Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 6 juin 2023
-
Vol. 47 N° 13
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation
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Intervenants par tranches d'heure
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Dionne, Amélie
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Drainville, Bernard
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Rizqy, Marwah
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Rizqy, Marwah
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Dionne, Amélie
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Ghazal, Ruba
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Drainville, Bernard
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Drainville, Bernard
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Dionne, Amélie
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Poulin, Samuel
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Tremblay, Suzanne
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Rizqy, Marwah
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Bérubé, Pascal
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Dionne, Amélie
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Dionne, Amélie
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Drainville, Bernard
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Rizqy, Marwah
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Rizqy, Marwah
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Dionne, Amélie
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Dionne, Amélie
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Drainville, Bernard
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Rizqy, Marwah
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Rizqy, Marwah
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Dionne, Amélie
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Drainville, Bernard
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Drainville, Bernard
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Dionne, Amélie
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Rizqy, Marwah
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Dionne, Amélie
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Drainville, Bernard
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Lecours, Isabelle
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Rizqy, Marwah
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Rizqy, Marwah
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Dionne, Amélie
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Drainville, Bernard
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Drainville, Bernard
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Dionne, Amélie
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Poulin, Samuel
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Tremblay, Suzanne
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Rizqy, Marwah
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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10 h (version révisée)
(Dix heures deux minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon mardi à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la culture et de l'éducation ouverte.
Avant de débuter, j'aimerais souhaiter un
joyeux anniversaire à notre ministre de l'Éducation. Donc, bonne fête, M. le
ministre.
M. Drainville : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant
principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi sur
l'Institut national d'excellence en éducation.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente, il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Dionne) : Parfait.
Donc, ce matin, nous entendrons les personnes et les groupes suivants, soit M.
Normand Baillargeon et l'Association des directions générales scolaires du
Québec. Donc, je souhaite la bienvenue à M. Baillargeon. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Donc, d'entrée de
jeu, je vous demanderais de vous présenter. À vous la parole.
M. Baillargeon (Normand) : Bonjour.
Donc, je m'appelle Normand Baillargeon. J'ai été professeur en éducation à l'université.
Je suis auteur de... un grand nombre de livres en éducation et sur d'autres
sujets et, en ce moment, je suis chroniqueur en éducation au quotidien Le
Devoir. Voilà.
La Présidente (Mme Dionne) : ...je
vous laisse la parole pour les 10 prochaines minutes.
M. Baillargeon (Normand) : Il
y a beaucoup de sujets qu'on pourrait discuter autour du projet de loi. Je vais
me concentrer sur l'INEE, qui n'est pas encore acquis, et je vais essayer de
donner les raisons pour lesquelles je suis en faveur de la création de cet Institut
national d'excellence en éducation. Il y en a trois, ensembles de raisons, et
je vais indiquer ensuite, essayer d'identifier des dangers qui guettent ce
projet. Et je crois qu'en identifiant les dangers qui guettent ce projet on est
mieux en mesure de ne pas tomber dans les écueils qui nous guettent si on ne
fait pas attention à ces choses-là.
Je suis en faveur, donc, de la création de
cet institut. Je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important pour l'éducation
au Québec. Et les raisons que je donne, ce sont les suivantes, il y en a trois,
grands ensembles de raisons. Le premier, c'est que cet institut va nous aider à
corriger une trop désolante méconnaissance des données scientifiques en
éducation. Depuis une cinquantaine d'années, je vais très vite quand je dis ça,
la recherche empirique, jointe aux résultats de la psychologie cognitive, a
permis de faire d'importantes percées en matière de connaissances en éducation.
Et ces choses-là restent malheureusement méconnues ou trop peu connues en
éducation. L'institut pourrait apporter ce savoir-là, le diffuser.
Une autre chose qui m'apparaît importante
avec l'institut, c'est qu'en éducation, hélas, circulent beaucoup d'idées fausses
ou discutables, ce que j'ai appelé, dans un de mes livres, des légendes
pédagogiques, des fausses croyances. Et l'institut pourrait aider à nettoyer
ces choses-là, à dire : Écoutez, vous êtes enseignants — et, rappelez-vous,
les enseignants ne sont pas eux-mêmes des experts de ces questions-là, ils ont
besoin qu'on leur vulgarise ces choses-là — on vous informe, dans une
formation, que vous devriez utiliser telle ou telle chose, c'est démontré faux
ou à peu près certainement faux. Et les enseignants doivent savoir ces
choses-là, ces idées-là doivent circuler en éducation.
Alors, je disais, donc, diffusion de ce qu'on
sait, des connaissances établies le plus... soigneusement possible,
dénonciation des faussetés qui circulent en éducation, et aussi, je pense, c'est
mon troisième type d'argument, troisième ensemble d'arguments, qu'un institut
comme celui-là permettra de produire ou demandera avec insistance qu'on
produise des données descriptives, qui nous font parfois cruellement défaut. Ce
n'est pas normal qu'on ne sache pas, je vais donner des exemples, combien
exactement de profs il manque dans le réseau scolaire, qu'est-ce qui arrive
avec les enseignants qui commencent, les gens qui commencent une formation en
enseignement puis qui quittent en cours de route, pourquoi ils quittent, qu'est-ce
qui se passe, qu'est-ce qui arrive avec les gens qui ont fait une formation en
éducation et qui quittent, dans un grand nombre... au bout d'un certain nombre
d'années. On a besoin de savoir ça.
Il y a un grand nombre de choses, je
pourrais en donner de nombreux exemples. On a besoin de données descriptives,
et l'institut pourrait servir à les créer, à les <donner...
M. Baillargeon (Normand) :
...on
a besoin de savoir ça.
Il y a un grand nombre de choses, je
pourrais en donner de nombreux exemples. On a besoin de données descriptives,
et l'institut pourrait servir à les créer, à les >donner ou à exiger
qu'on les fournisse. Alors, ce sont mes trois raisons pour lesquelles je suis chaudement
en faveur de la création de cet institut.
Maintenant, ayant dit ça, comme je vous l'annonçais
tout à l'heure, il y a des dangers qui guettent une institution comme celle-là.
Et, en les identifiant, je pense qu'on se prémunit contre les périls qui nous
guettent si on n'y fait pas attention. Le premier danger que je vais
identifier, c'est la soumission, même apparente, de cet institut-là au
politique. L'institut doit être indépendant du politique. Il doit pouvoir
avancer des choses avec lesquelles le gouvernement en place n'est pas d'accord,
avec lesquelles certains... certains partis politiques ne sont pas d'accord.
L'institut, il faut... et je ne suis pas un expert de ces questions-là, mais je
pense que sa composition pourrait contribuer à le faire, et d'autres facteurs
pourraient le faire aussi... mais il faut que cet institut-là soit, à
l'évidence, indépendant des partis politiques. Les questions d'éducation sont
souvent des questions polémiques où il y a des débats, et il est important que
ce soit le cas. Ça arrive souvent en éducation, et pour de bonnes raisons, mais
cet institut-là doit être indépendant du politique. Il faut s'assurer de ça
absolument.
Une deuxième question qui se pose, c'est...
et je comprends très bien cet argument-là que des syndicats ont avancé, c'est
la question de l'autonomie professionnelle des enseignants. Les enseignants
sont des professionnels, et il ne faut pas que cet... cet institut empiète
injustement sur leur liberté d'action, sur ce qu'ils font en classe. Les
enseignants sont des experts de leur classe.
Maintenant, ils le font à partir de savoirs
qu'ils ont connus et qu'on leur a donnés, alors il faut préserver cette
autonomie-là. Et je pense qu'une des clés ici, c'est de bien identifier ce
qu'on entend par autonomie professionnelle. Pour faire une métaphore, qui n'est
pas parfaite mais qui n'est pas fausse non plus, imaginez un médecin qui dirait :
Moi, on ne me permettra... on ne m'interdira pas de recommander aux gens qui
font de la haute pression de consommer beaucoup de sel, c'est mon autonomie
professionnelle qui me permet de faire ça. Pas du tout, parce que, là, vous
êtes complètement en contradiction avec ce que le savoir établi a acquis, et on
devrait respecter le savoir établi. On devrait respecter l'autonomie
professionnelle et trouver cet équilibre entre les deux, par lequel les
enseignants sont maîtres de ce qu'ils font dans leur classe et connaissent leur
classe.
J'aimerais aussi qu'on n'oublie pas la
mission pédagogique d'un institut comme celui-là. Il a comme fonction de
diffuser des savoirs, et je pense que c'est important qu'il permette aux gens
d'accéder... Parce que ce n'est pas tous les enseignants — ils ne
sont pas formés pour ça — qui sont capables, puis les gens en
éducation, de lire des recherches scientifiques, de comprendre ce que c'est,
une méta-analyse, de faire la différence entre corrélation et causalité, et
ainsi de suite. Alors, cet institut-là aurait pour fonction de diffuser et de
faire un travail pédagogique sur l'accès aux connaissances scientifiques en
éducation.
J'aimerais aussi... C'est des arguments
qu'on entend, et je les comprends, et je vais essayer de... d'être le plus
clair possible là-dessus. Je déplorerais que l'institut ne fasse pas preuve des
nuances qui s'imposent dans le rapport à la recherche scientifique. Il y a
différents types de recherche, il y a différents degrés de certitude de la
recherche. Des nuances s'imposent quand on interprète la recherche
scientifique, et je pense qu'une... une... un institut qui donnerait ne
serait-ce que l'illusion d'une perspective scientiste, entre guillemets, en
matière de recherche, ferait un grand tort à l'éducation. Il faut être capables
de faire preuve de nuance. Il faut, par exemple, reconnaître — on
reviendra là-dessus dans la discussion — qu'en science, une
caractéristique des scientifiques, c'est que ce qu'ils avancent, c'est
toujours, en droit, révisable. On fait preuve d'humilité quand on fait du
travail scientifique, on dit : Il est possible que certaines choses soient
remises en question. Et cette espèce de nuance là serait importante à mettre en
marche dans cet institut.
Je déplorerais aussi que l'institut ne
s'applique pas à lui-même la médecine qu'il préconise pour les autres. Alors,
cette médecine-là, par exemple, comprend des choses comme l'examen des
résultats qu'ont donnés telle ou telle chose. C'est ce que l'institut va
vouloir faire. Quand ils vont dire : On préconise telle chose parce que,
quand on l'a implantée ailleurs, ça a marché ou ça n'a pas marché, voilà un des
arguments qu'on utilise pour le préconiser. Eh bien, quand l'institut lui-même
préconise des choses, j'espère qu'il va s'appliquer à lui-même la médecine
qu'il recommande pour les autres. S'il préconise quelque chose, il fera un
suivi, il s'arrangera pour savoir si ça a fonctionné comme c'était prévu.
• (10 h 10) •
J'ai deux derniers arguments, qui sont des
arguments de philosophe, ils ne vous étonneront pas, de ma part, de les faire
valoir. Tout ce dont j'ai parlé, la recherche empirique, les résultats de
recherche ne peuvent pas à eux seuls déterminer les finalités en éducation. Il
y a toute une question de finalités qui se pose dans une pratique complexe
comme celle de l'éducation, que la recherche empirique à elle seule ne peut pas
trancher. Et, pour ça, il faut qu'on n'oublie pas de poser ces questions-là à
l'intérieur de cet institut. Il faut se rappeler que la question des... Prenez
une question qu'on débat, en ce moment, au Québec : Est-ce qu'on est dans
un système scolaire à trois vitesses, etc.? Il y a des... Bon, bien, cette
question-là... derrière cette question-là, derrière ce... ce débat-là, il y a
une question de l'égalité des chances en éducation. Qu'est-ce que ça signifie,
la justice et l'égalité des chances en éducation? Eh bien, ça, ce n'est pas une
chose que la recherche empirique à elle seule peut résoudre. C'est une question
de finalité qu'on doit poser, et l'institut ne doit pas négliger ces
questions-là, et <l'institut...
M. Baillargeon (Normand) :
...empirique
à elle seule peut résoudre. C'est une question de finalité qu'on doit poser, et
l'institut ne doit pas négliger ces questions-là, et >l'institut ne doit
pas confondre les faits avec les finalités.
Mon dernier moment... Je pense que
j'arrive à peu près à mon 10 minutes, hein? Il m'en reste deux, câline,
bon, j'ai été trop vite. Je souhaiterais aussi que l'institut n'oublie pas, et
là, c'est vraiment le philosophe qui parle, qu'il y a beaucoup de questions en
éducation, qui sont absolument nécessaires pour traiter de l'éducation, qui
sont des questions de nature conceptuelle. J'ai donné un exemple avec l'égalité
des chances. Qu'est-ce que vous entendez par «l'égalité des chances»,
exactement? Bien, il y a des questions très profondes et très concrètes qui
doivent se traiter à partir d'une analyse de certains concepts que nous
utilisons.
Je vais donner quelques exemples. En ce
moment, on parle de laïcité, au Québec, mais qu'est-ce qu'exactement la laïcité?
Comment on l'implante dans les écoles? Si on veut la laïcité... Une des choses
qu'on ne souhaite pas, en éducation, c'est que le système d'éducation
endoctrine les enfants, mais qu'est-ce que vous entendez par «endoctrinement»?
Définissez-moi clairement ce concept-là pour pouvoir décider si telle ou telle
chose constitue ou non l'endoctrinement. Alors, des questions conceptuelles
comme celles-là vont se poser, et j'aimerais bien que l'institut en soit
conscient et ne fasse pas comme si, par des recherches empiriques, on a résolu
toutes ces questions-là, ce n'est pas le cas.
Même chose, si vous me permettez, et je
terminerai là-dessus, un philosophe contemporain a déjà écrit qu'il y a des
concepts qui, par nature, sont essentiellement débattus, par essence débattus,
qui ne sont pas clarifiés juste comme ça. Si je vous parle de la loi de la
gravité puis de Newton, il n'y a plus de débat ou à peu... tu sais, on est
clairs, on s'entend, mais, si je vous dis le mot «éducation», qu'est-ce que
vous entendez par «éducation»? Bien, même au Québec, en ce moment, il y a des
débats entre des gens qui souhaiteraient que l'éducation soit plus centrée sur
la formation de gens pour exercer un métier, une profession, soit plus centrée
sur l'économie, d'autres qui voient une vision, c'est mon cas beaucoup, très
libérale de l'éducation. Par des savoirs où on libère l'esprit, on permet aux
gens de vivre une vie autonome. Eh bien, ces questions-là ne devraient pas être
négligées par l'institut, qui devrait en prendre conscience puis aussi savoir
que... parce que le travail qu'il fait au nom de... des données probantes...
La Présidente (Mme Dionne) :
...
M. Baillargeon (Normand) :
...ne résout pas toutes ces questions-là. Bien, voilà.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour cette belle introduction. Je cède maintenant la parole à M. le
ministre. Nous allons continuer les... débuter les échanges.
M. Drainville : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Baillargeon, pour votre mémoire et votre présentation.
Vous avez fait référence, d'entrée de jeu, aux fausses croyances qui circulent.
Vous avez dit : Il y a beaucoup de fausses croyances qui circulent, je
pense bien vous citer. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples concrets
de fausses croyances qui circulent et qui sont peut-être encore... on ne le
souhaite pas, mais peut-être allez-vous nous apprendre que certaines de ces
fausses croyances sont encore enseignées dans nos facultés d'éducation?
M. Baillargeon (Normand) : Un
monsieur qui s'appelle Steve Mason, dans la revue Brain, Mind and Education,
il y a un an ou deux, a publié un article mémorable dans lequel il montrait un
certain nombre de... de fausses croyances, de légendes pédagogiques, montrait
comment elles étaient répandues au Québec chez les enseignants et montrait
comment, et c'est là que c'est dramatique, dans une importante mesure, ces
croyances leur avaient été enseignées durant leur formation. Alors, si vous
connaissez cet article-là, vous savez que je dis exactement la vérité
là-dessus.
Des exemples. Il existe des styles
d'apprentissages, visuels, auditifs, etc. Quand on teste ça, ça ne marche pas.
Il existe une pyramide de l'apprentissage, où on a, au sommet, certaines
choses, en bas, certaines autres. L'enseignement plutôt explicite serait
mauvais puis... donc, il existe un cerveau gauche et un cerveau droit et, selon
qu'on enseigne... C'est des choses comme celles-là qui, malheureusement,
circulent en éducation et sont enseignées, malheureusement. Et l'institut
pourrait clarifier ces choses-là. Il y a de la recherche scientifique là-dessus
qui est crédible. J'ai consacré un livre à cette question-là, moi, qui
s'appelle Légendes pédagogiques. Ça vous amusera peut-être de savoir,
j'étais enseignant en éducation à cette époque-là, et c'est ce que me rapportaient,
qu'on leur racontait dans d'autres cours, certains étudiants qui m'a amené à
écrire ce livre-là : Dans mon cours de didactique, on m'enseigne cerveau
gauche, cerveau droit... etc. Donc, il y en a un certain nombre, effectivement.
M. Drainville : Quand vous
parlez d'enseignement explicite, on entend souvent cet... on entend souvent ce
concept-là. Ça veut dire quoi, ça, l'enseignement explicite?
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je tiens à dire aussi que le philosophe de l'éducation que je suis s'intéresse
à ces questions-là, mais il y a des gens que vous allez rencontrer qui sont
beaucoup plus que moi spécialistes de tout ça. Mais je vais vous le raconter,
parce que je pense que vous ne le savez pas, ça, probablement, vous ne savez
pas ça.
Dans les années 60, aux États-Unis,
en pleine période keynésienne où il y a des dépenses importantes par l'État
dans toutes sortes de domaines, dans... dans ces années-là, les Américains ont
mis un programme en éducation sur pied qui s'appelait Head Start. Ça voulait
dire «une longueur d'avance». Ce programme-là visait à faire en sorte que les
élèves provenant de milieux défavorisés, et c'était souvent dans des ghettos
noirs, par exemple, qu'il y en avait <beaucoup...
M. Baillargeon (Normand) :
...visait
à faire en sorte que les élèves provenant de milieux défavorisés, et c'était
souvent dans des ghettos noirs, par exemple, qu'il y en avait >beaucoup,
de ces élèves-là... Quand... on se rendait compte, quand ils arrivaient en
première année, ils avaient déjà beaucoup de retard langagier, et autres, qui
faisaient en sorte qu'ils avaient de la misère à l'école. Et on s'est dit :
Si on leur mettait sur pied des prématernelles, des maternelles, pour faire en
sorte qu'ils arrivent à l'école et on ait comblé ce retard-là, on a fait Head
Start, une longueur d'avance, ça pourrait les aider ensuite pour leurs études. Puis
on a mis sur pied un vaste programme qui s'appelle Head Start.
À un moment donné, quelqu'un a dit, je
résume très vite, là, mais quelqu'un a dit : Si on suivait ces élèves-là
pour voir si la longueur d'avance qu'on leur a donnée perdure dans le temps...
là, donc, on va les suivre, un grand nombre d'élèves. Et quelqu'un a dit :
Si on en profitait pour comparer l'efficacité de différentes méthodes
pédagogiques? Alors, à cette époque-là, par exemple, la psychologie humaniste
est très populaire, Carl Rogers et d'autres, tentons ça. À cette époque-là,
Piaget est évidemment quelqu'un de très important, mettons, les programmes
inspirés par Piaget. John Dewey, le grand philosophe de l'éducation aux États-Unis,
est très présent, puis quelques autres.
Et ils vont... ils vont mettre, parmi les
modèles qu'ils vont tester, un modèle qui s'appelle «direct instruction»,
instruction directe, développé par Siegfried Engelmann, qui est mort il y a
deux ans à peu près, ce monsieur-là. Et ils vont confier... Et ça va durer des
années, je ne donnerai pas les chiffres exacts, parce que je vais me faire
reprendre parce que je me trompe, mais je... et ça va durer pendant des années.
Ils suivaient un nombre extraordinaire d'élèves, une des plus importantes, des
plus longues, des plus coûteuses recherches en sciences sociales, sciences
humaines de toute l'histoire et en éducation aussi. Et on va demander à une
firme externe d'évaluer les différents programmes sur toutes sortes de
variables, dont l'estime de soi des élèves. Bien, croyez-le ou non, c'est
«direct instruction» qui l'emporte sur toutes les autres. Et, croyez-le ou non,
c'est à peu près inconnu en éducation chez nous.
M. Drainville : «Direct
instruction», donc, c'est... la traduction française étant l'enseignement
explicite.
M. Baillargeon (Normand) : Bien
là, il y a des jeux de vocabulaire, là, mais l'enseignement direct, c'est cette
école-là, disons qu'on a une famille de manière d'enseigner, là, qui est là,
et, je vous le rappelle, y compris sur l'estime de soi, ce qui est quand même
assez extraordinaire.
M. Drainville : Et ça... Et,
en résumé, encore une fois, l'enseignement direct ou l'enseignement explicite,
c'est...
M. Baillargeon (Normand) : Regardez,
si vous voulez, rapidement, là, essayer de comprendre ça, on pourrait... c'est
très rapide, hein, mais les gens qui vont venir ici connaissent ça mieux que
moi, mais on pourrait distinguer des méthodes pédagogiques centrées sur les
élèves et l'activité qu'ils ont et des manières d'enseigner centrées sur
l'enseignant qui prend en charge l'enseignement et qui le décompose en petites
parties. «Direct instruction», l'instruction direct, l'enseignement explicite
appartiennent à cette deuxième catégorie d'enseignement où c'est l'enseignant
qui prend les choses en charge, qui découpe en petits morceaux jusqu'à
permettre petit à petit aux élèves de le faire de manière autonome. Donc, c'est
centré sur l'enseignant.
M. Drainville : Très bien.
Vous exprimez une préoccupation, et vous n'êtes pas le seul à le faire, par rapport
à l'indépendance de l'INEE. Bon, je... vous avez vu, dans le projet de loi, là,
comment l'INEE va être organisée, la composition de son conseil
d'administration, et tout le reste. Avez-vous des suggestions de changements
qui pourraient être apportés et qui assureraient l'indépendance de l'INEE, que
vous souhaitez de vos vœux?
M. Baillargeon (Normand) : Sincèrement,
là, vous touchez un sujet où je ne me sens pas très, très compétent. Je n'ai
pas de bonnes connaissances, moi, des structures administratives, juridiques,
etc. Ce que je tiens à dire, par contre, c'est qu'on le saurait très vite si ce
n'est pas le cas, on le saurait très vite si jamais une position qui est prise
par l'INEE, et fondée sur des arguments, déplaît, à ce moment-là, quelqu'un...
J'ai dit tantôt, modestement, je pense que la composition de l'INEE pourrait
devenir une chose qui signale une indépendance par rapport au politique.
Je... une dernière chose, si vous me
permettez. Il existe un institut national en santé et puis en services sociaux,
et on... de mémoire, on n'a jamais vu de problème se posant, disant : Ils
ne sont pas indépendants du politique. Donc, il y a probablement des choses qui
se font là qui pourraient être inspirantes pour un institut de l'éducation.
• (10 h 20) •
M. Drainville : Très bien. Il
y a eu beaucoup de lettres ouvertes. Je pense que vous les avez vu passer, M.
Baillargeon. Quiconque lit les journaux, depuis quelques semaines, s'aperçoit
qu'il y a eu beaucoup de lettres ouvertes de professeurs de facultés
d'éducation qui se prononcent contre l'Institut national d'excellence en
éducation. Si vous aviez... D'abord, avez-vous vu certaines de ses lettres, de
ces prises de position? Et deuxièmement, vous qui êtes en faveur de l'INEE,
qu'est-ce que vous donneriez comme réponse à ces critiques, et dans certains
cas virulentes, contre l'INEE? Quel serait l'argumentaire qui, à votre avis,
peut-être les rassurerait ou, à tout le moins offrirait une réponse adéquate à
leur position?
M. Baillargeon (Normand) : Pour
commencer, je pense que je les ai toutes lues, ces lettres-là, je ne pense pas
en avoir manqué une seule, y compris la <dernière...
M. Drainville :
...offrirait
une réponse adéquate à leur position?
M. Baillargeon (Normand) :
Pour
commencer, je pense que je les ai toutes lues, ces lettres-là, je ne pense pas
en avoir manqué une seule, y compris la >dernière, signée par
220 professeurs d'université et qui est envoyée à M. Quirion, le
Scientifique en chef du Québec. Je ne sais pas si vous l'avez vue, celle-là,
ils sont 220 à l'avoir envoyée. Il y a à l'évidence un malaise entre le projet
que porte l'INEE et les facultés de sciences de l'éducation. Ça empiète sur
leur domaine, sur leur territoire. Bien, vous devez savoir aussi, je le dis
avec la plus grande honnêteté possible, hein, que, dans les facultés
d'éducation, il y a une forte adhésion à certaines idées, points de vue,
idéologies avec lesquels l'INEE va entrer en confrontation. Il y a une critique
des données probantes, il y a eu un... et certaines de ces choses-là sont
acceptables.
M. Drainville : Il y a une
critique de la part de ces professeurs, une critique des données probantes.
Pourquoi ils critiquent...
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
il y a une méfiance à l'endroit des données probantes.
M. Drainville : Pourquoi?
Qu'est-ce qu'ils n'aiment pas dans les données probantes?
M. Baillargeon (Normand) : Qu'est-ce
qu'ils n'aiment pas dans les données probantes? D'abord, ce qui se fait... parfois,
pas toujours, il ne faut pas généraliser, j'aimerais ça mettre des nuances
partout, là, parce qu'il y a des profs en sciences de l'éducation, moi et
d'autres, là, qui sont en faveur des données probantes ou de la recherche
expérimentale, etc., mais il y a... c'est vrai aussi qu'il y a un fort courant
qui a adhéré à des idées. Ça vous semblerait étrange, je vous raconterais ça,
vous auriez du mal à le croire.
Par exemple, en éducation, a circulé
pendant des années, circulent encore un courant de pensée, que je n'invente
pas, qu'on appelle le constructivisme radical, le constructivisme radical au
nom duquel on prétend qu'on n'est jamais en mesure de décrire la réalité. Toute
description est toujours une construction, la science... la science est une
construction parmi les autres. Et ceux qui connaissent le sujet savent que je
dis la vérité en ce moment. C'est un fait, ça. Et, quand on arrive avec des
idées comme l'INEE ou les données probantes, évidemment, ça choque certaines
des choses.
Il y a aussi un empiètement sur les
pouvoirs, les privilèges, le prestige des facultés d'éducation. Je pense qu'une
des réponses saines à ça, c'est d'écouter tout ça, évidemment, et de faire
preuve de ce que j'ai dit tantôt, deux pistes que je suggérais, faisons preuve
de nuance quand on approche la recherche scientifique en éducation. C'est... Les
recherches n'ont pas toutes la même valeur en éducation. Moi, personnellement,
j'aime à rappeler qu'il y a des recherches scientifiques, là, qui sont publiées
dans des revues et qui n'ont pas grande valeur. Le savez-vous? En ce moment, il
y a des revues prédatrices en sciences. Savez-vous ça? En ce moment, en
sciences, il y a un grand nombre de revues prédatrices.
M. Drainville : C'est quoi,
ça?
M. Baillargeon (Normand) : Il
y a, en science en ce moment, des revues où on publie vos articles contre un
paiement. Ce n'est pas une blague, je ne l'invente pas, il y en a une tonne.
C'est réel. Il existe des «paper mill», des usines qui produisent des articles
officiellement. Vous envoyez un article dans une revue scientifique sérieuse,
un comité de lecture va le prendre en charge, va le lire, va étudier ces
questions-là, ça va prendre trois mois, vous allez recevoir un correctif, votre
article est refusé, rien à faire, corrections majeures, travaillez, et corrections
mineures, etc.
Dans les revues prédatrices, vous envoyez
ça, puis on vous dit : 500 $, puis on le publie la prochaine fois. Ça
existe en ce moment. Donc, il y a une perversion de la littérature scientifique
que l'institut national d'excellence doit connaître, doit faire attention. Puis
après ça, dans les recherches qui sont faites, elles n'ont pas toutes la même
valeur, vous comprenez? Si je fais une recherche pour dire que j'ai interrogé
huit profs qui enseignent les maths, et ils utilisent telle stratégie, puis ça
marche superbien, tant mieux. C'est le fun de savoir ça, mais maintenant
examinons ça de plus près et comparons-le par des groupes, etc. Puis, à un
moment donné, vous le savez, on fait des synthèses des recherches crédibles,
puis ça s'appelle une méta-analyse, et puis ça, c'est plus sérieux que d'autres
résultats.
J'aimerais ça que les gens à l'INEE soient
capables de ces nuances-là, soient capables aussi de reconnaître que, oui,
c'est utile, des fois, de faire des recherches qualitatives, hein? Il y a des
sujets sur lesquels on ne peut pas faire autre chose que des recherches
qualitatives. Alors, il faut... il faut faire une place à ça. Il faut faire
preuve de nuance et d'esprit scientifique sérieux quand on aborde la recherche.
Je pense que, si l'INEE fait ça, elle va maximiser ses chances d'être entendue.
M. Drainville : Est-ce que
dans votre esprit... Vous avez utilisé, à un moment donné pendant votre
présentation... vous avez écrit... vous avez utilisé les mots «données
empiriques». Est-ce que, pour vous, données empiriques et données probantes, ce
sont... c'est un synonyme?
M. Baillargeon (Normand) : Non,
c'est... Les données empiriques, ce sont des données factuelles, des faits
qu'on a, mais après ça des données probantes, c'est des données factuelles qui
sont réunies dans le but de vérifier une hypothèse, une théorie et qui sont
confirmées, dans le cas de l'éducation, par les sciences cognitives. Et, quand
tout ça s'accumule, on a une donnée de plus en plus probante. Voilà.
M. Drainville : Donc, est-ce
qu'on pourrait dire : Bon, à des fins de vulgarisation, la donnée
probante, dans le fond, c'est une donnée... on pourrait comparer ça à la
recherche fondamentale et la recherche appliquée combinées? C'est-à-dire la
donnée est le fruit d'une recherche, mais par la suite on va la valider dans la
salle de classe. Et, si, effectivement, la... ce qu'on avait observé dans la
recherche se confirme sur le terrain d'une manière empirique, donc par une
recherche appliquée, ça devient à ce moment-là une donnée probante. Est-ce qu'à
votre avis c'est une
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
c'est ça, puis vous le dites assez bien, je pense. Et il s'ajoute à ça aussi en
éducation que, souvent, les données qu'on appelle probantes, là, que la
recherche en classe empirique a démontrées, convergent avec ce que les sciences
cognitives nous <apprennent...
M. Baillargeon (Normand) :
...là,
que la recherche en classe empirique a démontrées, convergent avec ce que les
sciences cognitives nous >apprennent. Et, quand c'est le cas, là, on est...
on est rendus assez solides.
M. Drainville : Et, les
sciences cognitives, donnez-moi des exemples, pour les gens qui nous écoutent,
là, mettons, des sciences cognitives.
M. Baillargeon (Normand) : OK.
Le... Je pars, moi, là. La... dans les années 50, il s'est tenu, c'était à
Harvard, de mémoire, je me trompe peut-être, un important colloque en
psychologie, etc., où il y avait Chomsky, que j'aime beaucoup, qui était là,
qui présentait la linguistique générative, des chercheurs qui présentaient des
trucs sur l'intelligence artificielle. Et, là-dedans, il y a un psychologue qui
va présenter la notion de nombre magique, «the magic number». Je ne sais pas si
vous avez déjà entendu parler de ça, c'est sept, plus ou moins deux, OK? L'idée
est la suivante, c'est devenu répandu partout, en psychologie, ça, c'est que
nous accédons à la réalité par une fenêtre qui s'ouvre et qui se referme très
vite et qui peut contenir uniquement sept plus ou moins deux éléments, de cinq
à neuf. Là, il y a des débats sur le nombre exact, mais c'est ce que lui
présentait à cette époque-là.
Ça, ça veut dire qu'on ne peut pas
contenir beaucoup de choses dans notre conscience. Par contre, on est capables,
vous êtes capables, en ce moment, de comprendre tout ce que je dis, des phrases
très, très longues, etc. Comment ça se fait? La réponse, c'est que votre
mémoire de travail, qui contient peu de choses, est nourrie par vos savoirs
antérieurs, vos savoirs profonds. Ça, c'est une donnée de psychologie cognitive
extrêmement importante. Parce que, si vous plongez quelqu'un dans une tâche
complexe où il n'a pas de savoir préalable, vu que sa mémoire de travail est
limitée, il va avoir beaucoup de mal à s'en tirer, mais, si la personne a
beaucoup de savoirs préalables, là, ça peut avoir du sens de faire cette
chose-là. Alors, cette idée de nombre magique là, c'est un des résultats de la
psychologie cognitive, je ne sais pas s'il y a des psychologues ici, là, qui
est une des... parmi les plus... les plus importants pour l'éducation.
M. Drainville : ...avéré, ça?
M. Baillargeon (Normand) : Bien
oui.
M. Drainville : C'est avéré,
ça.
M. Baillargeon (Normand) : Ça
ne fait aucun doute, cette idée-là.
M. Drainville : L'idée qu'il
y a cette fenêtre, là, un nombre, une fourchette d'éléments d'information.
M. Baillargeon (Normand) : Si
je vous dis, M. Drainville : Le chat est sur le tapis et s'est endormi
hier, là, il y a plus que sept... plus ou deux éléments, là. Il y en a
beaucoup, d'éléments, mais ça fait un seul élément pour vous, parce que l'idée
«le chat s'est endormi sur le tapis hier», c'est un seul élément, vous savez
déjà ce que c'est, un chat, un tapis, s'est endormi hier. Alors donc, pour
apprendre, c'est fichument important, ça. C'est un exemple de la psychologie
cognitive.
M. Drainville : Très bien.
Très bien. On apprend des choses, n'est-ce pas, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : ...
M. Drainville : Ramenons ça
maintenant à la réalité de la classe, et du quotidien de nos élèves, et de nos...
et de notre personnel scolaire. Ça, c'est une des critiques qui a été exprimée
par rapport au projet de loi, c'est que le projet de loi est trop loin de la
réalité des élèves et de la classe, grosso modo. C'est de la structure, puis
vous devriez vous occuper d'autres choses. Ça fait que moi, j'ai beau dire :
Oui, mais le projet de loi, ce n'est pas juste ça, là. On s'est occupés... on
va mettre plus de livres, on annonce une révision du programme de français, on
crée une voie rapide pour les non légalement qualifiés, on veut amener des
aides à la classe dans les classes. Puis ça, ça s'ajoute au tutorat, puis au
mentorat, puis à l'heure de parascolaire qui a été ajoutée, puis tout ça. J'ai
beau dire et répéter, on me ramène tout le temps l'argument : Ah! mais le
projet de loi no 23, dans le fond, il ne s'attaque pas aux vrais problèmes
de l'éducation que nous vivons présentement.
La Présidente (Mme Dionne) : ...20 secondes.
M. Drainville : En 20 secondes.
M. Baillargeon (Normand) : Il
va permettre de les aborder en donnant des données probantes sur lesquelles on
centre, on identifie ces problèmes-là puis on suggère des manières de les
traiter. Et surtout il va... il va fournir aux enseignants, qui sont les
praticiens en classe, là, ils ont raison de le dire, là, des outils qu'ils ne
connaissent pas parfois. Et ça, ça va être important pour eux. Mais c'est
l'enseignant en classe qui, ultimement, va décider de ça. Donc, il y a un grand
respect pour les enseignants dans... dans ce projet de loi là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Merci pour les échanges. Je cède maintenant... mais ce n'est
pas terminé pour les échanges. Je cède la parole à Mme la députée de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale, M. Baillargeon. On a déjà
eu l'occasion, récemment, en fait, dans une table ronde éducation... donc,
c'est un plaisir renouvelé. Et, connaissant votre passion pour l'éducation, je
sens que nous allons avoir beaucoup de pistes de réflexion avec vous. Puis je
reçois déjà des messages qu'il y a des gens qui vous voient à l'INEE, c'est un
compliment.
M. Baillargeon (Normand) :
...
Mme Rizqy : Je reçois déjà des
messages, les gens, ils m'écrivent : Il devrait être à l'INEE pour...
C'est un beau compliment que je vous transmets.
M. Baillargeon (Normand) : Je
tiens à vous dire : Pas moi, hein?
Mme Rizqy : Bien, c'est un compliment
qu'on m'a demandé de vous transmettre. M. Baillargeon, tantôt, vous avez parlé
des données, par exemple, de connaître le nombre d'enseignants, départs... qui
sont partis. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le récent
rapport de la Vérificatrice générale.
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
• (10 h 30) •
Mme Rizqy : Elle indique,
dans son rapport, que les données existent au ministère de l'Éducation, mais
qu'elles n'ont pas été colligées. Avec plus de 1 000 fonctionnaires,
il me semble que, dans un premier temps, là, ce qu'on a ces infocollectes qu'on
envoie aux 72 centres de services scolaires... Donc là, on a 72 DG
qui transmettent des demandes aux directions, font le travail sur le terrain,
ça revient au ministère de l'Éducation, mais on se rend compte, avec le rapport
de la vérificatrice, que ces données-là...
10 h 30 (version révisée)
Mme Rizqy : ...les demandes
aux directions font le travail sur le terrain, ça revient au ministère de l'Éducation,
mais on se rend compte avec le rapport de la Vérificatrice que ces données-là,
personne n'a cru bon de les fouiller.
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
vous avez raison de le souligner, j'ai lu ça, moi aussi, avec une certaine
consternation, et les gens qui me lisent savent que dans Le Devoir j'ai
soulevé ces questions-là, moi, à quelques reprises, c'est que comment est-ce
possible? Soyons sérieux aussi, là, c'est... Moi, je pense que l'éducation,
avec, disons, la santé et la justice, c'est une institution absolument majeure,
essentielle, décisive pour une démocratie, c'est même là qu'on forme les futurs
citoyens qui vont nourrir la démocratie. On ne peut pas manquer de sérieux en
éducation, on devrait prendre ça au plus grand sérieux.
Alors, comment se fait-il, vous avez
raison de le souligner, qu'on n'a pas sorti ça? Ça me désole. Comment est-ce
possible qu'en éducation on n'ait pas vu venir les carences des enseignants en
éducation, qu'on manquerait à ce point-là d'éducation? Ça n'a aucun sens. Les
gens responsables quelque part, nommons-les, là, dans les facultés d'éducation,
au ministère, aux commissions scolaires, on aurait dû il y a longtemps tirer la
sonnette d'alarme, là, les... Moi, je l'ai fait il y a quelques années. Vous
savez que dans la littérature qui se publie un peu là-dessus, on appelait ça la
désertion professionnelle. Saviez-vous ça?
Mme Rizqy : Oui.
M. Baillargeon (Normand) : La
désertion professionnelle, les profs, là, qui sont formés, qui arrivent dans le
métier et qui quittent. Là, ce qu'un institut...
Mme Rizqy : Bien, justement...
M. Baillargeon (Normand) : ...comme
celui-là pourrait nous dire, c'est : Combien ils sont? Pourquoi ils
quittent? Quelles raisons ils invoquent?
Mme Rizqy : Bien, en fait, dans
le même rapport, il est question justement que des centres de services scolaires
ont cet outil et font des... Ils ont des questions, ils ont même des entrevues
de départ. Et, dans le rapport de la Vérificatrice, elle indique aussi que l'une
des raisons du départ de ces enseignants qui sont légalement formés, donc qui
ont fait quatre ans de bac, elle apporte cette réflexion suivante, c'est que ça
peut prendre en moyenne jusqu'à sept ans pour avoir un poste régulier, et ça
conduit justement à la désertion de la profession. Donc, on a ces
informations-là.
Alors, malgré qu'aujourd'hui on a ces
données, le ministère de l'Éducation les a, bien, on n'a pas plus... il n'y a
pas d'actions concrètes qui ont été faites, là, récemment pour dire que... pour
justement... On a l'ensemble des négociations, pourquoi qu'on n'envoie pas le
mandat de dire que... À l'université... moi, je suis professeure à l'université,
après trois ans, j'ai une permanence, là, c'est écrit noir sur blanc.
M. Baillargeon (Normand) : Il
faut absolument agir, vous avez tout à fait raison de le dire, il faut que le ministère
prenne ça en marche... en main, c'est absolument essentiel, puis je pense que l'INEE
pourrait jouer ici un rôle d'aiguillon, c'est dire : Sortez ça, ça n'a pas
de sens, on veut savoir ça, on veut examiner les données de près. Je pense que
c'est... ce serait une des fonctions importantes, je l'ai dit, de l'INEE d'exiger
des...
Mme Rizqy : Mais êtes-vous d'accord
que la Vérificatrice générale, c'est quand même un poste assez important au
Québec?
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
Mme Rizqy : Si la VG indique
ces lacunes-là, mais qu'elles ne sont pas suivies, qu'est-ce qui nous fait
croire que l'INEE, qui est, en tout respect, dans la hiérarchie des postes, ça
sera suivi? Il me semble que ça prend une volonté politique à ce stade-là.
M. Baillargeon (Normand) : Vous
avez raison que ça prend une volonté politique, je vous l'accorde, oui.
Mme Rizqy : Et, si vous me
permettez, je continue toujours là-dedans, parce que les données, c'est très
important, et j'y crois. Mais je crois aussi que, lorsque nous avons des
directions d'école, des cadres de centres de services scolaires... prennent le
temps de remplir ce qu'on appelle des «infocollectes», si par la suite ces
infocollectes sont sur des tablettes au ministère, ça va démobiliser les
troupes, qui vont dire : Encore des demandes d'information, mais qui ne
donnent rien. Mais le ministère de l'Éducation a un rôle aussi à jouer, et en
tout respect pour l'INEE qui sera créé, le ministère de l'Éducation ne peut pas
se départir de sa principale responsabilité.
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je vous l'accorde encore une fois, l'INEE ne peut pas à elle seule ou à lui
seul résoudre ces questions-là, et il faut que le ministère prenne ces
choses-là en main, c'est tout à fait accordé.
Mme Rizqy : Est-ce que vous
trouvez que le Conseil supérieur de l'éducation a un rôle encore à
jouer?
M. Baillargeon (Normand) : C'est
une bonne question. Je n'ai pas assez d'assurance pour me prononcer sur la
pertinence qu'il y avait à abolir le Conseil supérieur de l'éducation pour
tout, sauf pour l'enseignement supérieur. Je vais me retenir.
Mme Rizqy : Mais ils font
quand même de la recherche, non?
M. Baillargeon (Normand) : Ils
en ont fait, oui. Mais, encore une fois, j'aimerais bien, par exemple, que les
gens de l'INEE se penchent sur les rapports produits depuis 15 ans du Conseil
supérieur d'éducation pour voir dans quelle mesure c'était conforme aux
recherches crédibles. Mais c'est un autre sujet.
Mme Rizqy : OK. Vous avez
fait mention des inégalités des chances.
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
Mme Rizqy : Il me semble qu'en
ce moment, au Québec, on le sait, et je ne sais pas si vous adhérez à la même
philosophie, parce que ça a été écrit par le Conseil supérieur de l'éducation,
que nous avons le système le plus inégalitaire. On a aussi plus... Le conseil
nous fait état aussi qu'on a beaucoup plus d'élèves HDAA, plus que jamais, là.
Est-ce que, ça, vous êtes... vous partagez ce constat ou vous avez des
réserves?
M. Baillargeon (Normand) : Vous
savez, moi, devant ces questions-là, et je pense que je l'ai déjà écrit dans Le Devoir,
je suis quelqu'un qui pense qu'on a un système très inégalitaire à cause des
trois vitesses qui sont reconnues : le système privé, qu'on subventionne — c'est
une vaste question, hein, de savoir : Est-ce qu'on devrait faire ça ou
non? Puis ma position est probablement connue ici — un système public
avec des voies d'accès particulières, des programmes particuliers, un système
public, tout ça se jouant dans des territoires où la pauvreté est parfois
extrêmement importante. Je pense que c'est une vaste question. Mais, là-dessus,
je pense aussi que l'INEE pourrait jouer un rôle, pourrait regarder ces <questions-là....
M. Baillargeon (Normand) : ...
aussi
que l'INEE pourrait jouer un rôle, pourrait regarder ces >questions-là.
Mme Rizqy : Mais, si vous le
permettez...
M. Baillargeon (Normand) : Et
j'ai dit, si vous me permettez aussi.
Mme Rizqy : Oui.
