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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 11 mai 1993 - Vol. 32 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 82, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place et faire le silence, la commission de l'éducation va entreprendre ses travaux.

Bonjour à tout le monde. Il me fait plaisir de vous accueillir ce matin et, sans plus tarder, je vais vous informer du mandat de notre commission, qui est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives. La séance est donc maintenant ouverte. Y a-t-il des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Organisation des travaux

Le Président (M. Gobé): Alors, je vais maintenant faire lecture de l'ordre du jour. Ce matin, dès 10 heures, nous allons entendre la Fédération des cégeps; par la suite, à 11 heures, l'Association des collèges privés du Québec; nous suspendrons à midi pour reprendre à 15 heures où nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux; à 16 heures, la Chambre de commerce du Québec et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain; à 17 heures, nous entendrons les représentants de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; nous suspendrons à 18 heures pour reprendre à 20 heures où nous entendrons l'Institut canadien d'éducation des adultes; à 21 heures, ce sera le tour des représentants de la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec et nous ajournerons aux alentours de 22 heures.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: ...en dehors des groupes qui sont prévus pour ces audiences particulières, aujourd'hui, vous venez de les nommer...

Le Président (M. Gobé): C'est exact.

M. Brassard: ...mais pour demain, jeudi et vendredi, est-ce que le Secrétariat des commissions a reçu d'autres demandes d'autres groupes qui ne font pas partie de cette liste-là et qui auraient souhaité être entendus?

Le Président (M. Gobé): Oui. On m'informe qu'en effet un certain nombre de demandes ont été envoyées pour témoigner devant la commission, mais on me fait savoir aussi que la Chambre a décidé... L'ordre de la Chambre a déterminé les groupes qui seraient entendus. Et, pour cette journée d'aujourd'hui, je viens de faire, donc, lecture de l'ordre du jour et cet ordre est exécutoire vu que c'est un ordre de la Chambre.

M. Brassard: Est-ce que la commission pourrait prendre connaissance ou avoir entre les mains les demandes de groupes qui ne font pas partie de la liste retenue par la motion adoptée en Chambre?

Le Président (M. Gobé): Oui. Je ne vois pas de problème parce que c'est du domaine public de toute façon. On pourra vous le faire parvenir, M. le député. Il faudra peut-être faire un peu de recherche et on ne veut pas faire attendre les gens qui attendent pour témoigner.

M. Brassard: D'accord.

Le Président (M. Gobé): Donc, je pourrai vous le faire parvenir plus tard dans le courant de la session.

M. Brassard: Et comment va-t-on disposer de ces demandes?

Le Président (M. Gobé): Pour les groupes qui sont déjà désignés, c'est un ordre de la Chambre. La commission, en séance de travail, peut déterminer les horaires, peut déterminer le temps, peut déterminer les groupes. Alors, il faudrait peut-être voir, s'il y avait des demandes supplémentaires, à ce que la commission et ses membres qui sont souverains puissent se prononcer là-dessus. Mais je fais remarquer qu'il est déjà arrivé ce genre de situation et qu'à ce moment-là c'est l'ordre de la Chambre qui avait prévalu, n'ayant pas d'entente entre les membres de la commission. Donc, ça veut dire que, si nous n'avons pas le consentement unanime de tous les membres de cette commission, nous ne pourrons malheureusement déroger en quoi que ce soit à l'ordre de la Chambre. Alors, il y a déjà eu un peu de jurisprudence là-dessus, mais...

M. Brassard: Alors, vous allez déposer ces demandes-là.

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, certainement. Mme la secrétaire en a pris note et, dès qu'elles seront disponibles, il me fera plaisir de les faire distribuer à chacun des membres de la commission.

M. Brassard: Très bien.

Le Président (M. Gobé): L'ordre du jour, si je comprends bien, pour cette première journée est donc adopté.

Normalement, selon l'ordre de la Chambre, il n'y a pas de temps prévu pour des déclarations d'ouverture car nous devions commencer à 10 heures pour entendre le premier groupe. Mais je crois qu'il serait bienséant que chacun des partis puisse s'adresser quelques minutes aux gens qui sont ici pour cette première journée et, donc, faire quelques déclarations. Et, s'il y a consentement des membres, nous allons déroger un petit peu à cet horaire très strict de 10 heures pour prendre peut-être 5 ou 10 minutes de chaque côté pour des déclarations d'ouverture. Y a-t-il consentement?

M. Brassard: Quelques minutes.

Le Président (M. Gobé): Quelqes minutes, oui, n'excédant pas une dizaine de minutes maximum, en se fiant à la bonne volonté de chacun des membres. Alors, on commence par vous, madame, ou par vous, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Généralement, on ne commence pas par le...

Le Président (M. Gobé): Bien, vu que ce n'est pas dans l'ordre du jour, on laisse ça au libre choix de chacun des deux.

Déclarations d'ouverture M. Jacques Brassard

M. Brassard: Très rapidement, M. le Président. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le détail ou d'aborder le fond des choses. Je pense qu'on va le faire en échangeant avec nos invités. Je commencerai d'abord par regretter, quant à moi, qu'à la suite d'échanges avec les ministériels, et particulièrement le leader du gouvernement, nos propositions, à nous, de l'Opposition, n'aient pas été toutes retenues. Le gouvernement ayant d'abord proposé une liste d'intervenants ou d'invités qui nous apparaissait, quant à nous, insuffisante, nous avons proposé un certain nombre d'autres groupes. Plusieurs ont été retenus, nous en sommes fort heureux. Je pense à la fédération des associations de parents, à l'ANEEQ, aux professeurs d'éducation physique, aux professeurs de philosophie.

Mais nous avions aussi demandé que les conseils soient invités, le Conseil permanent de la jeunesse, le Conseil supérieur de l'éducation, le Conseil des collèges et le Conseil des universités, quatre organismes qui ont un rôle aviseur majeur dans notre système d'éducation qui ont d'ailleurs, pour la plupart, rédigé et rendu publics des rapports très substantiels, très étoffés sur l'ordre d'enseignement collégial. Je pense, en particulier, au Conseil permanent de la jeunesse, au Conseil supérieur de l'éducation et au Conseil des collèges. Il aurait été extrêmement utile, bénéfique et enrichissant qu'on puisse les avoir comme invités. Malheureusement, le gouvernement a refusé d'entendre ces organismes dont le mandat principal est pourtant d'aviser, de conseiller le gouvernement.

Je dirais aussi, en terminant, M. le Président, que nous souhaitons, quant à nous, que cette consultation ne soit pas futile, que ce ne soit pas une consultation bidon, pour la forme, pour la galerie, et que les projets de loi et la proposition de régime pédagogique, à la fin du processus, à la fin des audiences particulières, soient exactement la même chose que ce qu'on avait sous les yeux, devant nous, au début. Si c'est ça, je pense qu'on conclura, quant à nous, que cette consultation a été tenue uniquement pour la forme, pour la galerie. J'espère que ce n'est pas le cas. J'espère que ce n'est pas une consultation qui sera futile. Les intervenants ont quand même, sur bien des points, des réticences, dans certains cas même des oppositions très fermes relativement à telle ou telle proposition de renouveau de l'ordre de l'enseignement collégial proposée par la ministre; j'espère que ces remarques, que ces commentaires, que ces suggestions seront prises en compte et que ça va donner lieu à des amendements, à des modifications aussi bien aux projets de loi qu'au régime pédagogique collégial.

Si ce n'est pas le cas, on devra conclure qu'on a passé une semaine ensemble pour strictement rien, que c'a été tout à fait futile et inutile. J'espère que ce n'est pas le cas et j'espère que cette consultation particulière sera enrichissante et utile pour tout le monde et, d'abord et avant tout, évidemment, pour le gouvernement qui fait des propositions et qui a déposé des projets de loi à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole pour quelques minutes de remarques préliminaires.

Mme Lucienne Robillard

Mme Robillard: M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, c'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve avec vous aujourd'hui au sein de la commission de l'éducation, je dois vous dire avec beaucoup de fierté, beaucoup de fierté parce que nous avons terminé nos travaux de la commission parlementaire large et ouverte de l'automne dernier le 18 décembre. Le 6 avril, le gouvernement déposait ses intentions en regard du renouveau collégial et, le 11 mai, nous nous retrouvons, dans des consultations particulières sur le renouveau collégial. Alors, j'en suis fière parce que je pense que tous les travaux qui ont été menés à date, de tous les intervenants du réseau collégial, nous ont permis, justement, de déposer ce renouveau collégial. C'est très clair que, si nous avons décidé de procéder à

une commission parlementaire particulière qui débute aujourd'hui, c'est parce que nous voulions entendre le point de vue des différents intervenants. Ce n'est donc pas une commission parlementaire bidon. D'ailleurs, j'ai été moi-même à même de constater, à la lecture des différents mémoires, comment plusieurs groupes ont fait une réflexion en profondeur. (10 h 20)

Par ailleurs, je tiens à vous dire que le renouveau collégial, ce sont quand même des intentions gouvernementales fermes qui sont là et que, donc, on devra me convaincre d'apporter des ajustements. Et je pense que le danger qui nous guette peut-être, ensemble, c'est d'apporter des ajustements à la pièce. Et il va falloir être très prudents avec ça parce que le renouveau collégial, c'est un système cohérent d'ensembles et, si on apporte des ajustements, il faut regarder l'impact sur tous les autres éléments.

Ce sera mon intention aussi de donner suite à cette commission parlementaire dans le cadre du processus législatif qui suivra. Donc, M. le Président, cette commission parlementaire, aujourd'hui, ce n'est pas une formalité. Tout n'est pas coulé dans le béton mais, par ailleurs, ce n'est pas, non plus, un château de cartes. Bons travaux à tout le monde!

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre.

Documents déposés

Juste avant d'inviter les prochains intervenants à venir prendre place en avant, j'aimerais, pour répondre à la demande de M. le député de Lac-Saint-Jean, déposer devant cette commission deux demandes qui ont été faites pour être entendues: l'association des étudiants du campus de l'Université de Montréal et la Fédération des travailleurs du Québec. Et je rappellerai que cette commission est une consultation particulière et non pas une consultation générale et qu'à ce titre, les invitations, ça ne se passe pas comme dans le même cas, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'avis publics mis dans les journaux pour inviter les gens à venir témoigner. C'est limitatif étant donné que c'est une commission particulière, des audiences particulières. Alors, le document est donc déposé avec le consentement de tout le monde? Et vous pourrez en obtenir copie, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Voilà! Ceci met donc fin aux préliminaires de notre commission et, sans plus attendre, maintenant, j'inviterais les représentants de la Fédération des cégeps à bien vouloir venir prendre place en avant, le plus rapidement possible.

Auditions

J'en profiterai pour rappeler, pendant que vous prenez place, aux membres de la commission que nous allons avoir une enveloppe d'une heure pour chaque groupe; 20 minutes étant allouées à la partie qui vient porter témoignage, pour expliquer son mémoire ou sa présentation. Par la suite, 20 minutes sont réparties pour chaque groupe de parlementaires, du gouvernement et de l'Opposition, et on va faire en sorte de se tenir autant que possible dans le temps pour éviter que cette commission ne déborde les horaires et qu'on ne finisse plus. Bonjour, messieurs, madame. Je demanderais au représentant officiel, au porte-parole de votre groupe, de bien vouloir se présenter et présenter les gens qui l'accompagnent.

Fédération des cégeps

M. Leduc (Pierre): Avec plaisir, M. le Président. À ma droite, M. Pierre Parent, le vice-président de la Fédération des cégeps et le président du conseil d'administration du cégep de Rosemont. M. Parent est aussi le directeur du bureau de développement de l'Université du Québec à Montréal. À sa droite, Mme Louise Chené, directrice des services pédagogiques du cégep de Sainte-Foy et la présidente de la Commission des affaires pédagogiques de la Fédération des cégeps. À ma gauche, M. Gerald Brown, membre du conseil d'administration de la Fédération des cégeps et le directeur général de John Abbott College. Et moi-même, Pierre Leduc, directeur général du cégep de Maisonneuve et président de la Fédération des cégeps.

Le Président (M. Gobé): Alors, madame, messieurs, bonjour. Vous pouvez donc maintenant commencer votre présentation.

M. Leduc: M. le Président, Mme la ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mmes et MM. les députés, membres de cette commission, la Fédération des cégeps vous remercie de l'avoir invitée à participer aux travaux de cette commission qui se réunit à nouveau pour discuter d'enseignement collégial. Nous sommes heureux d'avoir ici l'occasion de contribuer à rendre les projets de loi et de règlement déposés encore plus adaptés à la situation et aux besoins de l'enseignement collégial, et des citoyens et citoyennes qui fréquentent le réseau.

L'avis que nous avons préparé est le fruit d'une large consultation et de délibérations prolongées du personnel de direction des collèges et des présidents et présidentes des conseils d'administration. Le dossier de la réforme a été également l'objet d'échanges et de discussions au sein de chacun des cégeps avec les différentes catégories de personnel, les divers départements d'enseignement. Il a été à l'ordre du jour des réunions des commissions pédagogiques des conseils d'administration. Nous en avons discuté avec plusieurs de nos partenaires socio-économiques et à un nombre considérable de tribunes publiques. Tout comme à l'automne dernier, ce fut l'occasion d'une réflexion très féconde sur les enjeux de l'ordre collégial. L'avis que nous déposons traduit les choix explicites et significatifs à

l'intérieur desquels entend évoluer le réseau des cégeps.

D'entrée de jeu, nous vous disons que la Fédération des cégeps retrouve dans les textes ministériels soumis à la consultation l'essentiel de ses propres préoccupations à l'endroit du devenir des cégeps. Les priorités de développement que nous avions mises au point lors des travaux de la commission en novembre, les pôles d'intégration dont nous étions convenus ont pour la plupart, sinon tous et toutes, trouvé leur place dans les intentions gouvernementales et dans les textes qui en ont émané.

Cela nous agrée. Nous sommes donc avec ces projets en terrain solide, un terrain que nous avions reconnu et balisé. Le système d'enseignement collégial, qui a 25 ans, s'est trouvé, au fil des ans, un peu engoncé dans des formules trop arrêtées, trop rigides. Il fallait obligatoirement faire bouger la machine, déverrouiller quelques issues. C'est ce que permettront les projets ministériels et ce n'est pas leur moindre mérite.

Nous sommes très heureux qu'au terme de ces travaux de réévaluation du collégial le cégep apparaisse encore, sinon davantage, comme un choix judicieux pour le Québec d'aujourd'hui. Voilà un acquis qui n'émergeait pas de façon aussi évidente dans le, paysage socio-économique du Québec, il y a à peine un an.

Des collèges d'enseignement supérieur. Nous retenons surtout de ces travaux qu'avec le renouveau annoncé les cégeps seront davantage intégrés au réseau de l'enseignement supérieur. Les cégeps seront dorénavant dotés d'une plus grande autonomie, notamment à l'égard de la gestion de leurs programmes d'enseignement, ce qui constitue l'essentiel de leur mission. Chaque établissement devra assumer ses propres choix à l'égard des objectifs et des standards nationaux de compétence et cette responsabilité conduira chaque établissement à pouvoir émettre, à terme, ses propres diplômes.

De plus, même si la mission des cégeps demeure inchangée, la loi reconnaît aux corporations plusieurs pouvoirs complémentaires qui ne sont de fait que la consécration des compétences développées par les collèges depuis 1967, en formation de la main-d'oeuvre, en transferts technologiques, en recherche, en développement régional, en coopération internationale, etc. Bref, les cégeps seront dorénavant mieux reconnus comme des établissements autonomes et responsables, avec des champs d'intervention diversifiés, avec des pouvoirs d'intervention crédibles. Cela marque un changement appréciable.

Il faut noter cependant que les textes ministériels, tout en consacrant cette nouvelle personnalité des cégeps, semblent par ailleurs vouloir resserrer l'encadrement administratif et financier. Dans notre mémoire, nous relevons cette tendance à oublier parfois la voix consultative des collèges, à réglementer sur les règlements qu'un collège doit se donner, même s'il s'agit de matières nettement du ressort des établissements. Les collèges entendent plutôt se définir plus comme des partenaires et des partenaires responsables et moins comme des succursales du pôle central.

Par ailleurs, ces cégeps autonomes devront, à titre d'établissements publics responsables, rendre compte de leurs performances à une commission d'évaluation dont les rapports seront publics. C'est la contrepartie, souhaitée par les établissements eux-mêmes, de leur marge de manoeuvre accrue. Le réseau des collèges avait clairement pris position sur ce dossier et la formule retenue par le ministère nous agrée. Nous estimons cependant que le mandat de la Commission doit être élargi pour inclure également l'impact des politiques et des mesures ministérielles sur la gestion des programmes par les collèges, aussi bien que l'impact des ressources affectées par le ministère aux programmes mis en oeuvre par les établissements. On ne peut, de fait, séparer la mise en oeuvre des programmes de leur base administrative et financière. Voilà donc une première ligne de fond qui se dégage assez nettement de l'ensemble des facettes de cette réforme: autonomie et responsabilités accrues, imputabilité, comptes à rendre. C'est à cette enseigne que logeront désormais les cégeps. À ce seul titre, le changement est marquant. (10 h 30)

De nouvelles exigences de formation. La qualité de la formation constitue une autre ligne de fond de cette réforme. Les collèges entendent maintenir et améliorer leurs standards et leurs exigences, et les projets ministériels viennent consigner cette volonté. Faut-il rappeler qu'il s'agit ici du seul et vrai but des cégeps et que, si l'on se réjouissait il y a un instant de la responsabilité accrue des cégeps, ce n'est que dans la perspective où ils pourront donner un enseignement crédible, un service à la cité qui soit vraiment au-dessus de tout soupçon?

Les conditions d'accès aux collèges seront dorénavant plus exigeantes. Maintenant, certaines matières de base seront obligatoirement réussies à la cinquième secondaire, de sorte qu'elles soient de meilleurs gages de succès au collégial et même à l'université. Ces nouvelles exigences devraient limiter la propension à l'abandon, à l'échec, au décrochage. Bien mieux encore, à la perspective de pouvoir continuer les études au collégial sera maintenant intégré, dès le secondaire, un discours où l'on valorise l'effort, la réussite, l'excellence. Mais nous souhaitons qu'à moyen terme tous les élèves du secondaire soient ainsi appelés à réussir ces matières de base pour avoir accès au diplôme d'études secondaires qui est la porte d'entrée du collégial.

Une fois arrivés au collège, les élèves qui présentent encore des risques élevés d'échec ou ceux et celles qui sont aux prises avec des problèmes d'orientation ou de mise à niveau pourront jouir de mesures particulières d'encadrement et de soutien. C'est la systématisation de ce que les collèges avaient déjà commencé de mettre en oeuvre depuis quelques années. La Fédération appuie cette mesure particulière, à condition que le contenu de ces sessions d'appoint soit déterminé par les collèges eux-mêmes, en fonction des besoins spécifiques des clientèles qu'ils reçoivent. Voilà une mesure de soutien au cheminement professionnel des élèves à laquelle nous

souscrivons d'emblée.

La formation générale. Elle était assez lourdement critiquée. Elle sera, elle aussi, modifiée. C'était une formation un peu figée dans quelques disciplines parallèles. On a souligné qu'elle manquait de rigueur, qu'elle ne prenait pas en compte les programmes auxquels étaient inscrits les élèves, qu'elle aurait intérêt à élargir un peu ses horizons. Le projet sur la table tente de corriger ces lacunes. La Fédération appuie l'ensemble des mesures proposées à ce chapitre qui devraient rendre plus crédibles les démarches d'apprentissage proposées.

Nous sommes d'accord, parce que les champs abordés seront effectivement un peu plus variés, parce que les programmes des élèves interviendront dans l'enseignement d'une partie des cours obligatoires, parce qu'une table de concertation nationale réunissant les gens des collèges et leurs partenaires — et il s'agit ici d'une demande formelle de notre part — devra définir un cadre plus rigoureux pour l'ensemble de la formation générale. Et nous sommes d'accord enfin parce qu'un contrôle national en langue maternelle pourrait éventuellement être mis au point et que la réussite de cet examen terminal sera préalable à l'obtention du diplôme lui-même. Bref, nous retrouvons dans le projet des objectifs de rigueur, d'adaptation et d'élargissement que nous cherchions dans cette refonte nécessaire d'une composante essentielle de nos projets de formation.

Il faudra bien veiller, cependant, à investir toute la compétence des gens des collèges eux-mêmes dans l'entreprise de redéfiniton des objectifs et des standards de cette composante, sinon des activités elles-mêmes. Il faudra faire de même, en particulier, avec les collèges anglophones pour la mise au point des nouveaux cours d'«humanities», de leurs cours d'anglais langue maternelle et de français langue seconde.

C'est en formation spécifique que l'approche programme doit prendre toute sa dimension. Et cette approche, qui est du ressort des collèges, se trouve quand même comme validée par la nouvelle exigence d'une épreuve synthèse sur l'ensemble d'un programme, épreuve que l'élève doit réussir, à notre avis, pour avoir droit à son diplôme d'études collégiales. Le programme apparaît également comme un élément prépondérant en étant au coeur du mandat de la nouvelle commission des études. Cette dernière sera d'ailleurs composée, entre autres participants, de responsables de programmes.

La Fédération souscrit à cette option sur le programme vu comme l'axe intégrateur des démarches d'apprentissage proposées aux élèves. C'est la façon pour les collèges de corriger l'impression, au demeurant fondée, que la formation reçue dans nos établissements était comme éclatée en plusieurs approches parallèles et indépendantes, ce qui accentuait les facteurs de dispersion chez les élèves, les facteurs de désappropriation de leur projet de formation, et qui jouait à rencontre d'un éventuel projet éducatif pour l'établissement lui-même. La réforme proposée vient donc tenter de remédier à cette lacune majeure.

Il fallait aussi rénover les conditions de réussite au collégial, un peu comme il fallait, nous l'avons vu, resserrer les conditions de réussite au secondaire. C'est ainsi qu'on peut aborder la question des droits de réinscription pour les élèves ayant accumulé un certain nombre d'échecs. La Fédération favorisait la mise au point d'une balise à l'exercice de la gratuité scolaire dans la perspective d'une responsabilisation accrue des élèves à l'égard de leur propre projet de formation et également afin de contrer les tendances à la surconsommation. La mesure proposée ici est présentée, de plus, comme une incitation à la réussite. Cette mesure nous semble acceptable, mais il faudrait cependant qu'elle prenne davantage en compte les difficultés d'orientation des élèves au début du collégial en n'intégrant pas dans son calcul les échecs en formation spécifique en première session. De plus, les droits de réinscription devraient demeurer au collège et servir au développement de programmes d'encadrement des élèves et de soutien à leur réussite.

Et, pour terminer sur ce sujet, nous estimons que la mise en oeuvre de la mesure préconisée par le ministère ne devrait pas enlever aux collèges le pouvoir de réglementer la réinscription de leurs élèves à partir d'un jugement et de critères proprement pédagogiques, tout comme c'est déjà le cas sur le plan disciplinaire et tout comme est habilitée à exercer ce pouvoir toute corporation autonome et responsable.

Enfin, relativement à la formation collégiale dans son ensemble, nous sommes heureux de voir qu'enfin nos programmes préuniversitaires se feront en harmonisation avec nos partenaires des universités dans la perspective d'un programme intégré menant à un premier diplôme universitaire et que tous ces programmes auront un poids relativement équivalent.

Pour ce qui est du secteur technique, nous rappelons expressément qu'il devrait être mieux soutenu par les entreprises, notamment par le biais d'incitatifs fiscaux qui faciliteraient le développement et l'implantation des stages et des programmes d'enseignement coopératif.

Nous tenons, par ailleurs, à souligner que le projet ministériel n'accorde guère plus qu'une portion congrue aux étudiants à temps partiel, nommément aux adultes qui, comme individus, veulent améliorer leur employabilité et leur formation en suivant par milliers des cours du soir, le plus souvent. L'élargissement de l'enveloppe autorisée pour le financement de ces cours est un élément positif, certes, mais relativement timide.

De façon générale cependant, par l'ensemble des mesures et des orientations relatives à la formation des élèves, le projet ministériel rejoint des objectifs de crédibilité accrue des collèges, d'exigences resserrées, d'intégration de projets de formation à l'intérieur des établissements et avec nos partenaires. Avec les amendements que nous suggérons, les textes de base proposés devraient permettre aux collèges de faire résolument les corrections de parcours souhaitées et devenues nécessaires.

Les conditions de mise en oeuvre et de réussite.

On l'aura remarqué, une bonne partie, sinon l'essentiel de ces mesures de renouveau consiste à redéfinir de nouveaux objectifs, à établir des standards, à modifier des angles d'approche, à recréer de nouvelles synergies autour de ces objectifs. En somme, ce n'est pas une révolution dans les structures, dans les organigrammes ou dans les systèmes, mais c'est surtout une nouvelle façon de faire et de voir les choses. Et en cela, le projet est, à notre point de vue, très valable, sauf qu'il risque fort de demeurer à l'état de projet souhaitable si les conditions de mise en oeuvre ne sont pas minutieusement prises en compte. Nous l'avons souligné l'automne dernier, nous trouvons impérieux de le redire aujourd'hui. (10 h 40)

D'abord, les ressources humaines. Ce projet est un projet d'établissements d'enseignement. Tout changement souhaité nécessitera beaucoup de concertation, mais également beaucoup d'investissements auprès des gens des collèges pour qu'ils s'approprient et qu'ils développent le savoir-faire nécessaire à la gestion, à l'évaluation, au développement des programmes, le savoir-faire requis également pour mettre au point de nouvelles mesures, de nouvelles formules, de nouveaux projets d'encadrement et de soutien des élèves.

Il faut dès maintenant prévoir des programmes précis de recyclage et de perfectionnement, au besoin des programmes de résorption des ressources humaines ou de mise à la retraite. À tous égards, il faut des mesures respectueuses des personnes et adaptées aux circonstances. En somme, il faut un programme de changements planifiés dont les grandes lignes cependant échappent aux responsabilités des établissements eux-mêmes pris un à un.

Relativement au perfectionnement, il est clair que la gestion de ce programme doit être rapidement décentralisée et que les ressources qu'on y affecte doivent être accrues, à très court terme, jusqu'à 2 % de la masse salariale, à notre avis. Nous ne voulons pas, en somme, que l'investissement immense d'énergie et de savoir-faire que le réseau et plusieurs intervenants ont fait dans ce projet de réforme tourne court parce qu'on aurait mal planifié la façon de faire le changement et le calendrier des opérations. L'échéancier prévu doit procéder d'une évaluation adéquate du processus de changement et intégrer les lenteurs inhérentes à ce type d'opération. Et cela est d'autant plus important à noter que le calendrier n'intègre nullement quelque processus d'harmonisation de la réforme avec les contraintes des contrats collectifs de travail. Il nous semble donc qu'il faut bien apprécier le temps de bien faire les choses et toutes les choses, mais ceci n'enlève en rien l'urgence d'agir promptement dans l'intérêt des personnes qui fréquentent les collèges.

Par ailleurs, cette réforme donne de nouvelles responsabilités, de nouveaux mandats aux collèges. Elle préconise de nouveaux objectifs de réussite, elle mise sur la prise en charge par les collèges du développement, de la gestion et de l'évaluation de leurs programmes. Cela ne peut se faire sans l'ajout marqué de res- sources au-delà des ressources d'enseignement proprement dites; des ressources ponctuelles pour l'implantation de la réforme de l'ordre d'environ 18 000 000 $ ou 19000 000 $ répartis sur trois ou quatre ans, des ressources récurrentes pour la mise en oeuvre de cette réforme à même les budgets des allocations particulières actuellement centralisées. or, le contexte économique actuel a pour effet que le gouvernement impose aux cégeps, en ce printemps 1993, une des plus sévères compressions budgétaires des 15 dernières années. cela peut déstabiliser tout le projet souhaité de cette immense entreprise de réforme.

L'on voit ici l'intérêt de créer, comme nous l'avons indiqué dans le mémoire, un lieu de discussions entre le ministère et les collèges sur le financement.

Voilà donc, mesdames et messieurs, l'essentiel de l'avis de la Fédération des cégeps à l'endroit du projet. Il y a, dans ce train de mesures, les éléments d'un renouveau significatif des collèges à la condition qu'on y tienne un meilleur compte de l'autonomie des collèges, mais tout le projet peut être en quelque sorte fragilisé par des conditions de mise en oeuvre trop discrètes ou par le manque de ressources supplémentaires adéquates.

Cela dit, les collèges sont fiers d'avoir collaboré étroitement à la configuration de leur avenir par ce lourd investissement d'énergie, de savoir-faire et de sens de la perspective. Nous sommes à pied d'oeuvre pour la suite des choses. Je vous remercie à nouveau de nous avoir invités à cette table et je me ferai maintenant un plaisir, en compagnie de mes collègues, d'échanger avec vous sur le dossier.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Leduc. Nous allons donc entreprendre la période de discussions de 20 minutes réparties de chaque côté de cette commission. Mme la ministre, vous avez la parole. Je mentionnerai aux membres que vous n'êtes pas obligés de prendre vos 20 minutes d'un seul trait. on peut venir et repartir. mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de saluer les représentants de la Fédération des cégeps, madame et messieurs. Je vois que la Fédération des cégeps accueille très favorablement le projet de renouveau. Je note aussi que vous avez très bien saisi les enjeux qui sont sous-jacents à cette réforme, cette vision du collège québécois qui est là. Quand on affirme très clairement que le collège québécois appartient à l'ordre d'enseignement supérieur qu'il partage avec les universités, ça veut dire des exigences très particulières en termes d'autonomie, oui, mais en termes de qualité, d'exigences. Et, dans ce sens-là, je vois que vous avez très bien saisi les enjeux, et c'est ce dont il s'agit.

J'ai parcouru votre mémoire, malheureusement, tard hier soir. Alors, vous me permettrez de vous questionner sur certains éléments pour clarifier davantage la prise de position de la Fédération des cégeps. D'abord, ça m'apparaît très important que, comme Fédération des

cégeps ou comme direction des cégeps, vous mettiez en lumière le fait qu'il faut la participation de tous et chacun pour réussir ce renouveau de l'enseignement collégial, donc, de l'ensemble des personnes qui sont impliquées dans les cégeps du Québec. Et, M. le Président, vous avez fait, à la page 18, une ouverture importante, et j'aimerais vous entendre, quand vous nous dites que les voies tracées dernièrement par le Conseil supérieur de l'éducation vous apparaissent particulièrement prometteuses pour impliquer tout le personnel des cégeps. On se rappellera qu'il s'agit du dernier rapport annuel du Conseil supérieur de l'éducation, qui porte justement sur l'approche de gestion de nos maisons d'enseignement, qu'il faut un renouvellement de l'approche de gestion. Et là vous me dites: C'est fort prometteur, ce que le Conseil nous dit. J'aimerais ça vous entendre, si la Fédération a commencé à réfléchir dans ce sens-là.

M. Leduc: Nous avons continué de réfléchir sur ce dossier, Mme la ministre. C'est essentiellement... En tout cas, l'allusion au rapport du Conseil supérieur, on le retient davantage comme une invitation à s'investir dans cette orientation-là. Parce que ce projet-là, c'est une projet, comme je l'ai laissé entendre dans ma présentation, qui ne mise pas beaucoup sur la révolution des structures, mais sur l'intégration des personnels et des équipes dans les collèges. Chaque collège devient une équipe qui prend en main son enseignement, notamment, aussi bien que sa mission. Donc, le foyer, le point de convergence, ce sont les établissements. Pour faire cela, il nous faut absolument développer des sentiments d'appartenance. Il nous faut développer des complicités avec nos personnels. Et nous disons résolument que, selon l'invitation du Conseil supérieur, c'est là-dedans que nous voulons aller de l'avant, par les moyens... Et les moyens sont nombreux. Je ne les préciserai pas ici, bien sûr.

Cela dit, c'est une philosophie de gestion à laquelle nous adhérons totalement, qu'il n'est pas, par ailleurs, toujours aisé, dans le contexte que nous avons vécu, de mettre en oeuvre. C'est un acte de foi que nous faisons dans cette façon de gérer nos établissements. Au-delà de cela, peut-être que mes collègues pourraient compléter ma réponse. Mais je ne peux que dire que c'est une orientation générale qui nous apparaît fondamentale pour qu'une réforme comme celle-là puisse avoir des lendemains.

Mme Robillard: Est-ce à dire que vous concluez que l'approche de gestion des collèges a besoin d'un renouveau?

M. Leduc: L'approche de gestion... Ce n'est pas tellement la gestion comme telle que la conception qui s'est dégagée, peut-être, des collèges au cours des années qui a fait que les collèges ont été très souvent des pièces détachées plus que des corporations et des équipes intégrées. C'est davantage cela. Si vous voulez en faire un problème de gestion, oui, je veux bien, mais très global dans le sens que ça fait partie de l'ensemble des responsabilités de tous les personnels des collèges que de s'accrocher à un projet comme celui-ci. (10 h 50)

Mme Robillard: Je suis heureuse de constater cette ouverture de la part de la direction des collèges.

M. le Président, j'aimerais ça qu'on revienne aussi sur la partie qui concerne la réussite des études dont la première mesure, comme vous le savez, vise la précision des seuils d'admissibilité. Je saisis que la Fédération est d'accord avec le rehaussement des exigences d'admission au collège et, en même temps, vous me demandez, que les règles de sanction prévues à l'article 69 du régime pédagogique du secondaire soient rapidement mises en application. Pourriez-vous m'expli-quer ça?

M. Leduc: Pour que, éventuellement, tous les étudiants du secondaire et non pas seulement ceux qui viennent au collégial puissent avoir un diplôme d'études secondaires plus exigeant, que tout le monde ait réussi ces matières de base que, dorénavant, les gens qui voudront aller au collégial devront avoir réussies.

Mme Robillard: Alors, tel quel, tel que le régime pédagogique avait été modifié, comme vous le savez, en 1981, vous n'avez pas fait une réflexion particulière sur ça. Vous me dites: L'article 69 tel quel, qu'il soit appliqué à la sanction des études au niveau du secondaire.

M. Leduc: Exactement, pour améliorer les conditions de réussite au collégial. Mme Chené, vous vouliez intervenir là-dessus?

Mme Chené (Louise): Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a un calendrier d'application de ce projet de régime pédagogique du secondaire. Je crois qu'actuellement l'application en est prévue pour 1997. Ce que nous disons, c'est que nous saluons l'opportunité que vous nous donnez d'avoir des élèves mieux préparés pour entrer au collégial à partir de 1995, mais que nous souhaitons, effectivement, que le calendrier prévu s'applique.

Mme Robillard: J'aimerais ça vous entendre aussi concernant l'encadrement des étudiants. Quand vous me dites que, pour favoriser un meilleur encadrement des étudiants, il faudrait envisager la possibilité d'établir des pondérations différentes au niveau des cours, pourriez-vous être plus explicites?

M. Leduc: Je vais demander à Mme Chené de vous répondre, madame.

Mme Chené: Tout d'abord, permettez-moi de vous dire, Mme la ministre, que c'est une dimension technique qui nous préoccupe lorsque nous faisons cette recommandation, et nous la faisons maintenant, puisque

vous aurez bientôt à définir les objectifs et les standards des cours de formation générale.

Vous me permettrez de vous signaler qu'il ne s'agit pas de modifier le nombre total d'heures d'enseignement donné à un élève, mais d'en répartir autrement la pondération, c'est-à-dire le découpage.

Vous me permettrez aussi d'utiliser un exemple — pour plus de clarté — dans notre situation actuelle et non pas dans notre situation future. Actuellement, les élèves doivent suivre quatre cours de langue et littérature dont la pondération relative est de 45 heures chacun. Ce que nous disons, c'est que, si, au lieu de quatre cours de 45 heures, il y avait trois cours de 60 heures, pour un même nombre d'heures d'enseignement de 180, nous obtiendrions deux avantages importants. Le premier, c'est que le découpage durant la semaine d'une période de quatre heures en deux-deux est plus rentable pédagogiquement que le découpage en deux-un ou en trois. Et le deuxième avantage extrêmement important, c'est que le professeur rencontrant plus souvent les mêmes élèves, d'une part, en aurait moins, puisque sa charge est établie par le nombre d'heures-contact qu'il a avec ses élèves et, d'autre part, pourrait donc, de ce fait, mieux les encadrer.

Ce que nous disons aussi, c'est que c'est une hypothèse de travail que nous voudrions voir développer avec la DGEC pour qu'on en analyse les possibles impacts. Mais nous pensons que le moment est privilégié pour ce faire et qu'avec une mesure qui n'entraîne aucun coût additionnel on peut renforcer la relation maître-élèves.

Mme Robillard: Merci bien, Mme Chené.

Quant à la formation générale, au contenu de la formation générale, dans votre mémoire, vous dites que vous êtes en accord avec certaines réserves, une réserve concernant, par exemple, les moyens d'apprentissage en éducation physique fixés par le niveau ministériel, mais aussi concernant la composante complémentaire où vous me dites: II ne faudrait pas indiquer le nombre de crédits — parce que vous dites: Utilisons le mot «crédits» au lieu d'«unités» aussi — à chacun des domaines. Pour-riez-vous m'expliquer comment, dans un tel système, à ce moment-là, on pourrait être assuré de la complémentarité? Parce que c'est ça, l'objectif. Il ne faudrait pas que la complémentarité, ce soit dans un seul domaine, non plus.

M. Leduc: Ce serait également possible, selon nous, madame, que la complémentarité s'applique dans un seul domaine. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on demande essentiellement que le total soit indiqué, mais non pas la répartition entre chacun des domaines. Pour, par exemple, favoriser une formation complémentaire dans un groupe, disons une mineure en langues, quelqu'un prendrait — pour parler en des termes qu'on comprend — trois cours de langues. C'est une formation qu'on peut estimer comme complémentaire à une forma- tion scientifique. En tout cas, autant, en termes d'enracinement et d'approfondissement, que de faire deux cours dans une discipline et un troisième dans une autre discipline. Le troisième — on pourrait dire, l'étudiant va à peine aborder une discipline pendant un seul cours — pourrait être taxé aussi, peut-être, un peu de papillonnage ou de superficiel. Il pourrait. En tout cas, on ne l'interdit pas, mais on voudrait, par ailleurs, que ce soit possible de s'appesantir un peu plus lourdement dans une formation complémentaire. Voilà la raison.

Mme Robillard: Parfait.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je vous mentionne qu'il vous reste à peu près sept minutes encore pour revenir. M. le député de Rimouski, vous avez demandé la parole? On va la passer maintenant à M. le député de Lac-Saint-Jean et, par la suite, nous retournerons à vous et je vous rappelle que votre temps est sur le temps imparti à la ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: D'abord, M. le Président, je demanderais que le mémoire complet de la Fédération des cégeps soit déposé à cette commission. Ce que nous avons, nous, entre les mains, seulement, et ce qui a été déposé au Secrétariat des commissions, seulement, c'est le résumé de cinq pages; ce qui veut dire que je n'aurai pas le privilège de vous questionner sur la page 18 ou 22. Moi, ça s'arrête à cinq.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean, en effet, je ferai une demande, comme président de cette commission, pour que tous les mémoires puissent être au moins déposés au moment du témoignage du groupe invité afin que l'ensemble des parlementaires puisse en prendre connaissance et ainsi participer aux travaux dans le meilleur intérêt de la commission. Alors, peut-être qu'il y a eu un oubli.

M. Brassard: Je vais quand même...

Le Président (M. Gobé): Si on pouvait le faire distribuer rapidement, M. Leduc, ce serait important pour les membres de cette commission. Alors, je vous remercie. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Brassard: Oui. Je vais quand même faire un effort pour poser quelques questions.

M. Leduc: Le mémoire a été déposé hier soir, à 16 heures, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): La commission ne l'a pas reçu, M. Leduc.

M. Leduc: Ça a été déposé auprès de la commis-

sion hier après-midi.

Le Président (M. Gobé): Ma secrétaire m'a informé qu'elle ne l'avait pas reçu.

M. Brassard: Bon. De toute façon, on va l'avoir entre les mains. Ma première question porte sur les ressources financières, M. Leduc. Dans un communiqué qui est paru récemment et qui concernait, évidemment, les crédits 1993-1994 — vous l'avez d'ailleurs signalé de nouveau tout à l'heure — vous mentionniez que la compression de 20 000 000 $ prévue pour le réseau des cégeps en 1993-1994, dans les crédits gouvernementaux, constituait une des pires compressions en 15 ans. D'autre part, l'autre jour, en commission parlementaire, interrogeant la ministre sur les ressources qu'elle comptait injecter pour mettre en vigueur ses propositions de renouveau, elle a parlé de 52 000 000 $ en vitesse de croisière, au bout de cinq ans.

Vous mentionniez, dans votre communiqué, que cette compression brutale, une des pires en 15 ans, pouvait avoir des effets négatifs sur la mise en route, sur la mise en vigueur des propositions de renouveau, particulièrement en matière d'encadrement et de services aux étudiants. La ministre, elle, dans les réponses qu'elle nous faisait l'autre jour en commission parlementaire, disait qu'il n'y avait pas de lien à faire entre cette compression et la mise en vigueur des propositions de renouveau; ce qui n'était pas le cas de votre part, en tout cas, si je lis bien votre communiqué, quand vous dites que cette enveloppe sert à financer les services aux étudiants, comme l'accueil, l'aide à l'apprentissage, l'orientation, mais aussi les dépenses incompressibles comme l'électricité et le chauffage.

Ma question, très simple: Est-ce que la ministre a réussi à vous convaincre qu'il n'y avait pas de lien entre la compression de 20 000 000 $ cette année et les ressources qu'elle compte, au fil des ans, injecter dans le réseau pour financer ses propositions? Est-ce qu'elle a réussi à vous convaincre qu'il n'y avait pas de lien du tout entre les deux? (11 heures)

M. Leduc: Dans le montant de 52 000 000 $ dont Mme la ministre a parlé, il y a un premier montant qui affecte la session d'intégration des nouveaux étudiants, la fameuse session au début du collégial. C'est une première injection, indépendamment des compressions budgétaires, mais intégrée à la réforme qui devrait nous soutenir. Cela dit, ce que nous disons, cependant, c'est que ça nous prendrait, et c'est ce que j'ai répété tantôt, un budget supplémentaire pour accorder une certaine marge de manoeuvre aux collèges pour implanter cette réforme relativement mineure, mais essentielle dans le contexte de rareté des ressources que nous connaissons.

Il ne faudrait pas, je pense bien, faire de lien immédiat et très rapide entre: il y a une réforme ou il n'y en a pas, il y a des ressources ou il n'y en a pas. Il y a des choses là-dedans, je l'ai dit tantôt, qui sont davantage de l'ordre d'une nouvelle façon de faire et de voir les choses. Cela dit, il faut quand même que nous puissions disposer d'une marge de manoeuvre. Et c'est ce que nous demandons, indépendamment des compressions budgétaires pour les trois ou quatre prochaines années, qu'il y ait un minimum d'investissements à chaque année, dans chaque collège, pour que nous puissions donner un premier tour de roue.

