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Version finale

12e législature, 2e session
(15 mars 1910 au 4 juin 1910)

Le mardi 19 avril 1910

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 3 heures.

 

Présentation de pétitions:

Les pétitions suivantes sont présentées devant la Chambre:

- de certaines paroisses du comté de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), de certaines paroisses du comté de Napierville (M. Dorris), de certaines paroisses du comté de Missisquoi (M. Gosselin), de certaines paroisses du comté de Soulanges (Mousseau), demandant certains amendements à la loi des licences.

 

Rapports de comités:

M. Godbout (Beauce): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le treizième rapport du comité permanent des ordres permanents. Voici le rapport:

Votre comité a examiné les pétitions suivantes et trouve que les avis requis ont été donnés dans chaque cas, savoir:

- de la Saint Lawrence Pressed Brick and Terra Cotta Company Limited, demandant une loi amendant la loi concernant la commune de Laprairie, 7 Édouard VII, chapitre 83;

- de The Syrian Greek Orthodox Church of Saint Nicholas, de The Soulanges Power Company et de The First Church of Christ Scientist, Westmount, demandant respectivement une loi les constituant en corporation.

M. Daigneault (Bagot): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le onzième rapport du comité permanent des bills privés. Voici le rapport:

Votre comité a examiné les bills suivants auxquels il a fait certains amendements qu'il soumet à la considération de votre honorable Chambre:

- bill 104 constituant en corporation le monastère de l'Immaculée Conception des ursulines de Rimouski;

- bill 130 concernant la construction des église, sacristie et presbytère de la paroisse de Saint-Viateur d'Outremont;

- bill 67 validant un certain acte de vente passé entre dame Emma-Zaïde Beaudry, veuve de Louis Fréchette, et Bernard Bloomfield, et l'emploi de certaines sommes d'argent fait par ledit feu Louis Fréchette, en sa qualité d'administrateur.

Votre comité a examiné aussi le bill 114 concernant l'acte de donation entrevifs passé le 25 février 1869 en faveur de Charles Adam et son épouse, dame Angéline Plouffe, par Louis Savignac, et autorisant les donataires à vendre la propriété donnée, et a l'honneur de le rapporter sans amendement.

Quant au bill 58 érigeant la municipalité de la partie est du canton d'Ély, votre comité trouve que le préambule n'est pas prouvé.

L'honorable M. Kaine (Québec-Ouest): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le deuxième rapport du comité permanent des chemins de fer, canaux, lignes télégraphiques et téléphoniques, et des compagnies minières et manufacturières. Voici le rapport:

Votre comité a examiné le bill suivant et l'a adopté avec plusieurs amendements qu'il soumet à la considération de votre honorable Chambre:

- bill 84 amendant la charte de la Compagnie du chemin de fer urbain de Sherbrooke.

Bureau d'enregistrement du comté de Beauharnois

M. Tessier (Trois-Rivières) demande la permission de présenter le bill 135 pour changer le chef-lieu du comté de Beauharnois et transporter le bureau d'enregistrement dudit comté en la cité de Salaberry de Valleyfield.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Charte de la ville d'Émard

M. Geoffrion (Verchères) demande la permission de présenter le bill 108 amendant la charte de la ville Émard.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Commune de Laprairie

M. Geoffrion (Verchères) demande la permission de présenter le bill 129 concernant la commune de Laprairie.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

The Syrian Greek Orthodox Church of Saint Nicholas of Canada

M. Finnie (Montréal no 4) demande la permission de présenter le bill 125 constituant en corporation The Syrian Greek Orthodox Church of Saint Nicholas of Canada.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

The First Church of Christ Scientist, Westmount

M. Finnie (Montréal no 4) demande la permission de présenter le bill 146 constituant en corporation la First Church of Christ Scientist, Westmount.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

The Soulanges Power Company

M. Mousseau (Soulanges) demande la permission de présenter le bill 132 constituant en corporation The Soulanges Power Company.

La compagnie demande son entrée à Montréal en passant par diverses localités.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Contrats entre Montréal et le Canadien Pacifique

M. Mousseau (Soulanges) demande la permission de présenter le bill 95 ratifiant certains contrats entre la cité de Montréal et la Compagnie du chemin de fer du Canadien Pacifique.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant sans amendement:

- bill G du Conseil législatif amendant la loi constituant en corporation The Little Nation River Railway Company.

The Little Nation River Railway Company

M. Gendron (Ottawa) demande la permission de présenter le bill G du Conseil législatif amendant la loi constituant en corporation The Little Nation River Railway Company.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Fabrication des produits laitiers

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 4 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la fabrication des produits laitiers.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Caron (L'Islet) annonce qu'à la suggestion de la Montreal Produce Merchants' Association on a décidé d'amender ce bill afin que les certificats des fabricants de beurre et de fromage ne soient délivrés que par les inspecteurs généraux de la province, qui sont au nombre de deux. Selon la première version du bill, tout inspecteur du gouvernement pouvait émettre un certificat de ce genre. On propose également de donner aux inspecteurs généraux le pouvoir exclusif de recommander la fermeture des fabriques insalubres, au lieu de laisser ce pouvoir à n'importe quel inspecteur, tel qu'il est stipulé dans la première version du bill.

Il n'entend pas rester à moitié chemin. S'il le faut, il organisera des coopératives; il les subventionnera jusqu'à ce que les fermiers de la province de Québec obtiennent le même prix de leurs produits laitiers, en n'importe quel lieu du monde, que leurs confrères d'Ontario. Il tient les trafiquants canadiens-français responsables de cet état de choses, car ces messieurs aiment mieux commercer sur la marchandise de qualité soi-disant inférieure, qui les paie mieux parce que, le plus souvent, il se trouve qu'elle est bonne, après qu'ils ont fait croire aux fermiers que le beurre et le fromage de la province de Québec ne peuvent pas atteindre la qualité de ceux d'Ontario, tandis qu'en réalité nous sommes bien plus en mesure, à cause des conditions climatériques, de l'herbe, etc., que les gens de la province-soeur pour atteindre l'idéal. La société d'industrie laitière de la province lui semble par trop rétrograde.

Après le 1er janvier 1912, on ne pourra construire ni exploiter une fabrique de beurre, de fromage, de lait condensé ou de lait en poudre sans avoir au préalable obtenu un permis du ministre de l'Agriculture, permis qui ne sera accordé que sur un rapport signé par un inspecteur.