M. Gagnon (Nicolas) : J'ai
dit aussi que... vous vous souvenez, tout à l'heure, j'ai soulevé l'idée qu'il
y a des concepts qui sont par nature débattus en éducation. Ça, c'en est un,
hein, la question d'égalité des chances en éducation. Qu'est-ce qu'on entend
par ça? Comment on le met en œuvre? Et je tiens à dire, parce que c'est une
occasion pour moi de le souligner, ça fait des années, moi, que je dis que, sur
ces vastes questions-là, au Québec, on est mûr pour une réflexion collective à
la hauteur de ce qu'ont fait les gens de la commission Parent dans les
années 60. On devrait collectivement lancer une commission
Parent 2.0.
Mme Rizqy : On est d'accord.
M. Baillargeon (Normand) : On
prendrait le temps, collectivement, de réfléchir à tout ça, parce que les gens...
Et, tiens, je pense que je vais le souligner, là, Guy Rocher, 99 ans, c'est un
de mes héros personnels, quelqu'un que j'admire infiniment, c'est quelqu'un
exceptionnel. La commission Parent, ils ont fait un grand travail, ils ont pris
le temps de le faire. On devrait, aujourd'hui, être capables de faire ça nous
autres aussi, et de trancher ces questions-là. Vous comprenez, ce n'est pas à
moi, Normand Baillargeon, ou à vous, ou à quelques-uns d'entre nous de dire :
Voici comment l'égalité des chances va se réaliser en éducation. C'est par une
grande réflexion collective qu'on décidera de ça.
Mme Rizqy : Oui, bien, sur
les moyens... en fait, on est d'accord sur bien des aspects. Puis,
effectivement, on est très d'accord qu'une commission de Parent 2.0, on
est pour.
Par contre, j'aimerais juste continuer sur
l'inégalité. Parce que ça, je pense qu'on est d'accord qu'en ce moment c'est
inégalitaire, donc on est d'accord là-dessus. Mais, si, présentement, plusieurs
personnes, là, se lèvent pour dire que nous avons un système à trois vitesses,
puis que ça a été écrit, démontré, mais le ministre de l'Éducation ne veut pas
aller là parce qu'il trouve que c'est idéologique, qu'est-ce qui nous fait
croire qu'il va écouter l'INEE?
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je pense sincèrement, parce qu'on est proches comme beaucoup de choses, là, je
pense sincèrement que, si on débattait sérieusement de la question de l'égalité
du système, il y aurait des arguments pour dire ce n'est pas vraiment
inégalitaire. Il faut les écouter, en tout cas, il y aurait peut-être des
arguments. Quand on regarde les tests PISA, par exemple, puis qu'on regarde les
écarts types, on pourrait dire : Ça confirme un peu l'idée qu'il n'y a pas
tant d'inégalités que ça en éducation. Mais ce n'est pas à moi de trancher,
d'autant que c'est un concept... donc c'est un concept qui va être débattu,
celui-là. Donc, moi, je vous ai donné ma position, mais je suis disposé
entendre les autres, puis j'espère que l'INEE sera capable de le faire aussi.
Mme Rizqy : Ah! oui, mais il
faut toujours entendre tout le monde.
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
c'est ça, oui.
Mme Rizqy : C'est important.
Mais la Terre demeure ronde.
M. Baillargeon (Normand) : Voilà,
exactement.
Mme Rizqy : Juste en
terminant, je ne sais pas combien de temps qu'il va me rester.
Une voix : ...
Mme Rizqy : Il me reste
quatre minutes. Ah! mon Dieu. OK. je pensais qu'il m'en restait 1 min 20 s.
M. Baillargeon (Normand) : Il
n'y a que vous qui allez me parler, finalement?
Mme Rizqy : Non.
M. Baillargeon (Normand) :
Ah! non, excuse.
Mme Rizqy : Bien non, j'ai
plusieurs questions.
M. Baillargeon (Normand) : ...
Mme Rizqy : Bien non, vous
allez avoir le plaisir de pouvoir entendre plusieurs personnes.
Si vous le permettez, tantôt vous l'avez
dit, que vous ne connaissez pas nécessairement au niveau de la gouvernance de
l'INEE, mais permettez-moi de vous parler de la gouvernance de l'INESSS.
M. Baillargeon (Normand) :
Oui.
Mme Rizqy : Au fond, qui est
le pendant en santé.
M. Baillargeon (Normand) :
Oui.
Mme Rizqy : Au niveau de la
loi habilitante de l'INESSS, vraiment, c'est l'INESSS qui va choisir ses propres
sujets de recherche. Il n'y a pas de sous-ministre qui y siège. Et évidemment
le ministre de l'Éducation peut demander des sujets de recherche, mais ils
peuvent quand même en choisir. En ce moment, la loi telle que rédigée en
matière d'éducation, ce n'est pas un calque de l'INESSS, et par conséquent
c'est pour ça que plusieurs voix s'élèvent pour dire : Ce n'est pas
totalement indépendant parce que le ministre, de concert avec l'INEE, va
choisir les dossiers de recherche, il y aura un sous-ministre qui va y siéger
au niveau de la gouvernance.
Est-ce que vous devriez... Si le modèle de
gouvernance de l'INESSS est respecté et que les gens trouvent que c'est
indépendant, est-ce qu'on ne devrait pas justement s'inspirer de la loi
habilitante de l'INESSS pour s'assurer de donner suite, au fond, aux
inquiétudes des gens qui disent que l'INEE n'est pas... ne sera pas totalement
indépendante?
M. Baillargeon (Normand) : OK.
La question est importante et sérieuse. Je l'ai dit tantôt, ce n'est vraiment
pas mon domaine, moi, ce genre de questions là, mais je pense que l'INESSS est
peut-être utile pour... Le modèle de l'INESSS, il fonctionne parce qu'à ma
connaissance, mais je ne suis pas expert de ça, là, mais je n'ai jamais entendu
qu'on remette en question l'autonomie de l'INESSS. Alors, c'est peut-être un
modèle intéressant, c'est sûr.
Mme Rizqy : Dans le projet de
loi que vous avez étudié, est-ce que vous avez vu des apports pour l'autonomie
professionnelle des enseignants?
M. Baillargeon (Normand) : Je
pense qu'elle est respectée a priori, personne ne la conteste a priori, rien
dans la loi ne permet de penser qu'elle est contestée.
• (10 h 40) •
Mme Rizqy : C'est que,
lorsqu'on a fait la dernière réforme en gouvernance scolaire avec le prédécesseur,
il y a eu un acquis au niveau des choix de formation, au niveau du
30 heures, que c'est totalement des enseignants. C'était vraiment... ça a
été un acquis puis ça a été... Les enseignants étaient très contents d'ailleurs
de ça, de pouvoir choisir peu importe le sujet. Si, par exemple, cette
année-là, ils avaient plus d'élèves HDAA, ils pouvaient choisir, par exemple,
de mettre davantage d'heures de formation pour mieux comprendre et s'outiller
pour réagir et interagir avec des élèves HDAA. Maintenant, plusieurs voix
s'élèvent dans le réseau d'éducation au niveau des enseignants, on dit que
c'est une attaque, en fait, et c'est en contradiction même avec la position de
son prédécesseur, le député de Chambly, qui est aujourd'hui ministre de la... de
la Langue française.
M. Baillargeon (Normand) :
Oui.
Mme Rizqy : Alors, les gens y
voient un recul et aussi une contradiction parce qu'on n'est plus dans la <continuité...
Mme Rizqy : ...
y
voient un recul et aussi une contradiction parce qu'on n'est plus dans la >continuité,
là. On ne leur laisse plus vraiment le choix, on leur donne des thèmes de
sujets. Par exemple, en entrevue, le ministre de l'Éducation a dit : On
pourrait leur dire, par exemple : Faites cinq heures en français. Alors,
c'est pour ça que je vous demandais si vous avez vu des apports, parce qu'en ce
moment le réseau de l'éducation, les enseignants trouvent qu'il n'y a pas
d'apport avec ce projet de loi pour le respect de leur... de leur autonomie
professionnelle auquel vous faisiez tantôt référence.
M. Baillargeon (Normand) : Je
m'abstiens de commenter. Je n'en sais rien.
Mme Rizqy : OK, OK. D'accord.
Vous vous abstenez, est-ce que c'est parce que vous...
M. Baillargeon (Normand) : Bien,
c'est parce que je ne me sens pas assez compétent pour...
Mme Rizqy : À l'aise?
M. Baillargeon (Normand) : À
l'aise ou compétent pour...
Mme Rizqy : Ah! vous savez,
ça, c'est quelque chose que, je dois vous avouer que c'est rafraîchissant.
C'est très rare, parce que des fois les gens... Non, mais c'est rare que les
gens ont cette humilité pour le dire. Alors, vraiment...
M. Baillargeon (Normand) : Je
dis souvent en blague que j'ai fait des études en philosophie, et ça me permet
de traiter de tous les sujets sauf celui-là.
Mme Rizqy : Bien, merci
beaucoup. Il me reste?
La Présidente (Mme Dionne) : 15
secondes, Mme la députée.
Mme Rizqy : 15 secondes.
Bien, le temps de vous dire un immense merci et merci aussi de prendre le temps
de prendre la plume si habilement.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, M. Baillargeon. Moi, j'ai très peu de temps, là, même pas trois
minutes ou, en tout cas, trois minutes...
La Présidente (Mme Dionne) : Ah!
vous avez quatre minutes.
Mme Ghazal : Oh! je suis
vraiment chanceuse aujourd'hui.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
on a un intervenant en moins.
Mme Ghazal : Je n'ai pas
encore atteint le cinq minutes, mais j'ai trois minutes. Écoutez, merci
beaucoup pour votre présentation. Moi, je suis une adepte. Je vous lis tout le
temps dans Le Devoir. Et même aussi, il y a très longtemps, j'ai lu
un de vos livres sur l'anarchie puis aussi, évidemment, Petit cours
d'autodéfense intellectuelle, qui est mon livre de chevet. On en a beaucoup,
beaucoup besoin.
Mais je suis très, très surprise parce que
même M. Royer, M. Maltais, qui est comme un idéateur, là, de l'INEE, qui avait
écrit le rapport, trouvait que c'était important de garder le Conseil supérieur
de l'éducation. Puis là je vous ai entendu : Ah! ça peut se défendre, ça
peut ne pas se défendre, etc. Oui, on a besoin de données, mais le Conseil
supérieur de l'éducation, qui est aboli par ce projet de loi, en tout cas une
partie de son mandat, pourrait aussi avoir ce qu'on donne à l'INEE, ou l'INEE
pourrait exister, les deux devraient exister pour avoir des données, de la
recherche, etc. Mais j'aurais aimé ça vous entendre le défendre autant que M.
Royer et M. Maltais.
M. Baillargeon (Normand) : A
priori, là, je penserais que maintenir le Conseil supérieur de l'éducation
serait une bonne idée. Je me prononcerais avec beaucoup plus d'assurance si
j'avais pris le temps de regarder ce qu'ils ont produit depuis 15 ans. C'est la
raison pour laquelle j'émettais une réserve, et c'est tout, et ce n'est pas
plus que ça.
Mme Ghazal : Mais, écoutez,
il y a presque unanimité, en tout cas, des gens qui sont venus.
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
je comprends.
Mme Ghazal : Ils ont dit :
L'INEE, c'est bien, on a besoin de données, on a besoin de données empiriques, etc.,
mais le Conseil supérieur de l'éducation regarde l'éducation, comme vous l'avez
dit, de façon beaucoup plus générale, et ils ont produit différents rapports
importants, notamment celui sur l'école à trois vitesses.
Puis, par rapport à l'indépendance de
l'INEE, parce que nous, on a un projet de loi, on est des législateurs, on ne
peut pas décider nous-mêmes ce qu'on fait, on a le projet de loi du ministre,
puis vous avez parlé de son indépendance. Et, en ce moment, ce qu'on a dans le
projet de loi, c'est que l'indépendance de l'INEE n'est pas du tout assurée,
pas uniquement par la nomination de la composition des membres de l'INEE, mais
aussi, par exemple, l'institut, ce qu'il doit faire, c'est identifier, en concertation
avec le ministre, donc, le ministre, il faut qu'il mette le nez dedans pour
dire que c'est une bonne chose, et les intervenants du système scolaire, les
sujets prioritaires qui vont... qui bénéficieraient... voyons, de ces travaux,
alors que le Conseil supérieur de l'éducation pouvait se prononcer sur
n'importe quel sujet de sa propre initiative. Est-ce que ça, ça vous inquiète?
M. Baillargeon (Normand) : Je
rappelle, quand on a créé le Conseil supérieur de l'éducation, à la suite de la
commission Parent, c'était justement pour avoir une entité qui soit
indépendante du politique. C'était le choix qu'on avait en créant ce Conseil
supérieur de l'éducation. C'est une des raisons...
Mme Ghazal : Donc, c'est un
héritage de la Révolution tranquille qu'on perd.
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
oui, tout à fait, oui, oui, de la commission Parent, là, puis c'était...
Mme Ghazal : Bien, de la...
oui.
M. Baillargeon (Normand) : Et,
encore une fois, c'était pour avoir une instance qui puisse parler d'éducation
indépendamment du politique. Par contre, il faudrait regarder attentivement les
textes, mais les passages que vous m'avez lus ne disent pas que le ministre
intervient, dit que c'est en consultation avec lui, en concertation avec lui,
que le ministre peut se prononcer là-dessus.
Mme Ghazal : Moi, je serais
très, très curieuse. Si l'INEE, par exemple, produisait un rapport qui disait
qu'il y a un système à trois vitesses, est-ce que le ministre va le rendre
public puis va accepter? Il va peut-être dire non parce que ça ne sera pas en
concertation.
M. Baillargeon (Normand) : Ça
serait tout à fait contraire à ce que... au souhait que j'ai exprimé. Le
souhait que j'ai exprimé, c'est que, si jamais... c'est d'ailleurs un excellent
exemple, ça, si jamais l'INEE est formé, il se penche... et c'est une question...
Vous m'accorderez qu'il peut y avoir des définitions différentes de ce que
c'est que l'égalité des chances en éducation, comment ça joue, comment on
mesure ça, comment on l'actualise. Si l'INEE fait ce travail-là, aboutit à la
conclusion : Nous vivons dans un système d'éducation intolérable parce
qu'il est véritablement à trois vitesses, et que la vitesse supérieure est même
subventionnée par l'État, de ce que... na, na, na, je suis convaincu que le
ministre n'interviendra pas pour dire : On ne publie pas ça.
Mme Ghazal : Bien, on fera
des amendements, parce que ce n'est pas le cas quand on le lit.
M. Baillargeon (Normand) : Très
bien.
Mme Ghazal : Puis ça, ça va
être notre travail de législateurs. Merci de l'avoir précisé.
Vous, vous avez été chercheur et
professeur à l'université. Est-ce que vous avez produit des recherches qui <amenaient...
Mme Ghazal : ...
et
professeur à l'université. Est-ce que vous avez produit des recherches qui >amenaient
des données probantes?
M. Baillargeon (Normand) : Puis
c'est important de le dire, je l'ai souligné dans ma présentation, en
éducation, il y a toute une série de questions qui sont des questions
conceptuelles.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 30 secondes, M. Baillargeon.
M. Baillargeon (Normand) : Alors,
moi, je n'ai jamais fait de recherche empirique en éducation.
Mme Ghazal : Je comprends.
M. Baillargeon (Normand) : J'ai
écrit des livres. Moi, ce que j'ai écrit, c'est des livres.
Mme Ghazal : Des livres
intéressants à lire et pertinents.
M. Baillargeon (Normand) : Non,
non, mais j'ai... Vous comprenez, moi, les derniers livres, j'ai fait, c'est
Tagore, un poète indien, et l'école qu'il a faite, l'université qu'il a faite,
puis les idées qu'il avait en éducation. Le précédent, c'était Bertrand
Russell, mon philosophe préféré, son école, comment il l'a conçue puis qu'est-ce
qu'il veut...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
M. Baillargeon (Normand) : Vous
voyez? Et je produis des livres comme ça. Mon prochain livre, c'est Frank
Lloyd Wright, l'architecte et l'éducation.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Ghazal : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour les échanges et votre contribution aux travaux. Je suspends les
travaux quelques instants pour accueillir notre deuxième groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 49
)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue à l'Association
des directeurs générales scolaires du Québec. Donc, nous avons M.
Lucien Maltais et Mme Gaëlle Absolonne. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour votre intervention. Donc, d'entrée de jeu, vous présenter
et nous faire votre exposé par la suite. Je vous cède la parole.
M. Maltais (Lucien) : Alors,
bonjour à tous. Je me présente, je suis Lucien Maltais, président de l'Association
des directions générales scolaires du Québec, mais aussi directeur général du Centre
de services scolaire des Chênes. Je suis accompagné de Mme Gaëlle Absolonne, la
directrice générale de la Commission Scolaire Sir Wilfrid-Laurier et aussi
membre du conseil d'administration.
Alors, au nom de l'Association des
directions générales scolaires du Québec, composée de 188 membres, qui
représente les gestionnaires de premier niveau des centres de services
scolaires et commissions scolaires anglophones du Québec, il me fait plaisir
aujourd'hui de m'adresser à vous dans le cadre du projet de loi n° 23.
Merci de nous recevoir et de prendre en considération nos recommandations.
L'ADGSQ contribue au développement des
services éducatifs de qualité pour l'ensemble des jeunes et des adultes du
Québec. Ses membres assument un haut niveau d'expertise et de leadership au
sein de leurs organisations et du réseau. Ils assurent une gestion
administrative et éducative de manière efficiente, transparente et responsable.
Le projet de loi démontre une volonté d'instaurer
une ligne directrice entre le ministère de l'Éducation et la salle de classe
afin de créer une cohérence au sein du réseau pour accroître la réussite des
élèves. Cette volonté d'intervention soulève certains points sensibles,
notamment celui de la centralisation. À ce chapitre, l'ADGSQ en appelle au
gouvernement à faire preuve de prudence à certains égards.
• (10 h 50) •
Les recommandations de notre mémoire
assurent une mise en œuvre harmonieuse du projet de loi tout en respectant le
principe de subsidiarité, lequel prévoit que les décisions doivent être prises
au bon palier <décisionnel...
M. Maltais (Lucien) : ...
doivent
être prises au bon palier >décisionnel.
Bien que le projet de loi soit costaud,
nos remarques préliminaires se concentreront sur trois axes. Le premier, la
création de l'Institut national d'excellence en éducation. Le deuxième, les
pouvoirs accrus au ministre de l'Éducation et au gouvernement. Le troisième sur
les données au service de la réussite des élèves.
Avant de se lancer dans une analyse
détaillée du projet de loi, il nous apparaît important de dresser un portrait
de la réussite éducative des élèves. L'environnement dans lequel nous œuvrons
est diversifié. Le défi de faire réussir chaque élève fait partie de la
préoccupation quotidienne de l'ensemble du personnel des centres de services
scolaires et des commissions scolaires, indépendamment de la taille des
organisations, de leur lieu géographique ou de l'étalement de leur
établissement. Cette réalité, qui fluctue d'un milieu à l'autre, rappelle à
quel point il faut s'en remettre aux instances locales pour répondre... pour
répondre adéquatement à des besoins qui évoluent et varient.
Rappelons aussi que le taux de diplomation
et de qualification s'est amélioré de manière significative depuis le début du
millénaire, passant de 70 % à 82 %, tandis que le taux annuel de
sorties sans diplôme a chuté de manière impressionnante de 22 % à 13,5 %.
Est-ce que la situation est parfaite? Bien
sûr que non. Est-ce que nous pouvons... Est-ce qu'il y a encore place à
amélioration? Certainement. Est-ce que nous pouvons être fiers de cette
progression? Absolument. Nous sommes dans la bonne direction.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Maintenant,
commençons notre analyse du projet de loi. Nous allons débuter par notre
premier axe qui se concentre sur la mise en place de l'Institut national
d'excellence en éducation. Longtemps désiré et souhaité, l'ADGSQ appuie
fortement l'instauration de l'Institut national d'excellence en éducation et
nous souhaitons que ses travaux soient élargis à la formation professionnelle
et à l'éducation des adultes.
Pour réussir, cet institut doit être
composé de façon à ce que ces différences soient prises en compte. Il doit être
indépendant du politique de différents lobbies ou organismes d'influence et ne
doit en aucun cas adhérer à des courants idéologiques puissants, mais parfois
non fondés scientifiquement pour donner objectivement et librement leur avis
sur les priorités ciblées.
Nous suggérons... l'ADGSQ croit que le CA
de l'Institut devrait s'adjoindre trois autres membres aux neuf déjà existants
dans le projet de loi. Nous suggérons des sièges pour les membres suivants :
un membre de la communauté anglophone, un membre de la communauté autochtone et
un membre du personnel hors cadre d'une organisation scolaire publique.
Vivant des réalités différentes en milieu
minoritaire, les anglophones et les autochtones doivent contribuer au
développement des orientations débattues au conseil d'administration de l'INEE.
La culture de la communauté anglophone et les coutumes ancestrales doivent
devenir des leviers à l'amélioration de notre système éducatif, et l'INEE
devrait s'en inspirer.
Concernant le membre hors cadre d'une
organisation scolaire publique, l'ADGSQ juge qu'une personne ayant une vision
plus systémique du réseau et des organisations serait un atout. Lorsque viendra
le temps, surtout dans les tout débuts de l'INEE, de s'assurer de la diffusion
des recherches ou des projets explorés par l'Institut, la présence du hors-cadre
sera très bénéfique pour faciliter l'accès des chercheurs au personnel
scolaire, notamment au personnel enseignant.
M. Maltais (Lucien) : En lien
avec notre deuxième axe, donc un pouvoir accru au ministre de l'Éducation et au
gouvernement, l'ADGSQ considère important d'exercer un devoir de réserve et de
demeurer neutre dans ce débat relatif à la nomination de ses plus hauts
dirigeants par le gouvernement. Cependant, en raison des impacts importants
pour les organisations et pour les gens principalement concernés, l'ADGSQ
soumet certaines recommandations. Dans un premier temps, il serait important de
clarifier légalement qui sera l'employeur du directeur général. À partir du
moment où le gouvernement nomme, évalue, suspend et congédie le directeur
général, l'ADGSQ se questionne sur les rôles et responsabilités de l'instance
de gouvernance à l'égard de celui-ci. L'association observe la complexité à laquelle
le directeur général aura à faire face en tant qu'employé. Cette répartition
des rôles comme employeur entre le ministre de l'Éducation, son ministère, et
l'instance de gouvernance locale demeure présentement floue. Pour
l'association, la sélection aux fins de nomination du directeur général devra
continuer de faire l'objet d'un processus de dotation rigoureux et respectueux
des besoins de chaque organisation.
Concernant le processus de nomination,
l'ADGSQ propose de soumettre au gouvernement un profil de compétences adapté
aux organisations scolaires et une démarche de sélection qui devrait prendre en
considération les besoins locaux. De plus, pour respecter les rôles et
responsabilités dévolus au conseil d'administration et ajouter une couleur locale,
l'ADGSQ recommande que le CA soit impliqué dans le processus de nomination. En
termes d'évaluation, nous recommandons au ministre de mettre en place un
processus d'évaluation annuel comprenant la détermination d'attentes signifiées
préalablement convenues avec son dirigeant, tout en incorporant un mécanisme
pour en assurer le suivi.
L'ADGSQ souhaite que le directeur général
puisse évoluer dans un contexte où les <attentes...
M. Maltais (Lucien) : ...
souhaite
que le directeur général puisse évoluer dans un contexte où les >attentes
lui permettent d'exercer son rôle avec les marges de manœuvre nécessaires et
essentielles à l'accomplissement de celui-ci, sachant qu'il doit faire preuve
de courage managérial dans l'exercice de ses fonctions.
Enfin, étant donné les outils de gestion
existants, soient la planification stratégique du ministère, les plans
d'engagement vers la réussite de nos organisations, les rapports annuels des
centres de services scolaires et des établissements, les projets éducatifs des
établissements, l'ADGSQ recommande au ministre de surseoir à son intention
d'instaurer une entente annuelle de gestion et d'imputabilité qui ajouterait
non seulement de nouvelles cibles et priorités à celles déjà existantes, mais
une lourdeur bureaucratique.
Par ailleurs, l'apparition de
l'article 40 du projet de loi sur l'annulation en tout ou en partie d'une
décision est certainement l'une des plus signifiantes en guise de
centralisation du pouvoir par le ministre. L'ADGSQ recommande le retrait de cet
article. Il serait malheureux que le ministre use de son pouvoir en réaction à
des manchettes de journaux ou à des événements pour lesquels il ne dispose pas
de toutes les informations pertinentes à la prise de décision.
Comme mentionné précédemment, le directeur
général ou les autres gestionnaires de son organisation doivent souvent prendre
des décisions courageuses, et l'ADGSQ désire que ces derniers puissent œuvrer
dans un contexte où ils pourront afficher un leadership à la hauteur de leurs
fonctions.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Maintenant,
concentrons-nous sur notre troisième axe, les données pour favoriser la
réussite éducative. Les modifications proposées par le législateur seront
optimisées si nous pouvons, de part et d'autre, avoir les données essentielles
pour mesurer et réguler nos indicateurs. J'insiste ici sur la notion de «part
et d'autre». Dans le cadre d'un développement à plus grande échelle, nous avons
donc avantage à partager de manière bidirectionnelle, entre le ministère de
l'Éducation et le réseau et vice versa, toutes ces informations.
Que l'on parle de données en soutien à
l'apprentissage des élèves ou à la performance du réseau, l'accessibilité en
tout temps semble un enjeu. Une compréhension commune des données pertinentes
de ces indicateurs doit permettre aux organisations ou au ministère d'avoir une
vision stratégique axée sur la réussite éducative de tous les élèves.
En conclusion, le projet de loi n° 23
pave la voie à une dynamique renouvelée au sein du réseau scolaire. Si
plusieurs éléments nous apparaissent à propos, le projet de loi contient des
zones grises. Certaines dispositions gagneraient à être peaufinées. Le principe
de subsidiarité, qui semble s'effriter dans ce projet de loi, pourrait être
renforcé avec certaines de nos recommandations. Le ministre dit vouloir mettre
l'accent sur la réussite éducative, voilà un chantier sur lequel nous sommes à
pied d'œuvre depuis toujours et pour lequel nous avons collectivement des
résultats probants. Il faut continuer.
Alors que s'ouvre un nouveau cycle
législatif destiné à moderniser la Loi sur l'instruction publique,
l'Association des directions générales scolaires du Québec continuera à faire
partie de la solution en participant à la réflexion collective et en mettant à
profit son expertise terrain. C'est ce qui fait notre force depuis maintenant
51 ans.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci infiniment pour votre exposé. Nous sommes maintenant prêts à
débuter les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Sur l'entente d'imputabilité, si je comprends bien, là, vous
souhaitez qu'elle soit retirée du projet de loi. Hein, vous ne souhaitez pas
que ce que... qu'on aille de l'avant avec ça, pourquoi?
M. Maltais (Lucien) : Deux
éléments, hein, en lien avec des recommandations que nous faisons. La première,
c'est, si la direction générale est nommée par le gouvernement, bien, on
s'attend à ce qu'annuellement des attentes soient signifiées, qu'il y ait des
mécanismes de suivi en lien avec les attentes signifiées à la direction... à la
direction générale pour qu'il y ait une évaluation en fin. Donc, ça, c'est en
lien avec le rôle... en lien avec les rôles et responsabilités de la direction
générale.
• (11 heures) •
Pour ce qui est de l'entente de gestion
annuelle de... excusez, je cherche le terme, la gestion... de gestion annuelle
et d'imputabilité, ce qu'on constate, c'est qu'à l'intérieur de ce nouvel outil
de gestion là, on intègre des outils qui étaient déjà existants dans la loi. Et
quels sont ces outils? Bien, on a... le gouvernement, qui... le ministère de
l'Éducation, qui a sa planification stratégique, dans laquelle il se fixe des
objectifs... des orientations, des objectifs et des cibles. Ensuite, il va voir
les centres de services scolaires, les commissions scolaires et fixe des
indicateurs nationaux et donc des cibles, des objectifs qu'on doit mettre à
l'intérieur de nos plans d'engagement vers la réussite. Nous, par la suite, on
va voir les établissements puis on dit : soyez cohérents avec le plan
d'engagement vers la réussite de notre organisation, de notre centre de
services scolaire. Et les établissements font leurs projets éducatifs. À chaque
endroit, il y a des couleurs locales, mais il y a une cohérence qui part du
ministère jusqu'aux établissements. Et, avec cette entente annuelle là, ce
qu'on craint, c'est qu'il y ait... à chaque année, il y ait des nouvelles
cibles qui s'ajoutent. Si on a jugé... puis, dans les pratiques exemplaires, ce
qu'on a jugé, qu'une planification stratégique...
11 h (version révisée)
M. Maltais (Lucien) : ...puis,
dans les pratiques exemplaires, ce qu'on a jugé... qu'une planification
stratégique, un plan d'engagement vers la réussite, un projet éducatif d'établissement.
C'est quelque chose qui veut nous pousser... évidemment, qui est centré sur la
mission, donc, la réussite éducative des élèves, la réussite scolaire, le
bien-être. On se donne une période de quatre ans pour atteindre des cibles
ambitieuses et, pour ça, on met en place des plans d'action pour lesquels les
gens sont mobilisés. On suit ces plans d'action là de manière périodique, et c'est
la seule façon pour atteindre des résultats. Et ce qu'on craint avec cette
entente-là, c'est qu'à chaque année s'ajoutent des cibles ou s'ajoutent de
nouvelles priorités. En plus, dans la loi, au niveau des cibles
administratives, il y a déjà des articles de loi qui permettent au ministre de
fixer des cibles administratives.
Maintenant arrive la question de l'imputabilité.
À chaque année, on fait un rapport annuel dans lequel... Même, l'an dernier, c'était
la première fois où le ministère a adopté un règlement qui vient prescrire les
endroits où on doit avoir une reddition de comptes, où est-ce qu'on doit
justifier nos décisions, les rendre publiques à la population. Donc, pourquoi
ne pas utiliser le rapport annuel pour le faire? Et, en lien avec les lois et
règlements, on pourrait faire la liste, mais là je pense que je ne la ferai pas
pendant la commission parlementaire, mais elle est très longue, toutes les
redditions de comptes, les obligations qui, au quotidien... le personnel des
centres de services scolaires rendent compte.
Donc, cette entente, cet outil de gestion
là, pour nous, l'association, c'est une lourdeur bureaucratique, et l'histoire
nous a démontré... En 2008, on avait adopté des conventions de partenariat, des
conventions de gestion et de réussite éducative, qu'on a supprimées avec les
lois suivantes. Pourquoi? Parce qu'il y avait une lourdeur bureaucratique qui
est associée à ces outils de gestion là.
M. Drainville : OK. Sur votre
recommandation 1, si je comprends bien, vous souhaitez que le gouvernement
saisisse l'opportunité que présente le projet de loi n° 23 pour enchâsser
la délivrance du brevet d'enseignement dans une formule accélérée. Est-ce que
vous faites référence au programme de 30 crédits, là? Est-ce que c'est à
ça que vous pensez, là, le programme de 30 crédits que la TÉLUQ va offrir
et que... On en a été informé récemment, l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, également, va créer un programme de 30 crédits.
Donc, on s'aperçoit, là, qu'il commence à y avoir du mouvement dans le monde
universitaire pour offrir plus de souplesse dans la voie qui mène au brevet
pour les personnes qui ont déjà un bac, on s'entend. Alors, est-ce que c'est ce
à quoi vous faites référence dans votre recommandation? Sinon, à quoi
faites-vous référence?
M. Maltais (Lucien) : Oui,
tout à fait. Bien, dans le fond, le système éducatif québécois... À l'école
publique, on a deux défis importants qu'on peut cibler. Le premier, c'est
certainement la réussite éducative, la réussite scolaire de nos élèves, puis
leur bien-être, j'espère que c'est notre numéro un, mais aussi on est confrontés
à la pénurie de personnel. Donc, avec l'initiative, là, des formations
accélérées, pour lesquelles... qui sont de qualité, on parle de...
M. Drainville : ...
M. Maltais (Lucien) : Tout à
fait, oui, on parle... parce que la recherche, ce qu'elle démontre, c'est qu'une
formation de courte durée, faite avec des gens à l'emploi, avec des cours
associés spécifiques, avec... basés sur des approches probantes, des approches
reconnues par la recherche, avec un accompagnement des gens sur le terrain et
une formation continue qui s'ensuit, bien, ça, c'est quelque chose qui donne d'aussi
bons résultats que la formation initiale. C'est ce que les recherches
démontrent. Nous, on est favorables, et ce qu'on se disait, on vous lançait l'appel
à vous, parlementaires : Pouvez-vous analyser la situation pour voir si on
peut donner au gouvernement des leviers pour, dans des situations comme
celle-ci, aller plus vite dans la reconnaissance du brevet d'enseignement pour
les gens qui suivront cette formation-là accélérée? Donc, on ne connaît pas la
solution puis comment ça pourrait s'écrire dans les articles de loi, mais on
pense que vous allez avoir plusieurs heures de débat et vous allez certainement
être capables de trouver une solution.
M. Drainville : Très bien. Recommandation...
autre recommandation de votre groupe, vous recommandez la mise en place d'une
structure harmonisée pour colliger les 30 heures de formation continue
afin de faciliter la reddition de comptes et sa régulation. Ça n'existe pas
déjà?
M. Maltais (Lucien) : Présentement,
il y a des initiatives. Peut-être, madame...
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
ça existe. Merci, M. Maltais. Il y a des initiatives dans nos centres de
services scolaires et commissions scolaires. Cependant, ça peut-être à
géométrie variable. Donc, ce qui est important ici, puis ce qui fait partie de
nos recommandations, c'est de s'assurer qu'il y ait un outil commun pour
pouvoir faciliter cette régulation-là et faciliter la reddition de comptes. À
travers la formation continue, ce qui est important, c'est aussi la notion de
rigueur, de cohérence et de flexibilité.
Donc, oui, on souhaite que le personnel
enseignant ait des choix de formation qui soient cohérents avec le plan
stratégique du ministère, avec les plans d'engagement vers la réussite des
commissions scolaires, centres de services scolaires, et avec les projets
éducatifs des différents établissements. Tout ça étant dit, c'est important de
laisser l'autonomie professionnelle au personnel enseignant et de leur laisser
choisir des formations <qui répondent à leurs besoins...
Mme Absolonne (Gaëlle) :
...au
personnel enseignant et de leur laisser choisir des formations >qui
répondent à leurs besoins.
M. Drainville : OK, très
bien, mais, à l'intérieur de ce cadre-là, avec lequel on est d'accord, vous
souhaitez quand même vous assurer que les 30 heures aux deux ans soient
bel et bien faites et c'est pour ça que vous souhaitez la création de...
(Interruption)
M. Drainville : Pardonnez-moi,
excusez-moi pour le tort que je viens de causer à vos oreilles. Une structure,
donc, qui serait la même, dans le fond, dans tous les centres de service, sinon
dans toutes les écoles, là, pour permettre, notamment, à la direction de
l'établissement de s'assurer que le corps enseignant de l'école est bel et
bien... garde une trace, dans le fond, des 30 heures de formation qui sont
prévues par la loi. Je vous comprends bien?
Mme Absolonne (Gaëlle) : ...avoir
une structure harmonisée.
M. Maltais (Lucien) : Si je
peux ajouter...
M. Drainville : Qu'est-ce
que vous répondez à ceux... Vous allez pouvoir le faire, M. Maltais.
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui... ceux et celles qui vont dire : Ah!
Ha! Ça, là, c'est le genre de chose qui vient empiéter sur l'autonomie professionnelle,
là? Qu'est-ce que vous répondez à ça?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
l'autonomie professionnelle, elle demeure, elle demeure dans le choix des
formations auxquelles les enseignants vont pouvoir...
M. Drainville : Puiser,
oui.
Mme Absolonne (Gaëlle) : ...puiser,
exactement, donc, et c'est important. C'est important qu'ils puissent... Le
principe de subsidiarité, il est jusque dans la classe, puis c'est important
que les enseignants conservent cette autonomie professionnelle là pour pouvoir
vraiment répondre à leurs besoins, et, comme vous le savez, les besoins, d'un
territoire à l'autre, d'un établissement à l'autre, sont très variés.
M. Drainville : Allez-y,
M. Maltais, excusez-moi.
M. Maltais (Lucien) : Juste
en complément de la réponse de Mme Absolonne, deux éléments. Peut-être, le
premier, on se rappelle aussi que les centres de services scolaires sont les
employeurs des enseignants puis d'autres corps d'emploi. Donc, il arrive, dans
certains cas, qu'il y ait des formations qui sont obligatoires, et ça, c'est
reconnu, que l'employeur peut demander au personnel de suivre des formations.
Dans le 30 heures, on parlait de colliger le 30 heures, bien, d'avoir
un système harmonisé, il y a un gain aussi lorsqu'on se promène d'un centre de
services scolaire à l'autre. Donc, ça, on y voit un gain.
Je pourrais faire le lien aussi avec les
données, vous savez, les données... On croit que les dispositions législatives
qui ont été mises dans le projet de loi, pour nous, si ça peut rendre le
système plus fluide, si ça peut être plus efficace, bien, on va être partant.
Souvent, on se fait dire, les centres de services scolaires, qu'on ne veut pas
donner les données. Ce n'est toujours pas ça, la situation, c'est que, des fois,
on a des systèmes différents. Dans les données qui nous sont demandées, des
fois, il faut aller les collecter manuellement, des fois, il faut demander à
nos directions d'établissement. Notre personnel est débordé.
Donc, si on est capables d'avoir des
systèmes harmonisés avec une façon de colliger les données qui est un petit peu
plus uniforme partout, on pourra avoir des systèmes centraux qui seront
capables de les extraire plus facilement avec des tableaux de bord. Donc, ça
irait dans le même sens, là, pour la formation continue, avec un système
harmonisé.
M. Drainville : Très
bien. Une dernière question. Dans votre mémoire, vous dites que la création de
l'INEE a été longtemps réclamée ou est longtemps... oui, c'est ça, a été
longtemps réclamée par les directions générales. Ça va changer quoi, l'INEE,
pour vous, là, qui êtes les premiers dirigeants des centres de services
scolaires? Donnez-moi un exemple très concret ou deux exemples très concrets,
M. Maltais, des changements que ça pourrait apporter, des changements
bénéfiques que la création de l'INEE pourrait apporter.
M. Maltais (Lucien) : Bien,
certainement, au niveau du recensement des pratiques, stratégies efficaces,
dans un langage accessible pour l'ensemble du personnel, pour que, dans leur
pratique, ils peuvent choisir les meilleures interventions, ça, c'est le
numéro 1. Et, deux, dans la prise de décision, pour les décideurs, qu'ils
soient au ministère, dans les établissements scolaires, dans les centres de
services scolaires, bien, de se... d'avoir des outils pour être capables de
prendre la meilleure décision possible, soit avec une analyse de données ou
avec ce que la recherche scientifique nous donne, pour nous, ce serait un gain
majeur.
On pourrait parler aussi de tous les
mythes en éducation, pour lesquels, évidemment, on pourrait se rendre compte
que même autant... De l'université à la salle de classe, il y a plusieurs
pratiques qui, des fois, se... plusieurs pratiques qu'on peut visualiser, dans
les salles de classe, qui ne sont pas toujours probantes, puis ce n'est pas des
stratégies qui sont reconnues efficaces. Donc, certainement que l'Institut
national d'excellence en éducation pourrait nous supporter là-dedans.
M. Drainville : Avez-vous
des exemples?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
oui, facilement, par exemple, les intelligences multiples, qui est un courant
de pensée longtemps à développer, la pédagogie par projet, qui, dans certains
cas spécifiques, oui, pour la motivation puis pour certains types d'élèves,
c'est efficace, mais, pour des élèves qui ont plus de difficultés, ce l'est
moins. Donc, il y a plusieurs mythes comme ça, là, qui circulent à travers du
réseau de l'éducation et même qui sont parfois enseignés dans les universités.
M. Drainville : Très
bien. Je vais laisser mes collègues... Ils ont plusieurs questions eux aussi.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de
Beauce-Sud. Il vous reste cinq minutes.
• (11 h 10) •
M. Poulin : Parfait.
Alors, bonjour. Merci pour votre partage. Vous me permettrez de saluer votre
secrétaire général, Normand Lessard, qui a été directeur général du centre de
services scolaire en Beauce-Etchemin, avec qui j'ai eu un grand plaisir de
travailler au cours <des dernières années. Alors, vous êtes bien
accompagné...
M. Poulin :
...plaisir
de travailler au cours >des dernières années. Alors, vous êtes bien
accompagné, sachez-le.
Vous faites une recommandation parce que
l'actualité nous a commandé, dans les... particulièrement les derniers mois,
d'analyser les décisions qui sont prises par les directeurs ou directrices de
centres de services scolaires... la compétence et le regard qu'il doit y avoir
sur des situations qui sont parfois extrêmement délicates. Vous faites une
recommandation, recommandation n° 9, où vous dites
que vous êtes... que vous pourriez, donc, soumettre un profil de compétence
adapté aux organisations scolaires, une démarche de sélection qui devrait
prendre en considération des besoins locaux, le tout en consultant les
instances de gouvernance de nos organisations.
Donc, j'aimerais savoir, selon vous, ne
serait-ce que, pour une direction générale, le choix d'un directeur général
d'un centre de services scolaire, ou encore pour le CA, en fait, quand vous
parlez de besoins locaux, de profils de compétence, à quoi faites-vous
référence exactement. Est-ce que, pour vous, la personne doit absolument avoir
une formation en administration publique? Est-ce qu'elle doit absolument avoir
une formation en éducation? Est-ce que vous écartez certains profils d'entrée
de jeu? Est-ce que, si on est dans un territoire où il y a beaucoup de
communautés autochtones, vous seriez en accord, vous voyez d'un oeil favorable
que la personne soit issue de la communauté? J'aimerais en savoir un peu plus
sur les bonnes compétences que vous voyez.
M. Maltais (Lucien) : Dans le
réseau, on peut remarquer les pratiques exemplaires, puis nous, on constate
quand même un haut degré de compétence puis de professionnalisme chez nos
directions générales qui, à tous les jours, oeuvrent au quotidien pour la
réussite des élèves, et ce qu'on constate dans les profils de compétence, bien,
il y a un profil qui est plus associé au réseau de l'éducation, où c'est des
gens... Souvent, on va avoir des gens qui ont été enseignants, qui ont été...
direction d'établissement, direction de services, direction générale adjointe,
donc des gens qui ont quand même une très longue feuille de route au niveau de
l'éducation, très spécifique aussi, des gens qui... pour lesquels l'éducation a
toujours été une passion.
Donc, ce qu'on suggère, c'est certainement
un profil de compétence commun, mais, à ce profil de compétence commun là, je
pense qu'il faut impliquer le conseil d'administration. Vous savez, tu sais, c'est
un des facteurs pour que la subsidiarité puisse se vivre, et, puisque ça touche
dans... les rôles et responsabilités du conseil d'administration, c'est de leur
donner la place pour bonifier ce profil-là, pour voir la couleur locale, quel
type... qu'est-ce que je pourrais ajouter, puis, dans les besoins locaux, préparer
aussi tout ce qui sera dans la sélection, l'entrevue, dans laquelle il y aura
peut-être des questions spécifiques qui se rattacheront aux enjeux de
l'organisation. Et, dans le comité de sélection, on suggère certainement la
présence de membres du conseil d'administration, donc, et on suggère, nous, de
participer. On s'offre au gouvernement pour participer, pour faire des
suggestions sur le processus de nomination et de dotation des directions
générales.
M. Poulin : OK. Dans les... Et
là peut-être que vous n'avez pas les données, là, ça peut être une question un
peu par surprise. Avez-vous un horizon du nombre de femmes qui sont directeurs
de centres de services scolaires à travers le Québec, un horizon... qui sont
issues des communautés culturelles ou issues des communautés autochtones?
M. Maltais (Lucien) : ...là-dessus,
là, présentement.
M. Poulin : OK. Est-ce que
vous pensez que ce serait de bon aloi de garder ça en tête pour avoir une
meilleure représentativité?
M. Maltais (Lucien) : Certainement,
mais, évidemment, tu sais, lorsque le gouvernement... si le gouvernement va de
l'avant avec son choix au niveau de la nomination des directions générales, il
lui appartiendra de mettre les critères qu'il souhaite.
M. Poulin : D'accord, parce
que vous recommandez quand même de dire : On doit avoir certaines
compétences, certains profils, certaines saveurs locales. Alors, peut-être que
cette réflexion-là devrait être poussée également.
