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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 3 novembre 1988 - Vol. 30 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations


Journal des débats

 

(Neuf heures trente neuf minutes)

Le Président (M. Marcil): Nous allons déclarer la séance ouverte, tout en rappelant le mandat de la sous-commission, c'est-à-dire de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements d'annoncés?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dufour (Jonquière) est remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest) et Mme Harel (Maisonneuve) par M. Filion (Taillon).

Le Président (M. Marcil): Ça va. À titre d'information, le premier groupe que nous allons entendre ce sont les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec, suivi du Conseil du patronat du Québec, et de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec. Cet après-midi, à partir de 15 heures, nous allons entendre l'Ordre des architectes du Québec et association des architectes en pratique privée du Québec, suivi de l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal, et de l'Association coopérative d'économie familiale du nord de Montréal. De 17 heures à 17 h 30, ce sera l'Association coopérative d'économie familiale du sud-ouest de Montréal et il y aura un changement pour ce soir, la CSN s'étant décommandée. Nous avons placé de 17 h 30 à 18 h 30, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, au lieu de 20 heures à 21 heures. Cela résume l'ordre du jour de notre journée.

Le premier groupe est la Centrale de l'enseignement. Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Vous savez qu'une durée d'environ 60 minutes nous est allouée et que la plupart des gens, pour ne pas dire l'ensemble des parlementaires, ont déjà travaillé votre mémoire. Il y a déjà des séries de questions de préparées. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et, ensuite, on pourra procéder à l'échange de questions.

Si vous voulez vous présenter, de même que présenter vos collaborateurs.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): Merci, M. le Président, je suis Raymond Johnston, vice-président de la centrale. Je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À l'extrême droite, Mme Michelle Savard qui est employée à la centrale; à ma droite immédiate, Jean-Marcel Lapierre, employé de l'équipe juridique à la centrale; à ma gauche immédiate,

Mme Solange Provonost, également vice-présidente de la centrale et qui participera avec moi à la présentation de ce mémoire, pour une partie; à sa gauche, Jules Johnston, employé à la CEQ dans le secteur des assurances, en particulier, et Robert Marois, employé dans le même secteur à la centrale.

Je voudrais, d'entrée de jeu, vous dire que devant l'ampleur de l'avant-projet de loi, nous ne nous sommes pas hasardés à faire un mémoire qui concerne l'ensemble des dispositions. Nous les avons ciblées autant que possible à partir de nos préoccupations majeures, comme organisation, en tenant compte du fait que les membres que nous représentons sont, à la fois régis, pour la majorité, par le Code civil et par le Code du travail; en tenant compte aussi de l'histoire de notre organisation en matière d'assurance et particulièrement d'assurance collective.

Depuis un bon nombre d'années, on a développé des programmes substantiels en matière d'assurance collective et on croit qu'il y a là des questions assez importantes à soulever pour l'avenir du développement de ce type de régime d'assurance. Je vais donc aborder le plus directement possible les questions, avec le chapitre sur le contrat de travail, vous signalant d'entrée de jeu nos préoccupations majeures.

Nous savons tous qu'une réforme du Code civil ne se fait pas à chaque décennie. Nous savons tous aussi qu'à travers les dernières décennies en particulier, s'est développé un champ du droit du travail. Jusqu'à un certain point, ceci s'est fait à l'encontre ou en marge du Code civil. Nous sommes donc préoccupés au premier titre par la compatibilité entre les dispositions du Code civil, sur le contrat de travail et la préservation des acquis, et celles du champ du droit du travail. À ce titre, je veux attirer votre attention particulièrement sur le problème que nous identifions relativement à la définition du terme "salarié" qui est au coeur, croyons-nous, de la frontière possible entre le travail dit indépendant et le travail salarié qui peut donc, jusqu'à un certain point, être au coeur aussi de l'entrée sous l'empire des lois du travail. Ce que nous voulons vous signaler à cet égard, c'est que la définition qui est là va beaucoup plus loin, en termes d'exigence pour la reconnaissance du statut de salarié, que le développement de la jurisprudence à travers les dernières décennies. Il y a donc une possibilité de choc entre le nouvel article 2144 qui est proposé et le droit du travail tel que développé sur la base de la jurisprudence actuelle. À cet égard, nous voulons signaler que la précision dans la définition des mots, l'utilisation des termes selon les instructions, à l'intérieur de cette définition, nous apparaît un peu abusif compte tenu de l'évolution de la jurisprudence

sur la notion de salarié. Cela peut créer une distorsion importante dans la lecture que les tribunaux feront éventuellement sur la base de la jurisprudence actuelle. (9 h 45)

Nous suggérons aussi, quant à cette définition, de faire disparaître la précision de travail matériel et intellectuel. Je ne détaillerai pas beaucoup cela. Il me semble que c'est un exercice périlleux que d'essayer de classer maintenant ce qui est de l'ordre du matériel et ce qui est de l'ordre de l'intellectuel, d'autant plus que le mot "matériel" ne correspond pas beaucoup au langage habituel en matière de travail. On utilise plutôt l'expression "travail manuel". Encore là, si on utilise "travail manuel" ou "travail intellectuel", il y a une foule d'exemples, beaucoup de fonctions qui sont réputées comme étant des fonctions de salariés, où on peut clairement démontrer qu'il y a combinaison des deux facteurs.

On veut signaler notre satisfaction à l'égard de l'article 2145 sur le devoir de protection de l'employeur et on veut également vous souligner, du même souffle, que l'article 2146, relatif aux devoirs de la personne employée, nous semble un peu lourd. On prévoit une interdiction à la personne employée d'utiliser l'information et les secrets commerciaux qu'elle obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail. Il peut y avoir des bouts là-dedans qui sont raisonnables dans la mesure où c'est lié à une relation de loyauté, mais dans cette seule mesure. Nous croyons qu'on devrait corriger cet article pour faire disparaître les éléments relatifs à l'usage de l'information acquise pendant l'exercice d'un travail, alors que cela peut bien ne pas être utilisé de façon déloyale. Quelqu'un pourrait ainsi utiliser, après une période de prestations de travail, de l'information acquise pendant l'exercice du travail et à compter du moment où il n'y a plus de relation contractuelle, il y a là quelque chose qui pourrait être un peu abusif.

Je vous signale, par exemple, toute information, que les expressions elles-mêmes sont larges et susceptibles d'interprétations très lourdes à l'égard même du salarié qui est, pendant une période de prestations de travail.

Je voudrais attirer votre attention sur la section 1.4 de notre mémoire: Le contrat à durée déterminée. Nous avons deux préoccupations majeures à cet égard. La première est de s'assurer que les pratiques de congédiements illégaux ne soient pas contournées par les employeurs de façon régulière par l'utilisation de contrats à durée déterminée plutôt que de contrats à durée indéterminée. À la page 7, on a une grande liste des cas de congédiements pour des motifs illégitimes qui ont été implantés dans la loi et à partir de la page 8, on cite, entre autres, une cause et je vous reporterai à une cause plus récente, une décision de la Cour d'appel du 22 septembre 1988, l'affaire Moore contre la compagnie Montréal Trust où cette question était posée en termes de juridiction sur le fond. La

Cour d'appel, dans ce cas avait statué que l'existence d'un contrat à durée déterminée n'avait pas pour effet de permettre à un employeur de se soustraire à des obligations en termes de comportement par rapport à ses salariés dans les mesures où c'était défendu par la loi. On pense que cette décision aurait avantage à être enracinée dans le nouveau corps législatif pour donner une sécurité juridique plus évidente pour les parties à des contrats individuels et même à des contrats collectifs, le cas échéant.

La deuxième dimension que nous voulons soulever c'est qu'il faudrait que les contrats à durée déterminée deviennent une règle quasi-automatique. Nous souhaiterions que le législateur prenne les dispositions pour que ce type de contrat soit perçu comme un cas d'exception; en règle générale, que le contrat d'engagement soit réputé être un contrat à durée indéterminée sauf stipulation expresse. Vous retrouverez cela à la page 11 dans notre texte.

Sur l'avis de congé, je vais rapidement vous signaler deux problèmes: la concurrence entre les dispositions du Code civil qui sont proposées, l'insuffisance, les motifs qui sont prévus dans l'évaluation du délai et le problème du droit même à l'indemnité qui est soumis à des conditions qui nous apparaissent abusives. S'il doit y avoir un délai, s'il doit y avoir un avis pour mettre fin à un contrat, l'absence d'avis à lui seul devrait permettre d'avoir droit à une indemnité. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir d'autre recours en dommages et intérêts pour d'autres motifs, mais imposer aux salariés, imposer à l'employé, un fardeau plus lourd que le non-respect du délai pour avoir droit à l'indemnité, cela nous apparaît abusif, dans les circonstances.

Rapidement, sur les dispositions relatives à la fin du contrat, dans la section 1.6 en pages 13 et 14, je vous signale que nous croyons que cette disposition à l'article 2151, aussi, est un petit peu trop large. Nous croyons, quant à nous, que l'incapacité totale et définitive du salarié - totale temporaire, il faut voir là que ce n'est pas la même chose que totale et définitive - met fin au contrat. Mais on voudrait qu'il y ait une possibilité d'arrangement entre le salarié et son employeur, soit sur une base individuelle, soit sur une base collective, afin de préserver des droits qui autrement pourraient être perdus - par exemple, le droit de contribuer à un régime de retraite, le droit d'avoir accès à un régime de retraite plus tard - s'il y avait donc des possibilités de réserve à l'égard de la fin de contrat dans ce cas-là, cela pourrait permettre de régler des cas souvent difficiles à régler autrement.

Finalement, la disposition qui prévoit que le décès de l'employeur met fin au contrat, cela nous apparaît un peu large. C'est rare qu'un employeur n'ait pas d'héritiers. C'est rare aussi que l'entreprise décède en même temps que l'employeur. Nous proposons de resserrer cette disposition, pour s'assurer qu'il n'y aurait fin de

contrat que dans la mesure où l'emploi, en lui même, serait automatiquement aboli du fait du décès. Il ne faut pas laisser de porte ouverte à de telles dispositions pour permettre, à l'occasion du décès d'un employeur, un ménage par la succession à l'intérieur d'une entreprise, ce qui pourrait être permis par le Code civil, par les dispositions proposées. Là-dessus, nous pensons que l'approche que nous vous proposons sur cette question est parfaitement compatible avec ce qui est proposé à l'article 2156 par ailleurs - dont nous nous réjouissons - qui est de l'ordre de la transmission au nouvel employeur des obligations contractuelles avec chacun des salariés, une revendication que nous avions d'ailleurs formulée nous-mêmes à quelques reprises.

Je vais arrêter rapidement sur le contrat de travail et la convention collective. Je passe sur la question de la résiliation du contrat de travail. Vous pourrez regarder cela, c'est important aussi, mais la section 1.9 nous apparaît plus importante. L'article 2157 pose un problème de taille pour nous parce qu'il insérerait, à toutes fins utiles, le principe que le contrat de travail serait complété par la convention collective. À notre point de vue, l'état de la jurisprudence en matière de droit du travail et en matière de convention collective indique que le contrat de travail est subordonné à la convention collective. C'est une différence importante. Cela veut dire que les conditions de travail négociées remplacent, à toutes fins utiles, les dispositions du contrat individuel de travail et que les dispositions du contrat individuel de travail sont mises entre parenthèses tant qu'existe une convention collective valide et applicable à ce salarié. La disposition proposée viendrait en quelque sorte prétendre que ce courant jurisprudentiel n'est pas bon parce que les deux pourraient se compléter, le contrat de travail pourrait comprendre des choses que ne comprend pas la convention collective, qui pourraient perdurer malgré l'existence de la convention collective, donc créer une poche de multiplication des traitements individuels malgré l'existence des conventions collectives, ce qui va à l'encontre des dispositions du Code du travail, qui veulent que la convention collective s'applique de la même façon à l'ensemble des salariés. Là-dessus, il y a un certain nombre d'exemples et de décisions qui sont cités ici.

L'autre question sur laquelle je voudrais attirer votre attention, sur ce même sujet, c'est la juridiction de l'arbitre de grief sur les cas de validité du contrat de travail ou les cas de contestation de la validité du contrat de travail sur les questions liées à la formation du contrat de travail. On pense qu'il devrait y avoir une assise quelque part pour qu'un arbitre de grief puisse se saisir par exemple d'un cas de nullité de contrat parce qu'il y aurait eu une fausse déclaration du salarié. Sur ce sujet, je vais demander à Mme Pronovost de passer rapidement sur le dossier des assurances et je reviendrai pour compléter.

Mme Pronovost (Solange): Au chapitre des assurances, nous constatons la préoccupation du législateur de ne pas modifier de façon trop importante les dispositions actuelles. Ce qui, dans le contexte, nous apparaît tout à fait normal et souhaitable. On évite donc ainsi de mettre en péril la relative sécurité juridique qui existe. Cependant, à l'examen des dispositions cela nous amène à déplorer l'absence de préoccupation concernant l'assurance collective et à démontrer que cet objectif de sécurité juridique qu'on vise doit être atteint non seulement à l'égard de l'assurance individuelle mais également à l'égard de l'assurance collective. Alors, nos remarques viseront donc des éléments qui sont de nature à favoriser l'amélioration du droit des consommatrices et des consommateurs en matière d'assurances et, bien sûr, la clarification du droit en assurance collective et ce, vous l'aurez compris, à la lumière de notre expérience.

Pour nous, lorsqu'il est question de sécurité juridique en matière d'assurances cela signifie l'existence réelle du droit de s'assurer. Cela veut dire également que toute personne doit être convaincue d'être vraiment assurée et de pouvoir continuer de s'assurer. En d'autres termes, être en sécurité. D'où, pour nous, la nécessité de posséder toutes les informations, de posséder des informations claires, précises qui font en sorte que chaque partie au contrat sait très bien à quoi s'en tenir. On pense également que des délais raisonnables de renouvellement de contrats et des délais prolongés pour fins de déclarations de sinistre seraient de nature à protéger les droits des assurés. (10 heures)

De plus, on pense qu'on ne devrait pas permettre l'annulation d'un contrat, sous prétexte de fausse déclaration ou réticence, alors que l'invalidité en cause n'a aucun lien direct avec cette fausse déclaration possiblement ou cette réticence. Il est également primordial qu'un individu puisse être assuré, même si une affection se déclare peu de temps après la signature de la proposition, et dans le même ordre d'idées, il nous apparaît tout à fait inacceptable qu'une affection non connue de l'assuré puisse être associée à de la fraude.

Un autre élément sur lequel nous sommes en désaccord est le fait d'exclure des protections d'assurance des maladies parce qu'elles représentent trop de risques individuels. Pour nous, l'assurance est une certaine forme de service collectif dans notre société. C'est une certaine forme de sécurité sociale et, de ce fait, nous pensons qu'elle doit être accessible à toutes et à tous. D'ailleurs, les assureurs l'ont reconnu lorsqu'ils ont admis que le suicide pouvait faire l'objet de prestations.

Alors, toujours dans notre souci de protéger les droits des assurés et de leur accorder la sécurité juridique dont nous parlions précédem-

ment, il nous semble que la suppression de l'article 2499 vient changer le rapport qui existe entre les parties actuellement. Ce que nous voulons à l'égard de cette question est une garantie, dans le Code civil, indiquant que le contrat s'interprète en faveur de l'assuré en toute matière de protection.

Ce sont là quelques exemples de notre conception de la sécurité juridique en matière d'assurance, mais après ces considérations d'ordre général, on va regarder un peu l'assurance collective et ses particularités. Pour nous, à la CEQ, qui avons quand même une certaine expérience en matière d'assurance collective, c'est très difficile de comprendre comment des dispositions de base comme celles du Code civil peuvent être aussi loin de la réalité de la vie courante. L'assurance collective n'est pas à la remorque de l'assurance individuelle; l'assurance collective est d'une autre nature. Ce qui s'applique bien en assurance individuelle n'a pas d'applications claires et précises en assurance collective et pour illustrer cette situation, nous allons prendre comme exemple les articles 2496 et 2497 qui prévoient que les protections d'assurance-vie, maladie et accident, prennent effet à des moments différents et à des conditions particulières.

Dans les contrats d'assurance collective de la Centrale de l'enseignement du Québec, voici un peu comment cela s'applique. L'assurance-vie, l'assurance-maladie et l'assurance-salaire entrent en vigueur en même temps. L'assureur offre aux membres du groupe le régime déterminé entre la détentrice ou le détenteur du contrat-cadre et l'assureur. Les membres décident de prendre ou non le régime s'il est facultatif. La date de prise d'effet est déterminée soit par convention collective, soit par entente entre la détentrice et le détenteur du contrat-cadre et l'assureur, et ainsi de suite.

En matière de langage, l'avant-projet nous semble porteur d'ambiguïtés et peut-être même d'incohérences, parce que les mots ne recouvrent pas les mêmes réalités d'un type d'assurance à l'autre.

Toujours dans le souci d'établir une sécurité juridique en matière d'assurance collective, nous trouvons important de signaler que des particularités ont été omises. Ces caractéristiques, nous les retrouvons dans le règlement de la Loi sur les assurances et nous pensons qu'elles devraient être intégrées au Code civil, afin de constituer la base de tout contrat collectif. Nous faisons référence ici à la notion de groupe, aux dispositions relatives aux détenteurs du contrat-cadre, au droit de transformation et d'autres sont énumérés dans notre mémoire.

Mais on constate que des problèmes qui sont d'actualité ne sont cependant pas résolus par la voie de la réglementation. Nous mentionnerons ici, par exemple, la désignation des bénéficiaires lors du transfert d'assurance collective. Nous mentionnerons également l'exclusion d'un sous-groupe, la nullité de l'exclusion du suicide et le transfert d'assurance collective, le droit de transformation en assurance de personnes. Ce sont, nous semble-t-il, des problèmes qui sont à résoudre.

Il y a également d'autres réalités que nous pensons qu'il soit d'intérêt de considérer pour tenir compte de l'évolution de la société actuellement et pour établir une véritable sécurité juridique. On pense ici à la couverture, sans aucun doute, du conjoint de fait et des enfants du conjoint de fait. On pense aussi à la définition de la notion de famille; en 1988, cela a beaucoup changé.

Par ailleurs, compte tenu de l'importante responsabilité du détenteur du contrat-cadre à l'endroit des nombreuses adhérentes et adhérents à une assurance collective et considérant, effectivement, la sécurité qui lui est aussi nécessaire, on pense que l'assureur devrait obligatoirement aviser le détenteur du contrat-cadre de l'existence de contrats de réassurance, qu'il devrait les dénoncer, qu'il devrait informer du niveau de réassurance et identifier, bien sûr, les différents traités de réassurance qui sont applicables.

Le Président (M. Marcil): En conclusion.

Mme Pronovost: Vous avez là, en résumé, les principales préoccupations de la Centrale de l'enseignement du Québec en matière d'assurance. Notre mémoire vous en précisera d'autres. Mais ce qui nous semble vraiment important, c'est d'atteindre l'objectif d'avoir une véritable sécurité juridique, tant en matière d'assurance individuelle qu'en matière d'assurance collective. Sur ce dernier élément, nous pensons qu'il est véritablement temps d'accorder un statut légal particulier dans le domaine de l'assurance collective.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci beaucoup, M. le Président. Le mémoire qui vient de nous être présenté est extrêmement intéressant. Le travail qui a été mis là-dedans est impressionnant et je pense que les points soulevés sont aussi d'une très grande importance. On note, dans votre mémoire, que vous faites plusieurs recommandations en ce qui concerne l'assurance, en particulier. Une grande partie de votre mémoire porte sur les contrats de travail et c'est un peu normal.

En ce qui concerne les assurances, puisqu'on vient d'en parler, est-ce que vous avez eu l'occasion d'évaluer les répercussions sur l'industrie de l'assurance elle-même des recommandations que vous faites? Est-ce que vous avez pu évaluer, soit par des contacts que vous avez eus avec eux, soit par votre expérience personnelle, comment pourraient réagir les compagnies

d'assurances à l'acceptation ou à l'incorporation, dans le futur code, des recommandations que vous faites actuellement?

Le Président (M. Marcil): M. Johnston ou madame.

M. Johnston (Raymond): Si vous permettez, on n'a pas fait de vérifications formelles auprès des compagnies d'assurances pour voir comment elles voyaient l'application de l'ensemble des recommandations que nous formulons. Cependant, l'expérience que nous avons en matière d'assurance collective nous amène à croire que la plupart des recommandations qui sont formulées là pourraient être vivables par les compagnies d'assurances qui auraient vraiment le respect des assurés et qui se donneraient les moyens de gestion pour y arriver. Mais nous, nous l'avons fait sur la base de notre évaluation, à partir de l'expérience des régimes collectifs d'assurances.

M. Doyon: Vous ne voyez pas d'obstacles majeurs à la mise en place de mesures semblables?

M. Johnston (Raymond): Les compagnies d'assurances vont probablement vous dire qu'elles ne partagent pas certaines des analyses ou des recommandations que nous formulons, mais je pense que c'est à ces compagnies de venir vous dire ce qu'elles en pensent. Nous vous disons ce que, nous, nous en pensons sur la base de notre expérience et vous pourrez faire les évaluations après.

M. Doyon: Oui. Toujours dans le domaine des assurances, vous demandez dans votre mémoire un délai de renouvellement pour une police d'assurance de dommages en assurance individuelle ou collective. Pourriez-vous nous donner une meilleure explication ou, en tout cas, préciser ce sujet? Quels sont les problèmes que vous désirez résoudre ou quels sont les problèmes qui se posent en matière de délai de renouvellement d'assurances? Qu'est-ce que vous avez à l'idée?

M. Johnston (Raymond): Est-ce que vous êtes en mesure de préciser à quelle partie du mémoire vous faites référence et je vais demander à M. Jules Johnston de répondre à votre question?

M. Doyon: Vous indiquez, je ne sais pas exactement où dans votre mémoire, que... Les recherchistes qui ont préparé nos documents nous indiquent que vous mentionnez, dans votre mémoire, que vous demandez un délai de renouvellement pour une police d'assurance de dommages en assurance individuelle ou collective et c'est à ce délai que je me réfère.

M. Johnston (Jules): Actuellement, les seuls délais qui existent dans les régimes d'assurances générales, en particulier, sont les délais qui sont prévus dans les polices, soit au chapitre des polices en assurance automobile où on a un délai de renouvellement de 30 jours ou soit au gré des assureurs, selon les hypothèses qu'ils font chez eux et selon les polices qu'ils établissent. L'expérience que nous avons vécue, en particulier concernant l'assurance de dommages, nous confirme que les délais déjà inscrits dans les polices d'assurance automobile sont, de façon générale, assez peu respectés et particulièrement dans le cadre de situations où il y a des baisses de taux en assurance automobile. Cela nous apparaît important de souligner cet élément et de le rendre plus impératif parce qu'il nous semble que, à ce moment-là, l'assuré est celui qui est le plus pénalisé. Lorsqu'on reçoit un avis de renouvellement 5 jours avant l'entrée en vigueur d'une nouvelle police d'assurance automobile, par exemple, on est, en général, assez peu en mesure de faire le magasinage qui est possible. C'est la même situation, mais en plus grave encore, en assurance-habitation, parce que, de façon générale, il n'y a pas de délai de renouvellement. Par contre, en matière d'assurance collective, à cause de l'impact et de la grosseur des groupes qui sont souvent impliqués, les délais de renouvellement, les délais juste pour faire le transfert réel doivent être beaucoup plus longs parce que, autrement, on se trouvera à la merci d'une compagnie d'assurances qui, elle, est déjà responsable du contrat qui est en vigueur au moment où on doit aller faire du magasinage. C'est pourquoi on a préféré, à ce moment-là, des délais de 30 jours, pour l'assurance individuelle, et de 90 jours, pour l'assurance collective.

Je vous rappellerai simplement que nous vivons actuellement, dans notre régime d'assurance-collective en assurance de dommages, des délais qui tournent aux alentours de 60 jours, et on peut vivre avec cela et la compagnie d'assurances peut vivre avec cela.

M. Doyon: Merci. C'est pour permettre, si je comprends bien, la comparaison entre les taux, entre les prix et avoir l'occasion de trouver des prix qui conviennent, compte tenu des exigences qui sont les vôtres. Pour continuer encore brièvement sur l'assurance, même si vous n'avez pas parlé de cela, aux pages 58 et 59, vous parlez de recours. Je crois comprendre que vous voyez l'État intervenir à ce sujet-là, en ce qui concerne les possibilités de recours, et que l'État devrait assumer un certain nombre de responsabilités pour ce qui est des recours pour les personnes assurées. Pourriez-vous nous donner une meilleure idée de ce que vous entendez par là et quelle serait l'intervention que vous souhaiteriez voir faire par l'État à ce sujet-là?

M. Johnston (Raymond): Si vous permettez, je vais d'abord vous signaler que l'ensemble de

ces mesures atterrissent, comme vous pouvez le constater, à la suite de la présentation de problèmes relatifs à la protection des droits des assurés, liées au problème de solvabilité, en particulier, et liée aussi, dans une certaine mesure, au fait qu'il rentre de plus en plus, de façon significative, une responsabilité de réassurance dans les régimes... En tout cas, les compagnies d'assurances font de plus en plus de réassurance pour répartir les risques sur des grandes masses.

Là-dessus, ce que nous voulons vous signaler, c'est qu'il devrait y avoir un resserrement important du contrôle par l'Inspecteur général des institutions financières en ce qui concerne la solvabilité des compagnies d'assurances. C'est cela que nous signalons en premier lieu. (10 h 15)

Deuxièmement, dans la mesure où il y a faillite de l'assureur, cela arrive à l'occasion, et que l'assureur avait, lui, pris une forme de réassurance, il faut trouver le moyen de faire en sorte que les assurés individuels ou même collectifs ne soient pas aux prises avec la recherche du réassureur, ne soient pas aux prises avec les poursuites contre le réassureur, mais qu'il y ait un mécanisme qui permette à un organisme gouvernemental d'exercer ce recours-là auprès du réassureur. Il faut aussi qu'il y ait un fonds qui, nous pensons, devrait être public. Un fonds auquel les assureurs participeraient et qui deviendrait une espèce de fonds d'indemnisation. Il devrait aussi y avoir, corollairement, la mise en place d'un mécanisme d'indemnisation, un office d'indemnisation qui permette aux gens de pouvoir exercer des recours sans être obligés de s'embarquer dans des dédales juridiques assez importants.

Nous croyons aussi, et on le souligne à la page 60, qu'il devrait y avoir un mécanisme permanent d'arbitrage autant pour les polices individuelles que pour les polices collectives d'assurances. Et cela repose sur la nécessité, à notre point de vue, de faire en sorte que les compagnies d'assurances soient obligées de civiliser leurs rapports. Il y a tellement de moyens à la fois de segmenter les risques et de les reporter sur d'autres. Il y a tellement de risques aussi en segmentant les risques, en matière d'assurances, qu'une compagnie soit prise pour assumer l'assurance de personnes qui comportent de plus hauts taux de risques. On sait qu'il y a une évaluation qui se fait en ce qui concerne la solvabilité des compagnies d'assurances. Il devrait alors y avoir des signaux allumés quelque part. Il y a des analyses qui sont faites par une institution indépendante qui classe les compagnies d'assurances selon leur degré de solvabilité, mais il n'y a pas beaucoup de monde qui intervient de façon ponctuelle pour forcer des redressements dans les compagnies d'assurances qui deviennent rapidement, quand elles prennent la pente descendante, des cas problè- mes.

M. Doyon: Merci, M. Johnston.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Oui, merci, M. le Président. Alors, dans la même veine que mon collègue de Louis-Hébert, nous remarquions à l'intérieur de votre mémoire que vous ne vous prononcez pas nécessairement sur l'inclusion au Code civil de dispostions relatives à la protection du consommateur. Je ne sais pas si vous avez eu la chance, comme centrale syndicale, de vous pencher là-dessus, à savoir sur le bien fondé de cette inclusion à l'intérieur de l'avant-projet de loi.

M. Johnston (Raymond): Tout comme je le signalais au point de départ, on a dû malheureusement, devant un avant-projet qui comporte quelque 1500 articles, sélectionner nos points d'intervention et les questions que nous avons à analyser. Malheureusement, on n'a pas pu procéder à l'examen des dispositions pertinentes auxquelles vous faites référence, mais je peux vous dire que nous partageons, à un certain degré, les inquiétudes des groupes de défense des droits des consommateurs à l'égard des nouvelles dispositions qui sont présentées, mais on n'a pas eu l'occasion de raffiner nos analyses sur cette question.

M. Dauphin: D'accord. Si vous me le permettez, j'aurais peut-être une autre question avant de laisser la parole à notre collègue d'Abitibi-Ouest. Aux pages 44 et 45 de votre mémoire, vous vous objectez à l'article 2467 qui traite du contrat de réassurance. D'ailleurs, cet article reprend l'article 2493 du code actuel. La question est la suivante: Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur les raisons qui vous motivent dans votre position à cet article-là?

M. Johnston (Raymond): Je vais demander à M. Jules Johnston de répondre à cette question.

M. Johnston (Jules): D'abord, il est essentiel de faire la remarque... L'article 2467 qui est proposé est substantiellement différent, à notre point de vue, de ce qui existe actuellement à l'article 2493. C'est en particulier dû au fait que, maintenant, on n'énonce plus le fait que le contrat de réassurance n'a d'effet qu'entre les deux parties, soit l'assuré, l'assureur et le réassureur, premier élément. Même si cela semble maintenir cette idée, il reste qu'on a des dérogations qui sont prévues. Pour nous, le recours d'un assuré auprès d'un réassureur nous apparaît contenir tellement d'embûches et tellement de difficultés, à la fois en termes juridiques, de délais, de connaissance, qu'il exige - je devrais dire nécessairement - l'intervention de gens qui

sont déjà spécialisés dans le droit des assurances, dans le droit international. Cela nécessite l'intervention d'actuaires qui sont au courant des différents traités de réassurance, etc. Toute la question de la réassurance est très complexe. Un individu qui est pris face à cette situation, en réalité, pour lui, c'est devenu impraticable. C'est contre cela que nous en avons et nous ne souhaitons pas que ce genre de contrat se répande, même si nous savons que cela existe. En particulier, ce que nous avons pu identifier dans le secteur de la garantie automobile, nous ne souhaitons pas que cela se répande. S'il y a quelque chose de très particulier que nous voulons couvrir là-dedans, il y a peut-être lieu de le circonscrire à ce secteur. Pour nous, en ce qui concerne les assurés, à cause de la série d'embûches qu'on a énoncées, il n'y a pas d'intérêt à introduire cela dans le code actuellement.

M. Dauphin: Merci.

Le Président (M. Marcil): Cela va? M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, très rapidement. D'abord, je voudrais remercier la Centrale de l'enseignement du Québec pour son intervention. Même si elle a dit au début que son intervention se situait dans le cadre de sa mission de promotion des intérêts socio-économiques professionnels de ses salariés... Je pense que, par la qualité de son mémoire, elle a raison d'indiquer cela, mais une chose est certaine, une contribution aussi importante devrait également aider les dirigeants du gouvernement actuel à se doter d'un Code civil qui correspond un peu plus à l'évolution de la société québécoise. Je pense sincèrement que vous avez là une contribution majeure importante. Ce n'est pas parce que je connais cela, mais c'est parce que j'ai eu l'occasion de prendre connaissance d'analyses de votre mémoire faites par des gens qui connaissent cela. Vous avez au-delà de 44 recommandations sur, comme vous l'avez mentionné, deux secteurs que vous avez choisi de cibler, deux secteurs dans lesquels vous disposez d'une expertise valable par votre d'expérience, que ce soit en ce qui concerne les assurances collectives - pour vous avoir connus - et, évidemment, le volet sur les contrats de travail. Bravo, une bonne contribution, même si cela ne doit pas toujours être facile de contribuer à offrir de la substance sur des choses aussi techniques et difficiles que sont les modifications au Code civil d'une société.

Première question. Le contrat de travail. Cela m'intéresse. Je ne connais rien dans le Code civil - et je le dis comme je le pense - mais j'ai été étonné de voir que d'après vous, en particulier pour ce qui est de la primauté de la convention collective versus le contrat de travail individuel, autrement dit la recommandation 7 de votre mémoire, faudrait récrire l'article 2157 de l'avant-projet. Je veux seulement rappeler rapidement, vous l'avez bien situé... D'une façon présomptive, je croyais que c'était acquis en jurisprudence que, pour tous les salariés conventionnés, si vous me permettez l'expression, c'est leur convention collective qui avait priorité sur le contrat de travail. Est-ce à dire que quand vous demandez une réécriture, c'est que vous convenez que ce n'est pas ce que cela dit et, qu'en conséquence, l'avant-projet du Code civil ferait l'inverse de ce que je croyais être une pratique courante dans les relations de travail, c'est-à-dire que, là où il y avait des salariés conventionnés, c'est la convention qui primait sur l'interprétation qu'on peut donner au sens du contrat de travail dans le Code civil? Qu'est-ce que c'est exactement?

Une voix: La...

M. Johnston (Raymond): La moindre des choses qu'on peut vous dire là-dessus - et je demanderais à Jean-Marcel de compléter avec les éléments techniques - c'est que cet article ne tient pas suffisamment compte de l'évolution de la jurisprudence. La jurisprudence indique que le contrat de travail est subordonné à la convention collective, c'est-à-dire que la convention collective prime le contrat de travail. Nous nous inquiétons du fait que la formulation actuellement proposée permette, le cas échéant, de dévier de l'état de la jurisprudence actuelle en permettant que le contrat individuel de travail puisse contenir des dispositions qui survivraient malgré la convention collective. Là-dessus, je vais demander à Jean-Marcel de compléter au plan technique.

M. Lapierre (Jean-Marcel): En fait, je pense qu'on est devant un problème de compatibilité entre les dispositions du Code civil et les dispositions du Code du travail. L'article parle de compléter le contrat de travail par la convention collective. Je pense que le terme "compléter" implique qu'on ajoute quelque chose au contrat de travail par la convention collective. Cela va à l'encontre du principe fondamental établi par la jurisprudence dans le cadre du Code du travail ou plutôt dans le cadre de la Loi sur les relations ouvrières - parce que c'était la Loi sur les relations ouvrières au moment de l'arrêt Paquet - principe qui dit que le contrat de travail est complètement subordonné à la convention collective. On ne prétend pas qu'introduire cet article dans le Code civil va renverser tout le courant jurisprudentiel, mais on pense que cela introduit un élément de confusion, que cela introduit une disposition qu'on pourra invoquer à un moment donné pour dévier du principe fondamental dans une affaire ou l'autre qui sera entendue par les tribunaux. Alors, on pense que c'est important d'établir une compatibilité, entre les dispositions du Code du travail et celles du Code civil, d'une manière très précise.

M. Gendron: Avant de passer à une autre question, d'abord, je vous remercie. Vous avez signalé que c'est un problème de taille. Moi, je ne suis pas en mesure de poser un jugement qualitatif, mais une chose est certaine, vous auriez avantage à ce qu'un texte de remplacement soit éventuellement offert. Vous avez réfléchi là-dessus et vous l'avez mentionné d'ailleurs tantôt, dans la recommandation 7 de votre mémoire, où vous dites: "Nous proposons de remplacer le texte de l'article 2157 par une nouvelle disposition qui établirait..." Alors, vous avez expliqué ce que vous voulez et, surtout avec l'explication additionnelle de M. Lapierre, c'est on ne peut plus clair que vous avez une forte inquiétude en ce sens que, s'il restait tel quel, il y aurait un danger de semer un peu de confusion dans la jurisprudence qui existe par rapport à l'interprétation que vous donnez. Moi, en tout cas, j'aimerais que, éventuellement, votre réflexion s'accompagne d'un papillon là-dessus.

Je voudrais continuer dans un autre domaine que je sais que vous possédez à fond en terme d'expertise, compte tenu que la centrale a toujours offert à ses salariés des protections assez importantes dans le domaine de l'assurance... Ma première question concerne l'intérêt sur les primes. À l'article 2500, tout comme à l'article 2520 actuel, on stipule que "la prime ne porte pas intérêt durant le délai de paiement - le délai de grâce de 30 jours - sauf en assurance collective." À la page 38 de votre mémoire, à la recommandation 18, vous voulez que cette dispense d'intérêt s'applique aussi en assurance collective. Alors, la question est: Est-ce qu'il n'y a pas danger que le preneur ou l'administrateur du contrat-cadre retarde le paiement dû, qui peut représenter un montant passablement important, j'en suis sûr, afin d'obtenir l'intérêt sur ce montant, si on se fie à votre recommandation 18? (10 h 30)

M. Johnston (Jules): Dans le cadre de ce que nous vivons à la Centrale de l'enseignement du Québec, le détenteur du contrat-cadre est la CEQ ou un comité paritaire pour un des régimes importants que nous détenons. L'administrateur, celui qui prélève les primes, c'est l'employeur généralement: les commissions scolaires, les collèges, un certain nombre d'autres institutions qui ont des délais pour remettre les primes. Ce que nous ne comprenons pas c'est que, dans ce qui est normalement le délai de paiement - ce n'est que là-dessus que cela porte - on ait un traitement différent en matière d'assurance collective qu'en assurance de personnes. On ne se cachera pas qu'actuellement, l'intérêt sur les délais de paiement en assurance collective, n'est pas appliqué. Évidemment, il se peut que, dans certains cas, il y ait des dangers lorsque le détenteur du contrat est en même temps celui qui paie la prime. Il y a un problème là, mais ce que nous vivons - et c'est ce qu'on veut souli- gner - c'est que dans la situation actuelle, si l'employeur retarde à payer, les assurés doivent payer l'intérêt du retard que l'employeur a mis à payer les primes. On trouve cela injustifiable.

M. Gendron: D'accord. J'ai également une autre question sur la confidentialité des renseignements aux pages 54 et 55 à votre recommandation no 38. Vous proposez, entre autres, que les renseignements sur l'assuré provenant de l'assuré lui-même, son médecin ou des tiers, soient tenus strictement confidentiels. Vous mentionnez le rapport de la commission de la culture. Alors, mes deux questions sont les suivantes: Est-ce qu'il y a eu des suites à cela? Et la Loi sur l'assurance devrait-elle être modifiée pour en faire un devoir, avec pénalité à l'assureur ou, est-ce plutôt dans le Code civil qu'on devrait trouver les dispositions à cet effet, d'après vous?