Là-dessus, je demanderais à M. Parent de compléter la réponse.

M. Parent (Pierre): Je pourrais peut-être ajouter que la coupure de 20 000 000 $ cette année, elle est dure, mais c'est l'accumulation des coupures qui fait mal à un système comme celui des collèges. Ça fait 15 ans qu'il y a des coupures. Vous savez que les coupures ne peuvent s'adresser qu'à une partie du budget des collèges, puisqu'il y a des enveloppes qui forment la majorité des budgets des collèges qui sont protégées. Et c'est pour ça que nous souhaitons mettre sur pied, avec le ministère, une commission mixte de partenaires pour mieux prévoir les situations économiques, comme il existe au primaire et au secondaire.

Pour les administrations de collèges, chaque printemps annonce une déstabilisation des organisations, parce que l'organisation de l'enseignement, d'une année à l'autre, doit se faire au printemps, et on a toujours l'annonce des coupures à la dernière minute. C'est le système qui est fait comme ça. Nous proposons au gouvernement de changer la façon de faire et de s'associer annuellement au ministère pour revoir le financement.

Je termine en disant, également, qu'il serait très utile d'essayer d'examiner la situation qui est faite particulièrement à certains collèges, parce qu'il est très facile d'opposer le fait qu'il y a un certain nombre de collèges qui, par une gestion individuelle, ont accumulé des surplus. Mais d'autres collèges — et ça, ça va bien, c'est un signe de très bonne gestion de la part de certains collèges — souffrent plus que d'autres de ces coupures, et c'est là-dessus, à mon avis, que devraient porter les discussions avec le ministère.

Ce n'est pas toujours évident de discuter l'ensemble d'un système sans regarder les situations qui sont faites dans certains collèges, et je prends l'exemple d'un collège voisin de celui de Rosemont, le collège du Vieux-Montréal.

M. Brassard: Vous parlez d'injection d'argent neuf, en quelque sorte. Est-ce que vous l'avez chiffrée et est-ce que ça doit être combiné, cette injection-là, avec une annulation des compressions?

M. Leduc: On l'a chiffrée de façon très provisoire rien que, comme je l'ai laissé entendre tantôt, pour donner un premier tour de roue. C'est entre 75 000 $ et 100 000 $ par collège pendant trois ou quatre ans, ce qui fait environ 18 000 000$ ou 19 000 000$ sur quatre ans. Ça nous apparaîtrait une mince marge de manoeuvre qui nous permettrait de partir l'opération,

d'intégrer des enseignants, d'autres personnels dans l'élaboration de ce que nous devons faire, dans la réalisation de nos nouveaux mandats. On ne peut pas, du jour au lendemain, assumer totalement des fonctions et des responsabilités qui, auparavant, étaient au ministère. Ces ressources-là deviennent essentielles pour nous. Nous ne les avions pas. Il faudrait qu'on puisse disposer de quelques-unes.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Vous parlez bien de 18 000 000 $ à 20 000 000 $ par année dans le réseau.

M. Leduc: Non, sur quatre ans. M. Brassard: Sur quatre ans? M. Leduc: Oui.

M. Brassard: Est-ce que ça se combine avec l'annulation des compressions prévues cette année?

M. Leduc: C'est un dossier à part.

M. Brassard: Ah, vous ne faites pas de lien entre les deux.

M. Leduc: C'est-à-dire que les compressions sont difficiles à vivre, mais, indépendamment de ces compressions-là, nous disons...

M. Brassard: Mais ça n'aura pas d'effet sur les propositions de renouveau.

M. Leduc: ...que, pour mettre en oeuvre la réforme, nous aurions besoin d'une marge de manoeuvre supplémentaire.

M. Brassard: Mais vous avez changé d'avis, là. Ça n'aura pas d'effet, les compressions, sur les propositions de renouveau.

M. Leduc: Les compressions ont toujours un effet néfaste sur les établissements.

M. Brassard: Y compris sur les propositions de renouveau.

M. Leduc: Sur les établissements. Donc, ça rend tellement plus difficiles les propositions de renouveau que nous demandons quelques allégements.

M. Brassard: Deuxième question, M. le Président. Dans votre communiqué premier sur les orientations de renouveau de l'enseignement collégial, concernant les seuils d'admission, vous dites, et je vous cite: La proposition gouvernementale à ce sujet — c'est-à- dire au sujet du diplôme d'études secondaires — soulève deux questions d'importance. Parce qu'elle ne semble pas rendre les cours annonciateurs de la réussite au collégial obligatoires pour tous les élèves du secondaire, ne constitue-t-elle pas un risque de voir s'instaurer deux types de D.E.S., un diplôme d'études secondaires fort qui ouvre la-porte aux études supérieures et un diplôme d'études secondaires éventuellement plus faible qui ne l'ouvre pas? Bon, voilà la question que vous posiez. Vous l'avez résolue, d'après ce que je peux voir?

M. Leduc: Non, mais c'est le risque que l'on courrait au Québec effectivement, si cette mesure-là n'était pas une mesure ponctuelle. C'est pourquoi nous disons qu'il faudrait qu'à terme, et on l'a évoqué tantôt, le calendrier d'implantation des nouvelles règles de sanction du diplôme d'études secondaires soit appliqué. Cela dit, de façon très pragmatique, dans l'immédiat — en tout cas, le plus immédiat, c'est 1995, sem-ble-t-il — il faudrait que nous commencions déjà à l'appliquer. Alors, dans l'intervalle, donc, ça va faire une pression sur les étudiants du secondaire pour qu'ils valorisent leur cheminement scolaire et qu'ils se forcent un peu pour réussir, parce que ce n'est pas évident que tout le monde, avec un diplôme d'égale valeur, puisse réussir son collège. Il faut que ce discours-là soit déjà, dès aujourd'hui, véhiculé et diffusé au secondaire. Mais le problème serait un problème majeur si on le prenait comme une solution arrêtée et définitive. Pour nous, c'est une solution pragmatique, une solution ponctuelle, provisoire.

M. Brassard: Comme ça doit s'appliquer en 1995, à la suite du dépôt du rapport d'un comité, qui devrait être remis au mois de juin normalement si les échéances sont respectées, concernant le curriculum au secondaire et le régime des sanctions au secondaire, si on avait le temps de s'entendre, après un débat quand même public, parce que c'est une question majeure, fondamentale, sur une revalorisation du D.E.S., du diplôme d'études secondaires, le rehaussement des exigences, et que ce nouveau D.E.S. valorisé puisse s'appliquer en 1995, tel que prévu pour les nouveaux seuils d'admission à l'accès au collégial, je comprends bien que votre préférence, à ce moment-là, irait pour une sorte de... je dirais pour que le régime des sanctions au secondaire soit similaire au seuil d'admission au collégial, qu'il y ait une sorte de confusion entre les deux.

M. Leduc: Oui.

M. Brassard: C'est ça votre préférence. (11 h 10)

M. Leduc: Oui, bien sûr, mais vous comprendrez également que ça fait 15 ans que cela nous est promis. Alors, je comprends aussi que le ministère veuille précipiter les choses pour sauver, notamment, les standards du niveau collégial. Il y a un intérêt certain à dire,

d'entrée de jeu: II faudrait qu'en 1995 ça fonctionne pour ceux qui veulent venir au collégial. Cela dit, ce que vous évoquez est effectivement une perspective intéressante.

M. Brassard: D'autre part, toujours à ce sujet, il y a eu des simulations de faites, vous le savez, par le ministère. Si on prenait les diplômés du secondaire de 1992, qu'on leur appliquait les seuils d'admission qu'on compte mettre en vigueur en 1995, au collégial, il y en aurait quelque 13 000 qui se buteraient à une porte fermée dans les collèges. Vous dites qu'il faut le faire quand même, parce que vous semblez adopter le discours de la ministre, dans le sens où vous dites: Avisons les étudiants, on va les avertir, on va les informer adéquatement qu'ils vont devoir mieux performer, mieux réussir, réussir plus de cours obligatoires, et ça va avoir des effets bénéfiques.

Vous croyez vraiment que le simple fait de les aviser, que le simple fait de les informer, d'informer les étudiants du secondaire, actuellement, disons, en secondaire III, que, pour avoir accès au collégial, en 1995, ils vont devoir réussir plus de cours que ce n'est prévu pour l'obtention de leur D.E.S., leur diplôme d'études secondaires qu'ils vont devoir réussir: langue seconde, secondaire V, mathématiques, secondaire V, sciences physiques, secondaire IV, qu'ils vont devoir réussir tout ça... Vous semblez croire que le simple fait de les aviser et de les informer, ça va avoir un effet bénéfique et ça va réduire le nombre des étudiants qui se buteraient à des portes fermées parce que ne respectant pas les seuils d'admission. Le simple fait de les aviser, vous pensez que ça va avoir des effets bénéfiques.

M. Leduc: Les aviser et les soutenir.

M. Brassard: Ah! Les soutenir.

M. Leduc: et leur faire comprendre que, effectivement, c'est un discours d'exigences, d'effort et de réussite. par ailleurs, il faut bien savoir aussi que, parmi ceux qui sont au collégial, parmi ceux qui ont trop d'échecs, au moins 50 % viennent de la catégorie d'élèves qui, justement, ne réussissaient pas ce genre de cours dont maintenant on veut qu'ils soient réussis. alors, est-ce que c'était un service à leur rendre, à ces élèves-là, de les admettre, portes grandes ouvertes, avec une formation moindre? est-ce que c'est un service à leur rendre que de les décourager une fois qu'ils sont entrés au collégial et qu'ils se butent non pas à une porte fermée, mais à un constat d'échec?

M. Brassard: Je vous dirais, M. Leduc, que vous avez utilisé le terme, le verbe approprié, tout à l'heure: les aviser et les soutenir. Je sais bien que vous vous intéressez d'abord à l'ordre d'enseignement collégial, c'est tout à fait normal, vous êtes président de la Fédération des cégeps, mais toute hausse d'exigences pour ce qui est du diplôme d'études secondaires devra être accompagnée de mesures de soutien appropriées pour, justement, éviter l'hécatombe. S'il n'y a pas ces mesures de soutien, ça va être l'hécatombe, comme ça aurait été le cas en 1992, si on avait appliqué ces seuils.

Concernant ce que certains ont appelé «la taxe à l'écheo, dans votre communiqué, vous dites que vous vous êtes exprimés en commission parlementaire pour le maintien de la gratuité scolaire, mais avec des balises. Elle soutient toujours cette position en ce qui concerne la mesure limitative mise de l'avant par le gouvernement. Les étudiants qui accumulent plus de cinq échecs au secteur préuniversitaire et plus de sept échecs au secteur technique devront payer 50 $ par cours. La Fédération veut analyser davantage les impacts de cette mesure avant de se prononcer définitivement.

Or, vous vous prononcez définitivement. Vous approuvez la mesure ministérielle. Je suppose et je présume que, par conséquent, vous avez fait une analyse d'impact.

M. Leduc: Oui. L'analyse d'impact que nous avons faite, c'est que, la mesure, elle avait le mérite, effectivement, de ne pas pénaliser les changements d'orientation, de ne pas pénaliser le temps. C'est ça qui est important. À 16 ou 17 ans, ils ont le droit de se tromper. Ils ont le droit de changer d'orientation. Il ne faut pas les pénaliser en termes de nombre de sessions où ils sont au collège. Mais il y a peut-être lieu cependant de soutenir leur responsabilisation, leur motivation, en les incitant à réussir. Et, dans ce sens-là, la mesure nous apparaît acceptable. Nous recommandons cependant que, pour la formation spécifique de la première session, précisément pour protéger encore davantage le droit à l'erreur, si je peux m'exprimer ainsi, ou le changement d'orientation, les échecs qui seraient malencontreusement le sort des étudiants, eh bien, ne comptent pas. Alors, voici un impact qui nous apparaît... En tout cas, il y a moins d'impacts négatifs de cette façon-là. Donc, c'est une mesure qui nous apparaît acceptable en termes de responsabilisation et pour éviter, bien sûr, la surconsommation.

M. Brassard: Vous savez très bien, M. Leduc, qu'un étudiant qui se trompe d'orientation, très souvent, ça se traduit concrètement par des échecs.

M. Leduc: Voilà!

M. Brassard: Bien. Alors, vous dites que ce n'est pas une mesure qui va pénaliser ceux qui se trompent d'orientation. Il y a beaucoup d'étudiants qui se trompent d'orientation et la façon de se tromper d'orientation, c'est d'échouer.

M. Leduc: Mais l'essentiel des changements d'orientation, c'est en première session. Et c'est précisément pour cette raison-là que nous demandons que les échecs de première session dans la formation spécifique ne soient pas comptabilisés, pour protéger le change-

ment d'orientation. Et une autre façon pour le protéger, c'est ce que je disais tantôt, c'est de prendre une mesure qui ne s'applique pas au nombre de sessions, mais qui s'applique davantage à des échecs à des cours.

Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Une analyse d'impact, d'abord et avant tout, ça doit essayer d'évaluer le nombre d'étudiants touchés. Est-ce que, dans votre analyse d'impact de cette mesure, vous avez évalué le nombre d'étudiants qui pourraient être touchés par cette taxe à l'échec?

M. Leduc: Elle a déjà été faite depuis longtemps. C'est qu'on parle de 25 % des étudiants.

M. Brassard: De 25 %.

M. Leduc:c'est ce qu'on a vu, qu'il y avait actuellement dans le réseau 25 % des étudiants qui avaient plus de cinq échecs. ce n'est pas lié à cette mesure-là, mais actuellement c'est comme cela et on estime que, bien sûr, avec cette mesure-là, il y en aurait moins.

Le Président (M. Gobé): Alors, voilà. Maintenant, le temps est malheureusement dépassé légèrement. Il reste sept minutes du côté ministériel.

Mémoire déposé

Mais, auparavant, j'ai fait faire quelques recherches pour retrouver le mémoire de la Fédération et, semble-t-il, il aurait été déposé à un endroit qui n'est pas un endroit habituel et on ne le trouve pas. Alors, j'en ai quand même reçu une copie et, à titre de président de cette commission pour ce jour, je dépose donc — parce qu'il faut le déposer; s'il n'est pas déposé, il n'est pas déposé — le mémoire de la Fédération des cégeps, mémoire sur le projet ministériel de réforme de l'enseignement collégial présenté à la commission de l'éducation. Donc, il est là, maintenant, déposé et il sera numéroté officiellement, il portera le numéro 2D. Alors, c'est fait. M. le député de Lac-Saint-Jean. Je suis désolé de vous le transmettre avec ce retard. On me dit qu'il a été déposé hier, vers 14 h 10. Par contre, la date requise était le 4 mai, mais on peut comprendre que les groupes qui sont bénévoles puissent avoir du retard et un peu de délai. Il reste maintenant sept minutes, M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président. Madame, messieurs, lorsque la ministre a rendu publique sa réforme, à l'article 3.4, «Des partenariats renouvelés et resserrés», on lisait ceci: C'est pourquoi il est proposé que les pouvoirs du collège s'exercent aussi dans des activités de formation de la main-d'oeuvre, de recherche, de transfert technologique, d'aide à l'entreprise, de développement régional, etc. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du projet de loi 82. Dans les notes explicatives du début, il est dit: «Le projet de loi autorise de façon explicite les collèges à exercer des activités concernant la recherche appliquée, l'aide technique à l'entreprise, l'innovation technologique, le développement régional, les services à la communauté», etc. Donc, nous avions une recommandation dans la réforme proposée par Mme la ministre. Bien plus, nous la traduisons dans un projet de loi.

Moi, je voudrais savoir, étant donné que vous avez tout l'historique des cégeps, maintenant, avec cette nouvelle possibilité, est-ce qu'on ne vous donne pas là un instrument par excellence afin de mieux intégrer et d'avoir des meilleures mesures de synergie qui pourraient se développer au plan régional et au plan provincial entre les entreprises, d'une part, et le transfert technologique, les recherches en sciences appliquées, etc.? Est-ce que ce n'est pas là un moyen formidable qu'on donne aux cégeps pour s'extérioriser, sortir de leur boîte? (11 h 20)

M. Leduc: Exactement. Mais, de toute façon, c'est exactement ce que nous avons commencé à faire et fait depuis bien des années. Le projet de loi vient officialiser le tout et éviter qu'on nous reproche de le faire, à l'occasion.

M. Tremblay (Rimouski): Mais, avec le fait qu'on vous y autorise dans le projet de loi, vous serez mandatés maintenant et vous serez des interlocuteurs autorisés pour descendre dans le milieu industriel ou autre pour pouvoir créer des synergies d'application.

M. Leduc: Très juste.

M. Tremblay (Rimouski): Et ça, à mon sens, c'est un point très important, ce que vous n'aviez pas antérieurement.

M. Leduc: Exact.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Rimouski. Mme la ministre, il vous reste à peu près trois minutes et demie.

Mme Robillard: Est-ce que la Fédération pourrait expliciter son point de vue sur la commission des études?

M. Leduc: Sur la commission des études. Nous trouvons intéressante la création de la commission des études. Nous trouvons intéressant que l'essentiel de la mission de cette commission, ce soit les programmes d'enseignement. Nous trouvons intéressant que ce soit le conseil d'administration d'un collège qui prenne en main, à partir d'une composition minimale qui est déterminée par la loi, la composition finale de cette commission.

II faut bien dire que, dans beaucoup de collèges, il y a déjà des commissions pédagogiques qui ressemblent étrangement à ce que feront dorénavant les commissions des études. Cette nouvelle façon de procéder, maintenant, va faire que les expériences intéressantes des anciennes commissions pédagogiques puissent être diffusées dans l'ensemble du réseau. Je ne vous cacherai pas cependant qu'il y a là quelques ambiguïtés, dans les premières années, à tout le moins, relativement à la présence simultanée de commissions pédagogiques prévues par les conventions collectives et d'une commission des études prévue par le projet de loi. C'est là que les synergies devront s'exercer de façon privilégiée, au sein des établissements, pour éviter des pertes d'énergie inutiles.

Mme Robillard: Alors, M. le président de la Fédération, il me reste à vous remercier à nouveau d'avoir fait cette réflexion sur le projet déposé par le gouvernement et soyez assuré que nous allons relire avec attention votre mémoire, de même que ses annexes qui sont très détaillées et pointues, et que nous allons sûrement y donner suite à quelques égards. Sûrement que ça va alimenter la réflexion ministérielle sur les changements à apporter. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. la ministre. M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Bien, je voudrais simplement, moi aussi, remercier la Fédération et les assurer que je vais lire leur mémoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Merci. Ceci met fin à votre intervention, M. Leduc et les gens qui vous accompagnent. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je vais suspendre une minute afin de permettre au groupe suivant, soit les représentants de l'Association des collèges privés du Québec, de prendre place en avant. La commission est suspendue.

(Suspension de la séance à 11 h 23)

(Reprise à 11 h 26)

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez bien regagner vos places, la commission de l'éducation reprend ses travaux. Nous allons donc accueillir maintenant les représentants de l'Association des collèges privés du Québec, à qui je demanderais de bien vouloir prendre place. S'il vous plaît, pouvez-vous continuer les conciliabules à l'extérieur? Merci. Je demanderais aux représentants de l'Association des collèges privés du Québec de bien... Je vais les présenter, vu qu'ils sont juste deux. M. Benoit Lauzière, président, et M. Guy Forgues, vice-président. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir ici à cette commission encore une fois. Et, sans plus attendre, je passerai la parole à celui d'entre vous qui en est le porte-parole, le représentant.

Association des collèges privés du Québec

M. Lauzière (Benoit): Je crois que vous avez déjà entre les mains la totalité, qui consiste en quelques pages, huit pages, de notre réaction. L'invitation était à l'effet de parler de la loi 82, de discuter de la loi 82, mais je comprends que c'est un peu plus élargi et que nous pouvons nous exprimer sur toute chose, dans le fond, qui découle du projet de renouveau de l'enseignement collégial.

Je voudrais presque commencer un peu par une blague. J'ai entendu une bonne partie de ce qui a été présenté et je dirais: Bon, la loi 141 qui gouverne les institutions d'enseignement privées nous oblige à nous justifier à l'existence, entre autres, pour le critère de complémentarité et d'enrichissement. On est obligés de se conformer à la loi, même en étant présents ici, en faisant peut-être un témoignage un peu différent quant à sa teneur et quant à son état de satisfaction généralisé relativement au renouveau proposé.

On se souviendra que la ministre avait qualifié — et je pense que logiquement elle avait raison compte tenu de ce que nous disions — nos propos d'excessifs quand nous nous sommes présentés au mois d'octobre. Il faut se souvenir que notre angle d'abordage, nos propos du mois d'octobre consistaient essentiellement à dire, en moins de mots possible, pour qu'il y ait le moins d'ambiguïtés, le moins d'auberges espagnoles possible, que, pour redonner, pour favoriser une dynamique de développement dans les institutions, il ne fallait pas proposer un renouveau mur à mur ou envahir davantage de terrain, si je puis dire, ou proposer des orientations généreuses, mais suivies d'une série de réglementations supplémentaires, mais il fallait remettre le système sur sa tête ou sur ses pieds, si vous voulez, c'est-à-dire partir des institutions et essayer de quitter, de s'éloigner de l'esprit de système qui consiste à penser que tout renouveau ou toute amélioration va d'abord s'attaquer au système, à des choses qui s'appliquent à tous ou à peu près en même temps.

Bon, notre propos, notre angle d'abordage ayant été celui-là, notre réaction d'aujourd'hui, évidemment, se comprend à partir de cet angle d'abordage là où nous ne proposions pas des mesures ponctuelles, valables pour tous, mais où nous proposions que l'essentiel, si je puis dire, des programmes, de la gestion des institutions parte des institutions et que ce soit sur une base de responsabilité allant jusqu'à l'évaluation externe, c'est-à-dire celle des résultats, et que chaque institution...

D'ailleurs, je le dis en passant parce que c'est un exemple qui illustre ça, on voyait, je pense que c'est dans le journal Le Devoir de la fin de semaine, un petit article d'un professeur du collège des arts libéraux, qui dépend de l'université Concordia, qui exprimait dans une lettre ouverte, je dirais en les concrétisant, l'essentiel de nos propos, montrant que, quand on sort d'un certain formalisme, quand on sort d'un jeu d'unité ou de définition nominale des choses, dans une institution donnée, on regarde les ressources que nous avons, on regarde ce qui nous entoure et on s'adapte, en quelque sorte, et au niveau même de la formation générale et non pas seulement de la formation technique. (11 h 30)

Donc, en regard des projets de loi 82 et 83 et du règlement des études, notre position avait l'air effectivement radicale, mais enfin — et c'est ce que nous disons aussi, et je pense qu'il faut aussi en tenir compte — c'est la responsabilité gouvernementale de faire ses choix. Il a fait ses choix et nous disons des choses un peu plus pointues aujourd'hui, de façon peut-être un peu plus précise que pas, puisqu'on est un peu dans le dernier droit là-dedans. Au gouvernement, et Mme la ministre l'a bien dit en début de séance, les orientations fondamentales ont été posées et je pense que l'idée n'est pas de reprendre tout ça à zéro aujourd'hui. Mais, comme il y a des améliorations quand même possibles, même dans ce qui nous déplaît, en gros, comme texte, il nous semble qu'il faut le dire en espérant qu'il y aura des améliorations qui redonneront un petit peu ce que nous demandions au mois d'octobre.

Je veux m'exprimer d'abord sur les questions relatives au régime pédagogique. Elles découlent évidemment, en partie, de la loi et de l'article 10 du projet de loi qui modifie l'article 18. Ensuite, je parlerai de l'évaluation et, en dernier, d'un certain nombre d'éléments peut-être d'ordre plus mineur, mais qui sont pour nous significatifs, justement, d'un partage de responsabilités.

L'article 10 qui modifie l'article 18 de la loi, c'est l'article qui gouverne la répartition des pouvoirs entre le ministère et les collèges et dont dépend le règlement du régime des études. Et c'est un cas significatif, nous semble-t-il, où — l'expression est peut-être un peu forte, mais enfin — le pire et le moins bon sont plus présents, mais où le meilleur est également possible, et il nous intéresse beaucoup.

Respectueuse de la compétence des institutions d'enseignement supérieur — je fais remarquer ça parce que c'est quand même significatif même si quelqu'un pourrait dire que ce n'est pas la fin du monde — la loi actuelle habilite le gouvernement à adopter des règlements généraux concernant les programmes d'études. Non seulement le projet de loi 82 fait-il sauter l'adjectif «généraux» qui nous semblait très signifiant, mais il multiplie les objets et les précisions comme s'il s'agissait d'une convention collective de travail. En cas de doute, qu'on se réfère au fruit de cet arbre qu'est le règlement sur le régime des études collégiales. C'est la pièce maîtresse du renouveau.

Et, ici, on ne discute pas des intentions, et c'est ça qui est souvent le problème; nous l'avons vécu et je pense qu'un citoyen qui a un peu vécu l'a vécu à plusieurs reprises. C'est toujours une chose, dans le fond, la présentation des projets de loi. Ici, on se réfère au livre jaune de présentation, au moment de la présentation publique. Nous n'en n'avons pas, évidemment, contre les intentions ou les orientations du genre: assurer l'accessibilité des études collégiales, renforcer la formation générale commune, valoriser la formation technique, rénover les programmes pour leur donner plus de cohérence, etc. Bon. Vous connaissez comme moi les grandes balises et les grandes orientations, et nous sommes tout à fait d'accord, évidemment, avec cela. Mais, quand on atterrit au projet de loi et au libellé, et c'est cela qui va nous gouverner, c'est à partir de cela qu'il va y avoir des précisions, des demandes, des discussions, des contestations, le cas échéant. Ce ne sera pas évidemment le discours qui a présenté cela de magnifique façon.

Alors, première surprise, et la contradiction nous semble un peu grosse, entre l'élargissement... Toujours dans le cadre, donc, du partage des pouvoirs précisés, balisés et plus que balisés par l'article 10 du projet de loi 82, c'est qu'il y a au moins une contradiction qui nous semble énorme entre l'élargissement annoncé et le fait que pour plus de la moitié — ce n'est pas peu dire — de la formation générale, c'est le ministre qui va définir non seulement les objectifs et les standards, mais les activités d'apprentissage. Et c'est bien marqué «les»; ce n'est pas des activités d'apprentissage quelconques, c'est «les». Pour plus de la moitié de ce qui est au coeur, dans le fond, de ce qui spécifie, de ce qui est même une idée-force du renouveau, c'est-à-dire le renforcement de la formation générale. C'est pour le moins contraire à l'orientation qui était la nôtre, qui allait, mais diamétralement, dans le sens contraire.

Il serait gênant, à mon sens, à notre sens — les institutions d'enseignement collégial constituent maintenant, dit-on, plus nettement l'ordre d'enseignement supérieur, dans une première étape d'un contiuum universitaire — de ne pas souligner ce qui nous apparaît une nette contradiction, d'autant plus que la formation générale, si on l'oppose... Enfin, je ne veux pas sombrer dans les discussions d'école sur la formation fondamentale, mais on l'opposait... Je sais bien que la dichotomie est un peu factice, et le Conseil supérieur de l'éducation l'avait bien soulevé, mais, enfin, si on distingue un peu les choses, formation générale et formation spécialisée ou de concentration, c'est que dans la formation générale il y a les blocs de cours qu'on annonce. Pour plus de la moitié, le ministre définit le contenu, les activités d'apprentissage, et les cours complémentaires sont réduits en nombre et la réglementation est plus poussée.

Alors, là-dessus, je pense qu'il y a au moins une contradiction entre ce qu'on appelle l'élargissement de l'autonomie de ce niveau-là et, pour cette dimension-là

en tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est ce que j'appelle une secondarisation du niveau. Et, à cet égard-là, il nous semble qu'on devrait revenir un peu à ce qui était de l'ordre de l'intention très bien annoncée à la page 7 du document de présentation publique du renouveau et situer un peu les responsabilités des deux ordres d'intervention, c'est-à-dire objectifs et standards, si possible sans tomber dans les discussions d'école du type docimologie dont on connaît les ravages à un autre niveau. Alors, il ne faudrait pas reprendre ça à ce niveau-ci. Alors, objectifs et standards pour le ministère et les moyens et l'ordre des moyens nettement, évidemment, aux institutions.

Quant aux cours complémentaires — c'est la suggestion que nous vous faisons — il suffirait d'indiquer que le collège détermine la composante de formation complémentaire dans une perspective d'équilibre et de complémentarité. Et les collèges n'ont pas besoin, n'ont jamais eu besoin — s'ils en ont déjà eu besoin, c'est grave à ce niveau-là, mais ce n'est pas en péchant par excès à un niveau supérieur, je pense, que ça règle le problème — de commencer à définir ce que ça voudrait dire pour des grands enfants, des grands adultes du préuniversitaire «complémentaire», pour ensuite envoyer une commission pour dire: Woops! Ce n'est pas complémentaire. Les gens sont assez intelligents, assez grands pour faire ça eux-mêmes.

Des ouvertures nouvelles. Nous les soulignons aussi. Je pense qu'elles nous apparaissent excellentes et les collèges privés se sont battus toujours pour ce genre de dispositions, et nous sommes très heureux de les retrouver dans la loi, à l'article 18 au paragraphe b) et ensuite reproduites, si je peux dire, retraduites dans le règlement des études proposé, à savoir une autorisation, avec ou sans conditions, par le ministre donc de reconnaître comme des programmes conduisant au diplôme d'études collégiales des programmes d'études autres que ceux qu'il a établis et de prévoir que le ministre peut déléguer à un collège, aux conditions qu'il détermine, tout ou partie de sa responsabilité en matière de sanction des études prévue.

Il y a là, me semble-t-il, des ouvertures réelles telles qu'elles sont écrites là. Nous verrons dans la pratique si elles sont aussi réelles qu'annoncé, mais ce n'est quand même pas peu de chose de dire qu'elles sont libellées, à notre sens, tout à fait correctement et, donc, prometteuses à ce titre dans la loi, non seulement dans le régime des études, mais dans la loi. Et ça, c'est ce que j'appelle une petite flamme d'espérance, une lueur d'espoir qui est grosse de cheminements singuliers et qui pourrait peut-être permettre un tas de choses qui ne semblent pas si faciles dans le régime commun.

Toute la question de la diplomation également, la possibilité, en tout cas, de diplomation par les institutions nous intéresse également au plus haut point.

Le régime des études. Ce que je viens de dire a trait au partage des responsabilités. Si on regarde quelque peu le contenu... Ce n'est peut-être pas l'endroit le plus approprié pour aller dans les détails. Nos directeurs des services pédagogiques ont étudié, ont rencontré même les fonctionnaires du ministère. Ils sont en train de se faire une tête là-dessus afin d'acheminer en temps utile, donc, dans les jours qui viennent, des remarques sur le règlement des études. En passant, nous préférons nettement cette appellation, règlement des études, comme directeurs des études, d'ailleurs. C'est beaucoup plus ça que des directeurs de services administratifs pédagogiques comme tels.

Si on va au contenu, ce qu'on remarque, c'est qu'il y a des déplacements d'unités qui peuvent être — et c'est ce que j'essayais de souligner en peu de mots — très significatifs ou ne pas être très significatifs. C'est selon. Et les questions qui sont posées actuellement et les réponses qui sont données montrent bien qu'on est dans le vague. C'est qu'il y a des déplacements d'unités entre les disciplines, mais c'est pour des domaines désignés par des thèmes très généraux et ça soulève un certain nombre de questions. S'il y a des réponses satisfaisantes pour tout le monde à ces questions-là, nous en serons très heureux, mais ça soulève des questions.

Et la première question que je soulève — ça semble peut-être un peu iconoclaste parce qu'on a accordé beaucoup d'importance dans le débat public sur moins de philosophie, bon — c'est la relation qu'il y a, par exemple, entre un constat général de maîtrise insuffisante de la langue maternelle et le fait d'ajouter une unité, deux tiers. A priori, je sais très bien que dans les discussions publiques parfois c'est un peu tabou. Qui dit plus de français, par définition, c'est une solution. Mais, là, c'est très spécifique. C'est plus de français à un niveau donné et dans un bloc obligatoire. (11 h 40) ii faut mettre ça en balance avec, par exemple, les coûts de mise à niveau et il faut mettre ça en balance avec un diagnostic au terme duquel on pourrait dire: ce n'est peut-être pas à ce niveau-là qu'il fallait d'abord augmenter. si oui, c'est dans quels modules? ça veut dire quoi au juste? il y a un tas de choses qui sont à définir là-dedans. c'est assez difficile de se prononcer sur le fond du contenu puisque, à l'heure où on se parle, nous n'en savons rien ou si peu, et les questions qui sont demandées à ceux qui sont responsables de ça montrent bien qu'il y a beaucoup de choses à définir, parce que les activités d'apprentissage des 50 % et plus de la formation générale, disons, entre nous, qu'elles ne sont pas faites, c'est le moins qu'on puisse dire. tant mieux si ça va se faire dans les plus brefs délais, mais, nous, nous sommes contre l'idée de définir les activités d'apprentissage pour ce niveau d'enseignement pour la formation générale.

Je soulève également quelques questions sur le régime. Par exemple, si on regarde l'article 9 du règlement des études qui traite des cours complémentaires, il y a deux ou trois impossibilités, en tout cas, qui ne sont peut-être pas évidentes. Elles vont peut-être être levées, mais, compte tenu que, dans les cours complémentaires, il faut prendre ça dans trois des cinq domaines et que,

dans chaque domaine, c'est deux unités, le fait d'avoir voulu aller un peu fort en mathématiques précises à ce niveau-là a des effets qu'on peut difficilement prévoir. Enfin, les questions sont soulevées. On se demande si nos étudiants en sciences humaines vont pouvoir compléter leur formation en mathématiques. Quand on nous répond que le langage mathématique, ce n'est pas évident même que ça comprend mathématiques, est-ce que ça comprend l'informatique? Est-ce que c'est dans science et technologie? Tout ça est à venir. Et je pense que le fait de donner suite à une suggestion que nous faisions tout à l'heure, de définir largement le niveau de responsabilité pour les cours complémentaires, renverrait à ceux qui connaissent ça sur le terrain toutes les possibilités, connaissant leur monde comme on dit, de donner les cours complémentaires dont les gens ont véritablement besoin, sans d'abord penser à investir trop de temps dans une mathématique dont on peut douter, en tout cas, qu'on comprenne bien le contenu, quand on joue seulement avec ces unités-là.

Il y a quelques questions. Il y a une autre question qui a été soulevée avant nous. Je ne sais pas si elle a été soulevée dans ces termes-là, mais, enfin, je le mentionne. C'est une question qui n'est pas dans le rapport déposé, c'est la question de la disparition de l'article 33 du régime pédagogique actuel qui permettait à un collège d'autoriser de façon spéciale... Autrement dit, l'article 33 disait à peu près ceci: Un étudiant qui n'a pas réussi la moitié de ses cours devait avoir une autorisation spéciale pour continuer, ce qui permettait un encadrement et des décisions différentes un peu variées.

Et, actuellement, la question se soulève: Est-ce qu'un collège, compte tenu que cet article-là a été enlevé et que l'article pas correspondant... mais, dans la loi 82, toute la question des frais de scolarité, ça peut donner à penser que, tant et aussi longtemps qu'on peut payer, il y a presque une impossibilité, pour des raisons pédagogiques... Bon. Il s'agirait de savoir si c'est vrai ou pas. C'est une question que je pose plutôt qu'une affirmation que je fais.

La commission d'évaluation. Je vais un peu plus rapidement. Il faut soulever la question du risque — c'est le moins qu'on puisse dire — couru que la commission d'évaluation soit une commission assez «papivore», dans le fond. Et, si on regarde tout le trajet fait par la commission d'évaluation du Conseil des collèges, même si je sais que les commissaires vont avoir plus d'autorité... Mais ce n'est pas parce qu'on leur donne plus d'autorité dans la loi qu'il y a plus de neurones et plus de muscle dans le réel. Il y a comme une distance, comme disait Kant, entre la cruche réelle qu'on ne peut pas toujours pendre sur une anse dessinée. Alors, là-dessus, je pense qu'il faut être très prudents.

Quant à nous, ce que nous disons essentiellement, c'est que — et on répète ici ce qu'on disait au mois d'octobre — l'évaluation des collèges, c'est l'évaluation des diplômés. Ce n'est pas l'éternel examen et l'évaluation des papiers d'accompagnement du cheminement de l'étudiant. D'ailleurs, si je ne m'abuse, la commission — il faudra analyser ça, il faudra tirer quelques conséquences de cela — d'évaluation du Conseil des collèges, après avoir examiné beaucoup de ces choses pendant une décennie, a quand même remarqué, à un moment donné, qu'il y avait 90 institutions sur 110 — dans le dernier rapport annuel, en tout cas — qui avaient une telle politique, que 44 ou 50 les appliquaient correctement, mais avouaient très lucidement, à un moment donné, que ça ne donnait pas beaucoup plus de connaissances sur l'application réelle dans une classe, autrement dit.

C'est pour ça qu'il faut revenir à quelque chose qui ne mange pas beaucoup de pain, qui n'est pas très créateur d'emplois, mais qui, je pense, doit être exploité. Et Mme la ministre a commencé à le faire et le fait par tout ce qu'on appelle la voie des indicateurs. C'est que là on s'attaque effectivement, me semble-t-il, au seul objet ou, en tout cas, et de beaucoup le plus important objet d'une évaluation des institutions de ce niveau-là particulièrement, c'est l'évaluation des résultats. Et la qualité, la valeur d'un diplôme, c'est celle qui est reconnue par les institutions d'enseignement supérieur comme les universités ou le marché du travail où vont nos étudiants.

Il faut d'abord s'attaquer profondément à cela et ensuite, peut-être, quand ça ne va pas, faire le tour des politiques d'évaluation de toutes sortes qui auraient été faites ou mal faites. Mais, vous savez, pour vous donner des exemples, bien avant qu'il y ait même la moindre politique d'évaluation, dans la plupart des collèges, il y avait des sessions d'examens complètes. Je pense que c'est à peu près inversement proportionnel à la suite des choses depuis 20 ans.

Gratuité scolaire. Nous le disons, nous l'avons assez dit, nous nous sommes assez mouillés là-dessus; je pense être un peu beaucoup critiqué, bon, ce n'est pas très, très populaire, mais nous sommes tout à fait d'accord. On pense que c'est un pas timide, je dirais, dans la bonne direction. On a toujours soutenu qu'une responsabilité de tous les étudiants était un facteur de productivité et un facteur de qualité. Parce qu'il faut quand même dire les choses; il ne faut pas faire de «juvenolâtrie», comme on a dit, et nous trouvons malheureux. .. Je vais employer un terme qui a été employé par un ex-premier ministre célèbre en qualifiant de déliquescents un certain nombre de propos. Il me semble qu'il y a quelque déliquescence à ne pas voir qu'un étudiant adulte, pour lequel les contribuables paient 8200 $ et plus par année... C'est ça que ça coûte, une année de gratuité au niveau collégial. Qu'il y ait un branle-bas ou une volonté d'organiser un branle-bas général et de jouer au martyr, à la veuve et à l'orphelin parce que, après un cinquième échec et un septième au professionnel, il y a quelque implication des responsabilités financières, ça, j'avoue que ça nous étonne beaucoup. D'autant plus qu'on sait que c'est exigible, et la règle veut qu'après une session, ce soit effacé et qu'il y ait un retour à la gratuité.

Alors, moi, là-dessus, je pense que c'est parler à des adultes, à des étudiants quand on dit qu'après un cinquième échec, dans un contexte où on tire des contribuables 8200 $ par année — à juste titre parce qu'il faut investir là-dedans — il y a quelque... À 17, 18, 19 ans, je pense qu'on doit apprendre à faire au moins ce que fait n'importe qui qui est sorti rapidement du cours secondaire quand il va à la banque, quand il va retirer de l'argent...

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Lauzière... M. Lauzière: Oui?

Le Président (M. Gobé): ...votre temps est maintenant écoulé. Si vous voulez conclure. Vous pourrez continuer la discussion en dialoguant avec...

M. Lauzière: Oui, je vous en prie. Je voudrais juste conclure rapidement...

Le Président (M. Gobé): Oui, oui.

M. Lauzière: ...si vous me donnez deux minutes, si vous me permettez, pour attirer l'attention juste sur la durée des mandats des D.G., des DSP et sur les états financiers. Les remarques qui sont là ne veulent que montrer dans quel sens il ne faut pas aller quand on veut réglementer davantage.

Le Président (M. Gobé): S'il y a consentement de part et d'autre, il n'y a pas de problème.

M. Lauzière: Bon, alors, j'arrive à la conclusion. Je pense que vous m'avez demandé d'aller à la conclusion. Je conclus de tout cet exercice que la seule façon d'éviter les effets pervers d'une réglementation ou d'une bureaucratisation inutile, je pense, c'est de revenir à ce sur quoi nous insistions en octobre 1992. Et, aussi curieux que cela puisse paraître au moment où je le dis, il me semble que quelques — au pluriel, cela va de soi — modifications sur le partage des responsabilités, sur la question du comité d'évaluation amélioreraient grandement, à notre sens, le projet de loi parce que, j'insiste, ce sont ces textes-là qui vont nous gouverner.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lauzière. Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je vous reconnais bien, M. Lauzière, à la lecture de ce document. Je ne peux pas dire que j'ai reconnu les collèges privés, mais je vous ai bien reconnu à la lecture de ce document. M. Lauzière, combien de membres avez-vous à l'Association des collèges privés du Québec.

M. Lauzière: Tous les collèges privés du Québec: 27.

Mme Robillard: Donc, 27 sont membres de l'Association.

M. Lauzière: Et 27, et non pas seulement M. Lauzière, ont écrit ce qu'ils ont écrit en octobre 1992.

Mme Robillard: Alors, pourriez-vous, pour le bénéfice des membres de cette commission, nous expliquer quel processus vous avez suivi auprès de vos 27 membres et est-ce que les 27 membres ont entériné ce texte que j'ai entre les mains? (11 h 50)

M. Lauzière: Le processus qui a été suivi est le suivant. Nous avons, en octobre 1992, déposé un texte qui justifie totalement chacune des remarques qui sont là. En octobre 1992. On n'a pas, donc, fait... On n'a pas, je ne dirai pas ni le temps ni les moyens, mais, enfin, en termes d'efficacité, comme ce qui a été proposé pour l'essentiel, parce qu'on sait que la loi 82 ne nous gouverne pas directement, mais le régime pédagogique qui en découle, donc, nous avons appliqué, et on a fait le test avec un certain nombre de consultations... On a tout simplement fait dériver... Je pense, par exemple, à la formation générale. On n'avait pas besoin, nous, dans le fond, de se répéter entre nous et de se reprêcher entre convertis que ça allait à rencontre directement de ce que nous demandions en octobre 1992, de voir défini ministériellement le contenu des cours de plus de la moitié de la formation générale. Ça, je vous garantis qu'on n'en avait pas besoin. Pour la commission d'évaluation, on avait fort insisté sur la suprême importance des résultats. Donc, toutes ces choses-là...