Alors, pour moi, ça complétait. Je ne sais
pas si j'avais d'autres collègues qui avaient des interventions.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull, vous avez une minute.
Mme Tremblay : Alors, parfait.
Donc, ça me laisse peu de temps, mais, bon, j'aimerais ça vous entendre sur la
formation, peut-être, initiale des enseignants et des enseignantes. On le sait,
que, bon, on va... l'INEE va devoir se prononcer sur ça. Donc, j'aimerais avoir
votre opinion sur ce dossier-là puis peut-être rapidement aussi sur les
services éducatifs à distance.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
pour ce qui est des... Je vais commencer avec la fin de votre question, les
services éducatifs à distance, tout d'abord, il faut partir avec la prémisse de
base que la place de l'élève, c'est à l'école, en présentiel. Il ne faut pas
oublier que le mandat du programme de l'école québécoise, c'est d'instruire,
c'est de qualifier, mais c'est aussi de socialiser. Donc, ça, c'est très
difficile à remplacer. Une fois qu'on a dit ça, il faut quand même comprendre
que notre rôle, c'est d'assurer l'accessibilité à l'éducation à l'ensemble des
Québécois, Québécoises. Donc, on a quand même des élèves qui peuvent se
retrouver dans des situations particulières.Pardon?
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant, il reste cinq secondes.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Excusez-moi.
Bien, il y a des situations particulières. Il faut les prendre en
considération.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, mais permettez-moi aussi de saluer
M. Lessard, qui a été enseignant puis, par la suite, DG à la commission
scolaire <Beauce-Etchemin pendant plusieurs années...
Mme Rizqy :
...qui a
été enseignant puis, par la suite, DG à la commission scolaire >Beauce-Etchemin
pendant plusieurs années, et qu'aussi... Grâce à lui, j'avais appris la
formation à distance qui a été créée chez vous et qui a permis à plusieurs
étudiants de faire des cours d'été, notamment, mais aussi même de pouvoir
graduer, pour des raisons particulières, qui ne pouvaient pas être à l'école à
ce moment-là. Alors, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au sein de
l'Assemblée nationale.
Maintenant, on va aller directement... J'ai
quelques questions pour vous. Notamment, Mme Asbolonne, vous êtes un centre de
services scolaire... vous, c'est une commission scolaire, alors, anglophone.
Vous êtes toujours devant les tribunaux suite à la dernière réforme?
Mme Absolonne (Gaëlle) : On
est en attente.
Mme Rizqy : D'accord. Alors,
juste pour bien comprendre, vous êtes en attente pour la dernière réforme, et
on a une nouvelle réforme, mais on n'a pas terminé le procès de l'ancienne
réforme. C'est bien ça?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
écoutez, comme vous le savez, l'application de la loi n° 40
est en sursis au niveau des commissions scolaires anglophones. Une fois qu'on a
dit ça, il y a des gens bien compétents qui vont statuer sur le débat présent.
On attend, d'ailleurs, des nouvelles prochainement. Puis, comme je dis, une
fois qu'on a dit ça, nous, notre rôle reste le même. Qu'on soit DG d'une
commission scolaire ou d'un centre de services scolaire, notre mission, c'est
la réussite... la réussite éducative de nos élèves, les jeunes autant que les
adultes. Donc, on est en esprit de collaboration, en esprit d'ouverture. Peu
importe à qui on doit se rapporter, tous les joueurs dans le domaine de
l'éducation sont importants.
Mme Rizqy : Le ministère de
l'Éducation n'a pas fait le bilan de la dernière réforme, mais on saute tout de
suite à la nouvelle réforme. Vous, quand vous faites des changements,
habituellement, à l'école, des fois, vous faites des projets pilotes, puis,
après ça, vous faites un état des lieux, puis vous faites un bilan avant de
procéder à une nouvelle... à un nouveau changement, non?
M. Maltais (Lucien) : Bon, je
pense que nous, dans le cadre du mémoire, on n'a pas fait l'évaluation du PL
n° 40, mais ce qu'on constate, c'est qu'il y a quand même des
améliorations importantes, là, qui peuvent être apportées dans le projet de loi
actuel. Juste l'Institut national d'excellence en éducation, pour nous, c'est
majeur. Au niveau de la formation continue des enseignants, de bien la baliser,
pour nous, c'est quelque chose aussi qui est très positif. Au niveau des données
aussi, la fluidité, l'harmonisation des systèmes, tout ce qu'on peut faire pour
les utiliser, pour nous, c'est extrêmement positif. Donc, je pense qu'on fait
juste construire par-dessus ce qui était existant. Si ça peut améliorer la
réussite des élèves, bien, go, on est prêts à y aller.
Mme Rizqy : Quand vous dites
baliser la formation, qu'est-ce que vous souhaitez?
M. Maltais (Lucien) : Pour...
excusez-moi.
Mme Rizqy : Vous avez dit :
Nous, on voudrait baliser les formations. Qu'est-ce que vous souhaitez?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
pour le 30 heures de formation, je pense, depuis l'adoption du PL
n° 40, ça manquait peut-être de clarté. On est en train, tu sais, de
clarifier le rôle de l'employeur qui peut obliger des formations à ses
employés, pas uniquement les enseignants, mais l'ensemble des employés. Puis,
pour le 30 heures... lequel l'enseignant doit colliger... je pense qu'il y
a un consensus qui se dégage, de dire que la formation continue, c'est
extrêmement important et pertinent, que, dans notre plan, dans les
30 heures qu'on va colliger, bien, ça prend des formations avec un contenu
qui est rigoureux. Certainement, aussi, ça prend une marge de manœuvre pour les
enseignants, bien, pour faire un choix qui répond à leurs besoins. Si, dans
leurs 30 heures, c'est 30 heures imposées par l'établissement ou le
centre de services scolaire, ça va être difficile pour l'enseignant d'avoir une
marge de manœuvre. On peut comprendre que l'enseignant pourrait en faire plus
que 30 heures, mais je crois... Ça fait que ça, pour nous, c'est
extrêmement intéressant, mais, juste d'affirmer que la formation continue,
c'est un élément important pour améliorer les services éducatifs, bien, pour
nous, c'est un signal important.
Mme Rizqy : Parfait. Juste
continuer là-dessus parce que ça m'intéresse de comprendre... Là, en ce moment,
ils ont l'obligation de faire 30 heures de formation continue. Qu'est-ce
que... Est-ce qu'il y a des exemples que vous avez de qu'est-ce qui n'a pas été
fait de façon rigoureuse?
M. Maltais (Lucien) : Non,
mais, par exemple, on pourrait dire... Tu sais, dans le 30 heures, est-ce
qu'on accepte des lectures, n'importe quelle activité? Tout ce qu'on dit, c'est
que, dans le fond, est-ce qu'un enseignant qui a des besoins de formation... On
peut, par exemple, cibler des contenus qui seraient peut-être influencés par
l'Institut national d'excellence en éducation. Est-ce qu'on peut y intégrer des
contenus, par exemple, où l'école décide de travailler des mathématiques? Donc,
l'ensemble de l'équipe-école y participe, on l'intègre à l'intérieur... donc,
formation reconnue, tout simplement.
Mais, dans le vécu du 30 heures, à
votre question, on n'a pas fait l'évaluation, hein? On termine, cette année, la
première année du 30 heures. Pour certains centres de services scolaires,
on les collige pour les premières fois, donc, dans l'évaluation. Donc, à la
longue, on pourra peut-être mieux constater, là... mais, nous, c'était juste
d'affirmer qu'avec ce mot-là, «rigueur»... que peut-être qu'il serait
intéressant que, par exemple, l'Institut national d'excellence en éducation,
suite à des recommandations qu'il fera... mettre à la disposition des
formations sur des stratégies efficaces, des stratégies probantes qui
pourraient faire réussir plus les élèves.
• (11 h 20) •
Mme Rizqy : Ah! mais il y a
une différence dans le discours, parce que «mettre à la disposition»,
c'est-à-dire qu'on laisse le choix, mais vous dites que vous... est-ce que...
juste bien comprendre votre position, est-ce que vous souhaitez d'avoir ce
pouvoir de discrétion de l'employeur, donc, vous, à titre de cadre, de pouvoir
dire : Voici le nombre d'heures que je souhaite, par exemple, cinq heures
en mathématiques, 10 heures en français? Est-ce que c'est ce pouvoir-là
que vous aimeriez avoir?
M. Maltais (Lucien) : Nous, on
n'allait pas jusque-là, non. Dans nos recommandations, là, c'est <des
formations reconnues...
M. Maltais (Lucien) :
...nous,
on n'allait pas jusque-là, non. Dans nos recommandations, là, c'est >des
formations reconnues, on voulait aussi que l'enseignant puisse mettre les
formations obligatoires à l'intérieur. Si son employeur lui a demandé de mettre
une... d'assister à une formation, on veut permettre à l'enseignant de la
colliger. Puis on veut aussi que l'enseignant ait beaucoup de flexibilité à
l'intérieur de ce 30 heures là pour choisir des formations qui répondent à
ses besoins.
Mme Rizqy : OK, premièrement,
la FSE collige... ils ont mis à la disposition des enseignants un outil pour
colliger le nombre d'heures de formation. Est-ce que vous... ce serait... pour
comprendre comment ce serait fait, est-ce que ce serait au niveau de chaque
centre de services scolaire qu'il y aurait un outil informatique pour colliger
les 30 heures?
M. Maltais (Lucien) : On
souhaiterait que, peut-être, il y ait un outil national. Peut-être, il faudrait
s'inspirer de celui de la FSE, que je ne connais pas, là, présentement.
Mme Rizqy : OK. Donc, ce
serait au niveau national?
M. Maltais (Lucien) : Oui,
idéalement. On pense que, tu sais, si l'enseignant change de centre de services
scolaire, c'est comme son portfolio professionnel, je pense qu'il y a un gain
d'avoir un historique des formations qu'il a suivies. C'est pour l'enseignant.
Souvent, dans les bonnes pratiques, au niveau de la formation continue, on
suggère aux gens de se créer un portfolio. Donc, pour lui, ce serait peut-être
plus facile d'avoir quelque chose qui serait structuré, qui pourrait changer
d'une organisation à l'autre.
Mme Rizqy : Oui, puis, au
niveau du suivi, parce que je lisais, dans le rapport récent de la
Vérificatrice générale du Québec... en ce moment, c'est la direction d'école
qui tente de faire le suivi, mais il y a du roulement de personnel autant au
niveau de l'équipe-école, de la direction, mais aussi elle indiquait clairement
que c'était difficile de libérer les enseignants pour faire leur formation.
Est-ce que ça, c'est un défi que vous voyez, vous aussi?
M. Maltais (Lucien) : Ah!
avec la pénurie de personnel, il y a plusieurs enjeux. C'est certainement que
la suppléance, là, c'en est un très important. Dans le rapport de la Vérificatrice
générale, vous avez pu le constater, là, où il y avait beaucoup de non
légalement qualifié, dont une grande partie, c'est en lien avec la suppléance.
Mme Rizqy : Au niveau de...
Tantôt, vous avez parlé de la subsidiarité. Ça, c'est un concept qui vous est
cher?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Absolument.
Mme Rizqy : OK. Il est
inscrit combien de fois dans le projet de loi n° 23?
M. Maltais (Lucien) : On ne
l'a pas compté. On vous laisse nous donner le chiffre.
Mme Rizqy : C'est un gros
zéro, ce n'est pas... Bien, c'est zéro pour vrai. Est-ce que c'est surprenant?
Parce que, si on parle... En tout cas, on veut quand même être dans la
continuité du projet de loi n° 40 qui a été adopté, où est-ce qu'il a été
question, quand même, de subsidiarité... et qu'on parle de centralisation, puis
que le ministre se défend, dit qu'il n'y a pas de centralisation, mais le
projet de loi ne fait jamais mention de la subsidiarité.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
d'ailleurs, si vous regardez au niveau de nos recommandations, on s'y réfère à
plusieurs reprises, que ce soit pour la nomination de la direction générale, de
s'assurer d'avoir la couleur locale via nos gouvernances locales, que ce soit
le conseil des commissaires ou le conseil d'administration, que ce soit au
niveau de la classe, le choix des formations pour les enseignants. Donc, c'est
un concept qui nous est cher. Je pense que c'est important qu'on fasse
confiance à nos professionnels dans le secteur de l'éducation, peu importe quel
est leur rôle. Donc, que les décisions soient prises dans le bon palier puis de
laisser de la flexibilité aux gens qui sont compétents pour le faire, je pense
que c'est important.
M. Maltais (Lucien) : Si je
peux ajouter aussi, on avait mis quelques filets de sécurité. On a parlé du
processus de nomination, le choix aussi au niveau des enseignants pour la
formation continue. On parle aussi du processus d'évaluation, de le mettre très
clair au niveau de la... de préciser des attentes lorsqu'on va évaluer la
direction générale. Et on voyait aussi... Au niveau de l'entente de gestion et
d'imputabilité, on n'y voyait pas l'utilité parce que, là, on y voyait un
risque en lien avec la subsidiarité.
Dans le fond, je pense qu'il appartient au
ministère de l'Éducation de nous donner les grandes cibles, les grandes
orientations, les indicateurs, les incontournables, et, après ça, nous, on part
avec ça et, dans les milieux, on les fait atterrir. Et aussi un des enjeux
qu'on avait vu et qu'on a mentionné aussi comme recommandation, c'était de
retirer l'article de loi qui annule les décisions, qui, pour nous, pourrait
amener le gouvernement à faire du cas par cas puis réviser les décisions sans
avoir nécessairement tout l'environnement, les informations pertinentes pour...
qui ont été utilisées pour prendre la décision... prendre les décisions.
Mme Rizqy : Ce serait ma
dernière question parce que le temps file. Alors, justement, certains de vos
membres ont communiqué avec moi directement pour leurs inquiétudes sur le fait
de leur décision... se faire annuler, mais aussi on se rappelle, en début de
janvier, l'histoire de la classe de maternelles quatre ans, mais, si on recule
même au début du projet des maternelles quatre ans, j'ai reçu de l'information,
dans une enveloppe brune très grande... pas d'argent dedans, je tiens à le
souligner, mais c'était plutôt la preuve, la démonstration que des projets
d'agrandissement avaient été mis sur pause parce qu'il y avait eu un ordre qui
était donné d'ajouter des classes de maternelles quatre ans, alors que ce
n'était pas nécessaire.
La Présidente (Mme Dionne) : 15 secondes,
Mme la députée.
Mme Rizqy : Est-ce que cette
inquiétude est encore parmi vos membres, de se faire imposer certaines
décisions ou de se faire museler?
M. Maltais (Lucien) : Dans le
projet de loi, on propose des choses, dont, évidemment, le retrait de cet
article-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation et votre présence ici parmi nous.
La semaine passée, je crois, ou l'autre
d'avant, vous et d'autres associations de cadres, là, et d'employeurs, vous avez,
dans les règles... dans le cadre des règles budgétaires, vous avez dit que
c'était important que ce soit l'argent ou les notes... n'empêchent <pas,
par exemple...
Mme Ghazal :
...vous
avez dit que c'était important que ce soit... l'argent ou les notes n'empêchent
>pas, par exemple, des élèves de suivre des projets particuliers.
Pourquoi, pour vous, c'est important? Est-ce que vous sentez aussi une
ouverture pour que ces deux aspects-là n'empêchent pas des élèves d'avoir des
projets particuliers même s'ils n'ont pas des bonnes notes ou que leurs parents
n'ont pas d'argent?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Écoutez,
notre mission, pour nous, elle est claire, c'est de s'assurer que l'ensemble
des Québécois, Québécoises avaient accès à nos programmes, à nos services
éducatifs. À travers les projets particuliers, c'est certain que, si on est
capables d'éviter le décrochage scolaire puis d'aller attirer nos élèves pour
pouvoir les garder en salles de classe, bien, ce sera toujours une plus-value.
Mme Ghazal : C'est ça. Ça
fait que ça, c'est dans le principe, et est-ce que vous sentez... Dans les sept
priorités qui ont été amenées par le ministre, est-ce qu'il y a une ouverture
pour ça? Est-ce que vous sentez que ça va être possible de dire : Bien,
toutes les écoles publiques vont avoir des projets particuliers? Est-ce que
tous les élèves qui le souhaitent vont y avoir accès même si leurs notes ne
sont pas bonnes? Est-ce que c'est quelque chose de faisable, tu sais?
M. Maltais (Lucien) : Présentement,
il y a des défis majeurs, mais je pense que la priorité ministérielle, c'est de
tendre vers... Je pense qu'on peut faire un pas au niveau des critères
d'accessibilité aux programmes particuliers. On peut faire des pas aussi,
certainement, sur les coûts. Il y a aussi une réflexion à avoir sur le régime
pédagogique, le nombre de périodes que nous avons en français, en
mathématiques, en histoire, certainement pour les matières à sanction, pour peut-être
créer un petit peu plus d'espace pour permettre à des élèves qui, eux, ont
besoin de maximiser leur temps d'enseignement... restent en réussite tout en
participant à un programme particulier. Donc, c'est quand même une réflexion
qui est importante, et on pense que, oui, il y a certainement des choses à
faire, mais il faut prendre le temps d'y réfléchir puis trouver des solutions
aux problématiques qui se présentent.
Mme Ghazal : Puis ça, ça se
fait à quel niveau? Parce qu'il y a des écoles qui n'ont pas attendu que ce
soit vous ou d'autres... se prononcent, qui le font déjà parce qu'ils sont
tannés de voir leurs élèves... qu'il n'y ait pas de mixité dans leur école, tu
sais, il y a des élèves qui sont très, très forts, qui ne voient jamais les
autres élèves plus faibles, qui ont commencé... Je pense, par exemple, à
l'école la Ruche, à Magog, où... Est-ce que... Je ne sais pas s'ils sont
membres, là, de votre association, mais c'est commencé. Je veux dire, est-ce
que, tu sais...
M. Maltais (Lucien) : Oui, il
y a plusieurs initiatives, même, tu sais, on peut...
Mme Ghazal : Bien, les
initiatives, ce n'était pas suffisant. Par exemple, il y a des gens qui veulent
le faire, mais ils n'ont pas tout ce qui... Tu sais, est-ce qu'il faudrait
qu'il y ait une impulsion ou une volonté plus affirmée, plus haut... Est-ce
qu'il faudrait toucher, par exemple, aux écoles privées?
M. Maltais (Lucien) : Dans le
cadre du projet de loi, on n'a pas poussé la réflexion sur cet élément-là. On
sait que j'ai des collègues qui y ont participé avec, peut-être, une commission
d'étude et d'expertise de la Fédération des centres de services scolaires. Je
pense que, dans l'avis de la fédération, il y avait des... je pense, l'avis sur
les règles budgétaires, il y avait des recommandations. Donc, je vous invite
peut-être à aller voir ces recommandations-là pour peut-être vous...
Mme Ghazal : Ça fait que vous
êtes au début, peut-être, de la réflexion. Peut-être qu'éventuellement... Bien,
ça a avancé. Peut-être qu'éventuellement on cheminera plus loin. Comme j'ai... il
me reste peu de temps, je pense, je sais, je vous sors du projet de loi
n° 23, là, j'ai bien lu... c'était clair, ce que vous présentiez, est-ce
que vous êtes pour qu'il y ait une loi-cadre sur les agressions sexuelles dans
les écoles primaires et secondaires, de la même façon qu'il y en a dans les
cégeps et les universités, pour instaurer une culture de prévention des
agressions sexuelles, oui ou non?
M. Maltais (Lucien) : 15
secondes? Deux éléments. C'est une situation qui est...
La Présidente (Mme Dionne) : Terminé.
J'avais cinq secondes, mais c'est maintenant terminé. Je suis désolée.
M. Maltais (Lucien) : Bien,
ma réponse, là, aurait été excellente, mais je suis obligé de la garder pour
moi.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Matane-Matapédia, c'est à vous la parole.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Comme vous représentez les
directions générales des centres de services scolaires, qui seront, dorénavant,
si le projet de loi est adopté, nommées par le ministre, quel impact, selon
vous, ça va avoir sur le recrutement de candidats à ces postes? Est-ce que ça a
un effet positif? Est-ce que ça va faire peur à certains? Puis je suis
convaincu que vous avez une opinion là-dessus, mais je suis convaincu surtout
que vos membres vous en ont fait part.
M. Maltais (Lucien) : Certainement,
puis c'est pour ça qu'on a proposé deux choses en lien avec...
Premièrement, on prend acte de la volonté
gouvernementale de nommer les directions générales et on propose deux choses, un
processus de nomination, dans lequel, évidemment, il y aura un profil de
compétence qui y serait associé, propre à des directeurs généraux de centres de
services scolaires, avec évidemment une couleur locale qui sera avec le conseil
d'administration, avec un comité de sélection où il y aura des gens du conseil
d'administration dans le comité de sélection, avec tests psychométriques, et
ainsi de suite.
On propose aussi un processus d'évaluation
structuré et organisé avec, dès le début de l'année, une précision des
attentes, donc, des attentes signifiées, des mécanismes de suivi, pour, après
ça, arriver, en fin d'année, avec une évaluation, là, des... On pense que ça,
ce sera un facteur de protection pour s'assurer, un, de la qualité des
directions générales, qui est déjà présente, on a déjà des leaders performants,
engagés, dévoués pour la réussite des élèves, mais être en continuité, et les
gens, bien, appliqueront sur les nouvelles règles du jeu qui seront proposées,
là, suite à l'adoption du projet de loi n° 23, s'il est adopté.
• (11 h 30) •
M. Bérubé : Donc, vous... Il
y a des chances qu'il soit adopté. Donc, ce que vous proposez, ce n'est pas
dans le projet de loi, mais vous aimeriez qu'il y ait une participation du
conseil d'administration, notamment, avec un profil, pour éviter, par exemple,
que quelqu'un qui n'est pas d'un milieu puisse être nommé. Ça arrive dans
d'autres domaines...
11 h 30 (version révisée)
M. Bérubé : ...éviter, par
exemple, que quelqu'un qui n'est pas d'un milieu, hein, puisse être nommé. Puis
ça arrive dans d'autres domaines, hein? C'est arrivé en justice, récemment,
quelqu'un d'un autre district qui va ailleurs. L'enracinement local est
important pour vous, je comprends ça, puis il faudrait éviter qu'il y ait des
nominations au bon vouloir des ministres successifs qui vont être là.
Question sur le rôle des parlementaires.
Est-ce qu'il arrive souvent aux directions générales de rencontrer des députés
pour qu'ils puissent plaider des enjeux en adaptation scolaire, un gymnase ou
une infrastructure? Parce qu'il me semble que c'est moins présent depuis qu'on
a changé la loi pour la loi n° 40. Moi, je sais
que, quand j'appelle, ce qu'ils font, c'est qu'ils envoient ça au ministère, il
disent : Le député de Matane-Matapédia nous pose une question, on fait
quoi avec ça? Alors, vous en pensez quoi?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
je suis un petit peu déçu de votre réponse, parce que vous avez deux de vos
collègues qui sont dans mon centre de services scolaire, à des Chênes, que j'ai
l'impression qu'ils vont vous dire le contraire. C'est une très, très belle
collaboration que nous avons avec nos députés, puis je pourrais vous dire que
pour l'ensemble des directions générales... Ici, vous nous sortez un cas, mais
je pense que, dans l'ensemble, on est très contents d'avoir cette
collaboration-là avec les députés, qui nous aident souvent. Et aussi nous, hein,
vous savez que, dans le rôle des députés, souvent, vous avez des questions des
citoyens...
M. Bérubé : Ça, ça va...
M. Maltais (Lucien) : ...bien
ça, on est toujours là pour vous aider puis pour répondre à...
M. Bérubé : Mais comment on
plaide un dossier? Moi, quand il y avait une présidence de commission scolaire,
un commissaire, c'était facile, mais là, c'est moins présent maintenant. C'est
ça que je vous dis. J'ai l'impression qu'on a perdu de cette capacité de
représentation.
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes, M. le député.
M. Maltais (Lucien) : Dans le
cadre du projet de loi actuel, on n'a fait aucune autre proposition en lien
avec le rôle de porte-parole de la direction générale, parce qu'on pense que,
pour nous, cette relation-là avec les députés, elle est existante puis elle est
constructive...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait. Sur cette belle
note...
M. Maltais (Lucien) : ...et
variable, selon votre opinion.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme...
Merci beaucoup, Mme Absolonne, M. Maltais, c'est... merci pour vos
contributions aux membres de la commission.
Donc, je suspends maintenant les travaux
jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions. Merci à tous.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 26)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon après-midi à tous. La Commission de la culture de l'éducation est
maintenant prête à reprendre ses travaux.
Nous poursuivons les consultations
particulières et les auditions publiques du projet de loi n° 23, la Loi
modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi
sur l'Institut national d'excellence en éducation.
Cet après-midi, nous aurons le bonheur d'entendre
les organismes et personnes suivantes : Prs Steve Bissonnette et Mario
Richard; Pr Julien Prud'homme; et le Conseil supérieur de l'éducation.
Donc, je souhaite la bienvenue à nos deux
premiers invités, M. Bissonnette et M. Richard. Donc, je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Donc, je vous
demanderais, d'entrée de jeu, de vous présenter et par la suite de nous faire
part de votre exposé. Je vous cède la parole.
M. Richard (Mario) : Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bien le bonjour. Tout d'abord,
en débutant, on va commencer par vous remercier de nous accueillir puis on
espère que l'intervention qu'on va faire va pouvoir faire avancer les travaux
de la commission.
Donc, moi, mon nom, c'est Mario Richard,
professeur en éducation à l'université TÉLUQ, plus particulièrement du côté de
tout ce qui touche la pédagogie. Mes champs de recherche sont l'enseignement
efficace. Avec mon collègue Steve, on a développé un programme en efficacité de
l'enseignement et des écoles, donc ça fait vraiment partie de ce qui est,
finalement, l'objet de recherche le plus poussé, et, en ce qui me concerne plus
particulièrement, du côté du développement professionnel des intervenants
scolaires, donc autant les enseignants, les conseillers pédagogiques, les
directions d'école.
Je suis en fin de carrière, donc ça fait
une trentaine d'années que je fais de la formation continue avec les
intervenants scolaires. Enseignant de formation au niveau secondaire, avec des
élèves en difficulté d'apprentissage, puis depuis ce temps, donc, interventions
aussi à différents niveaux, c'est-à-dire autant du côté des commissions
scolaires, à l'époque, québécoises que du côté de l'Ontario, dans les autres
provinces francophones, aussi interventions du côté de la Suisse, de la France.
Donc, l'enseignement efficace, c'est un domaine qui intéresse beaucoup puis qui
est orienté vraiment aussi sur tout ce qui touche les données probantes puis
les interventions concrètes en salle de classe.
M. Bissonnette (Steve) : Rapidement,
pour compléter le collègue, je suis aussi vieux que lui, donc en fin de
carrière également. Ça fait plus de 40 ans que je travaille avec des
jeunes et du personnel scolaire, particulièrement des jeunes qui ont des
problématiques. J'ai implanté, dans un centre de services scolaire francophone
sur trois le programme dont Égide Royer vous a parlé, qui s'appelle le soutien
au comportement positif. Je suis également fortement impliqué dans la réforme
scolaire du Maroc, qui va débuter en septembre 2023 dans 600 établissements
primaires avec environ 6 000... 6 000 enseignants. Je vais te laisser
poursuivre.
M. Richard (Mario) : C'est
bon. Donc, le projet de loi n° 23 vise à rendre le réseau scolaire plus
efficace. On propose différentes mesures, dont, un, la création de l'Institut
national d'excellence en éducation puis, deux, d'améliorer l'accès aux données
du système scolaire. C'est principalement sur ces deux mesures-là que nous
allons centrer notre présentation.
Donc, dès le départ, on tient à mentionner
que nous sommes en faveur de l'INEE parce que nous considérons qu'il s'agit d'une
initiative qui devrait grandement contribuer à l'amélioration des pratiques en
éducation au Québec. Nous sommes aussi en accord avec la vocation de l'INEE qui
est d'offrir un soutien au ministre de l'Éducation, aux établissements
scolaires pour favoriser la réussite éducative en rendant disponibles les
synthèses de connaissances scientifiques les plus rigoureuses. C'est aussi l'idée
pour déterminer les orientations à établir puis pour appuyer la prise de
décisions qui vont traduire leur implantation.
• (15 h 30) •
L'autre élément concernant les données, c'est
que l'accès aux données nous apparaît essentiel. On ne peut pas améliorer ce qu'on
ne mesure pas. On prend, par exemple, juste le rapport de la Vérificatrice
générale qui nous donne actuellement un portrait en ce qui concerne la pénurie
des enseignants, puis ce qu'on constate, c'est qu'on n'a pas de données fiables
pour être en mesure d'avoir ce portrait-là.
Au cours des 20 dernières années, des
changements importants ont été mis en place en éducation au Québec, sans se
référer aux données probantes qui proviennent de la littérature scientifique
puis sans évaluer... rigoureusement, pardon, leur impact sur le rendement des
élèves. Donc, la présentation qu'on va faire, très rapidement, deux volets, ils
sont liés aux données probantes, c'est-à-dire rétrospectif et prospectif :
dans un premier temps, du côté rétrospectif, on va présenter deux exemples
concrets pour illustrer les erreurs; puis, dans un deuxième temps, de façon
prospective, on va présenter deux conditions que l'INEE devrait suivre pour
remplir sa vocation puis on va se donner un exemple concret des données
probantes appliquées à une problématique majeure, c'est-à-dire la pénurie des
enseignants.
M. Bissonnette (Steve) : Je
commence avec le volet rétrospectif. Quand la réforme de l'éducation a été
créée, il y a plus de 20 ans, l'intention était noble, c'était de vouloir
améliorer la réussite scolaire et contrer le décrochage...
15 h 30 (version révisée)
M. Bissonnette (Steve) : ...la
réforme de l'éducation a été créée, il y a plus de 20 ans, l'intention
était noble, c'était de vouloir améliorer la réussite scolaire et contrer le
décrochage. Or, quand on regarde les fondements sur lesquels cette réforme-là s'est
basée, si l'institut d'excellence en éducation avait été créé, jamais que cette
réforme-là n'aurait eu lieu sous la forme que l'on a connue parce qu'elle
aurait été vérifiée, qu'est-ce qui avait été fait en Suisse auparavant, qu'est-ce
qui avait été fait en France et en Belgique. Et on s'est aperçu, à ce
moment-là, que le rendement des élèves avait diminué, dans ces contextes-là, et
non pas augmenté.
Et les premières évaluations qui ont eu
lieu par la table de pilotage, en 2006 et 2007, qui ont comparé le rendement
des élèves réformés à ceux qui n'avaient pas vécu la réforme, à des épreuves d'écriture,
on avait vu des baisses de 10 points, à l'époque, en 2006, et un
autre 10 points en 2007. Ça n'a pas empêché la réforme de s'implanter
au secondaire. Et, quand on regarde les travaux de Simon Larose, qui a comparé
les résultats scolaires et les taux de diplomation, particulièrement pour les
garçons et les élèves vulnérables et en difficulté, entre ceux réformés et non
réformés, ceux réformés font moins bien, nettement moins bien que ceux qui n'avaient
pas vécu la réforme.
L'autre exemple qui nous semble aussi
drôlement important, c'est la stratégie d'intervention Agir autrement, qui a
été déposée en 2002, dont l'objectif était d'augmenter la diplomation,
particulièrement dans les milieux défavorisés. Or, la première évaluation, qui
a eu lieu en 2010 par l'équipe de Michel Janosz à l'Université de Montréal,
où il y avait 66 écoles expérimentales, 11 écoles de comparaison... les
11 écoles de comparaison ont mieux fait que les 66 écoles
expérimentales. Ça n'a pas empêché la généralisation de cette stratégie-là au
primaire.
Et, si l'INEE avait été en place... Nous,
on voit son rôle non seulement dans l'identification des meilleures pratiques,
mais surtout, surtout dans les mesures concernant l'implantation. Il faut
évaluer rigoureusement comment une politique est mise en place, comment elle se
déploie dans les écoles et quels sont les effets qu'elle produit sur le
rendement ou les cibles qu'on souhaite atteindre. Donc, oui, l'INEE, être
capable de produire des synthèses sur les meilleures façons de faire pour aider
les enseignants puis aider les élèves, mais, à partir du moment où le tout a
été identifié, j'aurais le goût de dire : Le défi n'est pas terminé, il
commence. Il faut ensuite s'assurer que ces pratiques-là vont s'implanter à l'intérieur
des écoles et aussi être capable de mesurer leurs effets pour savoir est-ce que
ce que l'on souhaite voir s'améliorer... est-ce que le tout est en train de se
produire. Et les deux exemples que je viens de donner montrent que,
malheureusement, malgré de très bonnes intentions, ce n'est pas le cas qui s'est
passé.
Et, s'il y avait une condition importante
pour la création de l'INEE à respecter, c'est son indépendance la plus large
possible. Elle doit avoir la pleine liberté de parole. Elle doit même avoir la
possibilité de contredire certaines décisions qui peuvent être prises, être
capable de bien exposer son point de vue sans sentir quelque pression de quelque
nature que ce soit. Alors, voilà.
M. Richard (Mario) : Donc, si
je prends le relais, une autre condition importante pour que l'INEE puisse bien
faire son boulot, c'est de s'assurer que les données probantes qui vont être
produites puissent être transférées en salle de classe. En fait, le travail de
l'INEE, le plus gros du travail ne sera pas tant d'identifier les données
probantes, mais va être beaucoup plus au niveau d'être en mesure de faire en
sorte que ces données-là vont pouvoir être implantées par les enseignants en
salle de classe. Ça veut donc dire de pouvoir travailler et de devoir
travailler sur le développement professionnel des enseignants, c'est-à-dire la
formation continue. Et c'est important de le faire parce que, quand on regarde
les études internationales, ce qu'on constate, finalement, c'est que le
développement professionnel est le meilleur moyen qu'on a pour améliorer les
pratiques enseignantes.
Un élément clé qu'il faut avoir en tête. Quand
on s'adresse à des enseignants, la question qui nous est toujours posée, c'est :
Qu'est-ce que je peux faire avec ce que tu me proposes demain matin? Ça fait
qu'avec les enseignants il faut toujours avoir en tête qu'à partir du moment où
on va faire de la formation il faut aussi que ça puisse leur servir directement
en salle de classe, et c'est quelque chose qui devrait nous guider de façon
systématique.
En même temps, ce qu'on constate quand on
regarde le développement professionnel, c'est qu'on ne peut pas offrir aux
enseignants des formations continues de façon à ce que ça soit présenté n'importe
comment, c'est-à-dire qu'il y a des principes qui doivent être respectés pour
que la formation continue pour le développement professionnel fonctionne. Le
premier principe, c'est l'applicabilité. Un deuxième principe, c'est de
combiner la théorie et la pratique, mais d'avoir en tête qu'on présente des
données probantes. Un autre principe, c'est toute la question du coaching en
salle de classe puis d'avoir en tête aussi qu'on devrait avoir un minimum d'une
vingtaine d'heures par <année...
M. Richard (Mario) :
...par
>année pour que ça puisse fonctionner. Et, le dernier élément à garder
en tête, c'est de miser sur l'apprentissage professionnel du côté des
directions d'école.
Rapidement, très rapidement, on a lancé,
du côté de l'Université TÉLUQ, un programme qui s'appelle le DESS en éducation
préscolaire et enseignement primaire. Ce programme-là s'appuie sur les données
probantes, autant au niveau du contenu qu'au niveau des conditions que je viens
d'évoquer très, très, très rapidement. L'intérêt de ce programme-là,
finalement, c'est qu'on l'a développé vraiment en collaboration avec les
centres de services. Et. ce qu'on vise, finalement, c'est un programme qui veut
aider des enseignants qui sont déjà en salle de classe, des enseignants non
légalement qualifiés.
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui. Parfait. Il vous reste cinq secondes.
M. Bissonnette (Steve) : Ça
va pour le cinq secondes.
M. Richard (Mario) : C'est
ça, trop tard.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. Richard, M. Bissonnette.
On est maintenant prêts à débuter les
échanges. Donc, je cède la parole au ministre.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour la présentation. J'aimerais
ça qu'on aille sans plus tarder sur le programme de Soutien au comportement
positif. Vous avez raison de dire que M. Égide Royer nous en a parlé. Vous
avez dit, si je ne me trompe pas, M. Bissonnette, que vous aviez contribué
à l'implanter dans un centre de services scolaire sur trois au Québec.
Pouvez-vous nous donner une idée de ce que c'est que ce programme de Soutien au
comportement positif?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
Bien, c'est d'abord un programme qui s'adresse à toute l'école entière, dont le
but est de restructurer la gestion de comportement pour essayer de maximiser le
temps que l'élève va passer en salle de classe. Si vous connaissez un peu le
fonctionnement des écoles secondaires, dans beaucoup d'écoles, il y a ce qu'on
appelle des locaux pour retirer les élèves quand les élèves, malheureusement,
ne se comportent pas comme ce qui est attendu en salle de classe. À partir du
moment où on restructure la gestion de comportement, on essaie d'abord et avant
tout de bien identifier quels sont les comportements qu'on désire observer de
la part des élèves, ensuite on enseigne ces comportements-là au même titre
qu'on enseigne la lecture, l'écriture puis les mathématiques, on valorise les
élèves qui adoptent ces comportements-là. Donc, on fait tout un volet qu'on
appelle préventif.
Et, quand la prévention ne marche pas,
bien, il faut qu'on soit capables de décider, en équipe-école, si,
malheureusement, un élève fait un choix qui n'est pas le bon, comment on va
intervenir avec lui, quelles sont les différentes façons de faire, et qu'on
soit cohérents, qu'on harmonise nos pratiques au sein de l'école comme un bon
père puis une bonne mère de famille. Quand papa puis maman disent la même
chose, Frédéric puis Samuel s'enlignent les flûtes, c'est la même chose à
l'intérieur d'une école.
Donc, quand un corps professoral, avec ses
professionnels, avec une direction d'école, décide de gérer les comportements
d'une façon assez harmonisée, Mario parlait de l'efficacité des écoles, c'est
un domaine qu'on étudie depuis au moins une trentaine d'années, les écoles qui
ont du succès dans les milieux défavorisés, l'une des principales
caractéristiques, c'est l'harmonisation des pratiques. Donc, quand on s'en va
observer, que ce soient les professionnels ou les enseignants, d'une classe à
l'autre, avec une grille d'observation, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus
d'éléments semblables d'une classe à l'autre que de différences.
M. Drainville : Et
comment on implante ça? En fait, j'ai bien compris qu'il fallait que ça
devienne une espèce de culture de l'école, là, qui est partagée par tous, un
système de valeurs, en fait, qui est partagé par tout le personnel scolaire, mais
comment on implante ça dans une école? Est-ce que c'est, par exemple, lors des
journées pédagogiques? On prend du temps, justement, sur un certain nombre de
journées pédagogiques pour discuter de ce qui sous-tend ce programme de Soutien
au comportement positif? Comment, très concrètement, là?
• (15 h 40) •
M. Bissonnette (Steve) : Bon.
Habituellement, ce qui... la façon dont ça se passe, c'est les milieux qui vont
lever la main pour dire : Chez nous, la gestion de comportement représente
un défi. À ce moment-là...
M. Drainville : ...vont
lever la main.
M. Bissonnette (Steve) : Les
équipes-écoles vont lever la main. Et, moi, ce que je leur dis, c'est : Si
on veut que le projet puisse se pérenniser à l'intérieur d'un centre de
services scolaire, il faut en faire un projet de centre de services scolaire.
Donc, je rencontre la direction générale, je rencontre l'équipe des
gestionnaires, et, ensuite de ça, on leur propose d'identifier deux écoles
pilotes à l'intérieur desquelles on va déployer l'initiative. On rencontre ces
écoles-là, on rencontre le personnel, on demande au personnel de voter,
anonymement, est-ce que, oui ou non, ils veulent nous voir dans leur école sur
une durée de trois ans pour être capables de les accompagner dans la
gestion de comportement. Si on a, minimum, 80 % des gens qui disent oui,
on passe à l'étape suivante.
L'étape suivante, c'est la mesure du
leadership de la direction de l'établissement. Donc, on demande au personnel
d'évaluer, anonymement, est-ce que le directeur d'école a un leadership qui est
reconnu. Si oui, l'étape suivante, on forme un comité comportement à qui on
donne cinq journées complètes de formation précédant l'implantation du
système. Et, généralement, ces journées-là peuvent être soit dans des journées <pédagogiques...
M. Bissonnette (Steve) :
...dans
des journées >pédagogiques soit dans des libérations de classes. Et,
ensuite de ça, on implante le système en septembre suivant. Et, une fois qu'il
est implanté, le comité continue de se rencontrer une fois par mois, où on
analyse des données comportementales, combien il y a eu de sorties de classes
entre le mois d'octobre puis le mois de septembre, est-ce qu'on a eu une
augmentation, une diminution, si on a eu une augmentation, est-ce que ce sont
deux élèves qui sont responsables de 80 % des écarts de conduite.
Vous comprendrez que ce ne sera pas les mêmes décisions que si c'est une
classe, un niveau, un endroit dans l'école. Donc, on a vraiment une gestion
axée sur les résultats.
Et, une fois qu'on a implanté le premier
palier, bien, ce n'est pas vrai que tous les élèves vont répondre adéquatement
à ces interventions-là, on met en plan des interventions plus spécifiques pour
des élèves, qui... malgré un bon premier niveau, ne sont pas suffisantes, puis
on fait la même démarche : on reforme ces gens-là, on le met en place. Et
il va y en avoir encore après cette deuxième année là, des jeunes qui vont
avoir des besoins qui deviennent très particuliers, donc on va s'adresser, à ce
moment-là, à ces jeunes-là sous forme d'études de cas. C'est ce qu'on appelle
le modèle de réponse à l'intervention qu'on déploie.
Mais c'est toujours fait avec l'accord du
personnel, il n'y a jamais personne qui se fait entrer ce projet-là dans la
gorge, et avec un support important de la direction de l'établissement mais
aussi des ressources de la commission scolaire, parce qu'on demande à la... au
centre de services scolaire d'attirer des professionnels à ce système-là qui
vont nous... qui vont nous voir faire pendant trois ans pour que...
L'objectif, c'est que chaque centre de services scolaire... une fois que nous,
on est partis, parce que l'entente de recherche est terminée, que chaque centre
de services scolaire puisse disposer de ses propres ressources pour être
capable de poursuivre l'accompagnement des écoles qui ont commencé, mais
surtout d'être capable d'aider les nouvelles écoles qui vont lever la main.
C'est vraiment un... ce qu'on appelle un transfert d'expertise.
M. Drainville : OK. Puis ça
fait combien d'années que vous implantez ce programme de Soutien au
comportement positif?
M. Bissonnette (Steve) : Actuellement,
au Québec, depuis 2009. Ça fait 30 ans que c'est implanté aux
États-Unis dans 25 000 écoles et dans 32 pays sur le globe.
M. Drainville : OK. Depuis 2009
au Québec?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
M. Drainville : Est-ce que
les résultats sont probants?
M. Bissonnette (Steve) : Ah!
tout à fait, tout à fait. Les... je vous annonce les prochains qui vont être
publiés, ça s'est fait en collaboration avec la commission scolaire
Marguerite-Bourgeoys, où on a formé ces gens-là il y a... déjà, il y a
longtemps, et c'est maintenant eux qui sont complètement autonomes dans trois écoles
secondaires et une école primaire, au-delà de 4 000 élèves, après
trois ans d'implantation. Si on prend une mesure avant qu'on débute et
après trois ans, on a diminué le nombre de sorties de classe de 75 %
en trois ans. C'est à peu près du jamais vu sur le plan du comportement au
Québec.
M. Drainville : Dans combien
d'écoles?
M. Bissonnette (Steve) : Actuellement,
on en a entre 150 et 200 qui sont formés.
M. Drainville : Non, mais
votre... votre chiffre.
M. Bissonnette (Steve) : Chez
nous, c'est... Ces chiffres-là sont sur quatre écoles...
M. Drainville : Non. Non, le
75 % de sorties de classe, la baisse de 75 % de sorties de classe
après trois ans, c'est dans combien d'écoles, ça?
M. Bissonnette (Steve) : Trois écoles
secondaires, une école primaire, 4 000 élèves.
M. Drainville : Trois écoles
secondaires, une primaire dans Marguerite-Bourgeoys, c'est ça?
