L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la justice

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la justice

Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le jeudi 7 juin 1973 - Vol. 13 N° 79

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi no 78 — Loi concernant le louage de choses et du projet de loi no 79 - Loi du tribunal des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 78 Loi concernant le louage des choses

Projet de loi no 79 Loi du tribunal des loyers

Séance du 7 juin 1973

(Neuf heures trente-six minutes)

M. BLANK (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs! La parole est à M. Champagne.

Chambre de Commerce de la province de Québec

M. CHAMPAGNE: Cela nous fait plaisir de revenir, ce matin, devant les membres de la commission afin d'exposer la fin de notre mémoire que nous présentons au sujet des bills 78 et 79.

Nous voulions seulement conclure en disant, sur l'aspect des clauses escalatrices, qu'il serait bien important de penser que les locataires veulent avoir des baux de plus d'un an pour pouvoir aménager leur logement et être sûrs qu'ils ne seront pas délogés l'année suivante à cause d'augmentations des coûts des services et des autres coûts. C'est pourquoi notre recommandation est à l'effet que les baux de plus d'un an puissent être pourvus d'une clause escalatrice permettant justement aux locataires de bénéficier d'une stabilité pendant un an et d'être augmentés, majorés seulement pour les deux autres années des coûts réels des taxes.

C'est dans ce sens-là que la chambre de commerce fait une représentation sur les clauses escalatrices. Je ne voudrais pas citer les paroles du ministre, mais on rapporte que le ministre aurait reconnu le principe d'amendement pour permettre l'inclusion de clauses escalatrices.

M. CHOQUETTE: Me Champagne, le compte rendu du Devoir, sur cette question-là, est quelque peu tendancieux, parce que ce n'est pas vraiment ce que j'ai dit hier. J'ai dit que nous introduirions sans doute certaines dispositions au sujet des clauses escalatrices. Je n'ai pas dit que j'abondais dans le sens de votre suggestion à l'effet que, légalement, d'une certaine façon, nous introduisions le principe de l'augmentation automatique des baux par suite de l'accroissement des taxes municipales et foncières. Je voudrais être bien clair sur ça.

Evidemment, j'admets que la phrase qui se trouve dans le Devoir est assez laconique et qu'on n'en dit pas plus qu'il ne faut sur cette question. Par contre, j'ai vu d'autres comptes rendus dans les journaux, en particulier dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal, où on me parait expliquer plus clairement ma pensée sur le sujet.

Je ne dis pas cela parce que je trouve que le journaliste du Devoir a vraiment mal rapporté ce que j'ai dit. Mais je trouve qu'il n'en a peut-être pas assez dit pour vraiment expliquer comment je m'étais exprimé sur cette question. Voici une chose qui m'est venue à l'esprit en pensant à ces questions de clauses escalatrices. Qu'est-ce que vous faites des cas de réduction de taxes foncières?

M. CHAMPAGNE: Des réductions de taxes foncières devraient justement entraîner des réductions du coût du loyer, parce que nous avons demandé, et nous le répétons aujourd'hui, que, dans le loyer, on fasse la distinction — pour prendre un beau terme, la dichotomie — entre le prix qui est payé au propriétaire pour ses services, c'est-à-dire l'immeuble et la jouissance des lieux, et le prix des taxes foncières et municipales. Dans le montant, disons, de $150, vous auriez, par exemple, identifié $100 pour le loyer, plus $40 de taxes.

Le propriétaire continuerait à être l'agent collecteur — parce qu'il est un agent collecteur — pour la municipalité et la commission scolaire, du montant supérieur. Je pense bien que la chambre de commerce est d'accord que, si on reconnaît le principe de l'augmentation automatique à la fin d'une année pour les baux, on l'est également pour que, s'il y a une diminution, ce soit diminué au cours de l'année. On est d'accord sur cela.

M. CHOQUETTE: Oui. Evidemment, ce n'est pas arrivé souvent qu'il y ait eu des réductions de taxes foncières, parce qu'il peut y avoir des réductions de taxes scolaires, à un moment donné, et la taxe foncière municipale augmente, par contre.

M. CHAMPAGNE: L'évaluation, surtout, augmente.

M. CHOQUETTE: II y a l'augmentation du taux d'évaluation.

M. CHAMPAGNE: Je vous soulignerais, M. le ministre, qu'on n'est pas dans une époque où il y a une tendance à diminuer les taxes. On a des tendances à les stabiliser.

M. CHOQUETTE: Oui, mais je dois dire que nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour les empêcher d'augmenter.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, dans cette même optique, nous voulons seulement souligner que l'article 1664 n), qui stipule les critères qui seront utilisés par le commissaire ou le tribunal sont peut-être un peu vagues, permettant l'établissement d'une jurisprudence qui sera peut-être très variable, étant donné que les critères sont larges.

Nous demandons, à l'article 1664 n), que le critère des coûts des taxes municipales et scolaires soit inclus et obligatoire par rapport à la décision du commissaire. On voudrait que le commissaire, à l'article 1664 n), soit obligé de

tenir compte du montant des taxes et de ne pas discuter ce montant en disant: On les accorde, on ne les accorde pas.

M. MORIN: M. le Président, cet article demanderait peut-être une précision additionnelle quant à la répartition parce qu'en fait, si on demande qu'il n'y ait pas de question posée sur l'augmentation des taxes, il peut quand même y en avoir une sur la répartition. Il faudrait prévoir une répartition, soit par la valeur locative...

M. CHOQUETTE: Dans l'article 1664 n), 6., vous avez vos taxes municipales et scolaires.

M. MORIN: C'est "tout autre facteur..." M. CHOQUETTE: Objectif. M. MORIN: "...objectif".

M. CHOQUETTE: ..."susceptible de concourir à la détermination d'un loyer raisonnable".

M. MORIN: Là-dessus, M. le ministre, il y a une chose assez importante qu'on aimerait ramener. C'est que le projet de loi, s'il était adopté tel qu'il est, va quand même faire jurisprudence. A toutes fins pratiques, il rend caduques la grande majorité des décisions qui ont pu être rendues jusqu'à maintenant, dans le cas des loyers, tant à la cour Provinciale qu'ailleurs.

Il serait bon que le législateur, à la fois pour la protection du locataire et du locateur, précise dans ce cas-ci ses intentions le mieux possible, de façon que l'interprétation qui puisse en être donnée par la cour...

M. CHOQUETTE: Si on se met à faire des énumérations, qu'est-ce qu'on va mettre? On va mettre le coût de l'huile à chauffage et des combustibles, le prix de la main-d'oeuvre pour faire des réparations. On va faire une énumération de ce genre.

M. MORIN : Ce n'est pas dans ce sens-là qu'on en parle. On parle non pas tellement de cet article que du projet de loi en général. Il faudrait, de façon à éviter des jugements trop disparates, que l'intention du législateur soit bien saisie par la cour.

M. CHOQUETTE: D'autre part, le ministre responsable des autoroutes, qui est assis à ma droite, attire mon attention sur le cas de taxes spéciales. Prenez par exemple des taxes d'amélioration locale.

M. MORIN: Ce sont des taxes foncières, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on va mettre ça sur le dos des locataires?

M. MORIN: Mais elles le sont.

M. CHAMPAGNE: Elles le sont déjà.

M. MORIN: C'est peut-être justement de ça qu'il faudrait que le locataire soit conscient, c'est qu'il les paie ces taxes. Actuellement c'est inclus dans le loyer. Le propriétaire se donne souvent une excuse;quand il y a une augmentation de taxe de 10 p.c, il augmente les loyers de 10 p.c. Je suis d'accord avec vous, c'est injuste.

On aimerait justement faire ce partage.

M. CHAMPAGNE: D'ailleurs, M. le ministre, vous demandez : Est-ce que ce sont les locataires qui devraient payer les taxes spéciales? Je me permets de vous dire que le propriétaire est seulement un agent percepteur des taxes et des services que la communauté se donne.

Ou bien on veut dire que le propriétaire prend dans ses profits les augmentations de taxes spéciales, ou bien on veut dire que le locataire supporte les taxes que la municipalité veut charger.

M.TREMBLAY (Bourassa): Vous savez comme moi qu'il y a des municipalités qui chargent aux locataires des taxes sur les loisirs. Il y a des taxes de locataires qui ne sont pas chargées aux propriétaires. Il y a des taxes sur les loisirs. Vous savez comme moi qu'il y a des villes qui vont donner des loisirs supplémentaires; ces gens, c'est normal qu'ils aient une taxe supplémentaire. Mais c'est assez difficile dans un texte de loi de préciser. Moi je ne suis pas avocat, mais je vois ici "évaluation municipale de l'immeuble"; ça joue deux jeux ça. Si l'évaluation est haute, le montant est plus bas. Ds ne peuvent pas dépasser une certaine borne, il faut bien s'entendre là-dessus. Cela joue sur un tel montant.

Non, prenez à Laval, quand il y a eu fusion, les taxes ont été hautes pendant trois ans.

Maintenant, prenez toutes les villes aux alentours; c'est au même niveau, à peu près, à un dollar près. Je pense qu'on va être d'accord là-dessus. Je pense qu'il y en a un de vous deux qui demeure à Laval. Moi, je demeure à Montréal-Nord, et je paie plus cher que vous de taxes.

M. CHAMPAGNE: Vous avez une plus grosse maison.

M. TREMBLAY (Bourassa): Non, non, je n'ai pas une maison meilleure que la vôtre. Je veux dire que c'est assez difficile dans un texte de loi, d'après moi, de dire: On peut arriver juste dans telle ou telle taxe.

M. CHAMPAGNE: Non, monsieur.

M. TREMBLAY (Bourassa): C'est impossible. Vous avez donné hier l'exemple de trois

immeubles. Je garantis d'avance que, dans ces trois immeubles, les gars qui ont investi de l'argent ne l'ont pas investi au plus haut pour être sûrs d'entrer dans leur argent. Ecoutez, il ne faut pas qu'on se raconte trop d'histoires. Je veux bien croire que vous défendez votre but, mais nous aussi avons quelque chose à défendre.

M. CHAMPAGNE: On ne défend pas un but.

M. TREMBLAY (Bourassa): Vous parlez du gars qui a un duplex ou un triplex. Lui, je trouve qu'il est pas mal plus dans le trouble que vous ou que le gars qui en a 150, si ses logements se vident.

M. CHAMPAGNE: On est bien conscient de ça, M. le ministre.

M. TREMBLAY (Bourassa): Le gars qui a 150 logements, si c'est loué à 65 p.c, vous le savez comme moi, est heureux.

M.CHAMPAGNE: II y en a qui ont le bonheur plus haut que ça.

M. TREMBLAY (Bourassa): 80 p.c. UNE VOIX: 90 p.c.

M. TREMBLAY (Bourassa): On peut dire 80 p.c., parce qu'il y en a qui louent à 80 p.c, à l'heure actuelle, et ils sont heureux.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, on ne voudrait pas prolonger la discussion: on sait que vous avez des experts qui doivent venir après. Vous avez d'autres groupes à entendre. Ce qu'on demande au ministre, c'est de considérer l'opportunité d'inclure la clause escalatrice pour les baux de plus d'un an et de regarder les possibilités de rendre obligatoire l'augmentation des taxes. C'est ce que nous demandons, M. le ministre et M. le Président. Je pense bien qu'on peut passer au prochain article, parce qu'on prendrait plus de temps et on ne veut pas prendre le temps de la commission qui est si précieux.

A l'article 14, on dit: "La chambre désire, de plus, souligner son appui à l'article 1650 du projet de loi 78, prévoyant une fluctuation de loyer pour une période de cinq ans". Vous avez déjà annoncé, je crois, M. le ministre que la période de cinq ans pour les immeubles neufs serait maintenue. Est-ce l'intention du législateur de changer cela? Je vois que le ministre fait signe que la période de cinq ans va être maintenue. Alors, c'est cette argumentation que nous voulions faire. Nous en sommes très heureux.

M. MORIN: Nous avons aussi pensé à quelques dispositions additionnelles à inclure au projet de loi. "Surtout dans l'éventualité d'un désaccord entre les parties à un bail, les dispositions du projet de loi 79 devraient permettre l'arbitrage global des griefs dans un immeuble ou dans un complexe immobilier, réduisant ainsi les occasions qu'un locateur ait à comparaître de nombreuses fois pour faire état d'une situation semblable de cas en cas". M. le Président, je me souviens qu'hier matin, justement, M. le ministre faisait allusion au cas de l'île des Soeurs. Nous aimerions voir — ça se fait dans la pratique— cela consigné dans le texte de loi le permettant. Nous sommes conscients que ça crée ainsi un précédent, que ça ouvre peut-être tout le dossier des actions collectives, mais nous croyons que ce serait opportun de le faire.

Deuxièmement, la convocation de tous les locataires habitant un même immeuble ou complexe immobilier pour l'audition d'une plainte portée par l'une des parties à un bail lors d'un désaccord sur la fixation du loyer. Et troisièmement, la décision arrêtée suite à l'intervention de l'Etat devrait être en vigueur pour une période d'au moins douze mois après sa publication.

Finalement — et c'est une recommandation que nous avions faite lors de notre dernière présentation — le déplacement du commissaire ou des membres du Tribunal des loyers vers les justiciables plutôt que le déplacement des justiciables vers les instances administratives.

M. PAUL: Voulez-vous préciser davantage ce point-là.

M. MORIN : Justement dans un cas où il y a un complexe immobilier, comme l'île des Soeurs ou certains autres complexes immobiliers, qui regroupe un grand nombre de locataires, de parties en cause, que la cour puisse se déplacer soit en utilisant des locaux tout près ou même dans l'édifice même, souvent ces édifices sont munis de salles communautaires, pour y faire l'audition de la cause plutôt que de déplacer tous les locataires pour l'audition d'une cause.

Nous aimerions que le projet de loi ou que le bill 79 le permette. Et, il appartiendrait au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir les frais et dépens payables devant le tribunal. La Chambre souhaite que soit adoptée à cet égard une échelle de tarifs du même type que celle en vigueur actuellement pour la cour des petites créances. Une telle mesure assurerait toute la population d'une meilleure accessibilité au service de conciliation et d'arbitrage prévu par le projet de loi.

Encore hier matin, M. le ministre, vous mentionniez... Je ne suis pas avocat, mais il y a un principe qui veut que des frais soient assignés à celui qui perd la cause, enfin, mais...

M. CHOQUETTE: Dans une cause de fixation de loyer, il n'y a pas de frais.

M. MORIN: Dans une cause d'appel?

M.CHOQUETTE: Ni, non plus, une cause en appel.

M.MORIN: Ni l'un ni l'autre?

M. CHOQUETTE: II n'y a aucuns frais devant la Régie des loyers actuelle.

M. PAUL: Sauf pour celui ou une des parties qui veut amener des témoins. Cette partie-là paie elle-même ses propres témoins. Ce n'est pas une taxe.

M. CHOQUETTE: Et son avocat. M. PAUL: C'est ça, et son avocat.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, je veux simplement mentionner qu'à l'article 31 du bill 79 on dit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, établir des tarifs de frais et dépense payables dans toute affaire devant le tribunal. Que ces tarifs soient les plus bas pour permettre l'accessibilité, parce qu'on ne sait pas exactement le règlement étant donné que les lois sont faites souvent avec des termes généraux, c'est difficile pour nous de définir d'avance l'intention du législateur. C'état dans ce sens...

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. MORIN: Et les services techniques. Maintenant, la Chambre provinciale est heureuse de constater le désir du législateur de créer un service technique d'appoint au tribunal.

Nous espérons que ce service, dans ses travaux, tiendra compte des différentes conditions socio-économiques qui prévalent dans les diverses régions du Québec et ainsi conservera la plus grande équité possible au bénéfice tant du locataire que du locateur. Nous aimerions souligner ici un deuxième point qui, je crois, a été soulevé hier: M. le ministre aurait laissé entendre que le tribunal des loyers serait une cour spécialisée de la cour Provinciale.

Nous ne pouvons que nous féliciter d'une telle initiative. Nous aimerions la voir d'abord naître et surtout peut-être la voir élargie à d'autres aspects de la cour tant Provinciale que Supérieure. Il faudrait appliquer ce même concept plutôt que de laisser proliférer les tribunaux quasi judiciaires ou les tribunaux administratifs multiples qui existent actuellement au Québec. Sur cela, je voudrais vous dire que vous avez notre entier appui afin de pouvoir peut-être même modifier un peu la nature de la cour dans ce sens-là en y ajoutant aussi, dans certains cas, des services techniques ou des services d'appoint pour faciliter la compréhension du tribunal et surtout sa bonne administration.

M.CHAMPAGNE: Dans l'article 1613 du projet de loi 78, on permet la sous-location au locataire et le propriétaire ne peut refuser sans motif raisonnable. Nous nous demandons si cette nouvelle disposition permettra une grande mobilité puisque le locataire deviendra presque un petit propriétaire étant donné que les motifs valables devront être très sérieux pour empêcher le locateur de refuser. On se demande un peu si ce n'est pas trop large comme autorisation étant donné qu'auparavant il y avait quand même un certain choix de la part du locateur face à ses locataires. Mais, maintenant le sous-locateur choisit ses propres locataires et, à moins d'un motif valable, le locateur ne peut pas refuser.

L'autre point de vue, c'est à l'article 1665. Le locataire qui a consenti librement une entente avec un locateur et qui dispose de plus d'une grande latitude quant à la sous-location — tel que nous l'avons mentionné précédemment — de son logement et au recours en cas de lésion, article 1664 a), peut mettre unilatéralement un terme à son bail sur un avis de trois mois pour la simple raison qu'il va jouir d'un logement subventionné par le gouvernement ou ses organismes. Cette mesure nous parait tout simplement injuste à l'endroit des locateurs. Nous avons répété, lors de la première session de la commission, lorsque nous sommes venus, qu'il était injuste de permettre ce bris de contrat uniquement dans le cas où la personne va habiter un HLM. Au contraire, on aimerait bien mieux que la sous-location qui est déjà prévue soit appliquée, qu'il trouve lui-même son locataire et il entrera dans le HLM quand il aura fini son terme de bail ou quand il aura trouvé une sous-location. Actuellement, c'est accorder un privilège spécifique à des gens qui ont une subvention pour vivre dans un appartement; on n'est pas contre, on est contre le fait qu'il puisse briser son contrat ou son bail pour s'en aller dans un logement subventionné. Je ne sais pas quelle est l'attitude du législateur sur ce point de vue mais on trouve un peu difficile d'accepter alors qu'on permet une si grande facilité de sous-location dans les articles précédents.

M. MORIN: M. le Président, est-ce qu'on a bien compris l'intention du législateur dans le paragraphe 17? Est-ce qu'une fois qu'une sous-location a été acceptée par le locateur, le propriétaire, le locataire original est entièrement relevé de toutes...

M.CHOQUETTE: II demeure responsable jusqu'à la fin du bail.

M. MORIN : II demeure responsable?

M. CHOQUETTE: Alors il y a deux responsables.

M. MORIN : II y a deux responsables. Merci.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, on va poursuivre. Etant donné l'article 1665, nous

espérons que le ministre qui a à voir à l'application et à l'adoption de cette loi retiendra que la faveur que la personne a de vivre dans un HLM ne devrait pas être une chose ou une situation pour pénaliser celui qui loue déjà le logement.

L'article 1665. En plus de créer des difficultés au locataire qui devient sous-locateur, ses dispositions voulant que le locateur ne puisse exiger la remise d'un chèque ou autre effet que pour le paiement du dernier loyer contrevient à une pratique usuelle qui offre des avantages certains aux deux parties. D'ailleurs, cette disposition nous semble superflue surtout du fait qu'il est devenu de pratique assez courante que, sur simple autorisation du locateur, le locateur puisse maintenant par des moyens électroniques se faire payer son loyer sans que chèques ou effets ne changent de main par une autorisation bancaire.

Dans l'article 1639, la chambre provinciale est d'avis que, bien qu'il soit normal que le locataire puisse entreprendre des réparations urgentes, il serait imprudent de permettre les réparations nécessaires. Ce dernier qualificatif offre trop de latitude à l'interprétation et pourrait donner suite à un trop grand nombre de litiges inutiles. Nous sommes d'accord sur les réparations dites urgentes, mais les réparations nécessaires, cela veut dire bien des choses.

Dans le cas des délais, vous avez déjà mentionné M. le ministre, que c'était trois mois d'avis. Alors nous ne reviendrons pas sur cet article.

