L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Sous-commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Sous-commission des institutions

Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 25 octobre 1988 - Vol. 30 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons commencer nos travaux. Nous procédons aujourd'hui, au début de nos travaux, à la consultation générale et aux auditions publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations.

Je déclare donc la séance ouverte. Pour le bénéfice des membres de la commission, des gens qui nous accompagnent et de nos invités, nous siégeons actuellement en sous-commission, c'est-à-dire que les règles normales du quorum ne s'appliquent pas au cours de cette consultation générale. Je demanderais maintenant à Mme la secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marcil (Beauharnois) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).

Le Président (M. Dauphin): Merci. Maintenant, nous devons donner lecture de l'ordre du jour. Nous entendrons, premièrement, les déclarations d'ouverture du ministre de la Justice, et du porte-parole de l'Opposition, en l'occurrence, le député de Taillon. Ensuite - je crois qu'ils sont déjà arrivés - nous entendrons les porte-parole de la Chambre de commerce du Québec, puis nous suspendrons nos travaux jusque après la période des affaires courantes, c'est-à-dire jusqu'à 15 heures.

Nous entendrons, à ce moment, l'Association des banquiers canadiens, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, puis nous suspendrons nos travaux pour le dîner.

Nous reprendrons à 19 h 30 pour entendre l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec, la Compagnie d'assurance-vie Glacier National et, finalement, le Bureau d'assurance du Canada.

À ce stade-ci, je demanderais au ministre de la Justice du Québec de faire sa déclaration d'ouverture.

Déclarations d'ouverture M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Il me fait particulièrement plaisir, à titre de ministre de la Justice, de participer à cette première séance de la commission des institutions, ce matin, qui va recevoir dans les prochains jours les commentaires, les suggestions, d'un grand nombre de personnes et d'organismes sur l'avant- projet de loi portant sur la réforme du Code civil du Québec pour ce qui est d'un de ses volets les plus importants, c'est-à-dire le droit des obligations.

Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission et je remercie tous ceux qui ont bien voulu nous envoyer des mémoires et se déplacer pour venir nous les présenter. Je remarque des représentants de différents organismes fort représentatifs. Je remarque la présence d'éminents juristes.

J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagent et qui vont m'accompagner pendant les séances de cette sous-commission parlementaire. À côté de moi, à ma droite, tout d'abord, le notaire Cossette, du ministère de la Justice, responsable de ce dossier de la réforme du Code civil; Me Céline Cyr, responsable de ce dossier à mon cabinet; le sous-ministre, M. Jacques Chamberland, est retenu pour le moment, mais il se joindra aussi à nous.

L'avant-projet que nous abordons aujourd'hui constitue une pièce législative majeure, tant par son volume que par ses impacts sur la vie quotidienne des Québécois et des Québécoises. On retrouve dans ce projet plus de 1400 articles, soit ce que l'on peut considérer comme étant au coeur même du droit civil, le droit des contrats et les principes de la responsabilité civile, autrement dit, tout ce qui concerne les rapports juridiques, les droits et les obligations des individus entre eux.

Le processus de la réforme du Code civil a été amorcé en 1955 sous le gouvernement de M. Maurice Duplessis lorsque la Législature de l'époque décidait, par un décret, de charger un éminent juriste, le très honorable Thibodeau-Rinfret, ancien juge en chef de la Cour suprême, de réviser le Code du Bas-Canada. Les travaux ont commencé lentement pour donner lieu, finalement, en 1962, à la création de l'Office de révision du Code civil. À la fin de 1977, l'office présentait au gouvernement son rapport proposant, pour le Québec, un nouveau Code civil. Au mois de décembre 1986, le ministre de la Justice, M. Herbert Marx, déposait devant l'Assemblée nationale l'avant-projet de loi portant sur la réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits. Cet avant-projet regroupe les règles relatives aux droits et garanties des créanciers contre leurs débiteurs et revoit en profondeur notre système d'enregistrement. Il a déjà fait l'objet de la consultation publique et il est actuellement en voie de révision.

Un an plus tard, soit en décembre 1987, le ministère de la Justice déposait devant l'Assemblée nationale l'avant-projet de loi qui nous concerne aujourd'hui portant, cette fois, sur la réforme du droit des obligations. Il s'agit de

l'avant-dernier volet de la réforme à étudier pour réformer notre Code civil.

L'étude de lavant-projet de loi portant sur le droit de la preuve et de la prescription et du droit international privé sera vraisemblablement tenue au début de l'année 1989. Cela complétera l'ensemble des avant-projets de loi que le présent gouvernement avait promis de déposer pour terminer la réforme du Code civil.

Par la suite, le gouvernement présentera un projet de loi définitif au cours de l'année 1989 et tiendra, cette fois, une commission parlementaire qui étudiera la globalité du projet de loi article par article. Il s'agit donc là, M. le Président, on doit en convenir, d'un processus relativement long et complexe, un processus qui, lui-même, nécessitera une autre législation d'application ayant pour objet de proposer des ajustements requis, nos lois et, enfin, d'assurer la transition entre les règles actuelles et les règles proposées.

Si je vous rappelle ainsi tous ces faits concernant les étapes accomplies ou à l'être du processus de la réforme du Code civil, c'est pour démontrer deux choses. Tout d'abord, que le gouvernement a la volonté ferme de terminer le long processus de la réforme du Code civil, les citoyennes et citoyens du Québec seront dotés d'un nouveau Code civil pour 1990-1991; deuxièmement, que le gouvernement a besoin de la participation de toutes les personnes et organismes intéressés pour remplir adéquatement cette mission, traduire de façon législative les besoins et aspirations de la société québécoise d'aujourd'hui et de demain.

M. le Président, l'avant-projet de loi que nous étudions aujourd'hui traite des obligations, en général, et il aborde toutes les règles de formation, de validité et d'exécution des contrats, ainsi que les principes de la responsabilité civile. Il comprend, en outre, la réglementation détaillée d'une vingtaine de contrats qu'on appelle contrats nommés. De plus, l'avant-projet de loi regroupe désormais les principes qui sont à la base du droit de la consommation.

La réforme du droit des obligations vise à adapter aux réalités de la société contemporaine des règles établies en 1866 et qui n'ont été depuis que fort peu modifiées. C'est en s'appuyant sur les principes fondamentaux de l'autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle, de la force obligatoire du contrat, que nous avons conçu le nouveau droit des obligations pour établir un équilibre nouveau dans les rapports des parties contractantes de façon à favoriser une meilleure justice contractuelle. Ainsi, par exemple, le projet de loi sous étude met désormais en lumière la nécessité que le consentement à un acte juridique soit libre, éclairé et réfléchi. Il prévoit certaines obligations de renseignements entre les parties. Il prévoit aussi la sanction de la fraude - on parle de dol, en droit civil - il généralise le principe de la lésion pour l'appliquer à toute relation contractuelle d'adhésion impliquant des individus, sauf à l'égard de ceux qui exploitent une entreprise. Le projet réglemente aussi les clauses abusives dans les contrats d'adhésion et introduit des règles d'interprétation qui favorisent l'adhérant à un contrat.

Le projet généralise aussi la réduction des obligations comme recours possible en cas de consentement vicié ou d'inexécution du contrat, parallèlement au recours traditionnel en nullité, résolution, résiliation ou en dommages et intérêts. Autant de mesures nouvelles qui, nous l'espérons, devraient contribuer à imprimer au droit des contrats et des obligations en général plus de justice et plus d'équité.

Le rajeunissement des principes et des règles que l'on retrouve dans le droit des obligations en général ne se limite pas, bien sûr, au simple cadre des contrats ou actes juridiques. Il rejoint aussi le domaine de la responsabilité civile, tant contractuelle qu'extracontractuelle. La réforme en ce domaine ne s'aventure pas, à l'exemple d'autres États, à proposer un régime général d'indemnisation publique sur le modèle de l'assurance automobile ou de la santé et de la sécurité du travail.

Une telle proposition, malgré ses attraits certains devant les problèmes sérieux qui se posent à l'heure actuelle en cette matière, particulièrement en regard de la responsabilité professionnelle et médicale, aurait dépassé le cadre du droit civil. Mais si l'avant-projet sous étude reprend pour l'essentiel les principes du droit actuel axés sur les notions de faute, de dommage et de lien de causalité, il les modifie néanmoins ou en étend la portée de diverses façons. Il harmonise les règles propres au régime contractuel et délictuel de responsabilité. Il introduit également sur la base des conventions internationales des règles sous la responsabilité du fabricant de produits, règles devenues essentielles dans notre société de consommation.

Enfin, l'avant-projet institue certaines atténuations nécessaires au principe de la réparation intégrale du préjudice causé. Le projet reconnaît, à ce chapître, la possibilité d'une révision judiciaire des indemnités d'évaluation, de même que l'ouverture en faveur d'une indemnisation sous forme de rentes du dommage corporel. Ce que les tribunaux refusent d'accorder actuellement. Il faut noter aussi le pouvoir qui est désormais accordé au tribunal de mitiger les dommages, lorsque la faute commise pas l'auteur n'est ni intentionnelle ni lourde et que la réparation intégrale du préjudice risque de le placer dans une situation très difficile ou pénible afin d'éviter de créer une seconde victime dans la personne de l'auteur même du dommage. Ce rajeunissement des règles et principes effectué au titre des obligations en général et dont j'ai voulu tracer les grandes lignes, M. le Président, on le retrouve également au titre des contrats nommés.

D'autres contrats, M. le Président, font

aussi l'objet de modifications ponctuelles visant à régler certaines difficultés d'application qui se sont soulevées. C'est le cas des contrat de dépôt, de jeu, de pari et de transaction. C'est aussi le cas des contrats de prêts et de cautionnement. De plus, d'autres secteurs, comme les contrats de transport de travail, de service et d'entreprise ou contrats d'oeuvre sont entièrement revus et codifiés. En ce qui regarde les sociétés, on donne à la société en nom collectif, comme celle de bureau d'avocats et la société en commandite, comme des groupes d'investissement, une personnalité juridique, ce qui devrait permettre de répondre plus adéquatement aux attentes des personnes concernées et, aussi, assurer entre autres une meilleure protection des créanciers.

M. le Président, le présent projet intègre aussi certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, dont les règles sur la vente à tempérament susceptibles d'être généralisées. On y élargit aussi le domaine de la vente en bloc au-delà du concept de vente d'un fonds de commerce pour recouvrir désormais la notion plus générale de vente d'une partie substantielle d'une entreprise.

L'avant-projet tient également compte des développements récents en matière de vente de marchandise et, entre autres, de la convention des Nations Unies sur la vente internationale de marchandises, adoptée à Vienne en 1980.

M. le Président, je veux souligner que le Québec envisage d'adhérer à cette convention internationale sur la vente des marchandises.

Tels sont donc quelques-uns seulement des éléments de réforme qu'apporte l'avant-projet sous étude en matière de contrats nommés et qui s'ajoutent à ceux que j'ai évoqués au sujet des obligations en général. À eux seuls, ces quelques éléments dont je viens de vous rappeler les grandes lignes, témoignent de l'ampleur des réformes que comporte l'avant-projet soumis aujourd'hui à l'étude des députés et du public.

Là-dessus, M. le Président, je voudrais terminer en remerciant, encore une fois, tous ceux et celles qui se sont donnés la peine de réfléchir sur cet avant-projet de loi, qui se sont donnés la peine de venir ici et qui viendront ici, cette semaine, nous formuler leurs commentaires et leurs suggestions. Mes collègues et moi sommes ici pour consulter la population avant de nous prononcer plus avant sur une réforme qui propose des règles qui constitueront le droit commun des citoyens et des citoyennes du Québec pour plusieurs décennies. Aussi, je veux vous assurer que vos observations recevront toute l'attention qu'elles méritent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la Justice. Maintenant, je demanderais au porte-parole de l'Opposition, M. le député de Taillon, de procéder à sa déclaration d'ouverture.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole en ce début de commission parlementaire étudiant l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec en ce qui a trait au droit des obligations. Lorsque j'ai écrit la dernière ligne de mon examen du Barreau, en 1969, à peu près en même temps que l'un des juristes qui est à la table, devant nous, jamais je n'aurais pu m'imaginer que j'aurais à refaire mes devoirs d'une façon aussi studieuse. Mais la vie politique étant essentiellement le devoir de représenter nos concitoyens et nos concitoyennes, cela nous amène à faire des lois dans tous les secteurs d'activité. Je dois vous dire que c'est avec grand plaisir que j'ai accepté ce mandat de représenter ma formation politique dans ces travaux qui commencent aujourd'hui.

M. le Président, il convient bien sûr de souligner l'importance capitale de ces travaux de consultation qui débutent aujourd'hui en commission parlementaire, puisque ces travaux portent sur une clé de voûte du Code civil, soit le droit des obligations. Toutes les règles générales ou particulières relatives à la formation, à la validité et à l'exécution des contrats ainsi que tous les principes de la responsabilité civile, c'est le coeur, c'est le système nerveux, finalement, de notre droit. C'est le coeur et le système nerveux des relations entre les différentes parties de notre société. Cet avant-projet comprend également des règles régissant une vingtaine d'autres contrats plus spécifiques allant de la vente jusqu'au contrat de consommation; c'est donc une matière énorme. Pour m'aider dans cette étude, M. le Président, et je pense que ce travail aurait été presque impossible pour un député qui doit quand même consacrer d'autres heures à ses travaux, ne serait-ce qu'à cause de ce qui se passe de l'autre côté, au salon bleu ou au salon rouge, à cause de nos devoirs de comté également, il m'aurait été impossible, dis-je, d'arriver prêt ce matin et d'effectuer l'ensemble de ces travaux si, pour m'assister, je n'avais pu bénéficier de l'aide que j'ai actuellement de deux éminents juristes que je voudrais, M. le Président, vous présenter ainsi qu'aux autres membres de cette commission. Ces deux juristes vont m'accompagner tout au long de nos travaux; ils interviendront quelquefois directement pour poser des questions à nos invités, étant beaucoup plus spécialisés que je puis l'être dans certains secteurs. Il s'agit, à ma gauche, de Me Claude-J. Melançon et, à ma droite, de Me Pierre Gariépy, tous deux avocats de la firme Guy et Gilbert de Montréal.

Je tiens également à féliciter le travail méritoire de toutes ces personnes qui travaillent un peu dans l'ombre, nos codificateurs, nos rédacteurs, ces gens qui doivent assumer la cohérence de l'ensemble des dispositions contenues dans un avant-projet de loi. Ce qui me

frappait le plus à l'université, quand j'étudiais le Code civil, le Code de procédure civile ou le Code criminel, c'était de voir cette espèce de pensée unique et cohérente qui englobe l'ensemble d'un code ou des codes, sinon nos grands textes législatifs deviennent un peu inutiles. Donc, il est normal, lorsque nous révisons et réformons nos lois, qu'on puisse également voir cette pensée, cette trame unique qui enveloppe de façon aussi parfaite que possible toutes ces dispositions législatives qui traitent de tous les secteurs d'activité, dans ce cas-ci plus particulièrement. Je pense qu'il est de notoriété publique que l'on doive particulièrement penser à Me Longtin, Me Pinault, Me Cossette, M. le juge Chassé et d'autres également peut-être, mais particulièrement à ces personnes ainsi qu'à tous les gens de l'Office de révision du Code civil. Félicitations à ces personnes qui ont produit un texte tout à fait méritoire.

Je pense bien, M. le Président, que nous pouvons dire que le nouveau Code civil dispose de deux nouvelles assises ou de deux assises de taille particulière. D'abord, la Charte des droits et libertés de la personne. Cela m'a frappé de lire dans le préambule du projet de loi 20 la mention suivante. Le Code civil du Québec régit en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit, bien sûr... Cette mention à la Charte des droits et libertés de la personne qui constitue l'une des nouvelles assises de ce que sera le Code civil, sans nul doute.

Deuxièmement, également, l'exigence de la bonne foi - que l'on retrouve à l'article 14,19, sauf erreur, de l'avant-projet de loi - tant à la naissance de l'obligation que durant son exécution et jusqu'à sa conclusion. Il s'agira de s'assurer, de notre côté, qu'on est allé au bout de ses principes en accordant, par exemple, aux débiteurs soucieux de démontrer leur bonne foi et pour autant que cela sera possible, l'occasion de remédier aux manquements de leurs obligations.

Enfin, je tiens à souligner, M. le Président c'est la première occasion, je pense, en commission parlementaire - la bienvenue au nouveau ministre de la Justice qui remplace le député de D'Arcy McGee qui a été assermenté après la fin de la session de juin, sauf erreur. Je tiens à lui réitérer de vive voix toute notre collaboration, comme Opposition, à faire en sorte que le nouveau Code civil soit le plus parfait possible et surtout qu'il soit adopte le plus rapidement possible, comme je le lui ai déjà signalé en Chambre, la semaine dernière. Je reviendrai là-dessus tantôt.

Cet avant-projet de loi contient des règles qui toucheront directement la vie quotidienne de tous les Québécois et de toutes les Québécoises et ce, pour des décennies à venir. Même si le processus de révision, j'ai l'impression, va continuer quand même, ce sera un processus à peu près permanent, il demeure que lorsque nous aurons complété ces travaux - je dis "nous" dans le sens de toutes les Légistatures à venir, parce que manifestement le nouveau Code civil ne pourra pas être prêt durant cette Législature-ci - on a là, donc, un travail qui va demeurer durant plusieurs années... Le Code civil affecte tous les Québécois et toutes les Québécoises dans leur vie quotidienne. Cela n'est pas toujours évident. Les gens ignorent l'importance de nos travaux. On ne leur demande pas d'ailleurs d'aller se battre dans les autobus pour les discussions que nous aurons avec nos invités.

Mais, ce sont des discussions cependant qui risquent de les affecter d'une façon tout à fait courante. On n'a qu'à lire, par exemple, la liste des contrats qui sont touchés. Qui au Québec ne conclut pas de transaction de vente dans une année? Impossible. Ou le bail, la donation, le transport, le contrat de travail, un contrat extrêmement fondamental parce qu'il touche à l'essence de la dignité des individus, contrat de mandat, contrat d'assurance, convention d'arbitrage, sujets sur lesquels j'aurai beaucoup de choses à dire, en temps et lieu, et le contrat de consommation, bref, autant de contrats qui affectent les Québécois et les Québécoises d'une façon tout à fait quotidienne. (10 h 45)

Les commentaires contenus dans les 36 mémoires qui ont été soumis à cette commission revêtent donc toute leur importance dans la mesure où ils constituent l'expression des citoyens et des citoyennes du Québec de ce qu'ils souhaitent être leur société. C'est dans ce cadre que, quant à nous, nous recevrons les mémoires des intervenants. D'ailleurs, c'est avec ce souci d'améliorer le droit que l'Office de révision du Code civil avait, en 1977, déposé un rapport des plus ambitieux qui avait suscité maintes controverses.

Dès lors, cependant, l'esprit qui présidait la réforme se définit comme un effort de réflexion collective sur l'ensemble des concepts fondamentaux du droit civil. À la base, je l'ai mentionné tantôt, de la réflexion ainsi suscitée se situait le désir d'harmoniser le droit des obligations à la Charte des droits et libertés. On se souviendra, M. le Président, que cette commission avait étudié, il y a environ deux ans, le projet de loi 92 qui visait à harmoniser l'ensemble de nos lois avec la Charte des droits et libertés. La théorie des obligations est certes l'une des plus importantes en droit civil car elle contient un bon nombre de principes généraux dont l'application déborde le seul cadre des obligations. Le consen-sualisme, la liberté contractuelle, l'autonomie de la volonté, ces principes de rigueur qui ont servi de base aux rédacteurs de 1866 ne correspondent cependant peut-être plus, d'une façon aussi pleine, aujourd'hui, à notre société, dans la mesure où ces principes contenaient d'éléments d'exclusivité.

Déjà, avant même la Loi sur la protection du consommateur de 1978, le législateur avait cru

nécessaire dans le Code civil même de tempérer les excès dus à ces principes qui remontent au siècle dernier ou même au siècle précédent. À titre d'exemple, il avait ainsi adopté, en 1947, les articles 1202a et suivants concernant la libération de certains débiteurs; en 1964, les articles 1040a et suivants dans la section de l'équité dans certains contrats. Par ces ajouts, l'application de ces articles s'étendait à tout débiteur, qu'il soit commerçant ou consommateur. Ces lésardes que sont les mesures d'équité indiquent bien que l'édifice devait et doit être repensé. On peut donc croire que l'élaboration de l'avant-projet de loi sur les obligations, dont il est question aujourd'hui, aura un impact majeur sur l'ensemble du Code civil.

Depuis 1866, date d'entrée en vigueur du Code civil, la société québécoise a progressé. Elle a, peu à peu, pris conscience des inégalités économiques et sociales des gens qui la composent. Conscient de ces disparités, le législateur a voulu protéger le plus faible. C'est ainsi que l'avant-projet reprend le concept du contrat de consommation que l'on retrouve actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur pour l'intégrer au libellé du code. De telles dispositions tranchent, bien sûr, sur le principe de la liberté contractuelle absolue que l'on retrouvait à la fin du siècle dernier et marque le souci d'implication de notre société dans la protection des plus défavorisés. Cela ne serait certes pas la première fois qu'une loi serait modifiée afin de refléter l'évolution sociale. Ainsi, en a-t-il été, par exemple, du pouvoir de contrainte, dans l'ancien droit romain - est-il utile de le rappeler? - l'inexécution des obligations par un débiteur donnait à son créancier le droit de le mettre à mort ou même de le vendre comme esclave. Heureusement, par la suite, influencées par l'évolution de la morale en général, ces mesures furent remplacées par des sanctions plus clémentes, telle la compensation pécuniaire. Ces peines, qui subsistèrent jusqu'au XIXe siècle, n'ont plus d'application aujourd'hui, mais, M. le Président, on a attiré mon attention, croyez-le ou non, sur l'article 1962 de l'actuel Code civil, deuxième alinéa, qui dit: "Lorsqu'il s'agit d'une caution judiciaire, la personne offerte comme caution doit en outre être susceptible de la contrainte par corps." Vous voyez que le droit romain a quand même traversé plusieurs décennies pour nous laisser quelques parcelles dans le Code civil que nous aurons tôt fait d'abolir, bien sûr. Je ne veux pas imputer de motifs à tous ceux qui ont révisé le Code civil avant aujourd'hui. Il s'agit-là d'un anachronisme que nous supprimerons.

Bien entendu, au-delà de certaines modifications rendues indispensables par l'évolution sociale, la plupart des grands principes généraux n'ont pas été altérés. À la suite du bouleversement de la société, à la transformation du mode de vie, à la modification des schèmes de pensée traditionnels, on pourrait aussi ajouter: à la suite de la spécialisation de l'activité humaine, à la suite de la complexité des différents secteurs d'activité humaine, la réforme devient de plus en plus urgente. C'est dans cette optique que la réforme permettra de régir des relations entre citoyens, selon les conceptions de notre temps. Je me souviens des paroles du ministre de la Justice français, M. Peyrefitte à l'époque, qui disait: Vous savez, un texte de loi, c'est toujours un texte circonstancié. J'ai toujours beaucoup apprécié ces paroles de M. Peyrefitte parce qu'elles nous disent que le Code civil que nous ferons sera bon tant et aussi longtemps qu'il correspondra aux moeurs et à la morale de notre temps. Ce n'est pas une table de Moïse que nous ferons, ce n'est pas une table de Moïse qui a été faite lorsque le Code civil a été fait. Il s'agit tout simplement de faire en sorte de concrétiser dans un texte de loi ce qui est le consensus de notre temps. Certains diraient: La sagesse moyenne du moment, je préfère peut-être le consensus de notre temps.

Déjà, les quatre premiers livres du nouveau Code civil portant sur la réforme du droit des personnes, de la famille, des successions et des biens, le projet de loi 20, ont été adoptés le 14 avril 1987, quoique non encore en vigueur. M. le Président, je voudrais prendre quelques minutes pour faire le point sur ce nouveau Code civil sur lequel l'ancien ministre de la Justice, le député de D'Arcy McGee, disait, clamait même au début de l'année 1986: Ne vous inquiétez pas, M. le député de Taillon, le nouveau Code civil sera en vigueur avant la prochaine élection. J'écoutais le député de D'Arcy McGee, il était évidemment enthousiaste que, devant tant d'enthousiasme, mon scepticisme avait baissé légèrement. Force est quand même de constater pour tout le monde qu'après trois ans de cette Législature, le nouveau Code civil du Québec n'est pas rendu très loin.

Si vous me le permettez, M. le Président, on va regarder ensemble rapidement ce nouveau Code civil du Québec. D'abord, les premier, deuxième, troisième et quatrième articles, comme je l'ai dit, ont été adoptés en 1987; c'est le chapitre 18. Le chapitre premier, des personnes, n'est pas en vigueur. Le chapitre deuxième, de la famille, est en vigueur, sauf quelques articles. Le chapitre troisième, des successions, et le chapitre quatrième, des biens, ne sont pas du tout en vigueur. En ce qui concerne le chapitre cinquième, des obligations, nous sommes évidemment à l'étape de l'avant-projet de loi. Le chapitre sixième, des priorités des hypothèques, a fait l'objet d'un avant-projet de loi; la commission parlementaire a déjà été tenue en août 1987. Mais le projet de loi n'est toujours pas... Évidemment, c'est un avant-projet de loi, donc il n'y a pas eu de projet de loi de déposé, sauf erreur. En ce qui concerne le chapitre septième, de la preuve, et le chapitre huitième, de la prescription, la commission parlementaire pourrait avoir lieu en 1989. Un avant-projet de loi a été

déposé.

Le chapitre neuvième, de la publicité des droits, comme je l'ai dit, est relié aux hypothèques, mais la commission parlementaire a déjà été tenue en août 1987 et, quant au chapitre dixième sur le droit international privé, M. le ministre, la commission parlementaire est prévue possiblement pour 1989.

C'est un bien maigre bilan. M. le Président, le prédécesseur du ministre de la Justice, dont l'actuel ministre poursuit la personnalité, nous disait: Ne vous inquiétez pas; le Code civil sera en vigueur d'un bloc. Il voulait le faire entrer en vigueur en un seul bloc. Quel grand rêve! Quel ballon qu'il faut immédiatement dégonfler, M. te Président. C'est pourquoi je demande instamment à l'actuel ministre de la Justice de convaincre ses collègues du Conseil des ministres, ce qui ne devrait pas être difficile, de procéder à l'entrée en vigueur de ce qui est déjà fait au moins, c'est-à-dire le projet de loi 20, qui contient des mesures éminemment importantes pour les citoyens et les citoyennes du Québec - j'en ai mentionné au ministre la semaine dernière - en ce qui concerne la protection de la réputation. L'ensemble des groupes, d'ailleurs, commence à revendiquer l'application de cette loi 20. Qu'est-ce que ça donne, M. le Président, d'étudier, de faire tout ce beau travail de consultation, de recevoir des gens, de leur demander de faire leur devoir, d'étudier des avant-projets quand même difficiles, si le législateur, en bout de ligne, adopte des lois sans les faire entrer en vigueur?

Les lois n'exitent pas pour les facultés de droit, pour les professeurs de droit ou pour faire des études de droits. Elles existent pour être appliquées, pour gouverner les relations entre les citoyens. Si l'ancien ministre de la Justice avait des racines tellement fortes dans les facultés de droit qu'il en avait oublié l'objectif, je suis convaincu que l'actuel ministre de la Justice ne perd pas de vue que les lois existent pour les citoyens et les citoyennes et non pas seulement pour les spécialistes, avec tout le respect que l'on a pour ces gens. En deux mois, comme je le disais à la blague la semaine dernière, les lois que nous adoptons ne doivent pas servir uniquement à poser des colles aux étudiants en droit au Barreau; elles doivent servir véritablement dans la pratique, être appliquées par les juges et les citoyens. Je suis convaincu, face à ce triste bilan - et on commence à parler d'élection pour le printemps prochain - que le ministre de la Justice aura à coeur au moins d'adopter le projet de loi 20 pour qu'il puisse dire en campagne électorale: Vous savez, on n'a pas adopté tout le Code civil; cela intéresse peu de gens. Le ministre fait la moue, cela intéresse peu de gens, soit, mais c'était quand même une promesse de votre prédécesseur à l'époque, une promesse de l'équipe libérale, le nouveau Code civil. Évidemment, ce n'est pas ce qui a fait emporter la manche, mais cela faisait quand même partie du lot. Je dis bien simplement au ministre qu il a notre collaboration pour accélérer l'étude du nouveau Code civil. Nous insistons surtout auprès de lui, au nom de tous ces groupes, de tous ces citoyens et citoyennes, pour que ce que l'on peut faire entrer en vigueur le soit dans les meilleurs délais.

En terminant, M. le Président, je voudrais citer une idée de l'honorable Louis-Philippe Pigeon qui écrivait dans son ouvrage, Rédaction et interprétation des lois, que le droit est l'expression de la politique en ce qu'elle a de plus stable. C'est une belle pensée contemporaine, de notre siècle, et, à mon sens, cette pensée de l'honorable Pigeon traduit bien notre état d'esprit, de notre côté, et nous sommes prêts à traduire dans une loi ce qu'il y a de plus stable dans notre société. L'Opposition, et je le dis sans ambages et sans réserve, apportera toute sa collaboration à ce travail non partisan, à ce travail qui est fait uniquement dans le but d'apporter, objectivement, le plus grand bienfait à nos concitoyens et à nos concitoyennes.

Je voudrais donc vous remercier, M. le Président. (11 heures)

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Taillon. Maintenant, avant d'entendre la Chambre de commerce du Québec, je demanderais au ministre de la Justice s'il a des choses à ajouter.

M. Filion: Moi aussi après?

Le Président (M. Dauphin): On peut en réponse à vos questions.

M. Rémillard: Simplement pour vous remercier, M. le député de Taillon. Si vous voulez me remercier après, libre à vous. C'était pour vous remercier, dis-je, de votre bonne collaboraiion. C'est une collaboration que vous avez accordée aussi à mon prédécesseur, le député de D'Arcy McGee, qui a fait un travail colossal dans ce dossier et je veux lui rendre hommage.

Vous dites que le travail qu'il a fait est bien peu Évidemment, vous me permettrez de ne pas être du même avis. Objectivement, les faits sont là pour le démontrer. C'est que le projet en lui-même est extrêmement difficile, complexe. C'est un projet colossal, comme je le mentionnais tout à l'heure. Ce qui a été fait a été bien fait. Je crois qu'on le doit au travail qu'a fait le député de D'Arcy McGee lorsqu'il était ministre de la Justice. Je veux lui rendre hommage.

M. le Président, le député de Taillon soulevait un point qui m'intéresse beaucoup lorsqu'il parle de la possibilité d'appliquer des parties qui sont déjà sanctionnées, mais non en application, du Code civil. Il se réfère à la loi 20. Il m'en a parlé la semaine dernière déjà en Chambre, en se référant à la protection de la réputation. C'est une question qui mérite réflexion. Je lui ai mentionné en Chambre et je lui

répète que, comme ministre de la Justice, j'ai à prendre en considération, d'une part, la possibilité de mettre en application immédiatement ce projet de loi 20, ou certaines de ses parties, qui contient, j'en suis conscient, des aspects importants sous certains aspects des droits et obligations des citoyens et citoyennes du Québec, d'autre part, je dois aussi tenir compte de l'ensemble de cette réforme du Code civil et des interrelations d'un article par rapport aux autres. Je voudrais rassurer le député de Taillon en lui disant que le seul objectif que je peux avoir dans ce dossier, c'est l'intérêt public, et c'est le fait de faire en sorte que notre Code civil, lorsqu'il sera en application tel que réformé, puisse l'être de la façon la plus compréhensive et la plus complète possible. C'est là ma préoccupation.

M. le Président, en terminant, simplement pour dire que pour moi il s'agit de ne pas brusquer les choses: campagne électorale ou non, peu importe. Il y a un objectif. Je sais que c'est le même objectif que poursuit le député de Taillon au nom de l'Opposition et que moi-même je poursuis, comme ministre, au nom du gouvernement, c'est-à-dire d'avoir la meilleure réforme possible. C'est dans ce contexte, M. le Président, que j'ai reporté cette commission parlementaire qui devait avoir lieu au mois d'août dernier. Je l'ai reportée à ce jour pour permettre à des groupes fortement intéressés par cette réforme de compléter leur étude de notre projet et de faire valoir leur opinion dans un mémoire substantiel. Je n'ai pas hésité à remettre cette commission, peu importent les campagnes électorales ou d'autres échéances uniquement sur le plan partisan. Ce qui nous importe, je pense que c'est la même préoccupation du côté de l'Opposition, c'est que cette réforme se fasse dans les meilleures conditions possible. C'est mon seul objectif, mon seul but, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. Filion: Juste quelques secondes. C'est sûr qu'en adoptant une partie du Code civil, on peut affecter d'autres parties. Par exemple, cela n'a pas empêché, dans le chapitre de la famille, de faire en sorte de l'entrer en vigueur. Je suis conscient des interrelations qui existent entre différents articles d'un même Code civil. Il demeure que c'est un aspect, c'est un facteur que le ministre mentionne à juste titre. D'un autre côté, il y a aussi l'intérêt public. Quand on fait la balance... Vous l'avez fait d'ailleurs. Est-ce que c'est le gouvernement précédent ou ce gouvernement-ci qui l'a fait, la balance au niveau du chapitre traitant de la famille? Je pense que c'est le gouvernement précédent, ce qui a fait en sorte que ce chapitre entre en vigueur parce qu'il était urgent. Urgent, entendons-nous. Urgent pour redresser des inéquités, urgent pour redresser des injustices.

Je pense que je n'ai pas l'intention de revenir ad infinitum auprès du ministre qui saisit mon point de vue. Je saisis également les éléments de sa réflexion. Il connaît ma préoccupation pour ce dossier. Cela va.

Auditions Chambre de commerce du Québec

Le Président (M. Dauphin): D'accord, M. le député de Taillon. Maintenant, j'invite la Chambre de commerce du Québec, représentée par M. Louis Arsenault, vice-président de premier rang. D'ailleurs, je vais lui laisser l'occasion de présenter les personnes qui l'accompagnent. Étant donné le grand nombre de mémoires que nous avons reçus, notre temps est limité malheureusement à une heure, c'est-à-dire environ 20 minutes de présentation et 40 minutes d'échanges avec les deux formations politiques. Vous pouvez commencer, et bienvenue à nos travaux.

M. Arsenault (Louis): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, membres de la commission, permettez-moi de vous remercier de nous recevoir ici ce matin. Mon nom est Louis Arsenault. Je suis vice-président de premier rang de la Chambre de commerce du Québec. J'aimerais vous présenter mes adjoints ici ce matin. D'abord, à ma droite, le vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec, M. Jean-Paul Létourneau, qui n'en est pas à sa première visite devant des commissions à Québec. À mon extrême gauche, d'abord, Me André-Pierre Asselin et Me Pierre Labelle tous deux de l'étude de Grandpré, Godin, de Montréal, qui ont collaboré étroitement à la rédaction de notre mémoire et qui sont nos porte-parole dans ce dossier.

J'aimerais également vous dire un mot sur notre organisme. La Chambre de commerce du Québec qui célébrera son 80e anniversaire, l'an prochain, regroupe toutes les 230 Chambres de commerce du Québec qui représentent toutes les régions du territoire québécois et, également, plus de 7200 sociétés membres, les grandes et les petites de tous les coins du territoire québécois.

Nous estimons donc bienvenue l'initiative du législateur de réviser le Code civil du Québec qui datait de 1866 et qui, sauf dans certains secteurs, n'avait pas subi de transformations profondes depuis. L'idée de tenir compte de la jurisprudence accumulée depuis sa création dans une version révisée est des plus louables. Toutefois, après analyse du texte de l'avant-projet, nous croyons que certains de ses aspects risquent de porter atteinte à des principes fondamentaux des relations d'affaire. C'est ce dont nous allons vous entretenir ce matin. Je cède immédiatement la parole à Me Pierre Labelle, qui nous résumera l'essentiel du contenu du mémoire de notre chambre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Arsenault. Me Labelle.

M. Labelle (Pierre): M. le Président, il ne fait aucun doute que la réforme du droit des obligations constituera la pierre angulaire du nouveau Code civil. Le droit des obligations est appliqué de façon quotidienne et par la totalité de la population. La Chambre de commerce du Québec a examiné avec un esprit d'ouverture la réforme proposée et a tenté d'évaluer l'impact de ces tendances et de ces dispositions pour l'entreprise. La Chambre de commerce du Québec est consciente de l'importance et de l'énormité de cet avant-projet de loi qui a vu le jour après plus de 20 ans de travail.

