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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 7 décembre 2004 - Vol. 38 N° 70

Étude détaillée du projet de loi n° 78 - Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Douze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Avant de commencer, j'invite toutes les personnes présentes à bien s'assurer que la sonnerie de leurs téléphones cellulaires soit bien éteinte.

La commission est réunie afin d'entendre la Vérificateur général du Québec et d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cholette (Hull) est remplacé par Mme l'Écuyer (Pontiac) et Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par M. Pinard (Saint-Maurice).

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Constatant que le Vérificateur général du Québec n'est pas présentement à l'hôtel du Parlement, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

 

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Avant de commencer, je rappelle à tout le monde de bien vérifier que la sonnerie de leurs téléphones cellulaires est bien éteinte. Je vous remercie.

Alors, la commission est réunie afin de procéder d'abord à entendre le Vérificateur général et par la suite d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Tel qu'entendu au moment de la rencontre de ce matin, nous avons donc suspendu les travaux jusqu'à cet après-midi. À la demande du Vérificateur général, nous entreprenons cette étude à 16 heures ou après 16 heures plutôt que 15 heures.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue, au nom de la Commission des finances publiques, à M. le Vérificateur général ainsi que Mme Paradis et M. Bédard. Et donc, tel que convenu, vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire votre présentation, ce qui sera suivi d'une période d'échange de 20 minutes avec le côté ministériel et 20 minutes avec les membres de l'opposition. Alors, sans plus tarder, M. le Vérificateur général, bienvenue.

Exposé du Vérificateur général
du Québec, M. Renaud Lachance

M. Lachance (Renaud): Merci, M. le Président. Je vous ai fait parvenir une lettre. Est-ce que les membres de la commission ont eu copie de la lettre?

Document déposé

Le Président (M. Paquet): Effectivement, donc, j'ai reçu une lettre dans l'intérim. Alors, je suis prêt à déposer la lettre. Elle est déjà distribuée? D'accord. Donc, je la reçois comme étant officiellement déposée. J'accepte le dépôt de votre lettre, M. le VG.

M. Lachance (Renaud): Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie d'avoir accueilli favorablement ma demande d'être entendu par cette commission sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il n'est pas dans les habitudes du Vérificateur général de commenter publiquement les projets de loi. Cependant, je crois de mon devoir de vous informer de mes préoccupations lorsqu'un projet de loi affecte le mandat que m'a confié l'Assemblée nationale. C'est le cas du projet de loi n° 78, dont, entre autres, l'article 30 modifie l'article 48 de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, lequel traite de mon rôle auprès de cette entreprise du gouvernement.

n (16 h 10) n

Lors du dépôt de ce projet de loi, certains ont cru que ce dernier accroît le rôle du Vérificateur général à la caisse. Or, il importe de corriger cette fausse impression, car ce n'est pas un effet du projet de loi actuel. En matière de vérification, l'élément nouveau dans ce projet de loi, dont j'ai pris connaissance le jour de son dépôt, concerne le rôle du vérificateur interne de la caisse d'effectuer des vérifications de l'optimisation des ressources et d'en rendre compte au comité de vérification.

Quant à l'article 30 du projet, qui traite de mon mandat de vérification, il ne fait que reprendre, en la modifiant, une disposition de la Loi sur le vérificateur général, disposition déjà applicable à la caisse. En conséquence, non seulement cet article n'ajoute rien à mon mandat, mais certains pourraient en tirer une interprétation restrictive de ses impacts sur mon mandat actuel. En effet, la disposition en cause reprend largement le texte de l'article 27 de la Loi sur le vérificateur général qui énonce que la vérification «d'une entreprise du gouvernement comporte, dans la mesure jugée appropriée par le Vérificateur, la vérification financière, la vérification de la conformité de ses opérations aux lois, règlements, politiques et directives et celle des systèmes et des procédés mis en oeuvre pour contrôler et protéger ses biens». L'article 30 du projet de loi n° 78 en retire cependant l'expression «dans la mesure jugée appropriée par le Vérificateur». Le texte du projet de loi limite aussi la vérification de conformité à la seule Loi sur la Caisse, à ses règlements, à ses politiques et à ses directives, alors que la Loi sur le vérificateur général prévoit une vérification de la conformité à toute loi, règlement, politique et directive applicable, c'est pourquoi je vous recommande de le retirer tout simplement.

Il est nécessaire pour moi de vous présenter sommairement ce qu'est une vérification de l'optimisation des ressources afin de démystifier ce concept et pour expliquer ce qu'il signifie et ce qu'il ne signifie pas, particulièrement le contexte de la caisse. Une vérification de l'optimisation des ressources vise en fait à obtenir l'assurance que l'entreprise a adopté de saines pratiques de gestion démontrant son souci de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité dans la conduite de ses activités, et ce, sur la base de critères d'évaluation discutés préalablement avec l'entité vérifiée. Ce type de vérification évalue aussi si l'entreprise a mis en place les moyens pour rendre compte adéquatement de ses résultats. De plus en plus, on tend à désigner ce type de vérification sous l'appellation plus simple de «vérification de gestion». C'est le terme utilisé par la Vérificatrice générale du Canada.

À titre d'illustration, une vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement peut représenter les actions suivantes:

1° évaluer la qualité des processus de gestion, notamment ceux de planification, de prise de décision, de contrôle et de reddition de comptes;

2° examiner si l'information nécessaire à la prise de décision était disponible en temps opportun;

3° apprécier la qualité de l'information présentée dans le rapport annuel; et

4° formuler des recommandations qui visent les causes des lacunes constatées et, j'insiste, le choix des moyens appartenant aux gestionnaires.

Il est important de préciser aussi ce qu'une vérification de l'optimisation des ressources ne signifie pas dans le contexte de la caisse. Ainsi, une telle vérification ne remet pas en cause la mission de la caisse, ne consiste pas à gérer l'entreprise à la place de la direction, ne vise pas à conclure sur la pertinence d'acquérir ou de vendre un placement, ne remet pas en cause les objectifs des politiques de placement des déposants et ne vise pas à juger de la performance d'un gestionnaire de placement. Je termine cette description en précisant que le Vérificateur général s'adjoint toujours des experts-conseils reconnus dans le secteur d'activité vérifié afin de bénéficier de toute la compétence requise.

Enfin, le projet de loi n° 78, à l'exception de l'article 30 que j'ai déjà traité, ne modifie pas la Loi sur le vérificateur général. Cette dernière me confie la mission de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire sur toutes les organisations qui relèvent de l'Assemblée nationale ou de son gouvernement. La Loi sur le vérificateur général prévoit que je ne peux pas effectuer une vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement comme la caisse sans avoir préalablement conclu une entente avec le conseil d'administration de cette entreprise. Seul un décret du gouvernement peut lever cette condition préalable. Depuis que la Loi sur le vérificateur général a été adoptée il y a près de 20 ans, la caisse n'a consenti à conclure une telle entente qu'à l'occasion de récentes situations exceptionnelles et malheureuses, soit lorsque le gouvernement a demandé par décret la vérification particulière de l'une de ses filiales, Montréal Mode, et lorsque le premier ministre et le chef de l'opposition de l'époque ont demandé conjointement de vérifier le projet de construction de sa place d'affaires à Montréal.

La vérification de l'optimisation des ressources de la caisse est donc une question incontournable à l'occasion de la révision des règles de gouvernance de cette entreprise. La caisse gère les actifs financiers de l'ensemble des régimes de retraite de plusieurs Québécoises et Québécois. En conséquence, le quotidien de la retraite de tous ces gens est influencé par la gestion de la caisse. Tous conviendront que les activités de la caisse sont importantes et qu'il est légitime que l'Assemblée nationale veuille compter sur le regard indépendant du Vérificateur général pour contribuer au contrôle parlementaire sur cette importante institution publique. Puisque le projet de loi n° 78 ne modifie pas la Loi sur le vérificateur général, il n'abolit pas l'exigence d'une entente préalable avec le conseil d'administration de la caisse pour que je puisse y mener une vérification de l'optimisation des ressources.

En somme, je suis en mesure de conclure, aujourd'hui, que le projet de loi n° 78 ne constitue en rien un pas vers un plus grand contrôle parlementaire à l'égard du mandat confié au Vérificateur général à la Caisse de dépôt et placement du Québec. De plus, la gestion d'autres grandes entreprises du gouvernement dont je ne vérifie pas moi-même les états financiers demeure encore, pour ainsi dire, hors de la vue du Vérificateur général. Je ne peux donc pas y exercer pleinement mon rôle de surveillance des fonds publics. Je souhaite donc avoir l'occasion de discuter prochainement, avec des parlementaires, d'un projet de loi qui traiterait de l'ensemble de ces entreprises, d'autant plus que je peux témoigner de votre intérêt soutenu pour ces questions. Je note cependant que cette commission a adopté, la semaine dernière, les amendements me permettant d'exercer mon mandat sans contrainte, à l'occasion de l'étude d'autres projets de loi. Je pense précisément au projet de loi n° 60 qui crée la Société de financement des infrastructures locales du Québec et au projet de loi n° 61 qui crée l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Les modifications qui ont été jugées nécessaires dans ces projets de loi démontrent le besoin de retoucher rapidement la Loi sur le vérificateur général pour l'adapter à l'évolution des modes d'intervention de l'État.

À ce propos, il est intéressant de noter que l'Assemblée législative de l'Ontario vient tout juste d'adopter une loi qui élargit le mandat du Vérificateur général de cette province en lui permettant d'effectuer sans contrainte des vérifications de l'optimisation des ressources auprès des sociétés d'État et de leurs filiales. Pour l'heure, je tiens à informer les membres de la commission que le ministre des Finances et moi avons eu des échanges sur des amendements potentiels sur le projet de loi de la caisse. Je prends l'engagement de vous informer de l'effet de ces éventuels amendements sur le rôle du Vérificateur général à la caisse avant l'adoption de ce projet de loi par l'Assemblée nationale. Je vous remercie de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Lachance. M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Oui. Alors, M. le Président, permettez-moi d'abord de saluer le Vérificateur général à double raison. La première, de saluer sa nouvelle mission, son nouveau mandat. C'est la première occasion que j'ai de le saluer, alors je lui souhaite un exercice des plus à point. Et certainement qu'il peut compter sur la collaboration du ministre des Finances ainsi que de tous les collègues certainement de la Commission des finances qui auront peut-être à l'occasion à se pencher sur des questions qui concernent directement ou indirectement le Vérificateur général.

n (16 h 20) n

J'ai bien noté les observations du Vérificateur général. J'y suis très sensible, je les reçois bien. Et, comme l'a dit le Vérificateur général, M. le Président, il a bien terminé son propos en indiquant que nous... nous avions des entretiens, pardon, actuellement à l'effet de déposer des amendements certainement, là, à l'article 30 qui vise plus particulièrement le rôle particulier que peut jouer le Vérificateur général. Et j'espère bien, dans les prochaines séances, être en mesure de rapidement déposer ces amendements et certainement, par ces amendements, je l'espère, pouvoir répondre au questionnement que vient de soulever le Vérificateur général.

Certainement que, dans le déroulement des choses, il y a également aussi, et je tiens à le dire, M. le Président, il y a la Loi du vérificateur général aussi qu'il me semblerait approprié de regarder de nouveau, et, à cet égard-là, j'ai entretenu, avec le Vérificateur général, le projet éventuellement d'en discuter. Et, à la lumière des quelques amendements que peut-être nous ferons ici à l'occasion de cette loi, il y a peut-être des dispositifs qui pourraient être transportés pour avoir une application plus générale dans la Loi du vérificateur général, pour lui donner plein effet, puisque, si, à l'occasion de l'étude d'une loi, un nouveau dispositif, un nouvel attribut du Vérificateur général est jugé souhaitable, on pourrait le faire apparaître également dans sa loi. Et, dans ce sens-là, je peux assurer le Vérificateur de ma pleine collaboration à assurer, par tous les moyens, de voir comment le Vérificateur général peut améliorer le regard qu'il doit jeter sur l'ensemble de l'information et pour que ses constatations, ses recommandations, soient toujours améliorées et servent l'intérêt public que nous défendons tous, évidemment.

C'est certain qu'à l'occasion d'une loi très particulière comme la Loi de la Caisse de dépôt il n'est pas toujours aisé de discuter de l'étendue de certaines responsabilités. À titre d'exemple, dans la loi proposée devant vous, M. le Président, on a plusieurs nouveaux dispositifs qui obligent la caisse à une certaine réforme dans sa structure, la création de plusieurs comités ? on les verra plus en détail quand nous ferons l'examen article par article ? et je pense que les propos du Vérificateur s'adressent beaucoup en particulier à un de ces comités qui est le comité de vérification qui, dans la loi, est vu comme celui sur qui tombera cette obligation de s'assurer que l'optimisation des ressources soit bien engagée à l'intérieur de la caisse.

Comme question, je me permettrais peut-être de demander au Vérificateur général s'il a pensé ou s'il est en mesure de nous faire une observation à l'égard de la caisse et, à titre d'exemple, sur l'optimisation des ressources, si, dans le passé ou dans l'état actuel des choses, il y a des mécanismes à l'intérieur actuellement de la caisse qui ont été établis pour optimiser les ressources, et de quelle façon le comité suggéré ou les dispositifs de la loi ici suggérés sont en mesure, à tout le moins, d'apporter quelque effet nouveau à ces efforts qui sont faits. Autrement dit, est-ce que le Vérificateur est en mesure d'apprécier qu'à tout le moins, à la lumière du projet de loi, il y a quand même plusieurs éléments qui vont favoriser le but qu'il souhaite, c'est que l'optimisation des ressources soit bien engagée et se fasse. Et je pense que cette responsabilité-là, me semble-t-il, apparaît assez bien à l'intérieur du projet de loi, mais je voulais entendre peut-être le Vérificateur s'il était d'accord à nous donner un point de vue sur cet élément dans le projet de loi.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Un vérificateur général ne peut jamais donner de point de vue sur autre chose que ce qui le concerne lui-même, donc je ne suis pas à même de commenter sur les impacts du projet de loi qui est déposé, à l'exception de mon rôle. Ce que je peux vous dire, c'est que nous connaissons l'existence d'un vérificateur interne à la caisse. Nous ne savons pas si ce vérificateur fait de la vérification de l'optimisation des ressources présentement. À chaque fois que, nous, on a tenté, je dirais, dans le passé, de procéder à une telle vérification, à entreprendre de telles démarches, nous avons toujours connu des obstacles sur notre route, obstacles qui ont déjà été discutés lors d'une commission parlementaire dans le passé et qui sont toujours existants aujourd'hui.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Séguin: Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui...

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président. Merci, M. le Vérificateur. Je lisais, dans votre discours, la crainte que vous avez que l'article 30 du projet de loi n° 78 restreigne vos pouvoirs et notamment qu'il vous restreigne à l'égard de l'application de quelques autres lois pouvant être visées par les activités de la Caisse de dépôt. Est-ce que vous pourriez être plus précis sur l'étendue de ces différentes lois qui restreindraient votre mandat?

Le Président (M. Paquet): M. le Vérificateur.

M. Lachance (Renaud): On n'a pas fait de travail présentement identifiant... Le projet de loi a été déposé très récemment. On n'a pas fait de travail pour identifier la différence entre la Loi de la Caisse versus toutes les autres lois. On sait, nous, qu'il y a là une différence qui pourrait avoir des influences sur notre mandat de conformité dans les jours qui vont suivre, mais, à savoir l'étendue du potentiel de cet écart entre toutes les lois et la Loi de la Caisse seulement, ce travail-là n'a pas été fait.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Merci. Merci, M. le Président. Donc, est-ce que je comprends bien qu'outre cette réserve que vous avez à l'égard du projet de loi il n'y aurait ou il n'existerait pas d'autre élément qui porterait atteinte au mandat qu'on vous confie.

Le Président (M. Paquet): M. le Vérificateur.

M. Lachance (Renaud): Bon. Il y a, dans le projet de loi, l'élément «dans la mesure jugée appropriée» qui n'existe plus dans le projet de loi n° 78, qui, là aussi, est une disparition dont le Vérificateur général peut s'inquiéter. Et ce que je voulais dire à la commission aujourd'hui, c'est bien de corriger sa perception que le projet de loi actuel accroît le rôle du Vérificateur général. Dans ce dossier, il n'y a rien, sinon que c'est le seul alinéa présent dans le projet de loi qui pourrait fausser l'interprétation de mes mandats actuels.

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Alors, bonjour, M. le Vérificateur, ainsi que vos adjoints. On a le plaisir de travailler ensemble sur une autre commission, la Commission de l'administration publique. Vous avez eu à réaliser des mandats au niveau de la Caisse de dépôt. Bon.

Dans le cadre de la réalisation de ces mandats, en somme Montréal Mode ou les autres mandats, est-ce que vous avez eu des contraintes par rapport à la possibilité de consulter des documents ou de réaliser pleinement votre mandat?

M. Lachance (Renaud): Lorsque nous avons réalisé des mandats qui ont député en 2002, c'est suite, dans un cas, à un décret du gouvernement, et il est prévu, dans la Loi sur le vérificateur général, que, lorsqu'il y a décret du gouvernement, il n'est pas nécessaire d'avoir une entente avec le conseil d'administration. Donc, ça, c'est un des cas. L'autre cas, ça vient d'une demande officielle du premier ministre et du chef de l'opposition, et, dans ce contexte, la caisse a accepté de signer une entente avec le Vérificateur général, compte tenu que la demande venait du premier ministre et du chef de l'opposition.

Donc, dans les deux cas, oui, nous avons eu une collaboration de la caisse, mais c'était après le décret et après la demande officielle du premier ministre et du chef de l'opposition.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Donc, somme toute, ce que vous nous dites cet après-midi, c'est qu'en ce qui regarde les éléments contenus dans le présent projet de loi, par rapport à votre travail, ce que vous recherchez, c'est d'avoir un peu le même genre de mandat comme vous aviez pour procéder à ces vérifications qui ont eu lieu le printemps dernier.

M. Lachance (Renaud): C'est de pouvoir effectuer une vérification de l'optimisation des ressources dans un contexte sans contrainte. C'est ce qui est absent du texte de loi actuel.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Oui. Alors, M. le Vérificateur général, lors de votre intervention et dans mes premiers propos, je le mentionnais: nous sommes en discussion avec votre bureau pour un projet d'amendement à l'article 30. Évidemment, tant que le projet d'amendement n'est pas déposé, je ne vous demande pas de le considérer, mais je pense que les discussions que nous avons sont dans le sens de permettre au Vérificateur général de s'assurer que l'optimisation des ressources est bien engagée, bien faite, qu'importent, là, les termes ou qualificatifs. Et je pense que définitivement je vais déposer un amendement dans ce sens, soit aujourd'hui, ou demain, ou enfin dans les prochains jours, le plus rapidement possible d'ailleurs, parce que je suis le premier à reconnaître l'importance que le Vérificateur général doit avoir pour s'assurer effectivement que l'optimisation des ressources soit bien engagée.

Le comité de vérification que nous proposons dans la loi est le comité qui a la responsabilité de voir à l'installation de l'optimisation des ressources, et le Vérificateur général, par contrepoids, si je peux dire, lui, contrevérifie ou s'assure que l'optimisation des ressources, elle est bien engagée et se fasse selon les normes acceptables. Et je pense que le projet d'amendement va aller dans ce sens-là.

n (16 h 30) n

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, vous allez me permettre de saluer et de féliciter M. Lachance pour sa nomination comme nouveau Vérificateur général. Ça me fait plaisir de le voir ici à double titre: d'abord comme confrère comptable agréé, mais aussi comme ancien professeur, pendant un certain temps, aux Hautes Études commerciales, qui est mon alma mater, comme il le sait. Je voudrais aussi saluer Mme Paradis, l'ancienne Vérificatrice générale avec qui on a eu le plaisir de travailler ensemble, et M. Bédard. Merci aussi pour votre présence.

Écoutez, ici, la discussion puis ce que vous apportez à notre attention aujourd'hui, c'est le fait que le projet de loi n° 78, contrairement à ce qui a été adopté dans le projet de loi, entre autres, n° 60 et n° 61 et la tendance qu'on voit de plus en plus, exclut ce qu'on appelle la vérification de gestion, la vérification d'optimisation des ressources, là. Peut-être, juste pour ceux qui nous écoutent, là, en tout cas si je me souviens bien, lorsque j'étais moi-même en vérification, il y a comme trois sortes de vérification: il y a l'attestation financière quand on atteste les états financiers; il y a la vérification de conformité, où le Vérificateur peut dire si une loi ou une entente a été respectée; et il y a la vérification plus large, la vérification de gestion, où, là, on entre vraiment, là, dans une certaine évaluation. Et effectivement il y a une tendance d'aller de plus en plus dans cette direction-là. Évidemment que, si on parle de la Caisse de dépôt et de tout organisme évidemment qui gère des fonds publics, ne serait-ce que par souci de transparence, ça peut sembler avec tous les avantages d'avoir cette vérification de gestion. Ici, on ne l'a pas. Bon. Je veux quand même, parce que j'ai parlé à certaines personnes, essayer de voir s'il pourrait y avoir des inconvénients à ajouter cette vérification de gestion au projet de loi n° 78. Et je vous rapporte un peu les préoccupations de certaines personnes puis j'aimerais avoir vos commentaires sur ces préoccupations.

La première préoccupation que certaines personnes ont: ceux-ci disent que vos compétiteurs, sous certains aspects, comme les grands fonds de pension, là, comme Teachers', OMERS et même fonds de pension du Canada, n'ont pas cette possibilité d'avoir un vérificateur général qui vient faire de la vérification de gestion. Donc, ce qu'ils nous disent, c'est que, premièrement, la Caisse de dépôt et de placement du Québec pourrait perdre son statut qu'on essaie peut-être de lui donner, là ? ça, en tout cas ça fera partie des discussions qu'on aura au cours des prochaines heures, des prochains jours ? son statut d'indépendance, c'est-à-dire que, si la Caisse de dépôt avait un lien avec un vérificateur général pour une vérification d'optimisation, la Caisse de dépôt pourrait être perçue comme étant non indépendante et donc pourrait amener peut-être des problèmes de non-compétitivité de la Caisse de dépôt avec les autres fonds de pension, là, plus traditionnels. Je vais vous donner tout de suite, là, la série, puis après on pourra peut-être en discuter.

Deuxièmement, il y a des gens qui me disent que, s'il y avait cette possibilité que le Vérificateur général puisse aller vérifier, par exemple, certains financements particuliers, peut-être les administrateurs ou les gestionnaires de la caisse pourraient être portés à prendre moins de risques par crainte que... Parfois, un risque même calculé peut tomber du mauvais côté. Ce qui est important, comme on dit, c'est la moyenne au bâton. Mais que peut-être certains administrateurs de la caisse ou certains gestionnaires pourraient peut-être être amenés à prendre moins de risques par peur que le Vérificateur général vienne mettre en lumière une transaction qui a mal tourné, donc ça, c'est la deuxième objection. Une troisième objection qu'on me fait, c'est qu'on me dit que peut-être certaines entreprises qui transigent avec la Caisse de dépôt pourraient peut-être craindre, au niveau de la confidentialité, si le Vérificateur général devait aller fouiller, de façon détaillée, certaines transactions.

Et, dernière objection qu'on me fait, c'est qu'on me dit: Peut-être que le personnel du Vérificateur général n'a peut-être pas toutes les compétences pour aller analyser des dossiers, là, de placement. Donc, c'est un peu les objections que j'ai entendues, puis j'aimerais vous entendre sur ces objections-là.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): D'abord, je vous ramènerais au texte de ma présentation qui dit ce que n'est pas une vérification de gestion et qui répond à beaucoup de ces préoccupations. Une vérification d'optimisation des ressources ne signifie pas que nous allons évaluer le choix des placements de la caisse et que nous allons empêcher la caisse de faire les transactions qu'elle veut faire. Ce que ça signifie ? et c'est peut-être pour ça que c'était relativement difficile d'en faire ? c'est que ça va seulement... ça signifie que nous allons vérifier la gestion de la caisse. On parle de la gestion, par exemple, de la qualité de la documentation fournie au conseil d'administration, de qualité des processus, mais nous n'allons pas contester les choix de placement de la caisse. Nous ne sommes pas les gestionnaires de la caisse. Il y a déjà des gestionnaires à la caisse. Donc, sur ce que veut dire exactement une vérification de gestion, ça ne veut certainement pas dire que nous voulons gérer la caisse à la place des administrateurs.

Deuxièmement, pour ce qui est du rôle du Vérificateur général, le mois dernier, l'Ontario vient de donner plein accès à son Vérificateur général au fonds de pension OMERS. Donc, s'il y avait ce genre de préoccupation, pourquoi l'Ontario a-t-elle donné un tel accès? Et, si elle n'a pas donné accès au fonds de pension Teachers', c'est une question de la nomination des membres du conseil d'administration où il y avait égalité, car cette option a aussi été étudiée, et c'était un élément juridique qui l'a empêchée. Donc, ce n'est pas une question qu'un fonds de pension ou un gestionnaire de portefeuille, je dirais, perd son indépendance de par la présence du Vérificateur général. Il faut savoir que nous avons déjà le mandat de vérification financière de la caisse, nous avons également le mandat de vérification de la conformité de la caisse. Donc, nous voyons déjà beaucoup de choses à la caisse ? et vous êtes expert-comptable de profession ? nous voyons déjà beaucoup de choses à la caisse, et ces choses se retrouvent dans les états financiers qui sont préparés par la caisse. Elles ne sont donc pas diffusés par le Vérificateur général. Donc, l'élément de confidentialité n'intervient pas dans l'argumentation qui est là.

Pour ce qui est de la compétence, nous sommes le vérificateur financier de la caisse et le vérificateur de conformité. Donc, si nous avons la compétence pour vérifier tous les nombreux états financiers de la caisse et les filiales en propriété exclusive de la caisse, si nous avons la compétence pour vérifier la conformité de la caisse, en quoi nous n'avons pas la compétence pour vérifier la qualité de la gestion de la caisse, alors que nous le faisons présentement pour tout l'appareil d'État du gouvernement du Québec? En plus, lorsque ça demande une expertise particulière, nous faisons appel à des experts. Donc, nous vérifions l'optimisation des ressources dans le domaine de la santé ? et c'est quand même la plus grosse dépense de l'État du Québec ? dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de l'aide sociale, et on essaie de nous dire que, dans le cas de la caisse, c'est trop complexe pour qu'on le comprenne? Vous comprenez la passion un peu dans ma réponse; c'est un argument que je n'achète pas. Si nous vérifions les états financiers, si nous vérifions la conformité, nous sommes capables de vérifier la qualité, par exemple, de la documentation qui est présentée au conseil d'administration.

Nous avons été capables de faire les deux vérifications particulières lorsque le gouvernement, et le premier ministre, et le chef de l'opposition nous l'ont demandé. Donc, si nous sommes capables de faire des vérifications particulières qui sont de la VOR, pourquoi, nous, on ne pourrait pas en faire normalement de notre propre initiative?

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Si je reviens, là. Bon. Vous dites: Au niveau de l'indépendance, l'Ontario a donné accès à OMERS mais pas à Teachers'. Et je n'ai pas compris pourquoi il n'avait pas donné la possibilité de le faire au Vérificateur général de l'Ontario dans le cas de Teachers'.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): C'est une question de définition d'entreprise du gouvernement. Le concept d'entreprise du gouvernement tient compte du nombre d'administrateurs nommés par le gouvernement. Or, il y avait égalité dans ce cas-ci, c'est-à-dire la moitié des membres du conseil d'administration étaient nommés par le gouvernement, l'autre moitié, d'une autre façon. Et c'est la raison pourquoi, juridiquement parlant, Teachers' ne se retrouve pas, je dirais, soumis à une vérification du Vérificateur général de la province de l'Ontario. C'est tout simplement une question technique. Et, s'il y avait modification de la nomination des administrateurs de Teachers', Teachers' serait soumis à la vérification de l'optimisation des ressources par le vérificateur général de l'Ontario.

Par ailleurs, j'aimerais dire que, dans le cas du fédéral, les fonds de pension du fédéral sont soumis à une vérification de l'optimisation des ressources qu'on appelle, au fédéral, examen spécial, examen spécial à tous les cinq ans, qui d'ailleurs est, je dirais, rendu public. Cet examen spécial s'inspire des mêmes pratiques de la Vérificatrice générale du Canada et il est exécuté par le vérificateur des fonds de pension, qui n'est pas par ailleurs la Vérificatrice générale du Canada.

n (16 h 40) n

Si je continue sur la nature commerciale, la nature commerciale, elle se retrouve aussi. Je parle de certaines transactions d'affaires. Les ministères et les organismes font également des transactions d'affaires. Tous les achats faits par les ministères, toutes les transactions d'affaires faites par les réseaux sont tous sujets à la vérification du Vérificateur général et à la vérification d'optimisation des ressources. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a une transaction d'affaires que nécessairement ça exclut la présence du Vérificateur général.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Oui. Merci, M. le Président. Je voulais revenir, M. le Vérificateur général, au projet de loi et à l'article actuel. Vous avez dit, au début de vos commentaires, que vous estimiez que l'article 30 actuel du projet de loi, qui modifie l'article 48 de la Loi de la Caisse, n'apportait rien de plus que ce qui était déjà prévu. Si vous voulez bien, je vais juste, pour l'intérêt et le bénéfice de ceux qui suivent nos travaux, peut-être nous ramener à l'article actuel de la loi avant le projet de loi. Telle que la Loi de la Caisse existe, on dit que «le Vérificateur général est le vérificateur des comptes de la caisse et son rapport doit accompagner le rapport annuel de la caisse». Il y a un deuxième paragraphe qui dit: «Le rapport du Vérificateur général doit faire mention de tout placement et de toute opération financière non conformes à la présente loi.»