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
mais on a déjà 25 écoles à Marguerite-Bourgeoys. Et ce sont les quatre seules
écoles pour lesquelles on a des données qu'on appelle prétest, avant qu'on
commence l'intervention, puis qu'on soit capable de mesurer en post-test.
M. Drainville : OK.Est-ce
que ce type de formation, programme de Soutien au comportement positif... ou ce
type de programme pourrait devenir une formation continue?
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait, tout à fait. Mais ce qui est important, c'est le volontariat des gens.
Si ces gens-là n'adhèrent pas à ce qui est proposé... Quand on parle
d'harmonisation de pratiques, bien, c'est exactement ça, on se donne des
valeurs communes, on décide des comportements qu'on veut promouvoir du côté des
élèves, on décide de comment on va valoriser les jeunes qui adoptent ces
comportements-là puis on va décider aussi qu'est-ce qu'on fait quand ça ne va
pas. Donc, on doit avoir une forme d'harmonisation entre nous qui implique
nécessairement un volontariat de la part de ces gens-là, puis pas seulement des
enseignants, mais aussi des professionnels puis des directions d'établissement.
C'est vraiment un principe d'harmonie au sein de l'équipe-école.
M. Drainville : OK.
Évidemment, on a un enjeu, actuellement, dans les classes... pas dans les
classes, mais dans les écoles québécoises. On voit qu'il y a des comportements,
on va dire, agressifs qui sont à la hausse, élève contre élèves, élève contre
enseignant, élève contre autre membre du personnel scolaire. On a même vu des
comportements d'enseignants, comment dire, manifester verbalement une certaine
forme d'agressivité, que je dirais, envers les enfants. Est-ce que vous êtes en
train de nous dire que, si on implantait ce programme de Soutien au
comportement positif dans l'ensemble des écoles québécoises, on verrait
probablement une diminution de ce niveau d'agressivité chez les enfants dans
les écoles, dans les classes? Est-ce que c'est <ça...
M. Drainville :
…classe?
Est-ce que c'est >ça que vous nous dites?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
si on respecte les conditions importantes liées à l'implantation de ce programme-là...
M. Drainville : Avec
l'adhésion, évidemment, du personnel scolaire?
M. Bissonnette (Steve) : À
date, c'est ce que nous, on voit.
M. Drainville : OK.
Pouvez-vous juste me redire la citation que vous avez utilisée à un moment
donné : «Ce qu'on ne mesure pas...»
M. Bissonnette (Steve) : On
ne peut pas le changer.
M. Richard (Mario) : ...
M. Drainville : «On ne peut
pas améliorer ce qu'on ne mesure pas.» J'ai trouvé ça pas pire, ça : «On
ne peut pas améliorer ce qu'on ne mesure pas.»
M. Richard (Mario) : C'est la...
c'est la base de tout ce qui touche l'utilisation des données probantes, puis
ce qui est... Bien, je me permets d'ajouter, en ce qui concerne le programme
SCP, ce qui est intéressant aussi, on se parlait de conditions... de principes,
finalement, pour que la formation continue fonctionne, bien, la raison pour
laquelle ce programme-là fonctionne, c'est qu'il respecte ces conditions-là.
Steve mentionnait tantôt qu'on ne veut pas passer ce programme-là de façon
obligatoire aux enseignants. Il faut vraiment qu'il y ait une adhésion du
personnel. Il faut vraiment qu'il y ait un travail important de fait aussi du
côté de la direction. C'est majeur.
M. Drainville : Oui. Qui a
cette spécialité de 30 ans en formation efficace ou en... le programme en
efficacité des écoles? C'est vous, M. Richard, non?
M. Richard (Mario) : Oui.
M. Drainville : C'est ça,
hein? Vous savez que le... l'enseignement efficace, le concept de
l'enseignement efficace ne fait pas tout à fait consensus. Comme vous savez, il
y a un immense débat autour de l'enseignement efficace qui fait peur, je pense
qu'on peut dire ça, qui fait peur à beaucoup de personnes qui oeuvrent dans le
secteur de l'éducation, dans la sphère de l'éducation. Pouvez-vous nous
expliquer d'abord c'est quoi, l'enseignement efficace, et nous expliquer ce
pour quoi, à votre avis, cela suscite une telle controverse, pour ne pas dire
une telle polarisation?
M. Richard (Mario) : Bien, le
concept d'efficacité à la base, c'est un concept qui est polarisant parce qu'à
partir du moment où on se parle d'efficacité, l'inverse, c'est l'inefficacité.
Ça fait que c'est déjà au départ... Quand on travaille avec des enseignants, il
faut faire attention sur la façon dont c'est présenté. Parce que, dans le fond,
la question qu'un enseignant va toujours se poser, quand on se parle
d'efficacité, c'est : Est-ce que moi, je suis efficace ou est-ce que je ne
le suis pas? Et ça peut-être très confrontant à partir du moment où je vois
qu'il y a des pratiques qui pourraient être améliorées. Mais je ne veux surtout
pas que les enseignants se sentent invalidés.
Donc, quand on se parle d'enseignement
efficace, rapidement, ce qui est important à avoir en tête, c'est que ce n'est
pas une théorie qui a été inventée par un chercheur dans son bureau, ce sont,
finalement, des démarches qui ont été faites au départ par un chercheur dans
les années 70, qui s'appelle Barak Rosenshine, qui est allé observer des
enseignants déjà efficaces en salle de classe. Comment on a... on a déterminé
que ces enseignants-là étaient efficaces?
Une voix : ...
M. Richard (Mario) : En fait,
c'est une très bonne question, c'était... c'était, finalement, sur la base des
résultats des élèves. On est allé voir dans les classes où, finalement, ces
enseignants-là amenaient les élèves à avoir les apprentissages, les meilleurs,
et ce qu'on a constaté, ce que Rosenshine a constaté en observant ces
enseignants-là, c'est qu'il y avait des pratiques qui étaient communes chez ces
enseignants-là, et ça s'est fait autant au primaire qu'au secondaire. Donc, à
partir de ces premières observations là, Rosenshine s'est dit : Bien, si
les enseignants efficaces procèdent de cette façon-là... puis, quand on se
parle... Je peux vous donner un exemple. Par exemple, les enseignants efficaces
vont poser beaucoup de questions, vont donner beaucoup de rétroaction, ils vont
mettre en place ce qu'on appelle une démarche d'enseignement explicite, puis ça...
ça se faisait de façon naturelle. Il s'est dit : On pourrait former des
enseignants novices pour vérifier, si on leur donne, finalement, une formation
à partir de ces pratiques-là qu'on a identifiées, est-ce que... Si on compare
un groupe d'enseignants novices qui a été formé avec un groupe qui n'a pas été
formé, est-ce qu'on va... est-ce qu'on va constater que les enseignants novices
sont meilleurs, ont un impact plus grand chez les élèves? Et c'est ce qui a été
constaté dans un deuxième temps. Et ensuite, graduellement, on est allé vers
une généralisation de ce type de pratique là, c'est-à-dire on est allé voir...
on a commencé avec quelques classes, on est allé graduellement avec des écoles
pour en arriver finalement, actuellement, avec plusieurs centaines de milliers
d'enseignants pour lesquels on a des résultats en ce qui concerne les pratiques
d'enseignement efficaces.
• (15 h 50) •
Donc, ce qu'il faut avoir en tête, c'est
que ces pratiques-là, finalement, sont des pratiques qui ont été observées chez
des enseignants qui étaient déjà efficaces. Ça fait que ce qui est intéressant,
quand on rencontre des enseignants, ce qu'on leur dit, finalement, c'est... on
en a dans nos écoles, des enseignants efficaces : La formation qu'on va
vous offrir va vous permettre, premièrement, de valider les pratiques que vous
utilisez déjà puis de comprendre pourquoi elles sont efficaces. Parce que ce
qui est important, c'est d'avoir un rationnel. Ensuite, dans un deuxième temps,
d'identifier possiblement des pratiques que vous utilisiez, mais de façon
sporadique, ne sachant pas qu'elles étaient nécessairement efficaces. Puis,
dans un troisième temps, bien, carrément d'identifier des pratiques nouvelles.
Ça fait que c'est de cette façon-là qu'on travaille en enseignement efficace,
mais, comme je le disais tantôt, ce qu'on ne veut surtout pas, c'est
d'invalider les enseignants. Ce qu'on veut, c'est qu'ils voient, finalement, qu'il
y a déjà certaines pratiques qu'ils utilisent qui sont efficaces puis qu'ils
peuvent continuer dans ce sens-là.
M. Drainville : ...M.
Richard, pourquoi ça fait controverse?
M. Bissonnette (Steve) : Bon,
à partir du moment où, M. Drainville, on identifie, par exemple, qu'en lecture
la meilleure <façon...
M. Bissonnette (Steve) :
...la
meilleure >façon d'apprendre aux enfants à écrire... la meilleure façon
d'apprendre aux enfants à lire, c'est d'avoir une approche centrée sur le code
écrit, hein, ce qu'on appelait dans le temps le décodage. Bien, vous
comprendrez qu'à partir du...
M. Drainville : ...les
syllabes?
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
oui, c'est ça. Le nom des lettres, le son produit par les lettres, la fusion
puis la segmentation. À partir du moment où on décide d'identifier que telle
méthode a plus de succès sur l'apprentissage des élèves qu'une autre et que,
moi, ce que j'enseigne, ce n'est pas cette méthode-là, bien, qu'est ce qu'on va
faire?
M. Drainville : Ça... c'est
questionnant.
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
est-ce qu'on va avoir l'humilité de dire : Je me suis trompé? Pas certain.
Pas certain.
M. Drainville : Est-ce que
l'enseignement efficace est enseigné dans nos facultés d'éducation,
présentement?
M. Bissonnette (Steve) : Très
peu. Très peu.
M. Richard (Mario) : ...on
pourrait dire pratiquement pas.
M. Drainville : Pourquoi,
pourquoi?
M. Richard (Mario) : Je vous
dirais qu'il y a des positions idéologiques en enseignement, particulièrement
dans les facultés d'éducation, puis c'est clair qu'en regardant ce qui se passe
dans les médias présentement, on le constate beaucoup. Les données probantes
font énormément réagir, puis le concept d'efficacité, comme je disais tantôt,
fait réagir aussi. Ce qu'on... ce à quoi...
M. Drainville : Parce qu'il
est trop axé sur les résultats? Dans l'esprit des gens qui n'aiment pas le
concept d'enseignement efficace, ils n'aiment pas l'idée que ce soit axé sur
les résultats, et ce qu'ils nous disent, ces personnes-là, puis je respecte
tout à fait leur point de vue, là, il y a un dialogue, là, ce qu'ils disent,
c'est que, si tu axes ton enseignement sur les résultats, tu vas être tenté,
par moments, de jouer avec les résultats, de manipuler les résultats pour
démontrer que ton enseignement est efficace. Et donc il y a une espèce de...
comment dire, un biais, un biais qui est introduit par l'enseignement efficace
parce qu'il crée la tentation de jouer avec les résultats pour montrer que ton
enseignement est efficace. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes.
M. Richard (Mario) : Bien, en
30 secondes, c'est une position... c'est une position qui est... qui est très
discutable parce que, finalement, je reviens à ce que je disais tantôt, les
pratiques d'enseignement efficace ont été observées chez des enseignants qui
sont déjà efficaces. Ça fait qu'à quelque part, à partir du moment où on
commence à les utiliser, ces pratiques-là, les résultats, les... ce que les
enseignants vont voir, c'est qu'ils vont voir aussi, chez eux, même une
amélioration de leur sentiment d'auto-efficacité. Et c'est cet élément-là sur
lequel on veut aussi tabler. Ce n'est pas juste une question de pouvoir
démontrer de façon systématique qu'il y a une amélioration des résultats, même
si c'est ce qu'on vise, mais ce qu'on vise, c'est que les apprentissages des
élèves soient meilleurs. Ça fait que, finalement, les...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. On poursuit les échanges, mais, cette fois, je cède la parole à Mme
la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. M.
Bissonnette, est-ce que je me trompe ou je vous ai vu à l'émission J.E.?
M. Bissonnette (Steve) : ...bel
et bien moi.
Mme Rizqy : Parfait. Et vous,
vous avez... vous avez mis beaucoup de temps de recherche sur les enseignements
pour le comportement positif puis réduire les actes de violence dans les
écoles.
M. Bissonnette (Steve) : Exact,
exact.
Mme Rizqy : Dans les derniers
mois, je me suis beaucoup attardée à cet enjeu. J'ai fait des demandes d'accès
à l'information, et c'est un peu partout au Québec, des incidents de violence.
Non seulement le nombre a augmenté, mais l'intensité aussi a augmenté. J'essaie
de comprendre d'où vient, justement, autant de violence en ce moment.
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est très... c'est probablement multisystémique, là. Mais, quand j'ai commencé
ma carrière, on m'appelait habituellement pour venir aider des jeunes de
troisième secondaire, ensuite ça a été des jeunes de première secondaire, et
maintenant c'est des enfants au préscolaire, donc...
Mme Rizqy : ...
M. Bissonnette (Steve) : Au
préscolaire.
Mme Rizqy : Parce que je
pense que ce que vous dites est très important, parce que ça rejoint ce qui est
dénoncé par beaucoup de personnel qui dit : Ça commence même, maintenant,
à la maternelle.
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
tout à fait. C'est-à-dire qu'il y a des enfants qui arrivent à l'école qui,
malheureusement, n'ont pas appris le mot «non», qui n'ont pas appris à être
minimalement attentifs lorsqu'un adulte donne une consigne. Et là je ne suis
pas en train de blâmer les enfants, là. Ce que nous, on dit, c'est que, s'ils
ne l'ont pas appris, on doit leur enseigner et, lorsqu'ils... lorsqu'ils le
font bien, on doit les valoriser puis l'encourager.
Mme Rizqy : M. Bissonnette,
j'ai été vraiment stupéfaite par une autre demande d'accès à l'information, qui
concerne les armes saisies par différents corps de police. Je veux juste vous
donner les chiffres de la Sûreté du Québec, pas Montréal, Laval, Sûreté du
Québec, dans les écoles, pas à la maison, à l'école : armes de poing,
pistolets, revolvers, 37; autres armes ou objets pour étrangler, poison ou
poivre de Cayenne, 77; pistolets à plomb, 12; pics, haches, épées, lames de
rasoir, 13; carabines ou fusils, 68; couteaux, 196; poings américains, 10. Je
profite de votre passage ici parce que vous avez une expertise : Comment
on est rendu là?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
comme je le disais, il y a certainement une... Il ne peut pas y avoir une seule
explication, là, mais ce qu'on constate, c'est que les jeunes qui arrivent à
l'école semblent avoir des besoins de plus en plus grands. Et, si on veut être <capables...
M. Bissonnette (Steve) :
...si
on veut être >capables d'avoir des résultats à court, moyen, mais
surtout à long terme, plus on va intervenir tôt avec les petits, en prévention,
non seulement pour les... pour bien les préparer à entrer en première année,
mais aussi sur le plan comportemental... Richard Tremblay, à l'Université de
Montréal, avait déjà, dans les années 80, montré l'efficacité d'un
programme de prévention, où, lorsqu'on travaille avec des jeunes qui arrivent
en milieu scolaire et qui ont des vulnérabilités sur le plan du comportement,
quand on les prend en main, qu'on les suit de près et qu'on leur montre le... ce
qu'on pourrait appeler du savoir-vivre ensemble, là, on a des effets à court,
moyen et même à long terme sur la diplomation, sur la reprise d'années. Donc,
la recherche, elle est là pour être capable de nous pointer ce qu'il faut
faire.
Mais, j'en profite pour revenir, parce que
je suis tannant, puis je suis vieux, puis je radote à mon âge, l'INEE doit
avoir un mandat clair de suivre l'implantation de n'importe quel programme, que
ce soit sur le comportement... Puis, j'en profite, hier je pense que
M. Drainville a annoncé quelque chose au niveau de l'écriture puis l'orthographe,
génial. Les intentions sont nobles. On doit suivre qu'est-ce qui va être
implanté dans les écoles, comment ça s'implante. Il faut documenter le tout
puis il faut mesurer est-ce que... Les objectifs qu'on se fixe, est-ce qu'on
est en train d'atteindre les cibles? On ne peut pas se permettre de répéter ce
qui s'est passé avec la réforme de l'éducation. Je ne peux pas être plus clair
que ça.
Mme Rizqy : ...mais hier
je présidais la CAP, puis le Conseil du trésor nous apprenait qu'il n'y avait
pas de plan d'action pour suivre les recommandations au ministère de
l'Éducation. Mais je ne veux pas vous faire rager.
Mais j'ai une petite question : Est-ce
qu'on vous a consultés pour le plan d'action contre les violences?
M. Bissonnette (Steve) : Non.
Mme Rizqy : OK. Ça
serait peut-être utile d'ajouter M. Bissonnette à la liste des gens, des
intervenants, parce que je crois que son... je crois, sincèrement, en votre
expertise, et on pourrait aider. Mais aussi, tantôt, vous avez fait... vous
avez dit quelque chose que j'aime beaucoup : «On ne peut pas améliorer ce
qu'on ne mesure pas.» J'ai fait une demande d'accès à l'information pour être
capable de connaître le portrait de la situation dans tous les ensembles des
écoles du Québec. Deux problèmes. Premier constat, j'ai eu des... notamment,
Marguerite-Bourgeoys, qui m'a répondu : On ne compile pas ces
statistiques-là. C'est très surprenant. Donc, on ne peut pas mesurer,
effectivement, si votre approche a fonctionné ou pas parce que, de leur côté,
ils ne mesurent pas. Mais, d'autre part, deuxième constat, c'est à géométrie
variable, la façon même qu'on définit un acte de violence, donc on ne part pas
avec la même définition. Et, troisième constat, certains vont être très précis :
Nous, on a eu 12 incidents, 150, 2 400 incidents, et d'autres vont
dire : Plus de 50 incidents. Donc, est-ce que c'est 51 ou est-ce
que... 2 000?, je ne le sais pas. Donc, ça, c'est quelque chose que je
crois que... Dans tous les cas, dans les données probantes, je crois qu'il est
important et impératif d'avoir des définitions qui sont claires, mais aussi que
la cueillette de données soit uniforme. Et ça, déjà, le ministère de
l'Éducation pourrait l'instaurer.
Vous me permettez de parler de l'INEE?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
Mme Rizqy : Avez-vous eu
connaissance de la loi habilitante de l'INESS au niveau de la santé publique?
M. Bissonnette (Steve) : Un
peu.
Mme Rizqy : Ici, il est
vraiment question, dans l'INESSS, là, d'une indépendance claire, où est-ce que
l'INESSS peut faire les recherches qu'elle veut. Le ministère n'est pas... Le
ministre, le sous-ministre n'est pas en concertation avec eux. Mais,
évidemment, le ministre de la Santé peut toujours demander des mandats de
recherche à l'INESSS, ça... ça ne change pas. Mais j'imagine que, vous, ce
serait dans cette optique-là qu'on devrait être plus collés à l'INESSS puis
d'assurer une indépendance totale, là?
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait, la plus grande indépendance possible. Mais j'insiste sur le fait de
dépasser la production de synthèse de recherche. Parce qu'écoutez, là, aux
États-Unis, en France, en Angleterre, en Australie, si on veut savoir c'est
quoi, les meilleures façons d'enseigner la lecture, c'est déjà disponible, là,
même si on ne parle pas la même langue, il y a plus de ressemblances que de
différences.
Moi, je trouve que l'apport le plus
intéressant de cet organisme-là, c'est qu'à partir du moment où on déploie des
choses nouvelles à l'intérieur des écoles il faut mesurer l'implantation le
plus rigoureusement possible et mesurer les effets. Et, si ce que l'on observe
ne correspond pas à ce qui est voulu, bien, il ne faudrait pas attendre
20 ans avant que les choses changent, là. Puis... Puis c'est toujours
animé par des bonnes intentions, la réforme était animée par des bonnes
intentions. Mais, quand le Maroc, avec lequel je travaille, regarde les
résultats d'ici, là, devinez ce qu'ils en pensent.
• (16 heures) •
Mme Rizqy : Je ne suis
pas bonne pour deviner, mais si vous voulez nous éclairer?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire que les gens disent : Bien, les résultats ne semblent pas
être si au rendez-vous que ça puisque les élèves réformés sont moins
performants que les élèves qui ne l'étaient pas. Mais, en même temps, si l'INEE
avait été là, moi, je suis convaincu que nous n'aurions pas vécu la même chose,
je suis certain de ça, surtout si on évalue la qualité de l'implantation, puis
les effets qui sont observés, qu'on a le courage de nommer ce qui est à nommer,
qu'on fait les ajustements et qu'on remesure. On devrait avoir une phobie de la
mesure et une phobie des données pour être capables de faire un pilotage.
Mme Rizqy : Est-ce que...
Est-ce que le projet de loi devrait justement avoir un bilan après
trois ans d'implantation de l'INEE?...
16 h (version révisée)
Mme Rizqy : ...un bilan après
trois ans d'implantation de l'INEE?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
j'aurais le goût de dire : Un bilan après un an.
Mme Rizqy : Après un an?
Parfait. Vous serez au rendez-vous?
M. Bissonnette (Steve) : Après...
le plus... le plus rapidement possible. Il faut savoir si ça marche ou ça ne
marche pas.
Mme Rizqy : OK. Donc, après
un an, on devrait ajouter le bilan. Parfait, on pourra l'ajouter comme...
M. Richard (Mario) : ... il
faut s'appliquer la même médecine...
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait.
M. Richard (Mario) : ...il
faut être cohérents, parce que, sinon, finalement, on prêche dans le désert,
là. Ça n'a pas de sens, là.
Mme Rizqy : Puis, si vous me
permettez, je... juste parce que c'est un point qui... Vous comprendrez que je
suis convaincue que, peu importe les méthodes d'enseignement, pour moi, l'éléphant
dans la pièce, présentement, à l'école, c'est l'acte de violence. Parce que,
tantôt, vous avez fait mention... Il y a, par exemple, l'élève qui peut être
violent envers son enseignant, ou tout autre membre du personnel de l'école,
mais aussi entre eux, mais tous les autres qui assistent à cet acte de violence
sont aussi des témoins...
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait.
Mme Rizqy : ...et sont aussi
victimes de cette violence, et on perd aussi des heures d'enseignement.
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait.
M. Richard (Mario) : Absolument.
Mme Rizqy : Et il me semble
que... Le ministre dit souvent qu'on est capable de faire plusieurs choses en
même temps. Qu'est-ce qu'on devrait faire maintenant pour réduire de façon
significative cette montée de violence dans nos écoles?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire qu'on ne peut pas... Le réflexe, lorsqu'un élève commet un impair...
et plus l'impair est grave, plus on a tendance à se diriger rapidement vers des
mesures répressives puis des mesures coercitives. Puis je ne dis pas qu'il faut
tolérer ce qui n'est pas tolérable là, mais si on veut éviter ce genre de
comportement là, plus on va travailler en prévention, plus on va miser sur... si
je ne... quand...
Moi, je travaille avec les écoles, là,
puis je suis présent dans les écoles à toutes les semaines. C'est facile, pour
les gens, de dire qu'est-ce qu'on ne veut pas comme comportement, mais moi, je
leur dis : Ce serait important, dans les codes de vie, de dire aux élèves
c'est quoi qu'on veut, arrêtons d'avoir une liste d'interdits, identifions c'est
quoi les comportements qu'on veut obtenir, présentons ces comportements-là aux
élèves. Puis on le fait, en passant, pas seulement au primaire, hein? J'ai
travaillé avec le Pavillon-de-l'Avenir, qui est dans le comté de madame, qui
est un centre de formation professionnelle, avec l'équipe de cuisine, des
enseignants de cuisine. Les adultes avaient des problèmes avec l'absentéisme,
le respect entre eux, le respect avec les profs. On a enseigné à des adultes
qui apprennent la cuisine c'est quoi les bons comportements d'un chef cuisinier.
On les a enseignés, on les a modelés, on les a pratiqués puis on les a
valorisés.
Mme Rizqy : ...M. Bissonnette
à la télévision, en entrevue. Je suis sincère, il devrait être... M. le
ministre, être ajouté dans votre groupe de réflexion pour lutter contre les
violences, avec son expertise.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : ...beaucoup, merci
beaucoup, messieurs, pour votre présentation. Je... Est-ce que vous avez parlé
du Conseil supérieur de l'éducation?
Une voix : ...
Mme Ghazal : Le Conseil
supérieur de l'éducation. J'aimerais ça savoir votre avis, puisque le projet de
loi va... en fait, va abolir une partie de sa mission, là, qui...
M. Richard (Mario) : ...du
côté du Conseil supérieur de l'éducation, si on regarde, par exemple, la
position qui avait été adoptée par le groupe de travail, ce qui était
recommandé, finalement, c'était de maintenir le conseil dans ses orientations.
Le Conseil supérieur de l'éducation a des orientations plus de consultation, et
c'est intéressant d'y aller de cette façon-là. Le conseil, finalement, va aussi...
au niveau de sa composition, quand on regarde qui est... on a des parents, on a
des intervenants à différents niveaux. Donc, cette orientation-là du Conseil
supérieur de l'éducation nous apparaît complémentaire à celle de l'INEE. Donc,
nous, ce qu'on... ce qu'on pense, c'est qu'il y a de la place pour ces... ces
deux... ces deux instances-là avec...
Mme Ghazal : Est-ce que vous
en parlez dans votre mémoire? Je n'ai pas vu...
M. Richard (Mario) : Non, on
n'en a pas parlé.
Mme Ghazal : OK. Donc... mais
là je suis contente, donc, que vous l'affirmiez, parce qu'il y a un consensus.
Même les idéateurs, là, de l'INEE disaient qu'il n'y a... il n'y a personne qui
a demandé que le Conseil supérieur de l'éducation soit aboli, puis ce n'est pas
l'INEE qui va faire ça. Il y a l'aspect plus démocratique, là, que vous
parliez.
M. Richard (Mario) : Exact.
Mme Ghazal : J'ai une question
par rapport aux données probantes. Est-ce que... en fait, j'ai deux questions,
mais j'ai très peu de temps... est-ce que ça peut être applicable partout? C'est-à-dire,
c'est comme : voici la recette, ah! magie, il n'y a plus de problèmes de
comportement partout. Puis aussi, puis ça, c'est... les enseignants nous le
disent souvent, ils disent : Là, la réussite des élèves, je comprends que
moi, comme enseignant ou enseignante, j'ai une grande part là-dedans, mais il y
a toutes sortes de facteurs que moi, je ne peux pas contrôler, puis ce n'est
pas parce que j'applique... j'applique une méthode pédagogique que tous les
élèves, partout, même si j'adapte ma méthode pédagogique en fonction des élèves...
que ça va marcher pour tout le monde, parce qu'il y a des facteurs autres que
moi, je ne contrôle pas, que l'école ne contrôle pas, qui, aussi, déterminent
la réussite des élèves. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire qu'il faut aller voir la littérature sur les écoles de milieux
défavorisés. Pierre Collerette a produit, avec Gilles Pelletier, une enquête auprès
de 11 centres de services scolaires, 15 000 élèves, 228 écoles,
et il a été capable de montrer que l'indice de défavorisation des écoles et le
rendement des élèves en sixième année, le rendement aux épreuves ministérielles...
le milieu socioéconomique est un piètre prédicteur, un piètre prédicteur du
rendement scolaire. On a, dans la majorité de nos écoles au Québec, des écoles
de rang 10 qui, dans <certains...
M. Bissonnette (Steve) :
...un
piètre prédicteur du rendement scolaire. On a, dans la majorité de nos écoles
au Québec, des écoles de rang 10 qui, dans >certains cas, vont
faire mieux qu'Outremont rang 1. Donc, est-ce que l'école peut faire une
différence? Cette littérature-là, elle existe depuis le début des années 70,
et la réponse, c'est oui. Puis j'aurais le goût de dire : Heureusement. Si
un élève était dans un milieu défavorisé et qu'il était condamné à l'échec
scolaire, ça n'aurait aucun sens. Donc, la bonne nouvelle, c'est que
l'enseignant peut faire une différence.
Mme Ghazal : Est-ce que ça
fait consensus, ce que vous dites là, dans la science?
M. Bissonnette (Steve) : Dans
la littérature scientifique, oui.
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes.
Mme Ghazal : Mais dans... au
Québec, ça fait consensus, ce que vous me dites, là?
M. Bissonnette (Steve) : Dans
le milieu universitaire, pas nécessairement.
Mme Ghazal : Vous êtes des...
M. Richard (Mario) : ...on
parle des travaux sur l'efficacité des écoles, puis ça, c'est quelque chose qui
est bien documenté.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, c'est tout le temps qu'on a. Je dois céder la parole, maintenant, au
député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Deux questions. Vous
revenez longuement, dans votre mémoire, sur les effets négatifs du renouveau
pédagogique quant aux résultats des élèves du Québec en comparaison avec ceux
d'autres pays. Vous avez cité des enquêtes, des études du début des
années 2000. En 2019, les tests PISA confirmaient que les élèves québécois
figurent régulièrement en tête de classement, mathématiques, lecture. Comment
on explique ça que les tests PISA confirment la bonne performance du système
d'éducation au Québec en lien avec les affirmations que vous faites dans votre
mémoire?
M. Bissonnette (Steve) : ...la
première explication, c'est que les pratiques pédagogiques qui avaient été
proposées au tout début de la réforme, pour les vieux qui se rappellent de ça,
mais vous êtes tous des jeunes, peut-être que vous ne vous en rappelez pas,
mais c'était, d'abord et avant tout, travailler en projets, travailler en
collaboration, et beaucoup de découvertes. On demandait à l'enseignant
d'enseigner le moins possible. Plus la réforme a... s'est déroulée et qu'on a
commencé à avoir des résultats négatifs, déjà avec la table de pilotage en
2006-2007, et que la réforme s'est... s'est transposée au secondaire, Robert
Bisaillon, qui était sous-ministre à l'époque, avait été obligé de dire :
La réforme n'est pas de la pédagogie de projets et n'est pas de la pédagogie de
la découverte. Et les gens du secondaire, particulièrement du secondaire, sont
revenus à des pratiques qu'ils connaissaient auparavant.
Et, avant la réforme, le Québec était
aussi dans le peloton de tête, avant, mais quand on a commencé la réforme, si
vous avez lu le mémoire, on a dégringolé, à TEIMS, en maths et en sciences. En
maths, ça a été la plus grande dégringolade de tout ce qui avait été fait, et,
en sciences, on est... la Norvège a fait pire que nous, après ça, c'était nous.
Donc, on s'est éloignés...
La Présidente (Mme Dionne) : Je
m'excuse, je m'excuse vraiment de vous interrompre, on a un vote au salon bleu.
Alors, je dois suspendre les travaux le
temps du vote.
(Suspension de la séance à 16 h 09)
(Reprise à 16 h 28)
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
rebonjour. La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Juste avant de recommencer, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos
travaux au-de l'heure... au-delà de l'heure prévue, soit autour de 18 heures?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Consentement,
tout le monde? Parfait. Alors, je cède la parole à M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci. Donc, si
j'ai bien suivi votre raisonnement, le Québec était en tête des classements
avant la réforme pédagogique. Les résultats sont descendus pendant
l'application de la réforme puis, depuis quelques années, sont remontés au
niveau d'avant la réforme. On peut...
Une voix : ...
M. Bérubé : ...on peut dire
ça, c'est comparable. Donc, en ce qui concerne les pratiques d'enseignement et
de formation des enseignants, où est l'urgence de proposer une nouvelle réforme
comme celle présentement à l'étude, selon vous?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire que... on est déjà dans le peloton de tête avec des pratiques
qu'on avait l'habitude d'utiliser auparavant. Imaginez si on appliquait les
pratiques les plus probantes.
M. Bérubé : À jour.
M. Bissonnette (Steve) : On
serait premiers.
M. Bérubé : On est capables
d'être numéro un.
M. Bissonnette (Steve) : C'est
clair, clair.
M. Bérubé : Très bien. Est-ce
qu'il y a un élément que vous n'avez pas pu aborder que vous aimeriez aborder?
Il ne reste pas beaucoup de temps, mais je vous laisse cet espace-là. Un
élément de votre mémoire ou quelque chose qui n'a pas été abordé.
M. Bissonnette (Steve) : Je
répète : Impliquer l'INEE dans à peu près tout ce qui touche
l'implantation de mesures nouvelles, pour mesurer la qualité de l'implantation,
évaluer les effets le plus rapidement possible, faire les ajustements et
remesurer, remesurer. On doit avoir une culture des données. On ne peut pas
changer ce qu'on ne mesure pas. Voilà.
M. Richard (Mario) : Moi,
j'ajoute l'importance de rendre ces données-là transférables en salle de
classe.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
M. Richard (Mario) : Il faut
les accompagner, les enseignants.
M. Bérubé : Merci à vous
deux.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Richard, M. Bissonnette, là, pour votre contribution.
Donc, la commission suspend ses travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
16 h 30 (version révisée)
(Reprise à 16 h 33)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation est maintenant prête à reprendre ses
travaux pour la poursuite de nos consultations.
Donc, je souhaite la bienvenue au Dr Julien
Prud'homme... au professeur, pardon, Julien Prud'homme. Donc, M. Prud'homme,
vous disposez de 10 minutes pour nous transmettre votre exposé. Donc,
peut-être vous présenter, au tout début.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
merci beaucoup. Mon nom est Julien Prud'homme. Merci à toutes et à tous de m'accueillir
ici. Je tiens avant tout à préciser que, bien, je suis professeur, chercheur,
directeur au Département des sciences humaines à l'Université du Québec à
Trois-Rivières, membre notamment du Centre interuniversitaire de recherche sur
la science et la technologie... je tiens à préciser que je ne suis pas
chercheur en éducation, mais bien spécialisé en histoire et en sociologie des
politiques, des sciences, des professions et des ordres professionnels,
notamment dans les secteurs de la santé et de l'éducation au Québec.
L'objectif principal du court mémoire que
j'ai soumis à la commission est essentiellement d'encourager le législateur à
garder le cap vers la création d'un institut national d'excellence en éducation,
moyennant, au besoin, certaines précisions ou certains ajustements qui sont
proposés dans les sept recommandations de mon mémoire. La création d'un tel
institut serait tout à fait compatible avec l'expérience qui a été faite dans d'autres
juridictions où l'éducation va bien, comme l'Ontario, la Finlande, l'Australie
ou d'autres lieux, et où les données probantes ont montré qu'elles peuvent être
un outil non seulement pour la réussite éducative, mais aussi plus
spécifiquement pour la justice sociale et pour réduire les inégalités devant l'éducation.
En gros, dans mon mémoire, je dis trois
choses qui sont les suivantes. Le premier message transmis dans ce mémoire, c'est
que... On tend à l'oublier, dans l'état actuel du débat public au Québec, mais
on commence à avoir beaucoup d'expérience concrète et beaucoup de données
empiriques sur l'effet des politiques basées sur les données probantes, que ce
soit en santé ou en éducation.
On mentionnait l'expérience de l'INESSS,
par exemple, au Québec, et, dans mon mémoire et dans ses annexes, j'évoque d'autres
expériences dans le domaine de l'éducation, ailleurs dans le monde. Et ce que
nous disent ces nombreuses expériences et données empiriques, c'est que
plusieurs des craintes, parfois un peu alarmistes, qu'on a entendues, dans les
dernières semaines, ne sont pas fondées sur les faits à notre disposition en ce
qui concerne la création d'un institut national d'excellence en éducation et
des politiques de <données probantes...
M. Prud'homme (Julien) :
...
d'un institut national d'excellence en éducation et des politiques de >données
probantes.
Il y a certaines des craintes, notamment,
qui ont été soulevées dans l'espace public. L'une qui a été, à raison, là,
évoquée tout à l'heure, c'est-à-dire la crainte que des politiques basées sur
les données probantes viendraient détruire ou réduire la diversité des idées ou
des approches ou imposer une approche par recettes, par exemple, donc des
recettes uniques dans le domaine de l'éducation, ce n'est pas ce que les faits
empiriques nous disent. Les politiques basées sur les données probantes en
éducation n'ont pas empiriquement cet effet, on le sait. On entend aussi
souvent la crainte qu'un institut ou des politiques basées sur les données
probantes en éducation entraîneraient une déprofessionnalisation des... du
corps enseignant ou viendraient miner l'autonomie professionnelle des
enseignantes et des enseignants. Ce n'est pas ce que nous dit l'expérience, ce
n'est pas ce que nous disent les données empiriques à notre disposition.
On pourra revenir là-dessus, si vous avez
des questions, mais ce fait me donne aussi l'occasion de rappeler que plusieurs
des mesures qui ont été décrites comme néfastes pour l'autonomie du corps
enseignant, en fait, sont des pratiques comme, par exemple, le fait de se
référer à des guides ou à des recommandations de pratiques basées sur les
données probantes, le fait de se soumettre à des... un certain nombre d'heures
de formation continue et de faire reconnaître ces formations continues par des
organismes indépendants. Ce sont des mesures qui existent dans les professions
de santé et qui ne nuisent en rien à l'autonomie professionnelle des
professions de santé, y compris de professionnels qu'on croise tous les jours
dans les écoles, comme des orthophonistes, des psychoéducatrices, des
ergothérapeutes ou des psychologues.
Ce que je viens de dire, c'était le
premier message transmis dans mon mémoire. Le second message transmis dans mon
mémoire porte sur ce que j'estime être des points forts à préserver, voire à
renforcer dans le projet de loi qui nous est soumis. J'identifiais trois de ces
points forts à préserver ou à renforcer. Un des points forts était le fait que
la mission attribuée à l'Institut national d'excellence en éducation me semble
bien formulée, axée sur la production transparente de synthèses, de
recommandations. Deuxièmement, les dispositions relatives à la formation
continue et à la possibilité d'un encadrement par l'INEE de la reconnaissance
de cette formation continue seraient quelque chose de tout à fait normal,
souhaitable et d'analogue à ce qu'on trouve dans d'autres professions à l'heure
actuelle. Et finalement je félicite le fait que le projet de créer un tel
institut soit par ailleurs arrimé à une politique de données en éducation qui
soit robuste et cohérente et, dans le fond, une façon qui converge avec ce que
disait M. Bissonnette tout à l'heure. Moi aussi, à ma recommandation n° 4, je propose un arrimage encore plus explicite entre l'institut
et les politiques de suivi et de production de données, prévues, par ailleurs,
dans d'autres dispositions du projet de loi.
• (16 h 40) •
Finalement, le troisième message de mon
mémoire concerne cette fois des améliorations, des précisions, des
bonifications qu'il serait souhaitable d'apporter au projet de loi afin
d'atteindre les objectifs proposés dans ce projet de loi, pas juste pour des
questions d'acceptabilité sociale, même si on voit que c'est le cas, mais aussi
sur le fond, pour permettre notamment à l'institut prévu d'atteindre ses
objectifs et d'aider le ministère de l'Éducation et la société québécoise à
atteindre ses objectifs en matière éducative. Les trois recommandations sont
les suivantes.
La première, c'est d'inscrire dans la loi
le fait que le mandat d'un institut inclurait le fait de recourir à une variété
d'approches dans la production de ses synthèses et recommandations, ce qui
viendrait répondre à beaucoup de préoccupations un peu stridentes, mais
fondées, qu'on a entendues dans le débat public, et qui correspondrait tout à
fait à la réalité et aux bonnes pratiques en matière de données probantes. Ça
rejoindrait des dispositions qui existent en santé chez l'INESSS et ça
rejoindrait aussi des recommandations qui sont faites, par exemple, par
l'UNESCO ou d'autres... ou à de vastes pans de la littérature récente en
matière de programmes de données... basés sur les données probantes en matière
d'éducation.
Une autre recommandation, qui rejoint un
peu le même esprit, serait d'élargir le travail d'identification des priorités
d'un institut en prévoyant, comme dans la loi de l'INESSS, le fait que les
priorités sur lesquelles devrait travailler l'INEE sont formulées non seulement
en concertation avec le ministère, mais avec une table de concertation élargie
à une variété <d'intervenants...
M. Prud'homme (Julien) :
...
le ministère, mais avec une table de concertation élargie à une variété >d'intervenants.
Et finalement ma dernière recommandation
afin, encore une fois, d'aider le projet de loi et l'institut à atteindre les
objectifs annoncés, c'est de renoncer à la réforme du Conseil supérieur de
l'éducation et de retirer, en fait, tous les articles relatifs au Conseil
supérieur de l'éducation qui sont actuellement présents dans le projet de loi,
notamment pour éviter, bien, de priver le Québec de l'expertise du Conseil
supérieur et aussi pour éviter de parasiter le travail du futur institut en lui
attribuant des missions qui ne sont pas compatibles avec celles d'un institut,
tel que l'entendent à peu près tous les idéateurs et promoteurs de l'institut
national d'éducation, de plus, dans les dernières années. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, M. Prud'homme, pour cet exposé. Nous allons débuter
les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Merci,
Mme la Présidente. M. Prud'homme n'a pas... n'a pas pris l'ensemble de son
temps. Comment vous le partagez à ce moment-là? Comment ça fonctionne?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui, c'est ça, pour ce qui est de...
M. Drainville : Du
10 minutes?
La Présidente (Mme Dionne) :
...des groupes, dans le fond, ça tombe.
M. Drainville : Ah! ça
tombe? Ça fait qu'on garde le même...
La Présidente (Mme Dionne) :
Ce n'est pas redistribué, oui, c'est ça. Ça fait que...
M. Drainville : Très
bien. Excellent. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
C'est ça, oui, tout à fait, c'est le temps des membres de la commission qui
est repartagé.
M. Drainville : Aucun
problème. Aucun problème. Oui, sur la question... J'ai trouvé ça très
intéressant, quand vous avez dit que «les politiques pédagogiques basées sur
les données probantes sont un outil nécessaire pour réduire les inégalités face
à l'éducation.» Mautadit! Expliquez-nous comment.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
en fait, il est démontré, M. Bissonnette... En fait, la présentation
précédente l'a évoqué, mais il y a une multitude de recherches, qui viennent
d'une multitude d'horizons différents, qui montrent que des pratiques
pédagogiques qui ne sont... qui sont mal fondées, qui ne sont pas fondées dans
des données... sur des données probantes ont un effet qui est pire sur les
élèves qui sont déjà vulnérables. Ça a été le cas avec les pratiques
pédagogiques du renouveau pédagogique au Québec. Ce qu'on a constaté, c'est que
non seulement elles n'amélioreraient pas la réussite en général, mais elles
accroissaient les écarts entre ceux... entre les élèves qui allaient bien puis
qui s'en sortaient de toute façon puis les élèves qui auraient eu besoin de
politiques mieux fondées.
Et ça, c'est l'exemple québécois, mais il
y en a une multitude d'autres qui nous montrent qu'en fait les pratiques
pédagogiques... le choix des pratiques pédagogiques est un facteur structurel
qui détermine les inégalités scolaires. Des mauvaises politiques, mal choisies,
sont des politiques qui vont faire du mal aux élèves vulnérables. Il n'y a pas
d'autres façons de dire ça.
M. Drainville : M. Prud'homme,
vous venez de dire : Le choix des pratiques pédagogiques va avoir un
impact sur les élèves les plus vulnérables.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
absolument.
M. Drainville : Et c'est
ce que démontrent les données empiriques, là?
M. Prud'homme (Julien) : C'est
ce que démontrent les données empiriques. Et c'est ce qui motive les politiques
basées sur les données probantes dans une multitude d'autres pays, comme la
Finlande, comme l'Ontario, dont le choix de passer à des politiques basées sur
les données probantes était précisément motivé par un souci démocratique
d'atténuer les écarts face à la réussite.
M. Drainville : Êtes-vous
d'avis qu'on peut prendre, mettons... Parce que l'institut va dresser l'état
des connaissances scientifiques, et moi, ma perception des choses, là, il
faudra voir après ça comment l'institut va mettre tout ça en place, mais je
pense qu'il faut envisager un rôle ambitieux pour l'institut. Puis je souhaite...
en tout cas, on verra, encore une fois, comment l'institut s'organisera, là,
mais, dans l'intention que j'ai, mettons, là, dans l'intention que nous avons
comme gouvernement, c'est que cet institut n'hésite pas à aller chercher les
meilleures recherches scientifiques en matière d'éducation, ailleurs dans le
monde, pour voir ensuite comment on pourrait les appliquer chez nous, quitte à
les ajuster en fonction de notre réalité. Bon, êtes-vous d'avis que, quand vous
parlez de la Finlande ou l'Ontario, on pourrait utiliser ce qu'ils ont réussi
de bien en matière de pratiques pédagogiques pour réduire les inégalités
sociales et s'en emparer, s'en saisir et les appliquer dans nos classes avec
des ajustements, quoi?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
c'est le projet depuis le début, parmi les idéateurs du projet d'institut. En
fait, je pense que l'exposé précédent était assez éloquent à ce sujet. Et les
solutions ne sont pas toutes à inventer, les solutions sont même
raisonnablement <bien connues...