Les critiques et recommandations formulées se veulent constructives et sont destinées à promouvoir les droits des individus, mais dans un cadre qui reconnaîtra la stabilité des relations contractuelles. C'est ainsi que nous avons voulu faire d'une approche globale pour déceler les grandes tendances une approche plus particulière sur les dispositions les plus pertinentes. Quant aux tendances que nous avons décelées et évaluées, premièrement, nous notons une plus grande extension de la discrétion des tribunaux. Cette discrétion se manifeste sous forme d'ingérence dans les contrats. Comme il est mentionné au mémoire à la page 2, à la section 7, nous croyons cette tendance contraire au principe voulant que le tribunal, dans le cadre d'un débat contradictoire, interpète les dispositions contractuelles sans pour autant suppléer, de façon discrétionnaire, aux oublis ou omissions des parties contractantes. Nous notons, en exemple, l'article 1570 où le tribunal peut fixer un terme pour l'exécution d'une obligation si ce terme n'est pas autrement prévu.

Également, l'article 1666, le tribunal peut réduire le montant des dommages si la réparation intégrale risquait d'exposer le responsable - et je cite: ...à la gêne, de façon démesurée. Qu'est-ce que la gêne? Au sens du dictionnaire, la gêne est une situation embarrassante imposant une contrainte ou un désagrément. Peut-être que le terme... Il y aurait peut-être lieu de réviser le terme "gêne" parce qu'au sens commun, cela peut porter à plusieurs interprétations.

L'implication de cette disposition est mentionnée également à la page 2 du mémoire, à la section 9, deuxième phrase: La mesure de la réparation ne serait plus simplement fonction du préjudice subi, mais elle devra tenir compte de la situation du responsable. Nous croyons que l'effet indirect de cette disposition ferait tomber une partie des risques de négligence sur la partie lésée dans la mesure où elle est adoptée. Le commerçant qui transigerait avec des personnes qui s'avèrent négligentes et dont le patrimoine aurait diminué après la conclusion du contrat devrait supporter, en partie, les pertes occasionnées par son cocontractant.

Nous tenons également à souligner l'article 1802 où on prévoit, dans le cadre de la vente à tempérament, que le vendeur doit demander l'autorisation du tribunal avant de reprendre le bien lorsque l'acheteur a acquitté 50 % ou plus du prix du vente. En sus de cette obligation d'aller chercher ladite autorisation judiciaire, le tribunal peut modifier les modalités de paiement du solde. Comme nous le mentionnons également au mémoire, à la page 3, à la section 12, nous croyons que par le biais de ces articles, le législateur ouvrirait une brèche importante dans le principe, à savoir que le contrat est la loi des parties. La notion de consensualisme s'en trouverait altérée de façon notable, alors qu'elle est actuellement la base des obligations. Le législateur - pour conclure - demande aux tribunaux de ne plus simplement déclarer le droit des parties, mais d'agir à titre d'arbitre, voire même d'amiable compositeur, rôle qu'ils ne sont pas nécessairement prêts à assumer.

Également - pour terminer - nous croyons que le législateur ne peut briser l'égalité des contractants devant la loi en s'immisçant dans les contrats et en empêchant la réparation intégrale des dommages. Cela peut donner lieu à une jurisprudence inégale puisqu'une large part de subjectivité motivera les jugements.

Je passe rapidement sur l'emploi des présomptions, si ce n'est pour dire que nous croyons que cette tendance d'employer un nombre croissant de présomptions est un procédé qu'il faut décourager. Seules les présomptions créées par la jurisprudence mériteraient d'être codifiées.

Maintenant, nous arrivons à la question de la lésion. Naturellement, la lésion étant définie comme étant l'erreur économique sur la valeur de la prestation promise, ce vice de consentement ne peut être invoqué que par la personne mineure, sous le droit actuel. Certains tempéraments furent apportés, de façon ponctuelle, au fil des ans, tel que mentionné à la page 6 du mémoire, à la section 25. Ici, le législateur adopte ou veut adopter une attitude pour le moins paradoxale en édictant, dans un premier temps, à son article 1443, que le consentement doit être libre, éclairé et réfléchi et, du même souffle, admettre la lésion qui présuppose un consentement qui ne serait pas nécessairement libre et réfléchi. (11 h 15)

Je tiens à donner un exemple. Supposons un individu qui veut procéder à l'assemblage de terrains dans un quadrilatère donné. Il contacte les divers propriétaires individuellement. Les premiers sont prêts à céder leur terrain à une valeur hypothétique de 10 $ le pied carré. Plus on tend à compléter cet assemblage, les derniers propriétaires eux, ne consentiront à céder leur terrain qu'à 100 $ le pied carré. Une fois l'assemblage terminé, le promoteur le revendra peut-être à 150 $ le pied carré. Est-ce que quelqu'un a été exploité? Suivant la disposition concernant la lésion, il y aurait présomption de

lésion puisqu'il y aurait une disproportion importante, ce qui fait présumer l'exploitation. Comment expliquer toutes ces transactions? Tout cela peut se produire à l'intérieur d'un délai d'un mois. Doit-on présumer qu'il y a eu exploitation pour les premières personnes qui ont cédé leur terrain à 10 $ le pied carré? Pour eux, cela constituait une excellente affaire, pour toutes sortes de raisons.

Ce qui nous amène à toujours envisager les relations d'affaires et les relations contractuelles dans un cadre global. Il y a plusieurs choses qui peuvent motiver un individu à céder ou à ne pas céder des biens à son cocontractant. Le prix peut varier de façon incroyable. Nous croyons qu'à tout le moins, il faudrait polir cette notion de lésion. Lorsqu'on se réfère au rapport des membres de l'Office de révision du Code civil, on voulait introduire la notion de lésion entre majeurs, notamment à cause de la prolifération des contrats d'adhésion. C'est peut-être une boîte de Pandore puisque cela peut créer d'autres injustices, dont l'exemple que je viens de vous donner.

Je vous réfère à la section 32 de notre mémoire, à la page 8, où nous mentionnons que la société d'aujourd'hui accorde de plus en plus de liberté aux individus. Les gens sont plus informés que jamais par les moyens de communication existants et le niveau de scolarisation accru. Je suis convaincu que l'office, après une vingtaine d'années de travaux, a examiné tout cela avec beaucoup de soin. Mais ne créerons-nous pas plus d'avantages que de désavantages - pour finalement balayer du revers de la main presque 2000 ans de droit romain - tout en créant une présomption qui, il ne faut pas l'oublier, augmente le fardeau de preuve du cocontractant pour la repousser?

Dans une approche article par article, nous voulons souligner aux membres de la commission certains passages, notamment le vice de sécurité du bien qui se trouve... Oui, c'est cela. Ici, on parle du préjudice matériel. Le fabricant serait alors redevable envers l'utilisateur. Mais qu'en est-il de l'utilisateur? Est-ce qu'il pourrait poursuivre le commerçant puisque l'on prévoit justement à cet article que le seul recours du fabricant est contre l'utilisateur ou vice versa? Mais on ne parle aucunement d'un recours contre le fournisseur... Vous m'excuserez, il y a tellement d'articles que j'ai peine à retracer ce passage où l'on limite le recours du fabricant, finalement.

Je vous réfère à la page 14 du mémoire, à la section 58. On parle du nouvel article 1621: ils devraient malgré tout tenir compte des attentes légitimes exprimées par les créanciers quant à la qualité du bien, ce qui implique que cette chose pourrait parfois être de qualité marchande supérieure. Le Code civil actuel n'exige que cette qualité marchande. Cette exigence intégrerait le critère d'attentes légitimes dans notre droit, naturellement sans être défini et, ce faisant, imposerait un fardeau de preuve énorme au créancier de l'obligation, pour bien démontrer ce que sont des attentes légitimes... Je pense que c'est une notion... Personne n'est contre la justice. Comme disait saint Thomas d'Aquin: La justice est une création de Dieu entre les mains des hommes. Comme principe de justice, je pense qu'il est normal que les attentes légitimes soient respectées et je pense que cela rejoint les critères de bonne foi. Mais je pense que cela peut ouvrir la porte à certains abus.

Également, à la page 14, section 60, lorsqu'on parle du paiement au créancier apparent qui libérerait le débiteur, je crois que cela suppose le problème que le paiement effectué à un fraudeur prétendant agir pour le créancier véritable ou prétendant être le créancier véritable serait libératoire; je crois que c'est très lourd pour le véritable créancier qui se verrait devant une fin de non-recevoir lorsqu'il exercerait le recours contre ce débiteur. Ce débiteur pourrait, par une preuve, prétendre que, malgré qu'il ait payé un fraudeur, celui-ci avait toute raison de croire qu'il agissait au nom du créancier véritable ou qu'il était le créancier véritable. Et je cite le passage, à la section 60 de la page 14: Une autre disposition de ce chapitre attire notre attention. L'article 1617 de l'avant-projet de loi rendrait libératoire le paiement fait de bonne foi au créancier apparent. Que je sache, il n'y a qu'un seul créancier qui soit apparent ou non; il n'existe qu'un seul créancier. Je crois que s'il agit de bonne foi, les gens doivent vérifier la qualité de la personne qui reçoit leur paiement. Cette disposition va beaucoup plus loin que les dispositions actuelles qui rendent libératoire le paiement fait de bonne foi au créancier en possession de la créance. La possession du titre laisse tout lieu de croire qu'il est le véritable créancier. Nous croyons que cette disposition ouvrirait la voie à une interprétation large, et ce, au détriment du véritable créancier qui se verrait frustré de son paiement parce qu'un tiers avait l'apparence de créancier.

À l'article 1776, on parle du vendeur professionnel sans le définir. Mais on voit un peu plus loin qu'on semble opposer le professionnel a partie civile. Est-ce que le terme est le plus judicieux? La Chambre de commerce s'est posée la question. Est-ce qu'on a voulu innover parce que vous considériez que le terme "commerçant en semblable matière" était désuet? Lorsqu'on connaît le sens usuel des termes, le vendeur professionnel pourrait sûrement comprendre un avocat qui est naturellement un vendeur de services, mais un professionnel au sens du Code des professions. Nous aimerions connaître la démarche qui a amené le législateur à utiliser le terme "professionnel".

Un point revient souvent, et j'indiquerai d'emblée certains articles, 1783, 1790 et 1908 qui enlèveraient la nécessité de l'envoi d'une mise en demeure avant de déclarer un contrat résolu. Nous vous référons à la section 75 de notre

mémoire où nous recommandons d'obliger l'acheteur à mettre le vendeur en demeure d'exécuter son obligation dans un délai raisonnable avant qu'il puisse considérer la vente résolue. L'article 1783 stipule que: "L'acheteur peut, sans mettre le vendeur en demeure, considérer la vente d'un bien meuble comme étant résolue, si le vendeur ne délivre pas le bien dans un délai raisonnable depuis la vente." Comme l'ont mentionné les membres de la commission, je crois que la base des contrats est la bonne foi. Il faut voir la mise en demeure comme un outil de communication entre les cocontractants. Je crois que cela peut laisser place à des abus de considérer de façon unilatérale une vente comme étant résolue. La mise en demeure n'est finalement pas une sommation, mais plutôt une demande bien légitime d'exécution de la prestation de la partie cocontractante. Je pense que cela peut faire partie d'un ensemble qui favorise une communication et vérifie la bonne foi des parties. En enlevant cette obligation de mise en demeure, nous croyons que le législateur fait fausse route. La mise en demeure a sa raison d'être; elle ne doit pas être perçue comme une sommation, mais plutôt comme une invitation à exécuter sa prestation afin que les parties soient bien conscientes ou bien avisées des intentions du cocontractant.

Un dernier point, puisque le temps presse, concerne le contrat de travail, à l'article 2149. Je vous réfère également aux pages 22 et suivantes du mémoire. L'attitude de législateur nous semble, encore une fois, quelque peu paradoxale, lorsqu'il juxtapose les articles 2145 et 2151. À l'article 2145, on indique que l'employeur est tenu de fournir le travail convenu et, d'autre part, au deuxième alinéa de l'article 2151, on prévoit que l'employeur peut mettre fin au contrat d'emploi advenant l'inaptitude totale de l'employé. D'une part, il doit fournir le travail qui était convenu, mais, si, de l'autre côté, l'employé ne peut offrir sa pleine prestation à son travail... Qu'a voulu dire le législateur par: "L'inaptitude totale de l'employé"?

À la Chambre de commerce, nous croyons que l'employé est apte ou inapte à remplir son travail. Naturellement, il peut y avoir des degrés d'aptitude à remplir son travail, mais lorsque l'on juxtapose l'obligation de l'employeur de ne lui fournir que le travail convenu...

Mais, ce qui était convenu, c'était la prestation totale du travail et non pas partielle. Cependant, l'employeur ne serait justifié à mettre fin au contrat de travail qu'advenant l'inaptitude totale. (11 h 30)

D'une part, il doit offrir le travail qui était convenu. D'autre part, il ne peut pas mettre fin au contrat de travail si l'employé ne peut fournir la prestation totale de travail. C'est assez paradoxal. Lorsqu'on emploie un qualificatif tel que "total", je pense qu'il faut plutôt se demander si l'employé peut exercer ou remplir sa prestation de travail.

Pour terminer, l'avis de congé. Lorsqu'on parle de cessation d'emploi, à l'article 2150, "Lorsque le contrat est à durée indéterminée - ce qu'il arrive dans la plupart des cas - chacune des parties peut y mettre fin en donnant à l'autre un avis de congé", comment cet article peut-il se concilier avec l'article 82 de la loi sur les normes qui prévoit des délais de préavis? L'employé aurait-il deux recours? Cet article vise-t-il tant les employés cadres que non cadres, alors que l'article 82, en apparence, malgré une jurisprudence récente qui semble permettre aux employés cadres visés à l'article 82 qui ont droit a une ou deux semaines, selon le nombre d'années d'ancienneté, mais en plus, auraient droit à un avis de congé raisonnable... Autrement dit, l'article 82 ne serait plus une norme maximale, mais bien une norme minimale.

À la Chambre de commerce, nous croyons qu'il serait préférable d'inclure cet article plutôt dans le cadre des lois spécialisées dans le domaine du travail et non pas dans le cadre d'une réforme du Code civil parce que cela peut laisser place à énormément d'interprétations, à savoir si c'est un recours alternatif, cumulatif. On ne le sait pas. C'est vague.

Je tiens à remercier les membres de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): J'aimerais remercier la délégation de la Chambre de commerce du Québec pour la présentation de son mémoire. Nous sommes maintenant rendus à la période de discussion. Je donne la parole au ministre de la Justice.

M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. Arsenault, M. Létourneau, M. Asselin, M. Labelle, merci de vous être déplacés pour venir nous faire valoir les points de votre mémoire. Je veux vous féliciter sur la qualité de ce mémoire, mémoire très bien fait, qui est dans la ligne de la qualité à laquelle nous sommes habitués de la part de la Chambre de commerce du Québec. Je vous en remercie.

Vous faites valoir des points très intéressants qui vont certainement nous amener à réfléchir très sérieusement sur différents points. De par le contact que vous avez avec beaucoup de vos membres qui sont dans le domaine des affaires, vous pouvez nous apporter une expertise tout à fait privilégiée pour nous faire réfléchir sur la portée de certains articles. Vous l'avez très bien fait dans votre mémoire, de même qu'il a été bien exposé aussi par Me Labelle. Je vous en remercie.

Vous me permettrez de vous poser une question sur un aspect qui, je crois, peut concerner beaucoup vos membres et qui nous amène aussi à quelques réflexions. C'est considérant la vente d'entreprise, les articles 1822 et suivants du projet de loi. Anciennement, c'est ce qu'on appelait la vente en bloc. On l'appellera main-

tenant la vente d'entreprise. Il y a une nouvelle procédure prescrite qui se veut un processus plus équitable entre l'acheteur et le vendeur, en matière de vente d'entreprise, avec des droits et des obligations de part et d'autre. Vous ne faites pas de commentaire sur cet aspect important de votre mémoire. Vous en avez fait sur bien d'autres aspects, vous ne pouvez pas tout couvrir. Mais est-ce que ce serait possible de vous demander si vous avez fait une certaine réflexion, si vous avez des commentaires à nous faire valoir sur ces articles concernant la vente d'entreprise?

M. Labelle: Naturellement, nous l'avons examiné. Nous n'avions pas de commentaires - assez curieusement peut-être, à votre surprise - particuliers. Pour autant que je me souvienne - je n'ai pas relu toutes les dispositions - on consacre encore une fois le principe d'inopposabilité de la vente si elle n'est pas accompagnée d'un affidavit. On parie de la déclaration solennelle, naturellement. Le principe d'inopposabilité est également reconnu, comme cela l'était dans le passé. On prévoit un mécanisme concernant les créanciers privilégiés ou détenant une sûreté particulière. On prévoit également - et vous me corrigerez - que le prix de vente ne peut être distribué au vendeur si les créanciers, ceux décrits à la déclaration solennelle, n'ont pas été préalablement payés. C'est conforme au droit actuel. C'est peut-être plus actualisé.

Je ne sais pas si le ministre veut souligner un article en particulier. Il ne semble pas y avoir un reproche ou une critique particulière a faire sur ces articles.

M. Rémillard: Je constate donc que vous êtes satisfaits de ces mesures. C'était important pour nous d'avoir votre réaction sur cet aspect. Je vous en remercie.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, si vous le permettez?

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Létourneau.

M. Létourneau: Nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner à la loupe cette partie du projet de loi, parce que nous devions faire vite et qu'il y en avait beaucoup. Étant donné que le ministre souligne à notre attention cette partie du projet de loi, nous demandons la permission de pouvoir y regarder de plus près et de soumettre en annexe à notre mémoire par la suite, par écrit, à la commission, toute observation que nous pourrions faire relativement à la portée de cette section de l'avant-projet de loi.

Le Président (M. Dauphin): Très bien, M. Létourneau.

M. Rémillard: M. le Président, oui. Il y a une question qu'on peut se poser et je vous la lance comme cela. Est-ce toujours nécessaire de réglementer la vente en bloc, la vente d'entreprise? Dans certains États américains et certaines provinces, ils l'ont laissé tomber. Ils se référaient tout simplement aux autres dispositions générales du Code civil. Est-ce toujours pertinent? Nous, il est là. Il y a des mesures bien précises. J'apprécie, M. Létourneau, que vous puissiez prendre le temps et éventuellement y réfléchir et nous faire parvenir plus tard vos commentaires. C'est un autre aspect important.

M. Létourneau: Vous avez raison, M. le ministre. Nous allons y regarder de plus près. Pour le moment, nous ne pouvons donner notre accord total sans avoir fait une double vérification.

M. Rémillard: M. Létourneau, est-ce que je peux vous demander s'il est possible de nous le faire parvenir le plus tôt possible, avant le 31 décembre? Si je tiens compte des remarques de M. le député de Taillon, il faut procéder rapidement.

M. Létourneau: Nous allons le faire avec la plus grande célérité, M. le Président.

M. Rémillard: Je l'apprécie beaucoup et je vous en remercie.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: Je veux à mon tour féliciter les auteurs du document de la Chambre de commerce du Québec pour son implication dans le dossier, pour un mémoire très précis, très bien fouillé, très à point. Je pense qu'on se rend compte, comme on disait tantôt, de l'importance des travaux que nous sommes en train d'effectuer. Lorsque je vous écoutais traiter de l'adhésion tantôt, on peut s'imaginer l'ensemble des conséquences d'une modification ou de la portée d'une modification semblable à celle qui suit.

Je suis sensible à vos arguments sur l'adhésion. Je pense les avoir bien saisis, sur la mise en demeure également. Je pense que Me Labelle, vous avez été particulièrement éloquent. Je voudrais revenir sur deux aspects de votre présentation. D'abord, en ce qui concerne le contrat de travail. À la page 23 de votre mémoire, particulièrement à l'article 2151, on propose d'invalider la clause de non-concurrence, si le congédiement a lieu sans cause. Vous vous opposez à ce qu'on puisse annuler, finalement, la clause de non concurrence. C'est une clause extrêmement populaire dans plusieurs types de contrat de travail, les compagnies exigent des employés qu'ils ne se servent pas de l'expertise acquise pour le bénéfice de concurrents, c'est normal.

Sauf que là, dans ce cas-ci, le motif de congédiement aurait été jugé sans cause et on voudrait maintenir la clause de non-concurrence. Vous vous opposez à ce que cette clause soit maintenue de telle sorte qu'on se retrouve... Ne se retrouverait-on pas devant la situation suivante? Par exemple, un employé a été congédié injustement, mais il ne peut pas travailler ailleurs, parce que la clause de non-concurrence est toujours de mise, si je suis votre argument. Cela fait un peu lourd à endosser. Est-ce que j'ai bien compris le propos de la Chambre de commerce? Vous pourriez peut-être expliciter votre point de vue.

M. Labelle: À l'heure actuelle, les tribunaux exigent le fardeau de preuve de la part de celui qui invoque la clause de non-concurrence. Déjà là, l'employeur a un fardeau à démontrer qu'elle est raisonnable. La dernière jurisprudence, les derniers arrêts sont en ce sens. Cependant, je crois qu'il faut voir quand même les relations contractuelles. On tente de viser tous les cas de clause de non-concurrence. Je pense que, comme le souligne le mémoire, il peut arriver des situations où l'employé peut avoir pris connaissance d'une grande quantité d'informations confidentielles. Je pense que l'employeur, dans un marché de concurrence, doit être extrêmement prudent quant à la confidentialité de ces informations qu'il a acquises bien souvent à un coût assez élevé et au fil des ans.

Et de permettre qu'une personne puisse utiliser ces renseignements, je pense qu'on voit la clause de non-concurrence comme étant, finalement, le prolongement du devoir de loyauté de l'employé. Dans ce sens, je crois que si on veut protéger par une clause de non-concurrence ce devoir de loyauté se continuer, nous y croyons. Mais, après la cessation d'emploi si l'employé a pris connaissance d'informations confidentielles et d'informations qui peuvent faire en sorte qu'il puisse entrer en concurrence directe avec son ex-employeur, je pense que c'est ce qu'on veut éviter. Naturellement, je comprends le souci du député de Taillon, il peut arriver des cas où ça peut créer certaines injustices. Il y a des cas naturellement où il n'y a pas d'information confidentielle. (11 h 45)

On peut prendre le cas d'un laitier ou d'un livreur d'huile qui avait un certain arrondissement de livraison; là, on a mis fin à son contrat et il ne pourrait plus livrer d'huile dans cet arrondissement, ce sont des cas extrêmes. Mais il y a d'autres cas, des vendeurs à commission, par exemple, qui ont des listes de clients, la liste des personnes-ressources chez ces clients et qui peuvent profiter de ces informations qui sont privilégiées. Pour autant que la clause de non-concurrence constitue une certaine forme de prolongation du devoir de loyauté de l'employé, nous sommes favorables à la sanction et au respect de la clause de non-concurrence; c'est plutôt dans ce sens-là.

M. Filion: Même dans les cas où le congédiement est injustifié ou qu'il a été fait sans cause.

M. Labelle: À ce moment-là... Oui. Encore là, les tribunaux ont à juger de la raisonnabilité de la clause, cela demeure...

M. Filion: Oui.

M. Labelle: ...la raisonnabilité quant au temps et quant à l'endroit où la clause s'applique.

M. Filion: D'accord.

M. Labelle: Cela demeure.

M. Filion: C'est bien. Le ministre, tantôt, posait une question sur l'aliénation d'entreprise. Je pense qu'il y a peut-être des notes additionnelles qui seront envoyées...

M. Labelle: Oui.

M. Filion: ...mais vous soulevez quand même, à la page 24 de votre mémoire, à ce chapitre touchant indirectement l'aliénation d'entreprise, vous recommandez, dis-je, l'abandon de la disposition visant à la reconduction, si l'on veut, des contrats de travail existants dans l'entreprise dans les cas d'aliénation d'entreprise. Je pense que je vous ai bien saisi, c'est le sens de la suggestion de la Chambre de commerce, à savoir s'il y a une aliénation d'entreprise, le nouveau propriétaire n'est pas légalement tenu vis-à-vis des contrats individuels de travail au sein de l'entreprise.

M. Labelle: C'est cela. M. Filion: D'accord.

M. Labelle: C'est le sens, je pense, de la recommandation.

M. Filion: C'est difficile... D'abord, en ce qui concerne le Code du travail, on va laisser la Cour suprême trancher sur la portée des articles 45 et 46 du Code du travail, mais il demeure que, de façon générale, on peut dire qu'il existe pour les travailleurs qui sont regroupés en association de salariés une forme de protection dont l'étendue exacte reste à être définie par la Cour suprême.

Dans ce cas-ci, ce que vous recommandez me semble, à première vue, aller assez loin. Le nouveau propriétaire ne serait pas tenu de respecter ces contrats individuels de travail. Je me demande si ce ne serait pas ici privilégier, en tout cas, une catégorie de travailleurs que sont les travailleurs syndiqués par rapport aux tra-

vailleurs non syndiqués. Peut-être que je pourrai commencer ma question par la situation actuelle. Finalement, dans le cadre de la situation actuelle, le nouveau propriétaire est tenu de respecter les contrats individuels de travail. On me corrigera...

M. Labelle: L'article 96, la loi des normes...

M. Filion: Bon!

M. Labelle: ...le prévoit.

M. Filion: Vous, vous recommanderez finalement qu'on écarte un peu...

M. Labelle: Finalement, qu'on l'écarte...

M. Filion: ...ce petit principe-là.

M. Labelle: À tout le moins, c'était dans le sens de notre recommandation, que tout ce qui concerne ces cas particuliers en ce qui a trait au droit du travail soit regroupé dans une loi particulière.

M. Filion: Oui.

M. Labelle: Je pense qu'encore là, si on veut l'uniformité des lois régissant les relations du travail, ces cas particuliers devraient plutôt être inclus dans des lois particulières.

M. Filion: D'accord.

M. Labelle: M. Létourneau a également un mot à ajouter.

M. Létourneau: Vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. Létourneau, allez-y.

M. Létourneau: Dans des cas d'acquisition d'entreprise, il arrive fréquemment... Nous observons ces temps-ci, depuis deux ou trois ans, des cas assez fréquents où la raison des difficultés d'une entreprise est souvent le manque de discipline ou de fermeté de la direction de l'entreprise à avoir su rationaliser ses opérations. Petit à petit, il y a des situations qui se détériorent et qui forcent l'entreprise à se mettre en vente. L'acheteur, pour rentabiliser l'entreprise et protéger les emplois - faisons l'hypothèse qu'il y a 150 emplois dans l'entreprise - des 100 employés qui ont vraiment besoin d'être là, il doit en mettre 50 à pied, sans cela c'est la clé dans toute l'affaire. La possibilité pour le nouveau propriétaire de faire la rationalisation qui s'impose dans le personnel devient une question de survie pour l'entreprise et pour l'emploi de ceux qui ont besoin d'être là pour exécuter le travail qu'il faut faire. Si cette flexibilité est enlevée complètement au nouvel acquéreur, de deux choses l'une: ou bien il ne fera pas l'acquisition de cette entreprise, il n'essaiera pas de récupérer et de sauver cette entreprise, ou bien il va le faire et il restera avec des charges trop lourdes pour ce que l'entreprise peut accepter et, à ce moment-là, il n'y aura pas de progression, il n'y aura pas de rentabilité. Donc, c'est un souci de flexibilité de la gestion de l'entreprise qui, entre autres, nous motive également. Et, il faut bien le reconnaître, dans beaucoup de situations, c'est ce qui a protégé l'existence de l'entreprise et la survie de la majorité des emplois des travailleurs qui s'y trouvaient.

M. Filion: J'essaie de comprendre la portée de la suggestion de la façon la plus précise possible. Lorsqu'un nouvel acquéreur, une personne, des personnes ou une corporation acquièrent une entreprise, d'abord, il y a un tas de choses à respecter. Des baux ont été signés et sont toujours a la charge du nouvel acquéreur. Des contrats d'approvisionnement ont été signés. De la machinerie a été achetée et peut être financée par une institution financière ou nantie, etc. Bref, le nouvel acquéreur d'une entreprise, quand il achète, il achète un tas d'obligations et de droits. Il achète un marché qui est déjà développé. Il achète des possibilités. Dans certains cas, il achète sous réserve d'une rationalisation à être faite, rationalisation qui peut s'appliquer dans le secteur des ressources humaines comme dans n'importe quel autre secteur. Par cette suggestion, est-ce que vous ne renversez pas... Vous demandez une flexibilité, une souplesse, je vous suis bien; sauf que, cette souplesse, dans le secteur des ressources humaines, se ferait carrément au désavantage des travailleurs qui ne sont pas regroupés en association et qui sont liés par de simples contrats individuels de travail. Il faut bien se le dire, les nouveaux acquéreurs, en pratique - vous pourrez me corriger - qu'est-ce qu'ils font? Ils négocient tout. Ils essaient de limiter les dépenses, de changer les baux, de modifier les contrats d'approvisionnement, de développer de nouveaux marchés et de corriger la situation de l'entreprise pour la rendre la plus profitable possible. Et lorsque la Chambre de commerce du Québec suggère que les contrats individuels de travail ne soient pas respectés par les nouveaux acquéreurs d'une entreprise, sur le plan de l'équité, cela me semble aller assez loin. À ce moment-là, il est sûr qu'on se retrouverait devant un tas de travailleurs et de travailleuses tout à fait démunis, isolés dans leurs négociations vis-à-vis du nouvel acquéreur. Est-ce que je saisis bien la portée de votre suggestion?

M. Labelle: La transmission des lois est reconnue à l'article 96 de la Loi sur les normes du travail, que je sache.

M. Filion: Oui.

M. Labelle: Ici, dans cet article, on vient dire autrement ce qui est déjà contenu dans la Loi sur les normes du travail. C'est le droit individuel qui est protégé. Autrement dit, par exemple, en vertu de l'article 96, un travaileur qui justifie déjà cinq ans de travail chez ce même employeur peut faire valoir ces cinq années d'ancienneté devant le nouvel acquéreur et en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, advenant un congédiement ou une cessation d'emploi, peut demander la réintégration à son travail; c'est déjà prévu. Là, on semble dire que d'emblée... De toute façon, la loi sur les normes le prévoit. Pourquoi le mentionner? Je ne vois pas la différence entre l'article 2156 et l'article 96 de la Loi sur les normes du travail.

M. Filion: En deux mots, on se comprend bien. Finalement, vous êtes d'accord avec le principe du projet de loi, sauf que vous aimeriez mieux que ce sort regroupé dans une autre loi.

M. Labelle: C'est cela.

M. Filion: Mais vous êtes d'accord pour qu'il y ait une certaine reconduction des contrats de travail, tel que stipulé dans la Loi sur les normes du travail.

M. Labelle: C'est ça. Qu'il y ait un code de travail mais un code de travail qui vise les employés non syndiqués. L'actuel Code du travail vise plutôt les syndicats. Il y a la loi sur les normes qui protège également les non syndiqués.

M. Filion: Oui. On me signale que la Loi sur les normes du travail exclut les cadres de l'entreprise...

M. Labelle: C'est exact.

M. Filion:...qui pourraient être couverts par le présent projet de loi.

M. Labelle: Pas l'article 96. M.Filion: Bon. C'est à vérifier.

M. Labelle: En tout cas, il me semble, que je sache...

M. Filion: On me souffle à l'oreille que cet article ne couvre pas les cadres, mais peu importe.

Écoutez, de mon côté, je voudrais vous remercier de ces éclaircissements à votre mémoire. Encore une fois, je ne pose pas de questions sur ce que vous avez signalé quant à la lésion en particulier, à la mise en demeure, mais je pense que vos arguments à ce sujet étaient bien présentés.

Donc, Me Labelle, Me Asselin, je vous remercie, M. Létourneau et M. Arsenault.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Taillon. Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Bonjour messieurs. J'aimerais connaître - tout comme pour l'article 1782, vous ne nous avez rien exprimé à ce sujet - votre position face à l'article 1950, lequel accorde au locataire d'un bail commercial le droit à une indemnité à la fin du bail pour les impenses auxquelles il était tenu en vertu du bail en vue de l'aménagement des lieux.

Si un locataire, durant le bail, a été obligé de faire certaines améliorations au local qui avaient été promises dans le bail et qu'il a été obligé de payer, croyez-vous qu'à la fin du bail, un bail commercial naturellement, il aurait droit à une indemnité?

M. Labelle: Je laisserai plutôt le soin à M.... Mme Bleau: Ah non! On parle de l'article...

M. Labelle: C'est l'article 1950, n'est-ce pas?

Mme Bleau: Oui, article 1950. M. Létourneau: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Létourneau.

M. Létourneau: Nous avons lu cet article. Il ne nous apparaissait pas qu'il y avait lieu pour nous de faire des observations particulières par rapport à cette disposition.

Mme Bleau: C'est que vous jugez l'article conforme à vos vues?

M. Létourneau: Oui. À l'analyse de l'article, nous n'avons pas trouvé qu'il y avait injustice dans cette proposition, qu'il y avait abus ou quelque chose du genre.

M. Labelle: Excusez-moi, M. le Président. Le cadre de cet article, c'est toujours dans le cas où le locataire est obligé de faire ces travaux en vertu du bail. Vraiment, ça fait partie des conditions du bail que le locateur oblige le locataire à faire ces travaux. Donc, il y aurait une récupération de la part du locateur. Ce serait finalement un enrichissement dont la cause ne serait peut-être pas tellement légitime. Je pense que c'est la simple équité finalement entre les parties. On exige au début du bail parce que le locateur veut peut-être en faire une utilisation à l'expiration du bail. Alors, il est normal que si le contrat a été conclu dans cet esprit le

locataire soit dédommagé.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous était imparti. Je demanderais au ministre de la Justice, tout comme le député de Taillon l'a fait tantôt, de dire le mot de la fin.

M. Rémillard: M. le Président, simplement un mot pour vous remercier, messieurs, de vous être déplacés, de nous avoir fait parvenir ce mémoire, et de nous avoir fait valoir vos arguments. Nous commençons notre commission parlementaire. Étant donné la qualité de vos interventions, la qualité de votre mémoire, je crois que nous débutons très bien avec ces éléments de réflexion. Je voudrais vous assurer que nous allons prendre très sérieusement en considération les commentaires que vous nous avez faits pour réflexion.

Donc, merci et au plaisir de vous revoir. Surtout, M. Létourneau, vous n'oubliez pas, en ce qui regarde ces commentaires sur un point bien précis concernant la vente d'entreprise. Merci, messieurs.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je crois que M. Arsenault avait un petit mot à dire?

M. Arsenault: Peut-être, juste pour conclure, M. le Président. Je remercie d'abord le président et les membres de la commission de nous avoir entendus ce matin. Il est entendu que nous respectons notre engagement d'intervenir à nouveau, si nécessaire, après l'étude de l'article 1822. Nous tenons particulièrement à vous dire ici que nous insistons beaucoup sur la sauvegarde des grands principes de la liberté de commerce et de légalité contractuelle. Le contexte socio-économique d'aujourd'hui ne nous permet pas non plus de rendre plus complexes et fragiles les relations d'affaires à l'heure où la compétitivité de nos entreprises doit être de plus en plus facilitée. Merci, M. le Président, Mmes et MM. de la commission.

Le Président (M. Dauphin): Merci aux représentants de la Chambre de commerce du Québec.

La sous-commission parlementaire des institutions suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi ou après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 54)

Association des banquiers canadiens

Le Président (M. Doyon): Nous recevons l'Association des banquiers canadiens. Je lui souhaite la bienvenue. Je demanderais au porte- parle de bien vouloir se présenter. Je sais qu'on a demandé environ 25 minutes pour la présentation du mémoire. Je pense qu'avec l'accord des membres de la commisison, la chose est possible. Me Ferron ou Me Gauthier, à vous la parole.

M. Gauthier (Wilbrod): Je m'appelle Wilbrod Gauthier. Me Ferron est le secrétaire du comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens.

Lorsque nous avons comparu devant cette commission, lors des audiences qu'elle tenait au sujet de la réforme du Code civil du droit des sûretés et de la publicité des droits, nous avions déploré l'absence de commentaires détaillés sur les nouveaux textes qui étaient proposés aux justiciables québécois par l'avant-projet de loi. Je dois dire que nous le déplorons, d'autant plus dans le cas présent, parce qu'il nous semble injuste, pour les membres de cette commission, aussi bien que pour tous ceux qui se soucient de la portée éventuelle d'une législation à caractère aussi permanent que celui de la codification des droits civils fondamentaux, de se voir forcés de comprendre, sans l'appui de commentaires de ceux qui ont rédigé les textes, la nature profonde et la portée des modifications que l'on veut faire subir au Code civil qui existait jusqu'ici.

