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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 12 novembre 1992 - Vol. 32 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'enseignement collégial québécois


Journal des débats

 

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Hovington): Nous avons quorum. Je déclare ouverte la séance de la commission de l'éducation qui a pour mandat de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement collégial québécois. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gobé (LaFontaine) par M. Maltais (Saguenay) et M. Parent (Sauvé) par M. Doyon (Louis-Hébert).

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Nous aurons, ce matin, dès 9 h 30, la Fédération autonome du collégial, que j'inviterais, d'ailleurs, à prendre place, s'il vous plaît. À 10 h 30, nous aurons le Collège de Limoilou; à 11 h 30, la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec; à 12 h 30, l'Association québécoise des professeures et professeurs de français, et, à 13 h 30, nous ajournerons.

M. le président, M. Michel Duffy, je crois. Bonjour.

M. Duffy (Michel): Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la commission de l'éducation. J'aimerais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Duffy: Oui. Il y a Mme Selma Tischer, qui est enseignante au cégep Vanier et qui est coresponsable des dossiers pédagogiques à la Fédération; M. Jean Murdock, enseignant au cégep de Jonquière, vice-président de la Fédération.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Duffy: Je m'appelle Michel Duffy et je suis enseignant au cégep de Vaileyfield.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Duffy: M. Jean-Guy Desmarais, enseignant au cégep André-Laurendeau, secrétaire-trésorier à la Fédération.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Duffy: M. Yves De Grandmaison, enseignant au cégep de Rosemont, responsable des dossiers pédagogiques.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

M. Duffy: Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le député d'Abitibi-Ouest, la Fédération autonome du collégial est une organisation syndicale d'enseignantes et d'enseignants de cégep, fondée en 1988. Elle est présente dans la plupart des grandes régions du Québec et est à l'image de sa dualité linguistique.

La Fédération autonome du collégial s'est donné comme objectif de défendre les intérêts économiques, sociaux, pédagogiques et professionnels du personnel enseignant des cégeps. Elle revendique pour eux les libertés liées à l'exercice de leur profession, encourage l'accès des femmes à la vie syndicale, agit en solidarité avec tous les groupes de la société qui travaillent à la promotion de l'éducation, de la liberté et de la justice sociale. Enfin, la Fédération veut promouvoir pour le plus grand nombre l'accès à une éducation de qualité, notamment celle de l'ordre collégial.

Encore un mot, Mme la Présidente, en conclusion de ce préambule, pour remercier les membres de la commission d'avoir bien voulu nous entendre sur l'avenir de l'enseignement collégial et pour féliciter Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science de sa nouvelle promotion au ministère de l'Éducation. Vous vous trouvez désormais, Mme la ministre, particulièrement bien placée pour dégager cette perspective systémique verticale dont a bien besoin tout l'enseignement québécois.

J'aborderai dans l'ordre les points suivants: la consultation, l'école de l'égalité des chances, la formation offerte au collégial, l'évaluation et la gestion du réseau.

En raison du fait qu'on a lancé cette commission de l'éducation sans l'énoncé d'une politique qui aurait mis en forme la volonté clairement signifiée du gouvernement d'agir et en raison aussi du fait que nous n'ayons eu, en guise de référence, que le seul avis du Conseil des collèges, il ne faut pas s'étonner que notre mémoire privilégie la défense, la reconnaissance et la revalorisation tant des institutions collégiales, des enseignantes et des enseignants que de l'enseignement qu'ils y donnent.

Cela dit, compte tenu de l'importance des enjeux, nous avons organisé l'une des consultations les plus étendues que la FAC ait connues. Alors, c'est nombreux et enthousiastes, en dépit des circonstances, que nos membres se sont présentés aux différentes formes de consultations organisées dans leur collège en vue de cette commission.

II est ressorti de cet exercice bien des témoignages sur ce qu'il fallait à tout prix préserver de l'enseignement collégial public d'ici. À cet égard, plusieurs ont cru opportun de rappeler au législateur que, si le réseau collégial québécois a connu une expansion si considérable, c'est qu'il s'est construit autour de l'idéal de l'égalité des chances et de la nécessité de préserver à tout prix ce principe supérieur commun qui a permis que s'organise au Québec, il y a 25 ans, une nouvelle définition de l'enseignement secondaire et postsecondaire, une gestion nationale du système éducatif avec, entre autres, un diplôme d'État et un accès à ces savoirs pour une partie considérable de la population qui, autrement, en aurait été privée, puis celui de la mobilité sociale qu'elle a rendue possible.

Rappelons pour mémoire que dès le début des années cinquante le Québec se prépare à une véritable explosion scolaire. De 1956 a 1961, le nombre de jeunes engagés dans les études secondaires a doublé. En 1961, le taux d'accès aux études secondaires est de 70 % et celui des études collégiales, de 16 %. En 1986, le taux d'accès aux études collégiales passe à 63 %; au secondaire, il est de 100 %, un dépassement de 19 % des prévisions du rapport Parent. En 1989, les filles surpassent en nombre les garçons. Elles représentent 56 % de l'effectif total de l'enseignement régulier.

Les cégeps, c'est le formidable pari de la démocratisation des études supérieures. 650 000 jeunes y ont obtenu un diplôme d'études collégiales. C'est aussi un secteur de l'éducation des adultes en pleine expansion qui émet certificats, attestations et diplômes d'études collégiales. C'est, dans les régions, l'encouragement de nombreux jeunes à poursuivre des études auxquelles ils n'avaient pas jusque-là accès. Ce sont des populations qui profitent d'infrastructures scientifiques, culturelles, sportives et artistiques indispensables à leur développement social. La présence des cégeps dans ces milieux favorise, par ailleurs, l'émergence de centres universitaires. Il y a un appel vers le haut.

Ces ressources humaines nombreuses dont la compétence s'étend à tous les champs d'activité ont non seulement contribué à la formation intellectuelle de la main-d'oeuvre, mais aussi à la croissance économique et au développement régional.

On peut donc conclure à la mission accomplie des collèges après 25 ans, mais aussi au caractère incomplété de cette mission si on tient compte des nouvelles tendances sociales et des demandes de formation supérieure de masse que celles-ci exigent de notre système d'éducation, surtout depuis que l'efficacité et l'exemple de l'entreprise cherchent à mettre en forme la totalité du monde scolaire, à en rationaliser l'organisation pour la rendre plus performante.

Les derniers chiffres du Conseil supérieur de l'éducation nous font observer avec quelque désarroi la fragilité des acquis et le retard du Québec dans la proportion de population de 15 ans et plus qui a fait des études universitaires, et qui est de 3,6 % sur l'Ontario, et notre solde migratoire négatif chez les plus scolarisés; les disparités entre régions, entre hommes et femmes, entre groupes linguistiques, 27,7 % d'anglophones contre 14,1 % de francophones, tous âges confondus à l'université; entre régions, 55 % des 20-29 ans sans diplôme d'études secondaires dans le Nord du Québec.

Afin de compléter cette mission de l'égalité des chances, l'État doit, selon nous: préserver et faciliter l'accès du réseau des cégeps sur tout le territoire du Québec en établissant une politique d'implantation de centres d'études collégiales en concertation avec les intervenants, centres qui doivent bénéficier de conditions d'enseignement et d'apprentissage équivalentes à celles des cégeps, en prenant les moyens pour assurer la viabilité et la diversité des programmes des collèges en région; faciliter l'accès du réseau pour le plus grand nombre, jeunes et adultes, selon le principe d'une éducation permanente: en maintenant la gratuité scolaire, en assurant aux élèves des prêts et bourses convenables, en encourageant les candidatures féminines dans les métiers non traditionnels, en développant des mécanismes pour amener les personnes des milieux défavorisés à poursuivre leurs études, en élaborant une politique-cadre en matière de reconnaissance des acquis, acquis de formation scolaire et de compétences professionnelles; encourager, valoriser et promouvoir enfin la formation professionnelle. (9 h 40)

Sur la formation offerte au collégial, nous affirmons la pertinence de retrouver au sein d'un même établissement public l'enseignement général et professionnel. Et la formation qui y est offerte doit se composer de la façon suivante:

Une formation fondamentale qui permet à l'élève d'acquérir la maîtrise de l'expression tant verbale que non verbale, un solide sens critique, une maturité, un sens de l'autonomie. Par cette formation, l'élève établit des liens entre les différents savoirs et les intègre à son milieu de vie et de travail. Toutes les disciplines en sont dotées.

Une formation générale qui comprend pour tous les élèves les quatre cours obligatoires de philosophie, ou «humanities», les quatre cours obligatoires de langue et de littérature, les quatre cours obligatoires d'éducation physique.

Une formation complémentaire composée de quatre cours pour tous et qui passe par une redéfinition et un resserrement de leurs exigences. Ils sont choisis à l'intérieur d'une banque de cours qui assurent un véritable complément à la formation de l'élève, tout en l'élargissant des thèmes privilégiés par le Conseil des collèges.

Une formation spécialisée, préuniversitaire

ou professionnelle, relevant d'un programme clairement établi.

Une formation intégrée ou l'approche programme qui, tout en maintenant la structure départementale actuelle, passe par la création dans chaque collège de lieux d'échange et de concertation interdisciplinaires. Elle permet aux élèves une formation qui intègre les objectifs de formation fondamentale, ceux de la formation générale et ceux de leur programme propre.

Une formation sur mesure qui permet aux enseignants de participer pleinement au processus d'élaboration de ce type de formation.

En définitive, si l'on veut que notre société évolue en ce sens, qu'elle réalise ce saut qualitatif, que jeunes et adultes aient un meilleur accès à une formation fonctionnelle, polyvalente et à une meilleure diplomation, il faut ajouter au principe de l'égalité des chances et aux impératifs de la société actuelle celui de la justice, et prendre en compte les populations étudiantes au cheminement de plus en plus différencié, notamment celles qui éprouvent des difficultés de parcours.

À cet égard, l'ordre collégial - et nous en sommes très fiers - a développé des stratégies d'aide à l'apprentissage qui visent à contrer l'échec et l'abandon en connaisant mieux les profils de ces élèves qu'on dit à risque. Mentionnons, entre autres, les centres d'aide à l'apprentissage qui regroupent des services divers, rencontres individuelles, de groupe, tutorat par les pairs, accès à différents types de matériels écrits, informatisés; les centres d'aide en français, en mathématiques en sont d'autres belles illustrations qui, malheureusement, faute de ressources accrues, ne suffisent pas à la demande; des ateliers thématiques liés aux stratégies d'apprentissage qui permettent aux élèves de développer des techniques de mémorisation, la prise de notes, la méthode de travail intellectuel, la gestion du temps, du stress, de renforcer la motivation, la concentration; des cours complets de mise à niveau pour des élèves qui ont des acquis jugés insuffisants et qui ont besoin de soutien particulier dès leur arrivée au cégep, soit en langue maternelle, soit en mathématiques, mesures auxquelles s'ajoute parfois un ensemble d'interventions alliant tutorat, suivi individuel, accueil particulier, groupes homogènes; puis des formes d'encadrement par programmes complets à la fois didactiques, méthodologiques et affectifs qui favorisent la réussite de l'ensemble des effectifs d'un programme; et, enfin, cette formule d'enseignement coopératif qui s'implante actuellement dans quelques collèges et qui, grâce à cette alternance des études et des stages rémunérés en entreprise qu'elle offre, permet à des élèves de parfaire leurs études techniques en même temps qu'une insertion professionnelle pour ceux qui, autrement, auraient peut-être abandonné ces études. Tout cela, qui gravite autour de l'acte pédagogique, est pour nous à maintenir et à renforcer.

Parallèlement à ces démarches compensatoires - et c'est un peu paradoxal - la société de l'efficacité remet de plus en plus en cause les profils irréguliers, ceux dont le cheminement scolaire semble perdurer outre mesure. Aussi, ne faut-il pas s'étonner de voir certains discours rabattre toute métaphysique et faire de l'éducation un problème d'abord technique. Non plus que de voir apparaître indicateurs de performance, classement d'écoles ou de collèges, certains étiquetés de premier, de deuxième ou de troisième tour, comme les restaurants à une, deux ou trois étoiles, pour que joue librement la concurrence, et même l'aider dans certains cas.

Les possibilités nouvelles de massification statistique nous permettent au mieux de relier ces indicateurs de performance aux inégalités de position des familles, en particulier celles reliées à l'échec et à l'abandon qui prennent des allures de phénomène social. Mais, nous dit Derouet dans «École et justice»: «De l'extériorité de cette sociologie par rapport aux conditions réelles de l'enseignement, elle en développe une évaluation surplombante, s'intéressant aux entrées et aux sorties, guère au fonctionnement du système». Et, ajoutons-nous: guère à l'école elle-même, à l'appréciation qualitative de l'effort pédagogique des maîtres ni à celle des apprentissages qui se réalisent, non plus qu'aux conditions qui mènent à l'obtention d'un diplôme.

À une époque où on écoute plus volontiers son comptable que son philosophe ou que ceux et celles qui défendent la relation éminemment privilégiée entre maître et élève et le fait qu'il faudrait la privilégier encore bien davantage, nous voudrions surtout vous dire, Mme la ministre, alors que les uns parlent de changement, d'autres de virage et de redressement dans l'essentiel de la formation générale donnée aux jeunes, qu'on n'y parviendra pas qu'en jouant sur les mots, qu'en parlant de thématiques au lieu de disciplines, qu'en remplaçant un cours par un autre.

Si c'est véritablement du nouveau que l'on cherche, et pas seulement du neuf, si on veut une formation vraiment efficace, qualifiante, il faut d'abord écouter ceux et celles qui donnent cette formation aux jeunes, et leur redonner les moyens de travailler mieux, c'est-à-dire autrement. Par exemple, aucun intervenant que nous avons entendu déplorer la qualité de la langue des finissants n'a mis en relief le fait qu'au secondaire, qui n'a pas manqué de vivre tous les changements, il se donne 25 % de moins de français qu'en 1960, qu'il ne s'y fait aucun apprentissage systématique du code de la langue française et qu'au collégial les ratios élèves-maître sont passés de 100, 120 qu'ils étaient en 1972 à plus de 160 en 1982. Et le fait aussi que les recommandations de la coordination de cette discipline, de modifier la pondération des cours de français en vue d'augmenter les heures

d'apprentissage sont restées lettre morte.

Sur l'évaluation et la gestion du réseau, il est essentiel que toute gestion du réseau collégial tienne compte des besoins propres à l'enseignement collégial et qu'elle garantisse la participation des enseignants. Nous nous disons d'accord avec une évaluation du réseau collégial, le système, l'institution, les programmes, les enseignements, mais nous estimons essentiel que les enseignants soient associés, tant sur le plan local que national, à la mise en place d'une politique d'évaluation et des mécanismes qui y seraient rattachés.

Nous préconisons que l'État, tout en demeurant maître d'oeuvre du financement des collèges, recherche des formes de partenariat avec l'entreprise. Pour assurer une meilleure diffusion du savoir détenu par le personnel plus âgé, il est possible également d'imaginer une formule privilégiant la formation entre pairs, autrement appelée «mentorat».

La FAC demande que des mesures soient prises afin de créer, modifier et ajuster les programmes dans des délais raisonnables. Nous réaffirmons que seule une évaluation formative, s'inscrivant dans un processus d'amélioration des enseignements et soutenue par un perfectionnement adéquat pourrait rallier les enseignants. En ce sens, l'évaluation des enseignements doit servir à élaborer des mesures de soutien à l'apprentissage et à la pédagogie.

Nous préconisons une meilleure harmonie de l'enseignement des adultes et de l'enseignement régulier. Que les enseignants participent au processus de sélection nous apparaît essentiel.

En conclusion, nous rendons hommage au Conseil des collèges et au Conseil supérieur de l'éducation d'avoir imputé à la responsabilité des institutions de valoriser l'enseignement et la pédagogie, et de soutenir le perfectionnement pédagogique des maîtres en cours d'emploi, vu que c'est là que se réalisent les objectifs d'accès et de diplomation. Nous leurs sommes, en outre, reconnaissants d'avoir fait la recension des différentes interventions en matière d'aide à l'apprentissage qu'on retrouve dans les collèges et de proposer qu'on les développe davantage, dont certaines en lien avec l'université pour favoriser une continuité des cheminements, comme nous leur sommes redevables de préciser la situation et l'importance de la recherche au collégial, la contribution importante qu'elle apporte à la mission de formation des collèges.

Enfin, pour que l'éducation redevienne une priorité de l'État, songeons avec Rousseau qui, à propos des jeunes, disait: «Si nous voulons qu'ils soient égaux, faisons-les nos égaux». Merci. (9 h 50)

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le président. Alors, Mme la ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer les membres de la Fédération autonome du collégial et leur dire combien j'apprécie que cette fédération-là accorde une très grande place aux questions pédagogiques. Je réalise tout le mouvement de consultation que vous avez mené aux fins des travaux de cette commission pour venir partager avec nous votre expérience d'enseignants au niveau de l'ordre collégial. Je veux vous dire comment ça peut être précieux pour les parlementaires de vous entendre, vu que vous êtes sur le terrain directement avec les jeunes et les adultes qui sont dans nos collèges.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. Duffy, que, depuis le début des travaux de cette commission, l'ensemble des intervenants, je dirais presque la totalité des intervenants nous demandent le maintien des cégeps, mais, en même temps, nous demandent - vous l'avez dit vous-même - des changements ou des virages importants. Par ailleurs, je dois vous dire que j'ai été surprise, à ma première lecture de votre mémoire, à la lecture du mémoire de la Fédération autonome du collégial, de découvrir que vous réclamez le maintien des cégeps, mais vous voulez conserver les cours obligatoires tels qu'ils sont, quatre de français, quatre de philo, quatre d'éducation physique, de même que les cours complémentaires. Vous hésitez à recommander une session d'accueil et d'intégration pour les jeunes. Vous ne souscrivez pas à l'approche programme telle que spécifiée ou telle que recommandée.

Alors, en tout cas, j'ai un petit peu de difficulté avec votre discours. Depuis le début de la semaine, on a entendu différentes organisations syndicales. À moins que je vous aie mal saisi, M. Duffy, j'ai l'impression que vous vous rapprochez davantage de la position de la CSN ou de la FNEEQ, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants, alors que je leur disais qu'ils me recommandent des changements mais dans le statu quo. Hier, on a entendu la Centrale qui, elle, nous démontrait une ouverture à des changements. Là, je n'ai même pas abordé avec vous la question d'une plus grande responsabilité académique des collèges et, le pendant à ça, le système d'évaluation externe. Alors, j'aimerais ça, M. Duffy, que vous essayiez de m'expliquer comment ça se fait que vous avez cette vision-là de l'enseignement collégial. Moi, je suis très surprise de découvrir ça au niveau de la Fédération.

La Présidente (Mme Hovington): M. Duffy.

M. Duffy: Écoutez, je comprends peut-être votre surprise, mais, enfin, c'est vaste, les questions que vous posez. Je pense qu'il y a peut-être des incompréhensions aussi, là. Quand vous dites que nous ne sommes pas pour l'approche programme, je crois que c'est inexact. Nous sommes en faveur de l'approche programme.

Ce que nous avons dit dans notre mémoire, c'est que, tel que le Conseil des collèges le proposait - et je vous disais au départ que c'était le seul instrument de référence sur lequel nos membres devaient se prononcer - il était nommément écrit dans le rapport du Conseil des collèges, aux pages 308 et 309, que la structure départementale, par exemple, était jugée un peu inadéquate pour accomplir cette mission-là, jugée, d'une part, trop disciplinaire. Donc, ça prenait quelque chose d'un peu extérieur à la structure départementale pour mettre en marche cette nouvelle approche. Alors, ce n'est pas contre l'approche programme que nous en avons, à laquelle nous souscrivons d'emblée. Ce qu'on dit, c'est qu'elle doit respecter les lieux identitaires que nous avons déjà et qui ont formé l'enseignement collégial.

Quand on s'en prend aux départements en disant qu'on veut prendre les sommes qui sont allouées à la coordination départementale pour les allouer à la nouvelle structure, on se pose de sérieuses questions. Que nous restera-t-il comme lieux identitaires? C'est les départements qui nous accueillent quand on arrive comme jeunes enseignants. C'est là que les échanges pédagogiques se font. C'est là que l'organisation du travail se structure. Alors, quand on nous dit, au départ, que ce qu'on a fait depuis 25 ans dans ces départements-là, c'est un peu disqualifié, vous comprendrez qu'on est sur la réserve, non pas sur l'idée, ni sur l'objectif, mais sur la manière préconisée. Je le répète: Nous sommes tout à fait pour l'approche programme et, d'ailleurs, l'essentiel de l'articulation pédagogique que nous préconisons est fondé sur l'approche programme, et ça me fait plaisir de pouvoir le rectifier ici aujourd'hui.

Pour ce qui est de l'évaluation, j'aimerais aussi en profiter vu que j'ai l'occasion de préciser à nouveau des choses. Contrairement à d'autres, nous nous sommes déclarés, il y a très longtemps, en faveur de l'évaluation. J'ai même fait une allocution l'an passé à la Fédération des cégeps sur ce thème-là, et je pense que ça avait été particulièrement bien reçu par les gens qui avaient écouté cette présentation. C'est essentiellement cette thématique que nous avons développée et que nous avons renforcée.

Ce matin, il y avait un propos peut-être dans le journal, qui laissait entendre que nous étions contre la commission externe d'évaluation. Encore là, j'aimerais apporter la précision suivante. Nous ne voulons pas d'un nouvel organisme, d'une nouvelle bureaucratisation d'évaluation de l'enseignement collégial. Nous avons dit que la Commission de l'évaluation du Conseil des collèges existe déjà. Donnons-lui le mandat, les moyens de devenir ce regard extérieur porté sur l'enseignement collégial. Ce dont nous ne voulons pas, c'est d'un autre organisme, si externe soit-il, qui, finalement, ne sache pas ce que c'est que de l'enseignement collégial. Alors, nous trouvons que le Conseil des collèges est tout à fait bien placé, par sa compétence, son savoir, son expérience pour accomplir cette mission-là, pour peu qu'on lui en donne les moyens. Je ne sais pas si ça vous ramène un peu de votre surprise, Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Robillard: Oui. J'ai des questions supplémentaires, mais, M. Duffy, vous avez oublié le premier élément. Donnez-moi donc votre vision au niveau de la formation générale de base, qu'on nous recommande, depuis le début, de renforcir et d'élargir.

M. Duffy: Oui. J'avoue que j'ai assisté à un certain nombre d'audiences depuis le début, et ça m'a étonné un peu de voir que bien des intervenants qui affirmaient la nécessité du changement n'ont jamais vraiment fait la preuve que ce qu'ils proposaient serait supérieur, d'autant qu'ils ne l'ont jamais vraiment vérifié autrement ou ailleurs. On affirme, après des études qui sont très intéressantes, j'en conviens, mais qui ne mènent pas nécessairement à des conclusions hors de tout reproche du point de vue de la rigueur intellectuelle, que... Vous savez, quand on dit qu'on va élargir la formation générale et qu'on veut la renforcer en même temps, j'avoue que j'ai des difficultés, là. Je n'ai rien contre l'horizontalité, mais j'aimerais qu'on s'en tienne peut-être davantage à la profondeur. Comment rendre plus rigoureux tout en assouplissant? Il y a des concepts, là, qui circulent et qui ne sont pas absolument évidents. Je n'ai rien, personnellement, contre une formation générale élargie. J'en ai contre le fait qu'on veuille enlever des choses qui sont déjà là, tout en disant qu'on veut redresser, renforcer, augmenter. Pourquoi enlever ce qui est déjà là alors qu'on dit: Ajoutons plutôt à ce qu'il y a là?

Alors, ces cours de formation fondamentale, on en a peu parlé depuis le début. Pourtant, ça occupe des pages entières, autant dans le mémoire du Conseil des collèges que dans celui du Conseil supérieur de l'éducation. Il n'y a personne, ici, qui a parlé de la formation fondamentale, c'est-à-dire celle qui fait que des gens deviennent autonomes, sont capables d'analyse, de synthèse, de pensée critique, sont aptes ensuite à appliquer ces choses-là dans d'autres savoirs, à développer une méthode de réflexion critique qui leur permet de continuer à apprendre. Il n'y a personne qui a abordé cette question, ici, et je comprends un peu parce qu'on veut enlever, justement, une part de la discipline, celle de la philosophie, qui contribue le mieux, je pense, à inculquer cette formation fondamentale, de même que les cours de français et les autres. Vous savez, il y a beaucoup de collèges qui n'ont même pas encore fait de débat sur la formation fondamentale alors qu'elle appa-

raît partout, n'est-ce pas, dans les textes des conseils du MESS. Nous, on est tout à fait pour cette formation fondamentale, mais on se dit: Est-ce que les instruments qu'on préconise sont les meilleurs pour s'assurer que cette formation soit donnée aux élèves? Et, là-dessus, on a des doutes, on a des réserves. On voudrait qu'il y ait davantage de méthode scientifique dans l'approche. On nous propose du changement sans l'avoir vérifié, sans l'avoir expérimenté. (10 heures)

Pour ce qui est des thématiques, parce que c'est l'autre volet important sur lequel on est revenus un certain nombre de fois, il y en a déjà, des thématiques dans notre formation: philosophie, littérature - ce sont les humanités classiques; enfin, c'est comme ça que le Conseil supérieur de l'éducation les nomme - c'est une thématique; l'éducation physique, c'est une thématique aussi, d'une certaine façon. C'est une discipline intellectuelle aussi. Ça fait partie du savoir humain, du savoir-faire, du savoir-être. Alors, nous, on dit à cela: Prenons plutôt les cours complémentaires - et on avoue qu'il y a là un effort de redressement et de resserrement à effectuer - et ajoutons, à partir de ces cours complémentaires, les thématiques qui seraient manquantes à la formation générale actuelle. Et selon, évidemment, l'articulation propre à chaque collège, essayons que ces cours-là deviennent de véritables compléments à la formation tout en l'élargissant. Mais ça n'enlève rien, si vous voulez, à ce qui est déjà là.