Lorsqu'un inspecteur fera rapport qu'une beurrerie ou fromagerie n'est pas dans un état suffisant de salubrité ou ventilée convenablement, le ministre de l'Agriculture pourra la faire fermer jusqu'à ce qu'un nouveau rapport de l'inspecteur établisse qu'elle a été remise en bon ordre.

Personne ne pourra agir comme fabricant en chef dans une beurrerie ou fromagerie sans avoir un certificat de compétence de l'école de laiterie de Saint-Hyacinthe. Au lieu de ce certificat de compétence, un permis spécial pourra être accordé par le ministre, sur la recommandation d'un inspecteur, pour des raisons de compétence et d'expérience.

M. Lavergne (Montmagny) demande au ministre s'il a reçu de l'école de laiterie de Saint-Hyacinthe une protestation contre son bill.

L'honorable M. Caron (L'Islet): Non. La classification des denrées alimentaires relève entièrement du gouvernement fédéral. Il s'attend à ce que ce bill ait des effets positifs, puisqu'il réduira indirectement le nombre de fabriques de beurre et de fromage tout en améliorant la qualité de ces produits. Le gouvernement provincial n'a pas le pouvoir de réduire le nombre de ces fabriques, mais il pourra imposer certaines règles aux fabricants.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le nouveau projet met entre les mains du gouvernement et celles de deux fonctionnaires le sort de l'industrie laitière. Les deux inspecteurs qui soumettront les noms au ministre sont eux-mêmes nommés par le gouvernement et sous le contrôle absolu du ministre.

Selon leur gré, ces fonctionnaires pourront enlever une licence. Cette mesure est absolument autocratique, antilibérale et arbitraire. C'est une loi que ne permettrait aucune province du Canada. Il dit que, depuis quelques années, nous vivons sous un régime qui n'est nullement libéral. Il trouve cette loi injuste et propre à engendrer toutes sortes d'abus. Le mal dont on se plaint, c'est la multiplicité des petites fabriques; que l'on décrète donc simplement qu'il ne devra y avoir qu'une fabrique pour un territoire déterminé, c'est-à-dire pour telle quantité de lait.

Lorsque le Yukon s'est organisé, la réglementation du débit des liqueurs enivrantes n'y fut pas plus arbitraire. On est plus exigeant pour l'octroi de ces permis que pour l'émission des licences pour les liqueurs alcooliques, ces dernières n'étant pas accordées directement par les ministres ou le gouvernement. La décision du ministre est sans appel. On ne dit même pas dans le bill dans quelles conditions les fabriques devront être établies et dans quelles conditions elles existeront.

Il n'y a aucune spécification concernant les conditions de fermeture d'une fabrique, mis à part la classification générale suivante: "insalubre". Il croit qu'il faudrait préciser ce qui sera considéré insalubre dans une fabrique de fromage, à savoir s'il s'agit du lait utilisé ou du bâtiment comme tel. Le ministre ferme une fabrique simplement d'après le rapport d'un inspecteur et il est entièrement dégagé de toute responsabilité pour ce geste. Le ministre passe absolument par-dessus la tête des syndicats d'industrie laitière.

Il dit qu'en vertu de ce règlement l'ouverture ou la fermeture de certaines fabriques pourrait être liée à l'influence des politiciens. Un tel système vise à introduire la pire forme de favoritisme dans la plus importante industrie de la province de Québec. L'industrie du beurre et du fromage est la plus importante de la province et on voudrait maintenant la laisser entre les mains d'un inspecteur qui serait l'arbitre de ce que la population requiert.

M. Prévost (Terrebonne) dit que cette loi est rétrograde et draconienne, et qu'elle donne au ministre de l'Agriculture des pouvoirs trop arbitraires, pouvoirs qu'on ne voit nulle part ailleurs.

L'honorable M. Caron (L'Islet) dit qu'il commence à être habitué aux grandes phrases du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa). Malheureusement, il ne se rend pas bien compte de la nature du projet de loi qu'il critique. Tout en reconnaissant la bonne foi du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), il déplore son ignorance en matière agricole.

Venir prétendre devant cette Chambre, comme le député de Saint-Hyacinthe, qu'il devrait y avoir un nombre de fabriques pour un territoire donné me semble une grave erreur, une hérésie. La population dans la province est d'une densité très variable, donc, pas de possibilité d'établir mathématiquement les fabriques. Quant au bill, il est critiqué certainement, mais dans le bon sens du mot, et j'ai des lettres émanant d'autorités en la question disant que le nouveau règlement est excellent et bien vu. Si, l'année prochaine, on a lieu de se plaindre du fonctionnement de la loi, il sera toujours temps de l'amender à la prochaine session. Si ce n'est pas dans un an, ce sera dans cinq ans. Pour le moment, elle paraît aux yeux de tous devoir donner de bons résultats et il est curieux de voir l'opposition qu'elle soulève de la part de la gauche.

Il ne pourra fermer une fabrique que sur l'avis d'un inspecteur général. Il ne peut refuser ou accorder de permis que sur le rapport d'un inspecteur, rapport qui devra être approuvé par le bureau de direction ou le comité exécutif de la Société d'industrie laitière de la province de Québec, après avoir donné par lettre recommandée aux intéressés... Et même, le fabricant auquel le ministre oppose un refus peut interjeter appel de la décision du ministre au lieutenant-gouverneur en conseil, dont la décision est finale.

Dans Ontario, le ministre a droit de refuser un permis de construction de beurreries et de fromageries, et cela sur le simple rapport d'un inspecteur. Ici, les garanties sont bien plus grandes. Il fait la lecture de plusieurs extraits de la loi d'Ontario pour montrer que le cadre de son projet de loi se situe dans la même ligne de pensée. En fait, c'est ce que font d'autres pays pour maintenir la qualité du beurre et du fromage. Ici, il n'y a pas un dixième des fabricants de beurre et de fromage qui sont diplômés. Le gouvernement ne veut pas mettre des gens sur le pavé, puisque les inspecteurs pourront leur décerner le diplôme de compétence qu'ils méritent.