A l'article suivant, 1664 e), c'est la même chose. Le législateur, dans les délais, M. le Président, présentement à l'étude, bénéficierait beaucoup de certaines modifications dans les délais qui y sont prévus. La chambre a déjà exprimé le voeu, et le réitère encore une fois, que le tribunal soit astreint à des délais fixes pour faire connaître ses décisions à la suite d'une audition. Une telle mesure apporterait une plus grande efficacité à ses travaux et serait plus juste à l'endroit des causes ou des parties en cause. Nous savons que c'est difficile de déduire un délai d'une semaine ou deux semaines, mais il y aurait peut-être un moyen de prévoir que le délai soit assez raisonnable ou bien ce sera la pratique du juge ou du responsable, le commissaire en chef, qui imposera des délais à ses personnes qui travaillent pour lui. Comme on sait que ce sera un groupe de gens nouveaux, plus spécialisés dans le domaine, on s'imagine que ce sera plus facile d'appliquer ces délais.

L'article 1657 pour sa part prévoit l'obligation pour le locateur de donner un préavis de 24 heures avant de pénétrer et de visiter un logement loué. Cette disposition devrait être modifiée, assouplie, de façon que l'obligation n'existe que si le locateur et le locataire n'ont pu s'entendre avant. C'est une prévision, c'est difficile de faire visiter un logement quand les gens viennent la veille.

Mais peut-être que cela a un certain avantage, celui d'éviter les visites inutiles chez les locataires, pour rien et sans avertissement.

Là-dessus, j'aimerais seulement ajouter une chose avant que mon collègue conclue. C'est qu'il ne faudrait jamais oublier que le législateur, en adoptant les deux projets de loi, veut, quand même, favoriser une conciliation entre deux parties: d'une part, le locateur et, d'autre part, le locataire.

Si le commissaire ou le tribunal émet un jugement catégorique, comme cela se fait dans les cours judiciaires actuellement, il y a une différence: dans les cours judiciaires, les parties ne se revoient pas après, tandis que, dans un loyer, on se revoit le lendemain matin et on se parle parce qu'on est dans le même édifice. C'est là que cela devient difficile. C'est là que cela prend une grande souplesse de la part de ceux qui administrent la loi, pour que ce soit plutôt une conciliation entre les deux.

Nous disons que si les gens vont devant le commissaire parce qu'ils ont un problème, le commissaire devrait être un grand conciliateur et dire: Ecoutez, vous avez cela, vous demandez cela, est-ce que vous ne pouvez pas vous arranger? Tout en reconnaissant le bien-fondé des taxes municipales et scolaires ou les augmentations d'assurances, dans les augmentations de profits, là, le commissaire devrait dire: Vous allez un peu loin M. le propriétaire et, M. le locataire, vous n'allez pas assez loin. Essayez de faire un compromis. Je pense qu'actuellement le bill 280 montre que les compromis, c'est cela qu'il est bien important de faire; autrement, c'est très difficile pour les gens de vivre avec les deux projets de loi.

Alors, mon collègue va conclure.

M. MORIN: En conclusion, M. le Président, nous aimerions, à la suite des interventions d'hier, souligner aussi notre appui à la création, en fait, d'un tribunal spécialisé de la cour Provinciale pour s'occuper des causes de loyer, ainsi que de la rédaction, en fait, des dispositions qui seraient publiées sur un bail type.

Nous aimerions que le projet de loi, s'il doit être rédigé à nouveau ou s'il doit être amené pour une prochaine lecture, puisse, effectivement, faire part de beaucoup de clarté dans son texte, de façon que l'interprétation ne soit pas cause de litiges et surtout de jugements disparates rendus dans différentes parties de la province.

La chambre reconnaît et accepte d'emblée la nécessité d'une loi permanente favorisant de meilleurs rapports entre les locataires et locateurs. Les projets de loi 78 et 79 lui paraissent, sur ce plan, à la fois efficaces, réalistes et empreints d'une recherche d'équité et de justice, ou en maintenant un sain équilibre entre l'intervention nécessaire de l'Etat et le contrôle administratif indu. Les recommandations et les observations de la Chambre tendent vers ce même objectif.

M. CHOQUETTE: Merci beaucoup, messieurs.

M. MORIN: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci. Maintenant, nous entendrons l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, Me Raynald Savage.

Avant, est-ce qu'on voudrait accepter les changements dans la formation de la commission? M. Cournoyer est remplacé par M. Ostiguy: M. Hardy est remplacé par M. Pearson.

M. PAUL: Ne parlez pas trop, M. le Président, vous allez parler des absents!

Association des constructeurs d'habitations du Québec

M. SAVAGE: M. le Président, M. le ministre de la Justice, messieurs les parlementaires, mon nom est Raynald Savage. Je suis conseiller juridique de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Ce matin, je suis accompagné des messieurs Roussin, à l'extrême gauche, Plamondon, Asselin, Bédard qui sont soit constructeurs, soit administrateurs de logements allant de 400 à 1,200 unités. On peut sûrement les considérer comme des experts en la matière. Si des questions leur sont adressées, ils seront sûrement aptes à vous répondre.

Concernant notre mémoire, nous n'avons pas élaboré de commentaires sur la philosophie du projet de loi. Nous nous sommes plutôt attardés à étudier les questions relatives à chacun des articles qui nous concernaient. Si vous me permettez, je vais commencer, à la page 2, par l'étude de l'article 1613, qui concerne la sous-location.

Cet article est d'une portée assez libérale, en ce qu'il oblige, finalement, le locateur à ne pas refuser la sous-location ou la cession de bail sans motif raisonnable. On demanderait que l'article prévoie quand même que, pour qu'il y ait sous-location ou cession de bail, il y ait autorisation écrite du locateur.

Evidemment, la question de ne pas refuser sans motif raisonnable, même si on s'y oppose, je pense bien qu'on serait plutôt rétrograde de ce côté. Cependant, il faudrait quand même permettre une situation qui existe actuellement, concernant le locataire qui veut quitter son logement ou qui veut demander la sous-location ou la cession de bail. Il y a quand même une disposition, actuellement, dans le bail, qui prévoit que ledit locataire peut quitter pour autant qu'il paie trois mois de loyer ou qu'il paie un mois de loyer, si le propriétaire a déjà trouvé un nouveau locataire.

Dans le cas de la deuxième solution, c'est-à-dire dans le cas où le locataire paie un mois de loyer, cela permet, au locateur, si le nouveau locataire entre, de faire les changements, soit rafraîchir les murs,. peinturer l'appartement en question ou nettoyer le tapis, etc. Cela enlève évidemment la charge à l'autre locataire. Dans la rédaction, ici, vous empêchez, finalement, qu'il y ait des dispositions contraires à cet article.

Ce qu'on voudrait, nous, ce n'est pas une disposition contraire mais c'est quand même de permettre d'étendre la pratique courante actuellement. Prenons, par exemple, le cas du joueur des Nordiques de Québec, qui est échangé à Houston; il est appelé à quitter son logement immédiatement. Il y a peut-être intérêt, pourlui, à payer un mois de loyer supplémentaire et à quitter. Cela le décharge de toute obligation.

Si vous laissez le sous-locataire responsable de son loyer, il reste qu'à Houston vous allez avoir certains problèmes pour aller percevoir le loyer.

M. CHOQUETTE: II n'y a rien qui empêche les parties, au moment où la sous-location se pose, de faire un accord à l'effet que le locataire va donner au sous-locataire une indemnité de tant de mois de loyer et qu'ils vont dire: Le bail est terminé.

M. SAVAGE: Cela n'empêche pas ça.

M. CHOQUETTE: Pas du tout, d'aucune façon.

M. SAVAGE: D'accord.

M. PAUL: Un nouveau bail peut intervenir.

M. SAVAGE: Parfait. L'article 1629 et l'article 1630 portent sur la jouissance de la part des colocataires. Je pense bien que c'est un article qui répond à la tendance jurisprudentielle existant actuellement. On est d'accord là-dessus, sauf que c'est quand même une disposition qui est très libérale, en ce sens qu'il y a des locataires qui sont fûtés et qui peuvent s'arroger cette disposition pour critiquer ou pour demander des dommages à tout bout de champ et pour n'importe quelle raison.

Il y aurait peut-être lieu de préciser exactement ce en quoi consiste le trouble qui est mentionné ici. Notre crainte à nous, dans ce cas-ci, c'est que le locataire, qui est troublé, tente de demander des dommages sous n'importe quel prétexte. D'accord, hier, vous mentionniez le cas où le type joue du piano à trois heures du matin.

M. CHOQUETTE: Ce serait pire, par exemple, si c'était du trombone ou de la trompette.

M. SAVAGE: On a eu des cas qui sont peut-être encore plus intéressants que la trompette ou le trombone, mais ce sont des cas...

M. CHOQUETTE: Pour définir trouble, il faudrait énumérer tous les instruments de musique et les classer par catégorie. Celui qui joue de la flûte, c'est moins pire.

M. SAVAGE: A quoi voulez-vous en venir par le mot trouble? Est-ce que ça porte strictement sur les questions du bruit?

M. CHOQUETTE: Le bruit est sûrement un facteur important.

M. PAUL: C'est une forme de pollution, d'après le ministre des Affaires municipales.

M. CHOQUETTE: Je crois qu'il a raison. Aujourd'hui, on le note moins à Québec et peut-être dans les petites villes, mais, à Montréal, avec la circulation et tout ce qui se passe, il y a des endroits qui sont vraiment bruyants.

LE PRESIDENT (M. Blank): Vous ne parlez pas de Louiseville?

M. CHOQUETTE: Je ne parle pas de Louise-ville.

M. SAVAGE: Aujourd'hui, on a tendance à avoir des immeubles, des conciergeries, comme on les appelle, de plus de 25 ou 30 logements. Il serait peut-être bon qu'il y ait plus d'une plainte; il faudrait qu'il y ait une plainte de deux ou trois locataires environnants, au lieu que ce soit toujours le même qui se plaigne. La dame qui est dans l'appartement 304 se plaint toujours du gars qui est dans l'appartement 305 parce que ça la dérange ou parce que sa face ne lui revient pas.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas une affaire qu'on passe au vote, le trouble.

M. SAVAGE: Je comprends entièrement ce que vous voulez dire.

M. CHOQUETTE: C'est une question de fait. Si vous avez une vieille bonne femme frustrée et coriace, qui se plaint constamment pour rien, c'est évident que le trouble dont elle se plaint n'est pas réel, n'est pas fondé. Il est largement dans son imagination.

M. SAVAGE: II faudrait aussi qu'il y ait plus d'une plainte. D'accord, ce ne serait pas nécessairement une plainte de plusieurs locataires, mais plus d'une plainte du même locataire. C'est peut-être une question à apprécier par le tribunal à ce moment, qui est peut-être difficile à déterminer dans le texte de loi.

Notre crainte, c'est que ce soit une disposition un peut trop libérale.

M. CHOQUETTE: II y a certaines coutumes qui se sont instaurées. Je pense bien que les cours, dans leur appréciation des situations diverses qui peuvent se présenter devant elles, en tiendraient compte. Par exemple, je ne sais pas si c'est aussi catégorique que ça — des gens qui sont plus experts que moi pourraient le dire sans doute — on a le droit de faire un "party" le samedi soir et d'aller jusqu'à telle heure. On ne pourrait pas dire que c'est une cause de trouble, quelqu'un qui en fait un une fois par mois...

M. SAVAGE: Une tradition.

M. CHOQUETTE: ... jusqu'à une heure du matin. Mais s'il le fait tous les jours, par exemple, ça commence à être...

M. SAVAGE: II y a une tradition dans le Québec où on dit qu'on a droit à trois "parties" par année. Je ne sais pas si c'est exact.

M. PAUL: De plus en plus, il y en a qui ne sont pas en "party" trois jours par année.

M. SAVAGE: C'est simplement une crainte qu'on a ici à l'effet que ce soit exceptionnel comme disposition. A tout événement, je pense bien qu'il reste au tribunal à être conscient des situations.

Quant à l'article 1638, qui abrogerait l'article 1629 du code civil quant à la présomption de responsabilité au cas d'incendie dans les lieux loués, on est entièrement d'accord avec la formulation que vous avez apportée ici, à l'effet qu'il appartiendrait au locateur de prouver que l'incendie survenu dans l'immeuble est la responsabilité du locataire.

Je pense que la situation économique a évolué, les temps ont changé et je pense bien que l'article 1629, il est bon qu'il soit abrogé et remplacé par l'article 1638.

C'est ça, c'est simplement le fardeau de la preuve qui appartiendra dorénavant au propriétaire. On est d'accord là-dessus.

M. PAUL: Une présomption.

M. SAVAGE: Exact, on est d'accord.

L'article 1639: Disons qu'ici, on est loin d'être d'accord sur la formulation de l'article sur la question des réparations urgentes et nécessaires. D'abord, sur la question de tenter d'informer, "après avoir informé ou tenté d'informer le locateur". Je pense bien que c'est totalement illogique, la formulation de cette disposition, parce que la question de tenter d'informer peut porter à plusieurs causes de litige. Ce qu'on demanderait, c'est qu'il y ait véritablement information et de donner suite à la suggestion qui vous a été faite hier à l'intérieur d'un mémoire — je crois que c'est celui du comité des locataires du centre-ville — il y avait une disposition à l'effet qu'on exigerait sur le bail le nom du propriétaire avec son numéro de téléphone et son adresse ou le nom et le numéro de téléphone de son mandataire ou du préposé du bailleur ou du locateur. Je pense bien que cette disposition est véritablement bonne et qu'elle obligerait le locataire en question à s'informer et à obtenir l'autorisation de cette personne en autorité.

Ensuite, sur la question... Est-ce que le

ministre de la Justice est d'accord sur la suggestion qu'on vient de formuler?

M.CHOQUETTE: En fait, dans le bail, que les deux indiquent leur adresse pour des communications officielles entre eux.

M. SAVAGE: Oui, mais disons...

M.CHOQUETTE: L'idée me parait bonne, ça évite des ambiguïtés.

M. SAVAGE: Cette idée est formulée. Disons qu'on est d'accord avec les locataires justement pour contrer la formulation que vous avez inscrite dans votre article 1639, "tenter d'informer". On n'est pas d'accord du tout sur la question de "tenter d'informer". On veut qu'il y ait réellement une information.

M. CHOQUETTE: Oui, oui.

M. SAVAGE: Les indications du bail permettraient qu'il y ait information, dans ce cas.

M.CHOQUETTE: Je pense que si nous avions une adresse indiquée au bail pour les communications officielles entre propriétaire et locataire, vos critiques à l'égard de l'article 1639 perdraient pas mal de leur mordant.

M.SAVAGE: Vous voudriez dire que "tenter d'informer" à ce moment-là...

M. CHOQUETTE: Bien oui, parce qu'il faudrait qu'il tente d'informer les personnes aux adresses ou à l'endroit qui...

M. SAVAGE: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de l'indiquer ou simplement d'enlever le "tenter d'informer"?

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'on va voir s'il faut faire des changements à l'article 1639 ou ailleurs dans le projet de loi, de façon qu'il soit bien clair que les communications s'établissent à certains endroits spécifiques.

M. SAVAGE: D'accord. Avant de compléter mes critiques à l'égard de l'article 1639, j'aimerais demander des précisions quant à l'article 1647, c'est-à-dire quant à savoir ce que signifie le lieu d'habitation où on dit avec accessoires et dépendances. Est-ce que vous avez idée de ce que peut inclure cette notion d'accessoires et dépendances? Est-ce que ça signifie... On est d'accord pour dire le stationnement. Je pense bien que vous considérez le stationnement comme un accessoire à ce moment-ci?

M. CHOQUETTE: Oui.

M. SAVAGE: Est-ce que vous considérez que les lieux communautaires, les lieux communs peuvent être des accessoires et dépen- dances, c'est-à-dire la piscine, le bain sauna, le carré de sable pour les enfants?

M. CHOQUETTE : Je ne dirais pas ça. Je vous donne un avis personnel...

M. SAVAGE: Mais le stationnement, pour vous, c'est un accessoire et dépendance?

M.CHOQUETTE: Bien, accessoires et dépendances, ça veut dire par exemple les remises, disons un carré dans la cave qui est affecté pour y mettre des effets personnels, le remisage. C'est-à-dire qu'on transpose dans les circonstances modernes, au fond, des notions qui étaient assez anciennes et vieillottes, telles que, par exemple... Si autrefois un cultivateur louait une maison, il y avait des accessoires et dépendances, c'est-à-dire il pouvait y avoir des remises, des petits bâtiments attenants, des terrains qui faisaient partie de l'ensemble de ce qui était loué.

Alors, aujourd'hui, on est rendu à louer peut-être des locaux dans des grandes maisons d'habitation. Au fond, on transpose ces notions juridiques aux circonstances modernes.

M. SAVAGE: Est-ce que le privilège du locateur s'étendrait aussi à l'automobile, parce que l'automobile serait un meuble meublant? Il y a eu une jurisprudence, je ne la connais pas, je ne m'en souviens plus.

M. CHOQUETTE: Cela ne peut pas être un meuble meublant parce que ce n'est pas une chose, comment pourrais-je dire, qui meuble et qui est sur les lieux d'une façon habituelle. L'automobile, de par sa nature même, est faite pour se déplacer. Alors, moi, je ne pense pas que...

M. SAVAGE: Oui, mais il reste que si le loyer s'applique au local d'habitation et que le local d'habitation contient un stationnement...

M.CHOQUETTE: Ce n'est pas destiné à garnir les lieux, ce qui est le propre des meubles.

M.PAUL: II y a aussi cette situation qui existe: pour que vous ayez un meuble meublant, il faut que ce soit placé par le propriétaire. Aujourd'hui, il y a beaucoup de propriétaires apparents de véhicules automobiles, parce qu'en réalité c'est la finance qui en est le véritable propriétaire, tant et aussi longtemps que les paiements de finance n'ont pas été complétés.

M. CHOQUETTE: On ne peut vraiment pas dire qu'une automobile, c'est un meuble. Ecoutez ! Pensez-y deux fois.

M.SAVAGE: Non, mais...

M. PAUL: C'est-à-dire que c'est un meuble, mais pas un meuble meublant. C'est un meuble.

M. CHOQUETTE: C'est ça.oui.

M. SAVAGE: Alors pour revenir à 1639, le problème porte sur la réparation urgente et nécessaire. Que signifie "réparation urgente et nécessaire"? Je pense bien qu'il y aurait lieu ici de limiter cette question-là d'urgence et de nécessité. Pour telle personne, urgence et nécessité peuvent signifier que la poignée de la douche est brisée; pour telle autre, que le carreau est endommagé. Je pense bien qu'il faudrait s'en tenir à des choses bien précises comme l'arrêt du système de chauffage ou le...

M. CHOQUETTE: Bien oui, mais je vais revenir à des choses que j'ai dites fréquemment. Il y a des endroits, il y a des situations, où on ne peut pas procéder par énumération.

M. SAVAGE: Je ne suis pas d'accord avec vous sur cette question. Je pense bien qu'il y aurait lieu de préciser et d'énumérer certaines choses.

M. CHOQUETTE: Mais les notions d'urgence et nécessité ont été élaborées par la jurisprudence depuis des siècles.

M. SAVAGE: Cela a varié de quoi à quoi? D'une extrême à l'autre.

M. CHOQUETTE: C'est toute une question de jugement dans chaque circonstance particulière. La loi ne peut pas se substituer au jugement ordinaire des gens. Elle ne doit pas, et si elle essaie de le faire, elle fait fausse route. Urgence et nécessité : Le système de chauffage qui arrête de fonctionner en plein hiver, vous ne trouvez pas que c'est urgent et nécessaire?

M. SAVAGE: Je suis entièrement d'accord.

M. CHOQUETTE: Bien, c'est clair comme de l'eau de roche.

M. SAVAGE : Cela peut être clair pour vous.

M. CHOQUETTE: Durant l'été, ça ne le sera pas. Au mois de juillet, on ne pourra pas dire que c'est urgent et nécessaire.

M. SAVAGE: Est-ce qu'une défectuosité de la piscine est une urgence et une nécessité?

UNE VOIX : Pour quelqu'un qui est obligé de se baigner tous les jours.

