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Version finale

12e législature, 2e session
(15 mars 1910 au 4 juin 1910)

Le jeudi 28 avril 1910

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 3 heures.

 

Présentation de pétitions:

Une pétition est présentée devant la Chambre.

 

Rapports de comités:

M. Tessier (Trois-Rivières): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le seizième rapport du comité permanent des bills privés.

Voici le rapport:

Votre comité a examiné les bills suivants auxquels il a fait certains amendements qu'il soumet à la considération de votre honorable Chambre:

- bill 60 amendant la charte de la ville de Montcalm;

- bill 132 constituant en corporation The Soulanges Power Company.

Votre comité a examiné aussi les bills suivants et a l'honneur de les rapporter sans amendement:

- bill 98 constituant en corporation Donald Fraser and Sons Limited;

- bill 126 ratifiant une convention intervenue entre les représentants de la succession Charles-Auguste-Maximilien Globensky et dame Marie-Joséphine Pelland.

 

Dépôt de documents:

M. l'Orateur dépose sur le bureau de la Chambre l'état des affaires de l'Hôtel-Dieu de Nicolet pour l'année 1908-1909. (Document de la session no 23)

Paroisse de Saint-Paul, comté de Joliette

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande la permission de présenter le bill 25 pour remédier à la perte de certains registres de l'état civil pour la paroisse de Saint-Paul, dans le comté de Joliette.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Bureaux de placement pour les ouvriers

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie), que la Chambre adopte les amendements faits en comité général au bill 15 relatif à l'établissement de bureaux de placement pour les ouvriers.

Adopté sur division.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre concourt dans les cinq résolutions rapportées du comité des subsides et lues pour une première et une deuxième fois le 26 avril courant.

M. Prévost (Terrebonne) croit qu'il y a un item de quelques milliers de piastres pour nos bureaux d'immigration, c'est très bien, à condition que cet argent soit bien employé.

Il veut qu'il y ait plus de relations, du moins des relations plus efficaces, entre le département de l'Immigration d'Ottawa et le ministre qui s'en occupe ici, le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin), et ce, afin afin que les immigrants français et belges soient interviewés lorsqu'ils arrivent à Québec et qu'ils ne soient pas expédiés en un instant dans l'Ouest.

Il doit y avoir une exposition à Bruxelles. Le ministre (l'honorable M. Devlin) s'est plaint lui-même de la façon dont la province avait été traitée à Liège. La littérature qui était destinée à faire connaître la province a été reléguée de parti pris dans les caves du pavillon canadien par le commissaire, M. Hutchison. Verra-t-on se renouveler le même scandale à Bruxelles?

Il demande au gouvernement de voir à ce que pareille chose ne se répète pas. Il dénonce ce qu'il appelle un détournement. Il dit que les brochures imprimées à même les crédits accordés aux sociétés de colonisation sont destinées à avoir le sort de celles qui ont été envoyées à l'exposition de Liège.

M. Plante (Beauharnois) attire l'attention, lui aussi, sur le défaut d'entente qui semble exister entre les autorités fédérale et provinciale, et qui fait que la province est encore inconnue en Belgique. Ce pays peut fournir à la province l'immigration dont elle a besoin. Mais il faudrait qu'il y eût quelque chose d'organisé, que les immigrants belges, en débarquant, trouvent quelqu'un qui s'occupe d'eux et que, de l'autre côté de l'océan, il y eût entente entre les autorités fédérale et provinciale. La province de Québec est restée en arrière depuis quelques années. Il n'y a pas de raison pour que la province ne soit pas aussi connue que les provinces de l'ouest. Les brochures sur la province devraient être aussi largement diffusées que celles d'Ontario.

M. Prévost (Terrebonne) dépeint les paysans bretons comme plus naturellement chez eux au Québec que dans tout autre partie du dominion.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) dit qu'il attache une grande importance aux suggestions qui lui sont faites. J'encourage personnellement l'immigration des servantes et j'ai averti les gens qui sont chargés de voir à ce service, les bureaux provinciaux de Montréal, d'en prendre le plus grand soin. D'ailleurs, elles amènent souvent ensuite leurs familles, ce qui est un avantage pour l'immigration.

Quant à l'exposition belge, lors de son dernier voyage en Europe l'hiver dernier, il s'est entretenu avec MM. Hutchison et Côté, fonctionnaires du pavillon canadien. Il prend la défense de M. Thomas Côté, qu'il croit un patriote.

J'ai pris des mesures pour que la coopération prise par la province ne soit pas perdue et qu'elle soit avant tout propre à attirer au Canada, dans la province surtout, un nombre considérable d'immigrants.

Nous y enverrons de la littérature en conséquence, dont une brochure actuellement préparée donnant en détail nos ressources innombrables. En quoi consistera précisément cette littérature? Il ne saurait trop le dire. Il s'agit d'un livre traitant des bois, des mines, des forêts et de l'agriculture dans la province.

M. Lavergne (Montmagny) demande si Alexandre Girard sera l'auteur de cet ouvrage.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Peut-être que oui, peut-être que non.

Il admet que la province n'a pas la place qui lui est due dans le pavillon canadien de Bruxelles.

Il ne reviendra pas sur les explications qu'il a fournies l'autre jour sur ces $1,200 dépensés jusqu'au dernier centin. Il fera tout son possible pour faire un succès de la représentation de la province à cette exposition. Depuis son retour, il a aussi fait des représentations auprès des autorités à Ottawa, pour que l'on accorde plus d'attention à la distribution de la littérature publicitaire sur le Québec et pour qu'elle ne soit pas laissée de côté comme cela s'est produit à l'exposition de Liège.