Mme Robillard: Alors, je vous interromps, M. Lauzière. Est-ce à dire que, pour la présentation d'aujourd'hui, vous n'êtes pas retourné auprès de vos 27 membres?

M. Lauzière: En assemblée générale, non. On ne réunit pas l'assemblée générale... C'est marqué: Notes pour le témoignage de M. Lauzière.

Mme Robillard: Est-ce que ce document a été entériné par l'exécutif de l'Association?

M. Lauzière: M. Guy Forgues qui est vice-président, ici...

Mme Robillard: Par l'ensemble des membres de l'exécutif de l'Association?

M. Lauzière: On n'a pas fait de réunion là-dessus.

Mme Robillard: Pas de réunion.

M. Lauzière: Pas de réunion là-dessus. Quand on fait un mémoire...

Mme Robillard: Parfait.

M. Lauzière: ...et que les gens pensent qu'il y a des choses qui découlent directement, on n'a pas besoin de se mettre à 27 pour faire ça.

Mme Robillard: Donc, le texte n'a pas été... C'est ce que je voulais savoir, au point de départ, M. Lauzière.

M. Lauzière: Tout à fait. Puisqu'il n'y a rien de nouveau par rapport à 1992, il n'y a pas eu de processus nouveau.

Mme Robillard: Donc, est-ce que c'est la position de M. Lauzière, ça?

M. Lauzière: C'est la position qui découle directement... Je comprends, madame, qu'il serait intéressant de diviser entre nous, mais c'est la position qui découle directement du mémoire, en 1992, qui a été adopté à l'unanimité. Et, il y a quelques mois, nous avions demandé que, pour les objectifs, pour les orientations, ce soit le ministre et que ce soient les institutions pour les contenus. Alors, dans le privé, on n'a pas cru bon de refaire l'exercice au complet pour dire la même chose en plus concret.

Mme Robillard: Oui. Alors, vous me permettrez de trouver dommage que les 27 collèges privés du Québec n'aient pas étudié dans le détail le renouveau collégial tel que déposé le 6 avril pour que j'aie la réaction de l'ensemble. Je comprends que vous vous reportez à votre mémoire de l'automne passé, mais, entre-temps, vous avez les intentions gouvernementales. Moi, je trouve ça dommage que l'ensemble des collèges privés ne l'ait pas étudié.

M. Lauzière: Je peux ajouter que nos directeurs des services pédagogiques l'ont fait pour le régime pédagogique et les remarques vont être acheminées.

Mme Robillard: Est-ce que je comprends... C'était une autre de mes questions. Vous indiquez: L'Association présentera au ministère, dans les jours qui viennent, suite à l'analyse faite par les directeurs des études, nos vues sur le régime des études.

M. Lauzière: Oui. Ils se sont réunis la semaine dernière. Ils ont même rencontré vos fonctionnaires pour avoir un certain nombre de réponses.

Mme Robillard: Donc, nous allons recevoir un autre document?

M. Lauzière: Oui, tout à fait.

Mme Robillard: Sur le régime des études.

M. Lauzière: Oui, parce que nous n avons pas été invités ici à ce titre, dans l'invitation que nous avons reçue.

Mme Robillard: M. Lauzière, dans votre présentation d'aujourd'hui, je ne vous ai pas entendu parler de façon spécifique de la mesure financière pour les étudiants, qui est une mesure que j'ai qualifiée de responsabilisante et incitative à la réussite. Je ne vous ai pas entendu sur comment on pourrait appliquer cette mesure-là dans le réseau privé.

M. Lauzière: Comment on pourrait appliquer cette mesure-là dans...

Mme Robillard: Dans le réseau privé.

M. Lauzière: Bien, elle s'applique déjà. Nous chargeons des frais de scolarité et c'est un incitatif remarquable pour éviter... Et ce n'est pas une question de niveau socio-économique, je préviens tout de suite, parce que ça se démontrerait assez rapidement. Nous exigeons déjà des frais de scolarité. Mais on n'a pas pensé, nous, à l'application, parce que, là où ça s'applique, c'est dans les collèges publics. C'est dans la loi 82, n'est-ce pas? Et ça ne gouverne pas directement les collèges privés. Mais, dans les collèges privés, on a...

Mme Robillard: Alors, que fait-on avec les étudiants du secteur privé qui accumulent un nombre important, élevé, d'échecs, 11, 12, 13, 15 échecs à leur bulletin scolaire? Que fait-on? Malgré le fait qu'il y ait des droits de scolarité, malgré le fait que l'article 33 soit bien dans le régime pédagogique actuel, que fait-on?

M. Lauzière: Dans les collèges... Je ne connais pas exactement ce qui se fait dans tous les collèges. Ce que je peux vous dire, cependant, c'est que le fait même d'exiger des frais de scolarité — c'était bien notre propos d'octobre — freine, a l'effet nettement accélérateur à puissance 2, si je puis dire, des frais de scolarité exigés après le cinquième échec. Parce que, quand quelqu'un s'implique, quand le parent paie ou l'étudiant lui-même, mais a fortiori quand c'est le parent aussi, il y a comme une conversation «pré-cinq échecs», disons. Mais, cela dit, chaque collège a ses dispositions là-dessus. Il y a des règlements dont je ne connais pas le contenu. Mais nous nous arrangeons avec ça et, le cas échéant, comme on peut soit augmenter, soit retarder, exactement comme ça existait dans les collèges publics... L'application de l'article 33 avait pour effet, entre autres, qu'un collège pouvait demander, exiger qu'un étudiant qu'on avait refusé de reprendre à temps plein soit repris à temps partiel pour une session, ce qui avait exactement l'effet qui sera celui des frais de scolarité du cinquième échec.

Mais, quand vous disiez, Mme la ministre, qu'on ne s'est pas prononcés sur ce qui arriverait dans les collèges privés, je pense avoir souligné assez nettement

que nous étions tout à fait d'accord avec cette mesure, en disant même que, pour nous, c'était un pas dans la bonne direction. On est tout à fait d'accord avec cette mesure-là.

Mme Robillard: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Très bien, merci, Mme la ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je suis surpris, cependant, qu'elle ne vous ait pas demandé si vous aviez consulté vos collèges pour savoir si, sur ce que vous dites sur la taxe à l'échec, vous étiez le porte-parole de tous les collèges. Ça m'étonne parce que, quand vous êtes en désaccord avec son projet, elle met en doute votre représentativité. Quand vous êtes en accord avec ses propositions, vous êtes donc représentatif de votre réseau! C'est un peu étonnant.

Ceci étant dit, M. Lauzière, si je vous comprends bien, à la fois concernant... Parce que vous avez un discours sur l'autonomie qui détonne avec celui de la Fédération des cégeps. On se demande si ça concerne le même projet. La Fédération des cégeps est venue nous dire qu'il y avait une marge d'autonomie accrue qui était consentie aux établissements dans ce projet-là. Vous, vous dites que c'est plutôt le contraire; en matière d'autonomie, on régresse, on recule. Alors, il y a quelque chose d'un peu curieux, deux réactions différentes face à la même proposition. Mais, quand je regarde ce que vous dites sur l'autonomie, aussi bien concernant la formation générale que concernant... Et, quand je regarde aussi ce que vous dites concernant l'évaluation, ça devrait être l'évaluation des résultats, l'évaluation des diplômés. Je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai l'impression que, pour vous, le concept de réseau n'a pas d'importance, pas beaucoup d'importance. Il faut quand même qu'il y ait un certain nombre d'éléments communs si on veut qu'il y ait un réseau de cégeps, et non pas tout simplement une addition d'établissements éparpillés sur le territoire. Je ne vois pas comment ce concept de réseau peut s'incarner, sinon par le biais d'une certaine formation de base commune aux établissements. est-ce que je comprends bien qu'en parlant de la formation commune vous dites qu'on va trop loin, que 50 % des cours de formation commune, dont les objectifs, les standards et les activités d'apprentissage sont déterminés par la ministre, pour vous, c'est trop? ce serait quoi, ce que vous souhaiteriez en cette matière?

M. Forgues (Guy): Ce qu'on soulève, c'est qu'il nous apparaît intéressant que le ministère s'assure d'objectifs et de standards communs au niveau de l'enseignement collégial, mais que les activités d'apprentissage pourraient être du ressort de chacun des établissements. Il faut s'entendre sur ce vers quoi doit concourir un étudiant ou une étudiante lorsqu'il commence, et surtout lorsqu'il termine son cours collégial. Les meilleures façons pour y parvenir, pour l'amener à rencontrer ces objectifs, ces standards-là, on pense que c'est d'abord une responsabilité d'établissement. Ça devrait être d'abord une responsabilité d'établissement.

M. Brassard: Alors, ce qui est prévu pour le deuxième bloc et les cours complémentaires, ce qui est prévu pour la formation technique, c'est-à-dire que les activités d'apprentissage relèvent des établissements, pour vous, ça devrait être général pour tous les blocs de formation. (12 heures)

M. Lauzière: C'est le cas de le dire, c'est le niveau du réseau. Il ne s'agit pas seulement d'un réseau, c'est un réseau d'institutions, de collèges. C'est un niveau préuniversitaire, c'est une filière préuniversitaire, autant général et techniques. C'est pour ça qu'il nous semble important de répéter, de redire ça. Les institutions, une fois évacués tous les pouvoirs qui s'y sont installés de l'extérieur d'une certaine façon — et Dieu sait que ce n'est pas que le pouvoir politique — il y a tout ce qu'il faut pour définir les activités d'apprentissage à un niveau supérieur d'enseignement, pensez donc! Et c'est ça qui respecte, justement, les enracinements propres, les cheminements propres, les ressources humaines qui sont là. Et c'est pour ça que je vous référais à ce qui se passe, je disais, au collège des arts libéraux. C'est la vie, c'est la santé quand ça se passe comme ça. Il faut, cependant — et l'autonomie n'est pas un alibi dans notre cas, Dieu sait — qu'il y ait des objectifs et des standards de définis. Mais l'ensemble des moyens... Je vais vous donner un exemple, les cours. Même quand on parle français, philo, c'est nominal ça. Ce qui est intéressant, c'est de voir dans une institution donnée comment on fait les combinaisons d'activités avec les ressources qui sont là en histoire, en politique, en philo.

M. Brassard: Enfin, convenez que ça peut avoir comme risque la dilution de la notion même de réseau.

M. Lauzière: Je ne le crois pas. Je réagis, je ne le crois pas, parce que, s'il était vrai... D'ailleurs, on l'a bien diagnostiqué, un des problèmes, c'est l'esprit de système, l'esprit de réseau, le mur à mur. Et, dans les conventions collectives et dans le reste, on sait que ce n'est pas bon. Et même, je dirais, des centrales syndicales en reviennent aujourd'hui et voient l'intérêt qu'il y a à composer plus sur le terrain un certain nombre de choses différentes. Parce que, dès que les objectifs... On se comprend bien, il ne s'agit pas que chaque collège subventionné comme les collèges privés ou totalement subventionné comme les collèges publics dise: Bon, un coup qu'on a l'argent, on fait ce qu'on veut. Bien non. On dit: II y a des objectifs et des standards. Ça va loin. Si objectifs veut dire plus qu'orientations, s'ils y a des objectifs de réseau ou de niveau, s'il y a même des standards pour la mesure de ces objectifs-là, je vous dis

qu on n est pas dans 1 anarchie totale, là, quand on dit qu'il faut que...

M. Brassard: Une autre question sur l'évaluation. Je ne veux pas prendre tout le temps, je veux laisser du temps à ma collègue. Sur l'évaluation, vous qualifiez la Commission de monstre bureaucratique et vous souhaitez seulement que l'évaluation ne porte que sur les diplômés, sur les résultats. C'est donc dire que, pour vous, il ne serait pas requis, utile ou pertinent d'évaluer les programmes, les établissements. Est-ce que vous ne craignez pas qu'en évaluant uniquement les résultats vous allez aboutir à ces espèces de tableaux d'honneur qu'on a vus parfois apparaître dans certaines revues? Et ça risque d'être assez malsain pour le réseau.

M. Lauzière: M. Brassard, je vous avouerai, mais là-dessus avec pondération, en mettant deux ou trois bouts de phrases entre guillemets, qu'il faut savoir que les «affreusetés», qu'on qualifie de telles, qui sont parues comme évaluation des institutions, peut-être pas complètes, peut-être qu'elles ne répondaient pas à toutes les règles de l'art, ça a été un très puissant stimulant pour aller du côté, par exemple, des indicateurs, et d'un certain nombre d'objets qui ont trait aux résultats. Ça a été de très bons stimulants. Alors, dans ce sens-là, je ne blâmerais pas trop... Maintenant, c'est un résultat, les palmarès, ce n'est pas ça qui est important; c'est l'idée que c'est l'évaluation des résultats. Et, là-dessus, c'est une question d'accent. Il est fortement mis, oui, mais il est étonnant, en tout cas...

Après tout ce qu'on sait, ce qu'on ne peut pas ne pas savoir parfois d'une certaine inutilité de l'évaluation des politiques, je pense qu'il serait mieux, qu'il est largement temps peut-être d'indiquer davantage l'importance qu'on met à l'évaluation des résultats. Et, je le dis, pour nous, ce n'est pas par voie d'exclusion, il n'y aurait que les résultats bruts, bruts, bruts et aucun examen quel qu'il soit. Mais, là, il y a un accent très fort de mis. Si on regarde l'article «mission et pouvoirs» de la commission d'évaluation, le moins qu'on puisse dire c'est qu'un accent très fort est mis sur la revue et l'examen de la mise en application des politiques une par une. Ce qui n'est pas... Qu'un collège se donne des politiques, écoutez un peu, nous le prêchons et nous sommes tout à fait d'accord avec ça. C'est tout autre chose; il peut y avoir des politiques différentes et vous savez comme moi qu'il n'y a pas toujours, c'est le moins qu'on puisse dire, une adéquation entre le nombre de papiers qui s'appellent politiques et l'efficacité des résultats.

M. Brassard: Ça va, pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Ça va pour le moment, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Moi, ça va. Ma collègue de Terre- bonne aura...

Le Président (M. Gobé): O.K. Il vous reste 11 minutes après.

M. Brassard: Parfait.

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui désireraient poser des questions? Non. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense que c'est important, la distinction que vous faites lorsque vous dites qu'il y a une différence entre les intentions et la loi et les règlements, qu'il faut évidemment se baser sur la loi, sur les règlements, et non seulement sur les intentions et sur les orientations qui sont présentées. Contrairement à la Fédération des cégeps, vous dites qu'effectivement il y a moins d'autonomie et que ce qui avait été réclamé par l'ensemble des cégeps et des collèges privés, c'était davantage d'autonomie. Vous avez donné des exemples au niveau des cours. Vous avez donné aussi, très brièvement, à la fin — vous n'avez pas pu vraiment développer — d'autres exemples concernant les états financiers, concernant la durée du mandat du directeur général, les budgets des corporations de services. Est-ce que vous pouvez — puisque vous n'avez pas eu le temps d'élaborer tantôt — expliciter davantage ces points-là?

M. Lauzière: Oui. C'est quelques exemples, dans le fond — et vous devez savoir que ça ne nous lie pas, les collèges privés; donc, je ne voulais pas faire un énoncé très long là-dessus — qui soulèvent des questions qui vont toujours dans le même temps. Pourquoi un pas de plus? Par exemple, quelles études, quelles observations a-t-on pu faire que, après 10 ans, un DSP, un D.G. serait moins bon? Pourquoi ne pas laisser ça aux collèges, à l'institution? On dit: Préuniversitaire, adultes. Pourquoi ils ne seraient pas capables, entre adultes consentants, de définir ça, de dire: Oui, un troisième, quatrième mandat. Parce que, si c'était vrai, comme je vous dis, on va le faire pour les autres personnels. Je ne sais pas où on va s'arrêter. Je comprends qu'il y a une difficulté. Mais je trouve que parfois un remède crée une difficulté plus grande et un petit peu moins d'espace de liberté. Je pense qu'il faudrait enlever ça.

Pour les états financiers, nous sommes tout à fait — à 102 milles à l'heure — d'accord pour toute reddition de comptes sur l'utilisation de fonds publics. Mais, là, il s'agit de fonds privés. Ils doivent même soumettre leur budget, si je comprends bien. Même chose pour le budget des corporations. Il y a déjà quatre moyens plutôt qu'un pour vérifier ce qui est fait avec cet argent-là. Alors, pourquoi demander de déposer un budget pour ces... Il n'y a pas de péché mortel là-dedans. Il n'y a pas de choses très graves, mais c'est des choses qui, lorsqu'elles sont additionnées, montrent qu'il y a une tendance contre laquelle il faut aller. Et vous le savez, nous

le savons, les fonctionnaires, les ministères — et à cet égard, on n'est pas exempt de tout péché là-dessus — leur tendance, c'est toujours de dire: II s'est posé un problème, on met un point, on met des choses, ça crée un autre problème et, finalement, ça fait un...

Mme Caron: Je voudrais revenir aux frais de scolarité. Dans les collèges privés, est-ce que vous pouvez nous dire si le pourcentage de jeunes qui ont plus de cinq échecs est sensiblement le même que celui qu'on retrouve au niveau des cégeps?

M. Lauzière: Je ne le crois pas, mais je ne connais pas le pourcentage exact. Peut-être que mon collègue le connaît. Je sais qu'il est nettement plus bas, mais pour les raisons obvies dont je vous parlais tout à l'heure. C'est que le seul fait de devoir contribuer, ou pour le parent ou pour l'étudiant lui-même, de s'impliquer financièrement, pas si fortement que ça, parce qu'il y a tout un mythe qui court là-dessus. On sait très bien que, dans l'ensemble des écoles secondaires privées du Québec, c'est de l'ordre de 1000 $ ou 1100 $ et peut-être de 1300 $, 1400 $ au collégial. Quand on regarde les dépenses qui se font tous azimuts, on sait très bien que ce n'est pas si énorme. Mais, cela dit, le seul fait des frais de scolarité... Et c'était la prétention de notre mémoire, en octobre 1992, pas rédigé de la même façon, mais qu'une implication financière, quelle qu'elle soit, si je puis dire, de l'étudiant, je pense, aurait un effet accélérateur. Mais, cela dit, le choix gouvernemental a été fait: la gratuité scolaire demeure et un incitatif; on ne peut pas être contre ça.

Mme Caron: Vous comprendrez, M. Lauzière, qu'il m'apparaît extrêmement important d'avoir une précision là-dessus. La ministre, tantôt, faisait référence à 11, 12, 13 échecs possiblement qu'on pouvait retrouver, parfois. Je pense que ça serait important d'avoir des chiffres de votre côté et de savoir aussi, parce que vous avez déploré la disparition de l'article 33 qui était effectivement une mesure qui ne s'appuyait pas uniquement sur la capacité de payer... Ce qu'on retrouve avec ce qu'on a qualifié depuis le début de «taxe à l'échec», c'est évidemment une taxe qui est apportée à l'étudiant. Donc, on se base uniquement sur la capacité de payer du jeune. Celui qui est capable de payer, il peut continuer, alors que l'article 33 était beaucoup plus au niveau pédagogique aussi. Est-ce qu'à votre connaissance cet article 33, dont vous déplorez la disparition, a été utilisé dans votre réseau? Très fréquemment ou... (12 h 10)

M. Forgues: oui. tous les collèges actuellement suivent le régime pédagogique. une des dispositions de ce régime-là, c'est l'article 33, et tous les collèges ont des politiques de réadmission des étudiants qui ne réussissent pas 50 % de leur charge d'études. la question qu'on a soulevée concernant l'article 33, c'était de dire: le fait que ça n'apparaisse plus maintenant dans le régime des études, est-ce que ça vient nier la possibilité pour un collège de gérer ces réadmissions? Si les gens nous disent: Non, l'article 33, de fait, n'était qu'un incitatif, ça ne vous obligeait pas, et le fait que, maintenant, l'article 33 ne soit plus là, ça ne vous empêche pas de..., nous, on se contente très bien de ça.

Mme Caron: Mais avez-vous des données sur...

M. Forgues: Effectivement, on est tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il n'y a pas que sur l'aspect financier qu'il faut que le dossier des admissions et des réadmissions des élèves se gère. Il y a, effectivement, beaucoup d'implications au niveau pédagogique. Et, dans tous les collèges, l'article 33 s'applique.

Maintenant, si vous me demandez si on a des études statistiques concernant le nombre d'élèves, par exemple sur le nombre d'échecs au niveau collégial, on peut vous dire que les études qu'on a regardées font que les indices de performance des collèges montrent que les élèves du secteur privé, normalement, réussissent plus rapidement. Ils sont diplômés en plus grand nombre qu'au niveau des collèges publics. Or, une des grandes différences qui existent entre les collèges privés et les collèges publics, c'est les frais de scolarité.

Mme Caron: Et la grande différence qui existe, c'est évidemment au niveau de la sélection et au niveau des choix aussi qui peuvent se faire.

M. Forgues: Madame, pas du tout.

M. Lauzière: Au collégial, madame, vous savez comme moi, et je pense que ce n'est mis en doute par personne, qu'il y a des collèges publics, par exemple, qui sélectionnent plus que le collège dont je suis directeur, qui est supposé être un collège de riches, qui est Brébeuf. Alors, c'est-à-dire qu'il y a des mythes qui courent là-dessus.

Mais, pour la question de l'article 33, je vais vous poser une question. D'avis juridique, enfin, je n'en ai pas. Je ne peux pas affirmer que la disparition de l'article 33 empêche de, mais c'est une question que j'aimerais voir clarifiée. C'est pour ça que je le dis comme tel dans le texte. C'est vraiment une question qui mérite d'être clarifiée. Et il a été utilisé. Il a été utilisé dans les collèges publics et, je le disais, à plusieurs... J'ai déjà été dans un collège public et nous l'utilisions, et c'était excellent.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Mme la ministre, un mot de conclusion?

Mme Robillard: Merci, M. Lauzière, et j'ai hâte de recevoir le texte de vos directeurs des études parce que, qu'on s'entende bien, je pense que, dans le renouveau collégial, les collèges privés sont surtout visés et

par la commission d'évaluation — vous avez jugé que c'est un mille-pattes — et par le régime des études. Alors, ça serait très, très, très important, à court terme, que vous me déposiez votre opinion sur le régime des études.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Lac-Saint-Jean, un mot de remerciement?

M. Brassard: Oui. Merci beaucoup d'être venus et de contribuer aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. Merci, madame. M. Lauzière, M. Forgues, merci beaucoup. Ceci met fin à nos travaux pour cette matinée. Alors, je vais donc suspendre les travaux à cet après-midi, 15 heures. La commission est suspendue.

(Suspension de la séance à 12 h 14)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture... de l'éducation — excusez-moi, j'étais dans une autre commission — va maintenant entreprendre ses travaux. Je vous rappellerai le mandat de notre commission aujourd'hui et pour les jours qui suivent. Alors, notre mandat est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi 82, intitulé Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives.

Alors, nous allons débuter notre travail de cet après-midi par l'audition des représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Par la suite, nous entendrons les représentants de la Chambre de commerce du Québec et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et, à 17 heures, les représentants de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; et nous suspendrons à 18 heures pour le souper.

Alors, sans plus attendre, les représentants de la Confédération des syndicats nationaux sont priés de bien vouloir venir prendre place en avant et de s'y installer. Et j'en profiterai pour rappeler brièvement les mesures qui régissent les temps de parole. Alors, une période de temps d'une heure, 60 minutes, est allouée pour l'ensemble du débat et se répartit de la façon suivante: 20 minutes pour les témoins ou le groupe qui présente son mémoire, afin de l'expliquer et de le présenter aux parlementaires; par la suite, une période de temps de 40 minutes, réparties également entre le gouvernement et l'Opposition, afin de discuter avec les représentants de ce groupe. Et je précise que les temps de réponse des gens du groupe sont inclus dans les 20 minutes utilisées, à ce moment-là, par le parlementaire ou par le ministre. Cela, donc, je pense, est adopté par tout le monde comme comportement, comme application. Et je demanderai donc aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir présenter leur porte-parole et les gens qui l'accompagnent.

Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec (FNEEQ) et

Fédération des employées et employés des services publics (FEESP)

M. Larose (Gerald): Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs et mesdames de la deputation, je vous présente, à ma gauche, le président de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, affiliée à la CSN, M. Denis Choinière; le responsable des communications pour le secteur de l'éducation, M. Marc Laforge. À ma droite, de la Fédération des employées et employés des services publics, représentant le secteur des employés de soutien dans le réseau scolaire et le réseau des cégeps, M. Magella Poirier, et le secrétaire général de cette Fédération, M. François Juneau.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez maintenant commencer votre présentation.

M. Larose: Alors, on peut ne pas partager toutes les opinions de la CSN, mais je pense que personne ne conteste son caractère représentatif dans le monde du travail, plus particulièrement dans le secteur de l'enseignement, particulièrement au niveau des cégeps, tant chez les professeurs que chez les employés de soutien. Et, à ce chapitre, notre organisation — je pense qu'on a eu l'occasion de vous le souligner — s'est livrée dans les dernières années à un travail en profondeur d'analyse, d'articulation de plates-formes en même temps que de consultation des membres, de débats larges. Et le dépôt d'un projet de réforme a été une occasion supplémentaire de faire le tour de toute cette question.

Pour la CSN comme pour bon nombre de groupes dans la société, l'éducation est le premier lieu d'investissement pour une société, plus particulièrement pour une société telle que la nôtre. Je rappellerai que, dans le monde arabe, les Palestiniens, pour survivre, investissent d'abord dans l'éducation, que les Israéliens, de la même façon, pour survivre, investissent aussi dans l'éducation et, pour combattre les Palestiniens, ferment les universités et les écoles. Ça demeure un lieu stratégique du développement des peuples. Notre propre histoire canadienne nous a révélé comment il était important de fermer les écoles dans l'Ouest si on voulait rapidement exercer une certaine hégémonie.

Les défis dans le secteur de l'éducation pour les années qui viennent sont de taille. On peut les rappeler, soit: de rehausser la scolarisation, de combattre l'abandon, d'intégrer les clientèles nouvelles. Tout le secteur de l'éducation des adultes prend une importance capitale. Bref, il y a des défis colossaux à relever. Ça suppose la mobilisation et la mise à contribution de tous les personnels, mais aussi ça suppose de nouveaux investis-

sements, des ressources additionnelles.

Je vais commenter le projet sous trois aspects. Le président de la fédération des enseignants commentera un certain nombre d'autres sujets, de même que Magella Poirier pour les employés de soutien.

Le premier — et je veux être clair — toutes les mesures que recèle la réforme visant à accorder moins de place au personnel, moins de poids dans les consultations ou les lieux de décision, où on vise à les soumettre davantage aux directions pour qu'en bout de ligne ils se sentent moins responsabilisés sont des propositions qui sont à contre-courant, qui sont contre-productives, probureaucratiques, prohiérarchiques. C'est une fausse facilité de croire qu'en centralisant un certain nombre de décisions on va rehausser la performance des institutions. La CSN propose, dans tous les secteurs de l'activité humaine, la débureaucratisation des activités et la démocratisation de ces mêmes activités. On va toujours viser l'aplatissement des pyramides, la réduction de la course à parcourir entre le constat et la décision à prendre. On va toujours faire des propositions pour que, globalement, la part des ressources accordée aux services directs à la clientèle à desservir soit toujours plus grande par rapport à celle qui devrait servir à l'encadrement de la prestation des services. C'est le premier point.

Le deuxième point, c'est concernant l'accessibilité. On ne reviendra pas sur le rôle capital que la création des cégeps a joué dans la démocratisation de l'éducation supérieure, mais, même si on peut constater, encore aujourd'hui, qu'il y a un déficit en termes de scolarisation pour la jeunesse québécoise comparativement aux autres provinces et à d'autres sociétés, à nôtre avis, il faut toujours plus favoriser le développement de mesures de support, d'encadrement et de stimulation pour favoriser non seulement l'accès, mais le maintien aux études de la jeunesse québécoise. (15 h 20)

Là-dessus, quatre points. D'abord, nous exprimons notre accord total à la mise en place des sessions d'accueil et d'intégration. Nous pensons que la réussite est liée très souvent aux premiers succès connus quand on entre dans le réseau. C'est le premier point. Deuxièmement, nous pensons qu'il faut combattre ce sentiment largement répandu, qui correspond vraisemblablement à la réalité, qu'ont les étudiants d'être laissés à eux-mêmes ou d'être dans un réseau essentiellement composé d'une activité où on donne des cours. Et, donc, ils voudraient se sentir plus encadrés, plus stimulés. Là-dessus, nous sommes d'avis qu'il faudrait réviser les tâches et surtout trouver une organisation du travail qui implique tous les personnels. Toujours au chapitre de l'accessibilité, le troisième point: une attention particulière aux passerelles entre le niveau secondaire et le niveau des cégeps. Nous sommes d'accord avec le rehaussement des exigences, mais il faut prêter une attention très vigilante pour faire en sorte que, dans ce passage, on n'en laisse pas sur le carreau; donc, des activités d'encadrement et de support au niveau du secondaire pour permettre, précisément, le passage au niveau des cégeps. On ne veut surtout pas deux types de diplômes ou un type de diplôme guillotine qui ferait en sorte que ça fermerait la porte à l'entrée des cégeps. Quatrième élément au niveau de l'accessibilité, c'est concernant les frais. On ne sait plus comment les appeler — modérateurs, orienteurs, accélérateurs — mais ils vont tous dans la même direction, de toute façon: c'est de trouver une porte de sortie pour une certaine catégorie de population. Nous sommes royalement contre. Ce sont des économies de bouts de chandelle qui vont générer des coûts sociaux plus exorbitants. Là-dessus, une approche comptable est invariablement une approche qui nous mène à une catastrophe.

Le troisième point sur lequel je veux apporter un commentaire, c'est sur l'éducation des adultes. On sait que cette clientèle est appelée à s'accroître à l'intérieur du réseau et on sait que l'évolution du marché du travail nous oblige à développer une interaction beaucoup plus serrée entre les institutions d'enseignement et les milieux de travail. Trois remarques à ce chapitre. D'abord, une stratégie de reconnaissance des acquis. Il faut mettre en place un dispositif souple et simple qui permette de reconnaître rapidement les acquis; 40 % de cette clientèle disent qu'on n'en a pas du tout tenu compte pour l'évaluation de leur propre admission. Deuxièmement, il faut trouver le moyen d'introduire une certaine flexibilité dans les parcours pour faire en sorte que les individus aux expériences ou à la formation très précises puissent aller plus vite ou avoir un format qui leur convienne davantage. Troisième élément, il est évident que, avec la place que ça va prendre dans le futur, ce secteur de l'éducation devrait connaître une stabilisation au niveau de ses ressources. On sait que pratiquement la totalité du personnel enseignant a un statut précaire; 35 % du personnel de soutien ont aussi un statut précaire.

Alors, à la fois sur l'accessibilité, la formation des adultes et la place que les personnels doivent occuper dans les cégeps, ça résume le commentaire d'introduction que j'ai fait, et je demande à Denis de compléter pour sa Fédération. Denis Choinière.

Le Président (M. Gobé): M. Choinière, vous avez la parole.

M. Choinière (Denis): Bonjour. Nous ne le répéterons jamais assez, l'avenir des cégeps est indissociable de l'implication des profs et de leur syndicat. Ceci est d'autant plus important que la réforme s'inscrit dans une politique plus large de décentralisation et propose d'accorder aux collèges des pouvoirs accrus. Les profs sont au coeur du processus éducatif. Se passer de leur compétence et de leur expérience serait priver le réseau des cégeps et la société québécoise d'une expertise indispensable. Leur autonomie professionnelle et leurs responsabilités doivent être reconnues. Une réforme basée sur le renforcement des gestionnaires et sur la mise à l'écart des profs est vouée à l'échec et nuirait au développe-

ment de la qualité de la formation. Bref, une participation indispensable des profs.

Mais qu'en est-il dans la réforme proposée? Premièrement, la commission des études. Ce changement a comme effet de contourner la représentation syndicale. Pour nos membres, la commission pédagogique a fait ses preuves. Si elle doit être remplacée par une commission des études, celle-ci doit être formée selon les mêmes modalités que la commission pédagogique et ses mandats doivent couvrir nommément ceux dévolus à cette dernière, c'est-à-dire toute la question de l'organisation de l'enseignement et du développement de la vie pédagogique.

Deuxièmement, la mise à l'écart des profs de la révision des programmes. Il est fondamental que les personnes devant dispenser un enseignement soient consultées, tant au niveau national qu'au niveau local, sur le contenu des programmes. C'est pourquoi nous voulons maintenir les coordinations provinciales et nous revendiquons la mise sur pied de tables nationales de coordination des programmes regroupant une ou un représentant de chacune des disciplines concernées.

Troisièmement, la diminution du nombre et l'exclusion des débats des profs du conseil d'administration, c'est une façon d'occulter les points de vue des enseignantes et des enseignants. Nous nous opposons à ces modifications.

Quatrièmement, l'introduction de nouveaux pouvoirs à l'article 18.02. Nous nous inquiétons vivement des impacts de cet article sur les conditions de travail et sur la possible restriction du champ du négociable. En conséquence, nous demandons que cet article soit précisé ou retiré.

Cinquièmement, le perfectionnement. Celui-ci et le recyclage sont essentiels à une démarche centrée sur la qualité de l'enseignement. Pour nos membres, l'enjeu actuel concerne le montant alloué et une gestion paritaire des politiques de perfectionnement, ainsi que des enveloppes distinctes par catégorie de personnel.

Abordons maintenant la question de la formation. Une discipline permet d'appréhender la réalité en fonction d'un aspect spécifique. C'est une division nécessaire du savoir, tant du point de vue pédagogique que du point de vue méthodologique. Le maintien de la notion de discipline reste donc fondamental en enseignement supérieur. C'est pourquoi nous voulons que tous les cours, y compris ceux du bloc 3, soient rattachés à des disciplines.

Un aspect intéressant de la réforme est l'augmentation du nombre d'unités en langue d'enseignement et en littérature, ce qui permettra de mieux encadrer les élèves. Pour nous, un accent particulier devra être mis sur la littérature. En ce qui a trait aux cours de langue seconde, compte tenu de la formation antérieure, l'ajout d'un seul cours au collégial serait suffisant afin de permettre une formation plus diversifiée sur le plan littéraire et culturel. Sur les 200 mémoires présentés en commission parlementaire cet automne, 10 seulement préconisaient la diminution du nombre de cours en éducation physique. Nous croyons nécessaire et justifié que soient maintenus les quatre cours d'éducation physique, car c'est à cet âge que les jeunes prennent conscience de l'importance de bonnes habitudes de vie.

L'enseignement de la philosophie vise à former l'élève en développant l'argumentation, le raisonnement logique, l'esprit critique, l'ouverture au monde. Cette formation s'inscrit dans un cheminement à l'intérieur de chacune des sessions. En ce sens, il est nécessaire de maintenir quatre cours de philosophie, ou d'«humanities» pour les cégeps anglophones.

Il demeure capital que les enseignantes et les enseignants continuent d'être associés par leur département et leur coordination provinciale à l'établissement des objectifs, des standards et des apprentissages pour tous les cours, ce qui est loin d'être explicite dans l'énoncé de politique.

Nous partageons vivement l'objectif de valoriser la formation professionnelle. Pour ce faire, cette formation doit être accessible et de qualité. En conséquence, l'établissement de la carte des programmes et la réduction de leur nombre ne doivent pas se réduire à un jugement de nature administrative, en fonction d'un seuil de viabilité appliqué de façon mécanique. Il faut tenir compte de la diversité des besoins régionaux.

Afin de ne pas créer de disparité entre les mêmes programmes dispensés dans plusieurs établissements, de permettre le transfert d'un élève d'un collège à l'autre, de permettre la mise sur pied de passerelles entre le cégep et l'université, nous proposons que le pourcentage de cours déterminés par le ministère soit d'au moins 50 %, tant pour la formation professionnelle que pour la formation préuniversitaire. Quant à la modulation du D.E.C. technique proposé, nous insistons pour que la formation générale s'inscrive de manière mieux articulée dans les programmes de formation technique, jusqu'à l'obtention du D.E.C, mais nous nous opposons fermement à ce que la mise en place de séquences ou modules pour les jeunes fasse l'objet d'une certification qui aurait comme conséquence de faire quitter aux jeunes l'école. (15 h 30)

Quant aux cours professionnels et préuniversitaires déterminés localement, ils doivent être choisis dans une banque de cours déterminés par le ministère, dont la pondération est précisée. Les département doivent demeurer pleinement responsables de la définition des objectifs, de l'application des méthodes pédagogiques et de l'établissement des modes d'évaluation spécifiques à chacun des cours.

L'ajout d'unités dans certains programmes préuniversitaires constitue une étape intéressante pour des programmes préuniversitaires de poids équivalent. Il est nécessaire que soient bien identifiés les objectifs de formation entre les niveaux collégial et universitaire de manière à permettre une meilleure harmonisation et à éviter des chevauchements inutiles, tout en respectant une relative autonomie des ordres d'enseignement.

En conclusion, nous tenons à souligner que dès 1988 nous proposions un large débat sur l'ensemble du

système d'éducation au Québec. Ce projet qui se trouve maintenant devant nous contient certains éléments positifs. D'autres n'obtiennent pas notre accord, comme, par exemple, l'évacuation des profs des lieux de décision et de consultation; le manque de ressources, surtout pour le nécessaire encadrement pédagogique des élèves; la possibilité pour les collèges de déterminer les contenus des cours et des pondérations, d'émettre leurs propres diplômes et ainsi d'entrer dans une compétition entre eux, entre chacun d'eux, par exemple, avec l'introduction de frais de scolarité.

Ceci ne veut absolument pas signifier que nous ne voulons pas de changements. Nous croyons profondément que certains de ceux proposés ne permettent pas, dans les prochaines années, de relever les principaux défis du système d'éducation au Québec. Et Gérald en a nommé quelques-uns que je prends la peine de répéter: rehausser le niveau de scolarisation, combattre les abandons et les échecs scolaires, intégrer les nouvelles populations, développer l'éducation des adultes et la formation continue. Nous serons toujours prêts à discuter et à mettre en place des changements qui, concrètement, relèveront ces défis. Selon nous, la réforme, telle que proposée, ne permet pas de le faire. C'est le message clair que nos membres m'ont demandé de vous transmettre.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Choi-nière. C'est là tout le temps qui vous était imparti.

M. Larose: Si vous permettez, il y aurait aussi une petite contribution des employés de soutien. Malheureusement, on n'en parle pas beaucoup dans la réforme, et je tiendrais à ce qu'on...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. Larose. Alors, je. pense qu'en effet on peut leur donner peut-être trois, quatre, cinq minutes, quelque chose comme ça. Deux minutes? Alors, allez-y.

M. Poirier (Magella): Alors, Mme la ministre, le message que je viens vous livrer aujourd'hui, eh bien, c'est un message de quelque 4000 employés de soutien qui travaillent dans les collèges au Québec, parce que nous sommes, encore une fois, les grands oubliés du système, et toutes les discussions qui entourent ce débat l'ont démontré amplement jusqu'à présent. Pourtant, on l'a répété à plusieurs reprises, et je viens vous le répéter aussi, notre travail est essentiel à l'apprentissage des élèves.

Vous dites que le renouveau proposé doit progressivement devenir celui des acteurs de première ligne — eh bien, on en est, des acteurs des première ligne; on est en direct avec les élèves — et susciter dès lors leur adhésion et leur entendement. Dans ce cadre, comment peut-on adhérer à un renouveau alors que la nouvelle commission des études, telle que proposée, ne nous fait aucune place? On voit là un exemple de non-reconnaissance de notre travail au niveau de la commission des études.

Pour ce qui est de la diminution du nombre des membres du personnel au conseil d'administration, bien, ça nous inquiète drôlement parce que rien ne nous indique que, dans le projet de loi actuel, il y a une place pour nous. J'aimerais savoir si c'est oui qu'on veut nous écarter des centres de discussion. Si c'est non, bien, j'aimerais qu'on nous dise où est notre place à ce niveau-là.

On avait mentionné dans notre mémoire, l'automne dernier, la nécessité que la formation soit adéquate afin de répondre aux nouvelles exigences du travail, et qu'en conséquence les budgets au niveau de la formation soient augmentés. Alors, dans le projet, vous ne faites mention que du transfert aux collèges des sommes allouées au perfectionnement. Aucune augmentation. Pour nous, ce n'est pas suffisant. .

Quant à la question du développement des ressources humaines qui doit être au centre du renouveau, tel que mentionné dans votre document «Des collèges pour le Québec du XXIe siècle», il est urgent que celui-ci implique la création d'un cadre d'activité qui permettra au personnel de s'intéresser, de participer à la réalisation des objectifs et à la solution des problèmes et de tirer satisfaction de son travail. Les cégeps doivent offrir un milieu stimulant qui soit un endroit de développement où chaque employé et élève peut se réaliser par un travail valorisant.

J'espère, Mme la ministre, que vous tiendrez compte de nos préoccupations et que votre projet sera modifié en conséquence. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Poirier. Merci, M. Larose et M. Choinière. Mme la ministre, vous avez donc maintenant votre temps de parole pour 20 minutes.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier les représentants de la CSN d'être venus à nouveau devant cette commission parlementaire, et je vois que vous avez fait un exercice de réflexion qui vous amène à conclure sur certains éléments que vous jugez positifs, sur d'autres où vous avez des réserves et sur d'autres que vous rejetez complètement. Donc, je reçois votre analyse d'une façon nuancée, et je retiens les propos de M. Choinière au niveau de sa conclusion, où il conclut aussi qu'il y a une nécessité de changement. C'est bien ce qu'il a dit, bien qu'il se positionne, par rapport à certains éléments de changement, pour ou contre, dépendamment du jugement qu'on en fait. Alors, le temps d'échange va peut-être permettre de préciser certaines de vos inquiétudes ou interrogations, ou, en tout cas, que je comprenne davantage le point de vue qui est apporté par la CSN.

D'abord, M. Larose, vous avez dit très clairement au point de départ que vous étiez en accord avec certains éléments du renouveau collégial qui favorisent la réussite des études. Comme exemple, vous avez donné les sessions d'accueil et d'intégration. Mais vous avez parlé aussi des seuils d'admission, de la précision des

seuils d'admission. Et je lis bien, à la page 19 de votre mémoire, que vous nous dites que «l'idée d'harmoniser et d'augmenter les exigences d'admissibilité aux études collégiales se justifie mais avec prudence». Et là vous nous parlez des écarts entre ceux qui détiennent 130 unités et d'autres 180 et des problématiques que ça occasionne. Pourriez-vous être plus explicite concernant cette idée? Parce que, vous le savez très bien, dans le renouveau, les seuils sont précisés. Est-ce que vous êtes en accord ou non avec les seuils qui sont précisés? Sinon, qu'est-ce que vous suggérez? Parce que vous dites: Oui, il faut rehausser les exigences, mais avec prudence. J'aimerais ça vous entendre davantage sur cette question.