M. PAUL : Cela dépend si la piscine est intérieure ou extérieure, encore là.

M. SAVAGE: Disons qu'elle est intérieure, le sauna est intérieur. S'il y a une panne de l'électricité?

M. CHOQUETTE: Oui c'est commun.

M. SAVAGE: C'est commun, on est d'accord. Mais il reste que le type qui a loué le local dans l'immeuble en question, il l'a loué parce qu'il y avait un sauna et une piscine.

M. CHOQUETTE: Oui, je comprends, mais ce n'est pas parce qu'on a des droits qu'on a nécessairement le droit de les exécuter instan-ter, instantanément. Tout est une question d'appréciation. Vous me parlez d'une piscine, j'admets qu'il est peut-être convenu dans le bail que c'est un des services fournis par le propriétaire, mais je ne pourrais pas dire vraiment que c'est urgent et nécessaire. Par contre, si l'eau arrête et que le locataire ne peut pas se laver, bien là ça devient urgent et nécessaire.

M. SAVAGE: Pourquoi ne pas spécifier dans la loi les problèmes de plomberie, chauffage et électricité?

M. CHOQUETTE: Cela peut être d'autres choses. Je vous donnerai un exemple: la porte d'entrée. Après tout, la porte est là pour protéger le locataire contre les intrus. Supposons que les pentures se brisent et que le locataire soit obligé de sortir pour aller travailler. Il peut considérer que c'est urgent et nécessaire de procéder aux réparations. Alors...

LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, je vous donne une opinion, on donnait l'exemple du chauffage en hiver ou l'exemple du sauna. Le problème n'est pas dans les mots urgent et nécessaire, mais si on n'agit pas "en temps utile". A 1639, le chauffage en hiver "en temps utile", c'est quelques heures. Le sauna en temps utile, peut-être une semaine, deux semaines...

M. SAVAGE: C'est ça. On entend sauna, je voudrais savoir si vous considérez que le sauna est un article du local d'habitation, et si c'est un article sur lequel le locataire peut réclamer urgence et nécessité, peut-il effectuer lui-même des réparations? Là je serais loin d'être d'accord. Sur le système de chauffage, ça va...

LE PRESIDENT (M. Blank): A mon opinion, il peut, ça devient urgent et nécessaire si le propriétaire ne le répare pas en temps utile. C'est "temps utile" qui est la base de l'affaire.

Comme je l'ai dit, le chauffage en temps utile, c'est quelques heures, mais le sauna en temps utile, ça peut être une semaine ou deux.

M. SAVAGE: D'accord, une semaine ou deux mais, si le locateur n'effectue pas la réparation, vous permettriez au locataire, en ce cas-là, de l'effectuer?

LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, si le sauna, pour lequel on paie, n'est pas réparé en deux semaines, je conseillerais à mon client de le faire.

M.SAVAGE: Je ne suis pas d'accord; il y aurait peut-être lieu de limiter l'urgence et la nécessité au local d'habitation qu'occupe le locataire et non pas de permettre au locataire d'effectuer des réparations urgentes et nécessaires qui, d'après lui, s'appliquent aux lieux communautaires ou communs.

M. CHOQUETTE: N'oubliez pas que vous avez un deuxième alinéa: "Néanmoins, le locateur peut, en tout temps, intervenir pour continuer les travaux."

M. SAVAGE: Dans le cas du local, je serais d'accord mais, dans le cas de lieux communs, je ne serais pas d'accord. Qu'il y ait urgence et nécessité de chauffage, d'électricité pour le local que j'occupe en tant que locataire, ça me va, mais qu'il y ait urgence et nécessité pour des lieux communs, ça ne va pas.

M. CHOQUETTE: Mettons, par exemple, le système de chauffage dans un immense building de 150 logements...

LE PRESIDENT (M. Blank): La porte du garage commun.

M. CHOQUETTE: ... ou la porte du garage commun des locataires ou l'ascenseur dans une conciergerie de 20 ou 25 étages.

M. SAVAGE: C'est un cas bien typique.

M.PLAMONDON: Si la porte du garage intérieur, par exemple, bloque à sept heures et demie le matin, le type qui doit se rendre à son ouvrage à huit heures, pour gagner sa vie, doit-il prendre le téléphone et appeler le premier gars du bord pour faire réparer la porte?

LE PRESIDENT (M. Blank): Je pense qu'il peut attendre au moins une journée.

M. PLAMONDON: Ce sont ces choses-là qui font que le propriétaire se pose des questions à savoir si n'importe quel locataire va prendre la liberté d'appeler n'importe qui pour faire n'importe quelle réparation.

LE PRESIDENT (M. Blank): Mais, monsieur, il doit téléphoner au propriétaire avant. Si le propriétaire dit : Je n'ai pas affaire à cela, je vais faire cela demain ou dans deux semaines, lui, il a le droit de le faire immédiatement. Mais si le propriétaire dit: Oui, je vais m'en occuper immédiatement, je vais téléphoner à mon entrepreneur, qui va la réparer, c'est une autre histoire.

M. SAVAGE: II y a nécessité d'information.

LE PRESIDENT (M. Blank): II y a nécessité d'informer le propriétaire avant d'agir.

M. SAVAGE: Et non pas de tenter d'informer.

M. PLAMONDON: Non pas de tenter d'informer.

M. CHOQUETTE: Mais si le propriétaire n'était pas là; mettons que le propriétaire est parti en voyage.

M. SAVAGE: Mais il y aura toujours quelqu'un de responsable, on l'a prévu.

M. BEDARD: Ce qui arrive c'est que les gens vont téléphoner et, si le téléphone est engagé, ils vont dire: On a tenté d'informer et le téléphone était engagé.

M. SAVAGE: A tout événement, on vous souligne nos problèmes. Encore sur l'article 1639, le dernier alinéa, on prévoit que dans tous les cas le locateur doit rembourser au locataire les dépenses raisonnables ainsi encourues. On se demande s'il n'y aurait pas lieu, au lieu de "dans tous les cas", qu'il y ait une disposition qui prévoit: Les cas où le tribunal juge que la réparation urgente et nécessaire incombe ou incombait au locateur. Il y a peut-être des cas justement, si vous conservez votre "tenter d'informer" où, pour le type pour lui, il y avait urgence et nécessité.

M. CHOQUETTE: Cela va de soi, monsieur, il me semble.

M. SAVAGE: Ce n'est pas cela qu'on dit tout à fait dans l'article. On dit "dans tous les cas"; ce sera dans les cas où le tribunal détermine que la responsabilité incombait au locateur.

M. CHOQUETTE: II faut lire l'article dans son ensemble. Le troisième alinéa est soumis à ce qui précède.

M. SAVAGE: Ce n'est pas tout à fait la portée qu'on peut lui donner.

M. CHOQUETTE: Certainement, c'est la portée. Ecoutez, le troisième alinéa est soumis aux deux alinéas qui précèdent dans le même article. Il faut que le locataire, avant de procéder aux réparations, informe ou tente d'informer; il faut que le propriétaire n'agisse pas en temps utile; il faut que les réparations soient urgentes et nécessaires pour la conservation et l'usage. En plus de cela, vous avez une autre réserve, le propriétaire peut intervenir si, à un moment donné, il voit que le locataire procède. Finalement, après tout cela, si le locataire a satisfait à toutes ces conditions, il peut recouvrer le montant de ce qu'il a dû débourser.

M. PAUL: En dernier ressort, il y a toujours le tribunal.

M. CHOQUETTE: A part cela, au fond, tout cela est soumis à l'autorité du tribunal.

M. PAUL: C'est cela.

M. SAVAGE: Est-ce que vous voulez dire qu'ici, à cet article, il faudra automatiquement qu'il y ait une référence ou qu'il y ait une interprétation de fournie par le tribunal?

M. CHOQUETTE : Automatiquement, non. En effet, si le propriétaire était en voyage et que son locataire, devant des circonstances où il n'a pas pu le rejoindre, a dû procéder à des réparations urgentes et nécessaires, le propriétaire, quand il revient de voyage, peut très bien dire: Merci, M. le locataire, d'avoir sauvé ma propriété d'un désastre. Combien cela vous a-t-il coûté? Je suis content de vous payer. Cela n'a pas besoin d'aller devant le tribunal.

M. SAVAGE: Mais, si cela va devant le tribunal, il restera au tribunal à apprécier s'il y avait urgence.

M. CHOQUETTE: C'est évident.

M. SAVAGE: C'est évident? Cela peut l'être pour vous, mais si on lit l'article, il n'y a peut-être pas évidence aussi grande.

L'article 1647 ça va; on en a discuté.

L'article 1650. D'après les commentaires que vous avez formulés lors des autres auditions en commission parlementaire, je pense bien que la question des 5 ans, c'est admis. D n'y aura pas à revenir sur cette question. Il y aurait simplement une question d'interprétation de ce que peut signifier la fin des travaux. Je pense qu'il appartient à vos légistes de déterminer ce que ça peut être à ce moment.

L'article 1651 contient des dispositions relatives à la personne qui va aller louer dans un local financé par la Société d'habitation du Québec. Je pense que c'est illogique, en fin de compte, d'admettre ce principe, parce que le texte de loi, de la façon dont il est rédigé, vise quand même à favoriser les locataires. Or, vous enlevez le droit aux locataires, qui vont aller habiter dans les locaux financés par la Société d'habitation, de bénéficier des dispositions de 1664 a) à 1664 u). Je prendrai comme exemple le type qui va habiter un local de la Société d'habitation et qui reçoit un avis à l'effet que son bail ne sera pas renouvelé au mois de mai. Vous ne lui offrez même pas la possibilité de s'opposer à ça, alors qu'aux autres locataires des locaux d'habitation privés, vous offrez l'opportunité de s'opposer soit à l'augmentation, soit à un avis de quitter les lieux, etc. Je pense bien qu'il y aurait lieu d'assujettir tout le monde à toute la loi ou de ne pas en faire une disposition spécifique pour cet article. On trouve simple- ment que vous brimez aussi le droit du locataire ici. C'est une interprétation; ce sera à vous de juger si elle est valable ou non.

Quant à nous, ce sont surtout les articles 1652 et 1653 qui ont une importance primordiale. Qu'à l'article 1652 les dispositions de la présente sous-section soient d'ordre public, on est loin d'être d'accord. On comprend mal que vous assujettissiez les locateurs et les locataires à toutes les dispositions qui sont ici et qu'elles soient d'ordre public, c'est-à-dire qu'ils ne puissent en aucune façon les modifier sans l'accord préalable du tribunal. Il y a vraiment des dispositions qui peuvent être d'ordre public-, il y en a d'autres qui n'ont vraiment pas nécessité de l'être. Si on prend la question des délais, il n'y a vraiment pas nécessité, à mon point de vue, que ce soit d'ordre public. Je pense bien qu'il y a lieu de laisser aux locataires et aux locateurs la possibilité de négocier entre eux.

M. CHOQUETTE : Nous voulons arriver à un bail type.

M. SAVAGE : On comprend cela.

M. CHOQUETTE: On veut clarifier les relations entre propriétaires et locataires pour qu'elles soient bien précisées. Si on permet toutes sortes de dérogations aux articles, on ne peut pas avoir de bail type; c'est aussi simple que ça.

M. SAVAGE: C'est que vous allez, quand même, à l'encontre des tendances commerciales, des tendances économiques. A force de vouloir favoriser telles personnes ou tel groupe, les locataires ou les propriétaires, vous les brimez en fin de compte aussi. Il y a peut-être des choses que les gens aimeraient faire et que vous ne leur permettez pas de faire.

M. CHOQUETTE : On ne favorise pas; on protège les locataires et, en même temps, on ne fait pas de tort indu aux propriétaires. Deuxièmement, on clarifie leurs relations sur le plan juridique. On établit avec plus de netteté, plus de clarté quel est le droit qui s'applique entre eux. On contribue à l'ordre dans la société. C'est cela qu'on fait. On essaie, évidemment, de faire un projet de loi qui soit conforme aux usages actuels, aux besoins actuels, sans aucun doute. C'est vrai qu'on limite la liberté de contracter, je l'admets parfaitement avec vous, mais cette limitation de la liberté de contracter est faite au nom d'un impératif social; établir avec plus de clarté les relations entre les deux.

M. SAVAGE: Il faudrait peut-être penser qu'on est en 1973. Je pense qu'il faudrait laisser une certaine liberté aux gens de contracter.

M. CHOQUETTE: On leur laisse la liberté de contracter, mais on connaît trop le genre de

contrat qui se passe entre propriétaires et locataires.

M. SAVAGE: D'accord.

M. CHOQUETTE: Vous savez comme moi que les formules sont écrites d'avance avec toutes sortes de clauses faites à l'avantage des propriétaires. Je ne dis pas qu'ils en abusent toujours, d'ailleurs, remarquez bien. Les contrats se passent comme ça et le locataire est plutôt passif dans la négociation de tels contrats.

Alors, ici, le législateur dit: Devant cette situation de passivité des locataires, on va établir un contrat type. C'est celui-là qui va prévaloir en toutes circonstances.

M. SAVAGE: Qu'il y ait des dispositions d'ordre public, on est bien d'accord. Mais que ce soient toutes des dispositions d'ordre public, c'est là-dessus qu'on en a.

M. CHOQUETTE: Elles ne le sont pas toutes.

M. SAVAGE: Bien, elles ne le sont pas toutes! Il y a toujours lieu de les modifier avec le consentement du tribunal. Vous vous imaginez que c'est assez onéreux et assez ardu de commencer à vouloir modifier une disposition, de commencer à passer à la cour, au commissaire aux loyers, etc., alors que les parties peuvent très bien s'entendre entre elles pour les modifier de consentement.

M. CHOQUETTE: Je n'ai rien à ajouter, monsieur.

M. SAVAGE: D'accord. Moi non plus, d'ailleurs. Alors ce qu'on prévoit, c'est qu'on s'oppose catégoriquement à cette disposition et on vous demande de prévoir une disposition où il y aurait des domaines considérés d'ordre public et où il y aurait d'autres domaines qui ne le seraient pas.

M. CHOQUETTE: C'est ça qu'on a fait.

M. SAVAGE: Bien, c'est ce que vous prétendez. Moi, ce n'est pas tout à fait ce que je pense.

M. CHOQUETTE: Ah oui!

M. SAVAGE: A l'article 1653, encore là, la question de pouvoir administrer une preuve testimoniale pour contredire les termes d'un écrit. Vous allez me dire que cela relève de la prolongation de la Loi de la protection du consommateur.

M. CHOQUETTE: Oui. M. SAVAGE: Bon.

M. CHOQUETTE: Mais là, je vous dirais, monsieur,... Enfin, exposez vos arguments, j'admets qu'il y a du pour et du contre sur cet article.

M. SAVAGE: II reste que c'est beau la Loi de la protection du consommateur. C'est sûrement une bonne chose. Mais il faudrait peut-être en venir, à un moment donné, à considérer le propriétaire autrement qu'un vendeur itinérant. Il y a quand même des relations propriétaires-locataires qui sont importantes. Pour la protection que vous voulez accorder aux locataires, on est d'accord. Il reste qu'administrer une preuve testimoniale, vous pouvez vous attendre à du charriage de la part de certains locataires qui sont pas mal futés. Nous autres, nous craignons terriblement cette question. Il reste que Me Jacoby, lors de l'audition à la commission parlementaire, le 2 ou le 3 mai, avait répondu à Me Demers, de la Chambre des notaires, qu'il considérait plutôt le contrat qui intervient entre locataires et locateurs, comme un contrat d'adhésion, en ce sens que les gens, lorsqu'ils contractent, ne portent pas attention aux termes de leurs contrats.

Je crois bien que c'est quasiment faire injure, en fin de compte, à la population. Si on a un contrat, il reste que les gens sont tenus... Moi, quand je signe quelque chose, il me semble que je le lis auparavant. Si je ne le lis pas, c'est bien malheureux, mais je me suis engagé. Quand vous achetez une automobile, vous avez lu le contrat avant de l'acheter. Quand vous achetez des meubles, vous lisez les conditions du contrat. Si vous ne les lisez pas... On est en 1973, M. le ministre, il y a quand même des limites. Administrer une preuve testimoniale, vous vous imaginez ce que cela peut signifier?

M. CHOQUETTE: Monsieur, tous les jours, les gens signent des contrats et des documents sans lire ce qu'il y a dedans. Cela se fait tous les jours. Moi-même, vous ne pouvez pas savoir le nombre de documents que je signe sans les lire.

M. SAVAGE: Ah bon!

M. CHOQUETTE: Si j'étais obligé de lire tout ce qui arrive sur mon bureau,...

M. SAVAGE: Cela vous amène à répondre à des questions embêtantes de la part des journalistes, non?

M. CHOQUETTE: Non, non. J'admets qu'il y a des secteurs où je lis.

M.SAVAGE: Ah bon!

M. CHOQUETTE: Dans le quotidien, je signe tous les jours des piles de documents sans regarder ce qu'il y a dedans. Je ne suis pas une exception.

M. BEDARD: Vous êtes responsable de votre signature.

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. BEDARD: Vous êtes responsable quand même de la signature.

M. CHOQUETTE: Certainement. C'est parce...

M. BEDARD: Alors...

M. CHOQUETTE: ... que j'ai des fonctionnaires à qui je fais confiance.

M. BEDARD: Justement, pourquoi le locataire ne le lirait pas? En se rendant responsable de sa signature...

M. CHOQUETTE: Mais, monsieur, quand vous regardez les baux avec le "small print", comme on dit, pensez-vous qu'un locataire va s'astreindre à lire jusqu'à la clause 26, les paragraphes à peu près épais comme ça? Il n'y en a pas un qui lit ça.

M. BEDARD: Non, mais vous dites que vous faites un bail type, il s'agit de l'imprimer en gros caractères.

M. CHOQUETTE: Oui, oui. M. BEDARD: Le locataire là.

M. CHOQUETTE: Oui, monsieur, je tiens à vous dire qu'il y aura un caractère obligatoire dans le bail type.

M. BEDARD: Bon, d'accord.

M. SAVAGE: Comme dans la Loi de la protection du consommateur. Mais ici, c'est quand même...

M. CHOQUETTE: Pour la question de contredire les termes d'un écrit valablement fait, nous y pensons et nous réfléchissons à sa portée.

M. SAVAGE: II reste qu'ici, vous allez quand même plus loin que dans la Loi de la protection du consommateur.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. SAVAGE: Vous la dépassez parce que la Loi de la protection du consommateur permettait au consommateur de contredire l'écrit, pour autant que la Loi de la protection du consommateur n'était pas respectée, alors qu'ici, vous allez au-delà de ça. Disons que c'est mon point de vue. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Mais, je pense bien que les termes, ici, dépassent le cadre de la Loi de la protection du consommateur.

M. CHOQUETTE: Très bien. En délibéré.

M. SAVAGE: A l'article 1654, nous voulions simplement savoir ce que le terme "constaté" pouvait signifier. C'est tout simplement une question d'information, à savoir si cela pouvait permettre de compléter l'écrit par une preuve verbale. Tout simplement, quelqu'un nous avait souligné que le terme "constaté" n'était peut-être pas le plus approprié à inclure au niveau de cet article.

M. CHOQUETTE: C'est un langage juridique, vous savez...

M. SAVAGE: Oui, je suis d'accord.

M. CHOQUETTE: ... qui échappe à certains.

M.SAVAGE: Les articles 1660 à 1664 traitent des réparations et des améliorations à être apportées au local. Si vous lisez l'article 1660, il est quand même assez vaste dans sa portée. On dit, par exemple, au début: "Si le locateur n'effectue pas les réparations et améliorations auxquelles il est tenu par la convention, la loi ou un règlement municipal concernant la sécurité ou la salubrité du local..." Il est tenu par la convention, cela va. Tenu par la loi, vous signifiez ici qu'il est tenu par la loi 78 et la loi 79 ou par la loi en général? Ensuite, sur la question des règlements municipaux, il reste quand même qu'il y a des fonctionnaires attachés à faire respecter les règlements municipaux. Si c'est la Loi du ministère du Travail, il y a des fonctionnaires attitrés pour se charger du dossier des plaintes du locataire.

Tandis qu'ici vous permettez au locataire de s'adresser au tribunal pour faire effectuer les réparations et améliorations au local, s'il n'y a pas eu respect, par exemple, d'un règlement de salubrité de la ville de Longueuil. Je pense bien qu'ici vous dépassez le pouvoir à accorder au tribunal.

