que cela éteigne complètement la dette, ce qui éviterait les litiges et ce qui éviterait les problèmes que nous mentionnons dans notre mémoire.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.

Je vais reconnaître, pour une dernière question, Me Gariépy.

M. Gariépy: Concernant les articles 2958 et 2959, vous avez proposé de limiter l'initiative de s'opposer à la prise en paiement et d'exiger un autre mode de réalisation au seul débiteur. Ma question porte sur ceci: N'est-il pas vrai que, quand un débiteur est en difficulté ou en période d'insolvabilité, il se désintéresse souvent de prendre ses initiatives? Qu'en est-il alors des créanciers postérieurs est-ce qu'ils ne seront pas dans l'impossibilité d'intervenir pour faire en sorte que l'autre cour soit choisie?

M. Dionne: C'est sûr que, parfois, ce sont les créanciers de rang subséquent qui s'intéressent plus à l'actif en question que le débiteur lui-même. Cela arrive effectivement, sauf qu'on pense que les autres mesures prévues dans l'avant-projet de loi

protègent déjà suffisamment le créancier de deuxième rang. Il ne faut pas oublier une chose aussi. Chaque fois qu'on se prononce sur une question comme celle-là, on doit se dire que nous aussi, on va parfois être en position de deuxième rang. Donc, on doit regarder aussi si ce qu'on propose pourrait théoriquement nous être défavorable. Après mûre réflexion, on en est venu à la conclusion que même si on était très souvent en position de deuxième rang, il était préférable qu'on n'ait pas ce droit et que le créancier de premier rang puisse exercer son recours et qu'à ce moment-là, le créancier de deuxième rang ait les autres droits qui sont prévus dans l'avant-projet de loi.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Malheureusement, le temps est déjà écoulé. Malgré les échanges qui étaient fort nécessaires à ce débat - nous aurions pu continuer le débat encore pendant des heures - je pense qu'on n'aurait pas terminé. Nous vous remercions, au nom des membres de cette commission, de vous être prêtés à cette période de questions, à ces échanges. Soyez assurés que les remarques, vos recommandations et vos propositions seront analysées de façon sérieuse par les membres de cette commission avant de compléter cette loi.

Donc, bon voyage de retour. Nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes.

Aviez-vous quelque chose à ajouter M. Frenière?

M. Frenière: Tout simplement pour vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer.

Le Président (M. Marcil): Tantôt, Me Cossette disait que le Mouvement Desjardins est différent des autres. Quant à nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il demeure différent des autres institutions.

Oui, monsieur Dauphin.

M. Dauphin: Juste 30 secondes pour profiter de l'occasion, encore une fois, pour vous remercier de votre apport à nos travaux. C'est un avant-projet de loi évidemment, alors on peut vous assurer que toutes vos recommandations seront étudiées avec beaucoup d'intérêt et d'attention. J'en profite aussi pour féliciter Mme Bédard pour sa nomination comme sous-ministre aux Affaires municipales.

Merci et bon retour.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx, nous allons reprendre nos travaux et nous allons entendre notre dernier groupe et non le moindre, l'Union des producteurs agricoles.

On sait que c'est un organisme très en demande présentement dans l'ensemble du Québec. J'ai cru remarquer également M. le président, M. Proulx, que votre mémoire est de couleur que nous proposons pour la margarine et que vous, naturellement, appuyez, comme producteur agricole.

Donc, vous connaissez un peu les règles. On va vous laisser quelques minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Soyez assurés que tous les membres ont pris connaissance du mémoire. On a déjà quelques questions de préparées, ce qui va nous aider à approfondir le dossier et, ensuite, on procédera à l'échange de questions.

M. Proulx, si vous voulez d'abord nous présenter votre collègue. Vous avez la parole.

Union des producteurs agricoles

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président; mesdames, messieurs, j'ai avec moi, ce matin, Michel Lord, notre conseiller juridique. Ce dernier a préparé naturellement le rapport. Il sera là aussi pour répondre aux questions qui nous viendront des participants.

Je voudrais vous remercier de nous permettre de venir exposer devant vous certaines préoccupations à ce moment-ci sur le dossier qui est à l'étude.

Comme notre mémoire le dit, l'Assemblée nationale entreprend l'étude d'un autre volet tout à fait majeur du nouveau Code civil du Québec: les sûretés réelles et la publicité des droits.

S'il n'est jamais facile de mesurer la portée exacte d'un projet de loi, la tâche devient tout simplement colossale quand on s'attaque à un domaine aussi vaste et complexe que celui à l'étude.

Aussi, même si elle est fortement intéressée par plusieurs aspects de la réforme proposée, l'UPA n'entend pas, pour l'heure du moins, se livrer à une critique en profondeur de l'avant-projet de loi déposé. En outre, les quelques brefs commentaires généraux, son intervention se limitera à deux questions bien particulières qui sont cependant l'intérêt central pour les classes agricole et forestière du Québec: la cession en garantie des quotas et la garantie des paiements des produits agricoles. Même s'il s'agit de questions plutôt spécialisées et relativement techniques, nous avons cru devoir profiter de l'occasion pour réitérer nos positions sur te sujet,

II est peut-être bon de rappeler que l'UPA est l'association syndicale et professionnelle qui représente officiellement les quelque 50 000 producteurs et productrices agricoles du Québec. Il est important de

savoir aussi que l'UPA regroupe ceux et celles qu'on désigne généralement comme des producteurs de bois ou propriétaires forestiers.

L'avant-projet de loi à l'étude propose, pour l'essentiel, une réforme nettement marquante du grand domaine du crédit. De toute évidence, on vise une modernisation de nos règles de droit, de manière notamment à pouvoir davantage tenir compte de l'importance de la richesse mobilière et en vue d'une meilleure harmonisation avec les législations existant ailleurs en Amérique du Nord.

Certes, il est difficile d'être en opposition avec les objectifs poursuivis. D'autant plus que les producteurs agricoles et forestiers profitent déjà, depuis un bon nombre d'années, de plusieurs des éléments de réforme proposés: nantissements agricole, aquacole et forestier, garanties suivant la loi sur les connaissements, les reçus et la cession des biens en stock.

L'UPA croit malgré tout devoir formuler certaines réserves: il lui apparaît en effet que cet avant-projet vise d'abord et avant tout à rassurer les grands prêteurs, les banques en particulier. Déjà surprotégés, disposant déjà de pouvoirs considérables, ces derniers souhaitent encore davantage: de plus larges garanties, des mécanismes de réalisation plus simples et plus expéditifs, etc.

Même si ce sont sans doute les règles des affaires, il nous apparaît que le législateur devrait tendre à un juste équilibre entre les droits des créanciers et ceux de leurs débiteurs. Une attention particulière devrait être portée aux délais préalables à la réalisation des sûretés, celles portant sur les meubles en particulier. L'histoire récente est riche d'exemples, notamment en matière agricole où les créanciers ont carrément abusé de diverses garanties qui leur avaient été accordées. Il faut à tout prix éviter d'ajouter à leurs armes.

Même si, comme nous l'avons noté au passaqe, les producteurs agricoles et forestiers vivent déjà à l'heure d'un droit des sûretés passablement modernisé, la réforme qui est actuellement à l'étude introduirait un certain nombre de nouveautés pas toujours souhaitées. Parmi les changements les plus significatifs et les plus conséquents, il faut certes faire état de la possibilité de céder les quotas en garantie.

Comme on le sait, les quotas sont essentiellement un permis restreint renouvelable annuellement de produire et de mettre en marché un produit agricole donné. Pour diverses raisons qu'il serait trop long d'exposer aux fins du présent mémoire, ces quotas ont, on le sait également, acquis une valeur certaine au fil des ans, de sorte qu'ils représentent aujourd'hui pour les entreprises agricoles concernées une part importante de l'actif.

Malgré ce fait, ces biens ne peuvent pour l'heure être valablement cédés en garantie. Cela tient de la nature juridique particulière de ces biens, qu'une rarissime doctrine et jurisprudence a définis comme des biens meubles incorporels, et des limitations prévues par les lois particulières applicables. Avec le temps, une formule a été développée par les créanciers, soit la cession du produit de la vente, pour contourner ces difficultés, mais il ne s'agit pas d'une véritable sûreté.