Nous, l'Associaton des banquiers canadiens, nous sommes attaqués à cette tâche quasi monumentale avec beaucoup d'appréhension. Je dois vous dire que cette appréhension demeure, nonobstant tout le travail effectué en comité juridique de l'association. Fort heureusement, les membres de cette commission ont l'avantage d'entendre les représentations de toute une gamme d'intervenants qui apportent chacun leur contribution. Nous ne pouvons qu'espérer, bien humblement que la nôtre vous sera utile dans la formulation de vos recommandations éventuelles au gouvernement, pour le dépôt d'un projet de loi à l'Assemblée nationale.

Je crois qu'il y aurait lieu, d'abord, de toucher à deux éléments de l'avant-projet dont l'un, en particulier, n'a même pas fait l'objet de commentaires de l'association dans son mémoire. Il s'agit du contrat de travail. Si on compare les dispositions du chapitre 7 du livre cinquième comportant quatorze articles aux quelques articles de l'actuel code civil relatif au louage de services personnels, on constate que cet avant-projet de loi affecte grandement la liberté contractée dans ce domaine. Nous n'en avons pas parlé dans le mémoire de l'association présenté à cette commission, mais nous nous devons de vous dire ici que dans le contexte d'un Code civil qui devrait constituer une codification de grands principes applicables à toute relation juridique, par opposition au droit statutaire, on peut s'interroger sur la philosophie législative sous-jacente à cet avant-projet plus particulièrement en matière de droit du travail. L'avant-projet de loi légifère dans un domaine qui est déjà régi par des dispositions statutaires

dont notamment la Loi sur les normes du travail et la partie III du Code canadien du travail. Si on s'en remet, par exemple, à la définition que donne l'article 1423 du contrat d'adhésion, nombre de contrats de travail seront réputés des contrats d'adhésion. Il faudra alors y appliquer les articles 1482 à 1484 sans oublier les dispositions de l'article 1516.

Je m'interroge sérieusement à savoir si cette disposition aura pour effet de limiter le droit pour les parties de faire, par exemple, des clauses de dommages liquidés advenant la violation d'une clause du contrat de travail. On n'a qu'à penser aux clauses de non-concurrence. Une autre question qui se pose est celle de savoir si le contrat de travail sera réputé d'ordre public. Je pense qu'on peut raisonnablement prétendre que ce ne serait pas le cas si on s'en tient à l'article 2153 à son deuxième alinéa. Celui-ci prévoit spécifiquement qu'une personne ne peut renoncer au droit prévu à ce premier alinéa, ce qui voudrait dire qu'il est possible de renoncer aux autres dispositions relatives au contrat de travail contenues dans ce septième chapitre. Mais je ne suis pas certain que ce soit la réponse, et je vous demande humblement de vous pencher sur cette question.

À notre avis, les modifications proposées par les articles 2144 à 2157 sont le signe d'une politique législative qui n'est peut-être pas assez cohérente, et je le dis avec tout le respect que je vous dois. Avouons-le, on semble ignorer du droit statutaire et jurisprudenciel actuel, les éléments qui semblent pourtant bien assis dans notre contexte juridique. On assiste à un processus intense de codification des règles relatives au contrat d'emploi, alors que ce même contrat est caractérisé notamment par l'absence de formalisme, de par sa nature même, nous le savons tous. Outre les nombreuses difficultés de preuve qui découleront de l'application des dispositions qui sont proposées, nous y voyons une intrusion de l'autorité législative, via le Code civil, dans un domaine qui requiert des instances expéditives et habituées à transiger avec des questions de cette nature. La mise en vigueur des dispositions prévues aurait pour effet, sans contredit, de ramener de nombreux débats devant les instances civiles, et par conséquent, de renverser la tendance des dernières années. Cela ne me semble pas de la codification. En plus d'instaurer un système de droit nouveau, sous plusieurs aspects, cet avant-projet de loi entre en conflit avec le droit statutaire, et fait naître de nombreuses difficultés même d'ordre constitutionnel.

Nous vous soumettons, avec tout le respect que nous devons au rédacteur de l'avant-projet, qu'il dort faire l'objet d'une révision en profondeur au sujet du contrat de travail. Le temps qui nous est accordé en commission parlementaire ne nous permet pas ici d'entrer dans une discussion détaillée de chacun des articles pertinents. Je vous demanderais la permission de supplémenter le mémoire de l'Association des banquiers canadiens d'un commentaire écrit détaillé, de quelques pages seulement, cinq ou six pages, au sujet de chacun des articles en question, commentaire qui est déja rédigé, et dont je pourrais vous faire parvenir à brève échéange de deux ou trois jours le texte que j'ai ici en ma possession et qu'il ne me resterait qu'à copier dans une forme présentable et commode pour vous permettre de...

Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de problème.

M. Gauthier: II n'y a pas de problème.

Le Président (M. Doyon): Nous le recevrons avec plaisir.

M. Gauthier: Merci beaucoup.

Je passe maintenant au contrat de crédit bail, au sujet duquel le Code civil avait été modifié en 1973 par l'insertion de ce qui est aujourd'hui l'article 1603.

Lorsqu'une transaction de crédit-bail, à l'heure actuelle, rencontre les cinq critères imposés par l'article 1603, elle n'est pas sujette aux dispositions du code relativement au bail en général. Mais si elle échappe à un de ces critères, si l'un de ces critères ne s'y rencontre pas, le bailleur est alors obligé de respecter une foule d'obligations qui deviennent incongrues dans le cadre d'un crédit-bail. Par exemple, l'obligation de livrer l'équipement en bonne condition, de réparation, etc., et, surtout, de maintenir dans cet état propre à son usage la chose qui a été louée par le crédit-bail, i! serait obligé aussi d'en donner la jouissance paisible et complète pendant la durée du bail et d'y faire les réparations, même si la chose est un bien meuble en possession du locataire et utilisateur du bien. Il serait obligé de garantir le bail contre les défauts cachés et de garantir le locataire contre tout empiètement par des tiers sur la jouissance de la chose.

Il existe deux difficultés - il faut le reconnaître - actuellement en vertu des disposition de l'article 1603. C'est que, d'abord, il ne s'applique qu'aux personnes qui sont dans le domaine des affaires, qui, en somme, font le commerce de prêter ou de garantir un crédit, et ne s'appliquerait donc pas au cas où un fabricant, un distributeur ou un agent manufacturier contracterait un bail qui est subséquemment transféré à une institution financière. C'est une difficulté qui limite l'utilisation du crédit-bail dans cette province. Puisque en Amérique du Nord, en Europe et en Grande-Bretagne en particulier, c'est pourtant une pratique courante que celle de faire que le fabricant lui-même puisse contracter un crédit-bail.

L'autre difficulté vient de ce que les transactions de ce qu'on appelle "Sale and Lease Back", c'est-à-dire la vente et le louage en

retour, sont exclues. Le sous-alinéa 4 de l'article 1603 requiert expressément que le bailleur doit acquérir l'équipement à être loué d'une tierce personne et non pas du locataire lui-même. Mais si on s'arrête aux articles 1903 et 1909 qui sont proposés par l'avant-projet et qui sont destinés à remplacer l'article 1603 du Code civil, malheureusement, les nouvelles dispositions ne viennent pas résoudre les deux problèmes que je viens de mentionner et qui existent en vertu de l'article 1603 mais en créent d'autres encore plus nombreux et peut-être plus graves.

L'article 1903 semble exclure la possibilité d'un bail par une institution financière à un locataire qui, ensuite, sous-loue la chose. À ce moment-là, il semble que le crédit-bail ne serait pas valable. Il tomberait donc sous les dispositions générales du contrat de louage. C'est toujours la conséquence désastreuse.

Deuxièmement - toujours à l'article 1903 -on y prévoit un terme irrévocable comme une exigence sine qua non du bail. Mais beaucoup de baux financiers à l'heure actuelle permettent ou accordent au locataire l'option d'acheter, par exemple, l'équipement qui est loué avant la fin du terme. Si on fixe le terme de façon inéluctable, ce ne sera plus possible. Les bailleurs, en vertu de crédit-bail, seraient donc placés dans une position encore plus désavantageuse vis-à-vis de celle des provinces de droit commun, des États-Unis et de la Grande-Bretagne qu'ils ne le sont actuellement.

Ensuite, on passe à l'article 1904 qui semble ne permettre la location d'équipement acquis d'un tiers à la demande de l'utilisateur. Ceci pourrait bien avoir pour effet d'empêcher un bailleur de louer le bien meuble, l'équipement, la machinerie, cela peut être un avion, même un navire à ce compte-là, à un autre locataire, après qu'il y ait eu défaut en vertu du premier bail ou après la fin du bail; parce que, à ce moment-là, il ne peut plus s'agir de l'acquisition de l'équipement d'un tiers à la demande de l'utilisateur. Déjà, celui qui fait le crédit-bail et qui loue en a acquis la propriété pour pouvoir le louer. Alors, il devient impossible de rencontrer l'article 1904. Cela va imposer des exigences beaucoup trop étroites au contrat de crédit-bail dans la province.

L'article 1603 de l'actuel Code civil extrait de l'effet du code, comme est extrait des autres effets, des dispositions du code sur le louage, comme je l'ai dit précédemment. Mais les nouveaux articles qu'on propose ne semblent pas faire cela. Ils semblent faire seulement certaines exceptions. Je me demande vraiment... Il faudrait faire l'exercice de concordance de ces dispositions avec celles sur le louage pour voir si vraiment, on a encore au moins cet avantage de base que l'article 1603 donne actuellement. Je suis loin d'en être certain.

Quant à l'article 1909, il ne parle pas des prolongations au terme du bail initial. On comprend pourquoi parce qu'en 1903 ou en 1904 il prévoit un terme irrévocable. Si l'utilisateur devient un locataire et le bailleur perd le bénéfice des exceptions, je vous soumets que l'utilisation du crédit-bail dans cette province va diminuer à un minimum. On ne peut pas laisser cette situation qui résulterait de l'article où nous sommes.

Ensuite, je dirais en terminant que l'utilisation du terme "utilisateur" au lieu de "locataire" va causer des inquiétudes aux bailleurs, à ceux qui font du crédit-bail et qui offrent des baux destinés aux opérations de ceux qui louent et qui ont droit à certains bénéfices fiscaux tels la location de coût en capital. Actuellement, Revenu Canada et le ministère du Revenu du Québec sont habitués à l'expression "locataire". Ils savent exactement là où tirer la ligne. Mais avec le changement vers l'expression "utilisateur", à mon avis, on va créer des problèmes qui vont encore rendre les financiers qui font de ce genre de crédit-bail très nerveux. Ce n'est pas seulement les banquiers, ce sont les autres institutions financières aussi. C'est donc dire que, en résumé sur le crédit-bail, s'il n'est pas révisé et dans le sens où je l'ai suggéré sommairement, on risque de voir la plupart des contrats de crédit-bail qui seraient normalement conclus dans cette province être conclus ailleurs. C'est ce qui va arriver. (16 h 15)

Avant d'aller plus loin, je me dois de corriger immédiatement une fausse impression qu'auraient pu créer dans l'esprit des lecteurs du mémoire les commentaires de l'association quant aux articles 1622 et 1631. En effet, le commentaire de l'association à l'article 1631 laisse entendre qu'une offre réelle puisse être acceptable si elle est faite non seulement par la remise d'une somme d'argent, mais aussi au moyen de traite, mandat et autres instruments bancaires, ce qui est voulu par le commentaire, alors que le commentaire à l'article 1622 voudrait limiter les moyens de paiement d'une dette d'une somme d'argent soit à la remise de la somme prévue, soit à un chèque certifié.

Après en avoir discuté entre nous, nous croyons que l'article 1622 pourrait, comme l'article 1631 le fait pour les offres réelles, étendre les moyens de paiement à la traite ou au mandat. Cependant, l'association demeure sur ses positions pour rejeter comme autre modalité d'offre réelle ou de paiement le recours à un système de transfert électronique de fonds ou même à la carte de crédit ou autre instrument similaire. On en parle déjà assez abondamment dans le mémoire.

Je dirais que le texte proposé de l'article 1622 est nettement déficient ou peut-être trop large en permettant au débiteur de payer par la simple présentation d'une carte de crédit ou autre instrument de paiement similaire. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela me semble trop vague. À notre avis, il faut que ce mode de paiement demeure le résultat d'une relation contractuelle

entre le créancier et le débiteur et que ce soit une relation contractuelle que le créancier peut, selon les circonstances, refuser ou accepter. Cela, pour deux raisons. La simple présentation d'une carte de crédit ne peut pas être imposée comme mode de paiement ou d'offre réelle puisque rien ne prouve que le porteur qui présente sa carte de crédit a à son compte, au moment de la présentation de la carte, le crédit voulu pour couvrir la somme.

De toute façon, et c'est la deuxième raison qui importe peut-être le plus, parce qu'à la première raison on a essayé de faire un aménagement - et j'y reviendrai dans un instant -rien dans la loi ne devrait forcer un marchand à accepter le paiement du prix d'un bien meuble vendu au moyen d'une carte de crédit, même si de nos jours, rares sont les commerçants qui n'acceptent pas, en règle générale, le paiement par carte de crédit après avoir vérifié auprès de l'émetteur de la carte que le crédit est toujours disponible.

Il me semble inconcevable que le créancier d'une somme en vertu d'un simple contrat de prêt entre deux individus puisse être forcé d'accepter paiement au moyen d'une carte de crédit, alors qu'aucun lien contractuel ne lie le créancier, ni à l'émetteur de la carte, ni au débiteur et vice versa. Il nous semble que le rédacteur est nettement allé au-delà de sa pensée. Il est vrai que le texte atténue quelque peu cette incongruité par l'utilisation de la proposition circonstancielle à la fin qu'il exprime ainsi: Lorsque le créancier est en mesure de l'accepter. Je dis que l'on devrait dire: Lorsque le créancier est prêt à l'accepter. Pour ces raisons, nous croyons que les articles 1622 et 1631 devraient limiter les modalités selon le cas du paiement ou de l'offre réelle, à la remise de monnaie ou d'un chèque certifié ou d'une traite ou d'un mandat point. Cela ne veut pas dire que le paiement effectué au moyen d'une carte de crédit ou d'un système de transfert électronique soit invalide s'il est accepté par les deux parties. Tout ce que les banquiers ont voulu dire par leur intervention sur ce point, c'est que le paiement ne vaudrait, dans ces cas-là, qu'à compter du moment où le créancier accepte ce mode de paiement qui serait différent de la monnaie, du chèque certifié, de la traite ou du mandat.

Dans un ordre d'idée beaucoup plus général - et les commentaires qui se retrouvent dans son mémoire en attestent assez abondamment - l'association se doit de réitérer son appréhension profonde, devant l'orientation donnée par les rédacteurs de l'avant-projet à tout le droit des obligations et des contrats. Orientation qui consiste à assurer la protection d'un contractant plutôt que de l'autre, en raison de sa supposée faiblesse ou infériorité. L'intention est louable en soi, et le droit civil, qui existe actuellement dans notre Code civil, s'en était soucié. Par exemple, lorsqu'un individu est faible en raison de sa minorité, il a toujours été protégé contre la lésion présumée, ce qui lui permettait de demander l'annulation des contrats conclus pendant sa minorité, sans le concours d'un tuteur. Le droit civil a aussi toujours protégé les jeunes en prévoyant la nomination d'un curateur à ceux qui doivent être interdits, d'un curateur aux biens de celui qui les dilapide ou d'un conseil juridique à celui qui est prodigue. On protège celui qui fait usage de narcotiques en lui nommant un curateur. Mais le droit qu'on nous propose maintenant va beaucoup plus loin. Il considère que, même le majeur, qui n'est pas soumis à l'interdiction et à qui on n'a pas nommé de curateur à la personne ou de curateur aux biens, ou de conseiller judiciaire, devrait être traité différemment sous prétexte que, même en l'absence de fraude ou de violence, il doit être surprotégé, tantôt par des règles qui sont en elles-mêmes totalement discriminatoires, tantôt par l'intervention discrétionnaire du tribunal pour réduire les obligations.

Il y a là, à mon sens, une atteinte fatale à la liberté contractuelle la plus élémentaire. J'y trouve même un début d'élimination de la règle de droit, puisque le consentement, élément essentiel à la formation du contrat, ne lie plus nécessairement ou ne lierait plus nécessairement celui qui l'a donné, même en l'absence de fraude de l'autre partie. Les nouvelles dispositions que l'on trouve ici et là dans !e projet de loi permettraient aux tribunaux de modifier les conséquences normales du consentement donné, non plus uniquement en fonction de la nature abusive d'une transaction, comme c'était le cas dans l'article 1046 du Code civil, mais plutôt en fonction de l'état de fortune ou de l'état physique douteux ou de l'état de faiblesse de celui qui aurait contracté l'obligation. Cela, mesdames et messieurs, peut avoir un effet néfaste. La loi du contrat ne serait plus finale et le Code civil lui-même inviterait à une multiplication des recours aux tribunaux ne serait-ce que pour faire retarder l'exécution des contrats.

L'impression qu'il me reste de la lecture d'une foule de ces nouvelles dispositions dans le sens dont je viens de parler, c'est que le législateur semble vouloir créer une inégalité indépendante de la nature du contrat ou de la nature de l'obligation pour favoriser celui qui serait dans une position que le législateur qualifie implicitement ou expressément d'inférieure à celle de l'autre partie au contrat. C'est ainsi que l'emprunteur, l'acheteur, le locataire, le déposant et le mandant, tout autant que le consommateur, se voient favorisés par des dispositions qui compensent pour leur supposée infériorité. C'est une espèce de droit paternaliste, que j'appelle un droit de mauvais aloi, paternalisme dont le tribunal devient éventuellement l'arbitre et le dispensateur. Le couronnement de cet effort par ceux qui ont rédigé les dispositions nous vient avec l'introduction dans le Droit civil de la lésion entre majeurs.

Il m'est déjà arrivé ici de soutenir et ça

peut vous avoir semblé presque aveuglément beaucoup des propositions de l'ORCC, mais celle-là, je n'ai jamais marché avec. Ce n'est pas acceptable.

Le Président (M. Doyon): Je vais devoir vous interrompre, parce que le temps qui était alloué, c'est-à-dire au plus 30 minutes, est déjà écoulé à moins que les membres de la commission consentent...

M. Filion: Vous terminiez, étiez-vous en train de conclure?

M. Gauthier: J'en ai pour trois minutes.

Le Président (M. Doyon): Alors, allez-y, M. Gauthier.

M. Gauthier: Merci beaucoup. On comprendrait si encore le nouveau code que l'on propose se bornait à reconnaître la lésion au cas où le contractant qui voudrait l'invoquer était déjà dans un état qui aurait autrement justifié l'interdiction ou la nomination d'un conseil judiciaire. Si on veut parler de lésion dans les cas justement où la nomination d'un curateur, par exemple, ou l'interdiction arriverait en retard et dans les cas où on peut prouver que l'interdiction serait justifiée eu-t-elle été demandée, passe encore, mais au-delà de cela, on introduit dans le droit un facteur de validité du consentement qui ne laisse plus rien au droit contractuel fondamental qui était instauré par le Code civil jusqu'ici. Je dois vous dire, en terminant, que ce n'est pas seulement à titre de banquier et de prêteur d'argent que les membres de l'Association des banquiers s'opposent à l'introduction de cette notion de lésion dans le droit civil du Québec. Mais à titre de citoyen, ils s'inquiètent du désordre que feront naître toutes ces dispositions de droit trop paternalistes qui n'a pas sa place dans un pays qui a toujours voulu reconnaître le caractère sacré du contrat, comme cela a d'ailleurs toujours été le cas dans les pays de droit français. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté jusqu'au bout.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gauthier, nous allons maintenant procéder à une période de discussion. Je cède la parole au député de Marquette et adjoint au ministre de la Justice. À vous la parole.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord j'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec, vous souhaiter la bienvenue à nos travaux en matière de réforme du Code civil sur les obligations. Ayant déjà eu l'occasion de vous écouter et de vous entendre l'an dernier, lors de nos auditions en matière de sûreté, je suis toujours convaincu que vous avez des mémoires bien documentés et recherchés. Ce qui m'amène à une première question. Aux pages 108 à 110 de votre mémoire, vous nous faites des propositions de modification en matière de vente d'entreprise ou vente en bloc, et à la suite de la lecture du mémoire de la Chambre des notaires du Québec, laquelle recommande l'abrogation pure et simple du régime de contrôle particulier qui, selon elle, n'a plus sa raison d'être dans notre société, est-ce que ce régime particulier de contrôle de la vente d'une entreprise vous apparaît toujours utile, premièrement, et deuxièmement apporte-t-il des garanties adéquates?

M. Gauthier: Au premier volet de votre question, je vous dirais que cela ne m'apparait pas très utile, et, d'autre part, cela m'apparait nuisible dans une certaine mesure, parce qu'il y a aujourd'hui des entreprises qui sont obligées de procéder par la vente en bloc lorsqu'elles veulent vendre uniquement un secteur de leur entreprise qui peut représenter 10 % de toute l'entreprise, et les gens sont obligés de produire toute la liste de leurs créanciers et de distribuer le prix de vente de la petite portion de leur entreprise qu'ils décident de vendre aux créanciers de toute leur entreprise et non pas aux créanciers dont les créances sont reliées à l'exercice de cette entreprise-là. C'est là ma réponse à la première partie. La seconde partie était...? (16 h 30)

M. Dauphin: Est-ce que ces garanties, selon vous, sont adéquates?

M. Gauthier: Je serais porté à croire qu'elles le sont, si tant est qu'on en a besoin de ce genre de garanties, mais disons que je n'y vois pas de failles majeures.

M. Dauphin: D'accord, merci beaucoup. Si mon collègue de l'Opposion me le permet, nous en aurions une deuxième, relativement au crédit-bail, d'ailleurs vous avez mentionné tantôt que vous aviez des notes à nous faire parvenir, nous allons les accepter avec grand plaisir. En matière de crédit-bail, devons-nous comprendre que vous désirez que le Québec reconnaisse les pratiques reconnues au niveau fédéral, et pouvez-vous nous identifier ces pratiques?

M. Gauthier: Au niveau fédéral, je ne suis pas certain qu'on peut s'en parler, parce qu'il s'agit quand même d'un contrat civil qui relève des juridictions provinciales, de chaque province. Ce que j'ai suggéré, c'est pour les autres provinces et des autres pays, principalement les États-Unis, la Grande-Bretagne et les pays de l'Europe continentale, l'Europe occidentale. Oui, je pense que notre droit devrait être rédigé de façon à reconnaître ces pratiques. Si, pour des motifs politiques, il y a de ces pratiques qui sont vraiment à proscrire, j'aimerais bien savoir lesquelles et j'aimerais pouvoir en discuter, parce que je ne vois rien de terrible à ce qui se fait en matière de crédit-bail actuellement.

M. Dauphin: Et l'autre volet, toujours sur le même sujet, croyez-vous que notre droit interne devrait se rapprocher des conventions internationales en matière de crédit-bail, notamment celle d'Ottawa sur la convention d'unidroit.

M. Gauthier: Cette convention, à mon avis, ne sert pas à grand chose. Je l'ai mal faite. En fait, elle ne sert presque à rien. Je l'ai écartée dans ma façon de penser, écartée totalement. Je pense qu'elle est un mauvais point de départ.

M. Ferron (Daniel): J'aurai peut-être juste un point à ajouter au sujet du crédit-bail. Une chose qu'il faudrait souligner aussi, c'est qu'on a noté et d'ailleurs, je pense qu'on l'a annexé à notre mémoire, un règlement sur le crédit-bail en vertu de la Loi sur les banques contredit à plusieurs aspects ce qui apparaît dans l'avant-projet de loi. Alors, comment les banques vont-elles appliquer les règles du crédit-bail si elles doivent se conformer à un règlement fédéral qui contredit les règles du Code civil? C'est un autre problème qui mérite d'être souligné.

Une voix: Cela va.

M. Gauthier: Je pense que cette difficulté serait, en substance, éliminée si les commentaires que j'ai faits tout à l'heure sur les articles particuliers étaient retenus.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. La parole est maintenant au représentant de l'Opposition, le député de Taillon.

M. Filion: Merci, M. le Président. D'abord, mes félicitations à Me Gauthier et à Me Ferron pour ce mémoire extrêmement bien fouillé. Il s'agit là d'un travail absolument remarquable, pour ceux qui n'en ont pas encore pris connaissance, d'un travail d'environ au-delà de 200 pages. Mais la quantité a peu d'importance quand on songe à la qualité de la réflexion dont on a aperçu quelques éléments tantôt dans votre présentation verbale. Or, nul doute qu'en matière de droit civil, il existe une concentration d'expertise remarquable à l'Association des banquiers canadiens. Cela ne me surprend pas. Les banquiers ont l'habitude de bien s'entourer pour négocier leurs affaires qui, parfois, sont nos affaires aussi, mais qui, à d'autres occasions, sont leurs affaires. Cela varie.

Or, j'ai deux questions, avec votre permission, M. le Président et celle de mes collègues, avant de laisser la parole tantôt à l'un tantôt à l'autre des deux conseillers juridiques de l'Opposition. Ma question porte sur la carte de crédit, deux éléments. Un que vous avez mentionné, c'est quant à l'article 1622 du projet de loi. Je pense que ce n'est peut-être pas une question mais plutôt un commentaire. Vous pouvez y réagir parce qu'il semble bien que vous avez mis le doigt assez rapidement sur une lacune. Il y a des commerçants qui n'ont pas de carte de crédit, des commerçants qui ne prennent pas de carte de crédit. Il y en a d'autres qui pourraient la recevoir, mais dont la limite est déjà atteinte. Donc, il ne s'agit pas de la présenter ni même de l'utiliser. Il faut que cette carte de crédit puisse rapporter des sous, ce qui est loin d'être évident à la lecture de l'article 1622. Au contraire, cela dit bien: "II est aussi libéré par la remise de la somme prévue au moyen d'un mandat postal... ou encore par la présentation d'une carte de crédit ou autre instrument..." Bref, il y a un problème à régler, je pense, et sur lequel vous avez attiré notre attention. Je ne pense pas que vous vouliez ajouter autre chose à ce que vous avez dit à ce sujet. Ma question va plutôt porter sur cette partie de votre commentaire que nous retrouvons à la page 209 de votre mémoire qui réfère à l'article 2871. Or, à la page 209 de votre mémoire qui réfère à l'article 2871... Je pense que cela vaut la peine peut-être qu'on le lise ensemble pour se resituer quand même. Vous n'avez pas tous ces articles à l'esprit, Me Gauthier, j'en suis convaincu. Vous l'avez bien étudié.

M. Gauthier: Je les ai à l'esprit, mais je ne les connais pas par coeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: "Lorsqu'une carte de crédit est perdue ou volée, le consommateur ne peut être tenu d'une dette découlant de l'usage de cette carte par un tiers, après que l'émetteur a été avisé de la perte ou du vol par téléphone, télégraphe, avis écrit ou tout autre moyen."

Le deuxième alinéa est celui qui retient le plus votre attention dans le mémoire: "Même en l'absence de tout avis, le consommateur dont la carte a été perdue ou volée ne peut être tenu responsable au-delà d'une somme de 50 $."

D'abord, je dois vous dire, qu'en tant que consommateur et donc, possesseur d'une ou deux cartes de crédit, je serais porté à applaudir à cette inscription dans notre Code civil et vous, de votre côté, vous pourriez reprendre une partie de vos arguments et dire: Écoutez, c'est un peu parternaliste.

Deuxièmement, vous dites dans votre mémoire: Pourquoi fixer la somme dans le Code civil? Est-ce qu'on ne devrait pas... Et c'est surtout là-dessus que je voudrais vous interroger. Vous dites: Pourquoi ne pas laisser aux parties, finalement, le soin de déterminer dans le contrat d'adhésion le montant maximal auquel pourrait être tenu le détenteur d'une carte de crédit perdue ou volée? Le problème, en pratique, c'est que les contrat de carte de crédit sont ce que vous appelez, je pense, dans votre langage, des contrats d'adhésion. On n'a pas bien le choix d'écrire à Master Charge et de lui dire: Écoutez, savez-vous, la clause 28, voulez-vous la rayer dans mon cas? ou à American Express, Carte

blanche ou Diners Club. Je pense bien qu'il y aurait difficulté à vouloir négocier avec moi. Bref, ce sont des contrats où la partie contractante, le citoyen, l'utilisateur peut, de poids dans un rapport de forces de négociation avec les cartes de crédit... En ce sens-là, le fait d'inscrire dans le Code civil une disposition aussi précise, aussi bien écrite qui, ma foi, reprend un peu ce qui existe aujourd'hui ou à peu près, j'ai l'impression... La pratique, en tout cas, m'apparaît conforme avec ce qui est inscrit là. Donc, le fait de l'inscrire dans le Code civil, à première vue, pour le législateur, m'apparaitrait quelque chose de raisonnable, encore une fois, compte tenu du fait qu'on adhère à ces contrats et qu'on a peu de chances d'en discuter, de discuter de l'une ou l'autre des modalités. Or, en ce sens, j'apprécierais peut-être que vous puissiez réagir à mes propos que j'ai voulu assez acérés, mais pour permettre peut-être de...

M. Gauthier: Je comprends très bien la question. Je pense que vos propos servent à l'expliquer très bien.

Il faut se rappeler que dans notre mémoire, notre première réaction, la première suggestion est de bannir du Code civil les dispositions de la protection du consommateur parce que ce sont des dispositions qui seront toujours en évolution. C'est du droit d'une nature trop sociale pour faire partie de la codification des droits fondamentaux civils. Et cela, c'est un exemple frappant. C'est que 50 $ aujourd'hui vont valoir, dans un an ou dans dix ans, quoi? Peut-être qu'on voudra modifier la limite de 50 $ à 100 $ ou à 10 $, je ne le sais pas, mais cela illustre jusqu'à quel point il s'agit d'un droit d'une nature purement administrative, qui n'a pas d'affaire dans le Code civil. On s'est donné la peine de faire des remarques précises relativement à presque tous et chacun des articles sous la protection du consommateur, dans la mesure où on l'a jugé utile. Mais, il reste qu'on aurait aimé mieux n'en pas faire, parce que ce qui est important pour nous, ce n'est pas tant la mention des 50 $, là, c'est le fait qu'en le mentionnant, on mentionne un chiffre qui va être sujet à révision. Alors, on va avoir un Code civil qui va être modifié à tous les deux, trois, cinq ou dix ans. Ce n'est pas ça, un Code civil: On essaie de codifier pour une période de temps assez longue quand même nos droits fondamentaux. Et je pense que cela n'a pas sa place et je dis cela, non seulement de 2871, mais de tous les articles. On a une loi de la protection du consommateur, qui déjà a été amendée à quelques reprises, qui est accompagnée de règlements qui sont nécessaires à son fonctionnement. Donc, qu'est-ce qu'on va en faire? On va la faire sauter après avoir mis cela dans le Code civil et, les règlements, on va les annexer au Code civil? Cela n'a pas de sens, à mon avis. Franchement, mes paroles sont peut-être dures mais, à mon avis, cela n'a pas de sens d'avoir cela dans le

Code civil. Si c'est dans la Loi sur la protection du consommateur, je n'ai pas de problème avec les 50 $, d'accord?

M. Filion: Je suis content d'entendre la dernière partie de votre phrase, parce que votre mémoire laisse croire au contraire.

M. Gauthier: Ce qu'on dit dans le mémoire, d'abord, c'est qu'il nous paraît inconcevable que, dans le Code civil, dont la mission est d'édicter des règles générales de droit, on aille jusqu'à stipuler des montants qui devront inévitablement être réajustés. D'accord? C'est la partie principale du commentaire.

Après cela, on dit: Laisser aux parties le soin de fixer le montant. Peut-être que vous allez dire: Bien, oui, mais si on présente un contrat d'adhésion. D'abord, l'expression "contrat d'adhésion", à mon avis, même par le législateur - et je le dis avec tout le respect que je dois à ceux qui ont adopté les lois depuis les dix ou quinze dernières années - a été galvaudée à toutes les sauces et, parce qu'un contrat est déjà imprimé, c'est un contrat d'adhésion. Parce qu'un contrat est imprimé d'avance avant que l'une des parties le présente à l'autre, cela ne veut pas dire que l'autre n'a pas le droit de le lire et de dire: Je ne le signe pas. Il a toujours le droit de ne pas le signer. Remarquez qu'on est dans un domaine des affaires, la carte de crédit, dans lequel les banquiers n'ont pas été les premiers à s'engager, loin de là: C'est l'American Express qui s'est lancée la première dans le domaine de la carte de crédit et le Diners Club, tout de suite après. Ce ne sont pas les banquiers. Les banquiers sont entrés dans ce champ-là, parce qu'au fond c'est du "banking", la carte de crédit. Il reste une chose, c'est qu'elle n'existe que parce que les gens ne sont pas capables de se limiter a leurs moyens lorsqu'ils vont acheter des biens meubles de consommation. C'est pour cela qu'elle existe, c'est pour que les gens empruntent sur la prochaine paye. Tout le monde s'en sert de cette façon, même les gens riches.

M. Filion: Même les pays. M. Gauthier: Pardon?

M. Filion: Même les pays. (16 h 45)

M. Gauthier: Même les pays. C'est une espèce de monnaie de plastique qui, en soi, n'a pas de valeur, à moins que l'argent n'entre au bout de la ligne. Alors, je n'ai aucune sympathie pour la carte de crédit comme telle mais elle est passée dans nos moeurs; et, qu'on veuille la régir par une loi, comme la Loi sur la protection du consommateur, je suis obligé de reconnaître que c'est nécessaire. Mais, demain, cela sera peut-être autre chose. La carte de crédit va peut-être disparaître pour être remplacée par un pitonnage d'une machine électronique, comme

déjà elle l'est presque dans le cas des caisses automatiques. Hein! elle l'est presque. On est encore obligé d'insérer une carte, mais bientôt, peut-être qu'on ne le sera plus. Avec un code un peu plus compliqué, on n'aura même plus besoin de carte. Alors, c'est un droit qui va évoluer avec révolution de la façon de faire des affaires. Mais, le contrat de base, qui est un contrat de prêt et de crédit, doit être régi par le Code civil, mais pas le crédit à la consommation par contrat d'adhésion, ou appelez-le comme vous voudrez. Est-ce que cela répond à la question?

M. Filion: Oui. Cela répond à la question que j'avais posée.

M. Ferron: J'aurais un point à ajouter aussi. M. Filion: Oui?

M. Ferron: Ce qu'il ne faut pas oublier non plus là-dedans, c'est que les banques sont encore régies ici de la même façon qu'on disait tantôt, par le crédit-bail. Elles sont régies par une loi fédérale qui, justement dans le cas des 50 $, a un règlement qui nous dit le contraire de ce qui est dit là, finalement. Il nous dit: On laisse la liberté aux parties de fixer un montant. Alors, qu'est-ce qu'il arrive? On a voulu souligner à plusieurs endroits là-dedans que, finalement, on a affaire à des règlements et des lois fédérales qui viennent contredire les lois provinciales. En tout cas, à l'association, on a pris l'attitude de ne pas reconnaître les règlements de la Loi sur la protection du consommateur qui viennent contredire des règlements fédéraux. On a pris l'attitude de dire: On est régis par notre loi constitutive et non par la loi provinciale lorsqu'on a affaire à des règlements qui se contredisent.

M. Gauthier: Cela fait ressortir, d'une autre façon encore, le fait qu'il s'agit bien de droit administratif et non de droit civil fondamental.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gauthier et Me Ferron. D'autres questions, M. le député?

M. Filion: Oui. Allez-y. M. le député de Marquette.

Le Président (M, Doyon): M. le député de Marquette, alors.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Une petite question à Me Gauthier et à Me Ferron. Vous vous opposez à l'insertion dans le Code civil de règles pour normaliser l'attribution de dommages punitifs, alors que dans plusieurs lois, c'est utilisé fréquemment, actuellement. Alors, ne voyez-vous pas un avantage d'encadrer ces dommages punitifs, ces règles?