La Montreal Produce Merchants' Association a approuvé les principes de ce bill. Ce sont les membres de cette association qui ont suggéré que les certificats ne soient délivrés que par les inspecteurs généraux et ils ont donné leur appui à tous les autres détails de cette mesure. Il fait la lecture d'une lettre du président de l'association à cet effet.

Je crois que les amendements proposés seront très favorables à l'industrie laitière et à la province, mais si on constate qu'ils gagneraient à être modifiés, d'autres amendements seront apportés à la prochaine session.

M. Lavergne (Montmagny): Le ministre de l'Agriculture change souvent et, avec ce système de changement, l'on jettera le désordre dans notre industrie laitière.

M. Lavergne (Montmagny) et M. Sauvé (Deux-Montagnes) veulent savoir si le ministre peut refuser un permis malgré un rapport favorable de l'inspecteur.

L'honorable M. Caron (L'Islet) ne voit pas comment un ministre de l'Agriculture pourrait refuser un permis dans de telles circonstances. Il encourrait par là la censure de la Chambre. Et, d'ailleurs, supposons que la loi dise "devra" au lieu de "pourra", où sera la sanction de cette loi si le ministre persiste à refuser? La censure de la Chambre, tout comme dans l'autre cas.

M. Lavergne (Montmagny): Étant donné que ce bill prévoit une amende pour toute personne exploitant une fabrique sans permis, il faudrait insérer une clause spéciale par laquelle une amende serait imposée au ministre s'il refusait l'octroi d'un permis malgré un rapport favorable de l'inspecteur.

Il approuve le projet de loi1.

M. Tellier (Joliette) s'oppose à une clause du bill selon laquelle tous les fabricants en chef de beurre et fromage doivent avoir un certificat de l'école de laiterie de Saint-Hyacinthe ou un permis spécial du ministre, sur la recommandation d'un inspecteur général. Il considère que ce règlement n'est pas nécessaire. Il n'y aura plus de fabriques de beurre, excepté celles dont le permis aura été accordé selon le bon vouloir du ministre lui-même. Pourquoi ne pas plutôt nous occuper des produits des fabriques?

Il considère qu'il serait injuste, pour de nombreux fabricants de fromage, de les obliger à aller à l'école de laiterie. Certains seront peut-être incapables d'y aller et, même s'ils sont tout à fait compétents, ils ne pourront peut-être pas persuader l'inspecteur de les recommander pour l'obtention d'un permis spécial.

Ce bill va en quelque sorte à l'encontre de la libre exploitation d'une industrie dans la province. Il laisse une question d'ordre commercial à la discrétion du ministre de l'Agriculture. Il dit que les citoyens de la province ne devraient pas être contraints de cette façon et il considère qu'il y a d'autres moyens d'assurer toutes les inspections voulues sans aller jusqu'à exiger la fermeture des fabriques. La loi actuelle donne déjà des pouvoirs très étendus au ministre.

Le remède est pire que le mal. Il prêche la décentralisation vers laquelle penche de toutes ses forces et partout le gouvernement. Il suggère que l'on adopte plutôt une inspection très sévère des produits laitiers et leur classification, une mesure prônée jadis par le député de L'Islet (l'honorable M. Caron).

C'est ainsi que l'on atteindra forcément le fabricant, et cela sans entraver la liberté du commerce et de l'industrie. Faites comme le gouvernement fédéral a fait en vertu de sa loi des inspections et de la vente2. Ainsi, vous atteindrez votre objectif beaucoup plus rapidement.

Il est contraire à la réglementation des permis de fabrication qui ne veulent rien dire quant à la qualité de la marchandise. Je veux bien croire que la législature d'Ontario légifère bien, mais elle peut cependant commettre des erreurs. Je ne suspecte pas les intentions du ministre de l'Agriculture. Mais j'en prévois d'avance les mauvais effets. La loi serait peut-être bonne si les fonctionnaires n'étaient pas des hommes sujets à la faiblesse humaine, et n'en sera-t-il pas des inspecteurs de produits laitiers comme des conférenciers agricoles, dont quelques-uns n'ont jamais eu d'autres qualités que d'être d'excellents cabaleurs politiques ou des agitateurs ouvriers?

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) défend la loi proposée, qui ne viole aucunement la liberté du commerce et de l'industrie. Il fait valoir les effets de la loi tant au point de vue de l'hygiène que du commerce. Toute la question est de savoir si le point de vue hygiénique est observé dans les manufactures.

Il y a une particularité de l'amendement qui a échappé à l'attention de ceux qui l'ont critiqué. Mis à part l'assistance apportée par les nouveaux règlements dans l'amélioration de la qualité des produits laitiers de la province, il y a la question relative à la santé publique à prendre en considération. Les produits mis sur le marché par des fabriques insalubres présentent un danger pour le public et l'inspection systématique des fabriques telle que proposée le protégerait.

On voudrait laisser sortir des fabriques tous les produits, quels qu'ils soient. N'est-il pas préférable d'arrêter la manufacture des produits avant de les placer sur le marché? Ce serait mettre la charrue avant les boeufs. Le commerce ne sera réellement affecté par la loi nouvelle et l'on doit nécessairement réglementer d'abord l'outillage de l'industrie laitière. Par moi-même j'ai vu des fabriques où l'on ne pouvait pas produire un beurre convenable et ces fabriques naturellement devraient être fermées car elles sont nuisibles à l'intérêt du marché.

Pendant qu'il était ministre de l'Agriculture, il a visité plusieurs fabriques qui étaient loin d'être en état convenable. Ce sont les mauvaises fabriques de beurre et de fromage qui nuisent à l'industrie laitière, et la loi proposée, qui va faire disparaître les mauvaises fabriques, contribuera au contraire au progrès de l'industrie laitière. Puisque l'on demande l'inspection des édifices publics, des constructions qui seront faites pour l'embellissement des municipalités, avec plus de raison encore doit-on en demander autant pour ce qui touche la santé publique.

Le député de Saint-Hyacinthe sourit... Mon Dieu! on ne peut avoir l'intuition divine du député de Saint-Hyacinthe...

Il est reconnu qu'il y a trop de fabriques impropres à donner de bons produits. Et il vaut mieux prévenir la fabrication des mauvais produits qu'en décréter la confiscation.

M. Robert (Rouville) insiste sur le dernier point développé par le député d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie).