Or, si notre interprétation est bonne, nous croyons que l'avant-projet de loi lèverait la plupart des obstacles ouvrant ainsi la porte à la prise en garantie des quotas -hypothèque mobilière, sans dépossession, d'un droit incorporel. De toute évidence, une telle garantie serait extrêmement recherchée.

Malgré leur soi-disant précarité renouvellement annuel, possibilités de réduction, imprécisions quant au titulaire du droit de propriété, etc. - il y a tout lieu de croire que les quotas seraient de l'or en barre, comme on dit, pour les créanciers. Pour les raisons qui suivent, l'UPA s'oppose catégoriquement à une telle modification.

En tout premier lieu, il nous apparaît comme une évidence qu'une telle modification aurait pour effet d'accroître considérablement les possibilités de crédit et, par voie de conséquence, le taux d'endettement. En plus de douter fortement de l'opportunité ou de la nécessité d'une telle ouverture, il nous semble que cela représente des risques considérables. En effet, même si ces titres se sont jusqu'à maintenant révélés extrêmement forts, les chutes de prix ne sont pas impossibles. De même, le contexte économique mondial laisse planer toutes sortes de menaces sur le contingentement des produits agricoles. Du jour au lendemain, ces actifs pourraient fondre comme neige au soleil menant tout droit des milliers d'agriculteurs et agricultrices à un véritable cul-de-sac financier. On l'a vu d'ailleurs récemment quand le prix des terres a soudainement chuté, à certaines occasions, au-delà de 50 %.

Secondement, conséquence directe de cet accroissement des possibilités de crédit, il nous paraît comme une autre évidence que la possibilité d'hypothéquer les quotas aurait des incidences "haussières" sur le prix de ces biens. Or, le prix des quotas pose déjà d'importantes difficultés pour ceux et celles qui aspirent à s'établir en agriculture en particulier. Il faut dans toute la mesure du possible éviter les éléments susceptibles d'aggraver ce problème. De même, sans vouloir entrer dans les détails de cette question technique, nous signalons qu'une telle modification pourrait éventuellement mener à certaines hausses des prix des produits contingentés.

Troisièmement, il faut également réaliser que la prise en garantie des quotas serait une arme extraordinairement puissante accordée aux créanciers. À cause de leur importance tout à fait centrale pour l'entreprise, les quotas ne peuvent, en aucune façon, se comparer aux autres actifs agricoles. Accorder à un créancier le droit de disposer à son gré d'un quota, c'est, à toutes fins utiles, lui donner un droit de vie ou de mort sur l'entreprise, c'est lui permettre de se rembourser, quitte à faire déqringoler complètement le prix des autres actifs car, c'est bien connu, une ferme qui perd son quota ne vaut souvent plus grand-chose.

Plusieurs autres incidences malheureuses sont également prévisibles: tendances accrues des créanciers à se surprotéger, difficultés pour les offices de producteurs de contrôler la propriété des quotas, etc. À ce dernier sujet, il convient de mentionner que les nouveaux recours hypothécaires proposés, par exemple la prise en paiement de la vente par le créancier, pourraient soulever d'énormes difficultés,

Nous aurions pu élaborer beaucoup plus longuement sur le sujet, mais nous croyons que ce qui précède devrait suffire à illustrer les graves conséquences pouvant résulter de la cession des quotas en garantie et l'absolue nécessité de les éviter. Cette position, il est sans doute bien de le rappeler, est le fruit d'une fort longue réflexion menée un peu partout dans les milieux agricoles du Québec; l'UPA voit donc mal comment elle pourrait être balayée d'un simple revers de la main.

La garantie du paiement des produits agricoles. S'il nous semble que les créanciers sont généralement fort bien protégés, ce n'est certes pas le cas des producteurs agricoles et forestiers face aux intermédiaires qui achètent leurs produits, aux fins de revente ou de transformation notamment. À l'exemple et à l'expérience, il ressort que tes diverses lois applicables comportent peu de mesures protectrices et que les quelques mesures prévues sont pleines de failles. C'est le cas notamment des dispositions énoncées dans la loi fédérale sur les banques.

En définitive, à l'exception des producteurs et productrices de lait et de cultures commerciales qui bénéficient d'un régime de protection en vertu d'une réglementation particulière, les producteurs aqricoles et forestiers se retrouvent la plupart du temps complètement démunis face à la faillite ou à l'insolvabilité de leurs acheteurs. Quand on réalise que certains ou certaines vendent la totalité de leur récolte à un acheteur unique, on comprend que le risque est qrand et que les conséquences peuvent être catastrophiques.

Aussi, depuis plusieurs années, l'UPA presse les deux gouvernements d'apporter les correctifs qui s'imposent. Si nous sommes convaincus que l'adoption d'une loi particulière sur le sujet - un peu suivant le modèle existant en production laitière -demeure la seule solution adéquate, nous croyons que divers amendements aux diverses lois applicables pourraient sans doute permettre d'améliorer quelque peu les choses. Nous considérons donc que le légisalateur québécois devrait profiter de la présente réforme du droit des sûretés pour faire un pas dans la bonne direction: à titre d'exempte, une hypothèque légale pourrait être prévue pour les producteurs agricoles et forestiers pour la vente de leurs produits; en profitant d'un rang prioritaire, ces derniers auraient de meilleures chances de récupérer une part plus équitable de leurs créances.

Alors, en conclusion, M. le Président, sans se prononcer sur l'ensemble de l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits, l'UPA croit d'abord qu'il importe à tout prix gue les quotas demeurent incessibles en garantie. Même si les pressions sont fortes de la part des grands prêteurs, nous sommes convaincus qu'un renversement de cette règle comporterait des risques considérables pour les producteurs et productrices agricoles concernés. Le jeu n'en vaut certes pas la chandelle.

Deuxièmement, l'UPA considère que le législateur québécois doit profiter de la présente réforme pour poser une premier geste concret en vue de protéger plus adéquatement les producteurs et les productrices agricoles et forestiers face aux acheteurs de leurs produits. L'octroi d'un rang prioritaire pourrait sans doute être fort utile.

Les secteurs agricole et forestier sont des secteurs économiques de toute première importance, extraordinairement dynamiques, bien préparés pour l'avenir. Mais ce sont également des secteurs fragiles et sensibles aux grands changements. Lorsqu'on touche aux lois qui les régissent, il faut constamment chercher à préserver les barrières qui s'imposent et leur réserver, à tout le moins, une minimale protection. Il faut également, bien sûr, éviter à tout prix de leur créer de nouveaux obstacles.

Voilà, M. le Président, le mémoire et les quelques sujets qu'on voulait toucher à cette occasion. Nous sommes disposés à répondre aux questions qui, j'espère, seront nombreuses afin de permettre de définir davantage nos arguments.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Proulx. Je vais reconnaître immédiatement le député du comté de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord souhaiter la

bienvenue à l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, à son président, M. Proulx, ainsi qu'au conseiller juridique. Je les remercie pour leur participation, la préparation et la présentation de ce mémoire. (11 h 45)

Comme tout le monde le sait, l'industrie agricole au Québec représente un aspect de l'économie des plus importants. Alors, on est doublement satisfaits de votre présence aux travaux de notre sous-commission.

Évidemment, j'ai des questions à vous poser. Je sais pertinemment que d'autres députés en ont et même notre président. Je pense qu'il y a une partie agricole dans son comté.

Une voix: Une grande partie.

M. Dauphin: Une grande partie agricole dans son comté. Je suis en pleine ville, alors le dossier m'intéresse beaucoup, mais j'ai moins à vous fréquenter, malheureusement pour moi.

Alors, ma première question concerne les quotas. Vous avez sûrement entendu le groupe - ou si vous ne l'avez pas entendu -qui vous a précédés représentant les Caisses populaires Desjardins. Ils nous disaient que, dans le vécu quotidien, plusieurs agriculteurs québécois se rendaient à leurs institutions pour pouvoir donner en garantie les quotas en question. Dans votre mémoire, vous nous suqgérez de façon claire, nette et précise de ne pas pouvoir, en termes d'hypothèque mobilière, donner en garantie les quotas pour les raisons que vous avez mentionnées, soit le taux d'endettement, incidence "haussière" sur le prix. Votre position s'est faite à la suite d'une longue réflexion et consultation de vos membres.