M. Prud'homme (Julien) :
...
ne sont pas toutes à inventer, les solutions sont même raisonnablement >bien
connues. Ce qui nous manque, c'est un outil pour mettre à la disposition du
réseau québécois de l'éducation les solutions qui existent d'une manière qui
soit digeste et qui soit compatible avec la façon dont notre réseau fonctionne.
M. Drainville : Excusez-moi
de vous interrompre, M. Prud'homme, mais il me semble...
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
oui, je vous en prie.
M. Drainville : Je suis
certain, à la quantité de personnes qui travaillent dans le milieu de
l'éducation, au Québec, il doit y en avoir deux, trois que vous devez connaître
qui sont allés voir ce qui se passe en Finlande, qui sont allés voir ce qui se
passe en Ontario et qui ont dit : Wow! Ça, ça marche, on devrait
l'implanter chez nous. Ça a dû arriver, ça.
M. Prud'homme (Julien) : Bien
ça, vous n'avez pas besoin de moi pour ça, en fait, parce que les... les présentations
comme celle qui a précédée le montrent assez éloquemment. On a parlé du
programme de Soutien au comportement positif, il y a l'équivalent en matière
d'enseignement explicite dans différentes matières. Il existe des programmes
qui sont totalement applicables, adaptables. Il existe une diversité de
solutions, aussi, qui sont adaptables selon l'autonomie et selon les
particularités de chaque milieu, parce que tous les milieux ne sont pas
pareils. Et ça, des guides, des recommandations, des politiques basées sur les
données probantes permettent à chaque milieu de choisir, parmi les meilleures
solutions disponibles, celles qui sont le mieux adaptées à leurs situations
particulières.
M. Drainville : ...l'impression,
M. Prud'homme, qu'il y a des chercheurs, dont vous êtes, ou des spécialistes de
l'éducation, là, je... dont vous êtes et dont étaient les deux intervenants
précédents, et ils nous présentent la situation en nous disant : C'est
absolument démontré, il n'y a aucun doute, il y a des méthodes qui
fonctionnent, puis ça donne des très bons résultats, notamment en matière de
lutte aux inégalités sociales, mais on a l'impression que cette conclusion à
laquelle vous adhérez et dont vous êtes le porteur, puis vous êtes très
convaincant quand vous en parlez... on a l'impression qu'elle ne fait pas
consensus dans le monde de l'éducation. En d'autres mots, vous êtes très
convaincu et très convaincant, mais j'ai l'impression qu'il pourrait y avoir
quelqu'un d'autre assis à côté de vous, qui a un background, une expérience en
matière d'éducation qui est aussi phénoménale que la vôtre, qui dirait :
Ce n'est pas vrai, qu'il dit, lui... ce n'est pas vrai, ce qu'il dit, lui.
Comment on est supposés, nous autres, à un moment donné, là... Vous savez?
M. Prud'homme (Julien) : La
fonction d'un institut, d'une politique basée sur les données probantes, c'est
justement de sortir de cette espèce de débat d'opinions, qui ressemble à une
discussion de salon, pour être capables de s'appuyer sur des synthèses, des
résultats probants tels qu'ils existent. Le propre des débats, à l'heure
actuelle, dans l'espace public au... Le débat public, au Québec, sur ces
questions-là est en retard d'une façon déconcertante, du fait qu'il ne s'appuie
que très peu sur les réalités empiriques précises. La minute où on commence à
s'appuyer sur des données empiriques, sur des réalités empiriques, sur l'état
réel de la recherche, il n'y a pas photo, là, la disponibilité de solutions en
matière d'éducation, c'est là. La recherche est très avancée et elle est
éminemment applicable, pour autant qu'on ait la capacité d'offrir des synthèses
et des recommandations claires et d'en faire un suivi basé sur un système
harmonisé et utile des données à l'échelle du réseau, comme le projet de loi,
et ça, c'est une de ses grandes qualités, en jette les bases.
M. Drainville : Quand vous
parliez, tout à l'heure, du fait qu'il y avait des données très solides qui
confirmaient l'efficacité de l'enseignement explicite, vous avez dit :
C'est un exemple parmi tant d'autres. Est-ce que vous pouvez nous donner
d'autres exemples comme ça?
• (16 h 50) •
M. Prud'homme (Julien) : L'enseignement
explicite, c'est une catégorie générale, mais il y a différents programmes qui
s'appliquent à différents... différents programmes ou approches pédagogiques
qui s'appliquent à différentes disciplines. Là où on a le plus de résultats
probants ou de stratégies qui sont disponibles, c'est dans le domaine, par
exemple, de l'apprentissage de la langue. Ça, à côté de cet exemple très
manifeste qui est le Soutien au comportement positif, on a aussi des données
très... comment dire, très utiles, très probantes pour nous orienter dans...
pour faire la différence entre un enseignement, par exemple, de la langue, que
ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire, de la langue première,
qui fonctionne ou qui ne fonctionne pas. Puis ça, on le sait, ce n'est pas...
M. Drainville : On le sait,
ça?
M. Prud'homme (Julien) : On
le sait, ça, on le sait, ça. Comme je vous dis, c'est très...
M. Drainville : Puis c'est
vrai pour toutes les langues? Est-ce que c'est vrai pour toutes les langues? Je
veux dire, enfin, est-ce que... Pour toutes les langues...
M. Prud'homme (Julien) : Il
faudrait faire venir un expert en toutes les langues.
M. Drainville : Est-ce que
c'est vrai pour plusieurs langues? Est-ce que c'est vrai pour plusieurs
langues?Tu sais, ça a été <testé dans...
M. Drainville :
... plusieurs
langues? Est-ce que c'est vrai pour plusieurs langues? Tu sais, ça a été >testé
dans plusieurs bassins linguistiques?
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
parce que la recherche en éducation... Puis, encore une fois, il ne s'agit pas
de dire qu'il existe une recette pour chaque langue, mais il s'agit de dire que
les données probantes nous permettent de discriminer, entre les programmes ou
les pratiques pédagogiques qui fonctionnent, celles qui fonctionnent mieux dans
tel contexte et pas dans tel autre contexte, donc il faudrait choisir une telle
dans tel contexte et une telle dans tel autre contexte, versus celles dont on
sait qu'elles ne fonctionnent pas particulièrement bien.
M. Drainville : Et, en
résumé, celles qui fonctionnent bien, si... Mettons, les deux ou trois éléments
qu'on retrouve dans plusieurs pays où l'enseignement efficace a été utilisé
pour l'apprentissage des langues, les deux ou trois variables qu'on retrouve
partout qui font la réussite de cet enseignement?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
fondamentalement, c'est différentes modalités de l'enseignement explicite. Là,
vous me demandez de sortir un peu de mon champ, ça fait que je ne veux pas
marcher sur les pieds de personne, mais ce qui est certain, c'est qu'à l'aide
de politiques basées sur les données probantes, et notamment on a trouvé ça
dans différents... on va trouver ça dans différents avis qui ont été soumis au
ministère de l'Éducation dans les dernières années, on les a, les pratiques,
puis il y en a même qui sont déjà en place au Québec, dans certains centres de
services scolaires qui ont déjà pris avant les autres le virage des politiques
basées sur les données probantes.
M. Drainville : Comme le centre
de services scolaire Marguerite-Bourgeoys...
M. Prud'homme (Julien) : Marguerite-Bourgeoys,
Rivière-du-Nord, Marie-Victorin. Il y en a, il y en a quelques-uns qui ont fait
office de pionniers et qui nous permettent encore une fois, au Québec, même pas
besoin d'aller en Finlande, de s'appuyer sur des résultats empiriques.
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes.
M. Drainville : Oui. C'est
très intéressant. Très intéressant.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Prudhomme, bienvenue parmi nous. Tantôt, vous
avez dit que les solutions, elles sont connues, mais on a besoin de mieux les
faire connaître et de les vulgariser, de les diffuser. Donc, au fond, on a
besoin de meilleurs diffuseurs de vulgarisation scientifique, qui existent déjà
au Québec?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
de transfert ou de formation. Le véhicule de la formation continue est un
véhicule, comme ça a déjà été dit, extrêmement puissant. D'où l'importance de
l'encadrer, en éducation comme dans d'autres secteurs professionnalisés.
Mme Rizqy : En ce moment, il
y a déjà, par exemple, des chercheurs qui font des recherches sur les données
probantes, oui?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Mme Rizqy : OK. Mais ces
mêmes chercheurs-là ne feront pas nécessairement de la formation, mais
pourraient, par exemple... une fois que leur étude est diffusée, il y aurait
des gens qui pourraient se spécialiser pour faire ces formations, c'est bien
ça?
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
bien, en ce moment, ce qui existe, c'est un système qui est vraiment à la
pièce, c'est-à-dire qu'il y a des recherches qui ne se diffusent pas, il y a
des recherches qui se diffusent. Les recherches qui se diffusent le plus ne
sont pas nécessairement les recherches qui sont les mieux soutenues par les
données probantes, malheureusement.
Mme Rizqy : OK. Mais, quand
vous parlez de diffusion... Parce qu'habituellement un chercheur, il publie ses
recherches. Donc, admettons, vous, vous êtes professeur à l'université, je suis
allée voir sur votre site, vous avez publié beaucoup d'articles.
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Ça, c'est de la diffusion scientifique auprès des autres scientifiques. La
diffusion qui nous importe, par exemple, pour améliorer non seulement la
réussite, mais aussi l'équité devant la réussite scolaire, c'est que les
pratiques pédagogiques efficaces se transforment en pratiques utilisées sur le
terrain, et ça, ça passe par la formation des enseignants, c'est-à-dire, ça passe
par des enseignants, d'une part, qui ont les moyens.
Mme Rizqy : OK. Parce qu'il y
a une différence entre diffuser...
M. Prud'homme (Julien) : Absolument.
Mme Rizqy : ...et transformer
en pratiques. Parce que diffuser, c'est dire : Voici les différentes
solutions possibles, alors que, lorsqu'on passe à l'autre étape que vous venez
d'indiquer, c'est où est-ce qu'on indique aux gens : Voici ce qu'on
aimerait qui soit appliqué? Est-ce que vous nuancez là-dessus?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Bien, en fait, en soi, diffuser, faire des recherches puis les diffuser dans
des revues, c'est le bout facile. Le bout difficile, c'est de les transformer
en pratiques et c'est de s'assurer que les pratiques réellement probantes,
appuyées sur des données probantes...
Mme Rizqy : Qu'on puisse
assurer que les différentes recherches... Parce qu'il n'y aura jamais de
consensus, vous êtes d'accord avec moi? Vous êtes dans le monde universitaire,
des consensus... il y a des consensus larges, mais unanimité, moi, je n'ai
jamais vu ça dans... l'unanimité, mais les consensus très larges, ça existe.
Mais comment on peut s'assurer, justement, que telle étude ne devienne pas
vraiment appliquée partout, mutatis mutandis, alors que ça se peut que, dans
une région, ça fonctionne, puis dans une autre région, ça ne fonctionne pas
avec la réalité école?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
il ne s'agit pas de trouver une recette ou un modèle qui s'applique à tout le
monde, mais il s'agit d'aider les acteurs sur le terrain à discriminer entre ce
qui fonctionne puis ce qui fonctionne moins bien et à savoir quelle solution
peut être le mieux adaptée à leurs situations particulières.
Mme Rizqy : ...décider que
c'est mieux adapté à des situations particulières?
M. Prud'homme (Julien) : C'est
la job d'un organisme comme un institut national d'excellence en éducation que
de soumettre cette information-là aux décideurs et de s'impliquer dans
l'encadrement des formations continues, qui s'adressent autant aux décideurs de
l'éducation qu'aux <enseignants...
M. Prud'homme (Julien) :
...
continues, qui s'adressent autant aux décideurs de l'éducation qu'aux >enseignants
et aux enseignantes sur le terrain, comme il se fait dans d'autres
juridictions, en Ontario, en Finlande, en Australie.
Mme Rizqy : Mais, en Ontario,
ils ont un ordre professionnel, c'est différent.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
parce qu'ils ont choisi ce format pour... en partie, parce qu'ils ont d'autres
mécanismes que l'ordre professionnel, par ailleurs, en Ontario. En Ontario, ils
s'appuient sur des stratégies ministérielles qui incluent, justement,
l'encadrement de la formation continue.
Mme Rizqy : Mais corrigez-moi
si je me trompe, mais l'ordre professionnel de l'Ontario pour les enseignants
va faire un étendu de formation, mais n'ira pas dire à telle
équipe-école : On aimerait que vous suiviez cette formation, tout le monde
ensemble, pour appliquer telle donnée, là.
M. Prud'homme (Julien) : Les
politiques éducatives basées sur les données probantes ne sont jamais, puis ça,
ce n'est pas dans les bonnes pratiques de données probantes, basées sur la
coercition, c'est toujours basé sur une adhésion volontaire des équipes-écoles
ou des communautés élargies en matière éducative. Et, ça aussi, il faut
s'enlever de la tête qu'un projet d'institut ou tout ce qui en découle, en
termes de politique basée sur les données probantes, revient à attenter à
l'autonomie des acteurs. En fait, il s'agit de fournir des ressources aux
acteurs.
Mme Rizqy : Mais pas imposer.
M. Prud'homme (Julien) : Pas
imposer. Mais, par contre, par exemple si on parle de formation continue, bien,
il s'agit d'offrir... qu'un organisme offre le service de reconnaître ou ne pas
reconnaître les formations continues qui sont basées ou pas sur des données
probantes. Ça, on ne peut pas, par exemple, obliger les enseignants ou les
enseignantes à suivre un certain nombre d'heures minimales de formation
continue sans offrir un encadrement puis sans assurer qu'on identifie les
formations qui sont reconnues ou qui ne sont pas reconnues.
Mme Rizqy : OK. Mais c'est
parce que je prends l'exemple du Barreau, là. Le Barreau, les formations, elles
ne sont pas basées nécessairement sur des données probantes. On va prendre des
gens qui ont une expertise, mettons, dans la fiscalité, si je vais faire une
formation paradis fiscaux, que je vais envoyer... qui va être approuvée par le
Barreau, mais il n'y a pas d'étude probante à savoir si, oui ou non...
M. Prud'homme (Julien) : C'est
pour ça que le meilleur... un meilleur exemple, ce serait de prendre le domaine
de la santé puis de l'INESSS, qui assume... où les ordres professionnels
assument exactement ce rôle-là, c'est-à-dire de s'assurer que les
orthophonistes, les psychoéducatrices, les psychologues, les neuropsychologues,
les ergothérapeutes qui travaillent dans les écoles doivent suivre un minimum
de formation continue, suivre des formations continues qui sont reconnues par
l'organisme responsable, de s'assurer qu'elles sont valables. Et ça, dans leur
cas, c'est leur ordre professionnel. Il s'avère qu'au Québec on n'a pas d'ordre
professionnel de l'enseignement, si bien que ce rôle-là doit être assumé par un
autre type d'organisme indépendant.
Mme Rizqy : Oui, mais si on
prend le même exemple... Si mettons on prend l'exemple d'orthophonistes. Ils
ont un ordre professionnel, mais leur formation n'est pas basée nécessairement
sur des données probantes, là, quand vous parlez...
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
oui, les formations continues, les...
Mme Rizqy : Les capsules... les
formations...
M. Prud'homme (Julien) : Les
orthophonistes doivent suivre un minimum de formation continue. Ce minimum de
formation continue là doit être reconnu par leur ordre professionnel, et c'est
la responsabilité de l'ordre professionnel, en vertu de lois adoptées en 2000
et en 2008, de s'assurer que ces formations continues là soient basées sur des
données probantes. Et, lorsqu'il y a eu à prendre des virages importants... Par
exemple, pour la formation d'orthophonistes, par exemple, lorsqu'il y a eu
transformation des nomenclatures diagnostiques, bien, l'Ordre professionnel des
orthophonistes s'est assuré que les orthophonistes suivaient, dans leurs
formations continues, des formations continues qui portaient spécifiquement sur
ces besoins-là à ce moment-là.
Mme Rizqy : Sur des... OK.
Donc, au fond, je veux vraiment être bien sûre de bien comprendre, donc, la
formation, en tant que telle, est approuvée, elle est tout le temps basée sur
une forme de données probantes pour toutes les orthophonistes?
• (17 heures) •
M. Prud'homme (Julien) : Absolument,
c'est la job de l'Ordre des orthophonistes de faire ça. Et, pour répondre à
votre question initiale...
Mme Rizqy : Dans le fond,
l'INEE, ce serait comme un ordre... jouerait le rôle de l'ordre professionnel
pour venir vérifier si, oui ou non, la formation que l'on veut suggérer est
basée...
M. Prud'homme (Julien) : Soit
basée sur des données probantes. Ça prend ça. Puis c'est même un attribut
essentiel de professionnalisation. Tu ne peux pas prétendre être une vraie...
une profession, si tu n'as pas cet attribut-là. Puis c'est pour ça que c'est un
peu déconcertant de voir, par exemple, des acteurs assimiler la formation
continue telle que proposée comme étant un attentat à la dignité et à
l'autonomie des professions, alors que c'est un mode de base pour les vraies
professions qui ont des ordres professionnels.
Mme Rizqy : OK. Mais en ce
moment...
M. Prud'homme (Julien) : Et
par ailleurs, si je peux finir là-dessus...
Mme Rizqy : Oui, absolument.
M. Prud'homme (Julien) : ...vous
évoquiez le caractère un peu directif que peut avoir ou pas cette formation
continue là. Bien, lorsque, dans le cas des orthophonistes... lorsqu'il y a eu
besoin d'un virage de la profession, bien là, le caractère un peu plus directif
s'est manifesté, on s'est donné le droit d'être un peu plus directifs pour
donner à la profession un virage qui était jugé nécessaire à ce moment-là.
Mme Rizqy : Il ne reste pas
beaucoup de temps, donc je vais aller en question double. Parce qu'au fond, là,
on se colle beaucoup à ce qui est un ordre professionnel, là, de ce que je
comprends bien dans vos propos. J'ai beau chercher, je n'ai pas vu d'ordre
professionnel qui applique à des non-membres cette ligne directive. Parce qu'au
fond, nous, en ce moment, l'enjeu que nous avons en éducation, vous le
connaissez...
17 h (version révisée)
Mme Rizqy : ...une directive.
Parce qu'au fond, nous, en ce moment, l'enjeu que nous avons en éducation, vous
le connaissez, on a plusieurs personnes qui n'ont pas la formation initiale. Et,
la formation continue, évidemment, elle le dit, c'est en continu, après la
formation initiale. Je ne sais pas comment qu'on pourrait trouver aussi des
solutions pour cela puis aussi mettre... une façon d'arrêter l'hémorragie de la
perte de... d'enseignants qualifiés, légalement qualifiés que nous avons.
Et, tantôt, vous faisiez mention de la
Finlande. Mais il y avait... la Finlande... corrigez-moi si... si je me trompe,
là, l'école est... est vraiment gratuite, donc à 100 %, alors que nous,
ici, les projets pédagogiques particuliers, il faut payer pour ça. Ça... C'est
en moyenne autour de 4 000 $ à 5 000 $. La Finlande, ça
prend un «master» pour enseigner, alors que nous, ici, on a des tolérances d'engagement,
secondaire V. Il me semble qu'il y a aussi ça, comme enjeu, que nous
avons, là. Ce n'est pas uniquement les données probantes qui ont aidé la
Finlande, là.
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Bien, la première... la première phrase de mon mémoire, c'est justement :
«Il y a certains problèmes éducatifs que la création d'un institut ne réglera
pas, le politique devra en assumer la responsabilité autrement.» Et je pense qu'on
converge parfaitement sur ce... ce point-là.
Par contre, la deuxième phrase, c'est :
«Mais il existe des obstacles qui requièrent le recours à des politiques basées
sur les données probantes.» Et...
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : Et, ça,
ça inclut le passage à des pratiques pédagogiques efficaces.
Mme Rizqy : OK. Bien, merci
beaucoup pour vos éclairages. Ils sont très pertinents. Merci.
M. Prud'homme (Julien) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : ...20 secondes,
Mme la députée.
Mme Rizqy : Ah! bien... il a
vraiment tout répondu. Puis il m'a même... Non, mais, pour vrai, j'ai appris. Merci.
M. Prud'homme (Julien) : Mais,
ce que je vous dirais, si je peux le prendre, le...
La Présidente (Mme Dionne) : Le
10 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : La
Finlande impose une politique basée sur les données probantes qui est beaucoup
plus contraignante à l'endroit des intervenants que ce qu'on propose de faire
au Québec à l'heure actuelle.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
pour les précisions. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, M. Prud'homme, pour votre mémoire, votre présentation.
J'ai... Pendant que vous parliez, je
lisais aussi votre... votre mémoire, puis vous parlez... vous prenez vraiment à
bras-le-corps la critique dans le milieu de recherche universitaire au Québec
contre les données probantes ou le «evidence-based». Qu'est-ce... Je veux dire,
est-ce... Qu'est-ce qui explique ça? Est-ce que c'est quelque chose de culturel
au Québec? Parce que vous aussi, vous êtes un chercheur, vous êtes au Québec. D'où
ça vient? Moi, ce que j'entends, c'est que les gens disent : Attendez, on
ne peut pas prendre une méthode qui marche en sciences de la santé ou les
sciences dures puis amener ça dans une classe. Une classe ou une école, ce n'est
pas un laboratoire aseptisé où on peut prendre de la recherche de données
probantes, des fois, faite à l'extérieur, traduite ici, au Québec, puis l'installer,
puis... comme une formule magique, là, puis partout au Québec, tout va changer,
puis tout le monde va réussir.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
je... Vous faites bien de relayer cette... cette critique qui est répandue. En
fait, par contre, c'est une critique qui s'adresse à un épouvantail. C'est une
critique qui s'adresse à un homme de paille parce que... et... parce que la
réalité empirique, telle qu'on peut l'observer là où... où c'est le cas, la
réalité empirique des politiques basées sur les données probantes, ce n'est pas
ce genre d'application bête d'un modèle unique et d'un... d'un réductionnisme
qui fait abstraction de la complexité du terrain. Ce n'est pas ça. Et tous les
modèles actuellement en vigueur de politiques basées sur les données probantes
ne correspondent à ça et sont même explicitement conçus pour ne pas
correspondre à cette caricature.
Ce qui est intéressant, c'est que ce genre
de critique, qui est faite un peu à l'emporte-pièce, c'est exactement le même
genre de critique qui était faite dans le domaine de la santé il y a 30 ans.
Lorsqu'on a commencé à parler de politiques basées sur les données probantes en
santé, il y avait des... des cris alarmistes : on sombrait, on allait
tomber dans l'abîme. Et, aujourd'hui, on est bien contents d'avoir des
politiques basées sur les données probantes dans le secteur de la santé.
Mme Ghazal : Mais est-ce qu'il
y a des risques? Est-ce qu'il y a des risques quand même...
M. Prud'homme (Julien) : Si
on... Si on était le premier pays sur la terre à s'engager sur cette voie-là,
je vous dirais : C'est extrêmement risqué. Il s'avère qu'on n'est pas
particulièrement courageux puis qu'on n'est pas particulièrement dans les
premiers à s'engager sur cette voie-là. Ça fait que je vous dirais que le... il
y a toujours le risque d'avoir des politiques mal faites, c'est notre travail
de s'assurer de les faire comme il faut. Mais fondamentalement le chemin de l'éducation
basée sur des données probantes à l'aide d'un outil comme, par exemple, un
institut national d'éducation, ça, c'est la voie à suivre, c'est sûr.
Mme Ghazal : C'est ça. Parce
que vous dites : «Ne pas en tenir compte... ce serait même immoral d'ignorer
les données probantes.» Vous allez fort. Donc, c'est vraiment juste... Il n'y a
rien de bon dans les critiques qu'on entend dans le milieu universitaire par
rapport à ça?
M. Prud'homme (Julien) : Je
suis très... Je suis très déçu de l'état du discours dans les facultés d'éducation
sur cette question-là. Je pense qu'on a... Toute politique a besoin d'un
discours public... d'un discours critique vigoureux. D'habitude, c'est moi qui
le fais, le discours public vigoureux.
Mme Ghazal : Oui, parce que
vous... vous êtes dans les départements des sciences humaines. Vous n'êtes
peut-être... peut-être pas dans les facultés...
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
oui. Moi, je suis un pelleteux de nuages qui fait des critiques, d'habitude.
Mme Ghazal : C'est ça.
M. Prud'homme (Julien) : Mais
là, là...
Mme Ghazal : Mais... Mais qu'est-ce
qui a fait que vous, vous n'êtes pas tombé... tu sais, alors que vous êtes au
Québec, vous... vous côtoyez ces chercheurs-là?
M. Prud'homme (Julien) : Bien...
bien, ce n'est pas... ce n'est pas moi. C'est...
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : Les
chercheurs qui se préoccupent des données empiriques se préoccupent de voir les
données empiriques prises en compte lorsqu'elles servent la justice sociale. Et
c'est le cas <ici...
M. Prud'homme (Julien) :
...de
voir les données empiriques prises en compte lorsqu'elles servent la justice
sociale. Et c'est le cas >ici.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup... Merci, M. Prud'homme. Je cède maintenant la parole au député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : ...la Présidente.
Bienvenue, M. Prud'homme.
On a beaucoup parlé, dans cette
commission, des données probantes, méta-analyses, études internationales. Vous
avez même mentionné, dans votre mémoire, qu'il y a certaines limites à la façon
de voir les choses. On peut tous reconnaître, par exemple, qu'on peut évaluer
partout dans le monde des traitements médicaux pour une même maladie, par exemple,
ça, c'est universel, mais jusqu'à quel point on peut vraiment comparer
l'apprentissage de l'histoire, de la littérature entre différents pays quand
qu'il y a des différences culturelles?
Il y a différents buts qu'on... objectifs
qu'on se donne aussi par rapport à l'éducation, dépendamment des sociétés.
Est-ce qu'on ne court pas le risque, avec des données probantes, de ne pas
assez tenir compte des différences culturelles? J'imagine que vous avez étudié
cette question-là. C'est quoi, les limites qu'on a? Parce qu'un milieu comme
Montréal, ou comme Lévis, ou comme Matane, il y a des différences qui sont...
qui peuvent être considérables.
Alors, quelles sont les limites avec les
données probantes? Et est-ce qu'on est capables de tenir compte de contextes
culturels régionaux différents pour ces analyses?
M. Prud'homme (Julien) : Je...
Je vais reprendre votre question à l'envers. En fait, c'est... Les politiques
basées sur des... des données probantes sont des politiques qui aident à
identifier le coffre à outils qui est disponible, qui va vous dire : Bien,
tel outil, il n'est pas bon, tel outil, il n'est pas bon, tel outil, il a l'air
bon, mais il n'est pas bon, par contre, ces quatre outils là peuvent être bons,
l'outil A est bon dans la situation x, l'outil B est bon dans la situation y.
Et ça donne aux acteurs sur le terrain, par exemple, des dirigeants de centres
de services scolaires, la possibilité... parce qu'ils connaissent leur milieu,
ils connaissent les particularités de leur milieu, de choisir les... parmi les
quelques outils dont on sait qu'ils sont soutenus par les données probantes.
M. Bérubé : Vous avez fait
une comparaison avec la santé, dans votre présentation, dans votre mémoire.
Vous comparez l'approche des données probantes, éducation et santé. Dans votre
mémoire, vous indiquez que, et je cite : «Réguler la pratique par les
données probantes ou autrement est une affaire bien plus politique en éducation
qu'en santé.» Vous comprendrez que j'ai accroché là-dessus, puis vous avez des
parlementaires qui sont attentifs, voire même un ministre. Qu'est-ce que vous
voulez dire par là?
M. Prud'homme (Julien) : Deux
choses. La première, c'est que les... puis comme on... il n'y a pas que les
données probantes qui vont fonctionner, il y a les... il y a le contexte. Et,
le fait est que la relation de confiance entre les acteurs de l'éducation et
les décideurs publics, au Québec, au Canada, ailleurs, est mise à mal par des
décennies de... de néolibéralisme, appelons ça comme on veut, c'est politique.
Deuxièmement, le fait est que les
relations... puis ça, je l'explique dans l'annexe à... à mon mémoire, le bonus,
il y a une... au Québec, notamment, la relation... organisée entre les
enseignants et le pouvoir politique, c'est une relation syndicale-patronale. Donc,
forcément, tout est interprété, pas juste par les syndicats, mais par
l'employeur également, à l'onde des relations, des conventions collectives, des
définitions de la tâche. Et ça, ça vient...
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste cinq secondes.
M. Prud'homme (Julien) : ...ça
complique la relation. Il ne s'agit pas de dire... Ce n'est pas une charge
contre les syndicats. Il s'agit de dire que la... la relation
syndicale-patronale est compliquée.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Merci. Merci infiniment, M. le Prud'homme, pour vos... votre
contribution à ces échanges.
Donc, la commission suspend ses travaux
quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 12)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission est maintenant prête à reprendre ses travaux. Donc, je souhaite la
bienvenue au Conseil supérieur de l'éducation, représenté par Mme Monique
Brodeur, Marie-Josée Larocque, Suzanne Mainville et Mme Marylène Germain. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Ça fait que
je vous suggérerais, d'entrée de jeu, de vous présenter et nous faire part de
vos commentaires par la suite. Je vous cède la parole.
Mme Brodeur (Monique) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres
de la Commission de la culture et de l'éducation, je vous remercie de nous
entendre aujourd'hui dans le cadre des consultations sur le projet de loi
n° 23. Je me présente, Monique Brodeur, présidente du Conseil supérieur de
l'éducation. Je suis accompagnée de Mme Marie-Josée Larocque, secrétaire
générale, de Mme Suzanne Mainville, directrice de la coordination de la
recherche et de l'analyse, et de Mme Marylène Germain, directrice des
communications et de l'administration.
D'entrée de jeu, je vous mentionner que le
mémoire que je vous présente aujourd'hui a été adopté par les membres de la
table du conseil, le 1er juin dernier. Je les remercie de leur
collaboration.
Un mot, tout d'abord, sur le conseil. Le
Conseil supérieur de l'éducation a été créé en 1964, en même temps que le
ministère de l'Éducation. Il est une institution gouvernementale emblématique.
Il regroupe plus d'une centaine d'acteurs bénévoles, provenant du terrain, qui
assurent une représentation citoyenne au service de l'éducation et au cœur de
l'évolution de la société québécoise. Depuis près de 60 ans, 60 ans,
M. le ministre, quel privilège, le conseil a contribué à mieux comprendre
plusieurs problématiques observées de l'éducation préscolaire à l'université
ainsi qu'à l'éducation des adultes et à la formation continue. Il a émis des
recommandations visant à promouvoir des solutions et a inspiré, à cet égard,
plusieurs acteurs du milieu éducatif. Il participe ainsi au rayonnement de
l'éducation au Québec ainsi qu'à l'international, notamment, dans la
francophonie.
Notre mémoire comporte quatre parties :
la contribution et la pertinence du conseil, sa position face à l'INEE, un...
le conseil et l'INEE, et un conseil collaboratif.
Tout d'abord, qu'est-ce que c'est, le
conseil? Le conseil supérieur, c'est une table composée de 22 membres
nommés par le gouvernement et huit instances, soit cinq commissions et trois
comités. Le travail de la table et de ses instances est soutenu par une équipe
de 34 personnes qui composent sa permanence.
Concernant la contribution et la
pertinence du conseil, au fil des ans, grâce à la contribution de plusieurs
personnes qui y ont oeuvré et de personnes et d'organismes avec qui il a
collaboré, le conseil s'est adapté à différents contextes pour évoluer avec la
société. Plus agile et proactif, il... n'hésite pas à innover. Il a une
capacité unique, soit d'élaborer et de partager une vision globale, intégrée et
évolutive de l'éducation au Québec. Il occupe donc une place distincte dans
l'écosystème éducatif de notre Québec. Il n'est ni un centre de recherche, ni
un organisme de transfert, ni un groupe de pression. La force du conseil, c'est
d'être à la jonction des organismes de terrain, des experts et des
organisations civiles. Sa composition reflète bien les divers groupes de la
société : gestionnaires, personnel enseignant et professionnel, parents,
étudiantes et étudiants. Ses travaux intègrent les différents types de savoir
qui constituent le fondement même de ses travaux.
Les publications du conseil sont actuelles
et variées : avis réglementaires d'initiative, documents d'étude et de
recherche, mémoires et rapports sur l'état et les besoins de l'éducation. Des
thèmes aussi marquants que l'évaluation, le bien-être des enfants à l'école,
l'inclusion des familles immigrantes, l'équité, la gouvernance en éducation, la
profession enseignante et les besoins de main-d'œuvre, les publications
scientifiques en français et la reconnaissance des acquis et des compétences,
et j'en passe, ont été traités récemment. La crédibilité que le conseil s'est
forgée au cours des années l'amène même à développer non seulement des
collaborations avec l'ensemble des organismes québécois en éducation, mais
également à mettre en place d'importants partenariats internationaux. Jusqu'à
ce jour, par ses <travaux...
Mme Brodeur (Monique) :
...mais
également à mettre en place d'importants partenariats internationaux. Jusqu'à
ce jour, par ses >travaux et ses réflexions, le conseil a ainsi fourni
un solide appui aux ministres de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur
dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi qu'aux autres acteurs concernés.
Concernant la création de l'INEE, le
conseil salue favorablement la création de l'INEE, rappelant qu'en 2017, dans
la foulée de la consultation qui avait été tenue, le conseil avait recommandé
la mise en place d'un tel organisme. Il reconnaissait et reconnaît toujours la
nécessité qu'une instance panquébécoise produise des synthèses de connaissances
issues de la recherche et s'assure de leur diffusion ainsi que du soutien à
leur mobilisation dans la pratique par l'entremise d'acteurs de l'éducation.
Le conseil souhaite également pouvoir
contribuer à l'élaboration de ce nouvel organisme dans une perspective de
dialogue constructif. La création d'un tel organisme, qui permet de rendre des
connaissances issues de la recherche accessibles aux acteurs de l'éducation à
la grandeur du territoire du Québec, constitue donc une avancée importante. Le
conseil constate même que certaines fonctions envisagées pour l'INEE se
rapprochent de propositions qu'il avait formulées antérieurement pour cet
organisme.
Le conseil souligne l'importance pour
l'INEE de répondre aux préoccupations des acteurs scolaires en les associant en
amont à la formulation des priorités retenues. Il approuve le fait que sa
mission s'inscrive dans une perspective large de la réussite, soit celle d'une
réussite éducative qui englobe également le bien-être des élèves. Il apprécie
également l'importance accordée à l'accompagnement pour appuyer le
développement professionnel du personnel scolaire.
Le conseil réitère donc son adhésion à la
création d'un Institut national d'excellence en éducation.
Concernant le conseil et l'INEE, si le
conseil est favorable à l'INEE, il est d'avis cependant qu'il est primordial de
conserver le conseil intégralement pour une vision globale du système
d'éducation québécois. Il importe donc d'assurer la complémentarité des mandats
des deux organismes concernés. Seuls deux éléments de la mission de l'INEE
parmi les 10 cités dans le projet de loi à l'article 5 se rapprochent
de ceux du conseil, soit le premier au sujet de... l'identification des sujets
à traiter, et le neuvième sur la production de rapports sur l'état et les
besoins de l'éducation au moins à tous les deux ans.
À propos du neuvième élément, dans la loi
constitutive du conseil, il est précisé que ce... dernier doit, au moins à tous
les deux ans, faire rapport au ministre sur l'état et les besoins de
l'éducation. Le conseil s'interroge donc sur la pertinence de confier ce mandat
à un nouvel organisme, alors que ce mandat... figure déjà dans la mission du
Conseil de l'éducation, de surcroît, si ce nouvel organisme n'a pas comme
mandat premier un rôle-conseil ni une instance de participation citoyenne
permettant d'assumer adéquatement ces... cette responsabilité. Circonscrire la
fonction du conseil aux questions relatives à l'enseignement supérieur viendrait
tronquer la vision... globale que le conseil peut avoir sur l'ensemble du
système d'éducation et limiterait ainsi la portée de ses recommandations. La
complémentarité des éléments de mission des deux organismes encourage donc la
création de l'INEE tout en maintenant le conseil dans son intégralité.
• (17 h 20) •
Concernant un conseil collaboratif, le
projet de loi n° 23 propose de remplacer le Conseil supérieur de
l'éducation par un Conseil de l'enseignement supérieur dont la fonction serait
circonscrite à l'enseignement postsecondaire... relevant de la ministre de
l'Enseignement supérieur. Si le projet de loi est adopté tel quel, le Québec ne
pourra plus bénéficier du Conseil supérieur de l'éducation dans sa forme
initiale, soit un organisme expert qui a une vue d'ensemble sur l'éducation.
Cela serait fort dommageable, quand on prend en compte l'importance de
considérer le système de façon large, comme le promet notamment l'UNESCO. C'est
particulièrement vrai quand on considère les éléments tels que les transitions
scolaires, les apprentissages qui se font en continu dans tous les ordres
d'enseignement, ces dossiers requièrent absolument une analyse décloisonnée.
Il convient donc d'affirmer que le conseil
souhaite poursuivre sa mission actuelle pour le bien commun en matière
d'éducation au Québec, car il s'agit du seul organisme ayant la composition, le
fonctionnement et l'expertise nécessaires. Dans tous les cas, le conseil va
poursuivre son travail avec impartialité, ouverture et rigueur, en veillant à
répondre aux besoins de l'État et de son système... éducatif, en cultivant ses
partenariats dans une approche d'éducation tout au long et au large de la vie.
En conclusion, nous surveillerons de
près... nous surveillons de près la presse et les auditions débutées la semaine
dernière. Nous sommes très heureux de constater que la grande majorité des voix
appuie le maintien du Conseil supérieur. En ouverture, M. le ministre, vous
avez mentionné souhaiter une gouvernance plus efficace et cohérente, nous sommes
convaincus que le Conseil supérieur de l'éducation peut contribuer à l'atteinte
de cet objectif. Vous avez aussi mentionné être ouvert à bonifier le projet de
loi, par conséquent, pour reprendre une expression que vous avez utilisée,
conserver le Conseil supérieur dans son intégralité, ce serait une bonne idée,
voire une très bonne idée.
Enfin, pour... terminer, je tiens à
remercier toutes les <personnes...
Mme Brodeur (Monique) :
...très
bonne idée.
Enfin, pour... terminer, je tiens à
remercier toutes les >personnes qui, au fil des 60 dernières
années, ont oeuvré au conseil ou y ont collaboré. Elles ont bâti une
institution dont le Québec peut être fier et sur laquelle il peut compter.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Brodeur, pour cet exposé. Donc, nous sommes prêts à débuter
les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Brodeur, et merci aux trois autres
personnes qui vous accompagnent pour la présentation.
Alors, votre mémoire souligne les
bienfaits que vous associez à la création d'un institut d'excellence. Comment
vous... Quelle analyse vous faites du lien entre la reconnaissance de contenus
de formation par l'institut, qui accréditerait, hein, des formations continues,
et le pouvoir prévu au projet de loi... le pouvoir attribué au ministre prévu
par... par le projet de loi, qui lui donnerait la possibilité, donc, de... d'identifier,
sur les 30 heures de formation continue aux deux ans, la possibilité, par
exemple, d'en identifier trois ou six, mettons, qui porteraient sur deux thèmes
prioritaires aux yeux de... aux yeux du ministre, là? Là, c'est moi, ça pourrait
être quelqu'un d'autre un jour, évidemment. Alors, je donne toujours les mêmes
exemples : trois heures, mettons, sur l'enseignement du français, trois heures
aussi, mettons, sur la gestion de la classe, là, puis le... tiens, pour être
encore plus précis, l'exemple de la... du programme de... comment est-ce qu'on
appelle, le comportement positif, hein, c'est bien ça, dont on a parlé plus tôt
aujourd'hui, donc trois heures là-dessus également, pour aider les... les
enseignantes, les enseignants et le personnel scolaire à prévenir des... des comportements
qui... qui viennent créer, par exemple, des difficultés dans la gestion de la
classe. Bon. Comment vous concilier ça? Est-ce que vous... Est-ce que vous,
vous... vous voyez un problème avec ça, d'un côté, un institut qui accrédite
des contenus de formation, et de l'autre, le ministre qui pourrait prioriser un
certain nombre d'heures sur certains thèmes en matière de formation continue?
Mme Brodeur (Monique) : Je
vous répondrais, M. le ministre, que ça... ça s'inscrit tout à fait dans les
visées du conseil, à savoir que le conseil a souvent, ou la plupart du temps,
voire toujours, des... des positions nuancées. Le conseil a toujours,
historiquement, été favorable à la formation continue du personnel scolaire,
signalant que, d'une part, chaque enseignant devait prendre en charge son
développement professionnel en tenant compte de ses besoins propres de
formation, mais en tenant compte aussi des besoins de l'école, des besoins du
système éducatif.
Par exemple, quand arrivera le cours Culture
et citoyenneté, le conseil va considérer tout à fait normal qu'il y ait une
formation qui soit fournie à l'ensemble de la... des enseignants qui vont
devoir assumer cette responsabilité-là. Donc, la... une formule qui soit
hybride, effectivement, qui peut comporter, pour les enseignants, de la
formation qu'ils choisissent en fonction, finalement, des buts de formation, de
développement professionnel qu'ils se donnent, conjuguée avec, justement, des
cours qui portent... ou... des modalités de formation qui portent sur des
enjeux panquébécois, le conseil est tout à fait d'accord avec cette approche-là
qui, je pense, répond aux besoins de formation pour vraiment une... dans une
perspective de... de responsabilité professionnelle qui est tout à fait compatible
avec l'autonomie professionnelle.
M. Drainville : Êtes-vous
d'accord avec le concept de données probantes?
Mme Brodeur (Monique) : Le
conseil s'est positionné en faveur de l'institut en 2017. Encore aujourd'hui,
je pense qu'au conseil, qui est formé, finalement, d'une table composée de...
de représentants de différents groupes de la société, qu'est-ce qu'on veut pour
nos enfants, on veut que ça fonctionne, on veut qu'ils apprennent, on veut
qu'ils se développent. Puis, si toutes les pratiques se valaient, bien,
pourquoi, finalement, une formation en enseignement? Pourquoi de la recherche
en... en éducation? Donc, on... on arrive, en 2023, à un moment où il y a eu
beaucoup de recherche de faite, puis où on voit qu'il y a effectivement des
pratiques qui s'avèrent plus efficaces que d'autres. Puis, l'enjeu, le... Vous
le savez, là, le conseil est très soucieux de l'équité. Bien, si on veut,
justement, mieux répondre aux besoins des apprenants, tantôt M. Prudhomme en
parlait, ceux qui sont particulièrement sensibles justement aux approches les
plus efficaces, ce sont justement, souvent, les enfants ou les élèves qui... sont
en situation de... de vulnérabilité. Donc, c'est une question d'éthique, c'est
une question de responsabilité sociale que d'identifier justement les pratiques
qui peuvent s'avérer les plus aidantes puis de veiller à ce que, finalement,
elles <puissent...
Mme Brodeur (Monique) :
...justement
les pratiques qui peuvent s'avérer les plus aidantes puis de veiller à ce que,
finalement, elles >puissent être diffusées dans... dans le système
éducatif à la grandeur du territoire québécois. Puis là, dans une perspective
d'autonomie professionnelle, tout en respectant cette autonomie, bien, que les
enseignants, finalement, voient la panoplie des pratiques, parce qu'il y a une
diversité de pratiques pour les différents enjeux, puis qu'ils puissent être en
mesure, finalement, de pouvoir les identifier puis ensuite participer à des
formations, de pouvoir... de façon à pouvoir les utiliser tout en exerçant leur...
leur jugement professionnel. Parce qu'une fois que des pratiques ont été
identifiées comme étant très efficaces, bien, encore faut-il se les approprier.