M. Gauthier: Je vous dirai d'abord que je n'ai jamais aimé l'idée des dommages punitifs. C'est pénal, le mot "punitif le dit. Le droit civil du départ ne reconnaissait pas de dommages punitifs en matière de diffamation. Aujourd'hui, on a des jugements des tribunaux qui commencent à reconnaître cela. Ce sont des théories très bien étayées, je le reconnais. Mais, je dirai d'abord avant... Je sais que cela ne répond pas à votre question, mais tout cela pour dire que je ne peux pas dire que je me suis posé la question tellement. J'aimerais mieux que tout cela disparaisse, mais je sais que cela ne disparaîtra pas. Peut-être que Me Ferron aurait quelque chose à dire sur ce point en particulier. C'est à quelle page de notre mémoire? Il y a une remarque qu'on avait faite et qu'on voulait assez soignée. J'aimerais y retourner une seconde.

Une voix: 78...

M. Gauthier: Je pense que notre commentaire principal est qu'il faut clarifier le texte qu'on nous propose. Autrement, les contrôles qu'on nous amène sont insuffisants ou insuffisamment clairs. Chose certaine, nous nous opposons à ce que la notion de dommages punitifs puisse être retenue en matière contractuelle. Comment une violation d'une stipulation valide d'un contrat pourrait-elle constituer une atteinte aux droits et libertés fondamentaux? Je regrette, ce sont des droits contractuels dont il s'agit à ce moment-là. Je pense qu'au moins, si l'intention était de l'étendre à cela, nous devons nous y opposer, et si l'intention n'est pas de l'étendre à cela, il faut clarifier le texte.

M. Ferron: L'autre aspect aussi c'est que, selon nous, cela relève du droit pénal, finalement. Ce ne sont pas des choses que l'on devrait mettre dans le Code civil.

M. Dauphin: D'accord, merci beaucoup.

M. Filion: Me Gariépy aurait peut-être une question à poser ou un échange à provoquer.

M. Gariépy (Pierre): La question de commentaire a trait à la cession de créance. Aux pages 83 à 85 de votre mémoire, vous discutez des formalités nouvelles aux articles 1695 à 1697 de l'avant-projet où on prévoit qu'une copie de la cession doit être remise au débiteur cédé. Vous notez dans votre mémoire que vous êtes insatisfait et vous prônez le retour à 1571d du code actuel.

Je voulais vous demander votre avis concernant la pratique de publier des avis dans les journaux. Ces avis sont publiés dans certains districts judiciaires et quelquefois dans d'autres districts judiciaires et il est arrivé par le passé que des commerçants n'aient pas l'occasion de vérifier tous les journaux à tous les moments, à toutes sortes d'époques, parce qu'il n'y a pas de

délai. On ne sait pas si la publication de l'avis est valide pour un an, cinq ans ou trente ans. Il est arrivé que des commerçants qui faisaient affaire avec d'autres commerçants se voient refusés par une institution financière cessionnaire d'une cession de créance, des comptes à comptes ou des notes de crédits pour retour de marchandise ou de paiements faits. Je trouvais que le nouvel article de l'avant-projet réglait ce problème. Qu'en pensez-vous? C'est aux pages 83 à 85 de votre mémoire, concernant l'article 1695.

M. Gauthier: D'abord, il faut bien retenir que la modalité d'avis dans les journaux peut sembler être inadéquate ou injuste ou je ne sais trop, dans le sens que vous venez de l'exprimer, mais envers qui? Il faut penser qu'il faut trouver un moyen d'éviter qu'un créancier en fraude un autre. Il faut penser à cela dans la situation. Si le commerçant va voir un autre prêteur, cet autre prêteur peut bien être intéressé à avoir sa clientèle comme emprunteur, mais on ne peut pas prévoir l'identité de ce deuxième créancier éventuel. Alors comment voulez-vous... par quel article ce problème-là est-il résolu?

M. Gariépy: L'article 1695.

M. Gauthier: D'abord, le premier paragraphe, le premier alinéa...

M. Gariépy: Le premier alinéa.

M. Gauthier: Le premier alinéa de l'article 1695 parle d'opposable au débiteur cédé dès que celui-ci a reçu une copie... Oui, mais le deuxième créancier?

M. Gariépy: La question porte sur le paiement fait par le débiteur cédé. C'est seulement sur cet aspect-là.

M. Gauthier: Ah! par le débiteur cédé? M. Gariépy: Oui.

M. Gauthier: Oui, mais actuellement, le droit civil a été amendé précisément pour combler la lacune qui existait autrefois. Elle oblige deux phases: l'enregistrement et ensuite l'avis dans les journaux. Mais lorsqu'il y a enregistrement - et là je n'ai pas mon Code civil actuel - il y a une disposition qui régit cela. L'article 1695 tel que rédigé ici va trop loin lorsqu'il s'agit d'universalité de créance. M. Ferron: On le disait dans notre mémoire, en disant que l'avant-projet de loi impose donc un fardeau supplémentaire - en parlant de l'article 1695 - au cessionnaire en l'obligeant à démontrer que le débiteur a effectivement reçu l'acte ou la preuve de cession. Pour nous, c'est vraiment un recul. Ce n'est pas acceptable. D'ailleurs, on avait souligné un peu les commen- taires assez semblables dans nos représentations l'an dernier, sur la partie sur les sûretés. Sur la cession de créance, nous revenons avec des commentaires assez semblables ici.

Le Président (M. Doyon): Je constate que la période allouée est terminée. Je cède maintenant la parole au député de Marquette pour le mot de la fin.

M. Dauphin: Oui, merci, M. le Président. Je n'ai qu'à réitérer ce que je disais au début et vous remercier d'avoir participé à nos travaux et vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Nous attendons avec anxiété vos notes, notamment en matière de crédit-bail.

M. Gauthier: Et de contrat de travail. M. Dauphin: Et de contrat de travail.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Taillon.

M. Gauthier: Je tiens à vous remercier beaucoup de votre accueil chaleureux et de la discussion fort intéressante.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Taillon.

M. Filion: Je pense que les représentants de l'ABC auront compris que leur mémoire se distingue par sa très haute qualité et, nul doute, fera réfléchir les rédacteurs, les codificateurs, les conseillers, de ce que deviendra éventuellement un projet de loi. Merci également de vous être déplacés.

Le Président (M. Doyon): Merci Me Gauthier et Me Ferron qui avez présenté le mémoire au nom de l'Association des banquiers canadiens.

Association des courtiers d'assurances de la province de Québec

J'inviterai maintenant l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons procéder à l'audition de son mémoire.

Je constate que les représentants de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec ont pris place à la table des invités. Je les invite maintenant à nous faire part de leur mémoire en commençant par la présentation des représentants de l'association. Je vous signale que nos règles sont les suivantes: Vingt minutes sont allouées à la présentation de votre mémoire et un temps égal est partagé, pour ce qu'il reste, entre le représentant du gouvernement et le représentant de l'Opposition. Il est maintenant 17 heures. Nous commençons par la présentation des personnes qui sont devant moi.

M. Lavigueur (Jacques): Merci, M. le Président. Je m'appelle Jacques Lavigueur. Je suis président de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. À mon extrême droite, M. Réjean Frappier, de Sorel, notre premier vice-président; Me Rémi Moreau, notre conseiller et Mme Diane Paradis, notre directrice générale, à ma gauche.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Lavigueur: M. le Président, je me bornerai à une présentation générale, tel que décrite à la première page de notre mémoire. Cela situe bien, je pense, notre comparution devant la commission parlementaire. Je passerai la parole à Me Moreau, par la suite, qui expliquera, avec beaucoup plus de détails, le processus que nous proposons à cette commission pour reprendre les paroles d'un juriste, pour que cela colle un peu plus à la réalité que ce que nous constatons dans le moment. (17 heures)

Nous nous devons donc, à la première page de notre mémoire, d'intervenir vigoureusement, puisque l'adoption de ce projet de loi remettrait complètement en question le statut professionnel de nos membres. En effet, l'adoption de l'article 2484 de l'avant-projet faisant du courtier un représentant de l'assureur changerait complètement le statut professionnel du courtier d'assurances au Québec.

Mme la Présidente, l'association désire donc rappeler aux membres de la commission le rôle véritable de ses membres afin qu'il soit reconnu et maintenu par le législateur. Qu'il me soit permis, avant de passer la parole à Me Moreau, de vous dire que je suis fier de représenter mes 5700 membres et mes 2400 cabinets ici à la commission, parce qu'ils ont vécu depuis 75 ans, en 1989, ils auront vécu donc au service d'une population, surtout dans les campagnes et les coins éloignés du Québec, un zèle qu'il sera difficile de retrouver si des législations, telle que celle qui est proposée, étaient mises en vigueur. Parce qu'ils ont toujours pris leur zèle du service à la population et surtout, je pense, de l'enthousiasme qu'il y a de représenter un assuré lorsque celui-ci, venant du public, s'informe de la façon d'obtenir ses protections. Je laisse donc à Me Moreau le soin de vous expliquer notre exposé.

M. Moreau (Rémi): Mme la Présidente, Mmes, MM. les membres de cette commission, faisant suite à l'intervention de M. Lavigueur, j'ai le plaisir et le très grand honneur d'exposer devant vous les principaux points dont le mémoire fait état sous un angle légal ou parfois même sous un angle technique. En d'autres termes, j'aimerais exposer devant cette commission ma perception comme juriste et comme ex-courtier du mandat du courtier d'assurances. Si cela peut aider à la compréhension, vous me permettrez d'identifier très brièvement les trois étapes de ma carrière en assurances.

J'ai d'abord oeuvré à titre d'avocat et de consultant indépendant en assurances pour le compte d'une grande firme d'actuaires et pour le compte exclusif d'assurés corporatifs, institutionnels ou d'organismes publics ou parapublics. Dans une seconde étape, je me suis joint à un groupe canadien d'assurances, de réassurances et de courtages où j'ai obtenu un diplôme de courtier. Actuellement, à mon compte, je dirige un bureau de recherche en assurances tant pour les assureurs que pour les assurés. Je dirige également la revue Assurances, qui en est à sa 56e année de publication, consacrée aux études théoriques, pratiques et juridiques de l'assurance au Canada. J'ai donc le privilège de servir mon ex-association en m'entretenant avec vous sur le sujet développé dans le mémoire.

Le législateur suggère dans l'avant-projet un article fondamentalement nouveau venu dont on ne sait où, à savoir l'article 2484 qui se lit comme suit: "En matière d'assurance terrestre, 7l 'agent ou le courtier en assurances est présumé le représentant de l'assureur." Le mémoire de l'association des courtiers est consacré principalement à cette disposition dont nous vous recommandons le retrait pour plusieurs motifs, mais dont trois sont essentiels que j'exposerai globalement dans un premier temps et que je reprendrai ensuite en les développant. Voyons d'abord globalement ces trois motifs.

Premièrement, cette présomption nous semble aller à l'encontre de la réalité de la pratique du courtage en assurances. Deuxièmement, cette présomption confond, sans apporter les distinctions nécessaires, la mission d'un agent et celle d'un courtier de sorte que si l'énoncé de l'avant-projet peut paraître vrai pour l'agent pris dans un sens général, il semble tout à fait faux pour le courtier au sens de l'article 1 e) de la Loi sur les courtiers d'assurances, chapitre C-74 des Lois du Québec et au sens de la Loi sur les assurances à l'article 1 i). Enfin, troisièmement, cette présomption stipulée à l'avant-projet de loi, article 2484, va à l'encontre du rôle professionnel conféré aux courtiers d'assurances en vertu de la Loi des courtiers d'assurances de la province de Québec attribuant des devoirs aux courtiers dont les responsabilités ont été et demeurent constamment interprétées et étudiées par nos tribunaux.

Qu'il me soit permis de reprendre et d'expliciter maintenant les motifs que je viens d'énoncer globalement et de conclure en vous suggérant le retrait de cette disposition juridiquement ambiguë que constitue l'article 2484 de l'avant-projet de loi.

Le premier motif de retrait: la disposition va à l'encontre de la réalité et de la pratique. Le courtier est un mandataire qui agit à titre d'intermédiaire de commerce et dont le rôle, le but est de rapprocher deux parties, l'assureur et l'assuré. D'ailleurs la doctrine québécoise, la

doctrine française est abondante sur la notion d'intermédiaire de commerce, et nous pourrons en faire état un peu plus loin dans notre allocution ou durant la période de questions. Nous dirions que la missions globale du courtier est double. La première mission est d'en arriver à la conclusion d'un contrat d'assurances entre l'assuré et l'assureur; la seconde mission du courtier est la délivrance d'un certain nombre de services, plus ou moins élaborés selon chaque cabinet, car la mission du courtier ne se termine pas par la seule délivrance d'un contrat d'assurances.

Cela dit, je reprendrai brièvement, si vous me le permettez, certaines étapes concrètes qui nous permettront de mieux saisir l'importance du mandat donné au courtier par un client. Lorsque le client communique pour la première fois, pour ne prendre que cet exemple, avec un courtier, il n'appelle pas chez un assureur, mais plutôt chez un entrepreneur indépendant. Il doit s'établir à la base des liens de confiance priviligiés. C'est le courtier qui, généralement, rendra visite d'abord au nouveau client, non pas seulement par politesse, mais pour se familiariser avec les lieux. Ceci m'amène à vous exprimer que le premier devoir d'un courtier est d'identifier avec son client les risques potentiels pouvant affecter son patrimoine physique et les risques liés aux opérations, ainsi que les besoins particularisés qu'un client voudrait bien lui soumettre. Dès cet instant, le devoir de conseil du courtier est enclenché, celui de conseiller son client sur le choix des meilleures garanties suivant une analyse de besoin. Entre parenthèses, chez les grandes corporations, cette analyse des besoins peut être faite, soit par un consultant indépendant, soit par un gestionnaire de risques à l'interne. Mais restons dans le cadre d'une entreprise normale, moyenne ou petite, ou dans le cadre de risques résidentiels, où cette analyse des besoins est accomplie par le courtier. Une fois cette analyse complétée, le mandat devient plus évident. Le courtier recherchera, dans ce qu'on appelle le marché des assurances, le meilleur assureur possible, parmi tous ceux pouvant accepter tel ou tel risque, et au meilleur coût. Je m'explique. Si un client possède une scierie ou une cour à bois, sans compter l'équipement matériel et l'outillage nécessaire, le courtier devra frapper à la porte d'assureurs qui souscrivent bien ce risque, et dont la police ou les polices traduisent bien les besoins du client du courtier. Lorsque l'assureur principal est choisi, en tenant compte qu'il est un assureur reconnu au Québec ou qui détient un permis et qu'il est un assureur solvable, il restera encore au courtier, dans plusieurs cas, soit à compléter des garanties auprès d'autres assureurs, soit à compléter les excédents de garanties nécessaires à couvrir les montants d'assurances requis, particulièrement en assurance responsabilité.

Après la délivrance des polices, maintenant, le courtier doit les examiner avant de les remettre à son client, les lui expliquer, lui préparer même un tableau ou un résumé pertinent, service que n'offre pas l'assureur, service qui s'élabore au sein d'un cabinet de courtier. Puis tout au cours de la période d'assurances, le courtier voit à répondre à toute nouvelle exigence du client, car les risques assurables ne sont pas choses statiques, mais constamment évolutives.

Enfin, à l'expiration des polices, le courtier, loin d'être lié par le ou les assureurs au risque, a le devoir d'explorer de nouveaux marchés d'assurances pour le renouvellement et les comparer avec les souscripteurs existants. De nombreuses anecdotes pourraient ici être racontées démontrant le lien étroit entre le courtier et son client, et prouvant que ce dernier a pu apprécier le travail du courtier, et ses services personnalisés, soit en négociant le retrait de telle ou telle exclusion, soit en obtenant un avenant passe-partout pour couvrir un bijou qui avait été omis d'être déclaré, soit tout simplement en défendant les droits du client lors de sinistre. Il est vrai que le courtier, de par la loi et certaines pratiques comme nous le verrons maintenant, a le devoir de représenter également l'assureur dans certaines situations. Trois sources donnent naissance à la représentation de l'assureur. Au plan légal, l'article 340 de la Loi sur les assurances dispose et je cite: "que l'agent, pris au sens de l'article 1 de cette loi, donc incluant le courtier, est, nonobstant toute convention contraire, le mandataire de l'assureur lorsqu'il touche des primes des assurés et lorsqu'il reçoit de l'assureur des sommes destinées aux assurés ou aux bénéficiaires de ceux-ci." Donc, deux cas prévus dans la Loi sur les assurances. Au plan jurisprudentiel maintenant, selon les règles du mandat, la théorie du mandat apparent a pu permettre, dans certaines situations, au tribunal de considérer que le courtier représente l'assureur et par là, les actes du courtier ont pu lier l'assureur. Cependant, cette règle n'est pas exclusive aux relations assureur-courtier-assuré, mais elles peuvent s'appliquer à toute personne assujettie aux règles du mandat.

Enfin, au plan de la pratique, parce que le produit dont se sert le courtier est une police émise qui appartient à un assureur, le garant du risque, il est normal dans les circonstances que l'assureur ait à formuler un certain ensemble de règles variables d'un assureur à l'autre et contenues dans un traité de nomination ou, comme on dit en France, dans un contrat d'agréation. Il ne s'agit pas d'un traité de maître à serviteur car, en ayant fait personnellement l'analyse d'une cinquantaine de traités, tous les traités mentionnent que les dossiers du courtier lui appartiennent et stipulent tous sur l'indépendance du courtier. Le mandat de représenter l'assureur se conçoit donc essentiellement au niveau de la distribution du produit d'assurance. Enfin, en somme, pour parler de distribution, il faut dire que la mutualité ne suffit pas à donner un essor à l'assurance, la mutualité qui consiste à grouper et à répartir les risques. Il faut encore

en organiser la diffusion. Le courtier est un rouage important dans cette nécessaire organisation qui apportera à l'assureur l'assiette de primes suffisante qui constituera le fonds et les réserves. La finalité du contrat d'agréation ou le contrat de nomination ou le traité de nomination liant le courtier à une compagnie d'assurances est de permettre aux sociétés de mettre en place des réseaux de distribution conformes à leurs politiques commerciales, d'où le mandat de l'assureur au plan de la distribution.

En conclusion sur cette partie, lorsqu'on examine de près l'opération elle-même, le rôle du courtier mandataire de l'assuré prévaut à tel point qu'il est une norme reconnue partout, norme d'ailleurs justifiée par l'article 340 que nous avons exposé tantôt, car le fait pour le législateur, nous le croyons, d'énoncer cet article d'exception vient asseoir en quelque sorte la règle générale à l'effet que le courtier est le représentant de l'assuré. Ce rôle de courtier représentant l'assureur ou l'assuré, dans certaines circonstances, relève autant de la doctrine que de la jurisprudence, tant chez nous qu'à l'étranger, et ce rôle est essentiel à l'assuré en ce qui concerne la représentation du courtier vis-à-vis de l'assuré, essentiel à l'assuré qui a besoin d'un consultant indépendant et non pas d'un agent lié à un assureur.

J'en arrive maintenant au deuxième motif pour lequel nous vous recommandons le retrait de cette disposition, de l'article 2484 de l'avant-projet, l'absence de distinction entre agent et courtier, deux termes confondus dans la rédaction de cet article. Le courtier en assurances terrestres est un intermédiaire de commerce alors que l'agent est un auxiliaire de commerce. Le courtier est une personne indépendante qui n'est pas lié comme l'agent à un assureur unique, mais qui dispose d'un vaste éventail de marchés, suivant différents traités de nomination. Le courtier s'oblige ainsi à offrir à ses clients différentes propositions ou alternatives. Ce qui distingue fondamentalement le courtier de l'agent exclusif est que le courtier opère avec la police d'un assureur, son produit, mais il dépasse la simple délivrance du produit en offrant une gamme étendue de services élaborés par lui et non par l'assureur, sauf pour certains services, alors que l'agent délivre le produit de son assureur et n'offre généralement que les services qui peuvent émaner de cet assureur. (17 h 15)

Enfin, le troisième motif de retrait de cette disposition. La disposition ne cadre pas avec les devoirs professionnels des courtiers. La Loi sur les courtiers d'assurances sanctionnée en 1963 incorpore par sa réglementation un certain nombre de dispositions ayant trait au comité d'éthique, au bureau de discipline. Un règlement général concernant la conduite et discipline énonce: Le courtier doit agir envers les clients avec probité et en conseiller consciencieux. Enfin, le même règlement stipule que le courtier doit garder secret ce qui lui a été confié à titre professionnel. Ainsi, les tribunaux pourront rechercher la responsabilité du courtier non seulement sous l'angle de l'article 1053 mais sous l'angle des devoirs professionnels du courtier.

En terminant, j'aimerais rappeler que de nombreux jugements ont consacré le principe ici défendu par l'Association des courtiers d'asssu-rances de la province de Québec en ce sens que le courtier est le représentant de l'assuré. Ici ou ailleurs, une doctrine volumineuse a pleinement reconnu ce rôle. En conséquence, nous croyons que de maintenir ces dispositions serait de créer spontanément un ordre nouveau et non souhaitable. Nous croyons que le retrait aurait pour effet d'orienter le droit dans une direction opposée à la réalité de l'acte du courtage tant au Québec qu'à l'étranger avec les ambiguïtés qu'une telle présomption risquerait d'entraîner.

Que suggérons-nous? Nous ne privilégions pas une forme particulière de remplacement à ce chapitre 15 qui traite du contrat d'assurance et des règles de ce contrat. Toutefois, si telle était l'intention du législateur de préciser le mandat du courtier, le mémoire recommande de remplacer cette disposition par une disposition claire sur la représentation de l'assuré ou de l'assureur dans certains cas. Une telle disposition dans le sens du double mandat pourrait être formulée au chapitre 9, à l'article 2215 qui fait justement référence au double mandat. Cette réforme au double mandat serait d'autant plus utile que le présent article 1735 du Code civil a été éliminé de l'avant-projet, l'article 1735 qui précise que le courtier peut être mandataire de deux parties et par ses actes les obliger toutes deux relativement à l'affaire pour laquelle elles l'emploient. Nous suggérons, si le législateur veut transposer cette disposition à l'article 2215 au chapitre du mandat l'énoncé suivant: Que le premier alinéa de l'article 1735 reste identique et que le second alinéa de l'article 1735 dise que le courtier peut être le mandataire soit de l'assuré, soit, dans certains cas, de l'assureur. Cette distinction aurait pour effet de souligner le caractère alternatif et non cumulatif du double mandat. C'est pourquoi nous demandons respectueusement à cette commission le retrait de l'article 2484, tel que formulé dans l'avant-projet, et de le remplacer au chapitre du mandat par un énoncé respectant le double mandat. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Nous vous remercions.

M. Lavigueur: Mme la Présidente, avec votre permission, je voudrais seulement terminer cet exposé dans le temps que vous nous avez alloué en me permettant de souligner la présence de notre ministre des Institutions financières avec qui nous avons déjà eu des rencontres en commission parlementaire. Nous lui savons gré de sa présence, pour vous dire notre recommandation telle que stipulée à la page 17 de notre

mémoire, Mme la Présidente, c'est très court.

Que l'article 2484, pour les raisons exposées, soit remplacé par une disposition reconnaissant que le courtier d'assurances est le représentant de l'assuré, le tout sous réserve des exceptions spécifiques qui pourraient être apportées à ce principe par le législateur.

Que l'article 2215, qui traite du rôle du mandataire, alors qu'il accepte de représenter des parties dont les intérêts sont en conflit ou susceptibles de l'être, établisse clairement une exception vis-à-vis de tout intermédiaire de commerce qui remplit un double mandat comme le courtier d'assurances dont le mandat, auprès de l'assuré et dans certains cas auprès de l'assureur, est qualifié de mandat alternatif et non cumulatif.

Et enfin, que l'ensemble des articles traitant du contrat d'assurances au chapitre quinzième soient réexaminés en tenant compte des principes fondamentaux de l'assurance tels que reconnus par une jurisprudence constante. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, monsieur. Nous cédons la parole au député de Marquette.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bleau): Le nom du comté m'échappait, je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: M. Côté, boubou-macoute, maintenant, M. Dauphin...

La Présidente (Mme Bleau): Alors, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom du ministre de la Justice du Québec, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et également souligner, comme l'a très bien fait M. le président, la présence du ministre délégué aux Finances, responsable des institutions financières.

Ma première question est la suivante. Vous nous proposez le retrait de l'article 2484 de l'avant-projet de loi qui dit que le courtier est présumé représentant de l'assureur, pour nous proposer plutôt que le courtier soit représentant de l'assuré, sauf exception. Pour le bénéfice des membres de la commission, ainsi que de l'équipe du Code civil qui nous accompagne, est-ce que vous avez des idées en tête des exceptions que le législateur pourrait trouver à la règle que le courtier est le représentant de l'assuré?

M. Lavigueur: Si vous me permettez, avant de passer la parole à Me Moreau, j'aimerais tout simplement vous dire que, dans mes 30 ans d'expérience comme courtier, j'ai toujours été satisfait de mon double mandat, parce que, tantôt, l'exception pourrait proposer que je sois le représentant de l'assureur et, évidemment, auprès de l'assuré, ce conseiller dont il a grandement besoin, et, tantôt, étant le conseiller de l'assuré, que je puisse éclairer l'assureur sur la protection à être accordée donc, être une assistance utile pour lui. L'inclusion de l'autre devient, si vous voulez, la permission d'agir envers l'un. Mais je voudrais peut-être laisser à Me Moreau, en termes de droit, le soin d'expliciter davantage ma pensée.

M. Dauphin: D'accord.

M. Moreau: Écoutez, nous ne voyons pas une exception à donner au rôle du courtier. Nous l'avons indiqué dans le rapport, dans le mémoire, le courtier représente soit l'assuré, soit l'assureur. Au plan de la distribution du produit de l'assureur, il représente l'assureur, tel qu'indiqué dans un traité de nomination ou un contrat d'agréation. Alors, c'est plutôt de reconnaître l'existence du double mandat qui s'inspire même de la définition d'intermédiaire de commerce, tel que l'indique Me Nicole L'Heureux, dans ses écrits, qui est de rapprocher deux parties, l'assureur ou l'assuré, dans la conclusion d'un contrat d'assurance. Cela s'inspire même de la définition de l'intermédiaire de commerce qui est de rapprocher les parties. Ce double mandat serait juridiquement acceptable à certaines conditions: Pourvu que - quant à cela, conforme à toute la doctrine que j'ai lue à cet effet - les deux parties sachent que le courtier représente soit l'assureur, dans certains cas, soit l'assuré, dans d'autres cas. D'ailleurs, c'est le sens de la disposition de l'article 2215, au chapitre du mandat contenu dans l'avant-projet et c'est aussi le sens de la doctrine française et de la doctrine américaine qui parlent de l'intermédiaire et du double mandat. J'ai devant moi de la doctrine, notamment de la doctrine française: La responsabilité des agents généraux et courtiers d'assurances, Blamoutier et Salphati avocats à la Cour d'appel de Paris, qui ont discuté justement de la règle du double mandat et qui y voient essentiellement l'idée d'un mandat alternatif. Et, quant à moi, cela me convient. J'ai lu de nombreux jugements concernant la responsabilité du courtier d'assurances et je n'ai jamais vu de jugement qui tienne à la fois le courtier responsable, parce qu'il a un mandat de l'assureur et un mandat de l'assuré en même temps... Alors, c'est un mandat alternatif pour certains actes: Notamment, au niveau de la distribution, il représente l'assureur, mais, au niveau de son devoir de conseil, principalement, au niveau de la souscription d'une police, au niveau de l'analyse des besoins, dans cet ordre, il représente l'assuré. Et, la Cour de cassation, en France, a reconnu que, lorsque la qualité de mandataire de l'assuré prend le pas sur celle de mandataire de l'assureur, les juges du fond justifient l'existence

d'un tel mandat par certaines règles très concrètes. J'ai retrouvé exactement des règles de même nature dans la jurisprudence américaine. Si vous me permettez de retrouver dans mes notes un jugement de la cour fédérale de l'Illinois en vertu de la loi de cet État, qui a développé quatre critères déterminants pour savoir quand le courtier représentait les intérêts de l'assureur et quand il représentait les intérêts de l'assuré qui l'a contacté ou qui a communiqué avec lui en premier; qui a le pouvoir de contrôler ou de surveiller ses actions; qui le paie ou le rémunère; et qui, finalement, a un intérêt à être protégé. Alors, ce sont toujours des cas d'espèce. Selon nous, le double mandat se situe au plan distributif vis-à-vis de l'assureur, alors que vis-à-vis de l'assuré, c'est au plan de la représentation face à un contrat qui est souvent hermétique, souvent difficile à comprendre et dont l'expérience et l'expertise d'un consultant indépendant peut être souhaitable pour l'assuré. Est-ce que je réponds bien au sens de votre question?

M. Dauphin: Oui, Monsieur. C'est intéressant. J'en ai une dernière, si vous permettez, Mme la Présidente, en tant que spécialiste du domaine des assurances... Le preneur, lorsqu'il fait sa proposition - cela concerne son obligation de déclaration - on sait que vous les aidez dans leur tâche bien souvent. Ma question est la suivante. Est-ce une obligation qu'on peut facilement imposer à toute personne qui veut contracter une assurance, compte tenu de la complexité de ce type d'analyse? C'est toujours par rapport à son obligation de déclaration.

M. Lavigueur: Si vous me permettez, Mme la Présidente, j'aimerais encore là peut-être faire ma petite remarque de pratique courante que j'ai connue et passer la parole à Me Moreau pour la partie plus technique. Il m'est apparu, au cours de bien des années au service d'une clientèle de plus en plus exigeante à cause de la représentation personnalisée qui nous est imposée par la clientèle elle-même - et plus les gens deviennent professionnels, vous savez, plus ils sont conscients de leurs droit quant à la forme de représentation que nous leur offrons - que personne n'a jamais voulu se substituer au rôle de conseil du courtier pour l'aider ou l'assister dans la déclaration. Comme disent les Américains, "far reaching effects are close to your paper", les effets qui viendront demain sont souvent très proches de la réponse que vous donnez aujourd'hui. À cet égard, il y a évidemment anguille sous roche, des fois. Les gens acceptent avec grand plaisir notre conseil, si ce n'est notre assistance directe dans les cas plus sommaires. Je voudrais laisser Me Moreau commenter le côté...

M. Moreau: Si je comprends bien le sens de votre question, très brièvement, je vous dirai que le rôle de conseiller d'un courtier part dès le début, au niveau de la déclaration initiale du risque. La proposition d'assurance ou le questionnaire qui doivent être remplis et signés par l'assuré ou par le preneur méritent l'intérêt ou l'attention du courtier ou du conseiller du client quant à la réponse à donner à certaines questions. C'est bien sûr le client qui connaît l'étendue de ses opérations et qui connaît la diversité de ses risques. Le courtier n'est là que pour l'assister au niveau de la déclaration, mais c'est à l'assuré de signer en bas du formulaire, finalement, avec l'assistance du courtier quand il la réclame.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Nous allons céder la parole au représentant officiel de l'Opposition.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Le ministre a peut-être des questions? Oui? Écoutez, je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue, MM. Lavigueur, Moreau, Frappier et Mme Paradis. Je pense que votre mémoire va droit au but. Il est très précis. Il souligne certaines dispositions de l'avant-projet de loi qui vous conviennent peu - c'est le moins qu'on puisse dire - d'après les arguments déjà énoncés par Me Moreau et M. Lavigueur. J'en ajouterai un. Je vous avoue que si on était à la commission parlementaire qui étudie article par article le projet de loi, je ne l'adresserais pas de ce côté-ci, je l'adresserais de ce côté-là. Je demanderais: Pourquoi voulez-vous modifier un état de fait qui s'est développé avec les années? Pour moi, le courtier, en tout cas avant qu'on me convainque que dans la réalité le courtier est le représentant de l'assureur, je comprends qu'il puisse l'être à l'occasion, je pense que Me Moreau et M. Lavigueur l'ont bien expliqué dans le mandat alternatif - j'aime beaucoup l'expression - qu'à certaines parties de ces activités, le courtier puisse être un mandataire de l'assureur, mais en règle générale, il vient assister l'assuré qui cherche un contrat d'assurance, une couverture d'assurance valable. En tout cas, c'est ce qui est à peu près le gros sens commun. C'est la réalité et, en plus, cela semble être le sens de la jurisprudence un peu qui s'est développée et qui est citée dans le mémoire de l'association. (17 h 30)

Ma question principale irait dans ce sens-là, mais c'est une autre. Ma question qui va à mes invités est la suivante: En supposant que les rédacteurs, les codificateurs, les conseillers, toute l'équipe du Code civil et les législateurs sont d'avis de vous donner raison, je crois comprendre que le but de la modification était probablement de venir aider l'assuré pour faire en sorte que s'il y a un problème entre l'assuré et son courtier, les tribunaux puissent possible-

ment trancher, mais en donnant un maximum de latitude à l'assuré, de venir par exemple contredire les dires du courtier, et Dieu sait qu'il y a des causes de jurisprudence, etc. Seriez-vous quand même d'accord pour faire revivre ces dispositions du Code civil, advenant le cas où on vous donne raison, et maintenir l'existence de ces dispositions du Code civil qui permettent à l'assuré de venir contredire son courtier sur des questions ayant trait, par exemple, à sa déclaration, à sa proposition? Je pense que vous appelez cela dans votre jargon sa déclaration. Je vais vous donner un exemple bien concret: On appelle notre courtier. On vient de s'acheter une nouvelle maison. Je dis cela parce que le cas m'est arrivé il y a quelques années, je venais de m'acheter une nouvelle maison où il y a une piscine extérieure creusée. Je dis à mon courtier: Je viens d'acheter telle maison. Y a-t-il moyen que l'on fasse ça vite, etc.? Il me sort une police d'assurance et à un moment donné je me dis: j'ai une piscine et je ne l'ai pas déclarée à mon courtier. Alors, je le déclare à mon courtier. Il dit: Inquiète-toi pas, je te l'ai assurée. Je dis: Non, non, envoie-moi un écrit comme quoi je te l'ai dit. Je visais à me protéger, évidemment; c'est ma formation juridique. Bref, c'est le sens de ma question. Êtes-vous quand même sensible au fait que dans l'exercice de votre travail, vous pouvez oublier une déclaration d'un de vos clients, mais une déclaration fondamentale dans l'acceptation du risque, puis dans la fixation du montant de la prime qui découle de la police d'assurance?

M. Lavigueur: M. le Président, c'est un vent d'air frais que d'entendre les commentaires du représentant de l'Opposition, parce qu'il dit qu'il se demande comme nous pourquoi cet article a réellement été mis là, compte tenu d'une pratique qui date de 75 ans et qui semble avoir satisfait 85 % des gens qui achètent de l'assurance au Québec. Je voudrais quand même répondre à sa question. Regard, la revue de notre association, pour le mois qui commence, parle amplement de la législation d'aujourd'hui en révélant un commentaire d'experts que nous avons demandé. Jean Nichol et les membres du groupe de droit des assurances d'Ogilvy, Renault ont produit un article qui nous semble fort intéressant et qui répond partiellement à votre question, M. le député de l'Opposition. Mme la Présidente, si vous me permettez de le citer: à la page 33, ces gens d'Ogilvy, Renault disent: "Si donc l'article proposé est adopté, le courtier ou l'agent d'assurance, de même que l'assureur, seraient bien avisés d'être beaucoup plus prudents qu'ils ne le sont actuellement en définissant par écrit - c'est écrit en noir - pour le compte de qui le courtier ou l'agent agit à quelque stade que ce soit d'une opération d'assurance. Sinon - disent-ils - l'assureur se verra lié par les déclarations du courtier et par sa connaissance, conformément aux règles générales du mandat, articles 1701 et suivants, que celles-ci traduisent l'intention des parties ou non." Cela dit, pour moi, dans ma pratique courante, cela me semblerait une aberration que chaque fois que je vends un contrat de devoir avoir une déclaration d'intention, à savoir qui je représente: l'assureur ou l'assuré? Je voudrais demander à Me Moreau de continuer.

M. Moreau: Oui. Dans le sens de votre question, cher monsieur, qui faisait valoir que finalement, est-ce que cette disposition ne pourrait pas profiter, d'une manière ou d'une autre, à l'assuré. J'ai de la difficulté à concevoir qu'une telle disposition puisse aider l'assuré. Ne prenons que l'exemple d'un sinistre important qui se produit où l'assureur fait une offre de règlement et que l'assuré méconnaissant les dispositions techniques du contrat d'assurance, va être finalement obligé d'accepter. Où je veux en venir, c'est que l'indépendance du courtier, par rapport à l'assureur, contrairement à celle de l'agent, permet à son client de pouvoir obtenir une assurance qui répond vraisemblablement au besoin pour lequel il a payé une prime. Il s'attend, par cet effet, à avoir des conseils judicieux. L'indépendance du courtier à ce sujet permettrait une bien meilleure représentation, un bien meilleur effet, si le courtier était considéré le représentant de l'asssuré, comme en témoigne la jurisprudence, comme en témoigne la doctrine. J'en ai abondamment que je pourrais vous formuler à ce sujet.