M. Johnston (Raymond): Écoutez, je vais essayer de répondre aux divers éléments de votre question en commençant par dire qu'à notre connaissance, le rapport de la commission parlementaire de juin 1988 "La vie privée, un droit sacré", n'a pas encore eu de suite. C'est probablement après un examen qu'on pourra y donner suite. Est-ce à l'intérieur du Code civil ou si c'est ailleurs qu'on doit prévoir les règles de protection? Nous pensons qu'à l'égard de la protection des droits des assurés, il y a peut-être un certain nombre de principes que le Code civil pourrait comprendre. On n'est pas en mesure d'identifier jusqu'où on peut aller de ce côté. Mais une chose certaine, c'est qu'à l'égard de la protection des dossiers des assurés, c'est plus par le biais d'une intervention législative en dehors du Code civil que le droit pourrait être précisé et que les mécanismes d'application, par exemple, l'élargissement de la juridiction de la Commission d'accès à l'information, c'est plus par une autre voie que le Code civil qu'on pourrait asseoir l'articulation de ces principes. Est-il possible de concevoir l'introduction de certains éléments de principe? Nous pensons que la réflexion pourrait probablement se poursuivre sur cela, mais que c'est probablement à l'intérieur d'un corps législatif autre que le Code civil qu'on pourrait assurer la protection de ces éléments.

M. Gendron: Je vous remercie. M. Gariépy aimerait vous poser une question.

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y!

M. Gariépy (Pierre): Aux pages 53 et 54 de votre mémoire, à la recommandation numéro 37 vous traitez de l'absence de l'article ou d'une disposition similaire à l'article 2499 du Code civil actuel ayant trait à l'interprétation du contrat d'assurance en ce sens que le contrat d'assurance est interprété contre l'assureur. Là, vous faites

état que le contrat-cadre entre le titulaire du contrat-cadre et de l'assureur est un contrat qui, d'après vous, n'est pas un contrat d'adhésion tel que défini à l'article 1423 de l'avant-projet. Est-ce que vous voyez un problème concernant le fait - comme hypothèse de travail - que l'adhérent au contrat-cadre pourrait voir les dispositions interprétées en sa faveur, ce serait peut-être un contrat d'adhésion quant à lui, alors que s'il y avait litige entre l'assureur et le titulaire du contrat-cadre, les dispositions seraient interprétées comme tout contrat ordinaire? Est-ce que vous faites une distinction entre l'adhérent au contrat-cadre et le titulaire du contrat-cadre ou si, pour vous, l'adhérent aurait aussi une difficulté, laquelle serait d'être privé de l'interprétation du contrat en sa faveur?

M. Johnston (Raymond): Je demanderai à Jean-Marcel Lapierre de vous donner les premiers éléments de réponse et peut-être que Jules aura à compléter, le cas échéant.

M. Lapierre: Je pense que la difficulté pourra être à l'adhérent ou au détenteur du contrat-cadre, parce que le principe établi c'est qu'en dehors du contrat d'adhésion, la disposition s'interprète contre le créancier. En matière de prestation, le créancier sera l'adhérent et on pourrait trouver des situations aussi où le détenteur du contrat-cadre sera créancier d'une obligation. Alors, cela pourrait s'interpréter contre eux et compte tenu du caractère des rapports entre l'assureur et les assurés, on pense que c'est normal que cela s'interprète, en cas de doute, contre l'assureur, tel que c'est d'ailleurs prévu dans le Code civil actuellement.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je vous remercie aussi. Votre mémoire nous fait bien connaître vos préoccupations à l'égard de l'avant-projet de loi. Au sujet de l'article 2146 qui concerne l'information et les secrets commerciaux, j'ai une question à vous poser. Vous mentionnez dans votre mémoire à la page 6 qu'il vous apparaît illusoire et excessif d'interdire ainsi l'utilisation de toute information. Vous ajoutez qu'une telle obligation est tellement large qu'elle risque de devenir une sorte d'épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de ces personnes. Auriez-vous l'obligeance, pour le bénéfice des membres de cette commission, d'expliquer davantage votre opinion sur ce sujet?

M. Johnston (Raymond): Je vais demander à Jean-Marcel Lapierre de répondre à votre question.

M. Lapierre: Si on reprend les termes de l'article, on dit que l'employé "doit agir avec loyauté et ne pas faire usage, d'une manière qui soit préjudiciable à l'employeur, de l'information et des secrets commerciaux - non seulement les secrets commerciaux, mais de toute information - qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail." Alors, on trouve que c'est vraiment extrêmement large: l'employé qui quitte son emploi se retrouve dans l'impossibilité d'utiliser la moindre information dans un cas où cela pourrait nuire à son employeur. Les secrets commerciaux et tous les cas importants sont couverts par l'obligation de loyauté. D'exiger qu'un employé soit loyal envers son employeur, on pense que cela peut couvrir toutes les circonstances importantes.

Mme Bleau: Je pense, entre autres, à un laboratoire où un employé qui quitterait son emploi, si on ne met pas de restrictions vraiment une par une en recommandant bien à cet employé de ne pas révéler les secrets, il pourrait y avoir des fuites et cela nuirait vraiment à la compagnie pour laquelle il travaillait auparavant.

M. Lapierre: C'est sûr que s'il y avait l'utilisation de secrets commerciaux, on peut penser que ce serait sûrement à condamner; mais à notre avis, l'obligation de loyauté couvre ces cas-là. Il ne faut pas s'embarquer dans une disposition tellement large qu'on brime la liberté d'expression, la liberté d'utiliser des informations qu'on a obtenues à l'occasion de son travail.

Mme Bleau: Justement, si ces informations sont importantes pour la compagnie, afin d'éviter qu'une autre compagnie ne prenne son brevet ou ne se serve d'une recherche, ne pensez-vous pas qu'à ce moment-là il faut vraiment tenir l'employé au secret, parce que s'il commence à répandre un peu les informations sur un médicament ou sur un projet quelconque, cela pourrait vraiment nuire à la compagnie et peut-être aussi inciter d'autres personnes à se servir de ce secret?

M. Lapierre: Ce qu'on dit, c'est que dans le cadre de l'obligation de loyauté et c'est effectivement couvert. D'accord?

Le Président (M. Marcil): Le temps est terminé. Si vous voulez conclure, M. l'adjoint parlementaire.

M. Dauphin: M. le Président, j'aimerais profiter, cependant, de la conclusion pour faire une petite mise au point, si vous me le permettez, relativement à la page 55 de votre mémoire qui traite de la protection des renseignements ou informations privées. J'aimerais seulement vous signaler que dans le projet de loi 20 qui a été adopté par les membres de l'Assemblée nationale, il y a des dispositions de prévues qui traitent exactement de vos préoccupations relativement à la protection des renseignements ou informations privées.

Dans le projet de loi 20, qui n'est pas en

vigueur, mais qui a été adopté, on traite de vos préoccupations aux articles 35 et suivants. Il y a un chapitre précis sur la protection des renseignements privés. Je voulais simplement faire cette mise au point-là.

M. Johnston (Raymond): Depuis le mois de juin dernier?

M. Dauphin: Excusez-moi?

M. Johnston (Raymond): Adopté depuis le mois de juin dernier?

M. Dauphin: Adopté en avril 1987.

M. Johnston (Raymond): II me semble qu'il y a une large différence entre la portée des recommandations de la commission qui a déposé son rapport au mois de juin et la portée des dispositions législatives qui existent actuellement. La commission, elle-même, recommandait une extension de la protection, si vous vous référez au rapport du mois de juin dernier.

Le Président (M. Marcil): Malheureusement, le temps est écoulé, M. le député.

M. Dauphin: Nous aimerions remercier la Centrale de l'enseignement du Québec d'avoir participé à nos travaux et vous féliciter par la même occasion pour la qualité de votre mémoire.

Conseil du patronat du Québec

Le Président (M. Marcil): À mon tour. Nous vous remercions de votre présence à cette commission parlementaire et nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Mais je pense que vous demeurez tous dans la région de Québec. Alors, ce ne sera pas un problème. Merci beaucoup. Sans plus tarder, nous allons demander - compte tenu de notre horaire que nous devons respecter - au Conseil du patronat du Québec de s'avancer, s'il vous plaît.

M. Dufour, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, procéder immédiatement à l'exposé de votre mémoire, tout en sachant que nous y avons déjà travaillé.

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes deux collègues sont, à ma gauche, Me Michel Sylvestre qui est du bureau d'Ogilvy Renault et, à ma droite, Me Claude Martin qui est du bureau Heenan, Blaikie.

M. le Président, mesdames, messieurs, vous avez déjà reçu notre mémoire qui est très technique, soit dit en passant. Alors, je ne vous lirai pas ça au complet. Je vais surtout lire l'introduction qui résume, pour l'essentiel, notre position dans ce dossier. (10 h 45)

Vous vous êtes d'abord rendu compte qu'on ne s'est pas attardés à l'ensemble de la réforme du Code civil. Nous avons travaillé, par ailleurs, avec d'autres groupes qui viendront ou qui sont venus devant vous, de la Chambre de commerce de la province, les concessionnaires d'automobiles, le Bureau d'assurance du Canada, une compagnie d'assurances sur les personnes, on a travaillé avec eux de façon plus particulière dans ce dossier. Nous, nous nous sommes attardés exclusivement aux articles qui réfèrent au contrat de travail et nous avons réalisé que simplement dans cette dizaine d'articles, on aurait pu travailler encore très longtemps et que surtout vous aurez à travailler encore très longtemps pour rendre davantage acceptables ces articles. Je dois vous dire que, dès le départ, on exprime un certain malaise face à la teneur de l'avant-projet de loi, toujours en relation avec ces articles, en raison d'une diversité de constatations qui, selon nous, remettent en question le bien-fondé même d'une telle révision, telle révision s'entendant toujours encore des articles relatifs aux contrats de travail.

Voici les raisons pour lesquelles nous nous interrogeons quant à la pertinence des quatorze articles en question, pris séparément ou pris en bloc. Ils ne sont qu'une confirmation ou une codification de la jurisprudence actuelle. Ils font souvent double emploi avec des lois existantes. Ils promettent des difficultés d'interprétation. Ils suggèrent de nouveaux motifs de recours, ce qui alourdirait un processus judiciaire déjà complexe. Ils ne reconnaissent pas l'évolution des dernières années dans le domaine du droit du travail, droit qui a évolué très vite. Ils représentent des tentatives de compléter des lois d'ordre statutaire, dont la Loi sur les normes du travail, et la partie III du Code canadien du travail où ils revêtent un caractère radical qui ne respecte aucunement la tradition juridique en droit civil au Québec. Je reprends chacune de ces affirmations pour les appuyer.

Au chapitre de la confirmation ou codification de la jurisprudence actuelle, par exemple, on peut observer que beaucoup d'éléments contenus dans les articles 2144, 2146, 2150 et 2153 se retrouvent dans la jurisprudence actuelle, à savoir, comme exemple, la définition du contrat de travail, la manière dont un employé doit accomplir son travail, la question de sa loyauté envers son employeur, le préavis nécessaire à la résiliation du contrat, le droit à une indemnité de l'employé dont l'avis de congé est insuffisant, etc.

Deuxièmement, double emploi avec des lois existantes. Par exemple, un article - qui est le 2145 - stipule que "l'employeur... doit prendre toutes les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la vie, l'intégrité et la dignité de l'employé" ce qui, de toute évidence, au texte, est une reproduction du contenu des articles 2 et 9 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et même de l'article 4 de la

Charte des droits et des libertés de la personne, même texte dans deux lois reproduit ou à peu près ici, pour un amendement possible au code. Autre exemple, le premier alinéa de l'article 2151 qui stipule que le décès de l'employé met fin au contrat de travail reprend, quant à lui, l'article 1668 du Code civil qui précise à peu près la même chose.

Troisième volet, difficultés d'interprétation. L'avant-projet de loi comporte certaines ambiguïtés tant à l'égard de certains concepts qui manquent de clarté que du vocabulaire utilisé. Un exemple encore à l'article 2144, les termes "sous la direction ou le contrôle" portent à confusion puisque, dans certains cas, ces deux fonctions peuvent être exercées par des entités distinctes tandis que le contrat de travail, selon toute la jurisprudence qui s'est établie depuis les premiers travaux de l'Office de révision du Code civil en 1978, est "une entente selon laquelle une personne (un employé) s'engage à travailler pendant un certain temps pour une autre (qui est l'employeur) sous sa direction et moyennant rémunération". On peut citer d'autres articles à cet égard, 2150, 2151 et nous savons déjà que l'article 45 du Code du travail sur lequel l'article 2156 semble avoir été calqué pose d'énormes difficultés d'interprétation et nous ne comprenons guère l'utilité de le reprendre. D'ailleurs je reviendrai sur l'article 45 du Code du travail avec lequel on a énormément de problèmes et que l'on retrouve carrément ici. Je vais préciser un peu plus cela tout à l'heure.

Autre constatation, c'est qu'on a de nouveaux recours. La Commission des droits de la personne et la Commission de la santé et de la sécurité du travail administrent déjà des mécanismes de recours dont un employé peut se prévaloir s'il se sent lésé dans ses droits en raison du comportement de son employeur. L'application de l'article 2145 donnerait à l'employé un nouveau motif de recours et ralentirait sérieusement le processus de l'administration de la justice pour à peu près les mêmes préoccupations, les mêmes problèmes.

Autre constatation qui fait référence à l'évolution du droit du travail. Dans notre optique, l'impression qui ressort d'une lecture de l'avant-projet au chapitre, toujours, du contrat de travail est qu'au fond, rien n'aurait encore été fait pour améliorer et faciliter les relations entre employeurs et employés, que ce soit sur le plan individuel ou sur le plan collectif. Or, la Loi sur les normes du travail qui est quand même récente, elle remonte à environ cinq ans, et la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui remonte à 1982, sont des exemples concrets que cette amélioration a été faite, et on ne voit aucun reflet de ces nouvelles lois des cinq, six, sept et huit dernières années dans cette section relative au contrat de travail.

Autre grande constatation. Complémentarité des lois d'ordre statutaire. On estime que l'objectif des dispositions du Code civil relatives au contrat de travail n'est pas de suppléer aux lacunes de nos lois statutaires existantes ni de les compléter, mais plutôt de présenter une perspective générale pour en faciliter l'interprétation, modifiant comme vous le faites, comme législateur, au fur et à mesure de l'évolution de la jurisprudence, des problèmes rencontrés et modifiant les lois au fur et à mesure, comme la loi sur la santé et la loi sur les normes, la charte, etc.

Nous nous interrogeons donc sur l'utilité d'introduire des changements qui viennent bouleverser un modus vivendi qui a subi le test des années et dont l'objet n'est que de compléter nos lois actuelles. On pense, plus particulièrement ici, aux articles 2150 et 2153 qui nous apparaissent comme des tentatives de compléter la Loi sur les normes du travail.

Le caractère radical également des propositions. L'article 2156 qui précise que "l'aliénation, la concession ou la transmission de tout ou partie de l'entreprise, ou la modification de sa structure juridique par fusion ou autrement, ne met pas fin au contrat de travail" revêt pour nous un caractère radical car il renie un principe fondamental de la jurisprudence selon lequel le contrat de travail s'établit entre la personne de l'employé et la personne de l'employeur.

Je voudrais parler un peu de l'article 45 qui est à la page 15 de notre mémoire. La mise en vigueur de cet article qui est l'article 2156 nous inquiéterait pour plusieurs raisons. Là, on en donne six ou sept. Je les reprends rapidement. C'est peut-être, pour nous, l'article le plus important de ce projet de réforme: "Le Code du travail ne va pas aussi loin que garantir l'emploi; pourquoi le Code civil le ferait-il?" Deuxièmement, l'article 45 du Code du travail, pour ceux qui sont moins familiers avec l'article 45 du Code du travail, c'est tout le fameux article sur la sous-traitance. M. Filion, je sais qu'on peut se parler longtemps de l'article 45. Donc, l'article 2156 semble avoir été calqué sur cet article, à la seule différence que ce dernier pourrait s'appliquer maintenant aux non-syndiqués, aux cadres et absolument à tout le monde. Bien sûr, compte tenu des difficultés actuelles qu'on connaît, l'élargissement créerait d'énormes difficultés. Donc, l'application de cet article alourdirait le fonctionnement du secteur de la sous-traitance qui, doit-on le rappeler, est le plus important créateur d'emplois au Québec et qui subit déjà des perturbations majeures à la suite de l'application de l'article 45.

Quatrième objection. La modification de la structure juridique est un élément nouveau apporté par l'article 2156 mais nous craignons qu'elle ne serve qu'à complexifier les enjeux afférents à cette disposition. La préoccupation majeure qu'on a et qu'on identifie au point 5, la vente en justice qui est exclue par l'article 45 du Code du travail serait assujettie aux dispositions de cet article du Code civil, ce qui est, quant à nous, inacceptable. Là, on pourrait poser

toute une série de questions: Pourquoi le fait-on pour les ventes en justice? Pourquoi ne le fait-on pas pour les faillites? Est-ce que c'est exclu quand on parle de faillite? Quand une banque, par exemple, devient créancier bancaire, est-ce qu'elle hérite automatiquement de toutes les exigences qui existaient chez l'employeur antécédent? Donc, il n'y a pas de réponse à cela. On ne sait pas si c'est inclus ou exclu, etc.

Finalement, selon la jurisprudence, le contrat de travail s'établit entre la personne de l'employé et souvent la personne de l'employeur. Mais cet article minimise cette réalité ainsi que le caractère relatif du contrat, en précisant que la personne de l'employeur peut varier selon la structure juridique ou la propriété de l'entreprise, sans pour cela mettre fin au contrat de travail.

Donc, un nouvel employeur - et on sait que dans notre système aujourd'hui ça se fait très souvent des ventes d'entreprises - serait dans l'obligation non seulement de s'astreindre aux dispositions de l'article 45 du code, mais serait, en plus, tenu de respecter des obligations qu'il n'a d'aucune façon contractées. Finalement, on attire votre attention sur la façon dont l'article est rédigé. Il y a des juristes qui regardent ça pour vous, on a l'impression que la façon dont le texte est fait actuellement, on cherche à légiférer sur les transmissions d'entreprises de juridiction fédérale qui surviennent au Québec. Alors, c'est peut-être prêter au législateur des intentions qu'il n'a pas, ou il ne cherche peut-être pas à le faire, mais iI n'en demeure pas moins que la portée, l'effet de toutes les dispositions, peut être, notamment, de réglementer le contrat de travail existant entre un employeur et un employé au sein d'une entreprise de juridiction fédérale oeuvrant au Québec, alors qu'on le sait très bien - avec la décision qui vient d'être prise dans le cas de Bell Canada, notamment sur la Loi sur la santé et la sécurité du travail - il ne faut pas essayer de couvrir des questions de relations de travail qui sont de juridiction fédérale. On se fait toujours débouter par les tribunaux dans ces dossiers.

Alors, je termine en disant qu'on peut se demander si les dispositions qui sont là sont d'ordre public. Je sais que l'intention du législateur est sûrement de faire en sorte qu'elles le soient. On peut prétendre, par ailleurs, que ce n'est pas le cas - parce que quand on prend un article qui est l'article 2153, au deuxième alinéa, on prévoit spécifiquement qu'une personne ne peut renoncer au droit prévu au premier alinéa de cet article - alors, a contrario, serait-il possible de renoncer aux autres dispositions relatives au contrat de travail contenues dans ce chapitre? C'est une question de fond. Il semble bien qu'il y ait juste un deuxième paragraphe qui est d'ordre public.

En résumé, M. le Président, au chapitre du contrat de travail, nous estimons que l'avant- projet n'apporte que peu d'éléments nouveaux valables et, dans son ensemble, ne propose qu'un double emploi avec des lois existantes, des lois dont on n'a pas tenu compte et qui sont quand même importantes et qui, au cours des dernières années, se sont ajoutées à notre régime des relations de travail. Avec la jurisprudence qui s'est établi, notamment avec l'article 45 du code au niveau du tribunal du travail - on propose des ajustements en apparence anodins mais qui entraîneraient de nouvelles difficultés d'interprétation dans un domaine - et je le dis après le passage de CEQ - où la clarté des concepts et des intentions est essentielle. D'ailleurs, vous avez interrogé une de leurs préoccupations face à un article où, nous aussi, on s'interroge exactement dans les mêmes termes à cause de l'ambiguïté que peut présenter l'interprétation de cet article.

Donc, M. le Président, pour tous ces motifs et en référence aux quatorze articles, nous ne pouvons appuyer l'avant-projet, section droit du contrat de travail, dans sa forme actuelle.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Dufour. Maintenant, je veux reconnaître M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord j'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec, souhaiter la bienvenue au Conseil du patronat du Québec, à M. Dufour et aux deux conseillers juridiques qui l'accompagnent, M. Dufour qui est spécialiste d'ailleurs dans les commissions parlementaires et qu'on a eu l'occasion de voir très régulièrement.

Ma première question, évidemment, porte sur votre énoncé disant que cette révision est un peu superfétatoire - si vous me permettez l'expression - et selon vos dires que des lois existantes traitent déjà des sujets qui font effectivement l'objet du chapitre septième relativement au contrat de travail. On m'informe et d'ailleurs, en pratique comme député, j'ai eu l'occasion aussi de me rendre compte que ce n'est pas d'application générale, c'est que les deux lois dont vous faites état ne couvrent pas nécessairement tout le monde. À titre d'exemple - certains travailleurs agricoles, des cadres bien souvent - la Loi sur les normes minimales du travail ne s'applique pas si un employé n'a pas travaillé tant d'années chez le même employeur. Alors, ma première question est la suivante: Est-ce que, relativement à l'une ou à l'autre des deux lois énoncées tantôt, vous ne trouvez pas que dans certains cas, elles ne s'appliquent pas nécessairement? Vous ne trouvez pas qu'il n'y a pas lieu, pour le législateur justement, de combler ces cas qui ne s'appliquent pas pour certains employés? (11 heures)

M. Dufour (Ghislain): Je vais demander à Me Martin de compléter ce que je vais dire. Une

première réaction rapide. Je pense à la loi sur les normes. Elle couvre à peu près tout le monde. Elle couvre le cadre. Il y a toute une série de prévisions faites, par exemple, pour les gardiennes à la maison, pour les femmes de ménage. Il y a des particularités dans la Loi sur les normes pour un certain nombre de travailleurs. Pour les travailleurs agricoles, c'est vrai, dans certains cas, il y a des conditions différentes. Par exemple, on va payer le temps supplémentaire seulement après 60 heures. On va faire des étalements. Déjà dans la Loi sur les normes, il y a un certain nombre de prévisions pour ces travailleurs. Elle est d'application générale. Mais il y aurait des choses qui ne sont pas couvertes dans cette loi.

Quant au Code civil, vous ne pouvez pas, parce que vous avez trois exceptions à aller chercher, couvrir tout le monde. Sinon, cela va être le désastre. On ne saura jamais à quelle loi on va se référer. Si on veut se chicaner en relations de travail, M. le député, on va se chicaner longtemps. On va appliquer une loi, on va aller s'en chercher une autre. Je ne pense pas qu'on doive - parce qu'il y aurait peut-être dans certaines lois, dans le Code civil, une ou deux non-couvertures - pour couvrir tout le monde, chercher de nouveaux concepts, une nouvelle jurisprudence, alors qu'elle existe déjà. C'est une réponse de non-juriste. Je vais demander maintenant à un juriste.

M. Martin (Claude): M. le Président, la question de l'application conjointe des normes du travail, d'une part, de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, d'autre part, ou encore de la Charte des droits et libertés de la personne, pose le problème suivant. Je rejoins un peu ce que M. Dufour a dit, c'est une question de clarté à l'endroit du justiciable. Chaque loi, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse du Code civil ou encore des lois particulières, a en principe ses propres mécanismes de sanction ou ses propres mécanismes pour faire reconnaître ce droit.

Si le législateur, dans un souci de protéger tout le monde, crée des recours, des définitions ou des normes qui se retrouvent dans plusieurs lois, il crée, par le fait même, d'autant plus de recours. Ce faisant, évidemment, malgré toute sa bonne volonté et malgré son intention louable, il complique le domaine des relations de travail. C'est cela la difficulté de la situation. Par exemple, la Charte des droits et libertés de la personne reconnaît à l'employeur l'obligation, ni plus ni moins, de protéger l'intégrité physique du travailleur. Il en est de même dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Si un employé prétend qu'un employeur a failli à son obligation statutaire de protéger son intégrité physique en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, il a droit de recours devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ses bureaux de révision, ses inspecteurs, enfin toute la mécanique qui est en elle-même assez lourde et assez complexe. Si, par surcroît, on précise que cette obligation fait partie intégrante du contrat de travail, ce même justiciable, à la même occasion, pourra s'adresser aux tribunaux de droit commun pour demander la sanction de cette obligation. Puisque les recours vont avoir des fondements juridiques différents, l'un s'ap-puyant, par exemple, sur la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l'autre s'appuyant sur le Code civil, ou encore sur les dispositions relatives au contrat de travail dans le Code civil, il n'y aura pas litispendance, car le fondement juridique n'est pas le même. On pourrait se retrouver dans une situation où un organisme dit, par exemple: Non, il n'y pas atteinte à la santé ou à la sécurité du travailleur concerné. Alors qu'un tribunal, dans une autre circonstance, dira: Oui, il y a atteinte. Ce qui nécessite, évidemment, une sanction, laquelle pourrait avoir la forme des dommages et intérêts. C'est la crainte que le Conseil du patronat et le monde patronal expriment. Je ne vous cache pas que c'est peut-être une crainte partagée par d'autres intervenants dans le milieu des relations de travail.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez d'ajouter un élément. La partie de l'argument que vous me donnez, M. le député de Marquette, en ce sens qu'il y a des gens qui ne seraient pas couverts par certaines lois. Cela ne peut être le cas de la Charte des droits et libertés, qui a une application universelle, où on retrouve vraiment la question de la couverture de santé et sécurité. S'il y a un problème de non-couverture quelque part dans la Loi sur les normes du travail, qu'on l'ajoute aux normes. Avec le consentement de l'Assemblée nationale, on va convenir de ce genre de choses pour régler un problème, mais qu'on n'ajoute pas des possibilités de recours, où les gens ne sauront plus où aller. C'est la même chose pour les lois dont on parle très peu: la loi 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi 42, Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, qu'on n'a pas citées. Elles sont d'application universelle.

M. Dauphin: À l'article 2151, M. Dufour, relativement à la fin du contrat de travail, on dit que "le décès de l'employé met fin au contrat de travail". Justement, l'organisme qui vous a précédé nous a fait des représentations en ce sens que le décès ne devrait pas mettre fin au contrat de travail. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): Comment ont-ils justifié cela? Je voudrais comprendre. Pourquoi cela n'y mettrait-il pas fin? Quel est leur argument?

M. Dauphin: C'est à la page 13 de leur mémoire, je pense. Ils disent: "Le décès ou l'inaptitude de l'employeur ne doit, à notre avis,

mettre fin au contrat que dans les cas où ils entraînent nécessairement la disparition de l'emploi."

M. Dufour (Ghislain): Vous parlez de l'inaptitude...

M. Dauphin: Par exemple, quelqu'un qui a un garage et qui meurt.

M. Dufour (Ghislain): Inaptitude de l'employé ou de l'employeur?

M. Dauphin: Je parle de l'employeur. M. Dufour (Ghislain): Alors, maître...

M. Sylvestre (Michel): On ne voit pas non plus tellement pourquoi le décès de l'employeur devrait en soi mettre fin au contrat de travail. C'est pourquoi on partage jusqu'à un certain point le point de vue de la CEQ. On n'a pas entendu tout ce qu'ils ont dit là-dessus. Mais, effectivement, l'article 2551 traite, jusqu'à un certain point, l'inaptitude de l'employé ou de l'employeur ou le décès de l'employé ou de l'employeur de la même façon, alors qu'on n'est pas du tout dans la même situation. L'employé peut très bien continuer à travailler pour l'entreprise, même si la personne physique de l'employeur est décédée. On ne voit pas pourquoi l'article 2551 prévoit ce qu'il prévoit actuellement.

M. Dufour (Ghislain): Évidemment, c'est pour cela que je vous ai demandé s'il s'agissait de l'employeur ou de l'employé. On ne voit pas comment l'employé qui est décédé peut continuer son contrat. Mais, en plus de ce que vient de dire mon collègue, on ne définit pas, même au plan de l'inaptitude de l'employé, s'il s'agit d'une inaptitude physique. Cela, c'est facile à évaluer, surtout dans le cadre de la loi 42, la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles, actuellement. Il y a toutes les notions de consolidation, si la maladie n'est pas consolidée, etc. Mais si on parle d'inaptitude intellectuelle dans le Code civil, les juges vont s'amuser. On doit dire que tous ces points, on les présente d'ailleurs sous forme de questions, pas nécessairement sous forme de position formelle. Tu veux ajouter?

M. Sylvestre: Si on revient à la question de l'inaptitude, vous allez provoquer des débats théoriques très intéressants devant les tribunaux, selon la façon dont votre projet d'article est formulé. Quand on parle d'inaptitude totale, est-ce qu'on parle d'inaptitude totale en général ou parle-t-on d'inaptitude à effectuer le travail qui a été convenu entre l'employeur et l'employé? Selon nous, cela va provoquer des débats complètement inutiles devant les tribunaux. Il est manifeste, me semble-t-il, qu'on parie d'inapti- tude à effectuer le travail, et non pas d'incapacité permanente à 100 % de la personne qui est l'employée. Pourquoi ne pas le dire comme on le disait dans l'article 1668? On ne parle pas du caractère permanent ou temporaire de l'inaptitude. Est-ce que le fait, pour un employé, d'être inapte à effectuer le travail pour une période d'un mois à la suite d'un accident d'auto met fin au travail ou non? Ce n'est pas précisé dans le projet de loi. La jurisprudence le précise déjà en appliquant la formulation différente de l'article 1668. Mais, encore une fois, en changeant la formulation de façon aussi draconienne, vous allez provoquer des débats théoriques inutiles devant les tribunaux.

M. Dauphin: D'accord, merci. Avec la permission du président et l'amabilité de mon collègue de Taillon, j'aimerais demander à Mme la députée de Groulx de poser une question.

Mme Bleau: Dans le travail convenu, vous vous opposez au concept de fournir le travail convenu. Vous prétextez qu'il s'agit là d'une interdiction et d'un refus de reconnaître le droit de l'employeur à faire progresser son entreprise et par voie de conséquence, de modifier le travail, ce qui mènerait à une paralysie possible du contrat de travail. Ne croyez-vous pas qu'en l'absence d'un tel contexte, un employeur pourrait tout simplement substituer un travail de qualité nettement inférieure à celui qui avait été proposé à l'employé, ce qui pourrait équivaloir à une mise à pied? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Le Président (M. Marcil): Me Sylvestre.

M. Sylvestre: Je crois que c'est une question de formulation essentiellement. Si on prend l'exemple de la location de choses ou du bail, on prévoit une formulation qui est un peu plus proche, je pense, de votre intention. On prévoit qu'on ne peut pas changer la destination de la chose louée. Ici, ce que vous voulez dire, je crois, c'est que vous ne voulez pas changer la nature de l'emploi qui a été convenu entre les parties, mais d'après la façon dont vous le formulez "fournir le travail convenu", il va y avoir, encore une fois, des débats théoriques devant les tribunaux pour savoir s'il faut que ce soit exactement le travail qui a été convenu. Autrement dit, si on ne change pas la nature du travail mais qu'on en change certaines modalités, il y a des gens qui vont prétendre devant les tribunaux, peut-être avec succès, qu'il y a contravention à l'article 2145 ou au projet 2145 que vous avez devant vous. Ce n'est pas tellement sur le principe comme sur la formulation, je crois, que l'intervention porte.

Le Président (M. Marcil): Cela va! M. le député de Taillon.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez, je voudrais seulement ajouter un commentaire à cette intervention, parce que je pense qu'elle est au centre de toutes nos préoccupations. Dans la majorité des rejets que l'on fait, ce n'est pas tellement parce qu'on est en désaccord avec l'objectif poursuivi, mais plutôt avec la façon dont la rédaction est faite, qui va prêter à n'importe quelle interprétation. C'est le plus bel exemple, et ce sont les quatorze articles qui sont comme ce\a.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Dufour. M. le député de Taillon.

M. Filion: Bienvenue à M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat du Québec ainsi qu'à ses deux conseillers juridiques, Me Martin et Me Sylvestre.

J'ai écouté attentivement vos propos. J'avais lu votre mémoire. Je vous avoue que moi aussi - c'est un vieux dada - j'aimerais faire en sorte que soit regroupé dans un même texte l'ensemble des conditions qui concernent le travail. J'aurais aimé, à l'époque, pouvoir avancer, lorsque j'avais peut-être un mot à dire un peu plus différent au sein du pouvoir exécutif que maintenant dans ce milieu. On apporte toutes sortes de raisons et rationnellement, on peut les expliquer. On a la charte. La charte, à l'article 46, dit: "Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi..." On pourrait nous dire: Écoutez, c'est un principe général, c'est au-dessus des lois, mais on se réfère à la loi, donc, on ne crée pas beaucoup de droits substantifs. Ensuite, il y a le Code du travail. Le Code du travail s'applique à des syndiqués. Il ne s'applique pas a des personnes non syndiquées. On s'en va alors à la Loi sur les normes du travail, mais celle-ci fixe des normes. Est-ce que, par exemple, on pourrait inclure tout ce que le législateur veut faire en ce qui a trait à la stipulation de non-concurrence dans la Loi sur les normes du travail? Il y a un débat et on pourrait dire oui ou non. Il y aurait des arguments des deux côtés. Il y a aussi, vous l'avez souligné, la Loi sur les accidents du travail et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, des blocs importants.

Je souhaiterais, je pense, pour une plus grande clarté, qui est précisément l'objectif visé par le président du Conseil du patronat du Québec et qui est aussi celui, grosso modo, des travailleurs - eux aussi ont besoin de voir clair dans un contrat qui est essentiel, fondamental, soit le contrat de travail, car on passe une bonne partie de nos vies à travailler - de regrouper cela comme on le fait dans d'autres juridictions. Si on regarde dans d'autres pays, on n'a pas hésité à regrouper l'ensemble des lois du travail dans une même codification ou dans un même texte. Là aussi on peut discuter, mais l'important serait de regrouper et d'éviter la répétition, etc.

Or, est-ce que ce serait possible de faire cela maintenant? Je dis pourquoi pas? Cela vaudrait la peine qu'on y réfléchisse. Peut-être qu'il y a des arguments contre, mais, à mon avis, je souhaiterais qu'au ministère de la Justice, on profite du fait que nous sommes à l'étape de l'avant-projet de loi pour se poser la question sérieusement. C'est une suggestion de l'Opposition, laquelle serait prête à collaborer. Ce serait un travail qui viserait à revoir pour éviter des redites, pour éviter aussi de changer de texte de loi. (11 h 15)

Aujourd'hui, juste les conventions collectives de travail sont difficiles à saisir. Vous aviez comme invité avant moi la CEQ. La convention collective des enseignants au Québec, le président de la commission en sait quelque chose, est déjà suffisamment complexe. Donc, je ferme ma parenthèse d'ouverture là-dessus.

En attendant, le Conseil du patronat nous fait une série de suggestions et de commentaires sévères dans l'ensemble. Il y a quand même peu de chose positive dans les articles 2144 et suivants, mais il y a certains points sur lesquels on ne peut pas dire que c'est déraisonnable. Concernant le décès de l'employeur, je suis porté à vous donner raison. C'était bon dans le temps de Michel-Ange, alors qu'il dirigeait les opérations au plafond de la chapelle. S'il mourait, évidemment tout le monde arrêtait. On peut voir que si le plus petit épicier ou même un ébéniste de Saint-Lambert qui a trois ou quatre employés meurt, généralement l'entreprise continue quand même. Le législateur a pris soin de dire "suivant les circonstances", mais il me semble qu'on va un peu loin là-dessus. Ce serait dangereux, cela prête à confusion, etc.

Deuxième point, la clause de non-concurrence. Là, je n'ai pas la solution. Vous dites: Étant donné qu'on crée un fardeau de la preuve, de raisonnabilité de la clause, ce serait extrêmement dangereux au chapitre des demandes d'injonctions interlocutoires et provisoires. Je suis un peu porté à vous donner raison, parce que lorsque le juge reçoit une demande d'injonction interlocutoire et provisoire, il fonctionne selon les vieux critères de balance des inconvénients, prépondérance. Alors, si on crée une présomption, est-ce qu'à ce moment-là, pour toutes les clauses de non-concurrence dont un ex-employé voudrait se débarrasser, il n'y aurait pas lieu de se présenter rapidement devant un juge et de dire: C'est l'autre qui a le fardeau de la preuve? Voulez-vous, en attendant, la casser pour que je puisse travailler? Si je comprends l'idée de renverser le fardeau de preuve, est-ce nécessaire d'aller aussi loin qu'un renversement total et de créer une présomption? Je ne le sais pas.

Ma première question porte sur cette clause de non-concurrence. On sait qu'elle foisonne maintenant. Elle est de plus en plus courante, notamment en ce qui concerne les cadres des

entreprises. Est-ce que le Conseil du patronat favorise une loi sur ces clauses de non-concurrence, une intervention du législateur qui codifie en bonne partie la jurisprudence actuelle ou si le Conseil du patronat nous dit: Ne vous mêlez pas de ça, laissez les tribunaux continuer de créer le droit à ce niveau-là?

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, j'aimerais retourner en arrière sur l'intervention préliminaire de Me Filion. Je dois dire au Parti libéral que nous appuyons cette position de l'Opposition qui, d'ailleurs, se retrouve dans le rapport de la Commission Beaudry sur les relations du travail. Il y avait toute une série de recommandations dans ce rapport avec lesquelles nous n'étions pas d'accord - dont la création d'une commission des relations du travail - mais il y avait cette proposition de codification, de façon à ce que l'on puisse avoir dans ce domaine un volume qui nous dit d'une page à l'autre tout ce qui doit se passer dans le domaine des relations du travail: tes rapports individuels, tes rapports collectifs, ta santé et la sécurité au travail, etc., avec l'objectif aussi d'en arriver à des définitions de termes - par exemple un salarié - qui soient les mêmes dans le Code, dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail. D'ailleurs, il y avait eu unanimité patronale-syndicale à la suite du rapport Beaudry là-dessus. C'est bien évident qu'en faisant l'examen que l'on fait aujourdh'ui, on ne semble pas du tout s'orienter dans ce sens, parce qu'on veut encore cristalliser une loi de laquelle un certain nombre de travailleurs essaieront de se dépêtrer et d'autres dont nous allons essayer de nous dépêtrer. En tout cas, dans la démarche qui serait reprise, pas nécessairement par le ministre de la Justice, parce que c'est peut-être celui du Travail - on ne sait pas - s'il y avait un coordonnateur qui essayait d'établir la codification, c'est, pour nous, très important.

