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Version finale

13e législature, 2e session
(11 novembre 1913 au 19 février 1914)

Le jeudi 22 janvier 1914

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 3 heures1.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Accusations de corruption par le Daily Mail

M. Lavergne (Montmagny): Avant de passer à l'ordre du jour, je tiens à revendiquer l'honneur de cette Chambre au sujet des accusations que vient de porter un journal de Montréal contre deux conseillers législatifs et contre un député de cette Chambre.

Il s'agit d'une question concernant les immunités et privilèges de la législature.

Je regrette amèrement les accusations portées contre les législateurs par le Mail, mais ces accusations sont d'une gravité telle qu'il est de mon devoir de protester sans délai.

Ce n'est pas mon intention de discuter ces accusations. Ce n'en est pas le temps et je n'en ai pas le loisir. Je veux seulement que ceux qui ont porté ces accusations viennent les prouver devant cette Chambre. La plupart des députés savent ce que contiennent ces accusations. Je fais donc à ce sujet la motion suivante:

Appuyé par le représentant de Terrebonne (M. Prévost), je propose: Que les deux articles publiés dans le journal The Montreal Daily Mail, l'un le 20 et l'autre le 21 janvier courant et intitulés tous deux Evidence of Corruption, constituent une grave violation des privilèges de cette Chambre et que M. M.E. Nichols, président et directeur-gérant, ainsi que M. B.A. Macnab, vice-président et rédacteur du journal The Montreal Daily Mail de Montréal, soient appelés à comparaître à la barre de cette Chambre le mercredi vingt-huit janvier 1914, à trois heures et demie de l'après-midi.

Il fait lecture des deux articles:

1. de l'article publié le 20 janvier 1914:

"Preuve de corruption (traduction)

"Nous avons en notre possession la preuve d'une incroyable corruption parmi les membres de la législature de Québec.

"Nous comprenons qu'on a l'intention de proroger les chambres cette semaine. Mais avant cela, il est nécessaire dans l'intérêt public, qu'un comité spécial de la Législature soit chargé de faire une enquête des plus complètes sur les accusations que le journal The Daily Mail portera avec preuves à l'appui.

"Nous savons qu'il a été donné de l'argent à des membres de la Législature pour obtenir une législation qui, à sa face même, est tellement contraire et nuisible à l'intérêt public, que ses clauses mêmes en comportent déjà la juste condamnation.

"La législation a été à la lettre frauduleusement passée à chacune de ses phases, de manière à échapper à l'examen des membres les plus recommandables des deux chambres et des membres de la presse.

"Demain, The Montreal Daily Mail formulera des accusations bien précises.

"Montreal Daily Mail Publishing Company, Limited.
M.E. Nichols, Président et directeur gérant.
B.A. Macnab, Vice-président et rédacteur."

2. Ainsi que de l'article publié le 21 janvier 1914 (traduction):

"Preuve de corruption

"Le Daily Mail accuse l'honorable Louis-Philippe Bérard, M.C.L., l'honorable Achille Bergevin, M.C.L., et M. J.-O. Mousseau, M.A.L., d'avoir accepté des pots-de-vin.

"Toutes ces manoeuvres auraient été faites pour obtenir l'adoption d'une loi constituant en corporation The Montreal Fair Association of Canada.

"Vendredi dernier après-midi à 3 h 30, le Conseil législatif de la Législature de Québec a adopté le projet de loi de l'Assemblée, portant le no 158 et intitulé: "Loi constituant en corporation The Montreal Fair Association of Canada".

"Cette mesure qui est ainsi devenue une loi de la province de Québec, autorise les pétitionnaires suivants: MM. Demetrius F. Myers, homme d'affaires des cité et district de Montréal, George Sampson, entrepreneur de ladite ville de Montréal; John Bastiano, de la ville de New York, dans l'État de New York, l'un des États-Unis d'Amérique, et David W. Hyland, courtier d'immeubles de ladite ville de New York, à organiser et contrôler des expositions agricoles, horticoles et industrielles de bestiaux et de produits du Canada et d'ailleurs, et d'autres expositions; à exploiter des places d'amusement et de récréation pour le public, et à établir et exploiter des champs de courses, se rattachant aux dites expositions et autres fins.