Mme Robillard: Alors, M. Duffy, je reviens avec ma question du point de départ. J'ai l'impression, si on parle de la formation générale... Parce que, vous savez, on peut parler de la formation générale, de la formation spécialisée, et ces deux types de formation là doivent aussi viser la formation fondamentale. Alors, c'est à escient que j'utilise les mots «formation générale» en tant que tels parce que, pour moi, la formation fondamentale couvre l'ensemble des cours qui sont donnés au niveau collégial. Donc, je reviens au point de départ, au niveau de la formation générale, en disant que c'est là que je vois des rapprochements avec la position de la FNEEQ.

Aussi, ce que vous me dites, c'est qu'on ne change rien dans le bloc des cours obligatoires. On s'en va voir dans le bloc des cours complémentaires. On ne réunit pas ces deux blocs-là ensemble; on les laisse séparément, comme ils sont là. On ne change rien dans les cours des blocs obligatoires et, dans les cours complémentaires, regardez donc s'il n'y a pas quelque chose à faire. C'est ça que j'entends de votre part. Est-ce que c'est ça? Est-ce que ça veut dire que vous posez le diagnostic, au niveau de la formation générale donnée à nos jeunes et à nos adultes dans les cégeps, que la formule actuelle est tout à fait adéquate?

M. Duffy: Bien, c'est-à-dire qu'on pourrait parler longuement de la valeur d'un cours en regard d'un autre, mais je ne veux pas entrer dans cette question-là maintenant. Ce qu'on vous dit, c'est que la formation générale a subi des atteintes très profondes dans son articulation. Qu'est-ce qui est fondamental, Mme la ministre, dans un collège, si ce n'est la relation entre un professeur, une enseignante et un élève? Ça, c'est ce qu'il y a d'absolument sacré. Tout ce qu'il y a dans le collège autour de ça est là, en principe, n'est-ce pas, pour renforcer cette relation-là, pour que la qualité de la formation, pour que la compétence qu'on exige éventuellement, le seuil de performance qu'on établit à l'autre bout de la ligne soit le mieux atteint possible.

Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait en sorte que cette relation privilégiée dans la formation générale soit en quelque sorte rendue de plus en plus difficile. Vous savez, quand on corrige 160 copies par semaine, si on veut les faire travailler, mettons à toutes les deux semaines, si on leur fait écrire sept textes, une composition en philosophie ou en français, savez-vous combien d'heures de travail ça demande pour pouvoir rendre la copie au moment où on exige le deuxième travail? C'est, Mme la ministre, trois heures tous les soirs, sur trois soirs, un week-end sur deux à temps complet; 160 copies corrigées, fond et forme, c'est un exercice auquel les députés devraient peut-être se soumettre pour pouvoir apprécier ce que je dis.

Alors, cette relation privilégiée entre maître et élèves, on dit, après 25 ans: Oui, mais elle s'est dégradée, elle s'est détériorée. Si on lui avait donné les moyens véritables, efficaces de s'exercer, on la critiquerait peut-être moins maintenant. Tout ce qu'on ajoute d'appoint et auquel nous souscrivons, c'est du compensatoire à cette relation privilégiée. Et ce qu'on dit profondément, et je terminerai là-dessus: Ce n'est pas en laissant les choses dans l'état actuel, cette relation dont je parte, et en changeant des cours, en appelant ça tout à coup des thématiques, qu'on va régler le problème.

Mme Robillard: Est-ce que je comprends que, pour vous, le seul problème a régler, c'est le ratio maître-élèves, mais non pas toucher au contenu de la formation générale?

M. Duffy: Ça pourrait se dire de la façon suivante, mais, cela dit, sur la formation complémentaire, on voudrait qu'elle soit promue aussi, n'est-ce pas, au même titre que la formation générale, qu'elle soit aussi importante et qu'elle la complète véritablement. On ne veut pas que ça reste une formation accessoire. Dans ce sens-là, on dit: Autour des trois valeurs fondamentales actuelles de la formation générale, ajoutons les véritables thématiques qui vont faire

de cette formation-là un complément valable, solide et qui va redresser aussi des choses.

Mme Robillard: mme la présidente, j'ai d'autres questions, mais je pense que je vais passer la parole à mon collègue et je vais revenir après.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. M. le député d'Abitibl-Ouest.

M. Gendron: Je voudrais saluer les gens de la fédération autonome des collèges. Je pense que c'est des gens qui sont associés de très près à ce qui se passe dans le milieu de l'éducation. Vous êtes sur le terrain, vous représentez un certain nombre de collèges. Un mémoire comme le vôtre, qui s'articule autour des quatre grands axes suivants... Je vais juste les répéter rapidement: démocratisation et accessibilité aux études collégiales, l'axe d'une meilleure formation ou une formation diversifiée au collégial comme objectif - je reviendrai, moi aussi, sur les modalités - de même qu'un élément de viser à offrir de meilleures conditions de persévérance et de réussite scolaire, et nécessité d'évaluer tout ça, peu importe, encore là, les moyens. J'ai l'impression qu'un mémoire, dis-je, qui touche ces quatre grands éléments nous rend de précieux services, parce que c'est quand même des éléments sur lesquels il y a lieu d'apprécier davantage ce que nous devrons rechoisir, si vous me permettez l'expression, parce qu'on l'a indiqué à plusieurs reprises et dès le départ, vous êtes de ceux qui refont le choix de l'institution collégiale.

Sur la difficulté que la ministre semblait avoir - et uniquement pour fins d'éclairage, ce n'est pas une question de jugement, en tout cas, en ce qui me concerne - elle semblait laisser voir que vous seriez des tenants assez forts du statu quo. Il y a deux façons de lire votre mémoire. Ça peut ne pas être faux si on oublie une prémisse. Moi, je voudrais juste rappeler une prémisse qui m'a frappé quand j'ai lu votre mémoire, et il y a beaucoup de matière à appréciation, par exemple, dans cette prémisse, dépendamment des écoles de pensée dont on peut être. Vous avez dit ceci - je pense que c'est important de rappeler ça pour le bénéfice de tous ceux qui vous liront ou vous entendront - et je vous cite: «Nous pensons que le présent débat doit se situer au-dessus des concepts à la mode comme la rigidité des conventions collectives, la qualité totale, les palmarès, les indicateurs de performance, l'évaluation-sanction», et ainsi de suite. Ça, c'est important d'avoir ça en filigrane.

Deuxième élément en filigrane. Moi, ce que j'ai senti dans votre mémoire, et là je ne suis pas capable de porter un jugement si c'est exact ou pas, c'est ce qui revient un peu de plusieurs équipes professorales: On se fait tasser, on n'a pas la conviction que tous les éléments de revalorisation sont dans l'esprit de la réforme qui s'en vient. Et là je cite une dernière phrase avant de vous questionner. Vous dites: Nous pensons qu'il faut redonner confiance à celles et ceux qui oeuvrent dans les cégeps en respectant leur travail, leurs droits et les lieux dans lesquels jusqu'à maintenant ils ont défendu la qualité de l'enseignement collégial.

Moi, je Ils ça comme un préavis important. Si ça veut dire: Tenez-en compte et là on est prêts à faire des choses, vous avez un allié. Si ça veut dire: N'oubliez pas ça et, si on sent que vous oubliez ça, bien, ça doit rester comme c'est, j'ai un problème. Alors, j'aime mieux, évidemment, privilégier la seconde option. Moi, je vous ai rencontrés, je vous connais un peu, j'ai l'impression que vous êtes ouverts à faire des choses, mais vous teniez, selon moi, avec raison, à nous dire: On veut être dans le coup. Parce que, dans toute réforme, si on ne s'assure pas de meilleures garanties que les deux éléments centraux, en éducation comme ailleurs, étant l'élève et l'agent éducatif principal... L'agent éducatif principal, c'est une expression que j'emploie. C'est sûrement, comme vous le décriviez tantôt rapidement, la relation de l'élève avec le professeur. Il faut s'assurer que, dorénavant, cette relation-là soit très renforcée. Il y a plus de conditions facilitantes, puis ainsi de suite, ainsi de suite. (10 h 10)

Je vais au questionnement, parce que ce n'est pas sûr que, dans le mémoire, même si ces conditions préalables sont placées, on a les garanties qu'il nous faut pour être capables quand même d'opérer un certain nombre de changements. Suite à la parution du rapport du Conseil des collèges, vous avez émis - moi, c'est de même que je l'ai compris - des réserves. D'ailleurs, vous aviez un «Telbec» assez élaboré. Vous aviez émis des réserves - Mme la ministre en a parlé et il faut y revenir - sur un certain nombre de ces propositions, notamment quant à l'approche programme et, aujourd'hui, vous nous avez dit tantôt: Non, nous, on ne rejette pas ça, il n'est pas question... On a des réserves, mais on ne rejette pas l'approche programme. C'est ça un peu.

En termes de mécanisme précis, après qu'on a dit ça, il va falloir quand même... Si jamais on la retenait, l'approche programme, comment vous voulez que ça fonctionne comme mécanisme précis? Moi, c'est là-dessus que je voudrais vous entendre avec vraiment... Pas juste me rappeler vos craintes et vos réserves. On est d'accord, vous faites bien de les avoir exprimées. Mais, après qu'on a dit ça, comment on fait ça pour que ça fonctionne, si vous êtes d'accord?

M. Duffy: Nous sommes d'accord avec l'approche programme. D'ailleurs, on a été étonnés d'entendre la Fédération des cégeps

découvrir, dans son allocution il y a quelques jours, qu'un élève, ça s'inscrivait à un programme et non pas juste à des cours. Nous, ça fait un certain nombre d'années qu'on sait cela et on ne peut pas être contre cela, vous voyez, que chaque cours contribue à la formation complète, graduelle et intégrante d'un élève. C'est un principe auquel on souscrit.

Ce contre quoi on en avait un peu au départ, c'était qu'elle mettait en cause des instruments auxquels vous avez fait allusion. Bon, je n'y reviendrai pas, je l'ai dit un petit peu tantôt. Le département, pour nous, c'est quelque chose de fondamental. À la place, pour sortir effectivement de la structure départementale, parce que le programme suppose qu'on parle aux autres, n'est-ce pas, qui donnent aussi ce programme de cours, on propose de créer dans le collège, au plan local, un lieu de concertation interdisciplinaire. Il ne faut pas penser que les professeurs sont tous enfermés dans leur département et qu'ils ne se parlent pas. C'est très fréquent dans le cours d'une session que les gens échangent entre eux sur les difficultés respectives de leurs élèves parce que, bon, on a tous les mêmes, d'une certaine façon. Alors, on propose la mise sur pied de ce lieu d'échanges interdisciplinaires qui, effectivement, serait là pour gérer, proposer des objectifs aux programmes en question, les évaluer aussi et, éventuellement, rendre des comptes autour de cette gestion du programme.

Ce qu'on pense aussi, c'est qu'il y a une autre structure actuelle dans les collèges, qui existe et qui s'appelle la commission pédagogique. Bon. On sait qu'elle a eu un passé plus ou moins tourmenté, dans bien des cas elle est disqualifiée. On a créé des structures parallèles pour un peu l'éviter parce qu'elle était démocratique et, enfin, elle était lourde de fonctionnement, disait-on. On pense qu'une commission pédagogique reformulée dans des mandats, dans une composition, pourrait être, pour le collège, le lieu, n'est-ce pas, de concertation de tous les programmes. Ce serait un peu sous cette coupe-là, ce lieu d'échanges interdisciplinaires pour un programme donné; ça pourrait se discuter de façon large ensuite à la grandeur du collège. Vous savez, il y a des collèges qui donnent 30, 40 programmes. C'est considérable comme articulation. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on pourrait, dans un collège donné, articuler autour des structures existantes le département, le nouveau lieu d'échanges interdisciplinaires et une commission pédagogique refaite en fonction de ces nouvelles exigences. On pourrait même prévoir que dans le département il y ait des exigences qui soient faites, qui soient imposées, à la limite, aux enseignantes et enseignants pour qu'ils participent d'emblée à ce nouveau lieu d'échanges interdisciplinaires pour que ça fonctionne. Il ne s'agit pas juste de poser une structure, il faut qu'elle soit fonctionnelle.

M. Gendron: Merci. C'est assez clair. J'aurais peut-être juste un complément de réponse là-dessus avant de passer à une autre question. Ça veut dire que vous mettez très clairement: Oui, nous sommes d'accord pour un lieu d'échanges interdisciplinaires. C'est requis, vous êtes pour ça. Il y avait une commission pédagogique... Pas «il y avait», il y a actuellement une commission pédagogique. Vous dites: Bien, c'est un peu... On l'a tassée. Si on se parle franchement, vous dites: Ça ne joue plus son rôle. Alors pourquoi? Puis pourquoi vous croyez qu'en la remodelant un peu, rapidement, on pourrait avoir là l'instance qui est déjà prévue, qui permettrait de donner des résultats concrets sur ce qui semble être retenu par beaucoup de jeunes, la nécessité dans la façon de modifier l'avenir pour un meilleur fonctionnement collégial, une approche programme que vous ne contestez pas?

Moi, si vous me donnez la garantie, si, éventuellement, on la retenait, qu'elle soit dans des conditions de réussite objectives, si vous me dites: C'est possible de faire ça à la commission pédagogique, je n'ai pas de trouble, mais j'aimerais ça que vous m'indiquiez pourquoi ça pourrait se faire là et comment.

M. Duffy: C'est parce que, au départ, la commission pédagogique regroupe tout le monde dans un collège.

M. Gendron: C'est ce que je sais.

M. Duffy: C'est un beau lieu de concertation, je pense, qui n'a pas donné le fruit qu'il aurait dû donner. Il y a des employés de soutien qui participent - on l'a vu dans les audiences - aussi à cet enseignement, au premier titre, dans bien des cas. Il y a le personnel d'encadrement aussi qui travaille avec nous à la mission éducative des collèges. Il y a, bien sûr, les enseignants qui y sont, il y a aussi les gestionnaires qui y sont. Alors, qu'est-ce qu'on veut de plus comme lieu de concertation pour faire un véritable projet d'établissement, n'est-ce pas, qui fait la synthèse et qui intègre l'ensemble des objectifs de programmes dont un collège s'est doté?

M. Gendron: Bien, j'ai des inquiétudes. Moi, je pense qu'un lieu d'échanges interdisciplinaires, ça va, mais, à une commission pédagogique aussi large que celle-là, d'envisager de placer dans des conditions de réussite l'approche programme, j'ai de sérieuses réserves. Je suis inquiet. Est-ce qu'il faudrait que j'aille vivre comment ça se passe, que je fasse une évaluation plus fine pour avoir éventuellement une conclusion qui corresponde davantage aux faits? Je vais poursuivre ma réflexion.

Je passe à la deuxième question. J'aimerais également vous entendre au niveau de l'évalua-

tion. Vous l'avez fait ce matin, puis, moi, je pense que, dans le mémoire, il y avait vraiment de l'ouverture, mais ça manque encore de précision, selon moi, si on veut être certain de bien traduire votre position. Vous en avez une là-dessus. Alors, moi, je veux bien comprendre votre position, puis la traduire adéquatement.

Il y a des étudiants et des étudiantes qui sont venus nous indiquer qu'ils souhaiteraient jouer un plus grand rôle dans l'évaluation des enseignements. Parce qu'on dirait toujours, quand vous parlez d'évaluation, qu'il ne faudrait jamais faire également l'évaluation des enseignants. Moi, je pense qu'il faut faire l'évaluation des enseignants aussi. Je comprends que des enseignants disent: Ce n'est pas ça qu'il faut évaluer; il faut évaluer les enseignements. Qu'un enseignant me dise ça, je suis complètement d'accord avec lui. Mais il y a d'autre monde dans le collège. Il y a d'autres gens qui sont intéressés par de l'évaluation dans le collège. Alors, moi, à une commission parlementaire où je dois revoir une série d'éléments sur lesquels il y a du questionnement, je ne peux pas dire à ces gens-là: Non, non, je ne regarde pas ça.

Alors, là-dessus, est-ce que c'est exact que vous avez des réticences importantes à ce que les jeunes puissent jouer un rôle, éventuellement, dans l'évaluation, et là, je dis des enseignements, bien sûr, mais aussi des enseignants?

M. Duffy: bon, alors, si je replace ça pour essayer de faire un lien avec tout ça, parce que l'évaluation, ce n'est pas non plus un mot magique qui...

M. Gendron: Non, non.

M. Duffy: II y a parfois de mauvaises évaluations qui dépriment des personnels au complet. Enfin, je n'entrerai pas, non plus, dans certains détails. Enfin, mettons dans un programme donné, la relation maître-élèves. Alors, dans ce lieu de concertation dont on parle, qui est à définir, à structurer, il y a des discussions. On discute du programme, si on a atteint des objectifs, des seuils de performance, des seuils de qualité donnés. C'est les enseignants qui parlent de cela avec les gestionnaires, enfin. Il y a des élèves aussi. Nous, on veut bien qu'ils en soient, de cette discussion. D'ailleurs, de plus en plus de départements s'ouvrent à la discussion avec les gens dont ils sont responsables dans leur concentration. Ils participent aux objectifs de cours. C'est déjà un petit peu commencé.

Et c'est cela qu'on précise dans ce lieu de concertation: est-ce qu'on a atteint nos objectifs? Sinon - et là, on évalue le programme - qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Est-ce que ce sont les enseignements? Est-ce que ce sont les seuils qui étaient trop loin? Parce que, vous savez, en éducation, c'est facile de fixer des objectifs. De les atteindre, c'est autre chose, avec des clientèles de plus en plus différenciées. Le concept de l'élève moyen, c'est presque disparu de nos cours, ça. C'est bête à dire, mais c'est un peu comme ça. (10 h 20)

Alors, ii faut prendre en compte tout ce monde-là qui, au départ, est placé sur la même ligne et à qui on veut faire atteindre les objectifs. Il y en a qui sont très richement pourvus intellectuellement, physiquement, socialement, au point de vue de la fortune aussi, ça va très bien, puis il y a les autres à côté qui sont moins forts sur la ligne de départ. Et on demande à tout ce monde-là d'arriver au seuil de performance à l'autre bout. Alors, le programme doit prendre en compte tous ces besoins-là, on doit dire: Comment ça se fait que notre taux de réussite en français est cela? Comment se fait-il qu'ils font encore 20 fautes, n'est-ce pas, dans un texte de 500 mots? C'est ça, une véritable concertation pédagogique. Et là, on se dit: Là, on a des besoins très sérieux de perfectionnement si c'est le cas d'un enseignement qui pourrait s'être avéré inadéquat ou encore qui aurait besoin d'une mise à jour, d'un perfectionnement, d'un recyclage. On établit cela, vous voyez, et là on évalue les enseignements. Et on est tout à fait d'accord pour que les élèves, à partir de moyens appropriés - il commence à en exister d'assez bons, d'ailleurs - participent, comme d'autres, au processus de cette évaluation de l'enseignement. Je disais, en conclusion de ce texte de présentation: Si on veut un jour qu'ils soient égaux entre eux, faisons-les aussi nos égaux. Ils ont 17, 18, 19 ans et reçoivent cet enseignement-là. Je pense qu'ils sont assez intelligents pour pouvoir l'apprécier.

Cela dit, pour les enseignants en tant que tels, nous ne pensons pas qu'il nous appartient de nous évaluer entre pairs.

M. Gendron: Je suis complètement d'accord.

M. Duffy: II y a des structures administratives qui sont là et qui ont une mission aussi d'apprécier le travail que les personnels font.

M. Gendron: M. Duffy, je n'en disconviens pas, mais une petite question pour terminer là-dessus, avant l'autre, puis je pense que vous me donnez un éclairage intéressant. Mais, moi, j'ai toujours pensé et j'estime encore que, dans une bonne évaluation des enseignements reçus, il faut évaluer un peu les dispensateurs de cet enseignement reçu. Or, ceux qui le donnent, l'enseignement, en grosse majorité, j'ose espérer que vous êtes d'accord avec moi que c'est les professeurs.

M. Duffy: Oui.

M. Gendron: Alors, c'est juste ça que je voulais signaler. Bien sûr que les jeunes qui

reçoivent l'enseignement des enseignants veulent jouer un rôle dans l'évaluation des enseignements reçus, mais ils disent: On aimerait ça également avoir l'opportunité de porter un jugement sur celles et ceux qui le donnent, l'enseignement. C'est juste ça. Je voulais savoir si vous aviez des réticences. Vous me dites: Non, on est d'accord que, justement, si on veut les traiter en égaux... Vous avez fini comme ça. Donc, moi, je conclus que vous n'êtes pas contre le fait qu'on trouve une façon d'impliquer ceux qui reçoivent l'enseignement dans l'évaluation des enseignants.

M. Duffy: Au contraire, il y avait même un colloque à l'AQPC où on a fait ces déclarations-là et on a invité, effectivement, les élèves à prendre en main ces dimensions-là de leur formation, à insister aussi pour que ces mécanismes-là se mettent en place. Mais on veut quelque chose de sérieux et de rigoureux.

M. Gendron: Ça va. Donc, on peut compter sur vous pour aller dans ce sens-là?

M. Duffy: Tout à fait.

M. Gendron: Merci. Autre question. Vous avez proposé, au lieu de l'instauration d'une session de propédeutique pour les élèves qui ont des difficultés académiques, et Dieu sait qu'il y en a beaucoup qui en ont... D'ailleurs, c'est une des causes principales, soit au niveau de la préparation inadéquate, soit au niveau de l'effort intellectuel qu'ils n'ont pas été habitués à faire, pour ne pas dire pantoute, avant d'accéder au collégial; ça pose des problèmes. Vous, votre choix, c'est: au lieu de cette session de propédeutique, vous privilégiez davantage plus de mesures d'encadrement. Vous avez même fait des suggestions en termes de mesures d'encadrement additionnelles, c'est de réduire le ratio martre-élèves. Moi, je ne veux pas... Et ce n'est pas parce que je suis réfractaire à ça. Je sais, par exemple, ce que ça peut coûter. Il faut faire des choix et je ne suis pas convaincu que c'est la seule mesure. Par contre, vous faites bien de la proposer. Si j'étais vous autres, je la mettrais sur la table. Mais je voudrais que vous en mettiez d'autres aussi sur la table. Si vous aviez à retenir un certain nombre de mesures d'encadrement autres que la réduction du ratio maître-élèves, ça serait lesquelles que vous retiendriez, puisque vous venez de faire le choix davantage par des mesures d'accompagnement et d'encadrement plutôt que la session de propédeutique?

M. Duffy: La session de propédeutique, parce qu'on y a songé aussi comme nouvelle forme d'acclimatation, si je puis dire, des populations qui peuvent avoir parfois des difficultés de parcours, ce sont des enseignantes et des enseignants de l'ordre secondaire qui nous ont dit de beaucoup nous méfier de cela. Il y a beaucoup d'élèves qui pourraient, à la limite, s'appuyer sur cette session-là pour dire: Bon, eh bien, maintenant, on peut attendre que ça se passe et, de toute façon, on va nous accueillir. Il y a beaucoup d'enseignantes et d'enseignants aussi de l'ordre collégial qui nous ont dit: II y a peut-être un risque aussi de «secondariser» l'enseignement collégial. S'il y a vraiment un bassin d'acclimatation complet, une session, c'est considérable. Et on pense que ça peut, à la limite, réduire l'effort ou l'exigence, justement, de formation qu'on doit quand même aussi stimuler. Ce n'est pas tout d'avoir des mesures préventives, mais ça prend aussi une prise de responsabilité de la part des jeunes à cet égard-là.

Alors, ça nous effrayait dans ce sens-là, parce qu'en soi c'est sûr que tout ce qui est palliatif n'est pas nécessairement rejeté. Alors, on pense plutôt à les accueillir quand ils ont réussi les exigences de leur diplôme d'études secondaires, un, et à partir de cela prendre en compte de façon plus particulière des cheminements particuliers. Alors, là, dans ces mesures dont on parle, il y en a qui sont déjà en place depuis un certain nombre d'années. Les centres d'aide en français, par exemple, et en mathématiques, c'est des choses très précieuses. Je pense qu'on pourrait ajouter quelques ressources à cet égard-là, parce que ça sert toute la communauté des collèges. Ce n'est pas juste pour l'élève. À la limite, il y a des enseignants qui vont là. J'ai même vu des expériences très intéressantes. Parce qu'on veut, par exemple, implanter la qualité du français dans toutes les disciplines, bien, il y a des enseignants qui nous disent: Écoutez, je voudrais bien, moi aussi, participer à ça, mais c'est difficile, j'ai de la difficulté moi-même à corriger les textes de mes élèves là-dessus. Alors, j'ai vu une très belle expérience où on faisait corriger cela, par exemple, au centre d'aide, et le professeur, à partir de cela, disait à ses élèves de tenir compte de telle ou telle chose. Alors, ça, c'est très précieux.

Les cours d'appoint, les cours de mise à niveau, je pense que ça doit aussi rester, mais la principale mesure en est peut-être une d'orientation aussi. Et je pense que le Conseil supérieur a beaucoup insisté, à tous les ordres, n'est-ce pas, qu'il fallait absolument renforcer et éviter que ça soit juste aussi une espèce de sélection dès le départ, parce qu'on leur en demande beaucoup aux jeunes de 16, 17 ans, n'est-ce pas. Il faut qu'ils aient, eux, un projet de société presque déjà tout tracé, tout structuré et qu'ils soient sûrs à 17 ans que c'est bien celui-là qu'ils veulent. Alors, ça serait à refaire, là, toute cette structure de l'orientation.

La Présidente (Mme Hovington): Vous avez passé votre temps.

M. Gendron: Oui, alors, merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, Mme la ministre, II reste trois minutes et demie.

Mme Robillard: Oui, M. Duffy, j'aimerais peut-être revenir sur le mécanisme d'évaluation...

M. Duffy: Oui.

Mme Robillard: ...que vous avez abordé dans votre mémoire. Et, suite à mes premières questions, vous avez mentionné que vous étiez plutôt favorable au maintien, si j'ai bien compris, du Conseil des collèges avec sa Commission de l'évaluation, tel que c'est présentement. Donc, pas de changement de ce côté-là. Attendez, je vais aller un peu plus loin dans ma question. Plusieurs intervenants nous ont parlé d'un organisme externe d'accréditation de programmes - et là je ne parle pas d'évaluation du personnel enseignant; je parle de l'évaluation de la qualité des programmes - et qu'un organisme externe émettrait un jugement de qualité sur les programmes dispensés. Est-ce que je pourrais connaître votre position?