Sur la question plus précise de la clause de non-concurrence, c'est probablement la clause la plus difficile actuellement pour les avocats qui jouent avec les contrats de travail. Finalement, une grosse partie de leur "business" est en relation avec ça, lorsqu'il faut agir au niveau des cadres supérieurs. Dans la réalité, Me Sylvestre peut vous dire comment cela se fait et pourquoi on s'oppose à la façon dont c'est présenté ici. Après ça, je pourrai vous donner, politiquement, notre position sur votre question précise, si l'on veut que ce soit là ou pas.

Le Président (M. Marcil): Me Sylvestre.

M. Sylvestre: Si on examine attentivement l'article 2148, nous soumettons que cet article risque de créer beaucoup plus de problèmes qu'il ne va en régler. Regardons d'abord le renversement du fardeau de la preuve. C'est très difficile à accepter du point de vue de l'employeur. Laissez-moi vous donner un exemple pourquoi on s'y oppose. Tantôt, on parlait des critères de l'injonction. Mais, allons-y de façon plus précise.

Je vous vends mon entreprise et je vous impute des frais de 1 000 000 $ pour l'achalandage de mon entreprise. Vous m'engagez pour une certaine période de temps, afin de vous aider à administrer l'entreprise et je signe une clause de non-concurrence pour ne pas aller chercher l'achalandage que je viens de vous vendre. À la suite de tous ces événements, deux mois après, je quitte l'entreprise et je vous fais concurrence. Je vais rechercher l'achalandage que je viens de vous vendre pour la somme de 1 000 000 $. En deux mots, c'est du vol, cela.

Vous écrivez dans votre projet de loi à l'article 2148 que ce serait à la personne qui a été lésée, à la personne qui a été volée - on vient de lui voler son achalandage - de prouver que sa clause n'est pas abusive. C'est très difficle d'accepter un tel renversement du fardeau de la preuve dans ce contexte. Évidemment, vous allez me dire que toutes les clauses de non-concurrence ne sont pas stipulées dans le cadre d'une vente d'entreprise, ce qui est parfaitement vrai. Mais votre article ne fait aucune distinction.

C'est très difficile de codifier un droit aussi complexe quand on essaie de le faire en donnant des exemples, comme à l'article 2148. Votre article serait beaucoup plus acceptable s'il se terminait après le mot "abusive" à la deuxième ligne. La beauté de l'esprit législatif civiliste, c'est de codifier des principes généraux, parce que c'est à peu près impossible de prévoir toutes les situations qui peuvent se présenter.

Dans votre article 2148, vous écrivez, par exemple, le mot "notamment". Vous allez introduire un nombre de débats faramineux juste avec ce mot-là, parce que les critères que vous énumérez sont tous ceux-là, sont l'ensemble, la totalité des critères présentement utilisés par les tribunaux pour décider si les clauses sont abusives ou non.

Alors, les juges et les avocats vont se gratter la tête pour se demander s'il y en a d'autres et ils vont probablement en inventer d'autres. Avec votre mot "notamment", vous venez de changer les règles du jeu et vous ne savez pas exactement comment, parce qu'on ne peut pas prévoir ce que les tribunaux décideront sur la base de ce mot "notamment", d'ici dix ans, vingt ans, trente ans.

Alors, il me semble que dans un domaine aussi complexe, si vous voulez codifier - on n'en voit pas vraiment la nécessité, parce que le système actuel fonctionne assez bien - codifiez des principes généraux. Ne donnez pas des exemples qui risquent de se retourner contre le rédacteur, parce qu'il va y avoir nécessairement des situations imprévues qui vont être soulevées.

Autre exemple. Le mot "lieu" qui apparaît à la ligne 3. Généralement parlant, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps,

dans l'espace et quant aux activités qui sont visées. Par contre, les tribunaux ont également jugé que les clauses qui interdisent la sollicitation de clientèles sont valides, même si le territoire n'est pas limité, parce qu'on a une limitation implicite de territoire, la clientèle étant dans un certain territoire.

En mettant le mot "lieu" à la ligne 3, vous venez de faire disparaître cette jurisprudence. Montesquieu disait qu'il faut manipuler les lois avec des mains tremblantes. Il me semble que, dans ce domaine, il y aurait peut-être avantage à trembler un peu plus, parce que vous allez - je le soumets - sinon changer les règles du jeu, provoquer de longs et coûteux débats, et cela va coûter de l'argent tant aux employeurs qu'aux employés, parce qu'on va s'en aller devant la Cour supérieure. On va débattre de ça pendant trois jours. Deux ans plus tard, on va se retrouver devant la Cour d'appel. On va débattre de ça pendant un avant-midi. Après, si la Cour suprême trouve cela intéressant, on va avoir une autre période de deux ans et on va se rendre à la Cour suprême du Canada et 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $ d'honoraires plus tard, on va se faire dire que la situation n'a pas changé par rapport à la situation antérieure au niveau jurisprudentiel ou législatif. Pour résumer, ce serait beaucoup plus prudent de s'en tenir à un principe général plutôt que d'aller faire des énumérations qui introduisent énormément de confusion.

M. Dufour (Ghislain): Mme la Présidente, il y a donc là la réponse à la question du député de Taillon. Vous avez vu récemment, dans le cas des ordinateurs Hippocrate, toute une contestation sur la place publique à cause de - je ne sais pas - quelqu'un qui, à un moment donné, à propos de l'invention d'une puce est mis en contestation de façon importante sur la place publique parce que cela représente peut-être des millions de dollars. Plus on va vers la haute technologie, plus il aura mobilité de la main-d'oeuvre et dans des situations technologiques où tous les problèmes pourraient être soulevés, cela varie d'une entreprise à l'autre.

Sur le plan politique, Mme la Présidente, je pense que c'est important de dire que les "notamment", on n'a jamais été d'accord avec cela, on ne peut pas être plus d'accord ici. Alors, il faut en rester au principe global et général qui est bien identifié d'ailleurs dans la première partie de l'article 2148.

M. Filion: Donc, maintien du principe général de l'article 2148. Laissons les tribunaux poursuivre au lieu de consacrer des concepts qui pourraient faire l'objet de litiges.

M. Dufour (Ghislain): Ah! Laissons les tribunaux...

M. Filion: Cela va. Je pense que c'est bien entendu.

M. Sylvestre: La raison est simple. Vous ne pouvez pas tout prévoir et si vous essayez de tout prévoir et que vous manquez votre coup - et vous allez manquer votre coup, c'est impossible de tout prévoir - vous allez introduire de la confusion.

M. Filion: D'accord. J'aimerais cela discuter un petit peu avec vous de l'article 2146, du devoir de loyauté, de quelle façon l'employé doit se comporter. Cela vaut la peine de lire l'article 2146. Vous le critiquez d'ailleurs dans votre mémoire sous d'autres aspects. L'article 2146 dit: "L'employé, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage, d'une manière qui soit préjudiciable à l'employeur, de l'information et des secrets commerciaux qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail." Vous soulevez plusieurs points dans votre mémoire et ce qui me chicote, je pense, n'a pas été soulevé, et c'est ceci. Lorsqu'on dit: "...doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information...", on ne dit pas que c'est une information confidentielle. Même M. Dufour tantôt parlait, ou dans son mémoire, de "confidentielle". On est portés à ajouter "confidentielle". Est-ce que c'est dans la façon dont c'est rédigé? Il ne faudrait pas empêcher, finalement, l'employé de faire usage de toute l'information, et cela peut aller loin. D'abord, cela pourrait être une information, disons, de nature tout à fait courante, c'est-à-dire l'expérience qu'on a acquise chez quelqu'un. L'information qu'on a obtenue sur un marché, par exemple. Pensons aux cadres qui travaillent pour une de chaîne d'alimentation et qui va travailler par la suite pour une autre. Mon Dieu! l'information dans le sens large, il va l'utiliser. C'est pour cela, d'ailleurs, que l'autre chaîne l'engage, c'est parce qu'il a de l'expérience.

M. Dufour (Ghislain): Sur ce premier volet, on vous donne raison.

M. Filion: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): C'est cela l'imprécision de cet article et c'est pour cela qu'on le met, d'ailleurs, sous forme interrogative.

M. Filion: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Et l'information, par définition, fait partie du travail et c'est là que les gens prennent leur expérience, leur expertise, etc.

M. Filion: Bien oui, c'est cela, mais il y a un problème. Deuxièmement, supposons que quelqu'un apprend, dans le cours de son emploi, ou obtient une information de nature sérieuse. Je ne sais pas, le produit - puisque c'est à la mode d'en parler de ce temps-ci - utilisé dans l'usine

pour tel matériau est toxique. C'est une information importante dont il doit faire usage, peut-être pour sauvegarder l'intérêt public, etc. D'où peut-être le danger d'essayer de codifier ce qu'est le devoir de loyauté. Je pense que cela va. (11 h 30)

D'autres questions sur l'aliénation de l'entreprise. Je vous pose la question bien directement, M. Dufour. L'article 45, même s'il est contesté, dit essentiellement que le certificat... Peu importe ce que la Cour suprême va décider, il va rester un principe: c'est que le certificat d'accréditation, si c'est la même entreprise, doit suivre. Mais, je l'avoue, n'anticipons pas sur le jugement de la Cour suprême. Êtes-vous en principe contre le fait que la protection, peu importe si elle est minime, peu importe si c'est l'hypothèse "minimaliste" ou "maximaliste" que retient la Cour suprême, soit exportée aux non-syndiqués dans les cas d'aliénation d'entreprise?

M. Dufour (Ghislain): Nous ne sommes pas en désaccord avec le contenu actuel de l'article 45 du code, je veux bien le préciser. Quand il s'agit vraiment d'une vente: vous me vendez votre entreprise, vous êtes syndiqués, je sais que la règle de l'article 45 fera que votre syndicat sera mon syndicat, nous n'avons aucun problème avec cela. Là où nous avons un problème, c'est sur l'interprétation qui a été faite par le Tribunal du travail. Nous critiquons cette interprétation et certains syndicats la critiquent aussi. On a étendu l'application de l'article 45 à la sous-traitance. C'est pour cela que nous sommes actuellement devant les tribunaux pour le dossier de la Commission scolaire régionale de l'Outaouais. Je vous dis carrément que nous ne sommes pas d'accord avec cette interprétation, parce que, là, c'est rendu que c'est transférer des accréditations syndicales d'un sous-traitant à un sous-traitant. Ce n'est pas du tout ce que le législateur avait prévu. C'est le tribunal qui a fait cela. Si vous me demandez de transposer cela pour les cadres et pour votre bonne chez vous, parce que c'est tout le monde, je dis non, pas d'accord.

M. Filion: À exporter?

M. Dufour (Ghislain): À exporter l'interprétation qui se fait actuellement...

M. Filion: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): ...par le Tribunal du travail de l'article 45 du code. Vous allez me dire: Mais moi je ne te parle pas de cela, je te parle de ce qu'est le code, mais je suis obligé de vivre avec l'interprétation qui a été donnée. Cette interprétation est abusive et je ne suis pas d'accord. Alors, il est évident que je ne veux pas l'étendre aux cadres et aux travailleurs couverts par la loi sur les normes.

M. Filion: Mais, vous seriez d'accord pour que les cadres, dans l'hypothèse "minimaliste", c'est-à-dire dans l'hypothèse de la protection de l'emploi des syndiqués en dehors des cas de sous-traitance, au cas où l'aliénation de l'entreprise demeurerait, bénéficient de cette même protection d'emploi, mais en dehors des cas de sous-traitance.

M. Dufour (Ghislain): Non, je ne serais pas d'accord. Je ne serais pas d'accord, par exemple, quand...

M. Filion: ...autres employés?

M. Dufour (Ghislain): Non, non, mais regardez les PME... M. le député de Taillon, si vous achetez l'entreprise de votre collègue, allez-vous être d'accord, vous, pour prendre automatiquement les cadres qu'il avait: son beau-frère, son belle-soeur, sa belle-mère? Je veux dire, c'est cela, les PME, dans le fond. Mais là, il y aurait une transmission, une continuité du personnel de l'entreprise achetée à l'autre entreprise au niveau des cadres. Je ne pense pas qu'avec la flexibilité et avec la mobilité dont les PME ont besoin ce serait acceptable. Je suis sûr que vous ne le feriez pas, vous n'en achèteriez pas l'entreprise.

M. Filion: Mais dans les cas où les cadres ont des contrats de travail?

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais ce sont toujours des contrats...

M. Filion: Ils ont des contrats de travail en bonne et due forme avec l'entreprise.

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui, mais ce sont toujours des contrats de travail pour la vie de cette entreprise-là, avec les conditions dans lesquelles cette PME oeuvre. Ce contrat peut justement être un contrat du propriétaire à son beau-frère. Vous savez comment cela marche dans les PME et il y a souvent des contrats... Cette transmission-là, sur le type de l'article 45, je ne pourrais pas être d'accord.

M. Filion: Si les Nordiques de Québec - je donne un exemple, je le pige dans l'actualité - nous sommes en commission parlementaire ici, nous avons l'immunité à part cela: on peut dire tout le bien ou tout le mal qu'on pense des Nordiques de Québec, peu importe... Prenons un exemple dans l'actualité, soit si les Nordiques de Québec étaient transférés à un autre propriétaire. Les Nordiques sont liés aux joueurs par des contrats de travail, d'ailleurs la totalité des joueurs, je pense bien, ont des contrats de travail. Alors, si je comprends bien ce que vous nous dites, M. Dufour - et éclairez-moi - c'est que ces contrats de travail ne devraient pas valoir auprès d'un nouvel acquéreur.

M. Dufour (Ghislain): Ah! Je n'ai pas dit cela. Dans le Code civil, ces gens-là ont des protections et vont les faire respecter. Je veux dire que, si j'ai un contrat de travail qui prévoit que je joue pour le Canadien, pour une année, alors, j'ai un contrat et, même si de nouveaux propriétaires achètent, je vais faire respecter le contrat. Je ne pense pas que c'est de ça qu'on parle quand on parle de l'article 45 qui est une transmission à peu près intégrale de l'ensemble des contrats dans n'importe quelle situation et qui incorpore - je dis bien incorpore - la gardienne, la bonne, le cadre. C'est de cela qu'on parle, de tous les gens qui ne sont pas dans une situation de rapports collectifs.

M. Filion: Les contrats de travail du personnel non syndiqué, ma question tournait autour de cela.

M. Dufour (Ghislain): Sûrement pas! En tout cas, tant et aussi longtemps que la Cour suprême n'aura pas statué sur l'interprétation vraie qu'on doit donner actuellement à l'article 45 du code. De toute façon, vous savez que l'offre d'achat n'existe plus. Alors, on pose un autre problème.

M. Filion: C'est un exemple hypothétique comme tous les exemples qu'on donne en étudiant. Il faut montrer parfois les répercussions des travaux. Les gens ne donneront pas grand écho à nos travaux, c'est bien sûr, mais c'est quand même pour dire l'importance que peut avoir le Code civil dans la vie quotidienne. Écoutez, je pense que mon temps est expiré.

M. Dufour, je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine de regarder plus particulièrement ces articles qui concernent le contrat de travail. J'avais oublié que le rapport Beaudry recommandait effectivement la réunification des textes concernant le droit du travail et je vous remercie d'avoir rafraîchi ma mémoire. Cela va permettre de rafraîchir la mémoire du gouvernement à l'occasion et je pense qu'il y aurait un exercice tout à fait souhaitable. Comme vous le disiez, que ce soit au ministère du Travail ou au ministère de la Justice, peu importe, il faudrait, à un moment donné, faire le point pour bâtir un cadre juridique le plus clair possible.

Deuxièmement, en ce qui concerne vos remarques sur l'ensemble des dispositions de l'avant-projet de loi relatives au contrat de travail, je peux vous dire qu'elles alimenteront à coup sûr notre réflexion, mais surtout celles de ces juristes qui ont en main l'imposante responsabilité d'arriver avec un projet de code civil cohérent, moderne, souple également et qui soit un outil adéquat de justice en 1989, en 1990 ou 1991 au Québec. Je suis convaincu que vos commentaires et vos réflexions sont tout a fait à propos et méritent d'être considérés. Donc, au nom de ma formation politique, je remercie M.

Dufour, Me Sylvestre et Me Martin.

La Présidente (Mme Bleau): Je passerai maintenant la parole à M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, de notre côté, nous avons apprécié le fait que le Conseil du patronat du Québec puisse participer à nos travaux et l'équipe de codificateurs qui m'entoure va prendre en considération ses représentations. Je vous remercie encore une fois d'avoir participé à nos travaux.

Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec

La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, je vous remercie d'abord de votre mémoire et de bien avoir voulu accepter de nous en parler.

Je demanderais maintenant aux représentantes de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec de prendre place devant nous, s'il vous plaît. Veuillez prendre place, s'il vous plaît!

Je voudrais souhaiter la plus cordiale bienvenue à la Conférence des Associations de créateurs et créatrices du Québec. Je demanderai à Mme Nicole Lépine, avocate, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Lépine (Nicole): Je vous référerai plutôt un membre du comité exécutif de la

CACCQ pour faire cette présentation et je reviendrai par la suite pour présenter le mémoire.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que c'est Mme Louise Page?

Mme Lépine: C'est Mme Jacqueline Lemay.

La Présidente (Mme Bleau): Jacqueline Lemay. Bonjour, Mme Lemay. Si vous voulez nous présenter vos compagnes.

Mme Lemay (Jacqueline): Bonjour, Mme la Présidente, madame, messieurs.

Au nom de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec, je vous remercie de nous recevoir. La conférence qui existe depuis 1982 regroupe quatorze associations de créateurs. Vous l'avez vu, je crois, dans le mémoire.

La Présidente (Mme Bleau): Excusez-moi, madame. Est-ce que vous pourriez nous présenter celles qui vous accompagnent?

Mme Lemay: Oui, Mme la Présidente. Comme vous le disiez, Mme Nicole Lépine est

notre conseillère juridique. À ma gauche, Mme Louise Page est la présidente du Conseil de la sculpture et la porte-parole des associations en art visuel. Mme Danièle Faubert est la coordonnatrice de la conférence. Moi-même, Jacqueline Lemay, je suis directrice générale de la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec. Je représente le secteur de la musique. Il y a d'autres personnes dans notre excécutif qui représentent d'autres secteurs comme les arts d'interprétation et les écrivains, mais elles ne sont pas ici ce matin.

On ne va pas lire le mémoire, parce que je crois que vous l'avez lu, vous l'avez reçu. Mme Lépine va le présenter, le commenter et nous serons certainement à votre disposition pour des questions.

La Présidente (Mme Bleau): Merci beaucoup, Mme la directrice. Mme Lépine, vous vous écoutons.

Mme Lépine: Comme vous l'avez sûrement lu, il s'agit d'un domaine très particulier, qui touche les arts et la culture en général, qui est affecté par la réforme du Code civil. Dans ce domaine, étant donné que les auteurs, les créateurs et les artistes en général sont soumis à la Loi sur le droit d'auteur, qui est une loi de juridiction fédérale, et que la réforme du Code civil viendra non pas chevaucher, mais affecter les relations contractuelles entre plusieurs créateurs et leurs employés ou, si l'on peut dire, leurs professionnels ou clients, c'est dans ce sens que nous vous avons présenté un mémoire, pour vous souligner les problèmes qui, en cours de pratique, pourraient survenir à la suite d'une mauvaise interprétation de certains textes.

Je vous référerai, en premier lieu, au contrat de travail dans la réforme du Code civil et à l'absence d'une clause touchant tout particulièrement les droits d'auteur. Là-dessus, à la page 6 de notre mémoire, à titre informel et pour nous donner sans doute une marge de manoeuvre, nous vous avons mis une clause qui pourrait servir à la fin de cette section et qui concerne justement les relations employé-employeur et le cadre où un créateur, dans sa fonction ou sa relation employeur-employé, créerait une oeuvre pour laquelle il y a une signature, pour laquelle il apporte son nom et où adviendrait un problème sur le contenu de cette oeuvre ou sur l'exploitation qu'on veut faire de cette oeuvre. C'est cette clause qu'on a trouvée pour pallier tous les problèmes qui pourraient survenir. (11 h 45)

Elle se lit: "lorsque l'usage ou le contrat le prévoit, l'employé conserve le droit aux versements des redevances en contrepartie de l'exploitation économique de l'oeuvre ainsi que le droit de signature et, en cas de désaccord sur le contenu de l'oeuvre, le droit de retrait de signature." Cela est en rapport avec l'article 12 de la Loi sur le droit d'auteur. Je vous réfère à l'article 12, sous-paragraphe 3, qui dit que, lorsque l'auteur est employé, l'employeur est le premier titulaire de toute oeuvre que l'employé fera. Comme l'employeur devient premier titulaire de toute oeuvre, il est sûr qu'il y a cession du droit d'auteur pour l'employé. Qu'arrive-t-il, à ce moment-là, si l'employeur fait un mauvais usage de l'oeuvre, l'envoie aux quatre vents sans même avoir de permission, tout en disposant de la signature de cet auteur? C'est dans le but de protéger l'auteur, de protéger le créateur, de protéger celui qui pourrait inventer des choses dans le cadre de son emploi, c'est dans le but de lui procurer un droit de regard sur son oeuvre, sur sa création, sur son invention qu'on a prévu cette clause-là.

Ceci était pour parler du contrat de travail. On en arrive maintenant au contrat d'oeuvre. Je m'arrêterai là pour le contrat de travail, parce que les relations qu'il y a entre employeurs et employés et créateurs se résument à peu près au seul ajout de cette clause qui pourrait pallier tous les problèmes. En fait, la relation entre employeurs et employés restera toujours celle qui existe dans ce genre de relation et prévaudra toujours. Il s'agit simplement de protéger le créateur, afin qu'on ne fasse pas un usage abusif et un usage de mauvaise foi de l'oeuvre qu'il pourrait créer dans le cadre de son emploi. Quant à la partie du contrat d'oeuvre, celle-ci nous semble beaucoup plus problématique. Cette section que vous ajoutez au Code civil - que vous n'ajoutez pas, mais que vous modifiez de façon substantielle dans le Code civil - touche tout particulièrement les créateurs dans le cas où ils ont des contrats. Cela les touche tout particulièrement. Je vous réfère à l'article 2168 où vous mentionnez que le prix de l'oeuvre est déterminé par le contrat ou par la loi et, s'il n'est pas ainsi déterminé, il le sera en tenant compte des frais raisonnables du professionnel, de la valeur des travaux, des biens qu'il a fournis et du temps qu'il aurait dû normalement consacrer à l'exécution du contrat.

Tous ces critères, pour un auteur ou un créateur, sont des problèmes incroyables à déterminer. Ils sont plus ou moins déterminables par une valeur morale. Il y a des droits moraux qui entrent en jeu là-dedans. Il y a plus qu'une valeur de temps, il y a une valeur de culture. Cette valeur de culture, on ne la retrouve pas dans cet article. Je vous ai référé tantôt à l'article 2168, je parlais plutôt de l'article 2169. On ne parle pas de cette valeur de culture dans cet article, on parle de la valeur des travaux, de frais raisonnables, de biens qu'on a fournis et du temps qu'on aurait dû normalement consacrer à l'exécution d'un contrat. Nous pensons qu'il est important d'attirer votre attention sur une valeur morale à donner à l'oeuvre, qui est la valeur de culture. Pour ce prix de l'oeuvre, on devrait considérer cette valeur à l'intérieur de cet article.

II y a également l'article 2168 dans lequel vous mentionnez qu'avant la délivrance le professionnel est tenu de la perte. Mais, qu'ar-rive-t-il dans les cas où le professionnel fait mauvais usage de l'oeuvre, la détériore et que cela arrive après délivrance? Nous avons eu à notre bureau un exemple pratique. Il s'agissait de la comète de Haley et nous avions un client, un peintre qui en avait fait des tableaux qu'il avait exposés dans un Cégep. Lors du transport pour un changement d'endroit d'exposition de ces peintures, on les a collées face à face. Ces peintures, bien sûr, se sont détériorées; elles se sont collées entre elles et ont déteint l'une sur l'autre. Donc, cela a entraîné une perte partielle de l'oeuvre, une détérioration de l'oeuvre. Ni le personnel du Cégep, ni le Cégep même n'ont pensé à consulter l'auteur pour la restauration de l'oeuvre. Ni le Cégep, ni son personnel n'ont pensé aviser l'auteur ou le créateur des problèmes qui étaient survenus, de l'état de ses toiles et on a continué, malgré cette détérioration partielle, à exposer les oeuvres. C'est l'auteur lui-même qui, en retournant les voir, les visiter, s'est aperçu que les oeuvres étaient sérieusement détériorées et qu'on les avait exposées de cette façon. Qu'arrive-t-il à ce moment-là pour le créateur? Quel recours a-t-il alors qu'il a cédé ses droits sur ses oeuvres? Puisqu'on les a exposées au Cégep, c'est le Cégep qui est devenu propriétaire de ces oeuvres bien qu'elles soient signées, bien que le droit d'auteur comme tel ou le droit moral rattaché à cette oeuvre demeure à l'auteur? Mais celui-ci n'a-t-il pas droit à un droit de regard? N'a-t-il pas droit de vérifier si de cette oeuvre cédée on fait un bon usage? N'a-t-il pas droit de vérifier dans le cadre de son contrat si le professionnel la traite bien? Je vous réfère à la clause que l'on avait rédigée pour l'employé. Cette clause pourrait tout à fait bien s'appliquer dans le cas du créateur et dans le cas de l'exemple dont je viens de vous faire part. C'est pourquoi on parlait, et même en cas de désaccord sur le contenu de l'oeuvre, du droit de retrait de signature. Dans le cas que je viens de vous exposer, notre client avait tout à fait le droit de retirer les oeuvres de l'endroit d'exposition. Il aurait eu normalement le droit de retirer sa signature de cette oeuvre, afin qu'on n'attaque pas sa réputation à la suite d'une mauvaise exposition et d'une mauvaise utilisation de son oeuvre.

Je vous réfère également à l'article 2196 de la partie du contrat d'oeuvre dans lequel vous mentionnez que le client peut unilatéralement résilier le contrat quoique l'oeuvre soit déjà entreprise et qu'il devra indemniser le professionnel de ses frais et dépenses actuels, de la valeur des travaux exécutés avant la notification de la résiliation ainsi que de la valeur des biens déjà fournis. Je trouve cela injuste pour les créateurs et les auteurs, parce que vous laissez au client toute la latitude voulue pour résilier le contrat quand il le voudra. Bien sûr, à charge d'indemniser!

Je vous répète encore que, dans le cas des créateurs et des auteurs, la valeur morale d'un contrat et d'une création est immensément plus valable que souvent une valeur financière. Et dans la réforme du Code civil vous ne traitez pas de cette valeur. Vous n'en tenez compte d'aucune façon. Vous accordez toute la latitude voulue au client de résilier le contrat sans tenir compte de l'énergie, du temps et de cette valeur morale donnée par le créateur à son oeuvre ou à l'auteur à ses oeuvres.

Je pense que cette valeur, la réforme de la Loi sur le droit d'auteur l'a reconnue. Les droits moraux maintenant sont reconnus. Il y avait lieu de reconnaître ce droit, puisqu'il s'agissait d'une valeur qui était rattachée à la création, à l'oeuvre des auteurs et des créateurs en général. On en a tenu compte pour cette raison et c'est pour cette raison qu'on vous demande dans la réforme sur le Code civil d'en tenir compte également. Accorder au client le pouvoir unilatéral de résilier le contrat est, à notre avis, un pouvoir immense et c'est un pouvoir qui ne tient pas compte du créateur ou de l'auteur de l'oeuvre et de l'énergie qu'il y a mise.

Je vous référerai à certaines de mes partenaires pour qu'elles vous donnent des exemples concrets de ce que je viens de vous énoncer et des exemples de la pratique et du vécu de tous les jours; ceci nous permettra de vous illustrer ce que je viens de mentionner. Alors, je vous référerai en tout premier lieu à Mme Louise Page.

Mme Page (Louise): J'aurais peut-être attendu un peu vos questions. Ce qui arrive souvent dans le cas de contrats entre les artistes et quels que soient les intervenants du milieu, c'est que souvent les contrats sont faits de façon verbale. De plus en plus, autant à la conférence qu'au Conseil de la sculpture et à tous les autres regroupements d'artistes professionnels, on conseille fortement aux artistes de se lier par contrat et de prévoir toutes les clauses possibles et impossibles qui peuvent arriver, sauf que ce n'est pas toujours évident. Ce ne sont pas tous les artistes qui sont sensibles à cela. Souvent, c'est leur grand copain qui leur refile un contrat et en fin de compte ne le respecte pas. C'est à ce moment-là que le seul recours qu'il nous reste, c'est le Code civil puisqu'un contrat peut être verbal.

Pour ce qui est des exemples, cela m'est arrivé personnellement d'avoir l'amie d'une amie qui vient me voir et qui me dit: C'est le "fun" tes affaires. J'aimerais utiliser une de tes sculptures pour mettre sur la page couverture d'une revue qui fait un numéro spécial sur les femmes. Alors, j'étais bien d'accord avec ça, elle devait me rémunérer; ce qu'elle n'a pas fait. Le numéro a paru et à cette époque je n'étais pas liée par écrit évidemment et je n'avais pas les moyens d'engager une avocate ou de m'adresser

au système juridique finalement pour pouvoir prendre les actions requises pour bénéficier de mes droits.

Alors, si le Code civil prévoit différentes clauses qui protègent les artistes, finalement, cela leur donne une accessibilité à la justice beaucoup plus simple qu'on peut le penser. Le contrat verbal pourrait effectivement avoir une force beaucoup plus grande que l'utilisation qui en a été faite préalablement. Merci. J'attendrais peut-être plus les questions.

Mme Lemay: Merci.

Mme Lépine: Je pourrais tout simplement souligner également une clause qui pourrait s'avérer nécessaire dans le cadre du contrat d'oeuvre. Ainsi, si l'on prévoyait que l'auteur de l'oeuvre ou le créateur de l'oeuvre a le droit exclusif sur son oeuvre concernant son entretien et non pas la cession. La cession serait faite dans les normes et respecterait en toute conformité l'article 2158, soit le contrat d'oeuvre. Elle ne viendrait pas limiter cet article, mais on accorderait à l'auteur ou au créateur le droit exclusif à l'entretien de son oeuvre, afin que celle-ci soit protégée et que cette oeuvre ne soit pas altérée ou détériorée par l'incompétence de gens qui souvent achètent mais n'entretiennent pas.

Mme Lemay: Est-ce que je pourrais dire quelque chose?

Le Président (M. Marcil): Oui. Mme Lépine: Bien sûr.

Le Président (M. Marcil): II vous reste environ deux minutes.

Mme Lemay: Combien de temps?

Le Président (M. Marcil): Environ deux minutes.

Mme Lemay: Alors, en quinze secondes, je voudrais dire que, par exemple, dans le domaine de la musique, nous avons ici notre coordonatrice, Danièle Faubert, qui est aussi une auteure de chansons et qui a un exemple - si tu peux l'expliquer en 23 secondes.

Mme Faubert (Danielle): Je ne pourrai pas tenir en quinze secondes.

Mme Lemay: Tu ne peux pas résumer un peu? Enfin...

Le Président (M. Marcil): Allez-y, il y a consentement des deux partis.

Mme Lemay: C'est quand même un exemple qui donne bien un portrait de la situation dans le domaine musical qu'on connaît un peu moins. Parce qu'on voit toujours les vedettes à la télévision, on pense que tout est simple, mais pour celui qui écrit, qui travaille dans l'ombre et qui est juste le créateur, il est très démuni pour faire valoir ses droits, et je trouve que son exemple est très pertinent. (12 heures)

Mme Faubert: Voici ce qui m'est arrivé. J'ai eu une commande d'une grosse compagnie pour faire des chansons qui devaient accompagner un jouet, une petite poupée. Donc, je me rends au studio, je donne les chansons. Sur ce, on s'entend verbalement. On me dit aussi que les chansons vont passer à la télévision fort probablement et vont faire partie de commerciaux et tout cela. Elles vont probablement jouer en France. Donc, je vais être payée par la suite, quand ça va jouer.

Alors, là, on me paie un premier montant pour le travail que je fais, qui accompagne la cassette et tout. Six mois plus tard, j'ouvre la télévision et, coup classique, l'émission joue, la chanson joue. Je regarde les crédits et mon nom n'est pas inscrit. C'est comme si cela avait été fait par je ne sais pas quel pur esprit. J'ai essayé de communiquer avec la personne qui m'avait engagée à l'époque. Je n'ai jamais pu la rejoindre à sa compagnie. J'ai eu son numéro personnel. J'ai fini par communiquer avec lui. Il m'a dit: Si tu as remarqué, tu n'avais pas de contrat, donc, ce n'est que verbal. Même s'il y avait des témoins, c'est votre parole contre la mienne et, puis alors, bonne chance. Si jamais il se passe quelque chose avec ça, tu n'auras pas de chance devant les tribunaux et tout. Je n'avais pas les moyens financiers d'entamer une procédure. Alors, c'est resté comme tel depuis ce temps. L'émission joue, elle continue à jouer et je change de poste. C'est ça.

Mme Lépine: Pour cet exemple, j'attirerai également votre attention sur le fait que le problème des auteurs ne se limite pas nécessairement à une loi. C'est sûr que dans le cas que l'on vient de vous donner, il y a la Loi sur le droit d'auteur. Seulement les auteurs et créateurs font beaucoup plus appel aux règles du contrat, en général, soit aux règles civiles qu'à une loi fédérale qui leur est souvent difficile d'accès, difficile de compréhension, alors que le contrat est simple, civil et facilement accessible à la plupart des auteurs et créateurs.

J'attirerais seulement à la toute fin, votre attention sur ce que je viens de vous dire.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Mme Lépine: J'ai terminé.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la conférence. Je crois que, l'an dernier, vous vous étiez présentées aussi en matière de sûreté et je me souviens que c'était très intéressant de vous entendre et de savoir les problèmes particuliers que vous vivez. Au nom de mes collègues ministériels et de l'équipe de réforme du Code civil, nous sommes très heureux de vous recevoir encore cette année, cette fois-ci, en matière d'obligations. On a préparé quelques questions pour vous.

La première est la suivante. On prévoit dans les dispositions générales des articles, notamment, celui sur la lésion. On a introduit la lésion comme motif de vice de consentement. On prévoit également des dispositions quant aux clauses abusives. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'avec ces articles qui sont de droit nouveau cela ne va pas aider les créateurs et créatrices par la même occasion?

Mme Lépine: À mon avis, cela ne réglera pas le problème. Ce que je viens de vous mentionner comme clauses, en fait, ce ne sont pas des clauses de lésion, ce ne sont pas des clauses de résiliation de contrat, ce ne sont pas des clauses d'annulation de contrat, ce sont des clauses de protection d'un droit. Ce sont des clauses de droit de regard sur une oeuvre cédée. On ne demande pas la résiliation du contrat, parce que je viens de vous demander les modifications que je viens de vous énumérer.

Elles ne visent pas, à mon avis, la lésion. Elles visent tout simplement à faire reconnaître un droit de l'auteur ou du créateur sur son oeuvre et un droit de regard. Je ne pense pas que ce droit de regard donnerait lieu à lésion comme tel. Il donnerait lieu à résiliation à demande d'annulation, mais non pas à lésion comme telle. Il y a cession de cette oeuvre. La seule chose qu'on demande, c'est que le professionnel, le client ou peu importe de quel côté on se place, prenne soin de cette oeuvre en bon père de famille, y accorde toute l'attention voulue et, s'il a besoin pour apporter cette attention du soutien de l'auteur ou du créateur, qu'il y fasse appel et c'est de cela qu'on vous parle.

Je ne pense pas que ce motif donne lieu à lésion. Je pense qu'il donne lieu à dommages et intérêts, qu'il ne donne même pas lieu à résiliation. Il n'y a pas lieu à résiliation là-dedans. Il y a lieu à un droit de retrait de signature, on ne vous dit pas de l'oeuvre, un retrait de signature ou un droit de regard de l'auteur sur l'entretien. C'est dans ce sens qu'on vous le dit. Je ne pense pas que la lésion, pour moi, s'applique dans les clauses que je viens de vous mentionner. Et même dans l'article que je vous dis, dans la clause que je vous suggère: lorsque l'usage ou le contrat le prévoit, l'employé conserve le droit aux versements des redevances ou encore le droit de signature et en cas de désaccord au retrait de signature, je ne pense pas que cela donne lieu ici à la lésion.

M. Dauphin: Hum!

Comme autre question, vous soulignez dans votre mémoire que les règles du contrat de travail telles qu'énoncées ont pour effet de transférer automatiquement tous les droits d'auteur à l'employeur. Pour le bénéfice des membres de cette commission, est-ce que vous pourriez expliciter davantage ce point?

Mme Lépine: En vertu de la Loi sur le droit d'auteur et en vertu de la réforme du Code civil. Vous mentionnez là-dedans que le contrat de travail est celui par lequel une personne, l'employé, s'oblige moyennant rémunération à effectuer selon les instructions et sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur, un travail matériel ou intellectuel. Cette clause est générale et il est vrai que l'employeur engage une personne pour qu'elle effectue un travail, soit matériel ou intellectuel, et à la condition qu'il rémunérera cette personne. Alors, cet article est général et laisse l'application de base de l'article 12 de la Loi sur le droit d'auteur qui mentionne que lorsque l'auteur est employé par une autre personne en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage et que l'oeuvre est exécutée dans l'exercice de cet emploi, l'employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre. Mais lorsque l'oeuvre est un article ou autre - c'est sûr que là, l'auteur, on vient restreindre cela - pour des articles de journaux, l'auteur aura le droit d'en interdire la publication.

Quant à ce contrat de travail employeur-employé, il est sûr que la Loi sur le droit d'auteur vient dire à ce moment-là, que l'employeur sera titulaire de l'oeuvre et votre clause est assez générale pour ne pas prévoir que l'employé aura droit à des redevances, ou aura droit de regard sur son oeuvre ou aura droit à une certaine partie de l'exploitation économique. À ce moment-là, quand on verra cette clause, on dira: Oui, mais la Loi sur le droit d'auteur, qui est une loi plus particulière, prévoit que dans ce cas-là précisément l'auteur cède ses droits à son employeur. Et c'est lui qui en possède tous les droits. Alors, l'auteur et le créateur ne sont pas protégés, parce que là-dedans ils n'ont aucun droit de regard, ils n'ont aucun droit aux redevances économiques, Et, quand je parle de redevances économiques, nous parlons souvent de pourcentage très minime. Il n'a même pas droit à la protection de son oeuvre ou à la protection du droit de création de son oeuvre, puisqu'il n'y a aucune signature et que l'employeur a le droit de faire de cette oeuvre ce qu'il veut et sans mentionner d'aucune façon qui en est l'inventeur ou le créateur. C'est tout.

