L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des finances publiques

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des finances publiques

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 10 novembre 2004 - Vol. 38 N° 61

Consultation générale sur le projet de loi n° 61 - Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Rosaire Bertrand, vice-président
Mme Monique Jérôme-Forget
M. Sylvain Simard
M. Marc Picard
* M. Denis Côté, APTS
* Mme Chrystine Montplaisir, idem
* M. Yves Dugré, FMSQ
* M. Daniel Paquette, FMRQ
* Mme Karine Sanogo, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 
 

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bon matin à tout le monde, les membres de la commission et à nos invités. Je vous demanderais, ceux et celles qui ont des cellulaires, soit de les éteindre ou de les mettre sur vibration. Je sais qu'il y en a qui aiment bien ça, le mot «vibration», mais vaut mieux se faire vibrer de temps en temps qu'entendre le cellulaire quand quelqu'un est dans une présentation, ne serait-ce que par délicatesse.

Le mandat de la commission: la Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Matane) est remplacée par M. Blackburn (Roberval); M. Cholette (Hull) est remplacé par M. Descoteaux (Groulx); M. Gautrin (Verdun) est remplacé par M. Lafrenière (Gatineau); M. Paquet (Laval-des-Rapides) est remplacé par Mme Hamel (La Peltrie); M. Rioux (Iberville) est remplacé par M. Dubuc (La Prairie); M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et enfin je vous rappelle que M. Legault (Rousseau) est remplacé par M. Simard (Richelieu) pour la durée du mandat.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. Alors, l'ordre du jour de ce matin: 9 h 30, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux; à 10 h 30, Fédération des médecins spécialistes du Québec et Fédération des médecins résidents du Québec.

Alors, vous êtes déjà installés. La nervosité doit déjà commencer à être moins pire, juste le fait d'être là. Alors, on vous souhaite la bienvenue, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Et, M. Côté, c'est vous qui allez, je pense, faire la présentation. Si vous voulez d'abord nous présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux (APTS)

M. Côté (Denis): M. le président de la commission, Mme la présidente du Conseil du trésor, membres de la commission, mesdames messieurs, d'abord j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent ici, aujourd'hui. Ils sont tous les deux membres de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et services sociaux, l'APTS; Mme Marie-Claude Raynault, qui est vice-présidente à l'APTS, et Mme Chrystine Montplaisir, qui est conseillère syndicale à l'APTS.

L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, l'APTS, résulte d'une association née du regroupement, en 2004, de six syndicats de la Centrale des professionnelles et professionnels de la santé et de l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec. Elle regroupe les organisations syndicales suivantes: l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec, la Centrale des professionnelles et professionnels à la santé, l'Association des techniciennes en diététique du Québec, le Syndicat des ergothérapeutes du Québec, le Syndicat des intervenants professionnels à la santé du Québec, le Syndicat des physiothérapeutes et des thérapeutes en réadaptation physique du Québec, le Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé du Québec, le Syndicat des technologues en radiologie du Québec. Actuellement, l'APTS rejoint plus de 15 000 salariés des catégories techniques et professionnelles de la santé et des services sociaux. Nos membres travaillent dans la presque totalité des établissements du réseau, dont les centres hospitaliers universitaires et généraux, les CLSC, les centres de santé, les centres hospitaliers de soins de longue durée et les centres de réadaptation.

Les emplois plus fortement représentés par l'APTS sont ceux de la technologie médicale, physiothérapeute, technologue en radiologie, d'ergothérapeute, thérapeute en réadaptation physique, technicienne en diététique. De plus, une quarantaine d'autres titres d'emplois sont regroupés à l'APTS, dont psychologue, éducateur, archiviste médical, travailleur social, technicien en électrophysiologie médicale.

n (9 h 40) n

L'APTS et ses membres se sont toujours impliqués pour la défense des services publics gratuits de qualité et accessibles pour toute la population. Nous reconnaissons que le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec, touche un grand nombre d'organismes, mais nous avons convenu de nous concentrer, notre présentation, sur les sujets qui touchent plus spécifiquement nos champs d'expertise depuis les 30 dernières années, soit la santé et les services sociaux. Nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez offerte pour pouvoir nous exprimer sur le sujet. Étant une organisation syndicale près de ses membres, à l'écoute de leurs besoins et de leurs préoccupations, nous croyons qu'il est primordial de participer à cet exercice afin de défendre leurs intérêts et leur profession. De plus, l'APTS considère qu'il est du devoir du gouvernement de prendre conscience des effets de la mise en place de ce projet de loi et de quelle manière il pourrait affecter les conditions de nos membres et le bien-être de leurs patients.

La position de l'APTS est claire: nous sommes contre le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé. Nous sommes convaincus que la création d'une Agence de partenariats public-privé du Québec transformerait négativement le portrait de notre société en permettant ainsi à des intérêts privés en quête d'une simple course aux profits de faire main basse sur des services essentiels au coeur de la vie des citoyens. L'APTS a vraiment l'impression d'assister à la mise en place pure et simple d'un processus organisé de privatisation. On observe déjà les effets pervers du partenariat public-privé dans le milieu de la santé et des services sociaux, et cela, depuis plusieurs années. La mise en place du projet de loi n° 61 ne viendrait donc qu'aggraver les conséquences qui en découlent, et cela, au détriment d'un système de santé public, universel et gratuit. Le questionnement des instances locales, dans les années quatre-vingt-dix, concernant la mission des centres hospitaliers a d'ailleurs eu des effets néfastes sur l'offre de service en physiothérapie dans les centres hospitaliers, en plus de favoriser le développement des cliniques privées.

En réévaluant la mission des établissements, nombreux sont ceux qui ont choisi d'abandonner les traitements de physiothérapie offerts aux patients référés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ces contrats d'exclusivité qui étaient signés entre les établissements publics et la CSST permettaient d'embaucher davantage de physiothérapeutes en plus de desservir une plus vaste clientèle. Malheureusement, la majorité des contrats d'exclusivité de la CSST sont maintenant signés avec des cliniques privées en physiothérapie, ce qui a pour conséquences de drainer les physiothérapeutes du système de santé public vers le secteur privé, de réduire les services dans les centres hospitaliers et de favoriser l'explosion des cliniques privées.

Les tentatives de réingénierie des services alimentaires ont maintes fois mené à des constats d'échec. Selon une étude réalisée par MM. Léopold Lauzon et Martin Poirier de l'UQUAM concernant la rationalisation des services alimentaires dans le réseau hospitalier québécois, le recours à la gestion privée pour le service alimentaire est un très mauvais moyen de contrôler les coûts et éventuellement de les réduire. L'expérience du service alimentaire de l'Hôpital La Providence de Magog illustre bien notre point de vue. En 1986, l'administration de l'établissement a confié la gestion de son service alimentaire à la compagnie américaine Sodexho. En l'espace de trois ans, les coûts unitaires des achats et des fournitures ont connu une hausse spectaculaire de 30,5 % par année, comparativement à une hausse annuelle d'inflation de seulement 4,3 %. La direction a donc décidé de reprendre le service alimentaire en main. Cette reprise du contrôle de la gestion a permis à l'établissement de réduire les coûts directs de 14,9 %, soit l'équivalent de 270 000 $.

De plus, nous sommes en mesure de constater, par le biais de nos membres techniciennes en diététique, que la gestion privée des services alimentaires entraîne une baisse de la qualité des repas servis aux patients. Par souci de rentabilité, les entreprises gestionnaires de ces services et même certains établissements réduisent la variété des menus. Ils limitent parfois l'offre d'un seul menu à tous les patients. Celui-ci a la qualité d'être adapté aux diètes réduites en gras, en sel et en sucre. Or, un repas qui ne contient qu'une part réduite de ces trois ingrédients est de toute évidence plus fade, ce qui a comme conséquences que les patients mangent moins, avec moins grand appétit. Cette donnée est encore inquiétante, considérant que bien manger peut contribuer à recouvrir un meilleur état de santé. Nous reconnaissons que la nourriture offerte dans les établissements de santé doit être adaptée à l'état de santé des patients. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on retrouve, dans le réseau public, des techniciennes en diététique et des nutritionnistes qui travaillent de concert avec les responsables des services alimentaires publics pour justement adapter l'alimentation des patients à leur état de santé.

La privatisation des services alimentaires, dont la gestion des achats ainsi que la planification et la confection des repas, retarde le rétablissement de la santé des patients en plus d'entraîner des coûts d'hospitalisation et de frais de santé supplémentaires. De plus, la clientèle qui, dans plusieurs cas, est soumise à une diète spéciale est maintenant exposée à de grandes chaînes alimentaires rapides. À l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, l'administration a permis à l'ouverture d'un Harvey's dans son établissement en remplacement de son casse-croûte. En plus de perdre le contrôle des aliments servis aux patients insatisfaits de leurs repas, l'arrivée du Harvey's entraîne une perte de revenus pour l'hôpital. La situation est d'autant plus questionnable lorsqu'on considère qu'une saine alimentation constitue une partie intégrante des soins de santé.

La pénurie de personnel qui touche le secteur de la santé et des services sociaux force, depuis une dizaine d'années, les établissements à recourir aux agences privées pour pallier au manque de personnel dans le secteur public, notamment pour les ergothérapeutes et les physiothérapeutes. Bien que solliciter le personnel d'agences privées puisse sembler rentable à court terme pour les gestionnaires, il est prouvé qu'à moyen et à long terme il en coûte plus cher au système de santé. En choisissant de faire appel à des personnes salariées du secteur privé, les employeurs n'investissent pas à long terme dans la formation des personnes récemment diplômées, ils ne contribuent pas à mettre en place un vrai plan de développement des ressources humaines et un mode d'organisation du travail avec des conditions pour attirer et retenir la main-d'oeuvre. Ils font donc preuve de vision à court terme. De plus, ce professionnel parachuté à différents endroits s'intègre difficilement aux équipes interdisciplinaires, entre autres, parce qu'il ne fait que passer.

De plus, cette mobilité de personnel déstabilise les équipes de travail, minant ainsi le sentiment d'appartenance et la motivation des salariés. Les conditions strictes et peu négociables imposées par ce personnel, notamment au niveau de la disponibilité et des horaires de travail, ont pour effet de diminuer la qualité des services offerts aux usagers. Le manque de continuité dans les traitements et dans les services a des effets néfastes pour les patients. Enfin, purger le réseau public de ces services pour lui laisser les cas les plus lourds, c'est rendre la pratique de l'ergothérapie, de la physiothérapie dans le réseau public plus difficile et moins attrayante, ce qui a pour conséquence d'aggraver davantage la pénurie de personnel qui existe déjà.

Dans le domaine des laboratoires de biologie médicale, les nombreuses expériences de PPP en Ontario et dans les quatre provinces de l'Ouest démontrent que la privatisation de ce secteur d'activité a des conséquences importantes sur l'efficacité et la rentabilité de ces services. En Colombie-Britannique, des analyses de laboratoire sont effectuées par des entreprises privée depuis la fin des années quatre-vingt.

n (9 h 50) n

Les multiples études menées depuis 1992 sur ces services ont démontré que les coûts des analyses ont augmenté de plus de 34 % entre 1996 et 2001 pour atteindre 120 $ par habitant en 2003-2004, alors qu'au Québec, pour l'année 2002-2003, il en a coûté 61 $ par habitant, soit près de la moitié du coût de la Colombie-Britannique, 33 % de moins qu'en Ontario et 20 % de moins que la moyenne canadienne. Toujours dans le domaine des laboratoires, les études ont fait la preuve que les entreprises privées se concentrent davantage sur les analyses de routine à haut volume et peu coûteuses, laissant ainsi au secteur public la charge des analyses complexes et très onéreuses. De plus, le secteur privé opère, de façon quasi exclusive, dans les grands centres urbains, abandonnant ainsi les régions à elles-mêmes. Il est important de souligner que le Québec est et demeure l'une des rares provinces où les analyses de laboratoire sont effectuées en majorité dans les établissements publics. La gestion de ce secteur d'activité est efficace et rentable, mais le sujet de la privatisation de ce domaine revient périodiquement à l'étude par le gouvernement. Ce phénomène est dû en grande partie au puissant lobby des compagnies privées de technologies qui voient, dans ce secteur lucratif, un moyen de réaliser de forts profits.

Notre position est bien claire concernant le projet de loi n° 61 sur les partenariats public-privé. D'ailleurs, à la lecture de ce document, nous pouvons déjà observer plusieurs failles qui illustrent de manière patente les écueils qui se profilent si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec ses intentions. Le rôle et les pouvoirs dévolus à l'agence en font un promoteur actif des PPP, et le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme permettant d'atteindre le degré d'objectivité nécessaire pour la mise en oeuvre et le suivi effectif des contrats. Selon les articles 47 et 48 du projet de loi, l'agence financerait ses activités par les revenus provenant de ses interventions financières, des frais, des commissions, des honoraires qu'elle perçoit ainsi que des autres sommes qu'elle reçoit, et le surplus, s'il en est, serait conservé par l'agence, à moins que le gouvernement en décide autrement. À la lecture de ces articles, nous pouvons déjà prévoir que l'agence aura de la difficulté à démontrer son objectivité lors de l'évaluation de la valeur d'un projet de PPP, puisqu'elle a nécessairement intérêt à ce que bon nombre d'entre elles soient conclues.