Ma question est la suivante. En ce qui concerne la balance des inconvénients - je me rends à votre demande - vous désirez approfondir davantage cet aspect. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y aurait plus d'avantages dans la possibilité des quotas en garantie que d'inconvénients?

M. Proulx: Certainement pas. C'est évident qu'il y a certains producteurs ou productrices qui vont avoir parfois un besoin un peu plus grand et voudraient avoir davantage de crédit pour toutes sortes de raisons qui sont tout aussi valables les unes que les autres. Ils seraient d'accord pour mettre en garantie leurs quotas, sauf qu'il y a tellement d'inconvénients, le risque deviendrait tellement qrand d'être davantage soumis, en fait, et de n'avoir plus aucune force de négociation, d'être complètement dépendant de l'endettement. Pour nous, on a donné différentes raisons pour cela. Mais, c'est parce que le quota est très liquide. Je veux dire que tu peux vendre cela dans l'espace d'un mots. Il s'agit que tu te rendes à l'encan de quotas et ainsi de suite. Tu peux te rendre là en supposant qu'on nous en donne le droit. Immédiatement, tu as ta liquidité et tu vas payer tes dettes.

II ne faudrait pas oublier que je ne connais pas d'institutions qui prêtent plus que tu es capable de remettre. Elles prêtent selon ta capacité de payer. Alors, s'il faut aller jusqu'à protéger les individus, je pense que c'est notre rôle de le faire. Faisons attention.

Je voudrais vous illustrer cela un peu. Dans les années 1978, 1979, 1980, vous avez connu la forte expansion que l'industrie porcine a prise, parce que le marché mondial était ouvert et pour toutes sortes de raisons. Je pense que c'est l'exemple le plus patent qu'on peut donner où on a ouvert le crédit. C'était 125 % et, même dans des cas, c'était 150 % de la valeur - je ne parle pas de capacité de payer - cela semblait être sans limite. Je pense que je n'apprendrai rien à plusieurs d'entre vous, mais vous savez que dans les années suivantes, à cause justement d'une situation économique - il n'y a pas seulement au Québec qu'on a fait cela, on a fait cela partout - on s'est retrouvé dans un marasme abominable avec des problèmes de crédit, c'est bien évident, mais des problèmes sociaux énormes aussi, avec des gens qui ont laissé leur emploi, qui ont laissé leur profession, qui se sont lancés un peu comme dans la course au Klondike et ainsi de suite. L'humain, c'est l'humain. C'est toujours la même chose et cela va toujours être la même chose. Je reste convaincu qu'ouvrir encore davantage... Remarquez qu'on a besoin de crédit et qu'on en utilise énormément, mais pour nous, il y a quand même une limite. D'ailleurs, les banques, les caisses, toutes les institutions prêteuses prêtent. L'office, comme la Société du crédit agricole, prête à partir de ta capacité de payer. À l'heure actuelle, quand tu as une production qui a un quota, déjà, seulement le fait d'en avoir un, pour nous, c'est amplement une garantie d'être capable de faire des paiements. C'est cela qui est important pour l'organisation prêteuse. Les pertes sont tellement minimes. D'ailleurs, je vous dirai qu'à partir de quelques échecs que les institutions prêteuses peuvent avoir eus, par la suite, elles ont eu des moyens très bons. À l'heure actuelle, elles font signer je ne sais quoi. Michel pourrait expliquer davantage la partie légale, mais elles se prennent une garantie sur la vente du produit, sur la cession du bien.

Une voix: Le produit de la vente.

M. Proulx: Le produit de la vente. Alors, elles sont très bien protégées. Elles ne peuvent tout de même pas prendre le quota pour aller le vendre elles-mêmes, mais

aussitôt que vous vendez, vous leur devez un revenu... Deuxièmement, en vertu de toute la réglementation concernant les quotas, vous ne pouvez pas garder indéfiniment un quota. Vous avez tant de mois pour le vendre quand vous arrêtez de produire. Elles sont très hien protéqées et si elles ont, à quelques occasions, perdu quelques cents dans ces cas-là.,. D'ailleurs, quand je vois le chiffre des caisses populaires, moins 0,5 % de pertes sur les milliards de dollars qu'elles prêtent, je ne pense pas que ce soit un drame et qu'on soit à la veille de les voir faire faillite au Québec.

M. Dauphin: J'ai vu dans votre mémoire tantôt - je cherche la page; je ne la trouve pas - que les garanties disponibles actuellement sont suffisantes.

M. Proulx: Elles sont amplement suffisantes. On a aussi noté un autre danger. Le dépouillement des exploitations de leur droit de produire parce que c'est un droit de produire. Je vous ai dit: C'est du liquide rapide, du quota; c'est pour cela que c'est si attirant. Dans certaines productions, la ferme vaut zéro sur le contingentement. Cela devient un fardeau énorme pour le reste de la société aussi. Cela devient un fardeau énorme pour l'ensemble, autant la population locale que le reste, parce qu'il n'y a plus aucune possibilité. Prenons l'exemple qui peut être arrivé dans les oeufs d'incubation. Qu'est-ce que vous voulez faire avec une exploitation d'oeufs d'incubation? Il n'y a absolument aucune possibilité de transformation. C'est tellement spécialisé. On peut prendre l'exemple de la volaille. Qu'est-ce que vous allez faire le matin que vous allez enlever un quota de volaille avec l'exploitation? Qu'il y ait x acres de terre ou qu'il y ait un demi-hectare de terre juste pour la bâtisse, qu'est-ce que vous allez faire avec? Cela vaut zéro. Cela ne vaut même plus... C'est l'autre qrand danger aussi d'annuler par le fait même une valeur qui existe, mais qui devient tellement coûteuse à opérer ou à transformer que personne n'est intéressé. Vous avez la multitude des autres créanciers, les petits créanciers qui ne sont pas garantis dans bien des cas, et tous les problèmes que cela peut entraîner.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Je reviendrai sur les quotas tantôt. D'ailleurs, certains de mes collègues ont des questions sur les quotas.

Votre deuxième demande principale, c'est d'avoir une hypothèque légale en faveur des producteurs agricoles et forestiers pour la garantie du prix de vente de leurs produits. J'aimerais vous référer à l'article 2888, paragraphe 3, qui, je pense, vous conviendrait. Cela s'applique à votre cas. J'ai d'ailleurs consulté les experts avec moi, à savoir que l'hypothèque légale existe. L'article 2888, paragraphe 3, prévoit que la créance du vendeur non payé pour le prix du bien donne lieu à une hypothèque légale et, en outre, cette hypothèque bénéficie d'une priorité de rang sur toute autre hypothèque consentie par l'acquéreur si elle est publiée dans les dix jours de la vente prévue à l'article 3311. Je ne sais pas si vous faisiez référence à autre chose ou si cela comble votre demande.

M. Lord (Michel): On avait vu cette disposition, le troisième paragraphe de l'article 2888. La créance du vendeur non payé, je pense qu'elle existe; il est déjà protégé, mais elle pose de sérieuses difficultés d'application en matière agricole. D'abord, cette créance ne s'applique que sur le bien vendu. Comme vous le savez, souvent les produits agricoles, dès qu'ils sont vendus, sont transformés, même parfois immédiatement revendus. Il faut aussi souligner que les ventes en matière agricole interviennent souvent très régulièrement. Par exemple, les ventes à l'encan, c'est presque à chaque semaine. Donc, à chaque semaine, cela obligerait l'agriculteur à faire une nouvelle déclaration d'hypothèque. Donc, je ne suis pas sûr que cette disposition protégera efficacement les agriculteurs.

M. Dauphin: Autrement dit, vous proposez, quant à vous... C'est-à-dire que le législateur exprime clairement une priorité de rang...