Dans l'actuel projet de loi, on ajoute le paragraphe suivant, et c'est là que je voulais vous demander, M. le Vérificateur, de nous dire si, dans le prochain paragraphe qui est déjà dans le projet de loi déposé ici et que vous avez pris connaissance ? et là je ne fais pas allusion au projet d'amendement qui n'est pas encore déposé et sur lequel nous allons discuter ? mais ce paragraphe-là, est-ce qu'en soi il ne permettrait pas au Vérificateur général quand même plus d'examens, plus de vérifications que la loi actuelle, puisqu'on dit: «La vérification comporte la vérification financière, la ? pardon; la ? vérification de conformité des opérations de la caisse à sa loi, ses règlements, ses politiques et directives et celles des systèmes et des procédés mis en oeuvre pour contrôler et protéger les biens sous la responsabilité de la caisse»? Et, dans le même projet de loi où on vient d'ajouter cela, on dit que la caisse doit, par son comité de vérification, faire une optimisation de ses ressources.

Autrement dit, on ajoute quand même aux responsabilités du Vérificateur, dans l'actuel projet de loi, un ensemble de mesures de plus pour lui permettre de faire la vérification financière, la vérification de conformité à sa loi, ses règlements, ses politiques et directives et celles des systèmes et des procédés mis en oeuvre pour contrôler et protéger les biens sous sa responsabilité.

Puis, comme je viens de le dire, dans le même projet de loi, on donne le mandat à la caisse, par son comité de vérification, de mettre un procédé en marche d'optimisation des ressources. Donc, indirectement, on pourrait interpréter que ce troisième paragraphe que nous ajoutons dans l'actuel projet de loi, lequel éventuellement, je l'ai déjà dit, va être amendé... Mais, dans la lecture actuelle du projet de loi, il y a quand même un ajout qui est fait ici, à l'article 30, qui est important. Je suis loin de penser que ça ne donne absolument rien de plus au Vérificateur parce qu'on dit qu'il peut aller vérifier les procédés, etc., qui découlent de ses règlements et de ses politiques. Or, l'optimisation de ressources, c'est une obligation dans l'actuel projet de loi qu'il est imposé à la caisse de faire, qui n'était pas prévue avant. Je veux juste vous faire remarquer qu'au-delà du dispositif qui s'adresse au Vérificateur général, dans l'actuel projet de loi ? et on va le voir un peu plus tard, M. le Président, quand nous arriverons par exemple à l'article 13 ? l'optimisation de ressources devient une obligation de la caisse. Et je voulais vous poser la question, à savoir si vous ne convenez pas qu'effectivement cet alinéa, tout imparfait soit-il et qui nécessite un amendement que nous discutons, quand même ouvre cette obligation d'installer, à l'intérieur de la caisse, une politique d'optimisation des ressources.

Et, en terminant, je dirais qu'au fédéral vous connaissez sans doute la mesure que l'optimisation des ressources est faite par un vérificateur externe à la demande du ministre des Finances, alors qu'ici ce n'est pas à la demande du ministre, mais c'est une obligation en continu, hein, au niveau de la caisse. C'est quand même, je pense, une certaine amélioration par rapport à ce qui existait avant.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Malheureusement, ma réponse, c'est non. Je vais vous lire l'article 27 de la Loi sur le vérificateur général, qui s'applique déjà à la caisse. Cet article dit: «La vérification des livres et comptes d'une entreprise du gouvernement ? donc la caisse ? comporte, dans la mesure jugée appropriée par le Vérificateur ? ce qui n'est pas dans l'alinéa que vous m'avez lu ? la vérification financière, la vérification de la conformité de ses opérations aux lois ? et non pas seulement à celle de la caisse; de ses opérations aux lois ? règlements, politiques et directives et celles des systèmes et des procédés ? donc la même formulation qui est dans le projet de loi sur la caisse ? mis en oeuvre pour contrôler et protéger ses biens.»

Donc, nous, nous avons fait étudier par des juristes le texte du projet de loi. Nous en avons conclu qu'avec le texte actuel il y avait un danger d'une diminution du rôle du Vérificateur général, et c'est pour ça que nous recommandons, aujourd'hui, son abolition, parce que cet article 27 s'applique déjà à la caisse, et il s'applique à l'ensemble des lois, et il permet également, dans la mesure jugée appropriée par le Vérificateur, d'effectuer son travail.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le ministre.

M. Séguin: Oui. Juste vous confirmer qu'effectivement ? en fait, je ne veux pas le répéter trop de nombreuses fois ? mais l'article 30 effectivement va être amendé, et c'est un amendement que nous discutons. Et j'espère que nous arriverons à un libellé qui satisfera le Vérificateur général, mais effectivement nous allons modifier l'article 30 pour y inclure que le Vérificateur général doit s'assurer que l'optimisation des ressources est bien accomplie.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Si vous me permettez, la Loi sur le vérificateur général qui a été adoptée en 1985, ce qu'elle donne au Vérificateur général, c'est l'indépendance. Et, sans rien enlever à la rigueur, et à l'efficacité, et à la compétence d'un vérificateur interne, un vérificateur interne, dans une entreprise, n'a jamais l'indépendance du Vérificateur général pour effectuer une vérification d'optimisation des ressources. Donc, j'aimerais dire que, tout en soulignant et en constatant qu'on donne un rôle de réaliser des vérifications d'optimisation des ressources au vérificateur interne de la caisse, j'aimerais préciser que ce vérificateur interne n'aura jamais l'indépendance vis-à-vis de la direction qu'a le Vérificateur général lui-même.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Séguin: Oui. Peut-être une dernière intervention de ma part, M. le Vérificateur. C'est parce que vous mentionnez quelquefois qu'il y aurait lieu, comme Vérificateur, d'effectuer l'optimisation des ressources. Ce que je comprends du sens des discussions dans le projet de loi et même de l'amendement, c'est plutôt que l'optimisation des ressources doit être faite par la caisse, par son comité de vérification, que le Vérificateur accepte de s'assurer qu'elle soit bien menée, bien faite.

Si j'ai bien compris vos propos, vous ne demandez pas à ce que nécessairement le Vérificateur général fasse lui-même l'optimisation des ressources.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Il est clair que la situation idéale, c'est que le Vérificateur général puisse effectuer de la vérification d'optimisation des ressources sans contrainte. C'est ce que je demandais dans la présentation tout à l'heure. Pourquoi je le demande? C'est parce que c'est la meilleure façon d'assurer un contrôle parlementaire. Ce propos et ces objectifs ont souvent été repris par des parlementaires dans le passé, et c'est la raison pourquoi je demande une telle liberté d'effectuer une telle vérification.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre, ça va?

M. Séguin: Peut-être un éclaircissement, parce que, dans les discussions au niveau du projet d'amendement que j'aimerais bien déposer soit aujourd'hui ou demain, il a été plutôt question que l'optimisation des ressources, telle qu'elle apparaît dans le projet de loi aujourd'hui, est une obligation de la caisse. C'est nouveau, ça. C'est une nouvelle obligation au niveau de la caisse de s'assurer qu'elle se fasse. Et le Vérificateur général, me semble-t-il, lui, aurait le mandat de s'assurer qu'elle soit bien faite et qu'il puisse s'en assurer. On ne change pas actuellement le libellé de la Loi du vérificateur général qui dit, à son article 27, d'ailleurs que vous avez bien résumé, que le Vérificateur général, sans l'autorisation du conseil d'administration, ne peut lui-même mener une optimisation des ressources. Il doit le demander au conseil d'administration.

n(16 h 50)n

Et, dans le respect de ce libellé-là, qui par ailleurs... À l'occasion de l'examen de la Loi du vérificateur général, c'est un sujet sur lequel on pourra se repencher, mais, dans l'optique du projet de loi présentement devant vous, M. le Président, ce que je suggérais et ce que, moi, je suis prêt à déposer comme amendement, c'est de prévoir un rôle accru du Vérificateur général afin qu'il puisse s'assurer que l'optimisation des ressources, telle que lui-même recommande qu'elle se fasse, au niveau de la caisse, soit bien faite.

Une voix: M. le Président, si vous me...

Le Président (M. Paquet): Votre temps est écoulé, mais, de consentement, de part et d'autre, j'ajouterai le temps équitablement de part et d'autre, du côté ministériel et de l'opposition ? de consentement. M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: Non seulement, M. le Président, il y a consentement, mais il m'apparaît extrêmement important qu'on prenne tout le temps voulu pour écouter le Vérificateur. Alors, j'irais, si on a le consentement des deux côtés, j'irais même jusqu'à épuisement des questions, tellement c'est important.

Le Président (M. Paquet): Qu'on puisse étendre? D'accord. Est-ce qu'il y a consentement? D'accord. M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais dire que le projet de loi actuel ne donne pas au Vérificateur général le mandat de s'assurer que la vérification d'optimisation des ressources qui va être faite par la caisse est de qualité. Elle donne le mandat au Vérificateur général de s'assurer que le comité de vérification s'est assuré que cette vérification d'optimisation des ressources soit de qualité. C'est bien, bien différent. Pour que je puisse m'assurer que la vérification d'optimisation des ressources soit de qualité, il faut que je puisse entrer à la caisse, poser des questions aux employés, poser des questions à la direction et regarder les documents, me faire un jugement et dire si cette vérification d'optimisation des ressources est de qualité. Présentement, ce n'est pas le cas du projet de loi. Ce projet de loi de plus ne me donne toujours pas le droit d'en faire une moi-même sans entente avec le conseil d'administration.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Séguin: Oui. En fait, une précision encore une fois, M. le Président, pour ceux qui suivent nos travaux, c'est, tel que vient de le dire et bien dit d'ailleurs le Vérificateur général, on peut prendre pour acquis actuellement qu'il y a un projet d'amendement qui va être déposé et qui rend un peu la discussion actuelle moins pertinente, si je me permets de le dire, parce que, dans les travaux que nous allons entamer dans les prochaines minutes, on aura l'occasion, soit ce soir ou demain, d'avoir le dépôt de l'amendement qui va amender l'article 30 pour permettre au Vérificateur général d'avoir un meilleur accès à l'assurance de qualité, là, concernant l'optimisation des ressources et de voir comment le Vérificateur pourra le faire. On pourra voir, à ce moment-là, comment, dans les dispositifs de l'amendement, ça pourra être fait, mais je tiens à réassurer le Vérificateur général que cet amendement va être déposé définitivement.

M. Lachance (Renaud): Si vous me permettez toujours, M. le Président, pour faire suite aux propos du ministre.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Dans l'examen des amendements que vous allez faire, il est important que vous gardiez à l'esprit que, lorsqu'on parle de qualité d'une vérification de l'optimisation des ressources, on parle également de sa suffisance, parce qu'on peut faire une excellente, une seule vérification d'optimisation des ressources, mais ce qui est important, c'est d'en faire pas seulement une seule, mais d'en faire suffisamment largement pour qu'on puisse conclure sur la qualité de la gestion de la caisse.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Bien, peut-être pour aller dans le même sens de cette dernière réponse. Donc, si je  comprends bien, vous souhaitez qu'on soit très clair dans le projet de loi, que le Vérificateur général pourrait, selon sa décision, faire toute la vérification d'optimisation qu'il jugera nécessaire. C'est ça que je comprends.

M. Lachance (Renaud): C'est certainement la situation idéale si on veut que le Vérificateur général puisse librement effectuer une vérification d'optimisation des ressources, oui.

M. Legault: Je veux revenir sur l'argument que vous donniez tantôt en disant qu'OMERS a eu la même... en tout cas le même souhait que...

M. Lachance (Renaud): Le même avantage, vous voulez dire? Le même avantage? Oui.

M. Legault: ...le même avantage, si on peut dire que c'est un avantage, et par contre que Teachers' ne l'a pas eu pour des raisons de composition du conseil d'administration.

Moi, je voudrais savoir, là. Dans le projet de loi n° 78, on modifie la composition du conseil d'administration, en tout cas on propose de modifier la composition du conseil d'administration. Si on ne modifiait pas la composition du conseil d'administration, c'est-à-dire que, par exemple, si la Caisse de dépôt continuait d'avoir, sur son conseil d'administration, deux fonctionnaires du gouvernement du Québec, est-ce que vous arriveriez à la même conclusion concernant la vérification d'optimisation que vous suggérez de donner au Vérificateur général?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): La proposition qui est sur la table, dans le cadre du projet de loi n° 78, ne modifie pas la définition d'entreprise du gouvernement au sens de la Loi sur le vérificateur général. Il est écrit, dans cette loi, que, dès que la moitié des membres d'une entreprise est nommée par le gouvernement, elle est automatiquement une entreprise du gouvernement au sens de la Loi sur le vérificateur général. Donc, les modifications au processus de nomination des administrateurs de la caisse contenues dans le projet de loi n° 78 n'influencent en rien la question de la vérification d'optimisation des ressources à la caisse.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Donc, pour vous, là, quand il s'agit de parler d'indépendance, vous regardez si c'est le gouvernement qui nomme et vous ne faites pas de différence entre nommer un individu ou nommer un poste, c'est-à-dire, exemple, président de la Régie des rentes ou représentant d'association de salariés.

Je regarde, là; selon la façon dont le projet de loi est libellé actuellement, le gouvernement pourrait nommer tous des administrateurs qui n'auraient aucun lien avec le gouvernement, qui pourraient être tous des hommes ou des femmes d'affaires qui n'ont pas de lien avec le gouvernement, mais, vous, vous interprétez que, parce que ces nominations ont été faites par le gouvernement, c'est une entreprise du gouvernement.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): C'est ça. Selon la Loi sur le vérificateur général, ça demeure une entreprise du gouvernement, oui.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Mais, si on essaie, là. Tantôt, on parlait, là, de la crainte de certaines personnes que la caisse ne soit pas, entre guillemets, compétitive avec les organisations, là, des grands fonds de pension vraiment privés.

Je reviens à ma première question, là: Est-ce que vous voyez un risque, au niveau de la perception de la caisse, si on donnait au Vérificateur général la possibilité de faire de la vérification de gestion?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Moi, vous savez, mon point de vue, là, c'est le contraire. Si le Vérificateur général est présent à la caisse, il va vérifier la qualité de la gestion de la caisse. Donc, cette qualité devrait s'améliorer et la compétitivité de la caisse, être encore plus grande vis-à-vis les autres fonds de pension. Donc, plus la gestion va être meilleure à la caisse, mieux sera sa compétitivité. Donc, pour moi, il n'y a pas de lien entre la présence du Vérificateur général et la diminution de la compétitivité de la caisse. En quoi la présence du Vérificateur général va empêcher la caisse de faire une transaction si cette transaction est déjà permise selon ses politiques et ses directives? Ce que va faire le Vérificateur général, c'est qu'il va vérifier si les politiques et directives votées par la caisse sont bel et bien mises en application. Et, si elles ne sont pas mises en application ? et là je parle des politiques et directives de la caisse ? je le dirai au comité de vérification et au conseil d'administration.

Donc, je ne suis pas là, moi, pour décider des politiques et directives de la caisse. C'est à la caisse et à ses gestionnaires de décider de ses politiques. Mais, moi, je suis là pour assurer un contrôle parlementaire, pour que je puisse dire si la caisse a respecté ses propres politiques et directives. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a demandé une vérification particulière dans le cas de Montréal Mode. C'était pour aller effectuer ce genre de travail. C'est pareil dans l'entreprise publique et les ministères et organismes. On ne remet pas en doute la politique décidée par le gouvernement, par les administrateurs publics, on vient vérifier si ce qu'il a été décidé qui serait fait a effectivement été fait.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Certaines personnes, là ? puis je veux être bien clair, là, que ce n'est pas mon opinion, là ? mais certaines personnes me disent que des administrateurs, entre autres chefs d'entreprise, pourraient peut-être refuser d'agir comme administrateurs de la Caisse de dépôt par crainte d'un rapport du Vérificateur général sur, par exemple, un dossier qui n'aurait pas été suffisamment documenté et qui aurait été quand même approuvé par les administrateurs sur le conseil d'administration. Qu'est-ce que vous pensez de cette opinion?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Il faut voir que tout ce que je vais faire, tout ce que l'on ferait, c'est de dire au comité de vérification et au conseil d'administration que les politiques et directives votées par la caisse n'ont pas été mises en application. Si vous êtes un membre du comité de vérification à un conseil d'administration, vous croyez que de savoir cette information-là ne vous est pas utile? Lorsque vous êtes membre d'un conseil d'administration et d'un comité de vérification, vous avez un devoir de gérance de la caisse. Donc, il est au contraire fort intéressant qu'une personne indépendante de la direction de la caisse vienne témoigner si les directives et politiques de la caisse sont mises en application.

Donc, je n'y vois que des avantages, pour un membre de conseil d'administration et de comité de vérification, de la présence d'une personne indépendante de la direction pour l'alimenter dans ses discussions avec la direction. Et, pour ce qui est de savoir s'il y a des gens qui refuseraient des postes au conseil d'administration de la caisse et du comité de vérification, je suis convaincu que, dans votre entourage, vous pouvez trouver beaucoup de personnes qui seraient intéressées à occuper ces fonctions-là.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

n(17 heures)n

M. Legault: Oui. Je veux revenir sur la partie compétence, là. Je comprends que d'évaluer la valeur marchande d'un placement, c'est une chose; d'évaluer si les processus, les méthodes pour choisir si on effectue ou non un placement, c'est une autre chose. Je reviens encore, là, sur des arguments qui me sont donnés par certaines personnes à l'effet que peut-être le personnel chez le Vérificateur général n'aurait peut-être pas les compétences pour aller évaluer les processus de gestion, n'étant pas des personnes, là, qui ont comme compétence première, là, de faire des placements dans des entreprises.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): La plus grande entreprise au Québec s'appelle le gouvernement du Québec. C'est 50 milliards à 60 milliards de dépenses, donc on devine que ça fait pas mal de gestion. Et nous évaluons présentement la gestion de cette plus grande entreprise du Québec qu'est le gouvernement du Québec, qu'est l'État du Québec. Donc, nous, on croit ? et c'est pour ça que la loi existe et que notre rôle existe ? que nous sommes capables d'évaluer la gestion d'une entreprise en respect, je répète, de ses propres politiques et de ses propres directives. Donc, je ne vois pas de problème par rapport à notre compétence pour faire une telle évaluation de la gestion.

Par ailleurs, j'aimerais rappeler qu'en rien une vérification du Vérificateur général ne vient contester un placement décidé par la caisse. Je ne suis pas là pour faire les placements à la place de la direction de la caisse, je suis là pour m'assurer que ces placements et les processus de gestion qui ont été mis en place pour le choix de ces placements, processus de gestion décidés par la caisse, sont bel et bien mis en application par la caisse. Et, s'il y avait quelconque problème, j'irais le communiquer au comité de vérification, comité de vérification qui a d'ailleurs la tâche de gérer la caisse et qui serait très heureux de savoir si la caisse n'applique pas ses propres politiques.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Quand on gère des placements, on gère beaucoup le risque évidemment autour de ces placements. Est-ce que ça ferait partie de votre vérification éventuellement, dans la partie vérification de gestion, d'évaluer si le risque autour d'un placement a été bien documenté, parce qu'on sait que finalement il n'y a pas de limite, là, quand on vient pour investir dans une entreprise, à examiner le risque de l'industrie, de tout ce qui peut se produire au niveau de la clientèle de l'entreprise en question, de ses fournisseurs, etc., il n'y a pas de limite sur la documentation exigée? Donc, comment voyez-vous justement l'évaluation de la qualité de la documentation reliée au risque du placement dans un entreprise?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): D'abord, on va s'assurer qu'il y ait une gestion des risques, donc un mécanisme d'évaluation des risques et un mécanisme de reddition de comptes par rapport à ces risques. Donc, nous, si on constate qu'il y en a une, on va tout simplement faire notre travail, tenant compte de cette gestion des risques et de cette mécanique d'application des risques. Il revient à la caisse elle-même d'établir sa propre politique de gestion des risques, sa propre documentation, et, si, nous, on trouve que cette documentation-là n'est pas suffisante, tenant compte des directives mêmes de la caisse ou tenant compte des objectifs de la politique de gestion des risques, nous allons le signifier à la direction de la caisse, au comité de vérification et au conseil d'administration, s'il y a lieu.

Il faut bien prendre conscience, et je le répète, que nous ne sommes pas là pour gérer la caisse à la place de la direction, mais, pour avoir fait des études en économie, également en comptabilité, il y a ce qu'on appelle l'asymétrie d'information et il est certain qu'un Vérificateur général à la caisse peut alimenter le comité de vérification et le conseil d'administration de façon différente de la direction de la caisse. Et ça, c'est ce qu'on appelle l'asymétrie d'information au sens que la direction de la caisse n'a pas la même information de ses opérations et de ses directives versus le conseil d'administration et le comité de vérification et c'est là que le Vérificateur général n'est certainement pas un adversaire du comité de vérification et du conseil d'administration. Au contraire, il est un partenaire de ce comité de vérification et de ce conseil d'administration.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Vous savez, M. Lachance, il y a des gens qui signent des documents d'asymétrique et qui ne rapportent pas vraiment d'argent au bout de la ligne, donc il ne faut pas toujours relier les deux choses ensemble. Monsieur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: ...oui. M. le Président... Je veux revenir, M. Lachance, sur toute la question de l'indépendance de la caisse, là, parce que, moi, je pense qu'il y a un lien effectivement; de deux choses l'une: ou la Caisse de dépôt et de placement du Québec, c'est une entreprise ou un organisme qui relève du gouvernement, et on a besoin de donner toute la latitude au Vérificateur général pour faire des vérifications d'optimisation, ou c'est une entreprise qu'on souhaite la plus indépendante possible et qui doit rendre des comptes avec des états financiers vérifiés, qui pourraient à la limite être vérifiés par des vérificateurs externes. Je voulais avoir votre perception, à savoir: Vraiment, est-ce que la Caisse de dépôt, une fois qu'on a appliqué le projet de loi n° 78, est pour vous un organisme ou une entreprise indépendante du gouvernement ou reliée au gouvernement?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Moi, je relève de l'Assemblée nationale. Donc, c'est à des fins de contrôle parlementaire de l'Assemblée nationale, qui, elle, vise une meilleure gestion dans les entreprises publiques, que donc je suis un instrument de l'Assemblée nationale. Donc, la caisse est une entreprise publique parce qu'elle gère des fonds publics et, parce qu'elle gère des fonds publics, elle aussi a des comptes à rendre à l'Assemblée nationale. Et, moi, je suis l'outil de l'Assemblée nationale facilitant cette reddition de comptes, donc j'estime logique que l'Assemblée nationale qui a sous sa responsabilité la Caisse de dépôt et de placement demande à son outil de contrôle parlementaire d'aller faire un travail à la caisse pour lui rendre compte de la qualité de la gestion de la caisse.

Le Président (M. Paquet): Alors, Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président. J'aimerais, M. le Vérificateur général, pour plus de précisions relativement à l'exercice qu'on fera ce soir de modifier le texte existant, bien comprendre les précisions que vous nous demandez à l'égard de la modification. Si je comprends votre interprétation de l'article proposé, l'article 30 qui modifie l'article 48 de la loi actuelle, vous considérez qu'en raison de son caractère plus restrictif, comparativement à celui de l'article 27 de la Loi sur le vérificateur général, cet article peut impliquer une restriction de vos pouvoirs, pouvoirs qui sont déjà conférés par l'article 27 sur la Loi du vérificateur général. Est-ce que je comprends bien la requête?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): C'est tout à fait ça. C'est tout à fait ça.

Mme Charest (Matane): Dans ce contexte-là, est-ce que vous pouvez m'expliquer? Y a-t-il eu, dans le passé, des situations où le Vérificateur général, à l'égard de la caisse, a déjà fait des vérifications d'optimisation des ressources? Est-ce que, dans le passé, ce sont des choses qui ont déjà été faites?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Ça s'est fait à deux occasions: lorsqu'il y a eu un décret du gouvernement, une première fois; une seconde fois, lorsqu'il y a eu une demande officielle du premier ministre et du chef de l'opposition. Il a fallu donc une intervention, je dirais, du gouvernement, et du premier ministre, et du chef de l'opposition pour forcer la réalisation de vérifications d'optimisation des ressources à la caisse.

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président. Donc, ce pouvoir que vous vous voyez conférer par l'article 27 demanderait certainement une intervention de l'exécutif?

M. Lachance (Renaud): Si vous me permettez, pas l'article 27; l'article 27 vise la vérification de conformité et non pas la vérification d'optimisation des ressources. Donc, la vérification de conformité se déroule normalement à la caisse. D'ailleurs, j'aimerais souligner que nous avons la collaboration de la caisse, une très bonne collaboration, pour la vérification financière et la vérification de conformité. C'est lorsqu'on veut faire une vérification de la gestion de la caisse que nous avons connu des obstacles importants nous empêchant de faire une telle vérification.

Mme Charest (Matane): Donc, M. le Vérificateur général, vous demandez le statu quo.

M. Lachance (Renaud): Non, non, non.

Mme Charest (Matane): Non?

M. Lachance (Renaud): S'il y a une chose que je ne demande pas, c'est ça.

Mme Charest (Matane): Le statu quo avant la modification?

M. Lachance (Renaud): Ce que je demande... Je suis venu ici pour vous dire deux choses: la première chose, pour vous dire que, dans le projet de loi actuel, il n'y a rien sur un rôle accru du Vérificateur général à la caisse; la deuxième chose, c'est vous dire ma demande qui a déjà été faite dans le passé, ma demande à moi, de vous dire d'élargir le rôle du Vérificateur général à la caisse pour lui permettre d'effectuer des vérifications d'optimisation des ressources à la caisse.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Oui. Je voulais simplement mettre en relief à cet égard, M. le Vérificateur général, la situation qui existe au niveau fédéral, où la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du secteur public reprennent sensiblement les principes qu'on a ici, c'est-à-dire que l'optimisation des ressources, l'examen spécial de ces moyens-là est effectué, selon la loi, par un vérificateur externe, et, à la demande du ministre fédéral des Finances, il peut y avoir intervention du Vérificateur général pour procéder à une vérification plus approfondie.

n(17 h 10)n

Je comprends donc que c'est cette même situation que vous rechercheriez?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Non, non. Écoutez, ces choses-là sont en évolution et tiennent compte de l'histoire. La situation au fonds de pension fédéral tient compte de ce qui s'est passé dans le passé. Par ailleurs, il faut voir l'évolution. L'évolution dans les autres juridictions, c'est d'élargir le pouvoir de leur vérificateur général. Le bel exemple de ceci, c'est en Ontario où on vient d'élargir le pouvoir du Vérificateur général au fonds de pension OMERS. Et c'est une question de technicalité qui a fait en sorte qu'on ne l'a pas élargi à Teachers'. Et, dans le cas du fédéral, on a pu voir des dépôts de projets de loi touchant le rôle également du Vérificateur général au fédéral.

Donc, si vous le regardez sous une perspective historique, on voit un élargissement du pouvoir du Vérificateur général, élargissement qui, dans le cas de l'Ontario, est allé également au fonds de pension.

Mme Charest (Matane): Je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci, M. Lachance, pour vos propos qui sont très éclairants. Qu'est-ce que je comprends de vos propos? C'est tout simplement que vous voulez avoir un mandat, un mandat clair pour pouvoir donner aux citoyens du Québec un portrait général de la situation de la Caisse de dépôt. Ce que je comprends, c'est qu'on vous donnait une partie en excluant les ressources. Tantôt, M. le ministre, vous avez dit: Ah, les amendements devraient satisfaire. Je pense que c'est plus que ça. Selon moi, même ce serait peut-être au Vérificateur d'écrire les amendements.

Puis, je vais vous rappeler seulement: vous avez sorti votre programme en septembre 2002 puis vous disiez dans votre programme: «Établir la compétence du Vérificateur général du Québec à faire la vérification complète des sociétés d'État et leurs filiales.» Et aussi on disait: «Établir la compétence du Vérificateur général à vérifier toute forme de soutien provenant directement ou indirectement des organismes publics, des organismes et des entreprises et du gouvernement, notamment des subventions et des mesures d'incitation fiscale.» Donc, pour moi, une vérification complète... Le Vérificateur général quant à moi devrait avoir le mandat d'écrire les amendements qui le satisfassent. Tantôt, vous disiez dans votre allocution: Projets de loi n° 60, n° 61. J'ai compris que c'était sur la bonne route. Je ne sais pas si c'est parfait selon vous, mais selon moi, M. le ministre, si on veut redonner la crédibilité aux politiciens, il faut respecter qu'est-ce qu'on a écrit.

Donc, ma question, M. Lachance: Est-ce que, dans le projet de loi actuel... Vous savez qu'il y a eu des pertes astronomiques à la Caisse de dépôt. Si par malheur ça arrivait encore, des situations comme ça, est-ce que vous avez le mandat, avec cette loi-là, d'alerter les parlementaires à un moment donné, de dire: «Aïe, il y a quelque chose qui se passe, là», d'allumer la lumière rouge?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Je rappelle qu'une vérification de l'optimisation des ressources ne consiste pas à faire les placements à la place des dirigeants de la Caisse. Par ailleurs, si de tels mauvais rendements résultaient de mauvais processus de gestion, c'est là que le rôle du Vérificateur général et sa présence pourraient jouer et c'est là que le travail de vérification du Vérificateur général viendrait sonner l'alarme avant, possiblement, je dirais, la réalisation de ces mauvais gestes. Mais on parle toujours de processus de gestion. En rien le Vérificateur général n'empêcherait un mauvais placement respectant les politiques et directives de la Caisse. Il revient à la direction de la Caisse de faire de tels placements.

M. Picard: Merci.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Je veux revenir sur l'indépendance encore de la Caisse de dépôt ou son lien avec le gouvernement. Vous souhaitez en fait, là, que le Vérificateur général puisse faire une vérification complète de cette entreprise, qui est très importante. La Caisse de dépôt et de placement du Québec, un actif de 140 milliards, c'est majeur. C'est probablement, là, l'organisme le plus important qui relève du gouvernement.