Un autre élément qui nous inquiète au plus haut point concerne l'article 13 du projet de loi n° 61, qui touche la délégation et la subdélégation de fonctions ou de pouvoirs. Les responsabilités qui seraient normalement confiées à un organisme public pour l'exécution du contrat pourront être transférées à une entreprise privée. De plus, cette dernière pourrait à son tour transférer ses responsabilités à un tiers. Cette disposition du projet de loi, qui s'inscrit dans des termes aussi généraux, nous permet déjà de craindre une perte de contrôle, sans compter que le fait de la délégation et de la subdélégation peut donner lieu à beaucoup d'abus et que le contrôle exercé par l'organisme public sur la qualité du travail du tiers est questionnable. Outre le fait qu'il nous semble inconcevable, dans le secteur de la santé et des services sociaux, que les professionnels d'un établissement soient délégués, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur le contrôle qui sera véritablement exercé sur la qualité du travail effectué par les tiers. Le comité d'experts-conseils, bien qu'il soit mentionné, dans le projet de loi, que ceux-ci sont issus des secteurs public et privé, laisse perplexe. Aucune règle claire ne vient baliser les choix qui seront recommandés par l'agence au Conseil du trésor de sorte que l'encadrement de la proportion des experts laisse à interprétation.

D'autres éléments sont également déficients, dont la durée de la nomination d'un expert, le type de personne sollicité à occuper ce poste et les domaines représentés. Sans être alarmistes, il serait certes possible d'assister à la création de comités d'experts provenant essentiellement, voire même exclusivement du secteur privé. De plus, l'APTS croit qu'il est pour le moins hasardeux de voir en ces experts des personnes qui sont véritablement en mesure d'évaluer un partenariat à sa juste valeur, en mettant de côté tout intérêt personnel. Nous croyons donc que la notion d'objectivité est sérieusement affectée.

L'engouement pour le partenariat public-privé étonne d'autant dans le contexte actuel où de plus en plus de spécialistes et de chercheurs questionnent ouvertement les projections indûment optimistes qui fondent les ententes de partenariat, projections qui se réalisent rarement. De plus, alors que des provinces, telles que le Québec et l'Alberta, voient, dans les PPP, un signe de modernisation, voire une panacée à tous les maux, le gouvernement fédéral, par l'entremise de son ministre de la Santé, s'est engagé récemment à endiguer le courant de privatisation qui a déferlé dans le secteur de la santé au cours des dernières années. Par ailleurs, de nombreux chercheurs dénoncent les effets pervers de la privatisation des services dans le secteur de la santé.

La Grande-Bretagne fait figure de proue en matière de PPP. Après la mise en oeuvre de ces partenariats, des études ont démontré une réduction drastique de personnel en fonction de performances qui ne sont jamais réalisées, un accès plus difficile aux soins et aux services, un accroissement des listes d'attente et une absence de stratégie nationale cohérente dans le domaine de la santé.

Malgré certaines faiblesses, le système de santé québécois s'illustre tant dans l'opinion nationale qu'à l'échelle internationale, notamment par son accessibilité, la qualité de ses soins et la compétence de ses professionnels. L'attachement des citoyens au système de santé est d'ailleurs proportionnel aux qualités manifestes que celui-ci revêt. De plus, le rapport de la commission Romanow sur l'avenir des soins de santé au Canada le soulignait. Rien ne prouve que ces solutions permettront d'offrir de meilleurs soins ou des soins à moindre coût ni d'améliorer l'accès. Plus précisément, les principes sur lesquels reposent ces solutions ne cadrent ni avec les valeurs qui sont au coeur du régime d'assurance santé ni avec les prémices de la Loi canadienne sur la santé que les Canadiens appuient de façon massive.

Nous reconnaissons que le système de santé et les services sociaux traversent une phase manifeste de turbulence et de transition, mais nous croyons que nous devons nous tourner vers des pistes de solution qui reposent beaucoup plus sur les intervenants locaux, les professionnels, les associations de salariés et les divers ministères concernés. Nous souhaitons éviter de se tourner vers le partenariat avec les entreprises privées, dont l'objectif premier consiste à faire des profits.

Le Président (M. Bertrand): Vous avez terminé?

M. Côté (Denis): Oui. Merci.

Le Président (M. Bertrand): Alors, j'invite maintenant Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor à débuter la rencontre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, monsieur et mesdames, bienvenue à cette commission parlementaire. Je veux vous féliciter pour votre mémoire. Manifestement, vous allez vous rendre compte que je ne suis pas bien, bien en accord avec votre verdict et votre plaidoyer, mais malgré tout je suis très heureuse d'entendre les points que vous soulevez et je vais certainement réagir et vous demander de réagir également en réponse aux propos dans le fond que vous avez tenus.

À titre d'information, tout de go, je voudrais vous informer que les partenariats public-privé n'ont rien à voir avec la privatisation des soins de santé. Vous savez que le gouvernement et tous les gouvernements successifs, depuis la mise en place de la loi de l'assurance santé, disent que les services doivent être universels et gratuits. Alors ça, c'est bien important de réitérer ça parce que votre mémoire laisse croire, à certains endroits, qu'il y aurait un écart à cet égard. Par conséquent, je veux vous rassurer, puisque la Loi canadienne de la santé exige justement que les services de santé soient universels et gratuits. Et toute tentative d'aller dans un autre courant a été déboutée, et les gouvernements provinciaux ont dû bien sûr se remettre au pas. Alors, à cet égard je suis d'accord avec vous, il ne faut pas déroger de cet objectif, et nous en sommes parfaitement conscients.

Maintenant, vous avez fait référence plus tôt, vous avez donné des exemples où on avait eu recours à de la sous-traitance. Vous savez que les partenariats public-privé, ce n'est pas de la sous-traitance. D'ailleurs, il s'en fait actuellement, de la sous-traitance. Il s'en fait tellement, vous avez donné pleins d'exemples où il n'y avait pas d'agence des partenariats public-privé, où il se faisait de la sous-traitance. Et non seulement il se faisait de la sous-traitance, mais les gens, tout à coup, ont décidé de ne plus recourir à la sous-traitance. C'est donc dire qu'on a été capable d'évaluer, suite à une impression peut-être, que ce serait mieux de passer par la sous-traitance et on s'est rendu compte que finalement ce n'était pas souhaitable. Donc, à l'intérieur du régime actuel, bien ce volet-là est possible.

n (10 heures) n

Il se fait non seulement beaucoup de sous-traitance, il s'en fait dans les hôpitaux, il s'en fait dans les écoles, il s'en fait dans les cégeps, il s'en fait un peu partout au gouvernement. Donc, ça n'a rien à voir avec ça, puisque ça se fait déjà.

En plus de ça, rappelons-nous que l'objectif, c'est précisément de nous assurer d'offrir de meilleurs services et surtout une qualité d'infrastructure. Vous parlez de la Grande-Bretagne. Les partenariats public-privé, ça a été seulement pour la construction de 100 hôpitaux. Ce que j'ai visité, les employés étaient toujours du National Health Service. Alors, je ne sais pas, là, de quoi vous parlez parce que les hôpitaux actuellement sont construits par le secteur privé. Actuellement, là, c'est ça, là, qui se passe, là: on donne un mandat, on fait des devis et là on demande au secteur privé de venir construire. Et l'idée d'un partenariat public-privé, c'est précisément pour éviter les dépassements de coûts qu'on a eus au fil des ans, les expériences malheureuses qu'on a, je dirais, toutes les semaines, au Conseil du trésor, avec des dépassements de coûts. Alors, l'idée, c'est de mettre fin à ce système justement qui existe actuellement où on se retrouve avec des dépassements de coûts parfois de 25 %, 50 % et 100 % dans bien des cas. Dans certains cas, ça a été plus que 300 %. Alors, vous comprendrez que je comprends mal, là, parce qu'en Grande-Bretagne généralement les services, tous les services cliniques d'ailleurs, sans exception, sont offerts par le National Health Service, à part bien sûr du volet, parce qu'ils ont un régime différent du nôtre. Ils ont un régime privé en Grande-Bretagne, ce que nous n'avons pas. Je ne parle pas de ça, je parle de leur système public.

En plus, vous parlez bien sûr des coûts de laboratoire. Encore là, vous donnez l'exemple du Québec. Voilà une façon où quelqu'un pourrait procéder en sous-traitance; on ne l'a pas fait. Voilà une approche raisonnable, un choix que l'on fait de ne pas procéder de cette façon-là. Ça existe actuellement, ce serait possible actuellement. Alors, je veux juste qu'on se rappelle l'intention du projet de loi n° 61, c'est de nous permettre d'avoir un outil additionnel. Mais même les partenariats public-privé sont possibles actuellement. Vous savez qu'il y a eu une loi, qui a été passée en 2000, permettant, au niveau des routes, la construction de routes, les partenariats public-privé. Donc, c'est quelque chose qui est possible actuellement. L'agence veut juste développer une expertise à l'intérieur du gouvernement, développer une cohérence à l'intérieur du gouvernement, je le répète, conseiller les ministères à cet égard, pour leur proposer des volets de partenariat public-privé. Mais, en dernière analyse, ce sera le ministre de chacun des ministères qui devra décider si telle est une bonne approche.

Alors, moi, je voudrais savoir de votre part: À bien des égards, au niveau de la construction, que ce soit de routes qui se font par le privé actuellement ? vous êtes d'accord avec moi, ce ne sont pas nos fonctionnaires qui font les constructions de routes ? les constructions d'écoles, les constructions d'hôpitaux, les constructions de palais des congrès, les constructions de tout ça, ça se fait par le privé actuellement, alors je voudrais savoir: Est-ce que vous êtes en train de nous proposer de mettre fin à cette approche-là?

Le Président (M. Bertrand): M. Côté.

M. Côté (Denis): En réponse à votre question, en premier lieu j'aimerais juste vous parler au niveau des laboratoires parce que vous l'avez soulevé. Il y a le Dr Laurent Delorme, qui est médecin-conseil à la Santé et les Services sociaux du Québec, qui, depuis plus d'un an à peu près, rencontre. Ils font des rencontres au niveau des différents ordres, au niveau des différentes agences régionales et ils ont classifié les analyses des laboratoires en 215 analyses au niveau local à court délai. Et ils les subdivisent en 135 analyses qui pourraient être faites en milieu hospitalier. Et, dans leur présentation, ils parlent de 116 analyses qui seraient faites en milieu communautaire. Et le milieu communautaire, je pense, en tout cas au niveau de la loi n° 25, on n'entend pas parler de milieu communautaire. Par contre, quand on regarde en Alberta, en Colombie-Britannique, le terme «community laboratory», c'est la dénomination pour «laboratoire privé». Donc, si ce n'est pas une indication que le ministère veut s'orienter au niveau des laboratoires privés pour ce qui est des analyses pour les laboratoires privés, je crois que ça peut en être une.

Pour ce qui est de la Grande-Bretagne, je vais demander à Mme Montplaisir de vous répondre à ce sujet-là.

Le Président (M. Bertrand): Mme Montplaisir.

Mme Montplaisir (Chrystine): En fait, ce que nous avons compris, là, des références parues dans le British Medical Journal au niveau finalement des hôpitaux en Grande-Bretagne, c'est que le financement mais par la suite aussi la gestion se faisaient par les compagnies privées. Et c'était en fait toute la gestion finalement des secteurs non cliniques. Et ce sur quoi ils se sont... Comme conséquence que ça a eu, ça influence inévitablement les services, également les services cliniques dans les hôpitaux finalement gérés par les compagnies, les consortiums au niveau privé. Donc, oui.

D'ailleurs, ils ont remarqué: les analyses qui ont été faites, c'est qu'il y a eu 30 % de coupure de lits et une réduction de personnel de 20 %. Alors, c'est les données finalement parues au niveau du British Medical Journal.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je ne vais pas intervenir. Et l'article, ici, j'ai tous les articles dont madame fait référence. Vous comprendrez, M. le Président que, si on peut parler de fermeture de lits dans ces endroits-là, c'est parce qu'on se dirige vers une autre sorte de médecine. Le virage ambulatoire, je m'excuse, mais c'était ça, je pense.