M. Filion: Je vais interpréter votre question comme étant favorable au maintient de l'article 2491, qui existe présentement.

M. Moreau: De 24...

M. Filion: De l'article 2491 du présent Code civil. Cela va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Fortier: Juste une intervention très rapide. Bien sûr, quand j'ai pris connaissance du projet de modification au Code civil et connaissant le point de vue de mes amis les courtiers, j'ai été fort surpris. Parce que, tous ceux qui ont suivi le débat entre vente directe par le biais des agents et vente par le biais des courtiers, savent jusqu'à quel point les courtiers nous ont fait valoir à moult reprises leur statut d'agent indépendant face aux compagnies d'assurance. De fait, ce débat public le fait ressortir et plusieurs personnes, plusieurs Québécois sont un peu ignorants du Code civil, bien sûr. Le débat que nous avons eu et le fait qu'il y avait des impacts économiques dans le genre de débat, à la suite de l'intervention, en particulier, du Mouvement Desjardins, plusieurs ont fait ressortir cet aspect. Les courtiers eux-mêmes non seulement se sont penchés sur la jurisprudence

et sur l'interprétation du Code civil existant, mais également ont fait valoir auprès du public, par une publicité plus généreuse, qu'ils existaient réellement pour défendre les droits de ceux de qui ils obtenaient des mandats de les représenter. Tout cela pour dire que, au-delà du Code civil, la réalité de chaque jour va nous amener davantage à faire cette distinction très grande entre agent, où on va, dans une caisse ou ailleurs, ou un agent représentant une compagnie directe qui est réellement le mandataire de l'assureur et le courtier. Puisque dans l'avenir, dans une nouvelle législation que je mettrai de i'avant, nous insisterons pour que le courtier soit dans une certaine obligation d'indiquer quelles sont les compagnies avec lesquelles il fait affaire, pour indiquer à l'individu qu'il a des choix, donc le courtier est là pour le conseiller. Cela rejoint les préoccupations légales et les représentations qui m'ont été faites, moins sur un plan juridique, mais sur un plan commercial, mais cela rejoint quand même les préoccupations des courtiers. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je cède la parole au député de Marquette, pour une...

M. Dauphin: Oui, pour le mot de la fin. Avec mon collègue de Taillon, je vous remercie d'être venus en commission parlementaire, à la sous-commission des institutions. Je puis vous assurer, au nom du ministre de la Justice, qu'on va étudier avec beaucoup d'attention vos représentations avant que cela devienne un projet de loi. Merci de votre présence.

La Présidente (Mme Bleau): M. Lavigueur.

M. Lavigueur: Merci, Mme la Présidente. Je ne peux passer sous silence, avec votre permission, la présence du ministre Fortier, qui vient de parler. Aussi, j'avais un petit mot sur l'avenir du courtage. Cela me paraissait tout à fart rejoindre les préoccupations du ministre, à savoir que si dans l'avenir on doit décloisonner quelque chose - et c'est le service financier que l'on vise - s'il y a un moment où l'assuré, le public aura besoin d'un conseil impartial non rémunéré, parce qu'il viendra de l'acte de distribution qui est à l'autre partie du mandat dont parlait Me Moreau, est-ce que ce n'est pas beau de recevoir ce mandat et en même temps de pouvoir exercer sur la population tout simplement un conseil impartial? Pour nous, ça entre tout à fait dans le débat du décloisonnement. Je vous remercie d'avoir écouté notre représentation, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Nous vous remercions. M. le député.

M. Filion: Merci.

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.

La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, je vous remercie infiniment de votre présence. J'appellerais maintenant l'Association canadienne des compagniers d'assurances de personnes inc. Nous souhaitons la bienvenue à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. Je demanderais à Me Yves Millette de nous présenter ceux qui l'accompagnent.

M. Millette (Yves): Merci, Mme la Présidente. M'accompagnent aujourd'hui Me Gaétan Cantin, vice-président des services juridiques à l'assurance-vie Desjardins et Me Jacques Taché, directeur principal aux affaires juridiques à l'industrielle Alliance, compagnie d'assurance-vie.

La Présidente (Mme Bleau): Me Millette, est-ce que je pourrais vous demander, considérant l'heure tardive, si vous pourriez nous faire un résumé de votre mémoire. Nous l'avons tous lu d'ailleurs et je pense bien que nous savons à quoi nous en tenir. On aimerait vous entendre sur les choses que vous jugez peut-être les plus importantes, car la sous-commission doit ajourner ses travaux et reprendre à dix-neuf heures trente.

M. Millette: Oui, Mme la Présidente, on va faire nos présentations assez rapidement. D'ailleurs, notre mémoire est explicatif par lui-même et il s'agit de question de détails. Mais j'aimerais vous parler de façon générale de la position de notre association concernant l'ensemble du projet de révision sur les obligations. On n'a pas fait de commentaires dans notre mémoire préférant laisser ça à des organismes comme le Barreau ou autres qui ont une vue d'ensemble de la situation, parce qu'aucun de ces articles ne touchait spécifiquement notre industrie.

En ce qui concerne les articles sur les assurances de personnes, la réforme du Code civil a été effectuée avant 1976 mais est entrée en vigueur en 1976, de sorte que notre industrie a appris à vivre avec ces articles, et depuis les tout débuts, nous avons déjà eu deux ou trois fois des amendements à ces articles du Code civil, de sorte que ces dispositions sont aujourd'hui bien rodées. La trame de ces articles est conforme aux pratiques en vigueur dans l'industrie de l'assurance de personnes, l'interprétation que les tribunaux en ont donné a démontré un bon équilibre entre l'intérêt des consommateurs et celui de l'industrie des assurances de personnes et c'est pourquoi notre mémoire se limite à des commentaires spécifiques.

Toutefois nous croyons qu'il est important de rappeler certains principes généraux et fondamentaux de l'assurance, que le projet tend à oublier à l'occasion, dans certaines dispositions qui sont générales à l'assurance de personnes et

aux assurances de dommages, mais plus particulièrement dans le cas des assurances de dommages. Nous laisserons le soin au Bureau d'assurance du Canada de faire ses représentations sur la partie assurance de dommages; nous nous contenterons de faire des représentations sur les dispositions qui concernent les deux industries. (17 h 45)

Comme vous le savez, l'industrie de l'assurance, de façon générale, est une mutualité, c'est-à-dire qu'il y a un transfert de risques entre les individus qui adhèrent à un groupe et l'ensemble d'un groupe. Les contrats qui sont passés entre une compagnie d'assurances et un assuré comportent une prime et des obligations d'assurances, mais évidemment, il s'agit d'un transfert de risque où on crée des "pools", des regroupements, et où chacun des assurés, évidemment, ne verra pas le risque réalisé à un moment donné ou même tout au cours de l'existence du contrat, de sorte que les fonds qui sont accumulés par la compagnie d'assurances ne correspondent pas à l'ensemble des obligations de la compagnie d'assurances, mais uniquement à la suffisance de fonds pour permettre à la compagnie d'assurances de respecter les obligations qui vont découler de certaines données statistiques qui auront été calculées, soit par des actuaires ou d'autres personnes.

Évidemment, c'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'avoir un organisme de surveillance et de contrôle. Tantôt le ministre Fortier était présent, il y a l'Inspecteur général des institutions financières qui est chargé de voir à la solvabilité de l'ensemble des institutions, ce qui est très important. Parce que c'est ce qui va faire foi que la compagnie d'assurances va avoir les fonds nécessaires pour satisfaire à ses obligations à l'égard des assurés.

En matière d'assurances, il ne faut pas oublier que la compagnie d'assurances n'est pas partie comme telle au contrat. La compagnie d'assurances est un gérant, elle gère la mutualité, c'est-à-dire qu'elle gère l'ensemble des individus qui adhèrent aux groupes d'assurances qui font un transfert de risque. Donc contrairement à d'autres formes de contrat, comme des contrats d'adhésion ou autres, quand un assureur conclut un contrat avec un assuré, l'assureur agit dans une position d'intermédiaire, de gérant pour l'ensemble des assurés. Et à ce moment, les obligations que souscrivent les assurés sont souscrites à l'égard ou face à l'ensemble des assurés et non pas face à la compagnie d'assurances comme telle, qui elle-même, n'a pas d'engagement, sinon d'administrer cette mutualité en question.

Cette notion de risques qui sont soucrits a été malmenée en quelque sorte au cours des années soixante-dix et quatre-vingt par trois notions qui sont la notion de protection du consommateur, de Charte des droits et libertés de la personne et de régime public d'assurances ou d'avantages sociaux comme la Régie des rentes ou la Régie de l'assurance-maladie. Dans un cas, comme dans le cas de la protection du consommateur et dans le cas des chartes des droits et libertés, on a comme objectif de protéger les individus, les consommateurs alors que, on vient de le voir dans l'assurance, on a un transfert de risque d'un individu à une collectivité. Donc, on a tendance, depuis les années soixante-dix, à privilégier les droits des individus par rapport aux droits de la collectivité. D'un autre côté, en ce qui concerne les régimes publics d'aide, le régime est fait en fonction de l'ensemble de la population, c'est-à-dire qu'à ce moment, on n'a pas le problème de l'assurance individuelle où on doit reconstituer un modèle mathématique ou un modèle statistique, l'ensemble de la population représentant l'ensemble de la statistique. Il n'est pas nécessaire de reproduire ce mécanisme, ce que l'assurance privée doit faire. C'est-à-dire que l'assurance privée doit, par un mécanisme de sélection des risques, reconstituer ce qui se passe dans l'ensemble de la population, mais à une échelle restreinte, à une échelle réduite. L'assureur doit reconstituer parmi les assurés, parmi les gens qui sont membres de la mutualité, les conditions qui se retrouvent dans l'ensemble de la société. Il est donc obligé de choisir les assurés. Il est obligé de choisir les risques qu'il va assumer de façon que les risques qui vont être assumés par l'assureur soient représentatifs des statistiques globales pour la société. Si les risques qu'il choisit sont trop concentrés dans un domaine ou ne représentent pas l'ensemble, il va y avoir un déséquilibre. Comme on l'a dit tantôt, si les assureurs n'accumulent pas des fonds pour l'ensemble des assurés, mais uniquement pour la réalisation des risques statistiquement prévus, il va y avoir un déséquilibre dans les fonds accumulés de l'assureur de sorte que les consommateurs ne pourront pas recevoir les sommes auxquelles ils ont droit. Donc, il est du devoir de l'assureur de sélectionner les risques.

Depuis les années soixante-dix, avec toutes les notions de protection du consommateur, on a eu beaucoup tendance à mettre en équilibre ou en opposition plutôt deux théories, c'est-à-dire l'égalité versus l'équité. Les régimes sociaux ont eu pour effet de mettre les consommateurs à égalité, c'est-à-dire qu'on ne faisait pas de différences entre chacun des consommateurs, chacun des consommateurs étant égal alors que, question d'équité, il faut que chacun des assurés, dans le cas de l'assurance, soit identifié et soit classifié selon le risque qu'il représente véritablement pour l'ensemble des assurés. C'est vrai à tel point que, maintenant, les régimes publics commencent à tenir compte de ce facteur d'équité. Notamment, la Régie de l'assurance automobile parle de tenir compte du dossier de conduite d'un assuré, d'une personne qui souscrit à l'assurance automobile. Donc, même les régimes publics commencent à tenir compte de ce fait

pour que chacun des assurés soit traité équitablement selon le risque qu'il représente pour l'ensemble. Je pense qu'on a eu tendance à oublier cette notion d'équité pour favoriser plus spécialement la notion d'égalité. Et on retrouve cela dans le projet de révision du Code civil, la partie sur les obligations, lorsqu'on introduit une notion, par exemple, comme la notion d'assuré raisonnable. L'assuré raisonnable, lorsqu'on oppose ou lorsqu'on opposera cette notion d'assuré raisonnable avec la notion existante depuis 1976 d'assureur raisonnable, on va assister à une confrontation ou à une égalisation des droits, l'assuré raisonnable étant un critère égalitaire par rapport à l'assureur raisonnable qui a à faire une sélection à un critère d'équité. Il va devenir très difficile d'équilibrer les concepts d'assurance, ce qui, à long terme, pourrait constituer un déséquilibre pour l'industrie de l'assurance comme telle.

Un autre phénomène qu'on retrouve dans ce domaine, c'est peut-être ce dont nos prédécesseurs ont parlé, la notion de mandat du représentant. Il est nécessaire de conserver un double mandat du représentant du courtier et même de l'agent exclusif, parce que le courtier ou l'agent représentent à un moment donné les deux parties au cours d'une négociation, ils vont transférer ou transporter de l'information de l'un à l'autre, ou de l'un vers l'autre et vice versa, et il est nécessaire de reconnaître ce double mandat. Il n'est pas souhaitable, selon nous, de tout mettre le fardeau d'un côté ou de l'autre. D'ailleurs, la jurisprudence a été constante sur ce plan et s'est toujours attachée à essayer de départager le véritable rôle de l'agent ou du courtier qui est l'intermédiaire, à toutes fins utiles, de l'individu qui veut adhérer à une mutualité. Donc, à ce moment-là, il est beaucoup le représentant du consommateur face à cette mutualité. Donc, il représente diverses parties lorsqu'il est au sein de la mutualité.

La troisième chose qui est touchée par le projet de révision du Code civil qui concerne les assurances, c'est la fameuse notion de proposition et le contrat lui-même et la divergence entre la proposition et le contrat. Il ne faut pas oublier la nature véritable de la proposition qui est l'offre de l'individu d'adhérer à la collectivité et dans laquelle il décrit sa situation. C'est très différent du contrat qui, lui, est la souscription ou l'acceptation d'un individu à la mutualité. Donc, lorsqu'on a tendance à identifier ces deux documents et à dire que, si la proposition ne reflète pas entièrement le contrat, on doit introduire un troisième document, on a tendance à ignorer ce que représente la proposition, qui est l'offre d'adhérer à la mutualité, tandis que le contrat est l'adhésion. À ce moment-là, je pense qu'il est impossible de reproduire les deux documents dans un même ou de les reproduire dans un troisième document; je pense que c'est mal comprendre la notion de la mutualité que de faire cela.

Évidemment, on pourrait continuer sur des points qui sont plus secondaires, mais, je pense qu'on a touché là aux trois points principaux qui concernent l'industrie de l'assurance-vie et, pour nous permettre d'abréger, je vais passer immédiatement aux questions, si vous en avez.

La Présidente (Mme Bleau): Merci beaucoup, M. Millette. Je passe la parole au député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Au nom du ministre de la Justice, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à ces auditions publiques en matière de réforme du Code civil sur les obligations.

J'aurais deux questions à vous poser. La première concerne la notion d'intérêt d'assurance. Il y a certains groupes qui nous ont proposé d'abandonner cette notion d'intérêt d'assurance pour ne s'en tenir qu'au consentement de l'assuré. Alors, ma première question est la suivante: Seriez-vous d'accord pour qu'on élimine complètement cette notion d'intérêt d'assurance?

M. Cantin (Gaétan): Je pense que dans le code actuel la signature de l'assuré constitue de l'intérêt d'assurance, sauf erreur...

M. Millette: On peut ajouter, je pense, que l'intérêt d'assurance a été, disons, quelque peu négligé au cours des années, parce que c'est devenu... à cause de l'amélioration des conditions d'assurabilité, du fait que les contrats d'assurance ont été répandus et ont servi à un grand usage, on a eu tendance à délaisser la notion d'intérêt d'assurance. Mais, je pense qu'avec les changements des conditions, notamment avec le sida et divers autres phénomènes sociaux, les assureurs reviennent de plus en plus à la notion d'assurance. Comme je le disais tantôt, l'assurance est une mutualité et les gens qui y adhèrent se doivent d'avoir un intérêt, pour le bénéfice même de la communauté ou de la mutualité. Autrement, cela risque d'amener des débordements et une désensibilisation des assurés, qui ne verront pas d'intérêt à ce que la mutualité soit aussi fonctionnelle que possible et coûte le moins cher possible aux autres assurés. Donc, il y a un phénomène. On revient beaucoup, notamment aux États-Unis, avec la notion d'assurance, même en assurance de personnes, qu'on avait eu beaucoup plus tendance à délaisser. En assurance-dommages, les gens du BAC vont y revenir, mais la notion d'intérêt d'assurance a toujours conservé énormément d'intérêt.

M. Dauphin: Merci. J'ai une deuxième question avant de céder la parole à mon collègue de Taillon. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur votre proposition de favoriser l'adhérent dans l'éventualité d'intérêts divergents entre l'adhérent et le bénéficiaire?

M. Millette: Évidemment, quand on est rendu au niveau de l'adhérent, ce n'est plus l'assureur comme tel qui est impliqué. C'est une question ou une volonté de régler des litiges éventuels entre l'assuré, ou l'adhérent, et le bénéficiaire. Donc, c'est déjà en dehors de la compagnie d'assurances. À ce moment-là, ce n'est pas l'intérêt des compagnies d'assurances comme tel. Mais, c'est la volonté d'éviter des litiges entre les deux parties qui fait que l'assureur pourrait être tenu de payer à un ou à l'autre ou à un ou aux deux, tout dépendant... Je pense qu'il est nécessaire d'établir des règles ou des présomptions. Il est tout à fait normal de privilégier l'adhérent, qui est celui qui contracte et qui a des obligations face à l'assureur. Je pense que les gens avec moi peuvent vous donner des exemples précis. (18 heures)

M. Cantin: II n'y en a peut-être pas à la tonne, mais on pense, par exemple, à la possibilité de nommer un bénéficiaire irrévocable pour une période déterminée, ce qui n'est pas prévu actuellement, je pense, dans la loi. On pense aussi à la possibilité de prévoir des modifications au contrat, indépendamment du fait qu'un bénéficiaire puisse être nommé révocable.

M. Taché (Jacques): C'est que du vivant du contrat, lorsque le contrat est en vigueur, que la somme n'est pas payable et qu'il y a des bénéfices possibles prévus au contrat, je pense que la première relation contractuelle est entre l'assureur et l'adhérent ou le preneur. Les droits et les intérêts du bénéficiaire, en cas de conflit, sont suspensifs. Cela se produit très peu, mais si, effectivement, cela se produisait, on doit avantager l'adhérent, celui qui a souscrit l'assurance, celui qui est contractant par rapport à celui qui est bénéficiaire suspensif. Son droit est suspensif à la réalisation du risque, alors que l'on est dans une situation où le risque n'est pas réalisé encore.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, Me Taché. Je passe la parole aux représentants de l'Opposition.

M. Filion: Je vous remercie, Me Millette, MM. Cantin et Taché, pour votre mémoire extrêmement clair, précis et facile de préhension et de compréhension. On se retrouve très facilement.

Vous soulevez indirectement aux pages 6 et 7 de votre mémoire tout le problème des réticences. Évidemment, l'avant-projet de loi nous dit d'abord à l'article 2478 que l'assuré est tenu de déclarer toutes les circonstances connues, etc. Le deuxième alinéa de l'article 2478 crée une obligation intéressante, c'est-à-dire que "L'assureur est, pour sa part, tenu, sauf quant aux circonstances inhabituelles ou anormales, de poser des questions spécifiques au preneur sur les circonstances reliées au risque qu'il estime importantes." C'est le droit nouveau, ce deuxième alinéa. Il n'existait pas avant et cela dit essentiellement: Si vous avez des questions à poser, allez-y, posez-les. Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous invoquez les arguments qui font que ce deuxième alinéa ne devrait pas faire partie du futur Code civil.

De plus, vous dites qu'il y a impossibilité pour l'assureur de connaître toutes les circonstances personnelles de l'assuré. Les interdictions découlant des chartes sur les droits et libertés de la personne font que les questions pertinentes ne peuvent pas toutes être posées. On est dans un cul-de-sac avec ça, parce que si vous avez raison et si les questions ne peuvent pas être posées à cause des chartes, on ne pourra sûrement pas blâmer l'assuré de ne pas les divulguer à cause des chartes. En deux mots, dans un sens ou dans l'autre, si les chartes protègent ce type de confidence: question posée ou question pas posée, à mon sens, la charte prime. Alors, à mon sens, ce n'est pas un gros argument en faveur du retrait de cette disposition de l'avant-projet de loi. Deuxièmement, comme je le disais, il y a aussi le bon sens. Il y a tellement... Aujourd'hui, pour évaluer un risque, les compagnies qui sont membres de votre association peuvent s'y prendre de 98 000 façons. J'ai l'impression qu'avec le temps, l'évaluation des risques va se faire d'une façon tellement précise qu'il y a des éléments qui ne sont pas connus de l'assuré, mais qui peuvent être importants pour l'assureur. En deux mots, vous demandez peut-être à l'assuré de supporter trop de fardeau. Est-ce que l'assureur ne devrait pas poser les questions pour lesquelles il veut avoir des réponses?

M. Millette: C'est un peu le préambule que j'avais présenté tantôt. C'est tout le débat qu'on a vécu au cours des années soixante-dix et quatre-vingt entre les notions d'égalité et les notions d'équité. C'est toute la notion de participation de l'assuré à une mutualité, contrairement à d'autres contrats où un consommateur conclut une entente pour un bien ou service avec un fournisseur, en matière d'assurance, c'est un assuré qui désire transférer le risque potentiel que représente pour lui son décès prématuré, sa maladie, l'incendie de sa maison, etc., à l'ensemble d'un groupe qui a, appelons cela, les mêmes problèmes ou les mêmes risques que lui et qui mettent cela ensemble. La seule raison d'être de l'assureur, dans tout cela, c'est d'agir comme gérant, pour administrer ce système. Mais l'assuré, à l'égard des autres membres, des autres assurés, pour que le système puisse fonctionner et avoir une suffisance, se doit de déclarer toutes les circonstances possibles et imaginables qui l'entourent. Un assureur ne peut pas se permettre de poser toutes les questions précises. Il y aurait des formulaires de 150

pages, et encore cela ne serait pas suffisant. Il oublierait un certain nombre de questions. Pour un assuré, pour la participation à la mutualité, il y a une foule de critères qui sont importants. Évidemment, il y a les critères objectifs de santé, d'âge, des choses comme cela. Il y a des critères qui sont plus subjectifs comme l'occupation, le risque moral et les choses comme cela. Il est très important que ces choses-là puissent être divulguées ou que l'assureur puisse, au cours de son enquête, découvrir ces faits pour que le risque soit classifié d'une façon équitable pour l'ensemble des autres assurés, pour qu'un individu qui est admis à l'assurance, paie en fonction du risque qu'il représente. C'est toute cette notion qui, au cours des années soixante-dix, avec les tendances égalitaires que représentent la protection du consommateur et la charte des droits et libertés, a été un peu négligée. Ce qui fait qu'aujourd'hui, il y a un risque de déséquilibre du système d'assurance qu'on connaît où il y a une participation des assurés des risques collectifs, de l'ensemble des assurés appartenant à cette mutualité. Il y a un déséquilibre des droits individuels par rapport aux droits collectifs. C'est ce à quoi il faut faire attention. Probablement que l'introduction du nouvel alinéa de l'article 2478 vient encore plus faire pencher la balance du côté des droits individuels au détriment des droits collectifs des assurés participant à la mutualité, ce qui risque éventuellement de déséquilibrer la mutualité.

Une voix: C'est peut-être une façon un peu plus imagée, M. le député...

M. Cantin: On pourrait peut-être dire qu'il ne faudrait pas, autant que possible, que le contrat devienne un jeu du chat et de la souris, tout simplement.

M. Taché: Je me permettrais d'ajouter également que, M. le député, effectivement, il ne faut pas que cela devienne une question de ah! il n'y a pas eu de question posée, donc, je sais qu'il y a un risque qui pourrait peut-être influencer. Mais il n'y a pas eu de question posée et est-ce que la question porte exactement sur cela, etc? Si la question n'est pas claire, elle va être interprétée contre l'assureur qui a rédigé le contrat. Alors, il faudrait, effectivement, comme Me Millette l'a dit, avoir de multiples questions et il ne faut pas encourager le fait de jouer à ce jeu du chat et de la souris. Il ne s'agit pas qu'il y ait seulement eu une réticence, mais l'assureur devra démontrer que ce qui a été caché était de nature à influencer un assureur raisonnable. Alors, le test est un test objectif et il va falloir démontrer, effectivement, que ce qui a été caché était un fait important pour l'assureur raisonnable, pas pour l'assureur en question qui a un intérêt, peut-être, à refuser mais pour un assureur abstrait, un assureur raisonnable et le juge devra apprécier. J'ajoute- rais également que l'assuré va être pénalisé pour ses fausses déclarations seulement si cette fausse déclaration-là, ou le décès, survient dans les deux ans de la fausse déclaration. Après deux, il obtient l'absolution à moins que l'assureur puisse démontrer fraude et c'est particulièrement rare que l'assureur puisse démontrer fraude. Alors, déjà l'assuré reçoit l'absolution après deux ans en cas de fausse déclaration. Je pense qu'on doit lui imposer une attitude de bonne foi dans la déclaration du risque. Si, effectivement, il connaît un fait qui est de nature à influencer l'assureur, même si l'assureur n'a pas posé la question, je pense que cela demeure son devoir de le déclarer.

M. Filion: D'abord, les deux ans existent déjà au moment où on se parle. Et je saisis bien votre point de vue, je pense que c'est bien réglé, ce n'est pas un jeu, c'est un contrat d'assurance, c'est sérieux. Je le comprends fort bien, mais je comprends aussi que l'assureur est en mesure, sûrement, de faire l'évaluation des questions qu'il juge importantes, et d'ailleurs l'avant-projet de loi le dit bien. Il ne pose pas toutes les questions. On ne pourrait pas reprocher à l'assureur de ne pas poser certaines questions, le texte dit bien: "L'assureur est, pour sa part, tenu - une obligation qu'on crée, je suis d'accord - sauf quant aux circonstances inhabituelles ou anormales - dont déjà, il y aurait une espèce de réserve, mais - de poser des questions spécifiques au preneur sur les circonstances reliées au risque qu'il estime importantes". Pas toutes les questions, uniquement... mais de toute façon je pense que votre point de vue est bien rendu et fera partie des cogitations sûrement, c'est un point de vue extrèmement musclé que vous présentez, et il faut le respecter.

Maintenant, en terminant, les remarques que vous faites sur les fausses déclarations m'amènent à vous poser une dernière question, et là je me fais un petit peu l'avocat du diable. Je ne devrais pas, comme je le dis souvent, parce que le diable est bien représenté dans notre société, il n'aurait pas besoin d'avocat, mais enfin. Cela m'est venu d'une cause de jurisprudence que j'ai lue, je ne nommerai pas les parties ni le juge, etc. C'est le cas des fausses déclarations, précisément. Je donne un exemple:un type signe une proposition d'assurance et déclare qu'il ne fume pas, mais, il lui arrive de fumer deux ou cinq cigares par année. Et ça c'est fumer, bon. Et il meurt dans un accident d'avion, disons, ou dans un accident d'automobile ou il meurt parce qu'il est assis sur son balcon et que la charrue lui passe sur le corps. Une mort accidentelle, qui n'a rien à voir avec l'état de ses poumons, donc l'événement qui provoque normalement l'ouverture du paiement d'indemnité n'est aucunement relié à cette fausse déclaration.

Je comprends du droit actuel, et on me corrigera, comme d'ailleurs de l'avant-projet de loi, que cette fausse déclaration, commise à

l'intérieur des deux ans, pourrait quand même provoquer la nullité de la police d'assurance. Et c'est là que je me fais l'avocat du diable et que je me dis: Pourquoi ne pas prévoir, par exemple - je ne sais pas si vous seriez contre - une clause ou une disposition qui ferait que l'individu, l'assuré, devrait payer l'équivalent des primes qu'il aurait payées s'il avait déclaré, mais que quand même on ne lui retire pas, ou on ne retire pas aux bénéficiaires le priviège d'indemnité. Alors, écoutez, ce n'est pas dans l'avant-projet de loi, si vous voulez refuser de répondre comme... en vertu de la charte allez-y mais, bref, j'aimerais que vous réagissiez peut-être, vu que vous avez vos avocats avec vous.

M. Taché: Je suis bien à l'aise pour vous répondre, d'autant plus que la cause à laquelle vous faites allusion...

M. Filion: Non, je ne fais allusion à aucune cause, vraiment.

M. Taché: II n'y en a qu'une dans tout le Canada...

M. Filion: Mais n'y faites pas allusion vous non plus.

M. Taché: ...et j'y ai été impliqué directement. Pour répondre plus sérieurement à votre question, c'est qu'à ce moment-là, ce serait vraiment encourager la fausse déclaration. Pourquoi? Parce que ce n'est pas une loto, on n'achète pas un billet de loto en achetant de l'assurance en se disant: C'est vrai que j'ai le cancer, mais je ne le dirai pas, une malchance que je meure dans un accident d'automobile, je vais avoir la double indemnité, je vais tout prendre. Alors à ce moment-là, il n'y a pas de pénalité parce que le décès n'est pas relié à la fausse déclaration. Alors, il ne faut pas encourager cela. Si on fait un règlement proportionnel en assurance pour la vie, contrairement à l'assurance générale, on dit qu'on fait un règlement proportionnel, à ce moment-là, l'assuré n'a absolument rien à perdre à faire une fausse déclaration, parce qu'il va dire: J'aurais payé une prime qui est double de celle que j'aurais payée, mais tout ce qui va m'arriver, c'est que je vais être payé dans la proportion de la prime, alors je ne perds rien à avoir fait une fausse déclaration et je vais payer une prime moindre, et une malchance qu'ils ne trouvent pas ma fausse déclaration, je vais avoir le plein montant et je vais avoir payé la moitié de la prime que j'aurais dû payer si j'avais évalué le risque; de plus, si je ne meurs pas dans les deux ans, tant mieux, la fausse déclaration ne pourra être invoquée. Et là, pendant 25 ans, s'il ne meurt pas pendant 25 ans, nous allons être contents comme assureurs, parce que nous aurons perçu la prime pendant 25 ans, nous aurons perçu peut-être la moitié de la prime que nous aurions dû percevoir si le risque avait été bien déclaré. C'est...

M. Cantin: Dans le même sens, est-ce que vous nous permettriez la même chose dans nos déclarations d'impôt, M. le député, de déclarer ce qu'on veut, quitte à ne pas être pris?

M. Filion: Non mais, ouais... j'ai mes avocats à côté de moi et ils me disent de ne pas répondre.

Des voix: Ha, ha, ha. M. Filion: Blague à part....

M. Cantin: Je retire ma question, M. le député.

M. Filion: Blague à part, les arguments sont présentés... D'ailleurs, l'avant-projet de loi est à peu près silencieux là-dessus. Je retiens de vos propos que ce n'est pas une loterie. Vous avez raison. D'un autre côté, au moment où cela a été signé et au moment où l'événement arrive, en deux mots... Vous savez qu'on réintroduit dans notre code certaines notions de faute lourde et de faute légère. C'est contesté d'ailleurs, mais l'avant-projet de loi réintroduit certaines notions... En deux mots, il y a fausse déclaration et fausse déclaration. Mais, quand même, peu importe, si je dis une chose qui n'est pas inexacte, c'est une fausse déclaration. Là, on applique ce que j'appellerais peut-être le châtiment suprême, c'est-à-dire la déchéance complète de la police. Alors qu'il pourrait peut-être exister l'évaluation.

M. Taché: Effectivement, un cigare, ou deux ou trois, n'ont pas l'air importants. Mais, si on dit que les dix premiers cigares ne sont pas une faute lourde, on va payer, qu'est-ce qui fait qu'il y a la sanction suprême rendu au onzième? C'est aussi difficile à justifier que le premier ou le deuxième.

M. Filion: Oui, mais en tout cas, quand on meurt d'un accident d'avion et que la veuve et les enfants ne reçoivent aucune indemnité, je dois vous dire que ce sont des cigares qui ont coûté cher.

M. Taché: Ce sont des cigares qui ont coûté cher.

M. Filion: Ce sont des cigares qui ont coûté cher.

M. Taché: Si la déclaration avait été franche, le montant aurait été payé.

M. Cantin: Par contre, il y a un avantage par rapport à l'assurance générale. En assurance-vie, après le contrat, on peut recommencer à

fumer, sans être obligé de déclarer le risque à l'assureur.

M. Filion: Cela va.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Nous allons céder la parole, pour la dernière remarque, à M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Encore une fois, nous aimerions remercier l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc, pour sa contribution à nos travaux, et la féliciter pour la présentation et les réponses qu'elle nous a fournies. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, MM. Taché, Millette et Cantin, nous vous remercions d'avoir bien voulu vous présenter aujourd'hui.

Nous ajournons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Filion): À l'ordre! La sous-commission des institutions reprend ses travaux. Nous sommes à exécuter notre mandat de consultation générale relativement à l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec au chapitre du droit des obligations. Nous avons devant nous les représentants de l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec. Je demanderais à la personne qui pilote cette délégation de bien vouloir s'identifier, identifier, les personnes qui l'accompagnent et nous faire une brève présentation du mémoire pour que nous puissions par la suite échanger divers propos à son sujet.

Association provinciale des assureurs-vie du Québec

M. Gagnon (Robert): Merci, M. le Président. Je m'appelle Robert Gagnon, je suis vice-président de l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec. Il me fait plaisir de vous présenter les membres qui représentent cette même association. À mon extrême gauche, Me Line Lavergne, responsable du contentieux; M. Gerry Owendyk, membre du conseil d'administration et responsable de différents comités et Me Louise des Trois-Maisons, assureur-vie agréée.

Il est peut-être important pour le bénéfice de certains membres qui ne connaîtraient pas l'association provinciale de vous en faire une brève description. L'APAVQ est une association professionnelle agréée par l'Inspecteur général des institutions financières, sous l'autorité de l'article 327 de la Loi sur les assurances, qui lui permet de conférer à ses membres le droit d'excercer la profession d'assureur-vie. L'association est, de plus, agréée pour prescrire des règles d'éthique à ses membres.

Elle impose un code de déontologie, axé sur la protection du consommateur; les plaintes formulées contre ses membres sont instruites par un comité de discipline composé de cinq membres et présidé par un avocat.

Créée au début des années soixante, elle regroupe, par adhésion volontaire, près de 6000 assureurs-vie, répartis dans 18 associations régionales, dont certaines existent depuis le début du siècle.

Dirigée par un conseil d'administration composé de treize assureurs-vie élus, et de deux représentants du public, nommés par l'Inspecteur général des institutions financière, l'APAVQ, dont le siège social est à Montréal, compte un personnel de seize employés permanents, comprenant un directeur général, un responsable du service des affaires juridiques, un responsable du registre et des affaires courantes, un responsable de l'éducation et de la liaison régionale, et également un responsable des communications. Les douze comités permanents, auxquels s'ajoutent les commissions ou comités d'étude, planifient ses orientations et activités diverses.

Dans le domaine de la formation, l'association publie et distribue le manuel d'étude pour le candidat à l'examen d'obtention du certificat d'exercice, et impose également un cours de formation obligatoire que le membre doit compléter pour devenir membre titulaire. L'APAVQ offre aussi des activités d'éducation permanente L'assureur-vie membre chez nous peut devenir assureur-vie agréé en réussissant les cours universitaires conduisant à cette désignation; ces cours sont dispensés en collaboration avec l'association. Intégré aux structures de l'association, l'Institut des assureurs-vie du Québec regroupe les membres AVA et CLU du Québec.

C'était là un bref résumé, M. le Président, de l'association.

J'ai maintenant l'occasion de vous remercier de nous donner l'occasion de présenter nos différents commentaires concernant surtout - vous allez bien le comprendre - l'aspect pertinent qui touche principalement le domaine de l'assurance-vie concernant la refonte du Code civil.

Louise va commencer. On ne voudrait pas passer les articles un par un, pour vous laisser plutôt l'occasion de poser des questions. Je dois souligner que le comité s'est penché sur cette étude en examinant chaque article. Avec le peu de temps que nous avions, nous avons recueilli le maximum de commentaires pour vous les livrer. Louise, sans plus tarder.

Le Président (M. Filion): Mme des Trois-Maisons, je vous en prie.