"C'est là l'une des lois qui a été mise à prix par les législateurs qui adoptent les lois de la province de Québec.

"Le prix payé pour l'adoption de cette loi a été de $9,500.

"De cette somme, les promoteurs ont payé $4,850 à des membres de la Législature. Il reste une balance due de $4,650 qui doit être payée aujourd'hui même.

"L'heure et l'endroit

"Le montant déjà payé, les personnes qui l'ont reçu et l'heure et l'endroit du paiement, sont comme suit:

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Joseph-Octave Mousseau, député de Soulanges à l'Assemblée législative, et président du comité des bills privés de la Chambre, par George Sampson, un des promoteurs de la Montreal Fair Association au bureau de Martin & Company, entrepreneurs généraux, 52 édifice Duluth, angle de la rue Notre-Dame et de la Place d'Armes, le lundi, novembre 24, 1913, à 3 h 45 p.m.

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Mousseau, par David W. Hyland, un des promoteurs de la Montreal Fair Association, dans sa chambre, no 369, au Château Frontenac, à Québec, le mercredi, 3 décembre, 1913, à 8 h 30 p.m.

"Mille cent cinquante dollars ($1,150) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369 du Château Frontenac, Québec, le mardi 16 décembre, 1913, à 10 heures a.m., cette somme étant la moitié d'un montant convenu pour les votes de sept membres de la législature, pour le bill no 158, l'autre moitié devant être payée aussitôt que le bill deviendrait loi.

"Peu, mais assez

"Mille dollars ($1,000) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 479, Château Frontenac, Québec, le jeudi 8 janvier, 1914, à 7 h 30 p.m.

"Quatre cents dollars ($400) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369, Château Frontenac, Québec, le mardi, 13 janvier 1914, à 8 h 5 p.m., cette somme dit M. Mousseau, était pour....

"Six cents dollars ($600) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369 du Château Frontenac, à Québec, mercredi, le 14 janvier, 1914, à 6 h 30 p.m.

"Cette somme, d'après M. Mousseau, était destinée à.... qui avait consenti à faire adopter le bill par la Chambre Haute, pour la somme de $2,000 - $1,000 immédiatement et $1,000 après l'adoption du bill.

"L'associé du premier ministre

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Louis-Philippe Bérard, conseiller législatif pour la division de Lanaudière, et un associé du bureau Gouin, Lemieux, Murphy, Bérard & Perreault, avocats, 11 Place d'Armes, Montréal, par David-W. Hyland, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le jeudi, 4 décembre 1913, à 6 h 5 p.m.

"Deux cents dollars ($200) payés à M. Achille Bergevin, conseiller législatif pour la division de Salaberry, par George Sampson, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le jeudi, 15 janvier 1914, à 2 h 30 p.m.

"Cent cinquante dollars ($150) payés à M. Bergevin, par George Sampson, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le vendredi, 16 janvier 1914, à 2 h 57 p.m.

"M. Bergevin demandait cette somme pour le remboursement disait-il du même montant qu'il disait avoir versé à M.....

"Ce sont là les faits principaux de l'accusation que le Daily Mail porte contre les membres de la législature de Québec. De nouveaux faits suivront - révélations qui surprendront le public. L'imprudence - ou l'audace - manifestée par les législateurs accusés donne l'impression qu'une longue habitude les a poussés à recourir à des méthodes qui les ont conduits à leur chûte (sic)."