M. Larose: Nous, on craint beaucoup qu'on n'en arrive à des exigences à deux vitesses, c'est-à-dire qu'on relève les exigences d'entrée dans les cégeps, ce qui, dans les faits, laisserait sur le carreau tout un type de clientèle. Quand on regarde derrière ce type de clientèle, les origines de cette clientèle, on sait déjà qui n'ira pas au cégep. Parce qu'on a connu ça, dans le passé, dans d'autres structurations d'éducation. Donc, ce qu'on dit: Oui, il faut voir au relèvement de la qualification pour entrer au cégep, mais, pour une certaine catégorie de cette population, il faut développer des stratégies de support pour faire en sorte qu'elle puisse également se qualifier.

Alors, je demanderais peut-être à Denis de donner les précisions, parce que le débat s'est surtout fait dans son secteur quant aux unités, là. Mais, nous, à la CSN, ce qu'on vise, c'est que le régime soit un régime démocratique au sens où il appartient au réseau de développer les mécanismes et les supports pour permettre au maximum de personnes de pouvoir avoir accès au cégep, et non pas qu'il y ait un marqueur de type social qui ferait que, pour ceux qui passent par la filière, notamment, de la formation professionnelle, bien, automatiquement, dans les faits, ça s'arrêterait là. Ils sont diplômés, mais avec une guillotine, c'est-à-dire qu'ils ne passeront jamais au niveau des cégeps. Alors, ça, pour nous, ça serait grave comme régime.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Choinière.

M. Choinière: Donc, en complément et en résumé, nous sommes d'accord pour le rehaussement des exigences du secondaire, mais ceci doit se concrétiser par un seul D.E.C., un seul D.E.S., pas deux D.E.S., tel que proposé. Il s'agit de faire en sorte que tout le monde ait les mêmes exigences pour obtenir un D.E.S., et que ça soit la seule condition d'entrée au cégep, et prendre le temps nécessaire, dans un calendrier d'application, pour obtenir cette hausse des qualifications, et donner les appuis nécessaires au secondaire pour permettre aux gens du secondaire d'atteindre des nouveaux objectifs, et donner aussi les ressources nécessaires au collégial dans la période d'adaptation. (15 h 40)

Mme Robillard: M. Choinière, est-ce que vous êtes allé plus loin dans la réflexion? Comment on fait ça? Vous dites: Oui, rehausser les exigences, et là, si je comprends bien, vous voulez qu'on axe plus sur la sanction des études du secondaire. Un seul D.E.S., dites-vous. Mais, dans cette sanction des études, à ce moment-là, quelles sont les matières que vous jugez essentielles? Et n'oublions pas l'objectif: c'est qu'on veut que ces jeunes soient mieux préparés à réussir au collégial. Êtes-vous allé plus loin dans la réflexion que seulement dire ça, là, que vous voulez seulement un D.E.S.?

M. Choinière: Nous sommes d'accord avec les matières et disciplines proposées dans votre projet d'énoncé de politique, mais nous devons le faire dans les contraintes et de la façon dont je viens de l'expliquer il y a quelques minutes: prendre le temps pour que les étudiants au secondaire atteignent ces objectifs-là, mettre les ressources nécessaires, n'avoir qu'un seul D.E.S. et donner au collégial la possibilité de donner les cours d'appoint pendant toute la période d'adaptation, mais avec les matières telles que proposées.

Mme Robillard: Bon! Parfait! Alors, ça, c'est plus clair. Merci, M. Choinière. Si nous parlions un peu ensemble de la formation technique. D'abord, vous le savez, par différentes mesures dans le renouveau collégial, nous décentralisons une plus grande responsabilité académique vers les professeurs des collèges. Cette fois-ci, dans la formation technique, vous me dites très clairement: Mme la ministre, ne décentralisez pas 100 % des responsabilités académiques aux professeurs pour fixer les activités d'apprentissage, décentralisez-en seulement à 50 %, gardez 50 % au plan provincial. Est-ce que je comprends bien, là? Est-ce que c'est ça? Et qu'est-ce qui justifie votre prise de position sur ce manque de décentralisation?

M. Choinière: Actuellement, c'est 75 % déterminés par le ministère et 25 % par le collège. En proposant au moins 50 %, comme dans la formation préuniversitaire, mais aussi pour la formation professionnelle, on agrandit la marge de manoeuvre des collèges. Donc, on fait droit un peu à ce qui est proposé dans l'énoncé de politique. Par contre, pour nous, ce n'est pas un ensemble de collèges, le réseau collégial; c'est un réseau collégial, et on doit garder un enseignement professionnel de réseau. Comme je l'indiquais dans ma présentation, pour éviter des disparités entre les différents programmes dispensés dans plusieurs établissements, pour permettre le transfert, par exemple, d'un élève d'un région à l'autre, pour permettre un meilleur passage entre le professionnel collégial et l'université, on estime qu'il doit y avoir une certaine uniformité et on pense que, par les 50 %, c'est une bonne façon d'atteindre à la fois les deux objectifs: une certaine souplesse pour le collège, mais en maintenant aussi un certain encadrement pour que le réseau collégial et les différents pro-

grammes dans les différents établissements aient une dimension uniforme.

Ensuite, j'aimerais aussi répondre par rapport aux professeurs parce que, d'après nous, on ne comprend pas du tout l'énoncé de politique de la même façon. Je ne pense pas que les responsabilités sont décentralisées vers les professeurs; elles sont décentralisées vers les collèges. Ce n'est pas du tout la même chose. Et, dans votre proposition, vous confiez à une nouvelle commission des études le rôle de déterminer ces questions-là. Et, sur cette commission des études là, par une réponse, ce matin, de votre part, à la Fédération des cégeps, il était très clair que la grande différence entre ce qui existe aujourd'hui et la nouvelle proposition, c'est que le collège doit déterminer les personnes qu'il veut bien mettre dessus. Donc, pour nous, ce n'est pas un transfert aux profs. Et, quand on regarde aussi ce qui arrive avec les coordinations provinciales, même dans le secteur technique, on ne comprend pas que c'est une décentralisation vers les professeurs.

Mme Robillard: M. Choinière, qui sont les spécialistes au plan académique dans un collège? Quand on parle de donner des responsabilités académiques aux collèges, qui sont les mieux placés pour s'occuper des responsabilités académiques, hein? Ça me paraît assez évident; ça m'apparaît évident que ce sont les profs. Je veux dire, entendons-nous clairement, là.

Maintenant, ma question portait sur la décentralisation des responsabilités, justement, d'activités d'apprentissage au niveau du secteur technique. Vous m'apportez vos arguments, mais vous savez sûrement que 75 % de nos programmes techniques du collégial sont donnés dans quatre cégeps ou moins. Vous ne pensez pas qu'au lieu de garder cette responsabilité-là de façon centralisée à mon ministère les quatre cégeps qui donnent le même programme pourraient se concerter au niveau de la détermination des activités d'apprentissage au lieu de recentraliser la responsabilité à 50 % au niveau du ministère? Ça ne vous apparaît pas possible sur le terrain même?

M. Choinière: Pour nous, encore une fois, les cégeps, c'est un réseau de cégeps, et ça doit relever de la responsabilité de votre ministère. Si vous voulez réunir des représentants ou des représentantes des cégeps pour faire mieux le travail, c'est ça qu'on réclame, et que ça soit confié à des profs dans des lieux qu'on appelle les coordinations provinciales, on est d'accord. C'est ça qu'on réclame. Or, ce qui est proposé, ce n'est pas exactement ça. Jusqu'à maintenant, depuis quelques années, dans la révision des programmes, ce ne sont pas les représentants des profs qui sont réunis; c'est ceux que le collège ou le ministère veut bien désigner pour le faire. S'il est vrai, et je suis d'accord avec vous, que ceux qui sont responsables de la vie pédagogique dans une école, dans un cégep, c'est les profs, je pense que la première chose à respecter de ce groupe-là, c'est de parler avec leurs représentants et non pas de se donner le pouvoir de les nommer à leur place.

Mme Robillard: Maintenant, M. Larose ou M. Choinière, comme vous voulez, là — je suis toujours au niveau de la formation technique — est-ce que je comprends, par vos affirmations, que vous êtes en accord avec les modules en formation technique? La seule réserve que vous avez, c'est sur la certification. J'ai bien saisi ça. Vous aimeriez mieux l'utilisation du bulletin scolaire et non pas une certification différente. Mais* au niveau du principe du module, est-ce que je considère que la CSN est en accord avec ce principe-là?

M. Choinière: En ce qui concerne le module de passerelle entre le secondaire et le collégial, c'est évidemment oui, comme réponse. Sur la question d'organiser d'une façon plus serrée la formation générale avec la formation technique par blocs qu'on pourrait appeler modules ou pas, pour que les étudiants aient un suivi plus intéressant, autrement dit qu'ils ne fassent pas strictement leur formation technique et laissent de côté la formation générale, on est d'accord avec cette philosophie-là. Et on est, oui, extrêmement en désaccord de concrétiser ça par une certification, parce que ça va avoir comme effet, d'après nous, de faire quitter, pour les jeunes, le collège. Et on dit bien «pour les jeunes». Pour les adultes, on pourrait travailler à la mise en place de tels types de modules.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Choinière. Mme la ministre, vous me faites signe que, pour l'instant... Alors, il vous restera du temps par la suite. J'aimerais mentionner, avant que M. le député de Lac-Saint-Jean commence, que, vu que le député de Jacques-Cartier est arrivé, s'il en faisait la demande, je verrais à aménager un peu de temps, car, quand j'ai annoncé la répartition du temps, vous n'étiez pas là. Donc, je l'ai réparti équitablement entre les deux groupes. Et, si vous le désirez, M. le député de Jacques-Cartier, faites-le-moi savoir et je verrai à vous laisser un peu d'espace pour faire valoir vos questions. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Dans le livre jaune, il est indiqué que le renouveau proposé doit progressivement devenir celui des acteurs de première ligne et susciter dès lors leur adhésion et leur engagement; à défaut de quoi, d'importants pans de l'ensemble pourraient bien produire des résultats fort limités. Il y a donc tout un discours, d'ailleurs pas uniquement dans ce document-là, mais également un discours ministériel, sur la mobilisation des ressources humaines, et particulièrement et évidemment sur l'implication centrale et essentielle de l'acteur principal dans un système d'éducation, c'est-à-dire l'enseignant. (15 h 50)

II y a ce discours-là, d'une part; on le retrouve dans le document. Et, en même temps, quand on regarde le projet de loi, on se rend compte qu'il y a ré-

duction de la place des enseignants au conseil d'administration, réduction de la place des enseignants dans la nouvelle commission des études dont on ne sait pas trop comment ça va être composé, alors que la commission pédagogique, elle, on sait comment elle est constituée. Alors, ma première question c'est: Est-ce que vous constatez, vous aussi, d'après votre mémoire, qu'il y a une sorte de contradiction entre le discours et les dispositions législatives concernant l'implication et la participation des acteurs au renouveau, particulièrement, évidemment, l'acteur clé que constitue l'enseignant?

M. Larose: Depuis que le débat sur la réforme des cégeps est enclenché, j'avoue être à la recherche d'une certaine argumentation ou logique qui pourrait supporter semblable proposition. En effet, dans l'ensemble des secteurs, compte tenu de la mondialisation de l'économie, compte tenu de la croissance des rapports concurrentiels entre les différents secteurs, tout le monde a découvert les vertus, à un moment donné, de faire en sorte que la main-d'oeuvre soit peut-être la richesse première à être soignée dans les entreprises et dans les secteurs industriels et, donc, qu'il fallait avoir un encadrement et une façon de fonctionner qui feraient en sorte que ces gens seraient responsabilisés, motivés, etc., et, donc, qu'ils occupent les lieux de consultation et de décision. Et, même dans cette réflexion-là, je vous avouerai que, nous, on a beaucoup référé dans le débat à ce qui se passait dans les cégeps, et que c'était une manière d'organiser le travail qui faisait en sorte que les professeurs étaient largement impliqués dans la détermination des objectifs et la conduite des opérations.

Et ce qu'on nous propose, c'est un recul, c'est une marche en arrière. Et, moi, j'avoue — et la ministre va peut-être m'éclairer là-dessus — que je veux voir quel est le rationnel qui fait en sorte qu'on peut proposer le retrait du personnel non seulement enseignant, mais du personnel tout court du C.A. d'une commission pédagogique transformée. Il va y avoir des profs. Ce n'est pas ça qui est le problème. C'est: à qui ils parlent, eux autres? De qui ils relèvent? Avec qui ils sont en dynamique?

J'ai l'impression que, d'une structure qu'on avait voulue verticale, parce que c'est celles-là qui sont maintenant productives, on se ramène avec une structure qui va être pyramidale, qui va être hiérarchique et, donc, nous voilà replongés dans une dynamique de bureaucratisation de l'institution. Alors, là-dessus, j'avoue, oui, qu'il y a une contradiction — des loustics diraient que ce n'est pas le seul secteur, effectivement, mais... — une contradiction nette entre ce qu'on nous annonce et les moyens qu'on nous propose. Je dirais que c'est un petit peu la même chose, là. Je ne veux pas être méchant, mais on parle d'accessibilité et, en même temps, on met un ticket. Je dis: II y a quelque chose qui... Il y a peut-être un bout que je n'ai pas lu, mais il y a des bouts que je ne comprends pas.

Mais, sur l'organisation du travail, moi, je prétends qu'il y a là quelque chose de très grave. Pas pour le respect du monde, etc. Pour l'efficacité de l'organisation des institutions, à mon avis, c'est majeur. Les cégeps vont se bureaucratiser et, contrairement à ce qu'on dit — vouloir décentraliser — ils vont effectivement se centraliser et répondre à une approche bien différente, j'ai l'impression, à la longue, par rapport aux approches qu'on a connues à venir jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Entre autres, l'article 12 du projet de loi vous exclut des délibérations lorsque les personnels sont considérés en conflit d'intérêts. Je ne sais pas, mais il me semble que, pour un enseignant, à peu près tous les sujets qui vont se traiter au conseil d'administration, ça l'intéresse au plus haut chef, et il va être considéré en conflit d'intérêts presque tout le temps. Donc, il va être quasiment dehors tout le temps du conseil d'administration. Cette notion de conflit d'intérêts dans l'article 12, j'ai de la misère à la percevoir. L'avez-vous très clairement perçue, vous autres aussi?

M. Larose: Dans le secteur privé, quand on procède à une réorganisation en profondeur du travail, le premier débat qu'on fait, c'est la transparence économique. On met les livres sur la table. Le deuxième débat — c'est peut-être le troisième, mais disons celui qui va suivre tout de suite après — c'est effectivement d'être organisé pour que les salariés puissent suivre la «game» — pour prendre un terme latin — de a à z. O.K.? Présence au conseil d'administration.

On arrive dans le secteur des cégeps. On n'y fabrique pas de la moutarde, ni des bretelles, c'est un service public. Comme le disait la ministre tantôt, les premiers artisans, ça demeure les professeurs. Rien dans la vie des cégeps n'est indifférent aux professeurs, y compris leurs conditions de travail. Mais ça serait un conflit d'intérêts que, lorsqu'on a en débattre... À ce que je sache, ils n'ont pas la majorité. Ça, c'est comme quand on reprochait aux journalistes de couvrir des activités syndicales parce qu'ils étaient syndiqués. À ce moment-là, ils ne devront jamais parler du droit des locataires ou des droits des propriétaires, parce qu'ils sont au moins locataires ou propriétaires. Moi, il me semble qu'il faut avoir une approche autrement plus large et responsable.

M. Choinière: J'ajouterais, sur la question, que, actuellement, la loi prévoit le fait que les gens n'ont pas le droit de voter lorsqu'ils sont en conflit d'intérêts. Mais les gens ont le droit de participer aux débats. Or, il y a depuis plusieurs années une définition de ce que ça veut dire, être en conflit d'intérêts, et cette définition-là, même par la Fédération des cégeps, est assez large, et même très large. Alors, lorsqu'on se fait proposer qu'avec la même définition — parce que la loi n'intervient pas sur un changement de définition — on va maintenant nous exclure des débats, c'est une tout

autre paire de manches. Et là on ne comprend pas.

M. Brassard: L'autre question que je voudrais aborder, c'est la question de la formation commune ou de la formation générale. Bon, vous proposez non seulement une autre approche, mais une autre composition, si vous voulez, des disciplines et des cours, qui est différente du jeu de blocs proposé par la ministre. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de considérer ça comme un sacrilège. Le jeu de blocs de la ministre, ce n'est pas les versets coraniques, ce n'est pas intangible, puis intouchable. Et, moi, ce que je trouve intéressant dans votre approche, c'est que ça maintient, évidemment, le nombre de cours de philosophie, puis le nombre de cours d'éducation physique, et c'est, évidemment, sur le contenu des cours, les objectifs, les standards que vous attirez l'attention plutôt que sur la suppression de cours. En tous cas, moi, je trouve ça intéressant comme approche.

D'autre part, vous indiquez également — et, ça aussi, ça m'apparaît intéressant — qu'en matière de langue maternelle ce n'est pas une responsabilité exclusive des professeurs de littérature et de langues de s'en préoccuper, de la maîtrise de la langue. Ça doit être une préoccupation de tous les enseignants, dans toutes les disciplines. Et, enfin, vous indiquez également qu'un cours de langue seconde, ça serait suffisant. Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion qu'un cours de langue seconde... Parce que, là, évidemment, c'est quasiment devenu un péché mortel, par les temps qui courent, que de prétendre qu'il faut réduire le nombre d'heures consacrées à la langue seconde. Mais comment en êtes-vous arrivés à la conclusion qu'un cours de langue seconde ce serait suffisant dans le contexte actuel? Et pourquoi réclamez-vous le maintien des quatre cours de philosophie, des quatre cours d'éducation physique, tout en acceptant cependant que la pondération soit différente pour la langue maternelle? (1.6 heures)

M. Choinière: D'abord, nous partageons — et nous avons fait part de cette préoccupation-là dès la commission parlementaire de l'automne — l'idée qu'il faut renforcer et élargir la formation générale. Nous avons proposé — et nous prenons acte que l'énoncé de politique fait droit, en partie, à notre demande — d'utiliser les actuels cours complémentaires de telle sorte qu'on pourrait resserrer la règle de choix des étudiants dans ces cours complémentaires là pour qu'ils soient beaucoup plus dans l'optique d'élargir la formation générale. Donc, on partage la proposition qui est déjà sur la table.

Quant à la question de la langue seconde, à notre connaissance, rendus au collégial, les jeunes ont suivi et vont suivre au moins 800 heures d'apprentissage de la langue seconde. On ne pense pas que c'est un autre 45 heures ou un autre 90 heures d'apprentissage de la langue qui va changer quelque chose. Par contre, nous sommes d'accord avec un élargissement de la formation générale permettant aux jeunes et aux adultes qui suivent des cours de prendre contact avec la littérature anglaise, littéraire. Donc, un cours de 45 heures pour ouvrir les horizons d'une autre culture par rapport aux poètes, aux écrivains et ainsi de suite, on trouve ça quelque chose qui pourrait être intéressant. Donc, pour nous, c'est beaucoup plus un cours de littérature de langue seconde qu'un cours d'apprentissage de la langue.

Ensuite, sur la question des cours de philosophie et d'éducation physique, vous avez très bien saisi notre position. Nous croyons qu'à l'intérieur des cours actuels et des possibilités de changements de contenu, avec tout le travail que ces deux groupes de professeurs ont mis sur la table dans les dernières années, nous pouvons atteindre facilement l'objectif d'élargissement et de renforcement de la formation générale. Nous croyons, au contraire, que de couper dans ces cours-là enlève quelque chose dans la formation générale.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Brassard: Justement, concernant les cours complémentaires, je comprends que vous êtes d'accord avec le fait que l'étudiant pourra, par ce biais-là, aborder des champs et des disciplines qui ne font pas nécessairement partie de son programme, du programme qu'il a choisi, ce qui, à ce moment-là, aura pour effet, comme vous dites, d'élargir sa formation générale. Est-ce que vous avez eu des garanties à l'effet que la diversité et la multiplicité des cours complémentaires seront réduites pour qu'on en arrive à corriger un peu, disons, des abus, en tout cas l'anarchie plus ou moins créatrice, là, qui régnait dans ce secteur-là, dans ce domaine-là?

M. Choinière: C'était la proposition qu'on mettait sur la table...

M. Brassard: Cet automne.

M. Choinière: ...cet automne, en commission parlementaire, de restreindre les champs dans lesquels les élèves pourront prendre leurs cours complémentaires et surtout de faire en sorte que leurs choix soient en dehors des grands champs de leur spécialisation, de leur concentration ou de leurs cours généraux. Donc, avec ce principe-là de resserrer soit le nombre et les champs et de les mettre vraiment articulés par rapport aux autres, on est d'accord. Mais, je tiens à le souligner, pour nous, les cours que devront suivre les élèves, c'est des cours qui sont liés à des disciplines. On ne veut pas que ce soient des champs, des étiquettes. Par exemple, culture artistique, ça peut être un cours d'histoire de l'art, ça peut être un cours de philosophie de l'art, ça peut être un cours d'une autre discipline. Mais on veut que les cours, dans ce troisième bloc-là, restent attachés à des disciplines, tout en étant d'accord pour que ces disciplines-là soient réparties dans certains champs.

M. Brassard: Je reviendrai.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. le député de Lac-Saint-Jean. Il vous reste quatre minutes. Mme la ministre, il vous reste sept minutes.

Mme Robillard: Vous avez terminé? Oui. M. Larose, si on en venait à votre suggestion au niveau de la composition du conseil d'administration, où vous nous suggérez d'inclure deux membres en provenance du milieu culturel, il faut dire que c'est assez innovateur comme suggestion dans l'ensemble des mémoires que j'ai lus. J'aimerais ça vous entendre sur ça.

M. Larose: D'abord, je vous dirai que la catégorie socio-économique, en tout cas, pour voir passer tous ceux qui sont nommés là-dessus, c'est une catégorie très restreinte, contrairement à la terminologie. C'est toujours les mêmes personnes, hein, qui représentent les mêmes intérêts. C'est vrai dans les cégeps, c'est vrai dans les CLSC, c'est vrai... Bien, là, ça va peut-être être moins vrai, compte tenu que, maintenant, il y a un processus démocratique un peu plus large. Il faudra voir à l'exercice. Le milieu culturel, d'entrée de jeu, je vous dirai que c'est un milieu lui-même, j'allais dire, amplificateur ou lui-même reproducteur au plan de la formation, au plan de l'information. Alors, qu'ils aient une responsabilité particulière dans le réseau des cégeps, il me semble que ça serait d'abord leur reconnaître officiellement un rôle réel qu'ils ont dans la société. Et peut-être qu'il pourrait y avoir aussi des dynamiques encore plus intéressantes entre le milieu des cégeps et le milieu de la culture dans les régions, dans les quartiers. Alors, je pense que c'est tellement rare qu'on les voie impliqués d'une façon systématique que ça pourrait être au bénéfice de tous.

Mme Robillard: Alors, à ce moment-là, M. Larose, sûrement qu'on diminue la représentation d'autres groupes pour faire place à deux représentants du milieu culturel. Alors, où appliquons-nous cette diminution?

M. Larose: Bien, dans les socio-économiques; on pourrait les substituer aux socio-économiques. Je ne sais pas si on s'entend bien sur qui sont les socio-économiques, concrètement, dans les cégeps.

Mme Robillard: À ce que je peux comprendre, socio-économique, il y a deux mots, là? Social, économique. Ce que vous dites, c'est surtout des représentants économiques qui sont là? Très peu du milieu social?

M. Larose: Très peu du milieu communautaire, très peu de la vie de quartier. Ça a beaucoup à faire avec les élites locales: tous du bon monde, mais qui ont plusieurs tribunes pour s'exprimer. Et, à notre avis, un réseau comme les cégeps, ça doit être la propriété de la communauté et, donc, qu'il y ait une diversification systématique dans la représentation et qu'on oblige, notamment, à ce qu'il y ait une présence du secteur culturel, ça risque d'être une rentrée d'air frais intéressante.

Mme Robillard: J'aimerais demander au représentant des employés de soutien: Comment se fait-il que vous ayez conclu, à la page 11 de votre mémoire, qu'il n'y aurait aucun employé de soutien à la commission des études? Parce que vous l'affirmez: «II n'y aurait aucun employé de soutien à la commission des études!»

M. Poirier: Alors, pour ce qui est de la commission des études, quand on regarde, c'est trois membres du personnel... Non, ça, c'est le C.A. Je m'excuse, madame. Alors, à la commission des études, c'est le directeur des études qui est le président, si j'ai bien la liste devant moi; il y a «des membres nommés par le conseil et choisis parmi les responsables des programmes d'études et parmi les enseignants du collège», et il y a les «étudiants du collège nommés conformément à l'article 32 de la Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou d'étudiants». Alors, je ne vois pas d'employés de soutien là.

Mme Robillard: Alors, la première phrase, qui dit: «La Commission doit comprendre au moins»...

M. Poirier: Au moins...

Mme Robillard: ...ça veut dire que, nécessairement, elle se doit d'inclure, cette commission-là, des professeurs, le directeur des études et des étudiants, mais que la composition n'est pas spécifiée, comme vous l'avez vu dans l'article de loi; elle serait déterminée par le conseil d'administration des établissements. (16 h 10)

M. Poirier: Oui. Mais, quand on regarde aussi la composition du conseil d'administration, il y a trois personnes en ce moment: il y a une représentation au niveau des employés de soutien...

Mme Robillard: Oui.

M. Poirier: ...avec une représentation au niveau des professionnels non enseignants, et il y a trois personnes au niveau du corps professoral. Ce qui fait cinq personnes représentant, entre autres, les organisations dites syndicales dans un établissement. Maintenant, ce serait diminué à trois pour le C.A. Alors que, là, ce serait nommé par le conseil d'administration; ça ne veut pas nécessairement dire non plus qu'il y aurait une personne, un employé de soutien qui serait nommé au conseil d'administration.

Mme Robillard: Est-ce que je dois comprendre par vos représentations que vous considérez que le rôle des employés de soutien dans les cégeps n'est pas évalué à sa juste valeur par l'ensemble des autres personnels des cégeps?

M. Poirier: Oui, madame.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. C'est là, malheureusement, tout le temps qui vous était imparti, madame. Vous l'avez même un peu dépassé, mais la discussion devait se terminer quand même dans le même fil.

Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous reste quatre minutes et demie. Pour environ cinq minutes, vous avez donc la parole.

M. Brassard: Oui, très bien. Une remarque rapide sur le conseil d'administration aussi bien que sur la commission des études. Comme vous êtes une centrale syndicale, une fédération syndicale, est-ce que vous voyez, dans la façon dont on composerait et le conseil d'administration et... Parce que le conseil d'administration prévoit une assemblée générale du personnel; ça n'a rien à voir avec les syndicats. La commission des études, c'est le conseil d'administration qui la constitue; ça n'a rien à voir avec les syndicats, non plus. Est-ce que vous y voyez une volonté très arrêtée d'exclure l'instance syndicale de la participation active à la mise en place et à la composition des instances que sont la commission des études et le conseil d'administration?

M. Larose: Ça ne serait pas la première place où ça s'exprimerait comme volonté. Je dirais que c'est un peu comme l'éditorialiste du journal La Presse qui, pour souligner la fête des travailleurs, le 1er mai dernier, avait des bons mots pour les travailleurs qui étaient au salaire minimum, qui n'étaient pas organisés, qui vivaient des conditions pénibles, mais tous ceux qui se sont sortis de leur situation, qui se sont organisés, qui se sont donné un rapport de force devenaient des bêtes noires. Je dirais que, dans les institutions des cégeps, quand les artisans se donnent des représentants, instaurent une dynamique intéressante, on dirait qu'on devient moins intéressants alors que c'est précisément là qu'on devient efficaces, qu'on devient productifs. Ça suppose, au point de départ, qu'on reconnaisse que les personnels, pour être productifs, doivent s'équiper et, donc, qu'on reconnaisse leur organisation. Les institutions — toutes les institutions, pas rien que les cégeps, mais l'ensemble des services publics — doivent apprendre à vivre avec les organisations représentatives des travailleurs; c'est ça qui est porteur d'avenir.

Puis je dirais que, dans le débat qu'on fait avec votre collègue, président du Conseil du trésor, c'est un peu ça qu'on veut lui dire: c'est que, s'il veut les contourner, ça va un certain temps, mais, à terme, c'est contre-productif et ça coûte cher à la société. Il vaut mieux négocier, il vaut mieux s'entendre, il vaut mieux reconnaître et, en bout de ligne, il y a des rapports sains dans une société démocratique comme la nôtre. Alors, dans les cégeps, on devrait reconnaître les organisations syndicales.

M. Brassard: Une question rapide. Évidemment, on n'aura pas le temps de l'aborder, mais c'est la question de l'éducation des adultes que vous considérez comme la grande oubliée de la proposition de renouveau. Je l'avais signalée également dans mes remarques sur les propositions de la ministre. Qu'est-ce qui, pour vous, devrait être considéré prioritairement pour, au moins, qu'on commence à reconnaître la place majeure de l'éducation des adultes dans le réseau collégial? Qu'est-ce qui devrait être fait en priorité et qui devrait, au moins, apparaître dans les propositions de changements de l'ordre d'enseignement collégial?

M. Larose: Si, à la faveur de cette préoccupation de l'éducation des adultes, qui va prendre plus de place, et toujours plus, dans les années qui viennent, on pouvait réfléchir plus globalement sur l'ensemble de notre système d'éducation... Parce que, qu'on le veuille ou pas, l'interaction entre le marché du travail et les institutions d'enseignement va se complexifier. À notre avis, il va falloir qu'on aborde ça de front. Il va falloir que les institutions, pas seulement les cégeps, mais au niveau secondaire aussi, aient une stratégie autrement plus musclée, plus articulée pour faire face à cette réalité— je le répète — qui va devenir de plus en plus importante compte tenu de l'évolution du marché du travail. Dans le cadre de la présente réforme, effectivement, je pense qu'il manque des grands, grands bouts pour, d'abord, procéder à une certaine stabilisation des ressources et opérer l'établissement des grandes stratégies. Mais, pour moi, on peut se reprendre, c'est-à-dire que ce n'est pas avec cette réforme-là que tout le débat devra s'arrêter. Il va falloir qu'on reprenne ça...

Le Président (M. Gobé): Merci.

M. Larose: ...dans les mois qui viennent, les années qui viennent.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Larose. Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Merci, Mme la ministre. Alors, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier, M. Larose, vous et les gens qui vous accompagnent. Ceci met donc fin à votre intervention. Vous pouvez vous retirer, et je vais suspendre les travaux de la commission quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et de la Chambre de commerce du Québec de venir prendre place. Alors, la commission est suspendue pour deux ou trois minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Gobé): Messieurs, si vous voulez regagner vos places, la commission de l'éducation reprend maintenant ses travaux. Alors, merci.

Nous allons maintenant entendre la Chambre de commerce du Québec et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui sont représentées par M. Jacques Girard, président du Comité éducation, M. Bernard Roy et M. Denis Beauregard. Alors, sans plus attendre, si vous voulez commencer votre intervention et, par la suite, on discutera avec chacun des côtés de cette commission pour une période de 20 minutes. M. Roy, vous avez la parole.

Chambre de commerce du Québec (CCQ) et Chambre de commerce du Montréal métropolitain

M. Roy (Bernard): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission... M. le Président, rassurez-vous, M. Girard et moi ne sommes pas venus ici aujourd'hui pour vous entretenir du dossier de l'Hôtel-Dieu.

Le Président (M. Gobé): Non, mais nous pourrons nous reprendre plus tard, si vous voulez. (16 h 20)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy: J'aimerais, très brièvement, faire quelques remarques liminaires avant de demander à Jacques Girard de commenter plus à fond le mémoire conjoint qui a été déposé devant vous par la Chambre de commerce du Québec ainsi que par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Comme président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, je suis heureux de vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de commenter les modifications qui ont été proposées au système d'enseignement collégial québécois par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui est également ministre de l'Éducation. Comme en fait foi le mémoire que nous avons préparé, comme je l'ai dit il y a un instant, conjointement avec la Chambre de commerce du Québec, nous accueillons favorablement l'ensemble des mesures qui sont proposées.

Nous avons indiqué, dans notre mémoire qui a été déposé l'automne dernier lors des séances de la première commission parlementaire, que nous tenions à ce que certains éléments importants du réseau des collèges et de l'enseignement qui s'y donne soient revus en profondeur, sans pour autant que le système fasse l'objet d'une remise en question globale. Selon nous, c'est le résultat qui se dégage des propositions qui font l'objet de la présente commission. En effet, les modifications qui ont été proposées touchent autant l'autonomie dont doivent bénéficier les collèges que le contenu de l'enseignement dispensé, notamment au chapitre de la formation de base dont doivent bénéficier tous les étudiants. On doit reconnaître à la ministre le mérite d'avoir bien identifié les domaines où des changements s'imposent et de soumettre des propositions qui, dans la majeure partie des cas, vont permettre de relever le niveau de l'enseignement collégial.

En tant qu'organisme qui regroupe des gens d'affaires de la grande région de Montréal, nous nous réjouissons d'autant plus de cette démarche que la compétitivité de notre économie dépend directement — je pense que tout le monde en convient — de la qualité de la formation et de l'éducation dispensées dans nos maisons, dans nos institutions d'enseignement. Le mouvement est lancé, et la Chambre croit qu'il faut poursuivre le travail à tous les niveaux d'enseignement. Le fait que la ministre assume également les responsabilités qui sont dévolues au ministre de l'Éducation nous permet d'espérer que, prochainement, des mesures correctrices seront apportées notamment au niveau secondaire qui, on doit le reconnaître, a tout autant besoin que le cégep d'une révision importante.

Je cède maintenant la parole à Jacques Girard, qui est le président du Comité éducation de la Chambre de commerce du Québec, qui va commenter en détail les éléments les plus importants qui sont mis en relief dans notre mémoire.

M. Girard (Jacques): Merci, M. Roy. M. le Président, comme M. Roy vient tout juste de vous le dire, nous sommes très heureux de pouvoir à nouveau faire valoir notre point de vue aujourd'hui devant les membres de cette commission parlementaire. Comme vous le savez, les deux chambres de commerce attachent beaucoup d'importance à l'éducation — et elles attachent, par voie de conséquence, beaucoup d'importance à cette commission parlementaire — et à la formation que reçoivent et que recevront, au cours des prochaines années, les jeunes et également les adultes qui fréquentent les cégeps, et ce, tant pour ce qui est du secteur préuniversitaire que du secteur professionnel.

Nous disons d'entrée de jeu que nous sommes d'accord avec les mesures proposées par la ministre dans le document intitulé «Des collèges pour le Québec du XXIe siècle». Plusieurs des mesures proposées dans ce document rejoignent nos préoccupations et nos recommandations, lesquelles, d'ailleurs, étaient partagées par plusieurs autres groupes qui sont venus témoigner devant cette commission parlementaire. Et ce pourquoi nous les avions évoquées plus tôt cet automne, ce pourquoi nous sommes heureux de les retrouver dans le document, c'est que ces mesures, à notre avis, vont dans le sens d'une amélioration de la formation, vont dans le sens d'exigences accrues et, pour tout dire, de la reconnaissance de l'importance de l'effort qu'il faut consacrer aux études. L'éducation, c'est un processus qui ne peut pas être que joyeux; c'est un processus qui doit être rigoureux et, au terme de ce processus, il est essentiel d'avoir appris. Et il est plus que jamais essentiel d'avoir appris et d'avoir appris beaucoup si nous voulons être compétitifs sur le plan international. Aucune société moderne ne peut y échapper.

Je vais maintenant aborder, M. le Président, si vous me le permettez, successivement quelques-uns des points qui nous paraissent les plus importants, à la fois dans notre mémoire et dans le document rendu public

plus tôt ce printemps. Nous sommes, tout d'abord, tout à fait d'accord avec le renforcement des exigences pour permettre l'accès au cégep. Et, si vous le voulez bien, je vous réfère à la page 6 de notre mémoire, au troisième paragraphe, qu'il vaut la peine, je pense, de relire: «II est heureux que l'ensemble des modifications proposées par la ministre visent d'abord à favoriser l'atteinte de taux de réussite plus élevés et non seulement à permettre l'accès au collège au plus grand nombre d'étudiants possible. C'est là, croyons-nous, un choix politique qui mérite d'être souligné et qui rejoint tout à fait ce qu'écrivait la Chambre dans son mémoire de l'automne: "Ce n'est pas tout de fréquenter l'école ou le collège. Encore faut-il y apprendre quelque chose et y réussir en fonction des critères reconnus sur la scène mondiale".» Donc, il nous paraît tout à fait normal de renforcer les exigences, tout à fait normal d'exiger que certains cours aient été réussis, notamment pour ce qui est de la langue première, des mathématiques, de l'histoire et des sciences physiques. Cela, je le répète, nous paraît naturel, normal, souhaitable.

La démocratisation de l'enseignement est, bien sûr, un acquis, et probablement l'acquis le plus important. Il est maintenant heureux de constater qu'un très grand nombre, pour ne pas dire la totalité, des jeunes Québécois et des Québécoises ont accès à l'enseignement collégial. Par ailleurs, le fait d'avoir complété son secondaire, à notre avis, ne donne pas nécessairement le droit de façon automatique d'accéder au collège. Encore faut-il avoir fait des études secondaires dignes de ce nom, encore faut-il avoir réussi un nombre de cours minimal et encore faut-il avoir réussi dans les matières qui sont jugées essentielles et fondamentales. Et je pense que ce deuxième principe ne remet absolument pas en question le principe de la démocratisation, mais qu'il vient compléter celui de la démocratisation.

Par ailleurs, je pense qu'il est important également de revoir, comme l'a dit M. Roy au tout début de son intervention, ce qui se passe au secondaire, d'y revoir la qualité de la formation et la hauteur des exigences. Autant pensons-nous qu'il n'était pas possible ou pas souhaitable de revoir d'un seul coup l'ensemble du réseau de l'éducation, autant nous sommes d'accord avec la démarche qui a été adoptée, c'est-à-dire d'abord de s'attaquer à des problèmes précis qui avaient été identifiés au niveau collégial. Il nous semble, M. le Président, que le temps est maintenant venu d'adopter la même démarche pour ce qui est du niveau secondaire et d'identifier, là également, quels sont les problèmes véritables et quels sont les remèdes qui pourraient être apportés rapidement, toujours dans le même sens, afin d'améliorer la qualité de l'enseignement, et ce, dans la même perspective: donner aux jeunes du Québec la meilleure formation possible pour les rendre les plus compétents possible.

Nous estimons que toute la question de la gestion des personnels dans le réseau collégial n'est abordée que de façon ancillaire dans le document qui a été rendu public par la ministre. Et nous pensons qu'à un moment ou l'autre il faudra aborder ce problème avec le même courage, de telle sorte que la majeure partie de la gestion des collèges ne soit pas nécessairement régie par les conventions collectives. Nous pensons également que les cégeps devraient avoir une marge de manoeuvre plus grande que celle dont ils disposent à l'heure actuelle pour ce qui est de l'allocation relative à la coordination départementale. (16 h 30)

Pour ce qui est de la formation de base, je l'ai dit plus tôt, nous sommes d'accord avec les mesures qui sont proposées, et je réfère, là, plus précisément à la page 9, dernier paragraphe, de notre mémoire: «...le resserrement proposé en ce qui a trait à la formation générale complémentaire semble de nature à assurer à tous les étudiants une formation beaucoup plus convenable dans une société où il est difficile, sinon impossible, de prendre une part active sans un minimum de connaissances dans les grandes sphères d'activités. De plus, il semble que l'orientation proposée donnera une importance accrue à l'apprentissage des langues modernes, ce qui s'inscrit tout à fait dans le contexte de la mondialisation des marchés.»

Pour ce qui est de l'intégration des étudiants et des sessions d'accueil et d'encadrement, nous sommes tout à fait d'accord avec cette proposition qui devrait normalement permettre à ceux qui ont de la difficulté à choisir le domaine dans lequel ils veulent aller au cégep de prendre un temps d'adaptation et ensuite de choisir en meilleure connaissance de cause, ce qui, par voie de conséquence, devrait normalement avoir pour effet de réduire le taux d'abandon et de réduire le taux d'échec. Et c'est la raison pour laquelle nous disons, à la page 7 du mémoire, que c'est avec satisfaction que nous prenons acte de la proposition visant à mettre sur pied des sessions d'accueil et d'intégration des étudiants dans tous les collèges. «Ces sessions doivent fournir un meilleur encadrement pédagogique, mais également offrir aux étudiants une aide accrue en matière d'orientation, pour ceux qui en ont besoin.» Ce n'est pas le cas de la totalité, mais c'est le cas d'un nombre significatif d'entre eux. Nous nous plaisons à souligner l'intérêt de cette initiative.

Pour ce qui est du ticket accélérateur, nous nous étions prononcés en sa faveur l'automne dernier et nous nous proposons à nouveau, aujourd'hui, en faveur de l'instauration d'un tel ticket qui, à notre avis, encore une fois, ne remet pas en question la gratuité, ne remet pas en question la démocratisation, ne remet pas en question l'accessibilité, mais souligne tout simplement aux étudiants que l'on ne peut pas entrer au cégep comme on entre dans une cafétéria et qu'une fois inscrit on a la responsabilité de suivre ses cours et qu'on a également la responsabilité de réussir les cours auxquels on est inscrit. Je pense qu'il est important de souligner que, dans les autres provinces canadiennes, ce n'est pas l'entièreté du réseau collégial qui est gratuite, mais une partie seulement et, à ce que je sache, les statistiques démontrent que le taux de réussite ou le taux d'accès au

collégial n'est pas inférieur à ce qu'il est au Québec. Au contraire, dans d'autres provinces, il est supérieur à ce qu'il est au Québec. Donc, cette mesure, à notre avis, ce n'est pas une mesure comptable ou ce n'est pas d'abord une mesure monétaire; c'est une mesure de nature à responsabiliser les étudiants.