Je pense que, dans ce sens, les auteurs et les créateurs ne sont pas protégés. Ils devraient

avoir une certaine... Ils sont un domaine très particulier de notre société. C'est sûr qu'on ne peut pas prévoir pour eux un contrat de travail similaire à un employé ou un employeur tout à fait ordinaire. Il s'agit là d'un domaine tout à fait particulier et dans lequel on doit les protéger. Souvent d'ailleurs, j'en ai plusieurs, ce sont tous des contrats et, malheureusement, vous le savez tout aussi bien que moi, le rapport entre l'employeur et l'employé dans le cas des auteurs en général, ou le rapport contractant-contracté est tout à fait de dominant à dominé. Il y a souvent déséquilibre très grand et souvent l'employeur ou le professionnel sont les personnes les plus avantagées et l'auteur ne peut pas se payer les recours qu'il pourrait avoir s'il était sur un pied d'égalité avec l'employeur ou le contractant. C'est dans ce sens que je vous dis que l'auteur et le créateur ne sont pas protégés. Il y a une situation de déséquilibre en partant et elle restera là tout le temps.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Justement, on en discutait tantôt. Le problème constitutionnel, je me demande si vous vous êtes penchées là-dessus.

Mme Lépine: On s'est penchées là-dessus. Je vous en ai...

M. Dauphin: Vous en parlez dans votre mémoire.

Mme Lépine: C'est un fait.

M. Dauphin: On se demandait si effectivement nous avons juridiction pour légiférer dans ces domaines-là. Avec le fédéral?

Mme Lépine: Je ne pense pas que vous ayez juridiction pour légiférer sur le droit d'auteur comme tel, mais il faut quand même considérer que les contrats sont de juridiction provinciale et non fédérale: toute la partie civile du contrat. Et du côté pratique, il faut quand même dire que les auteurs et créateurs font souvent appel à des contrats soit d'édition, soit de commande. Ils ont toujours des contrats. C'est la partie civile à ce moment-là qui s'applique.

Ce qu'on vous demande, ce n'est pas d'aller ajouter une clause dans le chapitre 7 qui se lirait: lorsque l'auteur crée une oeuvre dans le cadre de son emploi, il aura un droit de regard, des redevances, etc. C'est bien sûr que là vous allez empiéter sur une juridiction fédérale qui touche au droit d'auteur. Ce qu'on dit, c'est de prévoir dans les chapitres 7 et 8 des clauses tout à fait modulées, appropriées aux auteurs et créateurs sans empiéter sur la juridiction fédérale. Vous pouvez le faire. La clause qu'on vous a citée, pour cela, s'applique très bien. On prévoit que l'employé conserve le droit aux versements de redevances en contrepartie de l'exploitation économique de l'oeuvre. C'est un contrat entre employeur et employé. Ce contrat implique des conséquences. Dans les conséquences, quelle est la possibilité d'empiéter sur une juridiction fédérale en mentionnant que l'employé aura un certain droit de regard sur son oeuvre, pourra être en désaccord quant au contenu de cette oeuvre et pourra recevoir une certaine partie de son exploitation économique? N'est-ce pas là une forme de rémunération qui pourrait être tout à fait prévue par un contrat de travail? C'est en ce sens qu'on vous le mentionne.

On ne peut pas empiéter sur la loi fédérale, sur la Loi sur le droit d'auteur, mais je pense qu'il y a lieu et qu'il y a possibilité de prévoir dans la réforme au Code civil des clauses particulières quant aux auteurs et aux créateurs.

Mme Page: J'aimerais dire quelque chose.

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y, madame.

Mme Page: Comme vous le disiez si bien tantôt, nous sommes venues en commission parlementaire sur les sûretés réelles et la publicité des droits. Nous avions tenté d'expliquer ce qu'était la propriété intellectuelle. Évidemment, c'est toujours difficile à cerner, la propriété intellectuelle. C'est la responsabilité de l'ensemble des utilisateurs des oeuvres d'art de respecter cette propriété. C'est comme si je faisais une sculpture et qu'on décidait de lui mettre un chapeau ou de cacher une de ses parties parce qu'on trouve qu'elle est indécente. Finalement, ce n'est plus mon oeuvre, elle est modifiée. C'est une propriété beaucoup plus intellectuelle que matérielle, puisque je peux avoir vendu cette oeuvre. Je pense que l'ajout au Code civil de choses très précises au niveau du contrat dit au moins que je peux retirer mon oeuvre de là. Cela donnerait vraiment une facilité aux artistes de se prévaloir des lois. Quand on parle de droit d'auteur, on parle d'Ottawa, on tombe dans une autre juridiction beaucoup plus complexe que le Code civil du Québec, finalement, où on a un accès facile, où les lois sont simples. Le début est très valable. Toute la première partie qui a été rédigée dans le projet de réforme est très valable, mais on trouve que ça devrait être un petit peu plus détaillé pour pouvoir nous permettre au Québec, sans être obligées d'aller à Ottawa, de faire valoir nos droits qui sont beaucoup plus des droits de propriété intellectuelle. (12 h 15)

Mme Lépine: Mme Page parle de la Cour fédérale, bien sûr, même s'il y en a une à Montréal, c'est quand même plus difficile de compréhension.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.

M. Dauphin: Peut-être une dernière ques-

tion, si vous me le permettez, M. le Président, et avec l'amabilité constante de mon collègue de

Taillon. À l'article 2197, vous en avez parlé tantôt.

Mme Lépine: L'article 2196 et l'article 2197 par la même occasion.

M. Dauphin: Précisément, quelle est la justification fondamentale du privilège que vous réclamez dans le cadre de cet article? On fait référence aussi à l'architecte et à l'ingénieur qui sont également des créateurs et eux sont soumis à ces règles-là.

Mme Lépine: Oui, je comprends ça, sauf que, si je fais référence à votre article de base qui est l'article 2158, on dit: "Le contrat d'oeuvre est celui par lequel une personne, entrepreneur ou fournisseur de services, appelée le professionnel, s'oblige envers une autre personne, le client, à exécuter une oeuvre, soit en réalisant un ouvrage, soit en procurant un service, moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer." Le professionnel est celui qui s'oblige à exécuter l'oeuvre. Le client est celui qui reçoit cette oeuvre. Il peut la résilier ce contrat à tout moment. Il peut décider quand il le voudra qu'il pourra le résilier sans tenir compte que le professionnel qui a agi, qui l'a fourni, a donné de son énergie, a investi et surtout quand on parle - encore là, je vous souligne que tout ce que je vous dis maintenant c'est dans le cadre très restreint des auteurs et créateurs et dans le cadre très restreint également des applications qu'on peut leur attribuer. Il s'agit d'un article qui ne tient pas compte de ce qu'on a tenté de vous expliquer, la propriété intellectuelle, qui ne tient pas compte du droit moral de cette oeuvre.

On commande une oeuvre, on demande à l'artiste, au créateur et à l'auteur d'y mettre beaucoup d'énergie, alors qu'on accorde tous les pouvoirs à une partie seulement de résilier ce contrat et de dire à tout moment qu'on décide de le résilier. Il y a l'article 2197 qui parle d'indemnité, d'indemniser. Quels sont les dommages et intérêts pour un auteur? C'est vrai qu'il y a des dommages et intérêts pour le service rendu, pour les frais et dépenses actuels, pour la valeur des travaux exécutés, pour les biens fournis, les matériaux, etc. Mais on ne tient pas compte de cette valeur morale qu'attache l'auteur ou le créateur à cette oeuvre. C'est sûr que pour un architecte et un ingénieur... Je vous comprends, mais ce n'est pas plus facile pour eux. Vous comprenez? C'est une oeuvre autant que pour les auteurs et les créateurs, et ce n'est pas plus facile pour eux. Je ne vous dis pas que cela ne s'applique qu'aux auteurs. Je vous dis qu'on ne tient pas compte de cette valeur morale dans les dommages et intérêts et je pense qu'on devrait en tenir compte. C'est toujours assurer le déséquilibre. Il y aura toujours déséquilibre dans ce cadre, à moins qu'on en tienne compte et que le Code civil le prévoie.

Mme Page: C'est peut-être comme l'exemple de Picasso qui, un bon jour, était sur le bord de la route en train de peindre un petit coin de bois. Il y a un monsieur qui passe avec sa fille et qui dit: Pourriez-vous faire un petit croquis rapide de ma fille. Picasso dit: Bien sûr. Il fait un petit croquis très rapide. Le monsieur demande: C'est combien? C'est 200 000 $. Il dit: Voyons donc, cela vous a pris deux minutes pour le faire? Picasso a dit: Je m'excuse, monsieur, cela m'a pris 30 ans à le faire. C'est peut-être un peu le parallèle de paiement qu'on essaye d'expliquer quand on parle de propriété intellectuelle et de valeur morale des artistes.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci. M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui. Je voudrais féliciter la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec. Personnellement, je dois vous dire très honnêtement que j'ignorais l'existence de la conférence. Je trouve que c'est une excellente chose que la quinzaine d'organismes qui sont membres de la conférence, aient jugé bon de se regrouper et de bâtir une expertise dans ce secteur qui est la protection des créateurs et créatrices du Québec. Cela fait combien de temps que votre association existe?

Mme Lemay: Depuis 1982.

M. Filion: 1982. Je pense que c'est une initiative tout à fait louable et le mémoire que vous déposez à cette commission ainsi que votre présence à cette commission constituent de belles preuves de l'utilité, pour ne pas dire de la nécessité, d'une conférence comme la vôtre. Évidemment, dans le secteur du droit d'auteur et de la création, ce n'est pas facile. D'abord, il y a peu d'avocats qui s'y retrouvent. Imaginez-vous, des créateurs et des créatrices! Eux ou elles se concentrent généralement à créer l'inspiration et l'expertise nécessaire à produire des oeuvres de plus en plus belles dans tous les secteurs et n'ont pas nécessairement cet esprit qui consiste à "digérer" toutes règles commerciales, juridiques, etc. pour en arriver à faire un bon contrat. D'où, peut-être, la nécessité pour les législateurs d'être particulièrement prudents dans ce secteur et de voir à entendre, à créer une protection valable. Cela soulève des problèmes. Vous avez soulevé la question constitutionnelle, vous en êtes conscients, Ottawa, Québec, tout le monde est de bien bonne foi... Dans ce sens, ma première question serait la suivante. En juin 1988, le Parlement canadien a adopté... Est-ce qu'on peut appeler sa nouvelle loi sur le droit d'auteur?

Mme Lépine: C'est le projet de loi C-60 dans lequel il faisait une réforme du droit d'auteur qui était partielle.

M. Filion: Est-ce que c'est en vigueur?

Mme Lépine: C'est en vigueur depuis juin 1988.

M. Filion: Bon. Cela règle une partie des problèmes.

Mme Lépine: Cela règle une partie des problèmes...

M. Filion: Notamment...

Mme Lépine: Au niveau fédéral.

M. Filion: Oui, mais le niveau fédéral, c'est le coeur du droit d'auteur.

Mme Lépine: Pardon?

M. Filion: Le fédéral lui-même a pleine juridiction sur le droit d'auteur qui est une bonne partie de la problématique que vous soulevez.

Mme Lépine: II n'y a aucun problème à la juridiction fédérale. Ce que je vous mentionnais tantôt, c'est simplement que les artistes, les auteurs et les créateurs font de plus en plus de contrats dans le cadre de leurs relations.

M. Filion: Oui, bon.

Mme Lépine: Et c'est dans le cadre du contrat, bien sûr, que ce soit verbal ou tout autre, que ce soit écrit en bonne et due forme, les auteurs et artistes sont de plus en plus au courant de ces droits-là, en profitent et essaient de les utiliser à bon escient, sauf que cela ne fonctionne pas toujours à cause du fameux déséquilibre que je vous mentionnais. Je vous donnerai comme exemples les auteurs que j'ai comme clients. Vous savez, quand on fait affaire avec une grosse maison d'édition comme Libre Expression, comme Les Éditions de l'homme de M. L'Espérance, où il y a une inégalité totale pour le petit auteur qui commence et qui désire publier un volume de 600 pages; ce déséquilibre ne se réglera pas demain matin. À moins qu'il ne soit un auteur connu et à succès, ce qui est rare ici au Québec, il devra accepter ce déséquilibre. Il n'est pas protégé parce qu'il devra conclure, bien souvent, des contrats à son désavantage pour publier son volume. C'est là le problème, parce qu'il y a un déséquilibre. Comme les forces ne sont pas égales d'un côté comme de l'autre, il devra souvent publier son livre avec des obligations incroyables comme d'en publier dix autres ou d'avoir 5 % de redevances - c'est incroya- ble - ou de céder ses droits totalement à la compagnie d'édition, sans qu'il puisse avoir des comptes. Avec la faillite récente de Leméac, bien des auteurs ont perdu énormément de redevances, et il s'agissait de contrats!

Mme Lemay: Je vais donner un exemple à propos de...

M. Filion: Je vous en prie, Mme Lemay. La lésion, oui.

Mme Lemay: Pardon?

M. Dauphin: La lésion, justement.

M. Filion: C'est-à-dire, la lésion...

M. Dauphin: On en a parlé tantôt, ça prévoit cela.

M. Filion: La lésion dont le député de Marquette parlait tantôt, l'article 1440, c'est-à-dire...

Mme Lépine: Oui, c'est cela.

M. Filion: ...les cas où il y aurait une telle disproportion entre ce que vous évoquez, une telle disproportion...

Mme Lépine: Oui, pour la lésion, il n'y a pas...

M. Filion: ...qu'il y a l'exploitation.

Mme Lépine: C'est pour cela que, dans les exemples que je vous donnais tantôt, je vous ai répondu à une question du domaine particulier des auteurs, c'est pour cela que je ne vous en ai pas parlé. En partie, la lésion règle ce problème-là. A ce moment-là, par le déséquilibre des forces, on pourrait vraiment régler par le rappel de cet article. Ce que je vous disais tantôt, c'est que le déséquilibre qui peut exister entre un auteur et la compagnie d'édition existe d'autant plus face à l'auteur ou le créateur, face à son client ou son professionnel ou face à la commande. C'est là-dessus qu'on veut les protéger. Moi, ce que je vous ai proposé dans cela, ce que la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec vous propose en fait dans cette réforme, n'est pas vraiment de prévoir la résiliation. Ce n'est pas cela, c'est tout simplement d'accorder un droit de regard, d'accorder un droit de redevance économique, que ce soit à l'employé, que ce soit à l'auteur ou face à son oeuvre. C'est-à-dire que dans les contrats bien souvent, on ne prévoit pas ce genre de clause. On ne mentionne pas la détérioration de l'oeuvre, on ne mentionne pas la perte partielle de l'oeuvre.

Ce qu'on vous dit c'est que, étant donné que vous avez touché le contrat d'oeuvre, étant

donné que cette partie vient affecter indirectement le droit d'auteur ou la création ou l'oeuvre en partie, pourquoi à ce moment ne pas prévoir que la perte partielle de l'oeuvre, même après sa délivrance, pourra toujours donner lieu à l'implication - si je peux appeler cela comme cela - de l'auteur? Pourquoi dans cette réforme, ne prévoit-on pas que, même si le client acquiert l'oeuvre, il devra tout de même consulter l'auteur, quant à son entretien, quant à son lieu d'exposition? Pourquoi ne pas le dire? L'auteur a quand même signé l'oeuvre; il a quand même un droit de regard sur cette oeuvre. Bien sûr, là je vous parle d'un cadre de peinture, je vous l'ai donné comme exemple, parce que c'est celui qui est le plus frappant. Mais cela peut s'appliquer aux arts visuels, cela peut s'appliquer à un tas d'autres choses. Cela peut s'appliquer même à l'exemple des chansons que donnait tantôt Mme Faubert. Cela peut s'appliquer à un tas d'affaires. Il devrait y avoir un droit de regard de donné au créateur sur son oeuvre. C'est dans ce sens. Quant au reste, le contrat d'oeuvre, je pense que les artistes, en sont généralement satisfaits. Vous voulez parler, Mme Lemay?

Mme Lemay: Je vais juste dire quelque chose. Quand vous parliez de la juridiction et de la Loi sur le droit d'auteur, je veux seulement donner un exemple. Nous, dans la musique, avec la première étape de la révision de la Loi sur le droit d'auteur, on a obtenu l'abolition de la licence obligatoire, ce qui signifie en gros que, depuis 1924, on a été payés 0,02 $ par chanson et que là on va peut-être pouvoir avoir 0,05 $. Donc, la Loi sur le droit d'auteur nous aide dans ce principe de base mais, maintenant il reste toute la question: Le producteur va-t-il le payer ces 0,05 $? Va-t-il envoyer ses rapports de vente de disques? C'est là que cela tombe dans une autre...

Mme Lépine: Ce sont les contrats.

Mme Lemay: Je voudrais juste dire un petit mot que je ne dirai pas à la fin - pendant que j'y pense - je crois que tout le monde est à peu près d'accord pour dire que le créateur est un des citoyens les plus démunis pour défendre ses droits. Il n'a jamais les moyens de poursuivre. Il est toujours mal placé pour faire des poursuites. Donc, voilà une excellente occasion de lui donner un outil et je vous encouragerais à penser à cela.

M. Filion: Un des problèmes des créateurs aussi c'est que leur oeuvre... Évidemment ils donnent le meilleur d'eux-mêmes pour produire leur oeuvre, mais une fois cette oeuvre-là entre les mains d'autres personnes, c'est là qu'elle prend des valeurs diverses et même souvent des valeurs augmentées. Souvent, l'artiste ne réalise pas la pleine valeur de son oeuvre, comme des fois elle peut aussi s'imaginer que la valeur de son oeuvre est bien au-delà de la réalité. Or, bref, c'est cette espèce d'évaluation qui ne sera jamais possible parce que c'est une oeuvre d'art par définition, et pour la plupart des gens de vos associations.

J'ai trouvé cela intéressant votre notion de droit de retrait de signature. C'est quoi exactement? Je sais que ça irait un peu avec le droit de regard dont vous parliez tantôt.

Mme Lemay: Oui.

M. Filion: Quelle forme pourrait prendre ce droit de retrait?

Mme Lemay: Si ce n'est que de passer un coup de pinceau sur la signature en bas d'une oeuvre, ça peut aller jusque-là. C'est d'enlever finalement le nom de l'auteur de l'oeuvre. Dans le cas que j'apportais tantôt en exemple, l'auteur aurait bien eu envie de se rendre au cégep avec un peu de peinture et d'aller rayer ce qui était lisible, c'est-à-dire son nom, afin de ne pas être identifié à cette oeuvre qui était détériorée et exposée au su et au vu de tout le monde... (12 h 30)

M. Filion: Bien oui...

Mme Lépine: ...et c'était aberrant. Cela a duré un an avant que monsieur ne s'en aperçoive. Alors, je trouve cela incroyable. Ce qu'on nous apporte dans ce temps-là, c'est qu'on n'est pas des experts en la matière, mais je comprends que les cégeps ou les clients ne sont pas des experts en la matière et c'est pour cela qu'on veut accorder un droit de regard de l'oeuvre à l'auteur ou au créateur; c'est pour cette raison, parce qu'ils ne sont pas des experts. Voyez, il ne faut pas la tête à Papineau pour ne pas coller deux peintures face à face, l'une contre l'autre, mais on l'a fait; les employés ne connaissaient pas cela. Alors on les a changées de place et on les a collées.

Je pense que l'auteur a subi là-dedans une perte beaucoup plus morale que pécuniaire. C'est une perte qui n'est pas évaluable. On a exposé une oeuvre dans laquelle il a investi beaucoup d'énergie et on l'a détériorée pendant un certain temps. C'est incroyable. Je pense que ces abus ne devraient pas exister. On devrait essayer de protéger ces auteurs-là en leur accordant un droit de regard, un droit d'entretien parce que ce droit est quand même très limité. C'est un droit de regard, c'est un droit d'entretien. Si, par exemple, le client décidait de faire une autre exploitation de cette oeuvre, comme prendre une sculpture, la photographier et l'envoyer aux quatre vents, je me demande alors pourquoi l'auteur n'aurait pas droit à des redevances. Pourquoi? C'est ce droit de regard qu'on veut protéger, c'est le droit pour l'auteur d'aller vérifier ce qu'on fait de son oeuvre, de vérifier si son oeuvre est bien entretenue puisque son

nom y apparaît et que sa réputation est en jeu.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

M. Filion: Et dans le même sens d'ailleurs, on a vu, il n'y a pas tellement longtemps un reportage à la télévision sur l'état de détérioration de certaines sculptures qui avaient été laissées finalement sans entretien. Je me souviens que les auteurs interviewés, à ce moment-là, tenaient à peu près votre langage, d'une façon encore plus crue parce que cela venait du coeur.

M. le Président, avec la permission de mes collègues de la commission, j'aimerais demander à notre conseiller juridique de l'Opposition, Me Gariépy, de vous adresser une dernière question pour notre côté.

Le Président (M. Marcil): Allez-y.

M. Gariépy: Juste une première remarque, dans la nouvelle modification à la Loi sur le droit d'auteur, les droits moraux qui ont été reconnus dans la loi semblent couvrir beaucoup de points que vous avez mentionnés, le droit à l'anonymat, le droit de sévir contre ceux qui utiliseraient l'oeuvre, qui est le bien, dans une cause qu'on n'aimerait pas. Il y a beaucoup de choses qui sont dites et qu'il est peut-être difficile de faire avec un droit de suite, de prévoir dans le Code civil comme étant un droit de suite sur l'oeuvre. Ma question est tout autre: je me demandais si vous aviez regardé les dispositions du contrat d'oeuvre du point de vue d'un contrat entre le propriétaire d'une galerie et peut-être une artiste qui ferait des statues ou des oeuvres sculptées. Je crois que, dans les usages des contrats d'approvisionnement, où un artiste jeune s'engage envers une galerie à donner toute sa production pour un certain temps, moyennant un cachet, un forfait ou un pourcentage... Je me demandais si vous aviez eu l'occasion de regarder les résiliations du contrat d'oeuvre qui pourraient trouver une application pour ce contrat ou cette entente avec certains propriétaires de galerie.

Mme Lépine: Quant à moi, je ne l'ai pas examiné personnellement, mais cependant, je pourrais peut-être laisser Louise répondre à votre question étant donné qu'elle est présidente...

Mme Page: ...du Conseil de la sculpture... Mme Lépine: ...du Conseil de la sculpture.

Mme Page: C'est que je n'ai pas fait finalement, l'analyse exhaustive de l'amendement, de la réforme, mais je pense que le fait de retirer une oeuvre parce qu'on l'a repeinte d'une couleur qui n'avait pas de rapport, ce n'est pas nécessairement évident. En tout cas, ce n'est pas de lecture facile. Je l'ai lu, je n'ai pas lu tous les chapitres, je suis allée lire seulement le contrat d'oeuvre, évidemment. Pour moi, il n'était pas clair que le retrait de la signature était possible ou qu'on puisse carrément enlever l'oeuvre. Le retrait de la signature, jusqu'à un certain point, je ne sais pas, peut-être que le client de Mme Lépine était d'accord pour mettre de la peinture sur son nom, mais je peux dire que, pour nous, ce ne sont pas des pratiques courantes, ce n'est pas tout à fait le moyen qu'on tient à prendre pour faire respecter soit nos droits d'auteur ou le statut de l'artiste qui font l'objet d'une nouvelle loi.

J'aimerais d'ailleurs ajouter là-dessus qu'autant le droit d'auteur que le statut de l'artiste ou la prochaine version du statut de l'artiste qui couvrira les arts visuels et qui sera déposée bientôt, sont des volontés politiques. Ce sont des lois qui sont là, mais elles doivent s'imbriquer dans toutes les autres lois qu'on doit adopter comme une reconnaissance d'une certaine catégorie d'individus, sauf qu'il faut être présent et aller où ça concerne des contrats, voir à ce que ce soit conforme à ces lois, autant aux lois fédérales qu'aux lois provinciales qui peuvent être adoptées.

Je pense que c'est de s'insérer un peu partout pour voir si tout est conforme dans l'avis, dans la politique ou dans tout ce qui est juridique, si on a notre place. En fait, c'est un grand travail et je pense qu'à ce titre, c'est un peu pour ça qu'on fait l'étude de certaines réformes de projet de loi sur différents plans, pour voir si on a bien prévu ce qui nous touchait, si on est bien protégés, parce que ce sont des lois qui sont un peu chapeaux, si on parle, par exemple, du droit d'auteur et qu'on pense à Ottawa, aux subventions, aux organismes qui accordent des subventions à des galeries, à des musées, à toutes sortes de gens qui, avec ces subventions ne respectent même pas les droits, le droit d'auteur, par exemple.

Donc, on doit retourner dans le contenu de la demande de subvention et dire: Est-ce que c'est prévu dans la nouvelle loi qui vient d'être adoptée? On aimerait que vous respectiez cette subvention et que vous la donniez sous condition. Je pense qu'on doit souvent revenir à la charge à l'égard de différentes lois. Je n'ai pas répondu vraiment à toute votre question, mais...

Mme Lépine: Pour répondre à votre question, à mon avis, si je lis bien l'article 2158, je pense que ce serait très applicable, en tout cas, le contrat d'oeuvre à une galerie et le rapport avec le sculpteur, l'artiste ou peu importe qui fait l'oeuvre. C'est sûr que l'artiste qui fait une oeuvre et dans la mesure où cet artiste fait une oeuvre et la cède à quelqu'un d'autre, il la cède pour vente. Dans la mesure où le sculpteur donne

sa sculpture ou son oeuvre à la galerie, il la cède. Il la cède pour vente, mais il la cède et la galerie peut la vendre à qui elle veut. Ce droit de regard de l'artiste, il ne l'a plus. Dans la mesure où la galerie a vendu son oeuvre, il ne lui appartient plus.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

M. Filion: Au nom, M. le Président, de l'Opposition officielle, je voudrais remercier la conférence d'avoir pris le temps de rédiger ce mémoire et de s'être déplacée pour nous faire valoir ce point de vue. Nul doute que vos réflexions alimenteront les réflexions plus générales portant sur l'ensemble du projet de loi. Je pense que vos préoccupations sont les nôtres. Ce ne sera jamais facile, cependant, ne serait-ce qu'à cause de la distinction qui existe du fait que vous vendez le bien, mais pas le droit de le reproduire, que le bien a une valeur dans la mesure où vous l'avez créé, etc. Ce n'est pas un secteur facile, mais j'ai l'impression qu'il y a des pistes importantes qui ont été évoquées aujourd'hui.

Mme Lemay: Je pense, de toute façon, qu'il n'y a pas beaucoup de risque à aider les créateurs parce que s'il y a eu de l'exploitation dans le passé, cela a toujours été du même bord.

M. Filion: Cela, c'est vrai.

Mme Lemay: Alors, pour une fois, on peut faire un effort carrément sur un bord et on ne se trompera pas, je crois. On vous remercie infiniment de nous avoir reçus.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: La même chose du côté du gouvernement du Québec. Les collègues ministériels vous diraient à quel point nous avons été heureux de vous recevoir et satisfaits de voir que vous voyez à vos intérêts. Au nom de l'équipe de la réforme du Code civil qui nous accompagne, premièrement on vous remercie. Deuxièmement, on va prendre en considération vos recommandations dans la limite de nos compétences législatives, évidemment, et nous sommes heureux...

Mme Lemay: Merci beaucoup. Mme Lépine: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 15 h 23)

Ordre des architectes et Association des architectes en pratique privée du Québec

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux et entendre en premier lieu l'Ordre des architectes du Québec et l'Association des architectes en pratique privée du Québec, représentés par M. Paul-André Tétreault, président de l'Ordre des architectes du Québec.

Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission parlementaire. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder immédiatement à l'explication de votre mémoire tout en sachant qu'il a déjà été examiné et analysé ici. Donc, si vous préférez laisser plus de temps à un échange de questions, libre à vous. Donc, je vous laisse le temps de présenter vos personnes et d'entamer immédiatement la discussion.

M. Tétreault (Paul-André): À ma gauche, se trouve Me Nicole Duval Hesler et immédiatement à ma droite, M. Pierre-Louis Rivest, président de l'Association des architectes en pratique privée du Québec et M. Raimondo Averna, président ex-officio de l'Association des architectes en pratique privée du Québec.

M. le Président, distingués membres de cette commission, l'Ordre des architectes du Québec et l'Association des architectes en pratique privée du Québec sont heureux de l'occasion qui leur est offerte de faire valoir leur point de vue concernant la réforme proposée au Code civil du Québec du droit des obligations. L'Ordre des architectes est une corporation professionnelle qui regroupe 2300 architectes. Les architectes utilisent un titre réservé et exercent des actes exclusifs. Tous les architectes sont actifs dans le domaine de la construction. Pour sa part, l'Association des architectes en pratique privée est un organisme à adhésion volontaire regroupant 354 bureaux d'architectes oeuvrant, comme son nom l'indique, en pratique privée. Les bureaux membres comptent en moyenne 3 architectes chacun. L'ordre et l'association ont conjugué leurs efforts en vue de la présentation d'un mémoire qui traite exclusivement du chapitre huitième de l'avant-projet de loi. Ce mémoire reflète la position de tous les architectes.

M. le Président, il n'est pas facile de s'adresser à cette sous-commission pour présenter une position différente de celle proposée par la réforme. Il serait évidemment plus commode pour nous de l'accepter telle quelle mais, en tant que représentant des architectes du Québec, je ne puis souscrire à une telle approche. La profession d'architecte n'a pas toujours été encadrée comme elle l'est présentement. En 1866, n'importe qui pouvait s'improviser architecte, la notion d'architecte étant assimilée à celle de bâtisseur. La rè-

gle de l'art était empirique plutôt que scientifique et l'éventail des matériaux et techniques était limité. Puisque les vices affectant la solidité des bâtiments étaient souvent lents à apparaître, le législateur a cru nécessaire de codifier une garantie suffisamment étendue en vue de protéger le public. Le siècle dernier nous a démontré à quel point la technologie pouvait évoluer rapidement, sans pour autant que le Code civil ne soit adapté en conséquence. L'utilisation de nouveaux matériaux ainsi que le développement de nouvelles techniques de vérification de la résistance des structures ont permis un degré de connaissance et de spécialisation difficilement prévisible en 1986. La technologie permet aujourd'hui d'évaluer, même en cours de construction, les matériaux et la construction elle-même. À titre d'exemple, la thermographie fournit un outil de vérification immédiate de l'enveloppe du bâtiment.

En lisant l'avant-projet de loi, nous avons été fort étonnés de constater la perception qu'a le législateur de l'industrie de la construction. Les dispositions de cet avant-projet indiquent une conception archaïque des relations et des processus de cette importante activité économique. C'est comme si, M. le Président, le législateur avait une peur bleue des conséquences de l'acte de construire. Incapable de départager les rôles et responsabilités de chaque intervenant, il les place dans un immense sac noir solidement ficelé et promet au public que, si quelque chose ne tourne pas rond, il tirera au hasard du sac un intervenant susceptible de réparer les dégâts. Or, la construction n'est pas une loterie ni un jeu de hasard. Les architectes croient, au contraire, que chaque intervenant a un rôle précis à jouer, auquel se rattachent des responsabilités tout aussi précises et limitées. La preuve que la construction est une loterie pour le législateur, c'est qu'il appelle tous les intervenants des professionnels, qu'ils soient architectes, ingénieurs ou entrepreneurs. Le groupe anonyme est encore plus élargi au moment de la solidarité, puisqu'on y ajoute le sous-entrepreneur et tout autre collaborateur qui conçoit, dirige ou surveille la réalisation de l'ouvrage, y incluant le promoteur qui vend l'ouvrage. Le législateur augmente encore plus le nombre des cibles possibles en y incluant le concepteur, même s'il n'a jamais été retenu pour surveiller les travaux.

Deux autres illustrations de ce phénomène ont trait aux règles extrêmement strictes contenues dans les articles 2166 et 2171. En effet, quant aux biens fournis par le client, la responsabilité de l'architecte devrait se limiter aux vices apparents, sans plus. Par exemple, quand on construit une station de métro à Montréal, le client fournit les systèmes d'escaliers mobiles, et l'architecte n'a qu'à les regarder passer. En ce qui concerne la règle des 10 % lorsqu'un prix approximatif est donné, le législateur s'immisce à outrance dans les relations contractuelles qui ne regardent que les parties concernées. Qui sait, peut-être qu'un jour les tribunaux jugeront cet article d'ordre public. Et quelles restrictions pour une industrie qui doit s'adapter constamment à des cas particuliers!

Nous disons archaïque aussi, puisque le législateur semble n'imaginer qu'un seul type de client dans son avant-projet de loi. Bien sûr, l'acheteur de maison existe, mais il n'y a pas que lui qui utilise les services professionnels de l'architecte. Il ne faut pas oublier que le client de l'architecte peut être tout aussi expert ou connaisseur en construction que le professionnel qu'il engage. Saviez-vous qu'en 1987, 64 % des réclamations dirigées contre les architectes provenaient des gouvernements, les municipalités étant à l'origine de plus de la moitié de ces réclamations. (15 h 30)

Nous croyons qu'en 1988 le client a souvent l'avantage économique sur l'architecte et n'est plus démuni de connaissances techniques précises. Pensons aux stations de métro, où le client est l'expert et donne les directives à l'architecte. Dans cette optique, nous avons peine à comprendre, entre autres, pourquoi l'architecte doit être présumé responsable en vue de la protection du public. Cette protection n'est-elle pas assurée par la présence des corporations professionnelles qui contrôlent l'exercice des professions par leurs membres et assurent un niveau de compétence qui réponde aux besoins de la société? Nous le croyons.

Les champs d'exercice exclusifs qui sont dévolus à 21 corporations professionnelles au Québec ne doivent pas être attribuables à une présomption de responsabilité. D'ailleurs, les architectes, à l'instar des ingénieurs, sont les seuls à être dotés d'un tel fardeau. Certes, l'architecte est un professionnel, mais pourquoi doit-il faire classe à part contrairement à tous les autres professionnels du Québec et même à ceux de l'Amérique du Nord? Par un souci d'équité cependant, les architectes sont prêts à être présumés responsables vis-à-vis du petit consommateur de résidence. Encore faudra-t-il définir qui est ce petit consommateur, et ce qu'englobe la notion de résidence. De telles dispositions pourraient se retrouver dans une loi particulière ou encore former un chapitre distinct du Code civil.

Bien sûr, nous sommmes prêts à collaborer afin que cette proposition devienne réalité. La position des architectes n'est pas d'éluder la responsabilité professionnelle qui leur incombe; au contraire, ils sont prêts à l'assumer, dans la mesure où une faute peut leur être imputée de la part du client expert.

M. le Président, je cède maintenant la parole à Me Nicole Duval Hesler, qui vous entretiendra des aspects légaux de nos préoccupations.

Mme Duval Hesler (Nicole): M. le Président, je vais commencer par vous citer des paroles qui sont attribuées, dans la dernière édition du

journal de l'Association du Barreau canadien, au sous-ministre de la Justice du Québec, Me Jacques Chamberland, qui est ici avec nous - j'ignorais qu'il serait ici, mais c'est une coïncidence heureuse - parce qu'il a indiqué, dans cet article, que la réflexion en profondeur qui est à se faire sur l'ensemble du Code civil avait certains buts, qu'elle visait à harmoniser le code à l'évolution de notre société, qu'elle visait à régler des conflits d'interprétation, qu'elle visait à nous donner des outils juridiques modernes, à nous mettre à l'heure des tendances modernes et à refléter davantage l'état d'avancement du droit en incorporant au code des théories développées par la doctrine ou des règles dégagées par la jurisprudence. Avec respect, ce que vous nous soumettez, ce que vous nous proposez au chapitre huitième, ne répond pas à ces objectifs. Et je vais vous expliquer pourquoi.

On a parlé - le président de l'Ordre des architectes en a parlé - de l'évolution qui se produit au niveau de la pratique de l'architecture. Je pense que le facteur majeur de cette évolution est la surspécialisation. On ne construit plus les bâtiments comme on les construisait. Les bâtiments sont maintenant un ensemble de systèmes. Il est sûr que l'architecte voit au tout. Il est sûr que l'architecte est le généraliste du bâtiment, mais il demeure que le bâtiment a évolué au point où on ne peut plus parler d'un bâtiment qui soit la conception unique de l'architecte. C'est une notion qui est dépassée. Ce que l'architecte fait, c'est qu'il intègre une foule de systèmes. Il est absolument vrai de dire que le client normal de l'architecte n'est pas le petit consommateur. Si vous voulez protéger le petit consommateur, il y a moyen de le faire. Il y a moyen d'assurer une garantie de cinq ans quelque part ailleurs, soit dans une section spéciale du Code civil, soit dans une loi sur la protection du consommateur, mais il serait erroné de tenir pour acquis, au départ, que les parties dont vous voulez régler, si on veut, les relations contractuelles, vont être l'architecte, d'une part, et le consommateur, de l'autre. Parce que le consommateur des services de l'architecte, à 75 % maintenant, est lui-même un expert du bâtiment, est lui-même un expert de la construction. Qu'on parle d'un client gouvernemental, qu'on parle d'un "développeur" de projets industriels, de projets commerciaux, de projets résidentiels, la réalité demeure: le client de l'architecte n'est plus le petit consommateur.

Cette réalité-là, avec respect, est ignorée dans l'avant-projet. Qu'est-ce qu'on fait? On maintient une présomption de responsabilité, une garantie qui est unique à la profession d'architecte et d'ingénieur dans la construction, qui leur est unique. N'y a-t-il pas des préoccupations de santé publique, des préoccupations de sécurité dans d'autres domaines? Pourtant, on n'exige pas du tout de l'avocat ni du médecin qu'il ait cette obligation de résultat, de garantie, si on veut, de son travail.

Alors, nous disons: Pourquoi placez-vous l'architecte dans une classe à part? Pourquoi lui, comme professionnel, ne serait-il pas astreint aux devoirs d'un professionnel et quels sont les devoirs d'un professionnel? C'est de suivre les règles de son art au mieux de ses connaissances, de son habileté et selon les principes reconnus de sa profession. Cela devrait être ça. Créer une présomption de responsabilité n'a pas sa raison d'être. Il n'y a pas de soutien doctrinal à cette création qu'on maintient dans le nouveau projet, je dirais, par inertie plutôt que par autre chose. Finalement, on va créer des problèmes d'interprétation. On étend la garantie, on y ajoute la détérioration, on songe à l'avance aux années de jurisprudence que cela va provoquer. C'est vrai, vous pouvez me dire, que dans un sens, la détérioration par la jurisprudence a été amenée dans une certaine mesure sous le cadre de l'article 1688; mais il reste que c'est une détérioration qui équivaut à la ruine du bâtiment. Alors là, on introduit une détérioration, un nouveau terme qu'il faudra interpréter. Évidemment, ce qui ressort de tout ceci, c'est que loin de démarginaliser l'architecte par rapport aux autres professionnels, on augmente sa marginalisation.