M. CHOQUETTE: Mais non; on ne dépasse rien, monsieur, là. Si, par exemple, un locataire dans l'immeuble de l'avenue Du Parc, où huit personnes sont mortes dans un incendie — on sait, je pense, que le système d'alarme ne fonctionnait pas dans cet immeuble — avait dit: En vertu des règles de la sécurité, ce système d'alarme doit fonctionner. Moi, je prends sur moi d'aller faire réparer ce système d'alarme, ne pensez-vous pas qu'on aurait peut-être évité que sept ou huit personnes ne meurent?

M. SAVAGE: Le système d'alarme, c'est peut-être un mauvais exemple. Autrement dit, vous voudriez que le type essaie le système d'alarme tous les matins?

M. CHOQUETTE: Ecoutez là!

M. SAVAGE: Non, d'accord. Ce qu'on veut dire, ici, c'est que si la personne qui est locataire, a une plainte à l'effet qu'il manque des extincteurs chimiques — disons qu'ii n'y a pas d'extincteurs chimiques sur l'étage en question — il y a quand même un règlement municipal ou un règlement du ministère du Travail qui oblige...

M. CHOQUETTE: Monsieur, vous oubliez que l'application de l'article 1660 est soumise à l'autorité du tribunal. Le locateur est obligé de...

M. SAVAGE: Mais ce que je veux dire, moi, c'est qu'il doit porter plainte à qui de droit.

LE PRESIDENT (M. Blank): Quand vous parlez des extincteurs chimiques, la cour Municipale de Montréal peut seulement imposer une amende au type. Elle ne peut pas le forcer à en poser. Elle peut lui imposer une amende chaque jour, mais cela ne règle pas le problème.

M. CHOQUETTE: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Blank): Ici, on peut régler le problème.

M. SAVAGE: Si moi, comme locataire, je porte plainte à la ville de Montréal parce qu'il manque des extincteurs chimiques sur l'étage, vous voulez dire que le fonctionnaire de la ville de Montréal ne peut pas forcer le locateur à...

M. CHOQUETTE: Non, il ne peut pas le forcer. En vertu de quoi peut-il le forcer?

M. SAVAGE: Je pensais en vertu du règlement municipal.

M. CHOQUETTE: Bien non. Le règlement municipal expose seulement le propriétaire à une amende.

M. SAVAGE: Mais le ministère du Travail?

M. CHOQUETTE: II ne peut pas le forcer, non plus. Il ne peut pas prendre quelqu'un et lui dire: Je vous prends, manu militari, et je vous oblige à faire telle chose.

M. SAVAGE: Non, non, ce n'est pas cela que je veux dire.

M. CHOQUETTE: II peut le condamner à tant d'amende.

M.SAVAGE: Vous voulez dire qu'il y a seulement une sanction pénale; il n'y a pas d'obligation.

M. CHOQUETTE: C'est cela.

M. PAUL: C'est cela.

M. ROUSSIN: Excusez, il peut condamner mon immeuble. Si je ne me conforme pas aux normes du ministère du Travail, il va condamner les lieux. Si mes escaliers ne sont pas conformes, l'inspecteur du ministère du Travail va condamner les lieux. Il n'appartient pas à un locataire de faire effectuer les réparations. Un instant !

M. CHOQUETTE: C'est vrai. C'est vrai qu'il y a des dispositions qui peuvent condamner les lieux.

M. ROUSSIN: Le ministère du Travail est là pour quelque chose.

M. CHOQUETTE: Oui, mais le ministère du Travail n'inspecte pas les locaux d'habitation.

M. ROUSSIN: Excusez, un instant.

M. CHOQUETTE: Pas sous tous les aspects.

M. ROUSSIN: Oui, oui, oui. Si vous voyiez le paquet de lettres ou de recommandations qu'on reçoit, messieurs, vous verriez cela d'un autre oeil. Je considère que ces messieurs sont très utiles dans notre société et font un travail très valable. Ils sont nécessaires.

Je ne vois pas qu'un locataire puisse prendre sous son initiative...

M. CHOQUETTE: Je ne dénie pas leur utilité, au contraire je la reconnais. La discussion n'est pas là. Et même s'il existe certaines possibilités d'action pour le ministère du Travail ou, à Montréal, certains services municipaux, malgré tout ça n'enlève pas l'utilité de l'article 1660, qui est d'ailleurs soumis au tribunal.

Lisez bien: "Pour contraindre le locateur à y procéder dans un délai déterminé ou à défaut...". Donc, tout ça se passe sous l'autorité d'une cour. Ce n'est pas le locataire qui peut de lui-même prendre l'initiative de faire ça, il faut qu'il s'adresse à la cour et dise: Voici, au point de vue santé, sécurité ou salubrité, il y a quelque chose qui ne va pas. Je vous demande de reconnaître...

M. ROUSSIN: Ce n'est pas complètement de même que ça se dit à l'intérieur des articles.

M. CHOQUETTE: C'est ça que ça dit. Lisez-le bien avec attention.

M ROUSSIN: Nous, on n'admet pas qu'un locataire puisse prendre sous son initiative d'aller chez Pascal acheter un extincteur et l'accrocher dans le passage de l'appartement.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ça que ça dit. Il peut s'adresser au tribunal pour contraindre. C'est seulement la cour qui peut contraindre le

propriétaire. Et là le fardeau de la preuve appartient au locataire.

M. PAUL : La seule initiative qui appartient au locataire c'est cette possibilité pour lui de s'adresser au tribunal et non pas d'exécuter les travaux, aux lieu et place de...

M. SAVAGE: Parce que, dans ce cas, il n'y a pas urgence et nécessité. S'il y avait urgence et nécessité, il pourrait.

M. ROUSSIN: Mais si le locataire juge que c'est une urgence et une nécessité? Une chère madame, si la piscine un matin ne fonctionne pas, elle considère que c'est une urgence.

M. PAUL : Je comprends, mais ce n'est pas parce que lui l'aura jugé nécessaire et urgent que ce sera nécessairement une urgence. Et il paiera les conséquences de son imprudence ou de son jugement erroné, s'il y a contestation du locateur.

Le tout est toujours soumis au tribunal s'il n'y a pas entente entre les parties comme le disait tout à l'heure le ministre.

M. SAVAGE: La disposition de l'article 1664a) —de 1660 à 1664, ça va — on est irrémédiablement contre cette disposition où vous permettez à un locataire de pouvoir en fin de compte demander la révision de son loyer dans les deux mois suivant la signature qu'il a fournie à son locateur.

Vous permettez au locataire d'abuser d'une situation. Si le type a signé un bail, je pense bien qu'avant de signer il a quand même effectué le tour du voisinage, il a été voir d'autres locaux d'habitation. Et quand il a signé c'est parce qu'il était d'accord pour payer ce montant. Je ne vois pas de quelle façon on peut lui fournir l'occasion de demander une révision.

Vous allez me dire que ça existe déjà dans la loi de conciliation locateur-locataire.

M. CHOQUETTE : Si vous restez ici tout à l'heure, vous allez entendre des experts sur cette question.

M. SAVAGE: Qui vont dire quoi?

M. CHOQUETTE: On va attendre qu'ils nous le disent.

LE PRESIDENT (M. Blank): On ne sait pas ce que les experts vont dire.

M. SAVAGE: Vous voulez me dire qu'ils vont me dire quoi au sujet de cet article?

M. CHOQUETTE: Etiez-vous ici hier?

M. SAVAGE: Oui.

M. CHOQUETTE: J'en ai parlé.

M. PAUL : II a été question hier que jamais il ne pourrait y avoir rétroactivité dans la baisse du loyer qui existait avant la nouvelle location.

M. SAVAGE: Cela je me rappelle, ça va, il n'y a pas de problème avec ça. Sauf que moi, la façon dont je comprends, c'est le type qui a signé à $170, auparavant c'était à $160, vous voulez me dire qu'il pourrait demander une révision et le commissaire aux loyers pourrait accorder $160 au nouveau locataire s'il y a des raisons.

M. CHOQUETTE: Si l'augmentation était tout à fait légitime et défendable.

M. SAVAGE: II y a quand même tendance de la part des commissaires aux loyers de trancher la poire en deux.

M. CHOQUETTE: Je pense que dans un cas où un locataire a volontairement accepté une augmentation, comme vous le dites, ça prendrait des circonstances de fait assez exceptionnelles, une preuve assez forte...

M. SAVAGE: Ici.

M. CHOQUETTE: ... pour que le commissaire aille changer l'engagement du locataire.

M. SAVAGE: Mais ici ce n'est pas le locataire qui accepte l'augmentation, c'est un nouveau locataire qui conteste le loyer qu'il a à payer.

M. CHOQUETTE: Mais oui.

M. SAVAGE: II a accepté. Vous achetez une automobile pour $5,000, comment pouvez-vous avoir deux mois pour réviser le contrat que vous avez signé?

Dans le cas du vendeur itinérant, vous accordez cinq jours; ici, vous accordez deux mois.

M. CHOQUETTE: Dans la Loi de la protection du consommateur, il y a un délai d'un an qui permet à un majeur de soulever la lésion à l'égard d'un contrat dans lequel il s'est engagé volontairement. Ici, c'est seulement deux mois. C'est une mesure qui est nécessaire pour éviter, comme je l'ai dit hier, qu'un propriétaire emploie toutes sortes de subterfuges pour évincer un locataire, le remplacer par un nouveau locataire et lui arracher une augmentation indue. Cette mesure est directement liée à la clause d'arbitrage des loyers entre propriétaire et locataire qui sont sur les lieux. Et tout à l'heure, vous allez avoir des explications sur la portée de cet article. En fait, sûr et certain, c'est qu'un locataire qui a accepté une augmentation ou qui a accepté un bail à certaines conditions plus onéreuses que celles de son prédécesseur dans les lieux, ce locataire va avoir un fardeau de la preuve assez lourd pour

convaincre un commissaire des loyers qu'il ramène le loyer à ses proportions antérieures. Vous comprenez? Ce n'est pas une clause qui ouvre la porte à autant d'abus que vous pouvez le penser.

M. SAVAGE: Peut-être. En tout cas, c'est justement la question des abus qu'on veut éviter. Le type qui signe un contrat, qui signe un bail, il me semble que dans votre tradition juridique, il est lié par ce qu'il a signé.

M. PLAMONDON: Pour donner une exemple de ce qu'on vient de dire, il s'agit du cas d'un type qui entre au mois de mai dans un immeuble où il y a des logements de quatre pièces qui sont loués à $175 et qui n'ont pas été majorés, pour une raison ou pour une autre, sur le même étage; mais on en a un vacant et on veut le louer à $180 parce que les augmentations... Le nouveau locataire va payer $180 et il va s'apercevoir au bout d'un mois que ses voisins, pour des considérations telles que ce sont de bons locataires, on n'a pas de ménage à faire dans le logement, ne paient que $175...

M. CHOQUETTE: Cette situation n'ouvre pas nécessairement la porte au recours de ce locataire.

M. PLAMONDON: Les nouveaux législateurs seront probablement plus avertis que les anciens parce que, selon la Loi de la régie des loyers, si vous avez un bail qui est loué à $175 sur un étage, c'est difficile de faire accepter $180 pour un autre. Pour le même étage, pour le même genre de logement et la même superficie, on va vous dire: C'est juste pour tout le monde, c'est le même prix pour tout le monde. La plupart du temps, quand on n'augmente pas un locataire, c'est pour des considérations et on va donner une augmentation à un nouveau locataire. Et s'il revient deux mois après et dit: Mon voisin paie $175, pourquoi je ne paierais pas $175? C'est le problème concret qui se pose. Si on s'oppose à ça, c'est principalement pour des raisons dans ce sens.

M. SAVAGE: On imagine aussi qu'un avis devrait être donné, conformément à l'article de la Loi 79, l'article 23, tant au locateur qu'au commissaire aux loyers. Oui.

Sur l'article 1664 e), il a été mentionné que ce serait changé pour trois mois. C'est quand même une disposition d'ordre public, c'est une disposition sur laquelle les parties pourront s'entendre pour la modifier après accord avec le tribunal. N'y aurait-il pas lieu de prévoir plutôt une disposition qui se lirait comme suit: Sauf disposition contraire prévue au bail, le délai dans lequel l'avis prévu par les articles 1664 c) et 1664 d) doit être donné, est d'au moins trois mois? De façon â permettre quand même au locateur et au locataire de s'entendre sur une disposition d'avis entre eux, au lieu de passer par l'intermédiaire du tribunal, de prévoir l'alternative, c'est-à-dire s'il n'y a pas de disposition prévue au bail, que ce soit la disposition de trois mois qui s'applique. S'il y a une disposition contraire au bail, ce serait la disposition du bail qui s'appliquerait.

M. CHOQUETTE: Je note, monsieur.

M. BEDARD: Maintenant, l'avis de trois mois. Si une personne arrive et dit: Je veuj briser mon bail, je vous donne trois mois d'avis. Par contre, son bail se termine au 1er janvier, alors quoi?

M. CHOQUETTE: Mais, monsieur, c'est l'avis si, avant la fin du bail...

M. BEDARD: Avant la fin du bail?

M. CHOQUETTE: Eh oui, cela ne donne pas l'autorisation de briser le bail en chemin.

M. BEDARD: D'accord.

M. SAVAGE: A l'article 1664 f): "Le locataire qui veut être maintenu dans les lieux à l'expiration du bail en cours peut former opposition à l'avis de non-prolongation", on dit que c'est une disposition qui n'a pas de sens et qui ne se justifie pas dans le cadre de cette loi actuelle. Dans le cadre de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, ça pouvait sûrement se justifier. Ici, on voudrait permettre une opposition à l'avis de non-prolongation, mais seulement dans les cas de discrimination raciale, de sexe, etc., ou de discrimination quant aux enfants, conformément à 1665, f) et 1665 g).

M. CHOQUETTE: Vous mêlez des choux et des raves. C'est la règle générale; ça n'a rien à voir avec la discrimination.

M. SAVAGE: Ici, vous permettez à tout locataire qui reçoit un avis de non-prolongation de son bail de s'opposer.

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. SAVAGE: On est d'accord pour maintenir cette disposition-là.

M. CHOQUETTE: C'est la disposition centrale de toute cette législation. C'est le pivot de toute cette législation.

M. SAVAGE: Bien, c'est la disposition qui continue la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. CHOQUETTE: Bien oui, c'est ça.

M. SAVAGE: C'est ça sur quoi on n'est pas d'accord.

- M.CHOQUETTE: Bon, alors, vous n'êtes • s d'accord.

M. SAVAGE: C'est ce qu'on vous dit. M. CHOQUETTE: Très bien, je note.

M. SAVAGE: On vous dit qu'on est d'accord qu'il y ait un avis d'opposition, mais simplement dans le cas de 1665 f) et 1665 g), c'est-à-dire que le locateur qui veut louer à quelqu'un d'autre — il est question d'empêchement, un peu plus loin, de reprise de possession par le locateur — puisse reprendre son local loué et que les articles 1664 q), etc., soient abrogés. Vous permettez que le locateur reprenne son bail s'il veut transformer les lieux, s'il veut louer à son parent, etc.

LE PRESIDENT (M. Blank): Si le locataire fait une opposition et si le propriétaire a une bonne raison pour ne pas prolonger le bail, il va faire sa preuve devant un tribunal. Le tribunal peut l'accorder ou ne pas l'accorder. C'est seulement une porte d'entrée pour le tribunal. Cette loi-ci remplace toutes les autres lois; c'est ça qui arrive.

M. SAVAGE: Oui, d'accord. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'il n'y ait pas de restriction au droit du locateur de louer à qui il veut; qu'il soit astreint, toutefois, à se conformer aux dispositions sur la discrimination.

LE PRESIDENT (M. Blank): Les articles de discrimination ne sont pas pour les locataires qui sont déjà là, c'est pour les noveaux locataires qui veulent entrer.

M. SAVAGE: Cela peut s'appliquer aussi dans un autre cas. Evidemment, la discriminaqtion, la première année, il va l'éviter; il va le louer à une personne, à un noir, mais, la seconde année, il ne voudra pas lui relouer parce que c'est un noir. Le noir pourra justement dire: II ne me loue pas parce que je suis noir. Il pourra se servir de l'article sur la discrimination, à ce moment-là.

Disons que notre argument ici, c'est quand même de permettre au locateur de louer son bien. C'est quand même lui qui est maître de son bien. C'est à lui le local; il a quand même droit de louer à qui il veut.

M.CHOQUETTE: Mais voyez-vous, monsieur, c'est justement ça qui est l'objet de ce projet de loi là, c'est que nous ne reconnaissons pas l'extension que vous donnez au droit de propriété dans les conditions actuelles. Nous avons, dans une certaine mesure, réduit la portée du droit de propriété, par ce projet de loi, lorsqu'il s'agit de locaux d'habitation. C'est ça la pensée du législateur, c'est ça qui va passer.

M. SAVAGE: Vous allez vous en tenir à ça? Vous tenez mordicus à cela?

M. CHOQUETTE: Mordicus, monsieur.

M. SAVAGE: Sur la question des avis, de la forme d'avis, on recommanderait que ce soit par courrier recommandé. A l'article 1664 j), vous avez permis qu'il y ait opposition â l'intérieur de certains délais. Vous semblez admettre que ces dispositions vont demeurer, mais la disposition de l'article 1664 j) est fortement onéreuse pour le locateur en ce cas-ci. Le locataire peut, pour motifs graves — on ne sait pas, d'abord, ce que peuvent être les motifs graves — former opposition après l'expiration du délai imparti, pourvu que le locateur n'en subisse aucun préjudice. Evidemment, avant que cette situation soit entendue devant le commissaire aux loyers ou devant le tribunal, il va sûrement s'écouler un certain délai, un délai qui peut être fort onéreux pour le propriétaire. Celui-ci peut avoir avisé le locataire en question.

Le locataire n'ayant pas répondu dans les délais impartis, on a tenu compte à ce moment-là qu'il avait admis soit l'augmentation du loyer ou soit que son bail ne serait pas prolongé, qu'il serait prêt à quitter. Le locateur a donc loué à quelqu'un d'autre.

M. CHOQUETTE : A ce moment-là...

M. SAVAGE: Je suis d'accord qu'il y a un préjudice. C'est justement ce que je veux vous faire admettre, qu'il y a un préjudice là, le cas va être entendu quand, devant le commissaire?

M.CHOQUETTE: Rapidement, monsieur.

M. SAVAGE: Oui, rapidement, mais tout de même!

M.CHOQUETTE: Nous avons eu le même problème cette année lorsque nous avons adopté la loi pour empêcher les hausses abusives de loyer. La loi a été adoptée au cours du mois de février mais il y avait pourtant des propriétaires qui, en janvier, se prévalant de leur droit de louer à de nouveaux locataires, avaient exercé ce droit. Nous avons reconnu le droit des propriétaires de déloger, dans ces cas-là, les locataires parce qu'ils s'étaient engagés en faveur des nouveaux locataires.

M. SAVAGE: Mais, dans la loi 280, je pense que vous aviez quand même fixé un délai dans lequel le locataire pouvait former opposition, justement, sur cette question-là. Si vous accordez l'opposition, on n'est pas d'accord sur le principe de l'accorder pour tout. Cependant, si vous tenez à l'accorder, hors du délai imparti, cela n'a vraiment pas de sens. Le type va

pouvoir prétendre qu'il n'a pas reçu la lettre à une semaine de la fin de son bail; c'est peut-être le cas extrême qu'on prend mais qu'est-ce qui advient, à ce moment-là, du locateur qui a loué son logement et qui, au lieu du 1er mai, va être entendu le 15 mai? Vous allez me dire qu'il va avoir gain de cause, je suis bien d'accord, mais durant les quinze jours, qu'est-ce qui va se passer avec son nouveau locataire? Il va le laisser au motel? C'est surtout ces cas-là qu'on veut éviter.

M. CHOQUETTE: Monsieur, nous allons prendre vos observations en considération.

M. SAVAGE : Quant à la question du motif grave, cela peut être quoi? Vous n'avez pas idée?

LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, c'est comme quand on fait une requête pour une révocation de jugement qui doit être reçue par la cour. Il faut donner des raisons valables pourquoi vous n'avez pas fait votre comparution et votre défense.

M. SAVAGE: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): C'est la même chose ici. Peut-être avez-vous raison, peut-être que cette requête, pour faire de l'opposition, doit-elle être entendue immédiatement par le tribunal, avant que l'opposition soit faite.