Il exprime les bons sentiments qu'il a pour les Belges et les Français, et combien il désire les voir immigrer vers nos plages.

Il termine par un tableau de l'alliance indissoluble qui unit le sang irlandais et le sang français.

M. Lavergne (Montmagny) espère que la littérature de la province sera distribuée cette année à l'exposition de Bruxelles et qu'on ne la cachera pas pour favoriser l'immigration dans l'Ouest. Il espère bien que les ouvrages qu'on va répandre là-bas pour populariser la province ne contiendront plus de réclames en faveur de compagnies louches où les naïfs vont engloutir leur argent; aussi, que cette littérature n'absorbera pas les crédits votés pour l'immigration, comme les feuilles ministérielles absorbent ceux des sociétés et des chemins de colonisation.

Il s'attaque à la façon dont les comptes publics sont tenus.

Il résume les reproches que l'on a faits au ministre de la Colonisation au sujet de l'emploi des fonds de son département. Il accuse le trésorier provincial de tromper la Chambre et la province. Sur les $4,000 à être accordés aux sociétés de colonisation de Québec et de Sherbrooke, une partie de cette somme fut détournée. La société de Québec a reçu $1,859, et $1,248 ont été détournés. Ils ont été dépensés pour certains favoris ministériels en annonces et en paperasses.

Ces sommes ont été dépensées avec les crédits généraux du département. Or ces crédits ont soldé des frais de toutes sortes. Ainsi, l'argent des sociétés de colonisation peut avoir été employé à payer l'achat du livre de M. Bellerive, L'Orateur canadien-français, ou les impressions exécutées par M. A.-P. Pigeon, du Canard, ou M. Marchand, du Canada français. Le gouvernement doit dépenser l'argent pour les fins spécifiées.

Il propose en amendement, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants: "tout en concourant dans ces résolutions, cette Chambre regrette que sur le crédit de $4,000 voté pour sociétés de colonisation, pour l'exercice financier expiré le 30 juin 1909, le gouvernement ait détourné une somme de $1,248.80 pour l'employer à d'autres fins, et qu'il n'ait pas rendu compte dans les comptes publics de cette province de l'emploi véritable de cette somme de $1,248.80."

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) ne veut pas prendre au sérieux les accusations portées par l'opposition sur ce chapitre. Ces accusations ne peuvent tenir debout un instant et ceux qui les formulent ne peuvent être sérieux. Il est sûr que la Chambre ne leur prêtera pas attention. Aucun membre de la Chambre ne prendra les déclarations du député de Montmagny (M. Lavergne) au sérieux.

Il a dit, ou presque, qu'il y a eu agissements criminels dans la façon dont les comptes publics ont ét tenus et, pourtant, il a été démontré maintes et maintes fois que les dépenses auxquelles il fait référence ont été comptabilisées jusqu'au dernier sou.

Nous n'avons pas essayé de détourner l'argent ni de tromper la Chambre. Il lit une section des statuts refondus où il est précisé que les détails des dépenses doivent apparaître dans les rapports des divers services publics et que le rapport des comptes publics doit être fondé sur ceux-ci. C'est ce que nous avons fait. Les montants figurent dans les comptes publics et les détails se trouvent dans les rapports du département de la Colonisation.

Le député de Montmagny a déclaré que les montants votés et non dépensés doivent retourner au Trésor public. Ce n'était pas le cas avant la fin de l'année financière, le 30 juin. Depuis cette date, ces montants sont mis à la disposition des ministres et chefs des départements qui peuvent les dépenser en fonction des besoins des services publics.

Et la question étant posée: Que cette Chambre adopte cet amendement, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier,14.

Contre: MM. Allard, Benoît, Bissonnet, Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Daigneault, D'Anjour, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Dupuis, Finnie, Francoeur Gaboury, Geoffrion, Gosselin, Gouin, Hay, Kaine, Kelly, Lafontaine (Berthier), Langlois (Saint-Sauveur), Leclerc, Lesieur Desaulniers, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Petit, Pilon, Robert, Robillard, Séguin, Tanguay, Taschereau, Tessier, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, 49.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale est alors soumise et résolue dans l'affirmative. Les résolutions sont adoptées.

M. Francoeur (Lotbinière) demande la lecture des noms des députés qui ont voté1.

M. Plante (Beauharnois): Ce sera pour une autre fois.

Heures de travail des femmes et des enfants

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 17 relatif aux heures de travail des femmes et des enfants dans certaines manufactures soit maintenant lu une deuxième fois.

La province vit présentement à une époque de développement industriel important. L'industrie se développe au Canada avec une telle intensité que la question ouvrière doit être étudiée de très près et d'une façon continue. À cause du mouvement de population vers les villes, de nouveaux problèmes ont surgi.

Cette mesure serait très bénéfique pour la province. Cela signifierait la fin de l'émigration vers les États-Unis. Les jeunes Canadiens français quittent la province pour aller dans les États de la Nouvelle-Angleterre, parce que les conditions de travail dans les manufactures au-delà des frontières sont meilleures que dans les établissements du Québec. On espère que l'entrée en vigueur d'une réduction des heures de travail mettra fin à l'exode hors de la province.

On considère que le bien-être physique et moral de ces employés est d'une grande importance et on reconnaît que des mesures doivent être prises pour améliorer leurs conditions de travail. Une des questions premières à étudier est certainement celle des femmes et des enfants dans certaines manufactures. Il estime qu'on doit protéger les femmes et les enfants contre l'âpreté du gain, non seulement des manufacturiers mais de leurs propres parents. Pour passer une loi raisonnable, il faut être appuyé par l'opinion publique. Cette opinion existe aujourd'hui.