Ces accusations, poursuit-il, et la menace d'autres accusations à venir portent sérieusement atteinte à l'honneur de cette Chambre. Je ne sais pas si elles sont fondées ou non, j'attends les preuves, mais ces deux accusateurs devraient venir comparaître devant cette Chambre pour exposer les raisons qui les ont poussés à la publication de ces articles. Alors la Chambre verra quelle mesure elle devra prendre à leur endroit, s'ils peuvent prouver leurs accusations ou s'ils ne le peuvent pas; dans ce dernier cas, elle pourra savoir à quel tribunal elle devra référer, en nommant un comité d'enquête, ou en prenant l'affaire en main, ou en la référant à une commission royale d'enquête. C'est la procédure qui a été suivie dans l'affaire de M. Brierley2, ci-devant du Montreal Herald, il y a quelques années.

Personne plus que les députés de ce côté-ci de la Chambre ne sympathise plus entièrement avec le député de Soulanges (M. Mousseau). C'est l'un des membres les plus compétents de l'Assemblée et nous, de ce côté-ci, voulons savoir pourquoi ces accusations ont été faites et comment on en est arrivé là. Il convient qu'accusés et accusateurs soient mis en présence pour que ces derniers formulent de nouveau ces accusations et qu'ils nous disent comment ils ont l'intention de les prouver.

Ce n'est pas seulement l'honneur de l'un de nos collègues les plus distingués comme les plus brillants qui est en jeu, mais celui de toute la Chambre. Pour sauver l'honneur de cette Chambre, il faut que les hommes qui ont porté ces accusations soient immédiatement traduits à la barre.

M. Mousseau (Soulanges): J'ai pris connaissance de ce qu'un journal de Montréal a publié à mon sujet, des accusations qui ont été formulées contre deux membres du Conseil législatif et contre moi-même, et de ce que vient justement de lire l'honorable député de Montmagny, ce qui a fait le sujet de sa motion. La Chambre a été saisie des accusations portées contre moi.

Convaincu que je puis trouver en elle mon juge naturel, je me réclame du privilège de tout député en cette Chambre de demander une commission d'enquête chargée de décider si, oui ou non, les accusations sont fondées.

Devant cette commission, je ferai des déclarations, les déclarations que j'ai à faire et les explications que j'ai à donner à ce sujet, et, selon ce que cette commission en conclura, je saurai faire, quelle que soit la décision des juges, ce que le devoir et l'honneur commandent3.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Le Daily Mail d'hier a porté des accusations spécifiques contre deux membres du Conseil législatif et un membre de cette Chambre, le député de Soulanges. Et aujourd'hui encore, d'après le Chronicle de ce matin, il déclare, dans un autre article, que ces accusations sont la conséquence d'un piège qui a été tendu aux membres de la législature par des détectives d'une agence américaine. Le Conseil législatif vient d'être saisi de la chose.

Je suis convaincu qu'il verra à protéger son honneur et celui de ses membres. Nous avons le même devoir et j'ai la conviction que tous les députés verront à ce que ces privilèges soient respectés. Le député de Soulanges demande une commission d'enquête qui étudiera au mérite les accusations auxquelles il a à répondre. Je suis certain que pas un seul député de la Chambre, de la gauche comme de la droite, ne refusera ce qu'il est du privilège de l'honorable député de réclamer et ce qu'il est du devoir de cette Chambre d'accorder.

D'ailleurs, M. l'Orateur, il est important que nous sachions par qui et pour qui a été organisée cette machination dont les accusations, imprimées et publiées par le Daily Mail, sont les conséquences. Il est important que la vérité se fasse sur ces accusations. Je suppose que ce ne sont pas les saints du paradis qui ont obtenu les services des agents de la maison Burns4 venus à Québec pour ourdir cette conspiration.

S'il est vrai qu'on a organisé cette machination pour faire succomber les députés et les conseillers, c'est une atteinte odieuse portée à l'honneur et à la dignité de la Chambre. Nommons immédiatement un tribunal d'enquête et, s'il se trouve des membres de cette législature qui ont succombé à la tentation et que l'on réussit à en établir la preuve, quelle que soit la sympathie que nous puissions avoir pour eux, ils devront subir la conséquence de leurs actes.