M. Duffy: Oui, bon. Pour le Conseil des collèges, nous voulons qu'il demeure, bien sûr. Certains ont peut-être préconisé son abolition, ce n'est pas du tout notre point de vue. Et non seulement nous voulons qu'il demeure mais nous voulons que ce soit lui qui devienne cet organisme dit externe. Mais, comme il est déjà là, c'est difficile de le vouloir à l'externe. C'est pour ça qu'on s'oppose au concept de l'externe, de l'externat, enfin. Il est là, il a une mission d'évaluation qui lui a été confiée en 1979, je crois...

Mme Robillard: Oui.

M. Duffy: ...lors de sa fondation. Mais, M. Morin nous disait lui-même qu'elle avait été peu activée. On ne lui avait pas vraiment donné le mandat ou les ressources pour que ce soit vraiment... Encore qu'ils fassent de l'excellent travail à certains égards. Alors, nous sommes tout à fait d'accord pour renforcer cette mission-là et que ce soit elle qui devienne, n'est-ce pas, ce regard, cette conscience projetée sur les activités d'ensemble du réseau.

Mme Robillard: Mais seriez-vous d'accord pour que cette commission-là - appelons-la la commission de l'évaluation - aille jusqu'à l'accréditation des programmes, donc un jugement de qualité? C'est plus loin que le mandat actuel, M. Duffy.

M. Duffy: Oui. Bon, alors, je reviens un petit peu à l'hypothèse que nous faisons pour l'évaluation plus restreinte, si vous voulez. Nous disons que cette commission-là serait en mesure d'apprécier, par exemple, pour un collège donné, la qualité d'un programme donné. Et, si on se rend compte effectivement que des seuils de performance ne sont peut-être pas tout à fait atteints, qu'on s'interroge sur les raisons qui font qu'on ne les a pas atteints, ces seuils-là, et je pense que dans la plupart des cas on va comprendre qu'il faut ajouter, n'est-ce pas, il faut répondre aux besoins de ces gens-là. (10 h 30)

Je pense qu'à ce moment-là la commission n'a pas à sanctionner. Je pense que c'est une décision, cela, qui appartient plutôt au ministère. Je pense que la commission doit nous dire: Écoutez, s'il y avait là tel type de perfectionnement, tel type de renforcement, tel type de mise en oeuvre, votre programme pourrait éventuellement s'améliorer, devenir meilleur. Je ne le vois pas nécessairement comme quelqu'un qui sanctionne, mais comme quelqu'un qui est là pour proposer des améliorations, renforcer le travail qui se fait, n'est-ce pas, à la base, et participer à l'ensemble des interventions positives du réseau.

Mme Robillard: Parfait. Merci, M. Duffy, et merci à tous les gens de la Fédération de nous avoir fait partager leur réflexion. Je peux vous dire à la fin de cet échange, M. Duffy, que je suis contente de constater que vous avez de l'ouverture à certains changements. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres de la commission de l'éducation, c'est à mon tour de vous remercier d'être venus nous présenter votre mémoire, ce matin. Je vous souhaite une bonne journée. Et j'inviterais le Collège de Limoilou à bien vouloir venir prendre place immédiatement, s'il vous plaît. Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 31)

(Reprise à 10 h 33)

Collège de Limoilou

La Présidente (Mme Hovington): Alors, le Collège de Limoilou est représenté par M. Yvon Beaulieu, directeur général.

M. Beaulieu (Yvon): C'est bien ça.

La Présidente (Mme Hovington): C'est vous? Bonjour.

M. Beaulieu: Bonjour.

La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la commission. Vous êtes le porte-parole du

Collège?

M. Beaulieu: Oui, mais il est possible que quelques-uns d'entre nous interviennent lors de la période des questions aussi.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Si vous voulez bien nous présenter toute votre équipe.

M. Beaulieu: Alors, à ma droite, M. Michel Vincent, qui est le directeur des services aux étudiants...

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Beaulieu: ...Mme Lyne Pigeon, qui est la directrice des affaires corporatives et des communications, et M. Louis Drouin, qui est le directeur de l'éducation des adultes.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Beaulieu: À ma gauche, Mme Hélène Huot, qui est la directrice des services pédagogiques, et M. Jacques Gaudreau, qui est le directeur du campus de Charlesbourg.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. M. Beaulieu, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

M. Beaulieu: Merci, Mme la Présidente. Avant d'aborder, à proprement parler, le mémoire que nous voulons vous présenter, j'aimerais redire, Mme la Présidente, que le contenu de ma présentation est un mémoire de direction et qu'il regroupe l'ensemble des cadres et des gestionnaires du Collège. Mais il n'a pas pour intention de reproduire ici l'opinion de l'ensemble des instances du Collège.

Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, M. le sous-ministre, je veux d'abord remercier la commission d'avoir accepté de recevoir à ses audiences publiques la direction du cégep de Limoilou. J'espère que les propos que nous tiendrons devant vous pourront contribuer à la réflexion que vous avez entreprise sur l'avenir de l'enseignement collégial.

Le cégep de Limoilou est un établissement important dans le réseau des cégeps. Il a été l'un des 13 premiers cégeps créés en août 1967 et il est issu de l'union d'un collège classique, l'externat Saint-Jean-Eudes, et de l'Institut de technologie de Québec. Il a vécu les premières années du difficile mariage des collèges classiques et des écoles techniques. Aujourd'hui, le cégep de Limoilou reçoit dans deux campus, Québec et Charlesbourg, 6800 étudiants et étudiantes qui se répartissent à peu près moitié-moitié entre le secteur préuniversitaire et le secteur technique.

Le cégep de Limoilou a connu au cours de son histoire des augmentations des clientèles souvent aussi importantes qu'inattendues. Nous avons accepté, pour desservir une clientèle supplémentaire de 2000 élèves, de vivre pendant 10 ans dans deux écoles à peine retapées et dans des conditions de fonctionnement extrêmement difficiles non seulement pour la clientèle, mais aussi pour toutes nos ressources humaines.

En septembre 1992, nous avons accueilli 800 élèves de plus que notre capacité d'accueil ou de vie pédagogique, et ce, dans un contexte de rénovation majeure au campus de Québec. C'est donc dire, Mme la Présidente, que nous avons cru à l'accessibilité au niveau collégial, c'est dire aussi que nous y croyons encore.

Pour toutes ces raisons et en dépit de ces circonstances tout à fait exceptionnelles et extrêmement exigeantes, la direction du collège a jugé qu'il était de son devoir d'exprimer son opinion sur l'avenir de l'enseignement collégial. Vous comprendrez, dès lors, que nous avons volontairement limité notre propos à certains éléments qui, compte tenu de notre vision de l'avenir et de notre vécu, nous apparaissent essentiels pour assurer l'avenir de l'enseignement collégial. Nous pensons que les cégeps devront relever un défi plus difficile que celui du mariage du professionnel et du général, celui du mariage, sans compromis, de la quantité et de la qualité.

En effet, les cégeps sont conviés par les besoins et les exigences de la société québécoise de l'an 2000 à poursuivre deux grands objectifs: le premier, produire beaucoup plus de diplômés et, le second, améliorer nettement la qualité de nos diplômés. À quelles conditions pouvons-nous espérer réaliser ces deux objectifs? D'abord, celui du nombre des diplômés.

Pour augmenter le nombre des diplômés au collégial, il faut, à notre avis, réaliser trois conditions: la première, améliorer sensiblement l'harmonisation entre les exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission au collégial; la deuxième, confier aux collèges le mandat de compléter la préparation des élèves répondant aux exigences minimales d'admission lorsque cela est nécessaire à la poursuite normale et à la réussite des études collégiales; la troisième, maintenir la gratuité scolaire en n'imposant pas de frais de scolarité. Reprenons ces conditions une à une.

La première condition. Il faut, de façon imperative, s'assurer d'une meilleure harmonisation entre les exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission au collégial. Même si le diplôme d'études secondaires et, dans certains programmes, la réussite de cours préalables est officiellement la base de l'admissibilité au collégial, il ne garantit pas toujours une qualité de préparation compatible avec les exigences de l'admission au collégial. Actuellement, le diplôme d'études secondaires peut être obtenu avec un minimum de 130 unités, dont 20

en secondaire V, alors que, dans d'autres cas, le diplôme d'études secondaires comprend près de 180 unités. La valeur, la signification réelle d'un diplôme d'études secondaires, en termes d'acquis de formation, sont, par conséquent, très fluctuantes. (10 h 40)

Cette situation crée des écarts importants dans les chances de succès. Plusieurs études récentes, notamment celle du Service régional d'admission de Montréal, font clairement ressortir qu'il y a un lien déterminant entre la préparation des élèves du secondaire et la réussite au collégial. Pour que le diplôme d'études secondaires demeure la base de l'admission au collégial, il faut donc que ces écarts soient réduits par une meilleure harmonisation entre les exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission au collégial. C'est là, à notre avis, une responsabilité qui appartient aux deux ministères responsables.

La deuxième condition. Il faut aussi que les cégeps aient le mandat et les moyens d'offrir aux élèves dits «à risque» des cheminements particuliers. Chez nous, à Limoilou, il y a environ 2000 étudiants inscrits dans le programme de sciences humaines. Plusieurs, environ 500, y sont par choix de dernière chance: ou bien ils n'ont pas les préalables pour être admis dans le programme de leur choix, ou bien ils ont été refusé dans un programme contingenté, ou bien ils sont trop faibles, ou bien, encore, ils n'ont pas fait un choix d'orientation définitif. Ces élèves auraient besoin, pour avoir quelque chance de succès au collège, de cheminements spécifiques, de programmes de mise à niveau et/ou de programmes d'exploration, et c'est en ce sens que portent nos efforts depuis quelques années. Nous souhaitons que les cégeps aient le mandat et les fonds leur permettant de compléter la préparation des élèves admis au collégial mais en difficulté par rapport à leur choix de programme d'études ou d'orientation de carrière.

Troisième condition. Finalement, il faut maintenir la gratuité scolaire en n'imposant pas de frais de scolarité. Nous croyons encore que la gratuité scolaire est une condition nécessaire à l'accès aux études supérieures. La gratuité scolaire est un des instruments que la société québécoise s'est donnés pour assurer l'égalité des chances à tous et à toutes. Revenir sur cette décision marquerait un recul important par rapport à l'accessibilité et à la scolarisation. Nous souhaitons donc que la gratuité scolaire soit maitenue et qu'il n'y ait pas d'imposition de frais de scolarité au collégial. Cependant, dans un contexte de rareté des ressources et de sévérité de conjoncture économique, nous croyons, plutôt que d'imposer des frais de scolarité, que la gratuité scolaire pourrait être mieux définie et mieux encadrée par des règles qui en préciseraient davantage la portée. D'ailleurs, le régime actuel de gratuité scolaire n'est pas universel. Un étudiant inscrit à moins de quatre cours paie des frais de scolarité.

Les frais afférents déterminés par le conseil d'administration et approuvés par la ministre en sont un autre exemple. Il est de plus en plus évident que les subventions versées aux collèges ne suffisent pas pour combler non seulement les besoins relies a l'encadrement scolaire mais aussi ceux reliés à la vie étudiante. C'est pourquoi le collège facture à ses élèves des frais d'inscription. Compte tenu, cependant, que ces frais d'inscription sont déterminés par le conseil d'administration, en concertation avec le milieu, selon des priorités qui tiennent compte de la capacité de payer des élèves, il pourrait être facilement envisagé de ne plus exiger la sanction ministérielle, suite à l'adoption par le conseil d'administration du règlement sur les frais d'inscription.

En somme, il faut augmenter le nombres des diplômés au collégial et, pour ce faire, il faut: harmoniser les exigences du secondaire et du collégial; aider par des mesures appropriées les élèves en difficulté au collégial; et maintenir la gratuité scolaire.

À l'objectif de la quantité s'ajoute celui de la qualité de la formation de nos diplômés. C'est là la deuxième partie de notre propos. La nécessité d'une amélioration sensible de la qualité de la formation de nos diplômés ne fait pas de doute. Les lacunes constatées par plusieurs au cours des années, en ce qui a trait à la formation générale, et les remarques que nous adresse régulièrement l'entreprise au sujet de la formation technique ne sont certes pas étrangères au fait qu'il y ait, aujourd'hui, une commission parlementaire de l'éducation. Comme bien d'autres, nous croyons que la formation générale de nos diplômés doit être enrichie et que la formation technique doit être mieux adaptée à la réalité et à l'évolution technologique du monde du travail.

La formation générale, celle qui est commune à tous les programmes de formation, n'a pas été revue depuis la création des cégeps. La réalité change en 25 ans. Nous souscrivons à l'analyse faite par le Conseil des collèges à ce sujet. Il y a pertinence de maintenir, dans les programmes d'études, la formation retenue par d'autres pays en misant, et je cite: «à la fois sur des matières qu'on y retrouve traditionnellement, littérature, philosophie, mathématiques, histoire, et aussi sur des matières plus actuelles comme les sciences et la technologie, les langues modernes et la connaissance du monde.» C'est dans cette perspective, croyons-nous, que doit être revue et élargie la composante commune au programme de l'ordre de l'enseignement collégial mis en place en 1967. Et c'est pourquoi nous croyons que l'on doit s'inspirer de la proposition du Conseil des collèges en ce qui a trait à la formation générale.

Quant à l'amélioration de la formation

technique, l'évolution extrêmement rapide et pas toujours prévisible du monde de la technologie impose des changements importants. Les premiers ont trait au nécessaire rapprochement de la formation technique et du monde du travail, tandis que les seconds portent davantage sur l'amélioration de la capacité des cégeps à s'ajuster aux changements technologiques.

En ce qui a trait au rapprochement de la formation technique et du monde du travail, nous pensons que l'amélioration de la qualité d'un programme de formation technique ne peut être assurée de façon convenable sans un rapprochement beaucoup plus direct des études et du monde du travail. Dans cette perspective, nous croyons que tout programme d'études devrait inclure obligatoirement une période significative de stages en entreprise.

Dans la même foulée, les expériences encore rares, tout au moins au collégial, de la formule alternance travail-études s'avèrent positives quant à la qualité et la pertinence de la formation professionnelle. Au cégep de Limoilou, nous menons actuellement quatre expériences différentes de formules alternance travail-études. Une évaluation préliminaire nous amène à constater que le contact avec les équipes de travail de sa spécialité offre à l'élève l'occasion de s'acclimater à une fonction de travail en assumant des responsabilités graduellement plus exigeantes qui l'amènent à utiliser ses apprentissages scolaires et, du même coup, à mieux les maîtriser.

Enfin, ce rapprochement de la formation technique et du monde du travail doit être accentué chez nos ressources enseignantes. Au cégep de Limoilou, nous avons vécu, au cours des dernières années, dans le secteur des techniques physiques en particulier, des changements de programmes qui commandent des mises à jours importantes des compétences des ressources enseignantes.

Or, pour maintenir à jour les connaissances des enseignants et des enseignantes, la scolarisation et le perfectionnement pédagogique ne suffisent pas. Il faut que les enseignants et les enseignantes du secteur aient, renouvellent et maintiennent des contacts réguliers avec la réalité du monde du travail. C'est là que ça se passe et c'est aussi là que ça se vit.

En ce qui a trait à l'adaptation des programmes, l'amélioration de la qualité de la formation technique passe par des ajustements constants et rapides de nos programmes de formation à l'évolution technologique du monde du travail. Or, le processus actuel de révision des programmes est beaucoup trop lent pour permettre de suivre de façon efficiente l'évolution du monde du travail. C'est pourquoi nous souhaitons que le mécanisme actuel de révision des programmes d'études soit réétudié de façon à le rendre plus efficient et beaucoup mieux adapté aux réalités extrêmement changeantes de la technologie.

Il y aurait lieu aussi, pour réduire les décalages entre l'évolution technologique et les programmes de formation technique, d'introduire plus de souplesse dans la structure même du champ de spécialisation et de donner sa pleine mesure à l'article 13 du règlement des études, laissant ainsi les cégeps qui sont responsables de la gestion locale des programmes mettre à jour une certaine partie du champ de spécialisation des programmes.

En conclusion de cette deuxième partie, nous croyons que, pour améliorer la qualité de la formation de nos diplômés, il faut, premièrement, enrichir le contenu de la formation commune; deuxièmement, rapprocher la formation technique du monde du travail et, troisièmement, ajuster rapidement nos programmes de formation à révolution technologique. (10 h 50)

Enfin, et c'est la troisième partie de notre propos, nous croyons que le mariage de la quantité et de la qualité de nos diplômés ne pourra se réaliser sans apporter des changements importants aux encadrements nationaux touchant la gestion des programmes d'études. Le règlement des études collégiales devrait être revu et adapté à la réalité actuelle du jeune adulte. Il devrait tenir compte de la diversité de la clientèle et permettre aux cégeps d'organiser plusieurs types de cheminement de formation et plusieurs formes d'encadrement. Nous croyons que le règlement des études devrait prévoir la possibilité de compléter une formation collégiale en continuité ou par cumul de certification. Nous croyons aussi que le règlement des études collégiales devrait permettre aux collèges d'organiser l'enseignement selon un calendrier annuel, trimestriel ou de courte durée.

Enfin, les règles budgétaires touchant le financement de l'enseignement de même que les conventions collectives devraient être modifiées de façon à faciliter une gestion des programmes d'études qui s'inspire davantage des objectifs des programmes d'études plutôt que de gestion de la discipline et du département. C'est pourquoi nous recommandons que le collège puisse se doter d'une structure institutionnelle de gestion des programmes d'études qui lui soit directement redevable et qui, en cette matière, transcende la structure départementale.

Voilà, Mme la Présidente, les quelques propos que nous souhaitions soumettre à votre réflexion. Pour nous, l'avenir de l'enseignement collégial passe par le défi du mariage de la quantité et de la qualité de nos diplômés. Ces objectifs commandent des changements majeurs non seulement à la préparation des élèves du secondaire, à nos contenus de programmes, qu'il s'agisse de la formation commune ou de la formation technique, mais aussi à certains encadrements nationaux et à notre façon d'approcher la gestion locale des programmes d'études. Nous, de la direction du Collège de Limoi-

lou, voulons dire, Mme la Présidente, que nous sommes très ouverts à des changements importants. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Beaulieu. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs de la direction du Collège, je veux vous dire combien j'apprécie que vous soyez venus partager avec nous votre idée sur les perspectives de l'enseignement collégial québécois et je peux vous assurer que nous allons regarder vos recommandations, qui me semblent très, très concrètes, pour voir si, justement, à partir de vos recommandations, on ne pourrait pas améliorer tout le système. Je sais aussi comment vous tenez au principe de l'accessibilité aux études supérieures. À chaque année, vous nous en démontrez la preuve. Cette année, de façon particulière, étant donné le surplus d'inscriptions que nous avons eues à l'ordre d'enseignement collégial, je sais les efforts que vous avez faits, à Limoilou, pour permettre justement cet accès à des jeunes de la grande région de Québec, et je tiens à vous en remercier.

Maintenant, M. Beaulieu, j'aimerais aborder avec vous, parce que vous nous en parlez beaucoup dans votre mémoire, les nouveaux défis de l'ordre de l'enseignement collégial, étant donné la nouvelle diversification de la clientèle. Ce n'était pas ça il y a 25 ans, mais, maintenant, c'est ça. Vous le dites, vous avez une clientèle maintenant très diversifiée, jeunes, adultes, d'origines socio-économiques différentes, c'est très clair, avec des expériences de travail différentes, d'origines ethniques aussi différentes, qui ont des responsabilités familiales ou des modes de résidence. Et vous nous recommandez qu'à partir de cette diversité-là, pour en tenir compte, il faudrait proposer plusieurs types de cheminement de formation. Et cette question-là, je l'associe à d'autres demandes que nous recevons, des demandes d'assouplissement, dit-on, de la structure du diplôme d'études collégiales. Et je vous dis tout de suite que, quand je reçois cette demande-là d'assouplissement, pour moi, ce n'est pas une diminution des exigences, loin de là. Je ne voudrais pas qu'on associe, que ce soit le synonyme, assouplissement égale diminution d'exigences. Ce n'est pas ça que j'entends, quand j'entends «demande d'assouplissement». Mais j'aimerais ça plus concrètement... Parce que, parfois, on a certaines difficultés au niveau de cette commission à amener les gens sur un terrain concret: comment ça pourrait se vivre.

Alors, vous, quand vous m'en parlez et que vous me dites qu'il faut avoir différents types de cheminements, il faut peut-être penser à un cumul de diplômes. C'est ça que vous me dites à la page 17. Pourriez-vous m'en parler davantage en me faisant le parallèle avec ce qui existe présentement? Présentement, on a l'attestation d'études collégiales, le certificat d'études collégiales, le diplôme. Est-ce qu'il y a une différence par rapport à ce qui existe? Et ça pourrait être quoi? Ça se présenterait comment?

M. Beaulieu: Bon. C'est une très grande question. Lorsqu'on envisage l'avenir et qu'on considère la réalité des jeunes d'aujourd'hui qui entreprennent des études, les laissent tomber, qui travaillent à temps plein et qui travaillent à temps partiel, qui font un cheminement, finalement, où il y a des étapes qui sont... C'est quasiment de l'alternance travail-études.

Il faut voir que pour la clientèle qui arrive chez nous et qui sort principalement de la structure des écoles secondaires il y a presque un seul format de disponible, c'est le format du processus habituel défini dans un régime pédagogique où il y a, au secteur général, deux années d'études, d'une part, et, d'autre part, au secteur professionnel, trois années d'études. Il y a un seul format. Il y a un régime pédagogique.

À l'éducation des adultes, la réalité est un peu différente. Et là on a aussi développé des formules différentes, des formules d'attestation, dans certains cas, des formules de certification d'études collégiales, dans d'autres cas. Mais pour l'ensemble du système, je dirais, régulier, ces formats ne sont à peu près pas applicables.

Nous, on dit: Peut-on concevoir d'autres formules? Peut-on faire en sorte, et par des assouplissements au régime pédagogique, qu'on puisse offrir à l'ensemble de nos clientèles des contenus ou des modules de formation qui seraient à la fois signifiants par rapport à la formation, qui pourraient, dans certains cas, conduire à des fonctions, à des compétences reliées à des fonctions de travail, mais de façon harmonisée et de façon à ce que le cumul de ces acquisitions puisse conduire éventuellement à un diplôme d'études collégiales? Nous, on dit: On pense qu'on pourrait peut-être le faire, mais, pour pouvoir le faire, il faudrait avoir des mesures ou il faudrait avoir des assouplissements au niveau du régime pédagogique.

Je vais vous citer l'exemple qu'on vit actuellement, nous, présentement, au collège de Limoilou, à travers quatre expériences d'alternance travail-études. Il s'agit d'adultes ou de jeunes qui s'inscrivent au collège pour une période de temps et, pour une autre période de temps, vont sur le marché du travail travailler dans les fonctions de travail reliées aux apprentissages qu'ils ont faits. Ils reviennent par la suite au collège compléter leur formation.

Nous, on constate, à partir d'une évaluation préliminaire - parce que ça ne fait quand même pas très longtemps que ça existe dans le réseau, et ça ne fait pas très longtemps qu'on l'expérimente aussi chez nous - que c'a des effets très intéressants, très intéressants par rapport aux étudiants qui, après une certaine période d'ac-

quisition de connaissances, d'acquisition d'habiletés, sont capables d'exercer certaines fonctions de travail.

Dans l'exercice - lorsqu'ils sont au travail - de leurs fonctions de travail, ils apprennent à maîtriser ou à vérifier les connaissances acquises. Ils apprennent aussi, par le contact qu'ils ont avec les employeurs ou avec les gens avec qui ils travaillent, à comparer, à mesurer le niveau d'habileté qu'ils ont acquis à l'école ou au cégep par rapport aux exigences de la technologie et, finalement, à faire les relations qui existent entre le marché du travail et le collège. (11 heures)

Nous, on croit que même par rapport aux jeunes du secteur - puis là, les jeunes, ce n'est plus des jeunes de 16 ans; c'est des jeunes de 17, 18, 19 et 20 ans - il y aurait peut-être moyen de développer des contenus ou des modules, ou des plans de formation qui regrouperaient et de la formation dite générale ou commune, et de la formation de spécialisation, si on pense au secteur professionnel ou, encore, de la formation de préparation universitaire dans un contexte plus intégré qui permettrait aux étudiants de ne pas avoir l'impression, après un passage au cégep et un passage au monde du travail, d'avoir tout perdu, de n'avoir rien acquis et de n'avoir aucune certification, aucune espèce de reconnaissance de quelque ordre que ce soit. Moi, je pense...

Mme Robillard: Donc, M. Beaulieu, une reconnaissance à chacun. Prenons l'hypothèse, je ne sais pas, de trois modules...

M. Beaulieu: Évidemment.

Mme Robillard: ...pour conduire au diplôme d'études collégiales, une reconnaissance à la fin de chacun de ces modules-là par un diplôme de l'établissement, par un diplôme d'État?

M. Beaulieu: Moi, là-dessus - ce n'est pas une réflexion très, très élaborée - j'aurais tendance à dire: Dans ce contexte-là, le diplôme de rétablissement ou la reconnaissance de l'établissement certifiant qu'un élève a atteint tel niveau de compétences, tel niveau de connaissances, et que, partant, il devient reconnu par rétablissement et, partant, il devient admissible à un autre module pouvant éventuellement améliorer son champ de compétences et améliorer son champ de connaissances, ça pourrait être des formules. Remarquez, est-ce qu'un diplôme d'État serait plus signifiant? Peut-être aussi. Là, écoutez, on ne n'est pas arrêtés.

Mme Robillard: Est-ce que vous avez fait l'expérimentation de regarder à combien de programmes ça pourrait s'adresser, une telle formule? Il me semble qu'il y a des secteurs où on ne pourrait absolument pas penser à ça. Si on fait un module avec une reconnaissance officielle, il faut que ça corresponde aussi à des fonctions de travail, n'est-ce pas? Il y a certains programmes, je pense, où ça ne s'applique pas. En tout cas, quand je demande des exemples très concrets où ça pourrait s'appliquer, parfois on me parle d'une dizaine de programmes où ça pourrait vraiment s'appliquer. Est-ce que vous, vous avez fait l'exercice d'aller voir comment, dans le concret, ça pourrait s'appliquer, ça?