M. Bernard (Shefford) voudrait voir apporter à la loi actuellement devant la Chambre quelques amendements. Il réclame égalité devant la loi pour tous les fabricants, conservateurs comme libéraux. Il discute sur le traitement à infliger au fromage. Il insiste sur la liberté des fabricants. Il craint que le ministre et ses fonctionnaires n'abusent de leur pouvoir, que l'esprit de chicane et de parti n'exerce ici son influence néfaste.

M. Lafontaine (Maskinongé): Il serait injuste de fermer des fabriques simplement parce qu'on y produit une qualité de fromage inférieure à celle de certaines grandes fabriques. Il dit que l'actuel ministre de l'Agriculture n'aura pas toujours le portefeuille de ce ministère, et même s'il n'abuse pas des privilèges que ces amendements lui donnent, d'autres après lui le feront peut-être. Il pense donc qu'il serait dangereux d'adopter ce bill.

La loi est tyrannique. Le gouvernement devrait remettre le tout entre les mains des inspecteurs de l'école de Saint-Hyacinthe. On restreint la liberté de commerce.

M. Robert (Rouville) demande au député de Shefford (M. Bernard) s'il n'est pas préférable d'inspecter le produit avant sa sortie de la fabrique, que de le laisser sortir de la fabrique pour être ensuite déprécié sur le marché. Certainement, en parlant comme il l'a fait, le député de Shefford n'a pas pris parti pour la classe agricole qu'il représente et c'est sans doute l'esprit mal placé de partisanerie qui le fait agir ainsi.

M. Walker (Huntingdon) répète en anglais les remarques du député de Rouville (M. Robert) et appuie la politique ministérielle sur la fabrication des produits laitiers.

Il décrit les possibilités qu'offre l'industrie laitière dans certains comtés de la province et, malgré cela, il n'est pas possible d'obtenir pour les produits laitiers un prix comparable aux prix obtenus dans Ontario. Quelque chose doit être fait pour corriger cette situation.

L'honorable M. Caron (L'Islet) répond spécialement aux observations du chef de l'opposition. Il est convaincu qu'il faut que le gouvernement contrôle la fabrication des produits laitiers dans la province, car ce commerce est le plus important du pays. Actuellement, la moitié des fabricants ne sont pas diplômés. L'industrie laitière rapporte $25,000,000.

Avec un peu d'efforts, elle pourrait dans 10 ans rapporter $30,000,000 et même jusqu'à $50,000,000, mais cela ne sera possible que dans la mesure où on améliorera les produits de qualité inférieure par le biais d'inspections efficaces; autrement, il sera impossible d'en arriver à ce résultat. Il propose d'amener les produits de la province à un niveau supérieur même à celui d'Ontario, afin d'obtenir de meilleurs prix sur le marché britannique et ailleurs.

Toute la législation actuellement placée devant la Chambre n'affecte que le point de vue hygiénique; c'est le seul sur lequel nous pouvons légiférer; car les questions commerciales et autres relèvent du gouvernement fédéral. La classification des produits réclamée par le chef de l'opposition est exclusivement du ressort du gouvernement fédéral qui ne l'a pas encore commencée. Il faut nécessairement surveiller la fabrication du produit afin d'éviter la confiscation et, pour cela, il faut d'abord réglementer les fromageries, sanitairement parlant.

Il traite de l'innovation faite par le gouvernement en faisant établir des chambres de maturation dont il encourage le fonctionnement.

Le contrôle de la province ne peut s'étendre qu'aux conditions hygiéniques des produits. Or un produit peut être de qualité inférieure et n'être pas préjudiciable à la santé. La province n'y pourrait rien, et c'est précisément cette classe de produits qui fait déprécier nos beurres et nos fromages. Quand on observe les lois de l'hygiène, les produits sont bons. Efforçons-nous d'avoir dans la province de Québec un fromage aussi pur que celui de Brantford, Ontario, réputé le meilleur.

Le ministre espère qu'en exigeant que fabriques et fabricants remplissent certaines conditions d'hygiène et de compétence on diminuera le nombre des fabriques, en même temps qu'on améliorera le personnel, toutes choses qui ne pourront qu'amener un meilleur produit.

Quant à réduire à un certain chiffre le nombre des beurreries et fromageries qui est sûrement trop considérable, il est d'avis que la province n'a pas ce droit. Si jamais loi a été faite dans un excellent but, c'est bien celle-là car elle relève moins que toute autre de la politique et n'a en vue que le bien-être de la classe agricole, à quelque parti qu'elle appartienne.

Il dit qu'aucun ministre ne prendrait sur lui de refuser un permis accepté par un fonctionnaire. Il dit que, sans distinction de partis, le gouvernement a autant d'égards pour les fabricants conservateurs que pour les libéraux. Quand il s'agit des intérêts de la province, le gouvernement comme toujours fera tout son possible pour l'avancement des industries.

M. Lafontaine (Maskinongé) se réclame de son titre de citoyen britannique3.

Des voix demandent au député de Maskinongé (M. Lafontaine) de s'exprimer plus haut.

M. Lafontaine (Maskinongé) dit que le projet de loi est tyrannique.

M. Lévesque (Laval) fait remarquer à la Chambre que l'opposition en général est en faveur de la teneur du bill; mais on y voudrait quelques changements.

Ce n'est pas le ministre qui procéderait à la fermeture des fabriques insalubres, mais plutôt l'inspecteur, expert en la matière et en mesure de savoir quels établissements font du tort à l'industrie. Ce n'est qu'en se basant sur le rapport de l'inspecteur que le ministre procéderait à la fermeture d'une fabrique.

Il relève ensuite différentes erreurs commises dans les énoncés faits par l'opposition pendant le cours de la discussion et trouve curieux qu'on ait l'air de douter, dans la gauche du moins, de la valeur personnelle des inspecteurs nommés par le ministre de l'Agriculture. Du reste, les certificats ne sont pas délivrés par le ministère, mais bien par l'École d'agriculture de Saint-Hyacinthe. Si on n'exige aujourd'hui des fabricants qu'un certificat de capacité comportant des études peu compliquées, c'est pour sauvegarder simplement l'octroi de diplômes à de vieux fabricants très qualifiés, mais peu instruits. Les inspecteurs seront en lieu de bien examiner les choses, car ils devront être porteurs d'un diplôme de l'école de Saint-Hyacinthe.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) reprend le raisonnement des autres députés de l'opposition et demande à nouveau si le ministre pourrait refuser d'accorder un permis même si le rapport d'un inspecteur était favorable.