Je ne comprends pas le but exact de la motion qui a été présentée par l'honorable député de Montmagny (M. Lavergne) et je ne suppose pas qu'il ait eu un mauvais motif en présentant sa motion, mais je crois qu'il ne refusera pas à son collègue l'occasion la plus immédiate pour que ses accusateurs fassent leur preuve.

Quelle que soit la procédure, il importe de connaître le tréfonds de cette affaire, mais je ne crois pas de mise de faire de la procédure parlementaire ou de la technicalité sur une question aussi grave. Il s'agit de revendiquer le plus tôt possible l'honneur de cette Chambre attaqué.

Si les députés de la gauche insistent pour faire traduire à la barre de la Chambre les propriétaires du Daily Mail, je n'y ai aucune objection. Je ne discuterai pas cette procédure, mais on sait ce qu'elle vaut et ce qu'elle entraîne de délais. Il faut écrire les questions et les réponses, et tout cela par motion. Nous n'en finirons plus.

Je tiendrais à avoir une procédure aussi prompte que possible et je voudrais que, dès demain matin, même, l'on commençât l'enquête que réclame l'honorable député de Soulanges, et alors nous aurons plus vite la lumière et la vérité.

M. Lavergne (Montmagny): Je ne demande que de citer à la barre de la Chambre les propriétaires du Mail pour qu'ils fassent ici leurs accusations. Après ça, on pourra faire enquête.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Dans la présente affaire, l'important, c'est de connaître la vérité immédiatement. C'est ce que tout le monde demande. La meilleure politique à suivre serait de nommer le comité d'enquête qui s'occuperait de faire venir, demain, les propriétaires du Daily Mail et les témoins nécessaires, afin d'obtenir de l'éclaircissement.

Je n'ai aucune objection à citer les propriétaires du journal à la barre de la Chambre, mais ce que je demanderais à tous les députés, c'est de ne pas hésiter un instant à accorder au député de Soulanges le privilège qu'il demande.

On dit que les accusateurs se vantent d'avoir tendu un piège aux députés. C'est un point important à élucider. Il faut chercher à savoir qui est au fond de cette affaire et par qui a été tendu le piège.

Je demanderai à cette Chambre dans un instant ce que réclame le député de Soulanges à la suite de la déclaration qu'il vient de faire. Il importe de procéder sans retard et sans délai. Cette Chambre le doit à l'honorable député sur qui pèsent des accusations.

Je fais appel en cela à l'honneur, à la conscience et au coeur de tous les députés qui m'entourent ici, dans cette Chambre, pour que cette enquête ait lieu le plus tôt possible. (Applaudissements)

Il s'agit d'en faire la procédure. Pour cela, je prie la Chambre de m'accorder jusqu'à la séance de ce soir, afin de préparer la proposition nécessaire. Si l'on veut quand même que les accusateurs soient amenés à la barre de la Chambre, cela ne retardera en rien la procédure. Nous devons à la province, à nous, les représentants du peuple, à la législature, de faire une lumière aussi lumineuse que le soleil sur des accusations portées contre le député de Soulanges et de revendiquer l'honneur de cette Chambre.

M. L'Orateur propose l'amendement pour la création d'un comité d'enquête.

M. Prévost (Terrebonne) déclare qu'il abonde dans les paroles émues du premier ministre qui dit qu'on doit donner au député de Soulanges (M. Mousseau) le comité d'enquête, mais il approuve plutôt la motion du député de Montmagny (M. Lavergne) et croit qu'il n'y a pas lieu de nommer ledit comité, du moins dans le présent, avant que les gens du Mail aient été cités à la barre et aient pu être interrogés.

Le premier ministre a demandé que nous nommions un comité d'enquête pour vérifier les accusations portées contre le député de Soulanges (M. Mousseau), mais, en ce qui me concerne, le député de Soulanges n'est pas accusé devant cette Chambre; il n'a ici que des collègues qui l'estiment et admirent la dignité avec laquelle il préside le comité des bills privés.

Qui me dit que les accusations portées par ce journal sont fondées? S'il fallait faire enquête chaque fois qu'un journal accuse un député de cette Chambre, nous n'en pourrions plus. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas seulement du député de Soulanges, mais de toute la Chambre. Il n'y a pas que lui qui soit député, nous le sommes tous.