M. CHOQUETTE: Prenons un locataire en voyage ou un locataire hospitalisé qui a reçu l'avis et qui n'aurait pas répondu dans les 20 jours. S'il arrive le 21e ou le 22e jour et qu'il lui manque un ou deux jours de délai, est-ce qu'on va lui faire perdre un droit parce que lui-même peut donner des raisons importantes de son absence?

M. SAVAGE: Là, vous allez me dire, si le locateur a loué, qu'il y a eu préjudice.

M. CHOQUETTE: C'est évident, à ce moment-là, c'est évident.

M. SAVAGE: Mais notre crainte est: La cause va être entendue quand? La décision va être rendue quand? C'est pour cela qu'il y aurait lieu que tout cela soit fait avant la fin du bail du locataire en question. A tout événement, on vous souligne le problème, je pense que vous en êtes conscients. A l'article...

M. CHOQUETTE : Pouvez-vous accélérer, monsieur?

M. SAVAGE: Oui, oui.

M. CHOQUETTE: Vous savez, on a beaucoup de travail devant nous.

M. SAVAGE: Ah oui, ici, à 1664 a), lorsque le tribunal prolonge le bail du locataire, pour une question d'augmentation de loyer ou pour une question de non-prolongation. Disons que le tribunal a consenti à une prolongation; s'il y a eu augmentation de loyer, par exemple, et que le locataire s'est opposé, on demanderait que le montant de la différence entre $160 et $175 soit déposé au greffe de la cour ou aux offres et consignations. Ainsi, si la cour rend une décision à l'effet que le locateur a raison pour l'augmentation, il pourra bénéficier du montant immédiatement.

Disons que la décision est rendue deux mois après le commencement du bail; il pourra retirer l'augmentation immédiatement au lieu d'avoir à entreprendre d'autres procédures. Lorsque le commissaire rend la décision, il dit, par exemple: Le locataire devra payer l'augmentation dans tel délai. Au lieu d'avoir à attendre ce délai, qu'il puisse avoir l'argent immédiatement.

M. CHOQUETTE : Monsieur, la décision du commissaire est rétrocative.

M. SAVAGE: Oui, je suis d'accord, sauf que le locateur doit, à ce moment-là...

M. CHOQUETTE : Que voulez-vous exactement?

M. SAVAGE: Ce qu'on veut...

M.PAUL: La demande de Me Savage est la suivante: Du moment que le locateur demande une augmentation, que le locataire qui conteste cette demande soit obligé de déposer au tribunal la différence entre le nouveau loyer et celui qu'il payait. C'est bien ça?

M. SAVAGE: C'est ça. Si la différence n'est pas agréée...

M. CHOQUETTE: Le jugement n'est pas rendu à ce moment-là.

M. SAVAGE: Non, c'est pourquoi on ne veut pas que le montant soit versé au locateur, on demande que le montant soit versé à la cour, au greffe de la cour tout simplement. Si le locateur a raison pour les $15, les $15 il les aura immédiatement; s'il n'a droit qu'à $5, il recevra $5 et les $10 seront versés au locataire.

M. BEDARD: En réalité, c'est pour éviter au locataire de débourser peut-être une somme $100 ou $150 d'un coup en plus de son loyer. Comprenez-vous? En réalité il prend $15...

M. PAUL: Un montant de $150. Vous laissez entendre que les décisions du tribunal ne pourraient être rendues que cinq ou six mois après? Je pense que l'économie de la loi exigera que les décisions du tribunal soient rendues très rapidement, pour pallier toutes ces difficultés que vous nous signalez.

M. SAVAGE : Alors notre objection ne rencontre pas d'opposition.

Si véritablement le tribunal rend sa décision rapidement, il aurait peut-être un seul versement à faire au greffe.

LE PRESIDENT (M. Blank): Pensez aux abus qu'on peut avoir dans ces affaires. Prenez un petit travailleur dans mon comté qui ne gagne pas tellement cher, qui paie un loyer de $75 ou $60 par mois, pour une raison ou pour une autre, le propriétaire n'aime pas ce type, il veut avoir une augmentation, il lui demande une augmentation de 100 p.c, il exige $150 par mois. Forcer ce type à déposer $150 ou $75 chaque mois de plus...

M. SAVAGE: On n'a rien à répondre, c'est évident...

LE PRESIDENT (M. Blank): II y a des gens qui n'ont pas $75 par mois à donner.

M. SAVAGE: Je suis d'accord. Je n'ai rien à répondre â ça, vous prenez le cas extrême.

LE PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais le cas extrême, ce sont ceux-là qui arrivent dans la loi. C'est le principe de la loi.

M. BEDARD: S'il n'est pas capable de le déposer au début du bail, comment va-t-il être capable de déposer si la décision est rendue seulement deux mois après.

LE PRESIDENT (M. Blank): Monsieur, qu'on prenne un bail de $75 par mois, s'il y a une augmentation assurée de $5 ou de $10, cela veut dire qu'après trois mois il va débourser $30; mais si le propriétaire lui demande une augmentation de $75, il dit: Je veux avoir $150 par mois pour ce logement, le locataire doit déposer chaque mois $75 de plus jusqu'à la date de la décision.

M. SAVAGE: Si le tribunal dit oui, qu'est-ce qui arrive pour les montants rétroactifs.

LE PRESIDENT (M. Blank): Pour le rétroactif, le tribunal peut toujours donner des termes, payer cela tant par mois.

M. SAVAGE: C'est cela qu'on veut éviter.

LE PRESIDENT (M. Blank): Mais le locateur a un droit et le locataire aussi. Actuellement quand il arrive des cas semblables, si vous voyez des jugements de la Régie des loyers, elle donne toujours un temps pour ces pauvres gars de payer tant par mois.

M. BEDARD: En somme, le propriétaire ici se trouve considéré comme une compagnie de finance. On se trouve à financer le logement d'un locataire, si la décision retarde de trois mois. Ensuite de cela, ils nous échelonne le loyer pour le reste.

LE PRESIDENT (M. Blank): La situation du propriétaire est moins grave que celle du locataire.

M. SAVAGE: On va douturer le débat. Alors l'article 1664 t), sur cette question de reprise de possession par le locateur, nous nous opposons. Je crois que le ministre tout à l'heure m'a répondu que, quant à ces dispositions, il n'était pas question de les modifier. Il reste qu'on s'oppose vivement à la question d'empêcher le locateur de reprendre possession de son bien quand il le veut et pour les motifs qu'il veut. Il n'a pas à justifier les raisons pour lesquelles il veut reprendre son bien.

M. CHOQUETTE: Vous vous assoyez sur le droit de propriété le plus absolu, sans reconnais tre aucun droit aux locataires.

M. SAVAGE: On reconnaît des droits aux locataires, mais vous devrez également reconnaf-tre les droits aux locateurs. Que le locateur veuille reprendre son bien parce que, durant l'année, c'était le genre de locataire qui paie toujours le 15 au lieu de payer le 1er du mois, c'est sûrement un...

M. CHOQUETTE: II y a des dispositions.

M. SAVAGE: Exactement, il y a des dispositions, mais si le commissaire des loyers dit: Non, conserve-le comme locataire?

M. CHOQUETTE: Vous voulez que tout soit administré par le propriétaire, qu'il puisse se faire justice complètement, sans reconnaître le moindre droit aux locataires.

M. SAVAGE: Non, nous avons prévu que les questions de discrimination justement, il ne pourrait pas reprendre possession de son local.

M. CHOQUETTE: En tout cas, on comprend ce que vous voulez dire. Procédez là, parce qu'on en a d'autres à entendre.

M. SAVAGE: Je comprends, M. le ministre, que vous soyez peut-être tanné de m'entendre, mais on a quand même le droit de parole.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas tanné, mais exposez-nous vos recommandations.

M. SAVAGE : M. le ministre, c'est la deuxième fois que vous nous mentionnez ça.

M. CHOQUETTE: Procédez; n'argumentez pas sur des points.

LE PRESIDENT (M. Blank): M. Savage, si vous regardez les règlements de cette commis-

sion, c'est 20 minutes pour exposer un mémoire. On vous a donné plus de temps que cela. On ne veut pas vous limiter, mais il y a une certaine limite.

M.SAVAGE: D'accord. Alors, à l'article 1664 x), il est question de l'habitation à loyer modique. Encore là, vous permettez au locataire de résilier son bail en cours pour pouvoir habiter un logement à loyer modique, financé par la Société d'habitation. Je pense bien qu'ici il y aurait lieu d'appliquer l'article 1613, sur la question de sous-location. D'ailleurs, cela a été mentionné par la chambre de commerce, ce matin. Je pense bien que ce serait une disposition logique en faveur, au moins, du locateur.

Si vous permettez que le locataire puisse résilier son bail pour aller habiter un local financé par la Société d'habitation, vous pouvez sûrement créer un net préjudice au locateur, puisque vous ne lui offez aucune garantie. C'est quasiment de l'expropriation à titre gratuit. Finalement, vous pouvez peut-être vider dix appartements d'un locateur sous prétexte que les gens s'en vont dans un local financé par la Société d'habitation.

A l'article 1665, on dit que le locateur ne peut exiger d'avance que le paiement d'un terme de loyer. Ici, on reprend les dispositions qu'on avait mentionnées dans notre mémoire, en octobre dernier. On demande qu'il puisse y avoir, au moins, un chèque versé pour la garantie des meubles qui sont fournis par le locateur. Je pense que cette suggestion vous a déjà été formulée, Vous l'avez rejetée assez allègrement. Alors, nous vous la reformulons.

Ensuite, sur la question des chèques postdatés, on demanderait qu'il puisse y avoir une possibilité, pour le locataire, de verser des chèques postdatés, mais négociables à une date fixe; qu'il soit également impossible au locateur de se servir de cela pour obtenir des avances ou du financement.

M. CHOQUETTE: On n'exclut pas, vous savez, les chèques postdatés, dans le sens que, si le locataire, volontairement, veut donner une série de chèques, il le peut. Mais le propriétaire ne peut pas le contraindre. C'est ça, le sens de la loi.

M. SAVAGE: Mais pourquoi, à ce moment-là, ne peut-il pas le contraindre? Ce qu'on demande, justement, c'est qu'il puisse le faire, qu'il puisse contraindre le locataire. C'est une question d'administration.

M. CHOQUETTE: Supposons qu'un locataire n'a pas de compte de banque et supposons qu'il n'aime pas cela avoir des chèques qui arrivent tous les premiers du mois? S'il veut l'accepter, on est d'accord. Je sais qu'il y a pas mal de locataires qui acceptent volontairement ça. On n'exclut pas cette solution.

M. SAVAGE: Admettriez-vous également que le locateur puisse faire signer un genre de formule, comme les versements faits à une compagnie d'assurance, disons une formule de préautorisation de payer?

M. PILOTE : Au sujet des chèques postdatés...

M. SAVAGE : Oui.

M. PILOTE: ... il suffit que le locataire écrive sur son chèques "négociable à telle date"...

M. SAVAGE: Oui, telle date.

M. PILOTE: ... et le tour est joué.

M. SAVAGE: C'est tout ce que l'on demande.

M. BEDARD: Prenons un propriétaire qui a 2,000 logements. Sur les 2,000 logements, il y a seulement 1,000 personnes qui donnent des chèques postdatés. Vous imaginez-vous le propriétaire qui doit courir, chaque mois, pour avoir les 1,000 autres chèques. On a de la misère à les avoir le premier de chaque mois.

M. PAUL : On va causer préjudice au locateur, à ce moment-là, parce qu'un chèque sur lequel figure "négociable à telle date" ne pourra être encaissé que trois jours après la date prévue pour l'encaissement. Pour un chèque négociable le 1er septembre 1973, il faut attendre jusqu'au 4 septembre, s'il n'y a pas de fonds, avant son encaissement.

M. PLAMONDON: II y a certainement une formule qui pourrait s'adapter facilement en ce qui concerne les chèques postdatés. C'est surtout une question d'administration pour un locateur qui a plusieurs immeubles ou locataires. Dans un sens, cela contribue à diminuer le coût du loyer. C'est peut-être minime, mais, si on est obligé d'avoir une personne que l'on paie $7,000 par année pour faire strictement la perception de chèques non en main, indirectement, c'est le locataire qui va payer la personne en question. Alors, c'est une question d'épargner de l'argent au locataire, tout simplement.

M. SAVAGE: M. le député de Maskinongé, négociable, c'est immédiatement, je crois. Payable, c'est trois jours après, trois jours de grâce.

M. PAUL: Je suis assez pauvre que je ne suis pas capable de vous répondre!

M. SAVAGE: Ah bon! Vous n'avez pas de compte de banque? D'accord.

Sur la question des chèques sans provision, on réclame une pénalité de $5. On a une explication bien concrète â vous donner. D'ailleurs, M. Bédard va vous fournir cette explication.

M. BEDARD: Je m'occupe de 800 logements. En réalité, j'ai 1,200 logements. Sur les 1,200 logements, je reçois $16,000 de chèques sans provision par mois, $16,000. Est-ce que vous pouvez vous représenter l'administration que cela peut coûter, pour avertir un locataire ou qui que ce soit? Ensuite, les frais que la banque exige à chaque chèque qui revient dans notre compte.

LE PRESIDENT (M. Blank): Ne serait-il pas mieux d'exiger de vos locataires de payer cela au concierge, à telle et telle adresse, au comptant, chaque mois? Cela réglerait votre affaire.

M. BEDARD: Justement, mais là, cela va venir payable le 20 de chaque mois, au lieu du 1er.

LE PRESIDENT (M. Blank): Non, non, pas avec cette loi-ci. Dans cette loi-ci, c'est le 1er.

M. BEDARD: C'est le 1er de chaque mois, je suis d'accord avec vous, mais le locataire qui n'est pas capable de me payer par chèque, le 1er de chaque mois, ne sera pas plus capable si j'envoie mon concierge le chercher. Il n'a pas d'argent.

LE PRESIDENT (M. Blank): Vous avez d'autres procédures à prendre.

M. BEDARD: Les $16,000 que je reçois, je les reçois le 10. Je les ai déposés le 1er, je les reçois le 10 et je ne suis pas payé avant le 20. Dans certains cas, cela retarde de deux mois.

LE PRESIDENT (M. Blank): Exigez...

M. BEDARD: Mon concierge que je paie à $8 l'heure, qui va partir pour aller chercher le chèque...

UNE VOIX: $8 l'heure?

M. BEDARD: Je dis $8 l'heure parce qu'en réalité, considérez l'ouvrage qu'il ne fait pas, le salaire que je lui paie, le temps qu'il prend pour aller chercher le chèque. Vous êtes des hommes d'affaires, vous savez ce que c'est.

M. PAUL: Je trouvais cela un bon salaire, à $8 l'heure.

M. BEDARD: Non, mais considérez tout. $8 de l'heure, ce n'est pas ce que je lui donne. C'est l'ouvrage que, pendant qu'il va chercher un chèque sans provision, il n'est pas capable de faire; c'est l'ouvrage de la dame du bureau de location, qui prend le temps de téléphoner à toutes les personnes.

M. PAUL: C'est une opération comptable et non un déboursé.

M. BEDARD: Une opération comptable qui se trouve à être des frais d'administration pour nous autres.

M. PLAMONDON: N'y aurait-il pas lieu d'avoir un compromis, en ce sens que le chèque postdaté, non négociable, pourrait être obligatoire, mais qu'un locataire qui n'aurait pas de compte de banque, comme vous dites, ou qui aurait une raison grave de ne pas donner une série de chèques pourrait demander une permission à la régie pour pouvoir s'exempter de faire une série de chèques? L'obliger, mais avoir une disposition qui permette de s'en exempter pour une raison grave. Comme on a des raisons graves un peu partout, on pourrait en avoir une autre.

LE PRESIDENT (M. Blank): On prendra cela en délibéré.

M. SAVAGE: C'est simplement pour dire que l'article 741 du code de procédure, je crois que vous avez l'intention de l'abroger. On demande qu'il soit maintenu, tel que cela a été demandé, d'ailleurs, par le Barreau, par l'entremise de Me Filion.

On aurait d'autres suggestions. Sur la clause escalatrice, ce matin, vous avez eu des représentations par la chambre de commerce. On demande évidemment qu'il y ait une clause escalatrice de prévue, peut-être pour les baux à long terme, non pas pour le bail d'une année, qu'il y ait également une modification à l'article 1664 n), sur la question des taxes scolaires, municipales et peut-être également, le compte d'électricité. Il y a une augmentation automatique l'année suivante, évidemment, puisqu'on ne peut pas modifier le contenu du bail lorsqu'il est fait pour une année.

Egalement une modification pour empêcher les contestations ou les oppositions, de la part des locataires, une double suggestion serait la suivante: La première, c'est qu'il y aurait peut-être une possibilité d'offrir au locateur qui le désirerait d'obtenir l'autorisation de la cour ou l'autorisation du commissaire aux loyers pour fixer l'échelle de loyers, c'est-à-dire que, si vous avez, aujourd'hui, un complexe qui est financé parla Société centrale, selon la loi nationale de l'habitation, ce qu'on appelle les dividendes limités... Sur la question des dividendes limités, lorsque le locateur veut modifier son échelle de loyers, il doit obtenir auparavant l'autorisation de la Société centrale.

Ce qu'on voudrait, ici, ce serait peut-être de permettre au locateur d'obtenir l'autorisation de la cour ou du commissaire aux loyers, et si la décision est entérinée par cette cour ou ce commissaire, ce serait automatique. Il n'y aurait pas d'oppositions de la part des locataires qui seraient admissibles.

Une autre suggestion serait à l'effet que, s'il y a opposition de la part des locataires d'un immeuble, pour que la demande d'opposition soit recevable, qu'il y ait un minimum ou un pourcentage de fixé, disons 10 p.c. des locataires de l'immeuble X qui contestent l'augmentation de loyer.

Il y aurait possibilité de l'entendre. Dans un autre cas, hier, on donnait un exemple de deux logements sur 150; or il n'y aurait pas possibilité que les locataires puissent s'opposer si tout le monde a consenti sauf ces deux personnes. Voilà en résumé les recommandations que nous désirions vous fournir ce matin, M. le ministre.

Nous espérons que, malgré le temps que nous avons pris, vous voudrez bien y porter attention et prendre le tout en considération.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci beaucoup, M. Savage.

M. CHOQUETTE: Merci beaucoup, monsieur.

M. PAUL: Au nom de tous les membres de l'Opposition, je vous remercie.

M. CHOQUETTE: Messieurs, ainsi que je l'avais annoncé, nous avons des experts à faire entendre sur cette loi. Je vais vous donner la liste et l'ordre que je suggère que nous adoptions pour les entendre: M. le juge Lionel Ross, président de la Régie des loyers; M. Joseph H. Chung, économiste; M. Claude Chapdelaine, économiste; M. Richard Thouin, économiste et administrateur; et les représentants de l'Office de révision du code civil, Me Crépeau et Me Jacoby.

M. Ross, vous pouvez vous asseoir en face de nous.

M. PAUL: Cela va vous rappeler les bonnes années où vous étiez dans l'Opposition.

M. CHOQUETTE: Seize ans dans l'Opposition.

M.PAUL: Je me sens appuyé un peu plus, M. le Président.

M. CHOQUETTE: On ne vous assermentera pas, M. le juge, je pense.

Régie des loyers

M. ROSS: Mon serment d'office.

M. le Président, M. le ministre, messieurs, dans ce court mémoire, je veux attirer votre attention sur trois points: la législation adoptée au Québec en matière de loyers depuis 1951; la situation actuelle au point de vue administratif, c'est-à-dire l'expérience vécue; et enfin la nécessité d'une réglementation permanente des loyers.

Le contrôle des loyers fut établi au Canada au début de la seconde guerre mondiale. Le contrôle fédéral sur les loyers se continua jusqu'au 30 avril 1951.

Le 30 avril 1951 entra en vigueur une loi du Québec qui s'intitule Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Cette loi, qui avait une validité de deux ans, fut prolongée chaque année depuis lors. Conformé- ment au projet de loi 83, sanctionné le 21 décembre 1972, elle est prolongée jusqu'au 30 avril 1974.

La loi du Québec sur le contrôle des loyers fut bénéfique à plusieurs points de vue. Dans ce domaine, comme dans tant d'autres, le Québec a donné l'exemple au Canada depuis 22 ans.