Il adresse des compliments aux unions ouvrières pour ce qu'elles ont fait pour la classe ouvrière et il dit que le gouvernement est heureux chaque fois qu'elles apportent leur aide dans la recherche de solutions aux problèmes industriels. Il faut louer le bon esprit des unions ouvrières, surtout de celles qui ne reçoivent pas leur direction du dehors.

La loi actuelle limite à 60 par semaine le nombre d'heures de travail des femmes et des enfants dans les filatures, mais sans limiter le nombre d'heures de travail dans un seule journée. Il en résulte que, pour avoir leur congé du samedi après-midi, les femmes et les enfants travaillent 11 et même 12 heures par jour.

Depuis 1906, les ouvriers des filatures se sont plaints de la longueur des heures de travail des femmes et des enfants. Des plaintes sont parvenues au gouvernement, venant d'abord de la filature de Magog et ensuite de celle d'Hochelaga. En janvier 1907, la Fédération des ouvriers textiles demandait que la durée du travail fût réduite de 60 à 58 heures. D'autres associations ont demandé la réduction de 60 à 58 heures. D'autres insistèrent pour obtenir tout de suite la semaine de 55 heures. Ceux-ci ont raison, seulement, il ne serait pas sage d'accomplir la réforme tout d'un coup.

Il cite des chiffres qui établissent que, dans la plupart de ces filatures, les trois quarts des employés sont des femmes, des filles et des enfants. Il est donc important de légiférer sans tarder pour faire cesser les plaintes légitimes qui ont été formulées par les organisations ouvrières. Cela réduirait nécessairement les heures de travail des hommes également.

En jetant un coup d'oeil sur la législation du travail, on voit que c'est en France que le mouvement de limitation des heures de travail a commencé; en 1892, on a limité les heures de travail des femmes et des enfants dans ce pays, dans les manufactures de quatre départements, à 10 heures par jour.

Il dit qu'il est en faveur de la réduction de la présente semaine de travail de 60 heures à 55 heures et que des dispositions avaient été prises à cet effet dans le bill, au début. Il a cependant pensé qu'il serait préférable d'obtenir l'opinion de toutes les parties intéressées avant de présenter ce bill. Les patrons lui ont représenté qu'un changement aussi radical causerait un tort considérable à leur industrie. Après avoir considéré tous les aspects de la question, on a pensé qu'il serait préférable d'établir à 58 le nombre d'heures de travail par semaine, avec une demi-journée de congé le samedi. Les manufacturiers méritent quelques égards.

Il ne peut faire plus pour l'instant, étant donné l'active concurrence des États-Unis, de l'Angleterre et des autres provinces. Ces dernières s'en tiennent encore aux 60 heures. Dans les divers États de l'union américaine, la durée varie entre 58 et 60. Il n'y a que deux États où elle soit de moins de 58, ce sont les États de New York et de New Jersey. Ils se contentent de 55 heures. Il eût dont été dangereux de réduire d'un seul coup ce nombre à 55 heures, comme la chose a été proposée. Certaines filatures menaçaient même de déménager de l'autre côté de la frontière. Il faut attendre que les autres provinces fassent aussi quelque chose. Québec est la première à réduire la semaine à moins de 60 heures.

L'industrie du coton doit être sérieusement prise en considération lorsqu'il est question de législation. La Dominion Textile Co. a payé en salaires, l'an dernier, $1,473,000 et a produit pour $8,213,000. Il n'est pas souhaitable d'exposer l'industrie à de sérieux désavantages. Comme il est entendu que les patrons ne réduiront pas les salaires par suite de cette réduction d'heures de travail, chose qui amènerait une grève, la diminution relative du rendement du travail va coûter $50,000 à nos filatures de laine et de coton2.

Il est admis qu'un ouvrier fait autant de besogne dans neuf heures que dans 10. Mais il prétend que l'expérience ne s'applique pas à l'industrie textile. Il explique que, jusqu'aujourd'hui, le patron pouvait répartir sur quatre ou cinq jours de 60 heures du travail de la semaine. Le projet qu'il soumet à la Chambre assigne pour chaque jour un travail maximum de 10 heures et demie par jour, que les ouvriers pourront réduire s'ils préfèrent travailler le samedi après-midi. La journée ne pourra commencer avant 6 h 30 du matin.

On comprend que, pour des femmes et des enfants, commercer le travail à 6 heures du matin, aller jusqu'à 6 heures du matin, avec intermission de une heure le midi, c'est trop. Nous voulons d'abord leur sauver une demi-heure le matin. Ensuite, quand le temps sera propice, nous essaierons d'obtenir que la journée commence à 7 heures, soit un total de 55 heures la semaine.

En réalité, cette loi consacre donc la journée de 10 heures. De plus, elle est conforme aux idées émises autrefois par l'honorable M. Mackenzie King dans son rapport sur les manufactures textiles.

La loi ne s'applique qu'aux filatures de laine et de coton, parce que ce sont les seuls établissements où la semaine de 60 heures est de règle et que les requêtes des unions ouvrières ne visaient à apporter des changements que dans ces établissements. Si les ouvriers de toute autre industrie font valoir que des améliorations à leurs conditions de travail sont nécessaires, le gouvernement se penchera sur la question.

Il tient pour acquis que les conditions de travail dans les fabriques de cigares, de tabac, de souliers et autres sont satisfaisantes, tout comme dans les buanderies et établissements similaires où les employés sont souvent des femmes et des enfants.