Alors, ce n'est pas une réforme qui s'inscrit dans le contexte moderne. Nous avons également souligné dans le mémoire que c'est une situation unique au Québec, en Amérique du Nord, et finalement vis-à-vis de tous leurs collègues de l'Amérique du Nord, les architectes ici sont encore une fois marginalisés. Cela n'a pas de raison d'être, on n'a avancé nulle part de justification. C'est ce que nous vous soumettons avec respect concernant le maintien de cette présomption de responsabilité.

Prenons un exemple: le cas des études du sol. Les architectes de nos jours ne font pas d'étude du sol. Pourquoi y aurait-il une présomption au départ qui les rend responsables, s'il y a un problème de vice de sol? L'autre anomalie, si on veut, c'est le maintien de la responsabilité conjointe et solidaire. Encore une fois, seul le Québec retient ce régime et ce régime de responsabilité conjointe et solidaire en matière non délictuelle est un régime d'exception. Quelle est la justification de placer encore une fois les architectes dans un régime d'exception? On ne peut pas deviner le motif sous-jacent à ceci mais, encore une fois, à ce niveau, ce n'est pas une avance, c'est un recul par rapport à la situation actuelle.

Il est à noter que les architectes, à l'heure actuelle - c'est quelque chose qu'ils souhaitent évidemment voir se modifier à l'avenir - n'ont pas le droit de s'incorporer. Nous soutenons au départ, que d'imposer la solidarité à des parties qui ne sont pas soumises nécessairement au même régime légal, dont une peut limiter sa responsabilité - et je pense surtout évidemment à l'entrepreneur - et l'autre, non. Nous vous disons qu'il y a une injustice derrière cela et

que cela ne devrait pas être prévu dans le Code civil. Encore une fois, ce n'est pas nécessaire, cela y est, pensons-nous, par inertie.

L'approche proclient de l'avant-projet dont nous vous parlons à partir de la page 7. Ce n'est pas que nous soyons contre l'approche proclient, mais nous vous disons qu'elle n'est pas justifiée dans le contexte d'un Code civil. Le Code civil s'adresse à tous les justiciables. Si vous voulez adopter des dispositions particulières aux consommateurs, particuliers aux clients consommateurs, insérez-les dans une section spéciale qui ne s'applique qu'à eux, mais ne faites pas des règles de droit qui tiennent pour acquis au départ que c'est le client prédominant ou c'est le client omniprésent, parce que ce n'est pas la réalité d'aujourd'hui.

Si vous voulez, dans une telle loi, dans une loi sur la protection du consommateur ou dans une section spéciale si l'on veut sur la construction du bâtiment résidentiel, protéger le client, sur ce plan, les architectes sont prêts à accepter que la présomption de garantie de cinq ans demeure, mais dans ce contexte-là uniquement. Il n'y a pas de raison de créer une présomption lorsque le client de l'architecte est lui-même un expert. C'est le cas, comme je vous le disais, de plus en plus souvent.

À partir de la page 9 de l'avant-projet, nous vous avons fait part de certaines parties qui nous paraissent inadéquates au point de vue de la rédaction. Je vous fais remarquer ici, et vous l'avez sûrement constaté, qu'il y a également une analyse ponctuelle, article par article, qui se retrouve à l'annexe 1 de l'avant-projet. Il serait évidemment fastidieux de reprendre tous ces termes. Il y en a plusieurs qui vous ont déjà été mentionnés. Le mot "professionnel" par exemple, le mot "détérioration", le mot "réception avec réserve". Nous vous disons également que souvent la rédaction n'ajoute rien. L'article 2164 par exemple, ce n'est pas le titre attribué à un contrat qui en détermine la portée juridique, mais bien son contenu obligationnel; c'est cela qu'il faudra regarder à tout événement. Nous vous disons également que la rédaction ne reflète pas la réalité. Nous vous citons comme exemple l'article 2161 qui impose aux professionnels d'exécuter personnellement le contrat, alors que nous savons qu'avec la nouvelle définition du "professionnel" qu'on envisage dans la réforme du Code civil, le professionnel sera souvent une personne morale.

Nous avons également fait des commentaires sur la notion de contrat d'oeuvre. Nous ne croyons pas qu'il soit heureux de vouloir regrouper deux types de contrats qui, bien qu'ils soient tous deux caractérisés par l'absence d'un lien de subordination, prévoient, par ailleurs, des obligations de nature différente, soit l'obligation de résultat dans le cas du contrat d'entreprise et l'obligation de moyens ou de diligence dans le cas du contrat de services.

D'ailleurs, cette distinction, fondée sur la nature intellectuelle ou matérielle de l'oeuvre, nous paraît très ténue et très difficile à appliquer, et je pense que nous ne sommes pas les seuls à avoir ce point de vue.

Nous vous avons également parlé de la responsabilité des architectes: obligation de moyens ou de résultat. C'est un point que nous développons à partir de la page 18. Comme je sais que vous avez lu le mémoire, je ne m'étendrai pas là-dessus et je vais tout simplement passer à nos recommandations principales sur la rédaction du chapitre huitième.

La première: maintenir la distinction traditionnelle entre le contrat d'entreprise et le contrat de services. J'ajouterai que tout le monde, à notre connaissance, semble d'accord pour que cette distinction soit maintenue.

La deuxième: restreindre l'utilisation du mot "professionnel" à l'architecte et à l'ingénieur et utiliser le mot "entrepreneur" dans les dispositions qui ne sont pas applicables aux contrats de services professionnels, mais qui visent plutôt d'autres intéressés, tels l'entrepreneur ou le promoteur immobilier. Là-dessus, je note que les entrepreneurs sont flattés de se faire appeler professionnels mais, par contre, qu'ils sont d'accord avec nous pour ne pas être définis comme professionnels. Alors, je pense que cela fait l'unanimité. L'usage du mot "professionnel" entraînera de la confusion. Pourquoi ne pas éviter ce problème dès le départ et appeler les gens par le nom qui leur convient?

Nous recommandons de définir l'obligation de l'architecte comme étant une obligation de moyens, parce que l'architecte est le conseiller du client sur le travail accompli par l'entrepreneur. Ce n'est pas l'architecte qui réalise la construction du bâtiment.

Nous recommandons de ne pas assujettir l'architecte à la limite de 10 % sur le prix approximatif de la construction. Notre analyse ponctuelle explique très bien pourquoi.

Nous recommandons de conserver la notion de fin des travaux comme élément déterminant du moment du paiement, de la levée des garanties et du point de départ de la prescription. Il y a un consensus concernant l'ambiguïté des termes introduits par le projet de réforme. Ce sont les termes "réception", "délivrance", "réception avec réserve", "réception sans réserve". Alors, pourquoi ne pas conserver une notion sur laquelle il existe une abondante jurisprudence? Pourquoi encourager, encore une fois, des années d'incertitude et de flottement en attendant que la jurisprudence soit fixée sur ces nouveaux termes, alors que la notion de fin des travaux existe, est pratique et, somme toute, fonctionne? (15 h 45)

Nous recommandons d'éliminer la présomption légale de responsabilité de l'article 2183 de l'avant-projet. Nous remarquons que cette recommandation, qui est la sixième, est la seule, avec la troisième qui lui est reliée, sur laquelle il n'y a pas unanimité. Sur le reste de nos recomman-

dations, il semblerait que nous ayons un consensus. Même sur ces deux recommandations, je pense que nous avons des appuis partiels importants dans la position d'autres intervenants qui sont venus vous faire des représentations ou qui vont venir vous en faire.

Nous recommandons de ne pas assujettir l'architecte à la garantie de parfait achèvement parce que son rôle en est un de conseiller et d'intermédiaire entre le client et l'entrepreneur. Encore une fois, ce n'est pas lui qui réalise le bâtiment.

Nous recommandons d'éliminer la responsabilité conjointe et solidaire de l'architecte avec l'ingénieur et l'entrepreneur en soulignant qu'il n'existe aucun lien contractuel entre eux. Le lien contractuel est avec le propriétaire et c'est lui qui choisit l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur. Alors pourquoi à ce moment-là décréter une solidarité entre ces gens?

Finalement, nous recommandons d'inclure dans une loi sur la protection du consommateur les dispositions qui sont nécessaires pour protéger le client qui n'est pas un expert du bâtiment.

En résumé, nous soulignons que les architectes oeuvrent à une échelle sûrement nord-américaine et même mondiale. Cela est connu. La planète se rapetisse. C'est un phénomène qui se produit et qu'on ne peut pas ignorer. Alors, on ne doit pas marginaliser l'architecte dans ce contexte. Il faut donc que les architectes soient soumis au même régime que ceux de tous leurs collègues nord-américains et qu'ils soient astreints à une obligation de moyens comme leurs collègues nord-américains.

Enfin, il faut que les architectes soient responsables des conseils qu'ils donnent, mais pas du travail de l'entrepreneur et des tiers. Alors, c'est notre mémoire.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, maître. Compte tenu que nous avions 30 minutes pour chacun des groupes à venir, vous avez à peine cinq minutes pour vos questions. Donc, je recevrai une question de part et d'autre.

M. Filion: Je suis consentant, M. le Président, à ce qu'on puisse prendre le temps qu'il nous faut, surtout pour un mémoire très bien fait et très intéressant. Alors, il y a consentement. On prendra le temps qu'il nous faut...

M. Dauphin: Sur le même sujet...

M. Filion: ...mais tout en gardant à l'esprit évidemment que nous aurons d'autres groupes cet après-midi.

M. Dauphin: Sur le même sujet, M. le Président, effectivement, je pense qu'on peut déborder.

Le Président (M. Marcil): D'accord. Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom du ministre de la Justice du Québec et des collègues ministériels, nous aimerions souhaiter la bienvenue à l'Ordre des architectes du Québec et à l'Association des architectes en pratique privée du Québec, et les remercier de participer à nos travaux. J'aimerais aussi les féliciter pour la préparation et la présentation de leur mémoire, mémoire qui est quand même direct, précis, clair et réfléchi. Ceci m'amène d'ailleurs à vous poser la première question.

Évidemment, vous dénoncez le fait que l'avant-projet de loi maintient la présomption légale de responsabilité dans l'article 1688 actuel. Vous dites qu'il faut repousser la présomption légale de solidarité, ce qui est une dérogation au régime général de droit commun, et que la solidarité est foncièrement contraire aux impératifs de justice et d'équité. J'aimerais vous entendre sur le deuxième alinéa de l'article 2185 de l'avant-projet de loi qui prévoit que le professionnel peut se décharger de cette responsabilité. Alors, Me Duval Hesler.

Mme Duval Hesler: Quoi de plus normal que d'avoir le droit de se défendre! Finalement, c'est tout ce que l'article 2185 dit. Il donne le droit de se défendre avec les moyens habituels de défense qu'on a dans toute action. Il est reconnu que, quand on s'adresse à une cour de justice, la partie qui demande le changement du statu quo a le fardeau de la preuve et c'est ce qui n'existe pas dans le cas des architectes. Il existe une présomption, le fardeau de la preuve est déplacé vers la demande à la défense. La demande n'a même pas, sauf d'une façon limitée, à établir le reproche - si on veut - qu'elle adresse à l'architecte; il lui suffit d'établir que certaines choses se sont passées et c'est à l'architecte de se débrouiller avec l'affaire et, lui, d'aller trouver le vrai coupable. Ce que nous vous disons, c'est que ce ne sont pas là les règles qui s'appliquent normalement dans toute action intentée devant nos cours de justice. C'est une dérogation au droit commun dans ce sens-là.

L'article 2185 dit: Vous avez le droit de vous défendre. Belle affaire! Nous, ce qu'on vous dit c'est: Pourquoi est-ce que, non seulement on a le droit de se défendre, mais pourquoi lorsqu'on s'adresse à nous sous l'article 2185 n'a-ton pas le fardeau de prouver le reproche qui nous est adressé? Alors, c'est notre réponse: C'est une dérogation au droit commun, il n'y a aucun doute là-dessus. Tous les auteurs le reconnaissent. Je ne connais pas d'auteurs québécois qui favorisent le maintien de cette présomption et c'est pourquoi je me suis permis de vous dire: Je pense qu'elle est là par inertie.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Ma question

s'adresserait peut-être à M. Tétreault. Dans la pratique courante dans votre profession, comme architecte, est-ce que cela se produit souvent que l'entrepreneur, par exemple, fasse faillite et que la responsabilité étant solidaire, évidemment c'est l'architecte ou l'ingénieur qui écope? Je ne sais pas si vous pourriez nous parler de ce qui se produit en pratique.

M. Tétreault: Vous touchez un point bien important. Cela ne se produit peut-être pas très souvent mais la plupart du temps quand il y a un litige cela se produit parce que l'entrepreneur peut disparaître à un court avis, il fait cession de ses biens ou change de nom. On a souvent des entrepreneurs qui changent régulièrement de nom, ils passent les biens et, finalement, ils ne passent pas la responsabilité. Le problème pour les architectes c'est d'être seuls devant les poursuites. Il est solidaire avec l'entrepreneur mais l'entrepreneur n'est plus là. C'est un des problèmes majeurs et l'architecte ne peut pas se défiler de ces causes-là. Je ne sais pas si Me Duval Hesler veut rajouter un peu là-dessus.

Mme Duval Hesler: Le point fondamental, c'est que pour l'entrepreneur c'est facile d'opérer une réorganisation corporative. C'est l'enfance de l'art. Il y en a même, je dirais, dont c'est le deuxième métier. Ha, ha, ha! C'est tout aussi important pour eux, si on veut, que de faire du bâtiment. Alors, c'est là que la solidarité devient inique parce que vous avez deux parties qui ne sont pas susceptibles d'avoir les mêmes recours à des réorganisations du genre pour limiter leurs responsabilités. Les architectes - je ne perds pas cela de vue - ont demandé, effectivement, d'acquérir le droit de s'incorporer mais, là encore, non pas pour échapper à leurs responsabilités professionnelles, mais tout simplement pour fonctionner plus facilement, comme beaucoup de professionnels souhaitent pouvoir s'incorporer de nos jours. Donc, vous avez une partie qui, elle, a la possibilité d'échapper facilement à ses responsabilités professionnelles et vous en avez une autre qui est présumée responsable pour le même travail qu'elle n'a pas réalisé et qui, finalement, va être la seule, comme on dit en anglais, "holding the bag". Quand on vous parle du sac noir, ce qui se produit exactement, c'est ça dans la réalité des choses. Il faut regarder les conséquences pratiques et concrètes des dispositions législatives qu'on adopte. Et, la conséquence pratique et concrète de cette présomption, c'est qu'elle est inéquitable vis-à-vis de l'architecte et, finalement ce que je n'ai pas encore compris, c'est la raison d'être de cette présomption aujourd'hui, dans le contexte de 1988. J'aimerais que quelqu'un me dise pourquoi c'est nécessaire, par opposition à tous les autres domaines où l'on aurait besoin d'assurer la sécurité du public.

M. Dauphin: Ce qui m'amène, si vous per- mettez, M. le Président, à une deuxième question sur le terme "professionnel". Plusieurs organismes nous ont fait des représentations quant à l'utilisation du terme "professionnel", notamment au niveau du contrat d'oeuvre: certains allèguent que ce terme est réservé, en vertu du Code des professions, aux seuls professionnels visés audit code; d'autres allèguent que le terme est trop flou. Cependant, dans le langage généralement parlé, on retrouve souvent ce terme utilisé dans un tout autre contexte, par exemple, un sportif professionnel ou un professionnel de la santé, etc. Alors, auriez-vous une suggestion à apporter pour remplacer, finalement, le terme professionnel?

Mme Duval Hesler: Je pense que la solution serait d'appeler les gens par leur nom. Les professionnels, les appeler "professionnels", et les non professionnels, les entrepreneurs, les appeler "entrepreneurs". Pourquoi insister pour mettre absolument tout le monde dans le même panier? Cela va régler quoi, finalement? Nous nous sommes livrés à un exercice qui était de remplacer, chaque fois qu'on voyait un article de l'avant-projet, le mot "professionnel" soit par le mot "architecte", soit le mot "entrepreneur". Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de dispositions n'ont vraiment trait qu'à l'entrepreneur, l'architecte n'étant aucunement visé. Alors, ce que nous disons, c'est: Appelons les gens par leur nom, faisons des lois claires, parlons du professionnel quand vraiment il s'agit d'un professionnel. Je suis d'accord avec vous pour dire que, dans le langage courant, on utilise le mot "professionnel" pour autre chose que les gens qui sont visés par le Code des professions, c'est vrai. Mais, le fait est qu'il faut s'attarder à essayer de pondre des textes législatifs clairs, et le fait est que l'usage du mot "professionnel" dans ce contexte-ci va mener à la confusion. Tout le monde le décèle, tout le monde le voit, tout le monde voit le danger. Donc, il me semble qu'il serait simple et une partie du problème serait résolue si on n'insistait pas pour fondre en un seul contrat le contrat d'oeuvre, le contrat de services professionnels et le contrat d'entreprise. Si on maintenait cette distinction entre le contrat d'entreprise, qui consiste à réaliser une oeuvre matérielle et le contrat de services, on réglerait une grande partie de la confusion qui va inévitablement s'installer. Alors, je pense que la solution est là. Il faut à la fois retenir les deux types de contrat. Cela donne quoi, est-ce si important, de toute façon, d'appeler ça "contrat d'oeuvre"? C'est de la terminologie. Est-ce si important d'en éliminer un? Il y en a déjà tellement de contrats dans notre code, il y a tellement de contrats innommés, pourquoi faut-il absolument se débarasser des mots "contrat de services", ou "contrat d'entreprise" pour refondre cela en "contrat d'oeuvre" et essayer d'englober les deux? Quel est l'objectif qu'on réalise avec ça? Il ne faut pas tomber

dans le nominalisme, appelons les choses par leur nom, c'est un contrat d'entreprise? C'est un contrat d'entreprise. C'est un contrat de services? C'est ce que c'est. Vous allez voir qu'il y a une grande partie de la confusion au sujet des professionnels qui va disparaître en même temps.

M. Dauphin: Très intéressant. Merci. Je crois que ma collègue de Groulx aurait également une question avec la permission du député de Taillon.

Le Président (M. Marcil): J'espère que M. le sous-ministre prend bonne note des remarques de madame. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Nous sommes là pour leur rappeler cela, quand même. Pour l'article 2160 de l'avant-projet de loi, vous affirmez à la page 18 de votre mémoire que l'obligation de résultat imposée aux architectes est discriminatoire face aux autres professions qui n'ont qu'une obligation de moyen. Or, les autres professionnels, lorsqu'ils accomplissent une oeuvre principalement matérielle, sont aussi soumis à une obligation de résultat. Je pense ' entre autres au dentiste qui fait l'obturation d'une dent et qui doit certainement produire un résultat. Ne croyez-vous pas qu'il soit normal de s'attendre à un résultat dans un tel cas?

Mme Duval Hesler: Je dois vous avouer que je suis en désaccord avec vous là-dessus. Le dentiste n'a pas une obligation de résultat. Vous pouvez, pour une raison quelconque qui vous est particulière, présenter une difficulté extraordinaire pour l'obturation de votre dent et, malgré ses efforts, sa diligence, son talent, son habileté, ses connaissances, ses compétences, il va finir par être obligé de vous dire que vous allez perdre votre dent. Il n'a pas l'obligation de sauver votre dent. Il n'a que l'obligation de faire de son mieux. Moi je n'ai pas l'obligation de gagner ma cause, Dieu merci, s'il fallait que je ne sois payée que lorsque je gagne mes causes, je vivrais pauvrement.

Des voix: Ha, ha, ha.

Mme Duval Hesler: Ce que nous disons c'est que le médecin n'a pas l'obligation de guérir son patient. Pourquoi dans le cas de l'architecte, qui ne réalise même pas l'oeuvre, au plan matériel, lui imposez-vous l'obligation que l'édifice se tienne debout? Je reconnais que c'est souhaitable que l'édifice se tienne debout, c'est ce que nous voulons tous. Les édifices vont se tenir debout si vous faites de bons architectes, bien formés et que les licences ne soient pas données à des incompétents. C'est ce qui fera que les édifices se tiendront debout, mais ce n'est pas en imposant une fiction légale qu'on règle un problème de compétence ou de sécurité du public. Alors ce n'est pas vrai de dire que le dentiste a une obligation de résultat, il a une obligation de moyen. Mais l'architecte, lui, a une obligation de résultat. (16 heures)

Mme Bleau: Mais si, à un certain moment, l'entrepreneur peut prouver que c'est à cause des plans de l'architecte que la maison ne tient pas debout, à ce moment-là est-ce qu'il y aura quand même des moyens de se retourner vers l'architecte?

Mme Duval Hesler: Absolument, nous voulons que l'architecte demeure responsable de ses fautes, c'est essentiel. Nous ne voulons pas que l'architecte jouisse d'une exonération totale de ces obligations contractuelles et légales. Tout ce que nous voulons c'est qu'il soit astreint au même régime juridique que n'importe quel justiciable, qu'en partant il ne se voie pas automatiquement chargé du fardeau de la preuve qu'il est architecte. C'est tout, mais si vous pouvez démontrer que les plans sont mal faits, il paiera la note. Il est prêt à payer la note mais ça sera déterminé selon les règles habituelles et non selon un régime particulier qui le marginalise. D'ailleurs on me dit, mais j'avoue n'en avoir aucune connaissance personnelle, que dans les seuls autres pays où on retrouve ce genre de dispositions, ce sont des pays de droit civil, pas tous, en passant, et ils n'ont pas la solidarité pour la plupart. Ils peuvent avoir la présomption légale de responsabilité mais ils n'ont pas de solidarité avec l'entrepreneur, ce qui est très important parce que les deux dispositions jouent ensemble pour créer une situation qui est particulièrement inique dans le cas d'acheter. Mais on me dit que ça crée des problèmes dans les pays de droit civil et que, finalement, les architectes deviennent marginalisés par rapport au bois spécialisé de construction et au bois spécialisé de bâtiment. Est-ce que c'est ça que vous voulez? Je ne le pense pas. Je pense qu'au contraire le législateur doit essayer de grandir le rôle de l'architecte qui, somme toute, est le protecteur du client vis-à-vis de l'entrepreneur. C'est ça qu'on devrait favoriser et non l'inverse, pas nous mettre dans le même sac que l'entrepreneur.

On devrait veiller à ce qu'il exerce de façon efficace son rôle de conseiller du client. Souvent, il le fait. Souvent l'architecte est en conflit directement ou indirectement avec l'entrepreneur. Ce que je dis, c'est que finalement, il y a une inversion de rôle qui est curieuse et qui n'a pas sa raison d'être.

Le Président (M. Marcil): Cela va. M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. M. Tétreault, messieurs et Me Duval, je voudrais vous remercier pour votre mémoire qui représente sûrement un mémoire parmi les mieux faits que nous ayons reçus. Il est extrêmement

fouillé, fait le tour de la question qui vous concerne évidemment, plus directement la question des architectes qui est, d'une façon, quand même supérieure. Je pense qu'on doit l'admettre. Votre mémoire contient d'abord quelques énoncés au niveau des principes de responsabilité et également plusieurs remarques spécifiques sur telle ou telle partie de l'avant-projet de loi.

Alors, mes remarques et questions porteront sur les principes généraux que vous avez évoqués. La démonstration reste assez séduisante, je pense qu'il faut le dire. L'obligation de résultats, en ce qui concerne les professionnels, à ma connaissance, je ne connais pas d'autres professionnels qui sont soumis à une obligation de résultat. Par contre, tantôt vous posiez la question à Mme Duval Hesler, pourquoi les architectes auraient cette obligation de résultat alors qu'elle n'existe pas ailleurs? Je dis souvent qu'on ne devrait pas se faire l'avocat du diable. Il est suffisamment bien représenté dans notre société, mais pour répondre à votre question, je me ferai un peu l'avocat du diable. J'ai l'impression que le législateur n'a pas voulu que ça arrête quelque part. Si le pont tombe, on voudrait que les gens qui auraient le droit de s'imaginer que le pont était de sécurité relative, puissent avoir un recours quelque part.

Si un édifice tombe, c'est un édifice public parce qu'évidemment une partie de vos travaux est publique. On restaure beaucoup d'édifices, on en construit des neufs, les gens se promènent dedans, l'accès est public. Sans avoir fait d'étude poussée, mon impression est qu'à un moment donné les législateurs à l'époque ont voulu qu'on statue quelque part, sinon les gens se promèneraient un peu partout dans les endroits publics. Ici, ma foi, au parlement, le plafond nous tombait sur la tête, on aimerait savoir à qui s'adresser pour être indemnisé. Vous les premiers.

Il convient de se poser la question: Est-ce qu'en 1988 ce type de responsabilité, qui est nettement supérieure, bien que l'avant-projet de loi, vous l'admettrez, constitue une amélioration, il demeure que pour vous cette responsabilité confie un fardeau qui est beaucoup trop lourd et qui, je pense, ne convient pas non plus à la réalité de votre métier où l'architecte agit auprès de clients qui connaissent pas mal bien tous les minisystèmes ou les microsystèmes qui rentrent dans l'édifice?

Ma question s'adresserait peut-être à Me Duval et prendrait la forme suivante. Ce citoyen veut être protégé à un moment donné et si l'architecte n'a qu'une obligation de moyens, si l'architecte peut aussi s'incorporer comme l'entrepreneur, on risquera de frapper dans le vide. Alors, j'aimerais que vous puissiez réagir à ces propos un peu diaboliques, mais volontairement diaboliques.

Mme Duval Hesler: II faut replacer les choses dans leur contexte. Je me suis demandé pourquoi cela existait effectivement la présomption de responsabilité, la garantie de cinq ans. Il faut songer que notre Code civil nous vient, tout le monde le sait, du Code français et il faut songer que le Code français est une codification de la coutume existante. Donc, on remonte loin. On ne vous parle pas de l'ère moderne. C'est la codification d'une coutume qui existait alors que l'architecte était le bâtisseur, alors que la profession d'architecte n'existait même pas. Donc, c'était normal, on voulait que cela arrête quelque part. C'était une oeuvre matérielle, c'était le bâtisseur. On lui disait: Ton édifice va se tenir debout. Cela vient de là.

Ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que la situation a évolué. Vous ne pouvez pas, en 1988, prétendre que l'architecte est encore le bâtisseur. En connaissez-vous un seul? Moi je n'en connais pas. L'argument dit "la sécurité du public". La thalidomide, cela a été grave au point de vue de la sécurité du public. Il n'y avait pas de présomption contre le fabricant du médicament. Si c'est une question de responsabilité du public, vous allez créer des présomptions à gauche et à droite et partout. Il va y avoir une présomption pour Saint-Basile-le-Grand. Il va y avoir une présomption pour la MIUF, il va y avoir une présomption pour un tas de choses. C'est sûr qu'on le voudrait, mais il n'y a pas d'assureur universel en ce bas monde. Cela n'existe pas. Cela ne cadre pas avec la réalité. Pourquoi, dans le cas de l'architecte, voulez-vous qu'il soit l'assureur universel des usagers d'un bâtiment? C'est à peu près cela.

M. Filion: En vous écoutant parler, je suis convaincu que la majorité des professionnels ont subi, au cours des dernières années, des augmentations de prime d'assurance assez faramineuses. Comme votre situation légale est celle qui est fort bien décrite par Me Duval, est-ce que le président de l'ordre pourrait me donner une idée de ce que pourrait être actuellement, l'ordre de grandeur d'une prime d'une police d'assurance pour un architecte actif dans le milieu des édifices publics?

M. Tétreault: C'est très élevé. Le seul exemple que je peux vous donner concrètement, c'est ma propre prime. Vous n'aimerez pas entendre cela. Mon principal client c'est le gouvernement de la province de Québec et ses filiales, c'est-à-dire les hôpitaux, etc. Je payais, il y a trois ans, une prime de 0,9 % des honoraires gagnés. En un an, pour avoir la même protection, la prime est passée à 7 %. Ceci, parce que j'ai un client difficile. Je n'ai jamais eu de réclamation en 20 ans, mais j'ai un client qui est gouvernemental. On me dit: Parce que vous avez un client gouvernemental, votre prime est 7 %. Cela vous donne un exemple. Pierre-Louis peut vous donner plus d'exemples, parce qu'il a eu affaire à cela.

M. Rivest (Pierre-Louis): À titre de président des 350 bureaux que je représente, les architectes en pratique privée du Québec, on a fait une enquête auprès de nos membres. Comme l'a dit M. Tétreault tout à l'heure, chez nos membres, en moyenne, les pourcentages facturés par les assureurs varient entre 1,3 % et 5,4 % du chiffre d'affaires brut des bureaux. On parle donc avant impôt. Si vous avez un bureau qui fait 200 000 $ d'affaires, vous calculez jusqu'à 5,4 %. J'empiète un peu sur un autre sujet, lorsque c'est le bureau d'architectes qui retient les services d'autres professionnels, par exemple, d'ingénieurs-conseils ou d'autres experts conseils, les compagnies d'assurances à ce moment calculent même les primes. Donc, c'est l'architecte qui paie une surprime sur même des honoraires qu'il ne touche pas, des honoraires qu'il verse. Toujours le même exemple avec les 200 000 $, s'il a eu 50 000 $ d'honoraires qui devront être versés à d'autres professionnels, les 5,4 % sont calculés tout de même sur cela. C'est exorbitant, je pense que nous sommes l'une des professions les plus taxées par rapport à l'assurance professionnelle.

M. Filion: Donc, en ce qui nous concerne, je voudrais au nom de l'Opposition officielle remercier les représentants de l'Ordre des architectes du Québec et l'Association des architectes en pratique privée du Québec. J'ai remarqué dans le document que vous n'avez pas hésité à faire des comités pour préparer le mémoire, donc à faire le tour de vos membres pour aller chercher des conseils juridiques appropriés. Cela a donné un excellent mémoire. Il y a un dialogue, en ce qui me concerne, qui est fort fructueux. Il reste à savoir quelle saveur aura le projet de loi lui-même qui modifiera le Code civil. Nul doute que vos commentaires de cet après-midi sauront alimenter la réflexion de l'équipe du ministère de la Justice. Merci. Cela va.

M. Dauphin: M. le Président, je crois qu'avant de vous remercier, avec le consentement des membres de la commission, M. Rivest aurait une petite conclusion de deux minutes à nous faire.

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y.

M. Rivest: Si vous le permettez, M. le Président. Deux minutes au maximum. M. Tétreault a parlé au nom de l'ensemble des architectes. Je parle, comme j'ai dit tout à l'heure, au nom de 350 bureaux d'architectes en pratique privée du Québec. Comme on vient de vous l'exposer, être architecte, c'est beaucoup plus qu'imaginer l'apparence de nos édifices. L'architecte est l'un des principaux intervenants du domaine de la construction. Son rôle dans l'industrie est sans égal et son intervention se veut globale. Il produit des plans et devis, non seulement à l'image des besoins de ses clients, mais aussi en conformité au code et à la réglementation en vigueur. Il est préoccupé de la sécurité des utilisateurs actuels et futurs du bâtiment. Les architectes sont très conscients de la nécessité de protéger le client en matière de construction. Sur ce plan, dans la pratique quotidienne, les architectes jouent d'abord et avant tout un rôle de protecteurs du consommateur auprès de l'entrepreneur, du promoteur ou du client. Le milieu de la construction est fort complexe et mérite, nous croyons, une législation claire, libre de toute ambiguïté. L'écart créé entre le rôle de l'architecte et les dispositions actuelles du Code civil rend la situation intolérable et le deviendra davantage advenant l'adoption de l'avant-projet tel que proposé. Il suffit de penser à la responsabilité conjointe et solidaire de l'architecte, de l'ingénieur et de l'entrepreneur dont on a parlé abondamment.

Comme vous le savez sans doute, une construction fait appel à une multitude d'intervenants qui sont normalement choisis un à un par le client. L'architecte n'exerce aucun contrôle, ni sur ce choix, ni sur les méthodes de travail de ces intervenants. De plus, chacun d'eux fonctionne selon un statut juridique différent, comme on en a parlé. Certains ne peuvent même pas s'incorporer.

À notre avis, il est démesuré que ces intervenants soient solidairement responsables entre eux puisque aucun ne choisit avec qui il collaborera. D'ailleurs, nous comprenons que d'autres représentants du domaine de la construction, ayant présenté des mémoires, sont unanimes sur ce point.

L'évolution technologique a permis à l'architecte d'innover. Il serait ironique que le législateur, en tentant de moderniser le Code civil, impose à l'architecte des contraintes tellement sévères qu'il confine ce dernier à un conservatisme démodé et ce, au détriment de la qualité de vie des utilisateurs de ses services. Dans sa forme actuelle, l'avant-projet de loi ne tient aucunement compte de la réalité de cette fin de siècle et impute aux architectes une responsabilité démesurée, une responsabilité aujourd'hui accrue qui échappe à leur contrôle effectif. L'avant-projet de loi est, à plusieurs égards, inéquitable pour les architectes et nous ne voyons pas en quoi les Québécois seraient mieux servis ou protégés par des dispositions largement impraticables ou irréalistes. Les architectes veulent assumer la responsabilité professionnelle qui leur incombe. Nulle part ailleurs en Amérique du Nord avons-nous décelé des obligations aussi lourdes imposées aux architectes. En effet, nos confrères nord-américains sont tenus à des obligations de moyens et leurs clients s'en portent très bien. Les architectes souhaitent trouver un réel équilibre des responsabilités dans un Code civil révisé, un code où ils seront responsables de leurs actes professionnels et non

de ceux posés par des tiers. Les architectes demandent donc au législateur d'examiner minutieusement les mémoires présentés cet après-midi et discutés et d'apporter le plus rapidement possible les modifications qui s'imposent.

M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous remercie beaucoup de nous avoir entendus. (16 h 15)

M. Dauphin: Encore une fois, au nom du ministre de la Justice, de mes collègues ministériels ainsi que de l'équipe de réforme du Code civil qui nous accompagne, on aimerait vous remercier encore une fois pour votre participation et vous dire, comme mon collègue de Taillon vous l'a mentionné, que c'est un avant-projet de loi. Alors, cela fera encore l'objet d'études attentives et vous pouvez être assurés que vos représentations seront étudiées avec beaucoup d'intérêt. Merci de votre participation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Une voix: Merci, M. le Président.

Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal

Le Président (M. Marcil): Je demanderais maintenant aux membres de l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal de prendre place à l'avant. Cela va? Me Diane Girard et Mme Louise Rozon, représentantes de l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire.

Nous avons une période de 30 minutes pour vous écouter et vous questionner, tout en sachant, à l'avance, que votre mémoire a déjà été travaillé et analysé par les membres de cette commission. Si vous voulez procéder immédiatement pour dix minutes d'exposé. Ensuite, on pourra en discuter.

Mme Girard (Diane): D'accord. Merci beaucoup. Je voudrais seulement présenter brièvement l'ACEF du centre de Montréal qui est un organisme sans but lucratif qui offre des services d'aide et de médiation aux consommateurs. À l'intérieur de notre travail, nous sommes quotidiennement appelés à travailler avec la Loi sur la protection du consommateur. Notre position par rapport à l'avant-projet de loi repose essentiellement sur le maintien de l'acquis actuel de la Loi sur la protection du consommateur. Nous estimons également que le gouvernement pourrait profiter de cette occcasion de la réforme en cours pour légiférer dans certains secteurs d'activités qui ne sont pas couverts par la Loi sur la protection du consommateur présentement. Nous comprenons que la réforme du Code civil vise à harmoniser les règles de droit par rapport à la modernisation de notre société.

Alors, c'est sans doute dans cet esprit que le gouvernement nous propose dans son avant-projet de loi que soit incorporées désormais au Code civil toutes les règles relatives aux droits de consommation qui sont présentement dans la Loi sur la protection du consommateur. Donc, pour nous, c'est reconnaître que dans notre société, la très grande majorité des contrats sont des contrats de consommation qui couvrent une multitude de biens et de services.

Cependant, nous voulons émettre certaines réserves par rapport à l'effet que l'avant-projet de loi pourrait avoir sur l'acquis actuel de la loi. Nous considérons que l'intégration des deux tiers de la Loi sur la protection du consommateur, soit toute la partie qui concerne les contrats de biens et services au Code civil du Québec, cela ne doit pas se faire au détriment du consommateur et constituer un recul non plus. En particulier, nous insistons beaucoup pour que la notion d'ordre public qui est conférée à l'actuelle Loi sur la protection du consommateur subsiste intégralement dans l'avant-projet de loi, parce que, par ce principe, c'est protéger le consommateur et c'est faire en sorte qu'on ne puisse déroger à la loi même par convention particulière.

Or, nous voudrions vous faire remarquer que dans l'avant-projet de loi, au chapitre de la vente, il est permis au consommateur d'abandonner ses droits au sujet de la garantie légale des vices cachés, ce qui représente pour nous un net recul par rapport à la situation actuelle. Quant aux recours offerts au consommateur, nous considérons que l'avant-projet de loi ne lui apporte pas une protection similaire à celle qui est accordée présentement dans la loi. Pour nous, il s'agit d'une perte de pouvoir pour le consommateur. Alors, actuellement, si un commerçant manque à une obligation qui lui est imposée par la loi, par exemple le défaut d'apposer une étiquette sur un véhicule d'occasion, le consommateur peut exercer le remède de son choix. Donc, il peut demander l'annulation, la résiliation ou la résolution du contrat. Il peut demander également la réduction de son obligation, des dommages-intérêts, des dommages-intérêts exemplaires, etc.

Avec l'avant-projet de loi, les seuls recours dont disposerait un consommateur dans une telle situation seraient les suivants: II pourrait demander l'exécution en nature de l'obligation, il pourrait l'exécuter à la place du commerçant et il pourrait demander des dommages-intérêts. Dans le premier cas, il est tout à fait inutile de faire apposer une étiquette à un véhicule qui est déjà acheté; dans le second cas, il est tout à fait dérisoire également que le consommateur appose lui-même l'étiquette à son véhicule. Donc, il ne lui resterait que l'éventualité des dommages-intérêts. Alors, il s'agit d'une diminution inacceptable des recours qui existent déjà dans la loi. Donc, nous demandons au gouvernement de maintenir intégralement les recours qui s'offrent

au consommateur dans la loi actuelle.

De plus, nous nous sommes interrogés sur l'absence, dans l'avant-projet de loi, de la notion de dommages-intérêts exemplaires. Pour nous, ce principe devrait subsister. L'avant-projet de loi reproduit la notion de dommages-intérêts compensatoires qui visent uniquement à compenser une personne pour un préjudice subi, alors que les dommages-intérêts exemplaires visent, eux, à dissuader les commerçants fautifs à récidiver. Cela représente aussi une incitation importante pour un consommateur à poursuivre un commerçant fautif. Par exemple, un consommateur qui aurait été lésé pour une somme de 50 $ se donnera rarement la peine d'intenter des poursuites, de perdre une journée de travail, pour récupérer ce montant minime. Donc, les dommages-intérêts exemplaires, cela peut lui permettre de compenser la perte de temps et de salaire qu'il aura à subir pour défendre ses droits et cela l'incitera à poursuivre les commerçants.