Le virage ambulatoire qui a été fait au Québec, on a appelé ça comme ça, mais c'était parce que, de nos jours, on fait une médecine différente où les gens justement arrivent le matin, généralement, ont une intervention. Et d'ailleurs on vous dit: Le moins longtemps que vous restez dans un hôpital, mieux c'est. Parce qu'il y a des dangers d'être à l'hôpital, on le sait, on le lit dans les journaux, quotidiennement. Alors, c'est clair que ça fait partie peut-être qu'on a diminué les lits de 30 % simplement parce qu'on avait estimé qu'il y avait une nouvelle approche au niveau de la médecine. Je ne voudrais pas entrer dans ça, là, parce que ce n'est pas mon dossier, mais je puis estimer que c'est peut-être une des raisons pour lesquelles on a modifié nos façons de faire. Je soupçonne que c'est plutôt ça.

Vous avez parlé de la Grande-Bretagne également au niveau des délais d'attente. Bien, s'il y a un dossier... Je vais vous le dire, parce que j'ai rédigé un livre sur les services de santé, et les délais d'attente en Grande-Bretagne étaient très connus, et ça n'avait rien à voir avec les PPP, mais absolument rien. C'était là bien avant, bien avant qu'on introduise les partenariats public-privé, surtout dans le domaine de la santé, M. le Président, où c'était exclusivement utilisé pour la construction de 100 hôpitaux. Et justement l'étude dont fait référence madame, ils ont regardé sept projets sur 100. Mais généralement le National Audit Office, moi, je me suis beaucoup basée sur ça. Le National Audit Office, qui est l'équivalent du Vérificateur général, semble avoir une opinion très différente de celle que vous véhiculez ce matin. En tout cas, moi, je les ai rencontrés. J'ai passé un avant-midi avec ces gens-là, et en tout temps on nous a dit justement combien, généralement... Ça ne veut pas dire que tout est parfait dans un PPP. Ça, là, je suis parfaitement d'accord avec ça, mais, au niveau des dépassements de coûts à l'intérieur des délais, ça, par exemple, il y a des résultats extrêmement impressionnants.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, Mme la ministre. M. le député de Richelieu, porte-parole en matière de... pour le Conseil du trésor, c'est-à-dire.

M. Simard: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue aux membres de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et services sociaux. J'ai lu, avec beaucoup d'attention, votre mémoire, qui est bien construit, et qui est fouillé, et qui se préoccupe d'un domaine extrêmement important. Vous savez que 42 % des dépenses courantes de l'État vont maintenant en santé. On a assisté, depuis une dizaine d'années, à une augmentation annuelle de l'ordre de 4 % à 17 % des dépenses en santé, ce qui fait qu'on est passé, de 1993, où la santé représentait environ 30 % des dépenses de l'État, à maintenant 42 %. Pour ce qui est du PIB, on est encore en dessous de 10 %, mais c'est quand même très élevé. Aux États-Unis, ils en sont à 16 %, ce qui prouve d'ailleurs que leur système ne doit pas être si efficace que ça. Le domaine où vous oeuvrez est le domaine où l'État a le plus d'intérêts, je veux dire par là où les citoyens, les contribuables ont à payer une large partie de leurs impôts pour le service de santé.

n (10 h 10) n

Donc, que vous vous préoccupiez, dans votre secteur, de cette proposition gouvernementale, de ce projet de loi, rien de plus naturel, puisque, s'il y a des gains à faire, s'il y a des initiatives nouvelles à effectuer, si les PPP prennent de la place, il y a bien des chances que ce soit en bonne partie chez vous. Ce serait totalement se leurrer de penser que la santé, parce qu'il y a une loi nationale de la santé, parce qu'il y a quand même une population qui défend majoritairement les services publics, ce serait se leurrer de penser qu'elle est à l'abri des partenariats public-privé. D'ailleurs, les exemples cités par la ministre, couramment, constamment, ce sont les hôpitaux anglais. Et il ne faut pas se faire d'illusions; s'il y a des PPP, ça va être essentiellement dans votre secteur.

Vous en ciblez ? d'ailleurs, j'aurai l'occasion de vous poser des questions plus précises ? des secteurs qui sont plus à risque, mais j'aimerais vous inviter à me préciser. Vous avez cité une étude tirée du British Medical Journal, une étude qui a été présentée, préparée par MM. Pollock, Shaoul et Vickers. Vous dites au sujet de cette étude: «...des pays ayant goûté à la mode des partenariats en santé doivent accuser le coup de critiques acerbes relativement aux supposés effets bénéfiques de ces ententes ? c'est à la page 9. C'est le cas Grande-Bretagne, pays qui fait figure de proue en matière de PPP, où des chercheurs londoniens issus du Health Policy and Health Services Research Unit, School of Public Policy, ont notamment dénoncé les effets pervers suivants dans les secteurs de la santé après la mise en oeuvre des partenariats.»

Pouvez-vous ? parce que vous n'avez pas eu le temps de nous donner entièrement votre mémoire ? pouvez-vous nous donner quels sont les principaux points identifiés par ces chercheurs où il y a eu affaiblissement de la qualité des services dans le domaine de la santé, à la suite de l'introduction des partenariats public-privé?

Le Président (M. Bertrand): M. Côté.

M. Côté (Denis): Je vais laisser madame...

Le Président (M. Bertrand): Mme Montplaisir.

Mme Montplaisir (Chrystine): Oui, merci. En fait, les chercheurs se sont penchés également sur... Bon. Les partenariats en Grande-Bretagne se font depuis au moins une quinzaine d'années. Ça a débuté dans les années quatre-vingt-dix. Ce qu'ils ont découvert, ces chercheurs, c'est que le financement privé finalement n'apporte pas vraiment d'argent neuf et du nouveau capital, finalement. Les coûts de financement de ce capital-là, du financement privé dans les hôpitaux, reviennent plus cher. Les taux d'intérêt sont plus chers, et les fameuses primes de risque exigées par les entreprises privées, les consortiums, là, qui financent les hôpitaux privés, c'est des primes qui sont très élevées, c'est difficilement évaluable d'ailleurs au niveau du Vérificateur général. Je pense que c'étaient les critiques, là, qui revenaient. Et évidemment aussi ce qu'il y a comme conséquence de déléguer et de sous-déléguer ? c'est ce qui est prévu également dans le projet de loi n° 61 ? au niveau de ces grands consortiums-là, c'est qu'il y a une fameuse perte de contrôle. Et le National Health Service, finalement qui est leur ministère de la Santé, a effectivement quelques difficultés à faire une planification à long terme finalement avec cette intégration-là de plusieurs hôpitaux privés.

D'ailleurs, c'est des points que les chercheurs ont soulevés, c'est finalement des contrats de 30 ans. Si les besoins de la population changent en cours de route, qu'arrive-t-il justement avec ces fameux contrats d'une trentaine d'années? On sait, hein, il y a quand même eu des hôpitaux, sept hôpitaux qui ont fermé dans la région de Montréal, en 1997. Alors, on peut penser que les coûts finalement pour mettre fin à ce type de contrat là peuvent être très, très élevés. Donc, évidemment qui assume la facture en bout de course? On comprend bien que ça risque d'être les contribuables, là, finalement. Ce qu'ils ont également découvert, les chercheurs, c'est qu'effectivement l'utilisation des PPP a monopolisé beaucoup l'attention du National Health Service sur le financement, la productivité, la planification des soins et qu'ils ont laissé tomber justement la planification des soins à long terme, et la coordination entre les autres établissements du réseau de santé se fait peut-être un petit peu moins. Ils ont des genres de CLSC eux aussi à ce moment-là, alors c'est ce qu'ils sont à même de constater à l'heure actuelle.

Donc, c'est finalement des choses qu'on peut penser ici si l'implantation de centres hospitaliers privés... On sait, il y a le projet du CHUM, du CHU McGill où la gestion peut peut-être être ? le financement ? la gestion peut peut-être être privée. Et on sait que, par la loi n° 25, on veut intégrer finalement des réseaux de santé finalement où on ne fonctionnera pas par silos. Il nous semble qu'il y a comme un peu un manque de cohérence à ce niveau-là de privatiser certains secteurs et de vouloir intégrer finalement un système finalement où tous les partenariats au niveau public... En fait, il nous semble que le public devrait finalement garder la mainmise, là, sur la gestion complète du réseau de la santé.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Je vous écoute et j'essaie de mieux comprendre ce que vous me dites. Et j'imagine un peu ce que serait ? un exemple qui est cité tous les jours, que vous venez de citer vous-même ? un des grands hôpitaux universitaires montréalais. Il y en a deux prévus qui seraient construits hypothétiquement en PPP. Voyons un peu le portrait de ce que ça donnerait. La propriété évidemment des bâtiments serait en partenariat, donc ce serait une propriété largement privée. La gestion des immeubles, pendant la durée de ce partenariat ? 20, 25, 30, 35 ans, peut-être plus ? serait une gestion en partenariat public-privé. L'organisme de ce partenariat gérerait, donc ce n'est plus la régie de la santé, la corporation de l'hôpital universitaire un tel, un tel, ce n'est plus le milieu de la santé, c'est le partenariat qui gère les bâtiments. On peut imaginer que la cafétéria, les services de buanderie, le stationnement, les laboratoires ? vous avez introduit cette notion-là...

Est-ce que vous croyez que cet environnement privé dans lequel évolueraient les soins de santé n'aurait aucun effet sur la qualité du service public et les soins de santé?

Le Président (M. Bertrand): M. Côté.

M. Côté (Denis): À ce niveau-là, je veux dire, c'est ce qu'on a mentionné dans le mémoire, dans la présentation tout à l'heure, c'est qu'on a toujours favorisé l'accessibilité, l'accessibilité, présentement. On prenait l'exemple des laboratoires. Souvent, ça a été décrié à l'effet que les gens avaient des listes d'attente au niveau des laboratoires. Pratiquement, l'ensemble des établissements du Québec présentement ont des laboratoires avec des centres de prélèvements sans rendez-vous. L'accessibilité au niveau du résultat des... pas l'accessibilité, mais les résultats, la transmission des résultats, tout ça, souvent c'est dû par un manque non pas d'équipements, mais une sous-utilisation des équipements. Autant au niveau de la radiologie, c'est la même chose, le personnel est insuffisant.

Donc, on prend l'exemple qu'il y a eu à Montréal, dernièrement. Il y avait un centre hospitalier où, le soir ? ça s'est réglé, mais quand même ça se faisait ? où, par un manque de personnel, les équipements de radiologie étaient utilisés pour de la médecine vétérinaire. Ça avait été ? ce n'est pas une cachette ? ça avait été rendu public et ça ne se fait plus, heureusement. Mais, si ça devient privé, la privatisation, veux veux pas, l'entreprise privée, le seul but, c'est la rentabilité. Donc, à partir de ce moment-là, les services vont essentiellement et obligatoirement être diminués.

Le Président (M. Bertrand): Très courte question, M. le député.

M. Simard: Oui. Je vous réfère à un problème qui nous a été abordé très régulièrement, dans cette commission, dès le départ d'ailleurs, par la Commission d'accès à l'information et, régulièrement, ensuite dans différents mémoires, c'est la difficulté que présente le projet de loi quant à l'accès à l'information. Déjà, nous sommes, nous, parlementaires, très méticuleux pour nous assurer que nous pouvons exercer notre mandat d'imputabilité en pouvant avoir accès à l'information et nous nous heurtons très souvent, dans le système actuel, à des difficultés et à des barrières à cet accès à l'information. Tous les jours, l'opposition, par exemple, se voit refuser l'accès à des documents parce qu'ils impliquent des tiers privés.

Vous avez fait l'analyse de l'impact de la création de l'agence sur l'accès à l'information, et votre diagnostic semble assez sombre. Pouvez-vous nous l'expliquer?

Le Président (M. Bertrand): Très courte réponse, s'il vous plaît. Mme Montplaisir.

Mme Montplaisir (Chrystine): C'est sûr que, dans l'état actuel de la loi d'accès à l'information, toutes les données finalement financières, les plans d'affaires finalement des entreprises privées qui font des contrats avec un organisme public, ça ne peut pas être rendu... en fait, ça ne peut pas être rendu public. Donc, le contribuable ne pourra pas finalement avoir accès à ces données-là, en fait l'ensemble des citoyens. Effectivement, ça pose la question de la responsabilité ministérielle à ce niveau-là.

n(10 h 20)n

On a cité des exemples, qui se sont faits dans le passé, de partenariat public-privé avec Tourisme Québec et Bell Canada, entre autres. Il y a eu des demandes d'accès finalement au contrat, et la Commission d'accès à l'information a été obligée de statuer qu'effectivement il y avait certaines données du contrat qui ne pouvaient pas être rendues publiques, donc c'était tout le plan d'affaires, le taux de rentabilité que Bell Canada estimait, là, avoir, et etc. Donc, c'est bien évident que, nous, ça nous interpelle. Et, en cas aussi de problématique, on se dit: Qui sera responsable?