Nous sommes tous attaqués. Pour moi, une accusation dans un journal ne veut pas dire grand-chose, mais, dans ce cas-ci, l'article est signé. Si un confrère avait porté ces accusations, nous pourrions réagir tout de suite, mais la situation est différente, puisque les accusations sont portées par les dirigeants d'un journal.

Nous devons tous souffrir des assertions du journal en question, car, en accusant un député de cette Chambre, il accuse toute la législature, et tous les députés sont solidaires les uns des autres. Il n'y a pas que le député de Soulanges que l'on accuse d'avoir reçu des pots-de-vin. Le premier article dit qu'on a la preuve d'une corruption effrénée chez tous les membres de la législature.

Ainsi, non seulement le député de Soulanges, mais nous tous sommes accusés. Nous le sommes tous, même vous, M. l'Orateur.

Je demande qu'un comité soit nommé pour faire enquête sur des accusations portées non pas contre le député de Soulanges, mais contre tous les députés. Je ne voudrais pas que le député de Soulanges servît de bouc émissaire pour en couvrir d'autres. Je veux que, sur l'ordre du président de la Chambre, de vous-même, M. l'Orateur, le gardien de l'honneur de cette Chambre, le sergent d'armes, armé de toute son autorité, aille chercher les accusateurs et leur dise: Vous accusez les députés de la Chambre, faites la preuve et prenez garde à vous.

Nous souffrons dans cette province d'une mentalité nouvelle, d'une mentalité américaine, et spécialement d'un journalisme jaune qui se glisse dans notre société. Les méthodes de journalisme et de police américaines se sont introduites dans notre province. Nous en sommes rendus même comme aux États-Unis à voir les députés de cette Chambre suivis par des détectives5.

Le Daily Mail a révélé aujourd'hui qu'il y avait un complot. Il est très important de savoir, ainsi que le déclare le premier ministre, qu'est-ce que cette agence américaine qui se vante de ce coup monté et surtout quels sont ceux qui ont fait suivre les députés de cette Chambre de la façon dont on parle, et à qui l'on a remis de l'argent, comme on le prétend, et quels sont ceux qui conspirent, on dirait, contre les députés de notre province française de Québec.

Il serait intéressant de savoir si c'est d'un élan de philanthropie et dans l'intérêt public qu'on a envoyé ici ces détectives avec des dictaphones6.

Est-il vrai que ces Américains sont les esclaves blancs de certaines personnes dans le but de faire du capital politique?

Le deuxième article contient aussi des accusations contre le premier ministre, avec une allusion méchante à son associé légal. Il solidarise le leader de cette Chambre avec un conseiller législatif, son associé légal, qui aurait reçu des pots-de-vin7.

C'est pourquoi le premier ministre, appuyé des députés des deux côtés de la Chambre, devrait demander à ces accusateurs pourquoi ils ont agi de la sorte.

On va encore plus loin. Le Daily Mail, dans ce second article, dit qu'il nomme trois législateurs pour aujourd'hui et qu'il y en aura d'autres. Quels sont-ils?

Il est bon que nous voyions ces deux messieurs à la barre de la Chambre, que nous les regardions dans les yeux et que nous leur disions: Accusez-nous, nous sommes tous devant vous.

L'honorable premier ministre a demandé au député de Montmagny (M. Lavergne) dans quelle intention il a proposé cette motion et pourquoi je l'ai secondé. Cette conduite m'a été dictée par le British fair-play. Présentement, nous n'agissons dans cette affaire ni à titre de députés du gouvernement, ni de l'opposition, ni en tant que libéraux, ou conservateurs. Nous formons la seule législature française de l'Amérique et nous sommes tous solidaires les uns des autres. Le premier ministre peut être certain que nous sommes du même avis que lui.