Est-ce que vous trouvez normal que, dans le projet de loi, on retire la présence, sur le conseil d'administration, de représentants du ministère des Finances? Vous savez, actuellement il y a deux fonctionnaires. Aussi, il y a trois postes, trois membres adjoints, qui n'ont pas droit de vote mais qui siègent au conseil d'administration. Ce que j'essaie de voir, là, c'est la cohérence. Comment peut-on ne pas avoir de fonctionnaires qui agissent à la Caisse de dépôt mais d'avoir le Vérificateur général qui, lui, a un rôle à jouer? Il semble y avoir en tout cas, à mon avis, une certaine incohérence de ce côté-là.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance

M. Lachance (Renaud): Le Vérificateur général ne commente jamais les politiques décidées par le gouvernement sur cette question, donc je n'ai aucun commentaire à faire là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. J'essaie juste de pouvoir voir, là, l'indépendance de la caisse, là. C'est pour ça, là. Je me dis: Ceux qui proposent de ne pas vous donner la vérification complète le font au nom de l'indépendance de la caisse, c'est pour ça que je pense qu'il y a un lien avec votre position. Est-ce que vous ne pensez pas qu'à partir du moment où on retire tous les fonctionnaires ? et personnellement je vous dirais, là, que je pense que c'est une mauvaise idée, là ? mais, à partir du moment où on retire tous les fonctionnaires, donc on retire tout rôle que le gouvernement pourrait avoir à la Caisse de dépôt pour supposément en faire un organisme indépendant, qui est pourtant notre argent, qui gère 140 milliards, est-ce que vous ne pensez pas, là, effectivement qu'il y a comme si on avait sauté la première étape et qu'on essayait de faire de la deuxième étape, c'est-à-dire d'y inclure une vérification complète du Vérificateur général mais en ayant retiré la présence de tout fonctionnaire dans l'administration de cet organisme important?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Comme vous disiez tout à l'heure, c'est le gouvernement qui nomme les administrateurs. Ces administrateurs, qu'ils soient des fonctionnaires ou d'autres personnes, ne changent en rien la définition que la caisse reste une entreprise du gouvernement, donc relevant de l'Assemblée nationale. Et, étant, moi, l'outil de contrôle de l'Assemblée nationale, ça n'intervient pas, cet aspect-là, dans la question, je dirais, là, de relever ou non de l'Assemblée nationale. Pour moi, que la nomination de ces administrateurs soit des fonctionnaires ou quelque chose d'autre n'a pas d'influence sur mon rôle à la caisse.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, pour vous, qu'un administrateur soit un fonctionnaire qui travaille à temps plein pour le ministère des Finances ou que l'administrateur soit le président d'une compagnie privée indépendante qui vient siéger une fois par mois au conseil d'administration, pour vous, c'est la même chose.

M. Lachance (Renaud): De mon côté, dans le cas de la loi, tant et aussi longtemps que cette personne-là est nommée par le gouvernement, dans ce cas la caisse reste une entreprise du gouvernement qui relève de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Simplement pour ajouter, M. le Président, qu'on discute de l'article 30 tel qu'il apparaît dans le projet de loi mais qui est déjà en train de changer par un amendement qui va le modifier, amendement qui est discuté depuis, je pense, une dizaine de jours, avec le bureau du Vérificateur, pour voir à trouver la meilleure formulation. Et j'espère tout simplement que, dans soit les heures qui suivent aujourd'hui ou demain, en tout cas dans un bref... Et ça répond à la question de mon collègue qui suggérait que le Vérificateur dépose un amendement. Vous le saviez mieux que moi, M. le Président, que, selon nos règles, seul le ministre, dans son projet de loi, peut introduire un amendement, mais je peux vous assurer que le Vérificateur m'a fait part de beaucoup de commentaires et puis que nous échangeons encore actuellement à savoir comment disposer du meilleur libellé pour introduire un nouvel amendement à l'article 30 qui fasse place au choix exprimé le mieux possible par le Vérificateur général.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, j'ai bien pris note des distinctions, M. Lachance, que vous avez faites tout à l'heure, concernant l'opportunité ou la qualité des placements et d'autre part le respect des règles mises en place pour les faire, ces dits placements. On se posait la question tout à l'heure. On regarde que, bon, la caisse doit présenter chaque année au ministre des Finances un rapport de ses opérations. On croyait que la caisse relevait de l'Assemblée nationale, mais elle ne relève pas l'Assemblée nationale. La nomination du président peut relever de l'Assemblée nationale, mais l'imputabilité de la caisse à l'égard des parlementaires, sa seule responsabilité ou sa seule obligation, c'est de venir présenter probablement son rapport devant nous.

En ce qui a trait au conseil d'administration, à l'article 6 de la loi actuelle, faites-vous une distinction entre les personnes qui ont le droit de vote et celles qui n'ont pas droit de vote en ce qui a trait à la capacité de décider, d'autres qui n'ont pas la capacité de décider, parce que l'article 6 dit qu'il y a trois personnes qui sont sans droit de vote?

n(17 h 20)n

Alors, quand vous dites que la majorité des membres du conseil d'administration sont nommés par l'exécutif, donc par le gouvernement, est-ce que le fait qu'il y a des personnes qui n'ont pas le droit de vote ferait en sorte qu'ils n'entrent pas dans ce critère-là?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lelièvre: C'est l'article 6 de la loi actuelle, là.

M. Lachance (Renaud): Écoutez, on pourra vérifier. Je vais demander à mes experts de vérifier. L'information qu'on me donne présentement, c'est qu'on ne fait pas de distinction à savoir si les gens ont droit le vote ou sans droit de vote.

M. Lelièvre: À partir du moment qu'ils sont nommés par l'exécutif, à ce moment-là, ils font partie du conseil d'administration...

M. Lachance (Renaud): Oui. On a la majorité. C'est ça.

M. Lelièvre: Comme les députés aux conférences régionales des élus. On n'a pas droit de vote, pas droit de proposer, mais on est membres.

M. Lachance (Renaud): On est en train de vérifier ceci, mais c'est une information qu'on me donne présentement.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Écoutez, j'ai pris note de tout ce que vous avez mentionné tout à l'heure. Ce que je comprends des discussions qu'on a aujourd'hui, puis des questions qui nous sont posées, et des échanges, c'est que le ministre des Finances est à préparer des amendements qui éventuellement nous seront soumis comme parlementaires. Parce que dans le fond le rôle du Vérificateur... On a l'occasion de travailler assez régulièrement avec le Vérificateur général concernant entre autres, récemment, la vérification d'optimisation des ressources au ministère du Revenu, des processus, etc. Donc, si le ministre des Finances est d'accord pour y intégrer les modifications pour faire en sorte non pas de vérifier le comité de vérification, mais de faire vos vérifications par vous-même, parce que ce que j'ai compris, c'est, lorsque vous faites... Vous avez mentionné, tout à l'heure que, là, vous faites une vérification de l'optimisation des décisions, des processus, c'est-à-dire que vous passez par le comité de vérification qui, lui, vous transmet l'information pour vous faire une tête. Est-ce que j'ai bien compris?

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Présentement, dans le mandat de vérification de conformité, nous allons à la caisse, nous posons les questions à la direction, aux employés de la caisse sur le respect ou non aux lois, et règlements, et directives. Donc, nous allons à la caisse. Et c'est important de comprendre que, pour faire une vérification, il faut aller sur le plancher des vaches, littéralement, et aller dans l'entreprise. Si vous demandez à un vérificateur de compter le nombre de poules dans le poulailler, il ne peut pas seulement demander à l'éleveur, à l'entrée de la porte, combien il y a de poules. Il rentre dans le poulailler, il les compte. C'est exactement ça qui se passe ici.

Donc, c'est bien important que, pour faire une vérification, il faut avoir accès aux employés, à la direction de la caisse, aux documents, à obtenir les informations pour qu'on puisse se faire un jugement.

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Merci. Merci, M. le Président. Je suis intrigué. Je ne suis pas un membre de cette commission, mais j'ai le plaisir, aujourd'hui, de remplacer un des membres présents et actifs de cette commission. J'ai écouté avec énormément d'intérêt le président... c'est-à-dire le Vérificateur général. Je suis très intrigué, M. le Président, parce que ? puis j'aimerais qu'on me corrige si ma perception est fausse ? de la façon que je vois ça, c'est que la Caisse de dépôt et placement, en tous points, relève du ministre des Finances. La Caisse de dépôt et placement n'a de comptes à rendre qu'au ministre des Finances.

Toutefois, le législateur, c'est-à-dire les députés, le Parlement, a un moyen de contrôle de par son Vérificateur général, qu'il nomme aux deux tiers des membres de l'Assemblée et qui est d'une impartialité à toute épreuve ? de par son Vérificateur général. Ce dernier entre à l'intérieur de la Caisse de dépôt et placement et peut faire toutes les vérifications, sauf celle de la gestion de la Caisse de dépôt et placement qui a un actif de 140 milliards de dollars et qui est le bas de laine de l'ensemble des Québécois.

M. le Président, il y a quelques années, le député de Verdun de votre formation politique, la formation politique du ministre, a réussi à mettre en place ici, à l'Assemblée nationale, une obligation, pour les différentes sociétés d'État, pour les sous-ministres, de déposer devant la commission parlementaire et de nous donner des résultats, une obligation de résultats. Alors, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction, à ce stade-ci, entre une obligation qui a été votée dûment par une loi sanctionnée par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale et ce qui se produit, puisque le Vérificateur général n'est pas en mesure de répondre adéquatement, devant les membres de l'Assemblée nationale qui l'ont élu avec au moins 66 % du vote, à cette obligation qui lui est donnée par le loi n° 72?

J'aimerais avoir vos commentaires, M. le Vérificateur général, et j'espère que vous allez me rassurer à ce niveau-là, parce qu'un des rôles, le rôle important du député, oui, est de légiférer, mais un de ses rôles également excessivement important est de faire son contrôle, de faire le contrôle, d'établir le contrôle, de voir à ce que tout ce qui se dépense soit fait dans le bien commun. Et ça, je suis inquiet, au moment où je vous pose cette question, parce que j'ai comme l'impression qu'il y a une fenêtre de notre maison, une fenêtre du parlement qui n'est peut-être pas fermée à 100 %. Il y a peut-être une ouverture qui fait en sorte qu'aujourd'hui celui qui se doit d'être notre chien de garde, celui de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, n'a peut-être pas la capacité d'aller au fond des choses et de nous faire un rapport complet de cette situation-là concernant notamment la Caisse de dépôt et placement. J'ai hâte de vous entendre, M. le Vérificateur. M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Écoutez, je voudrais dire seulement que la Loi de l'administration publique assujettit à la reddition de comptes que vous avez décrite, assujettit seulement les ministères et les organismes, elle n'assujettit pas les entreprises du gouvernement, ce qu'est la Caisse de dépôt et placement du Québec. Donc, la Caisse de dépôt n'est pas assujettie à la loi dont vous faisiez allusion, dont vous faites allusion tout à l'heure. Le Vérificateur général de l'époque avait recommandé que les entreprises du gouvernement soient également assujetties à cette loi, mais présentement ces entreprises-là ne sont pas assujetties.

Donc, par rapport à la caisse, je rappelle mon rôle: mon rôle est celui d'être le vérificateur financier de la caisse, le vérificateur de conformité de la caisse, mais présentement, sans entente avec son conseil d'administration, je ne peux vérifier la gestion de la caisse en respect toujours, je le répète, de ses propres politiques et directives.

Le Président (M. Paquet): Merci. Juste un petit élément de complément d'information peut-être. La Commission des finances publiques, une des possibilités qu'elle peut faire, c'est d'exercer un mandat de surveillance, entre autres, sur la Caisse de dépôt. La seule chose, c'est qu'avec les lois existantes actuellement on ne pourrait pas s'appuyer sur un rapport du Vérificateur général pour nous guider dans nos questionnements, mais rien ne limiterait le pouvoir des parlementaires membres de la Commission des finances publiques de poser toutes les questions qu'elle jugerait appropriées à la Caisse de dépôt. Ça ferait partie du mandat de surveillance que la Commission des finances publiques peut exercer. Juste en termes d'éléments d'information en fonction du règlement.

M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Oui. Aux propos que vient de faire le Vérificateur, peut-être réindiquer que c'est quand même la première fois, dans la Loi de la Caisse, par le projet, qu'apparaît cette obligation de faire l'optimisation des ressources. Je tiens à le souligner parce que, s'il est exact que le Vérificateur trouve que, dans l'article 30 en particulier qui le vise, il n'y a pas des attributs nouveaux, je pense que le Vérificateur ? et j'aimerais ça l'entendre là-dessus ? peut au moins apprécier que c'est la première fois, dans cet organisme qu'est la caisse, qu'apparaît cette obligation dans le projet de loi que la caisse a l'obligation de voir à établir une optimisation des ressources.

n(17 h 30)n

Et je comprends le souhait du Vérificateur de dire qu'il aimerait l'effectuer, mais, dans le projet de loi que je propose, je suggère que la Caisse de dépôt, par son comité, son conseil d'administration, son autorité, établisse cette optimisation.

Et, contrairement au gouvernement fédéral qui, lui, n'a pas donné de mandat au Vérificateur général d'aller voir, dans le fonds de pension au Canada, comment ça fonctionnait, nous, nous prévoyons... Et, par l'amendement qu'on va déposer ? et c'est conditionnel à l'appréciation qu'en fera éventuellement le Vérificateur ? mais je pense qu'on va bien voir que, un, l'optimisation des ressources est devenue une obligation dans la nouvelle loi que je propose, deux, que le Vérificateur va pouvoir s'assurer qu'elle est faite conformément aux principes, là, recherchés. Et j'espère que ça permettra effectivement d'avoir une meilleure reddition de comptes au final, parce que le Vérificateur est déjà le Vérificateur général de la caisse, comme le Vérificateur vient de le dire, et il est vrai que l'optimisation, dans le passé, n'existait pas. C'est un mécanisme de gestion de plus en plus introduit dans les méthodes de management au niveau des entreprises. C'est relativement récent. Et je pense que, là-dessus, pour ma part... Et la caisse aussi a accepté que, dans le projet de loi, il y ait une obligation de mettre sur pied l'optimisation des ressources.

Et ça, je pense que c'est quand même une très bonne chose, parce que je ne voudrais pas laisser l'impression, M. le Vérificateur général, que... Quand vous dites que, dans le projet de loi, il n'y a rien de nouveau pour le Vérificateur, c'est peut-être vrai dans le sens que vous le suggérez, que vous aimeriez avoir un accès plus grand pour s'assurer ou d'effectuer, comme vous le souhaitez, de la VOR, ce qu'on appelle, en abrégé, la VOR, là, l'optimisation des ressources, mais, à tout le moins, je pense qu'il faut accepter aussi que, dans le projet de loi, il y a un pas de fait dans le sens que l'optimisation des ressources, un, est identifiée puis elle est obligatoire, ce qui n'existait pas avant. Merci.

Le Président (M. Paquet): M. Lachance.

M. Lachance (Renaud): Écoutez, je suis certainement en faveur de la vérification d'optimisation des ressources. Je dirais même que je suis le champion, au Québec, producteur de vérifications d'optimisation des ressources. Il n'y a pas entreprise plus grande que la mienne pour faire de telles vérifications d'optimisation des ressources, d'où l'idée que, lorsqu'on parle de compétence, pour faire référence à ce qui a déjà été dit antérieurement, avec toute la vérification d'optimisation des ressources qui se fait dans mon organisation, nulle part il ne s'en fait autant au Québec. Donc, la compétence, elle est là, dans mon organisation, pour la faire, et je suis bien sûr heureux qu'il se fasse de la vérification d'optimisation des ressources à la caisse, tel qu'il est prévu à la loi.

Je rappelle par ailleurs qu'un vérificateur interne, comme je l'ai dit tout à l'heure, avec toute la rigueur et la compétence qu'il peut avoir, n'a pas l'indépendance du Vérificateur général vis-à-vis de la direction de la caisse, et c'est pour ça qu'il est nécessaire de trouver un rôle au Vérificateur général: pour rendre toute sa force à cette vérification d'optimisation des ressources qu'on veut faire à la caisse.

Le Président (M. Paquet): Merci. S'il n'y a pas d'autres questions... Alors donc, avant de vous remercier, effectivement je vais souligner, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que non seulement vous avez des diplômes de comptabilité, mais aussi des diplômes et des connaissances en économique, et il y aura peut-être d'autres occasions pour la commission de s'abreuver aux concepts d'asymétrie de l'information, de hasard moral. Et on peut parler de bien d'autres choses...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): ...et de fiscalité aussi, effectivement. Et, au nom de la Commission des finances publiques, donc je vous remercie, M. Lachance, Vérificateur général du Québec, et ainsi que Mme Paradis et M. Bédard, pour votre participation et votre présence ici, à la commission.

Je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

 

(Reprise à 17 h 41)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous entreprenons maintenant l'étude détaillée ou les étapes préparatoires à l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Nous sommes à l'étape des remarques préliminaires. Question de règlement? M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: M. le Président, oui, compte tenu de l'heure, en vertu de nos règles de fonctionnement, en vertu de l'article 165, je présenterais une motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Paquet): En vertu du règlement, il n'y a pas de motion de suspension qui sont prévues. Il y a une motion d'ajournement.

M. Lelièvre: Bien, d'ajournement, oui, on peut suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Paquet): Mais, si on fait une motion d'ajournement, il y a débat. Ou bien on passe au vote maintenant ou il y a débat de 10 minutes.

M. Lelièvre: Voilà.

Le Président (M. Paquet): Non, mais c'est l'ajournement, ce n'est pas la suspension.

M. Lelièvre: Voilà. Je n'ai pas mon règlement devant moi, là.

Le Président (M. Paquet): Le règlement ne permet pas de suspendre. C'est un ajournement à une autre journée, autrement dit par définition d'«ajournement». Il n'y a pas de motion de suspension de prévue au règlement. Donc, de consentement, vous offrez de suspendre à 20 heures?

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Il y a consentement?

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): S'il y a consentement, donc je suspends les travaux de la commission. De consentement, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

 

(Reprise à 20 h 14)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Avant de commencer, je rappelle à toutes les personnes présentes de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pour ne pas gêner nos travaux. La commission est réunie afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Remarques préliminaires

Nous en sommes maintenant à l'étape des remarques préliminaires. Alors, je reconnaîtrai M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Alors, j'aimerais indiquer qu'il n'est pas souvent que le Parlement soit saisi d'un projet de loi qui touche la caisse. C'est effectivement une loi qu'on ne modifie pas très souvent. Je pense que c'est dû à un grand respect que nous avons pour l'institution qu'est la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et le projet qui est devant nous, M. le Président, est le fruit d'une bonne réflexion qui a été faite avec la direction de la caisse, avec évidemment son président et des personnes qui ont oeuvré à la caisse et qui suggèrent, dans un but de moderniser, dans un but d'aider l'ensemble du personnel de la caisse, à améliorer l'ensemble de sa performance. Le projet de loi qui comporte à peu près 35 articles n'est pas très complexe. Il y a certaines mesures qui peuvent paraître un peu inhabituelles, puisqu'on fait un certain renouveau de ce qu'on appelle la gouvernance des sociétés d'État. La Caisse de dépôt, à l'instar de ce qui se fait, par exemple, au gouvernement fédéral, en Ontario et dans plusieurs pays, renforce ou désire renforcer son organisation.

La Caisse de dépôt est devenue, M. le Président, une institution considérable. Elle gère plus de 145 milliards de dollars d'actif. Elle est très présente dans l'économie, très présente dans les placements, très présente dans des investissements qui dépassent amplement les frontières du Québec. La Caisse de dépôt est partenaire avec des entreprises considérables à travers le globe et occupe, dans le monde financier, une place prépondérante. Sur le marché canadien, la caisse est probablement la première institution d'importance. En Amérique, elle se classe dans les 10, 15, 20 premières, et même, je dirais, sur la planète, c'est une des grandes institutions dans le domaine financier. J'ai pour la caisse un très, très grand respect, un grand mérite. Je dois dire que l'actuel président de la caisse, M. Rousseau, a certainement toute ma confiance, M. le Président. Et ma préoccupation, c'est de m'assurer que nous fassions le plus possible pour que la caisse exerce ses activités avec le maximum de performance, le maximum d'efficacité, tant pour rencontrer une saine gestion et un très bon retour sur le placement des fonds de pension des Québécois et des Québécoises, parce qu'essentiellement les fonds gérés par la Caisse de dépôt sont les fonds qui lui sont donnés par l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Il suffit de penser à la Régie des rentes du Québec, que tout le monde connaît, qui est gérée par la caisse, la CSST, le fonds de pension des fonctionnaires du gouvernement, etc., l'assurance... la Société, pardon, d'assurance automobile, pour ne mentionner qu'un autre grand déposant dont les fonds sont gérés par la caisse.

Donc, la Caisse de dépôt occupe, dans le monde financier, une place considérable tant au Québec qu'au Canada et joue un rôle majeur, joue un rôle majeur pour la bonne gestion des fonds de pension de tous les citoyens du Québec et citoyennes mais aussi comme un intervenant, un partenaire dans le monde financier, dans le monde économique et un partenaire aussi, je dirais, plus directement dans beaucoup d'entreprises au Québec.

Le projet de loi ne modifie pas, M. le Président, cette institution qui est, chez nous, un grand succès. J'ai eu l'occasion, dans une autre vie, de participer aux activités d'une entreprise bancaire et je peux vous dire que la Caisse de dépôt est considérée, au Canada, particulièrement dans le monde financier de Toronto, comme un concurrent majeur des grandes institutions financières au Canada et même en Amérique. Et je pense que c'est une grande fierté au Québec d'avoir la caisse.

n(20 h 20)n

Je me rappelle, M. le Président, lorsque j'ai gradué de l'Université d'Ottawa avec une maîtrise en fiscalité. J'ai commencé à pratiquer le droit fiscal dans les années soixante-dix-sept. Il y avait peu de grands développements au Québec, à ce moment-là, sauf peut-être les premiers pas de la Caisse de dépôt et de quelques entreprises du Québec qui, 30 ans plus tard, apparaissent aujourd'hui, parmi les grands fleurons de l'économie québécoise. Et je pense que tous les Québécois sont très, très fiers d'une institution comme la caisse, un peu semblable aussi à ce qu'on pense d'Hydro-Québec, mais, dans le domaine financier, c'est une force considérable qui s'est développée à un point tel que, pour tous ceux qui ont oeuvré à l'extérieur du Québec, comme par exemple, dans le milieu financier de Toronto, ils savent jusqu'à quel point, encore aujourd'hui et, je dirais, encore pour plusieurs années, nos amis et collègues des autres provinces craignent même la force de la Caisse de dépôt. Et je pense que le Québec s'est révélé sur la scène financière et économique, d'une façon brillante, avec la caisse.

Et le projet de loi aujourd'hui présenté a pour but de simplement renforcer quelque peu, à la demande de la caisse, sa structure surtout pour permettre à la caisse, dans l'organisation de son conseil d'administration, dans le choix de ses administrateurs, dans une distance raisonnable à avoir avec le gouvernement... Pour qu'elle soit pleinement autonome, pleinement responsable de ses choix, la caisse a suggéré plusieurs amendements, et, après étude, après examen, je suis très heureux de vous les présenter, M. le Président, pour que nous puissions les examiner, et les adopter, et renforcer cette loi qui permet à la Caisse de dépôt, comme une grande institution au Québec, de continuer son travail, de continuer son rayonnement, parce qu'il faut le voir, aujourd'hui, la Caisse de dépôt a des liens d'affaires avec plus d'une centaine de pays, a des partenariats avec un nombre considérable d'entreprises, et je pense qu'il est très important que nous soyons au soutien du développement de la caisse.

Un élément qui me semble très important, M. le Président, c'est le sens de responsabilisation que le projet de loi va installer encore plus à l'intérieur de la caisse. Effectivement, nous allons voir que l'ensemble du projet de loi se regroupe en trois secteurs différents. Le premier vise à permettre la nomination, par le gouvernement, d'un président de conseil d'administration qui va cumuler ses fonctions en parallèle avec un président-directeur général. Donc, nous instituons, dans la loi, une direction, une bidirection, et je pense que l'ampleur de la caisse justifie certainement que nous abordions cette question. Le président du conseil d'administration aura une fonction plus en lien avec l'actionnaire qui est le gouvernement du Québec et évidemment avec le fonctionnement du conseil d'administration. Et nous verrons tantôt, M. le Président, que nous prévoyons installer, par la loi, trois comités, dont un, le comité de vérification, fait l'objet de quelques réflexions de la part du Vérificateur que nous avons rencontré dans la séance précédente, cet après-midi, et sur les commentaires d'ailleurs du Vérificateur pour lesquels j'ai déjà indiqué, M. le Président, que j'étais favorable à introduire un amendement pour répondre davantage et me rapprocher du souhait qu'a formulé le Vérificateur général en ce qui concerne le travail qui le préoccupe relativement à ce projet de loi et à la caisse.

Je voudrais indiquer aussi qu'un élément important aussi et relativement nouveau est cette responsabilité qu'on veut installer également sur les membres, sur les personnes qui vont siéger à titre d'administrateurs au conseil d'administration. Cette notion que les membres appelés au conseil d'administration répondent à des critères d'indépendance, je pense que ça aussi, c'est relativement nouveau. On veut s'assurer que les personnes choisies pour siéger, être appelées à siéger au conseil d'administration répondent aux critères les plus pertinents relativement à la fonction normale de la caisse, qui est de gérer des fonds.

Si je prends un exemple, j'ai vu comment s'est transformé l'équivalent canadien, c'est-à-dire pensions Canada, que tout le monde connaît, dont la loi a été complètement réformée il y a quelques années et où on a installé cette notion de membres du conseil d'administration complètement indépendants, c'est-à-dire des gens qui n'ont aucun lien, ni de près ni de loin, dans leurs relations d'affaires avec la caisse ou avec le fonds canadien de pensions Canada et qui répondent totalement de leur indépendance dans le fond dans la prise de décision. C'est ça qui est important: c'est qu'on veut un conseil d'administration qui exerce ses attributs, ses pouvoirs, ses devoirs de la façon la plus transparente, la plus claire dans l'intérêt de la caisse. Et, on va le voir tantôt, M. le Président, sans doute que nous aurons à discuter d'un petit changement de libellé au niveau de l'article qui détermine la mission de la caisse.

Et là je suggère un éclaircissement à la mission de la caisse ? et ça me semble important de le dire, M. le Président, en quelques mots, et on aura l'occasion d'en débattre ? c'est qu'au-delà de la gouvernance il est important aussi qu'un conseil d'administration ait un mandat clair et, pour avoir un mandat clair, il faut que la mission de la caisse soit claire. Et la caisse souhaite avoir une clarification de sa mission à l'effet qu'elle soit et elle devienne d'abord et avant tout un gestionnaire et que sa première préoccupation soit de recevoir les argents, les dépôts, de bien les gérer, de bien les administrer pour optimiser le rendement bien sûr, parce que c'est le fonds de pension de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, mais en même temps aussi de participer au développement économique du Québec. Mais on verra que, contrairement à l'ancien libellé de la loi actuelle que nous voulons modifier, il est un peu plus clair, et je le dis sans détour, il est souhaité que la caisse ait maintenant un mandat vraiment d'agir d'abord et avant tout comme un grand gestionnaire le plus responsable possible, le plus transparent, mais tout en contribuant au développement économique du Québec. C'est-à-dire que la caisse contribue déjà beaucoup au développement économique; elle est partenaire de beaucoup d'entreprises, elle est coactionnaire dans beaucoup de choses, elle est acheteur et souscripteur de beaucoup de placements dans l'entreprise ou dans l'économie québécoise, et cela va continuer, mais elle doit avoir aussi une préoccupation d'assurer le rendement des placements qui lui viennent de la population.

80 ou 90 % des argents collectés à chaque année viennent des prélèvements faits auprès des contribuables du Québec, que ce soit pour la CSST, que ce soit pour la Régie des rentes, etc., de sorte que je crois qu'il faut être clair sur le mandat à cet égard que la caisse doit assumer. Et la caisse, la direction de la caisse, l'actuel président a été très déterminé à me faire valoir, M. le Président, que, dans le mandat de la caisse, il était important que la caisse sente que son mandat soit clair comme gestionnaire, mais tout en contribuant au développement économique du Québec, de sorte que le conseil d'administration dont j'ai parlé tantôt, par le choix de ses membres, puisse bien comprendre la mission et la défendre parce que le rôle des membres du conseil d'administration est bien sûr de complètement épouser, et se dédier au mandat de la caisse, et d'en assumer la grande réussite.

Un élément aussi important, M. le Président, c'est la question de la transparence. On a beaucoup ajouté des mesures dans le projet de loi, pour assurer un fonctionnement le plus clair possible qui permet à l'ensemble de la direction de la caisse d'avoir une information la plus pertinente possible pour que, lorsqu'elle produit son rapport annuel qui est déposé à l'Assemblée nationale, on puisse, tous les parlementaires, tous les députés, le rôle de l'Assemblée nationale puisse être satisfait à cet égard, de sorte que c'est important que la caisse elle-même soit en mesure, dans l'opération quotidienne, dans l'ensemble de ses transactions, d'avoir le maximum d'informations et de rendre compte sur les résultats, même s'il peut arriver quelquefois que les résultats soient moins bons que prévu. On connaît les enjeux que visent... enfin, qui peuvent limiter la performance de la caisse.

n(20 h 30)n

La caisse agit comme un gestionnaire qui place de l'argent, et on sait très bien qu'il est impossible à l'avance de connaître tous les facteurs de risque qui peuvent, en fin d'année, provoquer soit une hausse, soit une baisse de la performance économique ou financière d'un placement. Ce qui est important, c'est qu'on soit sûr que tous les mécanismes que peut utiliser la caisse soient bien organisés par la caisse pour faire que, lorsqu'elle débute son année, elle soit en mesure... Et on verra qu'une nouveauté, M. le Président, est ce recours à une politique de placement que la caisse pourra discuter et convenir, avec chacun des déposants, justement pour responsabiliser davantage, la façon avec laquelle les déposants remettent et attendent de la caisse l'exécution d'un mandat, c'est-à-dire de faire fructifier les dépôts de la meilleure façon possible. Et c'est, bien entendu, comme tout gestionnaire, de s'assurer que, sur les investissements qu'on fait pour autrui, de faire le meilleur placement possible et en même temps de rendre compte, de la meilleure façon possible, au cours de l'année ou à la fin de l'année, des meilleurs résultats.