Le Président (M. Bertrand): Merci. Je vous remercie. Mme la ministre, il vous reste 9 min et 15 s.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, j'ai soulevé évidemment quelques volets qui ont été exprimés, là, antérieurement. Je vais revenir à l'étude de Mme Pollock. Vous savez que cette étude est extrêmement contestée en Grande-Bretagne ? j'imagine que vous êtes au courant ? parce que Mme Pollock se cite elle-même. Mais je vais vous lire une phrase que dit Mme Pollock, qui a soulevé l'ire de toute la Grande-Bretagne. Et c'est son étude Education and Debate. Justement, elle parle des partenaires public-privé. Je ne sais pas si, M. le Président, vous voulez que je le traduise en français, ce serait peut-être plus simple, ou si je le lis en anglais?

Le Président (M. Bertrand): Allez-y donc en français.

Mme Jérôme-Forget: Bon. «Jusqu'en 1991, toutes les dépenses en capital du National Health Service étaient financées par le gouvernement central, provenant de taxes et des emprunts du gouvernement. Le National Health Service n'avait pas à payer d'intérêts ou repayer le capital.» Vous avez entendu l'énormité. O.K. Alors, «en effet, tous les nouveaux équipements et les constructions devenaient», c'est tout devenait gratuit. Je vais le dire en termes réels, là, M. le Président: «In effect, new equipment and buildings became free.»

Mais, moi, j'ai toujours appris qu'il n'y a rien de gratuit sur la terre. Et, si on construit quelque chose, qu'on le construise avec les impôts des contribuables, les taxes des citoyens, manifestement ça coûte quelque chose. Qu'on le construise d'une façon ou d'une autre, ça coûte quelque chose. Alors, je veux simplement que tout le monde soit bien au courant que cette étude par Mme Pollock, où elle cite, par exemple, 30 % de diminution au niveau des lits d'hôpitaux, bien, M. le Président, on a diminué plus que ça au Québec et on va probablement les diminuer encore beaucoup parce que la médecine se transforme. Alors, je pense qu'il faudrait être prudent, là, quand on cite cette étude parce que j'ai bien, bien examiné cette étude, j'ai communiqué avec des gens du King's Fund College qui font également des études dans ce secteur et j'ai communiqué avec plusieurs personnes justement pour m'assurer, là, de cet article.

Maintenant, mon collègue le député de Richelieu parlait du CHUM tantôt, la construction et est-ce qu'on va offrir tous les services à l'intérieur d'un hôpital. Voilà une décision à prendre, M. le Président, mais ce n'est pas du tout, du tout confirmé. Généralement, en Grande-Bretagne, ce sont les services de construction et l'entretien de l'édifice. C'est ça, le contrat. Et rappelons-nous que ce n'est pas de la privatisation. Vous réalisez que d'ailleurs le gouvernement britannique, aujourd'hui, dit que ça a été le meilleur investissement parce que toutes ces infrastructures lui reviennent. Alors, contrairement, par exemple, à ce qu'on fait avec le privé conventionné où on fait appel au privé pour des services de santé, bien il n'y a rien qui nous revient, M. le Président. Il n'y a rien qui nous revient. Dans un partenariat public-privé, dans 25 ans, vous pouvez faire le contrat sur 20 ans, 25 ans, 30 ans ? ça dépend dans le fond du contrat que vous développez ? mais ça vous revient, ça revient à l'État, aux citoyens. Les citoyens sont propriétaires de cet hôpital.

Alors, moi, ce que je trouve, M. le Président, j'ai là par ailleurs une entrevue qui a été donnée avec une présidente du syndicat des infirmières en Suède, d'accord, en Suède. On ne peut pas dire que ce sont les plus capitalistes, M. le Président. C'est un pays où on a beaucoup la notion de l'égalité des citoyens et l'accès aux services. Et c'est un pays, je suis sûre que ceux qui ont visité la Suède vont être d'accord avec moi, que c'est un pays très égalitaire. Que dit-elle, elle, justement? Qu'il y a eu énormément d'épargnes avec tous les services qui avaient été donnés au secteur privé dans ce cas-là. Bien que je ne fasse pas la porteuse de ça, mais elle dit qu'au niveau des partenariats publics il y a eu des épargnes de 10 % à 50 %, 50 % dans les laboratoires, 30 % dans les services d'appui, 15 % dans les services d'ambulance. Alors, voilà. Et, elle, dans le fond, au grand désappointement des porte-parole syndicaux au Canada ? je ne parle pas du Québec ? au Canada, elle dit ceci: «Le plus grand syndicat, en Suède, d'infirmières supporte avec enthousiasme les licences de fournisseurs de services pour augmenter l'accès aux citoyens.» Parce que, rappelons-nous, ici, là, nous, ici, on est ici pour accroître les services aux citoyens, accroître la qualité des services.

Et d'ailleurs, dans Mme Pollock, je vais y revenir, en aucun temps il n'a été documenté, outre le fait de la baisse de 30 % des lits d'hôpitaux, sur la qualité des soins. Alors, elle peut bien, Mme Pollock, se citer elle-même en exemple, mais il n'y a eu aucune documentation. Au contraire, moi, ce que j'ai visité, j'ai rencontré le personnel, j'ai rencontré les syndicats, j'ai rencontré des citoyens, et, en tout temps, ces gens-là étaient très heureux d'avoir un nouvel hôpital parce qu'ils ne l'auraient pas eu autrement. C'est ça, là, à bien des égards, le débat, M. le Président, c'est qu'on veut faire affaire d'une façon pour nous permettre de remettre nos infrastructures à jour qu'on a délaissées pendant 40 ans, hein? On a délaissé nos infrastructures pendant 40 ans. Alors, je ne sais pas, peut-être vous voulez réagir. Je vais vous donner le temps de réagir, mais je vous dirais qu'il faut être prudent quand on cite Mme Pollock, très, très prudent, je vous le dis, là. Parfois, ça a l'air bien beau, là, parce que c'est loin, mais, quand j'ai rencontré les gens, y compris les gens du domaine médical en Grande-Bretagne, il est clair qu'il n'y avait pas unanimité, là. C'était loin de ça.

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que vous avez des réactions, mesdames ou monsieur? Mme Montplaisir.

Mme Montplaisir (Chrystine): Oui, merci. À l'article 6 de votre projet de loi, vous prévoyez que les contrats en PPP doivent prévoir un objectif d'amélioration de la qualité des services offerts. On constate que c'est un objectif, hein, n'est-ce pas? Ça peut être un voeu pieux. Il n'y a aucune obligation finalement de résultats, et, nous, c'est un petit peu la lacune nous aussi que nous avons constatée, c'est qu'il n'y a pas d'objectif précis et mesurable des indicateurs de performance. D'ailleurs, dans le rôle de l'agence, il nous semble qu'un des préalables finalement pour aller vers des contrats en PPP, ce serait bien, justement, de faire un dossier et de prouver que d'aller en contrat en PPP, c'est quelque chose de rentable et qui va justement améliorer la qualité des services.

Alors, on comprend bien que les contrats peuvent juste, s'ils sont faisables, peuvent, finalement, être... Ce qui est faisable, ce n'est pas nécessairement rentable, et d'autant plus les contrats devront juste prévoir un objectif d'amélioration des services. C'est un petit peu une lacune, là, qui a été détectée d'ailleurs aussi par le Vérificateur général en 1995, par rapport justement au projet de PPP qui a été fait par le gouvernement antérieur, que justement il manquait des objectifs très précis et mesurables et des indicateurs de performance également. Alors ça, c'est des choses aussi qui nous interpellent au niveau du projet de loi, là, qui nous semblent manquantes et qui laissent la porte ouverte, là, à faire des projets de PPP finalement où peut-être les intérêts des gens, des comités d'experts pourront se trouver, là. Parce que ça aussi, c'est une lacune et également, là, que nous avons détectée. Et je sais qu'on n'est pas les seuls, là, il y a eu plusieurs finalement intervenants, ici, qui en ont fait état.

Le Président (M. Bertrand): Très courte question, Mme la ministre? M. le député de Richelieu, pour huit minutes.

M. Simard: Oui, rapidement. D'abord, une réaction aux propos de la ministre concernant les études que vous avez citées. Toutes les études évidemment peuvent être regardées avec beaucoup d'attention et doivent être regardées avec attention. Depuis le début de ces audiences, nous avons régulièrement, de la part de la ministre, la citation d'études qui sont souvent partielles et qui nous sont présentées, comme le rapport du Vérificateur général, en Angleterre, du British Audit Office, où il y aurait des interrogations sur la méthodologie qui pourraient être faites avec pertinence. Il n'en demeure pas moins que l'étude de Mme Pollock et de ses collaborateurs, ça a mené à un éditorial du British Medical Journal.

n(10 h 30)n

Le titre d'ailleurs de l'éditorial dit bien ce qu'il veut dire, il parle de «private finance» et de «public risk». Le titre est assez éloquent. Et, si on regarde la synthèse que vous en faites, elle reflète assez bien la lecture que j'en ai faite: absence d'évidence d'une amélioration de la qualité des soins dispensés ? je sais bien que la ministre a passé quelques jours en Angleterre, là, mais ce n'est pas suffisant pour nous rassurer totalement là-dessus ? fermetures de lits; réduction drastique de personnel en fonction de performances qui ne se sont jamais réalisées; accès plus difficile aux soins et aux services plus difficile; accroissement des listes d'attente; prédominance de la vision associant la valeur d'un projet à ses aspects essentiellement financiers; impossibilité de cerner avec précision quels risques ont été transférés et de quelle façon les entreprises sont imputables en cas de réalisation ou de non-réalisation des risques; absence de documentation décrivant la planification effective des soins à court, moyen et long terme projetés par les entreprises; investissements financiers faits sans considération du rôle joué par les hôpitaux. Et ça, cette dernière citation, elle est de Rhona MacDonald dans Private Finance Initiative Condemned, toujours dans ce même British Medical Journal.

Il y a quand même, qu'on le veuille ou non, des interrogations. Je ne veux pas prétendre faire un portrait uniformément sombre et dire que tout ce qui a été fait en PPP, au cours des 10 dernières années, en Angleterre, est nécessairement mauvais, mais il y a une série de lumières jaunes et, dans certains cas, de lumières rouges qui sont allumées. Et, avant de nous lancer à corps perdu dans cette façon de procéder, je pense qu'il faudrait réfléchir, les commandes qui ont été faites aux différents ministères pour accélérer l'identification de projets pour aller en PPP, parce que, pendant que nous discutons entre nous, là, les choses avancent. On a eu le dépôt, hier, dans cette Chambre, par le Syndicat des fonctionnaires, du plan du ministère des Transports qui implique des dizaines de projets de PPP au cours des prochaines années. Sur 34 ans, ça implique des dépenses de près de 10 milliards de dollars pour le gouvernement du Québec, des péages, un pourcentage aussi élevé de financement du gouvernement fédéral. C'est donc dire que nous allons très vite actuellement, et il me semble que vous avez raison de poser des questions et que nous avons raison de nous interroger sur les failles et les faiblesses potentielles d'un tel virage majeur. Je le répète, il ne s'agit pas d'un virage mineur, il ne s'agit pas de construire une ou deux autoroutes, il s'agit de faire de ce système de partenariats public-privé une façon ordinaire de se conduire, de faire des choix dans le secteur qui occupe 42 % des dépenses du gouvernement. Et c'est un secteur où les Québécois sont très attachés à la qualité d'un service public universel et accessible.

Donc, vos interrogations, vos questions, vos doutes, votre recherche d'autres sources que les sources ministérielles, je pense, sont parfaitement pertinentes, et il ne faut pas croire que nous sommes les héritiers d'une formidable expérience anglaise qui nous permettrait de conclure que tout ce qui se fait ailleurs sur le mode public et ce qui se fait ici sur le mode public est à rejeter au profit de cette vision nouvelle. Je pense, là, qu'il y aurait un excès considérable. Et le projet ? et je reviens au projet de loi n° 61 ? le projet de création de l'agence, il ouvre la voie à tous ces excès. L'organisme qui va faire l'étude, hein, les supposés experts, bien ils sont là pour faire la promotion, ils ne sont pas neutres. C'est comme les experts que la ministre engage pour la conseiller soi-disant pour être plus neutre que le discours de fonctionnaires. Ce discours qui vient des organismes, des compagnies privées, des bureaux-conseils, des firmes-conseils, il n'est pas neutre non plus, il est aussi très orienté vers tout ce qui touche la privatisation et les partenariats. Donc, il faut faire très attention lorsqu'on a un projet de loi comme celui-là qui ouvre selon nous les possibilités d'ouverture au privé non seulement à la construction, mais aux services. Le texte de loi le dit très clairement. Ce n'est pas banal, ce n'est pas rien, c'est quelque chose de majeur. Vos inquiétudes sont très justifiées.

Juste en terminant, j'aimerais que vous me précisiez, hein, sur un secteur où il y a des débats ? je vais être honnête avec vous ? sur les laboratoires, est-ce qu'il y a des études actuellement, au Québec, qui existent sur l'efficacité du système actuel, parce qu'on sait qu'il y a des failles? Est-ce qu'il y aurait, est-ce qu'on a bien fait les études comparatives qui permettent de conclure que le service public d'analyse est insuffisant et qu'il faudra avoir recours au privé? Est-ce que les études sont faites?