Je regrette que le député de Soulanges ait quitté son siège, car je lui aurais dit que nous sommes tous accusés, dans l'article en question, et que nous n'avons pas à douter un instant de son honorabilité jusqu'à preuve du contraire. Les journalistes doivent respecter cette Chambre.

Ils doivent prouver les accusations qu'ils lancent, et, s'ils ne peuvent pas prouver ce qu'ils avancent, ils commettent une grave offense. Il cite ensuite un passage de Bourinot qui dit que c'est un grave délit que de donner de l'argent à un député du Parlement. C'est un règlement de la Chambre des communes du Canada et de l'Angleterre:

X. Tentatives de corruption des membres. Tout argent ou autre privilège offert à un membre de cette Chambre pour la réalisation d'un quelconque projet qui relève du Parlement, ou qui doit lui être soumis, est un grave délit et constitue une manoeuvre subversive à l'endroit de la constitution8. (Bourinot, chapitre II, section X, p. 156, 3e édition, 1903)

Maintenant, poursuit-il, même si ces gens sont des Américains, ou des esclaves de la politique, ils ne viendront pas ici avec leurs pots-de-vin sans recevoir les sanctions qu'ils méritent.

On nous propose de former un comité, mais, si ces messieurs nous disaient qu'il y a des membres de ce comité qu'ils accusent, dans quelle position serions-nous? La chose ne serait pas surprenante. Le tribunal ordinaire qui devrait juger cette cause est le comité des privilèges et élections, mais le député de Soulanges en fait partie et d'autres accusés aussi, dit l'article. Je crois qu'on devrait suivre la procédure du droit parlementaire et je vois objection à nommer le comité maintenant.

Le meilleur moyen de procéder, d'après moi, est de faire venir les accusateurs et de leur faire donner les noms des députés qu'ils accusent, et de former ensuite un comité d'enquête parmi ceux qui ne sont pas accusés. Faisons venir les accusateurs. Personne plus que moi ne désire connaître les coupables.

Je puis assurer le premier ministre que l'opposition est animée des mêmes sentiments que lui. Quand même ces accusations seraient prouvées, ces gens-là auront fait une sale besogne, et je veux qu'on les force de comparaître à la barre de la Chambre pour donner les noms qui manquent.

Quand on aura ces nouvelles accusations, il sera facile de choisir parmi les députés qui resteront un comité d'enquête. C'est là la véritable procédure et la plus pratique, parce que le député de Soulanges n'est pas accusé au sens parlementaire, et aussi parce qu'il pourrait se trouver des députés accusés dans ce comité.

Je n'ai jamais aimé le rôle du bourreau et je n'ai pas l'intention de persécuter personne. Il n'y a plus de division de partis sur une question comme celle-là: il n'y a ni conservateurs, ni libéraux, ni nationalistes.

Il n'y a que des députés de la province française de Québec, que des législateurs marchant sur les traditions bénies de ceux qui les ont précédés, que des députés solidaires qui, s'ils se sont porté parfois des coups bien rudes, sont disposés à rendre justice au député de Soulanges, comme à tout autre.

Je trouve ce genre de séance regrettable plus que quiconque. La vie politique est déjà assez amère sans qu'il faille en plus endurer de telles accusations.

S'il est bon de s'entendre acclamer aux jours de triomphe, par ceux qui nous ont donné mandat pour les représenter dans le parlement de la nation, nous éprouvons bien des amertumes au cours de notre carrière politique. Il importe que ceux qui nous ont confié leurs intérêts en cette Chambre et ceux qui représentent ici le peuple reçoivent tout le fair-play auquel ils peuvent s'attendre dans cette législature de l'Empire britannique.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a pas un député en cette Chambre qui ne ressent en ce moment une énorme émotion, depuis qu'il paraît évident que les députés de cette Chambre sont en butte à des attaques, comme celles dont souffre en ce moment tout particulièrement l'un de nos collègues, le député de Soulanges. Celui-ci est accusé de corruption par un journal. C'est la première fois que la Chambre est saisie d'une accusation aussi grave portée par un journal.