On a pu constater par le passé que les déposants ont exprimé quelquefois des lacunes à avoir l'information qui leur permettait, même comme déposants, d'avoir de façon satisfaisante l'information, en cours d'année ou en fin d'année, sur la façon avec laquelle la caisse a pu quelquefois exécuter son mandat, donc on a prévu des mesures dans le projet de loi, pour essayer de renforcer cette façon de faire, M. le Président. Et je pense que le projet de loi, dans l'ensemble, il a quand même été le fruit, je dois le dire, d'à peu près 10 mois de consultation, de travail, de réflexion. J'ai participé personnellement à plusieurs rencontres, M. le Président, avec des gestionnaires d'autres grandes sociétés qui ont fait valoir leur opinion sur la façon de revoir la Loi de la Caisse, que ce soient les grands fonds de gestion au Canada ou même aux États-Unis, et je crois vous dire, M. le Président, je crois être en mesure de vous dire que le projet de loi élève l'organisation de la caisse à certainement ce qu'on peut comparer ailleurs présentement, en Amérique, parmi les meilleures sociétés comparables, avec lesquelles bien sûr on peut juger de l'ampleur des fonds administrés par une institution comme la caisse.

Je pense qu'on peut voir qu'au travers de tout ce qui s'organise actuellement, que ce soit à New York, que ce soit à Toronto, que ce soit même en Europe, dans les grandes sociétés financières, je suis en mesure de vous dire, M. le Président, que ce que nous suggérons ici, dans le projet de loi, est certainement comparable et même à certains égards mieux que ce qui se fait ailleurs. Alors, c'est avec une certaine fierté que je suggère aux collègues d'étudier ce projet de loi et, si c'est possible, de l'adopter à la fin de cette session, à la fin décembre, puisque je pense que c'est un bon projet qui va aider la caisse à continuer à atteindre sa performance. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. On aborde effectivement ici, en commission, l'étude d'un projet de loi très important. J'entendais tantôt le ministre des Finances nous dire: C'est rare qu'on touche à la Loi de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Effectivement, c'est rare, et évidemment les changements qui sont proposés ici sont majeurs ? majeurs. Et, je vous dirais, M. le Président, que je suis surpris, très surpris qu'on n'ait pas de commission où on reçoit des groupes ou des individus pour venir discuter avec nous des changements majeurs qui sont proposés à la Caisse de dépôt et de placement du Québec, qui est un organisme, là, central; on parle d'un organisme qui a 140 milliards d'actif sous gestion.

M. le Président, pourtant le nouveau gouvernement libéral, je suis certain, n'a pas sorti ce projet de loi à la dernière minute. On a vu, à l'automne 2003, donc il y a un an, les rumeurs commençaient à circuler. Et, pour avoir quelques amis qui sont autour, je peux vous dire qu'il y a eu des bonnes discussions, entre autres, sur la mission de la Caisse de dépôt et il y avait des désaccords. Il y a des partisans dans les deux camps, et il y a un camp qui a gagné. Le camp qui a gagné, c'est le camp qui ne met pas comme une priorité le développement économique du Québec. Et, pour présenter le tout d'une façon en tout cas que je ne qualifierai pas, on a sorti l'écriture, là, d'un drôle d'article où on dit: La caisse aura d'abord comme priorité le rendement donc en subordonnant toute la partie développement économique. Et, M. le Président, je ne comprends pas qu'on fasse ces changements majeurs sans faire une consultation. Je n'en reviens pas, là, qu'on touche à quelque chose d'aussi fondamental. Et je sais comment c'est important pour le ministre des Finances de protéger les intérêts du Québec.

Or, ici on parle de protéger l'outil le plus important pour le développement économique du Québec et on vient lui enlever essentiellement sa mission de développement économique du Québec sans consulter, sans consulter, M. le Président, alors qu'en réponse à une question, le 25 novembre 2003 ? donc, aujourd'hui, on est le 7 décembre 2004 ? donc il y a plus d'un an, le ministre des Finances, à l'Assemblée nationale, ici donc, en Chambre, au salon bleu, avait dit au moment où j'avais demandé: Est-ce qu'on va déposer bientôt, est-ce que c'est vrai qu'il y a un projet de loi qui s'en vient sur la Caisse de dépôt, pour retirer la mission de développement économique du Québec qu'il y a à la Caisse de dépôt?, sa réponse, et je le cite, il avait dit: «Oui. Merci, M. le Président. J'ai ouvert une réflexion sur l'avenir de la Caisse de dépôt. Nous avons l'intention de déposer un projet de loi après Noël ? après Noël; là, on parle plutôt d'avant Noël 2004, là; ici, on parlait d'après Noël 2003; en vue... je continue la citation ? en vue d'une adoption à la session du printemps», printemps 2004. Donc, il visait à déposer ça au printemps 2004. Et écoutez bien les mots, M. le Président, très importants: «Nous ferons une consultation.»

Le ministre des Finances a dit: Nous ferons une consultation, et il parlait de déposer ça après Noël 2003. On est juste avant Noël 2004, et il nous arrive à la dernière minute, avec un projet de loi, et il n'y a pas de consultation de prévue ? pas de consultation de prévue. Et il nous disait: «Nous sommes à discuter présentement avec la direction de la Caisse de dépôt...» M. le Président, c'est incroyable ? incroyable. Une institution comme la Caisse de dépôt, qui existe depuis 1965, qui va fêter, l'année prochaine, ses 40 ans, le ministre des Finances, sur le coin de la table, à quelques semaines de Noël, nous dit: On change la mission de la caisse, pas de consultation, puis étouffez-vous avec ça. Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Et je faisais sortir la transcription des débats, hein? Vous savez, à ce moment-là, ce n'était pas aussi sophistiqué qu'aujourd'hui. Et d'ailleurs je trouvais ça impressionnant de revoir, là ? je suis aux débats du 9 juin 1965, et puis on voit dans les pages précédentes: M. Johnson, M. René Lévesque, M. Laporte, M. Dozois. C'est quand même spécial de voir ça, mais là c'est important, ce qui avait été dit par le premier ministre de l'époque et, je rappelle, un premier ministre libéral, Parti libéral du Québec. Gardez ça en tête pour écouter la suite des choses.

Donc, M. Lesage disait: «La Caisse de dépôt et placement est appelée à devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant que l'on ait eu jusqu'ici au Québec.» Il ne se trompait pas. C'est encore plus vrai aujourd'hui; 140 milliards d'actif, il n'y a rien de comparable.

n(20 h 40)n

Et il disait plus loin: «...les intérêts de la population sont multiples. Il faut indiscutablement assurer aux dépôts la sécurité que l'on est en droit d'attendre d'un organisme convenablement géré.» Mais il ajoutait ? écoutez bien ça, c'est Jean Lesage qui parle: «Des fonds aussi considérables doivent être canalisés dans le sens du développement accéléré des secteurs publics et privés, de façon à ce que les objectifs économiques et sociaux du Québec puissent être atteints rapidement et avec la plus grande efficacité possible.» Donc, il disait clairement: La Caisse de dépôt doit servir au développement économique du Québec, il disait: «En somme, la caisse ne doit pas seulement être envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres, mais comme un instrument de croissance, un levier plus puissant que tous ceux qu'on a eus dans cette province jusqu'à maintenant.»

Donc, il disait, M. le Président, exactement le contraire de ce que le ministre des Finances est en train de nous dire. Le ministre des Finances nous dit finalement que la Caisse de dépôt doit devenir un gestionnaire comme les autres, donc il se plie à la demande qui est faite par certains intervenants un peu plus à droite qui souhaitent depuis longtemps qu'on prenne la Caisse de dépôt, qu'on la fractionne en quatre, cinq, quatre, cinq petites caisses qui deviendraient quatre, cinq fonds Teachers', ou OMERS, ou peu importe, qui ont la responsabilité de faire les meilleurs rendements possible dans le prochain trimestre. Dans le prochain trimestre, M. le Président, et c'est là où j'ai une difficulté parce que M. Lesage, toujours dans son discours, lorsqu'il a créé la Caisse de dépôt, disait: «Elle doit pouvoir satisfaire à la fois à des critères de rentabilité convenable et rendre disponibles ces fonds pour le développement à long terme du Québec.» M. le Président, dans le projet de loi n° 78 qui est déposé par le ministre des Finances, aucune référence au long terme. On adopte la même approche que les fonds de pension privés: le meilleur rendement possible dans le prochain trimestre, le meilleur rendement possible à court terme.

Ça, ça veut dire: demain matin, il y a un Allemand, il y a un Brésilien, il y a un Américain qui décide de venir faire une offre pour acheter le contrôle de Bombardier, bien, si c'est payant, on vend Bombardier. C'est ça que le ministre des Finances vient nous dire avec son projet de loi: on ne se soucie plus du développement à long terme, du développement économique du Québec à long terme, maintenant tout ce qui compte, c'est que, dans le prochain trimestre, la Caisse de dépôt ait le meilleur rendement possible, qu'elle batte les indices, qu'elle batte OMERS, qu'elle batte Teachers', qu'elle batte Fidelity Trust de Boston, qu'elle batte les compagnies privées qui n'ont pas la même mission, en tout cas jusqu'à présent, que la Caisse de dépôt. Et, M. le Président, je reviens à ce que disait M. Lesage, il disait: «...la caisse n'est pas appelée à se substituer à l'État [cependant]. La caisse pourra[...], dans certains cas, servir à [...] mieux assurer l'orientation des politiques [économiques du gouvernement].» Oubliez ça ? oubliez ça; le ministre des Finances, il dit: Le fonctionnaire qui était du ministère des Finances, sur le conseil d'administration, il s'en va chez eux, il n'est plus sur le conseil d'administration, maintenant on nomme tous des gens d'affaires qui donnent à la caisse du Parti libéral du Québec. Ça, ce n'est pas écrit, ce n'est pas écrit, mais, quand on regarde les nominations qui ont été faites au cours de la dernière année, on peut s'attendre à ce que ce soit encore ça.

Donc, on enlève les fonctionnaires, on enlève le président de la Régie des rentes, on enlève les présidents de syndicats, on enlève le président du Mouvement Desjardins. Maintenant, tout ce qui compte, c'est le rendement dans le prochain trimestre. Donc, M. le Président, c'est très, très, très inquiétant. Et il faut comprendre le contexte. Il faut comprendre le contexte. Moi, je pense que j'essaye, là, quand même, là, de suivre le ministre des Finances, qui subit des pressions parce que, c'est vrai, il y a eu des turbulences au cours des dernières années, à la Caisse de dépôt. Il y a eu des turbulences, il y a eu des acquisitions qui ont été difficiles.

Moi, je le dis: il y a eu des acquisitions qui ont été difficiles. En particulier dans tout ce qui s'appelle communication et haute technologie, la Caisse de dépôt était surpondérée. Je me souviens d'années où on était content que la caisse soit surpondérée dans ces secteurs, parce qu'on faisait des meilleurs rendements à la caisse que le marché. Mais, quand toute la bulle des hautes technologies s'est effondrée, bien ces placements-là se sont effondrés, puis entre autres l'achat d'un placement important, on s'en souviendra tous, dans Vidéotron, en plein dans le haut. Puis ensuite, bien, écoutez, on sait ce qui est arrivé, mais c'est dans ce contexte-là que, pour faire plaisir un peu à ceux qui mettent la pression, bien on dit: On oublie la mission de développement économique.

Mais, quand le ministre des Finances oublie la mission de développement économique du Québec, il oublie en même temps que c'est la Caisse de dépôt qui a aidé à mettre sur la map, comme on dit, des compagnies comme CGI, des compagnies comme Domtar, des compagnies comme RONA, des compagnies comme Cascades. Et je pourrais en nommer une liste, là. Il y a plusieurs des compagnies qui font partie de ce qu'on appelle Québec inc. qui ont été soutenues, dans leur développement, par la Caisse de dépôt pour une raison très simple, M. le Président: on n'a pas, au Québec, 10 familles qui sont capables d'écrire un chèque de 100 millions. On n'est pas les États-Unis ? on n'est pas les États-Unis ? M. le Président. On a encore beaucoup de chemin à rattraper.

Rappelons-nous: il y a 40 ans, le Québec, c'était un Québec d'agriculture, un Québec de professions libérales, un Québec où on s'assurait, dans notre famille, d'avoir un prêtre, un Québec où, le monde des affaires, on n'y touchait pas. Or, on a fait tout un rattrapage, entre autres, grâce à la Caisse de dépôt, mais, M. le Président, de penser qu'aujourd'hui on peut balancer la mission de développement économique du Québec et dire: La Caisse de dépôt va se concentrer seulement à être un fonds de pension comme les autres, je pense que c'est une grave, grave, grave erreur que fait le ministre des Finances. Il cède à la pression. Mais, M. le Président, je pense que l'approche que prend le ministre des Finances, c'est l'approche de dire: On va faire comme les Américains, sauf qu'on n'est pas les Américains, on n'est pas comme les Américains, on n'a pas les richesses, les fortunes personnelles qui existent aux États-Unis.

Et, M. le Président, je dirais que tous les pays industrialisés, sauf les États-Unis, ont l'équivalent d'une Caisse de dépôt avec une mission de développement économique. Moi-même, M. le Président, lorsque j'étais ? les gens le savent ? dans mon ancienne vie, chez Transat, j'ai essayé d'acheter un grossiste en voyages en Allemagne; on s'est butés sur une institution financière qui avait un bloc de contrôle qui n'était par hasard pas à vendre, peu importe le prix. On a essayé d'acheter des grossistes en voyages en Angleterre; on s'est butés sur une institution financière qui par hasard avait un bloc de contrôle qui n'était pas à vendre, peu importe le prix.

Tous les pays industrialisés, entre autres en Europe, ont l'équivalent d'une caisse de dépôt qui a une mission de développement économique, et ils protègent leurs sièges sociaux, ils protègent leurs centres de décision parce que c'est démontré, M. le Président, que c'est autour des centres de décision que se développent, en pourcentage ? pas tout le temps, mais, en pourcentage, le plus souvent ? les nouveaux produits, les nouvelles usines. C'est autour de ces sièges sociaux, M. le Président, aussi que se donnent les contrats aux fournisseurs, que s'embauchent les avocats, que s'embauchent les courtiers en valeurs mobilières, que s'embauche la firme de comptabilité ou de vérification. C'est autour des sièges sociaux que se créent des emplois indirects. Et là le ministre des Finances est en train de mettre la table ? je vous le dis, là, puis j'espère qu'il en est conscient ? il est en train de mettre la table pour que, dans 10 ans, on revienne là où on était il y a 30 ans ou 40 ans, c'est-à-dire avec seulement des filiales, au Québec, de compagnies américaines et d'ailleurs et qu'on perde tous nos sièges sociaux.

Je vous le dis, là, c'est une inquiétude réelle qu'on doit avoir. Que ce soit Bombardier, que ce soit SNC-Lavalin, que ce soit un paquet d'entreprises, prenez toutes les papetières actuellement, il y a un risque réel que, si la Caisse de dépôt n'est pas là pour protéger le développement économique à long terme, on perde ces sièges sociaux et éventuellement qu'on fasse très mal à notre économie.

n(20 h 50)n

C'est certain que le nouveau président de la caisse, il va être content pendant quelques années, parce que, quand il va liquider ses placements, il va faire des gros rendements puis il va se dire: Aïe, avez-vous vu le rendement de la Caisse de dépôt cette année? Puis le ministre aussi, je suis certain, le ministre va se lever en Chambre puis il va dire: Avez-vous vu le rendement de la Caisse de dépôt cette année?, sauf que c'est une courte vue, une courte vue. On va sacrifier le long terme pour bien paraître à court terme. Or, ce n'est pas ça qu'il faut faire, ce n'est pas comme ça qu'on fait du développement économique, ce n'est pas comme ça qu'on bâtit le Québec de demain pour nos enfants.

Donc, de ce côté-là, M. le Président, je suis très, très, très inquiet, parce que c'est vrai que le Québec a beaucoup d'outils de développement économique: il y a des crédits d'impôt, il y a Investissement Québec, il y a la SGF, il y a plein d'outils, mais il n'y a pas un outil qui arrive à la cheville d'un organisme qui a 140 milliards d'actif. Il n'y en a pas un qui arrive à la cheville d'un tel outil. Or, cet outil-là, on dit: On s'en débarrasse, ça va maintenant être un fond de pension comme les autres, et la mission de développement économique va être subordonnée à la mission de rendement. Je n'en reviens pas. Et tout ça, on veut faire ça sans aucune consultation, sans aucune consultation. On est le 7 décembre. On a déposé ce projet-là il y a quelques jours et là on veut passer ça très vite, avant Noël, pour ne pas que personne voit ça passer. Et je suis certain que le ministre des Finances va le regretter et que, dans cinq ans, dans 10 ans, on dira: C'est le ministre des Finances ? puis je ne peux pas nommer son nom ? mais qui a passé ce projet de loi qui nous a fait perdre x sièges sociaux au Québec. Je ne comprends pas.

Je ne comprends pas, M. le Président. Donc, évidemment, là, qu'on va se battre pour maintenir la mission qui avait été mise en place par Jean Lesage, premier ministre libéral, qui avait été poursuivie par tous les présidents qui se sont succédé à la Caisse de dépôt. Puis je ne parle pas juste des Jean Campeau puis des Jean-Claude Scraire, je parle des Guy Savard puis de tous ceux qui sont passés. Libéraux, péquistes, ils ont tous suivi la mission de développement économique. Donc, on va se battre pour cette partie-là.

Maintenant, on fait des changements aussi au niveau des règles de gouvernance. Bon. Il y a certaines choses qui étaient souhaitables. Je pense, entre autres, de diviser le poste de président du conseil d'avec le poste de président; on crée des comités. Par contre, là où encore là j'ai un gros problème, c'est qu'on dit: À partir de maintenant, toutes les nominations vont toutes être des administrateurs qui viennent là une fois par mois. M. le Président, avant d'entrer en politique en 1998, je siégeais sur huit conseils d'administration, incluant des compagnies comme Provigo, Culinar, Sico, en tout cas différentes compagnies. Je sais très bien, M. le Président, que, quand on se présente à une réunion du conseil d'administration une fois par mois, on ne peut pas être aussi bien outillé que ceux qui travaillent à temps plein, dans l'entreprise. On ne peut pas être aussi bien outillé qu'un sous-ministre aux Finances qui, à temps plein, peut préparer sa réunion de la Caisse de dépôt parce que c'est son métier.

Donc, M. le Président, là on me dit que, malheureusement, je n'ai plus de temps. On va avoir sûrement l'occasion d'y revenir. Mais il y a des gros problèmes avec le projet de loi qui est déposé par le ministre des Finances. Je pense que c'est un manque de vision pour le développement économique du Québec. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Rousseau. Je reconnaîtrai donc M. le député de Charlevoix.

M. Rosaire Bertrand

M. Bertrand: Merci, M. le Président. J'interviens dans nos remarques du début du projet. J'interviens et je vais aller sûrement en très grande partie dans le même sens que mon collègue de Rousseau. Ça fait drôle quand on lit ce qu'il y a 40, 45 ans des gens avant nous, ici même, dans ce Parlement, ont présenté, préparé et créé et qui, il faut l'admettre avec même beaucoup de plaisir, ont créé une institution qui a été un succès et qui est encore un succès.

Le projet de loi qu'on a devant nous, aujourd'hui, vise à modifier la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec afin notamment de préciser les objectifs que la caisse doit poursuivre dans la réalisation de sa mission. Et évidemment on donne deux, trois autres choses, mais on dit bien: «afin de préciser les objectifs que la caisse doit poursuivre dans la réalisation de sa mission». On s'entend tous pour dire que la caisse a été un succès. On s'entend tous pour dire que cette institution a rendu d'énormes services au Québec. Et qu'on veuille améliorer davantage, qu'on juge, à ce moment-ci, qu'on doive apporter certaines modifications à la loi actuelle, je pense qu'on ne peut absolument être contre ça.

Ce qui est assez surprenant, par exemple, et comme mon collègue de Rousseau le disait, c'est clair que la caisse, comme n'importe quelle institution, n'importe quel organisme puis, j'oserais dire, même comme n'importe qui de chacune et chacun d'entre nous, dans la vie, on a des hauts et des bas. Alors, la caisse a connu ses hauts et ses bas. Elle a connu ses succès, elle a connu quelques échecs. Et qu'on veuille davantage la mettre à l'abri de certaines choses, qu'on veuille davantage, en fonction de 2005, lui donner un nouvel élan, je pense qu'il n'y a personne d'entre nous qui est contre ça, mais qu'on enlève, à l'intérieur de sa mission, qu'on enlève l'élément qui selon moi aussi est un élément majeur, celle du développement économique, m'apparaît inacceptable, m'apparaît tellement inacceptable que, pour connaître la façon de penser du ministre, j'ai peine à croire que... Pour moi, il a subi pas mal de pressions, des pressions très fortes pour en arriver à accepter d'enlever cet objectif-là, parce que le ministre est une personne de développement. Il a ça dans ses tripes depuis que je le connais. Et là, tout à coup, que, cette institution-là, on veuille en faire ni plus ni moins qu'une banque basée uniquement sur des rendements, ça m'apparaît, moi, en tout cas difficile à comprendre.

Je disais, tout à l'heure, que ça fait drôle quand on lit. Et, pour l'information, pour notre information à nous autres, je vais répéter certaines choses que mon collègue a dites pour l'information des gens qui nous écoutent, parce que les gens se demandent toujours: Quand vous faites vos remarques préliminaires, vous établissez pas mal la position que vous allez prendre sur un projet de loi. Quand on a un peu d'expérience... Je parle des gens, là, qui nous écoutent et qui regardent, disent: Quand on a un peu d'expérience, bien on peut voir si vous êtes favorables au projet ou non et vers où vous allez. Alors, les gens évidemment, là, doivent déjà voir que le ministre a présenté son projet, pourquoi il faisait les amendements. Et il a pris soin de dire que c'est un projet qui n'avait pas beaucoup d'articles. Effectivement, ce n'est pas un projet qui est très, très volumineux en nombre d'articles, mais, dans ce projet de loi, ça n'en prend pas beaucoup pour avoir une influence extrêmement importante sur les conséquences d'un projet de loi.

Exemples, il m'en vient deux à l'idée, puis je pense que c'est les deux majeurs: d'enlever à la caisse un élément de sa mission, celui du développement économique; et de modifier de façon fondamentale la composition du conseil d'administration quand on veut, surtout dans cet élément-là du conseil d'administration, quand on veut davantage protéger la caisse à l'avenir de hauts et de bas trop forts, qu'elle soit à l'abri le plus possible des intempéries ? pour ne pas aller plus dans les détails ? bien, moi, je pense qu'au contraire cet élément-là du changement sur le conseil d'administration, sur la forme, m'apparaît tout au moins dangereux. Alors, quand on regarde tout ça, les gens qui nous regardent puis nous écoutent doivent dire: Bon, bien, là, est-ce qu'ils s'en vont carrément contre le projet? On n'est pas contre les modifications à apporter à une loi qui existe depuis 1965, mais il y a des éléments à ce moment-ci. Le ministre a dit, dans ses commentaires du début, qu'il apportait des amendements. Alors, nous, on doit parler, à ce moment-ci, sans connaître les amendements.

n(21 heures)n

Je serai personnellement le député le plus heureux si je constate que, dans les amendements qu'il va déposer ? je ne sais pas à quel moment, mais qu'il va déposer... Je serai le député le plus heureux si je constate qu'après avoir entendu certaines remarques, après avoir discuté avec certaines personnes, il revient à, entre autres, la question du développement économique à rajouter dans la mission, à garder dans la mission et qu'il accepte de modifier sa façon de voir sur la composition du conseil d'administration. Bien, si ça arrive, ça nous permettra peut-être d'avancer plus dans le projet de loi.

Donc, je disais qu'il m'apparaît important que les gens qui nous écoutent d'une part, parce que c'est pour eux, ces gens-là, qu'on travaille... La Caisse de dépôt, c'est pour les citoyens et citoyennes du Québec qu'elle est là. Et, quand je lisais la déclaration de Jean Lesage, en 1965 ? et je vais prendre quelques minutes pour lire des passages ? les gens à la maison dans certains cas qui ont probablement les cheveux comme moi, un petit peu gris, là, dans certains cas, ça va rappeler des souvenirs, parce qu'en 1960, quand est arrivé Jean Lesage au Québec, rappelons-nous que ça a été une révolution positive. Rappelons-nous que c'était un homme très, très respecté et qui a changé les choses rapidement. Donc, quand on parle de Jean Lesage... Et, pour nos collègues du Parti libéral, je suis persuadé qu'il y en a pour qui ça fait un petit quelque chose en dedans, quand on parle d'un homme qui s'est fait valoir autant au Québec. Alors, pour les gens qui nous regardent, je suis persuadé qu'il y en a à qui ça va rappeler d'excellents souvenirs. Mais mon objectif, ce soir, n'est pas que ça rappelle des mauvais ou des bons souvenirs, c'est que les gens qui nous écoutent, qui nous regardent... Et encore, pour nous ici, à l'entour de la table où on discute, en commission parlementaire, on a le droit de réfléchir, on a le droit d'échanger avec le ministre pour les collègues du parti gouvernemental.

Nous, on exprime plus publiquement nos objections, nos recommandations, mais, pour avoir été dans un gouvernement, je sais très bien que les collègues de l'autre côté peuvent influencer leur ministre, et surtout encore une fois que je connais très bien le ministre comme une personne qui écoute et qui est capable d'apporter des changements, qui est capable de modifier certaines des décisions qu'il a prises quand on peut le justifier. Alors, c'est dans cet esprit-là, M. le Président, que j'interviens et que je prends tout le temps voulu pour rappeler certaines choses.

Mercredi, le 9 juin 1965, c'est cette journée-là que Jean Lesage présente ici même, au Parlement, son projet. Et voici quelques éléments qu'il déclare: «La Caisse de dépôt...» Et vous allez retrouver là-dedans plusieurs éléments que le député de Rousseau a soulignés, mais vous allez trouver aussi plusieurs éléments que le ministre a soulignés quand il a parlé de la création de la Caisse de dépôt, quand il a parlé des succès, quand il a parlé de la vision qu'il y avait au début, quand la Caisse de dépôt a été créée. Vous allez retrouver ça. Alors, moi, je pense que, oui, on peut modifier des choses, moderniser des choses, mais, quand quelque chose va bien, quand la raison de la créer était là et est toujours là, quand les raisons fondamentales étaient là, j'ai beaucoup, beaucoup de peine à croire qu'on peut balayer ça du revers de la main. Alors, M. Lesage disait: «La Caisse de dépôt et de placement est appelée à devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant que l'on ait eu jusqu'ici au Québec.»

En 1960, je vous le rappelle, Jean Lesage est allé très, très fort et a apporté, quand il est arrivé au Québec, beaucoup d'éléments très, très dynamiques. Qui pouvait penser qu'à ce moment-là cet homme-là avait cette vision? «M. le Président, vous remarquerez que les pages distribuent un document.» À cette époque-là, ça existait encore. Et il expliquait pourquoi: «Alors, la Caisse de dépôt et de placement est appelée à devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant que l'on ait eu jusqu'ici au Québec ? c'est M. Lesage qui répète. Alimentée initialement par les dépôts de la Régie des rentes, la caisse doit atteindre un actif de 2,6 milliards de dollars en 1976 et de plus de 4 milliards de dollars d'ici 20 ans.» Et, aujourd'hui, on est à 145 milliards; elle n'a certainement pas fait uniquement... Vous savez, dans la vie, on appelle ça une dent de scie, hein: une journée ça va bien, le lendemain ça va mal. C'est vrai pour les institutions, c'est vrai pour les êtres humains. Alors, je pense qu'il y a eu beaucoup plus de journées où ça allait bien puis d'années que l'inverse.

«Advenant le dépôt d'autres fonds ? et je reviendrai là-dessus[...] ? la caisse progresserait plus rapidement encore. En somme, une partie considérable de l'épargne des habitants du Québec...» Aïe, si on osait appeler, aujourd'hui, les Québécoises et les Québécois de cette expression-là, «les habitants du Québec», je pense qu'on aurait beaucoup de commentaires négatifs. Ça fait assez drôle. Alors: «Dans ces conditions, celui-ci se doit d'être orienté de façon à servir le plus efficacement possible les intérêts de ceux qui sont appelés à y déposer une fraction de leur revenu.»

Quand on regarde tout ça, et il y a un paragraphe qui m'a frappé. Puis le député, tout à l'heure, le disait, de Rousseau: «En somme, la caisse ne doit pas seulement être envisagée comme un fonds de placement ? c'est quoi qu'on se prépare à faire, là? ? [...], mais comme un instrument de croissance, un levier plus puissant que tous ceux qu'on a eus dans cette province jusqu'à maintenant ? on est en 1965. Encore ne faut-il pas tout de même entretenir d'illusions sur l'usage qui doit être fait [à] la caisse ? bien sûr. En particulier, et j'insiste là-dessus, on aurait tort de croire que cet instrument doit servir à financer dans n'importe quelle condition des projets économiques ou sociaux, si essentiels soient-ils. La caisse n'est pas destinée à subventionner le gouvernement, les municipalités ou les commissions scolaires ou les entreprises. Il ne peut être question, comme on a semblé le croire dans certains milieux, qu'on prodigue des prêts à des taux d'intérêts très bas ? M. Lesage pensait quand même très, très loin à cette époque-là. Elle doit pouvoir satisfaire à la fois des critères de rentabilité convenable ? bien sûr, on est tous d'accord avec ça ? et rendre disponibles ses fonds pour le développement à long terme du Québec.» Tiens, tiens, tiens, elle doit «rendre disponibles ses fonds pour le développement à long terme du Québec». C'est ça, nous, qu'on pense, là, qu'on est en train de vouloir enlever.