Le Président (M. Bertrand): M. Côté.

M. Côté (Denis): Au niveau des laboratoires, depuis plusieurs années, comme je le mentionnais précédemment, ça a été une porte d'accès, d'entrée pour les différentes compagnies de technologies parce qu'ils voient, par les laboratoires, une rentabilité. Au niveau du Québec, on a parlé d'accessibilité au niveau des prélèvements ? je l'ai mentionné tout à l'heure ? à l'effet que présentement, dans pratiquement l'ensemble des établissements hospitaliers du Québec, les gens peuvent aller faire des prises de sang sans rendez-vous.

Au niveau des résultats d'analyse, il y a des systèmes informatiques qui sont mis en place de plus en plus au niveau des établissements de la santé du Québec qui peuvent communiquer les résultats. Au niveau de l'utilisation des équipements, on est bien équipés au niveau des laboratoires, mais il y a une sous-utilisation des équipements, tout ça dû parce qu'on ne veut pas engager de personnel plus pour travailler le soir pour que les appareils fonctionnent plus longuement. C'est la même problématique qui se retrouve en radiologie. Au niveau des laboratoires, à chaque année, c'est un des départements, un des secteurs d'activité où il y a des statistiques qui sortent. On appelle ça le tableau de bord de gestion des laboratoires. Pour l'exercice financier 2002-2003, le coût unitaire pour les laboratoires, parce que c'est déterminé par coût unitaire au niveau de chacune des analyses, était rendu à 0,75 $ ? moyen ? pour l'ensemble du Québec. On a passé, dans les années quatre-vingt-dix, au début de quatre-vingt-dix, on avait des valeurs qui étaient jusqu'à 1 $, 0,90 $; ça a baissé à 0,85 $, 0,88 $. En 1999-2000, il était à 0,79 $, le coût unitaire; en 2001-2002, il était à 0,75 $ et il est encore, 2002-2003, à 0,75 $.

M. Simard: ...avec d'autres provinces ou pays.

Le Président (M. Bertrand): M. le député, M. Côté, je dois vous interrompre, c'est terminé. Mesdames et M. Côté, Mme Montplaisir, Mme Raynault, merci beaucoup. Je sais que c'était votre première présentation. Alors, ça a très, très bien été, félicitations.

Je suspends les travaux pour quelques minutes et j'invite les gens de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec à se préparer.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

 

(Reprise à 10 h 40)

Le Président (M. Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec. Dr Dugré, c'est vous qui avez la tâche de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de nous lire votre mémoire.

Fédération des médecins spécialistes
du Québec (FMSQ) et Fédération
des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Dugré (Yves): Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec désirent remercier d'abord cette Commission des finances publiques pour l'occasion qui leur est offerte d'exprimer leur opinion sur le projet de loi n° 61, la Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Gilles Hudon, radiologiste, et permanent, et directeur des politiques de la santé et de l'Office de développement professionnel à la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Et la Fédération des médecins résidents est représentée par le Dr Karine Sanogo, qui est secrétaire de la Fédération des médecins résidents du Québec, le Dr Daniel Paquet, trésorier de la Fédération des médecins résidents du Québec, et M. Jean Gouin, directeur général de cette fédération. La présentation de notre mémoire sera faite conjointement par la Fédération des médecins spécialistes et mon collègue le Dr Paquette. Nous avons choisi de faire ce mémoire ensemble. Ce n'est pas la première fois. Je pense que c'est une coutume qui nous a servis dans le passé. Nous espérons que, dans ce projet, ce sera la même chose. La moitié des membres de la Fédération des médecins résidents seront nos membres dans quelques années.

On peut se demander d'entrée de jeu quel est l'intérêt des docteurs dans ce dossier des trois PPP. Notre intérêt vient effectivement de l'impact possible sur les soins de santé de la population, et les résidents, eux, médecins résidents s'informent et s'inquiètent des répercussions que pourraient avoir certains projets sur la formation qu'ils acquièrent dans les hôpitaux, dans les hôpitaux universitaires et ailleurs. Il faut dire qu'à 75 % de leur temps et de leurs honoraires les médecins spécialistes pratiquent en centre hospitalier, donc tout ce qui peut toucher la prestation des soins en centre hospitalier nous intéresse. La fédération comprend 8 000 médecins spécialistes répartis dans 34 spécialités, et il y a 2 000 résidents en formation.

Le but exprimé par la loi est de créer et d'encourager ou de promouvoir de nouvelles avenues de collaboration avec le privé pour ? et je l'ai entendu tantôt ? pour donner plus de services à un coût égal ou moindre possible et, j'espère, pas nécessairement seulement pour le gouvernement, mais aussi pour le citoyen qui est notre patient. Donc, on ne voit pas que le citoyen qui est patient gagnerait si c'est lui qui assume nécessairement des coûts supplémentaires qui iraient à d'autre chose que les soins de santé qu'il requiert. L'application de partenariats avec le privé n'a pas la même consonance pour nous quand on regarde le domaine de la santé, qui est certainement un domaine où la population est très sensibilisée de nous inciter d'avoir des bons soins de santé que quand on parle d'infrastructures ou de buanderie. Et donc c'est de cet angle-là que nous allons aborder ce mémoire. Et on pourrait faire remarquer d'emblée qu'il existe déjà, dans le domaine de la santé, des partenariats qui sont en place. Brièvement, les centres d'hébergement ou les centres CHSLD existent déjà, dans le domaine de l'hébergement.

Mais, plus spécifiquement, plus près des soins à la population, les cabinets de médecins dont on parle peut-être un peu mal de ce temps-là, mais sans raison d'ailleurs, mais ces cabinets de médecins spécialistes sont un exemple de partenariat public-privé parce que le public et l'État, via la Régie d'assurance maladie, rémunèrent le médecin pour des honoraires professionnels, et incluant ce qui peut coûter davantage pour la prestation de ces soins. Donc, ces cabinets sont propriété de médecins, administrés par des médecins avec du personnel payé par le médecin, des fournitures payées par le médecin, mais à même le...

Donc, ce partenariat public-privé existe depuis le régime d'assurance maladie, et on verra plus tard que c'est de ce côté que nous penchons pour essayer d'accélérer peut-être la cadence dans ce que nous appellerons plus tard les cabinets affiliés. Foncièrement, nos deux fédérations, la Fédération des médecins résidents et la Fédération des médecins spécialistes, sont favorables à l'idée d'une modernisation de l'État, à une réduction de son rôle, mais à devenir davantage plus garant que gérant. Mais, dans le domaine des services médicaux, dans le domaine des services médicaux donnés par les médecins, directs donc à la population, notre credo est un financement public, donc pas de privatisation. Nous ne sommes pas en ligne pour avoir plus de services, meilleure qualité si on s'en va du côté de la privatisation dans le domaine des services médicaux, mais nous croyons qu'il pourrait y avoir plus de place pour la gestion et pour les infrastructures.

Donc, dans un exemple de partenariat qui pourrait exister, on pourrait justement développer, du côté de l'hôpital, ou de l'agence, ou conjointement, évidemment parce que le financement vient de l'agence, des ententes concrètes et à long terme, un financement public pour augmenter l'accessibilité dans ce qu'on appelle des cabinets affiliés ou, en termes clairs, des soins qui actuellement sont donnés en milieu hospitalier ? ça peut être de l'endoscopie, en gastroentérologie, en pneumologie, ça peut être même certains actes chirurgicaux, les amniographies, même les cataractes ? pourraient être faits dans un lieu privé, dans un cabinet, mais avec un financement public. Et, pour le patient, c'est exactement les mêmes coûts. Il n'a pas à débourser parce que le lieu est financé. Et nous croyons que ces lieux seraient moins onéreux à administrer que dans un milieu hospitalier.

On voit une transformation des soins de santé, donc il y a des services qui autrefois étaient obligatoirement faits en milieu hospitalier qui peuvent être faits dans d'autres lieux. Mais nous ne croyons pas que ce type d'entente devrait être soumis au filtre de ce que nous lisons dans le projet de loi. Ce sont des ententes qui ont une envergure certes mais qui sont d'envergure plus locale, et il n'est pas nécessaire d'intervenir avec une agence qui, d'après la lecture qui est faite du projet de loi, nous semble quand même une affaire d'envergure plus grande que nécessaire pour ce type d'entente. D'ailleurs, il y a des projets de partenariat public-privé aussi qui existent aussi dans le domaine de la santé. Je fais référence à PRIISME, qui est une formation qui aide à éduquer les patients asthmatiques à utiliser leurs médicaments. Donc, ça fait référence à un partenariat avec l'industrie pharmaceutique qui transfère de l'argent du côté des médecins et des patients soit pour la promotion ou l'éducation des patients.

Donc, c'est un type de partenariat qui existe déjà, mais ça n'a pas été soumis, on n'a pas attendu qu'il y ait une loi n° 61 pour le faire. Et il y a également aussi des ententes de gestion pour la prescription optimale des médicaments dans certains domaines comme les IPP ou les coxibs, qui sont des ententes financières où il y a un partenariat avec le privé et le public. Et, quand on a souligné aussi qu'il y a des ententes de grande envergure, que ce soit pour la construction des centres hospitaliers universitaires, je pense que c'est une avenue intéressante mais à condition vraiment que les ententes soient bien faites ? je pense que tout le monde va convenir de ce pléonasme ? mais évidemment qu'on ait la garantie que, selon l'évolution des soins dans le futur, on tienne compte de ces données pour le faire.

Si on fait rapidement la revue de certains articles, à partir de l'article 5, la question qui nous vient: Est-ce que cette loi est vraiment nécessaire dans toute l'ampleur qu'elle prend, et alors qu'un encadrement peut-être pourrait être suffisant, une initiative un peu plus légère, parce que, tel que nous pouvons le percevoir, du moins à la lecture du rapport actuel ou du projet de loi actuel, ça semble réduire l'initiative dans les centres hospitaliers et l'initiative des directeurs généraux d'hôpitaux afin de conclure des ententes? Parce qu'il semble qu'ils seraient obligés de passer par un filtre assez grand. Donc, c'est pourquoi la question qu'on ne répond pas nécessairement, mais on s'interroge s'il n'y avait pas lieu d'alléger un peu cette structure, un encadrement plutôt qu'une agence qui filtrerait tous les projets. Dans l'article 6, on réitère le fait que, non, pas de partenariat public-privé pour les services médicaux tel que nous l'avons dit; oui pour les services auxiliaires ? on parlait de buanderie. Possiblement, pour la construction d'hôpitaux, je pense que ça peut être intéressant. Je conviens très bien qu'il n'y a rien de gratuit. Ce qui est le plus important, c'est que les services soient donnés à la population.

n(10 h 50)n

Et, si ça peut accélérer la construction des hôpitaux toujours dans la notion que les services à la population vont être augmentés avec cet objectif, je pense qu'il faut le regarder sérieusement. Mais il y a une question que nous nous posons ensemble, les résidents, la Fédération des résidents et la Fédération des médecins spécialistes, est-ce que ? et là peut-être qu'on est paranoïaques; si c'est le cas, on se soignera ou on se fera soigner parce que notre code nous défend de nous soigner nous-mêmes ? mais est-ce que c'est une porte nécessairement ouverte pour les multinationales de la santé? Et ça, ça nous inquiète vraiment, que les multinationales débarquent sur le territoire du Québec, et au Canada aussi, en vue d'imposer des règles qui ne correspondent pas à nos traditions et à notre vision du système de santé.

Dans l'article 39... Évidemment, si on s'en va dans un domaine de construction ? et j'ose croire que c'est la même chose pour les routes ? vous ne serez pas étonnés que nos deux fédérations disent que, dans le domaine de la santé, la consultation avec les professionnels concernés est essentielle parce que, dans le domaine de la santé, je le répète, la crainte généralement exprimée à la fois par d'autres syndicats et dans laquelle nous ne pouvons qu'y penser nous aussi que, si la notion de profit, de rentabilité dépasse les autres objectifs qui sont l'accessibilité et la qualité des soins, bien on peut avoir une réduction des services, on peut avoir une augmentation des coûts au bout de la ligne pour le citoyen qui, lui, paie des taxes. Puis en plus, je veux dire, la compagnie fait un profit, il y a en quelque part un espace de coûts supplémentaires pour augmenter le profit.

Donc, au bout de la ligne, il faut éviter à tout prix que le citoyen qui est aussi le patient éventuellement en ait moins pour son argent. Et je vais laisser la parole à mon collègue Dr Paquette pour vous informer des craintes concernant la formation des résidents.

Le Président (M. Bertrand): Dr Paquette.