L'honorable M. Caron (L'Islet) répète que rien dans ce bill n'obligerait le ministre à délivrer ce permis, mais il dit que celui qui refuserait serait indigne d'être ministre.

Il cite le cas des sociétés d'agriculture et des cercles agricoles qui, tout en étant sous le contrôle du gouvernement, sont hors des atteintes de la politique.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) traite de la multiplicité des fabriques. Il demande si le ministre a plus le droit de restreindre le nombre des fabriques que de classifier les produits. Il ne discute pas la prétention du ministre. Il lui demande seulement si la province, qui n'a pas le droit de surveiller l'exportation des produits en les classifiant, aura celui de classifier et de contrôler les fabriques. Si un fabricant fournit la preuve que la marchandise qu'il fabrique n'est pas préjudiciable à la santé, est-on bien sûr qu'on ait le droit de contrôler son mode de fabrication plutôt que son produit? De l'avis des meilleurs experts, l'infériorité de notre beurre et de notre fromage est due à la multiplicité des fabriques bien plus qu'à la défectuosité de leur matériel. Telle fabrique très bien outillée ne livre qu'un produit inférieur parce que la concurrence de deux ou trois autres fabriques dans la même paroisse la force à accepter du mauvais lait. Or le projet soumis à la Chambre par le ministre de l'Agriculture ne pourvoit ni à la surveillance du lait ni à la réduction du nombre des fabriques, et c'est ce qui le rend inefficace.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 7 h 30

The Old Boys of Bishop's College School

M. Bissonnet (Stanstead) propose, selon l'ordre du jour, que le bill B du Conseil législatif constituant en corporation la Old Boys of Bishop's College School soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills privés.

The Bacon Industrial School for girls

M. Bissonnet (Stanstead) propose, selon l'ordre du jour, que le bill C du Conseil législatif constituant en corporation la Bacon Industrial School for girls soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills privés.

Fabrication des produits laitiers

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 4 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la fabrication des produits laitiers.

Adopté.

 

En comité:

M. Dorris (Napierville) dit que le projet du ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Caron) est le seul qui donnera assurément satisfaction aux cultivateurs, car il est évident qu'on ne peut limiter le nombre des manufactures sans leur nuire. Il donne à la Chambre sur ce point son expérience de cultivateur, connaissant de plus la fabrication des produits de la ferme.

Les paroisses doivent avoir plus d'une fabrique de beurre et de fromage; sinon, les cultivateurs étant obligés de faire ces produits à la maison, ce serait une perte considérable pour les manufacturiers.

M. Mousseau (Soulanges) affirme qu'il est à propos de grouper les fabricants. Les manufactures doivent être tenues par des experts ayant comme but principal la salubrité publique et l'hygiène. C'est un malheur pour la province qu'il y ait sur le marché des produits inférieurs. La mesure qui est devant la Chambre est de nature à améliorer considérablement nos produits, de telle façon qu'on mette sur le marché des produits absolument purs et de qualité supérieure.

M. Tourigny (Arthabaska) félicite le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) de sa politique. Il faut dans les fabriques un outillage parfait, bien installé. C'est le seul moyen pour nous d'avoir des produits aussi purs que ceux fabriqués dans Ontario et les autres pays.

Le préambule est adopté.

Les articles 2031a, 2031b, 2031c des statuts refondus, compris dans l'article 1 du présent bill, sont adoptés.

Les articles 2031d, 2031e, 2031f, 2031g et l'article 2 du présent bill, tels qu'amendés, se lisent comme suit:

"2031d. Le et après le premier janvier 1912, une personne, compagnie, société ou corporation ne peut exploiter une fabrique de beurre, ou de fromage, ou de lait condensé, ou de lait en poudre, dans un édifice ou établissement non inscrit sur le registre mentionné dans l'article 2031c, sans avoir, au préalable, obtenu du ministre la permission de se livrer à cette exploitation, et cette permission n'est accordée que sur un rapport produit et signé par l'un des inspecteurs généraux mentionnés à l'article 1964.

"Cette permission peut être refusée si la fabrique est mal installée, mal outillée, ou dans des conditions insalubres, sur rapport d'un inspecteur, approuvé par le bureau de direction ou le comité exécutif de la Société d'industrie laitière de la province de Québec, après avis donné par lettre recommandée aux intéressés.

"Le requérant peut interjeter appel de la décision du ministre au lieutenant-gouverneur en conseil dont la décision est finale.

"2031e. Sur rapport de l'un des inspecteurs généraux mentionnés à l'article 1964, qu'une fabrique de beurre, ou de fromage, ou de lait condensé, ou de lait en poudre, n'est pas dans un état salubre satisfaisant, ou n'est pas installée ou outillée convenablement pour la fabrication des produits laitiers, le ministre peut ordonner au propriétaire ou au gérant d'icelle de la fermer immédiatement, et cette fabrique doit rester fermée jusqu'à ce que l'inspecteur fasse rapport qu'elle a été mise dans un état sanitaire satisfaisant et qu'elle est outillée et installée d'une manière convenable pour la fabrication des produits laitiers.

"2031f. Le et après le premier janvier 1912, personne ne peut agir comme fabricant en chef dans une fabrique de beurre ou de fromage sans avoir un certificat de compétence de l'école de laiterie de Saint-Hyacinthe.

"Au lieu du certificat de compétence ci-dessus, un permis spécial peut être accordé en tout temps par le ministre sur la recommandation de l'un des inspecteurs généraux mentionnés à l'article 1964, pour des raisons de compétence et d'expérience.

"2031g. Toute personne contrevenant aux dispositions de la présente section est, sur conviction sommaire devant un juge de paix ayant juridiction à l'endroit où l'offense a été commise, passible d'une amende n'excédant pas dix piastres et, à défaut de paiement, d'un emprisonnement n'excédant pas trente jours.

"2. La présente loi entrera en vigueur le jour de sa sanction."

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Lavergne (Montmagny) demande que la Chambre remette au lendemain de concourir au bill.