Comme vous le savez, les deux chambres de commerce — et je l'ai dit d'entrée de jeu — veulent s'impliquer davantage et s'impliquent davantage dans le domaine de l'éducation, et nous sommes heureux que, par certaines des mesures proposées, au conseil d'administration et, de façon générale, à l'intérieur des cégeps, une place plus large soit faite aux gens des affaires. Je peux vous assurer que, de notre côté, nous avons déjà pris des mesures pour communiquer avec la plupart de nos membres, leur demandant de se saisir de l'occasion et de s'intéresser de façon concrète à ce qui se passe dans les cégeps et également dans les écoles, ne serait-ce qu'en se rendant disponibles pour siéger au conseil d'administration, ne serait-ce qu'en organisant des visites de leurs entreprises par les étudiants qui sont dans les écoles et dans les cégeps, et qu'eux-mêmes, les hommes et les femmes d'affaires, se rendent dans les écoles secondaires et dans les cégeps pour voir d'un peu plus près ce qui se passe.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, des liens accrus avec l'entreprise nous paraissent tout à fait souhaitables; des liens avec le secondaire qui seront mieux articulés qu'ils ne l'étaient jusqu'à maintenant, ça nous paraît être là une orientation qui va dans un sens favorable; et la plus grande autonomie accordée aux institutions collégiales nous paraît également aller dans le bon sens. Pour ce qui est de la plus grande autonomie, je vous réfère à la page 11 de notre mémoire, au premier paragraphe: «Le fait de laisser à chaque institution le choix des moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés par la ministre aura, croyons-nous, un impact intéressant sur le nombre de stages en entreprise, de même que sur la qualité de ces stages.» La Chambre rappelle d'ailleurs qu'elle a déjà commencé — ce que je viens de dire — à inciter systématiquement les chambres locales à s'y intéresser.

Le financement des collèges et la performance. Il est recommandé d'instituer une commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Cette recommandation est tout à fait bien reçue par les deux chambres et elle répond à des recommandations que nous avions faites. Par ailleurs, nous souhaiterions que vous alliez un peu plus loin et qu'au-delà de l'évaluation des enseignements l'on puisse procéder également à l'évaluation des institutions elles-mêmes. Donc, l'évaluation des enseignements est, de toute évidence, le pas le plus important, mais nous estimons qu'il faudrait franchir un pas additionnel et aller à l'évaluation des institutions elles-mêmes.

M. le Président, je pense que ça fait là le tour des points majeurs sur lesquels nous voulions insister cet après-midi. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remer- cie. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants de votre côté? Non?

Une voix: Non.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Nous allons donc maintenant passer à la période des questions, en effet. Je passerai donc la parole à Mme la ministre de l'Éducation. Madame, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je salue les membres de la Chambre de commerce du Québec et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Je suis très heureuse que vous ayez analysé le renouveau collégial qui est sur la table présentement et je note votre appui général à l'ensemble des mesures.

J'aimerais bien comprendre, M. Roy ou M. Girard, le sens de votre phrase de la conclusion à la page 18, la dernière phrase de la page 18: «En conséquence, l'appui de la Chambre à ces propositions est fonction de la mise en application de l'ensemble de la démarche.» Qu'est-ce que vous voulez me dire?

M. Roy: Mme la ministre, on a tenté, à l'aide de certains exemples qui précèdent le membre de phrase, de dire dans quelle mesure, pour nous, tout ça forme un tout cohérent et que toutes ces composantes-là sont imbriquées les unes aux autres, avec le résultat que, par exemple, si vous devez donner suite à l'orientation annoncée dans votre document à l'effet de donner une plus grande marge d'autonomie aux collèges, il nous apparaît, à nous, que la contrepartie de tout ça, c'est qu'il y ait un système d'évaluation efficace. En somme, si les deux ne vont pas de pair, nous, à ce moment-là, on a des problèmes à appuyer ou à embrasser cette partie-là, cette orientation-là que vous proposez. Même chose pour le ticket accélérateur. La contrepartie du ticket serait d'offrir et de donner des meilleurs services d'orientation et d'encadrement. Si on laisse tomber les meilleurs services d'encadrement et d'orientation, on a un problème avec le principe du ticket accélérateur. C'est le sens à donner à cette dernière phrase.

Mme Robillard: Je comprends bien. Merci, M. Roy.

J'aimerais revenir avec vous sur les conditions d'admission au collège que vous avez discutées dans votre mémoire à partir de la page 5. La Chambre se dit en accord avec la nécessité de rehausser les conditions d'admissibilité aux programmes qui conduisent au diplôme d'études collégiales, mais vous énoncez aussi quelques réserves ou quelques inquiétudes, et j'aimerais vous entendre davantage sur ça, surtout quand vous affirmez que des mesures sont souhaitables pour rehausser le niveau de l'enseignement professionnel au secondaire. C'est ce que je vois apparaître dans le milieu de la page 5. Pourriez-vous élaborer sur ce sujet-là? (16 h 40)

M. Girard: Ça rejoint ce que nous avons dit

tantôt. Dès le moment où les exigences pour entrer au collégial sont plus considérables, certains allèguent que nous faisons face à deux diplômes au secondaire, à un D.E.S. qui permet l'entrée au collégial et à un D.E.S. qui ne permet pas l'entrée au collégial. Nous avons dit que nous étions d'accord avec ce choix, mais qu'il faudrait néanmoins prendre des mesures de telle sorte que ceux qui ne réussissent pas tous les cours puissent éventuellement les réussir. Et c'est là que nous avons dit également que les exigences de façon générale au secondaire devraient être améliorées.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, on se demande également s'il n'y a pas lieu de revoir de façon systématique certains secteurs de la formation professionnelle au secondaire. Dans le document «Des collèges pour le Québec du XXIe siècle», vous faites des propositions à l'effet qu'une articulation plus grande se fasse entre le secondaire et le collégial. Ça nous semble aller dans le bon sens, mais il nous paraît néanmoins essentiel de revoir la qualité de ce qui se fait au secondaire. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre ces phrases et ces paragraphes.

Mme Robillard: Et de façon particulière au niveau de l'enseignement professionnel? Est-ce que c'est ça, le diagnostic de la Chambre?

M. Girard: Sûrement pour ce qui est de l'enseignement professionnel, parce que l'enseignement professionnel nous préoccupe de façon particulière, mais non pas uniquement pour l'enseignement professionnel.

M. Roy: M. Beauregard. . M. Beauregard (Denis): Si vous me permettez, M. le Président, j'ajouterais peut-être ceci. À partir du moment où on rehausse les conditions d'admissibilité au cégep, on risque, comme on l'a dit tantôt, de provoquer certaines choses au niveau secondaire. Alors, les gens qui n'auront pas réussi tous les cours de base ne seront plus admissibles au cégep. Par ailleurs, il y a quelque temps déjà, nous avons rehaussé les conditions d'admissibilité au secteur professionnel secondaire. Alors, là, le risque qui se présente, croyons-nous, est le suivant: c'est qu'il va falloir trouver des façons de s'occuper des gens qui tombent entre les deux voies et qui, manifestement, peut-être, ne pourront jamais accéder au collège, et n'ont pas non plus ce qu'il faut pour aller au niveau professionnel tel qu'on l'a requalifié. Alors, qu'est-ce qu'on fait de ces gens-là? Est-ce que ça devient des abandons...

Mme Robillard: C'est une belle question.

M. Beauregard: C'est une belle question. Et je sais que vous êtes très bien entourée pour trouver des réponses à tout ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauregard: Nous, enfin, on a une connaissance limitée de ce milieu-là. Alors, on voit le problème et on veut être certains que le problème ne passe pas inaperçu.

Mme Robillard: Au niveau des mécanismes d'évaluation, si je saisis bien, la Chambre est en accord avec les différents mécanismes d'évaluation et, comme vous venez de le dire, c'est en contrepartie aussi au fait qu'on donne plus de responsabilités académiques et, donc, un système d'évaluation plus rigoureux. Mais vous dites: Allons donc plus loin au niveau du mandat de la commission d'évaluation — c'est comme ça que j'ai compris votre message — en spécifiant deux sujets particuliers: premièrement, qu'elle reçoive le mandat de l'évaluation globale des institutions, mais aussi que la Commission puisse émettre des recommandations sur les politiques, les directives du ministère en tant que telles. Quels seraient les avantages pour vous d'avoir ces deux mandats-là supplémentaires à la Commission?

M. Girard: II nous apparaît que de soustraire au jugement ou au mandat de la Commission certaines des directives ou des politiques qui sont émises par le ministère ne contribue pas au renforcement de l'évaluation et ne touche qu'une des deux parties essentielles. On veut bien responsabiliser les cégeps et, si les cégeps sont responsabilisés, ils doivent l'être à l'égard de tous les secteurs où ils ont une responsabilité. Et les directives qui sont émises par le ministère de l'Enseignement supérieur sont néanmoins appliquées par les cégeps eux-mêmes, par les directions des cégeps. Pourquoi ces directives ou ces politiques, pourquoi ces orientations ne seraient-elles pas également soumises à la commission d'évaluation? Nous ne voyons pas, à vrai dire, de bonnes raisons pour que cette partie échappe à la commission d'évaluation. On pense que la Commission devrait avoir le mandat global de juger ce qui se fait dans les cégeps, mais à la fois les orientations et les directives qui sont émises par le ministère et qui tombent sous la responsabilité des cégeps quant à leur application. Autrement, on pense qu'il y a un secteur non négligeable qui ne serait pas évalué et que ça ne va pas dans le sens d'une évaluation véritable des enseignements qui sont dispensés dans les collèges.

Mme Robillard: Alors, ça va pour la partie qui touche au ministère, aux politiques, aux orientations du ministère. Maintenant, à quoi ça ressemblerait, selon vous, une évaluation globale des institutions? Parce que c'est le second volet où vous demandez un élargissement.

M. Girard: Nous ne sommes pas nécessairement entrés dans les détails et nous ne nous sommes pas arrêtés à proposer une mécanique. On sait, par ailleurs, qu'il existe des systèmes où on évalue les institutions. Il existe des systèmes aux États-Unis où on évalue les institutions elles-mêmes. D'ailleurs, jusqu'à un certain

point, le ministère de l'Enseignement supérieur le fait pour ce qui est des universités, tout au moins pour un secteur spécifique, en tenant compte du taux de diploma-tion. Et, déjà, ça nous paraît une voie intéressante. On pense que cette voie-là, qui a été adoptée pour les universités, pourrait l'être également pour les collèges et on pense qu'en allant au-delà de l'évaluation des enseignements qui sont dispensés et en allant à l'évaluation de l'ensemble des politiques et des résultats d'un collège on créerait une émulation plus grande et on donnerait probablement plus de force à plusieurs des dispositions qui sont contenues dans le document que vous avez rendu public. Ça va dans le sens, à notre avis, de la décentralisation, de la responsabilisation, de l'amélioration de l'atteinte de l'excellence et d'une plus grande autonomie.

Mme Robillard: Est-ce que je dois faire un lien avec votre autre recommandation à l'effet de lier le financement des collèges à leur performance? Vous nous parlez de ça à la page 15. Est-ce que, M. Roy ou M. Girard, vous êtes allés un peu plus loin dans cette idée-là? Ça pourrait être quoi, selon vous?

M. Girard: Dans la mesure où, précisément, on évalue les enseignements, dans la mesure où on évalue les autres politiques d'une institution, où on évalue globalement une institution, pourquoi l'institution qui est la mieux jugée ne bénéficierait-elle pas de son excellence au plan du financement? Être bon, c'est intéressant. Il y a une reconnaissance au fait d'être bon et au fait d'être reconnu bon ou excellent. Mais on se demande si, précisément, il ne serait pas intéressant, pour maintenir et développer cette excellence, qu'il y ait, comment je dirais, un intérêt financier à atteindre l'excellence. Nous savons que ce n'est pas nécessairement facile d'y arriver, mais on pense que ça vaut la peine d'y réfléchir.

Mme Robillard: Alors, est-ce que vous pensez à la formule, justement, qu'on a mise en application au niveau universitaire, de financer par diplôme, par type de diplôme, un montant d'argent par...

M. Girard: Ça, c'est une voie qui nous paraît intéressante, effectivement.

Mme Robillard: Et la Chambre a réagi positivement à cette mesure-là...

M. Girard: Tout à fait.

Mme Robillard: ...au niveau universitaire?

M. Girard: Oui.

M. Beaurégard: C'est ce qu'on disait d'ailleurs, si vous me permettez, dans notre mémoire de l'automne, où nous recommandions d'appliquer ce moyen-là à l'enseignement collégial. L'idée étant aussi d'essayer de trouver des moyens d'allouer plus de ressources aux gens qui ont des meilleurs résultats, de façon à permettre aux meilleurs, justement, de disposer de plus en plus de ressources pour bâtir des centres d'excellence. C'est ça qui est l'idée, au fond, qui sous-tend cette recommandation-là.

Mme Robillard: Quant à la représentation au niveau des conseils d'administration, vous me dites dans votre mémoire, à la page 13, que le processus de nomination, de façon particulière des gens du milieu des affaires, est nébuleux et souvent mis en branle à la dernière minute. Parlez-moi de ça s'il y a un problème.

M. Girard: On nous dit qu'effectivement le processus est souvent mis en branle à la dernière minute, que des consultations sont faites auprès de personnes et que les résultats de ces consultations ne sont pas toujours communiqués, que les gens ne sont pas informés ou que ceux qui ont fait les recommandations ne sont pas nécessairement informés des choix qui ont été faits. Et, à vrai dire, on se demandait s'il était absolument essentiel que tous les membres du conseil d'administration soient nommés par la ministre ou s'il ne pourrait pas y en avoir un certain nombre qui soient nommés par cooptation.

Mme Robillard: O.K. Ça va.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Brassard: M. le Président, je reviens sur un point qui m'apparaît essentiel, pages 5 et 6, c'est concernant les conditions d'admission au collège. En tout cas, moi, ce que vous dites là me rappelle toujours que plusieurs intervenants avaient demandé que le débat ou que la réflexion porte sur l'ensemble du système d'éducation et non pas uniquement sur un ordre d'enseignement en particulier, celui qui se situe en sandwich entre les deux autres. Quand vous dites: Bon, très bien, rehaussez les exigences, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, nous aussi. Il n'y a pas de... En tout cas, il y a très peu d'intervenants qui sont contre le rehaussement des exigences. (16 h 50)

Mais vous dites: «Par ailleurs, pour éviter que cette initiative qui vise à accroître le taux de réussite au collège n'entraîne une hausse du nombre d'abandons au secondaire — et même presque une véritable hécatombe — des mesures de renforcement doivent être mises en place auprès des élèves du secondaire qui en auraient besoin.» Vous indiquez également plus loin: «...plusieurs étudiants se retrouvent sans aucune possibilité de poursuivre des études qui conviendraient à leurs capacités. Le ministère a la responsabilité de développer des voies valables pour ces étudiants et de les rendre accessibles, étant bien entendu que tout le monde ne

peut avoir accès de facto aux études supérieures.» Moi, je pense que vous avez raison d'insister là-dessus, c'est absolument essentiel. Si on rehausse les exigences du diplôme d'études secondaires, il faut absolument que ce soit accompagné, et même précédé dans certains cas, de mesures de soutien, de renforcement pour éviter, justement, que les exclusions s'amplifient.

Et la réponse que vous donniez tout à l'heure quand vous disiez: II y a quand même aussi un certain nombre de jeunes qui ont de la difficulté à cheminer dans les voies qui sont générales ou régulières et il faudrait innover, initier, mettre en place d'autres voies de cheminement. En tout cas, moi, je pense que vous avez raison; ça m'apparaît important, puis ça indique tout simplement qu'on aurait dû réfléchir sur l'ensemble du système et non pas uniquement sur un ordre d'enseignement. Mais, en tout cas, vous alertez. C'est le bouton d'alarme sur lequel vous pesez qui m'apparaît important.

Est-ce que vous avez une idée de ce que pourraient être ces nouvelles voies? Il est question... Par exemple, il y a des expérimentations concernant ce qu'on appelle la voie technologique qui permettrait peut-être à un certain nombre d'étudiants, de jeunes, de mieux cheminer; ça correspondrait mieux à leurs capacités, puis à leur intérêt. Mais vous êtes tout à fait d'accord, si on rehausse les exigences, qu'il faut qu'il y ait une opération, une action vraiment articulée au niveau secondaire pour éviter l'hécatombe et éviter l'accroissement des exclusions.

M. Girard: Tout à fait, et on pense, en fait, que l'opération qui a été menée au collégial — et nous l'avons dit tantôt, tant M. Roy que moi-même — doit être menée également au secondaire. Pour ce qui est des voies précises qui devraient être adoptées pour s'occuper de ces étudiants et de ces étudiantes qui risquent de tomber entre deux chaises, comme on l'a dit tantôt, nous n'avons pas, aujourd'hui, de propositions précises à faire.

Par ailleurs, il y a quand même un élément qui est intéressant qui consiste désormais à pouvoir reconnaître au collégial les acquis du secteur professionnel au secondaire. Il y a donc là une voie qui nous paraît intéressante et qui est très sûrement une voie d'avenir. Est-ce qu'il existe d'autres voies? Possiblement, et c'est celles-là qu'il faudra trouver.

M. Brassard: D'autres voies ou des mesures aussi d'encadrement, de soutien pour ceux qui sont engagés dans le cheminement régulier.

M. Girard: Mesures d'encadrement et de soutien, parce qu'il est évident que le taux d'échec et le taux d'abandon sont beaucoup trop élevés et que le problème est particulièrement grave — je pense qu'il faut le souligner, particulièrement grave — et il a tendance à s'aggraver chez les garçons, à l'heure actuelle.

M. Beauregard: Si vous permettez, je pense qu'il faudrait...

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Beauregard.

M. Beauregard: ...peut-être partir, enfin, je dirais, du début et nous attaquer très rapidement à toute la question de l'orientation des élèves au niveau secondaire. Je pense qu'il y a un paquet de problèmes qui partent de là. Je ne veux pas caricaturer, mais les services d'orientation dans l'ensemble du réseau, disons qu'il y a des trous là-dedans; il y a beaucoup de travail à faire là. Moi, je pense que le problème commence là. Alors, donc, première mesure, et ça, ça doit être fait très, très rapidement.

Deuxième chose, on parle de voies possibles. Il y a peut-être moyen de développer — puis, là, il y aurait peut-être lieu d'y aller avec des projets-pilotes, pour commencer — un système bien encadré de partage de temps entre l'école et le travail, dans certaines conditions, pour faire en sorte que les jeunes qui, manifestement, sont absolument réfractaires aux murs d'une école... Et ça existe, ça, il y en a; les boutons leur poussent à la minute où ils rentrent à l'école, puis, là, on se demande comment on va leur faire réussir des cours, mais sans... Alors, il y a des pays où ça existe, un partage de temps, mais très structuré, très suivi. Il ne s'agit pas, non plus, de les envoyer ailleurs qu'à l'école, tout simplement. Alors, concevoir des programmes de partage de temps, je pense que ça pourrait être une voie qui pourrait être examinée.

M. Brassard: Bien. Bon, je ne reviens pas sur l'évaluation, je pense que vous en avez parlé. Nous aussi, on pense qu'il y a un oubli, là, surprenant. Les grands encadrements, les directives, politiques ont été écartés. Pourtant, le Conseil des collèges avait été très clair dans tout son chapitre sur l'évaluation: il faut que ça fasse partie également du mandat de la commission d'évaluation. Bon, on est d'accord là-dessus aussi.

Mais vous exprimez des réticences, plutôt des inquiétudes, vous êtes perplexes devant la mise en place du comité national des programmes d'études techniques. À la page 17 de votre mémoire, vous dites: «...la Chambre est inquiète quant à certaines modalités de l'instrument proposé. N'y a-t-il pas lieu de s'interroger sérieusement sur la lourdeur que risque d'entraîner une telle structure en regard des résultats qui peuvent en découler?» Est-ce que vous pourriez vous exprimer un peu, davantage sur ces inquiétudes que provoque chez vous la mise en place d'une telle instance?

M. Girard: Les inquiétudes sont liées au fait que la mise en place de structures globales ou de structures à la largeur du Québec entraîne très souvent des lourdeurs, entraîne très souvent un grossissement rapide de

l'institution, une espèce de bureaucratisation excessive de l'institution. On s'est interrogés, on a tenté de voir s'il y avait vraiment une autre solution, d'autres possibilités. Il nous était impossible d'en proposer une concrètement, mais il nous a quand même semblé nécessaire d'attirer l'attention sur le fait que cette structure devrait être une structure légère, une structure souple, une structure qui peut s'adapter aux changements et non pas une structure qui s'alourdit à un rythme considérable au fil des mois et qui finit par perdre le sens des raisons pour lesquelles elle a été créée. Au fond, c'est une espèce de réaction instinctive face aux ensembles considérables ou aux grandes structures qu'on crée en toute bonne foi, mais qui s'avèrent, finalement, tellement lourdes qu'elles sont incapables de répondre aux besoins et de faire les analyses essentielles, parce qu'on y retrouve aussi très souvent, dépendant de la composition, des antagonismes qui font que ces organismes se retrouvent bloqués en raison de divergences fondamentales d'intérêts ou de points de vue. Je pense que ce sont là les éléments qui nous inquiétaient.

M. Brassard: Quand vous parlez de mécanisme souple et efficace, là, vous n'avez pas d'idée précise?

M. Beauregard: En fait, l'expérience a appris aux gens d'affaires que, généralement, les démarches qui fonctionnent le mieux, enfin, sur ce terrain-là, sont les démarches qui sont le plus près possible du problème à régler, et que la mise en place de tables nationales, généralement, mène à pas grand-chose après beaucoup d'efforts. Et, surtout, je pense que ce qu'il faudrait éviter, c'est que ces tables-là ne deviennent le prolongement des tables de négociation, et que la formation professionnelle et les programmes deviennent, enfin, une espèce de lieu où on continue à négocier ce qu'on n'a pas réussi à obtenir dans le cadre des vraies négociations. Il y a des tables qui ont déjà dégénéré de cette façon-là. (17 heures)

Donc, l'expérience nous apprend que, quand il y a un problème dans un secteur donné, puis, ici, on parle vraiment de programmes... Alors, s'il y a un problème dans un secteur donné avec les programmes, si on parle d'aéronautique, par exemple, et qu'il y a des problèmes à ce niveau-là, mettons donc ensemble les gens du secteur et laissons-les travailler sur des choses qu'ils connaissent, et qu'ils règlent les vrais problèmes. On pense que ce serait plus productif que de mettre en place ces grandes choses-là.

M. Brassard: Une dernière question, quant à moi. S'il reste du temps, mes collègues pourront l'utiliser. Ça concerne les stages et la formation en alternance. Dans son document, la ministre indique que c'est une bonne chose, que c'est bien, qu'il y a unanimité sur la nécessité d'une telle formation, mais ça se limite à ça. Et je vous cite la dernière phrase: «Le renouveau pro- posé invite à aller plus avant dans cette direction.» J'imagine que vous êtes d'accord avec la formation en alternance, avec les stages en entreprise. Bon, je pense que oui; ça, c'est connu. Mais est-ce que vous êtes satisfaits de ce qu'on retrouve dans le document ministériel sur cette question-là? Est-ce que vous vous seriez attendus...

M. Roy: Je dirais que ça reste...

M. Brassard: ...à avoir au moins quelques éléments d'une stratégie à mettre en vigueur, puis un certain nombre d'objectifs également en cette matière, pour essayer d'aller plus loin? Ou si on se contente de dire: C'est beau, c'est bien?

M. Roy: II y a quand même là l'expression d'un désir, d'un voeu, d'une volonté, on l'espère, de pouvoir mettre quelque chose en place qui favoriserait, justement, une des recommandations que nous avons faites l'automne dernier. Maintenant, est-ce qu'on aurait préféré avpir quelque chose de plus précis, de plus articulé? Évidemment, il aurait été plus facile pour nous, à ce moment-là, d'applaudir, je présume, à cette initiative. Mais, ceci étant, si, dans les faits, la ministre prend les mesures ponctuelles pour donner suite à cette expression d'intention de sa part, je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu. En réponse à votre question, évidemment, c'eût été préférable d'avoir quelque chose de peut-être un petit peu plus élaboré et précis. Mais on peut difficilement s'inscrire en faux contre cette volonté de vouloir faire quelque chose. As-tu quelque chose à ajouter?

M. Beauregard: Peut-être juste préciser.

Le Président (M. Gobé): allez-y, m. beauregard.

M. Beauregard: Dans la lignée de l'autonomie qu'on veut donner aux collèges en matière de stages comme en matière, tantôt, de tables de révision de programmes, j'ai l'impression qu'en matière de stages on a tout intérêt à faire en sorte que les collèges devenus plus autonomes s'organisent avec les entreprises de leur milieu. À ce niveau-là, je pense que la direction est donnée, c'est-à-dire que les collèges, ayant des outils pour travailler, devront aller sur le terrain et faire ça. Moi, je vois plus les stages s'organisant à ce niveau-là qu'à un niveau ministériel, entre guillemets. Je pense que, dans ce domaine-là, moins le ministère va s'en mêler, mieux ça va aller, enfin, parce qu'on sait que les...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauregard: J'ai dit: «Dans ce domaine-là».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauregard: Parce que les stages, en fait, ça doit être conçu vraiment sur mesure pour répondre à des besoins très spécifiques, et les besoins, selon les secteurs industriels, selon les régions également, ne sont pas du tout les mêmes en matière de stages. Alors, dans ce sens-là, plus ça va être collé sur le collège, mieux ça va être, je pense.

M. Roy: Et on a donné plusieurs exemples.

M. Brassard: Je suis d'accord avec vous là-dessus, sauf que je me dis: Étant donné, comme on peut le lire dans le document ministériel, qu'on a plus de stagiaires potentiels que de lieux de stages, il y a un problème de participation des entreprises.

M. Beauregard: Oui.

M. Brassard: Ça veut dire, probablement... Je suis pas mal d'accord avec vous pour dire que ça doit originer des lieux, des établissements.

M. Beauregard: C'est ça.

M. Brassard: Mais ça veut dire aussi des ressources pour mettre en oeuvre une stratégie, puis impliquer, puis embarquer les entreprises. Ce n'est pas évident que les ressources sont là actuellement.

M. Roy: On a donné plusieurs exemples, à la page 21 du mémoire que nous avions produit l'automne dernier, du type de relations qui existent présentement, actuellement, entre les collèges et le milieu des affaires, qui, à mon sens, sont porteuses d'espoir pour favoriser davantage les échanges et les stages. Par exemple, le cégep de Trois-Rivières, le cégep de Victoriaville, le cégep Édouard-Montpetit, le cégep de Saint-Hyacinthe, le cégep de La Pocatière, le cégep de Bois-de-Boulogne et le cégep de Maisonneuve; il y a là quand même, à mon sens, de bonnes illustrations de ce qui peut se faire, évidemment, davantage sur ce plan-là.

M. Girard: Et, surtout, je pense que nous sommes convaincus d'une chose, nous sommes convaincus qu'il s'en fait plus qu'on ne veut bien le dire habituellement et qu'on n'est pas nécessairement conscients de ce qui se fait, un; ensuite, qu'il n'est pas possible d'avoir un modèle unique et qu'il n'est surtout pas possible d'importer carrément d'un autre pays ce qui se fait pour tenter de l'appliquer ici. On parle sans arrêt du modèle allemand. On pense que ce n'est pas possible d'appliquer ce modèle-là qui est lié à la tradition allemande. On pense qu'il faut surtout inventer des choses qui nous soient propres, qui soient adaptées. C'est pourquoi on pense que ça doit se faire au niveau local et qu'il n'y a pas un modèle unique. On pense qu'il faut tenir compte de la réalité industrielle aussi du Québec. Il y a un nombre important de grandes entreprises, mais il y a un nombre encore plus important de moyennes et de petites entreprises, et il faut voir comment ces entreprises peuvent accueillir des étudiants, et ce n'est pas nécessairement suivant le modèle de la plus grande entreprise. Mais il y a des possibilités, à des coûts raisonnables.

M. Brassard: Ça va pour le moment.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Alors, il va rester à peu près quatre minutes pour votre côté. Mais je dois auparavant vous informer, de chaque côté, que M. le député de Jacques-Cartier m'a fait savoir qu'il voulait intervenir. Vu qu'il est député indépendant, nous devons, en toute équité, lui réserver une partie du temps, d'autant plus qu'il n'en n'abuse pas souvent. Alors, sans plus tarder, je passerai donc la parole à M. le député de Jacques-Cartier; par la suite, à M. le député de Rimouski qui a demandé la parole, à Mme la députée de Terre-bonne et, s'il reste du temps, j'aurai une question, une petite intervention à faire. Mais, s'il ne reste pas de temps, bien, la présidence se sacrifiera. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.

M. Cameron: Merci, M. le Président. You are applying the wisdom of Salomon. I will try to be brief. I would like to return to the issue of excellence and competitiveness, especially in talking about evaluating cégeps. Now, you dealt with this partly already in talking about the «stages». But, for example, I think both my colleague opposite and I, who have taught in the cegep system for many years, would tell you that to compare cégeps is not only difficult in the obvious way because of the regional geographic aspect, it goes deeper than that. The problem is that there is not any consensus in our society about what is wanted from an educational institution, and to no small extent, if you are going to talk about excellence and competitiveness for Quebeckers, I think you have to talk about individual Quebeckers, that is the students, not the educational institution.

For instance, if you compare the quality of my cegep with several of the other anglophone ones, John Abbott, it would come out very well. I would love to boast that that was because of the quality of my teaching or that of my colleagues, but I think that that is only to a minor extent the reason. The reason is essentially that we get students from a more or less affluent, comfortable suburban area, usually with parents who also have college level education or more, with the right kind of support and motivation. It would be unfair to compare the college even with Dawson, for instance, which has to deal with students downtown who are doing things like working 40 hours a week in a pizza parlour and taking classes in the evening, and there are comparable things for the francophone colleges.

So, it seems to me each evaluation of a cegep will always depend more on deciding what is good for the student than what is good in terms of the college. Could you respond to that?

M. Girard: Je pense qu'on est tout à fait d'accord avec vous sur le fait que c'est d'abord l'excellence des étudiants que l'on vise, et c'est précisément la raison pour laquelle on veut évaluer la qualité des enseignements. Là-dessus, nous sommes tous d'accord. Mais il est évident que l'excellence des étudiants ou que l'excellence de l'enseignement est également. liée à la qualité de l'enseignement qui est dispensé par les professeurs. Ça me paraît évident, et c'est pourquoi on recherche des membres du corps professoral qui soient le mieux formés possible, qui soient le plus intéressés possible aux étudiants et qui donnent le meilleur enseignement possible. On ne peut pas nier la qualité nécessaire de l'enseignement et la qualité nécessaire des enseignants et des enseignantes, des professeurs. Mais il y a aussi l'excellence de l'encadrement d'une institution, l'excellence des politiques que se donne une institution. L'élément le plus important, c'est sans aucun doute la qualité de l'enseignement. La qualité des professeurs est importante et la qualité de l'enseignement pris globalement est également importante. (17 h 10)

Bien sûr, il existe des contraintes, puisque le réseau collégial est un réseau public, et la contrainte, c'est d'accepter le plus grand nombre d'étudiants. Mais, déjà, on tient compte de ce problème en rehaussant les conditions d'admission. Il n'est pas dit que tous les meilleurs étudiants aillent nécessairement dans tel ou tel cégep. Les étudiants ont quand même la possibilité de choisir le cégep où ils vont. Il n'y a pas nécessairement de répartition territoriale, tout au moins dans les grandes villes. À l'extérieur des grandes villes, ils peuvent être plus naturellement portés à aller au cégep de leur région, parce que, autrement, ça entraîne des frais considérables. Mais il y a également le régime des prêts et bourses qui peut pallier les difficultés économiques d'une certaine façon.

Donc, je pense que l'évaluation des institutions ne peut pas être mise de côté pour les éléments que vous avez évoqués. Je pense, néanmoins, que les éléments que vous évoquez sont importants et qu'on doit en tenir compte à l'intérieur d'un réseau public d'enseignement. Mais, personnellement, ça ne change pas ma conviction qu'il est essentiel, au-delà de l'évaluation des enseignements, d'aller à l'évaluation des institutions elles-mêmes dans la mesure où elles jouissent de l'autonomie nécessaire pour atteindre cette excellence.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Oui. M. le Président, je suis très heureux de constater que la Chambre de commerce du Québec et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain sont tout à fait d'accord avec la réforme telle que proposée, en tout cas en partie ou dans sa globalité. Ce que je déplore, c'est que la presse ait fui avec la CSN au moment où on avait un «rapport» tellement favorable. Ceci dit...

Le Président (M. Gobé): Revenez au sujet, M. le député.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et celle du Québec disent, à la page 9, au sujet de la formation de base et de l'enseignement d'une langue seconde: «De plus, il semble que l'orientation proposée donnera une importance accrue à l'apprentissage des langues modernes, ce qui s'inscrit tout à fait dans le contexte de la mondialisation des marchés.» Et, nécessairement, la Chambre est heureuse de l'importance accrue accordée à l'apprentissage d'une langue seconde. C'est ce que le «rapport» dit. Je pense que la réforme répond en partie aux attentes exprimées par le chef de l'Opposition. Il a déjà dit qu'il botterait le derrière à ceux et celles qui ne voudraient pas apprendre l'anglais. Mais là n'est pas ma question.

Vous dites, dans votre conclusion à la page 19: «La Chambre tient à préciser que, selon son évaluation, les ressources actuellement dévolues à l'enseignement collégial au Québec sont suffisantes et qu'une meilleure répartition des fonds déjà disponibles devrait suffire pour assurer le financement des modifications proposées.» Autant que je sache, je pense que c'est au-delà de 1 200 000 000 $ que l'on souscrit...

Une voix: 1 400 000 000 $.

M. Tremblay (Rimouski): ...1400 000 000$ pour l'enseignement collégial. Un élève nous coûte 51 $ par jour. Moi, je voudrais savoir de vous... Parce que, depuis sept ans que je suis ici, depuis sept ans que je siège à cette commission, on m'a toujours dit qu'il y avait 40 000 000$, 44 000 000$, 45 000 000$, 50 000 000 $ de surplus accumulés dans les cégeps de la province. Ce n'est pas énorme, dois-je vous dire, mais toujours il manque des ressources financières. Mais, vous autres, lorsque vous dites qu'il y a suffisamment de ressources financières, sur quoi vous vous basez pour dire ça?

Le Président (M. Gobé): M. Girard, M. Roy? Qui veut répondre?

M. Girard: II nous apparaît que le réflexe spontané lorsqu'on propose une réforme, c'est toujours d'exiger plus d'argent. On pense qu'il faut arrêter d'avoir ce réflexe si on veut véritablement réduire le niveau des dépenses publiques. Donc, la première réaction, c'est de dire: Ne demandons pas d'argent additionnel. La deuxième réaction, c'est de dire: Puisque nous décentralisons, puisque nous allons augmenter les responsabilités dans chacun des cégeps, habituellement avec une décentralisation et une responsabilisation accrue, il découle des économies possibles. Dans les entreprises, quand on rationalise et quand on fait disparaître des niveaux hiérarchiques, quand on donne une plus grande responsabilité aux entités locales, on le fait non

pas parce que c'est agréable à faire, mais on le fait dans une perspective bien précise: réduire les dépenses, augmenter les profits. Donc, on pense que cette réforme-là peut être envisagée dans la même perspective. On est incapables de dire — et je ne pense pas que ce soit notre rôle de le dire — si les sommes d'argent à l'intérieur du système sont parfaitement bien réparties et s'il ne devrait pas y avoir des transferts d'un poste à l'autre. Mais on dit: Globalement, comme réaction, n'ayons pas la réaction traditionnelle qui consiste à dire, un, plus d'argent et, deuxièmement, si, effectivement, on décentralise et on responsabilise, une partie de l'argent devrait être utilisée de façon plus efficace.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. Merci, M. le député de Rimouski. On dépasse un peu, vu qu'on a donné une enveloppe de temps à M. le député de Jacques-Cartier. Vous avez le temps, vous aussi, madame, de poser une question.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Votre mémoire s'intitule «S'inscrire au collège pour réussir». Il y a toute une partie dans le renouveau pédagogique qui a été quelque peu négligée. Vos prédécesseurs ont mis un chapitre complet sur l'éducation des adultes, la grande oubliée, et je pense que, comme employeurs, vous avez sûrement un intérêt à ce que l'éducation des adultes au cégep soit valorisée et qu'on accorde certaines mesures compte tenu de l'importance du recyclage des travailleurs en emploi et des personnes qui sont sur le marché du travail. Du côté de l'éducation des adultes, votre mémoire n'en fait pas part, mais est-ce qu'il y a certaines recommandations que vous pourriez faire pour améliorer la proposition qui est sur la table qui tient peu compte de l'éducation des adultes?

M. Girard: En fait, pour ce qui est de l'éducation des adultes, nous ne nous y sommes pas arrêtés de façon particulière, ni l'automne dernier, ni cette fois-ci. On a voulu centrer notre attention sur d'autres éléments qui nous paraissaient importants. À la lecture du document «Des collèges pour le Québec du XXIe siècle», on peut avoir l'impression que l'éducation des adultes est oubliée, mais je ne pense pas que ça corresponde à la réalité. Il y a quand même un nombre important et un nombre croissant d'adultes qui sont inscrits dans les cégeps, qui ont accès tant aux programmes préuniversitaires qu'aux programmes professionnels. Je ne pense pas — encore une fois, nous n'avons pas regardé systématiquement ce qu'il en est — qu'il y ait nécessairement des mesures nombreuses à prendre pour ce qui est de l'éducation des adultes. On pense que, déjà, le réseau collégial est largement ouvert aux adultes. On pense que c'est une bonne chose et on pense que c'est excellent que les adultes puissent suivre des cours généraux, puissent suivre des cours d'appoint, et je pense que de plus en plus d'entreprises se servent, d'ailleurs, des cours de perfectionnement qui sont dispensés par les cégeps pour les employés qui travaillent chez elles.

Mais, encore une fois, on ne voit pas nécessairement d'oublis fondamentaux par rapport à l'éducation des adultes.

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci. J'aurais moi-même, M. Roy, peut-être une question, mais je n'aurai probablement pas le temps. Mais vous pouvez peut-être faire le commentaire.

En effet, à la page 9, lorsque vous faites valoir votre support ou intérêt pour l'acquisition de nouvelles connaissances, et particulièrement des langues vivantes, des langues modernes, on se rend compte qu'on ne fait qu'aller dans un grand courant international qui veut que, de plus en plus, nos jeunes qui vont sortir des écoles, et de l'enseignement supérieur en particulier, aient des connaissances importantes de différentes langues, que ce soit l'anglais, l'allemand ou d'autres langues. On voit d'ailleurs que notre mère patrie linguistique ou culturelle qu'est la France connaît actuellement un certain nombre de problèmes, ayant des diplômés qui parlent très mal ou ne maîtrisent pas très bien un certain nombre de langues. On voit que, sur le commerce extérieur, sur l'exportation non seulement des cerveaux, de nos techniciens, de nos ingérieurs, de nos cadres, mais aussi de nos produits, c'est certainement un handicap.

J'aurais voulu en discuter plus longuement parce qu'on sait que vous êtes à la base de toute cette activité économique internationale, comme chambres de commerce, par vos membres; malheureusement, il n'y a pas beaucoup de temps. Et ce que j'aimerais dire, c'est que peut-être dans la prochaine commission parlementaire qui aura lieu la semaine prochaine, qui va parler peut-être d'immersion, de choses comme ça, vous puissiez intervenir et faire valoir ces points-là. (17 h 20)

M. Roy: Très bien, M. le Président. Nous avons effectivement été convoqués pour la semaine prochaine. Nous avons l'intention de participer à ce nouveau débat. On a, par ailleurs, demandé un report à la semaine suivante et j'espère que notre demande sera exaucée parce que nous ne serions pas en mesure, dès la semaine prochaine, de nous faire entendre et de produire un mémoire sur une question qui est fort complexe, qui est difficile et qui est importante pour le Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le président. Au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'être venus devant nous aujourd'hui. Ceci met donc fin à votre présentation. Merci beaucoup.

Je vais donc suspendre les travaux quelques minutes pour permettre au groupe suivant, soit les représentants de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins, de s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Gobé): Les représentants de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, vous avez la parole. Monsieur ou madame, je ne sais pas qui est le porte-parole, je vous prierais de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent.

La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. D'Amours (Alban): Très bien. Merci, M. le Président. Mon nom est Alban D'Amours, je suis premier vice-président à la confédération des caisses Desjardins. À ma droite, M. Yves Morency, directeur associé aux affaires stratégiques; à ma gauche, Mme Joëlle Noreau, analyste senior à la Confédération, et M. Edgar Joly, à sa gauche, responsable des études stratégiques à la Confédération.

C'est avec plaisir que nous répondons à l'invitation qui nous est adressée et que nous vous livrons les commentaires du Mouvement Desjardins sur le projet de loi 82. Desjardins sait bien que la survie des entreprises dépend du niveau des compétences et des connaissances de sa main-d'oeuvre actuelle et future. Voilà pourquoi la question de l'enseignement collégial rejoint ses préoccupations d'employeur, d'acteur de premier plan dans l'industrie des services financiers et, enfin, de partenaire majeur impliqué dans le développement économique et social du Québec.

À notre avis, le projet de réforme touche un nombre important de sujets abordés en commission parlementaire même s'il demeure timide à certains égards. Nous aurions souhaité, à l'occasion, des engagements plus fermes à l'égard de quelques-unes des préoccupations énoncées en commission parlementaire par Desjardins. Après lecture du projet de loi 82 et du document support publié en parallèle, nous avons choisi de présenter nos commentaires selon chacune des cibles stratégiques retenues pour appuyer le renouveau de l'enseignement collégial.

Le Mouvement Desjardins souscrit à l'objectif «d'assurer aux jeunes et à l'ensemble de la population un enseignement collégial de calibre et d'une qualité qui leur permettent de se mesurer aux meilleurs standards de compétence», tel qu'il est formulé dans l'introduction aux cibles stratégiques. Desjardins a d'ailleurs souligné en commission parlementaire que l'environnement concurrentiel des entreprises élève substantiellement les standards de qualité et crée des pressions sur les plans de la rentabilité et de la productivité. Ces défis seront rencontrés grâce à des employés qualifiés, ouverts au changement et sensibles à la qualité.

Nous croyons que la recherche de l'excellence et de la qualité sont des objectifs incontournables dans le contexte de compétitivité actuel. C'est pourquoi nous réitérons notre recommandation d'instaurer une démarche de qualité dans le réseau des collèges. La création de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial est déjà un pas dans cette direction. La démarche qualité suppose également une consultation accrue de la clientèle desservie, un questionnement des façons de faire et une mobilisation des employés, ce qui pourrait accélérer la mise en place de la réforme. L'objectif est d'apporter des améliorations sur une base continue à tous les paliers de décision qui profiteront directement aux étudiants et à l'ensemble de la société.

La réussite des études, première cible. Dans le document support au projet de renouveau, on peut lire que, «pour être admis à un niveau d'études, il est normal d'avoir réussi l'essentiel obligatoire du niveau précédent». Desjardins ne peut qu'être en accord avec ceci. Cependant, nous voudrions nous assurer que les élèves du secondaire en études professionnelles puissent compter sur une formation reconnue sur le marché du travail. Les objectifs devront être définis clairement et rapidement pour éviter les désillusions tant chez les employeurs que chez les employés sur le marché du travail.

Au chapitre de la reconnaissance des acquis, nous sommes heureux que l'approche par compétences ait été retenue. En effet, l'approche par compétences facilite une évaluation rigoureuse des acquis, notamment auprès de la clientèle adulte. De plus, dans la mesure où cette approche est généralisée à tous les programmes et qu'une évaluation appropriée sanctionne l'acquisition de compétences précises, les passerelles entre les programmes pourraient être simplifiées et identifiées rapidement.