«Et de tels objectifs ne sont pas incompatibles à condition que l'on sache associer une prudence élémentaire à des objectifs économiques et financiers précis.» Moi, je crois bien deviner que ce qui est arrivé dans les dernières années a amené les dirigeants du gouvernement à essayer d'exercer une prudence élémentaire, mais c'est la méthode, là, qui devient discutable. «Dans ce sens, la caisse n'est appelée à se substituer à l'État dans aucune de ses fonctions. Elle doit plutôt orienter les ressources investissables dont le Québec a besoin pour que puissent se réaliser à la fois la politique gouvernementale et celle du secteur privé.» C'est assez incroyable de lire ce que déjà M. Lesage disait en 1965. Est-ce qu'on doit rappeler encore une fois que M. Lesage était premier ministre du Parti libéral, gouvernement à cette époque-là? «La décentralisation industrielle, l'aide à certaines activités et au développement de certaines entreprises, les subventions aux autorités locales continueront de relever de l'État lui-même. La Caisse de dépôt pourra peut-être, dans certains cas, servir cependant à mieux assurer l'orientation de telles politiques.» Est-ce que la caisse, depuis 1960, a bien fait ce travail-là? Moi, je suis obligé de dire que je pense qu'elle l'a très bien fait.

Maintenant, on parle de l'administration, et déjà M. Lesage voyait comment la caisse serait administrée. Puis j'ai beaucoup de peine à croire, même en 2005, que ce qu'il disait à cette époque-là n'ait pas la valeur la même aujourd'hui. Il disait: «Le projet de loi prévoit en outre la nomination de trois fonctionnaires sans droit de vote. Il s'agit des représentants de trois organismes dont une fonction essentielle est d'emprunter ou de contrôler des emprunts. On leur retranche le droit de vote pour éviter que les intérêts des organismes qu'ils représentent ne portent la caisse à consentir aux dits organismes des conditions qui seraient anormalement favorables.»

n(21 h 10)n

M. le Président, Jean Lesage, qui présentait la loi à cette époque-là, avait une vision d'avenir absolument incroyable. Et, moi, ce que je voudrais ? et je termine mes remarques, M. le Président, là-dessus ? j'espère que d'ici là, soit la fin de la soirée ou dans les heures qui vont suivre, que, tous, on va être capables de réfléchir et de convaincre le ministre ? moi, en autant que je suis concerné ? sur deux éléments majeurs de ce projet de loi, c'est-à-dire laisser à la Caisse de dépôt les deux missions fondamentales qui sont les siennes d'aujourd'hui et ne surtout pas enlever la mission du développement économique. Et, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'on regarde une composition un peu différente du conseil d'administration, mais, si on veut vraiment garder à la Caisse de dépôt ou même la rendre encore plus sécuritaire, s'assurer que la création ou la façon dont on va faire le conseil d'administration atteigne vraiment l'objectif qui est visé par le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. D'autres remarques préliminaires? M. le député de Saint-Maurice.

M. Claude Pinard

M. Pinard: Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, aujourd'hui, je m'en venais travailler ici, à la Commission des finances publiques, avec un peu d'appréhension, mais en même temps très honoré de venir participer à cette discussion sur la Caisse de dépôt et placement du Québec mais également parce que j'avais le privilège de rencontrer le Vérificateur général du Québec, personnage excessivement important dans notre système politique.

Et, je vous avoue franchement, M. le Président, comme vous le savez, j'oeuvre depuis 10 ans, en ce Parlement, et j'ai eu l'occasion de travailler mais davantage au niveau de la Commission de l'aménagement du territoire ou encore de la Commission des transports et environnement, probablement dû à mon expérience passée au niveau de la mairie, peut-être au niveau de ma formation, ma formation également, notaire de profession pendant 20 ans. Mais, M. le Président, je pense qu'après avoir travaillé, là, depuis le mois d'août, sur des projets de loi de la Société de l'assurance automobile du Québec, les lois sur l'environnement, pollueurs-payeurs, après avoir travaillé également sur la question des défusions municipales, je pense, M. le Président, qu'aujourd'hui je travaille dans une commission qui vit un moment historique, qui vit un moment historique, M. le Président. Et là vous allez comprendre, puis immédiatement je vais faire le point avec les gens qui nous écoutent ce soir ou qui vont nous écouter en différé.

Je veux faire le point qu'en cette commission il y a des gens qui ont une formation académique, qui ont une formation professionnelle absolument éblouissante, qui sont des spécialistes en matière financière, qui travaillent avec vous, M. le Président, au niveau de la commission, depuis plusieurs années, et qui ont l'habitude de recevoir régulièrement ou semaine après semaine des projets de loi d'ordre financier ou ayant des incidences fiscales. On en vient, avec notre travail de parlementaires, à avoir cette routine: après un projet de loi, c'est un autre, et on s'en va comme ça, tout en ayant toujours en tête d'essayer d'améliorer notre système ou encore d'essayer d'améliorer, devrais-je plutôt dire, la vie de nos concitoyens et concitoyennes le mieux possible.

Aujourd'hui, M. le Président, je suis vraiment estomaqué. Je dois vous avouer très sincèrement, M. le Président, que, contrairement aux spécialistes, aux députés qui travaillent sur cette commission depuis plusieurs semaines puis mois, plusieurs années, je n'ai pas pris connaissance ce matin, en me levant ? parce que, voyez-vous, hier, on a terminé au-delà de minuit et, ce matin, on commençait à neuf heures ? mais je n'ai pas pris connaissance du dossier qu'on m'a remis. Mais par contre, M. le Président, je dois vous avouer quelque chose, et aux citoyens et citoyennes qui m'écoutent, c'est que j'ai suivi, avec énormément d'intérêt, les propos qui ont été livrés par le Vérificateur général du Québec, par les membres de son équipe. J'ai également écouté religieusement les propos qui nous ont été transmis par le ministre des Finances. Et, aujourd'hui, M. le Président, je suis quand même en mesure de me faire une tête, de me faire une idée sur le fameux projet de loi n° 78 ? je pense que c'est 78 ? qui est la Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

M. le Président, tout à l'heure, j'ai été surpris qu'on mentionne qu'en 1965 M. Jean Lesage, premier ministre du Québec, a été celui qui a créé la Caisse de dépôt et placement du Québec. J'ai été surpris parce que, même si je suis notaire de profession, j'ai toujours adoré l'histoire. Et il faut se rappeler les années antérieures aux années du Parti libéral des années soixante. Il faut se rappeler dans quel état était le Québec. Il faut se rappeler que les valeurs n'étaient pas les mêmes. Il faut se rappeler qu'il y avait, au Québec, une classe dirigeante. Il faut se rappeler que la grande majorité à l'époque des Canadiens français vivaient soit sur une terre ou soit comme journaliers dans une usine. Il faut se rappeler que, dans une usine, lorsque tu parlais avec le patron, il fallait que tu lui adresses la parole dans une autre langue que la tienne. Il faut se rappeler que tu avais un salaire de serviteur. Il faut se rappeler que les professions, les professions nobles à l'époque autres que celles de curé, de notaire, de médecin ou d'avocat, de celles habituellement de comptable, d'ingénieur et de spécialiste dans le domaine industriel étaient confiées à des gens qui n'étaient pas nécessairement issus de nos origines ethniques à nous.

Il faut se rappeler, M. le Président, que le début des années soixante a vu le gouvernement Lesage devenir le flambeau, et je le dis et je pèse bien mes mots, le flambeau, l'âme dirigeante d'un Québec qui se voulait un Québec prospère, un Québec qui voulait changer cette dynamique, un Québec qui voulait se prendre en main, un Québec qui a cru en lui. M. le Président, c'est sous le gouvernement Lesage, qui à mon sens nous a donné des succès absolument incroyables. N'eût été de ce magnifique, et je le dis, de ce grand homme, de ce grand premier ministre, probablement que je ne serais pas assis ici, ce soir. Je n'aurais probablement pas pu bénéficier, M. le Président, de notre système d'éducation qui permettait à mon père qui, lui, travaillait de 8 à 4, de 4 à minuit, de minuit à 8, qui, lui, avait une famille de six enfants, qui travaillait à petit salaire à la Shawinigan Chemicals... Bien, j'ai pu bénéficier de l'éducation au séminaire et par la suite à l'université. Et c'est ce système que M. Lesage et Paul Gérin-Lajoie ont instauré à l'époque.

En même temps, simultanément, M. le Président, rappelons-nous le succès, le succès qui est issu de l'énergie. Aujourd'hui, M. le Président, Hydro-Québec est le fleuron, est un des fleurons ? je dis: est un des fleurons ? qui appartient à l'ensemble des 7 250 000 Québécois et Québécoises.

n(12 h 20)n

Pourquoi, M. le Président? Parce que des hommes politiques à l'époque, à cette époque, des hommes politiques ont eu une vision absolument extraordinaire, ont eu une vision d'avenir, ont eu la vision que les enfants du Québec seraient des enfants prospères, que ces enfants pourraient vivre dans une communauté où il y aurait des possibilités pour tous et chacun de réussir, de s'instruire. Rappelons-nous ce que le gouvernement Lesage a fait à l'époque. Rappelons-nous l'assurance maladie avec M. Castonguay. Rappelons-nous par la suite, dans le domaine économique, cette fameuse loi qui a institué la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Alors, M. le Président, tout ça, toute cette ébullition qui a eu lieu en ce début des années soixante, il y a exactement une quarantaine d'année, bien c'est dû à une équipe qui voyait non pas l'immédiat mais qui regardait vers le futur et qui voyait quoi? Qui voyait un Québec fort, qui voyait Québec capable de réussites, qui voyait un Québec qui ferait en sorte que ses citoyens et ses citoyennes ne seraient pas des citoyens et des citoyennes de seconde zone mais bel et bien des citoyens et citoyennes capables d'apporter une plus-value à notre système actuel.

Je plaide sur cette Loi de la Caisse de dépôt et placement du Québec et je suis très fier, aujourd'hui, d'en parler parce que je réalise, au dépôt des documents, que la Caisse de dépôt et placement a débuté ses activités avec absolument rien dans ses goussets, et c'est avec cette loi et c'est avec les dépôts provenant de la Régie des rentes, provenant de la Société d'assurance automobile, provenant des fonds de pension qu'en 1967 on a commencé à faire des prêts aux petites et moyennes entreprises québécoises. En 1970, la caisse avait déjà un milliard d'actif. En 1974, la caisse devient le plus gros portefeuille individuel d'actions au Canada. En 1999, selon les chiffres qu'on me remet, l'actif de la caisse a passé de 1 milliard en 1970 à 100 milliards de dollars, M. le Président, en l'espace de 20 ans. Et, aujourd'hui, M. le ministre, tout à l'heure, nous a mentionné qu'effectivement la caisse en était rendue maintenant avec un actif 145 milliards.

M. le Président, aujourd'hui, je disais que c'était un moment historique. C'est un moment historique, M. le Président, parce que je ne crois pas qu'on accepterait, aujourd'hui, de prendre la mission d'Hydro-Québec et de dire: Hydro-Québec va ne servir maintenant qu'à exporter de l'électricité à l'étranger. Je ne crois pas. La mission d'Hydro-Québec est, bien entendu, d'éclairer tous les foyers du Québec, mais également Hydro-Québec a servi, depuis les débuts des années soixante, a servi d'instrument majeur de développement économique de toutes les régions du Québec. Et là-dessus, en Mauricie, je peux vous affirmer et je peux le confirmer, nous avons été une région qui a bénéficié des retombées d'Hydro-Québec. Mais je dois vous dire que c'est quand même la Mauricie, de par la Shawinigan Water & Power, qui a éclairé Montréal. Et c'est l'ancêtre d'Hydro-Québec.

Bien, aujourd'hui, la Loi de la Caisse de dépôt et placement du Québec, bien on en parle après 40 ans, et ce que je crains et ce que mes collègues ont soulevé de ce projet de loi, c'est qu'il n'est pas question d'abolir la Loi de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, il n'est pas question du tout d'abolir cet instrument, ce bas de laine, cet instrument qui permet et qui a permis au Québec de se développer d'une façon ultrarapide. Et là-dessus rappelons-nous les propos du critique officiel de l'opposition, le député de Rousseau, qui mentionnait que des compagnies comme CGI, Bombardier, qui est un fleuron de l'aéronautique au Canada et à travers le monde, Domtar ? Domtar, pour des gens de Montréal, peut-être pas important, mais Domtar, pour les régions, c'est l'industrie papetière, ce sont les emplois que, nous, nous recueillons en région ? Shermag, RONA, Cascades ? les papiers Cascades, c'est un fleuron, c'est magnifique, c'est à Kingsey Falls, c'est en région...

Voyez-vous, la Caisse de dépôt et placement du Québec a été notre banque. Je dis: notre banque à nous, Québécois, parce que, par le biais de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, les économies des 7 millions de Québécois, Québécoises ont été canalisées à l'intérieur de la caisse. Et, par ces économies, le conseil d'administration de la caisse agissait sur deux volets. Le premier volet, volet rendement, bien évident. Il était bien évident que, si, moi, je mets mon argent dans une caisse de dépôt et placement, je m'attends à avoir un rendement sur l'argent que je leur confie. Et effectivement la caisse a agi depuis une quarantaine d'années et, aujourd'hui, est, au Canada, une des plus grandes boîtes. C'est véritablement d'une solidité incroyable pour le Québec. Mais en même temps les politiciens de l'époque, M. Lesage et autres, et tous ceux qui ont suivi, les politiciens ont toujours su qu'ils avaient entre leurs mains un pouvoir extraordinaire. Et la Caisse de dépôt et placement du Québec est au ministre des Finances ce que plusieurs petites corporations sans but lucratif sont aux maires à la grandeur du Québec, parce que souvent, dans le domaine municipal, nous devons utiliser, nous aussi, certains éléments pour favoriser l'implantation économique, industrielle ou touristique chez nous.

Alors, la Caisse de dépôt et placement, avec un actif de 145 milliards, aujourd'hui, se doit de poursuivre sa vocation pour connaître un autre 40, 45 ans aussi rentable que ceux qu'elle nous a donnés à date.

n(21 h 30)n

Et ce n'est pas seulement que par l'atteinte d'un rendement économique sur le placement, mais bien par des investissements minutieux, recherchés, bien dirigés à la fois par le ministre des Finances et à la fois par le conseil d'administration, parce que le téléphone, ça existe, et on l'utilise, et on se doit de l'utiliser pour faire en sorte que le but ultime, pour que le but ultime soit vraiment trouvé, à savoir le développement économique d'un Québec de plus en plus fort. Surtout, surtout ne perdons pas cet outil. M. le ministre, je vous en prie, ne perdez pas cette arme qui vous permettra de nous faire évoluer encore davantage. Merci beaucoup, M. le Président, de votre écoute.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le député. D'autres remarques préliminaires? M. le député de Gaspé.

Une voix: ...

M. Lelièvre: Est-ce que... J'avais cru comprendre... O.K. C'est beau.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Est-ce que c'est un vote, M. le Président?

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Ça va. À l'ordre! Alors, M. le député de Gaspé, vous avez la parole.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. La Commission des finances publiques entreprend l'étude détaillée du projet de loi n° 78, loi qui porte sur la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Effectivement, M. le Président, lorsqu'on regarde, dans la législation, les différents textes, on se rend compte qu'en juillet 1965 le premier ministre de l'époque, M. Lesage, avait décidé de donner au Québec un instrument de développement économique et basé sur l'épargne des Québécois et des Québécoises. On se souviendra aussi que les régimes de retraite à l'époque étaient relativement peu nombreux. Lorsqu'on regarde, aujourd'hui, la Caisse de dépôt et de placement, elle travaille à faire fructifier les quelque 89 milliards de dollars d'avoirs de ses 19 déposants. Et ces déposants, M. le Président, c'est important de les nommer ici, ce soir, parce que j'ai l'intention aussi d'entretenir cette commission sur l'investissement responsable. D'ailleurs, notre commission n'a pas encore déposé son rapport, mais nous avons un mandat d'initiative en cours.

Donc, création du Fonds du Régime des rentes du Québec en 1966. Ce n'est pas tellement loin de l'année de fondation parce que ? l'année de fondation de la caisse, 1965, hein, juillet 1965 ? dès 1966, on a décidé de mettre sur pied le Régime des rentes du Québec. Alors, les Québécois n'avaient aucun régime de retraite. Le Fonds d'assurance-garantie, 1967; La Financière agricole du Québec, 1968; Régie de l'assurance-dépôts du Québec, 1969, pour garantir les dépôts des sommes dans les institutions bancaires; Régime supplémentaire de rentes pour les employés de l'industrie de la construction du Québec, 1970. On voit, là, M. le Président, qu'il y a une évolution constante. 1973, Fonds de la santé et de la sécurité du travail; Régime de retraire des employés du gouvernement et des organismes publics, 1973, qui, aujourd'hui, atteint les quelque 30 milliards ? une trentaine de milliards uniquement pour le RREGOP, c'est énorme, M. le Président; régimes particuliers, 1977; Régime de retraite du personnel d'encadrement ? je m'excuse, j'en avais oublié un, M. le Président, un précédent ? 1973; Fédération des producteurs de bovins du Québec, 1989; Régime de retraite des élus municipaux, 1989; Régime complémentaire de rentes des techniciens ambulanciers oeuvrant au Québec, 1990.

On voit qu'il y a une évolution constante, que la caisse et les organisations de la société civile se donnent des moyens, des moyens pour faire face à quoi? Pour faire face à l'avenir. La population est vieillissante. Alors, ces organisations se donnent des moyens. En 1992, c'était au tour de l'Office de la protection du consommateur de devenir un déposant; le Fonds d'amortissement des régimes de retraite, 1994; Société des alcools du Québec, 1994, société qui, aujourd'hui, ne fait pas entrer beaucoup d'argent dans ses coffres, compte tenu du conflit de travail.

Mais j'ai eu l'occasion, en fin de semaine, de lire, dans La Presse, un article de Vincent Marissal qui comparait la Société des alcools du Québec avec celle de l'Ontario et qui nous disait, à toutes fins pratiques: À part de la politique de rabais de cette organisation, elle est mieux organisée, plus accueillante, elle nous fait boire du bon vin à des bons prix, et même on paie le verre, semble-t-il, au Québec parfois moins cher que les Français en France pour la même bouteille. Alors, déjà, M. le Président, pour ceux qui aiment le vin et la bonne bouffe, hein, c'est quand même un organisme, une organisation qui rapporte de l'argent à l'État. Alors, la Société des alcools. Les autres déposants: Régime de rentes du Québec, 1997; Commission des valeurs mobilières du Québec, 1998; et le Fonds de garantie des producteurs de tabac jaune du Québec, 2001, qui viennent d'arrêter leur production, si je ne me trompe pas.

Alors, M. le Président, vous pouvez voir, à la lecture de cette liste de déposants, qu'il y a passablement de Québécois qui garnissent les coffres de la Caisse de dépôt et de placement.

Moi, je voudrais attirer, M. le Président, l'attention du ministre des Finances sur la mission de la caisse, parce que, dans le projet de loi qui nous est présenté, il y a une subtilité parce que le texte de loi ne comprend pas la mission de la Caisse de dépôt et de placement. Mais, dans son discours, l'ancien premier ministre du Québec, Jean Lesage, à la création de la caisse, l'a énoncée. Alors, il mettait sur un même pied le rendement et, M. le Président, le développement du Québec, le développement des entreprises au Québec. Qu'est-ce qui a fait, à un moment donné, que, dans les années quatre-vingt, au Québec, il y a eu une cohorte d'entreprises qui ont émergé? Il y a eu d'abord une volonté gouvernementale. Il y a eu une volonté gouvernementale de faire en sorte que l'on mettait sur pied un régime d'épargne-actions, que Québec inc., ça s'est construit. Et par la suite qui a investi dans ces entreprises-là? C'est la Caisse de dépôt et de placement. La Caisse de dépôt et de placement a servi de levier à un très grand nombre d'entreprises.

Souvenons-nous qui nous étions avant 1980, avant l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, en 1976, avec René Lévesque. C'était quoi, le Québec? Qui contrôlait les institutions? Qui contrôlait les entreprises? Qui était aux conseils d'administration? Quelques Québécois qui réussissaient parfois à gravir les échelons. Avec cette deuxième révolution, le Québec est devenu une société où les Québécois étaient en mesure de contrôler leur avenir, de développer leurs entreprises, d'être les patrons dans leurs entreprises. Et grâce à qui? Et grâce à quoi? Grâce au gouvernement qui a mis, comme je le disais tout à l'heure, le Régime d'épargne-actions sur pied et qui a servi de levier. Et par la suite qui est allé investir dans ces entreprises-là? La Caisse de dépôt a certainement investi, à moins que je me trompe. Mais à cette époque le ministre des Finances était peut-être en politique ou pas loin de la politique, hein? Dans les années précédentes, il était probablement très près du parti auquel il appartient aujourd'hui, sans toutefois être actif comme député à l'Assemblée nationale parce qu'il est arrivé par ailleurs comme élu à l'Assemblée nationale dans les années quatre-vingt-dix, quatre-vingt-neuf ou quatre-vingt-cinq, mais je ne me souviens pas exactement...

M. Gautrin: 1985.

M. Lelièvre: Quatre-vingt-cinq, M. le député de Verdun? Vous savez, ma mémoire peut être défaillante. La vôtre, à l'occasion, elle flanche, mais elle revient très rapidement.

n(21 h 40)n

Alors, pour revenir à la Caisse de dépôt, il y a un élément que je retrouve dans le document de la Caisse de dépôt et de placement, c'est-à-dire le rapport sur la gouvernance de 2003. Et, à regarder par une recherche faite sur Internet et suite au mandat que notre commission s'est donné sur l'investissement responsable, je me rends compte que la caisse a fait une recherche quand même assez approfondie pour renouveler sa gouvernance. Elle est allée voir, M. le Président, des entreprises semblables, elle a suivi une démarche structurée. Et ses principes de gouvernance, ce qu'elle disait, c'est que, pour moderniser ou renouveler sa mission, elle doit avoir des principes empreints de rigueur et de souplesse, et elle a décidé de réviser en profondeur ses principes de gouvernance.

Pourquoi la Caisse de dépôt et de placement, dans sa mission, décide, selon le texte du projet de loi, de subordonner le rendement? La Caisse de dépôt et de placement est-elle une banque? Non, mais, de la façon dont on veut maintenant organiser la gouvernance, ce sera une banque. Parce que, même si elle prend un engagement, dans son rapport de 2003, sur la gouvernance ? mars 2003, ça ne fait pas longtemps, là ? la caisse a dit qu'elle a regardé des organismes comparables. Les membres se sont dotés d'abord d'un outil de comparaison exposant les grands principes en vigueur dans d'autres organisations comparables. Le choix de ces organisations s'est fait en fonction de leur nature, leur activité ainsi que de la reconnaissance qu'on leur attribue dans leur milieu, au chapitre de la gouvernance. Et là il y a l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, Régime de retraite des enseignants et enseignantes de l'Ontario. Les membres également ont consulté plusieurs textes sur les principes de gouvernement d'entreprises de l'OCDE.

Alors, M. le Président, et on retrouve, à l'élément 8, les modes de nomination des membres du conseil d'administration et des présidents d'organisme, compilation de données par le Secrétariat général. Alors, c'est certainement là que le président-directeur général a trouvé sa source d'inspiration pour subordonner le développement économique et de faire en sorte d'ériger en credo le rendement. Si, aujourd'hui, nous sommes ici et que nous devons faire des représentations importantes auprès du ministre des Finances, c'est qu'encore une fois on est devant un gouvernement qui, pendant que nous étions en poste, M. le Président, pendant que notre formation politique était en poste, jusqu'au 14 avril 2003, l'aile de ce parti politique, du Parti libéral, constamment nous répétait que nous étions un gouvernement qui n'écoutait pas, un gouvernement qui n'était pas à l'écoute des ses citoyens, etc. Comment se fait-il qu'aujourd'hui... Et vous l'avez vu dans plusieurs commissions, entre autres le projet de loi n° 60, le projet de loi n° 61, bon, les PPP. Alors, on la voit, là, l'orientation gouvernementale.

Et mon collègue de Rousseau, tout à l'heure, parlait des nombreuses nominations qui ont été faites sur des conseils d'administration. Est-ce que le ministre des Finances est conscient que subordonner, subordonner, M. le Président, le développement économique au rendement, c'est un virage philosophique ou idéologique majeur? Est-ce que, pour lui, ça a une certaine importance? J'aimerais ça l'entendre, j'aimerais ça qu'il nous dise dans le fond sa pensée. Pourquoi lui propose ça? Pourquoi, lui, propose-t-il que dorénavant, là, si c'est basé uniquement sur le rendement, que... La caisse, dans son rapport sur la gouvernance, nous propose de mettre sur pied, c'est-à-dire de mandater le «comité des ressources humaines, d'éthique et de régie d'entreprise concernant la revue de la "Politique de régie d'entreprise et le sommaire des principes régissant l'exercice du droit de vote dans les entreprises" et plus spécifiquement la question de la responsabilité sociale des entreprises et les investissements responsables».

Est-ce que le président de la Caisse de dépôt et de placement va s'intéresser à cet élément-là qui est contenu dans le rapport, Investissements responsables? Et c'est le Rapport sur la gouvernance, là. On veut donner une nouvelle gouvernance. 2 mars 2003, je le répète, et je peux vous donner la référence si vous voulez aller le chercher.

«De plus, une tournée de consultation auprès des déposants à la caisse sera entreprise [à] ce sujet», M. le Président. Et le ministre des Finances, je l'informe qu'au cas où il ne le saurait pas la caisse va faire une tournée autour de ses déposants. «Une fois l'examen de tous les éléments complété ? et, fait significatif ? des recommandations à l'égard de ces règles de régie d'entreprise seront élaborées.» Mais, savez-vous quand? «Prenant en compte l'importante de ce sujet et de l'analyse sérieuse que cela commande, les membres ont choisi de ne traiter dans le présent rapport que du premier volet de son mandat, soit les principes de gouvernance à la caisse.» Et pourquoi? «Les travaux amorcés à l'égard de la question de l'investissement responsable se poursuivront et un rapport sera remis au conseil d'administration [...] dès que les travaux concernant les modifications à la loi seront terminés.»

M. le Président, ça, c'est tiré du rapport de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Ce n'est pas mon texte, c'est le texte de la caisse qui nous dit: On va s'intéresser à la question des investissements responsables lorsqu'on va avoir changé la loi, lorsqu'on aura indiqué clairement que le mandat de la caisse, c'est: on va investir, on va aller chercher des meilleurs rendements puis on va se poser des questions après. Ce n'est pas ça, l'investissement responsable. L'investissement responsable, M. le Président, si vous allez sur Internet ? je peux vous donner toutes mes références, et ça me fera plaisir, et à tous les membres de cette commission ? l'investissement responsable, ça se définit de plusieurs façons, mais ça se ressemble. «L'investissement responsable est la combinaison de préoccupations sociales et environnementales et de la performance financière dans les décisions d'investissement.» Et la caisse s'engage, la Caisse de dépôt et de placement s'engage à mettre sur pied un comité.

Est-ce que je peux avoir l'assurance du ministre des Finances, qui est responsable de la Caisse de dépôt et de placement, de faire en sorte que le travail se poursuive? Parce que les critères ou les stratégies qui sont mis en place par le Groupe investissement responsable qui élabore des stratégies effectivement ? comment voter, avoir une portée sociale ou environnementale... «Les critères d'exclusion automatique en fonction desquels on exclut des entreprises selon [les] produits ou services ou une mauvaise performance sociale ou environnementale.» Est-ce que la Caisse de dépôt et de placement du Québec traitera de ces éléments-là? Est-ce que le ministre peut donner des directives ou inclure dans la loi, parce que j'ai bien l'intention de proposer un amendement, M. le Président, qui va aller dans ce sens-là, faire en sorte que la Caisse de dépôt et de placement prendra en considération l'investissement responsable?

D'autre part, les critères qualitatifs. J'y reviendrai plus tard si le temps me le permet, mais je veux finir tout d'abord sur les critères d'exclusion automatique. Donc, «les investisseurs responsables tendent à exclure certains secteurs comme les armes, le tabac ou le nucléaire». Et on pourrait peut-être rajouter le Suroît, hein, tant qu'à y être, donc les combustibles qui viennent des grandes usines, qu'on n'a pas besoin nécessairement, parce qu'on veut vendre de l'électricité à nos voisins. Et, malheureusement, ça n'a pas marché cette fois-ci, parce que, là, les gens ont décidé qu'ils n'acceptaient pas le projet dans leur cour, des projets polluants, donc question de santé publique, question de qualité de vie.

n(21 h 50)n

D'autre part, les critères qualitatifs ? et je rependrai peut-être plus tard si l'occasion m'est donnée, M. le Président, de continuer ? mais c'est les performances sociales, alors «les investisseurs responsables [qui] utilisent l'approche des "meilleurs du secteur", qui consiste à privilégier les entreprises qui se comportent mieux que leurs [concurrents]». La réputation même de l'entreprise est devenue un actif.

Vous me faites signe que mon temps est déjà terminé, M. le Président, alors j'espère que j'aurai l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Gaspé, de vos remarques préliminaires. Je veux rappeler que nous sommes présentement en remarques préliminaires en ce qui regarde le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et nous allons maintenant donner la parole au député de Laval-des-Rapides. Alors, M. le député, la parole est à vous.

M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors donc...

Une voix: ...remarques préliminaires.

M. Alain Paquet

M. Paquet: Je crois effectivement que nous avons, devant nous, un projet de loi important, et l'importance du projet de loi remonte quand même à d'abord une expérience, d'abord sûrement des engagements, d'une part, que je vais rappeler, que le Parti libéral du Québec avait pris et qui ont été repris dans le discours inaugural du premier ministre et aussi sur un aspect historique de l'évolution de la caisse. Et on a eu tout à l'heure, on a relaté certains éléments. C'était dans un discours important de Jean Lesage, et je vais y revenir.