Aucun enfant âgé de moins de 14 ans ne pourra être employé. Le bill interdit le travail dans les fabriques des enfants de 14 à 17 ans qui ne savent pas lire et écrire. Jusqu'aujourd'hui, ces enfants étaient astreints à fréquenter l'école du soir, mais l'expérience a prouvé que la loi était sur ce point illusoire. Les parents doivent présenter aux inspecteurs une preuve de l'âge des enfants, ainsi qu'une preuve de leur habilité à lire et à écrire, ou encore, les enfants doivent passer un examen.

Le bill prohibe à toute personne ou à toute personne en charge d'un théâtre, d'une salle de vues animées où il est donné des spectacles au moyen du cinématographe ou d'établissements de ce genre et, dans le cas d'une compagnie, à tout gérant ou autre personne en charge de l'établissement, de faire jouer ou chanter dans tels théâtres, salles ou établissements des enfants âgés de moins de 15 ans révolus. Cette dernière clause ne s'applique pas aux maisons d'éducation ni aux représentations organisées dans un but charitable. Ceci pour la morale. On estime qu'il est dangereux pour les enfants de travailler dans de tels endroits.

Je ne saurais trop féliciter le député de Beauharnois (M. Plante) du trouble qu'il se donne depuis des années en faveur de la réduction des heures de travail et du dévouement dont il a toujours fait preuve à l'égard des ouvriers des filatures.

Nous ne traitons pas une question politique, et les bonnes suggestions, d'où qu'elles viennent, sont les bienvenues. Il est entendu, je le répète, que cette loi n'en est qu'à son début et que nous l'améliorerons constamment, sachant la position que l'élément ouvrier occupe dans la province de Québec. La grandeur de notre avenir national dépend dans une trop large mesure de la santé de nos ouvriers pour que nous ne leur tendions pas la main. Le gouvernement sera toujours prêt à les protéger.

Il félicite encore le député de Beauharnois (M. Plante) pour les conseils qu'il a donnés sur les problèmes industriels.

M. Plante (Beauharnois) croit la question vitale pour tous. Il s'est toujours intéressé aux ouvriers dont il a contribué à améliorer le sort.

Il est pour qu'une loi soit passée, l'an dernier il a réussi à faire adopter par la Chambre des résolutions importantes concernant la protection des femmes et des enfants employés dans les usines.

Il est heureux de constater que le gouvernement a agi dans ce sens en déposant le bill du ministre des Travaux publics et du Travail (l'honorable M. Taschereau) et il est flatté d'avoir été le premier à suggérer une réforme semblable.

Aujourd'hui, le ministre des Travaux publics et du Travail nous arrive avec un projet de loi qui veut que, dans les filatures de coton ou de laine, les garçons au-dessous de 18 ans, les enfants, les filles et les femmes ne puissent être admis à travailler pendant plus de 10 heures dans une même journée, ni pendant plus de 58 heures dans une même semaine. Il est cependant permis au chef d'établissement de répartir les heures de travail dans le but unique d'abréger la journée du samedi pour donner un congé aux ouvriers. La journée ne doit pas commencer avant 6 h 30 du matin ni se terminer après 9 heures du soir; elle ne peut dépasser 10 heures et demie.

Cette question est d'une importance vitale pour l'avenir de notre race; pour une race forte et féconde il faut veiller avec un soin jaloux sur la santé des enfants et des femmes qui travaillent dans nos usines.

Si les hommes faisant partie du travail syndiqué réclament la journée de huit heures, combien à plus forte raison les femmes et les enfants ont-ils le droit d'exiger de nos législateurs de légiférer pour réduire leur journée de travail à un maximum de 10 heures. L'usage veut que, le samedi après-midi, les ouvriers chôment dans ces filatures.

Or en commençant, comme ils le font actuellement, à travailler à 6 heures du matin jusqu'à 6 heures du soir, avec une heure pour le lunch, les femmes et les enfants fournissent une journée de 11 heures.

Il qualifie la loi actuelle d'inhumaine. C'est l'esclavage blanc. Il nie que Québec ait donné l'exemple à ce sujet.

Il vaudrait que l'on adopte ici la loi qui a été mise en force le 1er janvier 1910 dans l'État du Massachusetts, où se trouvent le plus grand nombre des filatures de la Nouvelle-Angleterre, réduisant à 55 heures la semaine de travail des femmes et des enfants, et décrétant que le travail ne peut commencer avant 7 heures du matin.

Le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) avait dit que le Massachusetts n'était pas sous le régime des 55 heures. Or ce régime y est en vigueur depuis le 1er janvier 1910. New York a déjà cette loi, Quant aux provinces canadiennes, elles ne sauraient entrer en ligne de comparaison puisque Québec est la seule province où l'industrie textile ait pris quelque développement, avec ses 14,000 ouvriers et ses $15,000,000 de capitaux investis.

La réduction à 58 heures est insuffisante. Une réduction de deux heures, c'est quelque chose, mais ce n'est pas assez. C'est ce que laisse entendre le Canada, ce que proclame le Pays. Dans ce dernier journal on lit que la réforme, pour être sérieuse, aurait dû réduire à 55 heures les heures de travail.

À nous d'attacher le grelot. Il ne s'Écoulera pas deux années avant que les autres provinces ne nous suivent. Le ministre du travail à Ottawa, M. Mackenzie King, dans un rapport a précisé que les heures de travail des femmes et enfants ne devraient pas excéder 56 heures par semaine.