A l'origine, en 1951, la loi s'appliquait à toutes les cités et villes du Québec, mais le conseil d'une municipalité pouvait demander d'être soustrait à l'application de la loi, ce que firent plusieurs conseils municipaux.

Une modification de la loi en 1963 a soustrait au contrôle des loyers toutes les cités et villes de moins de 10,000 habitants, si bien qu'en 1963 seulement 69 cités et villes avaient le contrôle des loyers.

Le 1er décembre 1962, le plafond des loyers, le montant maximum au-delà duquel les logements n'étaient pas soumis au contrôle des loyers, fut établi à $125 dans l'île de Montréal et à $100 dans les autres municipalités.

En 1967, l'année de l'Expo, un contrôle rigoureux a été institué par l'adoption de trois projets de loi destinés à éviter des augmentations abusives de loyers. Il en est résulté de fortes pressions, surtout à Montréal, en vue de reporter la date limite de la construction des logements.

A l'époque, seuls les logements construits avant le 30 avril 1951 étaient soumis au contrôle. C'est ainsi que, le 7 mars 1968, a été adopté un projet de loi pour permettre à toutes les municipalités du Québec qui en exprimaient le désir au lieutenant-gouverneur en conseil de demander que la loi s'applique aux logements construits avant le 30 avril 1968 ou à toute date antérieure.

De plus, les conseils municipaux devaient déterminer jusqu'à concurrence de quel loyer les logements étaient couverts. Pour les municipalités qui se sont prévalues de la loi, les loyers maxima fixés ont varié de $75 à $500.

A Montréal cependant, le contrôle des loyers est demeuré limité aux logements construits avant le 30 avril 1951, le loyer maximum étant de $125 ou moins le 1er décembre 1962.

Dès le début du mois de janvier 1973, les propriétaires, dans de nombreux cas, ont réclamé des augmentations inusitées de loyer. Ces augmentations abusives ont été réclamées non seulement dans la région de Montréal mais dans la ville de Québec et dans les principaux centres urbains du Québec dont Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi, Granby, Valleyfield, Joliette, Saint-Hyacinthe, Sept-Iles, etc., dans des endroits moins populeux, et même dans des villages.

Devant cette situation qui s'annonçait désastreuse, l'honorable ministre de la Justice a, le 31 janvier 1973, déclaré qu'une législation serait adoptée pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973.

Le 28 février 1973, a été sanctionné le projet de loi 280, dont tous les membres de cette commission connaissent bien les dispositions.

Maintenant, l'expérience vécue. Au cours de l'année financière 72/73, qui s'est terminée le 1er avril 1973, la Commission des loyers a appliqué la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires dans 93 municipalités du Québec pour les logements de diverses catégories. Dans 44 municipalités, la loi s'est appliquée aux logements construits avant le 30 avril 1951, dont le loyer n'excédait pas la somme de $125 par mois le 1er décembre 1962, dans le territoire de l'île de Montréal, et $100 par mois, à la même date, dans les autres municipalités.

Dans 49 municipalités, la loi s'est appliquée à des logements construits jusqu'à une date déterminée, mais qui ne devait pas excéder le 30 avril 1968, alors que le loyer payé ne dépassait pas un montant fixé par la municipalité, à une date déterminée.

La Commission des loyers a son siège social à Montréal, au palais de justice. En plus de ses pouvoirs administratifs, elle a juridiction pour réviser, sur appel d'une partie intéressée, les décisions des administrateurs des loyers.

Les administrateurs des loyers, et les assistants-administrateurs qui leur sont adjoints, ont juridiction en première instance. Au 1er avril 1973, il existait au Québec 25 bureaux dirigés par un administrateur des loyers et cinq sous-bureaux d'information. Au 1er avril 1973, le personnel de la Commission des loyers se composait de 208 personnes en fonction, trois postes étaient vacants.

La Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973 a nécessité l'engagement de 68 employés additionnels, à compter du 1er avril 1973. Le budget pour l'année financière 73/74 a été adopté à $1,292,200. Les employés engagés pour l'application de la Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973 sont payés à même le fonds consolidé du revenu.

Du 9 août 1951 — c'est la date du premier jugement rendu par la Commission des loyers — au 1er avril 1973, la Commission des loyers, siégeant en appel, a reçu 31,871 appels, dont 23,787 provenaient de Montréal et 8,084 des autres municipalités de la province. Pendant la même période, la commission a rendu 31,765 jugements. Au 1er avril 1973, il restait 106 causes pendantes. De 1951 au 1er avril 1973, le bureau de l'administrateur des loyers, à Montréal, a eu 170,000 causes avec audition des parties et jugements rendus après contestation. Pour l'année financière 72/73, 369,209 problèmes de loyers ont été soumis aux divers bureaux des administrateurs des loyers dans la province. Il y a eu 6,752 causes avec audition des parties et jugements rendus après contestation; 57,732 informations ont été données à la suite d'une entrevue, 301,381 informations données par téléphone et 3,344 par correspondance.

Pour rendre la justice encore plus accessible aux justiciables, la Commission des loyers, depuis le 2 avril 1973, tient toutes ses séances qui nécessitent l'audition des parties et de leurs témoins de quatre heures à six heures de l'après-midi et de six heures trente à neuf heures du soir. Ces séances ont lieu le lundi, le mardi et le mercredi de chaque semaine. Des séances ont été tenues effectivement également le jeudi. La commission siège alors à deux divisions. La commission continue à siéger le matin et l'après-midi pour examiner et décider les appels sur dossier et les très nombreuses questions administratives qui lui sont soumises.

Au bureau de l'administrateur des loyers à Montréal, des séances sont tenues le matin, l'après-midi et le soir. Les séances du soir sont tenues de six heures trente à neuf heures, dans cinq cours, les lundi, mardi et mercredi. Au bureau de l'administrateur des loyers à Québec, des séances sont également tenues le matin, l'après-midi et le soir.

Le besoin de la réglementation. Le Conseil canadien de développement social a tenu à Toronto, les 25 et 26 septembre 1972, un séminaire sur la politique des loyers. Des autorités en la matière, de toutes les parties du Canada, y ont été conviées. Le conseil a fait état des systèmes de contrôle qui existent au Québec et en Nouvelle-Ecosse, à New York et à Boston, a traité de la législation française sur le sujet et du "fair rent concept" d'Angleterre.

Le conseil a fait état également de législations qui ont été adoptées par le Manitoba et la Colombie-Britannique sur la question des loyers.

Partout, au Canada, on comprend que la réglementation des prix du logement, l'une des premières nécessités de la vie, est une arme puissante dans la lutte contre l'inflation.

Au Québec, les propriétaires qui dans de nombreux cas, partout dans la province, ont en janvier et en février 1973 réclamé dos hausses abusives de loyer ont fait la démonstration bien claire qu'une réglementation permanente des loyers s'impose absolument. Voyons la situation qui prévalait en janvier 1973. Le projet de loi 59, Code des loyers, a été retiré en décembre 1972. Le ministre de la Justice, pour le remplacer, a présenté en première lecture à l'Assemblée nationale, quelques jours avant l'ajournement de Noël, le projet de loi 78, Loi concernant le louage de choses, et le projet de loi no 79, Loi du tribunal des loyers.

Rien, absolument rien, dans ces deux projets de loi ne pouvait permettre aux propriétaires de croire qu'il y aurait un gel des loyers. Pas même un contrôle des loyers. Tout ce qu'on trouve dans les projets de loi 78 et 79, c'est un ensemble de règles pour empêcher les hausses abusives de loyer. C'est d'ailleurs la philosophie qui prévaut dans le projet de loi 280.

Il est vrai qu'en 1973 il y aura un peu partout dans la province, surtout dans l'île de Montréal, des augmentation de taxes. Mais des augmentations de taxes pouvant s'élever jusqu'à 25 p.c. ne peuvent justifier en fait que 5 p.c.

d'augmentation du loyer. Alors pourquoi des augmentations de loyer de 10 p.c, 15 p.c, 20 p.c, 25 p.c. et même 30 p.c? Dans le cas des logements construits avant 1951, on se rend compte, d'après les demandes qui sont faites, que, si la loi actuelle n'existait pas, il y aurait des hausses de loyer de $10, $15 ou $20 par mois.

De plus, le locataire ne serait plus protégé quant au maintien dans les lieux. Les mieux nantis pourraient se trouver un logement, mais la grande majorité des locataires ne pourraient pas trouver à se loger dans un endroit convenable à un prix conforme à leur budget. On remarque aussi que les logements construits au cours des dernières années sont trop petits pour une famille ordinaire, trop chers et générale-,ment situés trop loin des lieux de travail.

De plus, dans le cas des logements qui avant le projet de loi 280 n'étaient pas soumis à la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, les locataires payent des loyers très élevés et sont susceptibles, chaque année, de subir une augmentation également très élevée.

Pour toutes ces raisons, je crois qu'il faut au Québec une réglementation permanente des loyers. La permanence dissiperait l'incertitude qui règne chaque année dans la population quant à la prolongation de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires et donnerait plus d'autorité à l'organisme chargé de l'appliquer.

Elle donnerait aussi aux fonctionnaires de l'organisme la sécurité et les avantages de la Loi de la fonction publique. Enfin, la réglementation permanente des loyers sur une base universelle empêcherait que l'Assemblée nationale ne soit obligée, chaque année, d'adopter une loi d'urgence comme la Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973.

Messieurs, le tout vous est respectueusement soumis.

Maintenant, messieurs, si vous me permettez, avant de passer peut-être à des questions, je voudrais attirer votre attention sur un mémoire qui nous a été donné par un très grand économiste d'origine britannique, M. David Donnison. M. Donnison a une réputation, en Grande-Bretagne, très étendue. C'est un excellent économiste. Nous l'avons connu, M. Alarie, le sous-ministre associé de la Justice, et moi, au colloque qui s'est tenu à Toronto les 25 et 26 septembre, alors que toutes les provinces étaient représentées, les associations de propriétaires et de locataires, les associations qui s'occupent d'assistés sociaux et autres. M. Donnison était l'invité, c'est lui qui a préparé la plupart des exposés, les "papers" comme ils disent en anglais, qui ont été présentés.

M. Donnison en plus de ça fait partie du "fair rent concept" d'Angleterre. Il nous a expliqué que le "fair rent concept" d'Angleterre est basé sur le fait qu'il y a un secteur contrôlé et un secteur décontrôlé, et le secteur décontrôlé sert plutôt de points de comparaison pour établir les loyers du secteur contrôlé. Son expérience a été que, durant les trois premières années, il a fallu accorder des diminutions de loyer et, depuis deux ans, accorder des augmentations de loyer.

Nous lui avons soumis le bill 59, qui à ce moment-là était devant l'Assemblée nationale. Par la suite, M. Alarie lui a fait parvenir les bills 78 et 79, qui sont actuellement à l'étude devant cette commission. M. Donnison en a fait une étude très approfondie et, si vous me permettez, je pense qu'on distribue aux membres de la commission son mémoire. Nous avions l'intention de lui demander de venir témoigner tellement sa compétence est grande dans la matière. Nous avions l'impression que les commissions parlementaires pourraient peut-être avoir lieu en mars. Il ne le pouvait pas à ce moment-là. C'est pour ça qu'il nous a envoyé, par l'intermédiaire de M. Pierre D. Brodeur de la délégation du Québec sur la rue Grosvenor à Londres, son mémoire.

J'attire votre attention sur les passages suivants. Au deuxième paragraphe, il dit qu'il est vraiment impressionné par les propositions du bill 79. D'après lui, elles donnent tous les prérequis nécessaires pour une procédure de réglementation de loyer effective et durable. Il parle de décisions qui seront rendues à peu de frais et rapidement, avec des jugements qui comportent l'objectivité d'esprit juridique.

Il parle également avec beaucoup d'éloges du service technique qui va être constitué. Il dit qu'ils voudraient bien, eux, en Angleterre, ceux qui sont responsables du Fair Rent Concept, avoir ce service technique-là. Il fait des recommandations pour l'accessibilité des dossiers; cela est tout accordé. A la page 2, quant aux deux articles clés de la fixation des loyers pour le bill 78, il dit que cela lui parait excellent. Il nous demande, par exemple, de ne pas faire de différence entre les occupations avec meubles et les occupations sans meuble, parce qu'en Angleterre ils ont eu beaucoup de difficultés avec cette question.

Maintenant, un paragraphe sur lequel je voulais attirer votre attention, messieurs, c'est le deuxième. Il déclare que les critères mentionnés à l'article 1664 n) lui semblent extrêmement raisonnables, mais il ne voudrait pas accorder une attention trop poussée à la section 5 quand on parle du capital investi. Il déclare que la valeur d'une maison s'établit précisément par les loyers qui sont payés. Ce sont les loyers payés qui déterminent le revenu d'une maison et qui déterminent sa véritable valeur. Il parle d'un propriétaire qui aurait à payer une somme trop élevée pour une maison. Avec son humour britannique, il parle également d'un propriétaire qui aurait reçu la propriété de sa grand-mère en cadeau alors qu'il n'y aurait pas eu de capital investi par lui dans la propriété.

Il attire notre attention sur le fait que les articles 3 et 6 répondent très bien aux critères qui doivent être établis. Ce qui est intéressant,

comme pour le Fair Rent Concept d'Angleterre, il demande qu'il y ait un secteur où il n'y a pas de réglementation pour permettre d'établir des comparaisons. C'est ce que le bill 78 fait, avec le fait que pour une période de cinq ans, après la construction des travaux, il n'y aura pas de réglementation qui s'applique.

Messieurs, je suis à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions que les membres de la commission aimeraient poser.

Messieurs, si vous me permettez, je pense qu'il est de mon devoir, après avoir travaillé pendant au-delà de deux ans sur la question, de rendre un hommage particulier à l'Office de révision du code civil qui a bien voulu, dans le bill 78, incorporer le droit substantif qui se trouvait dans le bill 59 et leur propre rapport sur la question. J'ai eu l'occasion avec M. Alarie et M. Cardinal, son conseiller juridique, de travailler intensément avec l'Office de révision du code civil pendant au moins une quinzaine de journées à des séances qui avaient lieu le matin et l'après-midi.

Le travail a été préparé par un grand juriste, M. Jacoby, assisté de Mme Louise Robert, sous la direction de M. Crépeau. Il y a eu un travail vraiment efficace et j'ai l'impression bien nette qu'à ce stade-ci, avec les modifications que la commission voudra bien apporter, avec, évidemment, la réimpression des bills et les améliorations, les additions que vous voudrez adopter — que M. le ministre voudra bien vous présenter — vous aurez là, j'en suis sûr, la meilleure législation sur la question non seulement en Amérique mais probablement, au moment où je vous parle, dans le monde entier.

Quant au bill 79, quant au tribunal des loyers, il y avait eu une formule de présentée. Le bill 79 a surtout été l'oeuvre de M. Alarie et de son conseiller juridique et j'ai contribué largement à l'élaboration de ce bill; le ministre de la Justice propose une formule non pas différente mais qui incorpore le tribunal en appel et en première instance à la cour Provinciale, sous forme de Chambre des loyers. Les modifications seront également soumises à M. le ministre qui vous les soumettra et vous aurez, là encore, je pense, un excellent organisme.

M. CHOQUETTE: M. le juge, je n'ai pas de questions à vous poser; peut-être que les autres membres de la commission en ont. Je voudrais simplement signaler que depuis que vous avez laissé l'Assemblée nationale pour être nommé juge de la cour Provinciale, alors que vous aviez été député à l'Assemblée nationale pendant 16 ans, vous n'avez pas perdu votre verve.

LE PRESIDENT (M. Blank): Moi, j'ai une question à poser. J'ai été président de cette commission depuis le commencement et il y a quelque chose qui a toujours été la pensée des gens qui sont venus nous voir. C'est que le Tribunal des loyers était là pour donner un bénéfice particulièrement au locataire et non au propriétaire, que les droits des propriétaires étaient brimés par cette commission ou les administrateurs. En fait, d'après le pourcentage des jugements, est-ce que vous avez donné plus souvent raison aux locataires qu'aux propriétaires?

M. ROSS: Je suis bien content, M. le Président, que vous souleviez la question. Cela va me permettre évidemment de rétablir la situation et de donner encore plus d'explications sur les chiffres que l'honorable ministre a donnés sur la question.

On a présenté des statistiques et voici comme ça s'est passé. A un moment donné, au bureau de l'administrateur des loyers de Montréal s'est présentée une jeune fille avec une lettre à en-tête du ministère des Affaires sociales, signée par un médecin, qui déclarait qu'elle avait une bourse pour étudier les statistiques de la Régie des loyers. Je n'en ai pas eu connaissance du tout à ce moment-là. Pendant trois mois, on a mis à sa disposition tous les dossiers de la Régie des loyers pour les années 1962 à 1972. La jeune fille, avec des assistantes, a procédé à une projection en prenant un dossier sur dix et en établissant des statistiques, avec évidemment le résultat qu'on a cité — je me souviens par exemple de M. Rodrigue de la CSN — des chiffres fantastiques. Cela a été cité dans les journaux également.

Je vais rétablir les faits, parce que quand j'ai vu ça, j'ai demandé à l'administrateur des loyers de Montréal ce qui était arrivé. Il me l'a dit et je lui ai répondu: Vous venez me voir dans 90 p.c. des cas pour des choses insignifiantes, vous auriez pu venir me voir à ce sujet et nous lui aurions donné les statistiques. Nous allons rétablir la situation et vous allez me faire les statistiques pour les années 1970, 1971 et 1972, non pas avec une projection d'un sur dix dossiers, mais en prenant chaque unité avec le résultat suivant...

M. PAUL: M. le juge, quand vous parlez d'une enquêteuse du ministère des Affaires sociales...

M. ROSS: Non, c'était une personne qui avait reçu une bourse du ministère des Affaires sociales précisément pour étudier les statistiques. On lui a ouvert les 170,000 dossiers pendant trois mois. Comme elle ne pouvait pas consulter les 170,000 dossiers, elle prenait un dossier sur dix. Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième étaient ignorés. Cela a été une projection.

Voici le résultat à l'unité. Pour l'année 1970, il y a eu 4,663 demandes et 3,543 décisions de rendues, parce qu'il y a eu des conciliations et désistements pour 1,061 cas. Le nombre des décisions favorisant les locataires: 1,069. Cela veut dire, évidemment, le nombre de décisions favorisant les locataires à l'effet qu'il n'y a eu

aucune augmentation: 1,069 cas. Nombre de décisions favorisant les propriétaires, en totalité, pour tout ce qu'ils demandaient: 585. Nombre de décisions favorisant les propriétaires en partie: 1,889. Maintenant, on donne comme pourcentage des décisions favorisant les propriétaires, 69.8 p.c. et des décisions favorisant les locataires, 30.2 p.c. Mais je vous fais remarquer immédiatement que si le propriétaire a demandé $15 et qu'il en a eu $3, c'est compté comme une décision favorisant le propriétaire. La grande question importante là-dedans, c'est que le propriétaire demandait $15 et que s'il a eu $3, on le met dans le pourcentage favorisant les propriétaires, mais le locataire qui a gagné $12 à mon sens paraît joliment favorisé.

Ce qui est important, c'est de savoir ce qui était demandé et ce qui a été accordé. Cela est important. Les augmentations demandées par mois étaient de $23,620.65 et ce qui a été accordé, $7,782.25. Pour l'année, les augmentations demandées étaient de $283,447.80 et les augmentations accordées, $93,387. Cela est à peu près le tiers. Pour 1971, on trouve — parce que je vous fais grâce de tous les chiffres que je vous ai cités pour 1970 — le nombre de décisions favorisant les propriétaires en tout ou en partie, 51.2 p.c; les locataires, 48.8 p.c. En 1972, décisions favorisant les propriétaires en tout ou en partie, 48.9 p.c; décisions favorisant les locataires, 51.1 p.c, avec le résultat que pour les trois dernières années, 1970, 1971 et 1972 — on n'a pas encore les chiffres pour 1973— le nombre de décisions favorisant les propriétaires en tout ou en partie, 58.4.

Nombre de décisions favorisant les locataires, c'est-à-dire aucune augmentation, 41.6 Mais le point important, c'est de savoir ce qui a été accordé.