M. Lord: C'est cela.

M. Dauphin: ...à l'intérieur des hypothèques légales.

M. Lord: Oui, c'est évident parce qu'on pourra donner plusieurs exemples mais... Les différents produits ont des façons de se vendre tellement particulières. Les plus affectés actuellement, ce sont les producteurs maraîchers et les producteurs de viande, les producteurs de bovins. Prenons l'exemple des maraîchers où se trouvent deux catégories: à l'état frais et de conserverie. Dans la majorité des cas des conserveries, il y a même des ententes avant où toute la production justement ou la récolte qui est faite en l'espace de deux ou trois jours, est livrée à la conserverie, est transformée et disparaît, mais à cause du crédit énorme que cela pourrait prendre etc., il y a des ententes pour un paiement au bout de trois ou six mois ou échelonnné sur une période de x années. Ce sont les coutumes du marché. Alors, comment pouvez-vous retrouver - c'est là que le problème survient - le maraîcher à l'état frais, vous connaissez comment cela se transige en grande partie, le marché central ou les différents marchés

que vous avez un peu partout et, encore là, tout est disparu bien à l'intérieur des plus courts délais que vous pouvez mettre. On peut dire: ils n'ont qu'à essayer de prendre les moyens de suivre davantage, mais ce n'est pas facile, tu n'a pas le choix, c'est un produit périssable, périssable même dans l'espace d'une journée, je veux dire qui perd de sa valeur énormément. On a beau avoir beaucoup de doutes, on est obligé de livrer et de vendre et les personnes ne nous paient pas. Vous savez qu'on retrouve actuellement, particulièrement dans cette production, des acheteurs justement parce que le producteur n'est pas bien protégé; des acheteurs ont des records de faillites qui seraient dignes d'entrer dans le livre Guinness. Vous allez me dire: pourquoi est-ce qu'ils continuent de vendre? Je vous l'ai dit tout à l'heure: on n'a pas le choix, c'est un produit qui vient d'être arraché, il faut qu'il soit vendu. Les viandes aussi, ce sont des sommes énormes pour les parcs d'engraissement etc.; on est obligé de livrer à un moment donné, on ne peut pas nourrir indéfiniment les animaux et les monter à dépasser largement, il y a des catégories...

Il est évident que les délais nous empêchent actuellement - on n'est pas capable de toujours... On a beau suivre notre affaire de très près, un bon matin, on apprend qu'il y a une faillite et on a aucun moyen.

M. Dauphin: Y en a-t-il plusieurs qui sont dans cette situation avec un acheteur unique de tous ses produits, comme vous le disiez dans votre mémoire?

M. Lord: Plusieurs produits?

M. Dauphin: Tu perds tout à un moment donné et...

M. Lord: Disons que dans le maraîchage, la transformation des fruits et léqumes, c'est à peu près tout cela. Dans le maraîchage à l'état frais, cela dépend des produits. Certains produits vont tous au même acheteur, mais d'autres produits se vendent à plusieurs acheteurs parce qu'il y a plusieurs acheteurs aux différents endroits.

Dans Ies viandes, il n'y a pas tellement d'acheteurs au Québec, je veux dire pour ceux qui font de l'élevage, de la production de viande, sur une base assez importante, il n'y a pas tellement d'acheteurs au Québec, pas tellement d'abattoirs, cela veut dire qu'on est très limité.

M. Dauphin: J'ai admis que je ne connaissais pas grand-chose là-dedans, mais dans le vécu quotidien, comment les gens paient-ils? Ils paient plus tard ou...?

M. Lord: Oui, c'est cela.

M. Dauphin: Ils paient plus tard, cela ne se paie pas comptant.

M. Lord: Bien, certains paient comptant. Quand un acheteur a fait assez de faillites ordinairement les vendeurs exigent...

M. Dauphin: ...qu'ils paient comptant.

M. Lord: Je vous l'ai dit: tout dépend du produit, on a beau vouloir exiger, ton produit est arraché, il va se perdre si tu le hausses, alors à un moment donné, bon...

M. Dauphin: ...tu prends le risque. (12 heures)

M. Lord: ...tu prends des risques même si tu sais que ce sont de très hauts risques. Il y en a encore beaucoup trop et il n'y a aucune protection contre cela. C'est un produit périssable. C'est la raison pour laquelle on dit cela. Ce sont des produits périssables et on se retrouve coincé, on n'a plus le choix.

M. Dauphin: Même si on essaie d'aller le chercher, cela ne vaut plus rien.

M. Proulx: Cela ne vaut plus rien, parce que la plupart de ces acheteurs, particulièrement dans le maraîchage, n'ont rien. Ce sont des acheteurs avec un crayon et un calepin - c'est cela, leur avoir - et une crédibilité qu'ils n'ont plus. Mais ils sont tout seuls. Qu'est-ce que tu veux? Tu as beau ne pas avoir de crédibilité, tu es le seul acheteur et c'est un produit périssable. C'est cela, ils n'ont pas de biens.

M. Dauphin: Sur le même sujet, dans votre mémoire, vous suggérez d'accorder une priorité à l'hypothèque légale dont vous seriez sujet... Effectivement, c'est un pas dans la bonne direction, sauf que ce que vous souhaiteriez, ce serait une loi particulière qui, évidemment, s'occuperait de vos besoins ou de vos activités. J'aimerais que vous nous précisiez ce qu'une loi particulière apporterait de plus par rapport au Code civil du Québec.

M. Proulx: Une loi particulière... Ce dont on débat depuis plusieurs années, c'est d'avoir ce qu'on appelle, nous, des garanties de paiement dans une loi qui obligerait les acheteurs, quels qu'ils soient au Québec, de fournir une garantie de solvabilité, une assurance solvabilité - appelez cela comme vous voudrez - qui va garantir, tout comme le consommateur est protégé actuellement depuis un certain nombre d'années contre n'importe quel achat ou presque... Je pense que c'est une très bonne loi qui a fait ses preuves, tout comme le secteur de l'habitation qui s'est donné récemment une protection contre les contracteurs ou ceux

qui fabriquent des maisons. Une loi a été adoptée pour les protéger et je pense que c'est très bien. Nous, nous voulons avoir, comme la production laitière l'a depuis fort longtemps, une loi spéciale qui protège très bien et qui, par le fait même, a été aussi profitable pour l'industrie de transformation que pour les producteurs, mais on voudrait l'appliquer. Il y en a une pour les céréales actuellement par le biais d'une autre loi qu'on avait adoptée et on en a profité pour greffer cela. Même si elle n'est pas aussi complète que celle pour les produits laitiers, c'est une loi d'ordre général qui permettrait, en tenant compte des particularités des productions, mais qui entraînerait une protection, qui obligerait... Aujourd'hui, le producteur agricole, en plus de prendre, est obligé de... Il faudrait garantir, il faudrait se sursécuriser ou payer pour se garantir d'être payé. C'est une aberration pour moi. On a assez de faire le produit. Il me semble qu'on ne devrait pas être obligé de se protéger, se sécuriser pour être payé pour le travail qu'on fait.

M. Dauphin: Vous faites... Elle a sûrement été faite au ministère de l'Agriculture.

M. Proulx: Oui.

M. Dauphin: Est-ce que cela a fait son bonhomme de chemin ou si c'est à l'étude?

M. Proulx: J'ai l'impression... Je ne suis pas si certain qu'elle a fait son bonhomme de chemin. Elle fait son bonhomme de chemin par étapes, mais elle recule plus vite qu'elle n'avance.