Et je veux situer, dans une perspective historique, des enjeux auxquels est confrontée la Caisse de dépôt, toujours dans l'intérêt des Québécois. Et je vous disais, tout à l'heure, que c'était un engagement d'abord qui a été pris en campagne électorale. Nous parlions déjà de moderniser la gouvernance, d'avoir une gestion transparente de la Caisse de dépôt, qui doit rendre compte de sa gestion, d'une indépendance vis-à-vis le gouvernement et d'une révision des règles de nomination et de composition du conseil d'administration, d'une scission des fonctions de président du C.A. et de président-directeur général de l'institution et nous parlions aussi de vérification. Alors, ces engagements-là, le premier ministre le rappelait dans son discours inaugural ? et je me permets de le citer ? où il disait: «Nous aurons également amélioré ? l'objectif qu'on se donnait comme gouvernement; nous aurons également amélioré ? la gouvernance des outils économiques dont nous disposons.» Il y en a plusieurs, mais un de ceux-là évidemment, c'est la caisse. «Les résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec constituent pour nous une préoccupation très sérieuse. Nous allons évaluer la mission, le mandat et la gouvernance de la caisse afin que nous ne revivions plus jamais les pertes et les écarts que nous avons vécus au cours des dernières années.» C'est le premier ministre qui parlait en juin 2003.

Alors, en tant qu'économiste aussi, je me suis intéressé tôt à la question de la Caisse de dépôt et de la gouvernance, et de la gestion, et de la mission de la Caisse de dépôt. Je peux peut-être vous rappeler qu'en 1981, en fait le 14 avril 1981, pour être plus exact, j'avais un travail à remettre, un travail de session. J'étais en première de bac universitaire et je remettais un travail dans le cours monnaies et banques où mon travail de session portait justement sur l'historique et le nouveau virage qui avaient été imprégnés à la Caisse de dépôt à l'époque par le ministre des Finances de l'époque qui n'était nul autre que M. Jacques Parizeau. Et à l'époque on se souviendra, puisqu'on fait un rappel historique, que le président qui était là juste avant, de la Caisse de dépôt, qui avait été là pendant plusieurs années, M. Éric Kierans, avait démissionné, démissionné plutôt même avec fracas, parce que M. Kierans jugeait à l'époque que le nouveau virage que le ministre des Finances à l'époque avait pris détournait dans le fond de la mission initiale de la Caisse de dépôt qui a été rappelée tout à l'heure, en faisant référence à l'allocution de M. Jean Lesage, premier ministre du Québec, au moment de la fondation de la Caisse de dépôt.

Et, à ce moment-là, M. Parizeau, il croyait ? et, je le dis très sincèrement, je ne partageais pas cette opinion-là à l'époque et je ne la partage pas toujours ? mais il croyait que la Caisse de dépôt devait être relativement près du gouvernement. Si le gouvernement décidait qu'il y avait des orientations importantes à lui donner, il avait des idées directives, qu'elles soient implicites ou explicites, qui pouvaient venir du bureau du ministre des Finances. C'était important pour M. Parizeau qu'on puisse donner une direction à la caisse, qui coupait de facto une indépendance relative réelle et importante de la caisse vis-à-vis du gouvernement. Et ça, je soumets à l'argumentation que c'était détourner l'objectif initial de la Caisse de dépôt de, oui, être un fiduciaire pour les déposants et aussi de contribuer par le fait même au développement économique du Québec. Mais certainement c'est une différence de vision très claire entre ce que M. Parizeau croyait, et ce que je crois détecter dans les propos de mes collègues de l'opposition officielle, et certainement la vision que nous avons ici.

Ce n'est pas tant sur le fait que la Caisse de dépôt a un rôle important en termes de rendement et de développement économique ? j'en reparlerai tout à l'heure ? mais c'est beaucoup plus sur la question d'indépendance réelle qu'il y a entre le gouvernement et la Caisse de dépôt. Et je soumets que, si on fait l'examen historique de la Caisse de dépôt, effectivement, sous les gouvernements dirigés par le Parti québécois, clairement l'indépendance réelle était beaucoup moins grande. Je ne dis pas que ça a toujours été mal utilisé ? j'aurai quelques épisodes, tout à l'heure, qui sont peut-être un peu moins clairs ? mais certainement les visions auxquelles souscrivait et semble souscrire l'opposition officielle étaient d'une indépendance moins grande entre la Caisse de dépôt et le gouvernement. Et, je pense, personnellement et humblement, je crois aussi qu'en tant qu'économiste je peux dire que c'était une erreur de vision. C'était une erreur par rapport à la transparence et par rapport aux objectifs que doit poursuivre la caisse, en termes de gouvernance en tout cas.

D'ailleurs, quelques autres exemples. On se souviendra qu'autour du référendum de 1995 le fameux plan O dont on a parlé dans l'actualité à l'époque, il semble bien qu'il y avait des directives ou qu'il y avait certainement un rapprochement, c'est le moins qu'on puisse dire ? je pèse mes mots ? entre le gouvernement et la Caisse de dépôt. Là encore, l'indépendance était restreinte et réduite.

Des éléments plus récents. On se souviendra qu'en 2001-2002 la Caisse de dépôt a perdu 13 milliards de dollars. Il y a eu deux rapports du Vérificateur général: un qui a été demandé suite à un décret et un deuxième, suite à une lettre cosignée par le premier ministre de l'époque qui était M. Landry et le chef ? pardon, excusez, le député de Verchères, je m'excuse ? par le premier ministre de l'époque et par le chef de l'opposition officielle de l'époque.

Dans le rapport du Vérificateur général sur Montréal Mode, en conclusion ? je me permets de lire une phrase ? on disait: «Au terme de ce projet ? Montréal Mode ? la caisse aura perdu la presque totalité [de] 29,8 millions de dollars provenant des avoirs des déposants.» Concernant la construction du siège social, le rapport du Vérificateur général concluait ? c'est le paragraphe 137 de la page 34 ? je cite: «Prime d'assemblage importante pour l'acquisition du terrain et du bâtiment, sous-estimation appréciable des sommes...»

M. Pinard: ...

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Comme je le mentionnais aujourd'hui, M. le Président, c'est la première fois que j'ai le privilège de venir siéger à cette Commission des finances publiques, et je dois vous avouer, avec énormément de surprise, que je constate que le président de la commission quitte son siège de président pour faire une intervention et excessivement partisane, M. le Président. Et je dois vous dire, M. le Président, que je suis quelque peu surpris, quelque peu surpris, puis je voudrais que vous m'entendiez là-dessus, M. le Président...

Le Président (M. Bernier): Oui, monsieur...

M. Pinard: ...parce qu'écoutez je pense...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Saint-Maurice, est-ce que je peux répondre à votre interrogation immédiatement?

M. Pinard: Allez-y, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): En ce qui regarde les pratiques au niveau de la Commission des finances publiques et des règlements, le député de Laval-des-Rapides, même s'il assume la responsabilité de président de la Commission des finances publiques, au moment où il prend la parole comme député, il quitte son siège et il peut, à ce moment-là, occuper un autre siège et donner, faire valoir ses opinions, et cela, il pourrait même le faire de son siège de président. Et, selon l'article 138, «le président organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses délibérations et a droit de vote». C'est le point 138 du règlement. Donc, M. le député de Saint-Maurice...

M. Pinard: Je suis en accord...

Le Président (M. Bernier): ...je pense que ça renseigne sur votre point d'ordre.

M. Pinard: ...M. le Président... Je suis en accord avec vous, M. le Président, que le président de la commission est d'abord et avant tout un député et qu'il a droit de s'exprimer en cette Chambre, en autant qu'il quitte son siège de président. Maintenant, ce qui m'étonne...

Le Président (M. Bernier): Ce n'est pas un point d'ordre.

M. Pinard: Ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que les travaux se déroulent d'une façon à mon sens excessivement bien, assez sereine, l'atmosphère est sereine, et, moi, je suis très, très surpris, là, de constater à quel point le président fait une intervention partisane dans ce débat, et...

Le Président (M. Bernier): Monsieur, je vais...

M. Pinard: ...

Le Président (M. Bernier): Mais, M. le député de Saint-Maurice, c'est votre opinion, M. le député de Saint-Maurice. On vous... Les...

M. Pinard: Oui, mais...

Le Président (M. Bernier): Bien, écoutez, ce n'est pas un point d'ordre.

M. Pinard: ...et après ça je n'en parlerai plus.

Le Président (M. Bernier): Ce n'est pas un point d'ordre, M. le député de Saint-Maurice. Je pense que, là-dessus, on vous a...

M. Gautrin: ...

Le Président (M. Bernier): Attendez un instant, s'il vous plaît, M. le député de Verdun.

Ce n'est pas un point d'ordre. Vous avez donné votre opinion, vous avez fait votre présentation, maintenant c'est le député de Laval-des-Rapides qui fait sa présentation. Donc, j'invite donc le député de Laval-des-Rapides à poursuivre sa présentation.

M. Legault: Point d'ordre. Point d'ordre.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Rousseau.

n(22 heures)n

M. Legault: Oui. M. le Président, je pense que le député, par ses propos, nuit au travail de la Direction de la Caisse de dépôt actuellement. Je crois qu'il nuit carrément à la direction de la Caisse de dépôt et je pense qu'il devrait réfléchir avant de continuer son discours.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que c'est un point d'ordre?

Le Président (M. Bernier): Est-ce que c'est une question de règlement? Mais ce n'est pas une question de règlement, ça, M. le député de Rousseau, c'est une opinion que vous émettez. Donc, je suis d'avis que vous avez pu émettre vos opinions et vos commentaires lors de votre présentation. Maintenant, j'invite le député de Laval-des-Rapides à poursuivre sa présentation.

M. Pinard: M. le Président, vous ne reconnaissez pas le député de Verdun qui avait un point d'ordre?

M. Gautrin: M. le Président, je ne fais pas de point d'ordre étant donné que vous avez statué, et vous avez statué sur le droit du député de Laval-des-Rapides de s'exprimer librement, dans cette Chambre, et de pouvoir faire, en cette commission, son point de vue. Je pense que je n'ai pas de point de règlement à faire.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Verdun, mais la parole est au député de Laval-des-Rapides. Donc, M. le député de Laval-des-Rapides, je vous invite à poursuivre votre présentation.

M. Paquet: Merci, M. le Président. Je fais référence d'abord que je suis en train de lire des conclusions de deux rapports du Vérificateur général du Québec. Et je ferai remarquer que je n'ai pas imputé, je n'ai pas imputé aucunement, dans ces conclusions-là, que c'était un parti ou c'est le parti, là, à moins, là, que l'opposition officielle considère qu'il y a un lien direct. Non, dans mon intervention...

Le Président (M. Bernier): ...à la présidence, M...

M. Paquet: Pardon, M. le Président. Oui. Alors, je vous ferais remarquer, M. le Président, que je n'impute pas à l'opposition officielle à moins qu'elle en déduise de tirer une conclusion du rapport du Vérificateur général qu'il y a un lien au niveau partisan. Moi, je parle d'expériences où est-ce que la caisse a eu des ratés et je ne parle pas de la présidence actuelle, je ne parle pas des présidents actuels. Ces ratés-là sont documentés de façon indépendante par le Vérificateur général du Québec, d'ailleurs que nous avons entendu un peu plus tôt, et, moi, je me servais de ces points-là pour illustrer que ces ratés-là nous donnent des leçons, des leçons qui nous ont demandé, qui exigent de nous que... Les citoyens de Laval-des-Rapides que je représente, les citoyens que nous représentons tous ici, autour de la table, et ici, à l'Assemblée nationale, demandent de nous de s'assurer qu'on ait les meilleurs outils possible, les meilleurs critères de gouvernance, hein, toujours pour le mieux-être, hein, de nos concitoyens, et donc de rappeler ces faits-là... ces leçons-là nous ont influencés.

Moi, elles m'ont influencé, moi, comme député, elles m'ont influencé vis-à-vis de mes commettants, pour leur dire: Bien, voici pourquoi je pense qu'il y a des changements à faire. Il faut moderniser les façons de faire, et c'est un exemple très clair que nous avons là. Alors donc, je juge personnellement que mes propos ne sont pas du tout d'un niveau partisan. Il y a une question de visions différentes effectivement, et ça, nous le partageons. Et...

M. Pinard: M. le Président, heureusement qu'il juge personnellement.

M. Paquet: Non, mais je m'adresse, c'est pour moi-même. Alors donc...

Le Président (M. Bernier): M. le député Saint-Maurice, je vous inviterais à laisser poursuivre le député de Laval-des-Rapides dans ses remarques préliminaires. Je vous inviterais à vous mettre à l'ordre.

M. Paquet: Alors donc, je jugeais moi-même. Alors, je dis donc: dans la conclusion, on parlait de l'exemple de la construction du siège social, hein, on parlait de «prime d'assemblage importante pour l'acquisition du terrain et du bâtiment, sous-estimation appréciable des sommes à engager, écart considérable entre le coût du projet et la valeur marchande, faible rendement, manque à gagner lié aux conditions de prêt et problèmes de leadership, tous ces éléments démontrent que, dans le cas de l'hôtel, la caisse n'a pas géré ce projet d'investissement avec un souci de rentabilité». Et c'est le Vérificateur général, c'est la page 34 de son rapport, hein, pour l'année 2002-2003, qui parlait. On ne dit pas que c'est toutes les décisions de la caisse qui ont été comme ça, mais on dit qu'il y a eu des exemples où la caisse ? il semble en tout cas, à l'expérience, là, c'est de facto, c'est factuel ? a pu prendre des décisions qui ont pu être erronées.

Alors, de ce point de vue là, quels sont les outils qu'on peut se donner, qu'on peut donner à la Caisse de dépôt vis-à-vis de nos commettants, pour minimiser de tels risques? C'est ça qu'on demande. L'erreur est humaine. Des erreurs, tout le monde peut en faire, mais on doit s'assurer qu'on se donne les meilleurs outils possible et qu'on assure les meilleurs outils aussi pour la Caisse de dépôt pour qu'elle puisse répondre à sa mission. Or, on se souviendra aussi qu'en 2002 la Caisse de dépôt avait affiché un rendement de moins 9,77 %. C'est historique, ça, c'est factuel. Ce n'est pas débattable, c'est la réalité. J'ai déjà entendu le chef de l'opposition officielle et d'autres dire: Oui, mais, écoutez, c'est normal parce que le marché boursier a planté, si vous me permettez l'expression, en 2002, hein, il y a eu un éclatement de la bulle spéculative. C'est vrai que ça s'est passé en 2002, mais il faut regarder comment se comparait, à ce moment-là, la perte, hein, le rendement négatif de la Caisse de dépôt en 2002, au moment où le marché boursier a été très mauvais, comment elle se compare avec d'autres fonds où, pour eux aussi, le marché boursier était très mauvais. Le marché boursier n'était pas juste pour la caisse, il était pour l'ensemble des gestionnaires de fonds dans les marchés financiers.

Et je cite un article de La Presse Affaires du 3 novembre. Il disait donc, en relatant le fait que la caisse avait perdu, je répète, 9,77 %, un rendement négatif, moins 9,77 %. Et l'article continue, je cite: «Ce score la situe en dernière place dans le peloton des gestionnaires de fonds canadiens ? on parle pour 2002. Par comparaison, le fonds de pension ontarien Teachers' a affiché un rendement de moins 2 %.» Donc, pendant que la caisse perdait presque 10 %, moins 9,77 %, un peu moins, le fonds Teachers' perdait 2 %, et c'était le même marché boursier qui n'a pas fonctionné. Donc, clairement, à l'évidence, encore une fois, c'est la réalité, là, ce n'est pas une question de partisanerie ou pas, là, personne ne peut discuter des faits qui sont là, mais la réalité fait en sorte qu'il y a des choses clairement qui n'ont peut-être pas fonctionné.

Et quelles sont les leçons? Alors, moi, les citoyens de Laval-des-Rapides comme les citoyens de tout le Québec nous demandent: Quelles sont les leçons? Comment est-ce qu'on peut donner des outils? Et c'est à cela qu'on est invités, comme commission parlementaire, à débattre pour permettre effectivement de donner à la caisse les meilleurs outils, les meilleurs contextes pour opérer, toujours au bénéfice des Québécois et des Québécoises. Or, dans le projet de loi qui nous est proposé et que nous débattons... En 1965, on discutait, on expliquait, bon, que Jean Lesage a parlé évidemment, dans son discours, de rendement. Il a parlé aussi, hein, il disait: «La caisse n'est pas destinée à subventionner le gouvernement.» D'ailleurs, tout à l'heure, c'était rappelé. On peut se rappeler d'ailleurs que, sur un court épisode, en 1981, le ministre des Finances de l'époque, M. Parizeau, lui, avait demandé à la caisse d'acheter à plus gros prix les obligations du gouvernement. Mais ça n'a pas continué par la suite. Mais ça a été une expérience qui s'est déjà produite et donc que la loi actuelle n'empêcherait pas de faire.

Je ne prête pas d'intentions au ministre des Finances actuel de vouloir faire ça, là. Clairement, non, mais il est déjà arrivé, dans le passé, où que c'est arrivé. Et la mission que propose le projet de loi, c'est que «la caisse a pour mission de recevoir des sommes en dépôt conformément à la loi et de les gérer en recherchant le rendement optimal du capital des déposants dans le respect de leur politique de placement tout en contribuant au développement économique du Québec». C'est dans l'article du projet de loi que nous avons devant nous, l'article 3.

Donc, avec tout le respect, contrairement peut-être à l'interprétation, bien, en tout cas, la compréhension, et que je respecte, de l'opposition officielle, le développement économique en fait partie, il est là. Il est dans l'article, alors que, dans la loi actuelle, il n'est même pas là. Il y a déjà un changement, mais en même temps il ne faut pas opposer rendement économique... rendement, pardon, et développement économique. Une citation d'ailleurs du président actuel de la Caisse de dépôt, M. Henri-Paul Rousseau; dans une présentation qu'il a intitulée Rendement financier et développement économique vont de pair, il disait: «Loin de s'opposer, rendement et développement sont en corrélation étroite et positive. La caisse ne contribue jamais tant au développement économique du Québec que lorsqu'elle cherche le rendement», parce que ça ne s'oppose pas, le rendement et le développement économique. Évidemment, si la caisse disait: On va commencer à liquider les actifs importants à court terme, il y aurait effectivement un problème... liquidités... comme, tout à l'heure, semblait craindre le député de Rousseau. Mais ce n'est pas ça, la mission qui est dans le projet de loi. Ce n'est sûrement pas ça, l'intention qui est prêtée là.

Un des rôles de fiduciaire de la Caisse de dépôt, c'est justement de faire fructifier les épargnes des déposants à des fonds de retraite des Québécois. Or, rechercher le rendement là-dessus ne se fait pas à l'opposition du développement économique en même temps que d'autres outils de développement économique aussi. Donc, certainement, il y a sujet à débat là-dessus, mais clairement ma lecture de l'article du projet de loi ne me permet vraiment pas de conclure que ça se fait au détriment du développement économique. Et, au contraire même, ça permet de le situer dans une perspective claire mais en maintenant l'idée de l'importance de l'indépendance qu'il y a entre la caisse et le gouvernement. Et je vais y revenir.

Alors, quels sont les changements de gouvernance, dans le projet de loi, qui sont envisagés? Un premier changement, c'est celui de la séparation des postes de président du conseil d'administration et du poste de président et de chef de la direction. Alors, d'où vient cette idée? D'où peut venir cette idée qui avait été prise comme un des engagements d'ailleurs, encore une fois, de notre formation politique avant la dernière élection? Bien, on se souviendra qu'au début des années 2000, hein, il y a eu des épisodes ailleurs qui ne se sont pas produits au Québec, Dieu merci. Il y a eu le fameux épisode du scandale d'Enron en particulier, puis il y en a eu d'autres dans le même acabit.

n(22 h 10)n

Et à l'époque, suite à cela, les gens qui se sont penchés sur la question de la gouvernance effective des entreprises, qu'elles soient privées, et ça s'applique aussi pour le public, c'est que c'est important de scinder ces deux postes là pour assurer justement un élément de contrepoids, hein, et aussi d'une chaîne de direction claire entre l'orientation du conseil d'administration et ceux qui exécutent.

Et d'ailleurs, dans un rapport final d'un comité mixte sur la gouvernance d'entreprise de l'Institut canadien des comptables agréés pour la Bourse de Toronto, en novembre 2001, ils avaient effectué une enquête dans laquelle ils ont trouvé que, selon un sondage réalisé en 2001, 58 % des grandes entreprises canadiennes séparent maintenant les fonctions de président du conseil d'administration et de chef de la direction. Et ces mouvements-là donc sont effectués dans la foulée des événements comme le scandale d'Enron et d'autres événements comme ceux-là. Et c'est au début des années 2000. Et on peut dire même: en 2001, aux États-Unis, ils étaient moins avancés que les Canadiens là-dessus, il faut le dire, parce que, d'après le même rapport que je citais il y a quelques... ou enfin auquel je référais il y a quelques instants, on disait que la tendance était moins forte aux États-Unis parce qu'en 2001 il y avait environ 25 % des entreprises qui faisaient cette distinction des deux types de poste. Je n'ai pas les chiffres si ça a évolué, mais je serais porté à croire que ça a probablement évolué encore davantage, au cours des dernières années. Il faudrait le vérifier.

Mais donc le projet de loi s'inscrit ? donc, on est rendus trois ans plus tard, presque quatre ans plus tard ? il s'inscrit dans cette foulée-là. C'est un élément important.

Un autre élément important dans le projet de loi que nous avons à l'étude, c'est celui d'avoir un conseil d'administration qui soit indépendant, relativement parlant, par rapport au gouvernement. J'ai expliqué, tout à l'heure, des cas pourquoi c'était si important et j'ai expliqué pourquoi, dans une vision que je respecte mais que je ne partage pas, sous les gouvernements souvent du Parti québécois ? et il y a eu plusieurs études historiques ? historiquement, il y a eu moins d'indépendance relative. Je ne dis pas qu'à toutes les semaines il y avait des directives qui étaient données, mais, de facto, en pratique, il y en avait moins, d'indépendance, parce que c'était clairement une vision différente, encore une fois que je ne partage pas, mais une vision différente de l'opposition, de la formation politique de l'opposition officielle et la nôtre.

Alors, cette indépendance fait que, dans le projet de loi, on parle que les deux tiers des membres du conseil d'administration, qui peut comprendre entre neuf et 15 personnes, les deux tiers seront nommés, sont des membres avec un statut indépendant. Bien, c'est une garantie, ça, pour les citoyens du Québec, c'est une garantie pour s'assurer effectivement que la mission de la caisse qui va dans le projet de loi devrait être respectée mais qu'elle doit se faire non pas sur les dangers qu'un gouvernement pourrait avoir, une tentation que le gouvernement pourrait avoir de dire: Bien, tiens, j'ai d'autres intérêts à court terme, j'ai peut-être une élection qui s'en vient ? et je ne dis pas que ça s'est fait ? mais la tentation pourrait être là de dire: Bien, là, on va commencer des directives à la caisse. Alors, on veut justement, pour la protection des citoyens du Québec, de dire: On fait cette séparation-là. Comme en 1995 où le plan O était subordonné à une directive, hein, du ministère des Finances, on ne veut plus que ça se répète, cette chose-là. Pour nous, c'est important. C'est une question de principe.

Et un autre élément important de la gouvernance qui est proposé, c'est d'avoir trois comités qui relèvent du conseil d'administration: un comité de gouvernance, un comité de vérification interne, hein, et un comité des ressources humaines. Et, dans le rapport annuel de la Caisse de dépôt, ces comités-là auront des rapports qui devront être inclus dans le rapport annuel. C'est important quand on parle de transparence et d'imputabilité.

Alors, vous voyez, M. le Président, ce projet-là ne tombe pas de nulle part. On ne s'est pas levé un bon matin, on a dit: Tiens. J'imagine que le ministre des Finances ne s'est pas levé un matin, puis: Tiens, on va préparer une loi, hein, sur la Caisse de dépôt, ça va nous occuper un beau mardi soir de décembre. Ça origine de travaux qui ont été faits, de discussions, de débats, de réflexions qui ont été faits d'abord au sein de notre formation politique, sur la base d'événements historiques, de différents épisodes qui se sont produits, en disant: Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux pour nos citoyens pour s'assurer que la caisse ait un mandat clair et qu'elle puisse y répondre toujours, dans le meilleur intérêt possible des Québécois et des Québécoises. Et c'est à ça donc que nous sommes invités de débattre, de discuter peut-être, s'il y a lieu, d'améliorer le projet de loi. Mais on voit que tout ça s'inscrit dans une logique, une cohérence d'imputabilité et de transparence auxquelles certainement nous croyons et, je suis convaincu, en bout de piste aussi, que l'opposition officielle croit aussi. Mais il peut y avoir une vision différente, et c'est correct et c'est tout à fait correct. Ce n'est pas bêtement partisan, loin de là, d'afficher nos différences, d'en débattre, et les citoyens qui nous écoutent, les citoyens que nous représentons vont être ceux qui vont être les vrais juges, les seuls juges en bout de piste.

Mais je suis convaincu que... Les prévisions, tout à l'heure, du député de Rousseau, dire que, dans six ans, ou dans cinq ans, ou dans 10 ans, les sièges sociaux auront quitté le Québec à cause de cela, je ne partage vraiment pas cette opinion-là tout comme je ne partageais pas l'opinion qu'il avait sur les prévisions économiques où on... un an plus tard, depuis un 18 mois, l'économie québécoise allait très mal se porter. Bien, à l'évidence, ce n'est pas le cas non plus.

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous invite à conclure, M. le député.

M. Paquet: Alors donc, sur ce, encore une fois c'est pour ça que ce projet de loi est aussi important. Pour les citoyens de mon comté, ils sont importants et ils le sont pour tous les citoyens du Québec. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Alors, je vous rappelle que nous sommes toujours à l'étude du projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Oui, M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'on mériterait bien une suspension de 15 minutes.

Le Président (M. Bernier): Est-ce que vous êtes d'accord? Nous allons suspendre, pour 15 minutes, la séance.

(Suspension de la séance à 22 h 15)

 

(Reprise à 22 h 35)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des finances publiques reprend ses travaux. Nous sommes toujours à l'étape des remarques préliminaires. Je reconnais Mme la députée de Matane.

M. Pinard: Alors, M. le Président, un point d'ordre.

Le Président (M. Paquet): Un point d'ordre, M. le député de Saint-Maurice.

Question de règlement concernant
la participation du président de la
commission aux remarques préliminaires

M. Claude Pinard

M. Pinard: Oui. M. le Président, nous vous avons écouté religieusement tout à l'heure. Vous êtes intervenu, vous avez prononcé une allocution. Nous avons en notre possession les galées. Vous avez eu un comportement excessivement partisan qui fait en sorte, M. le Président, que, pour le meilleur déroulement des travaux de la commission, à ce stade-ci, je demande à mes collègues ministériels ainsi qu'à mes collègues ici d'accepter que le député de Montmorency qui est président de séance puisse continuer à présider les travaux de la commission parlementaire parce que le député de Montmorency actuellement n'a pas démontré sa partialité concernant la loi n° 78, le projet de loi n° 78.

Le Président (M. Paquet): Vous avez terminé votre point d'ordre, M. le député de Saint-Maurice?

M. Pinard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres personnes à entendre sur le point d'ordre?

Mme Charest (Matane): M. le Président, j'ai peine à comprendre...

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): M. le Président, j'ai peine à comprendre qu'on puisse prétendre qu'un collègue député, qu'il soit président ou non d'une commission, ne puisse pas avoir le droit de faire valoir son point de vue à l'égard d'un projet de loi. Et j'aimerais bien qu'on vérifie, de façon très sérieuse, le règlement qui supporte les prétentions de notre collègue député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Alors, M. le Président, je voudrais répondre à la question de la députée de Matane. Bon...

Le Président (M. Paquet): Bien, il est coutume habituellement... Bon, écoutez...

M. Pinard: Mme la députée de Matane...

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Juste un moment, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Maurice, je vais vous reconnaître, mais juste un petit moment, s'il vous plaît!

Juste pour le bon déroulement de nos travaux, habituellement, sur une question de règlement, on entend un point d'un bord, un point de l'autre et par la suite on statue. Alors, je suis bien prêt à entendre un deuxième point. Je vais entendre un deuxième point, s'il y a lieu, et après je pourrai statuer, si vous permettez. Alors, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Alors, je répondrai à la députée de Matane qu'en vertu des us et coutumes, Mme la députée, il est normal, par exemple, lorsqu'une commission parlementaire reçoit des groupes, fait des auditions particulières ou générales, il est normal que le président quitte son siège ou même, de son siège, à quelques reprises puisse poser des questions aux invités de la commission parlementaire. Mais, Mme la députée de Matane, lorsque les travaux de la commission s'effectuent sur un projet de loi article par article, à ce moment-là, il est, en vertu de la jurisprudence, des us et coutumes de cette Assemblée qui existent depuis au-delà d'une centaine d'années, il est tout à fait convenable que le président ne s'immisce pas dans le débat, à moins de siéger comme député et de laisser la présidence à un député qui va donner à l'opposition officielle l'impartialité requise pour continuer le débat sur un projet de loi article par article. Ça, Mme la députée, ce sont les us et coutumes, ce sont les particularités de notre parlementarisme. C'est une façon de procéder qui a toujours eu cours ici, en ces murs.

Et je peux vous affirmer, madame, que jamais le leader de votre formation politique, l'ancien leader de votre formation politique, le ministre actuel de l'Environnement, le ministre actuel des Affaires municipales n'auraient toléré, n'auraient toléré 5 %, 1 %, 2 % des propos qui ont été prononcés par l'actuel président de la Commission des finances publiques.

n(22 h 40)n

En aucun temps, ces gens, ces députés, ces ministres, ce leader n'auraient accepté que la poursuite d'un projet de loi, de l'étude d'un projet de loi article par article soit confiée à la direction d'un président qui a enregistré, qui a enregistré sa partialité, qui a donné son opinion, et qui s'est inscrit en faveur du projet de loi, et qui a même sermonné l'opposition officielle, et a fait comprendre à l'opposition officielle que nous n'étions pas dans notre droit en pensant que le projet de loi n° 78 ne devait pas être accepté tel qu'il est rédigé actuellement.