M. Beaulieu: Je ne peux pas donner de réponse par rapport à l'ensemble des programmes qui sont dispensés actuellement dans les collèges. L'expérience qu'on peut faire chez nous, on en a fait dans le cadre des programmes d'alternance travail-études. Il y a eu aussi par rapport à notre programme des métiers d'arts des expériences qui ont conduit, finalement, à la réalisation et à la fonction du diplôme. Bon, il y a des choses comme ça qui sont réalisables. Je pense qu'on pourrait identifier par rapport certainement à l'ensemble des programmes reliés au secteur professionnel des modules de cet ordre-là qui pourraient être qualifiants, suffisamment qualifiants pour pouvoir permettre une reconnaissance et, comment dire, faire en sorte que les gens, après avoir passé à travers les modules, puissent éventuellement occuper certaines fonctions de travail.

Mme Robillard: II va sûrement falloir aller plus loin dans cette réflexion-là, parce qu'on m'apporte toujours cet exemple-là: métiers d'arts et agriculture. Outre ces deux exemples-là, regarder comment ça pourrait se vivre, je pense qu'il va falloir poursuivre dans ce domaine-là. Mme la Présidente, je vais passer la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Bonjour. Je veux saluer les gens du cégep de Limoilou, ainsi que M. Beau-lieu, directeur général. D'entrée de jeu, avant d'aller sur le fond, j'ai une question à régler, en tout cas, qui m'apparaît importante. Nous avons, comme membres de la commission, été avisés qu'il s'agissait effectivement d'un mémoire de la direction du collège et non pas un mémoire du collège. On a reçu une lettre, comme membres de la commission, et ce n'est pas anodin, parce que, règle générale, quand on dit qu'on reçoit un mémoire d'un collège, c'est soit du C.A., soit de sa commission pédagogique, soit de son comité exécutif. Alors, moi, je voudrais savoir de vous, M. Beaulieu, directeur général, puisque j'ai été informé également du cheminement de ce mémoire-là en détail, c'est quoi les raisons qui vous ont motivé à faire ce choix-là, à présenter un mémoire de la direction et non pas un mémoire du Collège de Limoilou. Puis c'est aussi fragile,

parce qu'à un moment donné, dans votre introduction, vous indiquez - ce qui est vrai, j'ai vérifié - «depuis 1967, le cégep de Limoilou a toujours été un intervenant actif dans les mouvements et les débats qui ont jalonné le développement de l'enseignement collégial. Il se devait aujourd'hui de participer à ce nouvel effort», comme coUège, et ce n'est pas le cas, pourquoi?

M. Beaulieu: Je ne comprends pas quand vous dites: II se... Et ce n'est pas le cas.

M. Gendron: Bien, c'est vous qui dites ça dans votre introduction.

M. Beaulieu: Oui, oui, oui.

M. Gendron: Le Collège de Limoilou se devait de participer à ce nouvel effort. La question que je vous pose, ce n'est pas compliqué: Pourquoi, comme directeur général, vous avez fait le choix de présenter un mémoire de la direction plutôt qu'un mémoire du Collège de Limoilou, comme les autres collèges?

M. Beaulieu: Écoutez, il faut savoir qu'on était... D'abord, la décision ou l'annonce de la commission parlementaire, ça s'est fait quand même relativement tard. Nous, nous étions dans une période où il fallait répondre ou trouver des places disponibles pour l'ensemble de la clientèle qui sortait du secondaire. Nous avions à préparer une année scolaire dans un contexte budgétaire qui n'était pas facile. Troisièmement, nous étions dans une période de rénovations importantes dans le collège.

On a décidé, nous... Puis il y a aussi le fait que nous, comme direction de collège, nous pensions que nous pouvions nous adresser à la commission parlementaire et y exprimer notre opinion. Au mois d'août, j'ai annoncé à toute la communauté collégiale la décision que la direction du Collège avait l'intention d'exprimer, effectivement, son opinion. Nous avons travaillé une partie de l'été, pour ne pas dire tout l'été, pendant que les autres instances, enfin, n'étaient pas là ou étaient parties en vacances. Lorsqu'on est revenus à la fin d'août - bien, on a complété le mémoire - j'ai fait une rencontre avec tout le personnel du Collège. J'ai invité tout le monde, et j'ai déposé le mémoire, je l'ai expliqué et j'ai fait l'exposition.

À la commission pédagogique, il a été déposé, il a été discuté pendant 15 heures. Je ne l'ai pas déposé et je ne l'ai pas fait approuver par le conseil d'administration, ni par le comité exécutif par, je dirais, respect de l'ensemble des instances du Collège. Un conseil d'administration, ça représente l'ensemble des instances du Collège. Compte tenu que c'était un mémoire de direction, que nous voulions dire quelque chose là-dessus...

M. Gendron: Merci.

M. Beaulieu: Bon, bien, je veux dire, on s'est... Par ailleurs, ouvrir sur une consultation au Collège de Limoilou... C'est un collège qui est assez dynamique, qui a passablement de personnel. Il y a des instances syndicales qui ont des positions qu'ils ont défendues. J'ai même demandé au représentant du syndicat des enseignants s'il avait l'intention, lui, de déposer un mémoire, il a dit non, je vais me fier à ma centrale syndicale, etc. Bon. Finalement, les gens n'ont manifesté, en aucun moment, la volonté d'exprimer un mémoire collège. Ils n'ont manifesté, en aucun moment, ils ne m'ont demandé, en aucun moment, d'être consultés sur le mémoire de la direction à la suite de l'annonce que j'ai faite que c'était un mémoire de la direction, et que, par conséquent, il ne serait pas soumis à la consultation mais qu'il serait déposé pour information. Et, hier soir, on m'apprend que, bon, bien, là, on me reproche de ne pas avoir consulté les gens. Je suis un peu surpris. Je suis un peu déçu de la réaction qui se manifeste dans mon collège, et je suis un peu mal à l'aise de devoir expliquer en commission parlementaire et justifier le fait qu'une direction de collège se présente en commission parlementaire pour exprimer une opinion.

M. Gendron: Un instant, Mme la Présidente. Pour ne pas qu'il y ait de confusion, parce que c'est un peu long, selon moi, pour... Parce que je l'ai, tout le cheminement, puis loin de moi l'idée de laisser voir par là que je ne trouve pas normal qu'une direction puisse s'exprimer. Écoutez, la démocratie existe, puis on est très heureux de vous avoir. Le seul point, c'est que, le 18 août, vous avez décidé, c'est votre droit, ce n'est pas de mes affaires mais je voulais savoir pourquoi et je ne le sais toujours pas; c'est juste ça que je voulais savoir...

M. Beaulieu: Ah oui!

M. Gendron: Un instant. Le 18 août, M. Beaulieu, vous avez annoncé au personnel que la direction présenterait un mémoire. La question n'était pas compliquée. Pourquoi le 18 août vous faites le choix que, à Limoilou, c'est la direction qui va présenter le mémoire et non pas le conseil d'administration du collège, point? C'est juste ça que je veux savoir.

M. Beauiieu: Je vais vous répondre en trois phrases. Parce que, pour nous, déclencher un processus de consultation globale au collège, reliée au mémoire ou à un mémoire à être présenté au plus tard le 1er octobre, ça m'appa-raissait une tâche non seulement difficile, mais quasi impossible. Deuxièmement, compte tenu de ce que nous connaissons, notre vécu, compte tenu de ce que nous connaissons des valeurs que

nous tentons de véhiculer dans notre milieu et de ce qui se passe aussi par rapport à certaines instances et certaines positions syndicales, je peux vous assurer que la réconciliation n'est pas facile. (11 h 10)

M. Gendron: Merci. Une question sur le fond, et une couple d'autres également. Vous indiquez, dans votre mémoire, aux pages 4 et 5, que vous souhaitez qu'on maintienne le régime de gratuité scolaire. Et là vous nous indiquez que tout n'est pas gratuit dans la vie, et vous avez tellement raison. Et, surtout au collège, à l'université, de plus en plus pour les étudiants, il y a ce qu'on appelle une érosion du pouvoir de gratuité, et c'est lié à un paquet de facteurs, je n'en disconviens pas. Ce que je veux vérifier avec vous, c'est que... Puis, moi, il n'y a pas de cachette, là, c'est non à des frais de scolarité, mais c'est non à toute tentative d'y arriver également par d'autres moyens. Vous indiquez que vous souhaiteriez que dorénavant on réapprécie la façon - puis là je vous cite au texte - de décentraliser complètement la détermination des frais d'inscription qui se ferait par le conseil d'administration des collèges. Et vous poursuivez en disant: en n'ayant plus la sanction ministérielle qui est exigée dans la loi actuellement. Moi, le problème que ça me pose, c'est que je dis: Quand on oppose une érosion du pouvoir de la gratuité scolaire, il faut la regarder eu égard à la démocratisation et à l'accessibilité et ça, ça m'apparaît des préoccupations de l'État. Ça m'apparaît être des responsabilités de l'État québécois. Même chose pour augmenter le niveau de diplomation et la réussite scolaire.

Alors, je veux juste savoir si ces éléments-là ont été pris en compte quand vous faites quand même la recommandation que les conseils d'administration des collèges pourraient, effectivement, avoir la capacité de déterminer eux seuls les frais d'inscription, sans droit de regard du Conseil des ministres, ou de la ministre concernée.

M. Beaulieu: Écoutez, notre position sur la gratuité, sur les frais de scolarité, il me semble qu'elle est assez, je dirais, nuancée. On est d'accord pour ne pas imposer de frais de scolarité parce que c'est une mesure d'accès et parce que ça nous apparaît très important. Sauf qu'il faut être conscient de la réalité aussi. La gratuité scolaire, ce n'est pas universel. Je le dis dans le mémoire. Il y a des frais qui sont imposés aux étudiants qui ne suivent pas quatre cours. Il y a aussi, dans les collèges, actuellement, des frais d'inscription pour des services complémentaires, pour des services supplémentaires qui sont offerts aux étudiants et ça, c'est décidé ou c'est recommandé ou c'est choisi en concertation avec le milieu, selon des priorités qui sont déterminées, choisies par le milieu.

Nous le faisons actuellement et c'est actuellement approuvé par le conseil d'administration. Il reste que, malgré cela, compte tenu que les finances publiques diminuent qu'on est obligé de revoir annuellement, compte tenu du financement de l'État, que l'État nous fournit l'ensemble des services que nous offrons à notre clientèle, même dans le statu quo, compte tenu aussi qu'il y a des besoins qui s'expriment quotidiennement et annuellement au niveau de l'encadrement scolaire, d'une part, au niveau des autres services reliés à la vie étudiante, d'autre part, nous, il nous faut faire des choix. Et les choix que nous faisons, c'est de dire aussi: Peut-être que la communauté collégiale, la communauté, le collège, lui, pourrait déterminer un certain nombre de frais, en concertation avec cette communauté-là, ce qui nous permettrait d'offrir les services supplémentaires, les services complémentaires, les services qui sont exigés par la communauté. Et je me dis que, quand une communauté ainsi s'associe pour dire: Écoutez, on est prêt à payer ça, on est d'accord, là, on tient compte de la capacité de payer des élèves, et l'ensemble, les associations, la direction du collège et le conseil d'administration, les parents, finalement, tout le monde s'entend pour dire: II y a peut-être certains autres frais qui pourraient être chargés aux étudiants, et qui sont effectivement, depuis fort longtemps, chargés aux étudiants, pour assurer des services supplémentaires. Pourquoi faut-il qu'il y ait en plus une sanction ministérielle? Voilà un geste qui pourrait être décentralisé au niveau des conseils d'administration de collèges et qui n'aurait pas pour effet de réduire l'accessibilité qui garantirait... écoutez, qui n'aurait pas pour effet certainement de réduire l'accessibilité et qui n'aurait pas pour effet aussi de réduire la scolarisation. Là, on parle de frais. Dans un collège comme le nôtre, ça tourne autour de quoi? D'à peu près 80 $ par année. Bon. Un étudiant...

M. Gendron: II n'y a rien là. C'est l'addition.

M. Beaulieu: ...en 1992, qui aurait de la misère à fournir, pour l'ensemble des autres services, un montant de l'ordre de 80 $ par année... Je ne le sais pas, mais il semble que, dans la conjoncture actuelle, dans la conjoncture où les finances publiques sont en mauvais état, dans la conjoncture où le financement qui est accordé aux collèges, annuellement, est réduit, nous amène à refaire presque annuellement tous les choix de services - et c'est pour ça, c'est une des raisons pour lesquelles c'est extrêmement difficile de maintenir un équilibre institutionnel et un équilibre au niveau de l'organisation - si, en contrepartie de cela, on demande... Et, là-dessus, il faut bien voir qu'au niveau aussi de la commission parlementaire on fait des demandes qui vont coûter des sous sur l'encadrement des

étudiants, sur l'encadrement par rapport à l'orientation des étudiants, sur les services qu'on va devoir offrir aux étudiants pour améliorer le succès des étudiants. Cela dit, peut-être qu'à la limite il ne serait pas insensé, impensable que certains frais puissent être éventuellement chargés aux étudiants.

M. Gendron: Rapidement, M. Beaulieu, je n'ai pas parlé, moi, d'insensé, d'impensable. Sauf que vous admettrez avec moi que, pour un cégep qui, depuis que vous êtes là, a 5 000 000 $ de surplus d'opération, vous n'êtes sûrement pas le mieux placé pour demander l'augmentation des frais. Vous avez 5 000 000 $ de surplus accumulés.

M. Beaulieu: Je regrette, mais c'est faux, l'information qu'on vous a transmise. Ce n'est pas vrai.

M. Gendron: Non, un instant. Je veux juste la détailler. Depuis 1979, les informations que j'ai...

M. Beaulieu: Ah!

M. Gendron: Vous avez généré des surplus de 5 000 000 $. Je vous félicite pour votre saine gestion, sincèrement. Je vous félicite pour votre saine gestion, mais ça signifie que vous avez fait des choix, parce que vous avez été capables de générer des surplus. Puis, l'an passé, il y avait des surplus, et je suis capable de le prouver, aux états financiers.

M. Beaulieu: Ah oui!

M. Gendron: Vous avez quand même, je pense, une clientèle au cégep de Limoilou un peu plus difficile qu'ailleurs. Je pense que vous allez en convenir, un peu plus difficile qu'ailleurs, je parle dans la région de Québec, parce que vous avez plus d'admis de deuxième tour puis de troisième tour d'inscription qu'au premier tour, qui sont davantage Sainte-Foy pour des raisons que je ne veux pas... ou d'autres cégeps, Gar-neau, et ainsi de suite, dans la région de Québec. Cependant, entre-temps, vous-même, vous venez de le dire, et c'est pour ça que je veux mettre ça en parallèle, vous venez d'affirmer qu'il y aurait lieu d'offrir plus de mesures d'encadrement, et je trouve que vous avez raison. Sincèrement, je trouve que vous avez raison. Ça nous a été dit par tout le monde qu'un des drames liés à la non-réussite et à l'abandon, c'est l'absence de mesures d'encadrement. Donc, ma question: Pourquoi votre direction, puisque c'est le mémoire de la direction, avait-elle fait le choix, à Limoilou, d'avoir un peu moins de services au niveau des employés de la bibliothèque, des aides pédagogiques, des orienteurs, des orienteuses, et ainsi de suite? Il y a quand même des informations qui m'ont été transmises à l'effet qu'au niveau des mesures d'encadrement il y avait des besoins criants et le choix de l'administration, c'est d'affecter du dégagement d'argent à d'autres priorités, je n'en disconviens pas, qui sont requises: des aménagements en termes d'espaces plus fonctionnels, et ainsi de suite. Mais, quand vous faites ces choix-là à même des surplus et que ça a une incidence directe sur la qualité des services, moi, je suis obligé de vous demander pourquoi vous privilégiez ce choix-là.

M. Beaulieu: Je vais vous répondre. Dans un budget de collège, il y a du financement qui est accordé pour l'ensemble des services et pour l'ensemble de l'encadrement. Ça fait deux ans, et suite à l'application d'un nouveau mode d'allocation des ressources, que le Collège dépose au conseil d'administration un budget déficitaire par l'ensemble des services qu'il offre, mais équilibré par l'usage qu'il fait et des économies qu'il a faites. Deuxièmement, l'ensemble des surplus du Collège est composé d'enveloppes différentes. Il faut bien voir qu'au niveau collégial une institution comme la nôtre a des services qui doivent s'autofinancer, qui doivent non seulement autofinancer leurs activités, mais autofinancer aussi l'ensemble de leur fonctionnement. Alors, moi, quand je fais un certain surplus au stationnement, je sais que, dans quelques années, je vais être obligé de renouveler le pavage du stationnement. Quand je fais un certain surplus à l'éducation des adultes, je sais qu'il y a des années plus maigres, et c'est arrivé l'an passé où j'ai eu 300 000 $ de déficit, et je vais devoir le combler par les surplus que j'accumule à l'éducation des adultes. Je sais aussi qu'à la cafétéria, où j'ai déjà un déficit de 300 000 $, je devrai récupérer ce déficit par des économies que je réalise, soit là, soit ailleurs.

Mais en ce qui concerne l'enseignement régulier, l'encadrement, l'aide pédagogique, le soutien aux enseignants, la bibliothèque, etc., j'utilise l'ensemble des fonds qui me sont accordés par le gouvernement pour offrir les services. Il arrive, cependant, qu'il y a des économies qui se fassent en cours d'année. Quand on commence une année avec un déficit budgétaire de 200 000 $ et qu'en cours d'année, par des mécanismes de révision de programmes du ministère et du gouvernement, un montant substantiel m'arrive au mois de mars, bien, à ce moment-là, je ne fais pas exprès pour le dépenser. J'essaie de le récupérer et de faire en sorte qu'il puisse servir éventuellement. (11 h 20)

Finalement, dans les économies que nous avons réalisées au cours des années au Collège de Limoilou, je peux vous le dire, on a remboursé un déficit de 1 800 000 $, puis on l'a remboursé, pas avec de l'argent qu'on est allé voler, on l'a remboursé avec des économies qu'on

a faites. En plus de ça, cette année, ou l'an passé, on a mis 350 000 $ d'investissement dans la construction du campus de Charlesbourg et on prévoit mettre 1 200 000 $ pour assurer, en concertation avec le ministère, l'ensemble de la rénovation au cégep de Limoilou. Si, maintenant, on me dit que ça, ce n'est pas bon, puis que ça, ce n'est pas des bons services, puis qu'on ne rend pas un bon service à la clientèle que d'offrir des conditions de vie et des conditions normales de fonctionnement, on pourra peut-être faire comme on a annoncé il n'y a pas très longtemps, une commission scolaire avec 2 000 000 $ de déficit et, là, se demander ce qu'on fait.

M. Gendron: Merci. Une autre question sur la définition des programmes. Je pense qu'avec raison vous recommandez que la formation commune, de base soit élargie pour tenir compte des nouvelles dimensions, qu'on a appelées l'adaptation au monde moderne, et j'en suis, et, éventuellement, vous recommandez que chaque programme comporte une activité d'intégration créditée. J'aimerais juste avoir des explications additionnelles. Ça m'apparaît une suggestion qui est neuve. Je voudrais la comprendre adéquatement.

M. Beaulieu: Je vais demander à Mme Hélène Huot de vous répondre là-dessus.

Mme Huot (Hélène): Merci. L'activité d'intégration se situe dans une vision globale d'un programme. Il faut la mettre en relation avec le fait que, dans un programme donné, il y a plusieurs composantes, disciplines et, à l'intérieur des disciplines, des cours. Chaque composante contribue à l'atteinte des objectifs généraux du programme d'études. Alors, ce qui nous apparaît logique, si on détermine que telle et telle composante doivent intervenir et donner telle contribution, au terme du processus, du point de vue de l'étudiant qui a eu à recevoir tous ces enseignements et à faire tous les apprentissages, l'activité d'intégration, c'est une façon de mesurer ou de vérifier que ce qu'on cherchait à atteindre dans l'ensemble a été atteint. On n'a pas précisé exactement quelle forme pourrait prendre une telle activité, mais on pense qu'il y a plusieurs formes possibles. Déjà, je le signale au passage, dans le programme renouvelé de sciences humaines, on a prévu une activité d'intégration, mais on n'a pas prévu de crédits qui l'accompagnaient, de crédits scolaires. Nous avons, actuellement, la difficulté de l'insérer dans un programme sans qu'il y ait pour autant des activités qui y correspondent, des activités précises.

M. Gendron: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est écoulé. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Beaulieu. J'aurais deux questions qui concernent la formation technique. Dans votre mémoire, vous dites, entre autres, que le mécanisme de révision des programmes de formation technique doit être réétudié de façon à le rendre beaucoup plus efficient et beaucoup mieux adapté aux réalités extrêmement changeantes de la technologie. Vous recommandez, justement, que le mécanisme actuel de révision de ces programmes soit corrigé de façon à le rendre beaucoup plus efficient, etc. Quels seraient, d'après vous, les éléments d'un meilleur mécanisme de révision des programmes?

M. Beaulieu: On n'a pas étudié très, très profondément cette probiématique-là. Nous, ce qu'on essaie de donner comme message ou comme signal à la commission parlementaire, c'est l'expérience que nous vivons et que nous avons vécue au cours des dernières années, je dirais les 15 dernières années, c'est que la révision des programmes d'enseignement professionnel est beaucoup trop lente. Au minimum, on prend trois ans pour faire une révision de programmes et, quand on l'implante, ça prend aussi trois ans. Alors, les premiers diplômés qu'on sort, ils sont presque déjà hors circuit compte tenu que le marché du travail, lui, a déjà changé. Donc, il faudrait peut-être réviser ce mécanisme-là.

Deuxièmement - en tout cas, quant à nous, c'était un élément de proposition - c'est le fait qu'on pourrait certainement améliorer la situation des programmes d'études en laissant aux collèges plus d'autonomie dans certains secteurs, dans certaines pointes, tout au moins, reliées aux champs de spécialisation. Pour toutes les régions et pour tous les collèges, il y a des programmes du secteur professionnel qui desservent les besoins d'un milieu. On peut peut-être concevoir qu'il y ait une formation commune ou une formation de base qui soit offerte de façon généralisée à l'ensemble du réseau, mais il reste qu'il y a des éléments spécifiques, pour chacun des programmes, qui pourraient être certainement améliorés de façon beaucoup plus rapide et de façon beaucoup plus adéquate compte tenu des relations que nous avons, nous, avec le marché, avec les entreprises et avec le développement plus immédiat de la technologie.

Nous, on dit: Si on pouvait, nous, dans nos programmes d'études, en concertation avec nos enseignants, en concertation avec notre milieu, réussir à adapter beaucoup plus rapidement, beaucoup plus facilement une partie significative des champs de spécialisation des programmes de formation technique, on améliorerait sensiblement l'ajustement à l'évolution technologique. Quant au mécanisme, je dirais, de système pour la révision de l'ensemble des programmes d'études, bon, on n'a pas fait d'études très, très approfondies là-

dedans. Je sais qu'il y en a plusieurs qui sont venus en commission parlementaire proposer des restructurations ou des structures. J'aimerais ne pas trop m'avancer dans ce champ-là compte tenu que notre réflexion n'est pas définitivement complétée là-dessus.

M. Hamel: Merci. J'aurais une autre question, toujours dans le même secteur. Vous êtes venus nous dire, en fait, dans votre mémoire, à peu près la même chose que tous les autres intervenants, que la qualité d'un programme de formation ne peut être assurée de façon convenable sans un rapprochement beaucoup plus direct des études et du monde du travail. Ça, ça va. Mais il y a une chose qui me préoccupe un peu, parce qu'à la recommandation 9 de votre mémoire vous dites que tout programme de formation technique inclut obligatoirement une période significative de stages en entreprise. Est-ce que c'est bien réaliste? Est-ce que je comprends bien que, si un cégep, dans un programme de formation technique, n'est pas assuré de stages, automatiquement le programme ne devrait pas se donner? Est-ce que c'est aussi clair que ça?

Mme Huot: Ce n'est pas tout à fait l'angle sous lequel on l'avait regardé, que si on ne trouvait pas de stages il faudrait abolir un programme, remarquez bien. Je crois que ce qu'on voulait mentionner comme message et ce sur quoi on voulait insister, c'est que les stages, ça existe déjà. Dans certains cas, ils sont courts; dans certains cas, ils sont uniquement en dernier trimestre ou ils sont, enfin, insuffisants. Nous, on insiste sur le fait qu'un programme de formation professionnelle... Il est terminal, ce programme, il mène directement à l'exercice de fonctions de travail technique. Il nous apparaissait un petit peu inconcevable qu'on n'ait pas mis vraiment les pieds dans le milieu du travail. On voulait insister là-dessus. Puis, l'autre message, sur l'ATE, bien, c'est que non seulement on peut considérer que c'est mettre vraiment les pieds dans le milieu du travail, mais ce sont des périodes assez significatives de quatre mois d'alternance. Voilà. C'était comme ça qu'il fallait le prendre.

M. Hamel: Très bien. Donc, c'est davantage l'esprit que la lettre...

Mme Huot: Oui, mais remarquez que la lettre pourrait aussi influencer le réel.

M. Hamel: Tout à fait. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député de Rimouski, une question rapide.

M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. M. le directeur général, mesdames et messieurs, la recommandation 4, une meilleure harmonisation entre les exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission aux études collégiales, c'est revenu dans la plupart des mémoires que nous avons entendus jusqu'à présent. Ça pose un problème un peu à tout le monde et à tous les cégeps. Maintenant, quand on regarde aussi l'admission à l'université, ils trouvent aussi que les élèves du cégep sont un peu faibles. Alors, finalement, d'un palier à l'autre, il y a toujours une espèce de faiblesse qui se répercute.