Bureaux de placement pour les ouvriers

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie), que le bill 15 relatif à l'établissement de bureaux de placement pour les ouvriers soit maintenant lu une deuxième fois.

Le gouvernement s'est principalement inspiré, dans ce bill, de la résolution à lui présentée par une délégation du Congrès des métiers et du travail du Canada.

Il rappelle que les ouvriers se sont plaints souvent de l'absence de bureaux honnêtes, sous la direction du gouvernement. La présente loi est pour se rendre à leurs voeux. Il est grandement temps de mettre ces bureaux sous le contrôle du gouvernement pour éviter cette exploitation, comme du reste cela se pratique ailleurs. D'une manière générale, ce bill vise à supprimer les abus, plus particulièrement à Montréal où, dans bien des cas, des ententes sont prises entre agents de placement et contremaîtres de manufactures et par lesquelles des ouvriers se font voler leur argent. Des ouvriers paient $2 ou $3 pour se procurer un emploi quelconque. Après une semaine les patrons les mettent à la porte de la manufacture et les pauvres ouvriers sont de nouveau sur le pavé. Quant aux revenus, ils vont dans le gousset du contremaître et du chef du bureau de placement.

Les bureaux établis ailleurs, soit dans Ontario, soit aux États-Unis, fonctionnent très bien. Ils ne coûtent rien ni à l'ouvrier ni au patron et ont donné d'excellents résultats fort pratiques. Tous les ouvriers habitant dans la province et sujets britanniques pourront faire enregistrer leurs noms sans frais afin d'offrir leur travail. Le surintendant du bureau devra enregistrer les demandes qu'il recevra tant des ouvriers que des patrons.

Plus tard, peut-être, étendrons-nous les pouvoirs des bureaux à quelque nationalité que ce soit, après en avoir étudié de près le fonctionnement et lorsque le nombre des bureaux aura été augmenté, afin qu'il n'y ait pas d'encombrement. Ces bureaux seront en outre sous le contrôle absolu du ministère des Travaux publics et du Travail, qui en donnera la charge à un surintendant général avec un personnel suffisant. D'un autre côté, la nouvelle loi couvrira également les bureaux de placement existant déjà, sans pour cela nuire à leur existence. Ces bureaux devront être munis d'une licence ne coûtant rien. Ils seront de plus soumis à l'inspection du gouvernement. Les bureaux tant privés que publics seront l'objet d'une inspection sérieuse.

La classe ouvrière, il en est sûr, accueillera avec empressement cette loi présentée en vue d'être utile et qui est une preuve de plus de l'attachement que le gouvernement a pour les ouvriers. Le Parti libéral a toujours favorisé les ouvriers, et il continuera dans cette voie. Il invite tous les membres de la Chambre à faire les suggestions nécessaires pour amender le nouveau bill, si toutefois il est jugé à propos.

M. Langlois (Saint-Sauveur) endosse totalement l'idée ministérielle, qui certainement sera bien vue de la classe ouvrière. J'ai étudié le bill avec l'esprit de critique même et n'ai rien trouvé à y reprocher; j'ose donc espérer que les députés de cette Chambre appuieront le projet sans esprit de parti.

Il souhaite que les autres députés de la Chambre appuieront ce bill, non seulement en paroles, mais aussi par leurs votes.

Il cite sur le bill un article éditorial de la Presse qu'il approuve pleinement. Il considère que certaines dispositions devraient être prises à l'intention des immigrants. Le gouvernement devrait subventionner ces bureaux et les laisser sous le contrôle des syndicats ouvriers.

Il ne me reste, en terminant, qu'à accomplir une bien agréable tâche, c'est celle de remercier le gouvernement, et en particulier le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau), au nom des ouvriers de la province qui certainement se souviendront par la suite de cette faveur gouvernementale.

M. Lavergne (Montmagny): Encore jeune en Chambre, l'honorable député (M. Langlois) se montre plein d'enthousiasme pour un gouvernement qui joue du couteau dans le dos des députés ouvriers. Le député de Saint-Sauveur n'a pas de rancune contre ceux qui ont tout fait pour empêcher les ouvriers de se faire représenter au Parlement.

Je ne partage pas la même joie que lui, car dans ce bill les immigrants, la classe la plus maltraitée des exploiteurs, sont oubliés. Ce sont les travailleurs étrangers qui ont été exploités par les agences malhonnêtes et le gouvernement aurait dû voir à ce qu'ils soient protégés.

Les libéraux sont opposés à la liberté. Bientôt, il ne sera plus permis d'établir aucune industrie dans la province sans le consentement d'un des ministres. L'établissement de bureaux de placement est sans doute une bonne initiative, mais au lieu de les laisser sous la direction du gouvernement ils devraient être contrôlés par les syndicats ouvriers.

Les gérants qu'on mettra à la tête de ces bureaux seront de vieux chevaux de retour du Parti libéral qui tourneront le bureau en comité en temps d'élection. C'est pourquoi je voudrais que ces bureaux fussent placés sous le contrôle des syndicats ouvriers. On m'objectera que cela pourrait favoriser les ouvriers unionistes, mais je suis pour les unions.

M. Séguin (Montréal no 1) est surpris de l'attitude prise par le député de Montmagny (M. Lavergne). Il connaît fort bien l'exploitation dont ont été victimes des centaines et des centaines d'ouvriers. C'était donc au gouvernement à prendre sur ce point la cause ouvrière en main. Il est absolument de l'avis du ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) qui n'accorde le profit de ces bureaux qu'aux sujets britanniques, car nous devons avant tout protéger les nôtres. Cela favoriserait les sujets britanniques et canadiens plutôt que la main-d'oeuvre étrangère à bon marché.

Ces immigrants, attirés par le Nord-Ouest, s'arrêtent à Montréal. Ils s'arrangent ensuite avec les directeurs des bureaux de placement et les propriétaires des usines pour laisser à ces gens 30 ou 40 centins par jour. Ils vivent ensemble en de véritables taudis, alors que nos malheureux ouvriers qui ont des familles meurent de faim, jetés sur le pavé par cette concurrence.

Il se dit heureux de voir le gouvernement prendre le contrôle de ces bureaux, et il est sûr qu'il n'en résultera que du bien pour les ouvriers. Il félicite le gouvernement de la sage mesure qu'il vient d'adopter et reconnaît dans le député de Saint-Sauveur (M. Langlois) un homme juste, sincère, aux idées larges et dévouées à la classe ouvrière. Il dit qu'il s'agit là d'un grand pas pour la cité de Montréal.