M. Dauphin: La demande est faite depuis quand?

M. Proulx: Oh! Depuis fort longtemps.

M. Dauphin: Fort longtemps.

M. Proulx: Oui.

M. Dauphin: D'accord,

M. Proulx: Et répétée aussi. Je peux dire qu'actuellement, ni l'un ni l'autre ne peut se lancer la balle.

M. Dauphin: Ah bon! On n'a pas à se chicaner là-dessus.

M. Proulx: Vous n'avez pas à vous chicaner pour cela. Vous êtes tous les deux responsables.

M. Dauphin: Ha! ha!

M. Proulx: Je peux même vous donner Ie3 raisons qu'on nous a souvent données qui ne tiennent pas selon nous, à savoir que, dans certains secteurs, il n'y aura plus d'acheteurs. Moi, je dis que des gens insolvables, il vaut mieux ne plus les avoir. On saura à quoi s'en tenir. Très rapidement, quand j'ai dit tout à l'heure que cela avait été aussi profitable dans la production laitière aux usines de transformation qu'aux producteurs, c'est qu'au moment où cela a été mis en application dans l'industrie laitière, c'était dans une période où il y avait énormément de faillites dans une multitude d'entreprises laitières. Cette loi a permis d'assainir le milieu et cela a été profitable à ceux qui étaient solvables, mais qui subissaient le négatif des insolvables. Je peux vous dire que cela a été loin de favoriser uniquement les grandes industries. Cela a continué à développer, cela a surtout permis de consolider ceux qui étaient justement victimes en étant un peu plus petits que la très grande entreprise mais qui étaient victimes justement des insolvables dans leur milieu. Je peux vous dire que cela a été très profitable. Regardez, depuis ce temps, il faut dire qu'il n'y a presque jamais eu de pertes. Cela a été minime. Il y a eu occasionnellement des faillites d'industries mais cela a été minime.

M. Dauphin: Pour le moment, je vais donner l'occasion à d'autres membres de poser des questions.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Comme l'avouait le député de Marquette, je ne suis pas tellement versée en agriculture non plus. Je voulais vous parler - c'est pour bien comprendre parce qu'on va avoir à continuer d'étudier l'avant-projet de loi - des quotas sur lesquels certaines banques ou caisses populaires pourraient prendre des garanties. Maintenant, quand un agriculteur acquiert un quota, est-ce qu'il doit payer ce quota au départ ou si c'est seulement par la suite qu'il peut le revendre?

M. Proulx: Aujourd'hui, il doit payer le quota. Il achète du quota. Soit qu'il achète une entreprise qui a un quota, alors dans son achat de l'entreprise il a le quota, le droit de produire. S'il veut grossir son entreprise, s'il veut prendre de l'expansion, il doit aller aux endroits à chaque mois quand des quotas se vendent pour en acheter. Il achète le quota par la suite. S'il veut prendre de l'expansion.

Mme Bleau; Mais je pensais qu'un quota était accordé par un gouvernement qui dit, cette année, que vous avez le droit de vendre tant de livres de lait.

M. Proulx: C'est cela.

Mme Bleau: Même ce droit, vous l'achetez.

M. Proulx: Bien, on ne l'achète pas à chaque année. Vous l'achetez une fois dans votre vie.

Mme Bleau: Oui, oui. Mais, au départ, vous l'achetez.

M. Proulx: Oui. Vous l'achetez. Vous l'achetez avec l'exploitation quand vous achetez une exploitation. Par la suite, si vous voulez prendre de l'expansion, comme je l'ai dit, vous achetez des tranches de droit de produire tant de kilos par jour ou...

Le Président (M. Marcil): Cela veut dire qu'on n'invente pas de quotas nouveaux.

M. Proulx: Non.

Le Président (M. Marcil): Un producteur qui, lui, veut vendre sa ferme, veut vendre son quota, doit aller le vendre justement à un encan comme cela et des agriculteurs, ceux qui veulent augmenter leur quota, achètent à ce moment.

M. Proulx: Oui, oui. C'est parce qu'on a droit. Le quota suit les besoins de la consommation alors vous pouvez avoir des coupures globales de 10 % une année ou 5 % ou ainsi de suite. Comme vous venez de le dire, il ne se crée pas de nouveaux quotas.

Mme Bleau: Alors, quand vous dites que si on donne des quotas en garantie, à ce moment la ferme ne vaut plus rien, ou à peu près. Elle ne vaut pas grand-chose.

M. Proulx: Si vous utilisez vos garanties, l'institution, la ferme ne vaudra plus tellement. On l'a vu dans le prix des terres, comme on l'a donné il y a quelques années aussi dans les très hauts prix des céréales ou la betterave à sucre, par exemple, où c'est une production quand même assez élevée, où des terres se sont vendues 2000 $ ou 2500 $ l'acre. Quand les prix sont tombés, par exemple, dans la production de maïs ou la betterave à sucre ou ainsi de suite et que les terres ont dégringolé à 700 $ ou 800 $ l'acre, alors, vous voyez que cela produit autant pour les banques et les institutions prêteuses de prêter sur du fictif. En fait, le quota, c'est la clientèle pour l'épicerie ou ainsi de suite.

Mme Bleau: Je comprends très bien que cet article de loi est absolument indispensable pour vous autres qu'on enlève la possibilité aux banques ou aux institutions financières d'avoir vos quotas comme garantie.

M. Proulx; Oui. À l'heure actuelle, et je pense que je l'ai dit tout à l'heure, à partir de quelques mauvaises expériences, ils ont pris un autre moyen. On n'est pas contre le fait de profiter du fruit de la vente du produit mais ne pas avoir une mainmise parce qu'à partir de là vous me dépouillez complètement. Je n'ai plus aucune force de négociation. Ils possèdent tout. Alors, laissez-nous en tout cas au moins quelques jours de grâce avec eux pour qu'on puisse négocier. C'est cela un peu. C'est de maintenir un certain équilibre. Puis, les institutions prêteuses n'ont jamais été capables de prouver qu'elles ont perdu de l'argent avec cela. Elles n'en ont pas perdu. Elles ne peuvent pas en perdre parce qu'elles sont déjà...

Mme Bleau: Le cri d'alarme que vous nous donnez, ce matin, est très clair. Je suis certaine qu'on va y voir.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Groulx. Je vais reconnaître Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. II me fait plaisir également au nom de ma formation politique de vous saluer, M. Proulx et Me Lord qui vous accompagne. Je dois vous dire que je suis certaine que l'état d'esprit d'à peu près tous les membres de la commission, c'est finalement d'être bien contents de terminer avec vous ce matin parce que cela va nous laisser, il me semble, sur une bonne note pour la continuité de nos travaux. Cela va nous rappeler qu'il faut toujours mettre le bon sens au service du droit.

Je crois que c'est quand même intéressant. En vous écoutant, je me disais que je comprenais pourquoi on accole toujours cette idée de bon sens légendaire au producteur agricole. On dit toujours: Avoir les deux pieds sur le terrain des vaches. On dit cela même en politique. Cela doit avoir quand même une sorte d'influence certaine qu'il est certainement important de nous rappeler.

Dans votre mémoire, M. Proulx, à la page 7, vous avez abordé le fait que seule une loi particulière sur le sujet vous apparaît comme une solution adéquate. Vous dites: Nous crayons que divers amendements ou diverses lois applicables pourraient sans doute permettre d'améliorer quelque peu les choses. Quand j'ai lu ce passage-là, je me suis dit qu'en introduisant cette remarque, vous veniez de donner les motifs suffisants pour ne pas agir en matière de sûreté. Quel que soit le gouvernement, d'une certaine façon, quand on peut omettre d'agir pour

penser qu'un autre va mieux faire à sa place, si vous nous dites: II y a quelqu'un d'autre qui va faire encore mieux, alors, cela nous donne toutes les raisons de penser qu'il vaut mieux attendre le mieux que de vous proposer le bien.