Alors, madame, ce sont des motifs suffisamment sérieux qui font en sorte qu'actuellement, et ce, pas seulement pour ce soir, madame, pour la durée de l'étude du projet de loi n° 78, demain, après-demain, la semaine prochaine, dans 15 jours... Le président actuel a démontré sa partialité et, à ce compte-là, madame, il se doit, de lui-même, de quitter son siège ? il se doit, de lui-même ? s'il a véritablement en tête le rôle et la signification du poste qu'il occupe. Et il sait très bien qu'il se doit, il se doit, comme président, de garantir à l'opposition officielle son impartialité, ce qu'il n'a pas démontré aux députés ici présents. Et, nous, de notre côté, nous considérons que, vu sa partialité dûment enregistrée dans les galées ? et on peut les sortir à n'importe quel temps ? alors M. le député de Laval-des-Rapides sera désormais un député qui peut travailler en commission parlementaire mais qu'il ne peut plus diriger nos débats.

Le Président (M. Paquet): Alors, sur le point de règlement d'abord. Juste un moment, si vous permettez, je vais me permettre de suspendre les travaux. Je vais expliquer justement pourquoi. Je vais me permettre de suspendre les travaux et demander peut-être à M. Bernier de reprendre le siège parce que j'aimerais intervenir... pardon, M. le député de Montmorency, juste de manière à intervenir sur le point d'ordre, pour débattre du point d'ordre. Alors donc, je vais suspendre les travaux. Je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 22 h 42)

 

(Reprise à 22 h 46)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, les travaux reprennent concernant le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il y a un point d'ordre qui a été mentionné. Le député de Laval-des-Rapides a demandé la parole pour intervenir.

M. Paquet: Alors, sur le point d'ordre...

M. Lelièvre: Avant que le député de Laval-des-Rapides prenne la parole...

Le Président (M. Bernier): Un instant. Un instant.

M. Lelièvre: ...j'ai une motion à vous présenter. Je vous demande...

M. Paquet: Sur le point d'ordre... question d'ordre... question de règlement...

M. Lelièvre: ...de faire sortir...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, j'ai donné...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, je vous prie...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): Je vous en prie, s'il vous plaît! J'ai donné la parole au député...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député, j'ai donné la parole au député de Laval-des-Rapides. Je vais vous entendre par la suite.

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Lelièvre: Oui.

Le Président (M. Bernier): Question de règlement.

M. Lelièvre: Je vous demande instamment de faire sortir l'intervention complète du député de Laval-des-Rapides.

Le Président (M. Bernier): Bon. Regardez, là. Sur ça, je vais revenir par la suite rendre ma décision.

M. Lelièvre: ...laisser la parole au député de Laval-des-Rapides, que vous demandiez que l'on sorte immédiatement les galées.

Le Président (M. Bernier): Sur ce, je vais revenir, M. le député de Gaspé, avec ma décision. La parole est au député de Laval-des-Rapides.

M. Alain Paquet

M. Paquet: Alors donc, j'ai entendu le point d'ordre qui a été soulevé par mon collègue de l'opposition officielle, M. le député de Saint-Maurice, et qui débat le fait, qui dit que le président de la commission ne puisse pas intervenir lors de l'étude d'un projet de loi, à l'étude détaillée, en fonction de son opinion sur le projet de loi. Alors, je ne reviendrai pas sur le fond, parce que ce n'est pas sur le débat du fond. On m'a attribué des propos dits partisans. J'ai cité le Vérificateur général. Alors, je suppose que le député de Saint-Maurice ne veut quand même pas penser que le Vérificateur général soit partisan, puisque ce seraient des accusations qui seraient très graves. Mais je suis certain que ce n'est pas l'objectif du député de Saint-Maurice ou de l'opposition officielle.

Je veux juste faire référence à des points de droit, sur la raison pour laquelle je vais argumenter qu'en tant que président de la Commission des finances publiques j'ai le droit d'intervenir aussi comme membre de la commission. L'article 138 du règlement de l'Assemblée nationale est très clair, et je vais le lire: «Fonctions du président. Le président organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses délibérations et a droit de vote.» Alors, étant donné que l'article 138 dit clairement: prend part à ses délibérations ? on ne dit pas dans quel contexte, on ne parle pas dans un contexte strictement d'auditions publiques ou de consultations particulières ou générales ? toutes ses délibérations, ça inclut les délibérations dans le contexte d'une étude détaillée d'un projet de loi. Et, comme le président a droit de vote bien évidemment, et, comme il a droit de vote, et il peut l'exercer. Je l'ai déjà fait dans le passé, d'ailleurs sur plusieurs projets de loi, tout comme d'ailleurs le vice-président est déjà intervenu sur un projet de loi et a remplacé, pendant un certain temps, le poste que j'occupais comme président de la commission.

De la même manière, je ne discute pas de ce droit qu'a le vice-président de la commission ou tout membre à cet égard-là, comme a déjà été remplacé par les présidents de séance qui sont intervenus dans le cadre d'un débat et qui ont remplacé aussi au siège de la présidence... Les us et coutumes, les expériences... Et on me dit ? on pourrait faire une recherche plus détaillée ? que, dans d'autres contextes, dans le passé, d'autres législatures, c'est arrivé clairement: même du siège de la présidence on a pu intervenir.

Et je réfère à une autre décision, la décision 138/3 dans le cahier de Recueil de décisions concernant la procédure parlementaire, la décision 138/3, qui date du 2 décembre 1988, par le président, qui était le député Jean-Guy Lemieux, à l'époque: Fonctions du président, au moment de l'étude détaillée, motion d'amendement. «Contexte. Au cours de l'étude détaillée d'un projet de loi, le président de la commission désire présenter une motion d'amendement à un article du projet de loi.»

n(22 h 50)n

Alors, je considère que, dans ce contexte-là, il intervient dans le cadre du débat de l'étude détaillée du projet de loi. La question qui avait été soulevée à ce moment-là: «Est-ce qu'un président de commission peut présenter une motion d'amendement lors de l'étude détaillée d'un projet de loi?» La décision: «Le président peut présenter une motion d'amendement lors de l'étude détaillée d'un projet de loi.» Donc, la jurisprudence est très claire à cet égard-là.

Mais ce que je vous propose, M. le Président ? je ne, absolument pas, suis pas d'accord évidemment avec l'interprétation de mon collègue député de Saint-Maurice ? mais je suis je suis sûr de la jurisprudence et je suis prêt à soumettre la question au président de l'Assemblée nationale. Je ne siégerai pas, ce soir, à titre de président de la commission pour le reste de la soirée, mais aucunement je ne présume de la décision du président qui la prendra sur la base de la jurisprudence qui est là, d'accord, et cette décision pourra être rendue publique ici, à la commission, par la suite.

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Lelièvre: M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Gaspé, sur cette motion.

M. Lelièvre: Oui, sur cette...

Le Président (M. Bernier): Sur ce point d'ordre, c'est-à-dire, excusez.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Le député de Laval-des-Rapides a toujours présidé nos travaux à la Commission des finances publiques. C'est la première fois que je constate, avec regret, que le député de Laval-des-Rapides a prononcé une allocution partisane.

Depuis que je siège à l'Assemblée nationale, depuis 1994, tous les présidents qui se sont présentés au fauteuil que vous occupez présentement, pour présider nos travaux, se sont abstenus, abstenus de faire toute prise de position partisane dans la mesure où deux groupes ou trois groupes parlementaires interviennent, font des propositions, émettent des opinions. On est en politique, le débat est politique lorsqu'un député qui occupe votre fonction prend part aux délibérations. Et ce que le député de Laval-des-Rapides disait tout à l'heure, sur sa question de règlement, il participe au débat. Il va participer au débat également pour entendre des organismes, pour entendre des représentants d'organisme, pour poser des questions, pour avoir des points d'éclaircissement.

Mais là ce n'est pas ça qu'il a fait, il s'est rangé du côté de l'aile parlementaire gouvernementale pour appuyer le projet de loi du ministre. Donc, il prend fait et cause pour le projet de loi, pour l'aile parlementaire. Comment voulez-vous que nous puissions continuer nos travaux lorsque surviendront peut-être en cours de route des difficultés au niveau de l'application du règlement? Comment, légitimement, le député de Laval-des-Rapides peut prétendre à pouvoir poursuivre non pas seulement la séance de ce soir, mais toutes les séances qui viendront pour l'adoption de ce projet de loi?

Alors, M. le Président, la question... Et je pense que, vous, comme président, si le député de Laval-des-Rapides présente au président de l'Assemblée nationale une question de directive, à savoir s'il peut continuer à siéger comme président, parce qu'il prétend avoir le droit de participer à nos débats, moi, je vous soumets et je vous demande de soumettre cette question-là aussi au président de l'Assemblée nationale: que le président s'abstienne de participer à tout débat dans cette Assemblée, d'une part; d'autre part, il faut que le président nous dise clairement si le fait de présenter une argumentation défavorable à l'opposition ou favorable au projet de loi du ministre ne constitue pas une prise de position partisane dans le cadre de ses fonctions, même si, par un jeu de chaises musicales, il débarque de la présidence et il décide de renoncer à la présidence pour 15, 20 minutes, 30 minutes, pour faire des remarques, prendre des positions politiques et ensuite revenir sur son siège. Et, nous, on va faire confiance à la présidence par la suite? Je veux que vous demandiez au président de l'Assemblée nationale qu'il tranche cette question.

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie, M. le député de Gaspé.

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Verdun, toujours sur un point d'ordre.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Premièrement, M. le Président, vous avez pleinement pouvoir actuellement, vous, qui êtes dans la chaise actuellement, dans la présidence, pour trancher cette question de ce point d'ordre. Vous pouvez demander une directive bien sûr aux conseillers en droit parlementaire. C'est votre droit, si vous voulez réfléchir, mais vous avez pleins pouvoirs à l'heure actuelle, pour trancher ce point d'ordre.

Deuxièmement, je voudrais rappeler à mon distingué collègue le député de Gaspé qu'il y a une différence ? et la tradition depuis 15 ans que je siège dans cette Assemblée nationale ? il y a une différence entre la présidence et le président. C'est deux notions différentes, et je pense qu'il est important que vous le compreniez. D'un côté, le président est nommé pour un mandat de deux ans, une demi-session, et il a comme mandat d'arranger et d'organiser les travaux de cette commission. C'est sa première fonction. Et il préside occasionnellement les travaux de cette commission. Il peut même se faire remplacer par un président de séance, et éventuellement, même dans le règlement, vous remarquez, on va jusqu'à présider... que le président de séance doit siéger avec le président et le vice-président à côté de lui. Il y a une différence fondamentale entre la présidence et le président.

Très sagement, aujourd'hui, le député de Laval-des-Rapides, lorsqu'il a voulu rentrer dans le débat... Et je crois que le député de Laval-des-Rapides peut rentrer dans ce débat, lorsqu'il représente ses citoyens, et le fait d'être président ne veut pas dire qu'on lui coupe la parole, M. le Président. Il a le droit actuellement, comme tout parlementaire, de s'exprimer devant un projet de loi. Ce n'est pas parce qu'on est président qu'on ne peut pas s'exprimer sur un projet de loi. Très sagement, le député de Laval-des-Rapides a décidé de quitter la présidence pour justement intervenir du banc des ministériels, sur le projet de loi. Et il vous a confié, M. le Président, la présidence actuellement, et c'est vous, M. le Président, qui avez pleinement actuellement les pleins pouvoirs de la présidence. Ce ne veut pas dire que le député de Laval-des-Rapides ne peut pas intervenir. Et vous pouvez rester comme président de cette commission. Je vous demande de bien comprendre la différence entre, d'un côté, la présidence et, de l'autre côté, le président.

De surcroît, il aurait pu parfaitement, et ça a été la tradition dans cette Assemblée, intervenir du siège de la présidence, sagement, pour ne pas entacher en quelque sorte la présidence. Il ne peut pas faire en sorte que la présidence puisse être considérée comme partiale à l'intérieur du débat; il a quitté la présidence pour intervenir du côté des bancs des ministériels et il l'a fait très sagement, par respect justement de la présidence et du rôle de la présidence à l'heure actuelle. Et je voudrais vous rappeler, M. le Président, que d'une part vous avez le pouvoir actuellement pour régler ce point d'ordre, vous avez parfaitement le pouvoir. Et je vous rappellerai que vous ne pouvez pas, aujourd'hui, comme veulent le suggérer nos collègues de l'opposition, bâillonner le droit de parole du député de Laval-des-Rapides, qui a pleinement le droit de s'exprimer sur un projet de loi, au nom des citoyens qu'il représente.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. le député de Verdun.

M. Pinard: M. le Président...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Saint-Maurice, toujours sur la question de règlement.

M. Pinard: Merci, M. le Président. Alors, voyez-vous, M. le Président, il y avait dans ce conseil législatif, dans cette salle, énormément de sérénité à 8 heures, également cet après-midi. Tout allait bien, M. le Président. Et, tout d'un coup, ça explose. Or, les gens qui nous écoutent peuvent se demander pourquoi ça explose, parce que...

Une voix: ...

M. Lelièvre: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Saint-Maurice a la parole. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pinard: M. le... gouvernement, je demande que le député de Verdun retire ses propos: parce que je suis là, ça explose.

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

M. Pinard: Ça, monsieur, là...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Verdun, je vous appelle à la prudence, et, M. le député de Saint-Maurice, vous avez la parole. Allez-y, monsieur...

M. Lelièvre: M. le Président...

M. Pinard: Voyons!

M. Lelièvre: M. le Président, je vous demande de demander au député de Verdun de retirer ses propos.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, je ne vous ai pas donné la parole. La parole est au député de Saint-Maurice.

M. Lelièvre: C'était une question de règlement, M. le Président, et, quand il y a une question de règlement qui est posée, vous devez l'écouter et trancher. Je vous demande de demander au député de Verdun, qui impute des...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé...

M. Lelièvre: ...au député des motifs...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, j'invite...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, j'invite le député de Verdun à la prudence. J'ai rendu ma décision. J'invite le député de Saint-Maurice à poursuivre son exposé sur la question de point d'ordre en premier, le premier point d'ordre.

M. Pinard: M. le Président, je connais très bien le député de Verdun. C'est un homme qui se conduit très bien, en cette Chambre, habituellement. Je comprends qu'il est 11 h 10, on a de la fatigue. Ça fait déjà la troisième semaine qu'on entreprend la session intensive. J'allais dire, M. le Président, que les travaux allaient merveilleusement bien aujourd'hui, allaient merveilleusement bien jusqu'au moment où celui qui présidait les travaux a décidé de sortir le rabot et de nous en donner tout un coup. Il y a des choses qui se font en politique, qu'on est obligé d'accepter de part et d'autre, mais, lorsque celui qui est l'arbitre met les gants de boxe, décide de monter dans l'arène et d'assainir, et d'assainir un violent K.-O. à l'adversaire, M. le Président, c'est inacceptable.

n(23 heures)n

Je vous demande, M. le Président. M. le Président, je veux tout simplement vous mentionner, M. le Président, qu'il y a le règlement, M. le Président, mais il y a aussi la jurisprudence et il y a aussi les us et coutumes. Je vais tout simplement vous transmettre, M. le Président... c'est quelque chose qu'on vit régulièrement, lors des affaires courantes ou lors des affaires du jour. Lorsqu'il y a un vote au salon bleu et que le vote est contesté, M. le Président, que se produit-il au niveau des trois vice-présidents? Les trois vice-présidents quittent l'enceinte, s'en vont en arrière du trône pour une raison, pour démontrer l'impartialité aux trois formations politiques. Ils démontrent leur impartialité.

Alors, ce qu'on a assisté aujourd'hui, ce soir, ce que j'ai assisté, moi, je ne peux l'accepter. Ça allait très bien. Tout d'un coup, l'arbitre, celui qui doit diriger les travaux de cette commission jusqu'à l'adoption du projet de loi, en commission, article par article, cette même personne prend fait et cause, M. le Président. Alors, c'est tout comme si le président, un vice-président de l'Assemblée nationale décidait, lui, de prendre fait et cause dans un projet de loi déposé par un des ministres du gouvernement et annonce ça à l'opposition: C'est comme ça que ça va se passer, puis c'est de même que je mène les travaux, puis je m'en vais comme ça.

M. le Président, c'est une question d'us et coutumes, c'est une question de sérénité, c'est une question de décorum, M. le Président. Et c'est surtout la question que celui... Comme, vous, j'ai confiance en vous, M. le Président, j'ai confiance en vous et je suis prêt à vous donner ma confiance pour la durée du projet de loi n° 78. Mais jamais, M. le Président, jamais je ne vais avoir confiance en un président qui travaille pendant x heures, nous laisse aller, nous laisse croire, nous laisse voir qu'il va gérer ça de main de maître et surtout avec énormément d'impartialité...

M. Paquet: Question de règlement, M. le Président.

M. Pinard: ...et, tout d'un coup, il nous sort un discours...

Le Président (M. Bernier): M. le député...

M. Paquet: Question de règlement, M. le Président.

M. Pinard: ...

Le Président (M. Bernier): Question de règlement, monsieur...

M. Pinard: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Saint-Maurice, s'il vous plaît! Question de règlement. Oui, M. le député de...

M. Paquet: Question de règlement. Bon. Je crois qu'on est en train de ? et j'imagine que ce n'est pas volontaire ? mais je crois que M. le député de Saint-Maurice semble me prêter des motifs qui seraient indignes, et je l'inviterais certainement à...

M. Pinard: ...les galées, M. le Président.

M. Paquet: Je voudrais, à travers le président, je demanderais...

M. Pinard: Les galées sont pour moi ma preuve incontestable.

M. Paquet: Je n'ai aucun problème à ce qu'on sorte les galées.

M. Pinard: J'ai une preuve bétonnée, M. le Président.

M. Paquet: Sur la question de règlement...

Le Président (M. Bernier): Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Maurice, M. le député de Laval-des-Rapides. Le service de transcription est présentement fermé, donc...

M. Pinard: ...

Le Président (M. Bernier): Donc, on va prendre ? un instant, s'il vous plaît! ? je vais donc prendre la question en délibéré et rendre une décision au début de la prochaine séance. Je vais assurer la présidence jusqu'à la fin de cette séance, jusqu'à minuit ce soir, et je vais vous rendre une...

Une voix: ...

Le Président (M. Bernier): Bien, il y a encore des ? je regrette, M. le député de Rousseau ? mais il y a encore des gens qui ont le droit de parole, en ce qui regarde les remarques préliminaires, du côté du gouvernement. Je vais donc...

Une voix: ...

Le Président (M. Bernier): Donc, ma décision est rendue. Je vais prendre la question en délibéré et je vais rendre une décision au début de la nouvelle séance. Je vais assumer la présidence jusqu'à minuit ce soir, et nous allons poursuivre l'étude du projet de loi.

M. Lelièvre: M. le Président, question de directive.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Lorsque vous aurez terminé les remarques préliminaires, êtes-vous en train de nous dire que vous allez passer à l'étude article par article du projet de loi?

Le Président (M. Bernier): Non, ce que je dis, M. le député, c'est qu'à ce moment-là, moi, je vais, on va terminer les remarques préliminaires. J'ai trois intervenants qui m'ont demandé le droit de parole; ils ont droit à 20 minutes chaque. Il est 11 h 5, O.K.? Et, à la suite de ça, moi, je vais prendre en délibéré la question en ce qui regarde les questions qui ont été posées. Le point d'ordre qui a été posé, je vais rendre une décision à la prochaine séance.

M. Pinard: Bien, les galées, hein? Les galées, on ne pourra pas avoir ça à soir, les galées.

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): O.K. Donc, on continue.

M. Lelièvre: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Étant donné que les galées seront disponibles demain seulement, je vous fais la motion suivante à l'effet que, demain, avant que vous rendiez votre décision, nous puissions intervenir, en regard de l'intervention qui sera transcrite, avant que vous rendiez votre décision.

M. Paquet: Question de règlement.

Le Président (M. Bernier): Question de règlement, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: Alors, étant donné que j'en fais la demande et je transmettrai une lettre au président de l'Assemblée nationale, au bureau du président, pour une question de directive sur les propos qui ont été tenus, évidemment je propose aussi que les argumentations qui ont été faites ce soir, tout ce qui sera dans les galées sera soumis au président de l'Assemblée nationale... argumentation. Je lui demande une directive sur cette base-là et que vous pourrez faire part aussi de la directive du président de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bernier): J'en prends note. Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc poursuivre les remarques préliminaires.

M. Lelièvre: Mais question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Je viens de vous demander de faire une motion à l'effet qu'avant que vous preniez en délibéré cette problématique, hein, les arguments qui ont été soulevés de part et d'autre... Vous êtes appelé à prendre une décision demain. Et, vous aussi, vous allez lire les galées, et, nous aussi, on va lire les galées. Et justement nous voulons intervenir demain matin, à la reprise de nos travaux, sur cette question de règlement.

M. Pinard: Si c'est demain.

M. Lelièvre: Si c'est demain.

Le Président (M. Bernier): J'en prends bonne note, M. le député.

M. Lelièvre: Alors, M. le Président, je comprends que, demain, vous allez nous donner l'opportunité d'intervenir avant que vous rendiez votre décision.

Le Président (M. Bernier): Je prends bonne note de vos...

M. Lelièvre: La démarche du député de Laval-des-Rapides le concerne, mais, en ce qui nous concerne, c'est vous le président, c'est vous qui occupez le siège à la présidence...

M. Pinard: Vous assumez votre responsabilité...

M. Lelièvre: ...c'est vous qui allez mener nos travaux en toute impartialité et selon notre règlement.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député. Oui, M. le député de Verdun...

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président (M. Bernier): ...toujours sur la question de règlement?

M. Gautrin: Sur la même question de règlement soulevée par mon collègue de Gaspé. Je trouve que c'est tout à fait valable et que probablement vous puissiez, lorsque nous aurons, de part et d'autre, lu les galées, vous puissiez permettre quelques brèves remarques, j'imagine, pas trop longues non plus, mais quelques brèves remarques. Et je crois que c'est tout à fait pertinent. Et on pourrait, de part et d'autre, en convenir et, à ce moment-là, on pourra continuer les remarques préliminaires, ce qu'on est anxieux de pouvoir faire.

M. Paquet: Question de règlement.

Le Président (M. Bernier): Oui, question de règlement, M. le député de Laval.

M. Paquet: Juste pour enfin une directive étant donné de toute façon qu'on est dans le contexte du projet de loi n° 78, et, demain matin, la commission aura d'autres mandats sur d'autres projets de loi. En fait c'est une question de directive, là. Ce qui vient d'être argumenté, je n'ai pas de problème là-dessus, autrement dit qu'il pourrait y avoir d'autres argumentations qui pourront être présentées. Le président de l'Assemblée pourra soumettre sa propre directive suite à la demande que je vais lui faire et que j'ai convenue. Mais donc, si on est sur un autre mandat demain, à ce moment-là, que cette question-là ne sera pas soulevée dans le cadre d'un autre mandat que celui du projet de loi n° 78.

M. Lelièvre: Effectivement, c'est ce que j'allais vous suggérer, là. Lorsque nous reprendrons nos travaux...

Le Président (M. Bernier): Effectivement, c'est dans le cadre du projet de loi n° 78. Donc, les galées font partie intégrante de la séance de ce soir. Je vais en prendre connaissance, et vous pourrez intervenir par la suite en fonction des galées que vous aurez pris connaissance également.

M. Lelièvre: Lorsque nous reprendrons nos travaux sur le projet de loi n° 78.

Le Président (M. Bernier): Lorsque nous reprendrons nos travaux sur le projet de loi n° 78. Je vous remercie. Donc, je prends la question en délibéré et, lors de la reprise des travaux sur le projet de loi n° 78, nous reviendrons.

Entre-temps, nous allons poursuivre les remarques préliminaires sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et la parole est maintenant à la députée de Matane.

Remarques préliminaires (suite)

Mme Nancy Charest

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président. J'étais très surprise à l'écoute des inquiétudes soulevées par notre collègue député de Rousseau quant aux mesures prévues au projet de loi n° 78 et qui visent une plus grande transparence de la Caisse de dépôt et de placement à l'égard de ses activités. Avant de traiter systématiquement de chacun des arguments que le député de Rousseau a apportés au soutien de ses inquiétudes, j'aimerais qu'on replace, dans son contexte, la mission et l'objectif que doit poursuivre la Caisse de dépôt et de placement dans le cadre de son mandat.

Il faut rappeler, M. le Président, que la Caisse de dépôt est d'abord et avant tout une caisse qui a pour objectif de gérer des fonds de retraite. Et nous pourrons voir, à la composition des déposants de la Caisse de dépôt et de placement, qu'essentiellement la plupart de ces déposants sont soit la Régie des rentes du Québec, la Commission de la construction du Québec, la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, la CARRA, le RREGOP qui sont, à hauteur de 35 %, déposants de la Caisse de dépôt ? et je pourrais les énumérer un à un ? ce qui signifie que l'objectif principal de cette caisse devrait d'abord et avant tout d'optimiser les fonds de retraite et subsidiairement ou parallèlement assurer cette optimisation dans un souci de développement des entreprises du Québec.

n(23 h 10)n

Alors, je rappellerai que le texte de loi proposé prévoit, de façon très précise, que cette mission est bien de gérer en recherchant le rendement optimal du capital des déposants dans le respect de leur politique de placement, tout en contribuant au développement économique du Québec. Je crois, M. le Président, que l'assurance pour nos retraités, pour nos gens qui font confiance aux institutions bâties par notre gouvernement, que leurs fonds, que leurs économies sont gérés au meilleur de la connaissance des plus grands experts du Québec est, à tout le moins, un des objectifs, le principal objectif de la Caisse de dépôt. Et je suis très fière de voir que l'article 3 du projet de loi préconise et donne une place prioritaire à cet objectif principal.

Je constate aussi que l'inquiétude ou que les modifications qui ont été apportées ne découlent pas simplement d'une volonté qui est apparue comme ça, sans motif. Et à ce propos je réitère les observations faites par mon collègue député de Laval-des-Rapides quant aux performances de la Caisse de dépôt durant les dernières années. Nous mentionnions, et le député de Laval-des-Rapides l'a mentionné à bon escient, que, durant l'année 2002, bien que, comme l'a précisé le député de Rousseau, le marché n'était pas à son meilleur, la Caisse de dépôt et de placement accusait un rendement négatif de moins 9,77 %, soit le plus bas rendement qu'ont connu des caisses comparables. Et nous donnons à cet exemple le rendement du Ontario Teachers' Pension Plan qui accusait, lui, dans la même époque, un rendement négatif de moins 2 %. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que les inquiétudes non seulement des retraités et des gens qui contribuent à ces caisses de retraite étaient suffisantes, dans un contexte comme celui que nous avons connu en 2002, pour justifier une intervention de notre gouvernement.

Notre collègue député de Rousseau a traité de plusieurs faits pour corroborer ou pour appuyer les propos qu'il avait et qui étaient à l'effet de discréditer ou de diminuer l'impact des propositions ou des modifications que nous proposons dans le cadre du projet de loi n° 78. Il a même mentionné que l'action prise par le gouvernement pouvait même nous porter ou même porter à croire que nous étions disposés à disposer effectivement des intérêts que nous avions dans Bombardier à des intérêts étrangers. Et je signalerai, et j'espère que... Je suis certaine que le député de Rousseau lit tout autant que moi La Presse de tous les jours et je lui rappellerai l'article paru dans La Presse de ce matin dans lequel on précise, de façon très, très, très, très spécifique: Québec et Ottawa [sont] prêts à soutenir Bombardier: «Le gouvernement fédéral et Québec préparent une annonce commune pour à la fois satisfaire les attentes de Bombardier et épauler l'ensemble de l'industrie aérospatiale au pays.» Et c'est vrai...

M. Legault: ...

Mme Charest (Matane): Et c'est vrai. Alors, pourquoi...

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Rousseau.

Mme Charest (Matane): Alors, je m'étonne que le député de Rousseau soulève des arguments qui, aujourd'hui même, ont été prétendus mais dans un sens contraire, pour nous discréditer, pour discréditer le projet de loi n° 78 qui, aujourd'hui, n'a pas du tout comme objectif de traiter de la disposition ou non des intérêts dans Bombardier.

Le député de Rousseau dit ? et j'ai peut-être une vue plus optimiste que lui de l'économie québécoise et de la performance des entrepreneurs québécois ? qu'il pourrait identifier pas plus de 10 personnes au Québec dont la fortune... ou qui, pour reprendre ses propos, pourraient signer un chèque de 100 millions. Je me suis amusée à faire l'exercice pour vérifier si effectivement l'estimation faite par le député de Rousseau pouvait être raisonnable. Alors, mon exercice m'amène à 22 entrepreneurs du Québec. Je vous nommerai les noms, M. le député de Rousseau. Nous parlons...

Le Président (M. Bernier): Mme la députée de Matane, je vous prierais de vous adresser à la présidence.

Mme Charest (Matane): Oui, M. le Président, je m'en excuse. Alors, M. le Président, de ces entrepreneurs qui, selon les dires du député de Rousseau, pourraient signer une traite de 100 millions et plus, je nommerai les Chagnon de ce monde, les Péladeau, les Desmarais...

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous pourriez...

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Sur une question de règlement. Je voudrais seulement rappeler à ma consoeur la protection des renseignements personnels. Et je ne sais pas jusqu'à quel point on peut nommer ce genre. Je voudrais simplement que vous puissiez la rappeler à une certaine prudence dans cet...

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. Donc, je vous invite à la prudence, Mme la députée de Matane, dans vos propos.

Mme Charest (Matane): Je prendrai avec respect les réserves soulevées par mon collègue député de Verdun et je pourrai, M. le Président, si cela est possible, soumettre la liste de ces 22 entrepreneurs du Québec ou de leurs entreprises. Et je crois que, pour certains d'entre eux, plusieurs ont des sociétés qui sont déjà inscrites à une cote 100 millions et plus. Alors, ce que je voulais tout simplement soulever à cet égard, c'est qu'évidemment la société québécoise a connu, ces dernières années, des entrepreneurs qui ont su faire leur place dans le monde économique et sur le marché international, et je pense que c'est de voir les choses d'une façon très pessimiste de croire que ces personnes ou ces entrepreneurs se limitent à 10 au Québec.