M. Blouin (Lévis) et M. Létourneau (Québec-Est) critiquent la ligne de conduite prise par le député de Montmagny (M. Lavergne) qui a ergoté à côté de la question et l'a traitée en semblant ignorer complètement le sujet. Ne doit-on pas d'abord protéger notre classe ouvrière avant de protéger l'immigration? C'est là de la vraie politique et non pas de l'égoïsme.

M. Létourneau (Québec-Est) dit que le système actuel favorise les abus et que la nouvelle loi remédiera à ces abus. Les ouvriers ont besoin de protection; procurons-la-leur autant que faire se peut. C'est en encourageant les ouvriers que notre province atteindra la sommité qui lui est réservée dans le dominion.

M. Blouin (Lévis) seconde le député de Saint-Sauveur (M. Langlois). Celui-ci est un ouvrier qui a l'expérience des choses et son opinion doit prévaloir.

L'honorable M. Devlin4 (Nicolet) est certain que ce bill répond exactement aux besoins des ouvriers. Il dit que l'immigration a déjà une protection suffisante. Il y a à Montréal des établissements spéciaux où l'on donne à la classe ouvrière arrivant d'Europe tous les renseignements désirables.

Le gouvernement fédéral a des bureaux spéciaux à Montréal et à Québec où ces gens sont pris en charge. Le gouvernement provincial a également des agences dans ces cités pour voir au bien-être des immigrants qui ont l'intention de s'établir dans la province. En une seule journée, la semaine dernière, une centaine de personnes sont passées à Montréal et se sont adressées au bureau du gouvernement. Jusqu'à 60 personnes ont été placées en une avant-midi.

Les craintes du député de Montmagny concernant l'influence que pourraient avoir les hommes politiques sur le fonctionnement du système politique ne sont pas fondées. Trois parmi les quatre employés du bureau d'immigration de Montréal ont été nommés par le gouvernement conservateur.

Des bureaux de placement tels que ceux qui sont proposés dans ce bill ont été ouverts récemment à Londres par le gouvernement britannique, au grand bénéfice de la classe ouvrière. Il félicite le ministre des Travaux publics de s'être engagé dans cette voie. Ce sera très utile aux travailleurs de Montréal et de la province.

M. Plante (Beauharnois) admet sur une remarque du député de Lévis (M. Blouin) que l'objet du bill part d'un bon naturel, mais il voudrait le discuter clause par clause pour l'améliorer encore, si possible. Il reproche au ministre du Travail d'interdire aux immigrants l'accès de ces bureaux qu'il voudrait voir sous le contrôle des unions ouvrières que le gouvernement subventionnerait.

Il se déclare en faveur de la création d'un ministère du Travail qui soit séparé du ministère des Travaux publics. Puisque le gouvernement aime tant les ouvriers, qu'il crée donc un ministère du Travail.

M. Geoffrion (Verchères) soutient que le gouvernement qui paie doit garder la direction et la responsabilité de ces bureaux. Et il trouve le député de Montmagny bien difficile.

L'opposition, et surtout le député de Montmagny (M. Lavergne), ont une conception curieuse des projets soumis à la Chambre. Pas une seule mesure n'a jusqu'ici passé sans être critiquée, mais cela n'a rien d'étonnant, car le député de Montmagny, nouveau Pic de la Mirandole, peut discuter de tout et même des choses non connues encore. Le député de Montmagny croit connaître mieux les intérêts ouvriers que les ouvriers eux-mêmes; il connaît peut-être la navigation mieux que les marins. Le gouvernement fédéral s'occupera des immigrants, c'est de son ressort. Quant à nous, sans négliger les étrangers, encourageons nos compatriotes.

Cependant, comme note finale, on peut conclure que l'opposition qui discute pour le plaisir de discuter est absolument de l'avis du gouvernement. Pourquoi donc fait-elle de l'obstruction?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) prend la parole.

M. Lavergne (Montmagny) proteste.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) respecte beaucoup l'opinion du député de Montmagny (M. Lavergne), mais plus encore celle du député de Saint-Sauveur (M. Langlois) qui a passé sa vie dans les milieux ouvriers et doit par conséquent connaître leurs besoins mieux que personne. Du reste, dans ce bill nous n'avons fait autre chose que ce qui a été demandé par les syndicats ouvriers eux-mêmes, c'est-à-dire par le Congrès des métiers et du travail du Canada.

Il dit qu'il ne peut être plus catholique que le pape. Il est vrai que les ouvriers ne demandaient de ces bureaux de placement que dans les villes de plus de 75,000 âmes. Mais ceci n'aurait permis de n'en installer qu'à Montréal et à Québec. Le gouvernement a pensé qu'il valait mieux faire bénéficier de cette loi des villes comme Trois-Rivières, Sorel, Sherbrooke ou Valleyfield. Il y aura des bureaux dans toutes les villes où cela sera nécessaire. Les surintendants et les employés de ces bureaux seront des ouvriers, parce qu'ils sont les mieux qualifiés, mais il faut bien que le gouvernement en garde la direction. Nous ne pourrions en outre ouvrir ces bureaux à d'autres qu'à des sujets britanniques et nous ne suivrons en cela que la règle établie dans des établissements analogues aux États-Unis. Il croit qu'il n'y a pas de mal à faire passer les nôtres avant eux.

Dans la métropole, on sera forcé de limiter aux ouvriers les opérations des bureaux, mais dans les autres villes ils pourront s'occuper du placement des servantes et autres employés. Du reste, nous n'entendons pas abolir les autres bureaux de placement, mais nous voulons les contrôler tout simplement. De telle sorte que finalement le gouvernement peut se donner la main, se certifiant d'avoir établi une excellente mesure.

M. Lavergne (Montmagny) admet qu'il est favorable à l'exclusion des immigrants.

La proposition est adoptée sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

Nouveau district judiciaire de Montcalm

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 8 établissant un nouveau district judiciaire et amendant les statuts refondus, 1909, et le code de procédure civile soit maintenant lu une deuxième fois.