Je vous dis cela parce que je crois qu'il ne faudrait pas que cette remarque soit retenue par la sous-commission comme étant suffisante pour nous amener à ne pas réfléchir sur ce qui pourrait être introduit comme disposition dans le Code civil pour satisfaire la solution des problèmes que vous nous avez exposés. J'avais les mêmes notes que celles du député de Marquette, celtes qu'il vous a lues, à savoir pourquoi ne pas utiliser plutôt la garantie du vendeur impayé que l'on retrouve à l'article 2883, 3e paragraphe, la réponse que vous en donnez m'a fait penser à un groupe qui vous a précédés, là où vous êtes maintenant, soit celui des créateurs et des créatrices dans le domaine artistique. Cela peut avoir l'air bien différent de la production agricole, mais ils nous ont dit, parce qu'on leur a renvoyé la même réponse et ils ont tenté de plaider avec des arguments similaires. Je crois que pour ces deux groupes en particulier dans la société, ils ne peuvent pas être des vendeurs impayés comme les autres, parce que les risques ne sont pas les mêmes que les autres d'une certaine façon et vous nous l'avez bien exposé dans votre cas. Je me suis demandé pourquoi lorsqu'il y a eu la codification, pourquoi en 1866 et pourquoi à ce moment-là cela n'avait-il pas été introduit. Je me suis demandé si le fait qu'à l'époque c'était finalement une agriculture de subsistance... Pour 85 % des Québécois de l'époque, l'agriculture était essentiellement de subsistance et sans doute n'y avait-il pas justement ce Québec agricole qui maintenant ne fait que 3,5 % ou 4 % mais qui nous autosuffit à 68 % ou 70 %, mais enfin, un pourcentage dont on peut être fier, de toute façon. Alors il y a là certainement un examen particulier et je réfléchis tout haut sur la question des créateurs et créatrices. Dans le même cas, en 1866, il n'y en avait pas non plus. Ce n'était pas la même sorte de production, parce que c'était essentiellement du mécénat et c'était même un milieu qui souvent produisait de façon artistique pour des gens du même milieu. Alors, cela ne se passait pas du tout dans un contexte comme celui que l'on connaît maintenant. On est dans un processus d'harmoniser et la question est de savoir si harmoniser, c'est uniformiser. On vous renvoie tous à la notion du vendeur impayé. Est-ce que dans l'uniformisation, il y aurait là une iniquité, parce que vous dites: Oui, mais les risques ne sont pas pareils pour tout le monde. Il n'y a pas égalité dans les risques. C'est cela d'une certaine façon que le législateur aura à évaluer. Je pense que, d'une certaine façon, votre poids politique vous l'avez évalué dans le passé et vous l'évaluez maintenant, et il est peut-être plus considérable que celui des créateurs et des créatrices, mais je souhaite que vous soyez satisfaits des uns et des autres également. (12 h 15)

Une question concernant l'incessibilité des quotas. Dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, évidemment, il y aurait déjà la possibilité pour des associations de se prémunir, je pense... Je ne pense pas me tromper en disant que par règlement, les associations de producteurs -il y en a évidemment de multiples pourraient l'une oui et l'autre non, en fait, au fur et à mesure, si elles le souhaitent se prémunir par règlement de l'incessibilité des quotas. Est-ce que je me trompe de le croire? J'aimerais vous entendre plaider les raisons qui devraient amener dans le Code l'incessibilité des quotas, le fait qu'ils ne puissent pas être hypothéqués?

M. Lord: À l'heure actuelle, tout ce que je peux vous dire, c'est que malgré la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, les quotas sont incessibles. Une fédération ne peut pas décider de permettre la cession garantie de ces quotas justement parce que les diverses législations applicables, notamment le Code civil, lorsqu'on parle du nantissement agricole, lorsqu'on regarde la liste des biens qui peuvent être nantis, on ne voit pas les quotas de production.

Mme Harel: Même si cela est introduit dans la loi, une association de producteurs pourrait, par règlement, faire en sorte que cela ne puisse pas l'être, ce serait une disposition générale.

M. Lord: Si le Code civil était modifié et si on permettait le nantissement, je veux dire la prise en hypothèque des quotas, je ne vois pas comment une fédération pourrait empêcher le nantissement des quotas.

Mme Harel: Vous pensez que le règlement d'une association de producteurs ou productrices - d'ailleurs je vous félicite pour la féminisation, ce n'est pas encore le cas dans la construction, je peux vous dire.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Harel: Je n'ai pas fait la remarque, mais ce n'est pas le cas. C'est peut-être parce qu'il n'y a pas assez de femmes? Cela viendra bien, comme c'est venu dans le fond aussi parce que cela vous avait été réclamé peut-être aussi. C'est à une autre question. Est-ce que vous pensez que le règlement ne pourrait pas statuer sur les possiblités d'hypothéquer ou non le quota

association par association? Donc, c'est immédiatement qu'il faudrait régler la question.

M. Lord: Je pense que la fédération pourrait peut-être poser certaines conditions, prévoir le mécanisme de vente notamment des quotas, ce dont vous discutiez tantôt avec le Mouvement Desjardins. Mais interdire? Non, je ne sais pas comment on pourrait faire cela.

M. Proulx: D'ailleurs, les fédérations qui, à l'heure actuelle, administrent du contingentement, qui administrent des quotas sont très ouvertes vis-à-vis des institutions prêteuses pour peut-être donner plus de... au cas où elles seraient un peu moins inquiètes, même si elles n'ont pas raison de l'être, à l'intérieur des règlements qu'on passe, parce que c'est nous, les administrateurs, qui passons leurs règlements pour sécuriser peut-être un peu plus, mais elles n'ont pas le pouvoir et surtout elles ne veulent pas, mais elles n'ont pas le pouvoir d'aller à l'encontre de ce que la législation peut faire actuellement.

Mme Harel: ...une modification à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles...

M. Proulx: C'est cela.

Mme Harel: ...pour rendre possible à une association de producteurs de se... Oui, alors, c'était assez... La démonstration que vous avez faite est extrêmement intéressante. En peu de temps, vous nous avez dressé un tableau qui nous permet d'entrer de plein pied dans la réalité des rapports qui se vivent à l'intérieur de l'industrie. Peut-être voulez-vous procéder? Il y aurait peut-être une autre question? On fait valoir ici, par exemple, que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles pourrait prévoir que les quotas ne peuvent être hypothéqués ou transférés que selon les conditions et modalités déterminées par les règlements. Alors, cela pourrait être une des possibilités, mais vous, vous venez nous dire devant la commission: On préfère qu'il n'en soit même pas question, et non pas d'avoir la possibilité d'en déterminer les modalités et des conditions. Est-ce que je comprends bien?

M. Lord: Je pense bien que notre condition est claire. On ne veut pas que soit autorisée la prise en garantie des quotas.

M. Proulx: Cela est clair.

Mme Harel: Vous ne voulez pas avoir le pouvoir de définir comment vous ne voulez pas qu'il y en ait?

M. Proulx: Non, je pense qu'on a donné assez de raisons.

Mme Harel: Oui.

M. Proulx: On peut les résumer très rapidement. On démantibule, premièrement.

Mme Harel: Oui.

M. Proulx: Seulement, cela devrait être amplement suffisant économiquement.

Mme Harel: D'accord.

M. Proulx: Les autres raisons, c'est que cela a de la valeur énorme une année et, l'année suivante, cela a peut-être 40 % moins de valeur. On l'a vu dans d'autres cas que c'est selon ce qui va arriver. C'est fictif jusqu'à un certain point. On veut l'avoir uniquement parce que - je vous l'ai dit -rapidement, cela se négocie. Tu le saisis. Si tu l'as en garantie, tu vas le saisir. Tu vas le mettre aux ventes. Tu vas correspondre à la réglementation de la fédération. Tu vas récupérer ton argent. Tu viens faire perdre plusieurs autres créanciers, si tu veux, parce que tu viens d'enlever toute la valeur - je ne sais pas comment on pourrait appeler cela mais ce que tu pourrais en retirer normalement dans un état normal des choses... Je pense que cela serait une erreur. À moyen et à long terme, je ne vois pas et j'irais jusqu'à dire que cela serait mauvais pour les institutions prêteuses aussi, très mauvais. On deviendrait très dépendant du crédit uniquement sur un droit de produire parce qu'il n'y aurait plus personne qui aurait confiance à des biens existants qu'on touche et qu'on travaille. Comment pouvez-vous avoir confiance à cela si vous savez qu'au moment où un bout de papier disparaît, tout le reste n'a plus de valeur? Je pense qu'on deviendrait d'une vulnérabilité énorme. On pourrait parler très longtemps de tout ce que cela pourrait amener. Je pense que vous allez comprendre pourquoi, pour nous, il n'en est aucunement question. Je pense qu'à l'heure actuelle, prêter sur la capacité de payer permet à la très grande majorité de nos producteurs et productrices d'avoir le crédit. Avec l'amélioration des différentes autres lois sur le crédit, cela va permettre d'obtenir cela. Il est bien sûr que, parfois, il en manque, mais il vaut peut-être mieux en manquer que de tout perdre.