M. Paquette (Daniel): Merci, Dr Dugré. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, j'aimerais poursuivre la présentation du Dr Dugré en faisant valoir deux points qui préoccupent plus particulièrement les médecins résidents dans le projet de loi qui est à l'étude, soit la qualité de la formation et l'accessibilité des soins pour la population, mais j'aimerais tout d'abord réitérer le commentaire du président de la Fédération des médecins spécialistes à l'effet que, tout comme les médecins spécialistes, les médecins résidents ne sont pas contre la mise en place d'un partenariat public-privé et qu'ils favorisent la recherche de solutions qui visent à améliorer les services publics. Toutefois, ils craignent que la mise en place d'une agence chargée de privilégier, d'étudier et de mettre en place de tels partenariats ne soit néfaste pour la qualité de la formation qui est dispensée à la relève médicale et par conséquent pour la qualité des soins dispensés à la population.

En effet, les milieux de formation qui accueillent les médecins résidents et les étudiants en médecine également doivent offrir une flexibilité très grande. Les médecins résidents ont besoin de temps de même que d'une diversité de cas pour approfondir leurs connaissances et développer leurs habiletés techniques. Dans un contexte où le privé devient un partenaire avec le gouvernement, la notion de profit, qui est inhérente au secteur privé, pourrait avoir un impact négatif sur la qualité de la formation. Les objectifs de performance des établissements de santé qu'imposeraient des ententes avec le secteur privé seraient contraires aux exigences de la formation médicale. Les patrons et les médecins résidents étant plus sollicités pour voir un grand nombre de patients et améliorer la rentabilité de l'organisation, dans ce contexte-là, la Fédération des médecins résidents craint que les normes imposées par de telles ententes entraîneront une réduction potentielle de la capacité d'accueil des centres hospitaliers pour les médecins en formation postdoctorale. Il importe également de s'assurer que les ententes qui existent présentement et celles qui seront conclues avec des cliniques privées accueillant des médecins résidents permettront de maintenir la souplesse nécessaire au maintien d'une qualité de formation optimale.

L'encadrement des médecins en formation exige une plus grande disponibilité de la part des médecins en exercice. La formation postdoctorale requiert également que l'on accepte de faire des concessions en ce qui a trait au temps nécessaire pour dispenser les soins et à une augmentation possible du nombre d'examens diagnostiques, le tout pour permettre aux médecins résidents de perfectionner leurs connaissances et d'apprivoiser les techniques de pointe. Le gouvernement devra tenir compte de cet aspect dans la mission des centres hospitaliers universitaires, des centres affiliés universitaires et des instituts s'il souhaite créer des partenariats public-privé dans ces milieux de formation. Enfin, j'aimerais réitérer le fait que de tels partenariats ne doivent en aucun cas entraîner une réduction du panier de services ou faire en sorte que les coûts des transferts vers le privé ne soient à la charge des patients.

En terminant, la Fédération des médecins résidents du Québec invite le législateur à préciser le mandat de l'Agence des partenariats public-privé et à s'assurer que la prestation des soins médicaux à la population ne fasse pas partie des ententes des partenariats public-privé. La relève médicale est consciente de l'explosion des coûts et du besoin de réduire les coûts tout en améliorant l'accessibilité aux soins et aux services. Celle-ci doit toutefois bénéficier d'un environnement professionnel adéquat si nous voulons maintenir la qualité des soins et l'excellence de la médecine québécoise pour le plus grand bénéfice de toute la société, ce que pourrait entraver un partenariat public-privé où le profit primerait sur le service à la population. La ministre responsable du Conseil du trésor a souligné récemment qu'il n'était pas question que les soins à la population fassent partie d'ententes de partenariat public-privé. Le projet de loi qui sera adopté devra selon nous refléter cette intention. Mmes et MM. les commissaires, je vous remercie de votre attention. Je retourne la parole au Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Oui. Brièvement, M. le Président. En conclusion, tout simplement, en conclusion, les deux fédérations, les médecins résidents et les médecins spécialistes, sont d'accord avec une modernisation de l'État, et d'aller dans un domaine de partenariat privé toujours, et de susciter, du côté des cabinets affiliés, une solution alternative intéressante à l'explosion des coûts et augmenter l'accessibilité.

En santé, ça demande beaucoup de flexibilité, particulièrement si on pense d'aller dans la construction des centres hospitaliers universitaires à la fois pour préserver la formation, à la fois pour se garantir que, sur un projet de 20 ans ou 30 ans ou que sais-je ? parce que j'imagine que c'est un projet à long terme ? qu'on puisse prévoir les transformations de la médecine, que ce soient les équipements, les infrastructures nécessaires à donner des services toujours à date, si on veut, à notre population, que les initiatives locales qui pourraient être faites à partir des D.G. d'hôpitaux et des agences ne soient pas freinées par une telle agence mais plutôt encouragées, et donc à voir est-ce que c'est vraiment nécessaire qu'elles soient filtrées par ce type de structure, que les consultations soient faites de façon appropriée avec ceux qui y travailleront, y compris les patients, je pense, qui y seront soignés ? je pense que c'est important également ? qu'on protège justement ce patient qui est consommateur et citoyen et payeur, que la qualité de la formation soit garantie. Et, bien humblement, nous croyons qu'un encadrement pourrait probablement suffire dans le domaine de la santé ? je ne parle pas des constructions, là, d'hôpitaux ou de routes, là ? mais, bien humblement, que, dans le domaine de la santé, un encadrement serait suffisant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. Je vous remercie de votre présentation. J'ai seulement une petite explication: ce sont des députés et non des commissaires, juste pour votre information, Dr Paquette. C'est bien correct, il n'y a pas de... on est très, très à l'aise avec tout ça. On sait que c'est votre première expérience aussi puis on vous souhaite une bienvenue de façon particulière. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Dugré, bienvenue. Également, Dr Hudon, M. Gouin, Dr Paquette et Mme Sanogo, bienvenue. Je suis bien contente que vous soyez venus nous rencontrer et j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Je trouvais que c'était un très bon mémoire, et vous avez soulevé toutes sortes de points.

D'abord, tout de suite, je voudrais vous dire que l'intention, c'est d'augmenter les services aux citoyens. Ça, là, il faut qu'on se mette ça dans la tête: le but de toute cette démarche, c'est d'augmenter les services aux citoyens, d'offrir une plus grande qualité de services et de nous assurer justement qu'on va donner de meilleurs services aux citoyens. Je suis d'accord avec vous, Dr Dugré, parce que vous mentionnez qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de partenariats, je dirais, de privé-public actuellement, en ce sens qu'il y a beaucoup de sous-contractants à l'intérieur d'un établissement de santé. Et donc tout ça, ça existe. Vous avez mentionné également vos cabinets de médecins qui, à bien des égards, sont traités comme des entreprises privées. En dépit du fait que les conventions sont bien réglées quant à la rémunération, il n'en demeure pas moins que vous êtes propriétaires chez vous dans cet environnement-là. Par conséquent, pourquoi ce projet de loi là? Vous vous posez la question avec pertinence, parce que: Est-ce qu'on peut en faire, des partenariats public-privé, actuellement? Oui. Oui, c'est clair, on peut en faire.

n(11 heures)n

L'idée d'avoir une agence, c'est justement de venir en aide, développer une expertise pointue pour justement être capable de venir en aide notamment aux établissements. Vous avez donné l'exemple du CHUM, et il y a le CUSM, mais nous n'avons pas d'expérience ici, au Québec, au niveau des partenariats public-privé. Et, nous, on pense qu'on pourrait offrir une expertise à ces gens-là que d'ailleurs on a déjà rencontrés et qui souhaiteraient avoir l'implication de l'agence, pas pour leur dire exactement ce dont ils ont besoin, mais être sûrs qu'on les aide dans la formulation du contrat, pour permettre justement à ce contrat de s'adapter aux changements de la médecine, notamment. Et ça, ce n'est pas l'agence qui va pouvoir le déterminer. Il va falloir que l'agence travaille avec les gens qui connaissent ça, qui sont capables de prévoir. Mais justement, dans des contrats, vous savez, c'est là qu'il y a de l'habileté pour ouvrir la porte à des modifications, que ce soit en mode traditionnel d'ailleurs ou en mode PPP. Et je voudrais simplement vous rappeler que, qu'on le construise en mode traditionnel ou en mode partenariat public-privé, bien au niveau des résidents, qu'on s'assure d'avoir l'accessibilité pour former nos résidents, ça se pose, et ce n'est pas parce qu'il se fera en partenariat public-privé. C'est au ministère de la Santé de déterminer combien est-ce qu'il y aura de lits dans un hôpital, et ça, ça a été déterminé; les deux hôpitaux universitaires, par exemple, on a déterminé le nombre de lits à construire. Qu'on le fasse en mode conventionnel, traditionnel ou en PPP, ça, ça ne change rien. Ça, ça n'a rien à voir avec l'approche contractuelle d'un PPP.

Le PPP, c'est simplement au niveau de la construction d'un hôpital, faire appel notamment à du capital privé. En particulier, vous parliez des multinationales qui viendraient s'imposer à nous. Je vous dirai qu'il est possible qu'il y ait des gens pour la construction. Qu'on le fasse en privé, traditionnel ou en PPP, c'est clair, là. Vous savez, construire des hôpitaux universitaires, c'est d'une grande complexité. Alors, moi, je ne pense pas que ces gens-là, là, vont s'impliquer au niveau de la gestion des services, il n'en est pas question ? le ministre de la Santé et moi-même. Tous les services cliniques, tous les services médicaux doivent demeurer de la responsabilité du ministère de la Santé. Ça, c'est fondamental. Ça, ça a été répété plusieurs fois: il n'en est pas question, ça, ça relève exclusivement du ministre de la Santé, et bien sûr que ce n'est pas parce qu'on fait des partenariats public-privé qu'on va essayer de développer, par la porte d'en arrière, ce qu'on ne peut pas faire par la porte d'en avant. Ça, je pense que c'est bien important, vous avez parfaitement raison.

Mais l'avantage, M. Dugré, d'un partenariat public-privé ? c'est ce qui m'a frappé beaucoup en Angleterre ? c'était ce lien qu'il y avait justement avec les médecins, avec les gens à l'intérieur de l'établissement, pour être sûrs que le projet que l'on fait, ce n'est pas simplement beau sur papier mais que ça réponde aux besoins des gens qui vont travailler dans cet environnement-là. Ça, c'est fondamental. Et il faut que ces gens-là se parlent et il faut qu'ils s'entendent, et c'est pour ça qu'il y a le mot partenariat. C'est qu'il y a un lien qui se développe. Puis ce pourquoi il se développe un lien très harmonieux, contrairement à ce qu'on a souvent, qui est très conflictuel, où on se retrouve devant les tribunaux parce qu'on n'a pas obtenu telle chose, comme vous avez un contrat à long terme de 25 ans avec quelqu'un, il y a des chances que gens-là veuillent s'entendre avec vous parce que justement il y a un lien contractuel à long terme.

Alors, ça, c'était très frappant, ce lien contractuel, ce partenariat. Ça, je vous dirais que c'est probablement la chose la plus remarquable, parce que très souvent ce que je vois, moi, au Conseil du trésor, ce sont des conflits au niveau des contrats, où il n'y a pas eu complètement entente ou compréhension du contrat, et là on se retrouve devant les tribunaux. Je voulais simplement vous mentionner qu'au niveau ? vous avez mentionné, Dr Dugré ? les CHSLD, mais il y a le privé conventionné également qui existe. Contrairement à ça, un partenariat public-privé, rappelez-vous que ça revient au public. L'édifice, là, ça n'appartient pas au privé, ça revient au gouvernement, ça revient aux citoyens, ça revient à l'État. Ça, c'est fondamental. Moi, je vous dirais, et je l'ai dit à quelques reprises, M. le Président, à bien des égards, c'est une prime d'assurance contre la privatisation. Au fait, en Angleterre, on est allé vers les privatisations dans un premier temps, et M. Blair au contraire est allé vers les partenariats public-privé, justement pour reprendre tout ce patrimoine d'infrastructures et que ça revienne à l'État.

Alors, c'est une approche finalement qui fait tout à fait appel au niveau du privé mais qui garde l'intérêt du secteur public, l'intérêt du citoyen, l'intérêt de l'État à l'intérieur des services de santé.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre, parce qu'au niveau des résidents je suis très, très sensible à vos craintes parce que les craintes que vous formulez, Dr Paquette, seraient là dans un mode traditionnel, puisqu'on parle de construction, là. Les craintes que vous formulez, d'avoir suffisamment de place, par exemple, pour vos résidents pour être sûrs qu'on va donner un service de qualité aux citoyens puis qu'on va avoir accès à des spécialistes, n'est-ce pas, qu'on construise nos hôpitaux en formule traditionnelle ou en PPP, vous avez le même problème.

Le Président (M. Bertrand): Dr Paquette.