La mesure visant la responsabilisation face aux études et l'incitation à la réussite ne nous apparaît pas excessive. L'instauration de frais pour chacun des cours après cinq échecs dans le cas du programme préuniversitaire et sept échecs dans le programme d'études techniques doit être perçue comme un signal plutôt qu'une pénalité. Cette procédure ne doit, en aucun cas, constituer un mode de financement des études collégiales. La gratuité scolaire est, pour nous, un principe fondamental. C'est pourquoi nous préférons une mesure de cet ordre plutôt qu'une mesure qui s'appliquerait au nombre de sessions, ce qui pénaliserait les étudiants qui ont un cheminement plus long. Il serait souhaitable de prévoir une évaluation des impacts de cette mesure sur la réussite scolaire, ou l'abandon, afin de s'assurer de pouvoir apporter des correctifs au besoin. Au-delà de cette mesure, il faut cf'abord s'intéresser à la réussite des étudiants et faire en sorte que les échecs à répétition soient minimisés, sinon éliminés. Cette question est liée de près avec celle de la formation reçue au secondaire que nous avons abordée précédemment.

Autre cible, des programmes d'études cohérents, exigeants et adaptés aux besoins. «Une formation générale commune, enrichie et plus cohérente», ce sont là des propos semblables à ceux qu'a tenus Desjardins lors de la commission parlementaire de l'automne. Nous ne commenterons pas le contenu des modifications qui sont proposées. Toutefois, nous sommes favorables à l'augmentation du nombre de cours en langue d'enseignement

et littérature. Desjardins appuie la mise en place de mécanismes d'évaluation et de suivi pour mesurer l'atteinte des objectifs poursuivis dans les programmes. Il souhaite, d'ailleurs, qu'un processus de révision souple puisse permettre de corriger rapidement le tir si les objectifs ne sont pas rencontrés. Nous souhaitons que la révision des composantes de la formation générale des programmes se fasse rapidement. (17 h 30)

Le choix d'une articulation plus nette entre le collège et l'université ne pourrait être contesté. Nous souhaitons qu'une formation générale modifiée permette de faciliter les arrimages. À notre avis, il faudra procéder à l'établissement d'objectifs de formation clairs et partagés à l'intérieur de chaque programme entre les collèges et les universités afin de faciliter cette harmonisation des programmes préuniversitaires et universitaires.

On souhaite «un éventail de programmes à simplifier et à rationaliser». Desjardins est favorable à cet exercice puisqu'il a lui-même recommandé de réviser l'ensemble des programmes techniques afin de permettre un élagage. Il va de soi que Desjardins s'intéresse particulièrement aux programmes qui traitent de conseils financiers et d'applications informatiques. Au-delà de la refonte des programmes, nous demeurons préoccupés par une plus grande souplesse des modalités proposées favorisant l'accessibilité de différentes clientèles et facilitant les expériences de rapprochement avec les milieux de travail.

À la lecture du document support, on constate que les programmes d'établissement (attestation d'études collégiales) pourront être élaborés avec une marge de manoeuvre considérablement accrue. Desjardins s'intéresse à cette modification qui contribue à rapprocher les collèges et les entreprises, et les besoins du milieu. Toutefois, nous soumettons certaines questions qui nous concernent particulièrement à titre d'employeur oeuvrant partout au Québec

Pour un même besoin, comment s'assurer qu'il y ait harmonisation dans la rationalisation des développements de programmes d'établissement, les A.E.C., qui préparent à des emplois similaires sur le territoire du Québec?

Comment s'assurer d'une homogénéité au niveau de la détermination des objectifs à atteindre et des standards recherchés? Par exemple, la formation en conseil financier serait-elle comparable qu'elle soit donnée à Gaspé ou à Hull? La formation dispensée devrait être équivalente partout au Québec pour mettre en oeuvre, pour faciliter la mobilité tant souhaitée par les employeurs et les employés. Une formation reconnue dans tous les collèges qui la dispensent évite, évidemment, des déplacements coûteux aux étudiants et, donc, au gouvernement. Ainsi, les étudiants qui ont tendance à se concentrer dans les collèges qui ont la meilleure réputation, bien, on pourrait en partie éliminer ces problèmes.

Comment faciliter aux étudiants ayant obtenu une attestation une transition vers un D.E.C. qui soit réali- sée dans un esprit de reconnaissance des compétences déjà acquises? Cela se présente davantage à l'égard des adultes en emploi qui retournent aux études.

La réduction du nombre d'appellations de diplômes de niveau collégial pour ne retenir que le diplôme d'études collégiales, D.E.C, et l'attestation d'études collégiales évitera, à notre avis, la confusion. Nous souhaitons être associés à la révision des différents programmes dont l'objectif est la formation dans le domaine du conseil financier. Notre mémoire déposé à la commission de l'éducation contenait, d'ailleurs, une recommandation qu'on pouvait lire ainsi: «accroître les relations entre les collèges et leurs milieux respectifs pour l'élaboration et la révision des programmes de formation». Notre intention n'est pas de dicter la façon de faire, mais de clarifier les besoins en matière de formation financière.

Nous accueillons favorablement les deux mesures visant la promotion de la formation technique. La valorisation de la formation technique est une préoccupation de Desjardins. Il a d'ailleurs fait valoir son intérêt pour la question lors du dépôt du mémoire.

Cette troisième cible stratégique concernant des responsabilités académiques accrues pour les établissements et, corrélativement, un dispositif d'évaluation plus rigoureux nous suggère les commentaires suivants. Us seront brefs. Nous sommes d'accord avec la proposition de centraliser au niveau ministériel la définition des objectifs et des standards et de décentraliser les activités d'apprentissage au niveau des collèges. Les mécanismes d'évaluation proposés tant au niveau de chaque collège qu'au niveau de l'ensemble du réseau nous conviennent. Nous constatons que le mandat de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial respecte certains principes de base en gestion: autonomie, transparence et imputabilité.

Enfin, quatrième cible, des partenariats renouvelés et resserrés. La confirmation de la mission des collèges et l'exercice de leurs pouvoirs, notamment dans les activités d'aide à l'entreprise et de développement régional, nous satisfont. Il s'agit, d'ailleurs, de deux aspects abordés par Desjardins en commission parlementaire. Nous souhaitons que la latitude dont disposeront les collèges leur permettra d'accroître les actions déjà entreprises.

Nous saluons avec satisfaction la présence de deux membres nommés parmi des personnes oeuvrant au sein d'entreprises au conseil d'administration de chaque collège. La représentation prévue, tant au sein des conseils d'administration des collèges qu'au sein de la société régionale de développement de la main-d'oeuvre, est un pas dans la direction des arrimages souhaités entre les ministères.

L'idée d'une carte intégrée des enseignements professionnels et techniques nous semble utile. Elle a de bonnes chances de servir comme point de repère auprès des employeurs. Le mois d'août 1994 nous semble cependant lointain, et nous espérons que cette échéance ne sera pas dépassée.

La formation d'un comité national d'études techniques est intéressante, mais nous émettons des réserves. Cette action répond partiellement à la recommandation de Desjardins d'associer les entreprises qui ont participé à l'élaboration des programmes à l'évaluation de l'efficacité de ces derniers. Il aurait été intéressant de connaître le mode d'opération du comité, du moins dans ses grandes lignes, et d'identifier les types de membres recherchés par secteur d'activité, parmi les collèges, les milieux du travail, socio-économique et autres. Voilà, en somme, le fondement de nos réserves.

Lorsqu'il est question de stimuler le partenariat avec l'entreprise, on parle de stages en alternance avec la formation. Permettez-nous de référer à nouveau au mémoire que nous avons déposé où nous recommandions de soutenir la création de programmes techniques incluant des stages en milieu de travail selon le modèle coopératif. Le document de support ainsi que le projet de loi sont très peu explicites à ce sujet. Nous aurions aimé quelques précisions sur les possibilités de stages pour les enseignants. À cet effet, nous avions recommandé de mettre en place des mécanismes pour réaliser les stages de perfectionnement d'enseignants au sein d'entreprises, selon les disponibilités de ces dernières.

Quelques questions en suspens, à notre avis. Nous sommes conscients que le programme de renouveau ne peut viser toutes les cibles à la fois. Pourtant, un sujet abordé en commission parlementaire trouve peu d'écho dans le projet de loi, c'est celui de l'encadrement des étudiants. Le façonnement d'une «tête bien faite» et de citoyens responsables passe également par le sentiment d'appartenance qu'ils développent face à leur institution. Il ne semble pas qu'il y ait de mesures concrètes pour renforcer la mission des collèges comme milieu de vie pour les étudiants. C'est, à notre avis, un des volets de ce que l'on appelle l'éducation. Nous avions insisté sur cet aspect lors de notre audience à la commission de l'éducation en novembre dernier. Nous nous demandons si les sessions d'accueil et d'intégration pourront suffire à la tâche.

La réforme de l'enseignement collégial deviendra majeure seulement si les quatre cibles stratégiques sont atteintes et si on effectue des suivis constants. C'est par la réalisation de ces deux conditions que nous aurons des collèges pour le Québec du XXIe siècle.

Enfin, le suivi constant des objectifs permettra de réviser périodiquement les actions entreprises et de s'adapter à l'évolution de la société québécoise dans un contexte de mondialisation. Il ne faudra plus désormais 25 ans pour se pencher à nouveau sur ces grandes questions.

Voilà l'essentiel de nos commentaires sur le projet de renouveau de l'enseignement collégial.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. D'Amours. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux d'abord saluer les représentants de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins et vous remercier d'être venus en commission parlementaire pour étudier le renouveau collégial. J'aimerais approfondir certains des énoncés de votre mémoire.

D'abord, au niveau de la réussite des études, M. D'Amours — et là je réfère surtout à la page 2 de votre mémoire — vous dites très clairement que vous voulez vous assurer que les élèves du secondaire en études professionnelles puissent compter sur une formation reconnue sur le marché du travail. J'aimerais ça que vous m'explicitiez. Est-ce à dire que présentement, si quelqu'un a un D.E.P., un diplôme d'études professionnelles, par exemple, à la confédération des caisses, vous ne reconnaissez pas ce diplôme-là? (17 h 40)

M. D'Amours: Non...

Mme Robillard: Qu'est-ce que je comprends, là: «puissent compter sur une formation reconnue sur le marché du travail»? Ils existent présentement, les diplômes d'études professionnelles, dans plusieurs champs d'activité.

M. D'Amours: Oui.

Mme Robillard: Alors, qu'est-ce qui est sous-jacent à votre recommandation?

M. D'Amours: Dans cette démarche que vous nous proposez, nous réaffirmons cet élément-là. Nous l'avons mentionné dans notre mémoire de novembre; nous le réitérons. Nous croyons donc que cette préparation-là, cette diplomation devrait permettre cette reconnaissance. Il y a un certain nombre d'éléments techniques. Peut-être que Mme Noreau pourrait expliquer davantage.

Mme Noreau (Joëlle): Dans le projet de réforme, le projet de renouveau, on parle beaucoup de hausser les seuils dont, notamment, l'admissibilité au collégial. Notre idée est aussi qu'on engage des gens qui, à un moment donné, ont une formation du secondaire. Puis il ne faudrait pas mettre de côté la formation professionnelle obtenue au secondaire et ne mettre les efforts que sur les gens qui se rendent au collégial.

Mme Robillard: Mais soyez encore plus précis. Présentement, il y a des élèves... Est-ce que la Confédération engage des élèves du secondaire qui ont un diplôme d'études professionnelles, au moment où on se parle?

Mme Noreau: À la Confédération, moins. Peut-être plus au niveau des caisses.

Mme Robillard: Est-ce qu'on est satisfait de la formation de ces étudiants-là?

Mme Noreau: On est obligés, d'un certain côté,

d'amener une certaine formation propre à Desjardins. On ne peut pas demander aux gens qui sortent du secondaire d'avoir une autonomie très grande au niveau de la manipulation des caisses et de toutes ces choses-là. Cependant, notre préoccupation est à l'effet que, comme on souhaite mettre des efforts pour les gens qui se rendent au collégial, on souhaiterait aussi qu'on n'oublie pas les gens qui finissent au niveau professionnel au secondaire.

Mme Robillard: Qu'on hausse les exigences, là aussi, au niveau du diplôme d'études professionnelles?

Mme Noreau: On n'irait pas jusque-là, mais, s'il y a des efforts qui sont faits, notamment pour les gens qui se rendent jusqu'au collégial, si ces efforts-là peuvent être investis aussi pour les gens qui finissent au secondaire, on souhaiterait que ces gens-là puissent en bénéficier également.

Mme Robillard: Est-ce à dire que vous êtes en accord avec les seuils d'admission qui sont précisés dans le renouveau collégial ou si vous avez des réserves?

M. D'Amours: Non. À l'égard des seuils d'admission, non. Nous sommes totalement d'accord avec ce que vous proposez, vous avancez dans votre orientation. Ces seuils d'admission vont nous permettre, finalement, le passage d'un niveau à un autre, d'une part, puis, deuxièmement, ils nous assurent aussi de la qualité de la diplomation à chaque niveau. Lorsque nous employons des étudiants, des diplômés du secondaire dans les caisses, au niveau technique, il est bien évident que nous devons, chez nous aussi, poursuivre leur formation à certains égards au niveau professionnel. Dans ce contexte-là, il est bien clair que cette formation professionnelle, lorsque nous la donnons, cette expérience qu'ils acquièrent chez nous aussi pourraient être reconnues dans un profil de formation ultérieur lorsqu'ils accèdent au cégep. Et ces acquis au niveau de la compétence, nous accueillons cette orientation-là avec beaucoup de satisfaction parce qu'elle permet d'intégrer les efforts de formation que nous faisons, nous, auprès de nos employés, surtout, évidemment, des étudiants adultes qui veulent cheminer vers un diplôme collégial.

Mme Robillard: M. D'Amours, à la page 4 de votre mémoire, vous soulevez d'excellentes questions. Je ne peux pas dire que j'ai des réponses à toutes ces questions-là. Vous nous parlez de l'harmonisation des nouveaux programmes d'établissement, des attestations d'études collégiales, et vous soulevez la question: Comment on va harmoniser ça dans différentes régions du Québec si c'est pour répondre à des emplois similaires? Vous savez sûrement que présentement, dans le système actuel, il y a des attestations d'études collégiales, il y a des certificats d'études collégiales. En plus, les cégeps font aussi beaucoup de formation sur mesure. Est-ce qu'à date vous avez noté des problèmes semblables sur le territoire? Etant donné que vous avez des caisses dans tous les coins du Québec, peut-être que vous avez été à même de constater que, par rapport à des besoins similaires, quand vous faisiez une demande de formation au niveau du cégep, on vous répondait différemment d'un endroit à l'autre. Est-ce que ma question...

M. D'Amours: Je dois vous dire que nous nous plaçons ici dans la perspective d'un renouveau. Lorsque nous nous sommes présentés en commission parlementaire, vous vous rappelez sans doute que nous avons été critiques par rapport aux programmes actuels qui sont disponibles dans les cégeps et, en particulier, à l'égard de la formation professionnelle et de la formation des conseillers financiers. Nous avions donc pris des initiatives avec certains cégeps pour faire en sorte que les enseignements dont nos employés ont besoin puissent être offerts par les mêmes cégeps. Nous avons élaboré avec eux les programmes de formation et signé des ententes. Ce que nous souhaitons, dans le cadre du renouveau que vous proposez, où vous accordez beaucoup plus d'autonomie aux cégeps, ce avec quoi nous sommes d'accord... Nous pensons, cependant, que cette autonomie-là doit être exercée sous l'éclairage ou sous l'orientation de normes, de standards, finalement, qui sont établis pour l'ensemble du Québec. Parce que, au-delà de cette autonomie régionale, il y a lieu aussi de retenir l'importance d'une formation reconnue partout assurant, donc, cette mobilité. Il est clair que, si on s'en tient à cette autonomie que l'on favorise et que l'on permet aux cégeps de développer des programmes de formation dans le domaine du conseil financier, et qu'on arrive avec des conseillers financiers formés en Gaspésie qui ont une formation inégale et de qualité ou de contenu différent de celle offerte dans la région de Hull, nous allons créer la tour de Babel. Alors, vous voyez, nous voulons le meilleur des deux mondes, c'est bien clair, mais nous pensons qu'il peut être atteint.

Mme Robillard: Vous avez sûrement noté que, dans le renouveau collégial, les nouvelles attestations d'études collégiales, comme on les appelle, à être données par les cégeps devront être données dans des domaines où ils donnent déjà le diplôme d'études collégiales et que, pour ces diplômes-là, nécessairement, il y a des objectifs et des standards nationaux qui ont été établis. Est-ce que, ça, ça vous apparaît suffisant ou pas?

M. D'Amours: Oui, ça, ça nous apparaît suffisant, parce que les étudiants bénéficieront d'une formation de qualité évaluée en fonction de ces standards-là, mais, en même temps, nous allons nous assurer que la formation... Et, bien entendu, cela signifie qu'il faut revoir ces programmes, rationaliser ces programmes, comme nous l'avons souhaité, et peut-être introduire de nouveaux programmes mieux adaptés. Je pense que l'exercice doit être fait à cet égard-là. Ce qui était fait auparavant, à notre sens, ne nous satisfait pas totale-

ment, parce que, rappelez-vous, nous avons souhaité que vous fassiez cette rationalisation parmi les programmes.

Mme Robillard: Remarquez, ceci n'empêcherait pas qu'un collège donne quand même une attestation. S'il ne donne pas le diplôme d'études collégiales dans ce domaine-là, il pourrait très bien s'affilier ou collaborer avec un autre cégep qui le donne, ce diplôme d'études collégiales. Donc, là, les objectifs et les standards nationaux pourraient être respectés.

M. D'Amours: Voilà une autre façon d'atteindre l'objectif que nous proposons.

Mme Robillard: Que vous poursuivez. M. D'Amours, vous avez des inquiétudes ou des réserves sur le comité national d'études techniques. Pourriez-vous me faire part de vos réserves? Est-ce que, comme la chambre de commerce, vous craignez que ce soit une structure lourde, qu'elle ne soit pas souple? Quel est le sens de vos réserves?

M. D'Amours: Nos réserves tiennent au fait que l'idée est intéressante, sauf qu'on ne sait pas trop comment, finalement, ça va s'articuler et quels résultats on doit attendre de ce comité national. Lorsqu'on se réfère au texte que vous avez publié, j'ai peine à... Par exemple, j'avais noté un endroit où, finalement, après avoir élaboré sur les rôles de ce comité, on conclut qu'il n'est pas consultatif. Dans une première lecture, lorsqu'on aborde la question, on dit: Bon, bien, voilà une façon de mettre ensemble les partenaires et d'aller chercher auprès d'eux des avis pour nous conseiller. À tout le moins, voilà un premier niveau. Dans le texte, on dit: Bon, bien, ils ne feront même pas ça. Alors, on se dit, après avoir essayé de comprendre davantage: À quoi va-t-il servir, finalement? (17 h 50)

Vous terminez le texte en disant: Elle situerait d'emblée ses actions au niveau des orientations d'ensemble, assumant et élargissant ainsi la portée de certaines questions qui étaient jusqu'ici examinées à la Commission de l'enseignement professionnel. Alors, où est-ce que vous le situez? Il n'est pas consultatif. C'est un petit peu ça, l'embarras.

Mme Robillard: On aura sûrement l'occasion d'en reparler, M. D'Amours. Il n'est pas consultatif parce que la ministre, ou le représentant de la ministre, est directement à la table, ce qui n'est pas le cas...

M. D'Amours: Ça m'avait intrigué.

Mme Robillard: ...d'un conseil consultatif qui envoie des avis à la ministre ou qui fait des recommandations. La ministre est présente à la table.

M. D'Amours: Ça m'a intrigué, ça, madame.

Mme Robillard: Que ce soit elle ou son représentant, ça veut dire qu'elle participe directement au comité. Maintenant, naturellement, c'est un comité qui est concentré sur les programmes académiques. C'est un comité académique, entre guillemets. Donc, même au niveau des objectifs et des standards des programmes techniques, le comité devra s'y pencher et les regarder pour l'ensemble de la province, et là vous avez vu les autres mandats, même au niveau de la répartition géographique ou du calendrier de révision des programmes. Alors, je veux que ce soit une table d'action rapide, efficace, loin d'être lourde. Alors, c'est pour ça que, quand je vois des réserves, j'aime bien les comprendre même si toutes les modalités ne sont pas encore arrêtées au moment où on se parle. Mais c'est dans ce sens-là qu'on y travaille.

Alors, ça va. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Non, madame.

M. D'Amours: J'ajouterais, M. le Président, qu'il y a un des aspects qui nous a un petit peu intrigués: la présence de la ministre sur le Comité. Vous l'avez souligné, je n'étais pas assez audacieux pour le faire, mais la présence de la ministre peut, dans ce genre de comité là, amener à concevoir ce comité comme devant être expéditif, efficace. La ministre, qui va se présenter à ce comité-là, elle va arriver avec un sens de l'écoute probablement très développé. Mais quels résultats va-t-elle rechercher, ou va-t-il rechercher, avec l'usage des personnes autour de la table? Va-t-il chercher des conseils des personnes qui entourent la ministre ou le ministre? C'est tout ça, là. On n'arrive pas trop à comprendre. Alors, on sait que vous aurez les réponses plus tard.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. D'Amours. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez maintenant la parole.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Madame et messieurs, à la page 7 de votre mémoire, vous indiquez qu'en matière de stages en milieu de travail et de formation en alternance, «le document de support ainsi que le projet de loi sont très peu explicites à ce sujet». C'est le moins qu'on puisse dire. Il y a un voeu, une intention, tout au plus, et une invitation à aller dans cette direction-là. Alors, je comprends que vous auriez préféré avoir des éléments plus précis en matière de mise en oeuvre d'une politique de stages et de formation en alternance. Vous parlez de modèle coopératif, vous parlez également de possibilité de stages pour les enseignants. C'est une dimension intéressante qui n'apparaît pas, particulièrement en formation professionnelle, les stages pour les enseignants; donc, tout ça, ça concerne la politique de perfectionnement. Enfin, bref, si je vous comprends bien, cette partie-là de l'énoncé de politique vous apparaît nettement insuffisante et mériterait d'être davantage articulée et précisée pour qu'on sache un peu

plus où on s'en va dans cette matière-là pourtant jugée essentielle surtout dans le milieu des affaires et dans les milieux socio-économiques.

M. D'Amours: Nous reconnaissons les mérites de la formule de ces stages, pour l'avoir pratiquée. À Desjardins, nous l'avons pratiquée à différents niveaux. Nous la pratiquons au niveau secondaire; des étudiants du secondaire font actuellement des stages chez nous et ils y trouvent un avantage considérable. Pour les professeurs, à mon sens, s'il y avait des façons de les organiser dans le cadre de protocole avec les collèges et les maisons d'enseignement, il y aurait, je pense, un avantage considérable. Parce que, si on souhaite le rapprochement, si on souhaite instaurer une approche qualité, ça commence par une bonne lecture des besoins de l'étudiant d'abord, mais aussi des besoins du milieu de travail et, dans ce sens-là, le rapprochement, à travers les stages, constitue une technique de lecture.

M. Brassard: Une autre question...

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le député.

M. Brassard: ...parce que ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière a également une question à poser; ça porte sur la formation générale, la formation commune. Vous avez choisi de ne pas commenter le contenu des modifications proposées au niveau de la formation générale commune, les trois blocs, et, bon, les cours retranchés. Est-ce qu'on peut savoir pourquoi? Vous ne vous sentiez pas compétents pour porter un jugement ou une évaluation sur la proposition? Pourquoi vous avez choisi de ne pas vous prononcer là-dessus, sauf pour la langue seconde, je pense, là?

M. D'Amours: Sauf pour la langue d'enseignement et la littérature, et on se permet ce commentaire-là: Dans le domaine de la langue et des connaissances générales, que des efforts additionnels soient apportés à l'intérieur des programmes, ça nous apparaît dans le sens logique d'une formation générale plus solide.

En ce qui a trait aux autres suggestions qui sont faites, aux modifications proposées, en général, nous croyons qu'elles vont dans le bon sens. Mais nous ne voulons pas nous mettre au milieu d'une polémique, à savoir si moins de cours de philosophie ou plus de cours de philosophie, ou d'éducation physique, ou autres, constitue la véritable réponse. Ce que nous avons souligné lorsque nous sommes venus en commission parlementaire, c'est que nous voulions que les programmes développent des habiletés chez ces étudiants, et des habiletés générales. Nous les avons énumérées, ces habiletés, dans notre mémoire du mois de novembre et nous avons soumis à la commission que les cours devant composer des programmes devaient être choisis par des spécialistes, mais qu'ils devaient, par ailleurs, répondre à ces attentes que nous avons formulées en termes de résultats de formation, à savoir des habiletés. Nous avions souligné, comme habiletés recherchées, la capacité d'apprendre à apprendre, la capacité d'analyser et de faire des synthèses, l'habileté à communiquer, l'habileté à travailler en groupe, la capacité de faire appel à des experts autour de soi, l'habileté à solutionner des problèmes, le développement permanent d'une curiosité intellectuelle, le sens de l'éthique, la capacité d'autonomie et le sens de l'innovation. Alors, voilà, ça devrait donner lieu à ce produit-là.

M. Brassard: Bien.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée...

M. Brassard: Oui, je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne suis pas certain que vous devriez faire confiance à la ministre pour atteindre ces objectifs-là.

Le Président (M. Gobé): Ha, ha, ha! Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Moi aussi, c'est à la page 7 de votre mémoire que j'ai accroché quand vous dites: «Le façonnement d'une "tête bien faite" et de citoyens responsables passe également par le sentiment d'appartenance qu'ils développent face à leur institution.» Effectivement, lors de la commission parlementaire, les groupes qui sont venus nous rencontrer et qui sont venus s'exprimer, surtout les groupes de jeunes — à ce moment-là, je pense au Conseil permanent de la jeunesse et aux autres groupes d'étudiants — nous ont expliqué comment c'était important de sentir qu'il y avait un milieu de vie dans le collège, qu'ils avaient beaucoup de difficultés à retrouver ce milieu de vie et à développer, justement, ce sentiment d'appartenance là.

Vous avez aussi des questions. Vous vous demandez si les sessions d'accueil et d'intégration pourront suffire à la tâche. Moi, non plus, je ne suis pas trop convaincue. Qu'est-ce que vous auriez aimé souhaiter comme mesures concrètes pour qu'on retrouve vraiment ces mesures-là dans la loi 82? Quel genre de mesures? Pourriez-vous être un petit peu plus clairs là-dessus? (18 heures)

M. D'Amours: D'abord, en termes d'encadrement des étudiants, on n'est pas sûrs, avec ce qui est prévu dans le projet que nous avons sur la table, qu'il y a suffisamment d'encadrement de prévu et que cet encadrement-là soit destiné à mieux situer l'étudiant dans son milieu, pour que l'étudiant apprenne à vivre en société dans son école. D'abord, à travers sa vie familiale, les valeurs familiales qu'il développe vont l'amener, finalement, à vivre en société, mais on le retrouve plus longtemps, finalement, à l'école, très souvent, que dans son milieu familial, en train d'échanger sur les valeurs d'une société, de les pratiquer à l'école. Il passe ses grandes journées à le faire. Alors, on voudrait qu'il soit bien

encadré, qu'il puisse avoir une occasion d'apprendre à vivre en société.

Il y a des activités qui peuvent être prévues à cet effet. Par exemple, je vais faire une incursion dans les programmes, on a réduit le nombre de cours en éducation physique. Alors, on croit que, pour certains, c'est une bonne décision et, pour d'autres, c'est une mauvaise décision. Moi, je vois ça par rapport à cette intégration. Il n'est pas nécessaire, à mon avis, de créditer des cours en éducation physique pour assurer une meilleure intégration. Cependant, il serait souhaitable que les maisons d'enseignement développent des activités d'éducation physique, peut-être hors programme, de sorte que ce soit une activité bien encadrée et qui permette un développement de la personne. Ce n'est pas nécessaire d'accorder des crédits pour permettre le développement de la personne. M. Joly voudrait ajouter quelque chose.

M. Joly (Edgar): J'aimerais ajouter, si vous permettez. On parle dans votre document, à la page 15, d'une première session sous le signe de l'accueil et de l'intégration. Ce qu'on entend souvent, c'est que c'est dans la deuxième session qu'il y a des problèmes.

Mme Carrier-Perreault: Ce n'est pas notre document.

M. Joly (Edgar): Ce n'est pas votre document, je comprends.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Joly (Edgar): Je m'excuse, je devrais dire: Dans le document de la ministre. Excusez-moi.

Le Président (M. Gobé): Ne vous inquiétez pas; un jour, il va être le leur aussi. Ils vont se rallier.

M. Joly (Edgar): Dans le document de Mme la ministre, on parle d'une première session sous le signe de l'accueil et de l'intégration, et, moi, ça m'a frappé, parce que je me suis dit: Pourquoi pas un suivi? C'est les mêmes choses, c'est les mêmes professeurs, c'est les mêmes gens, ça ne coûte probablement pas beaucoup plus cher, et ça permet de continuer à suivre et à voir le cheminement de l'étudiant, parce que c'est là que le cheminement change et souvent, oups! on les perd. Le décrochage, il se fait probablement plus dans la deuxième que dans la première année.

Mme Carrier-Perreault: C'est intéressant. Merci.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Merci beaucoup. N'ayant plus d'interventions, au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier, et soyez assurés que nous prendrons bonne note de vos remarques et considérations. Alors, bonne soirée!

Ceci met fin aux travaux de notre commission pour cet après-midi. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Bon appétit à tout le monde! (Suspension de la séance à 18 h 4)

(Reprise à 20 h 12)

Le Président (M. Bradet): Alors, la commission reprend ses travaux. Je demanderais au prochain groupe, l'Institut canadien d'éducation des adultes, de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. J'aimerais vous rappeler le temps qui est alloué pour la période de présentation et celle des échanges. Comme ça a été convenu, vous aurez 20 minutes pour votre présentation et il restera 40 minutes pour les échanges avec les parlementaires, c'est-à-dire, si le Parti Égalité intervient, ça veut dire 20 minutes, 20 minutes, 20 minutes. Est-ce que, M. Cameron, vous allez intervenir?

M. Cameron: Peut-être trois minutes. Le Président (M. Bradet): Oui? D'accord. Une voix: C'est réparti en trois.

Le Président (M. Bradet): C'est ça. D'accord.

Alors, Mme la présidente, Mme Blais, est-ce que vous pourriez nous présenter les gens qui vous accompagnent?

Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA)

Mme Blais (Madeleine): Oui. Bonsoir, M. le Président. Je désire vous présenter Mme Diane Laberge, la directrice générale de l'Institut canadien d'éducation des adultes; M. Jean-Pierre Hébert, membre du comité sur les politiques en éducation des adultes de l'Institut; Mme Louise Carrier, membre aussi du comité de l'ICEA sur les politiques; et Mme Marie Leclerc, chargée de projets à l'ICEA.

Alors, je vous remercie d'avoir accepté de...

Le Président (M. Bradet): Juste avant, Mme la présidente...

Mme Blais: Oui. Je m'excuse.

Le Président (M. Bradet): Vous nous avez demandé, je pense, un dépôt de document qui est un ajout au mémoire de l'institut canadien.

Mme Blais: Oui, c'est exact. Mémoire déposé

Le Président (M. Bradet): Alors, comme il s'agit d'un ajout au mémoire, votre document est donc déposé.

Mme Blais: Ça va. Je vous remercie.

M. Brassard: Allez-y, Mme la présidente.

Mme Blais: Je peux y aller maintenant. Ça va? Je vous remercie d'avoir invité l'ICEA à prendre la parole dans le cadre de cette consultation restreinte. Dans le cadre de cette commission, notre intervention portera, dans un premier temps, sur l'orientation de la réforme. Nous traiterons ensuite de la mission et des objectifs des cégeps, puis des cibles du renouveau touchant les adultes, en référant au fur et à mesure à certaines de nos recommandations dont nous déposons ce soir, à cette commission, le texte adopté par nos instances hier.

À la suite de la consultation générale qui a eu lieu cet automne, nous avons été préoccupés et anxieux de voir ce que la réforme allait changer pour les adultes qui étudient dans les cégeps. L'ICEA est globalement resté sur sa faim et nous croyons que les adultes le seront aussi, car, bien qu'introduisant certaines mesures d'accessibilité, la réforme proposée apporte peu d'améliorations aux services à la population étudiante adulte. Et, pourtant, nous disons oui à une réforme des collèges.

Nous avions fait état, cet automne, des améliorations que nous souhaitions voir apporter à la contribution spécifique de l'enseignement collégial, parlant pour les adultes du besoin des cégeps comme tremplin pour l'avenir. Nous sommes ainsi en accord avec une réforme des cégeps et nous appuyons sans conteste l'idée d'une adaptation des cégeps à l'évolution de la société et d'une réactualisation de leur mission, de leurs finalités, objectifs, cibles et moyens. Nous disons donc oui au choix renouvelé de l'enseignement collégial québécois.

J'aimerais souligner dès maintenant certaines mesures qui représentent du point de vue des adultes des pas en avant. Ainsi, l'expérimentation d'un cheminement scolaire modulé en formation technique incluant une part de formation générale nous apparaît intéressante pour les adultes. La hausse graduelle de l'enveloppe destinée à la formation technique à temps partiel à compter d'août 1993 permettra de commencer à restaurer l'accessibilité des programmes complets de formation. Et nous appuyons la précision des règles d'admissibilité aux programmes courts qui porteront une même appellation, celle d'attestation d'études collégiales.

Cependant, nous voyons des lacunes importantes à la réforme. Nous disons non à un projet éducatif à courte vue.. L'ICEA questionne en particulier les limites du projet éducatif proposé. Nous croyons que l'adaptation de l'enseignement collégial ne doit pas s'inspirer des seules réalités économiques immédiates, mais bien de l'ensemble des changements qui interviennent aux plans politique, démocratique, économique, culturel et social et qui teintent la demande sociale en éducation.

De plus, l'ICEA considère que la réforme aura des effets pervers. La réduction de l'accès à l'admission et la tarification des échecs viennent en effet en contradiction avec les objectifs de scolarisation et d'appui à la réussite scolaire. Nous refusons l'incohérence de ces mesures qui risquent de créer de nouvelles exclusions. Il faut viser, à notre avis, une scolarisation plus poussée du plus grand nombre.

Enfin, la principale déception de l'ICEA est que les adultes demeurent, dans ce projet, des étudiants de seconde zone. Rien ne vient répondre à l'ampleur des besoins exprimés en commission parlementaire à l'égard de la situation des services d'éducation des adultes, de l'absence de disponibilité des services complémentaires et des conditions d'accès et d'apprentissage des adultes. Et, pourtant, l'un des consensus de cet automne sur lesquels s'appuie la réforme est à l'effet «d'affermir le leadership éducatif en éducation permanente et en formation des adultes et de poursuivre ainsi la scolarisation et la hausse des qualifications de la main-d'oeuvre québécoise, en mettant l'accent sur la maîtrise des compétences générales transférables et en assurant un financement adéquat de l'offre à temps partiel». C'était une citation de la réforme.

La mission et les objectifs des cégeps. Une mission à actualiser. Nous nous réjouissons qu'aient été affirmés les objectifs et les finalités de l'enseignement collégial et qu'ait été confirmée la structure polyvalente des cégeps. L'ICEA donne son appui à la définition du collège québécois en tant que «lieu de culture, de connaissances fondatrices et de formation large et ouverte». Nous considérons, cependant, que le rôle des collèges dans le développement régional n'a pas été considéré à sa juste mesure. Poursuivre des activités en développement régional devrait faire partie de la mission et des priorités de développement des cégeps, incluant la mise en oeuvre de services à la collectivité. L'éducation populaire doit aussi continuer de faire partie de la mission des cégeps en tant que volet non scolaire de leur action éducation et contribuant ainsi au développement régional, étant entendu pour l'ICEA que le développement régional est à la fois le développement économique, social et culturel.

L'éducation permanente et l'éducation des adultes. S'il est vrai que le Québec et la plupart des sociétés avancées sont à l'heure de l'éducation permanente et de la formation continue et si le collège québécois est au coeur de ce processus comme le soutient le document d'orientation de la réforme, l'ICEA considère que l'éducation des adultes devrait être placée au rang des priorités pour les prochaines années. Nous demandons que l'État confie aux collèges une mission claire en éducation des adultes qui soit inscrite dans la Loi sur les collèges. (20 h 20)

Soulignons que la notion de formation continue est souvent employée dans son sens plus étroit en rapport avec les compétences socioprofesionnelles. Il devra être explicitement établi dans les orientations de la réforme que la notion de formation continue à laquelle on réfère recouvre l'ensemble des activités de formation des personnes qui ont déjà quitté l'école et qu'elle n'est pas limitée aux programmes en relation avec l'emploi et la carrière.

Nous croyons que seul un cadre clair pourra permettre d'imprimer un deuxième souffle aux services

destinés aux personnes adultes et de corriger l'inadéquation inquiétante des besoins des adultes en matière de formation, des réponses qu'apportent les cégeps à ces besoins et de la mission d'un réseau public d'éducation comme celui des collèges d'enseignement général et professionnel.

Il y a des objectifs à poursuivre. Le projet de réforme semble avoir pris bonne note, tout au moins au niveau du discours, que l'accessibilité n'est toujours pas également acquise dans toutes les régions du Québec et que toutes les catégories socio-économiques ne sont pas également représentées dans la population étudiante.

Cependant, il persiste diverses formes d'exclusion auxquelles ne s'attaque pas la réforme. Nous l'avons souligné cet automne, bon nombre d'adultes demeurent peu ou moins rejoints tout simplement parce qu'ils ne répondent pas aux critères d'admission des programmes de formation offerts aux adultes, c'est-à-dire que l'offre de service faite aux adultes est largement déterminée par le financement de programmes spécifiques s'adressant aux prestataires de la sécurité du revenu ou de l'assurance-chômage, ou encore à l'entreprise. Les travailleuses et travailleurs à statut précaire ou peu qualifiés, ainsi que les membres des communautés culturelles, les femmes à la maison sont trop souvent peu rejoints par le système d'éducation. Nous souhaitons vivement que le projet de renouveau amène des solutions à cette situation et poursuive vigoureusement un objectif d'équité, en plus des objectifs de scolarisation, démocratisation, acessibi-lité et hausse des qualifications fixés au cégep.

Il manque à la réforme des objectifs opérationnels pour baliser la mission des collèges en éducation des adultes. L'ICEA considère que les cégeps ont des responsabilités à l'égard de la formation de la population adulte qui ne concernent pas que les programmes de main-d'oeuvre et ne sauraient se résumer à un accroissement de l'accès des adultes au secteur régulier. Ce volet de leur mission devra s'inscrire dans la planification de chaque établissement et constituer un projet véritable du réseau collégial dans une perspective d'éducation permanente qui favorise la mise en oeuvre de projets communs entre le secteur régulier et le secteur des adultes et un accès équitable aux ressources du collège pour l'ensemble de la population étudiante.

Pour que le collège québécois puisse assouplir et adapter ses pratiques et ses modes d'organisation pour servir adéquatement et équitablement le nombre croissant de demandeurs de formation continue, le cadre de financement des services d'éducation des adultes est à revoir. Les cégeps devront disposer de plus de ressources financières pour être à même d'assurer des mandats élargis et redéfinis envers les différentes catégories de population. Le financement de l'ensemble des services offerts aux adultes devra être révisé en conséquence. soulignons que l'éducation des adultes est appelée à jouer un rôle de plus en plus grand dans l'économie. en effet, 70 % de la main-d'oeuvre active de l'an 2000 est déjà sortie de l'école. nous croyons que l'état québécois doit résolument considérer les dépenses en éduca- tion notamment comme un investissement productif et rentable à court, moyen et long terme.

Les cibles de la réforme sont en deçà des ambitions du renouveau. Certaines mesures prévues par la réforme risquent d'avoir des impacts pour la population étudiante adulte inscrite dans une démarche de formation, en particulier celles relatives à la réussite des études. Pour l'ICEA, une stratégie d'appui à la réussite en éducation doit viser la réussite du plus grand nombre en s'appuyant sur l'amélioration des conditions d'accès au collège. Une telle stratégie qui s'adresse aussi bien aux jeunes qu'aux adultes ne saurait comprendre des freins à l'accessibilité et à la réussite scolaire et devrait s'appliquer à la totalité du cheminement de formation, ce qui implique, notamment, la mise en place de services complémentaires. La nécessité de renforcer les fonctions d'orientation et d'encadrement des étudiants avait d'ailleurs fait consensus lors de la commission parlementaire. À ce propos, il est absolument inconcevable que le gouvernement du Québec, dans ses derniers crédits, s'attache à couper encore une fois en éducation et opère, en enseignement collégial, une réduction des dépenses du personnel non enseignant, poste budgétaire qui recoupe les activités de soutien et d'encadrement des étudiants, et cela, au moment même où l'on met de l'avant des pratiques favorisant la persévérance et la réussite scolaires.

Tel qu'envisagé, le rehaussement des seuils pour l'admissibilité aux programmes conduisant au diplôme d'études collégiales comporte une dimension fortement discriminatoire. Nous n'admettons pas que le besoin d'harmoniser les exigences de diplomation du secondaire avec les conditions d'admissibilité au collégial puisse conduire à exclure des étudiants plus faibles. Nous croyons même que l'application de ces nouveaux seuils à partir du mois d'août 1995 est prématurée. Nous recommandons que l'on procède d'abord à un examen du bagage de formation jugé pertinent et essentiel à la fin du cours secondaire et qu'un débat public se tienne sur les problèmes et les défis propres à cet ordre d'enseignement. La réforme de l'enseignement collégial ne devrait, en aucune manière, renforcer l'exclusion et la marginalisation.

L'introduction d'une pénalité financière qui prétend viser la responsabilisation et l'incitation à la réussite ne nous apparaît pas une mesure dont le caractère pédagogique fasse consensus. Pour l'ICEA, il faut intervenir et prévenir avant que des échecs en nombre problématique s'accumulent. Pénaliser la persévérance ou la durée des études ne saurait remplacer l'accompagnement et le soutien. Il vaut mieux privilégier la participation à la formation comme mode de responsabilisation, assurer une présence pédagogique d'un bout à l'autre du cheminement scolaire et réduire le laxisme en cas d'échec. On devrait également augmenter l'accessibilité financière des études.

Il faut aussi renforcer les mesures d'accessibilité. Nous sommes en accord avec le fait que la règle qui prévaut actuellement pour l'admission dans les program-

mes conduisant au certificat d'études collégiales s'applique désormais à l'ensemble des programmes courts, c'est-à-dire avoir interrompu les études pendant au moins deux sessions consécutives ou une année scolaire. Éviter que les jeunes ne soient incités à privilégier des programmes de courte durée à des programmes complets continue de nous apparaître une raison valable. Nous espérons, de plus, que l'harmonisation de la certification contribuera à clarifier la nature de cette formation auprès des employeurs et à la revaloriser, de même qu'à augmenter les espoirs de débouchés pour les adultes engagés dans des démarches de recyclage et de perfectionnement.