Puis, ensuite, bien, évidemment, que ce soit dans les différents domaines
professionnels, chaque professionnel, après ça, va les utiliser ou les mettre à
profit en fonction, finalement, des élèves, en l'occurrence, avec lesquels ils
travaillent.
M. Drainville : Vous avez une
vaste expérience, Mme Brodeur, hein, dans le domaine de l'éducation.
Résumez-nous, en... en quelques secondes, là, votre parcours.
Mme Brodeur (Monique) : Après
un bac en orthopédagogie, en 1980, alors qu'il n'y avait pas un poste
d'enseignant, même pas à Blanc-Sablon, j'ai commencé à travailler, six ans,
dans un centre communautaire, à deux pas des bureaux du Conseil supérieur de
l'éducation, à Montréal, dans le quartier Centre-Sud, à faire des visites à
domicile puis à faire des activités parascolaires avec les enfants. Et là j'ai
vu que ces enfants-là, ils n'avaient pas de livres à la maison. Puis il fallait
qu'ils réussissent à l'école, il fallait que ça passe par la lecture, et,
woups, ça ne fonctionnait pas. Donc, j'ai fait maîtrise et doctorat sur la
prévention des difficultés d'apprentissage en lecture. Et je suis passée après,
Rive-Sud, un petit déménagement familial, dans la classe d'élèves ayant les
plus grands troubles de comportement d'une commission scolaire. Après ça,
c'était l'école fermée. Et ces enfants-là avaient, pour la plupart, des
difficultés en... en lecture puis des difficultés de comportement. Et, en 1995,
bien là, ils coupaient les professionnels. Puis là, bien, j'avais un doctorat,
que quelqu'un m'a dit : Ce serait peut-être une bonne idée que tu postules
à l'université. J'ai été quatre ans à l'UQTR puis, ensuite, 23 ans à
l'UQAM, où j'ai été 10 ans doyenne de la Faculté des sciences de
l'éducation, deux ans doyenne de la Faculté de sciences politiques et de droit.
M. Drainville : Alors, avec
cette vaste expérience que vous venez de nous exposer, est-ce que vous êtes
capable de nous vulgariser, pour le... mettons, un citoyen qui est... ou une
citoyenne qui n'est pas versée dans le milieu de l'éducation, là, qui n'a pas
une connaissance fine du milieu de l'éducation, comment des pratiques
efficaces, un enseignement efficace seraient davantage efficaces, aideraient
encore plus un élève à besoins particuliers ou un élève qui a des... qui a des difficultés?
Mme Brodeur (Monique) : Je
vais vous donner un exemple. On menait des recherches depuis plusieurs années
sur la prévention des difficultés en lecture. On avait identifié un programme
américain qu'on avait adapté en français. Puis ce programme-là, finalement, a
été diffusé par un organisme à but non lucratif dans... de façon générale, là.
Il s'est rendu beaucoup au Québec, même à l'extérieur du Québec. Puis, dans le
cadre d'une recherche qu'on menait à l'école Saint-Zotique, avec Yolande
Brunelle, on a... implanté justement ce programme-là, encore une fois pour
toujours vérifier, là, son... s'il était bien efficace. Puis une enseignante
qui était à l'école depuis 30 ans, indice de défavorisation 10, là,
indice de défavorisation maximal, nous a dit : Ça fait 30 ans que
j'enseigne en milieu défavorisé et, en 30 ans, c'est la première fois que
mes élèves savent aussi bien le Tour de lire en première année. Le centre de
services scolaire de la Rivière-du-Nord, qui avait beaucoup de décrocheurs, a
implanté aussi ce programme-là. Puis, l'année suivante, la direction générale
s'est fait dire que les enseignantes de... première année avaient un problème :
les enfants savaient trop le Tour de lire, il fallait qu'ils changent le
matériel d'enseignement de la lecture.
M. Drainville : Ils étaient
trop bons en lecture?
Mme Brodeur (Monique) : Ils
étaient trop bons en lecture, par rapport à ce qu'ils enseignaient d'habitude.
Donc, le... le matériel d'enseignement de la lecture qui était utilisé
d'habitude, bien là, c'était trop facile pour les élèves, donc ça créait un
problème. Non, mais c'est un beau problème!
• (17 h 30) •
M. Drainville : Puis
qu'est-ce qui avait donné ce résultat exceptionnel en lecture avec des élèves
qui...
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
c'est l'implantation d'un programme démontré efficace, le programme américain
qu'on avait adapté en français, puis finalement, pour lequel on a formé des
enseignantes, accompagné des enseignantes, puis que... qui a été mis en oeuvre.
M. Drainville : Puis ce
programme-là était est basé sur l'enseignement explicite?
Mme Brodeur (Monique) : Il y
avait, oui... oui, une approche ludique puis basée sur l'enseignement de... des
lettres, la... la prévention des... les... le développement et les habiletés...
phonologiques, puis le tout d'une façon très ludique, inséré, là, dans... dans
les activités du quotidien.
M. Drainville : OK. Donc, ça,
c'est la preuve qu'une pratique éprouvée, donc on a... probante, on a prouvé
qu'elle fonctionnait, elle est probante, peut donner des résultats lorsqu'elle
est bien mise en œuvre?
Mme Brodeur (Monique) : ...de
la formation, de l'accompagnement, puis évidemment des enseignantes
volontaires.
M. Drainville : Et... Oui,
absolument, c'est important, l'adhésion...
17 h 30 (version révisée)
Mme Brodeur (Monique) : ...enseignantes
volontaires.
M. Drainville : Et, oui,
absolument, c'est important l'adhésion. Peu importe, dans ce cas-ci, que l'élève
soit d'un milieu défavorisé ou favorisé, peu importe, en fait, que l'élève
arrive avec des retards de lecture. En fait, la méthode que vous... dont vous nous
parlez, là, a permis à ces élèves, s'il y en avait parmi eux qui avaient des
retards de lecture, vous avez pu rattraper ces retards de lecture.
Mme Brodeur (Monique) : En
fait, comme c'était au préscolaire, il n'y avait pas de retard, hein, c'était
de la prévention. Puis, évidemment que, ce programme-là, les analyses le
révélaient, puis comme le révélaient les travaux américains aussi, les élèves
qui en profitaient le plus, évidemment, c'étaient les élèves qui partaient du
plus loin. Donc, ceux qui avaient les résultats les moins élevés au départ, ce
sont ceux qui ont progressé le plus. Et il y a des élèves qui étaient déjà très
bons en arrivant. Puis c'est là où les données probantes, où un projet comme l'institut,
ça contribue justement à contrer les inégalités du berceau puis ça vient
contribuer à accroître l'équité dans le système éducatif québécois, ce qui nous
rassemble toutes et tous.
La Présidente (Mme Dionne) :
Il reste 45 secondes, M. le ministre.
M. Drainville : Donc, à
noter, ce n'est pas moi qui le dis, que l'institut peut, par des pratiques
efficaces, nous permettre de combler certains écarts entre nos populations qui
peuvent provenir de milieux favorisés par rapport à d'autres qui peuvent
provenir de milieux défavorisés. L'enseignement efficace peut nous permettre de
donner un enseignement plus équitable, plus égalitaire. C'est favoriser l'égalité
des chances.
Mme Brodeur (Monique) : Oui,
ce n'est pas une panacée, ça... Ça ne réglera pas tous les problèmes, mais ça
contribue à justement accroître l'équité.
M. Drainville : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brodeur, et bonjour à l'équipe
qui vous accompagne. Lors de la rédaction du projet de loi n° 23 actuel,
est-ce que vous avez été consultés?
Mme Brodeur (Monique) : Non,
on n'a pas été consultés.
Mme Rizqy : Malgré votre
vaste expérience dans le réseau de l'éducation. Et pourtant, dans le passé,
vous avez été quand même souvent consultés par différents ministres de l'Éducation
si ma mémoire est bonne, là.
Mme Brodeur (Monique) : C'est
arrivé, effectivement.
Mme Rizqy : Vous venez
juste de dire que l'INEE peut aider justement, avec de la recherche bien
diffusée, à pallier des inégalités. Est-ce que le Conseil supérieur de l'éducation
aussi? En ce moment, ce n'est pas ça que vous faites?
Mme Brodeur (Monique) : Oui,
le conseil y contribue. Je vais vous donner un exemple concret. Pour moi, c'est
une expérience relativement nouvelle. Ça fait des années que je lis les travaux
de ce conseil, mais c'est seulement depuis juillet 2022 que j'ai le privilège d'en
assumer la présidence. À l'automne, j'ai été invitée à prononcer une allocution
d'ouverture à une activité organisée par Réseau réussite Montréal et le réseau
des collèges de Montréal sur la question de la transition entre le secondaire
et le collège parce qu'on sait que c'est toujours une transition qui est
sensible, qui est exigeante. Puis, suite à la pandémie, ça l'était davantage.
Puis, quand je suis allée à cette activité, les gens m'ont dit : Ça fait
longtemps qu'on est mobilisés autour de cette question... de cette question-là.
Aujourd'hui, c'est une journée de rencontre, une journée-synthèse, on va
poursuivre les travaux. Et ce qui nous a donné l'idée finalement de travailler
cette question-là, outre les observations qu'on faisait, c'est un rapport du
Conseil supérieur de l'éducation qui, justement, avait documenté cette
problématique-là puis qui avait alimenté la réflexion des acteurs du terrain,
puis finalement qui leur a permis de se mobiliser puis de faire en sorte de
favoriser une meilleure transition secondaire-collégial. Puis quand on parle de
favoriser, d'aider, ce n'est pas nos plus forts qui en ont besoin, hein?
Souvent, c'est justement ceux pour qui c'est un petit peu plus difficile. Donc,
c'est un exemple concret de la contribution du conseil supérieur à accroître l'équité
dans le système éducatif du Québec.
Mme Rizqy : Moi, j'ai
été très surprise de lire le projet de loi où est-ce qu'on en a eu des
attributs au conseil supérieur, puis je m'explique. Lorsqu'il y a eu le groupe
de travail, la très vaste majorité des intervenants ont dit oui pour l'INEE,
mais le conseil supérieur devait rester intégral. Et après maintenant qu'on a
eu des intervenants pour l'étude, ils disent aussi la même chose. Beaucoup
disent en fait, oui pour l'INEE, mais gardons le conseil supérieur intact.
Alors moi, je suis très surprise dans le projet de loi qui ne suit pas
justement une des recommandations du groupe de travail qui était de le
conserver parce que j'ai l'impression que les deux peuvent coexister, là.
Mme Brodeur (Monique) : Absolument.
Puis je vous dirai que peut être que ça correspond à ce que Guy Rocher nous a
dit. Hein, il a célébré récemment ses 99 ans et il est venu nous visiter
au bureau du Conseil supérieur de l'éducation à Montréal. Pendant une heure, il
a fait une présentation. Ensuite, il a répondu aux questions. Puis il a
commencé en disant : «Le Conseil supérieur de l'éducation a fait un
travail formidable depuis 60 ans, mais malheureusement il est <trop
mal connu...
Mme Brodeur (Monique) :
...formidable
depuis 60 ans, mais malheureusement il est >trop mal connu. Donc,
c'est à ça que j'attribue le fait peut-être qu'on ait pensé l'atrophier dans le
cadre du présent projet de loi, et je vous dirai qu'on a reçu l'information
selon laquelle M. Rocher se prononce en faveur du maintien justement du
Conseil supérieur de l'éducation. C'est un héritage précieux, puis je pense
qu'il faut vraiment, collectivement, en prendre soin.
Mme Rizqy : M. Rocher
a dit publiquement qu'il souhaitait le maintien. Si le projet de loi est adopté
tel quel et que, pour reprendre votre expression, le conseil supérieur est
atrophié, c'est quoi l'impact?
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
l'impact, c'est que le conseil est le seul organisme au Québec qui regarde le
système éducatif de la maternelle jusqu'à l'université, incluant justement
l'éducation des adultes, la formation continue et la formation professionnelle.
Je sais, M. le ministre, que c'est un sujet qui vous préoccupe, puis avec
raison, toute cette question de la formation professionnelle puis de façon
afférente l'éducation des adultes et la formation continue, puis ça, ça ne loge
pas seulement au secondaire, ça ne loge pas seulement au collégial, ça touche
plusieurs ordres d'enseignement. Donc, si on veut avoir une réflexion riche,
bien, il faut le regarder justement dans son ensemble. Puis la même chose avec
la question du français, par exemple, dont vous avez fait part hier, puis je
pense que les gens se réjouissent, là, de voir qu'on va vraiment prendre soin
de la lecture, de l'écriture, notamment en français.
Bien, pour avoir mené des travaux sur le
sujet puis comme plusieurs autres personnes, on sait qu'il y a des jeunes qui
finissent l'école obligatoire à 16 ans et qui ont des grandes difficultés
en lecture puis qui vont leur causer toutes sortes de difficultés pour
apprendre justement en formation continue, hein, puis ce qui est essentiel dans
un monde qui évolue aussi vite que le nôtre. On ne devient pas spontanément
analphabète fonctionnel ou avec des faibles compétences en littératie à
16 ans. C'est quelque chose qui s'est produit et qui prend racine en amont
au secondaire, qui prend racine au primaire, qui prend racine au préscolaire,
voire à la maison. Donc, là encore, que le conseil puisse poser ce regard
d'ensemble, identifier finalement qu'est-ce qui va bien, identifier ce qui va
moins bien, hein, je pense que c'est la CSN qui le disait plus tôt, puis on le
sait, que parfois, les avis du conseil peuvent des fois dire : Iceberg à bâbord
ou iceberg à tribord, mais c'est son rôle de vigie, c'est son rôle de conseil.
Puis pour bien piloter le système éducatif, il faut qu'on sache quand la voie
est dégagée puis quand il y a des écueils de part et d'autre. Donc, c'est
vraiment le travail que le conseil peut faire, puis avec ses
100 bénévoles.
• (17 h 40) •
Donc, quand on veut être près du terrain,
venez rencontrer le conseil parce qu'on est... Le conseil, c'est le terrain
d'une certaine façon, avec ses différentes commissions, ses instances, ses
comités. On a l'éducation autochtone, maintenant, un comité sur l'éducation
autochtone, un comité de la relève étudiante, outre le comité sur le rapport...
sur l'état et les besoins en éducation, les cinq commissions qui couvrent tous
les ordres d'enseignement avec des gens du terrain. Puis regardez la liste, à
la fin, des 24, puis ça, c'est sans compter tous les bénévoles qui participent
aux commissions. C'est une équipe extraordinaire puis qui peut nous donner le
pouls. Puis le conseil, c'est sûr qu'à l'occasion on a besoin de réflexion
longue, mais aussi on a cette capacité d'agileté. Donc là, on vient de répondre
à la Commission de l'éthique en science et en technologie, puis aussi à l'innovateur
en chef du Québec pour participer à des travaux sur l'intelligence
artificielle. Donc, on a cette capacité de réflexion longue, mais cette
capacité d'agileté aussi au service de l'État puis du système d'éducation du
Québec.
Mme Rizqy : Alors, si
jamais, par exemple, le projet de loi est adopté tel quel, on risque aussi
peut-être de travailler en silo entre le réseau de l'éducation puis
l'enseignement supérieur?
Mme Brodeur (Monique) : C'est...
C'est un danger réel, puis ça... Le conseil est là, le conseil fonctionne, puis
c'est risqué aussi de confier à l'INEE une tâche qui va le décentrer de ce sur
quoi il doit travailler, puis cette tâche-là est suffisamment prenante en soi
pour ne pas mélanger les choses, parce que l'INEE d'ailleurs, quand il a été
conçu, c'était vraiment dans une perspective de complémentarité avec le
conseil. Jamais il n'a été question que cet institut-là soit créé en assumant
des tâches du conseil. Donc, oui, la création de l'INEE, c'est ce que le
Conseil supérieur de l'éducation dit, mais dans le maintien du conseil
supérieur, puis je pense que là, on aura une complémentarité. Puis avec une
visite annuelle de chaque ministre de l'Éducation au conseil pour venir
exprimer les besoins justement de l'État puis voir comment, nous, on peut
répondre aux besoins de l'État. Je pense qu'il faut accroître la synergie
justement du conseil avec les ministres de l'Éducation puis accroître la
synergie aussi du conseil, éventuellement, avec l'Institut national
d'excellence en éducation.
Mme Rizqy : Merci. Juste
aussi une dernière question que j'ai posée à presque tous les <intervenants,
mais je m'en veux, je ne l'ai pas posée...
Mme Rizqy :
...à
presque tous les >intervenants, mais je m'en veux, je ne l'ai pas posée
à M. Prud'homme, là, mais je pense que dans son mémoire, de mémoire, donc,
l'INEE, là, on a aussi... Je donne l'exemple souvent de l'INESSS, en matière de
santé, évidemment, à savoir les dispositions, c'est très clair, au niveau de
son indépendance, pour ses choix de recherche et de diffusion. Mais évidemment
le ministre peut toujours demander des avis ou une recherche précise. Est-ce
qu'on devrait s'assurer que la disposition habilitante de l'INEE lui donne la
même indépendance que son vis-à-vis qui serait l'INESSS?
Mme Brodeur (Monique) : Ça,
je pense, dès la conception du projet de l'INEE, ça avait été recommandé, là,
cette indépendance. Le conseil supérieur aussi y va de la même recommandation
d'indépendance. Ce qui ne veut pas dire par ailleurs, effectivement, que le
ministre ne peut pas faire part des besoins qu'il perçoit puis qu'il ne puisse
pas y avoir un travail de collaboration. Mais il doit y avoir quand même une
indépendance permettant de faire en sorte que, si l'INEE considère qu'il y a
des sujets qu'il faut absolument aborder, il faut qu'il ait la capacité, là,
justement de pouvoir traiter de ces sujets-là.
Mme Rizqy : Merci. Une
dernière question, le temps me le permet. Avez-vous été surprise de lire, dans
le rapport de la Vérificatrice générale, la semaine dernière, que des données
existent au ministère de l'Éducation, au niveau des enseignants, pour connaître
leur profil scolaire ou leur absence, justement, de profil scolaire, mais que
ces données-là ne sont pas colligées? Donc, ils reçoivent l'information des
centres de services scolaires, mais personne, à l'interne, ne se donne la peine
de colliger cette information, alors qu'elle est assez névralgique pour savoir
qui enseigne à nos enfants.
Mme Brodeur (Monique) : Parce
que ça fait des années, hein, que le problème existe, puis je pense qu'en ce
sens-là c'est une des qualités du présent projet que de permettre, en tout cas,
de vouloir justement s'assurer que...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci. C'est tout le temps qu'on a malheureusement. Je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci.
Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Écoutez, vous avez peut-être
dit quelque chose, vous n'êtes peut-être pas assez connues, ce qui fait que
moi, je me dis, peut-être que le gouvernement s'est dit: Bien, les gens ne se
battront pas dans les autobus parce que le Conseil supérieur de l'éducation
va... en tout cas, va être amputé d'une bonne partie de sa mission. Il y a
vraiment une unanimité, j'ai rarement vu ça, qui dit oui pour l'INEE, mais
gardons le Conseil supérieur de l'éducation. Je ne sais pas, j'ai comme une
intuition qui me dit que peut-être que le ministre va changer d'idée. J'essaie
de regarder mes collègues, d'avoir un peu d'espoir. Vous faites ça vous aussi,
oui. Est-ce que vous avez un peu le même sentiment, on ne sait pas?
Mme Brodeur (Monique) : On
espère.
Mme Ghazal : Parfait.
Écoutez, pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris la parole avant aujourd'hui?
Je suis allée voir votre communiqué le jour du dépôt du projet de loi, puis
j'étais curieuse de savoir pourquoi vous n'êtes pas sorties avant.
Mme Brodeur (Monique) : Je
vais vous expliquer quelque chose, puis je crois beaucoup dans le journalisme,
puis je pense que les journalistes font un travail excellent. Mais, selon mon
expérience, ça arrive parfois qu'il y a un mot qui manque ou il y a une phrase
qui est juste un petit peu transformée, puis ça fait en sorte que le message
qui est communiqué n'est pas exactement le message qu'on voulait exprimer.
M. Drainville : ...
Mme Ghazal : J'ai eu la
même idée.
Mme Brodeur (Monique) : Donc,
étant donné la responsabilité qui m'est conférée de présidente d'un organisme
d'État, je ne voulais pas prendre de chance puis...
Mme Ghazal : Prendre le
temps d'écrire le mémoire...
Mme Brodeur (Monique) : Exactement.
Mme Ghazal : ...une lettre
ouverte, vous trouviez que vous aimiez mieux que ce soit un mémoire.
Mme Brodeur (Monique) : Oui.
Mme Larocque (Marie-Josée) :
Bien, je rajouterai aussi, c'est que le conseil, on a une table, hein...
Mme Ghazal : ...consulter.
Mme Larocque (Marie-Josée) :
...donc la position, on a fait un communiqué, il était quand même, somme
toute, général, puis tout ça. Mais après ça, bien, il fallait prendre position,
il fallait documenter, puis faire adopter ça à la table, donc à notre instance,
le 1ᵉʳ juin dernier. Ça fait que... ce qui fait que...
Mme Ghazal : Je
comprends. Merci. Il me reste peu de temps. J'ai regardé, depuis votre
création, il y a eu 40 avis à la demande des ministres, 314 avis de
votre initiative depuis la création du Conseil supérieur de l'éducation. Depuis
2018, il y a eu combien d'avis qui vous ont été demandés par un ministre de la
CAQ? C'est ça, le sens de ma question.
Mme Brodeur (Monique) : Ça,
c'est une bonne question. Suzanne, peut-être.
Mme Ghazal : On n'est
pas aux crédits là, mais peut-être que c'est une information qu'on peut avoir.
Je sais que vous, vous en avez produit beaucoup, mais à la demande d'un
ministre, de l'ancien ministre ou du ministre actuel, j'étais curieuse, parce
que c'est quand même important.
Mme Brodeur (Monique) : Oui,
il y a des avis réglementaires. Ensuite de ça, il y en a eu un aussi...
Une voix : ...il y en a eu un
sur la reconnaissance des acquis.
Mme Ghazal : Ça fait
qu'il y a eu quelques avis, quand même, à la demande, à la demande d'un ministre.
Mme Brodeur (Monique) : À
la demande des ministres, tout à fait.
Mme Ghazal : O.K. C'est
quelque chose qu'on peut retrouver facilement. Donc, ça arrive que les
ministres vous demandent conseil. Et puis il me reste peu de temps, mais j'ai
deux questions qui viennent à mon esprit. Votre indépendance, souvent, les gens
se disent : Ah! mais l'INEE aussi va être nommé par le ministre. Qu'est-ce
qui fait que vous, vous êtes réellement indépendants?
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
on peut, outre les avis qui nous sont demandés, outre le rapport sur l'état et
les besoins en <éducation qu'on doit produire aux deux ans...
Mme Brodeur (Monique)T :
...le
rapport sur l'état et les besoins en >éducation qu'on doit produire aux
deux ans, le conseil est libre de finalement produire des avis sur tout sujet
qu'il considère...
Une voix : Et de les rendre
publics.
Mme Brodeur (Monique) : ...important
et de les rendre publics. Exactement.
Mme Ghazal : Ce qui est
une distinction avec l'INEE, tel qu'écrit dans la loi. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on avait. Je cède maintenant la
parole à M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je pense que vous faites la
démonstration depuis des années qu'à bientôt 60 ans on reste pertinent, à
60 ans, avec nos valeurs. Je dis ça comme ça. Je salue le ministre. O.K.
C'est son anniversaire. Alors... Et le ministre est...
Une voix : Il a quel âge?
M. Drainville : Près de
60 ans.
M. Bérubé : Vous êtes un
petit peu plus âgé que le Conseil supérieur de l'éducation, mais à peine. Mais
j'ai appris à vous connaître à travers mes fonctions autrefois de conseiller
politique du premier ministre lorsqu'il était ministre de l'Éducation. Et
c'était Céline Saint-Pierre qui était présidente à l'époque. Et on a souvent eu
recours à vous, et pour des avis qui étaient très éclairants. Et j'ai voulu
revenir aux origines. Qu'est ce qui était les... l'engagement initial? Arthur
Tremblay, grand sous-ministre de l'histoire du Québec, 31 août 1964. C'était
le sous-ministre de Paul Gérin-Lajoie. Il avait déclaré, et je cite pour le
bénéfice des collègues : «Le gouvernement et la société tout entière
comptent sur l'apport d'un Conseil supérieur de l'éducation qui sera tout à la
fois lucide, attentif aux besoins du milieu, enraciné, éclairé et clairvoyant,
franc et direct autant que généreux et ouvert d'esprit, déterminé autant que
réaliste.»
C'est quand même fort. Et selon moi et les
gens que j'ai consultés, vous demeurez fidèles à cet engagement et au rêve
qu'avait le Conseil supérieur de l'éducation à son origine, à sa naissance.
Qu'est-ce qu'on perd au Québec si on change le rôle actuel du Conseil supérieur
de l'éducation? Et c'est peut-être la tribune privilégiée pour l'exprimer.
Mme Brodeur (Monique) : On
perd beaucoup parce que l'enseignement supérieur, puis j'arrive de
l'université, c'est quelque chose de très important pour le Québec, d'autant
plus important qu'on se rappelle qu'avant les années 60, les femmes, les
gens de milieux défavorisés, les gens de milieu rural, y avaient très peu
accès. Donc, après le rapport Parent, ça a donné l'accès. Mais si on veut que
les jeunes se rendent là, il faut d'abord qu'ils réussissent à la maternelle,
au... bon, au préscolaire, au primaire, au secondaire. Puis ça, c'est le
fondement. Donc, si on veut vraiment que l'éducation au Québec soit vraiment
pour l'ensemble de la population dans une perspective d'équité, il faut que
justement il y ait une attention qui soit conférée, qui soit accordée au début
de la scolarisation des jeunes. Puis, à cet égard là, l'INEE va pouvoir y
contribuer, mais le conseil y contribue depuis plusieurs années puis doit
pouvoir contribuer encore à éclairer tout le parcours éducatif des enfants dès
leur arrivée à l'école. Puis en ce sens-là, il y a une belle complémentarité
entre l'enseignement obligatoire puis l'enseignement postsecondaire.
M. Bérubé : Donc, vous
plaidez pour une complémentarité entre l'organisation qu'on veut créer,
l'institut, et votre rôle.
Mme Brodeur (Monique) : Tout
à fait.
M. Bérubé : Vous l'avez
inscrit dans votre mémoire.
Mme Brodeur (Monique) : Exactement.
M. Bérubé : Je sais le ministre...
C'était sans malice, là, pour le ministre, tout à l'heure, mais je le sais
sensible à ça, à la reconnaissance historique de notre... de nos grandes
institutions. Je sais depuis longtemps qu'il est sensible à ça. Donc, c'est une
proposition pleine de sens. J'espère qu'elle sera retenue. Ça a permis de
réaffirmer votre rôle. Je ne sais pas combien de temps pour rajouter des
compliments.
La Présidente (Mme Dionne) :
30 secondes, M. le député.
M. Bérubé : Je vous
accorde, ces 30 secondes. Qu'est-ce que vous désirez ajouter?
La Présidente (Mme Dionne) :
10 secondes, pardon.
Mme Brodeur (Monique) : Écoutez,
on n'a jamais autant entendu parler, je pense, du Conseil supérieur de
l'éducation en si peu de temps. Puis je pense que le conseil est vraiment très
heureux de voir toute...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, Mme Brodeur.
Mme Brodeur (Monique) : ...la
reconnaissance qui lui est accordée.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment. Alors, merci, mesdames, pour votre contribution à cette
commission. Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
19 h (version révisée)
(Reprise à19
h 30
)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bonsoir à tous! La Commission de la culture et de l'éducation va maintenant
reprendre ses travaux. Donc, nous poursuivons les consultations particulières
et les auditions publiques sur le projet de loi n° 23,
Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la
Loi sur l'Institut national d'excellence en éducation.
Donc, ce soir, nous entendrons, d'une
part, la Pre Mme Nancy Goyette et ainsi que la Fédération des syndicats de
l'enseignement.
Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Goyette.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé,
peut-être aussi nous présenter l'équipe qui vous accompagne ce soir. Donc, sans
plus tarder, je vous cède la parole.
Mme Goyette (Nancy) : Bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, tous les députés de la CAQ et les députés de
l'opposition. C'est avec beaucoup de plaisir et d'enthousiasme qu'on est là ici,
aujourd'hui, pour partager avec vous notre point de vue de chercheurs
concernant ce projet de loi là. Et je voudrais souhaiter bon anniversaire à M. Drainville,
bien entendu, en souhaitant que cette journée...
Une voix : Le champagne
arrive, là.
Mme Goyette (Nancy) : Oui, c'est
ça, que cette journée longue là n'est pas très évidente, je pense, pour tout le
monde. Donc, ce que je voulais dire, c'est vraiment, premièrement, que les
chercheurs...
19 h 30 (version révisée)
Mme Goyette (Nancy) : ...très
évidente, je pense, pour tout le monde. Donc, ce que je voulais dire, c'est
vraiment, premièrement, que les chercheurs en sciences de l'éducation ne sont
pas réfractaires au changement, loin de là. Plusieurs d'entre eux, là, font preuve
d'innovation dans leur domaine, bien entendu.
Ce qu'il faut dire des changements, c'est
que les bons types de changement amènent des bénéfices pour une institution,
pour une instance. Et il y a des changements aussi qui vont parfois amener un...
un esprit de survie qui n'amène pas de bénéfices pour personne.
Donc, pour ce qui est de l'INEE, nous...
nous, comme chercheurs, avons étudié le projet de loi et nous avons des
recommandations et des mises en garde concernant ce qui se passe dans les
milieux. Nous faisons de la recherche, là, constamment, dans ces milieux-là,
avec des gens, donc nous ne sommes pas dans des tours d'ivoire, bien entendu.
Et... et voilà.
Et vu que la finalité que M. le ministre
trouve importante, celle, justement, de la réussite éducative et du bien-être
des élèves, serait, de prime abord, une finalité que tout le monde, là,
épouserait, nous aimerions, là, vous donner notre point de vue, qui est
peut-être fort différent de certaines autres personnes, là, qui sont venues
ici.
Je me présente, Nancy Goyette. Mon champ d'expertise,
c'est la psychopédagogie du bien-être, donc je travaille sur le bien-être des
élèves, des enseignants, ainsi que le bien-être dans les institutions
éducatives. Je suis accompagnée de Mylène Leroux, de l'Université du Québec en
Outaouais, de M. Marc-André Éthier, de l'Université de Montréal, et aussi
de M. Denis Savard, de l'Université Laval. Et on vous remercie aussi de
nous avoir donné l'occasion de travailler en collégialité interuniversitaire
pour étudier ce projet-là. Donc, je donne la parole à Mylène.
Mme Leroux (Mylène) : Veux-tu
débuter, Marc-André?
M. Éthier (Marc-André) : Bon.
Bien oui, je suis Marc-André Éthier. Je parle à titre personnel, mais j'ai
constaté quand même que plusieurs personnes se demandent, dans notre entourage,
là, à quoi sert le projet 23, puis on a des questions par rapport à ça
pour voir s'il est cohérent avec ses ambitions.
On se demande, par exemple, et c'est une
série de questions que je vais poser, on se demande, par exemple, si le projet
de loi comble un besoin de synthèse sur la recherche en éducation, parce qu'il
nous semble que ce n'est pas le cas puisqu'il y a déjà le Conseil supérieur de
l'éducation qui écrit des synthèses, des avis importants comme celui sur l'intelligence
artificielle en 2020 ou bien ceux de 2004, 2005, qui dénonçaient déjà... qui
annonçaient déjà la pénurie d'enseignants et proposaient de développer la
reconnaissance des acquis. Donc, on aurait pu conserver simplement le conseil,
lui donner des mandats, l'écouter, etc.
Ensuite, on se demande aussi si le projet
de loi comble un besoin de synthèse sur les bonnes pratiques, parce que ça ne
semble pas vraiment le cas puisqu'il y a déjà des organismes qui font des
veilles et du transfert de connaissances sur les pratiques en éducation, comme
le CTREQ, qui est implanté depuis 20 ans, qui collabore avec de multiples
partenaires, qui a un site Web visité par 500 000 personnes par
année... ou, enfin, 500 000 visites, je devrais dire. On pourrait
donc simplement aider la coordination de groupes comme ceux-là, qui font des
veilles et qui font du transfert.
On se demande aussi si le projet peut
permettre d'obtenir de l'information qui n'est pas disponible autrement sur le
système scolaire, alors que le ministère a déjà CollecteInfo, Charlemagne, il pourrait
peut-être s'assurer que ça fonctionne bien d'abord. On pourrait demander à des
universitaires d'analyser les données, s'il n'y a pas les forces vives pour le
faire, ou bien revitaliser la direction des statistiques et la direction de la
recherche du ministère. Ce sont des choses qui pourraient être faites aussi.
On se demande ensuite si le projet de loi
comble un besoin de production de nouveaux savoirs. Mais là vraiment pas, de
nombreux chercheurs du CRIFPE, dont je fais partie, du CRIRES, dont fait partie
Denis, et les deux autres font partie du CRIFPE avec moi aussi, sont
productifs, ont des travaux reconnus à travers le monde. On a même, je dirais, des...
des vedettes internationales, par exemple, Susanne Lajoie, Jacques Tardif,
Maurice Tardif, pour ne nommer que ces trois exemples-là, parce qu'ils ont
reçu, la semaine passée... ils ont été intégrés à l'Ordre d'excellence en
éducation du Québec à la... au salon rouge, la semaine passée.
Donc, divers travaux, qui comprennent des
recherches variées en sociologie basées sur des statistiques descriptives, sur
le nombre d'enseignants non qualifiés, par exemple, sur l'histoire des ordres
professionnels, sur les pratiques d'accompagnement en stage, sur l'effet des
jeux vidéo en classe, sur le contenu des examens et des programmes, sur les
effets des formations courtes à l'enseignement, sur les aides à la classe, etc.,
etc. Il y a des centaines de recherches qui se font, là.
Le projet de loi comble-t-il un besoin de
recherche plus précis de la part du ministère? Bien, si c'est le cas, il
faudrait peut-être se servir d'actions concertées du FRQSC, qui permet de
répondre aux besoins exprimés par différents groupes comme le ministère.
Et là je vais vite, je m'excuse, je suis
un peu stressé. Le projet de loi comble un besoin de formation, peut-être? Bien,
je ne penserais pas. En tout cas, les universités font déjà de la formation
continue et de base.
Ensuite, dernière... avant-dernière question.
Je finis après. Je laisse la parole à mes collègues. Est-ce que le projet de
loi comble un besoin d'évaluation des programmes de formation à l'éducation
préscolaire et à l'enseignement primaire et secondaire? Non, Il y a déjà le
CAPFE qui le fait, il fait peut-être même plus que ce que les organismes
proposés vont faire puisque le projet de loi ne prévoit pas une assurance
qualité à l'agrément des programmes... associée à l'agrément des programmes, je
devrais <dire...
M. Éthier (Marc-André) :
...les
organismes proposés vont faire puisque le projet de loi ne prévoit pas une
assurance qualité à l'agrément des programmes... associée à l'agrément des
programmes, je devrais >dire.
Finalement, le projet de loi comble-t-il
un besoin d'implication des différents acteurs de l'éducation, de prise en
compte des milieux? On l'a entendu beaucoup cette semaine. Non, le CAPFE et le
Conseil... supérieur de l'éducation, pardon, mobilisaient déjà un grand nombre
d'acteurs très diversifiés de tous les ordres du système éducatif qui ne
poursuivaient pas d'intérêts partisans ni intérêts financiers et les milieux
demandent le maintien de ces organismes-là.
Donc, personnellement, je ne vois pas ce
qu'ajouterait l'INEE, même s'il peut y avoir des choses... des... des idées
intéressantes, des objectifs intéressants. Les moyens proposés ne semblent pas,
dans le projet de loi, en tout cas, tel qu'il est maintenant, être atteints et
pourraient l'être à de moindres coûts et plus rapidement en exploitant ce qui
existe déjà. Donc, pour terminer, je dirais qu'il serait dommage que l'INEE ne
tienne pas compte des acquis.
Mme Goyette (Nancy) : Merci.
Vas-y, Mylène.
Mme Leroux (Mylène) : Je vais
y aller très rapidement moi aussi, hein, on doit se partager un lot... un lot
de préoccupations à nous quatre.
Donc, peut-être pour revenir sur certaines
préoccupations que nous avons par rapport au projet de loi. Il y a un élément
qu'on ait développé dans notre mémoire autour du développement professionnel
des enseignants, donc, que ce soit la formation initiale, l'insertion
professionnelle ou la formation continue.
Au point de vue de la formation initiale,
une des choses qui nous préoccupe, c'est une certaine atteinte à l'autonomie
des universités, qui sont les premières responsables d'élaborer, de déployer,
de mettre en œuvre et d'évaluer les programmes de formation à l'enseignement.
Donc, on a beaucoup parlé du principe de subsidiarité. Pourquoi ne
s'applique-t-il pas aux universités?
On a entendu, je... je saute aux éléments
essentiels, que des formations courtes alternatives étaient aussi efficaces que
des formations traditionnelles. Il faut savoir que ces études-là sont pour la
plupart faites aux États-Unis. Et, quand on parle de formation alternative, ça
peut aller de deux semaines à... à trois mois, donc ça peut varier beaucoup. Ce
n'est pas nécessairement des formations qui sont comparables.
Et, quand on parle d'efficacité, il faut
toujours se demander dans quelle finalité. Donc, qu'il n'y a rien qui est
efficace dans l'absolu, hein, c'est efficace pour quelque chose. Si vous me
demandez : Est-ce que la formation courte, comme celle qui est présentée à
la TÉLUQ, est efficace pour résoudre une pénurie, atténuer une pénurie? La
réponse, c'est non. Il y a des études aux États-Unis qui nous indiquent... des
études avec des résultats probants qui nous indiquent que les personnes qui ont
des formations alternatives comme celles-là ont davantage de probabilités de
quitter la profession. Donc, on va, à terme, amplifier la... la pénurie et on
va mettre une charge supplémentaire sur l'insertion professionnelle, là où on
rencontre déjà des défis dans ce soutien-là.
Sur la formation continue, je vais
simplement dire que différents éléments dans la loi font en sorte qu'on ne
rencontre pas les conditions d'un développement professionnel efficace, donc,
qui répondent aux besoins et aux motivations des personnes, surtout donner plus
de temps aux personnes. Donc, en ce moment, ce n'est pas nécessairement que les
enseignants n'ont pas l'information sur différentes pratiques, mais ils n'ont
pas le temps de s'approprier tout ça, ils n'ont pas d'espace de temps non plus
pour collaborer avec leurs collègues. Maintenant, ça aussi, ça annonce une
amplification de la gestion axée sur les résultats, qui peut avoir des impacts
négatifs sur le bien-être, la réussite éducative des élèves, parce que la
réussite éducative va plus loin que la réussite scolaire, hein? Si on pense à
la motivation, au bien-être, etc. Et, si on veut parler de bien-être des
élèves, il faut aussi se préoccuper du bien-être des enseignants.
• (19 h 40) •
Mme Goyette (Nancy) : Vas-y,
Denis.
M. Savard (Denis) : Tu
veux-tu passer aux recommandations?
Mme Goyette (Nancy) : Non,
vas-y.
La Présidente (Mme Dionne) : 45 secondes.
M. Savard (Denis) : 45 secondes.
OK. Alors, rapidement, on laisse flotter dans la population l'idée que la
situation est catastrophique en éducation, que c'est le gouffre de la réforme,
que les mauvaises méthodes sont appliquées et qu'il faudrait commencer à
s'occuper de nos garçons, qu'il faut une réforme et que ça presse, tout ça. Et
là, voici, ça, c'est les chiffres, c'est les taux de diplomation depuis la
dernière réforme. Alors, on est... on a eu une augmentation de 11,7 % du
taux de diplomation. Chez les garçons, ça a augmenté de 14,5 %, 6 %
de plus que pour les filles. L'écart entre les garçons et les filles a été
réduit de 38 %. Autre étude, les élèves québécois, neuvième sur 60 en
mathématiques.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps qu'on a pour la présentation, mais nous allons
maintenant débuter les échanges. Alors...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) :
Mais il n'y a pas aucun souci. Donc, je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Sur la
formation continue, êtes-vous d'accord avec l'idée que, sur un 30 heures,
mettons, aux deux ans, que je puisse prioriser, mettons, pour trois heures
ou six des 30 heures, certains thèmes qui sont... qui s'imposent
d'eux-mêmes, là, par exemple la situation du français, par exemple la gestion
de classe? Est-ce que c'est une idée avec laquelle vous êtes <d'accord?...
M. Drainville :
...je
puisse prioriser, mettons, pour trois heures ou six des 30 heures,
certains thèmes qui sont... qui s'imposent d'eux-mêmes, là, par exemple la
situation du français, par exemple la gestion de classe? Est-ce que c'est une
idée avec laquelle vous êtes >d'accord?
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
l'imposition, c'est... c'est un problème au niveau de l'autonomie
professionnelle, premièrement. Puis chaque enseignant a un contexte dans la
vie, un contexte de classe. Et il se peut que, si vous imposez, je ne sais pas,
moi, n'importe quel type de formation, ça ne réponde pas aux besoins de
l'enseignant au... au temps où vous l'imposez. Ça se peut que, par exemple,
l'enseignant soit aux prises avec un enfant dyslexique. Il doit prendre une
formation par rapport à cette problématique-là. Donc, si vous, vous dites :
Bien, on impose quelque chose en français...
M. Drainville : Non, je
n'impose pas une formation, j'impose un thème à l'intérieur duquel il y aura un
certain nombre de formations qui seront disponibles, là. Je ne vais pas dire :
Vous prenez tous la même formation.
Mme Goyette (Nancy) : Mais qui...
qui vous conseillerait sur le thème à imposer?
M. Drainville : Bien, il y
aurait des discussions, là, avec les... les personnes qui réfléchissent à ces
choses-là. Mais comme ministre de l'Éducation, je veux dire, à un moment donné,
il faut que je serve à quelque chose, moi, là, là. Alors... Hein?
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
vous servez à quelque chose, bien entendu.
M. Drainville : Bon. Alors,
tu sais, actuellement, je me... je me promène dans les classes, dans les
écoles, je... je discute, je réfléchis, je rencontre beaucoup, beaucoup de
gens. Et je pense que la situation du français pourrait être un thème. Et, une
fois que... que ce thème-là est... est priorisé, effectivement, bien, il y
aurait toute une panoplie de formations à l'intérieur de laquelle les
enseignants pourraient choisir, mais à l'intérieur du thème, par exemple,
amélioration des pratiques en matière d'enseignement du français, par exemple.
Ça pourrait être le thème gestion de classe, les difficultés auxquelles nos... nos
enseignants sont confrontés, nos enseignantes sont confrontées en matière de
gestion de classe.
Alors, je leur dirais : Bien,
écoutez, sur les 30 heures, il y en aurait trois heures sur deux ans
où il faudrait prioriser le thème de la gestion de classe. Puis là il y aurait
un certain nombre de formations qui seraient disponibles puis là ils
choisiraient la formation qu'ils veulent, là, ce n'est pas moi qui va choisir
la formation pour... pour elles. Donc, dans la vaste majorité du
30 heures, ce serait au choix des enseignantes et des enseignants selon
leurs besoins. Donc, c'est une espèce d'équilibre, il me semble, que je... que
je vous soumets, là. Ça ne... Vous n'adhérez pas à cet équilibre, si je
comprends bien?
M. Éthier (Marc-André) : On
adhère à l'équilibre, évidemment. C'est toujours bon, l'équilibre, la question
n'est pas là. Si... Mais on parlait tantôt de la possibilité d'avoir le plus de
marges de manœuvre possible pour les enseignants, bien, ça peut être important,
parce qu'il se pourrait, par exemple, je donne un exemple un peu aléatoire mais
anecdotique, qu'un chargé de cours, qui soit en même temps un enseignant au
primaire ou au secondaire, ait formé, dans ses cours, le formateur qui va lui
dire quoi faire. Donc, il faut s'assurer, bien sûr, que les formations sont
adaptées aux personnes qui sont là.
Mais, en même temps, aussi, il se pourrait
que quelqu'un veuille suivre, par exemple, des cours universitaires en histoire,
en géographie, en maths, et que ce ne soit pas prévu par vous. Et ce n'est pas
nécessairement mauvais, ça pourrait rentrer dans le 30 heures, ça pourrait
inciter les gens à faire... à organiser leur horaire, parce que ce n'est pas
simple non plus de faire ça en soirée quand tu as la famille, tout ça. Bon.