Étant donné que votre bassin naturel de clientèles, ce sont les commissions scolaires, quels sont les contacts que vous avez avec les commissions scolaires au préalable, avant que les élèves passent chez vous? Est-ce qu'il y a des contacts qui se font? Est-ce qu'il y a des échanges qui se font à l'effet de dire: Voici, les élèves qui ont 130 unités, qui sont juste sur le bord, c'est bien de valeur, même si on les admet au cégep, ça nous pose un problème? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de renforcer ça? Est-ce qu'il n'y aurait pas des cours d'appoint que vous pourriez donner au secondaire plutôt que nous autres, on soit obligés de donner des cours? Est-ce que des démarches se font dans ce sens-là au niveau de votre clientèle, de votre cégep, et des commissions scolaires?

M. Beaulieu: Non. Il n'y a pas de démarches qui se font dans ce sens-là. Écoutez, nous, on travaille avec les commissions scolaires, c'est-à-dire par les professeurs d'information et par tous les mécanismes qui existent de communication entre le service régional des admissions qui relie, finalement, la structure collégiale et la structure secondaire.

Quant à nos influences ou à notre influence par rapport à la structure de composition des cours et des programmes du secondaire, je regrette, ni le Collège de Limoilou... je ne crois pas qu'il y ait de collège dans le réseau collégial qui ait des influences importantes à cet égard-là.

On nous dit, quand les étudiants arrivent, parce que moi, je peux vous raconter des situations très concrètes... Un directeur d'école m'a appelé pour me demander pourquoi j'avais admis tel étudiant ou telle étudiante, parce qu'il était vraiment trop faible. Je lui ai demandé pourquoi il lui avait donné le diplôme d'études secondaires s'il était trop faible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Rimouski): Oui, mais... Oui, oui. (11 h 30)

M. Beaulieu: Bon. Je me dis: Si nous, au niveau collégial, on admet des étudiants qui ont des diplômes d'études secondaires, il y a un problème d'harmonisation entre le secondaire et le collégial. C'est clair, et nous, on se dit: II

faut absolument régler ce problème d'harmonisation là, et c'est là une responsabilité des ministères responsables. Je dis aussi que, si on réussit à développer une harmonisation adéquate qui rend - pas l'élève du secondaire au maximum de ses possibilités, et on ne va prendre que les meilleurs au collégial - qui harmonise davantage les problématiques qu'il y a entre le secondaire et le collégial, c'est déjà un grand pas. Ce qu'on dit aussi, c'est que pour les étudiants qui demeurent et qui vont être en difficulté, parce qu'il y en a qui sont en difficulté, on demande qu'il y ait des mesures d'appoint, on demande qu'on ait le mandat de compléter la préparation de ces élèves-là, on demande aussi qu'on ait les moyens nécessaires pour soit développer des plans d'orientation, soit développer des plans d'intégration, soit développer des programmes qui vont permettre de compléter, si vous voulez, la préparation des élèves et, finalement, de les acheminer correctement dans le système collégial.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Beaulieu, votre temps est écoulé. Alors, Mme la ministre, en guise de conclusion.

Mme Robillard: Merci, M. Beaulieu, d'être venu avec les membres de votre direction participer à cette période d'échanges. Je pense que vous aviez des suggestions qui ont vraiment soulevé l'intérêt de la commission. Personnellement, je vous encouragerais peut-être à continuer la réflexion sur certaines idées dont celle de la modulation au niveau du diplôme d'études collégiales, de continuer la réflexion, mais que toute la communauté collégiale de Limoilou continue cette réflexion-là, et je pense qu'ensemble on pourra peut-être arriver à des changements importants dans l'ordre collégial. Merci beaucoup.

M. Beaulieu: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres de la commission de l'éducation, permettez-moi, à mon tour, de vous remercier d'être venu nous présenter votre mémoire. Je vous souhaite une bonne journée.

M. Beaulieu: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais maintenant la Confédération des éducateurs et éducat rices physiques du Québec à bien vouloir venir prendre place immédiatement, s'il vous plaît.

Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 11 h 35)

La Présidente (Mme Hovington): La commis- sion de l'éducation va reprendre ses travaux. S'il vous plaît, je vous demanderais un peu de silence, en arrière.

Je crois comprendre que l'introduction sera faite par Mme Annick Lainez, professeure au cégep François-Xavier-Garneau.

Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec (CEEPQ)

Mme Lainez (Annick): Oui, c'est bien ça.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Et la présentation du mémoire se fera par M. Serge Laferrière, professeur au cégep de Bois-de-Boulogne. Bonjour et bienvenue. Si vous voulez nous présenter ceux qui vous accompagnent - «ceux», je dis bien - s'il vous plaît!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lainez: Merci, Mme la Présidente, membres de la commission. Tout d'abord, avant même de présenter les personnes qui m'accompagnent, nous voudrions vous remercier de nous recevoir à cette commission parlementaire. Tout de suite, à mon extrême gauche, je vous présente M. Robert Delaney, qui est représentant du campus St. Lawrence et qui est aussi représentant des éducateurs et éducatrices physiques anglophones; immédiatement à ma gauche, M. Luc Chiasson du cégep Lévis-Lauzon; à mon extrême droite, M. Pierre Richard du cégep de Trois-Rivières, suivi de M. René Larouche de l'Université Laval et de M. Laferrière du collège Bois-de-Boulogne, et moi-même, comme vous l'aviez annoncé.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Mme Lainez: Merci. Avant de débuter notre présentation, nous voudrions vous souligner que ce mémoire à été soumis à une consultation auprès de tous les départements d'éducation physique du Québec. De plus, comme nous l'avions annoncé dans le mémoire, nous ajoutons aujourd'hui une annexe, un supplément à l'annexe A que nous voudrions déposer officiellement à la commission parlementaire. Et, comme votre temps et notre temps nous est précieux, je passe sans plus tarder la parole à M. Laferrière qui va vous livrer les idées essentielles de notre document.

M. Laferrière (Serge): Mme la Présidente, Mmes, MM. les membres de la commission, nous aimerions d'abord situer le rôle de l'éducation physique dans la formation fondamentale. En plus d'offrir une formation qui soit axée sur les apprentissages intellectuels, le cégep doit aussi faciliter l'intégration de l'individu à différents

milieux de vie. Chaque individu ayant fréquenté le cégep devra être en mesure de mieux répondre aux exigences d'une société en évolution constante. Il devra pouvoir s'adapter rapidement et continuellement aux nombreux changements provoqués par les valeurs et les technologies nouvelles. C'est la raison pour laquelle les enseignants reconnaissent de plus en plus la formation fondamentale comme faisant partie de la mission essentielle des collèges.

Jacques Laliberté, dont la compétence en cette matière est bien reconnue, définit la formation fondamentale en ces termes: La formation fondamentale se définit par son extension. Elle entend contribuer au développement intégral de la personne dans ses dimensions intellectuelles, affectives, sociales et physiques. La formation fondamentale vise à faire acquérir les assises, les concepts et les principes de base des disciplines et des savoir-faire qui figurent au programme de l'étudiant, quelle que soit son orientation. Le cégep se doit de favoriser une formation multidimensionnelle et, ainsi, de faciliter la transition de l'adolescence à la vie adulte.

En plus d'acquérir certaines habiletés sur le plan intellectuel, le jeune adulte peut ainsi développer d'autres compétences, telles que la capacité de se prendre en charge et la capacité à travailler en coopération. Le cégep possède déjà un outil qui lui permet d'agir sur les multiples dimensions de l'être humain. Il s'agit des pratiques corporelles utilisées dans les cours d'éducation physique. Ces cours visent la formation multidimensionnelle et intégrée de la personne, l'amélioration de sa condition physique et de sa santé globale et l'apprentissage d'activités physiques qui peuvent être pratiquées de façon régulière et sécuritaire à tout âge de la vie.

Le cégep ne peut offrir de contexte plus favorable que celui des cours d'éducation physique pour valoriser la qualité des rapports avec l'environnement physique et humain. Pour développer des attitudes et des habitudes, il ne suffit pas d'en parler, il faut faire vivre des expériences concrètes qui font appel à une participation active. Le cours d'éducation physique constitue un laboratoire où chacun a l'occasion d'exercer et d'améliorer ses façons d'être et ses façons de faire. (11 h 40)

Et si nous parlions maintenant d'une valeur fondamentale, la santé. Les problèmes de santé qu'éprouve une partie importante de la population constituent un handicap certain au développement du Québec. Chaque dollar dépensé pour le traitement de la maladie et des blessures n'est plus disponible pour investir dans les secteurs les plus susceptibles de promouvoir l'économie. L'an dernier, le recouvrement de la santé coûtait aux Québécois et aux Québécoises plus de 8 000 000 000 $. D'autre part, aux États-Unis, il a été démontré que le style de vie contribue à réduire la morbidité de la maladie de l'ordre de 43 %, alors que le système de soins n'y contribue que de l'ordre de 11 %. La prévention demeure la solution la moins coûteuse et la plus efficace. Dans la politique de la santé et du bien-être, le ministre Marc-Yvan Côté déclarait: II importe d'alléger le poids que la maladie fait peser sur les finances publiques et de maximiser l'efficacité des interventions pour éviter d'hypothéquer les générations futures. La maladie engendre d'autres coûts sociaux et économiques, tels que l'absentéisme, l'invalidité et la perte de revenus. Pour l'ensemble du Canada, la perte de productivité potentielle pour cause de maladie et blessure était, en 1990, évaluée à 25 000 000 000 $.

Le secteur de l'éducation se doit de mobiliser ses ressources pour appuyer cette nouvelle politique du gouvernement en matière de prévention. L'approche préventive la plus efficace demeure sans aucun doute celle qui peut être exercée auprès de la population d'âge scolaire, puisque c'est à cet âge que l'individu acquiert des habitudes qu'il conservera toute la vie. Auprès de la population adulte, les mesures préventives arrivent souvent trop tard; 15 à 20 ans de mauvaises habitudes de vie ont déjà produit leurs effets néfastes sur l'état de santé de l'individu.

Au Québec, nous savons que les problèmes associés à la sédentarité, au tabagisme, à l'abus d'alcool et à l'utilisation de drogues illégales se retrouvent davantage chez les jeunes de 15 à 24 ans. Notre action préventive sera donc plus efficace si nous visons cette population cible que l'on rencontre en partie au cégep. L'éducateur peut agir efficacement sur la prévention, puisqu'il possède, plus que tout autre dans la société, l'expertise et la compétence nécessaires pour développer des attitudes et des comportements responsables. On se doit de mieux utiliser les groupes d'intervenants déjà en place qui ont un impact réel sur la santé. La simple transmission d'information, les mesures répressives ou dissuasives et les propos alarmistes ne pourront jamais agir aussi efficacement que le cours d'éducation physique sur la motivation qui incite à adopter des habitudes de vie saines.

Il a été démontré que les gens actifs n'ont pas les mêmes habitudes de vie que les personnes inactives. Ils sont généralement plus soucieux de leur santé et de leur qualité de vie. Ils se préoccupent plus de leur alimentation, de leur environnement et ils évitent certaines habitudes qui pourraient être nuisibles ou néfastes pour la santé. Les enquêtes démontrent que les jeunes les plus actifs fument moins, s'alimentent mieux et discernent mieux les habitudes de vie favorables à leur bien-être et à leur santé que les jeunes moins actifs. Il est scientifiquement reconnu que l'enseignement de l'éducation physique et la pratique régulière et modérée d'activités physiques permettent de réduire de

façon significative certains facteurs de risque qui engendrent ou aggravent certains problèmes de santé.

Grâce à des interventions appropriées et à un choix judicieux d'activités d'apprentissage, l'éducateur et l'éducatrice physique peuvent augmenter auprès de la population québécoise la pratique de l'activité physique. L'élément incitatif qui décide l'individu à faire de l'activité physique réside d'abord dans son attitude à l'endroit de l'activité physique. Dans le cours d'éducation physique, l'individu a l'occasion de ressentir les effets bénéfiques de l'exercice sur son mieux-être, de découvrir le plaisir des sensations procurées par l'activité physique et d'éprouver la satisfaction agréable qui consiste à maîtriser une habilité nouvelle. La gratification que procure ce cours génère des attitudes positives en regard de la pratique continue de l'activité physique.

L'efficacité des cours d'éducation physique à promouvoir la pratique de l'activité physique auprès de la population est démontrée par les derniers résultats d'enquête sur le taux de participation des Québécois et des Québécoises à la pratique régulière d'activités physiques. L'enseignement de l'éducation physique n'est devenu obligatoire au Québec qu'en 1964. Aussi, entre 1973 et 1992, la population du Québec qui s'adonne régulièrement à la pratique de l'activité physique est passée de 18 % à 48 %. Ce résultat très encourageant ne doit pas faire oublier qu'il y a encore 37 % des enfants du niveau primaire et 13,6 % des adolescents du secondaire qui ne reçoivent pas l'éducation physique à laquelle ils ont droit. Aussi, plus de 50 % de notre population ne pratique pas encore l'activité physique sur une base régulière, ce qui en fait la population la moins active au Canada.

Il ne faut pas s'étonner si les jeunes Québécois et les jeunes Québécoises de 10 à 19 ans sont, parmi les écoliers canadiens, ceux qui sont les moins actifs: 46,5 % ne pratiquent pas régulièrement d'activités physiques, alors que ce pourcentage n'est que de 18 % en Colombie-Britannique et de 37 % dans les Maritimes. Comparativement aux pays industrialisés, c'est au Québec qu'il y a le moins d'heures de cours obligatoires d'éducation physique, et ce, à tous les niveaux du système d'enseignement. Pour combler ce retard dans nos mesures de prévention, le Conseil des affaires sociales recommandait au gouvernement, en 1987, d'augmenter le nombre d'heures consacrées à l'enseignement de l'éducation physique. Le faible taux de participation des Québécois et des Québécoises à l'activité physique risque de se refléter, dans les prochaines années, par une progression plus importante de l'invalidité et des maladies associées à la sédentarité, avec tout l'impact social et économique que cela comporte.

Pour nos entreprises, la santé et la productivité au travail constituent aussi des avantages concurrentiels. Les cours d'éducation physique peuvent, à titre d'exemple, contribuer à diminuer de façon significative les cas de mortalité attribuable aux maladies cardio-vasculaires, à réduire de façon significative l'obésité et l'embonpoint, à réduire les coûts d'hospitalisation et de soins médicaux affectés aux maladies coronariennes, aux maladies ostéo-articulaires, aux maladies mentales et au diabète, à réduire la fréquence des maux de dos, à augmenter la pratique sécuritaire de l'activité physique, à diminuer la consommation abusive de drogue et d'alcool et à décourager la consommation de cigarettes.

Les effets bénéfiques de la pratique de l'activité physique ne se limitent pas à la seule dimension physique de la santé, mais profitent également à la santé mentale lorsqu'on l'utilise pour réduire l'impact du stress, diminuer le niveau d'anxiété et de dépression, augmenter l'estime de soi et la confiance en so! et ainsi prévenir, entre autres, les risques de «burn out». Sur le plan de la santé sociale, les cours d'éducation physique peuvent contribuer à diminuer la violence, le sexisme, le racisme ainsi que le décrochage scolaire.

Les éducateurs et éducatrices physiques du Québec s'engagent à oeuvrer à l'atteinte de ces objectifs. Nous prenons pour acquis que la volonté du gouvernement de prendre le virage préventif est sérieuse et que, compte tenu des coûts humains, sociaux et financiers des soins curatifs de santé, l'approche préventive est sans aucun doute celle qui donnera à moyen et à long terme les meilleurs résultats sur la qualité de vie des Québécois et des Québécoises. (11 h 50)

Le cégep se doit de contribuer à ce projet de société et de répondre ainsi à l'appel de mobilisation du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec. Comment peut-on concevoir une diminution du nombre de crédits accordés à l'éducation physique lorsqu'on discute simultanément de l'augmentation des coûts de la santé? Le manque d'harmonisation des politiques publiques contribue parfois à adopter des mesures qui, même si elles permettent des économies dans un secteur donné, ont pour effet d'augmenter les dépenses dans un autre secteur.

C'est la raison pour laquelle le ministre de la Santé et des Services sociaux rappelle la nécessité de s'associer à ses collègues des autres ministères pour mettre en oeuvre ces priorités d'action qui font appel, entre autres, à l'intervention en milieu scolaire. Ces priorités d'action viseront à contrer la dépendance sociale dans le domaine de la santé.

Parlons maintenant des abandons, des échecs et du décrochage. Le cégep ne peut se permettre d'ignorer les abandons, le trop faible taux de réussite et les problèmes associés au décrochage. Pour prévenir le désintéressement des étudiants à l'endroit du cégep, il Importe de maintenir le cours qui leur procure actuellement

le plus de plaisir et leur offre le plus d'occasions de se faire des amis. Le contexte dans lequel se déroule le cours d'éducation physique contribue à rendre leur passage au cégep beaucoup plus agréable. Un sondage effectue en mai 1992 démontre à quel point les cégépiens et les cégépiennes apprécient leur cours d'éducation physique. Cette étude démontre clairement l'importance de ces cours pour ces étudiants et, surtout, leur degré d'intérêt et de satisfaction à l'endroit de ces cours.

Compte tenu de l'expertise des éducateurs et des éducatrices physiques à répondre aux besoins particuliers des étudiants, ce groupe d'enseignants pourrait être davantage sollicité afin d'apporter une contribution particulièrement utile à l'approche programme. 85 % des étudiants de cégeps sont d'accord avec la présence des cours obligatoires d'éducation physique à ce niveau d'enseignement. Près de 80 % d'entre eux ne veulent pas qu'on remplace cette discipline par une autre forme de cours. Comme, à cet âge, 55 % des étudiants occupent un emploi à temps partiel, déjà ils peuvent difficilement trouver le temps nécessaire pour pratiquer quelque forme d'activité physique en dehors de leur cours d'éducation physique. Ignorer cet état de fait, c'est agir sans tenir compte des besoins et des intérêts de nos étudiants. C'est aussi faire fi de l'importance que l'éducation physique revêt aux yeux de la population en général.

En 1991, un sondage Gallup mené auprès des Canadiens rapporte que 90 % des gens interviewés croient que l'éducation physique constitue une partie importante d'un curriculum équilibré. 85,7 % des répondants estiment que l'éducation physique devrait être offerte à tous les élèves, peu importe leur âge ou leur niveau scolaire.

Dans son rapport annuel de 1988-1989, le Conseil supérieur de l'éducation affirme que les élèves qui connaissent de graves difficultés au collégial ont des problèmes liés à la maturation psychologique. Ces problèmes sont associés plus spécifiquement à la perception positive de soi, à la confiance en soi, à la capacité d'affirmation et de communication. À ces problèmes, selon la Fédération des cégeps, s'ajoutent des problèmes tout aussi importants d'identité et de mésadapta-tion à l'environnement: mauvaise hygiène personnelle, mauvaise alimentation, manque de repos, manque d'exercice et manque de sommeil. Le Conseil des affaires sociales déclarait, dans l'avis qu'il rendait public en 1987: La pratique régulière d'une activité physique vigoureuse favorise un meilleur fonctionnement du cerveau et recule le seuil de fatigue intellectuelle chez l'enfant, permettant une meilleure assimilation des connaissances. Comme l'exprimait le Conseil des collèges, les besoins des étudiants sont variés. Pour augmenter de façon significative le taux de réussite, le cégep doit se préoccuper des apprentissages d'ordre affectif, social et physique et non seulement s'intéresser qu'à la dimension intellectuelle.

Nous aimerions maintenant vous livrer quelques commentaires au sujet de l'avis du Conseil des collèges. La problématique de la condition physique sur l'état de santé des Québécois et des Québécoises et le potentiel que possède l'enseignement de l'éducation physique pour améliorer l'état de santé et de mieux-être ne nous permettent pas de partager l'avis du Conseil des collèges, qui propose de réduire le temps accordé à l'enseignement de l'éducation physique. Nous considérons, au contraire, que l'éducation physique est un moyen privilégié pour favoriser l'intégration des étudiants à la vie collégiale et à l'acquisition de saines habitudes de vie. Elle participe concrètement au projet éducatif et à la mission sociale des collèges. Nous ne pouvons souscrire à cette proposition du Conseil des collèges car elle va à l'encontre des besoins et des désirs des cégépiens et cégépiennes ainsi que des besoins de notre société.

En 1988, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, M. Claude Ryan, jugeait les objectifs poursuivis par les cours d'éducation physique comme prioritaires et fondamentaux en regard des besoins des élèves du collégial. Pour atteindre ces objectifs qui sont liés à la mission éducative des cégeps, les 120 heures présentement accordées, sur une période de deux ans, à l'enseignement de l'éducation physique constituent un seuil minimum. Ce nombre d'heures ne représente que de 3 % à 5 % du temps total alloué à l'obtention d'un diplôme d'études collégiales. La commission parlementaire doit reconnaître la contribution spécifique de l'éducation physique à la formation fondamentale ainsi que son rôle déterminant dans le domaine de la santé. Les cégeps pourront alors exploiter le potentiel de cette discipline dans la formation d'un personnel compétent et productif.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci beaucoup de votre présentation. Je peux dire, en tout cas, que ce ne sont pas les documents qui manquent, et les appuis, et les témoignages à votre cause. Il y a eu plusieurs documents de déposés à la commission. Il y a même des pétitions: le séminaire Saint-Augustin, le cégep de Lévis-Lauzon, le cégep de Limoilou et même le cégep de Matane. Est-ce que vous en faites un dépôt officiel?

M. Laferrière: Oui.

Mme Lainez: On en a d'autres aussi à déposer durant l'intervention.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vais attendre que vous fassiez tous les dépôts en même temps.

Mme Lainez: D'accord.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vais reconnaître Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureuse de rencontrer des représentants de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec. On a pris connaissance de votre mémoire avec intérêt, de vos nombreuses annexes aussi, et même des lettres d'appui qui étaient arrivées avant aujourd'hui. Je me suis même demandé si les profs d'éducation physique avaient déjà suivi des cours de marketing. En tout cas, c'est très... Vous avez organisé un très grand lobbying, nous en convenons tous. Nous sommes assommés par les nombreux rapports qui nous parviennent à droite et à gauche.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire, après vous avoir entendu, M. Laferrière, que, quand vous me parlez des objectifs d'éducation physique, dans une vie que je ne qualifierais pas d'adulte, mais dans la vie de toute personne, les objectifs en tant que tels que nous devons poursuivre, je peux vous dire que je n'ai aucun problème avec ces objectifs-là. Je pense que, comme gouvernement, nous l'avons dit haut et fort, et c'est maintenant reconnu par tout le monde que, dans la vie, il faut des équilibres, n'est-ce pas? Donc, il faut non seulement mettre beaucoup d'énergie dans notre vie professionnelle en tant que telle où, parfois, dans cette vie professionnelle, on est surtout concentrés sur l'effort intellectuel, comme nos jeunes à l'école, mais il ne faut pas non plus négliger toute la dimension santé, des saines habitudes de vie, faire attention au corps humain qui est là aussi, ne pas l'oublier, donc avoir une approche très systémique au niveau de la santé et aussi prendre le virage préventif. (12 heures)

Sur tous ces objectifs-là, je n'ai vraiment aucun problème, M. Laferrière, sauf que je voudrais regarder concrètement, à partir de ces grands objectifs que je partage, comment les cours d'éducation physique se donnent dans les collèges. Je pense que c'est ça qu'il va falloir regarder, comment ils se donnent. Est-ce qu'ils doivent toujours être obligatoires? Est-ce qu'on doit toujours les créditer? Donc, comment ils se donnent, ces cours d'éducation physique dans les collèges? Et voilà une matière où les collèges ont de la responsabilité. Depuis le début de cette commission, les intervenants collégiaux nous demandent les plus grandes responsabilités académiques au niveau des collèges. Bien, voilà une zone où la responsabilité des collèges est à 100 % dans le choix des cours.

Moi, j'aimerais bien avoir votre opinion sur le sujet. Vous êtes la Confédération des éducateurs, vous devez donc avoir une perspective d'ensemble de tous les cours d'éducation physique qui se donnent à l'ordre collégial. Comment ils se donnent et comment on peut arrimer vos objectifs de santé et d'hygiène de vie, quand je vois dans la liste des cours d'éducation physique des cours tels que la danse contact, les escalades de rocher, carte et boussole, l'improvisation danse, pêche à la mouche I, pêche à la mouche II? Moi, j'ai des difficultés, je veux vous entendre sur ça. Comment vous faites le lien entre ce type de cours et les grands objectifs de santé et de saines habitudes de vie que vous poursuivez?

M. Larouche (René): Je pense que, si on veut bien...

La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous voulez bien vous identifier avant pour fins de...

M. Larouche: René Larouche, Université Laval.

La Présidente (Mme Hovington): Merci.

M. Larouche: Je pense que, si on veut avoir un débat fructueux, il faudrait s'entendre sur les concepts, parce que, quand vous pariez d'une liste de cours, ce sont les moyens qu'on utilise, et on pourra en rediscuter tout à l'heure.

La raison d'être de l'éducation physique... On va d'abord éliminer certains préjugés parce que, de ce qu'on a pu entendre de la part de certains individus à la télévision, et même venant d'institutions d'enseignement de niveau collégial, l'éducation physique, ça égale golf, ça égale pêche, ça égale ci, ça égale ça. C'est comme si le français égalait une pièce de théâtre de Michel Tremblay ou autre chose. Il ne faut pas comparer la fin avec les moyens sinon on va revenir à des problèmes de conceptualisation de base.

Deuxième chose, l'image qu'on se fait de l'éducation physique remonte souvent à celle qu'on a eue dans notre enfance. Si on remonte à l'image de la médecine au début, on faisait des saignées pour essayer de guérir les gens et on perforait le crâne pour guérir les migraines. Ne remontons pas au temps trop, trop lointains dans les concepts. Sauf qu'il y a énormément de préjugés qui sont entretenus suite aux expériences qu'on a vécues antérieurement. On parle actuellement de l'éducation physique vers l'an 2000. Et le mémoire qu'on a présenté en 1991 au Conseil des collèges, c'étaient justement les défis de l'éducation physique vers l'an 2000.

Le train de l'éducation physique repose sur deux rails: le rail éducation et le rail santé, et les deux sont en synergie, sont en intercomplémentarité de façon continuelle du début de la vie à la fin de la vie. Ce que certains groupes demandent actuellement, c'est qu'il y ait une coupure au niveau collégial dans ce processus-là.