Le maintien du mode de soutien financier à la reconnaissance des acquis dans le réseau collégial nous inspire, par ailleurs, des réactions mitigées. Le fait que l'on systématise le financement expérimenté avec les projets-pilotes devrait favoriser une généralisation et une consolidation de ces expériences. Cela n'abaissera certainement pas les coûts élevés imposés aux adultes. Assurer un réel développement de la reconnaissance des acquis nécessitera d'y affecter des ressources régulières et permanentes. Il faudra viser à ce que la reconnaissance des acquis soit intégrée dans l'ensemble des politiques et règlements pédagogiques de chaque collège et à ce que le personnel enseignant soit sensibilisé et formé à son rôle dans ce processus. De plus, une politique générale en reconnaissance des acquis devra être élaborée, tenant compte des bilans qui seront faits des expériences-pilotes réalisées ces dernières années, ainsi que des acquis et expériences des autres réseaux. (20 h 30)

D'autres mesures sont envisagées pour faciliter l'intégration des nouveaux inscrits à l'enseignement collégial, telles que l'organisation d'une première session d'accueil et d'intégration constituée de cours obligatoires et prévue pour août 1993. Des règles administratives et financières spécifiques seraient établies afin de favoriser un encadrement pédagogique et une aide accrue à l'orientation. Compte tenu de ce que nous avons déjà exprimé sur les besoins d'encadrement et de soutien, cela nous apparaît à court terme un pas en avant. Il faudra, cependant, que cette mesure soit rendue disponible aux personnes adultes, qu'elles étudient à temps partiel ou à temps complet.

L'ICEA est également favorable aux cours de mise à niveau permettant une démarche de rattrapage pour les étudiantes et étudiants qui en éprouveraient le besoin. Nous considérons que les mesures de soutien pédagogique développées dans plusieurs cégeps devraient aussi être généralisées et que le financement récurrent annoncé à leur appui devrait être systématisé et maintenu envers et contre toute restriction budgétaire.

L'accès gratuit aux études collégiales constitue toujours pour l'ICEA un enjeu central. Aussi, est-il pour nous fort important que cette gratuité soit reconnue formellement pour tous les étudiants inscrits à temps plein, qu'il s'agisse d'un programme complet ou d'un programme d'établissement. Mais il serait aussi primor- dial que cet accès à la gratuité soit élargi graduellement aux étudiants à temps partiel qui constituent une forte proportion de la population étudiante adulte. L'ICEA constate que c'est la mesure qui peut faire pencher la balance du côté d'une plus grande accessibilité pour les adultes.

Par ailleurs...

Le Président (M. Bradet): Je m'excuse, Mme la présidente, je voudrais juste vous signaler qu'il reste deux minutes à votre temps.

Une voix: ...

Le Président (M. Bradet): Vous pouvez le donner? D'accord. Alors, continuez. On prendra ça sur le temps des échanges avec nos parlementaires.

Mme Blais: Par ailleurs, l'enveloppe budgétaire destinée à l'offre de formation technique à temps partiel sera progressivement haussée, à compter d'août 1993, mais dans une proportion qui nous paraît très timide compte tenu des reculs enregistrés et du besoin de rétablir une offre de formation à temps partiel mieux adaptée à la demande croissante.

Nous considérons globalement comme un acquis l'importance réaffirmée de la formation générale. L'ICEA tient en particulier à faire connaître son appui à l'enrichissement de la formation générale commune dans tous les programmes conduisant au diplôme d'enseignement collégial et à sa réactualisation en trois composantes. Le fait d'identifier les objectifs de formation en rapport avec les programmes et les disciplines nous fait croire que les adultes pourront trouver une cohérence nouvelle entre les différents cours et leur projet personnel.

Face à l'articulation plus étroite entre le collège et l'université pour ce qui est des programmes d'études préuniversitaires et conscient que la création d'un cheminement plus continu favorisera une scolarisation de niveau universitaire, l'ICEA croit, cependant, important que demeurent distincts la mission et les objectifs de chaque ordre d'enseignement de façon à ce que soit préservée l'intégrité de chacun. Nous considérons que le secteur technique devrait aussi être défini comme pouvant être préuniversitaire et préparer à une formation professionnelle plus poussée.

La formation technique. L'évolution du marché du travail et les sensibilités croissantes des entreprises à l'importance de la formation générale font en sorte que les préoccupations pour une formation à caractère qualifiant et transférable gagnent du terrain. Nous recommandons, par conséquent, qu'une dimension qualifiante soit introduite dans toutes les formations techniques courtes et que ces formations soient inscrites comme étape d'un cheminement de formation qui puisse bénéficier d'une forme de reconnaissance sociale.

Les modules de formation. Nous appuyons l'idée que soit expérimenté l'accès au D.E.C. technique par

modules de formation à l'intérieur de certains programmes devant être autorisés par la ministre, chaque module devant comporter obligatoirement une composante de formation générale. Cela favoriserait, entre autres, une souplesse dans le cheminement de la formation et permettrait une harmonisation avec les programmes d'études du secondaire comportant une part de chevauchement avec le collégial. Il s'agit là d'une passerelle fort bienvenue pour les adultes comme pour les jeunes. Nous demandons, cependant, que soit établi un mode de suivi spécifique auprès des personnes et des jeunes en particulier qui s'inscrivent dans un tel cheminement.

Les attestations menant aux programmes d'établissement, maintenant. Les transformations apportées aux formations courtes constituent aussi une réorganisation intéressante, en ce sens qu'elles viennent clarifier la nature de ces programmes mal connus des employeurs et des adultes eux-mêmes. Signalons pourtant une restriction majeure: les collèges seraient dorénavant autorisés à développer ces programmes dans les seuls domaines d'études techniques pour lesquels ils sont autorisés à offrir un programme conduisant au D.E.C. L'ICEA ne peut être totalement d'accord avec cette approche. Nous croyons que d'autres critères devraient être pris en considération tels que la possibilité pour une région d'offrir des formations en lien avec le développement de la structure de l'emploi. Il y aura des bilans à tirer du fonctionnement en parallèle de modules de formation et de programmes techniques d'établissement. L'ICEA souhaite que les milieux concernés y soient associés.

La rationalisation des options professionnelles. L'ICEA est, par ailleurs, soucieux que la révision des programmes techniques tienne compte des réalités socio-économiques et des caractéristiques des régions éloignées ou en périphérie des grandes villes pouvant nécessiter le maintien d'une offre diversifiée de formation et le développement de programmes d'établissement dans un nouveau domaine de formation spécifique.

L'ICEA considère, enfin, qu'il faut développer une vision plus large de la formation technique et des milieux avec qui établir des rapports de partenariat. Nous croyons qu'il faut s'efforcer de développer une complémentarité entre les institutions d'enseignement et les milieux de travail, quels qu'ils soient, et non pas uniquement à la réalité immédiate de l'entreprise.

Une vision d'avenir en éducation avec les adultes. En conclusion, nous croyons qu'il est essentiel que soit redéfini un projet d'enseignement collégial où les adultes soient participants à part entière avec leur bagage d'expérience à titre d'étudiant, de travailleur et de citoyen, un projet pour le XXIe siècle qui s'inscrive dans une véritable perspective d'éducation permanente, un projet collectif auquel se trouvent associés les premiers concernés, les étudiantes et étudiants, jeunes comme adultes, le personnel de l'enseignement et la communauté desservie par les établissements.

On parle dorénavant pour les cégeps de partenariat, de concertation, mais les adultes n'y seront plus nommément représentés et, pas plus que les jeunes, ils n'auront de voix au comité national des programmes d'études techniques. Et, pourtant, on dit que «les étudiantes et les étudiants sont au centre de toute l'action éducative» et qu'ils sont «les premiers agents de leur formation». Selon l'ICEA, on devrait donc les retrouver aux instances de décision sur les orientations, la gestion et les contenus des programmes. Nous faisons, par conséquent, la demande que la participation des étudiants adultes au conseil d'administration des collèges soit maintenue, tel que stipulé par la présente Loi sur les collèges, et que leur participation soit également prévue au comité national des programmes d'études techniques. Nous avons déposé ce soir des recommandations, notamment, à l'effet que la mission des cégeps en éducation des adultes soit affirmée, qu'une véritable stratégie de la réussite soit mise en oeuvre, que le financement de l'enseignement et des services aux adultes soit révisé, que la participation des étudiants adultes soit prévue dans les diverses instances et qu'on assure une formation aux adultes adaptée à leurs conditions et qui tienne compte de leurs acquis et compétences. Je vous remercie.

Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, Mme la présidente. Nous en sommes à la période d'échanges avec nos invités et je reconnais Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer les membres de l'Institut canadien d'éducation des adultes et les remercier d'avoir fait une autre analyse du projet de renouveau collégial qui est sur la table.

Mme Blais, vous avez vu, autant dans le projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale que dans le régime des études qui a été prépublié à la Gazette officielle, qu'à nulle part on ne parle, dans ce texte de loi ou dans ce texte de règlements, de jeunes ou d'adultes. Vous avez vu ça, j'en suis certaine.

Mme Blais: C'est évident.

Mme Robillard: Dans le fond, et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre sur ça, autant dans la Loi sur les collèges que dans le régime des études, nous n'avons pas fait de distinction quant à la notion: qui est jeune, qui est adulte. Nous nous sommes beaucoup plus orientés sur la notion de temps plein ou de temps partiel, que ce soit même pour l'adulte qui est sur le marché du travail et qui décide de suivre des cours au niveau collégial; je ne sais pas comment vous définissez votre adulte, entre guillemets, mais vous avez vu que le projet de loi est orienté dans ce sens-là. Quelle est la réaction de l'ICEA devant ça, globalement, sans rentrer dans les mesures? (20 h 40)

Mme Blais: Je pense qu'il est assez clair, à partir du mémoire qu'on a déposé, que l'on regrette que les adultes ne soient pas présents, ni dans le régime pédago-

gique, ni dans le projet de loi. Bien sûr que, dans notre perspective, nous, on ne parle pas nécessairement de jeunes tout court; nous pensons en termes de jeunes adultes et d'adultes, et nous considérons que les besoins des adultes sont différents de ceux des jeunes adultes. Il nous aurait semblé important de faire cette distinction-là particulièrement au niveau des services offerts aux adultes, qui doivent être différents, selon nous, qui doivent être spécifiques, adaptés aux besoins des adultes. Bien sûr que nous regrettons que ceci n'ait pas été inclus, introduit, ni dans le projet de loi, ni dans le régime, et c'est pourquoi nous demandons que la mission des collèges tienne compte, indique très clairement qu'elle doit aussi rejoindre les adultes qui ont besoin de formation.

Mme Laberge (Diane): Si je peux me permettre, Mme Robillard, d'ajouter...

Mme Robillard: Oui.

Mme Laberge: ...en fait, on a titré «Les adultes, ces oubliés de la réforme». Je pense que, pour nous, ce qui est important, c'est qu'il y a une différence à faire entre, je dirais, une première formation qu'on se donne et quand on revient aux études en termes de perfectionnement, même si, après 18 ans, on est considéré adulte. Quand on est dans un cheminement de la première formation, il y a déjà une différence de quand on revient aux études et qu'on doit travailler, qu'on a des conditions, un environnement différent. On parle de reconnaissance des acquis. On parle, je dirais, de mesures pour faciliter l'accessibilité. On ne parlera pas de développement des compétences sans permettre aux gens qui travaillent d'avoir accès à des études dans des conditions au moins aussi bonnes que les jeunes qui sont en première formation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et on pourrait avoir de multiples exemples. Je pense que, s'il y avait des véritables approches, je dirais, des perspectives d'éducation permanente où il y aurait des cycles continus, ce serait quelque chose. On ne pense pas que c'est le cas. Et, nous, on a réagi fortement à ce qu'ils soient enlevés du texte de loi, en fait qu'on ne voie plus nommément les adultes, parce qu'on sait que dans la réalité, actuellement, déjà, c'est de seconde zone et qu'on a peur que ça le demeure.

Mme Robillard: Mais ce n'était pas, non plus, auparavant, dans les anciens textes de loi, comme vous le savez, et c'est peut-être ça, là, que j'aimerais discuter avec vous dans le principe même, au point de départ. Parce que, vous l'avez vu, l'ensemble des mesures s'adresse autant aux jeunes adultes, que vous dites, qu'aux adultes. Par exemple, quand on parle de l'accès aux modules, quand on parle de la reconnaissance des acquis ou d'autres mesures — vous en avez soulevé, qui sont à l'intérieur, ce n'est pas suffisant selon vous — ils sont présents. Ça veut dire qu'on s'adresse quand même à cette clientèle-là, mais sans faire une distinction, parce que je ne sais pas comment on pourrait la définir, cette clientèle adulte. Parce que vous avez aussi une clientèle qui revient, mais qui revient en formation initiale aussi, pas nécessairement dans un cadre de perfectionnement. Vous avez aussi l'adulte qui est sur le marché du travail, qui a 35 ans et qui décide de venir se chercher une formation initiale de niveau collégial. Et, vous le savez, dans le monde universitaire, cette distinction-là apparaît très peu.

Mme Laberge: Et c'est un problème pour les étudiants adultes dans les universités aussi. On peut prendre plein d'exemples personnels. Je ne pense pas qu'il faut... En tout cas, à titre d'exemple, moi, j'étudie à l'université et, comme étudiante adulte à l'université, je peux vous dire que je n'ai pas du tout accès aux mêmes services que si j'étais une étudiante à temps plein à l'université, de jour, dans le cadre régulier...

Mme Robillard: À temps plein, vous avez dit.

Mme Laberge: ...normal, tout fait. Ah, mais c'est sûr que temps plein, temps partiel est une distinction, mais ce n'est pas la seule. Ce n'est pas la seule, parce que, pour qu'un adulte qui a une famille puisse retourner aux études, par exemple, à temps plein, faut-il encore qu'il y ait les conditions d'un véritable congé-éducation, qu'il y ait des mesures d'accessibilité pour pouvoir se permettre d'arrêter de travailler. Il y a des conditions différentes d'un jeune adulte et d'un adulte qui a 35 ans, même quand on est à temps plein ou à temps partiel. Je pense qu'il pourrait y avoir des compléments très concrets sur les difficultés que rencontrent les adultes qui sont à temps plein par nos collègues qui travaillent dans les cégeps. En tout cas, j'invite...

Mme Carrier (Louise): Bien, moi, je pourrais ajouter que...

Le Président (M. Bradet): Mme Carrier.

Mme Carrier: ...après 19 ans d'expérience avec les adultes, puis, lors de la réforme au collégial, je les ai consultés et je suis allée les voir pour leur demander comment ils voyaient cette réforme-là, ils se considèrent absents complètement de cette réforme, et on ne considère pas leurs besoins spécifiques, leurs expériences. Ils n'ont pas de services adaptés. Au niveau même des horaires, disons, de conditions, d'encadrement, de suivi, de services de deuxième ligne, de besoins d'orientation, de besoins d'aide pédagogique, c'est constamment, toutes les semaines, qu'on se rend compte que les adultes n'ont aucune réponse à ces besoins-là. Ils se considèrent toujours comme une clientèle un peu avec un aspect mercantile où on leur fait payer leurs cours et où ils n'ont aucun service, aucun de leurs besoins n'est répondu. Ou, si on le fait, on le fait parce qu'on prend un peu sur le bras de faire ces choses-là, un peu en augmentant notre tâche de professionnel. Mais, comme

telles, ces choses-là ne sont pas réelles et n'existent pas.

Mme Robillard: Alors, Mme Blais, revenons donc peut-être à la notion de gratuité. Justement, dans les recommandations que vous avez déposées ce soir, il y a deux recommandations touchant la gratuité; d'abord, la gratuité pour le temps partiel. Vous nous recommandez ça, ce qui n'est pas le cas dans les intentions gouvernementales. Mais la première recommandation que vous nous faites: que l'accès gratuit aux études collégiales soit reconnu formellement pour tous les étudiants inscrits à temps plein dans un programme d'études, c'est-à-dire à au moins quatre cours, qu'il s'agisse d'un programme complet ou d'un programme d'établissement, c'est tel quel dans le projet de loi. C'est exactement ça, et ça, c'est une nouveauté de penser que, pour les étudiants à temps plein, inscrits même dans un programme d'établissement, ce sera gratuit. Alors, est-ce que...

Mme Leclerc (Marie): Oui, effectivement, toutes les recommandations qui sont là ne sont pas des condamnations du projet de loi.

Mme Robillard: Non, non, je pensais que c'était une...

Mme Leclerc: Peut-être que ce n'est pas écrit en bonne et due forme, mais, effectivement, nous appuyons cet avancé-là par rapport à une systématisation. Ce que nous avons su, c'est que, dans certains cas, dans certains cégeps, c'était déjà appliqué sans nécessairement que ce soit formel et que, dans d'autres, ça ne l'était pas du tout. Donc, il y a des endroits où ce sera un progrès, il y en a d'autres où c'est déjà la coutume. Mais, effectivement, nous acquiesçons à cet avancé-là dans le projet de loi. C'est un aspect intéressant.

Mme Robillard: O.K. C'est pour renforcir ce qui est déjà présent.

Mme Leclerc: Oui, absolument, et nous tenons à ce que ça y reste.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Robillard: Ah bon! Parfait.

Mme Laberge: On dit aussi: L'ICEA est en appui avec celle-ci et recommande en plus que l'accès à la gratuité soit élargi graduellement.

Mme Robillard: Parfait.

Mme Laberge: C'est ça, l'esprit.

Mme Robillard: Parfait. Alors, on se comprend bien. Si on revient à la notion de modules en tant que tels, modules surtout au niveau de la formation techni- que, ce que je comprends de votre position, c'est que vous êtes en accord, je pense, avec le principe des modules, à moins que je vous aie mal saisis.

Mme Laberge: Oui, on est en accord.

Mme Robillard: Mais, en même temps, vous me demandez de faire un bilan — attendez un peu que je retrouve ça, je pense que c'est à la page 27 de votre mémoire — des expériences exploratoires dans le domaine de l'agriculture, par exemple. Est-ce que vous avez présentement des inquiétudes à ce sujet-là?

Mme Leclerc: Nous avons des inquiétudes, mais aussi peu d'informations. Ce que nous avons pu consulter comme document d'appui aux modules était effectivement intéressant, mais mince. Nous avons nous-mêmes, à FICEA, des représentants de l'Union des producteurs agricoles qui nous ont parlé avec grand intérêt des expériences qui se passent en milieu agricole, sauf que ces expériences-là ne sont pas connues. Et les discussions que nous avons eues à l'intérieur de nos instances nous montraient qu'il y aurait intérêt à ce que ce soit davantage débattu et qu'on en voie les pour et les contre, de ces modules-là. La compréhension que nous avons du projet de loi nous dit que ce sera en expérimentation pour cinq ans, effectivement, si on a bien compris l'idée, que ces programmes, ces nouveaux modules seront autorisés par la ministre, donc à quelque part choisis de façon très attentive.

Mais nous aimerions que nous avancions à pas prudents et, étrangement, nous avons plus d'inquiétudes du côté des jeunes que du côté des adultes pour l'accès à cette formule-là. Nous aimerions qu'il y ait une forme de suivi qui soit fait des gens qui s'engagent dans ces cheminements-là. Il y a même des résistances, on le sait, par rapport à l'accès des jeunes à des formules courtes. Donc, notre souci c'est que, effectivement, ça ne soit pas une porte de sortie pour les jeunes du système scolaire, mais plutôt une porte de raccrochage pour ceux qui, de toute façon, débarquaient. Je m'exprime de façon un peu raccourcie, là... (20 h 50)

Mme Robillard: Non, c'est...

Mme Leclerc: Donc, nous aimerions être davantage outillés par rapport à cette nouvelle formule, mais nous la trouvons intéressante.

Mme Robillard: Parfait, parfait. Si c'est dans ce sens-là, vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas l'objectif d'orienter les jeunes vers la formation courte. Vous avez vu, d'ailleurs, à cet effet-là, et je pense que vous le soulevez, qu'on précise les seuils d'admission pour l'attestation d'études collégiales, justement pour ne pas orienter nos jeunes. Par ailleurs, le fait que nous ayons des modules au niveau de la formation technique... D'abord, qu'on se comprenne bien, ce ne sera pas possible dans tous les programmes...

Une voix: C'est clair.

Mme Robillard: ...en partant, là. Alors, ça, on le sait d'avance. Par ailleurs, là où ce sera possible, il y a sûrement des avantages, d'abord pour permettre la passerelle du diplôme d'études professionnelles du secondaire au niveau collégial, parfois même de reconnaître un module pour quelqu'un qui aurait suivi son cours d'études professionnelles au niveau collégial. Qu'on pense au cours de secrétariat ou au cours de techniques de bureau, par exemple. Vous voyez un peu ce que je veux dire. Alors, en agriculture, on est arrivé à ça. Ou bien, aussi, ça nous aidera pour des adultes qui sont sur le marché du travail et qui veulent venir, temporairement, faire un module et retourner sur le marché du travail. Mais là il faudra que le module corresponde à une fonction de travail. Et vous avez bien vu aussi qu'on veut qu'il y ait une partie de formation générale...

Des voix: Générale.

Mme Robillard: ...à l'intérieur du module. Bon. Alors, c'est dans ce cadre-là qu'on travaille présentement. Je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet, mais c'était l'idée de base.

Mme Leclerc: J'aimerais juste...

Le Président (M. Bradet): Mme Leclerc, oui.

Mme Robillard: Oui.

Mme Leclerc: Mme la ministre, j'aimerais juste vous faire une observation. C'est que vous-même, si je puis me permettre, vous avez fait la distinction. À l'intérieur d'un projet comme celui des modules, on n'a pas le choix de faire une distinction entre jeune et adulte. Peut-être que c'est un retour de balancier que je vous fais, en faisant observer que, veux, veux pas, il y a des caractéristiques qui vont toujours demeurer dans le système scolaire au niveau des cheminements, et je pense, nous pensons qu'il faut continuer de les considérer.

Mme Robillard: C'est très clair qu'on a le jeune qui est en formation continue de la prématernelle jusqu'à l'université et on a de plus en plus, maintenant, une clientèle diversifiée, on le sait. Il y a des personnes qui vont sur le marché du travail et qui reviennent étudier. On a des gens qui reviennent étudier à temps plein aussi, ce qui était moins le cas il y a quelques années. Dans le fond, il faut être capable d'accueillir cette diversité de clientèle au niveau de l'ordre collégial. Alors, je n'ai aucun problème avec ce que je viens d'affirmer dans le sens que, oui, il faut être capable de les accueillir dans l'ensemble de nos programmes, et c'est dans ce sens-là qu'on a travaillé, pour permettre une plus grande accessibilité.

Par ailleurs, Mme Blais — je vois que le temps passe — à la page 11 de votre mémoire, quand vous me parlez du collège comme lieu de culture, vous affirmez, à la fin de cet item-là, «le collège lieu de culture», que vous craignez que, dans le document d'orientation, on secondarise davantage cet aspect de la mission des cégeps ou des collèges. J'aimerais que vous m'explicitiez ça.

Mme Blais: Je vais demander à Mme Laberge. Le Président (M. Bradet): Mme Laberge.

Mme Laberge: En fait,- c'est qu'on a vu beaucoup de choses sur la notion de développement régional, développement économique, formation liée aux besoins de l'entreprise, formation liée aux besoins du marché du travail, qui sont toutes, à notre avis, des choses importantes. Mais, quand il y a des choses qui sont plus systématisées, elles concernent ces aspects-là. Et l'énoncé sur le collège lieu de culture est plus un énoncé qu'on n'a pas vu se concrétiser dans des formes assez pratiques, je dirais, que ce soit dans la loi, dans le règlement ou alors même dans l'énoncé d'orientation. On voulait rappeler que, s'il y a quelqu'un qui est bien pour cette ouverture-là au sens large, c'est-à-dire de l'éducation dans tous les lieux et dans toutes les sphères de la vie pour les jeunes comme pour les adultes, et qui ouvre sur l'apprentissage, sur les connaissances et sur la culture de son milieu... Bien, on a peur que, si ce qui est déterminé, c'est qu'on se consacre à l'économie, cette intention-là demeure une intention. C'est vraiment de cet ordre-là.

Mme Robillard: Une dernière question. Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bradet): Oui, madame.

Mme Robillard: Oui? Une dernière question sur la reconnaissance des acquis. Je pense que vous en parlez. Au niveau du projet de renouveau collégial, il en est question aussi. On met de l'argent supplémentaire dans ce domaine-là. Mais vous avez quand même des craintes, et c'est sur ça que je veux vous entendre, parce que vous me dites dans votre mémoire que le mode de soutien financier à la reconnaissance des acquis, qui est à l'essai présentement dans les collèges, ça vous pose des inquiétudes, ou vous avez une réaction mitigée par rapport à ce soutien financier qui est donné, qui est à l'essai présentement, alors qu'on regarde comment aider davantage. Alors, s'il y a un problème de ce côté-là, j'aimerais bien vous entendre.

M. Hébert (Jean-Pierre): D'abord, je pense qu'on est tout à fait d'accord, on reconnaît l'importance que le ministère de l'Enseignement supérieur a accordée à développer un nouveau mode de financement pour la reconnaissance des acquis. C'est un peu lui donner ses lettres de noblesse. On est aussi heureux que le minis-

tère de l'Enseignement supérieur ait reconnu la reconnaissance des acquis comme un processus pédagogique à part entière. Je pense que c'est deux pas importants qui se sont faits dans les deux dernières années.

Le mode de financement. On sait que le processus de la reconnaisance des acquis se développe en six étapes de façon bien précise et bien systématique. On sait que le mode de financement actuel ne finance que deux de ces aspects, que deux étapes de ce processus-là, qui sont ceux de l'évaluation des dossiers en reconnaissance d'acquis et l'organisation de la formation manquante. Présentement, on peut dire que la recherche en reconnaissance des acquis, le développement en reconnaissance des acquis n'est pas rendu très, très loin dans l'organisation de la formation manquante. On sait que c'est une étape très importante, mais on est rendu très peu loin au niveau de se doter d'outils qui vont nous permettre de faire la formation manquante. Donc, le financement, finalement, au bout du compte, n'existe en grande partie que pour l'aspect évaluation.

On sait que la plupart des gens qui travaillent en reconnaissance des acquis dans les collèges, ce sont des personnes à temps partiel, ce sont des personnes à statut précaire. Donc, le service se donne dans des moments très courts, souvent très brefs, et pas longtemps. Donc, l'accès est, en définitive, assez réduit pour les personnes de pouvoir utiliser ce service de reconnaissance des acquis.

On sait aussi l'importance que ça prend de plus en plus, surtout dans la région de Montréal où il y a toute la problématique des communautés culturelles et des immigrants qui veulent venir faire reconnaître leur dossier et on possède très peu d'outils pour le faire. On sait aussi que ce n'est pas économique de payer des gens pour apprendre deux fois des choses qu'ils savent déjà. Alors, pour toutes ces raisons-là, je pense que c'est très important, c'est une priorité. La reconnaissance des acquis, pour employer l'expression d'une personne du ministère de l'Enseignement supérieur, c'est la queue qui brasse tout le chien...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hébert: ...parce que, au bout de la ligne, ça touche à tous les programmes de niveau collégial.

Mme Robillard: Qui parle comme ça à mon ministère? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hébert: Je pense que c'est avant que vous arriviez, Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Robillard: Non, mais vous avez raison. On a encore des pas de géant à faire de ce côté-là, au niveau de la reconnaissance des acquis.

M. Hébert: C'est que, voyez-vous, ça touche à tous les programmes, dans toutes les disciplines. Ça requiert les services de tous les enseignants parce que ce sont les experts de contenu, ce sont eux qui font les évaluations. Ça touche à tous les coordonnateurs de tous les départements. Alors, c'est une tâche importante. C'est souvent la seule porte d'entrée à des personnes pour pouvoir venir poursuivre des études. C'est souvent la façon de les mobiliser et de les stimuler à poursuivre un projet de formation, de se réintégrer dans des nouvelles tâches, de transférer leurs compétences et de pouvoir avoir une reconnaissance officielle de leur expérience et de leurs apprentissages. Donc, c'est une clientèle très, très importante, et je pense que la priorité que vous y accordez dénote aussi cette importance. Sur ce chapitre-là, nous ne pouvons en aucun point être en désaccord avec vous.

Mme Robillard: Merci.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. Hébert. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Mesdames et monsieur, je pense que votre mémoire est important compte tenu du fait, justement, que, dans l'énoncé de politique, il n'y a à peu près rien sur l'éducation aux adultes. J'espère que votre mémoire va constituer une contribution précieuse pour permettre justement d'ajouter, sinon un chapitre, en tout cas quelques paragraphes bien étoffés sur ce sujet-là, parce que le titre que vous lui donnez est tout à fait pertinent, «Les adultes, ces oubliés de la réforme». Il y avait aussi, cet après-midi, un chapitre du mémoire de la CSN qui, effectivement, allait aussi dans le même sens. (21 heures)

Si on pouvait retrouver dans l'énoncé de politique ne serait-ce que les objectifs opérationnels qu'on peut retrouver dans votre mémoire à la page 15, si le ministère et le gouvernement prenaient en compte ces objectifs opérationnels, je pense qu'on aurait fait d'énormes progrès, parce que le nombre des adultes qui fréquentent les cégeps ne doit pas nous faire illusion, il nous fait illusion d'une certaine façon. Ça a été largement signalé par le Conseil des collèges, en particulier, qui indiquait qu'à cause du mode de financement — vous le signalez aussi, d'ailleurs — les collèges s'étaient surtout orientés vers une formation très fortement axée sur le perfectionnement de la main-d'oeuvre et l'adaptation aux changements technologiques, ce qui avait pris la forme concrète de formation sur mesure, et très peu de formation qualifiante, et même il y avait une impossibilité quasi pratique pour la plupart des adultes d'avoir accès pratiquement, concrètement au D.E.C., à un diplôme d'études collégiales.

Je vous cite, page 218, le Conseil des collèges: «Au collégial, le D.E.C. est la seule sanction d'études qui soit largement reconnue dans la population et sur le marché du travail, et les possibilités d'y accéder sont à

peu près nulles dans le secteur de l'éducation des adultes.» À peu près nulles, à cause des offres, et à cause aussi du financement via l'entente Canada-Québec, via le ministère de la formation, de la Main-d'oeuvre. On s'est surtout centré... Et les collèges, évidemment, n'avaient pas tellement le choix non plus, sinon il n'y avait pas de financement, ils se sont centrés, concentrés sur la formation sur mesure.

Bon, j'en arrive à vos objectifs opérationnels. Moi, je pense qu'ils sont clairs, ils couvrent pas mal tout le terrain, et ça aurait aussi pour effet d'assurer un équilibre dans l'offre de formation. Au fond, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a un déséquilibre actuellement pour ce qui est des adultes, il y a un déséquilibre très flagrant dans l'offre de formation aux adultes. Est-ce que vous pouvez confirmer ou...

Mme Blais: Je pense qu'on ne peut pas nier ce que vous venez de nous dire. En fait, c'est la teneur des différentes recommandations qu'on a faites et, entre autres, de nos objectifs opérationnels. Il s'agit d'essayer d'offrir davantage aux adultes, non seulement à ceux qui sont prêts à étudier à temps plein, mais aussi à ceux qui doivent étudier à temps partiel pour toutes sortes de raisons, et aussi une offre de service qui soit diversifiée, qui ne soit pas uniquement centrée sur la formation liée au travail, mais aussi sur la formation de type général.

M. Brassard: Est-ce que la seule façon ou la façon principale d'y arriver, à ce meilleur équilibre, c'est le financement? Est-ce que c'est par le financement?

Mme Laberge: Je dirais qu'on avait beaucoup développé, dans le mémoire qu'on a déposé cet automne, la question du financement. Je pense qu'on avait bien montré que l'offre de service qui est faite aux adultes en éducation des adultes, dans les services spécifiques ou auxquels ils peuvent avoir accès, est définie, évidemment, par le mode de financement. On dit encore aujourd'hui qu'il y a des exclus. Bien, les exclus! Aujourd'hui, on voit que c'est de plus en plus difficile pour une personne adulte, qu'on va continuer de nommer, nous, adulte, qui veut s'inscrire dans une formation de son choix à temps partiel, d'y trouver accès. C'est plus simple actuellement d'être soit prestataire d'assurance-chômage, soit prestataire d'aide sociale, soit employé dans une entreprise, parce que les clients, actuellement, des cégeps, ce n'est pas les adultes, ce n'est pas nécessairement...

Dans le cas de l'éducation des adultes, c'est l'achat de cours pour les prestataires d'assurance-chômage, l'achat de cours pour les prestataires d'aide sociale et l'achat de cours pour les entreprises en formation sur mesure. Donc, c'est sûr que le client, l'adulte individuel qui veut faire un choix en cheminement, se recycler à son rythme, se donner une nouvelle formation et prendre le temps, c'est difficile pour lui d'arriver dans la bonne case au bon moment, à la bonne période et dans le cégep qui offre, par hasard, la formation qu'il veut à temps partiel, le soir où il peut le faire dans son horaire de travail. C'est sûr que le cadre de financement a imposé un développement. C'est sûr qu'il pourrait aussi imposer un redressement. Il peut venir des redressements d'un choix politique aussi, qui vont induire les financements.

M. Brassard: Oui, une volonté politique au départ, mais qui doit avoir des effets de changements sur le mode de financement si on veut arriver à ce meilleur équilibre dans l'offre de formation.

Vous dites que vous questionnez tout particulièrement le cadre de réalisation et la stratégie éducative de cette réforme; de même, les orientations et les mesures envisagées semblent à la remorque d'une logique économique à courte vue. Est-ce que vous pourriez vous . expliquer là-dessus? Est-ce que ça rejoint les propos ou les remarques qu'on vient de faire?

Mme Laberge: Je prendrais les premiers mots de votre question, puis, après, je passerais la parole à Marie sur ça.

Quand vous dites qu'on a un questionnement sur la stratégie, pour nous, effectivement, une des questions qui nous ont beaucoup, je dirais, inquiétés, c'est tout le choix. On parle de stratégie de réussite éducative, mais, nous, on ne la voit pas tant que ça. La question actuellement de faire que le diplôme d'études secondaires, qui est habituellement préalable à l'entrée au collégial, ne donne pas automatiquement entrée au collégial et qu'il y ait deux niveaux de D.E.S., pour nous, c'est consacrer deux filières. C'est consacrer, je dirais, l'exclusion au départ. Donc, ce n'est pas, pour nous, une voie afin de choisir la réussite. Pour nous, il faudrait avoir une vraie stratégie de réussite qui permette donc, quand on accueille les gens, de leur permettre d'avoir les conditions de la réussite. On pense qu'il faut plus soutenir la persévérance et soutenir l'encadrement des gens qui ont accès au niveau collégial, et on est inquiets de cette tendance-là.

Cette tendance-là, d'ailleurs, viendrait, je dirais, consacrer la tendance qu'on voit déjà dans le marché du travail de dualisation de la société, c'est-à-dire il y a des emplois pour ceux qui ont des diplômes du collégial ou de l'université et il y a la précarité pour les autres qui vont avoir moins. Alors, on serait très inquiets que le système d'éducation serve à ça, à consacrer la préparation, je dirais, pour un double marché du travail, en fait. Puis je pense qu'il y a un bout de ça qui pourrait se référer aussi à la vision économique qu'on voit derrière.

Mme Leclerc: La critique de la vision économique à courte vue, je pense, vient aussi du fait que, derrière un discours sur la formation continue qui aurait pu nous faire espérer qu'il y ait une vision, justement, plus globale de perspective d'une offre de formation équilibrée, d'une offre qui, à la fois, assure un caractère

qualifiant, mais aussi un caractère d'adaptation... Derrière le discours sur la formation continue, nous, on ne considère pas avoir retrouvé les mesures à l'appui de ce discours-là. Et ça nous a semblé, donc, de la courte vue parce que, après un énoncé intéressant au niveau de certaines orientations, on en est arrivé à des mesures ponctuelles qui intervenaient à certaines étapes données d'un cheminement scolaire, d'une part, et, d'autre part, qui mettaient de l'avant, qui continuaient de mettre de l'avant pour les adultes une adaptation immédiate au marché du travail, mais sans plus de correctifs pour ce qui est du reste. Ça, c'est une chose.

L'autre chose qui n'est pas nécessairement de la courte vue comme telle, mais qui est présente dans les ajouts en termes de pouvoirs possibles à exercer, c'est curieux d'entendre parler de développement à l'intérieur d'un énoncé qui met de l'avant la culture, mais de n'en entendre parler que sur le plan économique. Et c'est le sens des recommandations que nous faisons dans la première page du dépôt d'aujourd'hui, c'est de dire: Bon, mais, si nous parlons de développement, parlons de développement économique, social et culturel, parlons de concertation avec tous les agents qui interviennent et, donc, pas seulement les agents économiques. On a l'impression qu'il y a une partie de la réforme qui s'en va, donc, vers l'ajustement et une autre partie qui s'en va vers une plus grande qualification peut-être pour les jeunes. Mais, les adultes, on dirait qu'ils tombent dans le milieu.

M. Brassard: Mme la députée de Terrebonne.

Le Président (M. Bradet): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense que votre mémoire est extrêmement important, parce que l'éducation des adultes est une des principales réponses si on veut régler nos problèmes économiques et si on veut se doter d'une politique de plein emploi. Et ça va toujours augmenter. L'éducation des adultes au niveau collégial, ce ne sera pas en perte, ça va être en augmentation continue, d'autant plus qu'on va se retrouver dans les années à venir, et pour très longtemps, dans une société où il va toujours y avoir du recyclage, où les gens ne pourront plus occuper le même emploi toute leur vie. (21 h 10)

Vous y êtes revenus à plusieurs reprises, autant dans vos recommandations que dans votre mémoire; Mme Carrier nous en a parlé un peu au niveau de son expérience très concrète qu'il faut mettre en oeuvre des services... Dans les recommandations, vous dites: des services souples et flexibles adaptés aux caractéristiques des adultes. Vous êtes revenus à plusieurs reprises là-dessus, sur des services qu'il fallait mettre en oeuvre. Pouvez-vous nous donner les principaux services qu'il serait vraiment essentiel de mettre en oeuvre rapidement pour les adultes?

Mme Carrier: Les adultes ont besoin de services d'accueil, de services de référence, du service d'orientation, de services d'aide pédagogique, d'accompagnement, d'étude de dossier, de services de suivi de leur cheminement andragogique; ensuite, des services, même dans certains cas, plus spécifiques d'aide personnelle, parce que, de plus en plus, on a des clientèles qui ont des problèmes personnels, donc des services psychologiques, de relation d'aide. Actuellement, les adultes n'ont pas ces services-là.

M. Hébert: Ce qu'on peut constater, c'est que, finalement, les adultes paient très cher pour aller chercher de la formation, c'est-à-dire pour acheter un cours. Ils paient, puis ils s'en vont s'asseoir, ils s'en vont recevoir une formation dans un domaine bien précis, sans qu'on tienne compte de leurs horaires, de leur condition d'adulte; ils ont souvent terminé une journée de travail et ils doivent prendre ça à des heures qui, souvent, ne sont pas toujours les plus avantageuses et qui ne facilitent pas nécessairement l'intégration. Ça coûte cher. Ça coûte cher pour un adulte de payer cours par cours pour arriver à aller se diplômer. C'est assez, un peu spécial de voir comment on traite un client qui paie si cher, qu'on le traite avec si peu de convenance, parce que, parallèlement à ça, il n'a droit à aucun service d'information scolaire, aucun service d'orientation, aucune aide ou assistance au niveau de la gestion de son projet de formation ou de la gestion de son projet de carrière, aucune assistance au niveau de la transférabilité des compétences qu'il a développées depuis de nombreuses années. Il connaît très, très peu le système dans lequel il se retrouve après plusieurs années, parce que ce système-là est en mutation et en évolution, il se transforme beaucoup. Il n'y a personne qui l'accueille, et ceux qui le font, ils le font au-delà de leurs tâches la plupart du temps, parce qu'on ne paie pas de ressources à ce niveau-là pour pouvoir leur donner ces services-là auxquels ils ont droit. Donc, c'est la situation actuelle dans laquelle se retrouvent les adultes.

Et on dit: On veut s'installer, nous, dans une perspective du XXIe siècle. Mais le XXIe siècle, ça va être beaucoup d'adultes qui vont vouloir changer d'emploi parce que, dans 50 ans d'ici, leurs emplois n'existeront plus, ou peut-être dans 20 ans. Donc, tout le recyclage de la main-d'oeuvre, tout le haussement du niveau de la qualification, tous les ajustements qui concernent les nouvelles technologies, l'adaptation à de nouveaux métiers ou à de nouvelles réalités, l'adulte est, en fin de compte, laissé à lui-même pour faire le ménage là-dedans et choisir un cours. Je pense qu'on lui en met beaucoup sur les épaules. Sans vouloir mettre trop d'importance sur l'adulte lui-même, sur les spécificités d'un adulte, je pense qu'on doit tenir compte de cette réalité-là qui lui est propre et un peu particulière.

Le Président (M. Bradet): Oui, Mme Blais. Mme Blais: J'aimerais ajouter qu'on a souvent

tendance à penser que, parce que ce sont des adultes, ils n'ont pas besoin de services, que seuls les jeunes ont besoin de services. Moi, je suis professeure à l'Université de Montréal, j'enseigne auprès d'étudiants adultes à la maîtrise et au doctorat et, régulièrement, je rencontre des étudiants qui ont des besoins similaires à ceux dont on vient de parler au niveau collégial. Lorsqu'on ne leur offre pas ces services-là, ils les réclament, et je crois qu'ils sont en droit de réclamer des services qui les aident à cheminer dans leur projet éducatif. Et c'est ce qu'on demande pour le cégep.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Je pense que c'était extrêmement précis comme réponse.

Le Président (M. Bradet): Alors, il n'y a pas d'autres interventions. Comme mot de la fin, Mme la ministre.

Mme Robillard: II me reste à remercier les représentants de l'institut canadien de nous avoir soumis leurs réflexions. Sachez que sûrement on va en tenir compte dans les suites à donner au renouveau collégial. Merci.

Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup.

M. Brassard: Ah bien, nous prenons bonne note que Mme la ministre va en tenir compte.

Le Président (M. Bradet): Alors, nous allons suspendre les travaux quelques minutes pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 15)

(Reprise à 21 h 17)

Le Président (M. Bradet): Je demanderais à la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Mme la présidente, Mme Lessard, bienvenue à la commission. J'aimerais d'abord que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent et, ensuite, vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

Fédération des associations de parents des cégeps du Québec (FAP)

Mme Lessard (Marina): Avant de commencer, j'aimerais dire comment est-ce qu'on les aime, ces enfants-là. Quand je pense que vous pourriez être devant la télévision ce soir, regardant au moins des feuilletons, et que je vous vois assis là, alors j'ai toute mon admiration pour la deputation qui veut bien, à cette heure-ci, continuer à écouter ce que pourraient dire des parents, ce que vous savez déjà, dans le fond. Alors, je vous félicite, je trouve ça... Je pourrai le dire à mes petits-enfants au moins.