Donc, ça pourrait être bien des choses qui
pourraient servir à mieux enseigner, il n'y a pas que les méthodes pratiques
qui servent à enseigner mieux. Parfois, mieux comprendre sa matière, la creuser
davantage permet de faire des choix plus éclairés d'une méthode qui est plus
adaptée aux vrais besoins en termes d'objectifs d'apprentissage et pas
seulement en termes de transmission. Il y a les deux, hein, on ne peut pas
faire l'économie de l'autre.
M. Drainville : Mais, si je
vous comprends bien, il me semble que ce que je propose et ce que vous
proposez, c'est... c'est éminemment conciliable, parce que ce que vous proposez
pourrait tomber, pour reprendre l'exemple que j'ai donné, dans les 24 heures
sur lesquelles ce serait la... comment dire, l'autonomie absolument absolue,
absolument absolue.
Mme Goyette (Nancy) : Je suis
désolée, M. le ministre, mais comment on... on peut... Bien, qu'est-ce qu'on
fait avec les enseignants qui n'ont pas besoin de cette formation-là, parce
qu'ils sont bons en gestion de classe, par exemple, ou ils sont excellents en
français? Ils vont perdre six heures de formation continue qu'ils
pourraient faire dans d'autres choses pour améliorer leurs compétences.
M. Drainville : Oui, mais
moi, je vous... six heures, pour moi, c'est deux fois trois heures, là,
c'est deux thèmes, là, je donne cet exemple-là. Mais, si vous avez... mettons,
si on prend la gestion de classe, si vous avez, je ne sais pas, moi, à
l'intérieur du grand thème gestion de classe, il y a 10, ou 15, ou
20 formations continues qui sont accréditées, je pense, je peux me
tromper, là, mais je pense que sur les 15, admettons, qui seraient disponibles,
je serais étonné, admettons, qu'une personne qui se considère absolument
totalement compétente à gérer une classe qui n'est pas facile, je serais étonné
qu'à l'intérieur, mettons, du bouquet de 15 formations continues qu'il n'y
en ait pas un ou deux qui lui parle puis dans laquelle elle a... elle a le goût
de s'investir. Je serais... je serais étonné de ça.
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
peut-être si je peux ajouter... Est-ce que tu me permets? Il y a plusieurs
questions qu'on se pose, où on se demande mais <pourquoi...
M. Drainville :
...qu'il
n'y en ait pas un ou deux qui lui parle puis dans laquelle elle a... elle a le
goût de s'investir. Je serais... je serais étonné de ça.
Mme Leroux (Mylène) :
Bien,
peut-être si je peux ajouter... Est-ce que tu me permets? Il y a plusieurs
questions qu'on se pose, où on se demande mais >pourquoi? Pourquoi ce
serait nécessaire que vous, M. le ministre, vous ayez besoin d'obliger ce type
de formation là? Pourquoi on supposerait que s'il y a des problèmes de
comportement dans la classe, c'est nécessairement parce que c'est l'enseignante
qui n'est pas suffisamment formée ou qui n'a pas suffisamment développé sa
compétence? Donc, il y a... il y a ces éléments-là. Puis l'autre... l'autre question
qu'on peut...
M. Drainville : ...professionnel,
le développement professionnel, est-ce que vous croyez là-dedans, vous?
Mme Leroux (Mylène) : Bien
sûr. Écoutez, c'est une des compétences professionnelles du référentiel de
compétences. On doit nous-mêmes former les futurs enseignants à être actifs, à
développer une pratique réflexive. Donc, absolument, c'est quelque chose qu'on...
qu'on va tout à fait appuyer. Le problème, c'est qu'on vient contrecarrer les
études sur le développement professionnel efficace qui nous disent que ce n'est
pas dans ce sens-là qu'il faut aller. Si on détermine des besoins collectifs
dans l'école, c'est une chose, mais je ne vois pas comment, si c'est une
décision qui est prise par le ministre, ça vient nécessairement répondre aux
besoins soit de l'école ou du milieu. Ça, c'est une chose. L'autre chose, c'est
qu'il n'y a pas...
M. Drainville : ...imputable?
Mme Leroux (Mylène) : Mais je
veux bien.
M. Drainville : Vous ne
croyez pas que je suis imputable à la population, moi, comme ministre de
l'Éducation?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
absolument. Mais en quoi est-ce que, s'il y a une problématique qui survient,
on fait tout de suite l'association avec le fait que les enseignants ne
seraient pas suffisamment formés? Il faudrait aussi documenter cet aspect-là.
Quand on dit, par exemple : Les enseignants ne connaissent pas les
pratiques efficaces. Bien, est-ce qu'on le sait s'ils ne les connaissent pas,
ils ne les mettent pas en œuvre? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres facteurs qui
peuvent expliquer qu'est-ce qu'on rencontre comme problématiques actuellement?
M. Drainville : Mais il n'y a
personne qui a dit que les enseignants... les enseignants ne connaissaient pas
les pratiques efficaces?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
en tout cas, moi, je l'ai entendu aujourd'hui.
M. Drainville : Bien, ce que
j'ai entendu, moi, aujourd'hui, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment...
l'accent n'était pas suffisamment mis sur l'enseignement efficace, sur les
pratiques efficaces, mais je n'ai pas... bien, en tout cas, peut-être que j'ai
mal entendu, là, mais je n'ai pas entendu quelqu'un déclamé que tous les
enseignants n'y connaissaient rien à l'enseignement efficace, là, je ne crois
pas, là, avoir entendu ça.
Mme Leroux (Mylène) : Mais
même pour l'enseignement explicite, peut-être, ou les pratiques efficaces, on
dit par exemple que l'enseignement explicite n'est pas enseigné dans les
formations initiales. Je n'ai pas vu de données sur ce sujet-là. Ce sont des
impressions.
M. Drainville : Est-ce qu'il
l'est? Est-ce qu'il l'est?
Mme Leroux (Mylène) : Oui.
M. Drainville : Oui? D'accord.
Mme Goyette (Nancy) : Oui,
c'est une stratégie comme une autre.
Mme Leroux (Mylène) :
...comme un autre.
M. Drainville : Donc, vous
êtes... OK.
Mme Leroux (Mylène) : Parce
qu'en fait il n'y a pas de... il n'y a pas de pratique efficace absolue. Il
faut déterminer des finalités.
M. Drainville : Mais je... je
vais aller à l'essentiel. Je pense que... Est-ce que vous trouvez quelque chose
de positif dans le projet de loi n° 23 ou est-ce que tout est négatif?
• (19 h 50) •
Mme Leroux (Mylène) : Moi, je
trouve qu'il y a une chose qui est positive, c'est que le ministère aille
chercher davantage de données sur le terrain. Donc, par exemple, de savoir
combien d'enseignants quittent en termes de pénurie, ça, ce serait intéressant
de le savoir. Les raisons de leur... du fait qu'ils quittent, ça pourrait être
très intéressant. Les gens qui partent en retraite et en retraite devancée,
anticipée, parfois en ayant de grandes pénalités, qu'est-ce qui fait qu'ils
quittent ces personnes-là? On a des données internationales, mais on manque
peut-être de données au Québec. Donc, cet élément-là d'enrichir les données
qu'on peut aller chercher du... du milieu, les données qu'on peut aller
chercher du milieu, et d'améliorer la communication bidirectionnelle, là, certains...
certaines personnes en ont parlé, ça, je pense que c'est un aspect qui est très
positif.
M. Éthier (Marc-André) : ...a
fait une recherche là-dessus. Il y a des recherches qui existent aussi. On peut
lire, ça se fait, lire, là, les recherches. Ça pourrait être intéressant de
commencer par ça aussi.
Mme Goyette (Nancy) : ...c'est
que, sachant que la loi aura probablement lieu, que vous allez la faire
adopter, il faudrait peut-être plus penser à une consolidation au niveau aussi
des instances que l'on a. Le CAPFE est vraiment une instance importante pour
baliser la formation initiale et nous... tu sais, pour donner aussi le ton aux
universités concernant ce que le ministère veut. Ça, bon, le Conseil supérieur
de l'éducation, je pense que là, tout le monde a été convaincu par rapport à
ça. Mais pourquoi faire une mégastructure quand toutes les choses sont en
place? Est-ce qu'on ne pourrait pas coordonner les choses, justement? Ce serait
peut-être le rôle du ministère de l'Éducation de... de répertorier tout ce que
l'on a, parce qu'on a des choses, et ensuite de se dire : Bien, comment on
peut fonctionner? On n'a pas besoin nécessairement d'un institut d'excellence
national en éducation. Là, je l'ai débaptisé, je m'excuse, puis je ne voulais
pas faire une blague avec ça, là. Mais on peut repenser et faire des
changements parce qu'on est rendus là, là, au Québec, on est rendus là, faire des
changements.
Moi, je pense qu'au niveau des
recommandations aussi, c'est... c'est d'aller consulter davantage une variété
de personnes, la communauté pour vraiment voir... Peut-être, je ne le sais pas,
moi, une commission Parent 2.0, ça, ça pourrait être un beau travail que
vous pourriez <effectuer...
Mme Goyette (Nancy) :
...c'est
d'aller consulter davantage une variété de personnes, la communauté pour
vraiment voir... Peut-être, je ne le sais pas, moi, une commission Parent 2.0,
ça, ça pourrait être un beau travail que vous pourriez >effectuer comme
ministre de l'Éducation qui aurait du sens pour le milieu, parce qu'on le sent
que le milieu a besoin de changement. Les chercheurs le savent aussi. On... on publie
des données de recherche là-dessus. Puis je pense que mon souhait le plus cher,
ce serait que... Bien, cette loi-là, c'est... c'est un beau pas en avant pour
réfléchir à l'éducation, mais d'aller plus loin puis de se dire : Bien, comment
on peut... on peut être encore meilleurs, mais travailler ensemble dans une
collectivité et une acceptation de la diversité des recherches, la diversité
des milieux, la diversité des... des stratégies d'enseignement? Comme
enseignant, on ne peut pas enseigner juste une stratégie. Puis, les stratégies
efficaces, mais ça ne marche pas tout le temps. Puis il faut supporter nos
nouveaux, mais il faut supporter aussi nos... nos enseignants qui sont experts,
parce que c'est eux qui décrochent présentement parce qu'ils n'en peuvent plus.
Donc, comment on peut trouver ensemble une solution?
Moi, c'est... je pense que c'est ça que
j'aurais à vous dire, M. le ministre, de tout mon cœur, là, je pourrais dire. Moi,
c'est le bien-être. La finalité de l'éducation devrait être la réussite
éducative, le bien-être de nos élèves, mais aussi le bien-être de tous les
acteurs de l'éducation pour y arriver. Puis on en a des exemples internationaux
où on se concerte et on y arrive. Donc, c'est... c'est un peu le message qu'on
vient vous livrer. Puis, bonne fête encore.
M. Drainville : Merci.
M. Savard (Denis) : M. le
ministre, moi, ce que j'aime dans le projet, c'est tout le côté statistique,
naturellement. Puis j'aimerais vous dire que le Québec a été un leader mondial
dans tout ce qui est l'étude des trajectoires, des... de la scolarisation, tout
ça, parce qu'on avait des données qui étaient centralisées au ministère de
l'Éducation. Ça n'existait nulle part ailleurs. Ça fait que beaucoup des
méthodologies qui sont appliquées mondialement maintenant originent d'ici.
Et là on est en train, je pense, d'être
capables de rendre ça au niveau des écoles, mais pas pour suivre les
enseignants à la trace, comme si on traversait le parc de La Vérendrye avec un
char de police en arrière, mais plutôt d'amener du soutien, de dire... Monsieur
est directeur d'école ici, d'être capable de dire : Bien, voilà, cet
élève-là, on sait qu'il peut avoir des difficultés durant l'année, puis on peut
le voir aller, puis intervenir à un moment donné. Puis, tout ça peut servir
aussi à faire des études qui vont nous permettre d'améliorer le système et même
des études avec des données probantes, imaginez-vous.
M. Éthier (Marc-André) : ...c'est
qu'il y a déjà beaucoup de choses qui existent et qui existaient avant qu'on
pourrait simplement remettre en l'état, et ce serait suffisant. Pas besoin de
construire un nouveau monstre, il y a déjà des choses qui existaient. Vous avez
un ministère qui a des directions qui font de la statistique. Il y avait de la
recherche qui se faisait avant. Refaire ça, ça se fait. C'est plus simple que
de faire une autre structure. Ce serait possible de le faire.
M. Drainville : Merci. Merci.
La députée de Lotbinière-Frontenac souhaite intervenir.
La Présidente (Mme Dionne) : ...la
parole est à vous.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci. Bien, merci d'être là. Tout à l'heure, vous avez parlé du taux de
diplomation qui s'améliore puis la réussite des garçons. Vous nous avez montré un...
un tableau. Oui, je suis consciente que le taux de diplomation augmente depuis
les dernières années, mais est-ce que ça va bien?
Moi, je... je vais dans les écoles. J'ai
fait une tournée depuis le mois de novembre. Il y a des belles choses qui se
passent, c'est sûr. On parle beaucoup plus des mauvaises choses qui arrivent
parfois, mais, tu sais, moi, on me dit que, bien, tout ne va pas bien. Puis on
me parle aussi beaucoup de violence. Donc, je pense qu'il y a un... un problème
de gestion de classe, bien, plutôt, peut-être, un manque d'outils. Puis on m'a
parlé aussi, tu sais, de la formation à l'université. On ne parle pas beaucoup
de gestion de classe, puis je pense que ce serait un... un besoin.
Tout à l'heure, vous avez parlé que la...
vous faisiez de la formation de base à l'université. Puis, bien, je semble
comprendre que vous êtes un peu contre la formation continue comme on... on
veut... on veut la... implémenter. Donc, moi, je pense que la formation
continue, c'est... c'est des outils qu'on veut donner au <personnel...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
...implémenter. Donc, moi, je pense que la formation continue, c'est...
c'est des outils qu'on veut donner au >personnel. Puis, quand vous dites
que, bien, pour vous, ça veut dire que les enseignants ne sont pas compétents,
bien, moi, je trouve que c'est... Tu sais, je ne comprends pas ça, là. Donc,
bien, j'aimerais vous entendre là-dessus un peu plus.
M. Savard (Denis) : Pour
commencer... Pardon?
La Présidente (Mme Dionne) : ...juste
pour votre information, il reste 40 secondes.
M. Savard (Denis) : OK. Bien,
je vais laisser Nancy, d'abord...
Mme Goyette (Nancy) : Eh là,
là. Heille, là.
M. Éthier (Marc-André) : ...au
lieu de se passer la balle l'un, l'autre. Le nombre d'élèves par classe
pourrait aider beaucoup à la gestion de classe. S'il diminuait, ce serait déjà
une bonne chose en partant. La formation continue, c'est une très bonne chose,
on peut en faire. Il y a des universités qui en font déjà. Donc, on pourrait
donner du temps aux profs pour qu'ils aillent se former. Ce serait déjà une
très bonne affaire.
C'est paternaliste de leur dire quoi
étudier, quoi faire. Je pense qu'ils sont assez intelligents pour décider
eux-mêmes et sentir eux-mêmes leurs besoins, mais il faut leur laisser du
temps, de l'espace pour le faire, des moyens pour le faire. C'est ce qu'il
manque, à mon avis.
Mme Leroux (Mylène) : ...hein,
ils puissent être libérés.
Mme Goyette (Nancy) : Et le
problème, c'est que là, on veut prendre des enseignants non qualifiés, leur
faire faire un 30 crédits puis leur dire : Allez dans les milieux
puis vous allez...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
C'est tout le temps qu'on a.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Bon,
je passe la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Terminez, là, sur
mon temps. Allez-y, oui, oui.
Mme Goyette (Nancy) : ...Donc,
on n'est pas contre ce type de formation là, bien au contraire, la formation continue,
elle, est nécessaire, hein? Sauf que le problème qu'on a présentement c'est
qu'on a beaucoup d'enseignants non qualifiés. Et ces enseignants non qualifiés
là, bien, avec toute leur bonne volonté, veulent devenir enseignants, mais ils
arrivent dans les milieux, ils ont peut-être un bac en comptabilité, et là on
va dire : Bien là, tu vas enseigner au primaire, OK, là, tu vas faire un
30 crédits, et on va te donner ton brevet d'enseignement. Je ne sais pas
si vous êtes comme moi, mais il a beau avoir une belle base en comptabilité,
mais enseigner le français, les mathématiques, enseigner l'univers social, les
sciences, les arts plastiques au primaire, même si on a un bac en comptabilité,
les 30 crédits ne sont pas suffisants pour réussir à avoir une expertise
nécessaire pour aider des enfants. Puis on sait que le primaire, c'est la base.
Donc, si on arrive avec des gens non qualifiés qui font juste des formations
qui sont courtes, bien là, à ce moment-là, on... on se tire dans le pied, parce
que ces gens-là, ils ne vont pas se sentir compétents, et là, bien, ils ne
resteront pas dans le réseau. Ils vont faire une, deux, trois années, puis
ensuite ils vont... ils vont s'en aller. Et ça, on a vu ça pour les préposés
aux bénéficiaires, soit dit en passant. Les formations courtes ne peuvent pas
aider à... à faire une rétention de personnel.
Nous, ce qu'on a besoin, présentement, en
éducation, c'est vraiment de faire en sorte que les gens restent, donc, ceux
qui sont là restent, et de faire en sorte que nos novices qui sortent, bien,
ils restent aussi. Mais là c'est sûr que ça ne va pas si bien que ça puis qu'il
y a beaucoup de problématiques, puis je le sais, que vous êtes sensible à ça,
puisque vous avez fait le tour des écoles. Puis on ne peut pas régler en un
tour de magie quelque chose qui dure depuis une dizaine d'années, même plus,
une vingtaine d'années. On le sait, que ça ne va pas bien dans nos écoles.
Maintenant, pour immiscer un changement,
il ne faut pas y aller avec un coup de barre, il faut y aller tranquillement,
il faut mettre des choses, des éléments essentiels qui vont favoriser le
changement pour que tous puissent avoir un bénéfice.
Une voix : ...
Mme Goyette (Nancy) : Et être
à l'écoute.
Mme Leroux (Mylène) : Là, en
ce moment, moi, j'ai écouté toutes les auditions, et les personnes qui sont les
plus près des élèves, les enseignants, les parents, les directions d'école, nous
sommes plusieurs chercheurs qui sommes sur le terrain, soit pour réaliser des
recherches collaboratives, des activités de développement professionnel, etc.,
ces différentes personnes-là sont celles qui vous ont... qui ont soulevé le
plus de préoccupations. Ça ne veut pas dire que tout est à jeter, mais on a
tous, tout près de l'élève, des préoccupations. Il faut écouter.
M. Savard (Denis) : Si on me
permet de terminer.
Mme Rizqy : Oui,
certainement.
M. Savard (Denis) : Ça fait
la troisième fois. En résumé, là, on ne dit pas que tout va bien, mais ça
s'améliore. Puis, c'est... c'est qu'on ne souscrit pas à la description
catastrophique qui est entretenue, qui est très injuste pour le beau travail
pas assez reconnu des personnels d'éducation qui oeuvrent dans des conditions
difficiles.
• (20 heures) •
Une voix : ...
M. Savard (Denis) : Oui.
Mme Rizqy : Merci d'être
présents. Bien en avance sur le temps qui vous sera alloué tantôt. Merci,
bienvenue, je n'ai pas eu la chance de vous le dire tout de suite parce qu'on...
vous laisser dans votre élan. Vous cumulez combien d'années en recherche en
éducation, chacun d'entre vous?
Une voix : ...
Mme Rizqy : Oui.
Mme Goyette (Nancy) : Moi,
j'ai été enseignante au secondaire 12 ans, j'ai retourné aux études pour
devenir prof d'université, donc je pourrais dire que ça fait 25 ans que
j'évolue. Comme universitaire, prof, huit ans.
Mme Rizqy : Parfait. Et
vous?
M. Éthier (Marc-André) : ...20 ans.
Mme Rizqy : Et vous?
Mme Leroux (Mylène) : ...que
je suis dans des projets de recherche comme assistante-coordonnatrice, mais je
suis depuis 13 ans à l'Université du Québec en Outaouais.
Mme Rizqy : Et vous?
M. Savard (Denis) : 20 ans
comme professeur, 40 ans comme chercheur...
20 h (version révisée)
Mme Leroux (Mylène) : ...de
recherche comme assistante-coordonnatrice, mais je suis, depuis 13 ans, à l'Université
du Québec en Outaouais.
Mme Rizqy : Et vous?
M. Savard (Denis) : 20 ans
comme professeur, 40 ans comme chercheur.
Mme Rizqy : Donc, vous
cumulez tous ensemble plus de 100 ans d'expérience en éducation. Avez-vous
été consultés pour le dépôt de ce projet de loi là?
Une voix : Pour la réforme
Maltais? Non.
Mme Rizqy : Non, hein?
M. Éthier (Marc-André) : Non,
on n'a pas été consultés.
Mme Leroux (Mylène) : Ni de
près ni de loin.
Mme Rizqy : Ni de près...
Mais vous avez quand même... Moi, je vous connais parce que je vous lis en
éducation depuis maintenant quelques années, là, vos travaux sont publics, là,
pourtant, là. Je suis vraiment étonnée.
J'ai le goût de vous donner un exemple
concret. Lorsqu'on a fait la maternelle quatre ans, le gouvernement nous est
arrivé avec de la recherche venue d'ailleurs. Et là, tout à coup, les experts, ils
étaient de New York, ils ont même fait venir des gens de New York nous
expliquer comment ça a révolutionné l'éducation à New York. Mais nous, on avait
beau leur expliquer qu'au Québec, avec l'état de la situation actuelle, manque
d'enseignants, manque de locaux... et qu'il fallait, par conséquent... oui,
pour les maternelles quatre ans, mais progressivement... et où est-ce qu'il y
avait les besoins les plus urgents. À ce moment-là, on n'a pas été écoutés.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, là,
quand on dit que c'est important d'écouter puis que les données probantes... On
nous parle beaucoup encore de la recherche extérieure, mais, en ce moment, il y
a de la recherche québécoise. Et vous, vous êtes la recherche québécoise.
Sentez-vous que vous avez été écoutés?
Mme Goyette (Nancy) : Non, mais
on est subventionnés par le gouvernement.
Mme Rizqy : Quand même, hein?
Préoccupant. J'imagine que vous avez lu le rapport de la Vérificatrice générale
du Québec. Il est question là-dedans notamment des enseignants qui, eux,
peuvent prendre jusqu'à sept ans pour avoir un poste régulier. Pourquoi j'en
parle et pourquoi que c'est important? C'est qu'elle indique aussi que c'est
une des raisons qu'il y a des départs, qu'il y a des enseignants qui ont fait
quatre années de baccalauréat, qu'on a payé à même nos fonds et qu'eux autres
aussi ont payé, parce qu'ils paient des fois le logement en continu, il y en a
qui ont des familles, tout ça... mais on perd beaucoup de monde. On parle de
25 % d'entre eux qui quittent dans les cinq premières années. Donc, c'est
une vraie hémorragie, permettez-moi l'expression. En quoi ce projet de loi, ça assure,
justement, la rétention des enseignants légalement qualifiés?
Mme Leroux (Mylène) : Je
peux, hein? Ça fait longtemps que je m'intéresse à l'insertion professionnelle,
une bonne dizaine d'années. Et puis, ce que je vous dirais, c'est que la
précarité, c'est une chose, mais quand on consulte les études, ici et ailleurs,
sur les éléments qui font en sorte qu'il y a de l'attrition, c'est beaucoup la
surcharge de travail qui revient, les défis liés notamment à l'évaluation, bien
sûr des défis liés à la gestion de classe ou la difficulté en lien avec l'inclusion,
le manque de ressources dans la classe, par exemple, mais, au cœur de tout ça,
il y a vraiment le stress qui est lié à la surcharge de travail. Puis, avec le
projet de loi, nous, c'est ce qu'on entrevoit, qu'il y aura une pression encore
plus grande liée à l'évaluation. Et ça, ça génère davantage de stress et
davantage d'intention de quitter chez les enseignants. Donc, on ne s'en va pas
nécessairement dans la bonne direction ici, là.
Mme Goyette (Nancy) : Dans le
fond, c'est une gestion axée sur les résultats, mais c'est plus que ça, être à
l'école. Ce n'est pas juste des notes, ce n'est pas juste, tu sais, des notes
qui vont dire que nos enfants réussissent, c'est aussi l'épanouissement. Et l'épanouissement
de nos enfants, bien, ça ne passe pas nécessairement toujours par des tableaux
au ministère.
Mme Rizqy : Dites-moi, avec
vos plus de 100 ans d'expérience en éducation, là, vous, si vous aviez été
ministre, est-ce que ça aurait été votre premier projet de loi?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
pas ma priorité. Ma priorité à moi, elle aurait été de m'occuper de la pénurie
et surtout du fait qu'il y a beaucoup de gens qualifiés qui quittent actuellement.
Donc, priorité numéro un, je me serais occupée des conditions de travail des
enseignants pour vraiment... depuis longtemps on en parle, vraiment, élément
prioritaire, ce qui ferait en sorte aussi qu'on attirerait davantage de recrues
dans les programmes de formation initiale.
Mme Rizqy : Je vais aller
vite parce que le temps file. Il me reste moins de deux minutes. On parle
beaucoup en ce moment des échecs... de l'échec, en fait, en orthographe chez
les... nos élèves. Est-ce que le fait qu'il y ait des portes tournantes en ce
moment en éducation, qu'un élève, là, peut avoir cinq, six remplaçants — parce
qu'il n'y en a pas, de stabilité, là — ça peut expliquer que ça
devient un peu plus difficile d'avoir de la réussite en français?
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
moi, je pense que oui, d'une certaine façon. Maintenant, ça dépend vraiment des
conditions dans lesquelles les enfants sont puis des écoles. Donc, ça peut être
un facteur parmi tant d'autres, tant d'autres. Et, des fois, ça ne veut pas
dire nécessairement que les enseignants ne sont pas compétents en français non
plus, hein? Il y a toute la disposition à l'apprentissage, et ça, bien, c'est
tout dans le tournant des émotions que l'enfant vit. Et ça, bien, il faut en
prendre en compte parce que ça fait partie... Il y a la cognition, mais il y a
aussi les émotions dans l'apprentissage.
Mme Rizqy : Il me reste une
minute. Je vais aller... Deux questions principales. Alors, première question.
Jean-François Roberge, lorsqu'il était ministre de l'Éducation, avait accepté
le principe de subsidiarité et de laisser le 30 heures de formation libre
aux enseignants. Par rapport à ce projet de loi, est-ce qu'on est en continuité
ou en contradiction<? Première question...
Mme Rizqy :
...et de
laisser le 30 heures de formation libre aux enseignants. Par rapport à ce
projet de loi, est-ce qu'on est en continuité ou en contradiction? >Première
question. Deuxième question : Si jamais on va de l'avant avec l'INEE — le
gouvernement, c'est son souhait — est-ce qu'à tout le moins la
personne qui va être à la tête de l'INEE devrait être aussi un chercheur avec
un PhD comme vous autres? Allez-y, il ne reste pas beaucoup de temps.
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
la question... la première question, c'est le contraire, là. Dans le fond, on
voulait laisser l'autonomie.
La deuxième question, on a mis des
éléments sur la composition du comité. On a un chercheur dans un comité puis on
va déterminer l'excellence de la recherche. Même si c'était moi, même si
c'était un de nous, on ne représente jamais la variété des postures
épistémologiques, des approches de recherche, des réalités, des formations
initiales. Donc, ce n'est pas suffisant, à mon avis.
M. Savard (Denis) : Il faut
que ce soit un chercheur reconnu.
Mme Rizqy : ...comme PhD,
parce que n'importe qui peut s'improviser chercheur, là, on s'entend, là.
Mme Goyette (Nancy) : Plus
qu'un, pas juste une personne. On a des approches vraiment variées en
éducation, parce qu'on est un carrefour...
La Présidente (Mme Dionne) : ...10 secondes.
Allez-y, excusez-moi.
Mme Goyette (Nancy) : ...on
est un carrefour de plusieurs disciplines, mais chacune des disciplines a sa
façon de faire de la recherche, ses méthodologies. Donc, on ne peut pas dire :
Bien, il y a un chercheur qui va décider de ce que va être la recherche au
Québec.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Merci aussi d'avoir parlé
avec votre cœur, c'est important. Je veux aussi... Vous êtes des chercheurs, puis
j'ai fait un décompte de tout le monde qui est venu en commission
parlementaire, les chercheurs et les universitaires. Sur 10, juste deux femmes,
et vous êtes devant moi. Donc, je voulais quand même le souligner, ça m'a
frappé.
Un mot rapidement... un mot sur la
formation. Le ministre le dit tout le temps, trois heures sur 30 heures.
Puis ça, ce n'est pas écrit dans le projet de loi, là, c'est un exemple.
Peut-être que c'est 30 heures, peut-être que c'est 10 heures,
peut-être que c'est une heure, peut-être que c'est zéro. On ne le sait pas, ce
n'est pas écrit. C'est un des exemples théoriques. Je comprends ce que vous
dites, c'est qu'il y a une diversité de recherche. Puis là, en ce moment, on a
l'impression qu'il y a ce qu'on appelle l'éducation basée sur les données
probantes, comme, c'est un courant, puis les gens derrière, un peu, les
idéateurs de l'INEE, c'est juste un courant, alors que, là, il y a une
diversité de courants qui existe, mais on ne la lit pas puis on ne s'assure pas
de l'appliquer. C'est ce que je comprends.
Vous avez parlé aussi du CTREQ, peut-être
nous en parler un peu plus? Qu'est-ce qu'ils font? Ils font de la recherche. Y
a-tu quelqu'un qui lit ça? Y a-tu quelqu'un qui s'assure que c'est dans la
classe?
M. Savard (Denis) : Oui,
bien, le CTREQ, c'est le centre qui s'occupe de faire du transfert au Québec
depuis 20 ans, et ils ont un site Web qui est visité 500 000 fois.
Ils font des veilles actuellement, ils font des projets avec les milieux, tout
ça, et ils sont vraiment...
Mme Ghazal : Ce n'est pas
utilisé par le ministère...
M. Savard (Denis) : C'est
utilisé par tout le monde.
Mme Ghazal : Par tout le
monde. Puis...
M. Savard (Denis) : Mais il
faudrait que ce soit reconnu. Et c'est quelque chose qui est vraiment
québécois, ils vont faire des produits, mais ce qui les distingue, je vous
dirais, c'est que ce n'est pas juste un entrepôt de données, c'est qu'ils
s'amènent à faire de l'animation avec les milieux pour faire en sorte que ces
données de la recherche là atteignent les milieux.
Mme Ghazal : Puis comment
l'INEE... Parce que, là, le projet de loi, le ministre va aller de l'avant, là,
le créer, même si vous dites qu'il faudrait suspendre ça. L'INEE qui va être
là, comment est-ce qu'il va pouvoir utiliser ce que le CTREQ va faire? Est-ce
que vous avez réfléchi à ça?
M. Savard (Denis) : Bien,
nous, on aimerait mieux que ce soit le CTREQ que l'INEE qui s'en occupe, là.
Mme Ghazal : Que ce soit le
CTREQ qui soit reconnu. OK, je comprends.
Mme Leroux (Mylène) : Bien, peut-être
qu'est-ce qu'on peut dire aussi, c'est qu'il y a... Moi, je vous ai fait un
dossier, là, avec le CPIQ, l'AQEP. Ces organisations-là organisent déjà de la
formation continue. Donc, nous, ce qu'on veut, ce dont on veut s'assurer, c'est
que ces formations-là fassent partie de ce qui va être reconnu ou accrédité. On
ne sait pas trop sur quels critères il faudrait que ce soit précisé, mais ces
gens-là font déjà un travail extraordinaire de transfert. Il y a beaucoup de
chercheurs qui sont impliqués dans ces organisations-là.
Mme Ghazal : Puis vous avez
l'impression qu'ils ont moins l'oreille du gouvernement et du ministre que
d'autres?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
on ne sait pas s'ils sont connus. C'est pour ça que moi, j'en ai apporté pour
vous, pour que vous puissiez...
Mme Ghazal : Vous en avez
apporté aussi au ministre?
Mme Leroux (Mylène) : Oui,
bien sûr.
• (20 h 10) •
M. Éthier (Marc-André) : On
parlait tantôt de diversité dans la recherche. J'ajouterais que le..., par
exemple, a 140 chercheurs et ils ne sont pas tous pareils. Il y a des
recherches, par exemple, sur la valeur des examens d'histoire, et on voit une
différence entre l'examen et le programme. L'examen n'évalue pas ce que fait le
programme. Alors, qu'est-ce qu'on peut dire sur la valeur des moyennes ensuite si
ça augmente ou si ça baisse quand on ne sait pas si l'examen évalue vraiment ce
qu'il doit évaluer? Alors, il n'y a pas juste des recherches de ce type-là, il y
en a d'autres en amont aussi, il y a une très grande diversité.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, merci infiniment. C'est, malheureusement...
Mme Ghazal : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
je... S'il vous plaît, oui, merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez dit quelque chose de
fantastique tout à l'heure et de tout simple : Ce qui est important, c'est
la réussite scolaire puis le bien-être. Juste ça.
Une voix : Éducative.
M. Bérubé : Bien, ces deux
termes-là.
Mme Leroux (Mylène) : ...scolaire,
mais qui dépasse...
M.
Bérubé
: La
personne.
Mme Leroux (Mylène) : C'est
aussi le plaisir d'apprendre.
M. Bérubé : Absolument.
Mme Leroux (Mylène) : Il faut
<aller voir la politique...
M.
Bérubé
:
...termes-là.
Mme Leroux (Mylène) :
...scolaire,
mais qui dépasse...
M.
Bérubé
:
La personne.
Mme Leroux (Mylène) :
C'est aussi le plaisir d'apprendre.
M. Bérubé :
Absolument.
Mme Leroux (Mylène) :
Il
faut >aller voir la politique...
de la réussite éducative, hein, elle est au
ministère...
M. Bérubé : Je n'ai pas
encore posé ma première question...
Mme Leroux (Mylène) : Allez-y,
allez-y.
M. Bérubé : ...mais j'y
arrive. Vous avez dit d'autre chose qui m'a marqué aussi, combien d'enseignants
quittent et pourquoi et c'est les premiers artisans de l'éducation. Moi, ça
m'interpelle beaucoup parce qu'on en demande davantage. Vous avez même parlé de
la pression sur l'évaluation qui allait peut-être faire un effet négatif sur
les enseignants. Donc, je comprends qu'on peut... On n'a pas beaucoup de
données sur pourquoi les enseignants quittent, combien d'enseignants quittent
et pourquoi. C'est bien ce que vous avez dit tout à l'heure?
Mme Leroux (Mylène) : On en a
à l'extérieur du Québec, certaines au Québec, là, avec le numéro que je vous ai
distribué sur la pénurie en... Il y a un gros projet de recherche qui est mené
par notre collègue, Geneviève Sirois. On a certaines informations, mais on n'a
pas les données claires. Moi, je posais la question à un syndicat de ma région
récemment, puis là je disais : Pouvez-vous donner des infos sur le nombre
de démissions, etc.? Puis tout ce qu'elle pouvait me dire, c'est : Bien,
écoutez, cette année, j'ai rencontré 20 personnes de mon syndicat avec qui
on a fait des retraites anticipées. 20 personnes à l'UQO dans ma région, à
Gatineau, c'est la moitié de mes finissants au préscolaire, primaire. Ça fait
que, déjà là, il y en a 20 qui quittent de façon prématurée. Ça, c'est probant,
là, c'est vraiment des faits, là, que je vous dis.
M. Bérubé : Bien, c'est pas
mal à la base de tout le reste. Si on est capable de faire en sorte que les
enseignants restent, qu'ils soient heureux, qu'ils soient capables d'exercer
leur profession avec les compétences qu'ils ont acquises, qu'ils continuent
d'obtenir, c'est ça qui est important.
En... l'an dernier, pendant la campagne
électorale, le ministre de l'Éducation de l'époque s'attribuait... à son
gouvernement le fait que les... l'augmentation du nombre d'inscriptions dans
les facultés d'enseignement avait monté. Il disait : C'est depuis
l'arrivée de notre gouvernement que ça monte. Donc, il dit : C'est grâce à
ça. Si je suis la même logique, il n'y a jamais eu autant d'enseignants qui
quittent. C'est la faute de qui?
Mme Goyette (Nancy) : C'est
un problème qui est systémique. On ne peut pas... on ne va pas aller chercher
des coupables parce que c'est un problème qui dure depuis longtemps. Ce n'est
pas, tu sais, la semaine passée, là. Déjà, là, dans les années 2010, on le
prévoyait, cette pénurie-là.
Maintenant, il y a des discussions qui
doivent se faire vraiment pour que le politique et le terrain puissent vraiment
se parler, là, parce que, là, on dirait qu'il y a une coupure puis que les
décisions ne sont pas nécessairement toujours cohérentes avec la réalité.
M. Bérubé : Mais moi, j'ai l'impression...
le ministre a fait référence à ses visites dans les écoles, j'ai l'impression
qu'il entend plus souvent des enseignants et des enseignantes qu'il faut
trouver des façons de valoriser leur travail, de les encadrer que d'enseignants
qui lui disent : Moi, je pense qu'il faudrait centraliser davantage et
créer une nouvelle institution. Je n'étais pas là, mais je présume que c'était
plus ça.
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
je vous dirais que l'école, ce n'est pas une entreprise.
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant. Merci.
M. Bérubé : Ce sera le mot de
la fin.
La Présidente (Mme Dionne) : Ce
sera le mot de la fin. C'est malheureusement tout le temps que nous avons. Je
suis désolée. Moi, j'ai le rôle odieux de couper la parole. Alors, merci
beaucoup pour vos interventions. La commission suspend ses travaux quelques
instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 18)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend maintenant ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue maintenant à la Fédération des syndicats de
l'enseignement. Donc, Mmes Josée Scalabrini, Brigitte Bilodeau,
M. Sébastien Bouchard et Mme Sandy Royer.
Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous présenter votre exposé. Suite à cela, nous
poursuivrons les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole
est à vous.
Mme Scalabrini (Josée) :Bonjour, M. le ministre et tous les parlementaires. On est
très heureux d'être ici aujourd'hui avec vous. Je suis Josée Scalabrini,
présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement. La FSE-CSQ est la
plus importante organisation représentant des enseignants et des enseignantes
du réseau scolaire québécois. Elle regroupe 34 syndicats représentant plus
de 87 000 enseignants aux quatre coins du Québec. La FSE fait partie
de la Centrale des syndicats du Québec, et vous pouvez considérer que notre
présentation est complémentaire à la sienne.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de
Mme Brigitte Bilodeau, première vice-présidente de la FSE, ainsi que
Mme Sandy Royer et M. Sébastien Bouchard, tous deux membres
du personnel de la FSE. Ce soir, nous tenterons, comme à l'habitude, de nous
faire constructifs, respectueux et utiles, tout en nous assurant de bien
identifier les éléments du projet de loi qui nous apparaissent inacceptables et
dévalorisants pour la profession enseignante.
C'est avec étonnement et déception que
nous avons pris connaissance du projet de loi n° 23.
D'abord, ce projet a été élaboré sans échange préalable avec les principaux
intéressés. Ensuite, il n'apporte aucune réponse aux besoins du personnel
enseignant et aux problèmes qu'ils jugent les plus criants actuellement. Notre
présentation portera principalement sur trois sujets : la formation
continue, l'enseignement à distance, la création d'un institut national
d'excellence en éducation.
• (20 h 20) •
Commençons par la formation continue.
Soyons clairs, nous ne sommes... nous ne nous opposons pas à la formation
continue. Au contraire, nos membres réclament de la formation et en font tout
au long de leur carrière. Toutefois, ils veulent que celle-ci réponde à leurs
besoins pour favoriser leur participation.
Le ministre a plusieurs options :
garantir une offre de formation variée et concrète, bonifier le budget de
perfectionnement actuel, accorder davantage de temps pour la formation, et ce,
en dehors des journées pédagogiques, et enfin élaborer un plan d'action pour
lutter contre la pénurie de personnel parce qu'actuellement la participation en
formation est fortement limitée, voire impossible sur le temps de travail dans
plusieurs milieux, faute de suppléants.
Malheureusement, le projet de loi n° 23 vient redonner le pouvoir aux directions et aux
centres de services scolaires et au ministre d'imposer de la formation aux
enseignants et enseignantes. Le ministre annonce même qu'il pourrait décider
que tous les enseignants du Québec sont... sans exception auraient besoin de formation
sur le français ou sur la gestion de la classe. Cette orientation est une
totale contradiction avec le projet de loi n° 40 adopté il y a trois ans.
Depuis plusieurs années, nous constatons
que le personnel enseignant se fait régulièrement imposer des formations qui ne
répondent pas à ses besoins d'enseignement. Les enseignants refusent d'être
assignés à des formations qui ne font pas de sens pour eux. Ils refusent
également <de se faire imposer...
Mme Scalabrini (Josée) :
...des formations qui ne font pas de sens pour eux.
Ils refusent également >de se faire imposer des formations, des
approches et des méthodes au goût du jour, sans égard à leur pratique, à la
réalité de leur classe ou à leur expertise terrain. L'obligation de suivre une
formation qui n'est pas pertinente dans un contexte de surcharge de travail est
particulièrement démotivante et dévalorisante.
Soyons positifs. Nous rejoignons le
ministre lorsqu'il déclare : Laissez-les donc choisir. Laissez-les donc
faire, vos enseignants et vos enseignantes, ils vont choisir les contenus dans
lesquels ils veulent se former. C'est quoi, le problème? Dans ce sens, nous
proposons de biffer les articles 1 et 34 du projet de loi et d'ajouter un
article 19.2 dans la LIP qui indiquerait que l'enseignant choisit les
activités de formation continue qui répondent le mieux à ses besoins en lien
avec le développement de ses compétences.
Pour ce qui est des conditions et des
modalités entourant la reddition de comptes des 30 heures de formation continue,
nous croyons qu'elles doivent demeurer un objet de négociation entre les
parties nationales. Plus spécifiquement, sur le cas des dispenses, nous sommes
heureux d'annoncer que des recommandations communes ont été élaborées
conjointement par la FSE et les représentants des centres de services
scolaires. Dans ce contexte et sur la base de cette entente, nous proposons de
prévoir les cas de dispense de l'obligation de formation continue dans la LIP
et de ne pas établir de règlement, sinon d'établir un règlement qui se
limiterait à encadrer les cas de dispense.
Enfin, nous demandons également que les
conditions de modalités entourant l'obligation de formation continue du
personnel enseignant demeurent un sujet de négociation national et que les
balises soient établies entre les parties nationales si elles le jugent
nécessaire.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Passons
maintenant à l'enseignement à distance. La recherche et la pratique indiquent
que l'enseignement à distance et l'enseignement commodal ont de nombreux effets
négatifs sur les conditions d'apprentissage et d'enseignement si elles ne
répondent pas avant tout à une intention pédagogique de l'enseignante ou
l'enseignant. La Loi sur l'instruction publique prévoit déjà la mise en place
de projets pilotes. Pour la FSE, il serait prématuré de modifier la loi avant
d'avoir terminé cette période d'expérimentation et d'avoir réalisé un bilan des
projets pilotes. Ce bilan devrait se faire en tenant compte de la recherche et
en consultant les principaux acteurs de l'éducation. Afin de développer une
meilleure compréhension des avantages et des écueils concernant la dispensiation...
la dispensation, pardon, de services éducatifs à distance basée sur des données
et avant d'introduire des changements à ce chapitre dans la LIP, il est
recommandé de retirer les articles 33 et 39 du projet de loi n° 23.
Terminons avec l'Institut national
d'excellence en éducation. Pour la FSE, les recherches en éducation alimentent
le choix des approches et des méthodes pédagogiques, mais ne doivent pas le
dicter. Malheureusement, on constate depuis des années que les partisanes et
les partisans d'un courant de la recherche basé sur l'utilisation des données
probantes en éducation tentent d'imposer leur point de vue dans le réseau
scolaire. Des dérives ont été constatées et dénoncées par plusieurs, dont
l'ancien ministre de l'Éducation. La grille de progression des caractéristiques
des écoles efficaces, qui était utilisée dans quelques commissions scolaires,
soutenait notamment que les bons enseignants ne devraient pas croire à
l'influence des inégalités sociales sur la réussite, qu'il ne faudrait pas
enseigner tout le programme, qu'on devrait planifier à rebours, c'est-à-dire se
limiter à préparer les élèves pour l'évaluation. C'est ici une vision
déshumanisante de l'éducation et déprofessionnalisante de l'enseignement. L'éducation,
c'est plus que de préparer les élèves à réussir un examen du ministère. La
création de l'institut s'inscrit, selon nous, dans cette vision.