Maintenant, le fait d'intégrer au Code civil une partie importante de la Loi sur la protection du consommateur, selon nous, aura pour effet de réduire considérablement les pouvoirs de l'Office de la protection du consommateur, si ces pouvoirs ne sont pas préservés par un amendement à la Loi sur la protection du consommateur qui devra donc subsister. Alors, pour nous, toute réduction des pouvoirs de l'office est inacceptable. La Loi sur la protection du consommateur donne un mandat précis à l'office: celui-ci doit surveiller l'application de la loi, informer les consommateurs de leurs droits, recevoir des plaintes et enquêter concernant tout sujet relatif à la loi. Avec la réforme, seules vont subsister des dispositions relatives aux pratiques de commerce, aux comptes en fiducie et aux agents de crédit. Donc, le mandat de l'office sera réduit à la surveillance de ces dispositions. De même, son pouvoir d'enquête ne pourra plus porter sur toutes les règles qui régissent les contrats de biens et services. Ayant perdu l'essentiel de son pouvoir de surveillance de la loi, l'office ne pourra désormais plus agir comme intermédiaire entre un commerçant fautif et un consommateur qui se plaindrait.

En conclusion, nous demandons que le gouvernement nous confirme que tous les pouvoirs de l'Office de la protection du consommateur seront préservés. Nous aimerions que le mandat de l'office soit confirmé dans toutes les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur qu'on se propose d'intégrer au Code civil, sinon les consommateurs sortiront perdants de cette réforme. Enfin, je voudrais juste rappeler qu'avec cette réforme, le fait de contrevenir à une disposition qui régit les contrats de biens et services ne pourra plus constituer une infraction telle qu'elle existe dans la Loi sur la protection du consommateur. Nous aimerions que le gouvernement préserve cette disposition et qu'il identifie des infractions précises dans la Loi sur la protection du con- sommateur, pour la partie du Code civil qui traite des contrats de biens et services, de sorte que l'office conservera son pouvoir de recommandation auprès du Procureur général.

Je cède la parole à Mme Rozon pour terminer brièvement.

Mme Rozon (Louise): D'accord. Nous aimerions souligner également l'importance d'apporter une réglementation dans le domaine de la location d'autos à long terme. Depuis près de deux ans, l'ACEF du centre de Montréal a reçu de nombreuses plaintes concernant ce marché et nous avons fait l'étude de plus d'une vingtaine de contrats. Il faut préciser que ce nouveau mode de consommation est de plus en plus populaire. Selon les statistiques de la Régie de l'assurance automobile du Québec, en 1985 on retrouvait seulement 4251 voitures neuves de promenade louées à long terme par des consommateurs. Or, ce nombre est passé à 24 078 en 1987, ce qui représente une augmentation importante de 566 % en deux ans.

Les contrats de location d'autos à long terme ne font pas l'objet d'une réglementation spécifique, contrairement aux contrats de crédit qui, eux, sont réglementés depuis le début des années soixante-dix par la Loi sur la protection du consommateur. Or, dans l'avant-projet de loi, aucune règle juridique ne vient encadrer spécifiquement ce marché. Ainsi, cette lacune doit être corrigée, compte tenu des problèmes importants auxquels les consommateurs se heurtent en signant de tels contrats et compte tenu de la grande popularité de ce marché. À l'heure actuelle, l'industrie profite de cette absence de réglementation et tire son épingle du jeu. Dans les contrats qui sont actuellement sur le marché, il y a, de toute évidence, un partage inéquitable des responsabilités. Le locateur se donne tous les droits alors que toutes les responsabilités incombent au consommateur. Ainsi, les conséquences de ce vide juridique sont énormes pour les consommateurs.

Concernant les clauses de bris de contrat, lorsqu'un consommateur met fin prématurément à son contrat de location, il se voit imposer de fortes pénalités. Il y a plusieurs raisons qui peuvent amener un consommateur à mettre fin à son contrat de location: s'il y a perte du véhicule à la suite d'un accident ou d'un vol, ou principalement parce qu'un consommateur n'est plus en mesure, financièrement, de respecter ses obligations. Le plus souvent, dans ces conditions, le locateur, soit le bailleur, exige du consommateur une somme égale à la différence entre le solde qui est dû en vertu de son contrat et le montant perçu des assurances, dans le cas d'un vol ou d'un accident, ou le prix de la revente du véhicule. Cette somme peut facilement excéder les 5000 $. La somme exigée est élevée parce que le mode de calcul pour évaluer le solde est souvent obscur et avantage de beaucoup les locateurs au détriment des consommateurs.

Certaines compagnies de location vont même jusqu'à exiger la somme des loyers qui sont dus en vertu du contrat, additionnée à la valeur résiduelle. Donc, le consommateur se trouve à payer tous les intérêts, même s'il paie avant terme son contrat.

Dans le domaine des contrats de crédit, ce genre d'abus ne peut pas survenir, puisque le solde de l'obligation correspond uniquement au capital qu'il reste à verser en vertu du contrat, sans aucuns autres frais additionnels. De plus, dans le cas de la vente à tempérament, un consommateur qui a payé plus de la moitié de son obligation peut demander au tribunal, s'il est en difficultés financières, que la remise de son véhicule éteigne son obligation; ainsi, il n'a aucune pénalité à verser au créancier. La somme exigée en cas de bris de contrat est également élevée, parce que rien n'oblige le bailleur à revendre le véhicule saisi ou remis volontairement par le consommateur dans un délai raisonnable et au meilleur prix possible.

Un autre problème qui subsiste dans le domaine de la location d'auto à long terme, c'est la notion de l'usure normale du véhicule. Lorsque le consommateur remet son véhicule au terme du contrat, il est tenu de le remettre en bon état, à défaut de quoi il devra débourser le montant des réparations nécessaires. Or, l'usure normale est une notion très vague et son interprétation laisse place à des abus.

Concernant les reprises de possession, la plupart des contrats contiennent une clause permettant au locateur de reprendre possession du véhicule sans recourir aux tribunaux, lorsque le consommateur est en défaut. On va même jusqu'à reprendre possession du véhicule sans même l'envoi d'un préavis de 30 jours, ou 20 jours dans certains contrats. L'ACEF-centre suit ce dossier depuis près de deux ans et constate jour après jour les abus dont sont victimes les consommateurs. Nous demandons donc au gouvernement de réglementer ces contrats au même titre que les contrats de crédit. Ainsi, pour que les abus soient évités l'avant-projet de loi doit établir des règles précises dans le mode de calcul qui prévaut en cas de bris de contrat; la notion d'usure normale et les modalités de reprise de possession d'un véhicule loué doivent également être précisées. Avant de reprendre possession d'un véhicule loué, tout bailleur devrait être tenu de fournir au consommateur un préavis minimum de 30 jours. D'une façon générale, les contrats de location d'autos à long terme devraient contenir tous les renseignements nécessaires pour que les consommateurs puissent faire un choix éclairé, ce qui n'est pas le cas présentement.

Je voudrais souligner un autre point qu'on a présenté dans notre mémoire: c'est concernant les retraits préautorisés. Depuis quelques années, les innovations technologiques ont carrément transformé les opérations bancaires. Dans ce domaine, les institutions financières et les commerçants imposent leurs règles du jeu au consommateur. C'est ce qui se passe dans le cas où un consommateur effectue un paiement par retrait préautorisé. C'est une méthode de paiement simple mais qui comporte de grands risques pour les consommateurs, à l'heure actuelle. Cette méthode consiste à faire signer au consommateur un formulaire par lequel il autorise l'entreprise à prélever les paiements directement dans son compte. Cette formule est de plus en plus offerte aux consommateurs dans le cas des paiements répétitifs, comme ceux que l'on doit faire pour s'acquitter d'un abonnement. Or, profitant d'une absence de réglementation sur les transferts électroniques de fonds, les institutions financières ne se donnent pas la peine de vérifier les autorisations de paiement avant d'effectuer un retrait. De plus, elles se dégagent de toute responsabilité en cas d'erreur dans le traitement d'un retrait préautorisé. (16 h 30)

Les commerçants, quant à eux, se contentent parfois d'une autorisation verbale. Même lorsqu'ils font signer une autorisation écrite, celle-ci est habituellement très générale et ne spécifie ni la durée, ni le montant, et ni la date des retraits. Alors, des consommateurs se sont plaints à l'ACEF du centre de Montréal qu'un même montant avait été prélevé plusieurs fois dans le même mois, qu'un commerçant avant effectué le retrait plus tôt que la date convenue au contrat, ou encore que les retraits furent prélevés au-delà de la date autorisée. Et, si le consommateur ne se rend pas compte de ces erreurs, bien, personne ne va y mettre un terme.

Compte tenu de la popularité grandissante de ce mode de paiement, l'ACEF-centre réclame du gouvernement qu'il précise un cadre législatif au sujet des retraits préautorisés. Nous recommandons que les commerçants soient tenus d'obtenir l'autorisation écrite d'un consommateur pour pouvoir percevoir un paiement par retrait préautorisé. Au moins, le contrat d'autorisation devrait préciser le numéro de compte, le montant des retraits, les dates auxquelles ils seront effectués ainsi que la durée de l'autorisation qui devra être limitée à un an. Le consommateur devrait conserver le droit de révoquer en tout temps son autorisation et une clause d'annulation devrait également être comprise dans le contrat.

Finalement, l'ACEF-centre réclame que l'institution financière fasse signer un contrat d'autorisation au consommateur avant qu'une entreprise ne puisse prélever un montant dans son compte.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais reconnaître immédiatement le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre des... de la Justice.

M. Dauphin: De la Justice, c'est bien cela, M. le Président. Alors, j'aimerais... Des Finances, ce sera peut-être dans un autre mandat.

M. Filion: Peut-être un jour, M. le Président.

M. Dauphin: C'est bien gentil de votre part, M. le député de Taillon.

M. Filion: Non, c'est la réalité, M. le député.

M. Dauphin: Alors, vous voyez qu'il y a une belle collaboration avec l'Opposition dans nos travaux et j'en suis fier, d'ailleurs.

J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'ACEF du centre de Montréal et la féliciter pour son mémoire. Tout d'abord, j'aurais une remarque semblable à celle que j'ai faite à d'autres groupes. J'aimerais vous rassurer au sujet des dispositions incluses dans l'avant-projet de loi en matière de protection du consommateur: ce n'est pas l'intention du gouvernement d'affaiblir ou de diluer les mesures de protection; bien au contraire, ce qui ne sera pas inclus dans le Code civil sera conservé dans la Loi sur la protection du consommateur, qui va continuer d'exister, qui va être remaniée. Ladite loi comprendra aussi, évidemment, les règlements: les règles relatives aux pratiques de commerce, les sanctions pénales et administratives, les annexes, ainsi que toutes les règles qui ont trait à l'organisation de l'Office de la protection du consommateur et à ses mandats.

Ceci étant dit, il reste que certaines de vos inquiétudes à l'égard des aspects qui ont été intégrés au code nous surprennent un peu. Vous soulignez, aux pages 9 à 11 de votre mémoire, que certains des recours civils qui s'offrent actuellement au consommateur ne se retrouvent plus dans l'avant-projet. Vous faites référence, notamment, aux recours en nullité, résiliation, résolution, réduction des obligations ou dommages exemplaires. Pourtant, ces recours font bel et bien partie de l'avant-projet de loi, dans les règles générales, plus particulièrement aux articles 1450, 1488 à 1492, 1677 à 1680. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce à dire que ces recours sont insuffisants?

Mme Girard: Je voudrais préciser que ce que nous voulions dire à l'intérieur du mémoire, c'est ce qui existe à l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur. Il est évident que, dans la troisième partie, il y a un recours en annulation qui est offert au consommateur pour un vice de forme ou un défaut de forme et qui existe aussi dans la Loi sur la protection du consommateur, sauf que l'article 272 dit que lorsqu'un commerçant manque à une obligation imposée par la loi... Donc, il s'agit d'une obligation légale. Si je regarde l'article 1488, il nous parle du manquement à une obligation contractuelle. Pour nous, ce n'est pas nécessairement évident que, rédigé de cette façon, il veut dire à peu près la même chose.

Concernant le second recours qui est offert au consommateur, au début de l'avant-projet de loi, si je ne me trompe pas, l'article 1647 nous dit effectivement que lorsqu'une personne n'exécute pas entièrement une obligation, on a certains recours, mais il s'agit d'un recours en exécution en nature, une exécution en lieu et place du commerçant et des dommages-intérêts. Cela ne remplace pas intégralement toute la panoplie de recours offerts au consommateur à l'article 272.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Comme d'autres organismes avant vous, plusieurs nous ont parlé du contrat de location à long terme, en matière d'automobile. D'ailleurs, je tiens à vous dire qu'actuellement, cela fait l'objet, au sein du ministère de la Justice, d'études très sérieuses afin, justement, que l'on apporte une solution à ça en collaboration avec l'Office de la protection du consommateur, dont des membres sont ici avec nous, d'ailleurs, et suivent nos travaux depuis le début, et je tenais à vous le dire.

Par contre, et je trouve cela intéressant, vous êtes les premières à nous faire part des problèmes qui entourent la pratique des retraits préautorisés. Il s'agit de problèmes liés à l'absence de réglementation concernant les transferts électroniques de fonds, auxquels le gouvernement est sensible. Vous faites état à la page 19 de votre mémoire, du fait que certains retraits préautorisés se font après une simple entente verbale entre le commerçant et le consommateur, entente qui n'est par la suite aucunement vérifiée par l'institution financière. Nous aimerions vous entendre davantage concernant cette pratique, qui nous semble très surprenante. Est-ce qu'elle est fréquente et comment se présente-t-elle dans les faits?

Mme Rozon: Les plaintes que nous avons reçues à ce sujet-là concernent les abonnements à Vidéotron. Si un consommateur est intéressé à s'abonner à cette compagnie, celle-ci suggère au consommateur, par téléphone, de donner son numéro de compte pour qu'elle puisse prélever automatiquement le montant de l'abonnement de son compte bancaire. On ne sait pas l'étendue de cette pratique, mais c'est quand même une entreprise importante qui procède de cette façon-là.

Pour ce qui est des institutions financières, dans le cadre d'une enquête que nous avons menée pour la revue S'en sortir, que nous publions cinq fois par année, nous avons communiqué avec plusieurs institutions financières pour leur demander quelles étaient leurs responsabilités lorsqu'un consommateur autorisait une entreprise à prélever un montant dans son compte bancaire. Toutes nous ont confirmé qu'elles n'assumaient aucune responsabilité et que ni le montant ni la durée n'étaient vérifiés lorsqu'un paiement était retiré d'un compte.

Il y aussi des consommateurs qui se sont plaints qu'une erreur s'était glissée, par exemple,

dans un abonnement à Nautilus: deux versements avaient été prélevés d'un compte bancaire dans le même mois. Or, quand la personne s'est rendu compte qu'il y avait effectivement une erreur, elle dit à sa caisse: Est-ce que vous pouvez corriger l'erreur? L'institution financière a alors précisé à ce consommateur qu'il devait s'adresser au commerçant, puisqu'elle n'avait aucune responsabilité en ce sens. Nous trouvons qu'il est inadmissible qu'une institution financière n'assume pas sa responsabilité dans le cas d'un paiement préautorisé.

M. Dauphin: Très intéressant. Merci beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue de Taillon.

M. Filion: Je voudrais à mon tour souhaiter la bienvenue aux gens de l'ACEF du centre de Montréal. Leur mémoire est très intéressant, et j'aurais un commentaire et une question. Le commentaire, c'est un peu à la suite de ce que disait le député de Marquette, c'est-à-dire que les recours civils prévus sont reproduits, mais à une exception près, à savoir que le droit aux dommages-intérêts exemplaires, qui correspondait aux dommages punitifs de l'avant-projet, n'est accordé que quand la loi le prévoit. Donc, à moins que la nouvelle loi sur la protection du consommateur ne l'accorde ou que l'article 1677 de l'avant-projet ne soit modifié par l'ajout du contrat de consommation, le consommateur perd un recours civil. C'est ce que me signalent, vous l'aurez compris, nos conseillers juridiques de ce côté-ci.

Ma question porte également sur les retraits préautorisés. Le député de Marquette et moi avions peut-être le même flair. C'est la première fois que c'est soulevé, donc, on vous remercie de nous avoir sensibilisés à cet état de choses qui ne peut que prendre de plus en plus d'ampleur. D'autre part, pour les commerçants avec qui les consommateurs font affaire, évidemment c'est la gloire totale. On leur dit: Oui, vous pouvez piger dans nos comptes de banque, et eux ne se gênent pas pour le faire; s'ils pigent deux fois, là il faut se battre pour savoir à qui l'erreur. La banque va nous dire d'aller voir le commerçant et le commerçant va nous dire d'aller voir la banque. C'est nous qui faisons les démarches souvent dans des entreprises où ce n'est pas facile de s'y retrouver parce que le service à la clientèle passe en troisième lieu et non en premier lieu.

Vous soulevez également dans votre mémoire une suggestion intéressante. En tout cas, je souhaite ardemment, de ce côté-ci de la table, que les légistes se penchent sur l'élaboration d'un certain cadre juridique à l'exercice de ces pratiques de paiements préautorisés. Et si, effectivement, le projet de loi retient cette approche, j'aime beaucoup la formule qui est suggérée dans votre mémoire, à savoir, qui soient limités dans le temps les paiements préautorisés, peut-être même le nombre, quitte à ce qu'on les renouvelle, qu'on nous envoie les formulaires. Vous le signalez à juste titre, ce devrait être fait par écrit, bon Dieu! ils pigent dans nos comptes de banques! D'accord, ce ne sont pas de gros montants, mais c'est pour ça qu'ils pigent dedans et c'est pour ça que les erreurs sont plus difficiles à repérer. Donc, qu'une autorisation soit écrite, ça va de soi. L'exemple que vous avez donné tantôt - pour ne pas reprendre celui d'une compagnie de câble bien populaire au Québec - je l'ai vécu. Cela s'est passé exactement comme vous l'avez dit. Je n'ai jamais signé quoi que ce soit. Ils m'ont appelé, ils m'ont dit: Voulez-vous ça? J'ai dit oui et depuis ce temps-là, ils pigent dans mon compte. Quand on déménage, par exemple, c'est nous qui sommes obligés de courir pour faire rectifier la situation! Comme l'a bien souligné le député de Marquette, vous suggérez une série de choses à la page 2 de votre mémoire: que ça soit écrit, que les dates soient mentionnées, de même que le numéro de compte; la durée maximale, je trouve cela absolument nécessaire; le droit de résiliation du consommateur, je pense que c'est important, autrement on est à la merci, du commerçant.

Est-ce que tout ça serait suffisant ou est-ce que ça devrait faire partie d'un règlement? En somme, est-ce qu'il y a d'autres idées qui pourraient venir s'ajouter pour la protection duconsommateur, concernant ces paiements préautorisés qui vont devenir une mode? Si ce n'est déjà fait, ça va devenir une mode. Je ne sais pas si vous y avez réfléchi, en particulier Me Girard, mais ici on peut difficilement légiférer sur les pratiques bancaires. On peut légiférer sur le contrat, par exemple, entre le consommateur et le commerçant.

Mme Girard: C'est cela. C'est exactement ce que nous suggérons. En fait, on sait très bien que le Parlement n'a pas juridiction pour amender la Loi sur les banques, sauf qu'on se dit que s'il y a un minimum de règles d'introduites dans l'avant-projet de loi, concernant le contrat qui lie les utilisateurs du retrait préautorisé, à ce moment-là, ça crée une nouvelle situation. Ça crée des nouvelles obligations envers les parties, parce qu'il y a trois parties ici: il y a un consommateur, un commerçant et un banquier. Alors, chacun devrait se conformer de façon minimale aux prescriptions du mandat ou du contrat. Actuellement, il n'y a aucune règle qui oblige un commerçant ni un banquier à avoir une autorisation écrite.

M. Filion: Est-ce que ça existe ailleurs? Est-ce que vous avez eu l'occasion de vérifier? Peut-être pas.

Mme Girard: Malheureusement pas.

M. Filion: Je ne vous en blâme pas.

Donc, je vous remercie de toutes ces

précisions sur votre mémoire. Quant à nous, pour que ce soit bien clair, ce n'est pas nécessaire que ce soit dans le Code civil, M. le député de Marquette, ça pourrait être dans la Loi sur la protection du consommateur, c'est à vérifier. Un règlement constituerait peut-être un outil plus souple que la loi, je ne sais pas. Je laisse ça à votre réflexion, mais c'est clair qu'on ne peut plus laisser ce secteur-là - j'allais dire - sans surveillance. (16 h 45)

La Présidente (Mme Bleau): Sans protection.

M. Filion: Oui.

M. Dauphin: Au nom des collègues ministériels et de l'équipe de la réforme du Code civil, je voudrais vous remercier et vous féliciter. C'est un mémoire très intéressant, avec des bons points; nous allons étudier cela attentivement. Je tiens à le répéter, il n'est pas question de diluer ou d'atténuer les mesures de protection du consommateur, au contraire, c'est de les augmenter. Merci beaucoup de votre participation.

La Présidente (Mme Bleau): Mme Girard, Mme Rozon, au nom de la commission, je vous remercie de votre mémoire et de votre présence ici. Bon voyage de retour.

Mme Rozon: Merci.

Association coopérative d'économie familiale du nord de Montréal

La Présidente (Mme Bleau): Nous appellerons maintenant l'Association coopérative d'économie familiale du nord de Montréal.

Nous vous saluons, M. Ronald O'Narey et M. Robert Lamarche; c'est bien cela?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Bleau): Nous avons une demi-heure en tout pour votre présentation et les questions. Si vous voulez être assez gentils de nous présenter vos collègues et commencer à lire votre mémoire. Merci beaucoup.

M. Lamarche (Robert): Je suis Robert Lamarche. M. O'Narey est à ma droite; Mme Ninette Piou, qui est de l'ACEF du nord également, nous accompagne pour présenter ce mémoire. Nous sommes de l'ACEF du nord de Montréal qui est une association de protection des consommateurs. Je pense que ce n'est pas la première ACEF qui passe à la commission parlementaire. Nous sommes responsables du dossier de la location d'autos à long terme dont, semble-t-il, vous avez déjà entendu parler plusieurs fois déjà et dont vous veniez d'entendre parler avec l'ACEF centre.

Pour nous, de l'ACEF du nord, la réforme du Code civil tombe à point. Non seulement servira-t-elle à épurer nos textes de loi de leurs anachronismes mais elle servira également à fixer les droits et les obligations de chacun dans de nombreux nouveaux secteurs de l'activité sociale et économique du Québec. Un de ces nouveaux secteurs, c'est la location d'autos à long terme et, selon nous, ce nouveau secteur a bien besoin d'être réglementé dans les plus brefs délais. Pour ceux d'entre vous qui ne connaîtraient pas en détail ce qu'est la location, en gros c'est d'abord et avant tout une transaction entre un consommateur et une agence de location ou un concessionnaire, par laquelle le consommateur loue, durant une période de deux, trois ou quatre ans, un véhicule automobile généralement neuf, avec ou sans option d'achat. Mais, bien plus qu'une simple pratique de commerce, ce fut il y a quelques années aux États-Unis, peut-être une dizaine ou une douzaine d'années, et c'est, depuis à peu près deux ans au Québec, une nouvelle façon pour l'industrie automobile de mettre en marché ses voitures neuves. Par une publicité qu'on pourrait qualifier de très dynamique, pas toujours complète, à notre sens, pas toujours légale, même, puisqu'il y a eu des poursuites par l'Office de la protection du consommateur et des condamnations de certains concessionnaires qui enfreignaient la Loi sur la protection du consommateur en matière de publicité de location automobile, l'industrie a amené ce nouveau mode d'acquisition d'une voiture neuve. Qu'on pense seulement à la publicité de Ford cette année, qui disait: Pourquoi changer de pneus? Changez plutôt de voiture tous les deux ans. C'est un peu l'esprit de la publicité de la location automobile qui vante vraiment l'acquisition d'une automobile par le truchement de la location et non plus de l'achat.

Aux États-Unis, cette publicité et le développement du marché ont fait en sorte qu'il y a à peu près 30 % des voitures américaines, présentement sur le marché qui sont louées à long terme plutôt que d'être achetées. C'est un marché qui existe dans ce pays depuis beaucoup plus longtemps qu'ici, où c'est vraiment depuis deux ans qu'on observe une recrudescence de la location d'autos à long terme. Le marché a cru considérablement au Québec depuis deux ans. En 1985, il y avait à peu près 4000 voitures neuves qui étaient louées à long terme, en 1986, à peu près 18 000 et en 1987, 24 000. Si on fait le total de tout cela, compte tenu que les contrats de location durent deux, trois ou quatre ans, cela fait à peu près 50 000 voitures louées à long terme qui circulent actuellement sur les routes du Québec. On ne parle pas des voitures louées par des entreprises, mais bien uniquement par des consommateurs. Donc, c'est l'usage pour la promenade. D'ailleurs, vous pourrez trouver à l'annexe 1 de notre mémoire les chiffres fournis en 1987, les statistiques fournies par la Régie de l'assurance automobile du Québec faisant état du

nombre de voitures louées que je viens de vous mentionner. Le marché a crû considérablement. Plus de consommateurs sont locataires d'une voiture neuve et, des professionnels qui louaient des voitures en 1985, de plus en plus maintenant, ce sont de simples consommateurs, c'est-à-dire des gens comme vous et moi qui louent des voitures à long terme, surtout des gens qui sont attirés par les mensualités moins élevées de la location comparées à l'achat. C'est une mécanique de la location qui prévoit une valeur résiduelle à la fin du contrat si le consommateur rachète son véhicule, ce qui fait que les mensualités, dans le cas de la location, sont moins élevées qu'à l'achat. Donc, les mensualités moins élevées amènent une clientèle plus vulnérable financièrement qui est heureuse de pouvoir se procurer un véhicule neuf sans avoir à l'acheter et à payer les paiements d'achat qui sont beaucoup plus élevés que les paiements de location. Donc, c'est une clientèle qui est plus susceptible de subir les contrecoups de contrats qui ne sont pas réglementés par les lois québécoises.

On a fait un bref relevé des articles qui pouvaient s'appliquer à la location automobile, en termes de juridiction, en termes de législation. Dans le Code civil du Québec, "l'ancien code", comme on pourrait dire, entre guillemets, puisqu'il est toujours en vigueur, il y a la notion de crédit-bail qu'on a tenté de faire appliquer au contrat de location automobile, à un moment donné, sauf qu'on s'est aperçus que la notion de crédit-bail était surtout entre entreprise et une autre entreprise qui loue des véhicules. Alors, on a laissé cela de côté puisque dans le cas qui nous préoccupe, la location automobile est une transaction entre un consommateur qui est un individu et une compagnie de location.

En ce qui concerne la Loi sur la protection du consommateur, on a tenté de voir par toutes sortes de biais de quelle façon la Loi sur la protection du consommateur pourrait s'appliquer au contrat de location automobile. D'une part, l'Office de la protection du consommateur, après étude des contrats, en est arrivé au résultat que ce n'étaient pas des contrats de crédit. Or, la Loi sur la protection du consommateur légifère pour les contrats de crédit ou les contrats assortis d'un crédit.

Évidemment, il y a les dispositions générales de la Loi sur la protection du consommateur qui s'appliquent au contrat de location sauf qu'on a toutes sortes de problèmes finalement à voir de quelle façon on pourrait se servir de ces articles pour résoudre les difficultés qu'on rencontre avec la location automobile. Je pense, entre autres, à l'article 8 de la Loi sur la protection du consommateur qui dit qu'on ne peut pas abuser dans l'ensemble d'un consommateur. Alors, essayer de faire appliquer cet article qui est très général, c'est plus ou moins efficace, semble-t-il, selon les juristes que nous avons consultés.

Nous comptions beaucoup sur l'avant-projet de loi lorsque nous l'avons reçu. Nous avons constaté qu'il n'y avait pas de dispositions ou de réglementation concernant la location automobile qui s'ajoutaient au Code civil qui existait déjà et à la Loi sur la protection du consommateur. Nous avons remarqué qu'il y avait des articles concernant le logement et certaines dispositions concernant le louage de choses, mais qu'encore là cela s'appliquait surtout au logement. Certaines dispositions pouvaient s'appliquer à la location d'autos à long terme, notamment au chapitre des garanties et, si je me souviens bien, des assurances également, mais rien qui venait répondre aux attentes que nous avions, c'est-à-dire que la location d'autos à long terme soit réglementée par voie de législation, donc qu'il y ait un chapitre dans une loi au Québec, peu importe quelle loi, que ce soit la Loi sur la protection du consommateur ou le Code civil du Québec, mais quelque chose qui prévoit une réglementation claire définissant les droits et obligations des parties dans le domaine de la location automobile et répondant, encore une fois, au problème que nous avons rencontré avec l'étude de ce marché.

Donc, en tant qu'association de consommateurs depuis deux ans, l'ACEF du nord de Montréal a décidé de traiter les plaintes des consommateurs qui avaient des problèmes avec la location automobile. Je dis bien les plaintes parce que nous en avons eu énormément depuis deux ans. Évidemment, nous avons travaillé en collaboration avec d'autres associations, dont l'ACEF du centre de Montréal, qui vient de passer, dans le traitement de ces plaintes. Le traitement de ces plaintes nous a amenés à une étude... Pardon?

La Présidente (Mme Bleau): Excusez-moi, il vous reste une minute...

M. Lamarche: Ah oui!

La Présidente (Mme Bleau): ...pour votre présentation, à moins que...

M. Filion: Consentement, Mme la Présidente.

M. Lamarche: D'accord. Ce que je peux peut-être faire, c'est d'aller un peu plus rapidement. Laissez-moi cinq minutes encore et je fais le tour.

La Présidente (Mme Bleau): Bien. La période de questions sera un peu moins longue à ce moment-là.

M. Lamarche: D'accord. Bon, nous avons procédé à l'étude des plaintes et à une étude des contrats des principaux chefs de file dans ce domaine, c'est-à-dire Ford, GM, Chrysler, Tilden et Location Desjardins, qui était auparavant Location Pierre Lafleur. Nous avons conclu que

tous les droits appartenaient au bailleur, c'est-à-dire à la compagnie de location, et toutes les obligations, au consommateur. Nous avons également compris ou déduit que de nombreuses clauses abusives apparaissaient dans ces contrats-là, dont l'application causait préjudice au consommateur. Alors, ces clauses abusives que nous avons relevées, les voici: des pénalités abusives pour bris de contrat lorsqu'il y a vol ou accident avec perte totale de la voiture, pour l'usure anormale du véhicule à l'expiration du contrat. Je m'explique rapidement pour chacun de ces points. Lorsqu'il y a bris de contrat, la mesure qui s'applique, c'est que le concessionnaire demande au consommateur de payer tous les montants dus en vertu du contrat, moins le prix obtenu de la revente du véhicule. Alors, dans certains cas, cela donne des montants de 5000 $ pour des sous-compactes ou des voitures compactes. Ce n'est pas pour des BMW.

Lorsqu'il y a, par exemple, un accident ou un vol de la voiture et que la voiture est une perte totale dans le cas de l'accident, encore une fois, le consommateur est tenu de payer la différence entre le montant qui sera perçu des assurances et ce qui restait à payer en vertu du contrat. Dans certains cas, cela monte à des montants de 3000 $, comme nous l'avons vu. Lorsqu'il y a usure anormale du véhicule à l'expiration du contrat, et je précise bien que l'usure anormale n'est encadrée par aucune loi au Québec, donc les différents contrats et les différentes compagnies arrivent avec des définitions tout à fait différentes de ce qu'est l'usure anormale d'un véhicule. Par exemple, je vous pose la question: Est-ce que la rouille est une usure anormale après deux, trois ou quatre ans? Qui peut y répondre? Cela aurait peut-être besoin d'être encadré. Alors, les gens se font demander des montants qui vont parfois jusqu'à 3000 $ pour usure anormale du véhicule à l'expiration du contrat. Ils n'ont même pas la possibilité de demander une contre-expertise par un garage indépendant de ces réparations.

Nous avons également noté dans les contrats de location des procédures abusives. Tantôt, l'ACEF du centre de Montréal parlait des saisies sans avis des véhicules loués a long terme, ce qui amène de nombreux problèmes à de nombreux consommateurs qui, du jour au lendemain, n'ont plus leur véhicule, croient même que leur véhicule a été volé. Non, il n'a pas été volé, il a été saisi par la compagnie de location à la suite d'un défaut de paiement d'un ou deux jours ou, parfois, un peu plus long, mais sans qu'ils aient jamais reçu d'avis, des avis qui devraient, selon nous, être de 30 jours, un peu comme dans le cas des contrats de crédit ou assortis d'un crédit.

Il y a également les offres de location. Les compagnies font signer des offres de location sans nécessairement indiquer que c'est un contrat. Or, comme la Loi sur la protection du consommateur ne s'applique pas aux offres de location, mais bien seulement aux offres d'achat, les gens se trouvent à avoir signé un contrat de location alors qu'ils pensent avoir signé seulement une offre de location. Je mentionne également la non-divulgation du taux de crédit implicite. Il y a des intérêts dans la location, mais les gens ne savent pas à quel taux de crédit ils s'engagent. Il y a de nombreuses autres clauses dans les contrats de location. Je crois que le temps me presse. Je ne les mentionnerai pas, ces clauses sont mentionnées en partie dans le mémoire que nous avons déposé et dans le guide Louer ou acheter que nous avons produit cette année au printemps, et qui fait le tour de certains aspects de la location automobile également, au chapitre des garanties, entre autres, des cas de force majeure, etc.

De façon globale, nous recommandons que tous les aspects de ce nouveau marché, les contrats, les pratiques commerciales et la publicité soient encadrés par le Code civil du Québec, tel que revu par la commission et le gouvernement. En particulier, nous vous recommandons de lire bien attentivement les recommandations que nous faisons aux pages 7 et 8 du mémoire, que vous avez probablement déjà lues. Je mentionne qu'il existe déjà aux États-Unis, depuis 1976, des réglementations qui touchent le domaine de la location d'autos à long terme, d'une part, les contrats avec option d'achat et, d'autre part, les contrats sans option d'achat. Je crois qu'au Canada, et au Québec en particulier, la location est plus récente. Compte tenu de sa popularité grandissante, des problèmes et des contrats abusifs, comme nous l'avons mentionné, il sera peut-être nécessaire de réglementer ce marché dans les plus brefs délais. Nous tenons à mentionner que nous demeurons disponibles pour collaborer à l'élaboration d'une loi dans ce domaine. (17 heures)

La Présidente (Mme Bleau): Nous vous remercions. Je céderai maintenant la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ACEF du Nord de Montréal et féliciter ses représentants pour leur mémoire qui est très bien fait, bien étoffé, avec de bonnes références et qui touche un domaine important. D'ailleurs, d'autres groupes de défense des automobilistes sont également venus plaider dans ce sens, soit de voir à légiférer sur ce genre de contrat. Je peux tout de suite leur dire que l'Office de la protection du consommateur se penche là-dessus actuellement et va proposer prochainement des correctifs législatifs qui seront soit dans la loi particulière, c'est-à-dire la Loi sur la protection du consommateur, soit inclus dans le Code civil, mais probablement dans la loi particulière.

Je voudrais vous demander si vous avez

plusieurs plaintes par rapport à ce genre de...

M. Lamarche: On a accumulé depuis deux ans autour de 60 à 70 plaintes, seulement à l'ACEF du nord de Montréal.

M. Dauphin: Quels sont les abus les plus flagrants?

M. Lamarche: Je dirais que l'abus le plus flagrant, c'est bien le bris de contrat. Lorsque les gens ont des problèmes pour payer les mensualités auxquelles ils se sont engagés en vertu du contrat, ils doivent briser leur contrat de location et remettre le véhicule. Il y a saisie du véhicule sans avis, comme je le disais, mais c'est un autre point. Les pénalités peuvent aller jusqu'à 4000 $ et 5000 $. C'est le problème le plus important que nous avons. Il y a comme une contradiction. Les gens ne sont plus capables de payer leur mensualité de 200 $ ou de 300 $ par mois et là, on vient les assommer avec un montant de 5000 $ pour bris de contrat. Finalement, ils ne peuvent pas plus payer ce montant. Et comme, sur le plan juridique, présentement, il n'y a pas de recours, rien de clair, c'est tout un problème que d'aller se défendre lorsqu'on est poursuivi pour de tels montants. C'est principalement de ce côté que nous avons des plaintes et que nous voyons des abus.

M. O'Narey (Ronald): Je voudrais ajouter que, dans la situation actuelle, les locateurs ont tout intérêt à maintenir la valeur résiduelle du véhicule très élevée, au-delà de la valeur réelle que le véhicule aura à l'échéance parce que cela permet de réduire les versements mensuels. Donc, cela devient plus attrayant pour les consommateurs d'avoir un contrat à 200 $ avec une valeur résiduelle très élevée. C'est à ce point un problème que les Américains, nos voisins, ont décidé de limiter les pénalités qui pouvaient être exigées lors de la revente du véhicule. Lors de la revente, si le véhicule est déprécié beaucoup plus que la valeur résiduelle qui a été prévue au contrat, c'est la différence qui est réclamée au consommateur, donc des montants très élevés. Alors, les Américains, pour résoudre ce problème, ont fixé à une limite de 20 % de la valeur résiduelle le montant qui pouvait être réclamé. Donc, si la différence est de 3000 $ sur un montant de valeur résiduelle de 5000 $, le commerçant ne peut pas réclamer plus que 1000 $. Il y a une pénalité qui est attribuable au consommateur justement à cause de la dépréciation, mais elle est quand même limitée. Et la plupart des plaintes qu'on rencontre actuellement, c'est parce que ce montant est vraiment exorbitant à cause de l'intérêt pour l'entreprise de fixer le montant de la valeur résiduelle à un taux très élevé.

M. Dauphin: Comme vous le disiez, c'est une pratique de plus en plus courante.

M. O'Narey: Effectivement.

M. Dauphin: Vous l'avez peut-être dit tantôt, mais je n'ai pas saisi. Quel serait à peu près le pourcentage de consommateurs qui empruntent ce mode de contrat?