Les patrons mêmes ne sont pas si opposés à la réduction. Ainsi, il y a à Trois-Rivières une filature, la Wabasso Cotton Co., fondée et dirigée par un gérant très compétent, M. Whitehead, qui donne la semaine de 55 heures, avec ouverture à 7 heures du matin; et elle n'en est pas plus mal. Les directeurs de la compagnie sont satisfaits. Ils se plaignent bien plus de la politique du gouvernement fédéral qui ne les protège pas assez contre les importations étrangères.

Il existe une lacune dans le projet du ministre des Travaux publics. Ainsi, pour déterminer l'âge de l'enfant entrant dans la filature, on se basera sur un certificat des parents. Il serait autrement sûr d'exiger un extrait de naissance.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) adopte cette suggestion.

M. Plante (Beauharnois) est heureux de voir que le ministre du Travail a donné suite à la résolution qu'il a fait adopter en mai dernier en faveur de ce projet. Il étudiera spécialement ce dossier de la réduction de la journée de travail dans les filatures.

M. Bissonnet (Stanstead) félicite le gouvernement pour cette mesure. La réduction des heures de travail qu'on se propose de faire, dans un premier temps, est statisfaisante.

Quant à la manufacture aux Trois-Rivières à laquelle le député de Beauharnois (M. Plante) fait référence, les conditions de travail y sont différentes des autres manufactures de la province, parce qu'une autre classe de produits y est manufacturée.

Il reconnaît la justice des observations faites par les patrons. Il est d'opinion qu'il faudrait également réduire les heures de travail des hommes.

M. Langlois (Saint-Sauveur) est fier de voir qu'on s'occupe encore aujourd'hui d'une question concernant la classe ouvrière. J'ai étudié moi-même cette question en compagnie de quelques collègues et j'ai reconnu que le travail dans les manufactures est pénible à de nombreux points de vue. Je l'ai étudiée tant au point de vue humanitaire qu'au point de vue économique.

Est-il humain de laisser travailler des femmes et des enfants de 6 heures du matin à 6 heures du soir dans une atmosphère de 95 degrés de chaleur humide? Les inspecteurs du gouvernement, M. Mitchell et Mme King, trouvent les heures de travail trop longues, comme on peut voir par leurs rapports. Mme King suggère que le gouvernement amende la loi de façon à empêcher le travail des femmes et des enfants dans les manufactures avant 7 heures du matin. Il cite le rapport de Mme King disant que le travail débutant avant 7 heures du matin est nuisible à la santé des femmes et des enfants, et généralement sous tous les rapports.

Il cite plusieurs discours d'hommes d'État anglais qui prétendent que limiter le nombre des heures de travail des ouvriers est de nature à empêcher la décadence de la race. L'avenir repose en grande partie sur la vigueur des mères et des enfants. Les économies de tous les pays condamnent le travail des enfants trop jeunes et les journées trop longues. Cela met en danger le bien-être physique et moral des ouvriers et présente une menace pour la province, parce que cela entraîne la dégénérescence de la classe ouvrière. Du reste, nombre de patrons sont d'avis que le travail intensif ne produit pas de bons résultats dans les manufactures de coton.

Il lit une lettre d'une jeune fille, Anna Dubé, qui a longtemps travaillé dans les filatures - durant 10 ans - et qui le prie d'appuyer le projet de loi du gouvernement. Lorsqu'elle travaillait dans les filatures, elle devait se lever à 5 heures ou 5 h 30 a.m. afin de pouvoir gagner son ouvrage à temps. Elle exprime son contentement d'être entrée dans la manufacture de chaussures du député de Saint-Sauveur (M. Langlois).

Les rapports faits au gouvernement étaient en faveur de la semaine de 55 heures. Il ne partage pas l'avis du ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau). L'exemple de la Wabasso Cotton Co. prouve que les filatures de la province peuvent fort bien subsister avec des ouvriers travaillant 10 heures les jours ordinaires et cinq heures le samedi. Pourquoi donc les manufactures établies sur le même pied n'agiraient-elles pas ainsi? Elles n'ont aucune raison plausible les empêchant.

Il regrette que l'on s'occupe généralement si peu de l'amélioration du sort des femmes et des enfants qui sont obligés de gagner leur vie.

Depuis 1900, les fabricants de chaussures ont dû augmenter de beaucoup le salaire de leurs hommes. Ils ont menacé de partir, mais sont restés. Il en serait de même des propriétaires de filatures. C'est généralement un vulgaire faux-fuyant auquel on se laisse prendre. Voyez cette compagnie de Trois-Rivières dont on a parlé, qui accord actuellement la semaine de 55 heures. Elle le fait parc qu'elle y est obligée. Les autres en feront autant quand le gouvernement l'exigera. En thèse générale, les manufacturiers sont favorables à une longueur modérée de la journée de travail. Leur organe, l'Industrial Canada, en fait foi. Le secrétaire de ce périodique, M. Murphy, s'est déclaré en faveur de la semaine de 55 heures.

Il proposera un amendement en vue de réduire à nouveau les heures de travail lorsque le bill sera présenté en troisième lecture.

M. Lavergne (Montmagny) propose que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 h 30

The Montreal Underground and Elevated Railway Company

M. Finnie (Montréal no 4) propose, appuyé par le représentant de Saint-Jean (M. Marchand), que la Chambre adopte les amendements faits en comité général au bill 89 constituant en corporation The Montreal Underground and Elevated Railway Company.