Pour la FSE, la création d'un institut
national d'excellence n'est pas nécessaire. Il faudrait plutôt miser sur une consolidation
des capacités de recherche, de synthèse de la recherche et de transfert de
celle-ci en éducation au Québec. Dans l'éventualité où l'institut serait mis
sur pied, la FSE souhaite qu'il soit indépendant, ouvert à la diversité et
qu'il respecte l'expertise des enseignantes et enseignants, notamment dans le
choix de leur formation et de leurs modalités d'intervention pédagogique. Dans
ce sens, un éventuel institut devrait alors se limiter à effectuer un travail
de synthèse de la science et à développer des outils d'information et de
transfert.
De plus, le Conseil supérieur de
l'éducation et le CAPFE devraient, de leur côté, être maintenus. Pour la FSE,
le contexte de pénurie devrait pousser le ministre à trouver des façons
d'inciter les personnes non formées qui sont dans les écoles et les centres à
entreprendre et à compléter la formation actuelle en enseignement. Il faut
assurément soutenir le personnel non légalement qualifié, mais il est tout
aussi essentiel que le brevet d'enseignement, la seule autorisation permanente
d'enseigner au Québec, ne puisse être obtenu que par une formation initiale de
haut niveau. Il est possible de qualifier sans dévaloriser la profession. Le
modèle de la formation professionnelle en est un exemple. Dans ce cadre, le
CAPFE a fait ses preuves et demeure l'instance qui devrait veiller à la qualité
de la formation initiale en enseignement.
Avant de terminer, nous devons souligner
que notre mémoire soulève certains enjeux légaux, <notamment sur les
mécanismes...
Mme Bilodeau (Brigitte) :
...initiale
en enseignement.
Avant de terminer, nous devons
souligner que notre mémoire soulève certains enjeux légaux, >notamment
sur les mécanismes de consultation des enseignants prévus à la loi et aux
conventions collectives, qui ne seraient pas respectés par le projet de loi.
En conclusion, comme plusieurs autres
l'ont mentionné avant nous, le projet de loi n° 23 ne répond pas aux
principaux problèmes vécus dans les écoles et les centres. Nous pensons
particulièrement à la pénurie d'enseignantes et d'enseignants qualifiés. Comme
il était noté dans le dernier rapport de la Vérificatrice générale et selon les
résultats de nombreuses consultations effectuées auprès des enseignants, les
motifs qui les amènent à quitter la profession sont le manque de temps, la
lourdeur de la tâche, la gestion de classe et la gestion des élèves en
difficulté. La semaine dernière, nous dénoncions d'ailleurs la dégradation des
conditions d'enseignement et d'apprentissage liées à la composition de la
classe.
Plutôt que de répondre à ces problèmes
urgents, le projet de loi n° 23 propose une centralisation qui ne nous
semble aucunement nécessaire, un contrôle de la formation continue des
enseignants qui constitue un recul par rapport à ce que le projet de loi
n° 40 nous avait accordé et il ouvre la porte à des dérives en
enseignement à distance. Nous espérons que les travaux parlementaires
permettront d'améliorer significativement le projet de loi afin que les
intentions du ministre Roberge de reconnaître l'expertise du personnel
enseignant et sa maîtrise d'oeuvre en matière de formation continue soient
réaffirmées. Merci.
Mme Scalabrini (Josée) :En espérant que nous aurons su être votre cadeau de fin de
journée, M. le ministre. Joyeux anniversaire!
La Présidente (Mme Dionne) : Sur
cette belle fin d'exposé, nous sommes maintenant prêts à poursuivre les
échanges. Donc, je cède la parole à notre fêté, M. le ministre.
M. Drainville : Mme Scalabrini,
on ne s'entend pas sur tout, mais je ne peux pas m'empêcher de vous trouver
sympathique. Les gens m'écrivent pour me souhaiter bonne fête, ils me disent :
On te souhaite une belle soirée avec ton amoureuse, puis là je suis poigné avec
Mme Scalabrini.
Mme Scalabrini (Josée) :On ne partira pas de rumeurs, s'il vous plaît.
M. Drainville : On est à
bonne distance encore, je pense que ça va être correct.
Alors, bien, merci d'abord pour votre
présentation. Bon, j'ai pris note, évidemment, là, de vos réserves, c'est... le
mot est faible, même, dans certains cas. Mais, sur les données... parlez-moi un
petit peu des données, parce qu'à ma connaissance, ça n'a pas été abordé dans
votre présentation orale. Êtes-vous d'accord pour qu'on ait davantage... on ait
un système d'accès aux données qui soit beaucoup plus fluide, mieux structuré,
en temps réel, qu'on puisse savoir ce qui se passe dans le réseau, prendre
évidemment des meilleures décisions parce qu'on aura de la meilleure
information, peut-être agir sur certains problèmes avant que l'année scolaire
finisse, etc.? Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
Mme Scalabrini (Josée) :On a été de ceux qui disaient qu'on avait besoin de
données, que ce n'était pas normal qu'on ne sache pas le nombre d'enseignants
qui quittaient la profession, le nombre d'enseignants qui étaient pour manquer.
Donc, on n'est pas contre les données. Mais tout le monde sait qu'on est contre
une gestion axée sur les résultats, contre des données qui ne viennent que
mettre les écoles, les établissements en compétition les uns avec les autres ou
qui amènent les dérives de faire plus d'évaluations dans une année que
d'enseignement. Donc, il faut être capable, si on veut aller chercher des
données... savoir quelles données on veut aller chercher et qui soient au
service de l'apprentissage des élèves, et non pas au service d'un système quand
c'est pour créer une compétition.
• (20 h 30) •
M. Drainville : OK.
Mme Scalabrini
(Josée) :Brigitte, je peux te laisser...
M. Drainville : Oui, oui, si
vous voulez. Non, ça va? OK.
Sur l'enseignement à distance, vous
comprenez que l'intention, ce n'est absolument pas de... que l'enseignement à
distance vienne remplacer l'enseignement en présence, là. Ce n'est pas du tout
ça, l'objectif. L'objectif, c'est de se sortir d'un carcan législatif qui fait
en sorte qu'actuellement, si je veux donner de l'enseignement à distance, je
suis obligé de passer par un projet pilote, là. C'est ça qui... Alors là, le
projet de loi est assez clair, je pense, sur les circonstances exceptionnelles,
là, qui nous amèneraient à mettre en place de l'enseignement à distance. Ça ne
vous rassure pas, ça?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Malheureusement,
M. le ministre, je suis obligée de vous dire que non, ça ne nous rassure pas du
tout. Puis quand vous dites que le projet de loi est clair, bien, ce n'est pas
la lecture qu'on en fait, parce que qu'est-ce que c'est, une circonstance
exceptionnelle? Ce n'est pas défini dans le projet de loi. Alors, ce n'est pas
si clair que ça... que vous semblez vouloir l'affirmer, d'autant plus que vous
avez parlé des élèves hospitalisés, des élèves malades. Vous savez, on a
vérifié et il y a déjà des services qui sont donnés aux enfants qui sont
hospitalisés, on a un exemple ici, à Québec, là...
20 h 30 (version révisée)
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...vérifier,
et il y a déjà des services qui sont donnés aux enfants qui sont hospitalisés.
On a un exemple ici, à Québec, là, à la commission scolaire... au centre de
services scolaire des Navigateurs et au centre de services scolaire des
Découvreurs, on a un enseignant régulier, un poste en adaptation scolaire
occupé par un enseignant qui travaille spécifiquement au CHUL, à Québec, ou à l'Hôtel-Dieu
de Lévis, pour dispenser de l'enseignement à des enfants qui sont hospitalisés
et qui sont malades. Et on pense que c'est la meilleure solution dans ces
situations-là, parce que ces enfants-là ne sont pas toujours disponibles aux
apprentissages. Il y a des journées où ils ont des examens à passer, il y a des
journées où ils ne sont pas en forme. Alors, les enseignants qui sont affectés
dans ces hôpitaux-là ont la latitude pour faire en sorte d'adapter le temps qu'ils
passent avec chacun de ces élèves-là en fonction de leur réalité.
M. Drainville : Si vous me
permettez, vous avez raison, il s'en fait, mais les chiffres que nous avons qui
proviennent du réseau, là, le nombre d'heures moyen qui est donné en
enseignement à distance, quand il y en a, actuellement, c'est cinq heures par
semaine au primaire puis huit heures par semaine au secondaire. Maintenant, je
suis d'accord avec vous que, dans certains cas, les enfants sont... l'enfant
est malade, par exemple, l'enfant subit des traitements, alors on ne va pas,
comment dire, escompter sur une semaine normale de classe, là. Mais il me
semble qu'entre cinq heures par semaine, comme c'est le cas présentement, en
moyenne, en moyenne, il me semble que de vouloir installer un cadre qui va nous
donner, justement, plus de flexibilité puis plus de souplesse pour donner
autant d'heures que nécessaires à l'enfant, selon ses besoins puis selon ses
disponibilités, je ne vois pas le mal de... d'assouplir le carcan actuel. Je ne
vois pas en quoi ça peut nuire.
Puis, si on dit : Notre objectif, je
pense qu'on le partage là-dessus, sur les moyens, on ne s'entend pas toujours,
mais l'objectif, je pense, sur lequel on s'entend tous ici, c'est de donner les
meilleurs services éducatifs possible à nos enfants, bien, il me semble que de
vouloir se sortir d'une disposition légale qui fait en sorte que, si je veux
donner de l'enseignement à distance, il faut que je passe... selon la LIP, là,
selon la Loi sur l'instruction publique, il faut que je passe par un projet
pilote, il me semble que ça n'a pas d'allure. Donc, je voudrais que vous me
disiez, Mme Bilodeau : Cette souplesse-là, oui, on est... on pense
que si elle est bien... si elle est bien définie par le règlement, bien, on est
d'accord, on est d'accord.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Si
je reviens à l'enseignement en milieu hospitalier, nous, on pense que l'enseignement
en présence est plus rentable, plus efficace que l'enseignement à distance,
surtout pour des enfants qui sont en maladie et qui ne sont pas toujours aptes
et disposés à l'apprentissage. Et pour ce qui est de l'enseignement à distance,
en général, la pandémie nous a démontré que ce n'était pas efficace. On nous
parle beaucoup, hein, on a entendu parler beaucoup, dans les dernières journées,
des données probantes. Bien, vous savez, on nous parle souvent de l'effet
enseignant, et on nous dit, dans les données probantes, que le lien que l'enseignant
établit avec les élèves, c'est un élément essentiel qui favorise la réussite
des élèves, et ce lien-là, il est difficilement possible à distance. Alors, l'enseignement
présent, c'est nettement plus efficace...
M. Drainville : Bien, ça, on
s'entend là-dessus, là. Moi, c'est vraiment quand vous me dites : Un
enfant malade, on préfère qu'il soit enseigné ou qu'il soit scolarisé en
présence qu'en distance, bien, je suis d'accord. C'est un enfant malade qui ne
peut pas être scolarisé dans une classe ou qui ne peut pas être scolarisé avec
d'autres enfants, parce que son système immunitaire est à terre, par exemple,
puis il subit des traitements de chimiothérapie. Bon, bien là, il est à l'hôpital
ou il est à la maison, mais il ne peut pas être dans un groupe, il faut qu'il
soit seul ou à peu près seul. Dans ces circonstances-là, il me semble, je ne
devrais pas être obligé de passer par un projet pilote pour lui donner de l'enseignement
à distance.
Mais, je pense, j'ai dit ce que j'avais à
dire. J'ai des collègues qui souhaitent intervenir, Mme la Présidente. Alors,
on va les... on va leur donner l'occasion de le faire.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Merci, M. le ministre. Je cède la parole à M. le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Il me reste combien de temps environ?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste environ 8 min 30 s.
M. Poulin : Excellent. Mme Scalabrini,
Mme Bilodeau, messieurs, mesdames... Je vous salue Mme Bilodeau, qui
a oeuvré en Beauce pendant plusieurs années. Je connais bien votre famille
également. Vous avez une belle famille. Alors, je tiens à vous le spécifier. Ce
sont des liens de parenté que nous avons. C'est fort intéressant.
Une voix : ...
M. Poulin : Non, ça ne
paraîtra pas dans mes questions, je peux vous le dire. Il n'en demeure pas
moins qu'on a tous l'objectif d'améliorer notre système d'éducation et de
trouver les meilleures façons de pouvoir le faire. En termes de formation
continue, là, vous vous êtes beaucoup penchés sur cette question-là, vous dites :
Il ne faut pas imposer de formation aux enseignants ou aux enseignantes. Il n'en
demeure pas moins que, par exemple, dans des colloques de syndicats, dans des
congrès de syndicats, on émet des thématiques de réflexion. Oui, il peut avoir
deux, trois, quatre choix d'ateliers, mais on émet quand même des thématiques <pour
lesquelles...
M. Poulin :
...colloques
de syndicats, dans des congrès de syndicats, on émet des thématiques de
réflexion. Oui, il peut avoir deux, trois, quatre choix d'ateliers, mais on
émet quand même des thématiques >pour lesquelles vous trouvez, comme
leaders syndicaux, qu'il est important de mettre de l'avant dans vos colloques
et dans vos congrès. Lorsque nos futurs enseignants étudient dans le réseau
universitaire, on met de l'avant aussi des thématiques parce qu'on se dit :
Vous allez vous faire beaucoup parler de ça dans les écoles.
Pourquoi être entièrement contre sur le
fait que le ministère de l'Éducation, qui est une entité fort importante au
Québec, qui a une expertise, qui a un département de pédagogie assez important,
pourrait dire, dans une nouvelle tendance... Exemple, moi, je pourrais dire :
Bien, moi, je connais tout des relations avec les autochtones, par exemple, je
connais ça, mais, finalement, je m'aperçois que je n'en connais pas tant que
ça. Donc, grâce à la formation qui m'a été dictée par... ça peut être mon
employeur, mon syndicat ou le ministère de l'Éducation, j'ai pu en savoir
davantage avec les relations avec les autochtones. Moi, je peux me trouver
très, très bon dans certains domaines puis, finalement, je m'aperçois que j'ai
encore des choses à apprendre.
Et vous avez une expertise dans le monde
de l'enseignement, vous savez que, par moments, allez chercher une expertise
pédagogique, il faut que ça vienne à nous pour en prendre totalement
conscience. Puis je ne dis pas que tout est parfait puis qu'il n'y a pas des
choses à améliorer, ou autres, puis qu'on ne se connaît pas par moments, mais
même vous, à l'intérieur de vos structures syndicales, vous mettez des
thématiques de l'avant pour vos membres.
Mme Scalabrini (Josée) :Je vais vous répondre avec ça, en toute transparence, que
personne n'est obligé de venir à nos rencontres syndicales. C'est les gens qui
ont... qui sont intéressés par les thèmes qu'on met de l'avant qui viennent à
nos rencontres. Donc, c'est libre à eux, on ne l'impose à personne. Et là je
vais nous ramener à la recherche. La recherche vient dire que la formation qui
est la plus parlante, qui est la plus prometteuse et plus enrichissante pour
l'enseignant, c'est celle que j'ai le goût de faire, celle qu'on a besoin de
faire parce qu'on a l'impression qu'il manque quelque chose à notre formation.
On le sait, la tâche des enseignants est devenue assez incontrôlable, hein? Il
y a une charge de travail très, très forte.
Et, à partir du moment où on vient m'imposer
une formation que je n'ai pas le goût de suivre, elle ne vient pas rentabiliser
le temps que j'ai à faire. Et c'est dans ce sens-là qu'à un moment donné on dit :
Laissons aux enseignants la possibilité d'aller suivre la formation qu'ils ont
le goût de suivre.
M. Poulin : Vous dites :
Nos membres ne sont pas obligés de venir à nos rencontres, ne sont pas obligés
de venir à nos réunions, mais on est bien contents lorsqu'ils se présentent,
j'imagine, et qu'on puisse partager sur différentes thématiques ou sur
différents échanges. On comprend le temps des enseignants qui est extrêmement
précieux, mais de vraiment dire, parce que... puis vous me direz le contraire,
le ministère de l'Éducation a une expertise, a un département de pédagogie, a
une veille des différentes réalités, est en contact non seulement avec les
enseignants, avec les directeurs de centres de services scolaires, avec ses
entités syndicales. Et vous dites, vous : Non, ces gens-là ne sont jamais
en mesure de nous suggérer une thématique qu'on pense qu'on doit descendre à
l'intérieur.
Mme Scalabrini (Josée) :Ce qu'on dit : Qu'il les suggère. On n'a aucun
problème à ce qu'on suggère, mais l'enseignant décidera s'il a le goût d'aller
là. Tu sais, on se dit souvent, là, que les gens ont tendance à associer les
difficultés en éducation au Québec à... C'est toujours la faute des
enseignants, en quelque part...
M. Poulin : Ce n'est pas
qu'on dit, ce n'est pas ce qu'on dit. Oui.
Mme Scalabrini (Josée) :Non, non, ce n'est pas ça... Mais je veux donner un
exemple. Moi, j'ai entendu ici tantôt, là, que, s'il y a tant de violence dans
l'école, là, c'est peut-être un lien avec la gestion de la classe. J'ai trouvé
ça très difficile d'entendre... ça aurait un lien avec la gestion de la classe,
parce que socialement, présentement, on vit de la violence un peu partout. Et,
si on était capable de prévenir, si on avait moins d'élèves, si on pouvait être
attentif à ce qui amène vers la violence, en ayant plus de temps pour s'occuper
de nos élèves, bien, ça aiderait peut-être grandement que d'imposer une gestion
de la classe à tout le monde qui...
M. Poulin : Mais vous...
seriez-vous en accord à ce que le ministère de l'Éducation suggère, recommande
fortement, par exemple, des outils à nos enseignants au Québec...
Mme Scalabrini (Josée) :On l'a dit à plus d'une reprise.
• (20 h 40) •
M. Poulin : ...pour lutter contre
la violence dans les classes? Vous seriez en accord avec ça?
Mme Scalabrini (Josée) :Sur la violence, ça dépend. On a dit à plus d'une reprise,
et le ministre m'a entendu le dire, moi, là, s'il y a un nouveau programme, je
réclame qu'on ait de la formation. Un enseignant qui veut enseigner un nouveau
programme, il faut qu'il ait de la formation. Si on avait une mesure en lien
avec la sécurité, pour nous, il y a un élément là, c'est une question de
sécurité, et pour nos élèves, et pour le personnel de l'enseignement, oui, on
pourrait avoir une même formation. Mais, pour le reste, nous disons : Avec
la tâche que les enseignants ont, ils connaissent leurs besoins. Ils veulent de
la formation, ils en demandent, puis ils le dépassent, le 30 heures, mais
laissons ces gens-là choisir les formations auxquelles ils veulent adhérer.
M. Poulin : Je vous remercie.
Je laisse... la parole à ma collègue. Oui, oui, souhaitez-vous, Mme Bilodeau,
oui?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Oui.Vous avez entendu, aujourd'hui, les représentants des directions... des
directeurs généraux des commissions scolaires parler de l'époque de la réforme
et de qualifier, dans le fond, la pédagogie par projets, les intelligences
multiples qui ont été prônées, pendant la réforme, de mythes. Mais, vous savez,
à l'époque où on les prônait, là, on obligeait les enseignants à se former sur
la pédagogie <par projets...
Mme Bilodeau (Brigitte) :
...multiples
qui ont été prônées, pendant la réforme, de mythes. Mais, vous savez, à
l'époque où on les prônait, là, on obligeait les enseignants à se former sur la
pédagogie >par projets et on a obligé des enseignants à aller suivre des
formations sur les intelligences multiples. Et les mêmes personnes qui,
aujourd'hui, disent que ce sont des mythes, ont été de ceux qui ont imposé à
l'époque. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas être à la merci de
certains courants de pensée...
M. Poulin : Je comprends.
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...on
ne veut pas être à la merci des modes. On veut pouvoir choisir, en fonction de
la réalité des élèves qu'on a devant nous, la formation qui répond à nos
besoins et à celle de nos élèves.
M. Poulin : Excellent.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Donc,
on veut avoir une offre variée. On veut être au courant des recherches les plus
prometteuses, mais on veut pouvoir choisir celles qui correspondent aux besoins
de nos élèves.
M. Poulin : Et on pourrait
collaborer avec l'Institut national. Je pense que ma collègue souhaitait vous
poser une question.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull, la parole est à vous.
Mme Tremblay : Oui, alors...
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste... minutes.
Mme Tremblay : Alors, moi, je
vais vous poser des questions en lien avec le 30 crédits qu'on veut mettre
en place à l'automne prochain. J'aimerais ça vous entendre, parce qu'on sait
qu'il y a plusieurs personnes, dans le réseau scolaire, qui ont déjà un bac
dans différentes disciplines. On remet en place une formation pour leur permettre
d'atteindre le brevet d'enseignement. J'aimerais ça vous entendre sur votre
position en lien avec ce qui va permettre à ces enseignants-là d'être
légalement qualifiés.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Je
pense qu'il faut distinguer les choses. Alors, d'abord, quand un enseignant a
un baccalauréat dans une discipline qui est associée à quelque chose qu'on
enseigne à l'école, par exemple, un baccalauréat en histoire, un baccalauréat
en mathématiques, d'aller chercher un 30 crédits supplémentaires en didactique,
en pédagogie, c'est une chose. Mais, comme le disait Mme Goyette, tout à
l'heure, quand on a un baccalauréat qui n'est pas du tout en lien avec les
matières enseignées, ça nous apparaît insuffisant.
Autre élément que je veux porter à votre
attention, ce sont les différences d'autorisation d'enseigner qu'on a au
Québec. On a beaucoup entendu parler du brevet, mais, vous savez, quand on...
quand on disait tout à l'heure, dans notre présentation, qu'on pourrait prendre
exemple sur la formation professionnelle, nos gens qui arrivent en formation
professionnelle sont des experts de leur métier, mais ne sont pas des gens qui
sont qualifiés en enseignement. On leur délivre une autorisation provisoire
d'enseigner, provisoire et, en contrepartie, pour obtenir leur brevet, ils
devront s'engager à compléter une formation en enseignement.
Alors, nous, on dit : Il y aurait
moyen actuellement, quand on dit qu'on peut qualifier sans dévaloriser la
profession, il y aurait moyen de décerner des autorisations provisoires à des
enseignants non légalement qualifiés et de les inciter, tranquillement, pas
vite, en les soutenant, en leur donnant des conditions pour le faire, les
inciter à aller chercher une formation complète de façon à ne pas dévaloriser
la profession et à garder ces gens-là dans le système. Parce que les chercheurs
vous ont dit tantôt qu'il y a des recherches qui démontrent qu'avec des
formations courtes, bien, les gens quittent plus rapidement, vont quitter plus
souvent parce qu'ils sont moins bien formés pour pouvoir faire face à la classe
et aux obligations qu'ils ont. D'autres...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Il
y a un autre élément, on nous... on a dit, on a affirmé ici, devant vous, que
les formations courtes étaient d'égale valeur avec les formations
traditionnelles...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Bilodeau. C'est, malheureusement, tout le temps qu'on a. On
poursuit les échanges, mais, cette fois, avec Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Si vous
permettez, je vais laisser Mme Bilodeau continuer sa réponse.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...on
a affirmé aujourd'hui, devant vous, que les formations courtes étaient de mêmes
valeurs, même peut-être supérieures à l'enseignement... aux formations
traditionnelles, et pourtant, bien, ce qu'on nous dit, c'est qu'il n'y a pas de
consensus de la recherche sur cette question-là.
On a entendu aussi la présidente du
Conseil supérieur de l'éducation aujourd'hui parler de l'importance de la
littératie, de former nos jeunes, de les... de faire en sorte qu'ils aient des
compétences en lecture le plus tôt possible. Bien, vous savez, dans la
formation de 30 crédits qui est mise de l'avant actuellement, là, il y
aura seulement trois crédits en littératie. Alors, est-ce que ce sont... est-ce
que c'est des façons d'assurer que les enseignants vont vraiment être aptes à
transmettre à leurs élèves ce qu'il faut pour les amener à réussir puis à
développer leurs compétences en lecture? Je n'en suis pas certaine.
Mme Rizqy : Merci. Alors,
permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue parmi nous.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Merci.
Mme Rizqy : Merci pour avoir
complété votre réponse. Je vais commencer avec une question toute simple. La
semaine dernière, le ministre de l'Éducation a dit à un groupe : Je suis
en mal de oui quand je vous parle. Vous, est ce que vous êtes en mal de oui
quand vous lui parlez?
Mme Scalabrini (Josée) :Nous, on est en espoir de oui.
Mme Rizqy : Ah!
Mme Scalabrini (Josée) :Moi, j'ai espoir que la démarche qu'on fait a sa raison
d'être et qu'on sera bien entendu, parce que ce qu'on vient livrer aujourd'hui
nous vient de la base, c'est les enseignants qui nous l'ont dit. On sort d'un
colloque où on a demandé l'avis à des gens à la base, et oui, on a espoir qu'on
aura des réponses positives de cette commission parlementaire là et on espère
qu'on aura des oui aussi quand on veut parler des problématiques qui se vivent
dans nos écoles présentement, parce que ça, ça aurait été une vraie priorité,
plutôt que la démarche qu'on est <en train de faire...
Mme Scalabrini (Josée) :
...des problématiques qui se vivent dans nos écoles
présentement, parce que ça, ça aurait été une vraie priorité, plutôt que la
démarche qu'on est >en train de faire. Mais on est des gens capables de
faire deux choses à la fois, ça fait qu'on va travailler d'un côté puis on va
travailler de l'autre côté, mais on va espérer des oui.
Mme Rizqy : J'aime ça, des
gens pleins d'espoir. La semaine dernière, vous étiez, devant l'Assemblée
nationale du Québec, de façon colorée et ça, moi, ça m'a vraiment frappée quand
je suis passée vous dire bonjour, c'était une question de la composition de la
classe. Et je ne sais pas si mes collègues ont eu l'occasion de passer vous voir...
M. Poulin : Oui.
Mme Rizqy : Le député de
Beauce-Sud dit oui, je ne sais pas si le ministre a eu l'occasion d'y aller. Mais
pouvez-vous juste au micro, au niveau des couleurs, c'était quoi, le message
véhiculé? Parce que moi, je l'ai compris, là, mais je pense que... pour ceux
qui nous écoutent et peut-être aussi pour le bénéfice du ministre.
Mme Scalabrini (Josée) :Je veux préciser que c'était une demande qu'on avait eue
des enseignants, hein? Ils voulaient qu'on image leur réalité, leur quotidien.
Mais, comme j'ai la chance d'avoir la grande responsable de la mobilisation
avec moi, je vais la laisser décrire quelle était l'activité.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Alors,
dans le fond, on a commencé par consulter nos enseignants en leur demandant de
faire un portrait de leur classe à l'aide de trois couleurs, donc, d'imager
leurs groupes avec le vert, le jaune et le rouge, hein, qui est compris par
tout le monde. Un élève vert, c'est un élève qui chemine normalement selon son
groupe d'âge et qui peut éprouver des difficultés à l'occasion, là, pas un
élève parfait, pas un élève de haut niveau, un élève ordinaire qui fonctionne
bien mais qui peut, à l'occasion, être en difficulté puis avoir besoin d'aide.
Un élève jaune, c'était un élève qui avait besoin d'intervention fréquente ou
de mesures d'adaptation. Et un élève rouge, c'était un élève qui avait besoin
d'interventions constantes et qui nuisait... en tout cas, dérangeait le
fonctionnement du groupe, là, de façon permanente ou très fréquente.
Et les résultats, bien, sont assez
parlants, c'est-à-dire qu'on a eu plus de 10 500 profs qui ont fait
leur portrait... leur portrait de classe, tant au primaire qu'au secondaire, et
les données démontrent que c'est près d'un élève sur deux, là, donc près de
50 % de la classe, 48 %, qui était jaune ou rouge. Donc, ça illustre,
je pense, les problèmes de composition de classe. Et ça dépasse juste la
formation sur la gestion de classe, ça fait qu'à un moment donné, quand on a un
tel nombre d'élèves en difficulté, qui ont des besoins particuliers dans nos
groupes, on n'y arrive plus. Quand on 25, 30 élèves, ce n'est plus
gérable, et ce n'est pas la formation qui va changer ça. Alors, c'est un
problème auquel il faut s'attaquer, parce que nos enseignants nous disent,
quand on leur demande les principaux facteurs de désertion professionnelle,
bien, la surcharge de travail et la composition de la classe sont les deux
éléments qui reviennent dans nos consultations.
Mme Rizqy : Mais ça, il n'en
est pas question dans le projet de loi.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Non,
malheureusement.
Mme Rizqy : Et la gestion de
classe, c'est quoi, ça représente, le chiffre que vous m'aviez avancé, c'était
37 %, que c'était la gestion de classe.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Dans
le fond, on avait demandé aux enseignants : Dans le contexte de votre
groupe, quel temps vous pensez qui est consacré à un enseignement de qualité?
Et les données nous ont... qui nous ont été fournies par la consultation
démontrent qu'il y a une perte, en moyenne, de 37 % du temps par jour qui
est perdu à cause de cette gestion-là ou de la composition de la classe difficile.
Donc, on perd en apprentissage, on perd en temps de qualité d'enseignement
parce qu'on est confronté à une composition de la classe qui est trop
difficile.
• (20 h 50) •
Mme Rizqy : Je tiens aussi à
souligner que, dans le rapport de la Vérificatrice générale, elle fait mention
que, premièrement, la formation continue qui existe déjà, que vous faites,
plusieurs ont de la difficulté à la faire, parce que, finalement, la
libération, elle ne fonctionne pas, parce que c'est du remplacement. Donc, je
tiens juste à le souligner.
Mais je veux aller tout de suite à la
formation à distance. Tantôt, on en a parlé, puis je trouve que... Je veux
juste remettre les affaires en perspective, là. Quand on dit qu'en moyenne un
enfant qui est à l'hôpital a cinq heures de formation, ce n'est pas parce que
vous ne voulez pas en donner plus, c'est parce que c'est un contexte médical, et
que c'est avec l'équipe médicale et l'équipe-école que vous allez, de jour en
jour et, des fois, de semaine en semaine, mais même, des fois, de jour en jour,
décider si, oui ou non, aujourd'hui, il va avoir un apprentissage ou l'enfant
est trop malade pour pouvoir continuer, là. Alors, vous avez déjà cette
flexibilité. Alors, quand le ministre parle de mettre un cadre qui va être flexible,
mais, en ce moment, vous avez cette flexibilité, n'est-ce pas?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
dans le fond, ce qu'il faudrait, c'est peut-être davantage de ressources.
Alors, si les enfants sont capables d'en prendre un peu plus que ce qui est offert
actuellement, à ce moment-là, qu'on mette davantage d'enseignants en milieu
hospitalier pour répondre à leurs besoins. Je ne pense pas que l'enseignement à
distance soit la solution dans ces cas-là. On pense, comme je le disais tout à
l'heure, que l'enseignement en présence est beaucoup plus rentable.
Mme Rizqy : Au niveau de la
formation initiale... non, de formation continue, si vous me permettez, vous
l'indiquez dans votre mémoire, là, mais le ministre de l'Éducation précédent a
été enseignant, puis lui avait consacré, <dans la loi n° 40...
Mme Rizqy :
...de formation
continue, si vous me permettez, vous l'indiquez dans votre mémoire, là, mais le
ministre de l'Éducation précédent a été enseignant, puis lui avait consacré, >dans
la loi n° 40, un acquis pour vous qui respectait
votre autonomie. Là, en ce moment, le ministre n'arrête pas de dire qu'il est
dans la continuité de la dernière réforme. Moi, je vois plutôt une
contradiction. Est-ce que je me trompe lorsque je dis qu'il y a une
contradiction entre la formation continue telle que vue par son prédécesseur et
la sienne?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Non,
vous ne vous trompez pas, c'est totalement contradictoire. Le ministre Roberge,
en contrepartie, de nous demander d'effectuer 30 heures de formation par
deux ans, nous reconnaissait le droit de choisir nos activités de formation, et
c'était une façon de valoriser la profession enseignante, de reconnaître leur
expertise pédagogique, de leur donner une compétence exclusive en matière
d'évaluation des apprentissages et de leur donner la maîtrise d'oeuvre de leur
formation continue. Et là, dans le fond, le projet de loi n° 23 nous
ferait revenir en arrière. Il faut savoir qu'actuellement on a déjà de la
difficulté à faire appliquer cet article de loi là. On a 75 griefs déposés,
parce que les centres de services scolaires n'acceptent pas que les enseignants
choisissent leur formation. Alors là, le projet de loi n° 23 ne viendra
pas nous aider.
Mme Rizqy : Non,au
contraire, c'est un recul. Dites-moi, formation initiale, puis la CAPFE, et
qu'est-ce qui se passe en ce moment avec la CAPFE? Qu'est-ce que vous en
pensez?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
c'est dommage, parce que le CAPFE, comme je le disais, a fait ses preuves, et
c'est l'organisme qui est garant d'une formation initiale de qualité pour le
personnel enseignant au Québec. Alors, de mettre fin aux travaux du CAPFE,
d'abandonner cette instance importante là, ça laisse... ça laisse la porte
ouverte à des formations de moindre qualité. Et je pense qu'au Québec tout le
monde sera d'accord pour dire qu'on veut que notre corps enseignant soit
compétent, bien formé, qu'ils aient les outils pour pouvoir intervenir et faire
réussir les élèves. Donc, le CAPFE était un pare-feu qui disparaîtrait avec le
projet de loi.
Mme Rizqy : Vous avez le sens
de la répartie. Si je peux me permettre, il me reste une dernière question. Mme
Bilodeau, vous êtes une spécialiste de la mob, de la mobilisation, c'est comme
ça qu'on vous a présenté. Alors, à titre de spécialiste de la mob, il me semble
que, quand on veut opérer des grands changements, ça prend l'adhésion des gens,
présentement, est-ce que cette adhésion, vous la retrouvez auprès des parents,
et des enseignants, et des directions d'école pour cette grande réforme?
La Présidente (Mme Dionne) :
...secondes.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
ce n'est pas l'impression qu'on a en écoutant les travaux de la commission et
quand on rencontre nos membres. Vous savez ce que nos membres veulent, c'est
pouvoir enseigner, c'est pouvoir amener leurs élèves vers la réussite, mais pas
de la façon qu'on nous le propose actuellement. Nos enseignants, ce qu'ils
veulent, c'est du temps, de l'air, de la reconnaissance, de la valorisation, du
soutien.
Mme Rizqy : Merci. Puis, en
terminant, si je peux me permettre, j'aimerais rappeler que chaque délégué
syndical est à la base un enseignant.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Effectivement,
c'est notre cas.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, mesdames, monsieur, pour votre présentation. C'est
vraiment très intéressant et très important, hein, d'être... parce que vous
êtes des gens sur le terrain. On a entendu des gens peut-être qui sont plus
loin du terrain, que j'ai l'impression qu'ils ont plus l'écoute du gouvernement
et du ministre, mais vous, vous êtes proches, et c'est très précieux pour nous,
pour nos travaux.
Je voulais revenir sur la question de la
formation à distance. J'ai écouté aussi les échanges que vous aviez avec le
ministre. Il y a un projet pilote. Normalement, un projet pilote, c'est quelque
chose de temporaire pour faire, après ça, le bilan de ça puis mettre...
instaurer quelque chose de permanent après. Pourquoi, selon vous, la ministre
n'attend pas le bilan ou les résultats du projet pilote qu'il soit terminé
avant d'aller de l'avant avec son projet de loi pour la formation à distance?
Mme Bilodeau (Brigitte) : La
crainte que l'on a, c'est que l'enseignement à distance devienne la solution à
la pénurie actuelle. C'est la principale crainte que l'on a. Quand on
regarde...
Mme Ghazal : Qu'on aille plus
loin que juste l'enfant malade.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exactement.
Parce que, quand on parle de circonstances exceptionnelles, bien, est-ce que le
fait de ne pas avoir d'enseignant de chimie, dans tel village, à tel endroit au
Québec, va faire en sorte que l'enseignement à distance va devenir la solution?
Et nous, on pense — c'est dramatique la pénurie qu'on vit — mais
on pense, comme la Vérificatrice générale l'a mentionné la semaine dernière,
qu'on devrait se donner un plan d'action, puis on en aurait des solutions à
proposer pour essayer de renverser la tendance. Alors, voilà.
Mme Ghazal : Puis ce serait
quoi, comme solution? Bien là, ce serait... c'est la question qui pourrait
durer très, très longtemps...
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exact.
Mme Ghazal : ...puis là je
n'ai beaucoup de temps, c'est vrai. Pour ce qui est de la formation, bien, le
fait d'imposer... Oui, il y a d'autres solutions, c'est ça, pour la pénurie,
les conditions de travail, etc. Pour ce qui est des formations, le fait
d'imposer une formation... tu sais, on est devant un projet de loi qu'on nous
dit : L'objectif, c'est de rendre le système d'éducation efficace,
d'imposer une formation où l'enseignant a l'impression qu'il n'a pas besoin de
ça puis qu'il perd son temps, que ce soit trois heures ou 30 heures, là, <qui
soient imposées...
Mme Ghazal :
...formation où l'enseignant a l'impression qu'il n'a pas
besoin de ça puis qu'il perd son temps, que ce soit trois heures ou
30 heures, là, >qui soient imposées, ce n'est pas très
efficace.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bon,
on vous a dit tout à l'heure qu'en mesure... en matière d'insertion
professionnelle, l'imposition, ça ne fonctionne pas. C'est un fait puis c'est
une donnée probante. En même temps, vous savez, ce n'est pas tant le fait
d'imposer, c'est le fait de sentir qu'on est à la merci de certaines modes, de
certains courants, de certaines personnes qui parlent plus fort que d'autres,
de courants qui sont parfois contradictoires, hein? Je vais vous donner
l'exemple de la... du programme de maternelle quatre, cinq ans, où on était
pris entre un courant de recherche qui favorisait l'émergence, le développement
global, puis un courant de recherche qui voulait de la prévention puis
l'enseignement des lettres. Et là ce sont tous des chercheurs, et pourtant, là,
nous, on est pris entre ça puis on regarde aller les choses.
C'est pour ça qu'on dit : Laissons
les enseignants choisir la méthode qui leur apparaît la plus appropriée aux
groupes d'élèves qu'ils ont devant eux, au contexte dans lequel ils enseignent.
Est-ce qu'ils sont en milieu favorisé? Est-ce qu'ils sont en milieu défavorisé?
Est-ce qu'ils ont un groupe où les élèves ont été sélectionnés sur la base des
résultats? Est-ce qu'ils ont un groupe d'élèves en difficulté? Alors, c'est
tout ça...
Mme Ghazal : ...puis d'aller
chercher la formation, dont ils ont besoin, en fonction d'où est-ce qu'ils se
trouvent. Pourquoi, selon vous, le ministre a aboli le CAPFE? Là, j'imagine, il
reste 10 secondes, genre?
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes.
Mme Ghazal : Pourquoi il l'a
fait? Ce n'est pas bon, mais pourquoi il l'a fait, selon vous?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
les dernières prises de position du CAPFE s'objectaient aux formations...
La Présidente (Mme Dionne) : Désolée,
je dois... Désolée, je dois interrompre les conversations. Je cède maintenant
la parole à M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. On parlait tantôt d'espoir du
oui, moi, je suis du camp du Oui, je suis toujours du camp du Oui, et c'est oui
pour les enseignants et les enseignantes. Et, si les enseignants et
enseignantes étaient réunis, pas dans une assemblée syndicale, ils avaient à
demander une priorité, je ne pense pas que c'est le projet de loi actuel. C'est
ce que je pense.
Légiférer, ça prend beaucoup de temps,
beaucoup d'énergie. Vous êtes là, vous avez fait un mémoire. Mais il y a quand
même des choses qui peuvent être faites sans projet de loi. Je vais prendre un
exemple. Nous, par exemple, on pense que d'interdire le téléphone cellulaire en
classe, c'est une bonne chose, on pense ça. Pas besoin de loi pour ça. Je pense
que c'est votre position aussi. Vous évaluez à quel pourcentage le nombre
d'enseignants et enseignantes au Québec présentement, ou dans vos membres, qui
sont pour l'interdiction du cellulaire en classe?
Mme Scalabrini (Josée) :Je ne vous dirai pas que c'est notre position, je vais vous
dire que c'est la position de nos membres. Après être allés consulter les
membres, à la base, dans un grand sondage qu'on avait fait, avec d'autres
éléments, c'est à 98 % qu'on nous a dit qu'on ne voulait pas.
M. Bérubé : 98 %?
Mme Scalabrini (Josée) :Oui.
M. Bérubé : Alors, on vous
reçoit 10 sur 10. C'est également notre position, ça, pas besoin de loi.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Sauf
dans le cas où l'enseignant déciderait de l'utiliser à des fins pédagogiques.
M. Bérubé : Bien sûr, bien
sûr. Nos demandes, l'encadrement, je pense que c'est important, pas besoin de
loi pour ça, ça enverrait un signal positif aux enseignants. Ça peut se faire,
le ministre a envoyé une consigne sur la prière à l'école, je pense qu'il peut
le faire également pour la téléphonie cellulaire. Juste pour vous illustrer
que, parfois, on peut faire des changements qui sont bénéfiques. La composition
de la classe, on en a parlé tout à l'heure, c'est très important. J'ai
participé à votre activité, j'ai vu que c'est intenable, là, c'est difficile
dans ces conditions-là.
Tantôt, vous avez parlé des modes. Est-ce
que, par exemple, ça pourrait faire en sorte qu'un ministre, puis, là, je ne
personnalise pas au ministre, disons, les ministres qui vont suivre pourraient
rencontrer une personnalité, par exemple, un penseur en éducation qui a une
telle influence sur lui, que là ça devient ce courant-là qui va être imposé?
Tantôt, le ministre, il disait — je ne personnalise pas : Après
lui, il faut que je serve à quelque chose. Bon, alors ça pourrait arriver qu'un
penseur ait une très forte influence et ait une telle influence que ça a un
impact sur les formations qui sont réclamées. Ça pourrait-tu être ça, par exemple?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Ça
pourrait arriver. Et, quand le ministre parle de donner des orientations pour
qu'un certain nombre d'heures réponde à certains thèmes, bien, le projet de loi
actuel, ce n'est pas ce qu'il dit. Si on change le ministre demain matin puis
qu'il décide qu'il impose les 30 heures sur différents thèmes, il pourrait
le faire.
M. Bérubé : Il a ce
pouvoir-là?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exactement.
• (20 heures) •
M. Bérubé : Donc, c'est de
nous préserver sur des effets de mode, sur un volontarisme plus grand d'un ou
d'une ministre, dans l'avenir, ou actuel, sur ce genre d'enjeux là?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Tout
à fait.
M. Bérubé : Et, ça, ça vous
inquiète, sur l'autonomie des enseignants et des enseignantes.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Oui,
énormément.
M. Bérubé : Donc, c'est à la
clé. Est-ce que d'avoir moins d'autonomie, ça a un impact considérable sur la
motivation, sur le décrochage des enseignants et des enseignantes?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Tout
à fait.
La Présidente (Mme Dionne) : ...15 secondes.
M. Bérubé : Assez pour
répondre.
Mme Scalabrini (Josée) :C'est la valorisation même. On dit, depuis 15 ans, que
ce que nous demandent les enseignants, c'est de valoriser la profession. C'est
d'être capables de redonner à la profession ses lettres de noblesse, mais ça,
c'est un geste qu'on vient imposer quelque chose qui vient prouver qu'on ne
valorise pas la profession et qu'on ne fait pas confiance aux enseignants.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci. Merci infiniment...
21 h (version révisée)
Mme Scalabrini (Josée) :...noblesse, mais ça, c'est un geste quand on vient imposer
quelque chose qui vient prouver qu'on ne valorise pas la profession et qu'on ne
fait pas confiance aux enseignants.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour votre contribution à ces échanges.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 7 juin, après les
avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Sur
ce, je vous souhaite une excellente fin de soirée à tous, et merci.
(Fin de la séance à 21 h 02)