Ce qui a été accordé sur les demandes faites par les propriétaires pour ces trois années, cela a été 29.1. Maintenant, pour continuer à répondre à votre question, M. le Président, M. le ministre, avec beaucoup d'amabilité, faisait allusion, tout à l'heure, au fait qu'avant d'être président de la Commission des loyers, depuis treize ans, j'ai été député d'un magnifique comté sur l'île de Montréal, le comté de Verdun, où il y a des propriétaires, où il y a des locataires. Je connaissais bien les problèmes. D'ailleurs, M. Paul le disait — cela, c'est une réminiscence — pendant seize ans, j'occupais précisément ce fauteuil-là, au comité des bills privés et au comité des bills publics.

M. CHOQUETTE: Vous n'avez jamais eu la chance de venir de ce côté-ci.

M. ROSS: Jamais. Vous me donnez la chance d'être à côté de vous.

M. PAUL: Nous autres, nous allons y aller, par exemple.

M. ROSS: Voici, il ne faut pas s'imaginer, par exemple — mon prédécesseur, le juge Rénier, qui a fait un travail extraordinaire de 1951 à 1960, avait exactement la même philosophie — il n'a jamais été question de penser que cet organisme, que je préside, la Commission des loyers et les bureaux des administrateurs, que nous étions là pour favoriser les locataires. Mais pas du tout. C'est une loi de conciliation, actuellement, entre propriétaires et locataires. Ds s'entendent. S'ils ne peuvent pas s'entendre, s'ils ont différentes affaires à arbitrer, ils viennent devant les administrateurs en première instance et à la Commission des loyers en appel. Nous faisons d'abord tout ce qui est humainement possible pour concilier les parties. Quand il n'y a pas possibilité, il faut trancher. Cela se fait avec un esprit de justice, conscient, évidemment, que notre organisme est un organisme quasi judiciaire, où il faut une impartialité totale.

J'ai l'impression bien nette, depuis que je suis président, depuis treize ans, parce que j'ai surveillé l'affaire de tellement près, qu'il n'y a pas eu de cas d'injustice volontaire. Si des décisions ont été rendues par les administrateurs, qui ne plaisaient pas à une partie ou l'autre, il y avait un délai considérable, 30 jours, pour venir en appel.

Avec mes commissaires, depuis 1960, nous avons toujours voulu donner la chance, aux propriétaires et aux locataires, d'expliquer leurs cas et de trancher, dans un esprit de justice pure et simple. Nous n'avons pas pensé que la loi actuelle et la loi 280, que nous administrons actuellement, pas plus d'ailleurs que les bills 78 et 79, sont des mesures pour protéger le locataire. Mais, comme le ministre le disait dans une intervention, ce matin, en 1973, il faut bien voir la situation qui prévaut actuellement. Très souvent, le bail est un contrat d'adhésion. Très souvent, le propriétaire est dans une position de force. Alors, je pense que le concept du droit de propriété sacrée, inaliénable, doit subir certaines modérations pour répondre aux réalités sociales du temps.

Alors, j'ai toujours voulu être absolument impartial. Je pense que mes commissaires et mes administrateurs...

M. CHOQUETTE: M. le juge, j'aurais une question qui intéresserait peut-être les membres de la commission et elle porte sur l'effet de la législation temporaire que nous avons adoptée cette année, la loi pour empêcher les hausses abusives de loyers durant l'année 1973.

Je crois qu'on sait qu'au Québec, il y a environ 800,000 logements locatifs.

M. ROSS: 843,000

M. CHOQUETTE: 843,000. Par ailleurs, la loi de conciliation entre locataires et propriétaires, la loi de 1951, régit peut-être 200,000 ou 300,000 de ces logements.

M. ROSS: 250,000.

M. CHOQUETTE: Par conséquent, lorsque nous avons adopté la législation temporaire pour 1973, nous avons étendu énormément la portée de la réglementation en matière de loyers, par rapport à ce qu'elle était en vertu des lois qui étaient renouvelées annuellement. Lorsque j'ai présenté la loi, je me demandais moi-même quel serait l'effet sur le système judiciaire ou l'effet sur la Commission des loyers, quel serait le nombre de causes qui résulteraient de l'extension subite de cette mesure pour l'année 1973.

Alors, seriez-vous en mesure de dire aux membres de la commission combien de causes sont allées à la Commission des loyers ou aux administrateurs des loyers par suite de l'adoption de cette loi pour l'année 1973? C'est le nombre d'instances, le nombre de cas où propriétaires et locataires n'ont pas réussi à s'entendre dans le cadre de la loi et qui ont dû être amenés devant votre tribunal ou les administrateurs qui sont sous votre juridiction.

M. ROSS: Pour répondre à l'honorable ministre, je cite immédiatement les chiffres. Vous me permettrez, peut-être, d'ajouter quelques brefs commentaires.

Actuellement, la Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer, le bill 280, nous a amené 2,267 causes dans toute la province. Il faut bien penser que tous les logements locatifs de la province sont affectés par cette loi —843,000 — dans toutes les municipalités de la province, peu importe l'année de construction de la maison, peu importe le loyer, évidemment, qui est payé. H y en a 2,267. Là-dessus, Montréal en a 1,512.

Cela a été une loi qui me paraît excellente. C'était une situation difficile, n s'agissait d'y faire face et je pense que l'Assemblée nationale —d'ailleurs, la loi a été adoptée à l'unanimité — a adopté une excellente loi qui a bien répondu aux désirs du législateur. J'attendais personnellement entre 10,000 et 12,000 causes. Il y en a eu —je vous l'ai cité— 2,267. Maintenant, le niveau des appels, cependant, est beaucoup plus considérable que dans le domaine des demandes venues en vertu de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. C'est assez extraordinaire si on regarde les statistiques depuis 1951.

Dans les causes en vertu de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, c'est constant; 10 p.c. des décisions rendues par les administrateurs sont portées en appel, mais, pour la loi 280, l'incidence des appels est beaucoup plus élevée. Cela varie entre 20 p.c. et 25 p.c. actuellement.

La loi a atteint parfaitement son but. C'est tellement vrai que la loi a atteint son but qu'on disait que les avis donnés avant le 2 février d'une augmentation de taxes étaient nuls et que de nouveaux avis devaient être donnés par les propriétaires. Ces avis étaient dans des proportions beaucoup plus raisonnables, mais même, dans certains cas, les locataires trouvaient que c'était trop élevé. Ils faisaient une demande de prolongation de bail et de fixation de loyer. Il y a eu 200 à 300 désistements à la suite d'une demande faite par les locataires de prolongation et de fixation de loyer, parce qu'ils se sont entendus avec leurs propriétaires, ils ont négocié. Les propriétaires et les locataires ont été obligés de négocier à cause des dispositions de la loi.

Maintenant, ce sont surtout des demandes de prolongation de bail et de fixation de loyer. Nous avons eu des demandes de réduction de loyer pour un bail consenti antérieurement au 2 février, que le locataire trouvait abusif. Nous avons eu également, dans une proportion d'à peu près 150, des demandes de propriétaires désireux de reprendre leur logement pour les raisons mentionnées dans la loi. Nous avons eu à peu près 150 demandes de reprise de possession parce que les locataires étaient indésirables. La loi a bien atteint son but.

On a mis à ma disposition, à ce moment-là, tout le personnel nécessaire. La loi prévoit que ces employés sont payés à même le fonds consolidé. Je peux vous le dire immédiatement, il y a eu 68 employés d'engagés aux conditions que nous avons déterminées à ce moment-là. Ils seront payés à même le fonds consolidé. Le total des salaires peut représenter $300,000, mais, comme ils sont payés pour neuf mois parce qu'ils sont en fonction à compter du début d'avril, cette loi, qui me paraît excellente, qui a atteint un but très louable, coûtera au fonds consolidé environ $225,000.

M. CHOQUETTE: Merci, M. le juge.

LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le juge, on a semblé reprocher à la régie et à la Commission des loyers une certaine lenteur dans les jugements des causes entendues. Est-ce que vous pourriez nous fournir quelques statistiques ou nous renseigner sur ce point précis, à la décharge tant des administrateurs que des membres de la commission?

M. ROSS: Sur une période de treize ans, la situation s'est toujours améliorée dans la question des délais, toujours améliorée. Je me dois de dire que j'ai reçu du ministre actuel de la Justice et de son prédécesseur immédiat, le député de Maskinongé, une coopération assez extraordinaire dans ce domaine.

M. CHOQUETTE: Tout le monde est content!

M. ROSS: Nous faisions partie du Secrétariat de la province. Or, tout le monde sait que le secrétariat n'était pas un ministère qui s'en venait; c'était un ministère qui s'en allait. Les crédits n'étaient pas des plus considérables.

M. PAUL: Oui, mais je suis resté, moi.

M. ROSS: Cela allait bien avec vous. Evidemment, nous avions des budgets. Cette année, sans parler du fonds consolidé pour payer les employés engagés en vertu du bill 280, on nous donne un budget de $1,292,000. J'ai déjà eu des budgets de $615,000, ce qui nous permettait de fonctionner avec ce que nous avions. Nécessairement, le nombre des bureaux a été réduit, à un moment donné, de 43 à 19. Nous avons dû réduire le personnel. Je dois vous dire que les salaires — M.Paul et M. Choquette le savent — qui étaient payés à la Commission des loyers dans les bureaux des administrateurs n'étaient pas les salaires payés dans la fonction publique. Alors, on a tellement voulu améliorer cette année qu'indépendamment des employés qui sont payés à même le fonds consolidé on nous a donné $213,000 de plus cette année pour permettre d'augmenter les salaires. Je viens de faire une série de recommandations au sous-ministre associé à la Justice, qui les soumettra à l'honorable ministre.

Nous allons distribuer à peu près $150,000 d'augmentations de salaire avec effet rétroactif au 1er janvier pour une moyenne d'à peu près 200 employés. Ce qui veut dire que les augmentations varient de $500 à $1,000, de telle sorte que nous sommes maintenant à la hauteur des salaires payés pour des positions semblables dans la fonction publique.

Inutile de vous dire que quand nous avons le nombre d'employés requis, quand nous avons la motivation pour nos employés... Parce qu'il faut penser que ces employés ne sont pas dans la fonction publique, ne retirent rien de ce qu'on appelle les "fringe benefits", n'ont pas de sécurité d'emploi, etc., mais je suis très content du travail qu'ils m'ont donné.

La situation s'est considérablement améliorée, et elle s'améliore constamment quant aux délais, à tel point que l'administrateur des loyers de Montréal vient de me dire il y a quelques jours que pour la Loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires, et pour les causes de la loi 280, tout sera terminé le 11 juin cette année.

Donnons un espace de quinze jours pour les dernières causes qui entrent. Ce qui veut dire que le rôle à Montréal sera complètement terminé, certainement, à la fin de juin.

En appel, pour toutes les causes sur le bill 280, j'ai ordonné une audition dans chacune des causes pour donner une satisfaction totale et entière aux parties. Nous siégeons à la Commission des loyers actuellement à cinq divisions, non seulement à Montréal, nous sommes à Québec à chaque semaine. La semaine prochaine, lundi j'ai un banc qui siègera à Québec, à Hauterive mercredi, à Sept-Iles jeudi; nous sommes allés à Hull, nous sommes venus à Québec constamment, nous sommes allés à Trois-Rivières, à Shawinigan. Nous couvrons le territoire de la province.

Il y aura évidemment des décisions qui seront rendues, l'ultime décision vers la fin de juin. Un délai de 30 jours d'appel évidemment pour la loi de conciliation, sept jours pour les causes en vertu de 280. Sept jours, ce n'est pas long, vous savez. Mais comme il y a 30 jours pour les causes en vertu de la Loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires, il y a des locataires qui attendent la vingt-huitième ou la vingt-neuvième journée pour en appeler.

Ce qui veut dire que les derniers appels seront entrés à la commission au début du mois d'août, et je suis absolument assuré, avec le personnel que j'ai actuellement, avec les rôles que j'ai faits, siégeant le matin, l'après-midi et le soir que le tout sera terminé au maximum pour le 1er septembre.

M. PILOTE: Est-ce que ce serait possible, M. le juge, d'avoir votre tableau comparatif des années 1970, 1971 et 1972 pour les membres de la commission et également pour les députés. Des questions nous sont posées là-dessus.

M. ROSS: J'en avais trois copies, j'en ai remis deux au ministre. Il m'en reste une, je vous la remets. Il faudrait en faire des photocopies. Je la dépose devant le président.

LE PRESIDENT (M. Blank): On peut en faire des photocopies pour chaque député.

M. CHOQUETTE: Oui. M. le juge, je ne voudrais pas mettre fin aux questions qui peuvent vous être posées, mais il y a un autre témoin, M. Chung, de l'extérieur tandis que vous...

M. ROSS: Je vois.

M. CHOQUETTE: ... vous seriez disponible pour répondre à des questions lors d'une autre séance que nous tiendrons.

M. ROSS: Certainement.

M. CHOQUETTE: Si vous permettez. Je vous remercie de votre témoignage. Les députés auront peut-être d'autres questions à vous poser à une autre occasion. Maintenant, je suggère que nous interrogions M. Chung qui est un expert de l'extérieur.

M. Chung, pouvez-vous, pour les membres de la commission et pour l'inscription aux Débats parlementaires nous dire vos noms et qualifications ou votre expérience.

M. Joseph-H. Chung

M. CHUNG: Je m'appelle Joseph-H. Chung, professeur en économique à l'Université du Québec à Montréal. Je suis très heureux d'être ici parce que le problème du logement m'a

intéressé depuis très longtemps. J'ai été consultant pour la Société centrale d'hypothèques et de logement, pour le Conseil économique du Canada, et j'ai fait des recherches dans ce domaine depuis quelques années.

Est-ce que ça suffirait?

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, puisque mes collègues qui sont ici vont développer de façon plus détaillée les aspects spécifiques de la loi, quant à moi, je tiens à souligner seulement quelques aspects plus généraux de la loi.

Dans mon esprit, les projets de loi, bills 78 et 79, constituent sans doute une page très importante dans les annales de la politique socio-économique au Québec. D'ailleurs je félicite les auteurs de la loi pour son originalité, son réalisme et l'esprit de justice qui la sous-tend.

L'objectif de ces bills, semble-t-il, est, d'une part, de minimiser les abus de la part des propriétaires de logements locatifs et de celle des locataires et, d'autre part, d'atténuer la hausse de loyer. Ces objectifs sont très clairs, n'est-ce pas? Mais pourquoi ces bills? Malgré tout, la hausse de loyer au Québec et à Montréal a été sensiblement moindre que dans d'autres villes et- dans d'autres provinces. En effet, d'après les données statistiques de Statistique Canada, dans la période de dix ans, c'est-à-dire depuis 1961, le loyer a augmenté d'environ 60 p.c. plus vite à Toronto qu'à Montréal. La qualité physique des logements s'est améliorée sensiblement depuis 1961; en fait, ce ne sont pas des critères exhaustifs. Par exemple, quand on prend le logement bien équipé d'eau chaude et froide courante, certainement la proportion s'est accrue; de même la proportion des logements équipés de toilette avec chasse d'eau s'est accrue également.

De plus, l'expérience de plusieurs pays industrialisés démontre que l'intervention de l'Etat en matière de loyer provoque, pas toujours nécessairement, mais risque de produire des résultats plutôt nocifs. Alors, pourquoi les bills 78 et 79? Le but de mon mémoire est, d'une part, d'examiner le bien-fondé et les limitations de cette loi et, d'autre part, de démontrer qu'elle peut être partielle, peut-être permanente, mais partielle.

Alors, ici je vais évoquer en fait l'état actuel de la crise du logement, si on peut la qualifier ainsi. En fait, tout indique que le stock de logements au Canada a connu depuis la seconde guerre mondiale une croissance enviable; qu'au niveau national la qualité physique du stock s'est améliorée, que les conditions des prêts hypothécaires sont devenues plus libérales grâce à la Loi nationale sur l'habitation et qu'en moyenne le niveau du bien-être de l'habitation des Canadiens est un des plus élevés au monde.

Mais faites attention! Contrairement aux autres biens et services, en ce qui concerne le logement, les indicateurs nationaux globaux peuvent être très trompeurs à cause de l'aspect fortement local et à cause de la grande variété de la qualité, du prix, de l'apparence et d'autres aspects du logement. Les indicateurs nationaux n'indiquent pas toujours, donc, la gravité du problème. En ce moment, effectivement, il y a un problème grave et la gravité de ce problème pourra s'intensifier à l'avenir.

Alors, donc, quelle est la nature de ce problème? Tout d'abord, il faut noter que la proportion des locataires ne cesse d'augmenter, surtout au Québec. Depuis 20 ans, la proportion de locataires au Québec s'est accrue de 51 p.c. à 53 p.c. A Montréal, comme vous le savez, la proportion des locataires en ce moment est presque à 70 p.c. par rapport à 38 p.c, si vous voulez, à Toronto. C'est ainsi que le Québec est un pays de locataires. Il faut aussi noter que c'est chez les locataires qu'on voit le plus d'encombrement de logements. En 1968, 24 p.c. des logements propriétaires étaient encombrés, c'est-à-dire plus d'une personne dans une chambre, contre 34 p.c. pour les logements locatifs. De plus, en général, les locataires sont plus pauvres que les propriétaires. En 1969, le revenu moyen du locataire était à peu près de $8,000 contre $11,200 pour le propriétaire, soit les locataires plus pauvres de 40 p.c. par rapport aux propriétaires.

Signalons aussi que le locataire doit consacrer une plus grande proportion de son revenu à l'habitation que le propriétaire. En 1969, chez les locataires, le coût du loyer représentait 12 p.c. à 44 p.c. du revenu selon, bien entendu, le niveau de ce dernier, alors que, chez les propriétaires, les proportions correspondantes variaient entre 8 p.c. et 32 p.c. Ces quelques données statistiques indiquent donc que la crise du logement, s'il y en a une, risque d'affecter plus le locataire qu'elle n'affecte le propriétaire. Il y a des raisons de croire que ceci va s'accentuer.

Le premier élément de la crise du logement est la hausse excessive du coût de l'habitation. Dans la période de 1961 à 1971, le coût du loyer a augmenté de 67 p.c. alors que le niveau général des prix ne s'est accru que de 40 p.c.

Autrement dit, le coût du loyer a augmenté de 40 p.c. plus vite que le niveau général des prix.

La hausse rapide du loyer s'explique, évidemment, par le jeu de l'offre et de la demande. En général, il est évident que, dans les régions où on connaît une économie très dynamique, le loyer augmente plus vite, par exemple Toronto. En fait, en ce moment, à Toronto, le taux des vacances est à peu près de 3 p.c. contre 7.7 p.c. à Montréal.

Etant donné le jeu de la demande et de l'offre, la hausse du loyer dépend de celle du coût des éléments utilisés en construction. C'est ainsi que, dans la même période de dix ans, depuis 1961, le coût du terrain a augmenté de 88 p.c. contre une hausse de 110 p.c. pour la main-d'oeuvre et de 45 p.c. pour les matériaux de construction.

Mais la hausse du prix des terrains est

beaucoup plus considérable que ne l'indiquent les chiffres officiels. En effet, il y a des raisons de croire que, dans certaines villes, le coût du terrain augmente de plus de 30 p.c. par an.

Les quelques chiffres examinés ci-haut démontrent que les ménages canadiens doivent consacrer de plus en plus de leurs ressources à l'habitation. Comment peut-on tolérer une telle situation? La situation est trop grave, à mon sens, pour se contenter de dire que la hausse du loyer reflète la préférence des consommateurs.

Le deuxième élément de la crise est la tendance du loyer des logements à coût modéré d'augmenter plus vite que le loyer des logements plus dispendieux. Autrement dit, ce sont les pauvres, les gens âgés, les assistés sociaux qui sont plus frappés par la hausse de loyer. Dans la période de 1951-1961, le loyer des pauvres a augmenté de 97 p.c., alors que celui des riches n'a augmenté que de 64 p.c. Autrement dit, le loyer des pauvres a augmenté d'au moins 50 p.c. plus vite. D'autre part, dans la même période, le revenu des pauvres s'est accru de 52 p.c. contre une hausse de 57 p.c. pour le revenu des riches. L'implication est claire: ce sont les pauvres qui supportent le fardeau de la hausse de loyer. Pour les pauvres, le loyer a augmenté deux fois plus vite que leurs revenus. D n'y a pas de doute que cette tendance s'est maintenue dans les années soixante.