Mme Harel: En terminant, j'aimerais vous entendre sur les nouvelles règles qui vont transformer le nantissement agricole en hypothèque mobilière sans dépossession. Vous avez fait l'examen de ce changement. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lord: Je pensais que c'était

essentiellement un changement de nom. Je pensais que, pour le reste, les règles demeuraient relativement identiques.

Mme Harel: Sauf les prescriptions. Dans un cas, c'était quinze ans. Ce sera cinq ans pour les recours.

M. Lord: Oui; c'est cela.

Mme Harel: Est-ce que sur l'ensemble des modalités...

M. Lord: On ne voyait pas de problème.

Mme Harel: ...vous n'avez pas de... Alors, il me reste à vous remercier M. Proulx. Dans une commission parlementaires, c'est la première occasion que j'ai d'assister à des travaux... Je sais que vous venez très régulièrement déposer un mémoire. Je comprends pourquoi les gens d'autres commissions viennent souvent vous entendre. C'est parce que vous êtes concret. Ce n'est pas toujours le langage qu'on entend ici. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Maisonneuve.

M. Dauphin: De notre côté, on voudrait évidemment vous remercier et vous féliciter pour votre participation. Vos points sont extrêmement clairs, nets, précis et pertinents. Comme j'ai dit à l'autre groupe qui vous aprécédés, c'est un avant-projet de loi. Nous en sommes encore à ta phase des études. Vous pouvez être assurés que vos points seront étudiés avec beaucoup d'attention et d'intérêt. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): En mon nom et au nom de tous les membres de cette commission, nous vous remercions de vous être déplacés. On vous souhaite un bon voyage de retour.

M. Proulx: Merci bien.

Le Président (M. Marcil): Maintenant, je vais accepter comme dépôt deux mémoires qui nous ont été envoyés. Les gens n'ont pas demandé à être entendus. C'est le mémoire de l'Association des compagnies financières canadiennes, qui porte le numéro 19M, de même que celui de M. Geltman Harold qui porte le numéro 13M. Cela va?

Je vais suspendre pour quelques minutes pour permettre aux deux représentants, autant du côté du gouvernement que le porte-parole de l'Opposition, de terminer leurs préparatifs pour Ies remarques finales. Donc, est-ce que cela va pour cinq minutes?

Mme Harel: Oui. (Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 12 h 34)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaîti

Maintenant nous terminons cette merveilleuse commission par l'audition des remarques finales de part et d'autre. Donc, je vais reconnaître la députée de Maisonneuve en premier. En première position, madame*

Remarques finales Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord une première remarque quant à ces travaux que nous terminons maintenant, pour constater que je n'aurais certainement pas été en mesure de suivre adéquatement les travaux que nous avons menés durant deux jours et demi, si je n'avais pas eu à mes côtés des personnes qui s'y connaissent encore beaucoup mieux que moi et qui m'ont permis un éclairage qui, je croîs, en fait, bénéficie de part et d'autre aux travaux qu'on a faits et qu'on va faire dans l'avenir. C'est absolument indispensable d'une certaine façon. Je ne pourrais pas respirer. C'est un peu un tube d'oxygène qui me permet de continuer à pouvoir m'occuper des sûretés, parce que j'ai également le dossier de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu maintenant et je suis également vice-présidente de la Commission parlementaire de la culture. Vous comprendrez qu'à part d'autres occupations comme députée d'un comté de l'est de Montréal, il arrive que je ne pourrais pas consacrer autant d'intérêt que, pourtant, je souhaite le faire, si je n'avais pas des personnes qui me permettent, finalement, d'aller plus vite dans l'étude que j'ai à faire de nos travaux.

Nous avons préparé à ce stade quelques notes sur les préoccupations que nous avons pour la suite des choses. Je vous les lis rapidement, M. le Président. D'abord, nous avons eu un éclairage nouveau sur bien des questions avec l'apport, non seulement les mémoires ne font jamais pleinement l'éclairage que finalement les groupes et organismes viennent apporter à la sous-commission, nous avons beaucoup apprécié d'avoir en bien des domaines des faits nouveaux qui vont certainement nous permettre de continuer à explorer toute cette question.

Nous souhaitons, je le répète, avoir des séances de travail qui ne seraient pas nécessairement enregistrées, qui ne donneraient lieu à aucun formalisme et qui, pourtant, pourraient nous permettre d'explorer de part et d'autre l'intention du législateur avant de le critiquer, d'une part, et, d'autre part, nous permettre la formulation qui rend complètement étanche, d'une certaine façon, l'objectif qui est

poursuivi. Notamment, ces séances de travail pourraient porter sur un ensemble de questions dont je vais parler immédiatement, soit la présomption d'hypothèque, beaucoup la réclament, il y aurait lieu de l'étudier, en s'assurant évidemment, le cas échéant, que l'ensemble du Code civil ne perde pas sa cohérence. Quant aux dispositions d'ordre public, de la même façon, je pense, cette notion qui permettrait de fermer tout le champ des sûretés, de limiter les recours, pourrait être étudiée. Il serait souhaitable qu'on puisse répondre à nos interrogations sur cette question.

Concernant tout le domaine de la protection du consommateur, nous notons, comme l'a d'ailleurs fait le député de Marquette, que le mémoire de la Commission des services juridiques est certainement important et qu'il faut, de toute évidence, protéger les acquis obtenus par les consommateurs au cours des dernières années et trouver la façon d'insérer harmonieusement leurs droits dans l'ensemble des sûretés. II nous semble que, sur la question de l'équité envers les autres débiteurs, c'était certainement là de nouvelles mesures, toutes ces nouvelles mesures d'équité conduites dans l'avant-projet de loi, soit les avis, les recours où le débiteur peut remédier au défaut ou encore, où il peut forcer le créancier à choisir un autre moyen comme la vente en justice ou la vente par le créancier. Il y a également ces nouvelles mesures concernant la prise de paiement. Nous notons qu'elles sont généralement bien accueillies par l'ensemble des intervenants, qu'en cette matière, l'opinion est certainement prête à recevoir ces nouvelles règles d'équité et qu'il faut certainement les conserver. Alors, c'est donc là un acquis certain.

En matière d'hypothèque légale, on doit constater que la balle est dans le camp du législateur. Tous les intervenants ont fait état des risques de façon très significative et des pertes qu'ils encourent. Alors, il faut maintenant choisir.

Il y a une remarque à laquelle je m'associe et qui est la suivante: En faisant ces choix, il faut sans doute tenir compte, dans le domaine de la construction en particulier, qu'il faille préférer à la beauté d'un principe de droit les intérêts des justiciables. Alors, ce sera peut-être l'éclairage qui nous permettra d'examiner et avec lequel nous entendons examiner ces solutions de rechange qui sont étudiées par le gouvernement. Il en va de même quant aux représentations qui nous ont été faites par les créateurs et créatrices et par les producteurs et productrices aqricoles.

Quant à la question des recours, il nous semble que plusieurs mémoires contiennent des remarques fort pertinentes sur les recours, sur leur complexité et leur imprécision et qu'il faut certainement tenir compte... Il faut souhaiter que tous les justiciables puissent facilement comprendre les recours de façon à ce qu'ils puissent s'expliquer à eux-mêmes tout en recourant à un professionnel, mais qu'ils puissent comprendre et s'expliquer ce qui se passe. Essentiellement, il ne faudrait pas que la justice ne soit, d'une certaine façon, que l'apanage des professionnels, que l'on recoure à des professionnels pour faire réaliser ses droits, oui, mais qu'on puisse les comprendre et se les expliquer à soi-même ou, lorsqu'un professionnel nous les explique, qu'on puisse les comprendre. Je pense que c'est certainement là un objectif qui est extrêmement important à poursuivre et qui pourrait se traduire par une étude, quant à la publicité des droits, de la meilleure façon de les rendre accessibles, vérifiables et consultables, si ce dernier terme m'est permis.