M. Lamarche: En pourcentage, ce serait plus difficile à évaluer. Aux États-Unis, c'est rendu à 30 %, semble-t-il.

M. Dauphin: À 30 % de...

M. Lamarche: À 30 %. De 25 % à 30 %, selon les informations obtenues ce matin de Me Pierre Valois de l'Office de la protection du consommateur. On s'en doutait, sauf que là, c'est précisé. Au Québec, il y a des analystes qui affirment que cela pourrait devenir aussi important qu'aux États-Unis. 50 000 voitures louées à long terme actuellement au Québec, comparativement au parc automobile qui est peut-être de 2 000 000 de voitures, ce n'est pas un pourcentage énorme, sauf que c'est un marché qui est en expansion depuis deux ans seulement. On peut prévoir qu'en 1988 les montants seront encore plus élevés et que, subséquemment, ce sera encore beaucoup plus élevé.

M. Dauphin: Ce qui est attirant là-dedans, je présume, c'est le fait d'avoir des mensualités, évidemment, et pas d'emprunt à faire. Ils se disent: On donne 200 $à300 $ par mois et...

M. Lamarche: II y a quand même une enquête de crédit qui est faite sur les gens qui désirent louer sauf que c'est beaucoup plus accessible à des gens qui ont moins de revenus et qui, autrement, auraient acheté une voiture d'occasion. Sauf que là ils peuvent se permettre une voiture neuve compte tenu de la question de la valeur résiduelle dans la location, ce qui fait baisser les mensualités. C'est quand même un montant présent au contrat et les consommateurs s'engagent pour la valeur totale du contrat.

M. O'Narey: Je voudrais compléter en disant qu'effectivement c'est un marché qui s'est développé tout d'abord aux États-Unis puisque les grands de l'industrie ont pénétré ce marché-là en premier lieu et qui s'est transposé du côté du Canada anglais également. Les statistiques actuelles Indiquent que le taux de pénétration de ce mode d'acquisition d'une automobile est autour de 20 % du côté des autres provinces canadiennes. Le Québec étant le troisième maillon de la chaîne, actuellement le taux n'est pas aussi élevé mais on peut prévoir facilement que cette formule va connaître un grand succès et que les consommateurs, au fur et à mesure qu'ils vont se retrouver avec l'échéance du contrat, vont avoir de plus en plus de plaintes à porter.

M. Dauphin: Excusez-moi. Aviez-vous terminé?

M. Lamarche: Oui, il y a la question d'usure anormale. Vous mentionniez les problèmes qu'on rencontrait. C'est un problème qu'on ne rencontre pas encore beaucoup puisque la majorité des contrats sont encore assez récents. Ils ne sont pas encore venus à expiration. La question d'usure anormale n'est absolument pas encadrée par les lois québécoises et elle serait assez difficile à encadrer. J'imagine qu'il y aurait moyen de préciser certains mécanismes qui feraient en sorte que les consommateurs, à l'expiration de leur contrat, n'auraient pas à payer des sommes astronomiques pour usure anormale et qu'il pourrait y avoir des recours pour ces consommateurs-là de façon à ce qu'ils puissent faire faire par un garage indépendant une contre-expertise des réparations qui leur sont demandées.

Il existe d'ailleurs par le Club automobile, le CAA, version Québec, une définition de l'usure anormale à l'expiration du contrat puisque le CAA a une entente avec la société Avis qui loue des voitures à long terme. Avant de signer l'entente, ils ont négocié avec Avis une espèce de code d'éthique, si on peut dire, quant à l'usure anormale à l'expiration du contrat. Je crois que c'est souhaitable d'en venir à ça aussi un moment donné.

La Présidente (Mme Bleau): Je m'excuse, M. le député de Marquette, il vous reste une minute.

M. Dauphin: Une minute! Je vais alors poser mes deux questions en dix secondes. Que pensez-vous de l'introduction du droit de la consommation à l'intérieur du Code civil? Première question.

M. Lamarche: Voulez-vous dire la Loi sur la protection du consommateur?

M. Dauphin: C'est-à-dire les principes généraux qui seraient introduits dans le Code civil.

M. Lamarche: S'ils demeurent applicables de la même façon qu'ils le sont dans la Loi sur la protection du consommateur, c'est-à-dire si ça demeure obligatoire que de façon générale ces articles-là soient respectés il n'y a pas d'objection majeure. Mais nous n'avons pas fait l'étude en détail de ce point.

M. Dauphin: Comme je le mentionnais tantôt il n'est pas question de rien affaiblir, au contraire.

M. Lamarche: Entre autres, on a entendu les interventions précédentes.

M. Dauphin: Ce qui ne sera pas dans le code sera dans la loi. Ma dernière question;

Pensez-vous que l'article 1484 qui parle de clauses abusives va être intéressant pour les consommateurs?

M. Lamarche: Comme du code?

M. Dauphin: Avez-vous l'avant-projet de loi avec vous?

M. Lamarche: Oui, je l'ai ici. Vous dites l'article 1484?

M. Dauphin: Les clauses abusives. La clause abusive dans un contrat d'adhésion est nulle et dans les autres cas aussi on donne la définition.

M. Lamarche: C'est dur pour moi de me prononcer là-dessus. Je n'y suis pas nécessairement préparé. Est-ce que vous faites référence au domaine de la location automobile en me posant cette question?

M. Dauphin: Pas nécessairement. Pour les consommateurs, généralement parlant. Ils vont pouvoir utiliser cette disposition-là lorsqu'il...

M. Lamarche: Qu'ils sont...

M. Dauphin: ...y a disproportion ou qu'ils se font - je ne dirai pas d'autres mots - berner?

M. Lamarche: C'est un peu comme les dispositions générales de la Loi sur la protection du consommateur qui s'appliquent un peu à tous les contrats sans s'appliquer à aucun contrat en particulier. Je crois que la location d'autos à long terme, un peu comme on le dit dans le mémoire et comme je viens de le mentionner, doit faire l'objet d'un chapitre d'une loi quelconque, que ce soit le Code civil ou la Loi sur la protection du consommateur, où tous ces aspects seraient réglementés. Essayer par le biais d'articles de loi déjà existants de couvrir le domaine de la location automobile, ça m'apparaît non souhaitable. Je crois que, vraiment, compte tenu de la popularité que connaîtra ce marché dans les prochaines années, il faudra en venir à une réglementation spécifique par voie de législation précise. Merci.

M. O'Narey: Je voudrais ajouter que, selon nous et selon ma vision aussi, l'avantage d'inclure d'importants aspects de la Loi sur la protection du consommateur dans le Code civil, c'est donner davantage de poids à la Loi sur la protection du consommateur parce que, comme association, on se retrouve devant des situations où, très souvent, les juges jugent secondaire la Loi sur la protection du consommateur et rendent des jugements qui ne tiennent même pas compte de la loi comme telle. On sent déjà qu'il y a un niveau différent. L'intégration, pour nous autres, est sûrement souhaitable.

Une voix: Que l'actuelle loi 3.

M. O'Narey: Exactement. De la même manière, on a vu des articles très précis de la Loi sur la protection du consommateur ne pas être appliqués, les articles généraux davantage que des articles particuliers.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député de Marquette.

Je donnerai la parole à M. le député de Taillon.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais à mon tour remercier les représentants de l'ACEF du nord de Montréal qui, manifestement, ont fait une concertation assez remarquable sur tout le problème de la location à long terme. Je remarque même qu'on nous a distribué, sous la cote 2MA, ce que je crois être une revue finalement...

M. Lamarche: C'est un guide que nous avons produit l'année dernière. On constatait que la location d'automobiles, un de ses principaux problèmes, c'était d'être inconnue par les consommateurs. Les gens ne savaient pas ce que c'était et, permettez-moi l'expression, ce n'est pas l'industrie qui aurait renseigné les gens sur ce que c'est. On a vraiment décidé d'agir sur plusieurs facettes de ce dossier, notamment en demandant une loi et en avertissant les consommateurs qu'il y avait des problèmes auxquels ils pourraient faire face. C'est pourquoi on a produit ce guide.

M. Filion: Je vous en félicite. M. Lamarche: Merci.

M. Filion: Effectivement, c'est un secteur qui était peu connu. J'ai l'impression que l'ACEF du nord de Montréal a développé une expertise dans ce secteur. En tout cas, la revue est fort bien faite. J'en ai même découpé l'éditorial ou la conclusion où vous dites: Sur la location à long terme, mieux vaut être prudent. Je n'ose pas vous citer comme tel. Je ne sais pas si vous pensez encore ce que dit la conclusion: Éviter la location à long terme.

M. Lamarche: On le pense plus que jamais.

M. Filion: Pardon?

M. Lamarche: Plus que jamais.

M. Filion: Plus que jamais.

M. Lamarche: Dans la mesure où les gens ne sont pas protégés dans ce marché-là, qu'il arrive un pépin de n'importe quel ordre, par exemple, dans le cas d'un accident avec pertes totales ou le vol de la voiture, vous n'êtes absolument pas responsable de ces choses-là. Vous êtes locataire du véhicule. On vous demande de payer la différence entre les assurances et ce que vous devez en vertu du contrat. Il y a vraiment des aberrations.

M. Filion: D'accord. Le député de Marquette a posé toute une série de questions qui m'intéressaient: l'élimination des clauses abusives, le préavis de 30 jours et non pas le "pré Avis" de 30 jours, la notion d'usure anormale, la clause de dégagement aux responsabilités, la mention obligatoire dans le contrat, les normes sur la publicité. Ça, évidemment, c'est plus administratif. Cela doit s'adresser directement à l'Office de la protection du consommateur.

M. Lamarche: On a travaillé là-dessus d'ailleurs.

M. Filion: Indépendamment du fait que si la solution retenue est d'incorporer des dispositions dans la Loi sur la protection du consommateur ou dans le Code civil, il va toujours demeurer qu'en ce qui concerne la publicité, ces suggestions-là devront être acheminées à l'Office de la protection du consommateur où, de toute façon, je suis convaincu que vous avez déjà de nombreux contacts.

M. Lamarche: Oui.

M. Filion: Je pense que le député de Marquette, en ce qui me concerne, a posé les questions qui m'intéressaient. Par contre, Me Gariépy, qui est conseiller juridique de ma formation politique, aimerait, avec la permission de mes collègues, Mme la Présidente, vous adresser une question ou deux. (17 h 15)

La Présidente (Mme Bleau): Me Gariépy.

M. Gariépy: Dans votre mémoire, vous recommandez que la loi ou la réglementation oblige le commerçant à divulguer les frais de crédit, disons le taux de l'intérêt. Je voudrais avoir des précisions sur votre recommandation. Est-ce que c'est pour inciter le consommateur à comparer avec une autre option de financement ou si c'est pour avoir une idée de ce qu'il lui en coûterait si jamais il lui arrivait un accident - disons durant un contrat de location de trois ans, s'il avait un accident, que sa voiture était complètement endommagée et que l'indemnité d'assurance ne suffisait pas à rembourser au complet, quelle serait son obligation financière - et, si oui - excusez-moi si la question est un peu longue - est-ce que le consommateur, avec une indication du taux de crédit, ne saurait pas le montant exact de son obligation? Serait-il alors préférable d'ajouter au taux de crédit, une sorte de table de résiliation à court terme où le

consommateur pourrait savoir clairement ce qu'il lui en coûterait? Il pourrait y avoir des chiffres qui indiqueraient, après une certaine durée du contrat, quel montant il lui en coûterait s'il y avait résiliation.

M. Lamarche: Je vois que vous avez déjà étudié le dossier parce que ces trois choses que vous mentionnez sont très importantes à notre avis, à savoir, d'une part, que le taux de crédit implicite dans le cas de la location d'auto à long terme, soit mentionné au consommateur pour qu'il puisse comparer. Je pense que c'est un minimum quand on magasine ou quand on s'engage dans un contrat, que ce soit un contrat de crédit ou un contrat de location, de savoir à quel taux de crédit on le fait à ce moment-là, de façon à prendre le moins élevé. D'autre part, lorsqu'il y a, comme vous dites, accident ou, finalement, lorsque le contrat de location permet une espèce, si on peut dire, de valeur résiduelle - on parle du montant qui est à l'expiration du contrat - mais la valeur résiduelle décroît du début du contrat jusqu'à la fin pour atteindre ce montant de valeur résiduelle qu'on peut payer et qui constitue l'option d'achat si on rachète le véhicule. Je crois que le consommateur aurait intérêt à ce que cela soit clair et à ce qu'une réglementation dans ce domaine établisse que les gens qui s'engagent dans un contrat de location d'automobile soivent savoir où ils en sont dans leurs paiements, combien d'intérêts ils ont payés déjà, combien de capital ils ont payé. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Pour nous, cet aspect est clair. Nous en avons aussi discuté avec l'Office de la protection du consommateur et ça semblait être clair de son côté, le fait que les gens devraient savoir où ils en sont dans leurs paiements.

M. O'Narey: Je voudrais juste ajouter qu'on rencontre effectivement des consommateurs qui négocient la remise du véhicule; le commerçant leur dit alors: Effectivement, je vous accorde un rabais d'intérêts, sauf que, nulle part dans les contrats, on ne parie de taux ou de tables qui comprennent le capital et la remise sur les intérêts. C'est donc impossible pour le consommateur de vérifier le calcul qui a été fait en rabais d'intérêts sur la remise du véhicule. Je pense que ces informations sont essentielles pour que le consommateur puisse vraiment évaluer la situation dans laquelle il se trouve.

M. Lamarche: Je crois que les contrats auraient également intérêt à mentionner de quelle façon les intérêts sont calculés, de quelle façon la valeur résiduelle est calculée, de quelle façon les pénalités s'appliquent en cas de bris de contrat, les mécanismes, etc. Il y a présentement une confusion dans les contrats de location d'automobiles. Même les avocats qui se penchent sur ces contrats ne comprennent pas nécessaire- ment les implications des différentes clauses qui s'entrecoupent et se contredisent. C'est un imbroglio.

M. O'Narey: Je voudrais ajouter un dernier point, si j'en ai le temps. C'est un point très court. Dans les contrats actuels de prêts personnels ou de ventes à tempérament - les ventes à tempérament pouvant effectivement affecter les ventes d'automobiles - on retrouve une clause qui permet l'annulation, dans un délai de deux jours, de ces contrats-là, à cause du montant important qu'ils peuvent représenter. Dans les contrats de location d'automobiles à long terme qui représentent également des sommes importantes, il serait souhaitable que les consommateurs puissent bénéficier d'un délai de deux jours pour pouvoir annuler leur contrat. On a vu plusieurs cas de ce genre où des gens ne savaient pas exactement à quoi ils s'étaient engagés et qui ont, par la suite, voulu annuler, mais c'était impossible.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie. Avez-vous un dernier mot à dire?

M. Filion: Non, cela va. Au nom de ma formation politique, M. O'Narey et M. Lamarche, on voudrait vous remercier pour le travail que vous avez accompli dans ce secteur toujours grandissant de la location à long terme, pour la qualité de votre mémoire et la qualité des représentations verbales que vous avez faites durant ces auditions.

La Présidente (Mme Bleau): Un dernier mot, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Oui, Mme la Présidente. La même chose du côté gouvernemental. Votre mémoire est très bien fait. Il fera l'objet d'étude autant par l'équipe de la réforme du Code civil que par les représentants de l'Office de la protection du consommateur qui sont ici avec nous. Nous vous remercions de votre participation.

M. Lamarche: Merci.

Association coopérative d'économie familiale du sud-ouest de Montréal

La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, M. O'Narey, M. Lamarche, Mme Piou, merci de votre présence.

Nous appellerons immédiatement, puisque le temps nous presse, l'Association coopérative d'économie familiale du sud-ouest de Montréal, représentée par M. Philippe Dorais.

Nous vous prions de reprendre vos places, s'il vous plaît.

Nous saluons M. Philippe Dorais qui représente l'Association coopérative d'économie familiale du sud-ouest de Montréal. Nous avons

30 minutes à consacrer, M. Dorais, à votre présentation et à la période des questions.

M. Dorais (Philippe): Merci. Mme la Présidente, MM. les députés, je ne vous embêterai pas inutilement avec tout le contenu de mon mémoire. Mais disons que j'aimerais signaler, en premier lieu, que l'Association coopérative d'économie familiale du sud-ouest situe son intervention surtout au niveau de l'endettement, parce qu'on touche une population dont une grande partie est à faible revenu et n'est pas toujours bien informée des pièges de la consommation. C'est dans cette perspective, d'ailleurs, qu'on a effectué une recherche à l'automne 1987 sur la question de location d'appareils électroménagers et vidéos. On s'est rendu compte, à un moment donné, en effectuant des consultations budgétaires, que ce problème n'était pas abordé dans la loi actuelle. En tout cas, en ce qui concerne la Loi sur la protection du consommateur, il y a très peu de choses qui ont été dites là-dessus.

Nous désirons profiter de notre intervention à cette commission pour soulever quelques points, très brièvement. J'aimerais dire aussi qu'évidemment, la location d'appareils électroménagers et d'appareils vidéos, ça peut paraître assez anodin à prime abord, mais ça représente un marché assez intéressant pour les locateurs. Je peux vous donner un exemple: si on prend les différents types de contrats qui sont disponibles actuellement chez les marchands, la location simple, c'est-à-dire une location où on fait des paiements mensuels, au bout d'un an, ça représente 50 % en moyenne du coût d'achat d'un appareil. C'est la même chose dans le cas d'une option d'achat et si on parle de location-achat ou de ce que certains appellent le crédit-bail, à ce moment-là, ça représente 150 % du coût d'achat au terme du contrat. Malgré ce que ça peut avoir l'air, ce ne sont vraiment pas des peccadilles tout ça.

J'aimerais que vous portiez votre attention surtout sur la question des contrats de location-achat, justement. Cela me semble l'élément le plus problématique, à mon avis, dans le domaine de la location. C'est que ces contrats comportent des caractéristiques similaires aux contrats de vente à tempérament, dans la mesure où on trouve là-dedans un contrat assorti d'un crédit, incluant un taux d'intérêt annuel et des paiements étalés sur plusieurs mois. Comme dans la vente à tempérament, le consommateur ne devient propriétaire qu'après avoir acquitté toutes les obligations inscrites au contrat. Selon les renseignements qu'on a obtenus de l'Office de la protection du consommateur, il n'existe pas vraiment de jurisprudence actuellement qui permette d'établir un lien entre la location-achat et une vente à tempérament. Sauf qu'évidemment, si on attend un jugement hypothétique sur ce plan, on risque d'attendre un certain temps.

C'est pour ça qu'une des recommandations qu'on fait, c'est que des amendements soient apportés à la loi afin que les contrats de location-achat soient soumis aux mêmes règles que les contrats de vente à tempérament. C'est-à-dire que ce qui se passe actuellement, c'est que, dans les contrats de location-achat, il n'y a pas de distinction qui est faite entre le prix de location et les taux d'intérêt. Nous avons constaté qu'il y a des taux d'intérêt qui sont cachés et qui sont souvent très élevés, c'est-à-dire qui varient entre 16 % et 28 %. Ce n'est pas négligeable et c'est pour ça qu'on veut justement qu'on tienne compte de ce fait, actuellement, dans la révision du Code civil, en tout cas.

Nous avons également constaté, en ce qui concerne les contrats de location en général, qu'il n'existe aucune clause permettant au consommateur d'annuler ou de briser son contrat. Celui-ci est soumis au bon vouloir du commerçant, ce qui engendre souvent une situation arbitraire. Nous recommandons que les contrats de location comportent une clause de résolution et que le consommateur puisse se prévaloir des clauses de déchéance du bénéfice du terme, qui sont incluses aux articles 105 à 110 de l'actuelle Loi sur la protection du consommateur.

En ce qui touche la publicité, ce que l'ACEF a constaté, c'est que dans le domaine de la location d'appareils électroménagers, il n'y a pas de problème majeur en tant que tel. Sauf que, quand on lit attentivement la publicité sur ce type de pratique commerciale, on se rend compte qu'il y a des omissions importantes en ce qui concerne, par exemple, les frais d'administration. C'est-à-dire que, quand il s'agit, par exemple, d'une location-achat, normalement, on devrait indiquer le coût global, le prix de vente de l'appareil, mais ce n'est pas fait. Cela contrevient, en principe, à l'article 228 de la Loi sur la protection du consommateur. (17 h 30)

Ce qu'on a pu constater, également, c'est que la publicité portant sur la location-achat d'appareils électroménagers et vidéos ne mentionne pas - comment pourrais-je dire cela? -les frais d'administration. C'est-à-dire qu'on ne dit pas au consommateur: Cela va vous coûter 20 $ pour ouvrir un dossier. On ne vous dit pas non plus que vous avez à acheter une assurance pour vous protéger en cas de bris, de vol ou de perte; on ne vous dit pas non plus que vous avez à - comment dirais-je? - payer des frais de livraison, par exemple, s'il y a lieu. C'est pour cela qu'on recommande que les contrats de location-achat indiquent les frais d'administration ou de livraison concernant les services et que ceci soit inscrit dans la publicité.

En conclusion, ce qu'on aimerait dire, c'est que dans nos recommandations, ce ne sont pas des changements majeurs qu'on demande, c'est plutôt que soient apportées des précisions législatives qui sont actuellement inexistantes. Cela permettrait de régir plus efficacement les contrats de location d'appareils électroménagers

et vidéos qui, rappelons-le, échappent actuellement au contrôle de la loi. L'ACEF croit que ses recommandations revêtent une certaine importance parce qu'évidemment, cela représente un marché assez lucratif; en même temps, cela pourrait protéger les catégories de consommateurs à revenu modeste susceptibles de se laisser tenter par la location d'appareils électroménagers et vidéos.

Finalement, j'espère que ces brèves recommandations seront étudiées attentivement car, à notre avis, elles permettraient de colmater certaines brèches dans la loi. J'en profite pour remercier les membres de la commission pour l'attention qu'ils porteront à notre mémoire. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, merci M.

Dorais. Je passerai maintenant la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, au nom du gouvernement du Québec et, plus précisément, du ministère de la Justice, nous aimerions vous féliciter et vous remercier pour votre participation à cette sous-commission qui a pour mandat de faire des consultations sur la réforme du code en matière d'obligations.

Vous parlez de plusieurs sujets, notamment de l'assimilation au contrat de vente à tempérament. Vous recommandez aussi l'insertion obligatoire, dans ce genre de contrat de location-achat de biens meubles, d'une clause permettant au consommateur de mettre fin unilatéralement au contrat. Vous recommandez aussi que le consommateur puisse se prévaloir du régime des règles applicables aux clauses d'échéance du terme prévues dans la Loi sur la protection du consommateur. Vous parlez aussi de publicité. Ce qui est intéressant, c'est que vous êtes le seul organisme qui a abordé ces problèmes de location-achat d'appareils électroménagers et vidéos. On vous en remercie.

La question que j'aimerais vous poser, c'est: Quelles sont un peu - j'ai posé la même question au groupe qui vous a précédé - les principales difficultés rencontrées, les cas flagrants en matière de location-achat d'appareils électroménagers?

M. Dorais: Disons qu'on ne peut pas dire qu'on a reçu énormément de plaintes à ce sujet, sauf qu'on constate, actuellement, que les consommateurs n'ont pas les moyens de se plaindre parce que tout ce qui existe dans le domaine de la location-achat, par exemple à long terme, tout est soumis à l'arbitraire du commerçant. Il n'y a aucun moyen de se défendre par rapport à ce que le commerçant indique dans le contrat. Or, ce qu'on dit, c'est qu'on peut toujours espérer que des consommateurs vont se lever d'un bloc pour réclamer les amendements, mais je crois qu'on ne doit pas attendre que cela se produise. Ce qu'on veut soumettre ici, c'est tout simplement qu'il existe un vide juridique dans la Loi sur la protection du consommateur et dans ce que pourrait devenir, dans un avenir rapproché, dans l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil. On a des cas, mais on ne peut pas vous les empiler les uns par-dessus les autres, c'est sûr. Nous disons que nous devons plutôt voir à colmater une brèche, afin de donner possiblement, à notre avis, des moyens au consommateur justement de se défendre vis-à-vis de clauses qui nous paraissent quelquefois abusives.

M. Dauphin: Vous avez indiqué au début que, évidemment, dans votre secteur, il y a une classe défavorisée importante si l'on considère l'aspect de l'endettement. Je m'en doute un peu, mais qu'est-ce qui motive les consommateurs à procéder de cette façon-là, à louer un poêle, par exemple, ou un réfrigérateur?

M. Dorais: En ce qui me concerne, disons, ce que j'ai pu constater, c'est qu'il y a une publicité très agressive actuellement, non seulement actuellement, mais depuis un certain nombre d'années. Le marché de la location est de plus en plus répandu. Il y a de plus en plus de commerçants qui font de la publicité sur la location. Dans le cas des appareils électroménagers et vidéos, également de plus en plus répandu. Quand j'ai examiné la publicité, c'est quelque chose qui semble très alléchant à prime abord, parce qu'on indique des montants qui sont très minimes, des conditions qui m'apparaissent comme miraculeuses. Nous disons que les gens qui peuvent être tentés par ce type de contrat-là s'embarquent dans des choses qui peuvent avoir des implications en ce qui concerne l'endettement. C'est-à-dire que, quand on embarque dans un contrat de location-achat, on se rend compte qu'à un moment donné, il peut arriver des circonstances où, comme consommateur, on peut se dire: Bon, je n'ai plus les moyens de respecter mon contrat. Je n'ai plus les moyens de remplir certaines obligations qui y sont inscrites. Malheureusement, ce qui doit être constaté, c'est qu'actuellement, il n'y a aucun recours. Alors, c'est pour cela que nous disons: Avant qu'on se fasse pointer du doigt, on devrait tout simplement prévenir ces choses-là.

M. Dauphin: Vous avez clairement indiqué que vous avez déjà saisi l'Office de la protection du consommateur de ces problèmes que vous nous mentionnez. Tout ce que je peux vous dire en terminant, c'est que l'Office de la protection du consommateur a été saisi de cela, étudie la question et y apportera des correctifs législatifs prochainement. Alors, pour moi, je n'ai pas d'autre question.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Dorais de l'ACEF du sud-ouest de Montréal pour votre mémoire qui se concentre sur toute la problématique de la location des appareils électroménagers. Vous mentionnez le problème relatif à la publicité autant en ce qui concerne les indications obligatoires pour les frais d'administration, de livraison, de services, les indications du taux d'intérêt également. Mais comme je l'ai mentionné tantôt, ces représentations, évidemment, seront traduites, le cas échéant, dans le règlement plutôt que dans la loi. À ce moment-là, votre interlocuteur privilégié - je pense à l'office - est bien placé pour étudier le mérite de ces propositions-là. Vous recommandez cependant, en ce qui concerne la location, certaines modalités, des règles identiques aux contrats de vente à tempérament, la possibilité de résiliation par le consommateur et le remboursement par anticipation. Ma question porte sur la résiliation par le consommateur. Je pense que c'est un secteur important. Ce droit de résiliation n'existe pas dans la loi actuelle ni dans l'avant-projet. Je voudrais savoir d'abord, par exemple, si on prend les locations de téléviseurs - en tout cas, c'est ce que j'ai vu de plus fréquent, bien plus que la location de poêles ou de réfrigérateurs, je sais que cela existe, mais la location de téléviseurs, on voit cela assez fréquemment - est-ce que dans ces contrats, il existe des clauses pénales? Qu'arrive-t-il si, au bout de deux mois... Comment cela fonctionne-t-il? Je n'ai jamais regardé ces contrats.

M. Dorais: Ce qu'on a pu constater, c'est qu'il existe des clauses qui ne sont pas nécessairement des clauses pénales, mais le marchand peut s'approprier le droit de saisie sans préavis. Il peut aller directement à l'adresse du consommateur et saisir tout simplement le bien sans préavis, sans jugement ou quoi que ce soit.

M. Filion: D'accord.

M. Dorais: C'est une des choses qu'il peut faire. Comme je vous l'ait dit, le commerçant, ici, a tous les droits. Il n'a aucune restriction. Évidemment, le consommateur le moindrement futé peut toujours prendre les conseils d'un avocat, mais je pense que, dans le cas qui nous préoccupe, cela nous apparaît comme une exception. Autrement dit, ce qu'on dit, c'est que le consommateur là-dedans a très peu de moyens de se défendre et le commerçant, au contraire, prend tous les moyens à sa disposition pour protéger son droit.

M. Filion: Généralement, est-ce que ces contrats sont d'une durée fixe ou si ce sont des contrats qui sont renouvelables?

M. Dorais: La plupart des contrats sont, effectivement, d'une durée minimale d'un an et sont souvent renouvelables. On a constaté que ce sont les commerçants qui encouragent cette pratique surtout dans le domaine de la location-achat parce que c'est plus payant, évidemment. Comme je l'ai dit tantôt, quand vous louez, supposons un appareil de télévision de 800 $, au bout de trois ans, cela vous coûte 1200 $. Alors, vous venez d'augmenter vos dépenses de 50 %. C'est sûr que les commerçants de location ont intérêt à ce que les consommateurs renouvellent leur contrat.

M. Filion: Bien. Donc, M. Dorais, à mon tour et au nom de l'Opposition officielle, du parti politique que je représente, je voudrais vous remercier d'avoir étudié ce secteur-là, cet avant-projet de loi, et de nous avoir fait connaître vos commentaires de qualité sur cet avant-projet. Merci.

M. Dorais: Merci.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Même chose du côté gouvernemental, nous aimerions remercier l'ACEF du sud-ouest de Montréal qui est un beau territoire comme vous savez - c'est chez nous - et peut-être que les plaignants ou les plaignantes qui s'adressent à vous, vous pouvez leur conseiller d'aller à leur caisse populaire - d'ailleurs il y a des gens en arrière qui peuvent vous donner leur carte d'affaires - afin d'emprunter au lieu de louer cela.

M. Dorais: C'est ce que j'ai dit, d'ailleurs, dans mon rapport de recherche. J'y ai indiqué que c'est, effectivement, plus intéressant d'aller faire un emprunt à une caisse populaire que de le louer.

M. Dauphin: C'est vrai. Merci de votre participation.

M. Dorais: Merci.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

La Présidente (Mme Bleau): La commission vous remercie M. Dorais et bon voyage de retour. Nous appelons maintenant la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

Je vous souhaite la bienvenue et je demanderais à Me Dionne de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Est-ce que c'est Me Dionne qui est le porte-parole ce soir? C'est cela. Alors, bienvenue.

M. Dionne (Daniel): Mme la Présidente, mon nom est Daniel Dionne. Je suis coordonnateur en matière de législation à la Confédération des

caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. M. Denis Frenière, premier vice-président des ressources humaines et financières, devait représenter notre organisme devant cette sous-commission, mais il a été retenu à l'extérieur et m'a demandé de prendre sa place. il vous prie de l'excuser de son absence. À ma gauche, Me Guylaine Fortier, conseillère juridique à la confédération; à mon extrême gauche, Me Gaétan Cantin, vice-président aux affaires juridiques à l'Assurance-vie Desjardins et, à ma droite, M. Jean-Pierre Thomassin, conseiller en crédit commercial à la confédération.

Vu que notre mémoire contient des commentaires sur la plupart des sujets traités par cet avant-projet de loi, vous me permettrez d'entrer immédiatement dans le vif du sujet et de n'aborder que certaines questions de fond. Nous serons toutefois à l'entière disposition des membres de la commission pour répondre à toutes leurs questions, même si elles portent sur des commentaires plus techniques.

Au chapitre du contrat, nous exprimons notre inquiétude quant aux conséquences pratiques que pourrait engendrer une nouvelle règle indiquant que le consentement devrait être éclairé et réfléchi. En effet, nous craignons l'impact qu'une règle aussi générale pourrait avoir sur les activités courantes de ceux qui, en raison de la nature de leurs activités, signent quotidiennement une quantité considérable de contrats. Car il ne suffira pas de respecter cette exigence, il faudra également être en mesure de prouver en tout temps qu'elle a été respectée dans tous les cas. Par ailleurs, cela affectera sensiblement la stabilité des contrats, leur valeur intrinsèque, la confiance qu'on leur accorde habituellement, ce qui ne nous paraît pas souhaitable, pour toutes sortes de raisons, comme la multiplicité des procès, la difficulté d'évaluer les comptes à recevoir d'une entreprise qu'on veut acheter ou financer, etc. Certaines lois, comme la Loi sur la protection du consommateur, imposent des formalités précises pour s'assurer que le signataire d'un contrat a donné un consentement éclairé et réfléchi. La divulgation des frais de crédit est un bon exemple. Nous n'avons aucune hésitation à respecter ces formalités, car nous savons précisément en quoi elles consistent et nous pouvons prouver en tout temps qu'elles ont été respectées. Mais il en sera tout autrement avec une règle générale comme celle proposée. (17 h 45)

En d'autres mots, nous sommes entièrement d'accord avec l'objectif poursuivi, mais nous croyons que, si on veut le consacrer dans une loi et prévoir des sanctions en cas de non-respect, on ne doit pas le faire au moyen d'une règle aussi générale.

Concernant la forme des contrats, nous suggérons de retirer l'article 1457 qui exige que les modifications aux contrats nécessitant une forme particulière soient faites sous la même forme. Cet article risque, en effet, d'entraîner une augmentation importante des frais que devront assumer les consommateurs et les entreprises lors de telles modifications.

En ce qui a trait aux articles 1483 et 1484 portant sur les contrats d'adhésion, nous suggérons d'enlever les mots "personne raisonnable" et les mots "la prive de ses attentes légitimes", parce qu'ils introduisent trop de subjectivité dans ces articles et qu'ils ouvrent la porte à toutes sortes de contestations. Nous croyons d'ailleurs qu'ils ne sont pas essentiels et que les objectifs poursuivis peuvent être atteints malgré leur absence.

Quant aux dispositions relatives au droit de rétention, nous suggérons de restreindre ce droit à des cas précis et de prévoir qu'il ne soit pas opposable aux tiers qui veulent exercer un recours sur le bien, quitte à accorder au créancier bénéficiant de ce droit un hypothèque légale ou une créance prioritaire lui permettant d'être payé de sa créance.

En ce qui a trait aux règles relatives aux paiements, nous nous réjouissons que l'avant-projet de loi énumère des modes de paiement en usage depuis de nombreuses années et surtout qu'il reconnaisse si rapidement de nouvelles méthodes qui sont en train de devenir de plus en plus populaires. Nous suggérons toutefois de mentionner également un des modes de paiement les plus courant, c'est-à-dire le chèque non certifié, sans toutefois obliger le créancier à l'accepter. Nous abordons également la question du caractère libératoire des autres modes de paiement.

Concernant l'action en inopposabilité, nous suggérons certaines modifications destinées à combler les vides laissés par les dispositions actuelles et celles proposées. En effet, les créanciers sont parfois dépourvus de recours efficaces devant certaines attitudes frauduleuses de leurs débiteurs.

En ce qui a trait aux cessions de créances, nous croyons que les règles relatives à l'opposabilité aux tiers et aux débiteurs doivent être précisées ou revues, selon le cas, particulièrement en ce qui a trait à la cession d'une universalité de créances. En effet, il devrait être clair que l'article 1695 s'applique également à une telle cession, car ce n'est pas évident. De plus, l'enregistrement ne devrait être nécessaire que pour rendre la cession opposable aux tiers. En ce qui a trait aux débiteurs des créances cédées, la cession devrait leur être opposable dès qu'elle leur a été signifiée ou dès qu'ils y ont acquiescé.

Quant à la publication d'un avis dans un journal, il devrait être possible d'y recourir non seulement lorsqu'un débiteur est introuvable, mais également lorsque le cessionnaire ignore le nom d'un ou de plusieurs débiteurs. Cela risque d'être plus fréquent dans le cas d'une hypothèque grevant une universalité de créances mais cela peut également se produire à l'occasion,

dans le cas de la cession d'une universalité de créances présentes ou futures.

Au chapitre de la vente, nous nous interrogeons sur l'opportunité de faire disparaître les dispositions protégeant l'acheteur lorsqu'il achète un bien d'un "commerçant en semblable matière", ou lorsqu'il s'agit d'une affaire commerciale. Quant à la possibilité pour l'une ou l'autre des parties de considérer la vente comme étant résolue lorsque le bien n'est pas livré, payé ou récupéré dans un délai raisonnable, ou lorsqu'il est atteint d'un vice, nous croyons que ce droit devrait recevoir un meilleur encadrement.

En ce qui a trait à la vente à tempérament, nous demandons le retrait de certaines dispositions qui ne nous paraissent pas justifiées. Quant à la vente à réméré, nous demandons de ne pas considérer les ventes de créances avec droit de rachat comme des ventes à réméré, ou de ne pas leur appliquer certaines des règles proposées. Nous utilisons parfois la vente de créances avec droit de rachat pour combler nos besoins de liquidité et dans le but d'être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de nos membres, et nous croyons que personne ne subirait de préjudice si le droit de rachat des créances cédées n'était pas limité à cinq ans.

Concernant les ventes d'entreprises, nous croyons que les règles proposées devraient s'appliquer non seulement lorsque les biens vendus représentent la totalité ou la quasi-totalité des biens de l'entreprise, mais également une partie importante de ces biens, comme la vente des biens d'une succursale. Nous sommes également d'avis que les créanciers détenant une hypothèque ouverte ne devraient pas être considérés comme des créanciers chirographaires. De plus, on devrait prévoir que les créanciers garantis doivent également être payés pour la valeur de leur sûreté, à moins qu'ils n'acceptent une assumation de leur créance par l'acheteur.

Quant à la possibilité d'éliminer complètement les règles sur la vente en bloc, tel qu'envisagé lors des premières journées d'audition, nous n'y sommes pas favorables, mais nous croyons qu'il serait possible d'en limiter l'application aux situations où les montants en jeu sont élevés, car c'est dans de tels cas que la perte des créanciers peut être importante.

En ce qui a trait au crédit-bail, nous croyons que cette technique de financement ne devrait pas être réservée exclusivement à ceux qui exploitent une entreprise, quitte à ce qu'elle soit encadrée d'un certain formalisme lorsque l'utilisateur du bien est un consommateur.

Au chapitre des sociétés et des associations, nous nous réjouissons que les règles actuelles régissant les sociétés en nom collectif aient été revues et qu'on leur accorde la personnalité juridique. Nous suggérons cependant certaines précisions ou modifications de nature à permettre aux tiers de mieux savoir de quelle façon ils doivent traiter avec ces sociétés.

Nous suggérons également de modifier les articles 2279 et 2305 qui traitent de la responsabilité des sociétaires et des commandités à l'égard des obligations de la société envers les tiers. Nous croyons en effet que ces articles ne protègent pas suffisamment les tiers et qu'ils les inciteront à faire cautionner les sociétaires dans le cas d'une société en nom collectif, ainsi que les commandités dans le cas d'une société en commandite.

En ce qui a trait aux associations, nous nous réjouissons qu'on ait décidé d'inclure au Code civil une section complète à leur sujet. En effet, l'absence de règles adéquates les régissant nous empêche de les servir comme nous le souhaiterions. Cependant, nous croyons que les associations immatriculées au registre des associations et entreprises devraient avoir la personnalité juridique, comme le recommandait l'Office de révision du Code civil. Autrement, cela causera à leurs représentants de sérieux problèmes lorsqu'ils voudront contracter avec des tiers au nom de leur association. La situation actuelle nous permet d'en arriver à cette conclusion.