Donc, je voudrais simplement ramener sur la table, M. le Président, que l'objectif du projet de loi que nous avons soumis, que nous soumettons aujourd'hui, dont nous procéderons à l'analyse, est tout simplement d'assurer aux épargnants du Québec que les fonds qu'ils donnent à des caisses de retraite sont investis de la manière la plus prudente et de la manière la plus transparente qui soit, de manière à ce qu'on donne à notre population l'assurance d'une administration fiable.

La Caisse de dépôt et de placement n'est pas, et je vous le rappelle, M. le Président, une institution financière, n'a pas non plus à assumer les responsabilités du gouvernement quant au développement économique. Elle peut certainement aider et contribuer à ce développement économique mais n'a sûrement pas à en assumer la responsabilité, et c'est donc pourquoi, M. le Président, je crois que le projet de loi que nous soumettons aujourd'hui aidera à assurer aux épargnants du Québec et aux entrepreneurs que les mesures prises et qui s'y retrouvent seront au bénéfice tant des épargnants que des entrepreneurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, Mme la députée de Matane. Donc, nous poursuivons nos travaux au niveau des remarques préliminaires sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, et la parole est au député d'Iberville.

M. Jean Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Donc, tout à l'heure, le député de Saint-Maurice a fait la gloire de la Révolution tranquille, et effectivement je souscris à cette période très faste qui était sur l'ère du Parti libéral et d'un grand chef qui était M. Jean Lesage, des changements qui ont été majeurs, qui se sont passés à cette époque-là, que l'on pense à la création du ministère de l'Éducation, où à l'époque 50 % de la population n'avait pas fait une septième année. Et c'est ce qui a permis en grande partie de changer notre société et d'en faire une société du savoir. Ça a été le début des polyvalentes et par la suite, sous l'ère de l'Union nationale, les cégeps et le réseau des universités du Québec.

Donc, tous les étudiants profitent au Québec et voient leurs coûts de scolarité beaucoup moins dispendieux étant donné qu'ils ont les universités en région, ce que l'on connaît à peu près pas en Amérique du Nord. C'est évidemment un avantage majeur qu'ont les étudiants du Québec au même titre que c'est ceux qui ont les frais de scolarité les moins élevés en Amérique du Nord. C'est le seul endroit en Amérique du Nord où il y a des bourses et où on leur permet aussi d'avoir des prêts. Donc, ceux qui veulent s'instruire au Québec, ils ont la possibilité, les meilleures possibilités en Amérique du Nord. Donc, c'est un des grands succès de la Révolution tranquille.

On ne peut pas mettre aussi de côté: création du ministère de la Culture. On a développé l'identification à ce moment-là.

n(23 h 20)n

Aussi, nationalisation de l'électricité, que le député de Saint-Maurice connaît bien, une compagnie principale, la Shawinigan Power, qui a été nationalisée et qui a permis de créer Hydro-Québec aujourd'hui, Hydro-Québec, qui est une force aujourd'hui mais pas seulement dans la distribution d'électricité, mais pensons aussi à tout le savoir qu'Hydro-Québec a pu engendrer, la création de grandes firmes d'ingénieurs au Québec dans les plus grandes mondialement, qu'on pense à SNC-Lavalin, bien SNC et Lavalin, maintenant qui est une des firmes importantes qui exporte son savoir à travers le monde. Donc, c'est des acquis de la Révolution tranquille.

Tout ça pour dire qu'il y a eu aussi une autre structure importante qui a été créée à ce moment-là, c'est la Caisse de dépôt. Souvenons-nous qu'à l'époque il y avait en même temps la création du Canadian Fund où les neuf autres provinces ont décidé de mettre les fonds de pension dans cet organisme, tandis qu'au Québec ça a été le début du fédéralisme asymétrique où on a décidé que nous aurions notre propre Caisse de dépôt ici et qu'on générerait finalement, les profits resteraient ici et serviraient au développement du Québec. Oui, en 1965, c'était un besoin, et on s'adaptait à la situation. Rappelons-nous: nos gens n'étaient pas scolarisés, nous ne contrôlions pas économiquement notre économie. Ou souvenons-nous que, dans la région de la Mauricie, dont je suis natif, rappelons-nous que les directeurs des entreprises étaient des anglophones et que les francophones étaient des salariés. Cette étape-là a changé. Nous sommes rendus en 2004. Et c'est pour ça que nous avons, aujourd'hui, le projet de loi pour modifier la Caisse de dépôt: les temps ont changé.

Nous étions à une étape de développement, du développement tous azimuts que nous avions au Québec. Nous avions du rattrapage à faire. Et c'est une époque qui a été importante, qui a créé des grandes sociétés au Québec. On ne nommera pas les noms, mais on connaît tous nos «best stories» au niveau de l'économie du Québec et dont nous sommes très fiers ? de cette étape-là ? sauf qu'il faut s'adapter aux situations, et c'est important. Et je pense que, dans l'histoire du Québec, il va y avoir une date mémorable qui s'appelle Gaspésia. Pourquoi Gaspésia? Quand on est rendu à vous mettre 3 millions par emploi, on ne fait pas du développement durable à cette époque-là; ce que l'on fait: au lieu d'avoir créé de l'espoir aux gens, on a amené le désespoir.

M. Lelièvre: Question de règlement.

M. Rioux: Imaginez-vous.

M. Lelièvre: Question de règlement.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, oui.

M. Lelièvre: Il faut que le sujet porte sur le projet de loi à l'étude: on parle de la Caisse de dépôt et de placement. Si le député d'Iberville ne peut pas nous dire, nous affirmer, de sa place, de son siège de député, que la Caisse de dépôt et de placement n'a pas mis un seul sou dans ce projet, qu'il nous le dise.

Le Président (M. Bernier): Adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît.

M. Lelièvre: Est-ce que la Caisse de dépôt et de placement du Québec a mis de l'argent dans le projet Gaspésia? Ça n'a aucune pertinence si ce n'est pas le cas.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Gaspé. Donc, en ce qui...

M. Lelièvre: ...pas un sou de la Caisse de dépôt et de placement qui est allé dans le dossier de Gaspésia.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé, vous comprendrez qu'en ce qui regarde les remarques préliminaires la coutume et les us et coutumes font qu'on est quand même très large en ce qui regarde la façon de s'exprimer. Donc, sur ce, j'invite le député d'Iberville à poursuivre ses remarques préliminaires.

M. Rioux: Effectivement, M. le Président, le député de Gaspé a parfaitement raison, il n'y a pas d'argent de la Caisse de dépôt qui a été investi dans Gaspésia. Et ce n'est pas l'objectif de ma présentation, loin de là, de démontrer qu'on a fait du développement pour du développement au lieu de faire du développement durable.

Imaginez si on avait pris toutes ces sommes d'argent là et qu'on avait développé des entreprises, permis à des jeunes entrepreneurs de pouvoir développer et d'avoir créé de l'espoir au lieu d'avoir créé du désespoir. Ce que ça nous montre, c'est que l'interventionnisme et le développement pour le développement au Québec ont atteint une limite. Les résultats, c'est qu'à l'époque de l'ex-gouvernement et on donnait quatre fois plus de subventions qu'en Ontario et plus que dans l'ensemble de toutes les provinces. Résultat: on avait seulement 17 % des investissements et on est 24 % de la population. Depuis que le gouvernement a donné la chance au capital privé d'investir et qu'on a donné moins de subventions, on a 19 % des investissements. Changement majeur de mentalité. On a atteint une maturité et on est rendus en 2004. On parlait de développement pour développement à la Révolution tranquille. Aujourd'hui, nous sommes rendus à la deuxième Révolution tranquille, et c'est ce que vous invite présentement le gouvernement en place.

Deuxième révolution. Qu'on regarde les projets, les PPP, qu'on regarde sociétés Québec... Services, excusez, Québec aujourd'hui, modernisation de la Caisse de dépôt, c'est à ça que sont conviés les Québécois, et on sent la résistance de l'opposition à se moderniser. On dirait qu'ils sont accrochés à ce qu'a été la Révolution tranquille. Et on est rendus à une autre étape; il faut savoir s'adapter. On était rendu que la Caisse de dépôt a fait de la spéculation au lieu de s'assurer de l'épargne de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Qu'on pense à Vidéotron, qu'on pense à Montréal Mode et le siège social où est-ce qu'on s'est donné une bâtisse qui était unique pour gérer les fonds de l'ensemble de la société.

La mission première de la Caisse de dépôt, c'est d'assurer de la rentabilité pour que l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui ont investi leurs fonds dans la Caisse de dépôt puissent avoir une retraite qu'ils ont bien méritée. Et ça, là, il y a plusieurs organismes au Québec, ce n'est pas juste les fonctionnaires. Il y a évidemment la RRQ qu'on retrouve là, le régime des rentes, la Commission de la construction qu'on retrouve, la CARRA, le RREGOP, donc les fonctionnaires, le régime des marchés agricoles et alimentaires du Québec, la CSST, la Société d'assurance automobile du Québec, donc tous ces organismes gèrent les fonds des Québécois et leur avenir. Donc, il faut s'assurer que ces gens-là puissent avoir la rentabilité. Et, si on a la chance... Je trouve ça malheureux qu'on prenne du temps pour discuter longtemps sur le droit de notre présidence et je trouve malheureux qu'il y ait des droits qui soient dénigrés ce soir. Quand on lit notre réglementation, l'article 138, où il est écrit clairement que le président peut prendre part à ses délibérations et que, ce soir, notre président a même eu la délicatesse de se retirer de son siège et finalement de...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: ...M. le Président. Le député d'Iberville a juste à faire comme le député de Laval-des-Rapides, adresser une demande à la présidence de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bernier): Merci. Donc, j'inviterais M. le député d'Iberville à revenir au sujet de l'article 78. On a débattu, tout à l'heure, de la question de règlement, donc je vous invite à poursuivre vos remarques préliminaires sur le projet de loi n° 78.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Donc, je reviens que la mission première de la caisse, c'est d'assurer finalement que les Québécois et les Québécoises aient leurs fonds de retraite et puissent avoir la contribution à laquelle ils ont droit, qu'ils ont bien méritée. Et je vais prendre l'article 3 du texte du projet de loi, qui nous dit: Oui, c'est la priorité, mais on ne met pas le développement économique du Québec. La mission se lit ainsi: «La caisse a pour mission de recevoir des sommes en dépôt conformément à la loi et de les gérer en recherchant le rendement optimal du capital des déposants dans le respect de leur politique de placement tout en contribuant au développement économique du Québec.» Donc, on ne le met pas à côté.

Et cette rentabilité-là est importante. Parlez-en aux gens de la fonction publique qui ont pris leur retraite et leurs fonds ne sont pas indexés. Ces gens-là demandent d'avoir l'indexation. Ils ont droit, ils ont contribué, donc il y a une réparation. Sauf que, si on vit des épisodes comme on a vécus en 2002, où est-ce que finalement on a connu des rendements de moins 10, presque moins 10 %, 13 milliards sur 140 milliards ? c'est à ça que ça ressemble ? et pendant qu'on était dans le dernier quantile, au niveau des fonds de retraite à l'ensemble de l'Amérique du Nord, il faut qu'il y ait un meilleur encadrement, et c'est à quoi le ministre des Finances nous convoque. Et c'est clair que les changements qu'on veut faire, direction bicéphale qu'on veut retrouver au niveau de la Caisse de dépôt pour ne pas revivre des cas comme Enron, ça fait partie des changements que l'on veut faire. Je pense que de séparer les deux conseils va nous permettre finalement de pouvoir avoir une meilleure surveillance des deux entités.

n(23 h 30)n

Donc, c'est dans un but de transparence que le ministre des Finances nous convie à modifier finalement la Caisse de dépôt. Et le projet de loi n° 78... Donc, ce que je souhaite, c'est qu'on commence, le plus rapidement possible, l'étude du projet de loi n° 78 dans l'intérêt de tous les Québécois et Québécoises qui ont, dans l'ensemble, ont des fonds. Là, j'hésitais, il y a les fonctionnaires. Mais, par le régime des rentes, à peu près tout le monde est touché par la Caisse de dépôt et de placement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député d'Iberville, de vos remarques préliminaires. Donc, je donne la parole au député de Verdun pour ses remarques préliminaires sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Donc, M. le député de Verdun, la parole est maintenant à vous.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Lorsqu'on débat d'un projet de loi sur la Caisse de dépôt, c'est probablement un des sujets qui devrait être le moins partisan possible, d'après moi. C'est un des sujets sur lesquels on peut diverger de point de vue mais qui doit rester non partisan.

Je rappellerai, pour le bénéfice des membres de cette commission, que nous considérons, du moins je considère, qu'un des grands dirigeants de la Caisse de dépôt a été Jean Campeau, qui, ultérieurement, après avoir été un des grands dirigeants de la Caisse de dépôt dans une structure bicéphale qui a été maintenue, et qui a eu la confiance du gouvernement de M. Bourassa pendant la période où il était président de la Caisse de dépôt, même si, ultérieurement, ses choix politiques l'ont amené à siéger comme député dans la formation qui forme, aujourd'hui, l'opposition et où son caractère, malheureusement, son caractère trop indépendant l'a ramené à ne pas continuer à assumer les postes au Conseil des ministres, qu'il assumait à l'époque avec brio. Et je dois dire que c'est l'exemple patent d'après moi pourquoi, lorsqu'on débat des questions qui entourent la Caisse de dépôt, on doit le faire avec sérénité, comme le rappelait tout à l'heure le député de Saint-Maurice. Et on peut diverger d'opinion sur certains éléments, mais on parle de choses qui sont à mon sens hors de la politique partisane.

La Caisse de dépôt actuellement gère, a plusieurs comptes, a le compte du régime de retraite, disons, le RREGOP, le régime de retraite des employés du secteur public et des employés-cadres du secteur public. La Caisse de dépôt aussi gère les fonds qui sont déposés pour le Régime des rentes du Québec, aussi un fonds en ce qui touche ? et ça, c'est les deux plus gros fonds... le fonds sur la CSST, qui est un fonds important, et d'autres fonds, qui sont de moindre importance, de moindre importance en termes de sommes investies, ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas aussi important pour les personnes qui doivent en bénéficier.

M. le Président, vous comprenez qu'il y a une certaine inquiétude de notre part lorsque nous avons reçu ce qui a été déposé en Chambre, les deux évaluations actuarielles, tant celle déposée par le CARRA le 15 octobre 2004 que celle qui a été déposée, hier, par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité en ce qui touche le Régime de rentes du Québec. Je me permets, pour le bénéfice des membres de cette commission, de rappeler que, lorsqu'on va parler du régime du RREGOP, la valeur au 31 décembre 1999 de l'avoir était de 29 053 000 000 $; au 31 décembre 2002 ? ça, c'était au 31 décembre 1999 ? au 31 décembre 2002, l'avoir avait fondu à 26 558 000 000 $, et malgré des cotisations qui avaient été versées, année après année, de 504 millions à peu près, dans chacun des régimes. Je dis «à peu près» parce que c'était 496 dans l'année 1999, 504 dans l'année 2000 et 542. Je ne veux pas imputer. Je ne ferai pas ici de procès d'intention ou quoi que ce soit, je constate simplement que, comme responsables, comme gestionnaires en quelque sorte, comme responsables de ce qui touche nos administrés, on a lieu de s'interroger, M. le Président.

Vous n'êtes pas sans savoir, parce que je connais votre implication dans le comté de Montmorency, qui est un comté où il existe beaucoup de fonctionnaires, à quel point il y a une pression de la part des retraités du secteur public de voir éventuellement corriger la non-indexation de leurs rentes. Cette correction de la non-indexation de rentes ne serait possible que si les avoirs du régime de rentes du RREGOP allaient en croissant. Actuellement, on est dans une situation où on a eu une baisse en quelque sorte des avoirs. Je comprends bien qu'il faut être conscient que... Je n'impute pas ça uniquement à une mauvaise gestion. Je ne fais pas de procès actuellement sur la gestion actuellement, je dis: je m'interroge et je vois les résultats, et les résultats sont actuellement une baisse de 3 milliards de dollars dans la caisse actuellement du RREGOP.

S'ils avaient été là ou même s'ils avaient été plus importants, il est clair que la demande qui est faite, et faite d'une manière répétée par les retraités du secteur public, pourrait avoir une oreille plus positive et plus attentive de la part du gouvernement. De la même manière, M. le Président ? et vous comprenez qu'il y a corrélation entre les deux ? lorsque je regarde actuellement l'évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec, on voit, si vous me permettez, que, malgré les rentrées de fonds, etc., l'évaluation de la réserve ? évidemment, il y a eu des rentrées de fonds ? l'évaluation de la réserve entre 2001 et 2002 est passée, si vous me permettez, a été projetée à 21 695 000 000 $. Il faut comprendre que le Régime de rentes du Québec n'est pas totalement capitalisé, il est partiellement capitalisé, alors que les résultats d'opérations n'ont été que de 19 447 000 000 $, ce qui fait une différence de 2 248 000 000 $. Il y a lieu, M. le Président, de s'interroger, et c'est normal que les parlementaires que nous sommes, devant ces résultats, nous nous posions un certain nombre de questions.

Ça a des effets directs, voyez-vous. Si vous regardez les résultats de l'analyse actuarielle du Régime de rentes, la cotisation au Régime de rentes qui était de 9,9 % est recommandée. Il est recommandé: si on veut maintenir le même rapport entre la réserve et les sorties de fonds, il faudrait la monter à 10,3 %, du moins c'est ce qui est recommandé par l'analyse actuarielle. De la même manière, pour ce qui était de la cotisation du RREGOP, il y a évidemment la cotisation patronale. Je veux parler actuellement de cotisation d'équilibre dans le RREGOP et non pas réellement la cotisation versée. La cotisation d'équilibre, en 1989 ? et on comprend bien; je parle de cotisation d'équilibre ? patronale était de 0,9 %; la cotisation d'équilibre pour la partie des employés était de 1,38 %. Elle serait montée, suite à l'évaluation actuarielle, à 4,53 % pour la cotisation d'équilibre pour la cotisation patronale et à 4,79 % pour les employés, M. le Président.

Devant ces résultats, qui sont peut-être inquiétants ? et il ne s'agit pas ici de jeter la balle à personne ? le gouvernement a pensé qu'il était important de revoir la direction et la gouvernance de la Caisse de dépôt pour augmenter la distance qu'il y a entre la Caisse de dépôt et le gouvernement. Et, vous voyez, l'objet du projet de loi qu'on a devant nous n'a essentiellement qu'un objectif, c'est faire en sorte de rendre la Caisse de dépôt beaucoup plus autonome, beaucoup moins sensible en quelque sorte aux pressions gouvernementales.

Et, dans les minutes qu'il va me rester, qu'il me reste, M. le Président, je vais traverser avec vous quelques articles de ce projet de loi qui me semblent particulièrement pertinents. Si vous voyez: à l'heure actuelle, l'article 5, voyez-vous, va toucher de la composition en quelque sorte du conseil d'administration, et l'article 11 qui viendra ici, qui modifie l'article 13 de la Loi sur la Caisse de dépôt, va en quelque sorte parler des pouvoirs du conseil d'administration. Et je vous parlerai après d'un article, qui me semble tout à fait pertinent dans ce projet de loi, qui est l'article 18 et l'article 26 qui introduit à l'article 40 dans la loi.

n(23 h 40)n

Si vous regardez, M. le Président, actuellement, l'article 5, c'est, premièrement: «Le conseil d'administration, avec l'approbation du gouvernement, nomme le président et [le] chef de la direction.» Donc, aujourd'hui, maintenant, le président et le chef de la direction sont nommés par le conseil d'administration et non plus nommés par le gouvernement. Donc, il y aura une responsabilité directe en face du conseil d'administration des présidents et du chef de la direction. C'est clair qu'on a maintenant, qu'on réintroduit la structure bicéphale.

Je comprends qu'on pourra avoir un débat avec nos partenaires de l'opposition: Est-il préférable d'avoir une direction unicéphale ou bicéphale? Unicéphale, ça veut dire une seule personne qui est à la fois chef de la direction et président du conseil d'administration; bicéphale, c'est lorsqu'on dit qu'il existe un président du conseil d'administration distinct de celui qui assume la direction des opérations courantes. Mais ce qui est important, M. le Président, dans les modifications que nous introduisons ici, à l'article 5.3, c'est de dire, aujourd'hui, que le conseil d'administration va pouvoir jouer pleinement son rôle en ce qui a trait à la nomination du président et du chef de la direction.

Maintenant, on peut se poser la question: Qu'est-ce qui est arrivé? Qui était membre du conseil d'administration? Une des critiques qui ont été faites sur le fonctionnement de la Caisse de dépôt aujourd'hui, c'est que les membres du conseil d'administration souvent étaient membres du conseil d'administration dû à leurs fonctions dans d'autres corps. Je pourrais vous dire, par exemple: le président de la Régie des rentes était statutairement vice-président de la Caisse de dépôt; il y avait aussi un certain nombre de personnes probablement à cause de l'importance du fait que jouaient les dépôts dans le RREGOP; il y avait les présidents de centrales syndicales qui étaient membres du conseil d'administration aussi de la Caisse de dépôt. La volonté du gouvernement actuellement. c'est de distinguer... de distancier, excusez-moi, de distancier la Caisse de dépôt des pressions qui pourraient venir de l'extérieur. Vous pouvez lire avec moi l'article 5.6, M. le Président, et vous dites: «Les membres [sont] indépendants [et] sont choisis en tenant compte des profils d'expertise et d'expérience établis, le cas échéant, par le conseil d'administration.»

Alors, il est important de voir deux choses. C'est que d'une part ? regardez ce qu'on est en train de faire ? on donne actuellement un conseil d'administration, qui va être beaucoup plus indépendant. Bien sûr, les membres du conseil d'administration vont être nommés par le gouvernement mais seront nommés sur recommandation du conseil d'administration. Donc, on se trouve, dans la Caisse de dépôt, un peu comme on fonctionne dans les grandes corporations: les conseils d'administration pourront faire les recommandations au gouvernement quant aux membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt. On est en train donc... C'est un changement majeur. Ce n'est pas une petite loi. C'est un changement majeur actuellement dans lequel on est en train de réinstituer ce qui avait été le projet initial lorsqu'on l'a constitué à la Caisse de dépôt, M. le Président, c'est-à-dire de faire en sorte qu'il y a une distanciation entre la Caisse de dépôt comme telle et les politiques gouvernementales.

Je me permettrai, M. le Président, de rappeler aussi la pertinence à l'article 11. Vous voyez qu'on rappelle qu'est-ce que doit faire un conseil d'administration. Et je pourrais vous soulever ici l'article 13.3. Il faut comprendre que ? pour bien comprendre, pour nos auditeurs ? quand je prends l'article 11, l'article 11 modifie l'article 13 de la loi actuellement de la Caisse de dépôt, et on introduit, dans l'article 13.3, le fait que le conseil d'administration doit se doter de trois comités: un comité de vérification, un comité de ressources humaines, un comité de gouvernance et d'éthique, qui vont encore actuellement mieux baliser en quelque sorte le fonctionnement de la Caisse de dépôt et assurer une plus grande indépendance de la Caisse de dépôt. Je pense qu'il y a là actuellement un gain important en ce qui concerne le fonctionnement de la caisse.

Il n'est pas inutile de rappeler aussi à mes collègues, ici, trois autres articles qui me semblent aussi très importants. D'abord, en ce qui concerne la politique de placement. La caisse, vous comprenez bien, la caisse place des fonds qui appartiennent en quelque sorte soit aux retraités, en particulier dans le cas du RREGOP, soit à l'ensemble des Québécois et Québécoises dans le cas des fonds de... disons, le fonds d'équilibre du régime de retraite. Voyez-vous, l'article 18 qui introduit, après l'article 22, le rôle de conseiller en placement. Vous savez que les comités de retraite, par exemple, ou le conseil d'administration de la Régie des rentes va choisir sa politique, le degré de risque qu'elle peut accepter dans les placements, mais la Caisse de dépôt va avoir un rôle de conseil en quelque sorte pour le degré de risque ou la politique de placement que doit faire chacun de ses déposants.

Je me permets de vous le lire parce qu'il me semble pertinent, M. le Président: «La caisse doit conseiller ses déposants en matière de placement. Elle peut conclure avec chacun de ses déposants une entente de service où elle détermine les services qu'elle lui offre, les fonctions et responsabilités qu'elle assume, les modes d'[intervention]...» Donc, on se retrouve, et mon collègue de Laval-des-Rapides l'avait rappelé tout à l'heure, on se retrouve actuellement dans un projet de loi où la caisse peut intervenir. On n'empêche pas la caisse d'intervenir dans l'économie, mais on respecte actuellement les responsabilités à la fois des comités de retraite du RREGOP, voire du conseil d'administration de la Régie des rentes.

Je me permets, M. le Président, si vous me permettez, de rappeler la portée de l'article 36.2, qui me semble aussi pertinent: La caisse adopte une politique d'investissement pour chacun des portefeuilles spécialisés. La politique établit notamment à l'égard de chaque portefeuille les objectifs de rendement, les indices de référence, les limites de risque et les titres admissibles. Aussi, M. le Président, en ce qui touchait en quelque sorte une nouvelle gouvernance de la caisse, une manière différente de voir la gouvernance de la caisse, c'est-à-dire une structure bicéphale et une indépendance, on donne beaucoup plus une indépendance du conseil d'administration et aussi un rôle beaucoup plus accru du conseil d'administration dans la nomination et du président, du directeur, du président et du chef d'opérations.

Je me permets, M. le Président, et je veux insister à la fin de mon intervention sur la portée de cet article, de rappeler à mes collègues l'article 26 parce qu'il a toute une importance en ce qui touche l'éthique, et il nous touche, nous, directement comme parlementaires, M. le Président, c'est-à-dire qu'on va, dans l'article 26, on va introduire actuellement des principes d'éthique en ce qui touche les politiques ? je sais, M. le Président, mais c'est important que je termine, si vous me permettez ? les politiques de placement. Par exemple, je me permettrais de dire: l'article 26 introduit, dans la Loi sur la Caisse de dépôt, l'article 40 qui dit:

«Il est interdit à la caisse de faire une opération financière avec une personne morale ou société dans laquelle un membre de son conseil d'administration ou [...] celui de l'une de ses filiales en propriété exclusive, un de ses dirigeants ou employés, un dirigeant ou un employé d'une telle filiale ou ? et ça, ça nous touche directement, M. le Président, parce qu'on est concernés; ou ? un député de l'Assemblée nationale a un intérêt au sens des règles d'éthique et de déontologie adoptées par la caisse.»

Donc, réellement, on veut distinguer... distancier totalement les politiques de placement de la caisse par rapport aux employés, aux... et même éventuellement à nous qui sommes les députés de l'Assemblée nationale. Il est important, M. le Président, de rappeler aussi:

«Cette interdiction s'applique également lorsque l'intérêt dans une personne morale ou société visée au premier alinéa est détenu par une personne liée à l'un [de ces] membres ? donc, ça va toucher non seulement les employés, mais aussi les conjoints, etc., et je vais vous dire un peu ce que c'est, «personne liée», tout à l'heure; les personnes liées à l'un des membres du conseil d'administration ? à un employé ou à un dirigeant...»

«Pour l'application du présent article, on entend par "personnes liées" ? et là je vais m'adresser spécifiquement au ministre, ici, à cet effet-là; on entend par "personnes liées" ? des personnes liées par les liens du sang, du mariage, de l'union civile [et] de l'union de fait.» Je me permets, M. le ministre, ici, de vous rappeler ici le problème que vous avez avec ça. Il existe, et je l'avais dénoté lorsque j'étais dans l'opposition, 21 définitions dans le corpus législatif du Québec de l'«union de fait». Et je pense que, si on veut laisser ceci tel que là, il faudra qu'on précise quelle définition on veut utiliser d'«union de fait». Suivant que vous parlez des différentes lois, on utilise «union de fait» à des sens différents. Et je pourrais vous rappeler: que ce soit la loi, par exemple, de l'aide sociale, ou la loi de la Régie des rentes. J'en avais dénoté un certain nombre. Il y en a 21 définitions différentes d'«union de fait». Il me semblerait qu'il serait pertinent, M. le Président, que vous ameniez ici un papillon pour préciser qu'est-ce que vous entendez réellement par «union de fait».

Alors, M. le Président, il ne me reste que peu de temps. Je voudrais bien vous rappeler: je souhaiterais que ce débat, ici, soit le moins partisan possible. Mais je vous rappellerai que, compte tenu de ce qui est arrivé et de ce qui peut se passer dans au moins deux choses que je connais un peu mieux que d'autres, qui sont la situation actuellement du régime du RREGOP et la situation du Régime de rentes du Québec, il était peut-être important qu'on se repenche sur une nouvelle forme de gouvernance. La gouvernance que nous proposons, que le projet de loi, que le ministre propose ici est une gouvernance qui veut distancier au maximum la Caisse de dépôt et la gouvernance de la Caisse de dépôt de la pratique courante du gouvernement.

Et, qui plus est, on veut avoir une règle d'éthique, M. le Président ? et je terminerai là-dessus ? la règle d'éthique où on va limiter ou empêcher en quelque sorte la possibilité d'investir dans des compagnies qui sont liées d'une certaine manière soit avec des employés de la Caisse de dépôt, soit avec des parlementaires ou des personnes qui sont apparentées à des parlementaires.

n(23 h 50)n

Je pense, M. le Président, que, simplement à cause de l'article 26 ou l'article 40, ce projet de loi, ipso... non, prima facie, excusez-moi, mériterait qu'on l'appuie et qu'on le débatte, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. le député de Verdun, ce qui termine les remarques préliminaires. Oui, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: En vertu de l'article 165 de notre règlement, je proposerais une motion d'ajournement de nos travaux.

Le Président (M. Bernier): Donc, est-ce que...

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, je vous prie. Le député de Gaspé a une motion d'ajournement qui a été déposée. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Bernier): Adopté. Donc, j'ajourne sine die les travaux de la Commission des finances publiques sur le projet de loi 78, et les travaux reprendront sur ordre de la Chambre. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 51)


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