Aujourd'hui, ce collègue, qui est ici depuis 10 ans9, vient nous demander d'être ses juges et de déclarer s'il a forfait à l'honneur. Avons-nous le droit de lui refuser cette demande? Je ne le crois pas, et je suis convaincu que tous les députés qui siègent en cette Chambre sont prêts à dire: Vous êtes accusé, nous voulons vous donner la chance de démontrer que vous n'êtes pas coupable.

Le député de Montmagny (M. Lavergne) demande que les accusateurs soient appelés à la barre de la Chambre; nous n'avons pas d'objection, mais nous voulons également donner au député de Soulanges la commission d'enquête qu'il réclame.

Par cette motion, l'on ajourne à huit jours des éclaircissements sur cette affaire. On invoque en faveur de cette motion et contre la création immédiate d'une commission d'enquête que quelques députés qui pourraient la former pourraient être accusés à leur tour. Le cas échéant, il suffira alors de les remplacer.

Jamais je ne croirai qu'on ne pourrait trouver, du moins dans cette Chambre, sept, huit ou dix députés qui peuvent marcher le front haut et faire partie de ce tribunal. C'est faire injure à tous les députés de cette Chambre de laisser croire le contraire. Si les accusateurs s'objectent à tel ou tel député, celui-ci saurait se retirer. Je demanderais au député de Montmagny de laisser sa motion sur la table jusqu'à ce soir, alors que nous nommerons le comité qui jugera le député de Soulanges.

Pourquoi laisserions-nous celui-ci sous le coup d'une accusation grave, sans se hâter de lui fournir les moyens de se disculper? Nous devons nous constituer immédiatement en tribunal. Il n'y a pas une minute à perdre. Il sera trop tard mercredi, comme le comporte la motion du député de Montmagny.

Nous sommes en face d'une conspiration de bandits, d'êtres méprisables, de traîtres et de mouchards qui ont un objectif en venant ici. Tant pis pour eux s'ils échouent dans leurs terribles manoeuvres!

Je ne suis pas prêt à excuser les coupables; s'il y en a qui ont succombé, personne ne les blanchira. Mais nous avons intérêt à savoir quels sont ces bandits et ces mouchards. On dit qu'ils viennent des États-Unis et qu'ils ont été assermentés à Ottawa pour exercer leur vilain et méprisable rôle. Il nous faut savoir si c'est cette même bande qui a semé la corruption d'Ottawa à Winnipeg, et cela le plus tôt possible, demain, ou même ce soir si possible10.

M. Prévost (Terrebonne): Si vous adoptiez la motion qu'a proposée l'honorable député de Montmagny visant à les faire comparaître à la barre de cette Chambre, le sergent d'armes pourrait leur faire prendre le train de 5 h 30. Il est présentement 4 heures.

M. Lavergne (Montmagny): J'ai mis "mercredi", dans ma motion, pensant que la Chambre ne siégerait pas samedi, mais qu'elle devait s'ajourner demain à mercredi.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est encore trop tard.

M. Lavergne (Montmagny): Mais le bal d'État, dont les préparatifs sont déjà fort avancés, ne pourra avoir lieu si l'affaire vient immédiatement devant la Chambre11.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a pas de bal qui tienne en face de l'honneur de la Chambre. Nous devrons siéger demain et samedi. Et nous siégerons pendant le bal s'il le faut pour faire de la lumière sur cette affaire. Nous ne tarderons pas une heure. Nous ne tarderons pas une minute. Il s'agit d'une question nationale. La commission siégera sans délai jusqu'à ce qu'elle ait mis à jour toute l'affaire. C'est de toute évidence un complot et nous devons remonter à la source, même si celle-ci nous mène à Ottawa, et de là, à Winnipeg.

M. Lavergne (Montmagny): Je n'ai pas d'objection à modifier ma motion. Seulement, je crois que cela donnera trop peu de temps pour signifier à qui de droit l'ordre de comparaître.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous prendrons un train spécial s'il le faut. Nous ne demandons que quelques heures pour formuler la motion, choisir les membres de cette commission et nous n'arrêterons qu'au moment où la lumière la plus complète sera faite sur cette affaire, et c'est alors qu'il y aura prorogation.