Bien sûr, on vise des buts de santé et les moyens qu'on utilise sont ultravariés; ce sont des

activités physiques. La pêche est une activité physique, le golf est une activité physique, etc. C'est le moyen qu'on utilise pour atteindre des objectifs à caractère éducationnel et de santé. Est-ce qu'on va reprocher au cégep d'envoyer les étudiants à une pièce de théâtre supposément pour mieux apprendre telle partie de la langue française? Non. On ne s'attaque pas aux moyens à ce moment-là, on s'attaque aux fins. Et nous, on vient de constater avec beaucoup d'autres organismes que, lorsqu'on n'atteint pas les moyens en français, la solution est très miraculeuse, c'est: Augmentons le nombre de cours de français. Et, lorsqu'on n'atteint pas les moyens en éducation physique, l'autre solution, c'est: diminuons les cours d'éducation physique. Il nous paraît y avoir une incohérence au niveau de la logistique comme telle.

L'éducation physique, nécessairement, se doit de transmettre des habiletés de base, des connaissances, des attitudes, des habitudes. Et notre coffre à outils est ultravarié en termes d'activités physiques qui vont du plein air, qui vont de la gestion du stress, qui vont de l'utilisation de différents sports... Pourquoi? Tout simplement parce que les goûts et les besoins des étudiants sont ultravariés et qu'on se doit de s'adapter à ces cours-là.

Curieusement, le rapport Parent, en 1964, l'avait très bien compris en disant que c'était obligatoire à tous les paliers du système d'enseignement, y compris jusqu'à la 13e année, avec un minimum de deux heures par semaine. Le ministre Ryan aussi l'a compris en disant que c'était prioritaire et fondamental. Et là, en 1992, on a de la difficulté à comprendre qu'est-ce qui se passe.

Mme Robillard: M. Larouche, je l'ai lu, votre mémoire, j'ai entendu ça. M. le professeur d'université, je sais que vous me pariez des grands objectifs et je vous ai dit que je pouvais être d'accord avec ces grands objectifs-là, mais, comme ministre responsable, il faut aussi que je regarde les moyens qui sont utilisés. Dans le fond, ce que je voulais savoir, c'est: Est-ce que la Confédération considère que les moyens utilisés actuellement dans chacun des collèges du Québec sont les bons moyens pour atteindre les objectifs?

M. Larouche: Les moyens sont toujours perfectibles. Personnellement, je n'enseigne pas au niveau collégial, donc je suis un peu mal à l'aise pour répondre à cette question-là. Je vais demander à quelqu'un qui vit quotidiennement la réalité collégiale.

M. Chiasson (Luc): Oui, moi...

M. Larouche: Oui.

M. Chiasson: ...j'enseigne au niveau collégial depuis...

La Présidente (Mme Hovington): En vous identifiant toujours, s'il vous plaît.

M. Chiasson: Mon nom, c'est Luc Chiasson. Je suis du cégep Lévis-Lauzon. J'enseigne depuis bientôt 18 ans dans des collèges du Québec. J'ai enseigné toutes sortes de disciplines, de la relaxation au ski de fond, canot-camping et à peu près tous les cours possibles qui peuvent se donner en éducation physique. Et je dois vous dire que, quand on enseigne l'éducation physique, peu importe le moyen qu'on utilise, ce qui est important, c'est de passer les valeurs qui sont associées à la santé, à la condition physique, au bien-être.

Ce qui est assez curieux, c'est souvent les disciplines qui paraissent les plus flaillées qui sont souvent celles où on a les meilleurs résultats. Par exemple, on donne des cours de canot-camping. On dit: Ah! ils font du canot, ils s'amusent. Pourtant, c'est une des activités où les étudiants doivent le plus développer le sens de la coopération, tandis que, dans des activités où on les voit une fois par semaine, c'est difficile parce qu'on les voit une heure et demie. Alors, c'est une valeur qui est difficile à développer. Le sens de la communication aussi. Quand vous commencez à vous chicaner dans un canot et que vous avez un rapide à descendre, bien, c'est dommage, mais vous allez avoir des problèmes à descendre. La capacité d'adaptation aussi à l'environnement. Je pense que c'est des valeurs qui sont reconnues par le Conseil des collèges et par beaucoup de gens. La capacité de s'adapter à un environnement qui est naturel... Je pense qu'il n'y a personne qui va douter qu'un cours de plein air permet aux gens, en tout cas, de prendre contact avec la nature d'une façon différente que quand c'est une activité libre.

Et là j'arrive peut-être dans quelque chose de plus... J'arrive a votre question. Pourquoi il faudrait que ces activités-là soient obligatoires? Demandez aux étudiants pourquoi ils considèrent que ça doit être obligatoire. Parce que le prof d'éducation physique qui est éveillé au fait de développer des connaissances, des attitudes et des habiletés, il est capable de faire en sorte d'organiser ses cours, d'organiser ses activités pédagogiques pour faire en sorte que l'étudiant prenne conscience que faire de l'activité physique ça peut être considéré comme un jeu, mais ça peut servir à son développement multidimen-sionnel et intégral. Ça, c'est clair. Que ce soit en escalade...

Et je vais vous servir l'exemple qui, habituellement, nous porte préjudice, et pourtant, si on l'analyse comme il faut, je pense que ça nous rend honneur: des cours de randonnée pédestre en Europe qui sont organisés par certains cégeps. Ah! ça, c'est affreux. C'est affreux. Des étudiants de cégep qui s'en vont en

Europe. Mais, au niveau de la formation, ces cours-là sont fantastiques. Quand on disait: Les cégeps doivent être autonomes, originaux, je pense que Mme Chené va être contente de savoir que l'éducation physique a déjà utilisé ça. Si vous voulez avoir une expertise dans ce domaine, venez nous voir. Ça fait plusieurs années qu'on est autonomes chez nous. On pourra vous donner des exemples de ce que c'est. Alors, les cours d'escalade ou de randonnée pédestre en Europe, c'est fantastique parce que les étudiants qui savent un an à l'avance qu'ils doivent participer à cette activité-là doivent trouver l'argent pour leur voyage, doivent organiser des activités de financement et le moyen, c'est l'activité physique. Alors, ils apprennent à vivre en groupe, en société, etc.

Mme Robillard: Je voudrais peut-être aller plus loin.

M. Chiasson: Si vous voulez.

Mme Robillard: Je saisis bien l'optique que vous essayez de m'expliquer, mais, M. Laferrière, j'aurais une autre question. Est-ce que vous connaissez, dans les systèmes d'éducation actuels nord-américains, en Amérique du Nord, un système d'éducation qui crédite les cours d'éducation physique dans un niveau postsecondaire, étant donné aussi l'âge de nos étudiants que nous avons au Québec? Vous savez sûrement que, par exemple, au niveau de la formation technique chez nous, l'âge moyen est de 22 ans. Est-ce que vous connaissez un système d'éducation nord-amérlcaln qui crédite, donc qui inscrit au niveau du bulletin, qui donne des unités? (12 h 10)

M. Laferrière: II y a une étude qui a été effectuée à ce sujet-là et je demanderais à Pierre Richard de vous faire part des résultats de cette étude.

M. Richard (Pierre): Aux États-Unis, au niveau de ce qu'on appelle les «four-year colleges», et aussi au niveau des universités publiques, on a quand même regardé un certain nombre de données, d'études. D'ailleurs, il y a les études de Trimble. Et il y a de l'éducation physique à ces niveaux-là, et c'est soit pour 2 crédits, pour un certain pourcentage, à peu près 40 % reçoivent 2 crédits, ce qui correspond à 90 heures; aussi, dans certains collèges, je crois, pour 20 %, c'est 3 crédits pour environ 120 heures et il y a un certain nombre de collèges aussi qui donnent 4 et même 5 crédits.

Mme Robillard: J'ai plus de difficultés à faire la comparaison avec le «four-year college», comme vous dites, parce que les élèves sont plus jeunes. Alors, ce n'est pas exactement dans notre système. Moi, je parlais vraiment de postsecondaire. En tout cas, ça n'existe sûrement pas au

Canada, des cours crédités en éducation physique, comme tels. Et ça m'amène peut-être à l'autre question. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait poursuivre les mêmes objectifs avec des moyens peut-être à réviser - je ne le sais pas, vous semblez dire que non - sans que ces cours-là soient crédités au niveau de l'ordre collégial? Et vous n'êtes pas sans savoir que les universités n'en tiennent même pas compte dans l'admission des jeunes, au niveau universitaire.

Est-ce qu'on pourrait atteindre les mêmes objectifs de santé, d'hygiène de vie, donc en favorisant l'activité physique des jeunes quand ils sont à l'ordre collégial, mais sans créditer ces cours-là?

M. Delaney (Robert): Mon nom est Robert Delaney. Je crois que la réponse, ce serait non. Le problème, si on décide de créditer certains cours alors qu'on n'en crédite pas d'autres, dans l'esprit de l'élève, il va avoir tendance à aller vers les cours crédités. Si on dit: Mais vous pourrez choisir à votre aise... Ce qu'on a retrouvé, les statistiques nous démontrent qu'il y a un pourcentage significatif de ces étudiants qui choisissent de ne pas faire d'éducation physique. Dans le système collégial au Québec, on a l'exemple de Dawson qui, seulement depuis quelques années, offre un programme complet. Lorsque les élèves avaient le choix, parce que c'était offert parmi les cours complémentaires, seulement 15 %, 20 %, 25 % des étudiants choisissaient de faire de l'éducation physique.

Ailleurs dans le pays, les statistiques démontrent que seulement 27 % des étudiants, lorsqu'ils ont le choix entre prendre ou ne pas prendre l'éducation physique, ne prennent pas l'éducation physique. Alors, ça peut avoir l'air peut-être en contradiction avec les statistiques mêmes qu'on a données où les étudiants disent: Nous autres, on aime faire de l'éducation physique, mais, lorsqu'on fait face à une décision d'aller à un cours d'éducation physique puis peut-être de travailler ou d'aller à un cours d'éducation physique ou d'étudier pour un autre cours qui est crédité, je crois que l'étudiant, dans la réalité - puis on le comprend aussi, parce qu'il n'y a pas une valeur au bout de la ligne - va choisir de ne pas en faire.

Alors, ça pourrait être les étudiants qui sont moins favorisés qui sont obligés de travailler. Peut-être qu'ils sont moins habiles en éducation physique. Puis, justement, les étudiants qui devraient avoir de l'éducation physique vont choisir de faire autre chose. Alors, on croit que non, si on va vers un système dans lequel on ne crédite pas l'éducation physique, on va manquer la cible.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci d'être là. Très rapide-

ment, à partir du moment où le Conseil des collèges, dans un avis que vous connaissez, faisait la suggestion que vous connaissez, c'était bien entendu requis que vous soyez ici pour avoir au moins l'occasion d'exposer votre point de vue. Vous l'avez fait dans un mémoire d'excellente qualité, vous l'avez fait dans l'abondante documentation que nous avons reçue, je vous en remercie.

Une phrase: En ce qui me concerne et ma formation politique, d'aucune façon on a quelque réserve sur le mérite pur de la pratique d'activités physiques et l'extraordinaire potentiel de l'enseignement de l'éducation physique sur tout ce que vous avez dit, et vous l'avez bien dit pendant plusieurs pages: les habitudes de vie, la santé, la contribution à la prévention. Mens sana in corpore sano. Additionnez, multipliez, il va toujours y en avoir assez pour nous convaincre sincèrement. Et c'est loin d'être péjoratif, c'est vrai, qu'est-ce que vous voulez! Et ce sera d'autant plus vrai dans la société de demain. Selon moi, dans la société de demain, il va falloir penser à du temps partagé, parce qu'il n'y a plus grand monde qui travaille, pour toutes sortes de raisons. Puis, je ne vais pas faire un discours à n'en plus finir, mais c'est ça la réalité: On s'en va vers une société de loisirs. Il va sûrement y avoir une réduction des heures travaillées, même si certains réclament qu'on devrait travailler plus pour être plus productifs. Mais travailler plus pour être plus productifs, il va falloir que ce ne soit pas les mêmes, parce qu'il n'y en a plus assez. Puis, dans ce sens-là, on va générer une espèce de société où, si on ne veut pas avoir des coûts de santé astronomiques, il va falloir être plus en forme, plus en santé, puis là c'est de se poser la question: Comment on fait ça?

Mais, pour ce qui nous concerne, moi, je reviens toujours à la question de départ. Ça ne veut pas dire que vous n'avez pas donné les explications, mais II faut le creuser davantage, puis, d'après moi, il y en a une seule, question. Ce n'est pas parce que ça va être la mienne là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Non, mais, d'après moi, on peut y faire des ajouts à n'en plus finir, mais la question est: Est-ce qu'au Québec il faut maintenir dans une formation de base... Puis là il y a trois, quatre termes: «fondamentale»; l'autre terme, c'est «générale»... En tout cas, peu importe, est-ce qu'il est requis d'avoir des unités de cours d'éducation physique obligatoires dans ce tronc commun que tout le monde souhaite qu'il soit revampé, adapté à la réalité 1990 et suivantes ou des années 2000? Moi, je prétends que c'est la seule question et, en ce qui me concerne - parce que mes collègues veulent en poser aussi - j'ajouterais: Est-ce que vous êtes convaincu que ça a un lien très étroit en ce qui a trait à la réussite scolaire et à une réduction du taux d'abandon si on le maintient obligatoire dans le tronc commun? Si la réponse est oui, moi, je prétends que c'est pas mal plus éclairant pour la suite des choses. C'est mon point de vue. Je voudrais vous entendre.

M. Larouche: Si le Québec se compare aux pays les plus industrialisés et les plus efficaces sur le plan économique et le reste que sont l'Allemagne, le Japon et d'autres pays semblables, nos études comparatives avec les pays de l'OCDE démontrent que c'est obligatoire à ce niveau-là. C'est obligatoire. La position de l'UNESCO est très claire: L'éducation physique se doit de se faire du niveau primaire jusqu'au niveau universitaire, donc ce qui comprend aussi le postsecondaire, nécessairement. Et aux États-Unis c'est exigé pour obtenir le diplôme après les quatre années des collèges et des universités, à ce moment-là, au niveau de premier cycle. Donc, si on se compare à d'autres pays, c'est absolument nécessaire. Et la raison d'être de l'éducation physique n'arrête pas subitement lorsqu'on arrive au cégep. Les étudiants nous disent, dans l'enquête que nous avons faite, à quelque 80 %: Ça m'aide à mieux travailler intellectuellement lorsque je fais de l'activité physique. Et un des rôles premiers du cégep, c'est de préparer soit l'étudiant à continuer ses études par la suite, à surtout ne pas les abandonner au niveau collégial, ou encore à aller sur le marché du travail. Et la littérature est extrêmement forte sur ça, les employeurs recherchent des gens en meilleure condition physique et la CSST va vous dire que ça va baisser ses coûts économiques. Sur le plan de la comptabilité sociale, c'est extrêmement important. La Régie de la sécurité dans les sports va vous dire la même chose. Donc, c'est capital.

Si une des raisons pour lesquelles l'étudiant désire demeurer au cégep c'est d'avoir du plaisir, vivre dans un milieu de vie agréable, et la très grande majorité des étudiants nous disent que l'éducation physique, c'est très agréable... Et, quand on regarde les enquêtes qui ont été faites par d'autres organismes, où 54 % sont satisfaits du français et un petit peu moins de la philosophie, nous, on est autour de 90 %. Donc, une des meilleures façons d'éviter l'abandon scolaire, c'est de créer le plaisir d'être dans une institution qui s'appelle un cégep. Et, à ce moment-là, c'est un cancer social extrêmement important qui est l'abandon scolaire... On hypothèque et la société québécoise et les individus qui sont confrontés à ce problème-là. Et il faut continuer d'en faire. (12 h 20)

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Je vais aller d'abord du côté du député de Vimont pour revenir à Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière après.

M. Fradet: Merci, Mme la Présidente. Moi, je suis d'accord avec vous lorsque vous parlez des objectifs à atteindre en matière de santé et en matière d'exercice physique. La seule question que je me pose, c'est la question un petit peu que tout le monde se pose ici: Est-ce en obligeant les gens à faire de l'éducation physique, en créditant des cours au cégep, qu'on va régler le problème? Parce que je pense effectivement que les jeunes ne font pas assez d'exercice, même les moins jeunes qui, après... Ça serait une statistique peut-être intéressante à avoir. Est-ce qu'il y a des gens qui ont été obligés, au cégep, de faire de l'exercice physique, à l'intérieur des cours, qui continuent, par la suite, à faire de l'exercice physique sans être obligés? Moi, c'est une question que je me poserais aussi en tout cas face à la volonté qu'on a d'enseigner à ces jeunes-là la santé et l'exercice physique. On pourrait peut-être faire même le parallèle avec l'entreprise privée. Lorsqu'on travaille dans une entreprise, on n'est pas obligé de faire de l'exercice physique, mais le patron a découvert, avec tous les moyens qu'on a mis à sa disposition, que si ses employés font de l'exercice physique, ils sont probablement plus rapides mentalement et mieux adaptés pour travailler. Et il n'y a pas une entreprise, en tout cas que je connaisse dans mon coin, qui oblige ses employés à faire de l'exercice physique. Par contre, j'ai vu plusieurs entreprises, moi, mettre à la disposition des employés des services pour qu'ils puissent, en dehors des heures de travail, faire de l'exercice physique, se mettre en forme.

Alors, moi, la question que je me pose aujourd'hui, c'est: Est-ce qu'on doit conserver les crédits obligatoires, qui ne sont pas reconnus dans le cheminement de l'étudiant par la suite au cégep, ou si on ne doit pas développer, à l'intérieur des institutions scolaires, des moyens mis à la disposition des jeunes, des gens, pour qu'ils fassent de l'exercice et qu'on rejoigne la volonté là, les objectifs visés en matière de santé au Québec? Moi, c'est cette question-là que je me pose. Et, je suis convaincu, moi, que si les éducateurs physiques organisent des activités qui plaisent aux jeunes à l'intérieur des cégeps, même si ces activités-là ne sont pas obligatoires, les jeunes vont y participer. On ne pourra pas avoir un taux de participation à 100 % parce que même lorsqu'on oblige les jeunes à participer à des cours d'éducation physique, il y en a qui demandent la dispense pour ne pas les faire. Alors, moi, c'est un petit peu là la question. Doit-on organiser le milieu pour favoriser la santé et l'exercice physique au cégep sans pour autant les obliger à faire des cours qui ne leur servent pas par la suite dans leur cheminement scolaire?

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Chiasson, allez-y.

M. Chiasson: Oui. Je vais répondre à cette question-là, même s'il y en a trois ou quatre à l'intérieur; je manquerais de temps. Je vais essayer de répondre plus rapidement que la question a pris de temps. Lorsqu'on parle de participation libre des étudiants, dans le contexte actuel, on parle d'à peu près de 10 % des étudiants qui font de la participation libre. Parce que 70 % des étudiants travaillent en dehors de leurs cours. Ils n'ont pas le temps de... Probablement qu'ils vont avoir plus de temps de faire de l'activité physique quand ils vont travailler. Actuellement, les étudiants sont surchargés d'ouvrage. Il y a des étudiants qui ont 30, 35, et même certains, 40 heures de cours par semaine. Vous l'avez déjà entendu par un autre groupe, il y a une surcharge de travail. Si vous enlevez quelques unités d'éducation physique... Ça, j'aimerais ça le dire à tout le monde. Quand on parle de couper dans l'éducation physique, on n'est plus dans le gras, on est dans le maigre, parce que c'est deux unités et deux tiers qui existent actuellement en éducation physique, ce n'est pas quatre unités, comme les autres cours obligatoires, ou huit. Quand on coupe deux unités et deux tiers en deux, c'est rendu qu'on coupe le morceau de gâteau qui a de la misère à tenir debout dans l'assiette. Ça représente moins de 5 % de la formation de l'étudiant qui touche sa santé.

Comparativement, si on tombe en formation fondamentale, qui est essentiellement intellectuelle, on est un peu contre la position du Conseil des collèges à ce niveau-là, parce qu'on pense qu'un cégep ne doit pas seulement développer la dimension intellectuelle, et beaucoup de disciplines s'en vont dans un autre sens. À mon avis, il faut maintenir ce nombre de minutes de cours obligatoires d'éducation physique, qui est un minimum actuellement acceptable. Et plus que ça, ce qu'on propose dans nos recommandations, c'est de faire en sorte d'augmenter ce nombre de minutes en essayant d'instaurer dans les 10 années à venir de l'éducation physique quotidienne. Et, à ce moment-là, ces activités quotidiennes pourraient être dans le sens où vous dites, M. le député, et je pense que là, à ce moment-là, le rêve que vous voulez réaliser devrait se réaliser.

M. Fradet: Ce n'est peut-être pas un rêve. C'est sûr qu'on aspire à voir l'ensemble de la population plus active en matière d'exercice physique pour qu'elle soit plus en santé. Mais je ne suis pas convaincu, moi, que ce soit en obligeant les jeunes... Même si vous dites qu'H faut continuer à le faire, avec le laps de temps qui est très court - et je le reconnais - à l'intérieur du programme, lorsqu'on a un programme de 35 heures et qu'on a 4 heures ou une heure de cours d'éducation physique, ce n'est peut-être pas suffisant.

Alors, c'est pour ça que je me dis que si

on favorise à l'intérieur des cégeps des groupes ou des activités physiques qui plaisent aux jeunes, ceux-ci pourront y participer même s'ils sont très chargés. Dans le milieu du travail, les gens sont aussi très chargés. Ils se rendent compte que pour vivre en santé, ils doivent faire de l'exercice physique et ils en font de plus en plus. On n'a pas un taux de participation de 100 %, mais... Je ne pense pas que demain matin on va le faire, mais en favorisant ça, on pourrait améliorer la situation...

La Présidente (Mme Hovington): Merci.

M. Fradet: ...même si ce n'est pas obligatoire.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Vimont.

M. Richard (Pierre): Un complément de réponse. C'est que, d'après des études américaines, le taux de participation, quand l'éducation physique est optionnelle, oscille aux alentours de 25 %, 27 %. Alors, ça vous dit que, quand bien même on offrirait une gamme d'activités extraordinaires, je pense qu'il y a un bon nombre de ces jeunes adultes qui vont plutôt prendre le chemin du dépanneur ou vont aller faire leur petit boulot de fin de semaine, ou de semaine et de fin de semaine, parce qu'il y en a qui font plusieurs heures. Alors, les taux de participation, il ne faut pas être trop optimiste de ce côté-là, si l'éducation physique est optionnelle.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la Présidente. Écoutez, je pense que la démonstration, par rapport à tout ce qui est orienté vers la santé et les services sociaux, vers la prévention, en tout cas, quant à moi, elle est faite. Je n'ai pas de problème avec ça. Là où j'aimerais avoir un petit peu plus de renseignements, c'est que, compte tenu des lacunes qu'on a soulevées depuis la semaine dernière au niveau du système, au niveau de nos étudiants qui arrivent à l'université, qui ont des problèmes avec la maîtrise de la langue orale et écrite ou encore manquent d'esprit de synthèse et tout ça, puisque vous dites que vous entendez contribuer aussi au niveau des dimensions intellectuelles, j'aimerais savoir en quoi, de façon plus précise, là, comment, par exemple - je vous donne un exemple; je soulève l'exemple que vous avez mentionné tantôt - un cours de golf peut-il améliorer ces dimensions-là? J'aimerais ça avoir des précisions là-dessus.

M. Larouche: En fait, c'est là qu'arrive toute la nuance avec tout à l'heure, la question précédente, et ies deux se mixent. L'éducation physique, c'est l'endroit où on apprend à faire quelque chose. Est-ce qu'on devrait enlever les écoles de conduite parce que, supposément, les gens vont apprendre à conduire autrement de toute façon? Est-ce qu'on doit enlever la partie obligatoire à l'éducation physique? Voilà, on va l'illustrer à partir d'un cours comme le golf.

On peut très bien faire, à travers l'éducation physique, le développement intellectuel à un très haut niveau d'abstraction, si on prend les approches de Piaget. Si vous jouez le moindrement au golf, vous avez, au minimum, 63 éléments d'apprentissage au niveau du neuromusculaire. Vous avez ensuite une variété de situations où le cerveau est continuellement en ebullition, et c'est plus complexe d'apprendre à jouer au golf que de jouer aux échecs. On démontre, chez Piaget, que l'individu, lorsqu'on développe son intellect, est capable de faire des inductions, des déductions, de résoudre des problèmes de façon systématique et systémique, d'imaginer des scénarios possibles, de prévoir quel serait le souhaitable et le réalisable. Ça peut en faire sourire plusieurs, mais, au golf, vous devez faire de la géométrie. Vous devez mettre en application des principes de balistique, des principes de physique. Et c'est continuel que l'individu, lorsqu'il doit frapper une balle de golf, a au moins une douzaine de questions à se poser immédiatement avant de le faire.

Vous savez qu'il y a des individus qui peuvent apprendre à jouer de la musique à l'oreille, mais on peut suivre un cours universitaire pour apprendre la musique. Et c'est la même chose face à l'activité physique. On peut la pratiquer de n'importe quelle façon, sauf qu'on peut arriver aussi, au soir de notre vie, avec un paquet d'arthrite, avec une fin de vie où l'individu est bourré de problèmes parce qu'il a mal pratiqué l'activité physique durant plusieurs années.

Donc, nécessairement, l'activité physique a une relation avec le développement intellectuel de l'individu. Et on peut en faire la démonstration très facilement devant n'importe quel groupe de psychologues et le reste.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Ça va? Est-ce qu'il reste encore du temps? Oui, vous pouvez y aller, Mme la députée de Terre-bonne. (12 h 30)

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je vous comprends bien lorsque vous nous dites, en fait, qu'en plus des bienfaits au niveau de la santé votre cours permet également de donner toute la dimension fondamentale qu'on exige pour les cours obligatoires? Votre démonstration vient nous dire: En fait, ça permet de... Les principaux points qui étaient développés... Je vais prendre le mémoire du Collège de la Région de l'Amiante qui était extrêmement dynamique. On disait que l'important... Bon, «il faut une

capacité de recueillir de l'information, une capacité d'analyse, une capacité de résoudre des problèmes, une capacité de poser des jugements, une capacité de bien s'exprimer». Est-ce qu'on devrait choisir le cours d'éducation physique? Le cours de français correspond aussi à ces données-là. Est-ce qu'on devrait choisir le vôtre parce que, en plus de répondre à tous ces critères-là, il vient ajouter la dimension santé qu'on ne retrouve pas dans les autres cours?