M. Prévost (Terrebonne): La concurrence qu'on fait miroiter aux yeux des députés n'est qu'un leurre, une leurre que l'histoire de la Montreal Street illustre jusqu'à l'évidence. Un grand nombre, de chartes qui ont été accordées par la législature n'ont été utilisées qu'à des fins spéculatives. Nous avons toutes les raisons de croire que l'Underground Company ne veut s'assurer d'une charte que pour faire de la spéculation. C'est une "bagus company". Les compagnies qui n'ont pas de capital et qui demandent des chartes et des pouvoirs à la législature sont pour la plupart l'oeuvre de faiseurs, qui n'ont d'autre objet que de monter des "schemes" pour voir tomber à un certain moment quelques louis dans leur gousset. En arrière de tous ces spéculateurs on retrouve toujours les clients de certains bureaux d'avocats importants de Montréal.

Et qu'on ne dise pas qu'on laisse à Montréal la faculté de choisir. Les promoteurs de l'Underground qui n'ont rien à perdre et tout à gagner vont offrir à Montréal des avantages qui vont leur valoir l'octroi du permis, puis, ne pouvant remplir les conditions onéreuses qu'ils auront acceptées, ils vendront leurs privilèges et leur charte à la Montreal Street.

Le principal argument apporté en sa faveur consiste dans le fait qu'il vaudrait mieux que trois compagnies se présentent à la fois devant le conseil de ville de Montréal.

Une compagnie aussi peu sérieuse que l'Underground n'aura-t-elle pas intérêt à faire n'import quelle concession dans l'unique but de tuer la Montreal Street et la Suburban?

Le choix de la compagnie ne dépend pas de la population de Montréal. C'est le conseil de ville qui doit prendre une entente avec la compagnie. Le comité des chemins de fer a inséré une clause pour éviter que la question ne soit soumise au peuple, et l'entente prise par le conseil pourrait ne pas répondre à ses souhaits. Ce sera un pauvre argument lorsqu'elle demandera aux capitalistes de Londres l'appoint de leur argent.

Il revient ensuite au bill et déclare qu'il ne contient aucun détail. Il faudrait que la compagnie précise l'endroit où elle a l'intention de construire les chemins de fer souterrains. La compagnie ne s'est pas conformée aux règlements de la Chambre à cet égard.

Il cite un passage de Bourinot selon lequel toutes les compagnies de chemins de fer, téléphone et télégraphe qui font une demande d'incorporation doivent soumettre au greffier du comité des chemins de fer un plan montrant la route qu'on se propose de prendre, une semaine avant que le bill ne soit étudié en Chambre.

C'est presque une charte en blanc que la compagnie demande. Non seulement la compagnie n'a pas présenté de plan, mais elle n'a fourni aucun détail quant au choix des routes, etc., dans Gazette officielle de Québec.

Il se réfère aux statuts pour démontrer que des détails de ce genre doivent être fournis dans l'avis concernant le bill. Il cite également une section des statuts selon laquelle le bill doit préciser quel sera le capital à investir et quelle seront les garanties.

Ce bill est absolument hors d'ordre. Les députés de la Chambre sont trop pressés de lancer le mot "adopté" et ne cherchent pas à savoir si les mesures qu'ils ont votées sont conformes aux règles.

Il lit ensuite le bill clause par clause et critique les propositions de la compagnie.

Les membres de la commission des chemins de fer ont accordé à l'Underground des pouvoirs dont ils n'ont pas même l'idée: droits de passage, d'expropriation et d'exploitation dans un rayon de 100 milles autour de Montréal, c'est-à-dire jusque dans la province d'Ontario. C'est inconstitutionnel. Ce bill nous mettrait en conflit avec les autorités fédérales, et aucun plan ni détail n'a été demandé.

Il soulève donc le point d'ordre suivant:

1. Que la Chambre ne peut pas concourir dans les amendements faits en comité général audit bill 89 ni procéder aux autres phases parce que ce bill est hors d'ordre, les plans des routes du chemin de fer souterrain que les promoteurs veulent être autorisés à construire n'ayant pas été produits devant le comité des chemins de fer, conformément au second paragraphe de la troisième section de la 57e règle de cette Chambre. Qu'en conséquence ce bill devrait être de nouveau renvoyé au comité des chemins de fer.

2. Que toutes les dispositions de ce bill ne sont pas couvertes par les avis. Qu'en conséquence le bill devrait également être renvoyé au comité des ordres permanents.

M. l'Orateur (M. Delâge, Québec-comté) informe le représentant de Terrebonne (M. Prévost) que le temps alloué à l'étude des bills privés est écoulé. Il est 9 h 30. Il demande au député de Terrebonne s'il veut que l'on règle ce point d'ordre tout de suite.

M. Prévost (Terrebonne): Eh bien, je n'ai pas terminé! Il y a plusieurs points sur lesquels j'aimerais que l'on discute.

Il propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Heures de travail des femmes et des enfants

La Chambre reprend le débat sur la motion présentée par le député de Montmorency pour la deuxième lecture du bill 17 relatif aux heures de travail des femmes et des enfants dans certaines manufactures.

M. Lavergne (Montmagny) reconnaît l'importance de la question ouvrière. Il tient à l'idée syndicaliste. Il voudrait que l'on prévienne les conflits ouvriers par l'entente entre le capital et le travail.

Il souligne l'importance de traiter dignement les ouvriers.

Il croit que la réglementation des heures de travail devrait être préparée par une commission nommée parl es syndicats industriels et les unions ouvrières, comme le demandait le programme du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa).

L'industrie est faite pour l'homme et non l'homme pour l'industrie, et, comme le disait Léon XIII, qu'on a appelé le pape des ouvriers, le travail que des hommes vigoureux ne sauraient accomplir, il est inhumain de le confier à des femmes et à des enfants. D'après ces principes, une loi du travail comporte des obligations de la société envers les travailleurs et des travailleurs envers la société.