J'aimerais vous présenter, à ma gauche, ma deuxième vice-présidente — je dis «ma», c'est déjà très possessif, c'est très maternel — Mme Thérèse Mathieu, de Drummondville; mon premier vice-président, M. Wilfrid Lanoix, de Joliette; le commandant Georges Boilard, de Chicoutimi, qui est un délégué; et notre secrétaire, M. Roland Déziel, que vous connaissez déjà. J'aimerais signaler que, dans la salle, vous avez des gens de Matane, de Montréal, de Limoilou et de Gar-neau. Eux aussi, je les félicite, parce que j'ai l'impression que, demain matin, ils doivent travailler très tôt et venir nous épauler, c'est déjà un geste très magnanime et très gratuit. Mais, ça, ça ne rentre pas dans mes 10 minutes, hein? Non? Merci.

J'ai intitulé mon texte — il n'est pas très long, il a juste trois pages... Décrocher les parents partenaires des cégeps en temps de déficit est un défaut de gestion publique. «Pourquoi madame la ministre?»

M. le Président, Mme la députée-ministre, mesdames et messieurs de la deputation de l'Assemblée nationale et membres de la commission parlementaire de l'éducation, la Fédération des associations de parents des cégeps, qui regroupe 24 associations à travers le Québec, devrait être considérée par l'État comme un interlocuteur privilégié pour tout ce qui a trait à l'enseignement collégial. Les préoccupations de nos membres rejoignent, en effet, celles de l'ensemble des parents, et nous parlons donc au nom de près de 118 000 parents dont les enfants sont inscrits au collège public. (21 h 20)

C'est avec enthousiasme que la Fédération a participé l'automne dernier à la commission parlementaire sur l'avenir de l'enseignement collégial convoquée par Mme Lucienne Robillard, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Nous avions alors soumis — on était peut-être, probablement, un peu idéalistes — une quarantaine de recommandations qui, du point de vue des parents, contribueraient à humaniser la formation collégiale, tout en leur assurant l'excellence recherchée. Nous demandions aussi d'augmenter et de continuer à assumer notre rôle particulier afin de faire contrepoids à une approche trop bureaucratique et trop économiste de la formation. Car, nous, parents, nous n'oublions jamais que les jeunes, avant d'être de simples numéros et de futurs producteurs, sont des êtres humains qui ont d'abord besoin d'une formation globale dans un climat de vie humanisante.

Aujourd'hui, en regard de votre geste décrocheur des parents partenaires de nos cégeps, nous venons dire notre déception, voire, pour certains parents, une légitime colère — ça arrive chez les parents — face à l'article 8 du projet de loi 82, cet article qui a pour but de réduire de 50 % la représentation des parents sur les conseils d'administration quand il y aurait eu lieu de l'augmenter.

Pour nous, les parents partenaires, c'est une plus-value. Nous ne comprenons pas que notre deputation n'ait pas compris que les parents sont les premiers tenants des droits de notre système d'éducation, qu'ils

sont les meilleurs valideurs directs de la formation générale, qu'ils sont les ombudsmans naturels contre les abus du système social. Ce sont les ambassadeurs de promotion des cégeps les plus convaincants auprès de la population ordinaire, comme dirait Marilyn.

Nous ne comprenons pas pourquoi vous ne retenez pas l'actuelle formule gagnante de nos relations d'égal à égal, d'un partenariat établi à long terme et entretenu par les parents, des parents qui veulent demeurer disponibles à la gestion collégiale. Pourtant, les parents forment le moteur même du monde socio-économique. Par ailleurs, les socio-économiques n'ont pas tous la préoccupation de parents. Ici, je préviens une question. On va me dire: Les socio-économiques sont des parents. C'est vrai. Je dirais: Si les marguerites sont des fleurs, les fleurs ne sont pas toutes des marguerites.

Les parents ne comprennent pas ce qui pousse les décideurs à opter pour un autre modèle administratif qui se prive d'un nombre convenable de parents actifs au sein d'une gestion participative et légitime. Pourquoi, Mme la députée-ministre, pourquoi mesdames et messieurs de la deputation de la commission parlementaire, cette décision de réduire le nombre de ceux qui forment le plus grand bassin d'individus de notre milieu culturel, les parents? Voilà la principale question que nous sommes venus débattre avec vous. Vous comprendrez sûrement qu'en regard de cela, qui, à toutes fins pratiques, signifie l'érosion du consultatif, puis la disparition de notre influence sur les cégeps, influence déjà insatisfaisante, les autres dispositions du projet de loi, dont certaines suscitent des réactions négatives et positives, nous paraissent, disons, d'une importance relative. Car, voyez-vous, chers membres de la deputation de cette commission parlementaire, au-delà de la simple mathématique, au-delà même du fait qu'ici ce sont les parents qui sont touchés, cette décision du gouvernement est lourde de signification. Peut-être que mon ami Brassard pourrait dire que je fais du théâtre. Mais ce n'est pas du théâtre. C'est très sérieux.

On éclipse les seuls membres externes élus du C.A. Élus. Ce drainage de la consultation populaire est l'imposition d'un virage radical qui est contraire à la mentalité systémique inhérente à la première mission des cégeps. L'éjection de la moitié des parents du conseil d'administration est donc un pas décisif du système sur les premiers responsables de l'éducation, les parents. Le système se ferme à ceux-ci. Au profit de qui? Les élus perdent-ils en faveur du pouvoir de la bureaucratie? Pourquoi alors accentuer ce virage bureaucratique? Dans plusieurs cégeps, en véritables partenaires, les parents, les étudiants, les enseignants peuvent actuellement faire front commun au C.A. pour influencer les décisions.

Dorénavant, je ne dis pas les D.G., mais un directeur général sera entouré majoritairement d'«outsiders» — je m'excuse de l'expression — souvent peu soucieux du processus d'éducation relié à une véritable stratégie de la réussite des études. Ce modèle de gestion accentuera le rôle des mandataires du système. On me posera la question: Qui sont les mandataires du système? Je pourrais répondre. Qui donc prendra les intérêts du jeune lui-même, de la qualité de vie dans les cégeps publics, de la formation générale? Les parents jouent un rôle crucial dans la motivation, l'orientation, l'encadrement des jeunes, ainsi que dans l'information de l'ensemble des parents. Mme Robillard est sûrement d'accord avec leur rôle. Je le sais parce qu'elle l'a dit plusieurs fois, d'autant plus qu'il y a une publicité du ministère de l'Éducation, dont elle est titulaire, destinée à faire la lutte au décrochage scolaire qui claironne à haute voix: L'école, c'est à la maison que ça commence! Non, c'était comme ça: L'école, c'est à la maison que ça commence. J'ai vu une photo qui était comme ça, c'est ça. Je la trouvais superbe, d'ailleurs.

N'est-il pas curieux de constater tous ces doigts pointés vers les coupables que seraient les parents? C'est les parents qui sont coupables de décrocher, de ne pas aider les enfants, de ne pas les soutenir. En revanche, n'est-il pas curieux de voir axer sur l'avenir une réforme qui néglige de leur donner noblement, aux parents, une place de choix au sein de la gestion collégiale, en nous évinçant des conseils d'administration? Pourquoi alors allez-vous créer de toutes pièces une nouvelle catégorie de décrocheurs, soit les parents partenaires qui seront décrochés par la loi?

L'expérience des 25 dernières années a démontré que les parents sont utiles, discrets — moi, un peu moins, par exemple, mais je vais redevenir discrète après — au coeur de la vie collégiale. Ils sont assidus aux séances du conseil d'administration et dans les divers comités. Pourquoi les évincer et manifester ainsi une absence de démocratie, je dirais, des gens ordinaires, contraire à la vocation collégiale? Avez-vous quoi que ce soit à nous reprocher? Curieusement, on sait qu'en période de déficit on ne peut se priver de la présence active de ressources issues du milieu ordinaire. Alors, pourquoi, pourquoi promouvoir un modèle de réforme qui présenterait un grossier défaut de gestion?

Il y a également un fait troublant qui émerge de Fine pointe. En effet, il aurait été facile d'intégrer deux nouveaux représentants du milieu de l'entreprise sans nécessairement éjecter deux parents. Et c'est drôle, parce que, au moment où j'ai lu Fine pointe, Alcan disait: On n'a plus d'emplois; ne vous fiez pas sur nous autres, on n'a plus d'emplois. Ah! Mais, curieusement, le gouvernement a décidé, par la même occasion, de réduire de 20 à 18 le nombre des membres du conseil d'administration. Pourquoi? Pourquoi pas 22? Pourquoi pas 24? Pourquoi pas 26, si ce n'est d'un meilleur équilibre qui est recherché? (21 h 30)

II est un fait réel et certain: en situation de crise scolaire, d'abandon et de difficultés pour la future génération, la loi doit soutenir la représentation parentale, les personnes qui veulent aider le système, en rendant efficace, vigoureux, le principe de représentation des parents au sein de la gestion. Raccrocher tout parent disponible demeure donc socialement un impératif majeur lié à la responsabilité de cette présente commission,

et je m'adresse à toute la deputation. J'ai évolué, hein! depuis un mois.

Au nom des parents partenaires, la Fédération attend de Mme la députée-ministre et de notre deputation membre de cette commission des réponses aux questions suivantes. C'est nous, maintenant, qui aimerions poser des questions, parce que nous allons avoir des réponses.

Pourquoi, pour un nombre anémique, indécent et une durée inconvenable de mandat, vous, membres de cette commission, avez-vous vidé de son sens et de son pouvoir le principe de représentation des parents? Deux parents, c'est du maquillage!

Pourquoi, dans une ligne de cohérence avec le nouveau Code civil — vous savez qu'en 1994 le Code civil va dire: On est parent à vie, puis on est enfant à vie; ça va être adopté — notre deputation ne raccroche-t-elle pas les parents en leur donnant une place noble? On n'est pas ici en quêteux. Nous autres, ce soir, on pourrait être ailleurs, comme vous, d'ailleurs. O.K.? Donc, si on est ici... Puis on n'est pas dans une situation de négociation; on vient dire: II faut donner une place noble aux parents et un rôle actif afin qu'ils soient un apport désiré dans leur propre système.

Pourquoi la réforme change-t-elle sa philosophie de gestion en se refermant aux parents des cégeps? Nous ne sommes ici avec vous, chers ombudsmans des parents — parce que les députés sont les ombudsmans des parents — que pour connaître ces réponses. Merci.

Le Président (M. Bradet): Merci, Mme la présidente. Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Alors, . je salue avec plaisir les représentants de la Fédération des associations de parents des cégeps. Mme Lessard, on vous reconnaît bien dans votre représentation. Mme Lessard et chers parents, je vais vous demander un effort extraordinaire pour le premier cinq minutes d'échanges. Vous, les parents qui siégez sur les conseils d'administration à l'heure actuelle, qui connaissez la vie pédagogique des collèges, qui savez exactement quel type de formation est donné à nos jeunes présentement dans les collèges, vous avez devant vous un projet de renouveau collégial. Plusieurs mesures sont dans ce renouveau. Il y en a une qui touche à la composition des conseils d'administration; nous allons y revenir dans cinq minutes, si vous voulez bien.

Mais j'aimerais, Mme Lessard, entendre le point de vue des parents sur le coeur de la formation, parce que c'est ce dont il s'agit aussi dans le renouveau collégial, et je n'ai pas vu dans votre mémoire, malheureusement, ce que vous en pensiez, ni de tous les autres articles ou de toutes les autres mesures. Je pense que vous soulignez en partant que le renouveau présente plusieurs aspects avantageux pour notre société. C'est tout. Dites-moi dans cinq minutes — ensuite, on parlera des conseils d'administration — ce que vous en pensez, de ce renouveau collégial, en termes de contenu de programmes de formation.

Mme Lessard: Alors, comme c'est cinq minutes, nous sommes cinq, nous avons une minute chacun. Vous allez donc avoir cinq témoignages.

Mme Robillard: J'aimerais bien.

Le Président (M. Bradet): Oui, M. Déziel.

M. Déziel (Roland): Bonsoir. Moi, ce que j'ai vu dans le projet de réforme ou de renouveau collégial, c'est qu'il a mis l'accent sur, d'abord, le rajustement des programmes afin de faciliter ou de promouvoir l'insertion. Si vous voulez, dans le mot «insertion», je voudrais souligner le sens de lien ou de préparation du cégep dans le milieu environnant avec la mégaentreprise et la PME. Ensuite de ça, j'ai vu également les préalables qu'il fallait exiger de nos jeunes. À ce point de vue là, moi, je trouve ça excellent. Pour moi, c'est très bien, puis on s'y attendait, d'ailleurs. Mais je ne trouve pas que que ça devrait être incompatible avec la présence des parents sur un conseil d'administration, parce que le parent, sur le conseil d'administration, se sent utile et voudrait continuer à participer à la vie humaine et à la vie intellectuelle de nos jeunes. Alors, moi, dans l'ensemble, je trouve la réforme très bien, mais le sujet principal qui nous inquiète maintenant, c'est le retrait de deux parents sur le conseil d'administration. Voilà.

Le Président (M. Bradet): Merci. M. Boilard.

M. Boilard (Georges): Je pense, comme parents, que nous pouvons déceler une belle orchestration entre les préoccupations d'ici quelques années de l'orientation de nos jeunes au niveau académique. Cependant, je suis convaincu que cette démarche doit se faire de corps avec les parents et, dans la réforme, c'est peut-être cette dimension-là... Nous sommes confrontés quotidiennement à des parents d'adolescents qui nous disent ou qui croient que la société s'occupe des enfants. Ils ne croient plus qu'ils ont quelque chose à apporter aux adolescents, les jeunes de l'âge de fréquenter les cégeps. Je pense que nous nous devons de considérer la complémentarité qui doit exister entre la formulation présente et l'implication future des parents. Cette dimension-là, selon moi, est très importante. Ce soir, une des raisons pourquoi nous avons très peu touché à l'ensemble des recommandations, c'est que, si nous, comme parents, nous sommes ici, c'est pour venir défendre notre survie. Je pense que, si nous ne pouvons obtenir cette dimension-là de la réforme, la balance est utopique au niveau des parents. Donc, c'est notre survie qu'on vient défendre ici ce soir.

Le Président (M. Bradet): Oui, M. Lanoix.

M. Lanoix (Wilfrid): Merci. Bonsoir. Alors,

j'acquiesce à la demande de Mme la ministre. Je veux bien parler et faire quelques observations et commentaires au sujet de la réforme sachant que, tantôt, on aura l'occasion de revenir sur notre priorité.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les textes qui émanent de la ministre et également les deux projets de loi, puis, globalement, je vois plusieurs points positifs dans la réforme. Par exemple, pour ce qui est des exigences d'admission, personnellement, je souscris à ça. J'ai déjà eu l'occasion... Je me suis permis d'envoyer un document à Mme la ministre, dans lequel document je fais état de ces considérations-là. Je ne veux pas faire de redites à ce sujet-là, sauf que, étant d'accord avec le rehaussement des standards, là où ça achoppe un peu dans mon esprit, c'est qu'il faudrait, pour que ça ait plus de chances d'avoir de la réussite, qu'il y ait une réforme simultanée avec l'autre ordre d'enseignement, c'est-à-dire le secondaire. Si cette réforme n'est pas simultanée, il va se créer une sorte de vacuum, si vous voulez, puis l'écart va se creuser. Cela étant dit, donc, pour ce qui est des exigences, ça va.

Autre chose. Pour ce qui est de la philosophie, nous aurions souhaité le maintien des quatre cours de philosophie pour contribuer à la formation intégrale du cégépien et de la cégépienne. Pour ce qui est de la promotion du français, nous souscrivons à ça entièrement, à ce qui se dessine et qui se projette pour l'enseignement du français à l'avenir dans les cégeps. Voici en gros. Je crois que mes 60 secondes sont écoulées.

Le Président (M. Bradet): Mme Mathieu. (21 h 40)

Mme Mathieu (Thérèse): Mme la ministre et la deputation, j'abonde dans le sens de M. Boilard qui disait tout à l'heure qu'on ne peut pas dissocier... C'est vrai que, peut-être, dans le projet de la réforme — moi, je l'ai parcouru, peut-être pas en entier — il y a des choses que je trouve très pertinentes, par exemple étoffer davantage la formation technique et au niveau du ticket accélérateur. Mais, moi, je suis ici, ce soir, en tant que parent. Évidemment, je ne suis pas dans le domaine scolaire, je suis dans le domaine hospitalier, mais ce qui me préoccupe comme mère et comme famille monoparentale, c'est peut-être la santé mentale de mon jeune. En même temps, je me disais: Si vous évincez 50 % des parents des conseils d'administration, à ce moment-là, la voix des parents sera diminuée. Alors, évidemment, moi, c'est comme parent, et j'y crois. En tout cas, je pense que c'est quand même important qu'on tienne compte de ce que les parents demandent ce soir. Merci.

Le Président (M. Bradet): Merci.

Mme Robillard: Merci. Mme Lessard, revenons à la composition du conseil d'administration, l'objet principal de votre mémoire. Est-ce que la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec me recommande toujours six parents au conseil d'administration?

Mme Lessard: Pourquoi pas? Mais on accepterait quatre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lanoix: Mais le chiffre 6 demeure.

Mme Lessard: Mais je sais qu'on va partir avec un cadeau. Je sais que vous allez nous en donner quatre.

Mme Robillard: Mme Lessard, vous savez très bien que nous sommes en commission parlementaire. Il n'y a pas de décisions gouvernementales qui sont prises ici, ce soir.

Mme Lessard: Mais vous êtes la deputation.

Mme Robillard: On est là pour discuter avec vous. J'y vais de mémoire, là. Dans le «rapport» que vous nous avez déposé à l'automne, est-ce que ce n'était pas six personnes que vous nous recommandiez?

Mme Lessard: Oui, oui. Je vais vous dire pourquoi on a pensé ça. C'est que, depuis une dizaine d'années, on voit un schéma organisational qui s'installe un petit peu. Bon. Nous autres, on l'a connu dans les universités où on avait beaucoup plus de socio-économiques, et je l'ai vu un peu dans les milieux hospitaliers. Et, quand j'ai vu arriver ça au niveau des cégeps, on en a discuté dans nos forums à nous et on se disait: S'il n'y avait pas eu de crise scolaire, s'il n'y avait pas eu de décrochage scolaire, si tout allait bien, à ce moment-là peut-être qu'on n'aurait pas le même discours.

Mais c'était très drôle, dans notre recherche, à un moment donné, on s'est dit: Comment ça se fait? C'est vrai qu'il y a même des parents qui ne sont pas d'accord que les parents soient là. On a même des gens de certaines radios qui ont dit: Bien, ça ne nous intéresse pas, les parents. Qu'est-ce que c'est ça? Qu'est-ce qu'ils viennent faire là? Alors, on a commencé à faire une analyse un peu de ce qui se passait et on s'est dit: Bon, c'est vrai qu'il y a beaucoup de couples qui n'ont pas réussi, parce que, dans une certaine génération, il y a beaucoup de couples qui ont fait deux, trois, quatre mariages et, après ça, ça a marché. Il y a des relations avec l'enfant qui n'ont pas marché, non plus. Par contre, nous, on connaît toute une série de parents où ça va bien, ils s'occupent de leurs enfants, il y a une belle relation. On se disait: Ces gens-là, si on était capables d'aller les chercher et de les remotiver. Alors, on s'est dit: Bien, dans le fond, si la loi leur donne leur place de noblesse, pourquoi pas six parents?

Et les parents sont en même temps socio-économiques. Ils le sont aussi. Mais, si, par exemple, vous me dites: Bien oui, les socio-économiques sont parents, ça n'a pas du tout la même portée. Quand je suis assise ici comme parent, je n'ai pas le même chapeau que si j'étais une socio-économique. À ce moment-là, je vais

vous apporter des arguments: les jeunes me rapportent à la maison comment ils sont mal pris, souvent, avec des évaluations. Tout à l'heure, on parlait de certains points dont on aurait pu parler. Vous allez avoir un système d'évaluation qui est très intéressant. Ce qui m'inquiète un petit peu, ça va être le développement d'outils incroyables. J'ai jusque appris, à Chicoutimi, dernièrement, qu'ils ont vu que, pour être en sciences humaines, pour être travailleuse sociale, ils utilisaient les instruments de la cote Z. Alors, vous voyez, il y a des choses qui se font d'une façon très bizarre dans les histoires de contrôle. mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui va aller contrôler la relation maître-étudiant? quand, à un moment donné, un jeune va être en face d'un professeur qui est plus ou moins pédagogue et qu'il échoue à chaque fois qu'il est avec ce professeur-là, ou il y en a peut-être 40 % de ces jeunes qui vont échouer, est-ce qu'on a des recours à ça? ça, on aurait pu vous en parler. bien, au conseil d'administration, quand les parents vont arriver avec des cas comme ça, je pense qu'ils peuvent avoir une autre dimension que le socio-économique qui, lui, est vraiment loin de ce processus d'apprentissage.

Mme Robillard: Mme Lessard, vous avez sûrement pris connaissance d'autres mémoires qui nous sont présentés ici à la commission parlementaire...

Mme Lessard: Bien sûr.

Mme Robillard: ...dont celui d'un groupe d'étudiants, la Fédération étudiante collégiale. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi. Mais ces étudiants, représentés par la Fédération étudiante collégiale, saluent le choix du gouvernement de remplacer deux parents par deux diplômés. Qu'en dites-vous?

Mme Lessard: Bon. Moi, je trouve que, si nous sommes ici, nous avons un certain recul, et je fais la différence entre l'expérience et la connaissance: l'expérience est un retour sur la connaissance. Et je ne pense pas... Moi, à 20 ans, j'aurais dit la même chose. Et nous sommes ici des gens qui ont au moins 20 ans de recul par rapport à ces jeunes-là, et je pense que c'est nous qui sommes bien placés pour dire ce que les parents peuvent apporter. Et ces mêmes étudiants qui saluent de très haut, j'aimerais ça les rencontrer quand ils viennent me quêter une bourse, on va en reparler; quand ils veulent avoir un emploi pour que je les encadre, on va en reparler. C'est un petit jeu qui se joue à deux, ça. Nos enfants, ils essaient ça et ils se rendent compte qu'ils sont mieux de ne pas trop jouer à ça. C'est drôle que le Code civil va essayer d'arranger ce qui a été dérangé pendant un bout de temps. Alors, je me dis: Ça, ça vaut ce que ça vaut. Pour moi, ce n'est pas un argument.

C'est un petit peu comme quand j'étais jeune, que j'avais un «chum» et que ma mère disait: Tu sais, aïe! le chaperon, il va partir avec toi. Je disais: Ma mère, je n'ai pas besoin de toi, hein? Dans le fond, je pense que ma mère avait raison, parce que je l'aimais bien, ce «chum-là» et je ne sais pas ce qui me serait arrivé, moi, à 12, 13 ans. Alors, quand des jeunes nous disent ça, il faudrait creuser, il faudrait avoir des arguments un peu plus rationnels à leur donner et, à ce moment-là, il faut leur montrer... Vous savez, il faut montrer aux jeunes qu'on est capables de faire équipe avec eux. Mais ce n'est pas facile de faire équipe avec les enfants et on n'a pas de recette; on a juste l'amour, avec quelques connaissances. Mais, si on est ici, nous autres, c'est parce qu'on les aime, qu'on sait qu'on est capables de leur apporter quelque chose et qu'on sait qu'un système qui évacue les gens qui sont là avec coeur et avec compétence, c'est un système qui va s'appauvrir. Et on ne voudrait pas ça, parce que je sais que vous ne voulez pas ça.

Le Président (M. Bradet): Merci, madame. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Oui, M. le Président. D'abord, mettons les choses au clair. Quand vous nous disiez, Mme Lessard: Mmes, MM. les députés, pourquoi avez-vous réduit la place des parents? pas coupable, hein!

Mme Lessard: Non?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Non.

Mme Lessard: Mais vous êtes nos élus.

M. Brassard: Oui. Je comprends bien, mais on n'est absolument pas responsables et on n'a rien à voir avec l'énoncé, les propositions en matière de renouveau.

Mme Lessard: Ça me prend des preuves. Mais vous nous avez fait venir.

M. Brassard: C'est Mme la ministre qui a élaboré ce projet-là, et je voudrais bien que ce soit très clair là-dessus. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses qui sont bonnes là-dedans; il y en a sans doute quelques-unes avec lesquelles on est d'accord, mais on n'a aucunement participé à l'élaboration...

Mme Lessard: Alors, vous allez défendre les parents.

M. Brassard: Ah bien... Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lessard: Alors, vous allez être un ombudsman.

M. Brassard: Vous avez besoin de défenseurs,

peut-être que vous allez en trouver de ce côté-ci, peut-être. Au fond, si je vous comprends bien, vous vous sentez rejetés. Vous vous sentez un peu mis de côté par le fait qu'il y a une disposition législative dans le projet de loi où l'on refait complètement la composition du conseil d'administration et où on réduit, de quatre à deux, la présence des parents. Cette disposition et cette proposition de la part du gouvernement, au fond, si je vous comprends bien, vous la considérez comme un rejet, un certain rejet...

Mme Lessard: Un défaut de gestion. (21 h 50)

M. Brassard: ...de la part du gouvernement et, donc, une certaine absence de reconnaissance de la contribution des parents à l'administration des cégeps par le biais de leur présence au conseil d'administration. Sauf que la question que je me pose et que je vous pose aussi... Vous êtes quand même présents; vous passeriez de quatre à deux, mais votre présence est quand même là. Qu'est-ce qui fait que, pour vous, une présence minimum de quatre... Vous disiez: Pourquoi pas six? Ce serait mieux, mais, enfin, je comprends bien que vous réclamez une présence minimum de quatre parents. Pourquoi, selon vous, une présence minimum de quatre parents est-elle requise pour bien assurer une participation des parents à la gestion des établissements collégiaux? Une présence de deux n'atteindrait pas cet objectif, si je vous comprends bien. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous tenez tant... J'ai bien compris que vous y teniez beaucoup, mais j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous tenez tant à ce que ce soit un minimum de quatre et qu'on ne doit pas aller en deçà de cela, en deçà de quatre.

Mme Lessard: D'accord.

Le Président (M. Bradet): Mme Lessard.

Mme Lessard: Oui, probablement que mon collègue m'aidera aussi, parce que je pense que... J'ai envie de vous dire quelque chose. Quand je fais du gâteau, puis que je ne mets pas assez de gras, c'est comme trop en mettre. Quand ce n'est pas assez, ce n'est pas bon, hein! En tout cas, moi, j'aime ça quand il y en a un peu.

M. Brassard: Ça ne lève pas.

Mme Lessard: Hein?

M. Brassard: Ça ne lève pas.

Mme Lessard: Ça ne lève pas. Puis, quand il y en a trop... Trop de sucre, ce n'est pas bon, hein! Bon. Ça veut donc dire que les parents sont les seuls élus. Un D.G. qui voudrait, là, O.K.? pourrait aller chercher tout son monde, mais, les parents, il ne pourra pas parce qu'il faut qu'il fasse l'assemblée générale des parents et là il y a quatre personnes qui sont des parents qui viennent de toutes sortes de milieux. Si vous nous demandiez nos curriculum, à nous, bien, savez-vous que c'est des compétences qu'on donne gratuitement aux cégeps, ça? Moi, je pourrais être ailleurs aujourd'hui. J'ai un Ph.D., O.K.? Je pourrais être ailleurs, puis faire de la consultation. Le commandant Boilard pourrait être ailleurs, puis faire autre chose. M. Déziel, c'est la même chose. On donne ça, nous autres, aux cégeps, et on vient de toutes sortes de milieux différents. Mais c'est une richesse extraordinaire, ça. Alors, je vais vous poser une autre question en bon jésuite: Pourquoi vous descendez le conseil d'administration à 18, à ce moment-là?

M. Brassard: Ce n'est pas moi, encore là, qui fais ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lessard: Pourquoi pas 20?

M. Brassard: Ce n'est pas moi. Ce n'est pas moi.

Mme Lessard: Ha, ha, ha! Pourquoi pas 22? Pourquoi?

M. Brassard: Ce n'est pas moi.

Mme Lessard: Alors, nous autres, on dit: Pourquoi deux parents? Puis M. Boilard pourrait rajouter quelque chose parce qu'on a réfléchi à cette chose. C'est que ce n'est pas suffisant. Vous savez, un cégep, ça a besoin souvent qu'il y ait quelqu'un au comité de gestion. C'est important qu'il y en ait un au comité exécutif. Moi, j'ai été sur deux renouvellements de mandat. Et, alors, les socio-économiques, pensez-vous qu'ils se dérangent, eux autres? Bien, voyons! Ce n'est pas payant, ça, d'aller siéger sur des comités comme ça. C'est qui qui y va? Les parents. Parce que, eux autres, c'est important, ils sont là pas longtemps. Et ça fait qu'à quatre parents on est capables d'aller aider nos cégeps, et ça, c'est important. C'est pour ça qu'avec six on aurait peut-être une chance d'avoir un parent à la commission des études. Mais, ça, c'est du rêve. Mais, peut-être, ça peut arriver.

J'aimerais que mon collègue Boilard, parce qu'on en a discuté, prenne la parole là-dessus.

Le Président (M. Bradet): M. Boilard.

M. Boilard: Pour répondre à votre question, M. le député, peut-être en deux volets. Dans un premier temps, je suis appelé, personnellement, à véhiculer des genres de réforme ou des projets pour améliorer notre service à la population, et nous avons vite constaté que, si nous nous employons à véhiculer unilatéralement ces projets-là sans la participation de la base qui est la population, à peu près la majorité de ces projets-là sont

voués à l'échec. Il nous faut absolument impliquer nos populations. Et ici, au niveau des cégeps, la base, nous croyons que les parents en sont les représentants privilégiés. Donc, si on veut aller plus loin dans cette démarche, il nous faut une présence des parents.

Maintenant, la présence des parents avec un mandat de deux ans. Je suis un de ceux qui ont un an de fait au niveau d'un C.A. et, avant de tout comprendre les rouages du système en général, quoi, on peut parler de six mois à peu près. Contrairement aux socio-économiques qui peuvent être là pour trois ans, nous, nous sommes là pour deux ans seulement.

La disponibilité, également, des parents. Mme la ministre parlait tantôt de la préoccupation des étudiants, qu'il ne semblait pas, pour eux autres, y avoir de problème à voir réduire la présence des parents. Effectivement, ça nous arrive que la mobilisation des parents n'est pas facile. Cependant, toute cette dimension présence au conseil d'administration nous assure — il y a un peu une symbolique en arrière de ça — un élément de motivation. Et, question de disponibilité, comme Mme Lessard disait, on pourrait... Tout le monde, les parents, nous avons autre chose à faire, et il faut nous impliquer. Il faut nous impliquer, c'est la base. Donc, à ce moment-là, il y a une disponibilité qu'il faut se procurer et, si nous réduisons seulement à deux parents, il est fort possible que la représentativité, à ce moment-là, des parents soit à peu près nulle. Parce qu'il ne faut pas oublier que, parmi toutes les autres préoccupations de la vie, la démarche des parents au niveau des conseils d'administration, ce n'est pas nécessairement toujours les quatre parents à chacun des conseils. Donc, c'est à cette dimension-là, je pense, qu'il faut prendre garde pour garder une valeur, une essence même à la présence, une continuité des parents. Parce que deux ans, c'est rapidement passé.

M. Brassard: Oui, oui. Allez-y.

M. Lanoix: M. le Président, pour faire suite à l'intervention de M. Brassard qui disait qu'on se sentait rejetés, le mot «rejet» est un mot quand même qui est assez marqué. Mais, disons, on peut employer le mot «éconduit» ou le verbe «éconduire» au lieu de «rejet». Aussi, peut-être qu'on peut se demander la question: Est-ce qu'il n'y aurait pas, face aux parents, dans le réseau scolaire, à quelque ordre d'enseignement que ce soit, au primaire, au secondaire ou au collégial — c'est le collégial qui nous intéresse ici ce soir — des préjugés qui perdurent? Bon.

Alors, si on croit qu'il est souhaitable de maintenir une bonne deputation de parents au C.A. des cégeps, c'est qu'à l'observation on s'aperçoit que, dans la gestion, les parents ont des sensibilités que les socio-économiques n'ont pas. Ce n'est pas que je veuille ici faire le procès des socio-économiques. Ce sont des gens qui ont de bons jugements, qui ont des compétences, mais qui ont d'autres sensibilités. Et même on a souhaité dans la plupart des cégeps au Québec qu'il se crée un comité permanent cégep-industrie. Disons qu'on ne décrie pas le projet d'inviter deux membres qui viennent des entreprises. Mais, encore une fois, la présence des parents fait que — et c'est comme un comité de vigie, dans un sens positif du mot — avec les sensibilités qu'ils ont, qu'ils amènent, ils ont des préoccupations pédagogiques plus que les socio-économiques. Les socio-économiques ont des compétences peut-être plus pointues quand il s'agit de la bâtisse, des budgets d'investissement. Les parents sont intéressés à ça, mais ils reviennent instinctivement à des préoccupations de vie étudiante, de vie pédagogique dans les cégeps. Ils sont les gardiens, jusqu'à un certain point, de la pédagogie, de la qualité de la pédagogie dans les cégeps.

Le Président (M. Bradet): Oui, allez-y, M. Déziel.

M. Déziel: Moi, je voudrais intervenir en soulignant deux volets, en tout cas, à la question. Tout à l'heure, Mme la ministre nous a dit que les étudiants ne désiraient pas voir ou bien qu'ils étaient heureux de voir deux parents remplacés par des diplômés. Ça m'a surpris que nos jeunes connaissent si peu leurs parents, parce que les parents sont diplômés. Ils ont appartenu, eux aussi, à un système qui leur permettait d'étudier et de passer par des études supérieures. Alors, je comprends difficilement que les étudiants réagissent de cette façon-là. (22 heures)

Dans un deuxième temps, quatre têtes, ça présente beaucoup plus d'idées que deux. D'ailleurs, beaucoup de directeurs généraux de nos collèges nous ont dit, à beaucoup de parents des associations, qu'ils tenaient beaucoup à la présence des parents dans le cégep. Us ont même fait appel aux associations de parents pour rédiger leur mémoire à l'occasion du renouveau ou de la réforme des collèges. Ils sont venus nous consulter, nous demander comment on voyait, nous, le cégep, comment on voulait réagir à ça.

Enfin, je terminerais par ça, on ne verra jamais, je pense, en tout cas, des parents en conflit d'intérêts à l'intérieur d'un cégep. Il s'est produit, en tout cas, chez moi, chez nous, dans la Mauricie, qu'un soir où il fallait voter nous étions six ou sept personnes à voter, parce que toutes les autres étaient en conflit d'intérêts. Les quatre parents votaient, plus deux autres. Alors, jamais les parents ne sont en conflit d'intérêts. Alors, je pense que nous avons intérêt, intérêt, intérêt, à garder leur présence au sein des C.A. D'ailleurs, c'est bénéfique, et ils sont très motivés étant donné que ce sont nos jeunes qui sont là, au cégep, puis nous voulons qu'ils aient une vie harmonieuse là, au cégep.

Parfois, quand il y a 100 professeurs dans un collège — je dis «parfois» — il va se produire que certaines personnes, certains enseignants, certains professeurs soient infidèles à leur mission pédagogique, puis ça inquiète les jeunes et ça inquiète les parents. Alors, si les jeunes sont incapables de parler parce qu'ils ont peur

de subir un échec, bien, les parents peuvent intervenir par une voie peut-être parallèle à la leur, et ça peut produire des effets et des effets bénéfiques. Moi, je verrais à conserver, en tout cas, le minimum de quatre parents sur le conseil, d'autant plus que ça ne cause absolument aucune dépense et du collège et du ministère, leur présence. Puis...

Le Président (M. Bradet): Est-ce qu'il y a consentement à ce qu'on dépasse 22 heures? Oui? O.K.

M. Lanoix: Si vous me permettez, M. le Président. ..

Le Président (M. Bradet): Oui, M. Lanoix.

M. Lanoix: ...très rapidement, tantôt, je rappelais un vocable, «rejet»; on a parlé du verbe «éconduire». Mais, là, je dis que, nous, comme parents, on est à l'aise, c'est-à-dire que, quand nous siégeons dans un cégep public, on ne se sent pas du tout des intrus, alors qu'on serait porté à croire que certains intervenants nous voient peut-être un peu comme ça. Ça fait partie des préjugés que je voulais, tantôt, porter à votre attention.

Et, aussi, l'importance de maintenir un minimum de sièges au C.A. On a recommandé à la ministre six sièges dans le mémoire de novembre. C'est que, si on réduit à deux, même si les parents de certains cégeps avaient les idées les plus brillantes au monde, avaient les recommandations les plus, comment dirais-je, à propos à présenter, ils n'auraient que très, très peu de chances que leurs idées, si vous voulez, soient réalisées à un bon moment, soient acceptées. Quand il se produira un vote, il n'y aurait pratiquement aucune chance que la voix des parents soit entendue. À ce moment-là, à deux, selon nous, ils n'ont qu'un rôle de figurant.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: Merci, M. le Président. Je voudrais demander quelque chose en anglais, mais veuillez répondre en français, s'il vous plaît.

I should explain first that I have been a professor at cegep for 20 years, and I have also been on the Board of Governors, and I have also been a parent with two students who have gone through cegep, and I would like to ask you this. It was my impression that parents wanted very much to be involved with the cegep 20 years ago, and they will probably want to be again 20 years from now for very different reasons, but they are not that worried about it right now, and the reason they are not is because the professors are now the same age as the parents. When the cégeps started, except for a small group of professors from the «collèges classiques» and the universities, the average cegep professor was only six years older than the students, which meant that many Québec parents lived in terror of what was happening to their young people and wanted to get on the Board of Governors for exactly that reason. Now, the professors' own children are attending cegep, and not only does that mean they have that kind of view, it means that in terms of the input of parents, their friends and neighbours and so forth, even if they do not sit as parents on the Board of Governors, will tell them quite directly what they want done. And the same thing is true for the administration.

In other words, I am agreeing that parents should definitely have a powerful input in what happens in the cegep, but is it necessarily the case that that must be as can form a representation? You see, 20 years from now, I think that they will want the parents again because, this time, the parents will be afraid that the professors and the administrators are all a bunch of old cracks. But, right now, they are more or less in step.

M. Lanoix: L'observation que je peux apporter suite à votre intervention, et je la fais peut-être glisser un petit peu, c'est que, voyez-vous, de nos jours, depuis quelques années, de plus en plus il y a une sorte de consensus social qui se dessine et qui se renforcit, puis qui va dans le sens suivant. Que ce soit le secteur public ou le secteur privé, ce que l'on recherche — puis à bon droit, c'est souhaitable de le faire — on recherche plus de participation de la part du citoyen, du Québécois et de la Québécoise. On souhaite plus d'implication, plus d'engagement, plus de partenariat. Finalement, on a eu l'époque où c'était l'État-providence, tout ça. On comprend qu'il faut mettre l'épaule à la roue. Alors, c'est dans ce sens-là que notre dialectique, entre autres, s'avance et c'est dans cette foulée-là, si vous voulez, qu'on amène notre argumentation en plus de toutes les considérations qu'on a amenées jusqu'à maintenant et qu'on va peut-être vous amener d'ici quelques moments.

Le Président (M. Bradet): Mme Lessard.

Mme Lessard: On va les enlever, les parents. Vous êtes d'accord avec ça?

Le Président (M. Bradet): M. le député de Lac-Saint-Jean.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Mme Lessard, vous savez très bien que je ne suis pas d'accord avec ça.

Mme Lessard: Bien, alors, si vous n'êtes pas d'accord, il faut en mettre assez.

M. Brassard: Vous pourriez peut-être invoquer, dans votre argumentation, la présence pas mal plus substantielle des parents dans l'enseignement primaire et secondaire, dans les écoles, au niveau des commissions scolaires. Il me semble qu'en parallèle, au niveau des cégeps, on va dans le sens contraire.

Mme Lessard: J'aimerais ajouter quelque chose. Vous savez, moi, je fais de la supervision dans les écoles secondaires et au primaire, parce que je suis en sciences de l'éducation, et la mentalité qui se développe du partenariat parental au niveau du système obligatoire n'est pas du tout la même chose qu'au cégep. Au cégep, il y a une fraternité. Un parent qui veut aider son cégep pour un court temps — parce qu'on le sait, nous autres, à la Fédération, on a suffisamment de témoignages là-dessus — il y a un phénomène d'égalité très intéressant, de partenariat très intéressant. C'est sûr qu'il y a certains parents, peut-être, dont on pourrait discuter. Mais c'est tellement précieux, cette formule gagnante là. Écoutez, on ne serait pas là, nous autres, si, justement, il n'y avait pas cette qualité d'intervention.

Maintenant, il y a une chose qui est certaine aussi, et là je vais faire plaisir à M. Brassard: la mentalité de participation est spécifique au Saguenay—Lac-Saint-Jean; c'est une question de survie, et je suis de là. Quand vous allez dans la région de Montréal, c'est une autre mentalité. Ça, c'est l'ombudsman du Québec qui m'a dit ça, parce que je suis allée voir l'ombudsman dans ma démarche. Je vais vous dire ça un petit peu, O.K.? Alors, on m'a bien fait comprendre, on a eu une bonne discussion. À Montréal, le parent, c'est plus difficile d'aller le chercher parce qu'il y a beaucoup de gens ethniques et ce n'est pas la même mentalité qu'on a chez nous, dans le sens que c'est plutôt le lobbying, se passer des contrats, les «slates». C'est un mot nouveau que j'ai appris, la «slate», tu sais, quand ils font des élections, des choses comme ça. La région de la Beauce est différente aussi. Mais, dans la fédération des parents, j'ai redécouvert ce principe de participation qui existe chez nous et j'ai trouvé ça superbe. (22 h 10)

Ces parents-là, quand on les retrouve dans les cégeps... J'ai des confidences des cégeps, d'Alma, j'en ai même un peu de Rimouski, j'en ai d'un peu partout, et le parent partenaire a cultivé ce phénomène de participation de grande qualité, et ça, ce serait dommage de le perdre. Mais on peut les enlever, ce n'est pas grave! Ce n'est pas grave, ça. On peut les enlever, les parents. Il n'y a rien là.

Le Président (M. Bradet): Alors, Mme Lessard, ainsi que votre groupe, il me reste à vous remercier pour votre contribution à nos travaux. Le temps est malheureusement écoulé. J'aimerais remercier aussi les membres de cette commission, et vous souhaiter un bon voyage de retour. Il me reste à ajourner les travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 11)

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