M. Chiasson: Je pense que oui. C'est un cours qu'il faut conserver parce que... Je pense que, surtout au niveau de l'approche programme, ça a été sous-évalué encore, la participation de l'éducation physique à l'ensemble de l'approche programme. On se rend compte qu'il y a des gens qui font beaucoup de choses qui ressemblent aux choses qu'on fait en éducation physique, mais ils ne savent pas qu'on peut les aider à améliorer des choses. Je vous fais part d'une expérience que j'ai eue avec des gens en chimie-bio qui faisaient des laboratoires et qui disaient: On a seulement des objectifs cognitifs, nous autres, dans nos laboratoires. J'ai dit: Ça me surprendrait beaucoup. Il a dit: Pourquoi? J'ai dit: II me semble que tu dis que tu obliges les gens à travailler en équipe, tu les obliges à agir de façon sécuritaire, ça fait que là, tu n'es plus dans les objectifs cognitifs, tu es rendu dans des attitudes sécuritaires et tu es rendu dans le travail d'équipe. Ce n'est plus seulement du cognifrf ça, ce n'est plus la dimension intellectuelle, c'est toute la personne. J'ai dit: Nous autres, on fait ça en plongée sous-marine avec des gens quand ils travaillent copain copain pour la sécurité. Alors, on peut se compléter en connaissant les... Comme les gens en mécanique aussi. Il dit: Ça nous prend des gens qui sont en forme, qui sont capables de lever des charges, etc., parce qu'ils travaillent en mécanique. On peut jouer un rôle important et s'intégrer dans l'approche programme, mais ça n'a jamais été fait de façon systématique, cette chose-là, de demander aux départements qui sont de l'extérieur: Qu'est-ce que vous pouvez apporter à la formation qu'on veut donner à certains jeunes pour qu'elle soit complémentaire? Il n'y a pas un employeur du Québec qui va dire qu'il n'aime pas ça que ses employés arrivent avec des notions de santé. Il n'y a pas un employeur.

Moi, je trouve ça assez curieux, pour avoir parlé avec le responsable de l'engagement du personnel à la Fédération des caisses Desjardins, qui disait: Nous autres ce qu'on veut, c'est des gens qui sont capables de communiquer, de coopérer et de s'adapter à l'environnement, etc. J'ai dit: Est-ce que vous vous assurez que ces gens-là sont conscients de la responsabilité d'être en bonne santé pour rester un employé qui va durer longtemps, sur lequel vous allez investir beaucoup dans les cinq premières années pour le former et, après ça, il va être très productif pendant plusieurs années? Si, après 10 ans, cette personne-là a développé un infarctus à cause des mauvaises habitudes de vie, je pense que vous avez mal investi votre argent, en plus d'investir de l'argent pour la remplacer par d'autres personnes, parce qu'elle est souvent en congé de maladie, etc. Je pense que l'éducation physique a un rôle de premier plan à jouer et, dans une approche programme, celle qui est préconisée et, je pense, acceptée par à peu près tous les intervenants, on aurait un rôle essentiel à jouer à ce niveau-là, dans la mesure où les autres départements sont conscients de ce qu'on fait.

Mme Caron: Parmi votre groupe, il y a une femme professeure. Est-ce que vous avez certains commentaires particuliers à faire valoir concernant cette formation-là pour les femmes?

Mme Lainez: Pour les femmes au niveau collégial, c'est quand même un groupe d'âge... Je prendrais peut-être le groupe d'âge 16-24 ans à peu près - des fois il y a des adultes plus vieux, mais, habituellement, c'est ce groupe d'âge là. C'est vraiment important parce qu'elles sont en période où l'image d'elles-mêmes est très importante. Elles sont axées sur les régimes, sur les... il y a plein d'éléments essentiels au niveau des connaissances qu'on peut véhiculer pour ces femmes-là. En plus que, sur le marché du travail, on leur demande, après ça, de travailler en équipe avec des hommes, avec des femmes, d'être combatives. On leur reproche souvent de ne pas être combatives, on leur reproche souvent de ne pas avoir confiance en elles. Je pense qu'en éducation physique on essaie de développer cette agressivité qui est toujours mal vue chez une femme, mais qui est nécessaire. Vous jouez dans une équipe ici, présentement, vous avez des confrères de travail. Moi, je rêve du jour où il y aura l'égalité des chances. Les femmes n'ont pas l'égalité des chances. Sur la structure obligatoire, heureusement qu'elle est là, parce que les filles pratiquent moins que les gars et elles ont moins de chance de jouer au hockey, de faire des activités sportives collectives que les gars, ça c'est vrai aussi. Alors, c'est encore plus important pour elles. En plus, sur le marché du travail, elles vont avoir à travailler à temps plein, peut-être être des mères de famille, elles vont avoir à partager des tâches. Il faut qu'elles soient vraiment armées, il faut qu'elles soient en forme, il faut qu'elles soient capables de prendre le temps pour leur qualité de vie.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Une courte question?

Mme Carrier-Perreault: Oui, très courte.

La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.

Mme Carrier-Perreault: Vous parlez des

avantages pour les filles et les femmes - en fait les femmes de cet âge-là - par rapport à l'intégration en général. On sait aussi, ça nous a été soulevé, que les jeunes ont beaucoup de difficultés, en tout cas éprouvent des difficultés certaines quand ils arrivent au niveau du collégial. Vous l'avez soulevé un petit peu. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.

Mme Lainez: L'intégration des filles par rapport aux garçons?

Mme Carrier-Perreault: Oui, et l'intégration aussi dans le nouveau groupe, les communications, parce que les jeunes, semble-t-il, ne se rencontrent pas nécessairement régulièrement par rapport à l'ensemble des étudiants du collège. Ça nous a été soulevé par le Conseil permanent de la jeunesse qui avait fait une étude; ça nous a été soulevé aussi par d'autres groupes ici.

Mme Lainez: C'est évident que dans un cours d'éducation physique où il y a beaucoup d'échanges, beaucoup de communications, que souvent la plupart, pour ne pas dire la grande majorité des cours, sont mixtes, ils sont toujours mis en situation de coopération, de s'aider puis de communiquer. Quand le gars n'est pas bien placé - je vais revenir à mon gymnase - s'il n'est pas à la bonne place puis on joue au volley-ball ensemble et il faut rendre le ballon de l'autre côté, il faut que je lui dise de se placer, il faut communiquer, il faut parler. Il faut que les femmes prennent leur place dans ça. Et je pense que les cours d'éducation physique leur permettent de réaliser à leur juste valeur que ce n'est pas juste la force musculaire, il y a d'autre chose aussi qui est important et qu'elles ont un apport et qu'elles sont capables, dans un contexte éducatif avec les... Ce qui ne se ferait pas dans des activités libres, parce que là, ça va être le meilleur, le plus fort qui va tabasser l'autre; ça ne se ferait pas. Mais, dans un contexte éducatif où le professeur met des situations et fait comprendre le contexte, il faut se servir de toutes les forces en présence, nos forces et nos faiblesses, pour pouvoir réussir à jouer, et c'est important pour l'intégration. Moi, je trouve ça.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Robillard: Oui. Il me reste à remercier les gens de la Confédération d'être venus échanger avec nous. Je dois vous dire que je demeure encore perplexe, non pas par rapport aux objectifs, mais par rapport aux moyens, d'autant plus que quand on a choisi, il y a 25 ans, d'avoir quatre cours d'éducation physique obligatoires, on se situait par rapport à des jeunes qui étaient en continuité scolaire, dans leur cheminement. La réalité d'aujourd'hui, c'est très, très différent au niveau des cégeps. La clientèle est beaucoup plus diversifiée - le retour des adultes aux études - et là, quand on nous demande de réviser toute la formation générale, ça veut dire aussi ça. Alors, merci de nous avoir fourni toute cette documentation pour mieux approfondir le sujet. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous acceptez de faire le dépôt officiel de la pétition?

Mme Lainez: Oui. Je ne les nommerai pas, et, en plus, c'est la pétition des étudiants, qui a été signée par 55 000 étudiants pour conserver les quatre cours obligatoires, qui est parmi ces documents-là aussi.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vois qu'elles sont originales, en tout cas. Donc, elles sont recevables. Il y a juste une chose, c'est que les pétitions sont toutes adressées à M. le Président de la commission de l'éducation.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): J'espère que vous passerez le message qu'il peut y avoir des présidentes aussi.

Mme La-nez: Vous voyez que les femmes ont encore beaucoup de chemin à faire avant d'avoir l'accès à l'égalité.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, au nom des membres de la commission.

J'inviterais maintenant à prendre place immédiatement l'Association québécoise des professeures et professeurs de français. S'il vous plaît, veuillez prendre place immédiatement. S'il vous plaît, je demanderais aux gens de faire diligence pour quitter la salle, en tout cas, le groupe qui veut quitter la salle, pour faire place à l'association de français.

Alors, je demanderais un peu de silence en arrière, s'il vous plaît. Un petit peu de discipline. Je veux souhaiter la bienvenue à l'Association québécoise des professeures et professeurs de français, représentée par Mme la présidente, Colette Baribeau. (12 h 40)

Mme Baribeau (Colette): Bonjour.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, madame. Vous voulez nous présenter votre équipe, les gens qui vous accompagnent?

Association québécoise des professeures et professeurs de français (AQPF)

Mme Baribeau: Oui, d'accord. Mme la Présidente, mesdames, messieurs, chers collègues, premièrement, je vous remercie de nous recevoir

ce matin en commission parlementaire. Nous avons abordé la question avec beaucoup d'intérêt, l'Association. Je voudrais d'abord vous présenter ma délégation. À ma gauche, M. Pierre Marcotte, qui est enseignant, professeur au cégep de Limoilou, et qui est en même temps vice-président de l'Association. À ma droite, M. Claude Simard, professeur à l'Université Laval et qui est le représentant de l'Association pour l'ordre universitaire. À ma gauche, Mme Louise Cour-ville, qui est enseignante, professeure au Collège de Sainte-Foy, et M. Christian Morin, qui est professeur aussi au Collège de Sainte-Foy, et représentant à l'Association de l'ordre collégial.

La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Allez-y, maintenant.

Mme Baribeau: Alors, tout d'abord, je voudrais, en quelques mots, vous présenter l'Association québécoise des professeurs de français. C'est une Association qui regroupe des professeurs et des enseignants de tous les ordres d'enseignement, primaire, secondaire, collégial, universitaire, aussi l'éducation aux adultes, et le français langue seconde. Tous ces professeurs sont rassemblés autour d'un intérêt commun, c'est-à-dire la promotion et le rayonnement de la langue française et de la culture québécoise dans le système scolaire.

Nous nous sommes déjà prononcés, comme association, sur des questions qui touchent le collégial. Entre autres, en 1988, nous avons rédigé une position suite au rapport du Conseil des collèges sur la qualité du français au collégial. En 1990, nous avons présenté un mémoire au Conseil des collèges sur les cégeps de l'an 2000, et, tout récemment, en 1992, nous nous sommes prononcés sur le test de français au collégial.

Alors, peut-être un peu pour vous expliquer la façon dont nous avons rédigé la position d'aujourd'hui, je pense que c'est le fruit d'une collaboration soutenue. J'aimerais nommer les gens qui ont concouru à cette réalisation. Alors, un premier devis a été élaboré par un groupe de travail composé du président sortant, M. Michel Thérien, des membres de cette délégation et des présidents des sections des régions, entre autres, M. Roger Greiss, du Collège de Shawinigan, de Mme Claire Duquette, André Laurendeau. Le comité a rencontré un groupe d'experts composé de Mme Corriveau de Édouard-Montpetit, de M. Louis Maheux du département de sociologie, et nous avons discuté avec eux des principaux enjeux et des questions que soulevait le «rapport». L'avis a été rédigé, soumis en consultation, revu, corrigé, et c'est la position que nous vous présentons aujourd'hui.

Dans mon exposé, je vais développer quatre parties, ce qui suit sensiblement le texte que nous vous avons remis. Dans la première partie, je vous présenterai la mission de l'ordre collégial. En deuxième partie, je vous présenterai le contenu et la structure générale des programmes d'études. En troisième lieu, la formation et l'emploi. Et, en quatrième lieu, la maîtrise de la langue. En conclusion, je vous rappellerai brièvement les principales recommandations qui découlent de notre position, sachant qu'une période de questions a été prévue pour la discussion.

Nous avons noté qu'il y a intérêt pour nous à nous poser la question des collèges parce que ça nous permet, au terme d'un certain cheminement, de regarder le trajet qui a été parcouru et d'effectuer des corrections de trajectoire. Nous avons considéré la mission du collégial sous deux volets. Tout d'abord, dans un premier temps, pour une formation professionnelle, nous avons essayé de les tenir jumelés, dans le cadre d'une formation professionnelle, c'est-à-dire une formation plus poussée, et dans le cadre d'une formation générale, dans le cadre de la préparation aux études universitaires.

On constate que l'ajout d'un ordre d'enseignement complexifie la situation, puis augmente, évidemment pour les élèves, jeunes ou adultes, les risques d'abandon, d'échec ou de décrochage. Et c'est dans cet esprit que nous avons envisagé certaines mesures qui, à notre avis, pourraient contrer ce genre d'effet de système. Évidemment, l'AQPF ne se reconnaît pas la compétence pour aborder et examiner toutes les questions qui avaient été soumises à la consultation.

Dans notre esprit, la mission de l'ordre collégial, je dirais que ça vise trois grands objectifs. Tout d'abord, la démocratisation de l'enseignement, la visée du collégial de maintenir en interaction constante le professionnel et le général et quelque chose que nous trouvons aussi important, c'est le développement régional. Alors, nous constatons qu'il est utile, et essentiel même, de maintenir en interaction la double problématique de l'enseignement général et professionnel en vue d'une harmonisation de ces deux univers parce que nous pensons que ces deux mondes auront a travailler ensemble dans le Québec de l'an 2000.

Cependant, nous ne sommes pas sans constater qu'il y a des difficultés. Au secteur professionnel, par exemple, nous visons un enrichissement de la formation, une valorisation de la formation professionnelle, un rajeunissement des champs de formation. Nous souhaitons aussi que le professionnel, dans une visée générale, soit adapté comme formation aux besoins sociaux nouveaux qui émergent, et qu'il s'agirait probablement de maintenir et d'augmenter le taux de fréquentation.

Pour nous, la spécificité des études professionnelles au cégep concerne l'acquisition de certaines habiletés ou compétences qui dépassent l'acquisition de techniques. On pense ici à

comprendre les textes, les analyser, s'exprimer avec justesse, tant à l'oral qu'à l'écrit, à manier avec aisance un vocabulaire technique, à rédiger des textes, des rapports, et aussi à coordonner des équipes de travail et à parvenir à entrer en relation avec les autres.

Le secteur générai prépare aux études universitaires et, dans ce cadre-là, nous nous interrogeons souvent sur du dédoublement des cours avec l'ordre universitaire. Nous constatons aussi que les cégeps constituent pour plusieurs régions des centres de développement aux plans économique et culturel. Et c'est dans cet esprit de démocratisation, de visée générale, de formation générale et de développement régional que nous nous prononçons pour le maintien de l'ordre collégial.

Cependant, pour mieux assurer cette mission, il serait peut-être utile que je vous précise l'esprit dans lequel nous suggérons d'envisager les modifications. Je suis dans mon «rapport», en bas de la page 2, j'aimerais peut-être vous lire l'énoncé.

Pour nous, II s'agit, en premier lieu, de contrer certains effets pervers du système en général; nous pensons ici plus particulièrement à l'allongement et à l'abandon des études. Mais, cependant, on ne peut pas discuter de cette question sans la rattacher à un phénomène social. Nous considérons que ce problème doit tout d'abord être envisagé dans sa portée sociale. Il y a, pour nous, un urgent besoin d'un projet social, d'un projet de carrière pour les étudiantes et les étudiants, de telle sorte qu'ils puissent envisager les études comme une voie intéressante, ouvrant vers un mieux-vivre. Il s'agit, pour tous les intervenants, de revaloriser le rôle et la place des études dans la vie de nos futurs citoyennes et citoyens. Nous pensons que le discours social sur l'école doit changer. Depuis 20 ans, on a entendu des critiques sérieuses - non pas que nous disions qu'elles n'étaient pas fondées - sur le système scolaire et qui, parfois, étaient difficiles à supporter pour les étudiants et les étudiantes, difficiles dans le cadre d'une implication dans leur vie professionnelle et dans leur vie scolaire. Nous pourrons y revenir lors de la période des questions. (12 h 50)

En deuxième lieu, la deuxième facette de l'amélioration de la situation passe, pour nous, par un meilleur arrimage entre les différents ordres d'enseignement. Je pense que la question a été soulevée par plusieurs intervenants, qu'il ne suffit pas de regarder le collégial seulement, mais de l'arrimer au secondaire, là où il y a de sérieuses questions à se poser, et aussi à l'université. Je pense que c'est une perspective dans laquelle on essaie de le regarder.

Nous pensons aussi que les établissements devraient se doter de projets locaux qui leur permettraient de s'adapter aux contraintes ou aux défis ou aux enjeux, selon qu'on les voit, de la région dans laquelle s'inscrivent leurs actions et que, à cet effet, on devrait viser l'établissement de politiques d'autonomisation. Cependant, pour nous, tout processus d'autonomisation doit être accompagné de mesures d'évaluation. On pourra revenir là-dessus.

Ensuite, le contenu et la structure générale des programmes d'études. Dans l'esprit des propositions du Conseil des collèges, nous nous rallions à une position de grands volets de formation, de grands troncs communs avec les composantes que le Conseil des collèges proposait. Cependant, on tient toutefois à vous préciser et à souligner la place primordiale que doivent comporter les études de français, tant dans le volet langue que dans le volet littérature. Pour nous, la réussite des études collégiales puis, dans une large mesure, l'entrée à l'université et la réussite des études universitaires sont directement reliées à la maîtrise du français comme outil à la fois de pensée et de communication. Nous tenons à maintenir les deux en interaction.

Nous pensons aussi que, comme société, nous devons introduire le concept de culture dans le système scolaire et nous pensons que, comme société, nous devrions aussi définir un seuil minimal de culture intégrée et qu'il devrait y avoir débat, comme aujourd'hui, sur cette question-là.

J'aimerais vous préciser qu'au niveau du contenu des cours, l'AQPF - je suis à la page 3, en bas de mon mémoire - est d'avis que l'enseignement de la langue et de la littérature doit conserver une place privilégiée dans la formation et que cet objectif fondamental de maîtrise de la langue maternelle doit être poursuivi par tous les professeurs et toutes les professeures, quel que soit leur champ de spécialisation, et que ceci demeure l'une des missions fondamentales de l'ordre collégial.

Nous ajoutons, de plus, que le français qui relève des concentrations - je pense, par exemple, au secteur professionnel - doit avoir sa place et être l'objet d'un enseignement soigné. Nous entendons par français de spécialité, par exemple, le français des affaires, le français de bureau, le français langue du commerce. Dans le cadre de la structure des programmes, nous pensons donc à un tronc commun de quatre cours en langue et littérature et d'un cours obligatoire de concentration en français de spécialité.

Nous sommes conscients des défis que pose pour les élèves jeunes et adultes du collégial la maîtrise de la langue française et nous pensons que, quelles que soient les matières qui sont vues, la maîtrise passe par une qualité de l'encadrement. J'aimerais qu'on revienne là-dessus, dans les discussions. Et c'est pour ça que nous sommes portés à demander de convertir une pondération 3-0-3, qui est attribuée aux cours de français, en 3-2-3 - ici, dans le mémoire, c'est

marqué 3-2-2, ça pourrait être 3-2-3 - tout comme on le fait pour l'enseignement des mathématiques et de la biologie.

Troisième partie: la relation avec le travail. Je pense qu'au niveau du professionnel il est évident, pour nous, que le professionnel doit être en interaction constante avec le milieu des affaires ou le milieu du travail. Cependant, pour nous, le maître d'oeuvre de la formation doit demeurer l'institution scolaire en concertation, certes, avec les entreprises. Nous considérons que les programmes au professionnel pourraient être perçus ou pourraient être définis comme un champ de rapports de force et que les négociations doivent se faire, les besoins doivent s'exprimer, mais que ces besoins-là des entreprises doivent être retraduits par le système scolaire. Nous sommes aussi d'avis que les entreprises, c'est leur rôle de favoriser l'insertion des étudiants et des diplômés à la culture de leurs entreprises, à ses modes et à ses pratiques quotidiennes, et ceci, l'institution collégiale ne peut pas le faire.

Nous pensons aussi qu'il y aurait lieu de revaloriser le rôle et la place des activités socioculturelles dans la formation globale d'un cégépien et plus spécifiquement pour ceux du secteur général. Il est essentiel, pour nous, de prendre en considération que l'ordre collégial constitue aussi la principale voie d'accès aux études universitaires qui mènent à une formation des maîtres au primaire, et ce point est vital pour nous dans la façon de penser des programmes. La maîtrise de la langue, pour nous, au-delà du jargon, ça concerne les habiletés langagières, c'est-à-dire la capacité de s'exprimer avec clarté à l'oral et à l'écrit, de concevoir, rédiger des textes cohérents, d'analyser des documents avec rigueur, et ça, ça s'acquiert par une pratique régulière et soutenue et ça doit être le fait de tous les professeurs.

Comme conclusion, nous faisons les recommandations suivantes: revaloriser le rôle et la place des études dans la vie de nos jeunes, maintenir l'ordre collégial et assurer son arrimage avec le secondaire et l'universitaire; que les programmes conservent une visée générale afin d'assurer à nos jeunes un seuil minimal intégré de culture, et surtout dans la perspective de la formation des maîtres au primaire. La place du français: nous envisageons un tronc commun de quatre cours, un cours de français de spécialité, et ces objectifs fondamentaux de maîtrise de la langue doivent être poursuivis par tous. Quant aux mesures de soutien, nous pensons à des politiques d'autonomisation, à des mesures d'évaluation qui en découlent, à l'encadrement nécessaire pour en assurer le suivi. Nous pensons que les institutions, de plus, devraient se doter de politiques linguistiques, assurer leur suivi et offrir aux étudiants des mesures d'aide et de soutien. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (m. hamel): merci, mme baribeau. je demanderais maintenant à mme la ministre de procéder à la période de questions et d'échanges. mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les membres de l'Association québécoise des professeures et professeurs de français, et féliciter la nouvelle présidente de cette association-là, Mme Baribeau.

Mme Baribeau: Merci.

Mme Robillard: Je suis tout à fait d'accord avec la prise de position de l'Association à l'effet que la maîtrise de la langue, vous dites, est le fait de toutes les disciplines. Je pense qu'on pourrait dire aussi que la maîtrise de la langue est le fait de tous les ordres d'enseignement et que la maîtrise de la langue, dans le fond, dans la vie, elle est toujours à parfaire, même dans notre vie professionnelle. Je suis heureuse d'autant plus de vous entendre puisque, comme association, vous couvrez tous les ordres d'enseignement.

Je voudrais, avec vous, Mme Baribeau, regarder de façon encore plus concrète les propositions que vous nous faites au niveau de l'enseignement collégial dans la partie formation générale. Vous nous dites que vous seriez d'accord avec une organisation des études qui va privilégier un tronc commun, donc, de quatre cours en langue et en littérature et d'un cours obligatoire de concentration en français de spécialité. Prenons d'abord le tronc commun des quatre cours de langue et de littérature. Est-ce que, selon vous, il y a des objectifs différents à regarder de ceux que nous avons à l'heure actuelle, les objectifs dans le bloc langue et littérature, le partage entre langue et littérature, ou tout autre objectif? Est-ce que vous avez fait une réflexion sur les objectifs des cours dans le tronc commun?

Mme Baribeau: Nous avons effectivement discuté de cette question-là et nous avons envisagé la réponse dans le cadre d'un seuil minimal intégré de culture. Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il y a une diversité de programmes, il y a une diversité de contenus, et nous pensons qu'il devrait y avoir avantage à avoir des débats sur ce qui devrait être le minimal qu'un cégépien devrait pouvoir connaître au terme de ses études en littérature, disons dans ce qui est l'héritage culturel, et sur ce qui y est inclus dans les travaux. Je ne sais pas si vous voulez poser une autre question, je pense qu'il y a des professeurs ici, de cégep, qui pourraient vous répondre aussi.

Mme Robillard: Oui, allez plus loin dans votre idée où vous êtes ailés.

Mme Baribeau: J'aimerais ça peut-être passer la parole à Mme Coutville. (13 heures)

Mme Courville (Louise): À propos de langue et littérature, il faut voir, dans un premier temps, que, toujours par rapport à ce seuil minimal intégré de culture, il faudrait donc, c'est ce que ça veut dire, que les étudiants et les étudiantes aient un minimum de culture, d'une part, et que, d'autre part, ils puissent rester ensemble (c'est-à-dire secteur technique, secteur professionnel et secteur général) en termes de saine émulation et en termes de diversité.

D'autre part, relativement à la question de langue et littérature, nous concevons l'enseignement du français comme la littérature, d'une part, et, d'autre part, dans son autre volet, la langue, c'est-à-dire la maîtrise de l'orthographe, des règles de grammaire, etc. Pour nous, c'est ensemble, ce tronc commun, et ça doit rester offert à l'ensemble des étudiants.

Mme Robillard: Mme Courville, est-ce que nous changeons quelque chose par rapport aux objectifs actuels que nous avons à l'ordre collégial dans les cours actuels de langue et de littérature? Nous en avons des objectifs présentement. Est-ce que vous nous suggérez de les changer? Si oui, lesquels?

Mme Courville: Nous ne suggérons pas de les changer. Nous suggérons de les préciser...

Mme Robillard: Ah!