Mme des Trois-Maisons (Louise): D'accord. Je vais suivre jusqu'à un certain point la liste

des points saillants qu'on a dressée, puis vous pourrez poser des questions sur d'autres points qui ne sont pas traités ici.

Donc, la terminologie, on aimerait, vu qu'il y a la jurisprudence et la doctrine, que l'on conserve le plus possible les expressions consacrées. Si elles ne sont pas tout à fait à la mode et pas tout à fait françaises, parce que cela a évolué, ce qui était français hier ne l'est parfois plus aujourd'hui, on demanderait quand même que les expressions consacrées soient conservées le plus possible.

De plus, comme on avait le plaisir de travailler à notre comité d'étude avec des gens de langue maternelle anglaise et d'autres de langue maternelle française, on a eu l'observation que la version anglaise devrait peut-être être retouchée avant de la rendre définitive. Entre autres, on a pu voir le mot "client". Eh bien, en assurance, savez-vous une chose, tout le monde est client. Alors, la compagnie d'assurances est une cliente pour plusieurs avocats ici; l'assuré est un client, le bénéficiaire est un client, quand cela ne va pas bien et il y en a plusieurs qui se tirent... Alors, il faut préciser.

De plus, je passe à l'insertion au Code civil des règles d'application en assurance collective. Nous avons été surpris de voir qu'elles n'y étaient pas, parce qu'actuellement elles sont dans le règlement d'assurance à 32 R 1 et elles sont le coeur même de l'assurance collective. Or, l'assurance collective, ce sont des billions de dollars et c'est un peu osé que de laisser toutes ces règles qui sont le coeur même de l'affaire dans des règlements qui ont la fragilité des règlements alors qu'on pourrait facilement les insérer dans la loi. Et d'ailleurs, votre avant-projet de loi y réfère. Par exemple, dans l'article 2461, alinéa 3, vous parlez de groupe déterminé. Le groupe déterminé, c'est un fantôme dans le Code civil. On le trouve dans le fameux règlement, d'accord? Donc, nous soumettons cela à votre réflexion.

Je passe à l'autre élément. J'aimerais que vous définissiez le mot "famille" parce que spécialement, en assurance collective, quand on a les garanties d'assurance dentaire, les garanties d'assurance-maladie, il y a des "packages" familiaux et il y a des couvertures pour célibataires; le sens du mot "famille" varie en définition d'une police d'assurance à l'autre. Alors, l'adhérent qui dit: Je veux une couverture familiale, qu'a-t-il dans la tête? Qu'est-ce que la compagnie d'assurances a dans la tête? Cela fait combien de temps qu'on exige que des personnes soient "conjoints de fait", par exemple? Certaines compagnies, deux ans, d'autres, un an et d'autres, si l'individu marié, il faut qu'il ait été séparé pendant tant de temps. Je laisse cela à votre bon jugement.

Je passe à l'autre élément qui est la prise d'effet. Alors, la prise d'effet, c'est un élément très important en assurance. Vous avez demandé la formation du contrat d'assurance dès l'accep- tation de la proposition, mais en ajoutant en plus qu'il fallait une acceptation formelle. Or, je peux vous dire que l'acceptation formelle tarde parfois à venir, mais une alternative à laquelle vous n'avez pas pensé, c'est que parfois, elle ne vient jamais. Parce que nous, nous sommes ceux qui sont en contact avec les assurés. On appelle cela le plancher des vaches, d'accord? Alors, on sait ce qui se passe sur ce plancher et cela arrive qu'on ne reçoit pas l'acceptation formelle. Alors, je vous réfère à la cause de Francine Provost-Cooper versus Crown Life. J'ai la citation ici. Pour ne pas vous retarder, si vous êtes intéressés, vous me le dites et je vous donne copie du jugement. C'était quelqu'un qui a été approuvé, mais comme on a avisé qu'il était à l'hôpital, l'agent d'assurances a reçu ordre de son siège social de retourner la police au siège social avant la délivrance de la police, ce qui nous amène à dire que la prise d'effet en invalidité demande fortement qu'elle soit, suivant le même principe qu'en assurance-vie, c'est-à-dire dès qu'il y a eu une première prime payée et une acceptation. Alors, on pourrait, vu qu'on est vraiment en contact tous les jours avec les assurés, on pourrait vous conter plusieurs choses qu'on a tous vécues ici, qui seraient en preuve et qui souligneraient l'importance de cette demande. Parfait.

Nous sautons aux divergences. Alors, sûrement vous avez pensé à Faubert versus L'Industrielle. Donc, cela peut être très lourd pour les compagnies d'assurances d'avoir à définir tous leurs termes ou d'avoir à souligner leurs exclusions. Cela peut être très lourd pour les compagnies d'assurances d'avoir à souligner chaque fois toutes les exclusions ou leur façon de définir les termes. Alors, on peut comprendre qu'elles ne favorisent peut-être pas le texte de l'avant-projet qui est l'article 2470, l'alinéa 2. Quant à nous, nous croyons qu'il faut un avis qui ne sera pas nécessairement un troisième document, comme vous l'avez suggéré. Vous savez, il y a beaucoup plus de trois documents dans certains cas et cela arrive plus souvent qu'on le croit qu'il y a plus de trois documents. Alors, il faut tout simplement que la compagnie d'assurances avise que la terminologie ne sera pas dans le sens habituel de la façon que les assurés normalement l'entendent ou qu'elle présentera une exclusion supplémentaire par rapport à quelqu'un d'autre qui fait le cas normalement, d'accord?

Maintenant, vous avez suggéré à l'article 2468, à l'alinéa 2 que les renouvellements soient identiques à moins qu'il y ait eu avis. Eh bien, nous vous félicitons de cette initiative. Il y a eu des cas tragiques qui sont survenus avec le fait qu'on ne se soit pas aperçu, quand une police est revenouvelée plusieurs fois, qu'elle est maintenant tout d'un coup divergente. C'est très lourd pour un courtier ou un agent d'assurances de commencer à vérifier des tas de pages pour voir si, par hasard, il y a une virgule déplacée ou si un paragraphe a été enlevé, surtout en

collectif où les polices ont souvent cette épaisseur. Alors, on vous félicite. On est d'accord pour qu'il y ait un avis quand il y a un changement dans un renouvellement. C'était "Victoria policies"... probablement, qui vous a inspirés.

On passe aux déclarations. Les questionnaires, on a vu, on a écouté l'ACCAP. Sur tout ce que l'ACCAP vous a dit, on est tout à fait d'accord. En fait, si vous aimez la lecture, on peut dire que toute la littérature est très petite à côté de l'avis. Même si on ne prenait que les gens de cette salle, je suis sûre que si on observait leur passé, on verrait des choses beaucoup plus vastes, peut-être, que tout ce qu'il y a dans les livres. Alors, un questionnaire, on n'en viendrait jamais à bout, de demander ce qu'il faut savoir, et puis on alourdirait beaucoup les transactions d'assurance. Nous croyons que les assurés ne sont pas aussi fous qu'on le croit. Ils ont une idée de la matérialité des faits qu'ils doivent déclarer et ils nous demandent parfois, ils nous posent des questions, et on peut les aider à savoir s'ils doivent dire qu'ils ont eu un rhume trois fois l'année précédente ou s'ils doivent dévoiler qu'ils ont eu une pneumonie. On va savoir que dans un cas, c'est non, et dans l'autre, c'est oui, il faut le dévoiler. Alors, nous suggérons que cette idée du questionnaire et des déclarations déjà précisées par questions soit enlevée.

Assuré normalement avisé. C'est un animal qu'on ne connaît pas encore. Il faudra bien nous l'expliquer parce que, nous, on essaie de l'imaginer et on ne peut pas savoir comment est fait ce fameux fantôme. Alors, on suggère de l'enlever parce qu'on va ouvrir la porte probablement à des abus qui font que les compagnies, les actuaires auront beaucoup de difficultés à évaluer la sorte de réserves qu'ils devront mettre de côté.

Aggravation du risque professionnel persistant six mois ou plus. Il faut le dévoiler. Eh bien, il faudrait - je ne sais pas comment vous pourrez le faire - demander aux compagnies d'assurances de nous donner des lignes directrices. Actuellement, nous n'en avons aucune et nous y allons un peu à la devinette, parce que la science de l'actuariat n'exige pas tout à fait la même formation que - loin de là, d'ailleurs -celle qui est requise pour transiger en assurance comme intermédiaire. Dans le mémoire, on a donné l'exemple suivant. Si vous arrivez avec une trentaine d'architectes, est-ce que vous devez dévoiler lesquels vont au chantier de construction ou si l'actuaire a déjà, dans le coût de ses primes, tenu compte que, probablement, sur une firme d'architectes de 30, vous en aurez quatre ou cinq qui iront sur les chantiers de temps en temps.

Maintenant, la discrimination. C'est très lourd pour le preneur ou le futur titulaire de police d'avoir à deviner qui est agent et qui est courtier. D'abord, c'est la mode maintenant, pour les agents exclusifs, de dire qu'ils sont cour- tiers, à tort ou à raison, on ne juge pas. Mais, comment va s'y prendre le futur détenteur de police pour distinguer s'il est véritablement courtier, ou s'il est courtier seulement quand il est en compétition, ou seulement quand, à sa connaissance, il devrait l'être. Alors, c'est beaucoup demander.

Le mandat de l'assureur. On a entendu les courtiers en assurance de dommages et on a entendu l'ACCAP sur le mandat de l'assureur. Alors, nous croyons qu'on doit maintenir cet article, parce que nous voyons des situations extrêmement ambiguës. Pour cet article, vous avez probablement été inspirés par la cause de Blondin, qui parlait du mandat apparent. Mais, il y a des cas encore plus ambigus, plus incroyables, qu'on voit sous nos yeux. On aimerait que ce soit retenu ou que, pour le moins, si de le maintenir vous effraie, vu qu'il y a eu tellement de représentations contre, il y ait un mi-chemin c'est-à-dire que, dès qu'il y a eu des gestes posés par le client d'engagement d'un assureur donné, à partir de ce moment-là l'intermédiaire en assurance de personnes devienne le mandataire de la compagnie d'assurances, surtout en assurance collective et surtout lorsqu'il n'y a pas de remplacement d'assurance collective. Ce que je veux dire, pour vous permettre de visualiser, c'est que si le client signe un papier disant que vous serez le chargé de service d'un compte irrévocablement pour tant de temps, par exemple, et que vous déposez ce papier à la compagnie d'assurances, la plupart des compagnies d'assurances vont, à partir de ce moment, vous adresser, en tant qu'intermédiaire, toute la correspondance. Toutefois, elles peuvent vous dire que vous n'êtes pas encore le mandataire, et elles le font. Elles le font quand elles ont déjà payé l'autre courtier qui était impliqué dans le cas et qu'elles l'ont payé pour l'année en cours au complet. On appelle cela annualiser les commissions. Alors, au lieu de réclamer du courtier en place une reprise des surplus payés, on ne se pose pas la question à savoir s'il est solvable ou non. On se dit: On le garde au dossier jusqu'au renouvellement. Mais, pendant ce temps-là, vous avez un autre intermédiaire qui est en train de poser des gestes de mandataire de l'assureur. Vous avez des cas très ambigus de cette façon. Vous verrez, on a expliqué à l'aide de plusieurs paragraphes là-dessus.

Je passe maintenant à la spéculation. En ce qui concerne les contrats de tontines, on croit que vous devez garder l'ancien article. Les joueurs ne sont pas un phénomène disparu, cela fait partie de la nature humaine, il y en aura toujours. Alors, pourquoi faire des tentations? Pour l'intérêt susceptible d'assurance, on propose que les articles qui existaient soient conservés. Mais, vous allez plus loin... C'est-à-dire que non, vous revenez en arrière. Vous demandez qu'il y ait un intérêt assurable lors d'une cession de police. Nous croyons que, jusqu'ici, nous n'avons pas eu de problème avec l'article actuel. Nous

vous suggérons de ne pas changer cette disposition lors d'une cession de police. Là, si vous vous mettez à nous demander jusqu'à quel point il y a un intérêt assurable lors d'une cession de police, on ralentit beaucoup les transactions qui appartiennent bien souvent au monde commercial. Si vous avez des raisons très sérieuses d'exiger un intérêt assurable pour les cessions, peut-être. Mais, jusqu'ici, vous ne nous avez pas démontré qu'il y a des raisons sérieuses d'exiger l'intérêt assurable lors d'une cession de police.

Le Président (M. Brouillette): Mme des Trois-Maisons, il vous reste seulement trois minutes pour conclure.

Mme des Trois-Maisons: Parfait! Dans les incessibilités, on aimerait que cela soit conservé tel quel. Le contrat de réassurance, comme c'était secondaire... Là, j'arrive à des points qui étaient plus secondaires pour nous.

Les points importants qui nous tenaient le plus à coeur, on vous les a donnés. Pour le reste, vous verrez les points et, si vous avez des questions, vous nous les posez. Merci.

Le Président (M. Brouillette): Maintenant, je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec pour leur contribution à nos travaux. J'aimerais également leur souhaiter la bienvenue et les féliciter pour le magnifique travail qu'ils ont fait. (20 h 30)

Ma première question, je pense que vous y avez répondu, porte sur la nature du mandat du courtier. Si je comprends bien, vous vous dites favorables. De mémoire, je crois que c'est l'article 2484 qui parle de la présomption du courtier qui agit pour et au nom de l'assureur, mais seulement au moment où le risque est placé, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de risque.

Mme des Trois-Maisons: II y a eu deux alternatives. Il y avait une alternative où notre équipe était d'accord avec ce que vous proposez. Mais, en deuxième alternative, si vous devez faire certaines concessions, nous vous suggérons l'alternative décrite par la suite.

M. Dauphin: D'accord. Vous suggérez d'en faire le prolongement au chargé de service, pourriez-vous nous indiquer ce que vous entendez par chargé de service en assurance collective?

Mme des Trois-Maisons: Quand vous entrez... Non, je vais commencer plus loin. Par exemple, vous avez un employeur qu'un courtier visite et vous faites l'étude de ce qu'il y a sur la table. Vous êtes mandataire de l'employeur.

Vous regardez les documents, etc. À un moment donné, vous dites à l'employeur: Oui, mais cette garantie devrait être amendée parce qu'il y a eu une évolution dans le monde de l'assurance parce que maintenant vous avez un meilleur budget pour ajouter l'assurance dentaire, par exemple. L'employeur vous dit: Bon, très bien. Maintenant, très souvent, quand vous avez fait ce travail, l'employeur se sent très mal à l'aise de dire: Bonjour, monsieur, bonjour, madame, on est bien content de s'être connu, adieu. En général, il va s'être créé une relation entre l'employeur - entre le preneur, si vous voulez - et le nouvel intermédiaire. Il va dire: Écoute, j'aime bien l'autre, mais j'aimerais mieux que cela soit toi qui fasses les changements sur ma police d'assurance collective. À ce moment-là, il va signer un écrit disant à la compagnie d'assurance: Vous pouvez tout divulguer sur moi, l'expérience actuarielle et tout ce que vous voulez sur moi. Le nouveau courtier sera chargé de s'occuper du cas en existence. Peut-être que l'employeur n'ira même pas en soumission sur le marché. Peut-être que pour mille et une raisons, il est satisfait de l'assureur et il veut rester avec l'assureur, mais il a changé d'intermédiaire dans sa tête. Vous allez voir la compagnie d'assurance avec ce fameux papier. La compagnie vous ouvre tous ses livres, elle vous fournit l'historique actuariel et va même vous envoyer de la correspondance. Mais, si par hasard, elle a annualisé... ou parfois ce sont d'autres raisons, mais la raison que je vois de temps en temps c'est qu'elle a annualisé l'autre courtier qui était avant le nouvel intermédiaire. Cela veut dire collecter pour les mois qui restent à suivre. Le nouveau courtier qui arrive dans le cas, est mandataire de qui, quand il reçoit la correspondance de la compagnie d'assurance? La compagnie d'assurances va lui dire: Excuse, ce n'est pas toi qui es le courtier sur le cas, c'est l'autre qui était là avant toi. Regarde, je continue de lui payer les commissions. Parfois une compagnie d'assurances a peur que vous alliez en soumission sur le marché. Les gens ne sont pas très heureux de vous voir comme nouveau courtier dans le cas. Ils ne sont pas très favorables à donner un nouveau mandat au nouveau courtier. Ils gardent l'ancien courtier dans les livres et vous, vous êtes "in limbo", totalement "in limbo". Vous continuez d'agir parce que vous voulez garder le client. Mais, la responsabilité civile vis-à-vis du consommateur est quelque chose. Vous n'avez pas tout à fait toutes les marges de manoeuvre. Légalement, vous savez très bien, surtout si vous avez le "background", ce qui vous pend au bout du nez, que vous pouvez être renvoyé par la compagnie, n'importe quand. Vous avez reçu zéro rémunération. Qui êtes-vous? Mais vous recevez tous les papiers et vous avez le contact avec le client. Parce que c'est très délicat, la compagnie d'assurances ne veut pas blesser le client. D'un autre côté, elle ne vous veut pas car elle a peur que vous alliez en soumission. Ce sont des

situations difficiles. Je suis sûre que vous avez pensé à tout cela quand vous avez fait l'article. Mais, naturellement, il faut un juste milieu. Avec la loi actuelle, on n'a pas le juste milieu. C'est sûr. Quoi qu'en disent nos prédécesseurs autour de cette table.

M. Dauphin: Merci. J'aurais une deuxième question. Vous avez effleuré le sujet tantôt, c'est-à-dire le contrat de tontines. Pourquoi croyez-vous que la levée de l'interdiction de ce genre de contrat entraînerait une avalanche...

Mme des Trois-Maisons: Depuis que j'ai vu le film de Sherlock Holmes.

M. Dauphin: ...de Sherlock Holmes? C'est depuis ce temps-là.

Mme des Trois-Maisons: Je ne pense pas très souvent au contrat de tontines, mais aussi toute l'équipe, il y en a qui ont vu ce film. C'était le sentiment spontané de toute l'équipe. Vous pourriez peut-être dire quelque chose, vous étiez tellement spontané, je vous cède la parole. On s'est regardé et on s'est demandé avec qui on finirait notre... si on peut dire.

Mme Lavergne (Line): Effectivement, c'est ouvrir la porte à toutes sortes d'abus de ce côté-là. Je regardais récemment un programme de télévision. Des gens prenaient des gageures sur quand l'homme mourrait. Il était atteint d'un cancer. Ils ont tous pris un billet. Ils avaient la date... Il y a 24 personnes et c'était une heure dans la journée ou l'homme mourrait, et puis c'est celui qui... les billets se vendaient 10 000 $ et c'était celui qui obtiendrait la bonne heure qui gagnerait. Alors, cela ouvre la porte à des choses comme cela.

Le Président (M. Brouillette): Oui, allez-y monsieur.

M. Owendyk (Gerry): Le monde de l'assurance-vie ne doit pas être égalisé avec le monde de Las Vegas.

M. Dauphin: Je vais laisser la chance à mon collègue de Taillon de poser des question et j'y reviendrai tantôt.

Le Président (M. Brouillette): Je vais reconnaître le député de Taillon, porte-parole de l'Opposition.

M. Filion: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire vous faites allusion, avec une dissidence remarquée quand même, au fait qu'en ce qui concerne la désignation de bénéficiaire, votre association voudrait que l'irrévocabilité ne soit pas la règle lorsqu'il y a stipulation du conjoint comme bénéficiaire. Bon, pour bien situer le débat, premièrement, vous me corrigerez si je me trompe, mais dans l'état actuel du droit, la désignation du conjoint à titre de bénéficiaire est irrévocable, à moins qu'il ait été stipulé autrement, et l'avant-projet de loi n'apporte pas de modification à ce sujet-là. Vous aimeriez que le projet de loi en apporte pour faire en sorte que cette stipulation puisse avoir un caractère révocable. D'abord, je m'interroge sur le pourquoi de cette clause. Ce doit être pour protéger le conjoint, finalement, ou bien simplement pour protéger cette notion de famille. Je me demande si on ne m'avait pas, à l'époque, enseigné qu'il y avait un cercle de bénéficiaires désignés, est-ce que je me trompe?

M. Gagnon: Privilégiés. Une voix: Dans le temps, oui.

M. Filion: Privilégiés, bon. Alors ce doit être une espèce de conséquence de ce concept de bénéficiaires désignés, et vous voudriez changer cette clause du Code civil. Je voudrais savoir pourquoi, finalement?

Mme des Trois-Maisons: Ce n'est pas à moi que vous devez le demander, parce que je ne voulais pas la changer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme des Trois-Maisons: Je suis la dissidente. J'ai travaillé sur le mémoire sur les droits économiques des conjoints, et le comité d'étude était principalement composé d'hommes - c'était au Barreau - et ils ont dit: On a enlevé tellement de choses à la femme sans même qu'elle s'en aperçoive que... eh bien là, j'aurais envie de dire à ces ex-collègues: Nous sommes en train de continuer la même chose. On a enlevé avec 2555, on a instauré 2555 qui fait que les désignations, lorsqu'il y a divorce, tombent automatiquement, les lobbys de femmes ne s'en sont pas aperçu, sinon vous auriez perdu, des deux côtés, beaucoup de votes, et puis...

M. Filion: Bien là il faut que cela aille quelque part quand même.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Bon d'accord, est-ce qu'il y a quelqu'un, pas vous Me des Trois-Maisons, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut nous expliquer le pourquoi de cette position?

Mme Lavergne: Je pense que M. Gagnon est bien placé pour répondre à la question.

M. Gagnon: En fait, il y a peut-être deux éléments ou deux côtés à la question des bénéficiaires. Il faut être conscient évidemment par la pratique et l'habitude de ce qu'on reconnaissait, vous y avez fait allusion, les bénéficiaires

privilégiés qui étaient l'épouse et les enfants. Évidemment, à moins de consentement de l'épouse, on ne pouvait effectivement modifier cette désignation, sauf d'attendre que les enfants, une fois désignés, atteignent l'âge de la maturité, qui était alors 21 ans. Dans l'industrie de l'assurance-vie, aujourd'hui, il faut tenir compte aussi que des bénéficiaires irrévocables peuvent être, dans bien des cas, des créanciers. Ce n'est pas nécessairement toujours des conjoints. Alors ce peut être effectivement pour une question d'emprunt, vous vous assurez sur la vie et si, moi, je vous prête de l'argent, je veux être bien certain que c'est moi qui vais être bénéficiaire de la police d'assurance, et que vous ne pourrez pas modifier cette désignation sans que je puisse donner la permission. Alors, nous avons comme intermédiaires en assurance de personnes la difficulté d'application de voir à l'émission de la police, ou lors d'une modification de désignation de bénéficiaire, quelles seront les conséquences éventuelles, soit lors d'un divorce ou lors de la cession d'un bien où il y a eu une créance, quelle est le pouvoir ou la possibilité pour le détenteur de police, le payeur de prime, le contractant de pouvoir ou non modifier effectivement la désignation originale. Alors on assume une certaine responsabilité, comme intermédiaire, entre notre client et la compagnie d'assurances. On sait très bien dans la pratique que sur des propositions que l'on doit compléter à chaque émission de contrat, déjà les compagnies, pour faire contour à cette désignation, inscrivent sur toute désignation de bénéficiaire qu'à moins de désignation contraire, tous les bénéficiaires sont révocables. Alors il faut être bien certain que lorsqu'on désigne un bénéficiaire, même quand c'est le cas de l'épouse, indépendamment de la loi, le fait que c'est déjà précisé sur la formule, qu'elle est irrévocable, il faut ajouter qu'elle est irrévocable. Or, cela crée un certain malaise, puis au moment où on se penche sur la question de désignation, à savoir ce qui est mieux de désigner bénéficiaire révocable ou irrévocable comparativement au bénéficiaire privilégié antérieur. Alors, on voulait simplement vous laisser une réflexion là-dessus, aux fins d'application pratique conséquente à cela. Cela va?

Le Président (M. Filion): Cela va. Je ne sais pas si mon collègue, le député de Marquette, est prêt à revenir sur la tontine.

M. Dauphin: Oui, je peux y revenir en ce sens que - on en a justement discuté tantôt - l'hypothèse que l'on voyait c'est que, par exemple, trois associés dans une entreprise ont été victimes d'un infarctus, donc pas assurables. Est-ce qu'ils ne pourraient pas conclure entre eux, par exemple, qu'ils investissent chacun 5000 $, et le premier qui décède, l'argent va aux survivants? C'est dans ce sens-là. Dans certaines circonstances, est-ce que cela ne pourrait pas être utile?

Mme des Trois-Maisons: Dès que vous entrez dans le partnership où il y a plusieurs personnes, sur quatorze, j'en fais souvent même plus de quatorze, il y a presque toujours une ou deux qui ne sont pas assurables, mais vous pouvez maintenant obtenir de l'assurance sans preuve d'assurabilité d'une autre façon. Je ne m'étendrai pas sur les technicalités, mais à moins que ce soit de très gros montants, mais si ce sont des montants de quelque 100 000 $, cela ne présente pas vraiment de problème. Il y a des compagnies qui sont prêtes à émettre certains montants sans preuve d'assurabilité lorsqu'il y a plusieurs personnes: 10 ou 14. Mais il ne faut pas s'imaginer que c'est loin de la réalité. J'ai reçu un appel téléphonique chez nous, il n'y a pas longtemps, de quelqu'un qui me disait: Est-ce que la compagnie doit conserver l'assurance de 2 000 000 $ qu'elle a sur moi et de 2 000 000 $ qu'elle a sur mon partenaire"? On était en train de souper. J'ai dit: Je vais rappeler. J'ai fait le tour de la table. Je l'ai rappelé et j'ai dit: Annulez cela au plus vite. On ne sait pas, il y en a eu des assassinats dans les années 1982 et 1983. Cela ne se crie pas sur les toits, mais c'est arrivé, surtout aux États-Unis.

M. Doyon: C'était justement chez les avocats.

Mme des Trois-Maisons: Non, c'étaient des développeurs. Ils n'étaient pas avocats.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Brouillette): M. le député de Taillon.

M. Filion: Cela va peut-être pour l'article 2468, deuxième alinéa, vous suggérez une modification au texte afin de permettre à l'assureur de modifier le contrat et vous proposez d'ailleurs un texte à ce sujet-là.

Mme des Trois Maisons: Oui.

M. Filion: Le but de ma question porte sur le mot "police" que vous employez dans le deuxième alinéa de 2468 et dans votre texte proposé.

Mme des Trois-Maisons: Vous auriez mis quoi?

M. Filion: Contrat.

Mme des Trois-Maisons: Ah oui.

M. Filion: On s'entend là-dessus?

Mme des Trois-Maisons: Oui, la question de sémantique. Pourvu que le concept soit là que

l'assureur tout de même a le droit... Je ne sais pas pourquoi ils ne l'ont pas fait en représentation. Cela leur est favorable. L'assureur doit conserver son droit de modifier des contrats lorsqu'il offre un renouvellement, mais il doit aviser.

M. Filion: Me Lavergne.

Mme Lavergne: D'ailleurs, une police a été émise, car l'article 2468, alinéa 2, dit bien: "En matière d'assurance terrestre, la police..." Alors, on a simplement remis les mêmes termes qui avaient été mis dans l'avant-projet de loi et on a ajouté à la fin pour compléter le tout.

M. Filion: C'est bien, en ce qui me concerne. J'ai pris bonne note du fait que vous proposez que la loi devrait définir, non seulement le groupe déterminé, mais toute une série de dispositions contenues dans le règlement plutôt que la loi.

Mme Des Trois-Maisons: C'est exact. On vous a mis les numéros d'articles.

M. Filion: C'est la première fois que j'en prends connaissance, quant à moi. C'est assez épais effectivement.

Mme des Trois-Maisons: C'est la clé. (20 h 45)

M. Filion: Oui, mais c'est une clé qui...

Mme des Trois-Maisons: Ce sont des millions et des millions qui sont dans le règlement. Ce n'est pas croyable.

M. Filion: Non, je pense que vous nous avez sensibilisés. Je pense que ce serait important d'aller chercher ce qui est saillant.

Mme des Trois-Maisons: Oui, cela peut voguer comme les embarcations sur l'océan, d'un côté et de l'autre, dans un règlement.

M. Filion: Oui, voilà. Maintenant, je vous remercie d'avoir sensibilisé la commission, les membres de cette commission à cela, mais en ce qui concerne le mandataire, je pensais... En laissant nos travaux à 18 heures tantôt, je trouvais que c'était une bonne idée, mais elle est un peu plus claire maintenant. Vous suggérez une formule qui créerait finalement une distinction entre l'assurance terrestre et l'assurance des personnes...

Mme des Trois-Maisons: Oui, de dommages, vous voulez dire.

M. Filion: ...et qui reviendrait pratiquement à cela.

Mme des Trois-Maisons: L'assurance de dommages.

M. Filion: Oui.

Mme des Trois-Maisons: Vous ferez ce que vous voudrez en assurance de dommages parce que c'est un domaine qu'on n'a pas touché.

M. Filion: Oui, mais là, ce que vous appelez le client...

Mme des Trois-Maisons: D'accord. On ne sait pas ce qui est le mieux ou le moins bon.

M. Filion: Oui, mais le problème, c'est ceux que vous appelez ou que vous ne voulez pas appeler le client, mais que vous avez appelé tantôt le client quand même, et là, on l'appellera client; lui, il ne fait pas trop trop de distinctions quand il va chez son courtier qui lui offre parfois des services d'assurance-vie et, autrefois, des services d'assurance-dommages.

Mme des Trois-Maisons: Bien, quand il fera des transactions ou qu'il sera en train de poser des gestes en assurance de personnes, vous pouvez appliquer le principe. Mais la plupart des assurances ne sont pas prises chez les courtiers en dommages, elles sont prises chez des courtiers en assurance de personnes ou chez les agents exclusifs en assurance de personnes.

M. Filion: Oui, c'est vrai.

Mme des Trois-Maisons: Ce sont des cas exceptionnels. Je ne suis pas contre, mais il faut quand même voir comment le consommateur se sent aussi. Quand il vient nous voir, comme les exemples que je vous donnais, il s'imagine qu'on est mandataire de l'assureur. Il est convaincu. Il ne se rend pas compte qu'on a eu un blocage, mais le blocage a fait qu'on pourrait probablement prouver mandat apparent, mais ce n'est pas agréable du tout du tout d'embarquer dans le mandat apparent, le moins possible.

Mme Lavergne: Si je peux me permettre un petit commentaire supplémentaire, cela vient tout du fait que l'assurance-vie par rapport à l'assurance de dommages ne s'achète pas, elle se vend. Alors, quand vous achetez une voiture ou que vous achetez une maison, vous vous dites: J'ai besoin d'une assurance contre l'incendie, j'ai besoin d'une assurance pour ma voiture. Si ma belle voiture se fait tout écrabouiller, je vais y perdre. Mais l'assurance-vie, vous y pensez moins. C'est quelqu'un qui va vous vendre de l'assurance-vie. Alors, la personne qui se fait approcher par un assureur-vie va porter peut-être plus confiance en l'assureur-vie parce qu'elle ne connaît pas du tout l'assurance-vie. Elle magasine moins que quelqu'un qui va acheter de l'assurance de dommages. Il s'agit de deux assurances totalement différentes.

Mme des Trois-Maisons: J'ai un autre point à ajouter là-dessus. J'écoutais tout à l'heure quand vous avez dit que la déclaration de l'assuré, on voyait qu'il s'était orienté totalement sinistre en dommages. La déclaration de l'assuré... J'ai vu des gens avec la cigarette à la bouche me dire: Louise, est-ce que je suis fumeur ou non-fumeur? Alors, là, est-ce que je suis mandataire de l'assuré ou de l'assureur? Si je suis mandataire de l'assuré, je dois obéir à ses ordres. S'il me dit: Je suis non-fumeur, je dois mettre non-fumeur, mais si je suis mandataire de l'assureur et que je cumule les deux, vu que je suis en train de poser des gestes de transaction d'assurance, alors, sa fameuse cigarette! et cela m'est arrivé. Je ne lui dis pas: Tu es un sapré menteur, mais je lui dis: Bien, quel est ton but? Aujourd'hui, on est ensemble. Tu pourrais être en train de jouer au tennis et tu es avec nous. Alors, quel est ton but? T'assurer que quelque chose va être payé. Tu vas économiser peut-être des dollars de prime et tu vas peiner des gens pour l'éternité, parce qu'ils vont dire: Regarde-moi comment il nous a organisés.

Alors là, je n'ai aucun problème, une fois qu'ils prennent conscience qu'ils sont en train de prendre des petites choses versus sacrifier de grandes choses pour ne pas payer la prime qu'ils doivent payer immédiatement. Alors, c'est là que la question du mandat est très importante et la confidentialité aussi est importante. Quand on me dit: J'ai été avortée. Parfois, c'est plus qu'une fois. Alors, je me dis: À l'époque, est-ce que c'était un crime ou si ce n'était pas un crime, le code de la garde, qu'est-ce que c'était? Quand cela a-t-il été amendé et ceci et cela? Alors, est-ce que c'est matériel ou non? Alors, on se dit: Normalement, avoir un enfant, ce n'est pas un risque matériel qui fait qu'on ne devient pas assurable. Au contraire, cela fait partie de la normalité. Donc, c'est un fait qui n'a pas de répercussion sur l'évaluation du risque. Mais là, je suis mandataire de l'assuré, parce que je ne dois pas nécessairement répéter ces paroles à l'assureur à moins d'avoir reçu instruction de mon client de les répéter. Vous comprenez? Il faut faire attention pour qu'on ait notre mandat de l'assureur très rapidement, dès qu'on s'embarque dans le début d'une transaction.

M. Filion: Cela va.

Le Président (M. Brouillette): Vous avez terminé. Je demandais au député de Marquette de...

M. Dauphin: ...dire les mots de la fin. J'aimerais remercier l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec d'avoir confectionné ce mémoire et également de nous l'avoir présenté de façon aussi sympathique. Je puis vous assurer que l'équipe du Code civil qui nous entoure ici a pris bonne note de vos remarques et lira avec votre attention votre mémoire davantage.

Mme des Trois-Maisons: On avait un mandat aussi de notre association, mais on ne voulait pas vous embarrasser avec cela au tout début. On a pris connaissance, quelques-uns d'entre nous, de ce fameux mémoire sur les droits économiques des conjoints et nous endossons toutes les recommandations sur la fiscalité. C'est restrictif mais, tout de même, les règles d'attribution, c'est prendre la famille qu'on veut tant favoriser pour qu'il y ait une natalité et c'est de dire: La minute que tu te maries ou que tu es conjoint de fait, parce que Wilson va amender, tu deviens un suspect, un potentiel bandit presque, au point de vue fiscal.

M. Dauphin: D'accord. On prend bonne note de cela.

Le Président (M. Brouillette): À mon tour, je remercie l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec pour la belle présentation de son mémoire. Soyez assurés que cela va servir à nos travaux futurs. Je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour.

M. Filion: Oui. Avant que vous leur souhaitiez un bon voyage de retour, M. le Président, je pense que cela a été très apprécié, autant la préparation de votre mémoire que votre présence en commission parlementaire. De mon côté, je vais tout simplement regretter que la parole de Me des Trois-Maisons n'ait pas pesé suffisamment lourd dans la balance lorsqu'il est venu le temps de discuter de la révocation des stipulations d'un conjoint comme bénéficiaire. Je partage le point de vue qu'il faudrait maintenir cette stipulation. Merci.

Compagnie d'assurance-vie Glacier National

Le Président (M. Brouillette): Merci. J'invite maintenant la Compagnie d'assurance-vie Glacier National à prendre place. On va poursuivre nos travaux. Je vous souhaite la bienvenue à cette sous-commission. Tout d'abord, veuillez vous identifier. Vous allez avoir 20 minutes pour présenter votre mémoire. Merci.

M. D'Etchevery (Denis): Merci beaucoup. Je m'appelle Denis D'Etchevery. Je représente la compagnie d'assurance-vie Glacier National. Je suis accompagné par Me Andrea Francoeur Mécs, avocate, qui a contribué et participé étroitement à l'élaboration de notre mémoire.

M. le ministre, M. le Président de la commission, MM. les députés, au nom de la compagnie d'assurance-vie Glacier National, je vous remercie de nous fournir, ce soir, l'occasion d'exprimer notre point de vue sur l'article 2513 de l'avant-projet de loi intitulé, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des

obligations.