Nous demandons tout d'abord un deuxième juge pour le district d'Ottawa. En ce qui concerne le district judiciaire que nous voulons établir, il est nécessaire d'y construire un palais de justice. Le district comprendra le nord du comté d'Ottawa et le nord du comté de Montcalm, avec chef-lieu à Mont-Laurier, autrefois nommé rapide de l'Orignal.

La fondation du nouveau district nécessitera l'émission de $40,000 de débentures remboursables par les taxes judiciaires. Les bornes définies n'en seront connues que plus tard. Cette région du nord d'Ottawa et du nord de Montcalm est habitée par une population courageuse et prospère, se chiffrant à 40,000 âmes; elle renferme des localités d'avenir, comme la Ferme-Neuve et Nominingue. Mais nous avons choisi Mont-Laurier parce qu'elle était plus populeuse, avec ses 1,600 habitants. Il était injuste de leur faire parcourir 300 milles pour aller plaider à Hull en passant par Montréal.

M. Tellier (Joliette) voit que cette loi tend à la décentralisation. Conséquemment, il ne peut qu'en approuver le principe, se réservant de se prononcer sur les détails lorsqu'on l'étudiera en comité général.

M. Plante (Beauharnois) demande au premier ministre s'il n'a pas reçu des requêtes du nord du comté de Terrebonne à ce propos.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Non, car si nous en avions reçu, nous y aurions certes fait droit.

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.

Compagnies minières

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 6 amendant les statuts refondus, 1909, concernant les compagnies minières soit maintenant lu une deuxième fois.

Cet amendement est une formalité concernant la procédure à suivre lorsqu'une compagnie étrangère change le nom de son bureau-chef et souhaite poursuivre ses activités dans la province de Québec.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

L'article 1 est amendé en ajoutant à la fin dudit article les mots "dépôt de cette gazette et transcription de l'avis doivent être faits en la manière prescrite par l'article 6756".

L'article 2 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Cour de circuit du district de Montréal

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 14 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la Cour de circuit pour le district de Montréal soit maintenant lu une deuxième fois.

Il parle des plaideurs montréalais qui doivent attendre 18 mois avant d'être admis en Cour de circuit sur des litiges de moins de $100 et qui attendront bientôt deux ans, si ça continue. Les nouveaux juges ont été demandés pour que la cour puisse fonctionner.

M. Tellier (Joliette): Ce ne sont pas des juges de la Cour de circuit que l'on met à un degré plus bas que ceux de la Cour supérieure que je voudrais, mais des juges de la Cour supérieure siégeant à la Cour de circuit, ce qui en ferait six nouveaux en tout. De cette façon, Montréal serait sur le même pied que tous les autres districts de la province et reviendrait à son ancien système.

M. Perron (Gaspé): Le travail accompli par les juges montréalais actuellement est presque surhumain. La Cour supérieure est aussi congestionnée que la Cour de circuit. Je soutiens qu'en maintenant la Cour de circuit, qu'on appelle la justice du pauvre, nous contribuons à diminuer le nombre des causes. Au reste, c'est le système suivi dans Ontario. Les juges de la Cour supérieure, qui sont des hommes après tout, négligeraient les petits procès. Nous en avons eu des exemples sous l'ancien système cher au chef de l'opposition (M. Tellier).

Ce système a jadis été en force à Montréal, et ce n'est pas pour rien qu'on l'a changé, car les juges dédaignaient les causes de la Cour de circuit pour ne s'occuper que de la Cour supérieure et les plaideurs de la Cour de circuit avaient à attendre des années pour voir juger leurs causes. Ce système a été mis de côté il y a une dizaine d'années parce qu'il avait donné lieu à des abus criants. Des causes de $25 durent attendre 11 ans. Je crois qu'avec les trois nouveaux juges proposés par le gouvernement et les mesures que j'ai présentées moi-même afin d'abréger les procédures les procès seront plaidés au bout de 11 jours.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La jurisprudence sera bien plus uniforme avec six juges de la Cour de circuit dans les petites causes qu'avec 30 juges de la Cour supérieure.

Il dit que les juges de la Cour supérieure n'aiment pas siéger à la Cour de circuit et que le système par lequel des juges sont attitrés spécifiquement aux petites causes fonctionne bien et répond aux désirs des membres du barreau. Il est d'accord pour que les juges de la Cour de circuit reçoivent le même salaire et la même pension que les juges de la Cour supérieure, mais qu'il s'agit là d'une question relevant du gouvernement fédéral.

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: 1. Qu'une somme n'excédant pas neuf mille neuf cent vingt piastres et soixante-quatorze centins soit accordée à Sa Majesté pour payer les frais d'administration de la dette publique, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

2. Qu'une somme n'excédant pas mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le traitement de l'Orateur du Conseil législatif, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

M. Lavergne (Montmagny) demande des détails sur l'administration interne du palais législatif. Il s'informe du coût de la papeterie, du salaire des laveuses, des messagers.

La proposition est adoptée.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: 3. Qu'une somme n'excédant pas treize mille huit cent onze piastres et cinquante centins soit accordée à Sa Majesté pour payer les traitements, dépenses contingentes, etc., du Conseil législatif, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

4. Qu'une somme n'excédant pas mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le traitement de l'Orateur de l'Assemblée législative, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

5. Qu'une somme n'excédant pas soixante neuf mille deux cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les traitements, dépenses contingentes, etc., de l'Assemblée législative, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

6. Qu'une somme n'excédant pas six cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses contingentes des élections, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

7. Qu'une somme n'excédant pas huit cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le traitement du greffier de la couronne en chancellerie, pour l'année financière finissant le 30 juin 1911.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées.

La séance est levée à 11 heures.

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NOTES

 

1. Selon Le Quotidien de Lévis, journal libéral, cette approbation d'Armand Lavergne causa un certain malaise sur les banquettes de la gauche. Cette affirmation prête à caution.

2. Cette intervention tirée du Star fait référence au Food Act du gouvernement fédéral. Il s'agit sans doute de la Loi des inspections et de la vente adoptée en 1906 et figurant au chapitre 85 des statuts révisés du Canada.

3. Cet échange provient de La Vigie, un journal libéral, et l'intervenant est un député conservateur. Nous ne sommes pas certain que ces paroles ont été prononcées par le député de Maskinongé.

4. M. Devlin prononce son discours en anglais.