Mme Courville: ...et d'arriver à déterminer quels sont les objectifs terminaux de chacun des cours, de chacun des programmes, etc.

Mme Robillard: De préciser davantage. Mme Courville: Tout à fait.

Mme Baribeau: Aussi, peut-être dans notre esprit, nous allions jusqu'à déterminer un corpus à l'intérieur duquel les choix devraient être faits, les choix d'oeuvres. Il faudrait que notre société s'entende pour qu'on dise: Bien, au Québec, voici les composantes essentielles de la formation d'un collégien, les oeuvres essentielles qui devraient être lues. Évidemment, il y a un corpus très large, un peu comme, présentement, le ministère de l'Éducation le fait pour l'ordre primaire et l'ordre secondaire. Je pense qu'il le fait. Il le fait en concertation avec un nombre d'intervenants spécialistes dans le domaine. Mais je pense qu'il pourrait y avoir un consensus. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas en déborder, mais ça veut dire qu'il y a un seuil minimal qu'on pourrait assurer pour nos collégiens.

Mme Robillard: Êtes-vous prêts, Mme Baribeau, comme association, à nous déposer une proposition dans ce sens-là?

Mme Baribeau: Tout de suite... Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Baribeau: Moi, je pense que c'est une question qui serait très intéressante à être élaborée par un ensemble d'intervenants. On le fait présentement pour l'ordre secondaire. On est en train de le faire en concertation avec plusieurs intervenants pour l'ordre secondaire. Ça va susciter des débats, c'est évident pour nous, mais ça ne veut pas dire, parce que c'est un défi, qu'on n'a pas comme société à le regarder et à essayer de l'aborder, à faire du chemin sur cette question.

Nous pensons qu'il y a lieu aussi de prendre en compte qu'il y a maintenant différentes littératures. Certes, il y a la littérature québécoise. Ça, ce sont des enjeux, je le réalise. Il y a la littérature québécoise, la littérature française, la littérature française qui s'écrit ailleurs, en Afrique ou dans les Antilles, et il y a aussi la littérature en traduction. Et ce sont des débats qu'on devrait avoir entre professeurs pour proposer, effectivement, un seuil minimal.

Mme Robillard: Maintenant, si j'en viens à votre proposition d'avoir un cours de spécialité adapté aux programmes, est-ce que vous pourriez me préciser quels seraient les objectifs de ce cours de spécialité qui est adapté à un programme? Et est-ce que je dois comprendre qu'il doit y avoir un tel cours dans chacun des programmes du secteur technique?

Mme Baribeau: II serait intéressant pour nous que les élèves jeunes ou adultes aient... Peut-être, tous les langages ne sont pas complément élaborés, mais je pense qu'il y a beaucoup de domaines, particulièrement les affaires, le bureau, qui ont un vocabulaire spécialisé qui a fait l'objet, par beaucoup de publications de l'Office de la langue, de travaux de recherche, de travaux de terminologie. Et les jeunes devraient maîtriser non seulement le vocabulaire, mais l'organisation de textes, de rapports, enfin, un ensemble de travaux sur la langue et avec la langue qu'ils auront à accomplir dans l'exercice de leur travail. M. Morin s'est peut-être plus penché sur la question, il pourrait vous répondre.

M. Morin (Christian): Oui. J'ajouterai que nous croyons que la maîtrise de la langue est importante en général - c'est ce que visent les cours obligatoires de français - mais que, dans les différents secteurs, il y ait valorisation de l'usage du terme technique français, ce qui n'est pas toujours le cas, comme on le sait. Donc, on doit mettre l'accent sur cet aspect. Et je répondrai non à votre deuxième question. C'est-à-dire que, selon les secteurs, évidemment, il n'est

peut-être pas toujours nécessaire qu'il y ait un cours de français de spécialité, mais avec les exemples qu'on a donnés tout à l'heure, dans certains secteurs comme en affaires, il y en a qui existe déjà dans les techniques de bureau. On sait que c'est nécessaire, c'est utile, de façon très pratique.

Le Président (M. Hamel): Merci, M. Morin. Je reconnais maintenant le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Je voudrais vous remercier d'être là. Compte tenu qu'il y a tellement de jugements qui se sont portés, adéquatement ou inadéquatement, sur la qualité de la langue française, c'est utile que nous puissions profiter de votre expérience, d'autant plus que vous représentez, comme ça a été dit, les trois ordres d'enseignement. Je vous remercie également pour votre contribution, parce que vous ne vous en êtes pas tenus strictement au volet de faire des suggestions sur ce qui semble requis par tous, une meilleure connaissance et un meilleur apprentissage de la langue française. Vous avez également donné quelques indications sur d'autres aspects et d'autres questions qui ont été touchés ou qui le seront au cours de nos débats. Ça, je pense que c'est une contribution additionnelle.

Moi, je vais essayer très simplement d'échanger un peu avec vous, parce que même si vous reconnaissez, et jamais, moi... Je connais beaucoup de professeurs. Je viens de ce milieu-là. Il ne faut pas voir, quand on critique des choses, un niveau de responsabilité exclusif. Moi, je prétends qu'une meilleure qualité de la langue française tout court, là, c'est un problème de société et il faut que le Québec décide, partout, d'y mettre l'effort requis pour qu'on soit tous, les uns les autres, plus responsables vis-à-vis de cette problématique particulière qui nous concerne. Donc, ce n'est pas nécessairement les professeurs de français qu'on veut critiquer, mais vous êtes souvent les mieux habilités pour porter des diagnostics plus serrés sur les causes, sur la responsabilité.

Alors, je vous donne un exemple. Vous disiez, tantôt: On oublie, parfois, que les professeurs ont pu, eux, constater une immense amélioration. Vous disiez que c'était intéressant, pour vous, de voir surgir des jeunes professionnels. Donc, on s'est amélioré. Vous avez raison. Ça, on ne met pas ça en doute. Mais, puisque le constat général est qu'il reste du chemin comme ce n'est pas possible, alors, on va regarder rapidement des cas concrets. Vous êtes une association de professeurs de français: secondaire, collégial, universitaire. À sept ou huit reprises, avec raison, dans votre mémoire, vous traduisez toujours une plus grande nécessité d'harmoniser entre les deux ordres. Vous avez raison. Vous l'êtes, harmonisés, vous autres. C'est quoi, concrètement, que vous avez fait, comme association, entre les profs de français du secondaire et les profs de français du collégial pour que les arrimages soient concrets plutôt que de conseiller à l'État, et il n'y a pas de blâme: Vous devriez harmoniser mieux? Vous avez raison, mais il y a un bout que vous êtes capable de contrôler vous-mêmes. Qu'est-ce que vous avez fait sur ce bout-là?

Mme Baribeau: Je pense que nous avons décidé de travailler ensemble sur des questions pratiques et, en travaillant ensemble, nous sommes parvenus à nous comprendre. L'AQPF a toujours vu que cette espèce d'harmonisation ne se faisait que dans l'action et dans des projets communs. C'est ça peut-être que sous-tend notre mémoire. Nous désirerions que, comme objectif fondamental, on redonne aux personnes qui doivent faire le travail la responsabilité de le faire, de bien le faire, assortie de mesures pour évaluer leur travail. Mais même si on décide de grandes orientations, qu'on pose, qu'on fixe des objectifs pour les étudiants, il reste quand même que là où ça se fait, c'est dans l'école, dans la salle de classe, les profs entre eux. Souvent, on a une tendance à créer une structure pour résoudre des problèmes au lieu de l'envisager de son point de vue pédagogique. Je pense que nous sommes des pédagogues ensemble. On n'a qu'un souci tous les matins. On est devant un groupe d'enfants, un groupe d'élèves, qui de 6 ans, qui de 22 ans, et nous tenons à leur donner la fierté de parler en français, de travailler en français et de travailler, pour ma part, puisque j'enseigne à l'université, avec des enfants en français, de leur donner le goût de parler français. (13 h 10)

Donc, c'est à partir des personnes qui le font qu'on devrait commencer à construire et à bâtir des projets qui ressemblent à ce que ces personnes-là veulent et je pense que, dans notre association en tout cas, la plupart des professeurs sont intéressés à travailler à l'amélioration de la langue. Je pense qu'ils veulent se donner des projets, ils veulent se donner des objectifs, ils veulent accepter des mandats. Moi, je pense que la question de la langue est une question touchante pour tout le monde. Elle est jugée cruciale.

M. Gendron: Non, j'en conviens, mais, regardez, est-ce que vous convenez avec moi que, il me semble en tout cas, depuis plusieurs années on déplore l'état lamentable de l'expression de la langue française, de la capacité de l'écrire au niveau secondaire? Vous êtes une association qui représente des professeurs de français, collégial, secondaire, ainsi de suite. Vous vivez, bien sûr, des réflexions conjointes. Vous avez tenté de vous harmoniser. Comment vous expliquez... Moi, je le dis comme je vais le dire. Si vous croyez que c'est erroné vous me corrigerez. Je prétends qu'au secondaire il y a

vraiment une régression actuellement. J'ai même trois enfants, mol, dont deux au collégial actuellement, et je ne vois pas pourquoi ils seraient pires que les autres. Mais l'état de leur expression en français ne me démontre pas qu'il y a énormément de progrès. Vous l'attribuez à quoi? C'est les programmes qui sont inadéquats? Qu'est-ce qui fait que, concrètement, on a tant de difficultés à ce que nos jeunes aient une meilleure maîtrise de la langue française, tout autant dans la langue écrite que dans la langue parlée? C'est quoi le problème le plus précis? Les programmes? Il n'y en a pas assez? Il y en a trop? Vous avez une bonne suggestion quand vous dites que ce n'est pas un problème uniquement des profs de français, que ça devrait être tous les profs d'une institution. Vous avez raison. À quel endroit l'on met les accents les plus pointus?

Mme Baribeau: II y a deux personnes de ma délégation qui me disent qu'elles voudraient beaucoup intervenir, M. Marcotte et M. Simard. Alors, je vais leur donner la parole, même si j'ai moi-même des idées.

M. Marcotte (Pierre): Pour répondre à votre question, je serai bref. C'est que les étudiants et les étudiantes qui nous arrivent au collégial ont une formation assez disparate. Par exemple, un étudiant peut avoir son diplôme d'études secondaires avec 130 unités et d'autres qui nous arrivent ont 180 unités. C'est l'équivalent pratiquement d'une année de scolarité de différence. Or, c'est un problème que nous rencontrons. S'il y avait une certaine uniformité, si les élèves du secondaire nous arrivaient avec une formation assez semblable, nous aurions beaucoup moins de problèmes. Ça, c'en est un problème que nous avons.

M. Gendron: Bien, en tout cas, ça doit, parce qu'il nous a constamment, constamment été rappelé. Donc, il y a sûrement de quoi là.

M. Marcotte: Donc, il faudra peut-être avoir un seuil d'entrée au cégep qui soit plus uniforme. Entre 130 unités et 180, la différence est énorme. M. Simard?

Une voix: M. Simard.

M. Simard (Claude): Oui. M. le député a soulevé une question très importante, mais je pense qu'on ne peut pas dire comme ça que nos jeunes ne maîtrisent pas parfaitement le français. Il y a certains jeunes qui maîtrisent bien le français, et on le voit a l'université. Il reste qu'on pourrait faire mieux et tout le monde s'entend là-dessus. Il ne faut pas trop dévaloriser nos jeunes. Il ne faudrait pas avoir un discours alarmiste vis-à-vis de nos jeunes. Il faut leur dire: Oui, vous avez des possibilités, oui, vous nous permettez d'avancer, mais, oui, vous pouvez aussi vous améliorer. Je pense qu'il faut faire très attention, surtout quand on a une position sociale comme la vôtre, à ne pas dévaloriser notre jeunesse. On est en train de dire à nos jeunes: Vous ne savez rien, vous n'avez pas de culture, vous ne savez pas vous exprimer, alors que, moi, je nuancerais beaucoup.

C'est vrai qu'il y a un problème, mais c'est d'abord un problème social. On parie beaucoup, au Québec, de la qualité de la langue. Mais est-ce que cette qualité est valorisée partout? Est-ce qu'elle est valorisée au sein de notre Assemblée nationale? Est-ce qu'elle est valorisée au sein de nos groupes sociaux, de nos classes sociales? Est-ce qu'elle est valorisée dans les médias? Regardez, écoutez les gens parier. Est-ce qu'on peut parier officiellement d'une langue de qualité au Québec? Eh bien, cette langue qui est celle de toute la société, c'est celle aussi de nos jeunes. Il ne faut jamais l'oublier. La langue que les jeunes parient, c'est la langue qu'ils entendent, qu'ils ont apprise de leur milieu.

Il y a, bien sûr, des problèmes qui sont liés à l'éducation, au système scolaire. Je voudrais ici signaler qu'on parie beaucoup des programmes du secondaire. On les critique beaucoup, mais n'empêche que ces programmes-là, quand on les comprend bien, sont très bien construits. On peut les améliorer, on peut les préciser, mais il reste qu'il s'agit de programmes novateurs. Je ne pense pas que le problème soit du côté des programmes. Je pense qu'au secondaire le problème, avant tout, est du côté des conditions de travail des enseignants.

Et le problème se pose aussi à l'ordre collégial. Vous ne pouvez pas enseigner à quelqu'un à bien écrire si vous ne lui permettez pas d'écrire régulièrement, et si vous ne pouvez pas l'aider individuellement... Les professeurs de cégep essaient, autant que possible, de faire écrire nos jeunes, mais pensez à la tâche énorme qu'ils ont lorsqu'ils font écrire leurs étudiants, leurs étudiantes dans la classe. Ils en ont 130, n'est-ce pas? 160. Imaginez ce que ça représente comme tâche de correction et d'évaluation. Et c'est pour ça qu'on veut - et c'a été une des recommandations importantes de notre association - que les cours de français soient reconnus non plus uniquement comme des cours magistraux, des cours de théorie, mais aussi des cours ateliers. Il faut permettre à nos jeunes d'écrire au collège et d'être suivis de façon plus rigoureuse, de façon plus articulée, de façon plus structurée. Vous savez, on peut les faire écrire, mais, si on n'intervient pas sur les textes des élèves, si on ne les aide pas à se corriger et à voir leurs erreurs, si on ne leur donne pas des habitudes de rédaction, ça ne sert à rien de les faire écrire, ils ne peuvent pas avancer.

Et, dans les conditions actuelles, le grand problème, notamment en ce qui concerne le français écrit, c'est la part réduite de l'écriture

en français, mais aussi dans les autres disciplines, en histoire, en géographie et en sciences. Il faudrait que l'écriture soit considérée comme le moyen privilégié des études. Quand je parle d'écriture, je ne veux pas parler des questionnaires à trous, ce n'est pas ça de l'écriture.

Vous savez qu'en sciences bon nombre de nos étudiants ne font que remplir des tests, des tests complètement, des tests objectifs. Il faut que récriture soit partout présente, en sciences - je le répète - en sciences humaines et en français, et là vous allez voir vraiment une nette amélioration de l'expression écrite, de la capacité de synthèse et d'analyse.

M. Gendron: Je suis d'accord mais, rapidement, je veux dire, ce n'est pas question que je n'ai pas confiance en la jeunesse...

M. Simard: Bien, c'est souvent ce qu'on entend, M. le député.

M. Gendron: Non, mais, écoutez, en tout cas, ça dépend des porte-parole. Moi, j'ai sincèrement confiance en la jeunesse, cependant, il y a des réalités qu'on ne peut pas masquer. Or, tous ceux qui ont eu à apprécier, parmi cette extraordinaire jeunesse qui a beaucoup de détermination, sur une série d'éléments que je n'ai pas le temps d'évoquer, ont constaté également qu'ils semblent un peu prouver, si vous me permettez l'expression, que la qualité du français est largement déficiente. Donc, il faut la regarder d'une façon plus concrète, puisque c'est une réalité qu'on a. Puis ce n'est pas d'être négatif envers nos jeunes de dire que... Parce que, écoutez, vous ne m'apprendrez pas que... Avec la télévision, le phénomène de la vidéocassette, d'américanisation, nos jeunes, quand est-ce qu'on les voit devant un livre? Je ne dis pas qu'il n'y en a pas qui lisent, je trouve qu'ils ne lisent pas assez.

M. Simard: II faudrait se demander si nos adultes lisent, ici.

M. Gendron: Oui, mais là, écoutez, est-ce que ce n'est pas un peu à l'école puis au collège qu'on l'apprend, le français?

M. Simard: Oui, bien sûr.

M. Gendron: Alors, même si je voulais régler le problème des adultes, je le souhaiterais, mais il y a un petit problème. Ils sont passés à l'école, eux autres. Puis il y en a un peu qui y retournent, justement, parce qu'ils se rendent compte des mêmes faiblesses qu'ont nos jeunes.

Mais si on veut regarder vraiment la problématique de l'amélioration de la qualité du français parlé et écrit et qu'on a l'occasion d'avoir des professeurs de l'Association québécoise des professeures et professeurs de français de ces trois ordres d'enseignement, je pense qu'il y a lieu d'essayer de voir quels moyens on met en place pour faire plus d'efforts.

Vous avez dit: II faudrait harmoniser. J'en ai parlé. Vous avez dit: Ce n'est pas un problème uniquement des profs de français, c'est un problème de société dans toutes les matières. Bon. Regardons cet aspect-là. Qu'est-ce qui fait qu'on n'a pas réussi... puis c'est vous-même qui le recommandiez en disant, tantôt: Au niveau du contenu des cours, l'Association québécoise est d'avis que l'enseignement de la langue et de la littérature doit conserver une place privilégiée dans la formation et que cet objectif fondamental de maîtrise de la langue maternelle doit être poursuivi par tous les professeurs et professeures - parce qu'il y avait le masculin et le féminin - quel que soit leur champ de spécialisation.

Qu'est-ce qui a fait... C'est quoi, l'empêchement que ce soit une réalité plus grande? Moi, je ne sens pas que c'est une réalité, au moment où on se parle. Nous, au secondaire... parce que je l'entends de certains profs qui disent: écoutez, je suis un professeur de chimie, je suis un professeur de biologie, puis je ne m'occupe pas du français. Je ne suis pas d'accord avec cette attitude. Sans vous blâmer, compte tenu de la crédibilité que vous avez, comme association, est-ce que vous pourriez faire plus pour que, dorénavant, il n'y ait plus de profs qui aient ce genre de raisonnement?

Le Président (M. Hamel): Mme Baribeau. (13 h 20)

Mme Baribeau: Oui, j'aimerais souligner un aspect, par exemple, qui pourrait être intéressant à considérer. C'est que, dans plusieurs cas, les formations de maître qui ont été dispensées à ces professeurs sont uniquement des formations de spécialité. Alors, un professeur, pour enseigner au secondaire, a des cours de spécialité dans son bac majoritairement, et au collégial il n'a que des cours de spécialité, et il n'y a pas de cours de formation des maîtres non plus, de formation à la maîtrise de la langue française dans les cours de formation des maîtres. On l'a au primaire, dans les programmes de formation des maîtres. Alors, c'est sûr que les professeurs qui sont présentement dans les écoles secondaires et au collégial n'ont pas eu de formation dans ce sens-là. Je veux dire, ils ont eu une formation de spécialité et, dans plusieurs cas très poussés, ils ont des bacs dans leur spécialité. Donc, voici peut-être un élément de réponse. Ça demande des habiletés pour être capable d'intervenir en maintenant en interaction la spécialité et la langue, et ça demande une compétence que les professeurs ont à acquérir.

M. Gendron: Je vous remercie.

Le Président (M. Hamel): Merci, Mme

Baribeau. Je reconnais maintenant le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dois dire que j'aime beaucoup votre mémoire et votre intervention sur l'importance de l'écrit. Sur le plan anecdotique, je suis, dans mes loisirs, professeur d'université, mais je suis un scientifique et un mathématicien. J'ai remarqué la faiblesse, à l'heure actuelle, des étudiants qui nous viennent des cégeps, et sur la question de la culture générale et sur la question de la langue écrite, la faiblesse des étudiants scientifiques - je ne peux pas le dire des autres - sur la langue écrite, lorsqu'ils arrivent au niveau de la maîtrise, par exemple, les difficultés qu'on a avec des étudiants compétents pour devoir écrire, parce qu'ils sont là confrontés, à l'obligation d'écrire, d'écrire des textes de maîtrise, même si, sur le plan du contenu scientifique, ils sont tout à fait compétents. Donc, moi, j'ai aimé votre intervention, en lisant sur le... au moment où vous citez l'importance de retourner à l'écrit, l'importance de l'écrit au niveau du cégep et peut-être même au niveau du secondaire.

Dans votre mémoire, ce qui m'a le plus frappé a été, à la page 3, l'avant-dernier paragraphe lorsque vous avez parlé d'un seuil minimal intégré de culture. Je dois dire que, pour recevoir des étudiants en scientifique, je suis frappé aussi par l'absence de culture alors que, justement, ce serait au moment où ils entrent à l'université qu'ils devraient avoir le plus de culture non scientifique parce que c'est la seule place où ils pourraient l'avoir. Moi, j'aimerais vous entendre, quoique vous ayez déjà un peu répondu, sur ce que vous voyez comme seuil minimal de culture et surtout j'aimerais voir la distinction que vous faites entre littérature et enseignement du français. Parce qu'il y a deux éléments. Vous avez voulu identifier les deux. Je ne suis pas sûr que c'est identifiable. Est-ce que réellement, pour vous, vous ne faites pas de distinction entre la connaissance de la littérature, qui fait partie de la culture universelle, et l'enseignement plus technique d'apprendre à écrire? J'aimerais vous entendre sur ces questions-là.

Mme Baribeau: J'aimerais peut-être donner la parole au vice-président, qui est un professeur de collège, et ensuite à M. Simard.

M. Marcotte: Pour nous, l'enseignement de la littérature est essentiel au niveau collégial.

M. Gautrin: Je dirais pour moi aussi.

M. Marcotte: Oui, oui. Donc, lorsque nous parlons de quatre cours de langue et littérature, nous tenons à ce que la prépondérance soit accordée à la littérature parce que la littérature, c'est l'ouverture au monde. De plus en plus, les entreprises, par exemple, cherchent des gens qui sont polyvalents et je crois que la littérature donne la polyvalence, permet l'esprit de synthèse, la créativité. Donc, nous tenons beaucoup à ça.

Au sujet de la langue, heureusement, il y a une mesure qui existe actuellement. C'est ce qu'on appelle les cours de mise à niveau. Maintenant, c'est possible d'imposer à des étudiants qui sont faibles en français écrit un test de français écrit, de grammaire, parce que, nous, nous sommes toujours opposés à ce qu'on enlève un cours de littérature pour le remplacer par un cours de français écrit. Les élèves qui sont faibles en ont besoin de plus et non pas de moins. Alors, nous faisons vraiment la distinction entre ces deux.

Je crois aussi que ce problème... Vous parlez qu'ils manquent de culture, mais je reviens au premier paragraphe de la page 3. Lorsque, pour un étudiant, c'est plus valorisant de dire qu'il travaille chez McDonald que de dire qu'il est étudiant à l'université ou au cégep, on se pose des questions. Lorsque l'ancien rédacteur du Devoir, Paul-André Comeau, est allé à l'Université de Montréal pour promouvoir Le Devoir, il s'est fait dire que son journal était trop intellectuel. On se pose des questions sur la place de la culture. Et tant qu'on ne valorisera pas la culture... On l'a fait il y a quelques années pour les entrepreneurs. On prenait l'exemple de la Beauce, et là on a valorisé les entrepreneurs, les hommes d'affaires. Pourquoi ne pas le faire aussi pour la culture? Nos jeunes devraient être fiers de dire: Moi, je suis étudiant au collège, je suis étudiant à l'université. Ce sont des études supérieures. Et je crois que l'État et la société ont un effort à faire pour valoriser. Lorsqu'on réduit un peu partout, lorsqu'il y a des réductions budgétaires, bien, c'est toujours la culture qui en subit les premières conséquences.

Donc, je pense que notre tâche est de valoriser la culture, mais si la société ne le fait pas? Je lisais cette semaine, je crois, un article de Pierre Foglia: Lorsque vous avez des gens qui sont heureux d'être ignorants au niveau culturel, l'ignorance triomphante... Donc, il y a un problème. Nous faisons notre effort en classe, mais il faudra que la société aussi mette la main à la roue.

Le Président (M. Hamel): Brièvement, M. Simard, s'il vous plaît.

M. Simard: Mais très brièvement. Je pense qu'il ne faut pas opposer enseignement de la langue et enseignement de la littérature. Mon collègue vient de parler des cours de mise à niveau, li s'agit vraiment d'une compétence minimale, vous savez, la compétence qui concerne la connaissance de l'orthographe, la connaissance de l'orthographe grammaticale, la ponctuation,

c'est-à-dire le b.a.-ba de l'écriture, les aspects les plus techniques. Mais, quand on aborde la langue dans une perspective beaucoup plus générale, on constate que la littérature est peut-être la voie privilégiée pour le développement des habiletés langagières supérieures, c'est-à-dire l'organisation de la pensée, l'expression de la pensée, l'enrichissement du vocabulaire, la variété des structures syntaxiques, et j'en passe. Je pense que, dans un cours de littérature, on peut très facilement, très, très facilement développer une très bonne compétence linguistique.

M. Gautrin: Je partage assez facilement votre point de vue. J'ai toujours tendance à dire: Pour faire un bon mathématicien, vous devez bien connaître la poésie.

M. Simard: Ah! Tout à fait. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Hamel): Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît, si vous voulez conclure.

Mme Robillard: Oui. Mme Baribeau, je tiens à vous remercier, vous et les membres de votre association, d'être venus partager avec nous, et je tiens à vous dire combien j'apprécierais, si vous avez des suggestions à faire sur la précision des objectifs de cours de langue et de littérature dans le tronc commun, de les recevoir. Merci, Mme Baribeau.

Mme Baribeau: Bien, nous sommes toujours d'accord pour travailler dans le cadre de la promotion du français. Je pense que vous pouvez être assurée de notre aide.

Mme Robillard: Merci.

Le Président (M. Hamel): Je vous remercie, et la commission de l'éducation ajourne ses travaux à mardi, le 17 novembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 13 h 28)

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