La hausse excessive de loyer par rapport au revenu signifie naturellement que les moins fortunés doivent consacrer une part de plus en plus importante de leur revenu à l'habitation. D'après une étude de Statistique-Canada, en 1969, un cinquième des ménages les plus pauvres consacrait pas moins de 44 p.c. de leurs revenus au paiement du loyer, alors qu'un cinquième des ménages les plus riches n'en consacrait que 12 p.c.

En dépit de l'alourdissement du coût du loyer, les pauvres doivent se contenter d'une qualité inférieure de logements. Plusieurs études démontrent que la moitié des logements occupés par ces gens-là sont d'une qualité en-dessous du minimum acceptable.

L'aspect fondamental de la crise du logement est donc, d'une part, la hausse excessive du coût des loyers par rapport au coût des autres biens et services, et, d'autre part, l'alourdissement accéléré du coût du loyer chez les pauvres. L'ordre de grandeur de la crise — enfin, la crise, c'est une connotation un peu émotive; disons plutôt que c'est un problème grave — peut se résumer en ces termes. En ce moment, au Québec, il y a environ 588,000 ménages, soit 27 p.c. du nombre total des ménages québécois, qui consacrent plus d'un quart de leur revenu à l'habitation. La majeure partie de ces ménages habite des logements d'une qualité inacceptable. En 1981, il y aura 675,000 ménages, soit 31.2 p.c. du nombre total des ménages québécois, qui auront à consacrer plus d'un quart de leur revenu à l'habitation. Donc, si la tendance actuelle continue, dans dix ans, il y aura non seulement un chiffre toujours plus grand de ménages qui ont des difficultés, mais aussi le chiffre proportionnel augmentera.

Autrement dit, chaque année, les besoins de logements sociaux augmentent d'à peu près 10,000 unités.

Il y a d'autres dimensions de la crise du logement: la disparition des logements des pauvres causée par l'urbanisation, la détérioration de la qualité des logements des pauvres provoquée par la pollution, la congestion du trafic. Enfin, là-dessus, je ne veux pas entrer dans les détails, car ici ce qui nous concerne je crois que ce sont les deux aspects les plus importants, concernant la hausse de loyer pour décrire le problème actuel.

Devant cette difficulté, qu'est-ce qu'on a fait au Canada? Jetons un coup d'oeil rapide sur la politique de la Société centrale d'hypothèques et de logement. Il faut dire, en toute franchise, que la société a fait beaucoup; il faut louer les efforts déployés par la société. La Loi nationale sur l'habitation a certainement libéralisé les conditions des prêts et stimulé l'offre des prêts hypothécaires en diminuant les risques inhérents aux prêts hypothécaires, etc.

La politique de la Société centrale d'hypothèques et de logement est singulièrement déficiente en ce qui concerne les logements à coût modéré. On constate que la rapidité de la croissance du stock, aussi louable soit-elle, n'assure pas la solution du problème crucial, à savoir la pénurie de logements sociaux et l'inflation du loyer. Au contraire, il y a des raisons de croire que la rapidité de la croissance du stock a causé l'instabilité de la construction, laquelle, à son tour, aura pu provoquer justement ou intensifier davantage l'inflation des loyers. La question n'est pas de savoir si l'économie canadienne peut produire rapidement le stock requis mais plutôt de savoir à quel coût on doit assurer la croissance du stock.

Depuis 1946, la société a financé environ 268,000 unités de logements qualifiés de logements à coût modique, modéré. En réalité, la majeure partie de ces logements est difficilement accessible aux pauvres. Par conséquent, une très petite part de ces chiffres représente vraiment des logements sociaux. Même si l'on supposait que la totalité des 268,000 unités de logements est accessible aux pauvres au Canada, elle représente à peine 13 p.c. des besoins. Au Québec, il y a environ 588,000 ménages qui ont besoin de logements sociaux, mais depuis 1946, la société centrale a financé à peu près 69,000 unités de logements qualifiés "à coût modéré", c'est-à-dire à peine 12 p.c. des besoins.

Ici, on arrive à ces chiffres en tenant compte à la foi de l'évolution de la distribution des prix et de l'évolution de la distribution du revenu. En tenant compte des capacités maximales qu'on peut tolérer pour un ménage, on arrive, en fait, au besoin de logements sociaux.

Heureusement, depuis trois ans, il faut l'admettre, la Société centrale d'hypothèques et de

logement consacre une part importante de ses ressources aux logements sociaux, ce qui est fort encourageant. Cependant, c'est un peu trop tard et ce n'est pas assez. Avant que l'économie puisse consacrer une plus grande part de ses ressources au problème, il faut que l'on trouve des moyens de confiner l'inflation dans une limite tolérable. C'est là, à mon sens, messieurs, la justification de cette loi 78 et de cette loi 79.

Maintenant, disons un mot sur la politique du loyer. Il y a deux approches qui peuvent être explorées. En premier lieu, il s'agit du contrôle ou gel classiques des loyers, qui consiste, bien entendu, pour les autorités publiques, à fixer les loyers au niveau désiré et à les modifier selon les besoins. Cependant, l'expérience de plusieurs pays indique que cette approche est vouée à l'échec. Elle intensifie davantage la pénurie de logements, elle décourage la mobilité des ménages, elle fait accélérer la détérioration de la qualité des logements et, enfin, elle empêche une meilleure affectation des ressources. Donc, il n'est plus question de recourir à une telle politique.

La deuxième approche, dont s'inspirent d'ailleurs les bills 78 et 79, consiste non pas à fixer le loyer à un niveau donné, mais plutôt à tolérer une marge de hausse du loyer tout en respectant le jeu libre du marché. Par conséquent, dans cette politique, ce qui est le plus important, naturellement, c'est la notion de loyer juste et équitable.

Ce qui est juste et équitable se prête à plusieurs interprétations. Au point de vue du propriétaire, le loyer juste et équitable est celui qui est suffisant pour lui permettre de continuer son entreprise. D'autre part, quant au locataire, le loyer juste et équitable est celui qui correspond à sa capacité financière. Par exemple, le principe qui veut que le loyer ne doit pas représenter plus du quart du revenu détermine ce qui est juste et équitable. Finalement, au point de vue économique, le loyer juste et équitable est celui qui prévaut lorsque le marché est en équilibre parfait.

Laquelle de ces trois interprétations peut-on adopter quand on applique les bills 78 et 79? C'est une question que l'on doit examiner à fond. Si l'on adoptait la première interprétation, le propriétaire serait satisfait mais ceci ne réglerait pas le problème du locataire.

D'autre part, si l'on acceptait la deuxième interprétation, on risque de compromettre l'offre de logements locatifs. Quoi faire?

Ici, M. le Président, j'aimerais insister sur l'importance de la compétence du service technique de la commission, parce qu'avant que la loi soit mise en vigueur, il me semble qu'il y a pas mal de boulot à faire. Enfin, pour moi, c'était un élément peut-être plus important, plus urgent, c'est-à-dire du service technique.

Il me semble que l'on doit... devant ces problèmes, quoi faire? Il faut tout de même tout d'abord reconnaître que la politique du loyer n'est qu'une mesure partielle, ayant pour but de résoudre un des aspects du problème de l'habitation. Il faut également accepter que toutes tentatives de faire baisser le loyer au-dessous d'un certain niveau amène soit à la baisse d'offre ou soit à la détérioration de la qualité des logements. La politique du loyer, telle que spécifiée dans les bills 78 et 79 ne peut être qu'une mesure partielle, peut-être permanente et elle doit être supplémentée d'autres mesures appropriées, si l'on veut vraiment résoudre le problème du logement. En fait, le loyer juste et équitable déterminé aux termes des bills 78 et 79 doit être celui qui est suffisamment élevé pour que l'offre de logement locatif soit soutenue et que la qualité soit assurée. Ceci veut dire que la politique du loyer doit être accompagnée d'une politique de subsides aux locataires pour que ces derniers ne subissent pas de fardeau financier excessif.

Il est clair que les bills ne sont que des éléments d'une véritable politique de l'habitation et qu'ils ne sont qu'une mesure partielle. J'insiste souvent là-dessus, parce que cela ne veut pas dire que la loi ne devra pas être permanente, elle peut être permanente mais partielle.

Le but de la politique de l'habitation est d'assurer à tous un logement de qualité acceptable, à un coût raisonnable, et situé dans un endroit convenable. Par conséquent, une véritable politique de l'habitation ne peut-être que globale et elle doit être inspirée de connaissances systématiques sur tous les aspects de l'habitation

Ici, j'ai évoqué souvent la politique d'habitation par rapport à la politique du loyer. En quoi consisterait cette politique de l'habitation?

La gravité de la crise du logement nécessite une nouvelle définition de la politique de l'habitation. Cependant, l'état des connaissances actuelles ne suffit pas pour permettre une telle politique. Il s'avère donc qu'une enquête complète est nécessaire.

Dans cette enquête, M. le ministre, M. le Président, je suggère quelques éléments expliqués à la page 10. Ce sont les éléments minima pour lesquels on doit avoir des connaissances très exhaustives avant qu'une politique globale véritable de l'habitation soit mise en vigueur. Par exemple, il faut savoir les besoins ventilés par le type de ménage, par groupes d'âge, par localisations, par le niveau de revenus de chef de ménage, par le niveau de prix des logements. H faut tout de même prévoir au moins dix ans à l'avance les besoins détaillés.

Deuxième élément, que peut-on faire pour assurer le prêt hypothécaire au taux d'intérêt acceptable?

De quelle façon peut-on atténuer la hausse du coût de l'habitation grâce à l'innovation technologique et la rationalisation de la production de logements?

De quelle façon peut-on assurer la meilleure productivité de la main-d'oeuvre grâce aux relations de travail harmonieuses?

Quel est l'impact de l'expansion urbaine sur

la qualité et la localisation des logements? Car le tribunal doit faire l'arbitrage. Tout de même, il faut qu'on tienne compte du fait très important qu'est le loyer. Le logement locatif dépend largement de la valeur du terrain, c'est-à-dire la valeur du site. Par conséquent, on ne peut pas ignorer l'impact primordial de l'urbanisation sur la valeur des immeubles.

Par exemple, comment peut-on atténuer la hausse du coût du terrain? Vous savez très bien que c'est l'une des raisons de l'inflation des loyers, la hausse du coût des terrains.

Il faut évaluer aussi l'impact régional de la politique monétaire ainsi que la politique fiscale, etc. En tout cas, ici j'ai fait quelques suggestions. Si l'on veut vraiment faire une étude détaillée, il faut tenir compte de ces éléments, il me semble.

Ce sont donc quelques questions qui doivent être étudiées avant de concevoir une politique cohérente de l'habitation qui est susceptible de réussir. Nous avons quelques éléments de réponses à certaines questions, mais les connaissances actuelles dans ce domaine sont loin d'être suffisantes.

Quoi qu'il en soit, on peut se faire une idée sur l'orientation générale de la politique de l'habitation. Tout d'abord, il faut absolument atténuer la hausse du coût de l'habitation — encore une fois, je vois ici une grande utilité à la loi en question, c'est-à-dire les bills 78 et 79 — non seulement par la loi en question mais aussi par une restructuration du marché des prêts hypothécaires, du marché du terrain urbain, enfin de l'industrie de la construction et d'autres institutions impliquées. En deuxième lieu, il faut que la richesse du pays soit répartie de telle manière que le fardeau du coût de l'habitation soit équitablement partagé. En troisième lieu, il faut que la réhabilitation des logements existants soit entreprise sur une grande échelle. Finalement, la politique de l'habitation doit être intégrée aux autres politiques socio-économiques.

La politique de l'habitation ne consiste plus à maximiser le taux de croissance du stock de logements. Il ne s'agit plus de modifier de temps en temps le cadre juridico-politique du marché du logement afin d'affecter le comportement des agents impliqués dans une règle de jeu bien établie. Il s'agit plutôt de considérer l'habitation, au moins en partie, au même titre que l'éducation, la santé publique et d'assurer à tous un bien-être convenable, tout en tenant compte des contraintes sociales et économiques de la nation.

Conclusion. La crise du logement, c'est réel, elle existe. On a vu quelques éléments. La distribution inégale du stock de logements en faveur des ménages plus fortunés, la hausse démesurément rapide du loyer des logements à coût modique, la mauvaise qualité de ces derniers, la disparition rapide des logements à la portée des pauvres à cause de l'expansion urbaine, la spéculation foncière, tous constituent les éléments de la crise.

S'il y a une crise, ce n'est pas nécessairement attribuable à un groupe d'individus ou d'institutions particulières. C'est plutôt le résultat du fonctionnement du système. Je ne dis pas que ce n'est pas bon mais, à cause d'éléments de toutes sortes, parfois le fonctionnement n'est pas idéal, enfin de la manière qu'on dit idéale. Il s'agit tout simplement d'améliorer le fonctionnement du système.

Les bills 78 et 79, aussi louables soient-ils, ne peuvent être la solution complète. Ils sont une mesure partielle ayant pour but de minimiser les abus de part et d'autre et de confiner la hausse du loyer dans une limite acceptable.

En terminant, M. le ministre, je souhaite que le gouvernement du Québec envisage une étude très sérieuse de tous les aspects signalés dans ce mémoire. En outre, je me demande, étant donné l'importance du secteur de l'habitation, étant donné la gravité du problème, pourquoi le gouvernement du Québec ne serait pas doté d'un conseil supérieur de l'habitation. On a le Conseil supérieur de la presse et d'autres, sur les problèmes de la nation.

Là-dessus, je vous remercie de votre attention.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je vous remercie beaucoup, M. Chung, de votre exposé du plus haut intérêt. Je voudrais vous poser une question qui a été soulevée par certains groupes qui ont comparu devant nous à l'occasion de l'étude du bill 59, qui avait précédé les bills 78 et 79. Des représentations ou objections nous ont été faites par certains groupes de propriétaires fonciers ou de constructeurs à l'effet que les bills proposés risquaient de réduire le niveau de la construction, plus particulièrement dans le domaine de l'habitation et, par conséquent, d'avoir des effets négatifs sur le stock disponible de logements pour les citoyens du Québec.

Evidemment, lorsque ces représentations nous ont été faites par ces groupes et qu'on nous a cité, par analogie, les cas, par exemple, de la ville de New York ou d'autres villes américaines où il y a un contrôle des loyers, nous leur avons répondu que les objectifs visés par nos lois n'étaient pas d'arrêter ou de bloquer toute hausse des loyers et de neutraliser, par ce fait, la construction.

J'aimerais avoir vos vues sur les effets prévisibles des bills 78 et 79 sur la construction comme industrie et également sur le stock disponible de logements dans l'avenir.

M. CHUNG: M. le ministre, je pense que l'effet négatif de ces lois sur l'offre des logements locatifs me parait minime pour deux raisons.

D'abord, ces lois 78 et 79 sont très différentes, quant à leur nature et à leur portée, de l'expérience du passé, c'est-à-dire le gel des loyers à New York ou ailleurs. Ici, on ne

cherche pas à geler les loyers. Au contraire, il s'agit d'atténuer la hausse à la marge. En fait, l'objectif du tribunal, qu'est-ce que c'est? C'est de déterminer si la hausse de loyer demandée est "raisonnable", équitable ou juste.

Par conséquent, déjà, par la nature même de la loi, je pense que c'est très différent des lois qu'on a connues dans d'autres pays et dans d'autres régions, comme New York, et même au Canada durant la guerre. C'est très différent. C'est la première raison.

La deuxième raison, c'est que la réaction des constructeurs à la variation des loyers n'est pas très très sensible. Par exemple, même si le prix a augmenté de 10 p.c, cela ne veut pas dire qu'il y aura 10 p.c. d'accroissement de l'offre.

Il y en a moins que ça. H y a ces deux raisons. A une condition, condition qui me paraît très importante, c'est que si vraiment, grâce aux services techniques du tribunal, on peut avoir une bonne idée sur la marge de profit ou "cash flow" acceptable dans le sens que c'est une marge de profit qui n'aura pas d'effet vraiment désastreux ou négatif sur l'offre de logement. Ce sont des choses qu'on peut déterminer à la lumière d'analyses et de statistiques.

Prenons donc la ville de Montréal. On peut établir, par exemple, le profil des loyers dans la région et on peut examiner l'évolution de ce profil dans le temps. Certainement qu'aussi longtemps que le constructeur peut faire un profit, disons, de 10 p.c. — je n'ose pas ici citer un chiffre exact — plus l'élément de risque, disons un profit normal acceptable, tant qu'un constructeur peut faire ce profit normal, pourquoi serait-il en fait affecté par cette loi? Parce que la loi ne défend pas au constructeur de faire un profit, au contraire. Je vois que la loi est très soucieuse de ce côté; elle prévoit même un profit suffisant pour que le constructeur reste dans le district, pour que l'offre de logements locatifs soit assurée.

Pour résumer ce que je viens de dire, pour deux raisons et à une condition, je pense que l'effet ne me parait pas très nocif, très négatif. Donc, ça dépend justement de la compétence des services techniques et du tribunal.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le député de Maskinongé?

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser deux questions à M. Chung. Pourriez-vous nous dire vers quelle période vous avez tenu l'enquête qui vous permet de nous fournir toutes les statistiques qu'on retrouve dans votre mémoire?

M. CHUNG : Les sources des statistiques sont très diverses. Je n'ai pas spécifié les références pour ces données, parce que dans un mémoire comme ça je ne veux pas ennuyer les gens avec des tableaux, graphiques, etc. J'ai été consultant à maintes reprises pour la Société centrale d'hypothèques et de logement, mais, en particulier, il y a deux ans j'étais directeur aux études économiques pour le "task force", groupe d'étude dirigé par Michael Dennis, le fameux rapport polémique de Michael Dennis.

A l'intérieur de cette enquête, on a eu le temps d'examiner pas mal d'aspects, de problèmes de logements, donc les données citées sont réelles. C'était pour une période de 10 ans de 1961 à 1971. Naturellement j'ai utilisé toutes les sources, c'est-à-dire recensements, Statistiques-Canada et d'autres publications, surtout les publications de la Société centrale.

M. PAUL: Une deuxième question. Si je me réfère à la page 4 de votre mémoire, vous introduisez deux classes de notre société, l'une dite classe pauvre et l'autre dite classe riche.

Quels sont les critères qui vous permettent de faire la démarcation entre ce que vous considérez comme pauvre et ce que vous considérez comme gens de la classe riche?

M. CHUNG: Votre question est excellente, j'aurais dû spécifier davantage. Dans ce quartier pauvre, celui qui fait partie des premiers 20 p.c. au point de vue revenu, en faisant la distribution des revenus, j'ai classé la queue de la distribution, les premiers 20 p.c. les plus pauvres comme étant pauvres. Alors que les 20 p.c. plus riches, sont riches. Mais je n'ai pas discuté des gens qui se trouvent à l'intérieur, entre deux limites pour ainsi dire. Pauvres ou riches, c'est une notion relative; je ne sais pas, comme ministre s'il fait $100,000 par an, par exemple, alors il est plus pauvre que celui qui fait $600,000. Ce sont les compilations de General Motors. C'est relatif dans ce sens.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Chung.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci, M. Chung. Je pense que...

M. CHOQUETTE: Nous allons devoir ajourner. Je tiens à dire aux membres de la commission que j'avais quatre autres experts à faire entendre; nous les entendrons à une séance ultérieure de la commission sur différents aspects du projet de loi.

Quant à la date d'une prochaine séance, je pense qu'avec les experts que nous aurons à notre disposition, nous n'aurions besoin que d'une matinée ou d'un après-midi. Alors, je ne sais pas si les membres aimeraient faire des prévisions pour la semaine prochaine peut-être, s'il y a une journée...

M. PAUL: Après consultation avec les leaders.

M. BURNS: II est possible que la semaine prochaine, le sous-comité sur les dépenses électorales siège enfin, mercredi. Alors, si ça a lieu, j'aimerais autant que possible que ça ne coïnci-

de pas parce que je suis à ce comité. Et après avoir entendu M. Chung, je regrette de ne pas être arrivé avant.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on pourrait dire en principe jeudi matin? Quitte à consulter le leader du gouvernement et les représentants des partis d'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Blank): La commission ajourne ses travaux sine die...

M. CHOQUETTE: Oui mais avec possibilité que nous siégions jeudi matin à 9 h 30.

M. PAUL: Pro forma.

M. CHOQUETTE: Pro forma, oui, merci.

(Fin de la séance à 12 h 28)

Document(s) associé(s) à la séance