Le 5 mars 1907, M. Weir, alors ministre du Travail, répondait au député de Compton (M. Giard) qui, se faisant l'écho des unions ouvrières, demandait une réduction à 58 heures, que ce n'était pas assez, que s'il eût demandé 55 heures le gouvernement aurait pris la chose en considération. Le ministre aujourd'hui est d'un avis contraire. Le gouvernement joue donc double jeu avec les ouvriers. Les ouvriers demandent 55 heures et il leur en accorde 58.

Le projet qui nous est soumis ne concerne qu'une classe de travailleurs alors qu'il devrait s'étendre à toutes. Et dans la classe qu'il concerne il est déplorablement incomplet. La loi du député de Montmorency (l'honorable N. Taschereau) n'est ni la meilleure possible ni la plus mauvaise.

Réduire le travail des femmes et des enfants de deux heures par semaine, soit d'une demi-heure par jour, ce n'est pas bien généreux. Mais le projet laisse subsister l'article de la loi ancienne d'après lequel le patron peut employer, pour une période n'excédant pas six semaines, ses ouvrières et ses enfants employés 12 heures par jour. Il y a des défauts graves dans l'état des ouvriers de notre province. On fait des femmes et des enfants des outils, des machines dont on arrache tout ce que l'on peut et que l'on jette ensuite quand ils sont brisés. Il cite en exemple la mauvaise qualité de l'air dans les filatures de coton, qui entraîne des problèmes aux poumons.

Il dit que le bill permettra aux employeurs de garder leurs ouvriers jusqu'à 8 ou 9 heures. Dans le cas d'un bris de la machinerie, ils seront obligés de rester au travail jusqu'à ce qu'ils aient terminé leur journée de 10 heures et demie.

Il réclame une heure et demie de repas pour le dîner. Il ajoute que les conditions ouvrières dans la province ne sont pas aussi satisfaites qu'elles pourraient l'être. Les rapports des inspecteurs constatent que la loi est violée sous plusieurs rapports, par exemple quant à l'âge des enfants et aux conditions hygiéniques.

Les statistiques nous disent qu'il est arrivé l'an dernier 31 accidents ayant causé la mort et 66 ayant causé des blessures. Les patrons ont dû payer de ce chef un somme de $128,000. Et, si l'on tient compte de ce fait que les accidents arrivent pour la plupart durant les dernières heures, on conclut qu'ils auraient épargné une bonne part de ces pertes s'ils avaient fait travailler leurs ouvriers moins longtemps. La réduction des heures du travail tend encore à diminuer le chômage, en répartissant plus normalement la besogne.

La réduction des heures de travail des femmes et des enfants dans toutes les industries et non pas seulement dans les filatures de coton et dans les filatures de laine s'impose, mais la réduction devrait être plus considérable. Quel gouvernement de progrès nous avons, qui permet à une ouvrière de se lever à 5 h 30 du matin au lieu de 5 heures. Il suggère que le début et la fin d'une journée de travail soient spécifiés dans les statuts.

Certaines clauses de la loi actuelle devraient disparaître.

Il félicite le député de Saint-Sauveur (M. Langlois) pour les critiques qu'il a faites au sujet de ce bill. Je voterai pour l'amendement du député de Saint-Sauveur lorsqu'il proposera que le maximum de travail pour les femmes et les enfants soit de 55 heures par semaine, mais je voudrais aller plus loi, je suis partisan de la journée de huit heures.

Il pense que le plan des "trois huit" est bon; toute personne devrait avoir huit heures pour travailler, huit heures pour se divertir et huit heures pour dormir. Ce serait dans l'intérêt du travailleur et du patron.

S'il en était ainsi, les gens se sentiraient mieux physiquement et ils donneraient plus grande satisfaction à leurs employeurs. Cette journée de huit heures devrait être adoptée au moins pour les femmes et les enfants car il y va de la vitalité de notre race.

Le travail qui se fait dans les filatures de coton et de laine est très dommageable à la santé. Dans cette atmosphère vaporeuse et chaude, les microbes se communiquent facilement, et aussi faut-il voir le teint de ces pauvres ouvrières pour avoir une idée des dangers auxquels elles sont constamment exposées au point de vue de la santé.

C'est là une autre raison pour favoriser la journée de huit heures. Après tout, les gens des filatures ont une âme comme tous les autres mortels, il ne faudrait pas l'oublier. Il y a là une question de santé, de dignité humaine, en face de laquelle la concurrence commerciale et les intérêts financiers valent bien peu de choses.

Quant à la concurrence de l'Angleterre et des États-Unis, il suggère au gouvernement de faire des représentations à Ottawa. D'ailleurs, cette concurrence est tellement peu dangereuse que M. King, le ministre du Travail à Ottawa, pouvait dire, il y a deux ans, que les manufacturiers de coton obtenaient pour leurs produits le prix qu'ils voulaient.

C'est là un problème de notre époque et, même s'il sait que la presse ministérielle fera une sortie contre lui en disant qu'il prêche des doctrines socialistes, il est prêt à nier de telles assertions. Cela, ce n'est pas du socialisme, c'est tout simplement du christianisme, la doctrine de l'Évangile appliquée à la vie sociale.

Il parle de la pitié que l'on doit avoir pour la foule des petits et des faibles qui peinent pour enrichir la nation. C'est réellement du bon christianisme, tel qu'interprété par le Galiléen. Ce que je voudrais faire au point de vue ouvrier, ce serait d'aider à inculquer, aux patrons et aux ouvriers le véritable esprit chrétien qui seul peut donner la vraie solution à toutes les questions ouvrières.