À première vue, l'attitude de notre compagnie peut paraître paradoxale étant donné que nous cherchons à faire rayer de l'avant-projet un article qui, selon nous, ne s'applique pas à nos activités. Mais cet avis n'est pas partagé par l'Inspecteur général des Institutions financières qui prétend que notre programme de pré-arrangement funéraire, Gardian Plan, contrevient aux dispositions de l'article 2538 du Code civil et, en conséquence, que nous ne pouvons pas implanter au Québec notre Gardian Plan , sous peine de nous voir retirer notre permis d'opérer. Le recours aux tribunaux peut, bien sûr, permettre de trancher cette question d'interprétation, mais nous considérons qu'il s'agit là d'une solution de dernier ressort, c'est-à-dire qui doit être envisagée quand tous les autres mécanismes d'intervention ont été épuisés. La commission parlementaire constitue donc pour nous le forum par excellence pour discuter ce genre de problème et examiner les alternatives acceptables pour tout le monde et bénéfiques à l'ensemble des citoyens.

Dans le mémoire que nous avons déjà transmis à la commission, nous expliquons en détail ce que sont respectivement la compagnie Glacier et le programme Guardian Plan. On me permettra ici de vous en rappeler les éléments essentiels.

Glacier National est un assureur canadien à charte fédérale autorisé à opérer dans le domaine de l'assurance-vie dans toutes les provinces, y compris le Québec. Il constitue la filiale canadienne de Service corporation international qui est la plus grande entreprise de services funéraires en Amérique du Nord et, à ce titre, commercialise un programme de préarrangements funéraires connu sous le nom de programme Guardian Plan. La compagnie SCI et ses filiales emploient plus de 8000 personnes à temps plein et environ 1600 à temps partiel et, de ce nombre, plus de 100 au Québec. Le programme est actuellement appliqué dans 29 États américains ainsi qu'à Puerto Rico. Au Canada, dans les provinces de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, Glacier National offre déjà avec succès le programme de préarrangements funéraires Guardian Plan. De plus, Glacier National est déjà autorisé à faire des affaires dans les provinces maritimes. À notre connaissance, l'article 2538 du Code civil ne trouve son équivalent dans aucune de ces juridictions provinciales. Nous envisageons, dans un avenir rapproché, d'offrir ce programme au Québec. Aussi, est-il indispensable que nous ayons la possibilité de discuter avec les autorités gouvernementales et législatives québécoises des différents aspects de ce programme et des avantages que peuvent en retirer les consommateurs.

L'article 2513 de l'avant-projet de loi, qui reprend l'une des dispositions de l'actuel article 2538 du Code civil, prohibe ce qu'il est convenu d'appeler l'assurance d'enterrement. Ce type d'assurance qui remplace, a la mort de l'assuré, le bénéfice en capital par un bénéfice composé de biens et services, est contesté principalement pour deux raisons: D'une part, on prétend qu'il limite la liberté de choix de l'assuré et de sa succession, et, d'autre part, on considère inacceptable le marché captif que constitue ainsi pour les entreprises de pompes funèbres les acheteurs de cette forme d'assurance. Or, ce que Glacier National vend est une police d'assurance-vie à bénéfices accrus avec cession révocable et dont le produit est payé à la demande du consommateur ou de ses ayants droit. Il nous semble pertinent de souligner, dans un premier temps, que le programme de préarrangements funéraires que nous proposons offre plus d'avantages et protège mieux le consommateur que le programme déjà autorisé en vertu de la loi sur les arrangements préalables adoptée en 1987. Qu'il suffise de mentionner, à titre d'exemple, que la loi sur les arrangements préalables prévoit que seulement 90% des fonds doivent être déposés en fidéicommis et, donc, que 10% peut être confondu dans le compte général du vendeur. Sur annulation d'un contrat passé en vertu de cette même loi, l'assuré ne reçoit que 90% de son paiement initial, plus une partie des intérêts. Dans le cas de l'assurance, le consommateur ne fait que révoquer la cession et conserve la propriété de la police et le droit aux bénéfices en vertu de cette même police. Selon la police d'assurance-vie, l'assuré a une couverture complète au moment même de l'émission, et ce, tant que la police demeure en vigueur. Si l'assuré choisit de payer par versements et qu'il décède avant d'avoir effectué le paiement final, il bénéficie ainsi d'une couverture complète.

Le législateur a parfaitement raison de vouloir protéger les citoyens contre les abus de toutes sortes et le domaine des services funéraires, comme tous les autres, doit être l'objet d'une vigilance constante. Ainsi, l'intention qui a présidé à l'introduction, dans le Code civil,de l'article 2538, est fort louable. Ces motifs sont d'ailleurs résumé par Me Albert Mayrand dans un article intitulé Problèmes de droit relatifs aux funérailles publié aux Presses de l'Université de Montréal dans un ouvrage s'intitulant Le problème de droit contemporain, et je cite: Les raisons de cette politique législative sont nombreuses, L'assurance funéraire comporte un risque que les entrepreneurs de pompes funèbres ne sont pas toujours en mesure d'évaluer et d'assumer. Le service promis devient souvent exigible longtemps après la signature du contrat, de sorte que la dévaluation monétaire peut rendre la prestation très onéreuse. Enfin, on estime généralement que l'assurance doit être réservée aux assureurs professionnels, vu qu'elle exige une connaissance technique, une surveillance et des précautions toutes spéciales, notamment pour l'utilisation et le placement des primes perçues. (21 heures)

Or, la réponse à ces inquiétudes se trouvent

dans notre programme même. D'une part, la liberté de choix de l'assuré est maintenue puisqu'il conserve, de même que son conjoint ou son représentant attitré, le droit de révoquer en tout temps sa cession et de maintenir sa police d'assurance en vigueur, avec tous ses effets.

D'autre part, il n'est aucunement captif d'une maison funéraire en particulier. L'assuré a le choix d'assigner une maison funéraire affiliée à Guardian Plan ou à tout autre directeur de funérailles indépendant participant. Nous aimerions souligner qu'il s'agit là de petites entreprises qui ne sont aucunement liées à Guardian Plan. La vente de police d'assurance Glacier National favorise donc et encourage la participation de ces maisons funéraires, et offre pour autant un choix véritable au consommateur. Enfin, nous sommes capables de démontrer de façon claire que nos professionnels sont tout à fait aptes à gérer de manière compétente et responsable les investissements générés. Notre mémoire et les documents qui y sont annexés font état de nombreux autres avantages que comporte le programme Guardian Plan. Je ne m'y attarderai pas ici. J'ajouterai néanmoins que l'assurance, mécanisme important de financement du programme, est abondamment réglementée dans tous les États américains et dans les provinces canadiennes où nous sommes déjà présents et que nous agissons dans le respect de ces dispositions législatives et réglementaires. Pourquoi alors vouloir interdire de telles activités? En soi, le fait pour un consommateur d'acheter de l'assurance-vie pour répondre à un objectif spécifique n'a rien de répréhensible. Y a-t-il une si grande différence entre un citoyen qui achète une police d'assurance de Glacier National et un autre qui achète une police d'assurance-vie et cède le produit de celle-ci à une institution financière détenant une hypothèque sur sa maison? Nous croyons que la prohibition de vendre de l'assurance-vie pour couvrir des arrangements funéraires brime la liberté de choix du consommateur. En effet, ce faisant, nous l'empêchons d'affecter le produit d'une assurance à un besoin spécifique qu'il a préalablement identifié. En fait, l'article 2513 de l'avant-projeî de loi prohibe la mise en marché de programmes qui rencontrent les préoccupations réelles des citoyens et répondent à leurs besoins. L'assurance-enterrement, telle qu'on l'a connue dans le passé, rendant le citoyen captif d'une maison funéraire en particulier, ne peut plus être considérée comme une pratique courante. L'élimination de l'article 2513 a peu de chance de la faire réapparaître. Les besoins de la société ont évolué. Il faut maintenant répondre aux préoccupations de gens beaucoup plus mobiles que par le passé et qui vivent surtout en milieu urbain, sans parler des données démographiques qui, comme tout le monde le sait, font état d'un vieillissement marqué de la population dans son ensemble. C'est à cette réalité et à ces besoins nouveaux que doit correspondre le Code civil. La législation a toujours eu à traiter de la délicate question des arrangements funéraires et tous reconnaissent l'importance de régler les problèmes relatifs à l'organisation des funérailles de manière rationnelle et le plus loin possible du contexte très émotif dans lequel sont souvent plongées les familles lors d'un décès. C'est pourquoi il est plus qu'indiqué de prendre tout le temps nécessaire pour discuter les principes et les modalités d'application des articles de loi se rapportant à un tel sujet. Nous nous sommes efforcés de démontrer que l'article 2513 aura l'effet contraire à celui recherché. Il ne protégera aucunement le citoyen contre les abus et il le privera de la possibilité de se prévaloir de services modernes, respectueux de ses droits et adaptés à ses véritables besoins. Aussi, espérons-nous que notre demande de retrait de cet article sera examinée avec toute l'attention qu'elle mérite.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. D'Etchevery. La parole est maintenant à l'adjoint au ministre de la Justice, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci M. le Président. Tout d'abord, je souhaite la bienvenue aux représentants de la compagnie d'assurance-vie Glacier National. Je me souviens, pour ma part, d'avoir été associé à l'adoption de la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture. Je crois que mon collègue de Taillon a également été associé à cette démarche. Actuellement, c'est le Solliciteur général, ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de la Protection du consommateur. À cette époque-là, nous avions les deux. Est-ce que vous avez fait des pressions quelconques à ce moment-là? Il n'y a pas eu d'auditions publiques lors de l'adoption de cette loi, mais est-ce que vous avez communiqué avec vos élus, avec des représentants du gouvernement?

Une voix: À ce moment-là...

M. Dauphin: Je pense que cela doit faire un an qu'on a adopté cette loi.

M. D'Etchevery: Au moment où il y aurait eu des possibilités de rencontrer des membres d'une commission ou des gens qui ont participé à l'élaboration du projet de loi 162, nous n'étions pas prêts à offrir un produit d'assurance semblable au Québec.

M. Dauphin: Et vous dites que cela existe dans trois provinces canadiennes, en Alberta...

M. D'Etchevery: Oui, en Alberta, en Colombie britannique et en Ontario. J'ai moi-même participé au lancement de ce programme en

Ontario qui fonctionne maintenant depuis quinze ou seize mois avec beaucoup de succès. En Alberta et en Colombie britannique, on a déjà plus d'expérience. On a déjà trois et quatre ans d'expérience.

M. Dauphin: Avez-vous eu des contacts avec l'Inspecteur général des institutions financières? Est-ce que vous l'avez approché jusqu'à maintenant?

Mme Francoeur Mécs (Andréa): En 1985, nous avons eu un "meeting" avec l'Inspecteur général des institutions financières. À ce moment-là, nous avons eu l'idée de considérer le lancement d'un programme d'assurance-vie ici, dans la province de Québec. L'inspecteur général, par l'entremise de ses représentants, nous a avisés que, si nous lançons un programme, il tombe sous l'article 2538, c'est la loi existante. L'article 2538 a) est reproduit dans l'article 2513. Nous avons eu un "meeting" avec les représentants de l'Inspecteur général des institutions financières. Nous leur avons présenté des arguments écrits. À ce moment-là, la compagnie a décidé d'établir... C'est seulement au Québec que nous avions à ce moment-là et aujourd'hui un problème semblable. Malgré le fait que le marché du Québec soit bien intéressant, la compagnie a décidé d'établir un "track record" - comme on dit - dans les autres provinces et, avec les bon-nes expériences, de retourner au Québec et de continuer les négociations avec l'inspecteur général.

M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Brouillette): Allez-y!

M. Dauphin: Est-ce que le consommateur fait directement affaire avec la maison de services funéraires? Je ne sais pas si vous comprenez ma question.

M. D'Etchevery: Oui.

M. Dauphin: Est-ce que le consommateur fait un pré-arrangement funéraire directement avec la maison funéraire?

M. D'Etchevery: Non. Le consommateur contracte directement avec un agent d'assurances qui détient une licence d'assurance-vie.

Mme Francoeur Mécs: En fait, la compagnie d'assurances offre seulement un contrat d'assurance-vie. Il y a des contrats accessoires qui sont signés par le consommateur avec, dans notre cas, la compagnie Service corporation international. Le produit que nous voulons lancer dans la province de Québec peut facilement être offert par d'autres compagnies d'assurances. Mais la police d'assurance-vie est une police d'assurance-vie pure et simple. La compagnie d'assurances paie sur une preuve de décès.

M. Dauphin: Est-ce que vous vous sentez régis par la loi provinciale sur les arrangements de services funéraires et de sépulture dans votre pratique, comme société et comme entreprise?

Mme Francoeur Mécs: Oui, maintenant, dans la province de Québec, nous sommes régis par la loi sur les arrangements préalables. Nous ne vendons pas par l'entremise de Glacier National, mais nous vendons des pré-arrangements et l'argent est placé en fidéicommis.

Le Président (M. Brouillette): D'autres questions, M. le député?

M. Dauphin: Pas pour le moment.

Le Président (M. Brouillette): M. le député de Taillon, vous avez la parole.

M. Filion: Je dois comprendre de votre dernière réponse que vous suivez déjà les formalités prévues par la Loi sur les arrangements préalables. Ce n'est pas Glacier National, c'est une autre branche de la même organisation. Est-ce que c'est cela?

M. D'Etchevery: Actuellement, ce qu'on offre aux consommateurs québécois, c'est le Guardian Plan qui fonctionne conformément à la loi 162. C'est-à-dire que les fonds sont déposés en fidéicommis.

M. Filion: J'allais vous dire que ce n'est pas un problème, à ce moment-là. Si vous avez déjà une partie ou une organisation qui se conforme à la loi sur les arrangements préalables que nous venons à peine d'adopter, qui a été déposée le 9 décembre 1986, qui a été adoptée le 23 juin 1987, il y a à peine un an après auditions, d'ailleurs, il me semble bien qu'on avait eu des consultations publiques sur ce projet de loi... Tantôt, vous avez souligné quelques avantages, mais relativement marginaux, que pourrait représenter le fait de supprimer l'article 2513 de l'avant-projet de loi. Cela vous donnerait quoi de plus, surtout au client?

Mme Francoeur Mécs: Nous pensons que le produit qu'une compagnie d'assurances peut offrir donne plus d'avantages au consommateur que le programme qui est disponible au consommateur en vertu de la loi sur les préarrangements. Nous pouvons vous donner des exemples positifs.

M. Filion: Allez-y donc.

Mme Francoeur Mécs: Par exemple, l'idée d'un contrat d'assurance est que vous avez une couverture complète au moment où la police est émise, même si le consommateur décide de payer les primes par versements. Si les versements ne

sont pas payés au complet avant la mort, il reçoit la valeur de la police, C'est la condition essentielle d'un contrat d'assurance. Dans le cas des contrats d'arrangements préalables où l'argent est placé en fidéicommis avec une compagnie de fiducie, si les versements ne sont pas payés en totalité, le consommateur, ou naturellement sa succession, n'ont pas le droit de recevoir 3000 $, par exemple, si seulement 1000 $ ont été payés. Il est obligé, soit de payer le montant qui reste ou de recevoir 1000 $. Le consommateur ou la succession ne reçoit pas ce qu'il pensait. Avec la loi qui existe sur les arrangements préalables, on ne peut pas offrir une couverture complète, parce que ce n'est pas un contrat d'assurance.

M. Filion: D'accord.

Mme Francoeur Mécs: C'est un des bénéfices positifs.

M. Filion: Par contre, est-ce que vous pourriez me dire ce qu'il advient de la protection du consommateur si, par exemple, la compagnie refuse de fournir le service funéraire ou devient solvable, ou prétend augmenter ses prix ou... Bref où est la protection du consommateur au cas où il y aurait une modification dans la position de la compagnie?

Mme Francoeur Mécs: Je pensais que les "track records" pour les compagnies d'assurance-vie sont au moins aussi bons que les compagnies de fidéicommis. L'argent est toujours protégé. Je ne pense pas que, dans l'histoire du Canada, nous ayons un cas où un assuré n'a pas été payé à la valeur de la police, même si il y avait des cas d'insolvabilité. Naturellement, il y a eu des cas d'insolvabilité pour les compagnies d'assurance-vie. Pour une compagnie d'assurance-vie ou une compagnie de fidéicommis, l'argent est gardé. Pour la question d'insolvabilité, il n'y a pas une grande différence entre ces deux sortes d'institution. (21 h 15)

M. Filion: II y en a une un peu. Il y a une protection dans la loi sur les arrangements préalables qui existe en faveur du consommateur. J'essaie de comprendre. L'organisation n'est pas simple... En page 15 de votre mémoire, vous présentez un schéma que vous dites simplifié, mais qui n'est pas simple à comprendre, du programme de préarrangement funéraire Guardian Plan. Je vais vous dire que je trouve à peu près un, deux, trois, quatre, cinq, six transactions et deux ou trois entités dont SCI, Family Service Life Insurance, Guardian Plan, etc. Bref, en dehors de cet organigramme d'organisations, à partir du moment où il y a une certaine somme d'argent qui est payée par le consommateur, à partir du moment où il y a un service à lui être fourni, à savoir les services de funérailles, votre Glacier National ne peut pas faire de miracle plus que les autres. Alors l'argent qu'elle va utiliser pour enterrer ou offrir les services funéraires, c'est l'argent qui aura été versé par les consommateurs, qu'on les appelle des primes ou qu'on les appelle des paiements en vertu des arrangements préalables, c'est la même chose, il n'y a pas d'alchimie à cet égard. C'est dans ce sens que j'ai de la difficulté à voir quel pourrait être l'avantage de supprimer 2513 pour créer un genre de contrat d'assurance de frais funéraires, que nous ne retrouvons pas dans la légistation actuelle.

M. D'Etchevery: Si je peux me permettre, M. le Président, l'avantage premier, selon nous, est de libérer le consommateur d'une certaine captivité. Dans la loi actuelle des arrangements préalables, le consommateur désigne un directeur de funérailles et un seul. Alors que dans le cas d'une police d'assurance à laquelle il souscrit, il lui est offert un choix, soit d'une maison funéraire qui appartienne au groupe Plan Guardian, ou encore à un ensemble de directeurs de funérailles ou d'une maison funéraire indépendante participante. Aussi, advenant la décision du consommateur d'annuler de tels arrangements, il demeure en possession, ou propriétaire d'une police d'assurance. Ça c'est un avantage. On parle aussi de mobilité de la clientèle, de mobilité de la population. Dans le programme actuel, le consommateur désigne un... pardon, assigne un seul directeur de funérailles, alors que nous offrons, parce que c'est une police d'assurance, une couverture complète. C'est en ce sens que pour le consommateur, cela devient plus intéressant. On se rappelle que, justement, l'article 2538 voulait protéger ici le consommateur contre cette captivité. Et il se retrouve actuellement captif. On s'aperçoit aussi que l'administration ou le respect des règlements de la loi 162 est relativement complexe et difficile pour les petites maisons, pour les petites entreprises de frais funéraires, alors que nous proposons à ces mêmes maisons un véhicule de mise en marché, pour pouvoir offrir au consommateur davantage que seulement les grosses firmes qui peuvent se permettre d'administrer un tel plan. Et on a eu, surtout dans la province d'Ontario, beaucoup d'intérêt de la part de ces petites maisons qui gardent leur indépendance, leur autonomie et qui, en même temps, se permettent d'offrir à leur clientèle un produit qui les rend compétitives par rapport aux grandes maisons.

M. Filion: Vous avez sûrement fouillé, il existait au Québec, il n'y a pas si longtemps quand même, des compagnies mutuelles de frais funéraires. Je ne sais pas à quand cela remonte, cela existait. En tout cas, il me semble avoir aperçu cela, mais ça n'existe plus depuis quand même 15 ou 20 ans. Ce que vous proposez serait, passez-moi l'expression, de ressusciter - je le dis sans jeu de mots - en quelque sorte ces mutuelles de frais funéraires. Bien, c'était une

compagnie d'assurances, même si les noms ne sont pas les mêmes, ce serait une compagnie d'assurances de frais funéraires; et, comme le principe des assurances est toujours un principe de mutuelle, bien, est-ce que ce ne serait pas un peu cette opération que vous voudriez... en tout cas, que le législateur effectue?

Mme Francoeur Mécs: Je pense que la réponse est non.

M. Filion: Non?

Mme Francoeur Mécs: Dans notre mémoire, nous avons essayé de trouver la source de l'article 2538.

M. Filion: Oui.

Mme Francoeur Mécs: Et nous avons vérifié les lois jusqu'aux années vingt et nous avons remarqué qu'il y avait toujours une prohibition, quelque chose qui parle de frais funéraires, mais c'est toujours l'idée que c'est le directeur de funérailles qui contrôle cet argent, qui investit l'argent, qui est obligé de donner les services à la fin de la période. Et nous avons regardé, et il y avait deux ou trois causes où il y avait eu des problèmes. Mais un des problèmes, est le résultat que la loi elle-même a une limite pécuniaire sur les montants de ces contrats à 150 $, et ce montant existait des années vingt jusqu'en 1974 quand l'article 2538 a été introduit. Alors, nous n'avons aucune intention de ressusciter cette sorte de contrat; nous voulons, en utilisant toutes les expériences d'une compagnie qui a une histoire au Canada depuis plusieurs années et qui a des professionnels, les tables actuarielles, établir un produit qui peut servir les besoins du consommateur.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Marquette, avez-vous une question à poser?

M. Dauphin: J'en parlais justement avec mon collège: cela peut coûter combien un Guardian Plan en Ontario pour une veuve de 75 ans, avec ses trois chats, juste pour avoir une idée? Pas pour les chats, pour la madame.

M. D'Etchevery: Cela coûterait le même prix qu'ici, mais est-ce que vous voulez dire ce que cela lui coûterait en termes de prime?

M. Dauphin: Oui, en termes de prime.

M. D'Etchevery: Parce qu'on parle toujours d'un coût du marché, des services a être rendus et des marchandises à être livrées. Les primes varient. Il y a une table d'âge, et ce serait le même échéancier ou la même liste de primes que là-bas, mais je ne pourrais pas vous la donner tout de suite.

M. Filion: À peu près?

M. D'Etchevery: Cela dépend du terme de paiement. Est-ce que la personne veut assurer sur une période de cinq ans, de deux ans, de trois ans, disons une période maximale? Il faut que je sois extrêmement prudent avec les primes. Une période maximale pour une personne de 75 ans pourrait correspondre, sur un plan d'une valeur du marché de 5000 $, environ 18 % à 20 %, mais répartie sur huit à neuf ans de prime.

M. Filion: On va aller vous voir à 75 ans.

M. D'Etchevery: C'est meilleur marché qu'un taux de finance.

M. Dauphin: Merci beaucoup. M. Filion: Cela va, merci. BAC

Le Président (M. Doyon): Je vous remercie, au nom de la commission, pour votre présentation.

J'invite maintenant, à la fin de cette présentation, le Bureau d'assurance du Canada à vous remplacer à la table de nos invités.

Je constate que les représentants du Bureau d'assurance du Canada ont pris place. Je leur souhaite la bienvenue et j'invite leur porte-parole à présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Je m'appelle Jean Bouchard. J'ai l'honneur de m'adresser à vous à titre de président du Bureau d'assurance du Canada, section Québec.

Je suis accompagné, pour répondre à vos questions éventuelles, à ma droite, de M. Paul Brochu, président de l'Union canadienne, compagnie d'assurances et également président sortant du Bureau d'assurance du Canada, section Québec; de M. Sébastien Allard, qui a présidé le comité du BAC chargé de préparer le mémoire qui vous a été présenté; à ma gauche, de Me Hélène Gagné, conseillère juridique du Bureau d'assurance du Canada et de Mme Bernard Faribault, de l'étude Pépin, Létourneau et associés de Montréal, qui ont également contribué à la rédaction de ce mémoire.

Je tiens d'abord à vous remercier, en notre nom et au nom du Bureau d'assurance du Canada, de l'occasion que vous nous offrez de vous présenter notre mémoire et de vous adresser la parole ce soir.

Le Président (M. Doyon): Je vous rappelle,

M. Bouchard, que vous disposez de 20 minutes pour faire votre présentation et que les 20 minutes écoulées, je me permettrai de vous interrompre et de permettre aux membres de la commission de vous poser certaines questions, s'ils en ont.

M. Bouchard: M. le Président, je crois comprendre que nous avons environ une heure pour...

Le Président (M. Doyon): Une heure en tout.

M. Bouchard: Si j'excédais de quelques minutes la présentation...

Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr.

M. Bouchard: Cela va?

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Bouchard: Cela va. D'accord. Merci.

M. Filion: II n'y aura pas de clauses pénales trop fortes.

M. Bouchard: On ne connaît pas cela.

Le Président (M. Doyon): On vous en assure.

M. Bouchard: Merci, M. le Président.

Alors, le mémoire que vous avez reçu décrit brièvement notre organisme. J'aimerais ajouter cependant qu'une des fonctions importantes du Bureau d'assurance du Canada consiste à répondre annuellement à une foule de questions qui nous proviennent de l'ensemble des consommateurs ou des personnes qui désirent avoir de l'information. Je dois dire que la plupart des appels téléphoniques que nous recevons portent plutôt sur de l'information à recevoir que sur des plaintes qui nous sont faites concernant notre industrie. Ce service nous permet d'ailleurs, permet aux membres de mieux connaître les exigences des consommateurs et nous permet de mieux répondre à leurs besoins.

Cela dit, pour débuter, laissez-moi vous rassurer sur un point fondamental. Le Bureau d'assurance du Canada est conscient de la nécessité d'améliorer nos lois afin d'éviter qu'elles ne deviennent lettre morte ou pratiquement inopérantes. La réforme de 1976 et la modification recommandée par le Bureau d'assurance du Canada en 1987 nous paraissaient suffisantes à elles seules pour moderniser le droit des assurances au Québec, et nous ne voyons aucune raison qui justifie une réforme aussi radicale que celle qui est proposée. Le texte de l'avant-projet de loi que vous avez mission d'étudier démontre, malheureusement, que la plupart de nos recommandations n'ont pas été comprises ou, si comprises, n'ont pas été retenues pour des motifs qui nous échappent à ce moment-ci.

L'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations dont le but est la modernisation et la protection des individus dénote une profonde incompréhen- sion, à notre sens, du droit et de la pratique des assurances, tant au Québec que dans le monde nord-américain où nous oeuvrons. Certaines propositions mises de l'avant par cet avant-projet de loi sont totalement inacceptables dans le contexte d'une société qui se veut libre et démocratique, tant dans ses libertés individuelles que dans sa liberté de commercer dans un régime de libre entreprise où nous oeuvrons.

Le Bureau d'assurance du Canada vous présente donc un mémoire à la fois technique et pratique dont j'entends vous brosser les grandes lignes, en attirant particulièrement votre attention sur certaines dispositions de l'avant-projet de loi qui laissent de côté des principes fondamentaux ou/et reconnus universellement. On y bouleverse sans aucune justification valable la pratique et l'ordre établis et on néglige de traiter de points particuliers qui sont une préoccupation constante des assureurs, des assurés et des juges qui sont appelés à régler en dernier ressort les problèmes soulevés par des lois bien intentionnées, mais qui ne collent pas toujours à la réalité sociale et économique de notre temps.

Je traiterai brièvement, dans le temps que vous m'accordez, de certains aspects de l'avant-projet de loi sous étude, plus précisément dans le domaine de l'assurance et dans celui de la réparation du préjudice causé à autrui qui est la raison d'être de l'assurance de responsabilité civile. Je terminerai mon exposé en vous faisant part de certains sujets qui auraient dû faire partie de l'avant-projet de loi et qui, malheureusement, ne s'y retrouvent pas.

Permettez-moi tout d'abord de vous faire un bref rappel historique. La Loi québécoise sur les assurances n'est pas indigène au Québec. Le codificateur, en 1866, dans le rapport au gouvernement, donnait comme source de la partie du code traitant des assurances les références suivantes: L'ordonnance de la marine de Louis XIV, les commentaires de certains auteurs français, anglais, écossais et américains, en la matière, de même que certains articles du projet de code de l'État de New York. On voit ainsi facilement que depuis 1866, il y a presque 125 ans, nos législateurs étaient conscients que notre droit des assurances n'évaluait pas en vase clos, mais au contraire, avait des sources et des incidences internationales. Ces considérations demeurent tout aussi valables de nos jours. Le texte proposé en 1866 fut adopté et demeura sans grands changements jusqu'en 1976 alors que le projet de loi 7 de 1974 traitant des assurances entrait en vigueur.

Permettez-moi de vous rappeler ce que le ministre d'alors, M. Tetley, avait écrit dans le préambule de ce projet de loi. L'introduction dans le projet des dispositions sur les contrats d'assurance contribuent à en faire un véritable code des assurances. D'une façon générale, ces dispositions sont inspirées de celles du Code civil en matière d'assurance et d'autres lois québé-

coises connexes, de la loi française ainsi que de la Loi ontarienne sur les assurances, recherchant ainsi une législation québécoise d'assurance terrestre en accord avec le génie de la langue française et du droit civil et à la fine pointe des règles les plus modernes prévalant en Amérique du Nord en ce domaine. Les règles sur l'assurance doivent présenter une certaine uniformité avec les autres provinces, si on veut assurer le développement concurrentiel de nos entreprises et protéger adéquatement le public. En partie, ces dispositions traduisent des pratiques courantes observées aujourd'hui par les assureurs. (21 h 30)

Or, M. le Président, l'avant-projet que vous avez devant vous témoigne du passage de seulement quatorze années au cours desquelles on semble avoir oublié le génie de la langue française, émoussé la fine pointe des règles les plus modernes prévalant en Amérique du Nord et mis totalement de côté le souci d'uniformité avec les autres provinces; apparemment, dans le but de protéger encore mieux un public qui est pourtant bien servi et qui ne demande que la possibilité d'obtenir de l'assurance à un prix abordable, on a oublié de considérer le développement concurrentiel d'une des plus importantes industries québécoises à l'heure du libre-échange. Bien au contraire, on voit apparaître un avant-projet de loi qui semble basé en grande partie sur des craintes mal fondées et des préjugés injustifiés, au lieu d'un avant-projet de loi qui reflète et favorise la pratique courante observée aujourd'hui par les assureurs telle que réclamée, d'ailleurs, par les assurés.

Permettez-moi de vous citer quelques exemples de marginalisation du droit québécois dans le contexte des pratiques nord-américaines. L'aspect te plus frappant d'une marginalisation du droit québécois de l'assurance est celui qui est représenté par l'article 2543 de l'avant-projet de loi. Qu'on le lise comme on voudra, il consacre d'une façon législative le droit pour un assuré de mentir à son assureur. M. le Président, il n'y a pas un auteur, pas un texte de loi que nous connaissions qui soit si permissif. La rédaction de cet article, inspirée de quelques jugements isolés, est contraire au fondement même du contrat d'assurance. À tous les commentaires d'auteurs sérieux en la matière, il fait fi de la pratique universelle de l'assurance telle que nous la connaissons et telle qu'elle semble se pratiquer partout ailleurs en Amérique du Nord. Contrairement à la pratique usuelle dans les relations commerciales où la bonne foi suffit, la pratique de l'assurance nécessite la plus entière bonne foi tout au long du contrat, sinon, elle ne peut exister.

Il ne faut jamais oublier que l'assurance est un contrat qui est formé lorsqu'une personne, un éventuel assuré, veut faire assumer ou partager un risque de perte par une autre personne appelée assureur en contrepartie d'une prime.

Pour ce faire, la bonne foi exige qu'elle lui déclare tous les faits qui se rapportent au risque de façon que l'assureur puisse accepter le risque en toute connaisance de cause. Cette bonne foi la plus entière doit exister tout au long du contrat puisque l'assureur ne dépend que des affirmations faites et des pièces qu'on lui exhibe pour donner plein effet au contrat. Chaque fois que quelqu'un trompe cette obligation de la plus entière bonne foi, c'est l'ensemble de la population assurée qui voit sa prime augmentée.

Laissez-moi vous donner un autre exemple de marginalisation. Alors que ni en Amérique du Nord, ni en France, la proposition d'assurance ne lie l'assureur de dommages, au Québec, la proposition formerait le contrat dès son acceptation par cet assureur. Une proposition d'assurance ne ressemble pas à une police d'assurance parce que ces documents n'ont pas les mêmes buts. Assurément, il y aura des divergences entre les deux documents. La proposition permet à l'assuré de déclarer à l'assureur ce qu'il veut protéger comme bien, contre quel genre de risque il entend se prémunir et jusqu'à concurrence de quel montant. L'assureur examine la proposition, décide s'il s'agit d'un risque qu'il est prêt à prendre et à quel coût. Dans le but de favoriser le commerce et la rapidité des transactions, la plupart des assurances de biens, tant chez les individus que chez les commerçants, s'effectue sans proposition écrite. De plus, une tendance comme celle-là est accentuée par le développement technologique que nous connaissons. Lorsque les deux parties s'entendent sur le risque et sur le coût, l'assureur fait parvenir à l'assuré une police qui l'informe dans les moindres détails de ce qui est couvert, de ce qui ne l'est pas et les conditions auxquelles l'assureur est prêt à garantir le risque.

Les clauses d'un contrat d'assurance sont généralement négociables si bien que le contrat d'assurance ne doit pas être considéré comme un contrat d'adhésion tel que le laisse entendre l'avant-projet de loi. Le Bureau d'assurance du Canada vous soumet qu'il n'appartient pas au législateur d'imposer à l'assureur les conséquences du fait que l'assuré n'ait pas lu sa police ou n'ait pas voulu payer la prime équivalant au degré de protection qu'il aurait voulu avoir une fois qu'un sinistre est survenu. En pratique, l'assurance se transige par téléphone et par simple correspondance, souvant par l'entremise d'un courtier, et non pas au moyen d'un échange formel de documents entre un assuré et son assureur. La parole donnée est le seul garant de sécurité. Les transactions se font rapidement et simplement dans la pratique de tous les jours et, dans la plupart des cas, il n'y a aucun problème. Je dirais même dans 99,9 % des cas. Il ne faut pas oublier que toute procédure imposée législativement à un commerçant, tout comme à un assureur d'ailleurs, se reflète dans l'augmentation du coût du produit qui est passé au consommateur.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple d'incompréhension technique. Dans un but sans doute louable mais, selon nous, irréaliste, les rédacteurs de l'avant-projet proposent, à l'article 2478, que l'assureur pose des questions spécifiques à l'assuré sur les circonstances reliées au risque et qu'il estime importantes. L'assureur ne peut répondre à cette exigence puisque c'est l'assuré qui connaît le mieux son milieu et les risques qu'il veut présenter. À notre connaissance, cette exigence ne se retrouve nulle part ailleurs. Ce ne sont pas les risques d'incendie ou de responsabilité civile habituelle qui causent des problèmes aux assureurs et aux assurés. Ce sont les cas particuliers où les assurés n'ont pas franchement révélé aux assureurs toute l'étendue du risque qu'ils voulaient leur faire assumer.

Laissez-moi vous donner un exemple qu'on rencontre fréquemment dans ce domaine. C'est celui du propriétaire d'une maison privée qui la convertit en restaurant ou en maison de chambres. Si vous étiez un assureur, ne croyez-vous pas que votre assuré aurait dû vous dévoiler ce fait? Comment croyez-vous que l'assureur aurait pu le deviner ou le prévoir? En définitive, c'est l'assuré qui connaît le risque et qui souvent l'augmente, qui doit avoir l'obligation de le dévoiler à son assureur.

Après ces exemples qui devraient vous démontrer à quel point l'avant-projet aurait comme conséquence de marginaliser le droit québécois des assurances, permettez-moi de vous rappeler que l'assurance, au Québec comme ailleurs, est indissociable du marché de la réassurance internationale qui agit selon ses propres règles dans un domaine financier délicat. Il n'y a pas un contrat d'assurance d'importance qui ne soit cédé en plus ou moins grande partie à des réassureurs. C'est cette capacité de réassurer les risques importants qui permet à notre industrie de se développer et de remplir sa mission économique. Le droit des assurances ne doit pas mettre les assureurs dans l'impossibilité de couvrir certains risques à cause des exigences inhabituelles de la loi. Comme exemple, l'article 2574 laisse perdurer dans un texte ambigu le problème sérieux causé à l'industrie de l'assurance.