Je ne veux pas, à ce stade-ci de nos travaux, intervenir sur les querelles concernant les ordres professionnels. La question n'est pas de savoir s'il faut donner plus d'avantages aux uns qu'aux autres, si tout doit être sous seing privé, si tout doit être notarié, s'il en faut plus ou si on partage en en donnant à tout le monde. La question, c'est certainement de s'assurer qu'à l'ère de l'informatique, le système crée plus de formalisme ou rend les choses plus complexes ou inaccessibles qu'elles l'étaient en 1866. Alors, il faut s'en assurer en prenant en considération que les temps ont changé, en particulier quant à la notion de temps. Le consensualisme se vivait dans une époque où le temps n'avait pas la même signification que maintenant. On prenait le temps de lire ses contrats. On prenait même le temps d'écrire souvent, tandis que maintenant on ne lit plus souvent ni ses polices d'assurance, ni ses billets d'avion, ni ce qui contient des dispositions qui, pourtant, nous concernent. C'est certainement à prendre en considération dans la recherche que l'on doit poursuivre d'un accès le plus grand possible.

En terminant, M. le Président, nous souhaitons que soit étudiée toute la question de la standardisation des contrats, cette possibilité de rendre les dispositions de recours des sûretés avec un certain contenu standardisé. Nous ne concluons pas sur cette question, mais nous souhaiterions qu'elle puisse être étudiée de manière à simplifier le droit et de manière à ce que toutes les règles soient bien connues par toutes les parties.

Je voudrais terminer en vous disant, M. le Président, qu'à l'instar des travaux que nous avions faits sur le projet de loi 20, je crois que nous maintenons l'esprit qui nous animait à cette époque, soit celui de rechercher dans un but commun, de rendre certainement le Code civil le plus adéquat

possible. Nous n'entendons, en aucune façon, introduire de comportement partisan dans cette recherche. Je crois qu'il est souhaitable qu'il continue, qu'il en soit ainsi, et nous constatons qu'il en est de même du côté ministériel et nous en sommes vraiment trè3 contents.

Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais maintenant reconnaître le député de

Marquette et adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ces deux jours et demi d'audition nous ont permis d'entendre plus d'une vingtaine d'organismes. Quelques-uns pour dépôt seulement, les autres sont venus nous faire part de leurs recommandations et revendications relativement à l'avant-projet de loi concerné. Moi aussi, j'ai bien apprécié l'état de nos travaux. J'ai apprécié la façon dont les travaux se sont déroulés, sans partisanerie effectivement. J'ai également apprécié l'apport des experts, de Mme la députée de Maisonneuve. J'ai aussi, de mon côté, bien apprécié l'apport des experts du ministère de la Justice. Je n'avais pas eu l'occasion de les mentionner au tout début, et vous me permettrez, Mme la députée, de les mentionner à la fin. C'est toujours mieux que rien. Je m'étais fait voler...

Mme Harel: C'est même souvent mieux.

M. Dauphin: ...mon discours au début par Mme la députée de Maisonneuve. J'avais l'intention de les présenter juste avant l'audition des mémoires, mais je lui ai accordé un à zéro au tout début d'avoir volé mon discours.

À mon extrême droite, qui fait partie de l'équipe des codificateurs, on a le juge Chassé; Me Bélanger, du ministère de la Justice; Me France Fradette; ensuite, ma collègue, députée de Groulx, qui m'avait dit à un moment donné: Claude, avec grand plaisir, je vais assister aux travaux, sauf que je n'ai pas lu souvent le Code civil du Québec. Cela ne se lit pas comme un Agatha Christie.

Effectivement, mais j'ai énormément apprécié sa présence tout au long de nos travaux. Nous avons aussi le professeur Pineau, qui fait partie de l'équipe des codificateurs, Me Marie-Josée Longtin, qui est directrice de la législation ministérielle au ministère de la Justice, ensuite Me André Cossette, directeur de la section du droit civil, également un attaché du ministre de la Justice, Me Francine Marcoux, qui a suivi nos travaux, sans oublier non plus le président de notre sous-commission, le député de Beauharnois. Je continue la présentation,

Me Lucie Giguère qui, tout au long de nos travaux, nous a aidés, ainsi que sa secrétaire, Mme Grondin, si ma mémoire est bonne.

Une voix: Normandin.

M. Dauphin: Normandin, excusez-moi, ainsi que toute l'équipe technique, celui qui est ici, avec tous ceux qui l'ont précédé.

Cela dit, nos travaux nous ont permis d'amasser une masse de rapports qui permettront à l'équipe en place de continuer l'étude de cesdits rapports. C'est un enrichissement pour l'équipe qui a à travailler sur cet avant-projet de loi. Nous avons, bien sûr, le rapport de l'Office de la révision du Code civil qui est toujours une bible en la matière.

Maintenant, sur les grandes idées émises, un peu comme disait Mme la député de Maisonneuve, nous avons eu une concentration de groupes, notamment, en ce qui concerne l'industrie de la construction, qui sont venus avec un objectif bien précis, c'est-à-dire le maintien de leur privilège actuel. Certains souhaiteraient peut-être à la limite une position mitoyenne, c'est-à-dire ce que l'Office de la révision du Code civil proposait. Il veut maintenant le statu quo renforci et cela a été signé conjointement par plusieurs organismes. Alors cela sera évidemment au gouvernement, à l'équipe en place, à la suite de séances de travail. J'aimerais répondre tout de suite à la demande de Mme la députée de Maisonneuve qu'en consultation avec le ministre de la Justice il n'y a aucune difficulté, bien au contraire, elle le disait elle-même, cela ne va qu'enrichir nos travaux et nous pourrons mettre toutes les compétences en commun pour discuter à nouveau de tous ces points importants dont Mme la députée de Maisonneuve a fait l'énumération. Quant aux modalités, on s'est très bien entendu pour les modalités de notre sous-commission pour les auditions que nous avons eues. Je suis persuadé qu'on n'aura qu'à communiquer ensemble pour fixer les dates et s'organiser en conséquence.

Quant aux grandes idées émises, je poursuis avec tes priorités. Certains groupes n'en veulent pas. D'autres ne veulent surtout pas de la créance de l'État. Encore une fois, cela sera au gouvernement de faire le choix à un moment donné et de décider effectivement ce qui en résultera.

L'hypothèque légale, ma collègue l'a mentionné tantôt, certains veulent être inclus, on songe aux créateurs et créatrices, on songe aux arpenteurs-géomètres, on songe même aux courtiers immobiliers et d'autres, non seulement sont-ils inclus actuellement, mais ils veulent avoir un rang prioritaire tel que l'a recommandé et revendiqué l'UPA tantôt.

II y a toute ta notion de protection du consommateur. À la Commission des services juridiques, j'ai eu à me servir de son mémoire à plusieurs reprises puisque celle-ci avait une dimension quand même très protection du consommateur et c'est important évidemment d'avoir des groupes qui revendiquent. C'est sûr que chaque groupe a ses intérêts particuliers. La Commission des services juridiques, étant un organisme gouvernemental, a également intérêt avec ceux qui, non seulement bénéficient de l'aide juridique, mais des consommateurs et consommatrices en général...

On poursuit - le ministre l'a annoncé au tout début de nos travaux - en décembre, on va... Cela peut être intéressant pour Mme la députée de Maisonneuve qui nous disait tantôt qu'elle n'était pas chargée de travail. C'est une blague que je fais. Au contraire, je sais qu'elle est très occupée. Mais en décembre, un avant-projet de loi sur les obligations sera déposé avec plus de 1700 articles.

J'oubliais la question de l'hypothèque mobilière, mais c'est un autre aspect qu'il va falloir travailler ensemble. Il y a les registrateurs, toute la question de l'enregistrement, toute la question de l'informatisation, toute la question de la certification des professionnels.

En terminant, j'aimerais vous dire un grand merci. Les travaux se sont très bien déroulés. À une prochaine rencontre à une séance de travail sur l'avant-projet de loi sur les sûretés. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Marquette.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé à cette séance de deux jours et demi. Votre collaboration fut très positive. Donc, par le fait même, nous nous sommes facilités les travaux ensemble. À tous les experts, les fonctionnaires de même qu'aux députés, un chaleureux merci.

Je vais ajourner ces travaux sine die. Je spécifie également que la commission a accompli son mandat qui lui avait été confié. À la prochaine. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 52)

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