M. Blouin (Lévis) dit que le député de Montmagny (M. Lavergne) a parlé à côté de la question. Il ne faut pas aller trop vite.

La question de la journée de huit heures vantée par le député de Montmagny (M. Lavergne) n'a pas de raison d'être dans notre province, car elle mettrait employeurs et employés dans une position inférieure. Nous devons légiférer dans le sens des autres provinces si nous voulons être sur un pied d'égalité.

M. Delâge (Québec-Comté) partage en général l'avis des orateurs qui l'ont précédé et reconnaît que le bill du député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) est un pas vers le progrès. Il fallait concilier dans ce bill et l'intérêt du producteur et celui de l'ouvrier, ce qui a été fait. C'est un sûr acheminement vers un résultat final, qui aboutira au bien-être de la classe ouvrière dont les intérêts sont particulièrement chers à la députation.

M. Prévost (Terrebonne) dit que le gouvernement actuel n'a aucun droit à réclamer le mérite de la loi qu'il propose parce qu'il n'a fait qu'obéir à un ordre de la Chambre voté l'an dernier à la demande du député de Beauharnois (M. Plante). La preuve, c'est qu'il ne réduit les heures de travail que pour les ouvrières travaillant dans les filatures de coton ou de laine, tandis que la résolution votée l'an dernier demandait la réduction des heures de travail des femmes en général. Les femmes et les enfants ne travaillent pas seulement dans les filatures et peut-être que le travail des filatures n'est pas, après tout, le plus dangereux. Elles travaillent aussi dans la chaussure, le tabac, le caoutchouc, etc. Pourquoi la loi fait-elle cette différence entre la femme travaillant à la filature et la femme travaillant dans une fabrique de tabac?

Avant de voter à grands frais des écoles techniques, mieux vaudrait voir à l'exploitation qui se fait des enfants dans les manufactures; on les laisse dans l'ignorance.

M. Mousseau (Soulanges) dit que l'opposition soulève de faux arguments à l'égard de ce bill.

Il est d'avis, personnellement, que la loi telle que rédigée est absolument dans l'esprit de la population et que le gouvernement a agi sagement en agissant progressivement, car il serait dangereux pour nos industries d'en arriver tout d'un coup à une réduction trop considérable des heures de travail hebdomadaire.

Il est certainement désirable qu'on en arrive à la semaine de 55 heures; et cela arrivera progressivement, de telle manière qu'on contente à la fois et la classe ouvrière et l'industrie.

M. Létourneau (Québec-Est) est certainement en faveur de la semaine de 55 heures, mais, d'un autre côté, il faut admettre également qu'on doit la protection à l'industrie et qu'il est préférable de prendre des mesures progressives, surtout lorsqu'on voit la classe ouvrière contente de la loi actuelle et l'acceptant sans le moindre murmure. Sur cette importante question, il fallait nécessairement consulter et employeurs et employés pour en arriver à une entente.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) dit que la loi actuelle n'aura d'autre effet que de jeter de la poudre aux yeux à la classe ouvrière et il est en faveur de la loi de 55 heures qui mériterait seule le nom de loi.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit qu'il s'attendait à la critique de la part de l'opposition, qui est for difficile à satisfaire, car on ne sait comment la prendre pour la contenter. J'ai déclaré déjà que je ne serai content de cette loi que lorsqu'elle aura réduit les heures de travail hebdomadaire à 55 heures; dois-je le déclarer de nouveau? Cette loi émane, de plus, des sociétés ouvrières; elle ne saurait donc pas venir de meilleure source et nous sommes prêts, de plus, à généraliser cette loi lorsqu'on nous le demandera, mais on admettra comme moi que cette réforme devrait d'abord s'appliquer à l'industrie textile où la classe ouvrière est soumise à un travail fatigant et malsain. Les manufacturiers, ainsi que leurs ouvriers, sont satisfaits des propositions relatives à la semaine de 58 heures.

La province de Québec, au point de vue de l'inspection manufacturière, donne l'exemple aux autres provinces, cela est certain. Maintenant, on propose de servir encore d'exemple en regard de la protection des femmes et des enfants qui travaillent. Je ne comprends pas que nous soyons sur ce projet de loi l'objet de la critique de l'opposition.

Il insiste sur la perturbation qui s'ensuivrait si la loi de 55 heures était adoptée. En prenant une seule usine de 1,200 ouvriers, cela ferait tout de suite 6,000 heures de moins par semaine, c'est-à-dire une perte de milliers et de milliers de dollars pour les patrons. On estime le tout à près de $300,000 par année. Quel rude coup pour l'industrie textile! Nous aurions un pas à faire, nous en faisons la moitié. L'autre moitié sera faite plus tard.

M. Plante (Beauharnois) demande quand la loi entrera en vigueur.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La présente loi n'entrera en vigueur que le 1er janvier 1911, afin de permettre aux patrons de réorganiser leur personnel. Si ça marche bien, si l'industrie textile, l'une des plus importantes de la province il faut en convenir, n'en est pas affectée, je serai le premier à réclamer les 55 heures l'an prochain.

M. Lafontaine (Maskinongé) se joint à ses amis de la gauche pour réclamer la semaine de 55 heures. En passant, il remercie le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) d'avoir accédé à la3...

M. Delisle (Saint-Maurice) dit que la province sera contente de la loi de M. le ministre (l'honorable M. Taschereau).

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.

La séance est levée à minuit.

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NOTES

 

1. La proclamation du résultat du vote ayant été faite avant la demande de M. Francoeur, on passe outre.

2. Selon la chronique parlementaire du Devoir, la production diminuerait de plus de un quart de million par année.

3. Cette phrase est incomplète.