M. Paquette (Daniel): Oui, merci, M. le Président. Effectivement, le problème se poserait dans les mêmes termes. Ceci dit, si effectivement le projet proscrit que les soins dispensés aux patients dans les établissements de santé puissent être l'objet de partenariats public-privé, la question ne se pose pas. Je sais que vous avez déjà mentionné que les soins ne devraient pas faire partie des partenariats public-privé. Si tel est le cas, nos craintes sont beaucoup allégées à ce moment-là.

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que vous souhaitez, est-ce que vous exprimez par là que tous les services privés conventionnés, qu'on mette fin à ces services-là, parce que vous savez qu'il y a maintenant pour les personnes âgées, les CHSLD, il y a des endroits assez privés, puis ça ne coûte rien aux citoyens, là?

Tout simplement, ça ne coûte rien, sauf que c'est complètement privé. Moi, évidemment je souhaite avoir des PPP pour ne pas avoir recours à cette formule-là, justement pour que ça revienne à l'État et que l'État soit propriétaire à bien des égards. Mais est-ce que vous nous recommandez, vous recommandez qu'on mette fin à ça?

Le Président (M. Bertrand): Dr Paquette.

M. Paquette (Daniel): Non... recommandation que je fais à ce moment-ci. Je crois qu'il y a des cas où des résidents sont en formation dans des cliniques privées également, et ces formules-là sont très souples et donc favorisent une formation très adéquate des résidents. Je ne peux malheureusement pas vous répondre, par exemple, pour les CHSLD privés conventionnés, je n'ai pas vraiment l'information à ce sujet-là.

Mme Jérôme-Forget: Peut-être docteur... Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Bertrand): Oui.

Mme Jérôme-Forget: Dr Dugré peut-être, les cabinets affiliés, là, dont on parle justement ? et le ministre de la Santé y a fait référence à plusieurs reprises ? vous êtes au courant de cette démarche-là du ministère. Vous croyez qu'il est opportun d'aller en partenariat public-privé pour ça, pour la construction généralement, bien que les services seraient complètement financés par l'État?

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Pour donner un exemple, du côté de l'imagerie médicale, par exemple ? prenons un exemple concret ? où on sait que, quoique ce ne sont pas des listes d'attente qui sont formellement identifiées selon les critères comme les hanches, les genoux en tant que tels, mais tout le monde sait, de par son oncle, ou son père, ou sa mère qu'il y a des listes d'attente pour avoir une radiographie, une imagerie médicale, la résonance magnétique. Donc, ces listes d'attente là pourraient certainement être réduites si on faisait une entente avec certains cabinets de radiologie, entre autres, ou des polycliniques ou les CMA éventuellement, sur l'île de Montréal, parce que c'est surtout à Montréal, je pense, qu'on a ce type de listes d'attente là importantes. Mais ça existe ailleurs, parce qu'on est en retard un peu sur l'équipement.

Mais je pense qu'il y aurait moyen de faire des ententes avec les populations, un achat de services tout simplement sur une base contractuelle à long terme. Mais ça prend une entente quand même à long terme aussi parce que c'est difficile de penser qu'un médecin ou un groupe de médecins pourrait investir et s'il n'aurait pas l'assurance d'une entente sur un certain temps pour amortir ses dépenses en tant que telles. Donc, je pense que c'est certainement quelque chose qui augmenterait l'accessibilité. Mais le problème, c'est le nerf de l'argent. Évidemment, c'est sûr qu'il y a un coût à ça de départ. Si on dit: Le leitmotiv, c'est, oui, on veut donner plus d'accessibilité aux soins, bien il y a un investissement à faire de ce côté-là, donc soit un transfert. On sait que les hôpitaux, il y a un problème pratico-pratique, mais les hôpitaux souvent, ils ont un budget serré. Certains mêmes sont en déficit. Comment penser que l'agence ou l'hôpital va prendre une partie de son budget pour le transférer pour avoir plus de soins à des gens? C'est la situation pratique.

Donc, on dit: Sur le plan conceptuel, tout le monde est d'accord. Mais on... pas. Ça ne fonctionne pas pour le moment à cause de cet impact-là qu'il y a actuellement. Donc, c'est une forme de partenariat quand même qui, au bout de la ligne, donnerait plus de soins et, selon la formule qui est mentionnée dans le projet de loi n° 61, plus de soins à la population à un coût égal et souvent moindre pour les soins. Mais il s'agit de prendre une décision d'aller dans cette direction.

n(11 h 10)n

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui, merci, M. le Président. Donc, d'abord souhaiter la bienvenue au Dr Dugré, au Dr Paquette, madame, monsieur. C'est une excellente initiative de venir en commission les deux groupes ensemble. Il me semble qu'on a là à la fois le point de vue de ceux qui sont les praticiens, qui sont dans le réseau depuis longtemps. Le Dr Dugré est un familier de nos commissions parlementaires et son équipe, mais je suis très heureux que le Dr Paquette vienne nous faire part, et madame, vous nous fassiez part des préoccupations aussi importantes de ceux qui sont en formation. Ce sont des milliers de postdoctorants qui sont en formation et qui ont besoin d'un encadrement, d'un environnement favorables à leur formation. Donc, je suis très, très heureux de cette initiative commune.

Je résume ma lecture de votre mémoire. Vous n'êtes pas en principe opposés aux partenariats public-privé, mais vous y mettez beaucoup de bémols et vous faites des mises en garde dans votre secteurs, qui sont extrêmement sérieuses. Et vous vous préoccupez beaucoup du projet de loi lui-même. On n'a pas eu le temps d'en parler jusqu'à maintenant, mais le projet de loi lui-même, vous dites que vous préféreriez simplement l'encadrement législatif aux partenariats comme tels et que l'agence soit oubliée. Beaucoup de groupes qui sont venus ici, notamment dans les réseaux, que ce soit au niveau municipal, réseau de la santé, nous demandent la même chose, de ne pas créer cette structure impérative qui fait à la fois la promotion, le conseil et presque la réalisation des partenariats. Je pourrais partir mon intervention de votre petite remarque de départ sur le fait que vous êtes aussi dans les partenariats public-privé, puisque vous avez des cabinets privés. Et on en parle beaucoup, de vos cabinets privés, ici, en Chambre, ces jours-ci, et de certains de vos partenariats qui ne sont pas toujours appréciés au même niveau. Ça concerne évidemment davantage les omnipraticiens mais également aussi un certain nombre de spécialistes, vous le savez bien.

Je voudrais vous entendre à ce moment-ci sur ? je pense au Dr Paquette, ici ? les effets possibles. Vous avez parlé d'effets pervers, dans votre mémoire, de ces partenariats sur la formation. L'environnement que j'ai essayé de décrire tout à l'heure, par exemple, en parlant d'un exemple qui est très d'actualité, celui des hôpitaux universitaires à Montréal, un hôpital ? mais un autre hôpital ferait la même chose ? un hôpital construit par le privé avec une gestion privée, en partenariat, avec des services privés nombreux à l'interne ? cafétéria, buanderie; possiblement, on nous a parlé, tout à l'heure, d'analyses médicales, on peut imaginer toutes sortes d'autres services à l'intérieur ? est-ce que ça peut avoir un effet contraignant sur le cadre de formation des jeunes spécialistes?

Le Président (M. Bertrand): M. Paquette.

M. Paquette (Daniel): Bon. Effectivement, ce sont nos craintes à l'heure actuelle. C'est difficile de tracer une ligne claire, mais évidemment, si ça ne touche pas la dispensation de soins comme tels, à ce moment-là, il n'y aura pas nécessairement une pression sur, bon, nos patrons spécialistes et omnipraticiens pour augmenter la rentabilité et donc favoriser un roulement plus grand. Les médecins résidents, dans leur formation, requièrent un investissement de temps de la part du milieu hospitalier universitaire. Puis c'est un peu, comme je disais, c'est notre crainte, là, que ce temps-là soit contraint dans le cas où les partenariats public-privé entraîneraient, comment dire, auraient un impact sur les soins dispensés comme tels.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Dre Sanogo peut répondre aussi. Ça veut dire, ça, c'est la disponibilité des locaux, des salles d'opération, des salles d'examen. C'est plus de temps parce que ça nécessite plus de temps. Vous avez besoin donc de ne pas obéir aux mêmes critères d'efficience absolue qui sont souvent ceux dans lesquels les praticiens doivent fonctionner. Alors, vous voyez un danger, dans cette gestion privée, qu'il y ait une exigence d'efficacité et d'utilisation notamment des locaux et des équipements qui soit contraire à vos intérêts comme résidents. C'est bien ça?

Le Président (M. Bertrand): Dr Paquette ou Dre Sanogo.

Mme Sanogo (Karine): Je pense que ce qui est le plus important en fait dans la formation d'un médecin résident, c'est le temps disponible auprès du patron pour recevoir de l'enseignement, pour en fait discuter des diagnostics et puis de l'investigation à faire pour un patient. Les locaux aussi sont importants, nos moyens d'investigation, donc les scans, les résonances magnétiques, tout ça, mais vraiment ce qui est primordial, c'est de pouvoir avoir le contact avec un patron d'expérience.

Il faut aussi dire que, dans une équipe de soins où un médecin résident va être impliqué, ça se peut qu'au bout du compte il y ait plus d'investigations ou d'examens qui sont demandés pour traiter un patient. Je pense que c'est important de comprendre qu'à un moment donné, dans le cheminement puis dans l'apprentissage, il y a des erreurs qui vont devoir se faire pour que l'apprentissage se fasse. Donc, à ce point de vue là, il est clair que, dans un partenariat public-privé où la gestion des soins est impliquée, tout ce qui est la notion de rentabilité va venir brimer le temps dont on a besoin puis les investigations dont on a besoin pour faire notre apprentissage. Donc, ça, c'est ce qui est vraiment primordial pour la formation des médecins résidents, puis on tient à ce que ça, ce soit vraiment préservé puis que ce soit protégé. Puis je pense que c'est important pour l'avenir de la médecine au Québec, là. C'est les jeunes médecins qu'on est en train de former, donc c'est primordial, là, que ça, ça soit protégé. Et on a l'impression que, dans les partenariats public-privé qui impliquent la gestion des soins, ça ne pourra pas être fait de façon efficace.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci beaucoup. C'est extrêmement clair. Je reviens au Dr Dugré. Vous avez parlé, tout à l'heure, d'une crainte que je partage, et que plusieurs partagent, concernant l'introduction, par l'entremise de ce nouveau mode de gestion des services et de financement et d'exécution des travaux, l'arrivée des multinationales de la santé. On le sait, dans d'autres pays qui ont opté pour des privatisation partielles, il est apparu, ce phénomène de grandes sociétés possédant des moyens considérables et qui deviennent des intervenants majeurs. Ils sont déjà ici. Ils opèrent dans certains secteurs. Je dois même dire que, certains jours, je vois certains de leurs dirigeants fréquenter notre commission. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, cela existe.

Voulez-vous nous préciser ce que font, dans d'autres pays, ces multinationales de la santé et la nature de vos craintes les concernant?

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Merci. Évidemment, l'objectif, pour nous, ce n'est pas de revoir tout ce qui s'est fait ailleurs. Et on a parcouru les études qui ont été faites puis on peut les juger avec plus ou moins de pertinence. Comme on fait une revue de la littérature, on est habitués de lire des articles de médecins ou de recherche qui sont faits ailleurs, mais il faut les prendre pour ce qu'ils valent.

Mais notre crainte par rapport aux multinationales, c'est sûr que ce n'est pas le même objectif que nous partageons au départ. L'objectif au départ, les médecins, c'est pour l'accessibilité, pour traiter les malades. Et le ministère de la Santé dit la même chose: lui est là comme garant de la population pour donner l'accessibilité aux soins. Mais une multinationale, ce n'est pas son objectif principal, et donc c'est la confrontation de deux objectifs différents qui inévitablement, même si on dit que les partenariats privé-public devraient réduire les litiges, donc réduire, je pense, les procès d'avocat ? ça, ça serait un voeu intéressant, là, mais je ne suis pas sûr que ça va se réaliser ? mais donc il y a une confrontation de deux objectifs. C'est sûr que c'est le profit, les multinationales sont là pour le profit. Inévitablement, même par la porte d'une construction, l'on va voir au point de vue rentabilité, que ce soit sur 30 ans ou 20 ans, mais peut-être que ça va être un peu plus petit, peut-être que le roulement va être un peu plus grand, peut-être qu'on va s'introduire du côté des laboratoires et puis que, je veux dire, ça peut être intéressant peut-être qu'il se fasse plus d'analyses.