Au chapitre du prêt, nous croyons qu'il n'est pas opportun que le tribunal puisse déterminer de nouvelles modalités d'exécution d'un prêt, surtout s'il est assorti d'une sûreté parce que l'amortissement est souvent déterminé en fonction de la rapidité de dépréciation du bien.

Concernant les règles relatives au cautionnement, nous demandons que l'article 2415 soit modifié de façon que les héritiers de la caution soient tenus non seulement aux dettes existantes au moment du décès, mais également à celles nées avant que le créancier n'ait été informé du décès. Dans le cas d'une marge de crédit garantie par cautionnement hypothécaire, par exemple, c'est souvent la présence de ce cautionnement qui permet au prêteur de faire des avances. Si le cautionnement ne couvre plus les avances faites après le décès de la caution, même si le prêteur n'est pas informé du décès, celui-ci risque de perdre les avances qu'il consentira après le décès, ce qui ne nous paraît pas justifié.

Quant à l'obligation du créancier de divulguer à la caution les faits qu'il connaît et qui peuvent porter préjudice à la caution, elle peut entrer en conflit avec son obligation de confidentialité à l'égard du débiteur principal. Il y aurait donc lieu de préciser ce que doit faire le créancier dans un tel cas.

Au chapitre de la rente, nous demandons de préciser que l'on doit tenir compte, lors du calcul de la partie insaisissable d'une rente ou du capital accumulé à cette fin, des autres revenus du crédit rentier.

Concernant les assurances, nous suggérons de revoir la présomption prévue à l'article 2484 indiquant qu'en matière d'assurances terrestres, l'agent ou le courtier d'assurances est présumé être le représentant de l'assureur.

Finalement, en ce qui a trait aux règles particulières au contrat de consommation, nous

demandons que l'on puisse indiquer le coût d'une assurance souscrite par l'emprunteur dans un contrat séparé, par exemple le formulaire d'adhésion à l'assurance. Nous demandons également que soient assouplies certaines exigences qui, à notre avis, briment plus qu'il n'est nécessaire la liberté des consommateurs, par exemple le délai pour le premier paiement, la fréquence des paiements, etc. Dans la même optique, nous demandons qu'il soit possible, pour répondre à la demande de nombreux consommateurs, de consentir des prêts dont le capital serait remboursable en totalité à une date déterminée et l'intérêt payable mensuellement.

En ce qui a trait à l'article 2843, qui traite de la collaboration régulière entre le commerçant et le prêteur, nous considérons important de signaler qu'il défavorise souvent les consommateurs au lieu de les avantager car il incite les prêteurs à refuser de conclure avec des commerçants des ententes qui seraient favorables aux consommateurs, par exemple, des ententes qui prévoient une réduction du taux d'intérêt.

Enfin, on semble avoir laissé tomber, dans l'avant-projet de loi, l'article 100.1 de la Loi de la protection du consommateur qui donnait ouverture à l'octroi de prêts à taux fluctuant. Pour les motifs exposés dans notre mémoire, nous considérons important que cette disposition soit reprise dans l'avant-projet de loi et qu'elle soit mise en vigueur le plus rapidement possible.

Mme la Présidente, cela complète notre exposé concernant l'avant-projet de loi sur les obligations. Nous tenons toutefois à ajouter que, malgré les nombreux commentaires contenus dans notre mémoire, nous avons été impressionnés par la qualité du travail des artisans de cet avant-projet de loi et des autres qui l'ont précédé. La réforme du Code civil est une entreprise colossale et même s'il est possible d'améliorer les avant-projets ici et là, on ne peut s'empêcher d'admirer le travail accompli jusqu'à maintenant et d'encourager tous ceux qui travaillent à cette réforme à continuer dans la même veine. Le Mouvement Desjardins est heureux de pouvoir collaborer à ce travail d'envergure et espère que ses commentaires et suggestions seront utiles à ceux qui ont pour mandat d'achever ce travail gigantesque. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, Me Dionne. Vous avez fait ça dans un temps record. Je passerai maintenant la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Me Dionne, on peut vous laisser le loisir de prendre un verre d'eau, si vous le voulez, avant de poser nos questions. Alors, au nom du ministre de la Justice du Québec, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de recevoir Me

Dionne, il y a moins d'un mois, à l'occasion de l'étude du document de travail sur les droits économiques des conjoints. Nous sommes heureux de voir que le Mouvement Desjardins s'intéresse vivement à la législation. C'est compréhensible considérant le nombre de membres qui adhèrent au Mouvement Desjardins. On parle de 4 000 000 de membres, je crois. C'est un organisme des plus importants au Québec. Je suis heureux de constater, à la lecture de leur mémoire, qu'ils émettent des commentaires non seulement sur les dispositions visant à protéger les créanciers, mais ils émettent également des commentaires favorables sur des dispositions visant à protéger les consommateurs. Nous en sommes quand même très fiers. On a préparé une série de questions que vous me permettrez de vous lire, étant donné l'heure tardive, je n'oserais pas improviser.

Certaines associations vouées à la protection du consommateur nous ont souligné l'existence de problèmes que pose la pratique des retraits pré-autorisés, d'ailleurs un groupe avant vous nous a longuement parlé de cela, entre autres le défaut par les institutions financières de vérifier les autorisations de paiement avant d'effectuer un retrait et le dégagement de toute responsabilité de ces dernières dans le traitement de ces retraits. On souligne le fait qu'assez souvent un même montant soit prélevé plusieurs fois dans le même mois ou encore que le commerçant effectue un retrait plus tôt qu'à la date convenue ou même au-delà de la date à laquelle prenait fin l'abonnement. Nous aimerions évidemment connaître votre réaction à ce problème et savoir si c'est une pratique utilisée avec le Mouvement Desjardins dans les caisses populaires.

M. Dionne: Ce que vous avez souligné est une chose qu'on doit tous déplorer. C'est la première fois que j'entends parler de ce problème. Je ne sais pas si mes collègues ont été sensibilisés à cette situation. Je dois vous dire que votre question me surprend. Malheureusement, je n'ai pas de réponse. Chose certaine en tout cas, si cela se produit, il y aurait lieu de le corriger effectivement.

M. Dauphin: On a entendu plusieurs groupes - d'ailleurs un groupe juste avant vous - qui nous en ont parlé et des groupes de protection des consommateurs.

M. Dionne: Évidemment, on ne peut pas empêcher des erreurs de se produire de temps à autre quand on manipule beaucoup de transactions, sauf que, si jamais il y avait un débit fait quelques jours avant la date prévue, il s'agirait pour le membre d'en aviser son institution financière. J'imagine que la situation serait corrigée rapidement. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre veut ajouter...

Mme Fortier (Guylaine): Peut-être, avec votre permission, Mme la Présidente. Je sais qu'à

une certaine époque il y a effectivement eu des problèmes relatifs à la vérification de la pièce comme telle. Il fallait absolument que, par exemple, si le montant soit exact, sinon le système informatique laissait passer l'ordre de débit, l'arrêt de paiement qu'il avait était de 11,14 $, et que le marchand présentait un débit autorisé de 11,13 $. Je sais qu'à l'heure actuelle, on développe des corrections pour le système informatique comme tel, mais je ne suis pas vraiment en mesure de vous dire jusqu'à quel point et quand cela pourra vraiment être corrigé. C'était vraiment un problème de système.

M. Dauphin: D'accord. Mais vous n'avez pas eu plus d'appels ou de pressions que cela à ce sujet? Pas à votre connaissance?

M. Dionne: Je n'avais jamais été sensibilisé au problème, le cas échéant. Mais il y a une chose qui est certaine, en tout cas, c'est qu'advenant le cas où cela pénaliserait un membre d'une caisse, il serait dédommagé par la caisse à ce moment-là. C'est évident, je pense.

M. Dauphin: D'accord. Ma deuxième question concerne les transferts électroniques de fonds. Vous semblez d'accord avec la codification proposée par l'avant-projet de loi des moyens de paiement que sont les cartes de crédit et le recours à tout autre moyen faisant appel à un système de transfert électronique de fonds. Pourtant, certains organismes, dont l'Association des banquiers canadiens qui sont venus au tout début de nos travaux, s'opposent à une telle codification prétextant qu'elle est prématurée et trop dangereuse à l'heure actuelle. Est-ce que nous pourrions avoir votre position là-dessus?

M. Dionne: Je pense que l'objectif de l'article en question vise à faire en sorte que le débiteur d'une somme d'argent ne soit pas obligé en fait de remettre du numéraire, qu'il puisse donc utiliser d'autres techniques qui sont aussi bonnes ou presque, dans le fond. Par exemple, il serait anormal qu'une personne qui doit 1 000 000 $ soit tenue d'arriver avec ce montant en liquide. C'est normal qu'on puisse lui permettre de payer par chèque certifié, entre autres choses. C'est également normal, avec l'utilisation qu'on fait actuellement de la carte de crédit, qu'une personne qui doit de l'argent, par exemple, à la suite d'un achat qu'elle a effectué, puisse s'acquitter de cette obligation de le payer au moyen d'une carte de crédit si elle l'a sur elle, si les montants disponibles sont là. (18 heures)

Dans le fond, c'est le but que vise l'article: permettre à des débiteurs de s'acquitter de leur obligation de payer non seulement avec du numéraire, mais d'autres façons. Bientôt, on va avoir la carte de débit. Elle commence même à être utilisée. Alors, je ne vois pas pourquoi on s'opposerait à un article qui vient dire qu'un débiteur peut s'acquitter de ses obligations d'une autre façon qu'avec du numéraire. S'il peut le faire avec une carte de débit, pourquoi pas? Moi, j'ai un peu de difficulté à comprendre la position de l'Association des banquiers canadiens qui s'oppose au fait qu'on le prévoie dans le Code civil. Toutefois, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait peut-être s'assurer que l'article protège le créancier de l'obligation, dans le sens, si jamais il arrivait... Il faut penser que cet article vise, par exemple, une carte de crédit émise par une institution financière étrangère. Si le débiteur acquitte son obligation avec sa carte de crédit, s'il fait un achat, qu'il acquitte avec sa carte de crédit et que par hasard, l'institution financière étrangère fait faillite le lendemain et que le commerçant n'est pas capable d'être remboursé de cette somme, ce qu'on dit, c'est que le commerçant devrait être capable de dire à l'acheteur: Je n'ai pas pu me faire payer la pièce que tu m'as signée, donc je te la remets, tu me donnes l'équivalent en numéraire et, de toute façon, tu ne te feras jamais réclamer le montant en question par l'institution financière qui a émis ta carte puisque moi, de toute façon, je n'ai pas été capable de me faire rembourser cet achat. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il y aurait peut-être lieu... Ce sont des cas exceptionnels, évidemment, mais il reste qu'il n'est pas impossible que cela arrive. Si vous regardez l'article en question, quand on parle des autres modes que le chèque certifié, on ne parle pas d'institutions financières faisant affaire au Québec, donc cela peut être une carte de crédit émise par n'importe quelle autre institution financière et même par des corporations qui ne sont pas des institutions financières.

M. Dauphin: Merci. Si vous me permettez, Mme la Présidente, la suivante a trait à la vente d'immeubles résidentiels. Vous ne semblez aucunement remettre en question le principe avancé justement par la réforme, à l'effet de protéger l'acheteur d'un immeuble résidentiel. Pourtant, la même association celle que j'ai mentionnée tantôt, l'Association des banquiers canadiens, s'oppose à l'introduction au Code civil de règles protectrices à cet effet ou, à tout le moins, recommande de limiter leur application aux constructions neuves, aux nouvelles constructions. De plus, elle allègue que si ces mesures sont maintenues, elles entraîneront des délais et des coûts additionnels pour les parties lors de l'octroi des prêts hypothécaires. Est-ce qu'on pourrait avoir votre réaction face à cette position?

M. Dionne: Écoutez, on a regardé les dispositions en question et on n'est pas allés jusqu'à savoir si cela retarderait l'octroi de nos prêts hypothécaires. Donc, on n'est pas contre le fait d'inclure des dispositions protégeant les acheteurs de résidence, au contraire. Je dois vous dire qu'on a quelques commentaires sur les

dispositions visant la protection des consommateurs, mais on n'est pas contre cela, en principe. Au contraire, on est favorables, peu importe le domaine dans le fond, à ce qu'il y ait des dispositions qui protègent le consommateur, que ce soit dans le Code civil ou dans une autre loi. Évidemment, ce qui est important pour nous, c'est qu'elles n'aillent pas trop loin, dans le sens que des dispositions peuvent paraître fort louables à première vue, mais elles engendrent tellement de frais ou d'inconvénients par rapport aux avantages qu'elles rapportent que, dans ces cas-là, on souligne qu'on n'est pas tout à fait d'accord; ou, en tout cas, on se dit que ce sont nos membres qui paient, finalement, si on passe des heures de plus à préparer des contrats à cause de certains articles d'une loi qui débordent le nécessaire, je dirais. Ce sont nos membres qui paient la note parce qu'on doit mettre plus de ressources à cette tâche ou on doit consacrer plus de temps à celle-ci. Alors, c'est dans ce sens qu'on a parfois des commentaires qui peuvent sembler aller à l'encontre de la protection du consommateur, mais ce n'est pas notre objectif. On est favorables à toute forme de protection, peu importe le domaine.

M. Dauphin: Merci. J'aimerais vous poser une question. Justement, Me Cossette, qui est directeur du droit civil au ministère de la Justice... J'aimerais vous référer à l'article 1841, qui traite de la circulaire d'information. Plusieurs organismes nous ont dit que c'était peut-être trop lourd lorsqu'on parle d'au moins cinq unités de logement. Nous serions intéressés a avoir votre opinion sur l'article 1841, au sujet de la circulaire d'information. Nous sommes en matière des règles particulières à la vente d'immeubles résidentiels. Je ne sais pas si vous vous êtes penchés là-dessus, je ne veux pas non plus...

M. Dionne: Pas vraiment, pour être honnête avec vous. Maintenant, plutôt que de vous répondre incorrectement, si vous désirez avoir notre point de vue, on peut examiner la disposition en question et vous faire parvenir dans les jours qui suivent ce qu'on en pense.

M. Dauphin: On l'apprécierait.

M. Dionne: Je dois vous dire qu'on a regardé toutes les dispositions du code, on l'a lu d'un bout à l'autre sauf l'hypothèque maritime, je pense, et on n'a pas accroché sur cet article. Cela fait quand même plusieurs mois qu'on l'a regardé, alors c'est...

M. Dauphin: Je retiens votre suggestion. On l'apprécierait si vous pouviez communiquer avec nous.

Le Président (M. Marcil): II faudrait, par contre, que ce soit envoyé ici, à la sous-commission. Nous nous occuperons de le faire parvenir au ministre de la Justice. Merci.

M. Dauphin: Est-ce qu'on a encore le temps?

Le Président (M. Marcil): Oui.

M. Dauphin: Aux articles 1822 et suivants, certains ont suggéré de ne plus réglementer la vente en bloc ou la vente d'entreprise. Comment dit-on cela... le "Bulk Sales Act"? C'est la Colombie britannique qui a supprimé cela, le "Bulk Sales Act". Que pensez-vous de cette suggestion?

M. Dionne: La vente en bloc, en fait, qui s'appelle dorénavant la vente d'entreprise. J'admets que j'ai lu un petit peu vite tout à l'heure, mais j'ai abordé la question dans l'exposé. D'ailleurs, je dois vous dire que je voyais l'heure tardive alors c'est la raison pour laquelle j'ai procédé rapidement.

M. Dauphin: On l'a compris.

M. Dionne: On y a répondu dans le sens qu'on croit que ces dispositions visent à protéger les créanciers. Quand on parle de créanciers, les gens souvent pensent que ce sont uniquement des institutions financières, mais ce ne sont pas uniquement des institutions financières. Cela peut être aussi des petits commerçants, qui ont fourni de la marchandise à une grosse entreprise qui est vendue. Cela peut être, des fois même, des particuliers qui ont une créance contre une entreprise; cela arrive. Les dispositions visent à protéger les créanciers. Évidemment, on est, au départ, en désaccord avec l'idée de les abolir.

Maintenant, je peux comprendre la position d'autres organismes, c'est-à-dire les professionnels qui ont à faire des transactions. Parfois, ils trouvent cela peut-être un peu lourd et je les comprends si le prix de vente d'une entreprise, par exemple, est de 15 000 $ ou de 20 000 $. Dans ces cas-là, je pense qu'il pourrait y avoir une exemption du respect des règles de la vente en bloc ou de la vente d'entreprise. Quand, par contre, il s'agit de 1 000 000 $ ou de 2 000 000 $, je pense que c'est une tout autre chose. C'est peut-être là que se trouverait la solution, c'est-à-dire de prévoir que les règles de la vente en bloc ou de la vente d'entreprise ne s'appliquent pas nécessairement dans tous les cas, mais s'appliquent dans le cas où le préjudice peut être important pour les créanciers, advenant le cas où le vendeur ne se servirait pas du produit de la vente pour payer ses créanciers et s'en servirait à d'autres fins ou disparaîtrait du décor avec l'argent. Il n'est pas impossible que cela arrive. Je me suis occupé de dossiers où, heureusement, il y avait eu non-respect de la vente en bloc et, en conséquence, on a pu contester ou éviter une perte qu'on aurait subie autrement. Alors si nous avons pu l'éviter,

d'autres, comme je le disais tout à l'heure, des petits commerçants, des agriculteurs, peuvent profiter de ces dispositions-là.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Peut-être une dernière question. Vous suggérez que le crédit-bail s'applique non seulement aux entreprises mais également à toute personne voulant y recourir. On aimerait vous entendre sur les avantages que vous y voyez et si, dans votre esprit, cela couvrirait également certaines opérations de location-achat de biens de consommation.

M. Dionne: D'abord, je pense qu'on peut dire qu'en soi il n'y a aucune technique de financement qui est mauvaise. Si on prend la vente à tempérament, par exemple, on peut l'encadrer d'un certain formalisme, mais en soi ce n'est pas une technique qui est mauvaise. Il y a même des consommateurs qui y trouvent de grands avantages quand le taux offert par l'institution financière ou le concessionnaire, par exemple, comme on a vu dans la publicité, à des taux de 4 %... Je n'aurais aucune hésitation à recommander à quelqu'un d'acheter un véhicule à tempérament si le taux de financement est de 4 %. Il est même mieux de faire cela que d'emprunter auprès d'une institution financière. Donc, il n'y a aucune technique qui est mauvaise en soi. Le crédit-bail en est une autre qui est différente. Je pense qu'il ne faut pas la rejeter du revers de la main, et le fait qu'on la limite aux entreprises, je me dis qu'il y a peut-être des consommateurs qui apprécieraient de pouvoir le faire comme cela. Je pense que ce qui est important, c'est de l'encadrer de règles qui les protègent. Si cela est fait par des dispositions, comme actuellement la vente à tempérament est régie par la Loi sur la protection du consommateur, les consommateurs sont protégés. Si on fait la même chose pour le crédit-bail, je ne verrais pas pourquoi un consommateur n'aurait pas la possibilité de choisir entre un prêt auprès d'une institution financière et un crédit-bail auprès de la même institution financière, s'il y voit des avantages. Alors, c'est dans ce sens... Je ne sais pas si mes collègues ont des choses à ajouter.

Une voix: Non.

M. Dauphin: Merci. Avec la permission de la présidence et des collègues, j'aimerais demander à Me Cossette, qui est directeur du droit civil au ministère de la Justice, de vous poser une question.

M. Cossette (André): Merci, M. le Président. Je voudrais référer notre comparant à l'article 1457. Vous ne semblez pas être d'accord avec la proposition faite. Pour faciliter la considération du problème, partons d'un exemple bien précis. Il s'agirait d'une hypothèque, par exemple. Alors, on dit: "Lorsqu'une forme particulière est exigée comme condition nécessaire à la formation du contrat, elle doit être observée". Cela va. Puis: "de même, elle doit l'être pour toute modification apportée à un tel contrat". Mais, il y a un "à moins" que l'on considère comme important et, justement, on a pensé à vous autres lorsqu'on a écrit le "à moins". On sait particulièrement que, quand vous modifiez le taux d'intérêt d'une hypothèque, vous le faites par acte sous seing privé, et on ne voulait pas vous obliger, par ailleurs, à adopter la forme authentique pour faire une petite convention modifiant le terme ou le taux d'intérêt. Mais, vous avez dit que vous n'étiez pas satisfaits de cela. Qu'est-ce que vous voulez?

M. Dionne: D'abord, M. Cossette, je partage entièrement votre point de vue dans le sens qu'en ce qui me concerne personnellement, je crois qu'on pourrait toujours continuer à faire nos renouvellements d'hypothèque sous seing privé. Je dois ajouter que c'est à l'avantage des consommateurs parce que, lorsqu'ils sont sous seing privé, ils ne coûtent rien ou très peu, alors que s'ils sont faits par acte authentique, c'est différent. Sauf que cela n'est pas l'interprétation de tout le monde. Il y a des questions qui se posent. Il est possible qu'ailleurs ce soit interprété différemment et qu'en conséquence il y ait des institutions financières qui se mettent à exiger que leurs hypothèques soient dorénavant renouvelées sous forme authentique. Donc, en fait, ce ne sont pas tous les juristes qui croient que les mots "à moins que" règlent le problème. C'est dans ce sens qu'on s'est dit: II n'y a pas d'article actuellement. Je ne crois pas que ce soit un problème. On s'est dit: S'il n'y a pas de problème actuellement sans article, pourquoi en mettre un? C'est un peu notre position finalement. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Cossette: C'est une réponse, oui. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cossette: Mais cela ne m'éclaire pas davantage. Merci quand même.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous voulez compléter, madame, Maître?

M. Dionne: Pardon?

Mme Fortier: Non, cela va. Merci.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui. M. le député de Beauharnois est président de cette commission?

À mon tour d'abord de féliciter le Mouvement Desjardins pour son implication - on serait

presque porté à dire son engagement - vis-à-vis de son rôle social qui est de surveiller, de faire des commentaires sur toute législation de nature à affecter des citoyens du Québec. Je remarque également que vos commentaires sont dégagés en ce sens qu'ils ne portent pas seulement sur les opérations commerciales du Mouvement Desjardins, mais portent sur l'intérêt, le bien-être de l'ensemble des membres du Mouvement Desjardins qui, si on se réfère à la statistique donnée tantôt par le député de Marquette, constitue la majorité de la population au Québec. Or, dans ce sens-là et au nom de l'Opposition officielle, mes félicitations pour le travail que vous faites.

J'ai choisi d'aborder avec vous deux questions. Les autres de nature peut-être un peu plus technique, je vais les laisser à Me Pierre Gariépy qui est conseiller juridique de l'Opposition. (18 h 15)

J'ai déjà évoqué ces deux questions à cette commission parlementaire. L'une porte sur l'introduction des qualités du consentement requis pour la formation d'un contrat, de ce nouvel élément qui est un élément de réflexion. Cela m'a fait sourire, cela a fait sourire Me Gariépy. À la page 5 de votre mémoire vous commentez le fait que le consentement doit être libre, éclairé et réfléchi, et vous commentez longuement aux pages 5 et 6 les conséquences de l'introduction de ce concept, pour conclure, à la toute fin, en disant: "En résumé, l'introduction d'une disposition à l'effet que le consentement doit être éclairé et réfléchi peut sembler souhaitable à première vue, mais elle risque d'être lourde de conséquences et de créer plus d'inconvénients, souvent coûteux, que les avantages qu'elle pourra rapporter. Comme c'est probablement l'ensemble de la population qui en assumera indirectement les coûts, elle mérite, à notre avis, de faire de nouveau l'objet d'une réflexion". J'ai trouvé cela intéressant, parce que vous renvoyez à la réflexion cet élément de réflexion que l'avant-projet de loi introduit dans notre droit.

Alors, ma question: Est-ce que vous prévoyez, finalement, par votre expérience, un foisonnement ou, en tout cas, une propension un peu plus grande à des recours en annulation de contrat, advenant l'introduction d'un qualificatif comme celui-là dans la théorie générale des obligations?

M. Dionne: II est certain, pour nous, qu'il va y avoir une augmentation... c'est-à-dire que cet article va être invoqué dans un certain nombre de dossiers, évidemment. Je lisais les débats des jours précédents, je pense que c'est la Commission des services juridiques qui disait qu'elle ne prévoyait pas, elle, qu'il y aurait énormément d'augmentation de litiges sur cette question; mais il n'en demeure pas moins que c'est un argument qui peut être invoqué en supplément à d'autres et qui oblige à ce moment-là l'autre contractant à établir une preuve qui n'est pas facile, et cela peut être un moyen dilatoire. Est-ce qu'il y aura une multitude de procès de plus? C'est difficile à évaluer. Chose certaine, ce n'est pas tellement cela qui est notre principale question, mais c'est plutôt la question de savoir comment on mettra cela en pratique. Moi, il me faut écrire, par exemple, et nous tous, ici, aurons à expliquer à nos caisses dans quelques mois le nouveau Code civil. Comment leur dira-t-on de mettre en pratique le consentement éclairé et réfléchi? Cela ne sera pas tellement facile de leur donner des explications qui vont les assurer que leur contrat sera valide par après, de dire combien de temps ils vont devoir laisser réfléchir le consommateur. C'est un aspect auquel il faut penser, je crois, mais, évidemment, il y aura sûrement aussi une augmentation des litiges; selon moi, c'est évident. Est-ce que cela sera astronomique? Je pourrais difficilement le prévoir.

M. Filion: D'ailleurs, votre mémoire souligne le caractère subjectif de ce qu'est ou n'est pas une réflexion. Cela ne fait pas partie de notre droit, sauf que vous avez mentionné, dans votre présentation, que cela existait, ou est-ce que vous avez mentionné, dans votre présentation, que cet élément de réflexion n'existait pas dans d'autres types de...

M. Dionne: Dans la Loi sur la...

M. Filion: Dans la Loi sur la protection...

M. Dionne: ...protection du consommateur, il y a effectivement des dispositions qui prévoient, à tout le moins, que le consentement doit être éclairé. Par exemple, on mentionnait la divulgation des frais de crédit. C'est une disposition qui vise à faire en sorte que le consommateur soit éclairé, et on n'a rien contre cela; au contraire, on trouve cela tout à fait correct. Mais, là, on sait quoi faire, on sait qu'il faut divulguer les frais, on sait qu'il s'agit de prendre notre système et de calculer, et puis de donner le montant. Mais si cela devient général, comme c'est écrit dans le code actuellement, là, cela devient beaucoup plus difficile à gérer. Par exemple, actuellement, les membres de nos caisses souhaiteraient que, quand ils nous demandent un prêt, ils l'aient le plus tôt possible. Est-ce qu'on va leur dire d'attendre au moins une journée pour être certains que leur consentement sera éclairé? Le cas échéant, est-ce qu'il faudra noter qu'on leur a laissé une journée pour réfléchir? Pour nous, cela peut engendrer un certain nombre de difficultés, mais il y a bien d'autres domaines où cela ne sera pas facile à mettre en application non plus. Parce que, quand une loi est adoptée, nous, nous essayons de la respecter. Quelquefois, nous ne sommes pas toujours d'accord avec son contenu, mais on essaie de la respecter au maximum, puis on Incite nos caisses à le faire aussi. Mais il faut que cela soit aussi vivable, finalement.

L'objectif, je le répète, est tout à fait louable, mais on pense qu'il y a peut-être des choses qui sont louables mais qui ne doivent pas nécessairement faire l'objet de législation. C'est un peu le message, finalement, qu'on veut laisser.

M. Filion: D'accord. Message reçu. Deuxième point: en ce qui concerne l'article 1666 qui donnerait un pouvoir exceptionnel au tribunal de réduire dans certains cas les dommages-intérêts qui auraient été accordés, votre mémoire...

Une voix: Page 24.

M. Filion: C'est cela. ...à la page 24 est particulièrement éloquent sur cela. Bon, il reste que, grosso modo, l'objectif d'une mesure comme celle-là est un objectif d'équité sociale, si l'on veut. On pourrait même imaginer l'exemple suivant, pour vous permettre de réagir. Supposons une condamnation pour une somme de 20 000 $. Manifestement, le défendeur n'a pas les sous. Sa seule alternative, c'est la faillite. Est-ce qu'à ce moment-là cette mesure d'équité sociale qui, à première vue, semblerait ne favoriser que le débiteur d'une obligation, mais, étant donné son caractère exceptionnel, est-ce que cela n'aurait pas finalement du sens? J'aimerais peut-être que vous réagissiez sur cela.

M. Dionne: Oui, d'accord. En fait, on a traité cette question-là du point de vue purement juridique, dans le sens que c'est un élément qui devient très subjectif, et on s'est dit, comme juristes finalement, tout simplement, de quelle façon cela va-t-il se régler devant les tribunaux? Cela fait un peu drôle de voir ces règles-là auxquelles on n'est pas habitués. Alors, c'est une réponse plutôt juridique, ou notre commentaire est d'ordre plutôt juridique, parce que, sur le plan de l'objectif, encore une fois, moi, je partage entièrement l'objectif dans ce cas-là comme dans bien d'autres. On a tout simplement souligné que cela faisait un petit peu étrange. On n'est pas habitués à ces dispositions-là. On essaie de regarder le nouveau code de façon non conservatrice, dans le sens qu'on veut essayer de s'adapter au maximum à ce qui est proposé mais, ici, on a accroché un petit peu, pas plus que cela en fait. Je pense qu'au ministère et à la commission, vous êtes en mesure de juger tout simplement notre commentaire sur cela qui est d'ordre plutôt juridique que social, si on veut. Mais je suis d'accord avec vous qu'en soi, l'objectif est louable, c'est bien certain.

M. Filion: Même si ce n'est pas facile à formuler pour garder un cadre objectif, c'est ce que vous dites essentiellement.

M. Dionne: Exactement. La gêne, encore une fois, c'est l'état d'âme d'une personne. On n'est pas habitués à ce genre de chose dans notre Code civil à tout le moins.

M. Filion: Bon, alors...

M. Dionne: Je tiens à vous répéter que ce n'est pas un article sur lequel on insiste. On a fait un petit commentaire, mais...

M. Filion: D'accord. Alors, avec votre permission, M. le Président, et celle de mon collègue, je voudrais demander à Me Gariépy de vous adresser quelques questions bien spécifiques sur votre mémoire.

M. Gariépy: Excusez-moi, à cette heure-ci, je vais lire fa question pour être sûr que j'ai tous les éléments. Je voudrais discuter de l'effet de l'action en inopposabilité. Vous en parlez à la page 27 de votre mémoire. En fin de compte, cela concerne le résultat de l'action en inopposabilité, l'article 1690. À la page 27 de votre mémoire, vous suggérez que l'avant-projet pourrait facilement introduire un certain recours prévu dans la Loi sur la faillite; c'est l'article 78. Vous mentionnez que cela réglerait la question où si le bien qu'on réclame - dont on demande dans l'action en inopposabilité à ce qu'il revienne dans le patrimoine du débiteur - a été altéré, perdu ou est simplement déprécié, vous voudriez avoir un recours contre le tiers acquéreur. Vous mentionnez que, s'il y avait un tel recours comme l'article 78 de la Loi sur la faillite, cela réglerait ces problèmes-là. Ce que j'aimerais vous demander, c'est qu'il y a dans l'avant-projet les articles 1746 à 1754 qui traitent, dans le chapitre de la restitution, qui offrent des solutions assez intéressantes qui se rapprochaient de ce que vous entendez. Les articles 1746 à 1754. Par exemple, à l'article 1748, on traiterait du cas de la revente du bien; à l'article 1749, de la perte du bien. Ce que je me demandais si, dans ces articles, vous n'auriez pas la solution qui est équipollente ou équivalente au recours de la Loi sur la faillite. Ou, et j'attire votre attention si c'est sur le texte même de l'article 1746. Se peut-il que le texte de l'article 1746, si vous le commentez, d'après vous, à cause du mot "soit" puis de l'énumération qui suit, soit restreint et serait inapplicable dans l'action en inopposabilité?

M. Dionne: Cela ressemble à un examen du Barreau. Écoutez, je dois vous dire que ça fait à peu près trois ou quatre mois qu'on a regardé cette partie du code. Donc, je ne suis pas en mesure de juger si, effectivement, ça répondrait à cette suggestion. Si vous me le permettez, je vous offrirais la même chose que tout à l'heure, c'est-à-dire de répondre par écrit dans les jours qui suivent à la question, pour bien pouvoir la mûrir plutôt que de vous induire en erreur. Je préférerais y aller de cette façon-là. Mais, encore une fois, je répète un élément que j'ai mentionné tout à l'heure. Parfois, ce ne sont pas toujours les institutions financières qui exercent ces recours, ce peuvent être des particuliers, par

exemple, qui ont été fraudés par une autre personne. Alors, ça peut être aussi avantageux, quand on fait cette suggestion, elle peut être aussi avantageuse pour eux que pour tout autre créancier qui a été victime d'un comportement frauduleux de la part de son débiteur.

M. Gariépy: Avec votre permission... À l'article 1847, à la page 59 de votre mémoire, vous traitez de l'annulation de trois ans; c'est dans les immeubles résidentiels. Vous demandez à ce qu'il soit ajouté que c'est "sous réserve des droits des créanciers hypothécaires", que, s'il y a annulation de la vente, cette annulation soit faite sous les droits des créanciers hypothécaires. J'attire votre attention à l'article 1755. Je veux juste savoir si l'article 1755, premier alinéa, ne répondrait pas à vos appréhensions, et s'il ne répond pas, pourquoi pas?

M. Dionne: C'est possible que ça réponde. Encore une fois, c'est un peu le même problème que tout à l'heure. Ce sont des dispositions qu'on a examinées il y a longtemps, et je préférerais, toujours dans la même optique, répondre un petit peu plus tard à moins que mes collègues aient une réponse précise là-dessus. Souvent, effectivement dans notre mémoire, on fait des suggestions parce qu'on n'a pas tout à fait la réponse, on n'est pas certains que la réponse se trouve dans le code. SI c'est effectivement le cas, à ce moment-là, notre commentaire n'a plus sa pertinence. Mais comme on n'avait pas de notes explicatives sur les articles, il était parfois impossible de trouver la réponse juste. On sait qu'il est possible qu'elle puisse effectivement exister ailleurs dans une autre partie du code. On va examiner la question et on va y répondre en même temps.

M. Gariépy: Une dernière question. C'est en assurance de personnes, concernant le paiement de la lettre de change lorsque le tireur décède. Évidemment, la lettre de change ne sera pas honorée par l'institution financière vu le décès de celui qui a tiré la lettre de change. À la page 95 de votre mémoire, vous proposez qu'il y ait une réserve - parce qu'on dit, je pense, si je me rappelle le texte de l'article 2499 - c'est que la police demeure en vigueur. C'est le cas particulier de l'article 2499. Vous proposez qu'il y ait un délai de 30 jours pour le paiement de la prime. Tout ce que je voulais vous demander, c'est du côté pratique. Si le tireur est décédé, je présume que les héritiers et la famille immédiate n'auraient pas assez de temps de réagir dans un délai si court de 30 jours pour ouvrir le courrier du défunt, voir si le chèque est revenu et faire en sorte que le paiement ou la lettre de change soit honoré. Puis le deuxième aspect, est-ce que 2504, qui permet à l'assureur de retenir sur la prestation le paiement de la prime, ne serait pas la solution, en fin de compte, à vos appréhensions?

M. Dionne: Tout d'abord, pour ce qui est du délai de 30 jours, je me souviens, lorsque nous en avons discuté, nous avons mis un délai de 30 jours comme cela, mais ce pourrait être un délai plus long. Si je ne me trompe pas, je vais demander à mon confrère de répondre plus spécifiquement à la question, mais, de mémoire, nous ne suggérions pas nécessairement 30 jours. C'est un délai raisonnable, effectivement, pour que le chèque ou le paiement de la prime soit ultérieurement payé. Gaétan?

M. Cantin (Gaétan): La remarque faite était tout simplement pour permettre à l'assureur de toucher la prime à laquelle il avait droit. Il ne fallait pas que le code ou le nouveau code empêche l'assureur de percevoir la prime. Le délai, comme le dit mon confrère, n'est vraiment pas de pertinence.

M. Dionne: C'est-à-dire qu'il pourrait être prolongé. Nous avons fait une suggestion de 30 jours, en fait, mais c'est peut-être un peu court.

M. Cantin: Quand vous parlez de l'article 2504, il faut faire attention. C'est que le bénéficiaire n'est pas nécessairement dans la succession. Alors le bénéficiaire pourrait se voir privé d'un montant, et c'est lui qui aura recours contre la succession qui n'aurait pas acquitté la dite prime. Il faut faire attention pour ne pas faire payer une chose par une autre personne.

M. Filion: En terminant... Vous alliez ajouter quelque chose?

Une voix: Non.

M. Filion: En terminant, je voudrais féliciter et remercier les représentants du Mouvement Desjardins qui nous ont livré le fruit de leur labeur. Et si certaines questions avaient l'air d'un examen du Barreau, je dois vous dire que je pense que vous vous étiez préparés comme si c'en était un, parce que votre mémoire est extrêmement bien fait et votre prestation, autant écrite que verbale, ici, cet après-midi, a été largement impressionnante.

Donc, au nom de l'Opposition officielle, on vous remercie, et peut-être au revoir si le projet de loi est déposé. Vous avez parlé de quelques mois tantôt, quant au moment où vous allez aviser vos caisses pop, les membres de votre mouvement qu'il y a un nouveau Code civil en vigueur. Moi, j'aimerais bien que ce soit d'ici quelques mois pour certaines parties du Code civil, mais je dois vous dire que, d'un autre côté, il ne semble pas que vous deviez vous préparer à envoyer de très grandes circulaires sur un nouveau Code civil d'ici quelques mois.

Alors, je vous remercie.

M. Dauphin: Du côté gouvernemental - et je comprends très bien les remarques de mon

collègue de Taillon - évidemment, nous parlons du Code civil; nous ne parlons pas d'une loi de 10 articles, mais bien au contraire de la pièce maîtresse de notre droit, et nous considérons important de faire des consultations et de retravailler nos documents. Disons que cela prend un peu de temps, en fin de compte; cela ne se règle pas du jour au lendemain. Mais pour revenir au sujet, du côté de l'équipe de réforme du Code civil, nous pouvons vous dire que votre mémoire sera analysé davantage, étudié, et nous aimerions encore une fois vous féliciter pour la qualité de celui-ci.

Merci de votre participation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup et bon voyage de retour.

Nous allons ajourner les travaux à mardi, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 34)

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