Dans cet avant-projet de Code civil, dans lequel les contrats sont annulables et révisables et où la parole donnée semble éphémère, sinon totalement en voie de disparition, le BAC comprend mal qu'on impose aux assureurs un régime contractuel tout à fait particulier en matière d'assurance de responsabilité civile. En effet, aux termes des articles 2571 et 2573 de l'avant-projet, l'assureur est forcé de respecter les termes de son contrat et d'indemniser les tiers lésés par son assuré, bien que l'assuré, lui, puisse décider de ne pas respecter ses obligations vis-à-vis de son assureur. Ce traitement est d'autant plus inexplicable et discriminatoire qu'il s'inscrit au chapitre des obligations où l'on peut lire, à l'article 1417, que toute obligation confère au créancier le droit à la bonne exécution de celle-ci.

L'avant-projet de loi propose, selon nous, une véritable révolution non seulement du droit des assurances, mais encore dans la philosophie de base du droit québécois. Ainsi, au lieu de conserver un énoncé de droits objectifs et stables, on y parle, en termes vagues et subjectifs, de circonstances inhabituelles ou anormales, article 2478, d'assuré normalement avisé, article 2479, d'assureurs raisonnables, article 2478, et même d'attentes légitimes, article 1621, entre autres. On y instaure un régime de dommages punitifs en disant, effrontément, que les dommages punitifs s'apprécient en tenant compte, notamment, de la situation patrimoniale du débiteur et du fait que, le cas échéant, la prise en charge du paiement réparateur soit assumée en tout ou en partie par un tiers. Est-ce à dire que l'auteur d'un dommage va payer plus cher les dommages causés à un tiers parce qu'il est assuré? Est-ce également à dire que, plus il est fortuné, plus il va payer cher les dommages? Sommes-nous vraiment en face d'un texte de loi qui prône l'indemnisation discriminatoire basée sur l'état de fortune de celui qui a le malheur de causer un dommage à autrui? Il semble qu'il sera désormais impossible de se dégager de l'obligation de réparer le préjudice corporel ou moral causé à autrui. On y dit aussi que le mineur non doué de raison n'est pas tenu de réparer le préjudice qu'il cause à autrui par un comportement en lui-même fautif. Mais on ajoute qu'il devra néanmoins réparer ce préjudice si les personnes chargées de sa garde sont exonérées et si sa situation patrimoniale lui permet de faire cette réparation sans que - et je vous cite le texte - "soient sérieusement compromis pour autant ses besoins essentiels ou son avenir". Croyez-vous qu'un tribunal puisse réduire le montant des dommages et intérêts dûs par le débiteur lorsque sa faute n'était ni intentionnelle ni lourde et que la réparation intégrale du préjudice risquerait de l'exposer démesurément à la gêne? Pouvez-vous concevoir qu'un jugement soit révisable dans les deux ans de son prononcé et qu'on puisse être condamné à verser des dommages et intérêts provisionnels sur simple apparence de droit, c'est-à-dire sans que la preuve de la défense ait été entendue? Ce sont là des concepts qui demandent qu'on s'y arrête plus qu'un instant pour se demander s'il s'agit là de mesures qui rencontrent vraiment le désir de changement de la société québécoise. Quant à nous, nous nous permettons d'en douter, alors qu'on recherche présentement la paix sociale, le décloisonnement des institutions et l'expansion économique de nos entreprises.

Alors que l'avant-projet de loi pèche par mauvaise information d'un côté, il néglige de l'autre de toucher aux problèmes criants de l'heure en matière de responsabilité civile, alors qu'il est en son pouvoir d'y apporter certains

correctifs. C'est ainsi qu'il omet, par exemple, de discuter du problème sérieux posé par les réassureurs qui refusent de risquer leurs capitaux pour garantir des sommes énormes et sans limite au chapitre des intérêts, des indemnités additionnelles et des frais de défense. C'est ainsi qu'il cherche également à étendre le champ des victimes plutôt que de le limiter aux victimes immédiates d'un sinistre comme, d'ailleurs, on tente de le faire présentement partout en Amérique du Nord. C'est encore ainsi qu'il lui était possible d'intervenir pour fixer un plafond au chapitre des dommages non pécuniaires tel que recommandé par la Cour suprême du Canada dans ce qu'on a appelé la trilogie et qui n'en fait rien. Les rédacteurs de l'avant-projet pouvaient jouer un rôle stabilisateur à ce sujet, mais ils ont préféré ne pas le faire. Ils auraient pu diminuer les coûts de l'assurance de responsabilité civile en décrétant que les sommes payées aux victimes de fait dommageables à même les fonds publics ne pourraient être réclamées également des auteurs de dommages et de leurs assureurs, qui sont eux-mêmes des contribuables, et ce, dans un souci de justice fondamentale afin d'éviter le paiement d'une double indemnité à la victime. Là aussi, ils sont demeurés muets.

En conclusion, M. le Président, le BAC a consacré beaucoup d'efforts à examiner cet avant-projet de loi. Nous étions fort conscients des impacts qu'il représente tant sur la société québécoise que sur l'industrie que nous représentons. Nous espérons vivement que les représentations que nous vous faisons par notre mémoire vont vous aider dans votre réflexion et vous permettre d'effectuer une révision qui s'adapte mieux au contexte dans lequel nous évoluons.

Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouchard. C'est maintenant au tour du député de Marquette de poser certaines questions, s'il en a.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec, vous souhaiter la bienvenue à nos travaux et vous remercier de la préparation et de la présentation de votre mémoire, qui est très bien documenté. Ma première question est la suivante et en rapport avec la page 33 de votre mémoire, relativement à l'article 2537, sur la section de l'aggravation du risque. Vous nous dites dans votre mémoire qu'il serait assez difficile, en Amérique du Nord, d'essayer de faire comme il se fait un peu en Europe, c'est-à-dire en France où, lorsqu'on prévoit que l'assuré est tenu de déclarer les circonstances qui aggravent les risques lorsqu'elles sont connues de lui et spécifiées dans la police... J'aimerais que vous explicitiez davantage les raisons qui vous motivent à être totalement contre l'article 2537 tel que prévu à I'avant-projet de loi?

M. Bouchard: Je vais demander à Mme Gagné, si vous voulez, de vous donner les explications complémentaires sur cette partie. (21 h 45)

Mme Gagné (Hélène): Le texte de loi, tel que présentement rédigé, demande en fin de compte que la police contienne toute une série d'aggravations de risques qui seraient possibles. En d'autres mots, ce serait un peu comme demander une liste du bottin de téléphone de Bell Canada pour Montréal, que chaque police contienne toutes les possibilités de changement de risque qui pourraient survenir au cours de la vie d'un contrat. Ici, on parle non seulement du contrat d'assurance-habitation, mais aussi du contrat commercial. Nous savons très bien qu'il est absolument impossible d'avoir une liste exhaustive semblable, comme aucune loi ne peut avoir une liste exhaustive. Il est impossible pour un contrat d'avoir aussi une liste exhaustive d'aggravations possibles de risques. Nous croyons en fait que la modification de 1976 - nous sommes retournés aux sources à cet effet - a eu en fait une simple erreur grammaticale qui a complètement changé la signification ou la tournure de cet article-là. Ce n'était pas l'aggravation de risques qui devait être spécifiée en liste dans le contrat, mais tout simplement que les risques eux-mêmes soient spécifiés; c'est aussi banal que cela comme possibilité d'erreur. Nous recommandons que l'on retourne aux explications de 1976 ou de 1974 qui existent depuis ce temps dans le projet de loi, qu'on en détermine exactement le but et qu'on fasse les corrections. Tel que rédigé, il n'est pas possible d'avoir un contrat qui puisse se conformer à une exigence particulière. Que les risques soient précisés, c'est parfait. En fin ce compte, la police doit spécifier les risques, à moins que ce soit une police qu'on appelle "tout risque"; il n'y a aucun problème si les risques sont précisés. Mais spécifier toutes les aggravations possibles de risques, en d'autres mots, ce serait vous demander quels sont tous les changements possibles qui pourraient vous arriver au cours de votre vie dans les prochains douze mois qui pourraient affecter la police. C'est quasiment demander l'impossible. En fin de compte on ne connaît pas ce genre d'exigence dans aucun contrat en Amérique du Nord. C'est le but de notre recommandation.

M. Dauphin: Merci. C'est clair. Comme deuxième question, vous vous opposez aussi à l'application des dispositions concernant les contrats d'adhésion aux contrats d'assurances, est-ce que vous pourriez, dans la même veine, expliciter davantage les raisons qui motivent cette objection?

Mme Gagné: Je vais passer à M. Faribault.

M. Bouchard: Me Faribault, probablement, est celui qui peut vous éclairer.

M. Faribault (Bernard): La question du contrat d'adhésion, telle qu'elle est définie dans l'avant-projet de loi, ne colle pas à la réalité de tous les jours dans le contexte de l'assurance. En fait, vous pouvez avoir des contrats d'assurance qui sont tellement simples qu'ils contiennent le minimum d'information... En fait, également, tout est négociable. Le problème, c'est que pour avoir le contrat le plus simple, il faut probablement payer le prix le plus élevé. C'est une question de marché; c'est une question de demande. On a entendu des gens intervenir cet après-midi pour vous parler du contrat d'adhésion dans les cas des cartes de crédit, si j'ai bien compris. Une police d'assurance, ce n'est pas la même chose; vous pouvez demander exactement ce que vous voulez et vous allez exactement l'avoir, sauf que vous allez payer pour. Vous ne pouvez pas vous attendre a avoir une Cadillac pour le prix d'une Volkswagen. Vous ne pouvez pas avoir la simplification à outrance sans payer le prix, c'est tout. Ce n'est pas compliqué, mais cela se négocie. Ce n'est pas un contrat dont vous pouvez dire: Je l'accepte. Cette notion de contrat d'adhésion est venue avec le temps quand, par exemple, le législateur, pour protéger les individus, a décidé d'imposer des conditions statutaires aux assureurs-incendie en disant: Vous allez avoir au moins ces conditions-là dans les polices. Mais de là à dire que vous en faites un contrat d'adhésion, quand c'est le gouvernement qui l'impose, c'est un petit peu ridicule. Maintenant, ces exigences-là sont disparues parce que dans la refonte de 1976 on a dit: Vous allez avoir telles clauses telles que rédigées, vous allez être obligés de donner toutes les clauses que vous voulez invoquer dans le contrat. C'est cela, on les met. Si vous voulez qu'on les enlève, on va les enlever, mais vous ne pouvez pas demander à un assureur d'assurer votre maison contre le feu, simplement contre le feu, payer seulement que pour cela et après cela vous plaindre de dommages que vous avez subis par inondation ou par bris de tuyau, si vous n'avez pas payé pour. Mais si vous payez pour, on va vous la donner. C'est simplement une question de marketing; c'est une question de si vous le voulez; vous allez l'avoir mais il va falloir payer pour. Il n'y a pas d'adhésion dans le contrat d'assurance comme tel.

M. Dauphin: À un moment donné aussi on parle de prendre fait et cause pour son assuré. Vous n'y voyez pas un intérêt pour l'assureur de défendre l'assuré étant donné les conséquences, évidemment, du jugement qui peut survenir? Je sais que, à un moment donné dans le mémoire, c'est à quelle page qu'on a vu cela...

M. Faribault: On n'a aucune objection à cela. C'est dans toutes les polices de responsabilité civile. C'est dans la loi. L'assurance de responsabilité civile vit de cela. Le problème qui vient dans ce domaine-là c'est que le projet de loi tel que rédigé et la loi telle qu'elle existe présentement imposent à l'assureur de payer tous les frais de défense d'une façon illimitée, et payer en plus les intérêts, et ce qu'ils appellent maintenant l'indemnité additionnelle qui va disparaître, si j'ai bien compris, dans l'avant-projet de loi. Vous ne pouvez pas demander à un assureur d'assurer pour des sommes illimitées. C'est ce qui existe, mais ce n'est pas correct. Vous avez assisté récemment, et vous assistez présentement, même si ce n'est pas exactement votre domaine, à des pressions énormes en Amérique du Nord pour mettre une limite à l'engagement de l'assureur quant aux coûts de défense et des intérêts. Ce n'est pas quelque chose qui nous répugne de prendre le fait et cause de l'assuré. On est là pour cela. Modestement, on ne fait pas un si mauvais travail, dans les circonstances, quand on a la pleine coopération de l'assuré.

Le Président (M. Doyon): Vous avez d'autres questions, M. le député?

M. Dauphin: Pas pour le moment, M. le Président, merci.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Taillon, vous avez la parole.

M. Filion: Cela va. Je voudrais remercier M. Bouchard, M. Allard, Me Faribault, Me Gagné, M. Brochu, pour leur participation à notre commission parlementaire, pour le mémoire substantiel qu'ils nous ont présenté. Je pense qu'il y a matière à réflexion pour les membres de cette commission et pour les rédacteurs de l'avant-projet de loi, les codificateurs qui, comme vous le savez, eux, vont refaire leurs devoirs après les auditions publiques que nous avons amorcées aujourd'hui.

Votre mémoire est assez sévère. J'ai lu attentivement vos propos du début, en particulier. Les critiques sont sévères. Vous dites: En 1976, on a avalé une réforme et, comme législateur, vous voulez modifier encore une fois les contraintes légales dans lesquelles nous évoluons. Vous reprochez également au projet de loi de ne pas conserver du droit existant ce qu'il n'était pas nécessaire de changer, reprenant par là les mots de l'Office de révision du Code civil. Vous évoquez à juste titre ce qui existe ailleurs, dans les autres provinces. Les compagnies d'assurances qui oeuvrent au Québec oeuvrent également à l'extérieur, en bonne partie, peut-être pas en totalité. Il n'est pas facile pour elles d'offrir des produits d'assurance qui soient conformes à toutes les législations dans chacune des provinces. Également, il y a la concurrence qui joue.

Ma première question va porter sur la dernière question posée par mon collègue, le député de Marquette, sur ce que vous évoquez à la page 58, 59 et 60 de votre mémoire. Vous

nous dites: Nous offrons une couverture, mais les frais d'avocats, les intérêts sur le capital, les dépenses judiciaires, etc., cela fait une facture qui ne finit plus. Déjà, on ne serait pas censé assurer l'inquantifiable, mais on le fait. Me Faribeau nous dit: De plus en plus, on cherche à limiter la couverture des assurances quant aux recours, des frais de défense. On fait allusion peut-être à ce qui se passe aux États-Unis où cela n'est pas facile. Ici, au Québec, on est toujours resté raisonnable. Il y a des procès qui sont énormes, mais en général - vous me corrigerez, si je me trompe - on est toujours resté relativement raisonnable dans ce secteur. Bien sûr, il y a des honoraires d'avocat à payer, bien sûr, il y a des frais judiciaires, mais ils sont abordables. De l'autre côté, si on modifie l'état du droit à cet égard, imaginez-vous l'assuré, il se retrouve devant les tribunaux, ou en cour d'instance ou en appel et c'est sa responsabilité qui est en jeu. Il pourrait se retrouver seul. Dans ce sens, j'ai bien lu ce que vous dites aux pages 58, 59 et 60 de votre mémoire, et votre proposition de modification permettant la stipulation que dans la police ces frais soient assumés pas l'assuré, disons que cela m'inquiète, surtout si cela devenait une pratique généralisée, une pratique spécifique, encore là c'est discutable mais... Donc je ne sais pas si vous voulez réagir, Me Faribault ou quelqu'un d'autre, à ce que je viens de dire.

Le Président (M. Doyon): Je crois que M. Bouchard a peut-être une réponse.

M. Bouchard: Oui, j'aimerais d'abord faire un commentaire un peu plus général, M. le Président, et peut-être laisser soit Me Gagné ou Me Faribault faire certains commentaires d'ordre plus légaliste.

D'abord, quant au contexte général de notre intervention, pour nous, je ne pense pas qu'il doive s'inscrire dans la difficulté qu'on pense de fabriquer des produits pour offrir sur un marché, ce n'est pas à ce niveau que nous voulons placer notre intervention quand on questionne les changements législatifs qui sont proposés. C'est plutôt de dire que nous allons être en mesure, comme industrie, de présenter des couvertures à un prix économique, qui soit réalisable et qui ne mette pas, soit les industries, parce que quand on regarde les risques de grande amplitude c'est bien plus notre industrie à laquelle on pense, parce que ce n'est pas uniquement en ce qui a trait à l'assurance des particuliers que notre industrie dans une situation puisse difficilement concurrencer ou ne puisse pas du tout concurrencer, disons des entreprises étrangères, surtout dans un contexte où on va être appelés de plus en plus à évoluer dans un contexte international, les accords de libre-échange étant une chose dont on parle beaucoup dans ce temps-ci... Alors c'est peut-être plutôt à cet égard qu'on parle, dans ce contexte qu'on veut se placer, et non pas en termes de dire parce que plusieurs des compagnies qui opèrent au Canada, comme vous le savez sans doute, sont des compagnies de nature internationale, elles opèrent sous différentes juridictions, elles ont différentes approches législatives qui peuvent leur être présentées et elles peuvent s'adapter.

Mais il y a une question également. Comment va-t-on quantifier les protections si on se place dans un environnement législatif qui amène, ou qui expose à amener des déboursés de beaucoup supérieurs à ce qui pourrait se trouver ailleurs? Alors c'est un peu dans ce contexte que notre intervention veut se placer et non pas dans un contexte de dire que parce qu'il y a une loi différente en Ontario, en Colombie britannique ou dans d'autres provinces, nous ne pouvons pas nous adapter à cela. Je ne pense pas que ce soit sur ce terrain que nous voulons placer notre intervention.

Je voulais au moins faire cette précision pour vous assurer que ce n'est pas parce que des entreprises qui opèrent, par exemple, dans plusieurs pays ne peuvent pas s'adapter à des contextes législatifs qui peuvent être différents d'une place à l'autre. C'est plutôt en termes des obligations que cela impose à un assuré et donc à l'assureur qui prend fait et cause pour lui.

Quant à l'approche, aux commentaires d'ordre plus légal, je demanderais soit à Me Gagné ou à Me Faribault d'intervenir.

Le Président (M. Doyon): Me Faribault ou Me Gagné. Me Faribeau.

M. Faribault: Étant donné que j'ai déjà donné une partie de la réponse, pour répondre spécifiquement à votre question, on dit que dans le procès de l'amiante, il y a eu, pour une police de 4 000 000 $, 8 000 000 $ de frais de défense au Québec.

M. Filion: La MIUF ou l'amiante?

M. Faribault: L'amiante, parce que la MIUF, ce n'est pas fini, cela coule encore, et ça coûte cher, ça coûte très cher.

La deuxième chose, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus dans les risques considérables le jeu de la réassurance. Les réassureurs, qui obéissent à des impératifs financiers un peu différents des assureurs de première ligne, font des pressions considérables pour ne pas avoir à couvrir ce genre de risques.

Troisièmement, nous ne demandons pas que ce soit éliminé, nous demandons tout simplement que ce soit contingenté. Il y aurait moyen, pour un prix, d'avoir de l'assurance pour couvrir des risques de procès faramineux. C'est tout. La difficulté est dans le montant illimité que nous sommes obligés d'assumer à cause de la loi, alors que le risque que nous avons voulu assumer, lui, est limité en capital. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Filion: Oui. Vous apportez des éléments de réflexion au-delà du fait que l'assureur généralement prend fait et cause à base de l'assurance. Vous amenez des points quand même qui méritent réflexion. En tout cas, vous levez le voile sur une problématique.

Je voudrais revenir sur une autre partie de votre mémoire. (22 heures)

Le Président (M. Doyon): Je croyais que M. Bouchard voulait ajouter quelque chose.

M. Bouchard: J'aurais aimé juste apporter un complément d'information. À notre connaissance, il n'existe aucun autre endroit en Amérique du Nord ou ailleurs où on assure de façon illimitée les frais de défense et d'intérêt. Évidemment, cela fait partie d'un contexte économique dans lequel on évolue. Si cela n'existe pas ailleurs et qu'une législation amenait les assureurs et, enfin, l'industrie de l'assurance ou de la réassurance à exposer leurs capitaux pour des montants illimités sur des cas, par exemple, tels que ceux cités par Me Faribeau tout à l'heure, cela nous place dans un environnement législatif beaucoup plus exposé et donc qui peut risquer de limiter la capacité des assurés québécois de trouver du marché et de concurrencer, par exemple, leur contrepartie américaine ou d'autres pays dans la fabrication de produits ou autre chose.

M. Filion: Je disais qu'il y a une partie de votre mémoire que l'on retrouve à la fois dans l'introduction et dans la conclusion, parce que c'est la même introduction et conclusion, c'est peut-être la machine à traitement de textes qui était très efficace. Vous déplorez finalement le fait - vous êtes les premiers à le faire; plusieurs groupes après vous vont le faire, mais d'une façon aussi claire... - que plusieurs dispositions de l'avant-projet de loi imposent des régimes d'indemnisation différents selon la capacité financière des gens qui pourraient être trouvés coupables par les tribunaux. Vous soulignez l'article 1666, cela vaut la peine de le lire: "Le tribunal peut, exceptionnellement, réduire le montant des dommages-intérêts dus par le débiteur lorsque la faute de celui-ci n'était ni intentionnelle, ni lourde . et que la réparation intégrale du préjudice risquerait de l'exposer démesurément à la gêne."

Outre le fait que la rédaction de l'article est peut-être gênante un peu, et je le dis de façon non péjorative, parce que cela introduit un droit nouveau, alors, cela ne doit pas être facile de trouver une rédaction qui permette de débloquer un nouveau concept comme celui-là, il demeure, et vous le soulignez à juste titre, que le fait de subordonner un acte de justice à l'analyse d'une situation financière invite à l'arbitraire. Je dois vous dire que, surtout la dernière partie, ce n'est pas facile à saisir. Dans ce sens-là, ma question sur l'article 1666 s'adresserait plus aux gens de l'autre côté qu'à vous, mais comme ils sont à cette étape de la commission parlementaire, allons-y.

Vous soulignez également - et là vous êtes encore plus réticents, si c'est possible - que l'imposition de dommages punitifs qui sont déjà permis évidemment lorsqu'il s'agit d'une infraction aux droits fondamentaux prévus par la charte, vous soulignez, dis-je, que ce type de dommages n'est généralement pas assurable, et là vous dites: "à cause d'impératifs tant moraux que pratiques". Lorsque dans une action ordinaire, il y avait des dommages moraux d'accordés et que la compagnie d'assurances prenant fait et cause d'un assuré était condamnée à payer des dommages moraux, quelle est la différence finalement? Je sais qu'il y en a une en droit, mais pour la compagnie d'assurance c'est quoi la différence entre un dommage moral et un dommage punitif, vis-à-vis de la compagnie d'assurances, non pas en droit? En droit, je connais la différence, mais vis-à-vis de la compagnie d'assurances, quelle est la différence?

M. Faribault: La différence c'est la compensation. C'est qu'il y en a un qui compense une victime dans ce que l'on appelle en latin la restitutio in integrum qui est un idéal que le juge Letarte essaie d'atteindre et qu'il semble réussir à imposer. Cela dit, sans critique pour le juge Letarte. Il fait de bons jugements. Il ne faut pas confondre le... Mon Dieu Seigneur!

M. Filion: Vous avez perdu le fil.

M. Faribault: ...l'impératif moral ou la cause morale et les dommages moraux. Ce n'est pas la même chose. Quand on parle dans notre mémoire des impératifs moraux, ce sont des impératifs fondés généralement sur des notions d'ordre public. Alors, il ne faut pas confondre les deux. Les arguments qui militent contre les dommages punitifs viennent surtout du fait que les dommages punitifs sont d'autant plus facilement accordés qu'ils ne sont pas payables par l'auteur du dommage lui-même, mais bien par quelqu'un qui a plus d'argent que lui, qui est bien surpris de ce qui lui arrive. Les dommages punitifs, cela vient de Common Law et cela a été accordé très très parcimonieusement jusqu'à ce que les Américains, surtout en Californie, prennent le mors aux dents et appliquent cela à tort et à travers. Mais, même aux États-Unis, les dommages punitifs ne sont pas accordés partout et ne sont pas accordés aussi souvent que la presse écrite, radiodiffusée ou télévisée semble le laisser entendre. À part cela, ils sont réduits. Mais, cela, on n'en parle pas. Alors, ce qu'on dit, c'est que les dommages punitifs pour les atteintes aux infractions de la Charte des droits et libertés, c'est prévu. Parfait! De toute façon, dans ces cas, il s'agit souvent de cas de dommages causés intentionnellement et ils sont exclus de par la loi

et de par les polices. Mais, ce n'est pas toutes les polices qui les excluent de la même façon et ce n'est pas tous les juges qui lisent les polices de la même façon non plus. Or, ce qu'on voudrait, c'est limiter cela à l'essentiel.

M. Filion: Est-ce qu'aux États-Unis, ces dommages punitifs sont assurés?

M. Faribault: Cela dépend des États, cela dépend des polices et cela dépend des juges.

M. Filion: C'est à peu près comme ici, finalement.

M. Faribault: Bien non, parce que cela est plus commun là-bas...

M. Filion: C'est plus commun.

M. Faribault: ...ils sont plus habitués et ils le demandent tout le temps.

M. Filion: D'accord.

M. Faribault: Ici, on est beaucoup plus réaliste, beaucoup plus raisonnable encore. Mais, je peux vous dire qu'avec un texte comme celui que vous avez devant vous, il y a beaucoup d'avocats qui vont devenir riches rapidement et vous allez manquer de juges.

M. Filion: Vous craignez que les victimes...

M. Faribault: II y a beaucoup de chances que les avocats deviennent riches.

M. Filion: ...demandent une réparation en termes de..., c'est-à-dire demandent des dommages punitifs d'une façon beaucoup plus usuelle. C'est normal. Puisque cela existe, ils vont tous le demander. Il y a une jurisprudence qui va s'établir et on va finir par se donner un modus vivendi en ce qui concerne les dommages punitifs. Mais, vous dites: Excluez cela. Ils existent déjà en fonction de la charte des droits. Laissez cela là et n'introduisez pas de nouveaux concepts de dommages.

M. Faribault: Vous savez, les dommages punitifs, ils n'existent pas partout. Ils existent dans la Loi sur la protection du consommateur, si je me souviens bien. Ils existent dans la Loi sur la protection des arbres, ils existent dans la charte, je pense. Il y a peut-être un autre cas, mais il m'échappe pour l'instant. Pour les arbres, on peut le comprendre un peu. Si vous coupez un arbre, cela prend cent ans pour se refaire. Vous voulez donner un exemple et vous dites: Ne faites pas cela, ne le faites plus, je vais comprendre cela. Mais, dans un régime de droits qui veut indemniser quelqu'un à qui on a commis une atteinte ou un préjudice, on devrait se satisfaire de la réparation la plus complète à laquelle on puisse arriver. Cela devrait être là. Cela a toujours été cela la base des indemnités et il n'y a pas de raison de les changer, à notre avis.

M. Filion: Maître, vous voulez ajouter...

Mme Gagné: Oui, j'aimerais ajouter peut-être une note à cet effet. Le but du dommage punitif justement et après avoir suivi toute révolution qu'il y a eu aux États-Unis et au Canada lorsque cela a été introduit graduellement, en matière de contrat surtout, c'est justement de punir l'individu qui a causé un dommage qui est considéré extrême et intentionnel vis-à-vis d'une victime. Alors, pour punir une personne, si vous envoyez quelqu'un en prison, la personne n'a pas le droit d'envoyer son beau-frère à sa place, il faut qu'elle y aille elle-même. C'est un peu le même concept. Si vous faites un dommage punitif et que c'est l'assureur qui paie, l'individu lui-même n'est pas pénalisé. En fin de compte, il passe la facture à un autre. Alors, c'est simplifié. C'est un peu dans ce contexte. Le punitif, c'est de punir l'individu pour ne pas que les autres recommencent. Alors, s'il y a la possibilité de faire un cession de sa pénalité à un autre, vous n'avez pas atteint le but. Alors, c'est dans ce contexte-là que cela ne devrait pas être assurable, de la même façon qu'un acte intentionnel ou un acte criminel n'est pas assurable, parce que vous ne devez pas avoir la possibilité de vous assurer contre vos propres turpitudes. En fin de compte, c'est le même contexte.

M. Filion: Vous dites: Peut-être si vous voulez l'introduire, comme législateur, faites-le, mais assurez-vous...

Mme Gagné: Mais il ne sera pas assurable.

M. Filion: ...que ce ne sera pas l'objet... Mme Gagné: D'assurance.

M. Filion: ...d'assurance. Bon. Je pense que...

Mme Gagné: Oui, c'est le contexte.

M. Filion: Le dernier argument que vous amenez ne manque pas de précision.

Le Président (M. Doyon): M. Bouchard.

M. Bouchard: Pour enchaîner sur ce que disait Me Gagné, c'est que de façon générale, les dommages punitifs sont exclus dans tous nos traités de réassurance. Pour ces raisons-là, il s'agit de montants sont difficilement quantifiables à l'avance et où on peut difficilement évaluer à l'avance ce que cela pourrait coûter à l'industrie. Alors, pour nous, évidemment il y a le côté pratique et également le côté fondamen-

tal. Quand vous faisiez référence tout à l'heure aux préjudices moraux causés à une victime par rapport à la punition qu'on veut infliger à l'auteur d'un dommage. Disons que ce sont deux concepts un peu différents. On est prêt, je pense, à assurer les dommages évaluables à une victime qui a été préjudiciée, mais le dommage punitif lui-même est une chose qui est très difficile d'évaluation.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Filion: M. le Président, avec la permission de mes collègues, je demanderais à Me Gariépy...

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Filion: ...un de mes conseillers, de poser une question un peu plus précise demandant une expertise que je n'ai pas tout à fait intégrée.

Le Président (M. Doyon): Oui, en signalant en passant qu'il resterait deux minutes pour votre formation politique. Avec l'arrangement du député de Marquette, vous allez pouvoir...

M. Filion: Je suis convaincu, avec l'arrangement actuel qui nous guide.

Le Président (M. Doyon): Alors, Me Gariépy, allez-y.

M. Filion: Allez-y et prenez le temps qu'il vous faut.

M. Gariépy: Me Faribeau, vous m'avez convaincu, disons, que la police d'assurance n'était pas un contrat d'adhésion et que, face aux articles 1423 et surtout 1477 de l'avant-projet qui traitent de l'interprétation d'un contrat, à savoir, entre autres, le contrat d'adhésion, cela me crée un certain doute ou un émoi, étant donné que je n'ai pas trouvé l'article 2499 du Code civil actuel qui, à l'effet d'ambiguïté, le contrat d'assurance interpréterait contre l'assureur... est-ce qu'il y aurait une possibilité que, si on assume que la police d'assurance comme vous le faites n'est pas un contrat d'adhésion, l'assuré ait perdu le bénéfice de l'interprétation du contrat ou de la police contre l'assureur?

M. Faribault: Je ne crois pas que ce soit le cas parce que vous avez des règles d'interprétation des contrats dans votre avant-projet de loi. La notion de contrat d'adhésion est une notion d'interprétation qui a pris naissance dans la jurisprudence. Alors, je pense que lorsqu'on dit, et je pense que cela existe dans l'avant-projet de loi, dans l'interprétation des contrats, qu'on interprète un contrat selon l'intention des parties et puis...

M. Gariépy: L'article 1477: Dans le doute, le contrat s'interprète toujours en faveur du débiteur.

M. Faribault: C'est cela.

M. Gariépy: Or, un assuré qui réclamerait d'un assureur, l'assureur pourrait être un débiteur.

M. Faribault: II est un débiteur à ce moment-là. Alors, vous l'avez, votre interprétation.

M. Gariépy: C'est le contraire.

M. Filion: C'est le contraire. Ce que Me

Gariépy expose, c'est que, grosso modo, le bénéfice allait contre l'assureur auparavant et, maintenant, irait contre l'assuré.

Une voix: Non.

M. Faribault: Non. Parce que, quand vous êtes un assuré et que vous demandez à un assureur de remplir son contrat, l'assureur est débiteur. Voyons, c'est lui qui doit remplir.

Mme Gagné: C'est lui qui a l'obligation. M. Faribault: C'est lui qui a l'obligation.

Le Président (M. Doyon): Je pense que tout le monde comprend.

M. Filion: Le créancier de l'obligation étant l'assuré.

Une voix: Bon, bien, alors...

M. Filion: L'article 1477 dit bien: "Dans le doute, le contrat s'interprète toujours en faveur du débiteur et contre le créancier de l'obligation..." C'est l'inverse de ce qui existe présentement, si je comprends bien.

M. Gariépy: Et à moins que ce soit un contrat d'adhésion.

M. Filion: À moins que ce soit un contrat d'adhésion.

M. Gariépy: ...ce n'est pas un contrat d'adhésion.

M. Faribault: C'est ce que vous dites, ce n'est pas un contrat d'adhésion. Alors, qu'est-ce qu'on va faire?

M. Filion: On va interpréter le contrat d'assurance contre l'assuré?

Une voix: Bien non.

M. Filion: Bien non, mais c'est ce que cela veut dire.

M. Faribault: Bien c'est parce que votre loi est totalement basée, à toutes fins utiles, sur l'existence d'un contrat d'adhésion. L'avant-projet dit cela partout. En fait, si vous achetez - et je l'ai déjà dit à quelqu'un du ministère de la Justice - un sac de chips pour manger au cinéma et que vous n'en mangez que la moitié, avez-vous le droit de retourner à la caisse et de dire: Écoutez, je n'en ai mangé que la moitié, donnez-moi la moitié du prix d'achat? Parce que, en définitive, ce que vous avez fait, c'est un contrat d'adhésion; vous n'avez pas le droit de le négocier. Vous achetez tout d'un seul coup, vous payez le prix et si vous en mangez la moitié, bien, c'est "too bad". Alors, si vous regardez la façon dont les contrats d'ahésion sont définis, évidemment, vous allez vous retrouver avec un article rédigé comme le 1477, qui va essayer de favoriser un débiteur mais c'est croche, à partir du début, cette notion de contrat d'adhésion.

Mme Gagné: De toute façon...

M. Filion: Vous prétendez quoi concernant les contrats d'adhésion?

M. Faribault: On prétend, en tout cas, dans l'assurance, que cela n'existe pas.

M. Filion: Non, mais là on parle, on est rendu dans le sac de chips et dans la qualité du film, là.

M. Faribault: De la qualité du film, on n'en parle pas non plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Cela fait déjà partie du "package".

M. Faribault: Bon. Prenez, par exemple, les cartes de crédit. Vous dites, puis vous vous l'êtes fait dire cet après-midi: Si vous n'en voulez pas, vous avez seulement à ne pas signer. Mais là, vous voulez de la protection. Alors, il y a quelqu'un qui va être créancier de la protection, ce sera l'assuré, puis il y aura quelqu'un qui en sera débiteur. S'il y a des problèmes d'interprétation, ils seront toujours résolu de toute façon en faveur de celui qui demande quelque chose. C'est ce qui se passe dans la réalité de tous les jours. Si vous êtes mal à l'aise avec 1477, il va falloir le réécrire.

Le Président (M. Doyon): D'autres questions?

M. Faribault: Cela s'interprète en faveur du débiteur. Cela ne peut pas marcher dans un contrat d'assurance, à moins que vous n'en fassiez un contrat d'adhésion et là, cela marche. Mais, si vous prenez la prémisse que ce n'est pas un contrat d'adhésion, il va falloir retourner cela à l'envers.

Le Président (M. Doyon): Avez-vous d'autres questions, M. le député?

M. Filion: Non. De mon côté, je voudrais remercier les gens du BAC, qui nous ont fait la preuve ce soir, une fois encore, qu'ils ont acquis, au fil des années, une crédibilité basée sur une expertise et une connaissance du milieu de l'assurance tout à fait particulière. Je voudrais les remercier encore, je le répète. Le travail qui a été fait quant au mémoire classe sûrement le mémoire du BAC parmi les mémoires importants que nous avons reçus. Je voudrais les remercier de s'être déplacés et de se prêter, à une heure aussi tardive, à un exercice démocratique que vous savez sûrement être quand même essentiel au fonctionnement du Parlement. Alors, je vous remercie de la part de notre formation politique.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Marquette, vous voulez ajouter quelques mots?

M. Dauphin: Oui, M. le Président. De notre côté, c'est la même chose. On peut assurer tout de suite le BAC que son mémoire et ses commentaires seront pris en sérieuse considération. Je remercie ses porte-parole de la très grande qualité de la préparation et de la présentation du mémoire.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom de la commission, je vous remercie beaucoup. Le mémoire est extrêmement intéressant et bien reçu par la commission. Merci et bonsoir.

Je signale que les travaux sont ajournés jusqu'à demain, 10 heures. Ils reprendront donc à 10 heures à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 22 h 20)

Document(s) associé(s) à la séance