En tout cas, donc il y a des éléments de rentabilité qui inévitablement devront être balisés et vraiment faits si ces gens-là arrivent, et c'est la crainte. Puis évidemment, si la multinationale est là, elle sera là peut-être éventuellement dans les cabinets de médecins, éventuellement, peut-être, et c'est des choses qui arriveront. Donc, je pense qu'il y a une dérive possible, et c'est l'inquiétude qu'on veut manifester. Et c'est l'arme qu'on a voulu prendre dans ce mémoire, de manifester cette inquiétude-là. Et je partage parfaitement, je trouve très intéressant que les résidents aussi se soient joints à nous dans ce domaine-là parce que je pense que c'est sûrement la seule intervention qui a été faite sous cet angle-là de la formation.

n(11 h 20)n

L'universitariat, c'est un autre domaine dont il faut tenir compte dans un hôpital universitaire parce qu'on parle principalement de construction de deux gros hôpitaux, actuellement. Et donc c'est un appel pressant des médecins, ici, des deux fédérations ? des médecins spécialistes et des résidents ? de dire: Oui, peut-être, mais il faut absolument s'assurer que c'est des hôpitaux universitaires, ce n'est pas des boîtes à profits qu'on veut qui soient là-dedans, à moins que ce soit fait avec l'esprit médical et universitaire.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre, il vous reste huit minutes.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, j'apprécie justement votre plaidoyer que vous venez de terminer, Dr Dugré. Maintenant, vous savez, qu'on le fasse en méthode conventionnelle, le ministère a été très clair, il a dit: Pour les hôpitaux universitaires, 800 millions. Il a donné son chiffre. Et les hôpitaux universitaires ont dit qu'ils allaient aller chercher de l'argent additionnel dans les fondations ou dans des collectes, M. le Président.

Alors, à cet égard-là, vous avez raison de vous inquiéter pour en avoir le maximum pour l'argent, mais le financement, qu'il vienne de la façon traditionnelle ou qu'il vienne en partenariat public-privé, manifestement les gens s'interrogent toujours sur les coûts. Vous le savez, les hôpitaux sont constamment en train d'examiner justement les coûts de leur établissement, comment diminuer les dépenses pour rencontrer leurs objectifs budgétaires. Et par conséquent la démarche, elle est toujours la même. C'est toujours la même chose. Mais par ailleurs ce qu'on m'a dit, moi, ce que j'ai vu, ce que j'ai lu, c'est que, justement pour en avoir le plus pour son argent en termes de qualité de service, en termes de qu'on fait quelque chose à l'intérieur des coûts... Parce qu'une fois qu'on a déterminé qu'on le faisait à l'intérieur d'un certain coût, on doit s'en tenir à ça. Enfin, on le souhaite, mais, dans ce cas-ci, justement on prend les moyens dans le contrat, pour s'entendre à 800 millions de dollars pour le gouvernement. Bon. Si ça coûte plus cher, on va le savoir à l'avance, et c'est là que les arbitrages vont se faire. Et il y a un partage de risques également.

Dans le moment, dès qu'on construit quelque chose, seul le gouvernement est là pour assumer le risque. Bien, il va falloir que quelqu'un, à un moment donné, arrête de laisser aux citoyens la surprise des risques parce que, quotidiennement ou presque, à certainement toutes les semaines, il y a toujours des dépassements de coûts dans à peu près tous les projets qui sont entrepris au gouvernement. Il va falloir qu'un jour ou l'autre on sache où est-ce qu'on s'en va parce qu'on prend des décisions puis dans le fond on prend des décisions, puis on ne prend pas les bonnes décisions probablement parce que tout simplement on n'a même pas la bonne évaluation.

Alors, peut-être que je voudrais vous entendre à cet égard, Dr Dugré, parce que, qu'on le fasse en méthode conventionnelle, je vais vous le dire, ou en PPP, c'est clair qu'il va y avoir des contraintes budgétaires.

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Non, j'en conviens certainement. Je reviens sur ce que vous avez déclaré à l'autre intervention où j'ai écouté: il n'y a rien de gratuit. Mais le message principal, c'est que, dans ce partenariat-là, la consultation des gens qui vont y travailler, y compris des patients, et des médecins, et des résidents, soit tenue en compte pour que l'enseignement soit tenu en compte.

Je comprends très bien que la société actuellement, dans la construction de deux mégahôpitaux qui ont été appelés «méga» ? malheureusement, ça a peut-être nui au projet, de les appeler «méga» ? mais, dans deux hôpitaux nécessaires pour donner des services à la population, des soins médicaux et universitaires à la population du XXIe siècle, qu'il y a un budget limite dans ce cadre-là. Et c'est pourquoi notre mémoire est teinté du fait de dire que, oui, aux partenariats privé-public, mais avec les assurances que nous voulons y voir et que ça se retrouve dans la gestion. C'est un autre mode de gestion, pourquoi notre mémoire dit oui, mais on veut s'assurer que les craintes que nous exprimons par rapport aux services médicaux ou les services universitaires qui sont donnés soient adéquats, quel que soit le budget. C'est l'intervention qu'on fait dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Oui. Maintenant, j'aimerais soulever un volet, dont parlait monsieur le docteur plus tôt, au sujet d'avoir une loi qui encadrerait finalement les partenariats public-privé plutôt qu'une agence, alors que l'agence est beaucoup moins menaçante parce que l'agence n'a qu'un rôle conseil, d'accord, puisque les responsabilités vont dans le fond tomber sur les ministres responsables et également sur les établissements. Prenons les deux hôpitaux universitaires. Manifestement, et le Dr Roy et le Dr Porter vont devoir être plus que très impliqués dans ce projet, ils vont être dans le fond des piliers de toute cette démarche. Et je vous dirais que ces gens-là souhaitent vivement qu'on leur apporte de l'appui, puisque le rôle de l'agence, c'est un rôle conseil, avise, suggère mais n'est pas décisionnel pour laisser aux gens ? j'appelle ça les gens, moi ? qui connaissent ça, les gens qui sont dans les entreprises, que ce soit pour les routes, ce sont les gens du transport qui connaissent ça, pour que ce soit dans les hôpitaux, que ce soient les gens des hôpitaux qui connaissent ça et que, nous, on vienne en appui à l'agence pour aider au niveau de l'approche contractuelle. Mais c'est clair que c'est un rôle de conseil.

Si vous lisez l'article 5, en aucun temps il n'y a un pouvoir décisionnel, mais on aide au niveau des contrats, pour permettre aux gens de développer justement, pour partager les risques. Et, dans un PPP, ce qui est important, c'est de laisser à l'entrepreneur la partie des risques qu'il est capable de gérer et que le gouvernement assume les risques qu'il est capable de gérer.

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Le point, c'est qu'à la lecture du projet de loi, tel qu'il est présenté actuellement, pour nous, on y lit que tout organisme doit recourir à l'agence, et c'est cet élément-là qui nous fait dire que c'est une structure plus lourde que nécessaire. Si ce n'est pas le cas, ça n'apparaît pas à notre lecture. Permettez-nous de le dire. Et, dans ce cas-là, c'est pourquoi on parle beaucoup plus d'un encadrement, qu'il soit législatif ou non. Vous avez raison, des partenariats privé-public, il en existe déjà puis il y en a déjà que ça a bien fonctionné, il y en a d'autres moins bien, mais qu'on ait un encadrement. Doit-il être législatif? Peut-être. Je ne suis pas l'expert dans ça, mais, pour nous, à la lecture, ça nous apparaît comme tout le monde doit passer par ça. Donc, c'est comme un filtre. C'est pour ça que j'ai appelé ça un filtre. Et ça ne nous apparaît pas nécessaire. C'est la nuance que nous faisons.

Le Président (M. Bertrand): En une minute, Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que vous croyez par ailleurs qu'au niveau des grands projets, je pensais, là, au niveau de la planification des deux gros hôpitaux par ailleurs, vous voyez des vertus à ce que ces gens-là consultent l'agence qui va développer une expertise à cet égard.

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Oui.

Mme Jérôme-Forget: Je parle des infrastructures, là.

M. Dugré (Yves): Oui, c'est ce que nous mentionnons. Ma réponse est courte dans ce domaine-là, c'est pourquoi, je pense, dans des projets que j'appellerais à plus grande envergure, je pense que c'est intéressant, et nous pensons que c'est intéressant.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. J'ai lu avec intérêt votre mémoire et aussi tantôt j'ai écouté vos propos, Dr Dugré. Vous avez parlé que certains hôpitaux avaient de l'équipement qui était désuet. Ma question est bien simple: Est-ce que vous ne croyez pas que l'introduction des PPP dans la construction, dans les infrastructures d'un hôpital, est-ce que ce ne pourrait pas être une garantie si on a un contrat global qui préciserait que, oui, on construit l'hôpital, puis il va être équipé à la fine pointe de la technologie pour les 30 prochaines années? Parce que vous savez qu'au gouvernement souvent c'est du court terme.

On a déjà vu dans les journaux qu'il y a des scanners qui ont été achetés dans des hôpitaux, qui ne sont pas installés. Puis, quand on va les installer, il va être trop tard, ils ne seront plus à la fine pointe. Vous ne croyez pas que ce serait peut-être un moyen qu'on devrait explorer pour s'assurer d'offrir des meilleurs services aux citoyens, parce qu'on a tous le même but, c'est de trouver des meilleurs outils pour le faire?

Le Président (M. Bertrand): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Bien, dans le domaine des hôpitaux à construire ? je parle des grands hôpitaux ? est-ce qu'on doit recourir à cette formule dans les hôpitaux qui existent déjà? Je me pose la question, là. Je pense que ça ne créera pas nécessairement une richesse collective pour tout le monde. Mais, dans des nouveaux projets, je pense, pour le projet du Centre hospitalier de l'Université de Montréal et du Centre de santé de McGill, je pense que ce peut être une garantie s'il est inscrit dans le contrat. C'est de là qu'on parle qu'au moment où, dans le domaine de la santé, quand on fait un projet de cet ordre-là, il faut tenir compte de l'évolution des technologies. On a beau dire: Un scan, c'était très bon il y a 10 ans, mais là c'est la résonance magnétique; demain, ce sera un autre. Donc, il faut que ce soit prévisible et qu'on n'ait pas ce retard technologique auquel, je pense, les patients ont été confrontés.

Puis disons qu'on le voit, on l'a vu en radio-oncologie, on l'a vu, il y a eu un retard technologique, bien des circonstances. Mais je pense que ce devrait être prévu dans l'entente, ça, c'est clair. C'est ce à quoi nous faisons référence. Si on fait des partenariats privés en santé, bien il y a des considérants qui regardent la santé.

Si c'est le ministère des Transports, il y a bien des considérants sur la qualité de l'asphalte ou, que sais-je, du goudron, mais, je veux dire, pour nous, c'est ce qu'il faut pour traiter des malades, que ce soit prévu dans le contrat.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Bertrand): M. le député, ça va? M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui, simplement un commentaire pour terminer, M. le Président, pour indiquer au Dr Dugré qu'il a fait une excellente lecture du projet de loi. Et, comme il le disait lui-même, on est assez habitué de faire le tour de la littérature scientifique pour savoir lire, là. Le projet de loi n° 61, tel qu'il est rédigé, c'est celui que vous avez bien lu et bien commenté, ce n'est pas une dizaine, une quinzaine d'experts-conseils qui vont simplement accumuler une certaine connaissance et la diffuser à ceux qui leur demanderont. Vous avez bien lu, notamment à l'article 5, que l'agence, elle conseille le gouvernement sur toutes les questions, met à la portée des personnes intéressées, informe les organismes privés, élabore, met en oeuvre des stratégies de promotion, suscite, accueille, évalue, propose des projets de partenariat, fournit aux organismes publics tout service, négociation, conclusion, gestion des contrats.

On pourrait faire le tour de tout le projet de loi n° 61. En bon français, c'est une grosse machine, là. Ce n'est pas quelque chose de léger, c'est important. C'est une machine pour faire la promotion et implanter des projets de partenariat public-privé. Elle sera évaluée d'ailleurs à sa capacité à en faire le plus possible. Elle est là pour ça. Elle est créée pour faire la promotion et la réalisation et dans tous les secteurs; rien ne lui échappe: les municipalités, les écoles, les universités, les services publics et la santé. Et vous, vous nous dites aujourd'hui ? c'est le message que je prends: Faites très, très attention en santé. Vous n'êtes pas contre toute approche qui puisse réunir les efforts du public et du privé, mais c'est un secteur extrêmement délicat. Et le service public, l'accessibilité aux services publics en santé est une priorité. Moi, c'est le message que vous me livrez aujourd'hui et qui m'enseigne à être extrêmement prudent à l'égard du projet gouvernemental.

Le Président (M. Bertrand): Dernier commentaire, Dr Dugré, ou quelqu'un d'autre?

M. Dugré (Yves): Non. Je pense que, là... dit, et nous vous remercions.

Le Président (M. Bertrand): Alors, je vous remercie. Pour une question de procédure, je constate que j'avais le consentement pour dépasser 11 h 30. Merci, Dre Sanogo, MM. Paquette, Dugré et Hudon. J'ajourne les travaux à jeudi 11 novembre, 9 h 30.

(Fin de la séance à 11 h 33)


Document(s) associé(s) à la séance