M. Tellier (Joliette) déclare qu'on a dit vrai lorsqu'on a dit qu'en cette circonstance si grave il faut surseoir à tout travail jusqu'à ce que cette question ait été réglée. On paraît s'entendre, dit-il, sur le point essentiel qu'il est important pour l'honneur et la dignité de la Chambre et de la province de Québec de faire le plus tôt possible de la lumière sur les accusations.

Il importe que ceux à qui incombe le devoir de faire la lumière ne tardent pas à la faire éclater afin de faire cesser l'anxiété qui règne en cette Chambre et dans la province. La seule divergence d'opinions qui existe entre les deux côtés de la Chambre est sur la manière qu'il convient d'adopter sur la procédure à suivre.

On croit de l'autre côté de la Chambre qu'il vaut mieux qu'un comité d'enquête soit formé pour s'enquérir du bien-fondé de ces accusations. De ce côté-ci, car je prends la responsabilité de la motion du député de Montmagny, nous nous sommes concertés, non pas au point de vue mesquin des intérêts de parti, mais parce que nous formons un groupe important de cette Chambre et que nous sommes animés du désir de revendiquer de la meilleure manière et le plus tôt possible l'honneur de cette Chambre.

Je n'ai pas besoin de répéter ce que le député de Terrebonne (M. Prévost) a dit, à savoir que nous ne sommes mus par aucune animosité contre personne. Si, après cette discussion, on nous convainc que la proposition faite par le gouvernement est la meilleure possible, nous nous empresserons de retirer notre motion pour faire place à une autre qui assurerait mieux les fins de la justice et la revendication de l'honneur de la Chambre.

De graves accusations sont portées non seulement contre un député de cette Chambre, mais aussi contre tous les députés. Les termes des articles publiés dans le Mail sont de nature à faire croire que les députés de la province de Québec se laissent influencer par des motifs malhonnêtes. Je crois que la saine doctrine parlementaire nous commande la procédure que nous proposons. Il s'agit d'une accusation qui n'est pas officiellement devant la Chambre. Or, la Chambre ne doit pas procéder par défaut.

Nous sommes ici en pays britannique et personne ne saurait être accusé sans connaître ses accusateurs. Nous sommes heureux de vivre dans un pays où les lois tiennent un accusé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie. Le député de Soulanges est innocent jusqu'à ce que le Mail ait prouvé ses accusations. C'est un principe de droit que la Chambre ne peut ignorer ou méconnaître.

Nous avons pensé que le seul moyen logique, le seul moyen constitutionnel, le seul moyen parlementaire, le seul consacré par l'usage non seulement en cette Chambre, mais dans tous les parlements britanniques, c'était le moyen que nous proposons. Lorsqu'un journal a formulé une accusation contre un député, l'éditeur de ce journal doit être cité à la barre de la Chambre, pour le forcer à prouver ses avancés. Dans ce cas, il vaut mieux citer les signataires mêmes des articles accusateurs.

Il vous incombe, M. l'Orateur, vous qui personnifiez la Chambre, qui êtes revêtu de l'autorité que vous confère la collectivité, de faire venir ces hommes devant nous afin de les obliger à faire leur preuve, s'ils en ont. Nous avons l'autorité nécessaire pour procéder de la sorte, et les règles de la procédure logique et parlementaire nous invitent à en user. Il cite alors quelques précédents dans Bourinot12.

Et qui nous dit, M. l'Orateur, poursuit-il, que ces hommes ne viendront pas faire des excuses? Le cas s'est souvent présenté. Où avons-nous besoin, dans ce cas, d'un comité d'enquête? Mais, s'ils viennent déclarer qu'ils ont fait ces assertions dans l'intérêt public, qu'elles sont vraies, et qu'ils sont en état de les prouver, nous serons alors en présence d'une accusation.

Il se peut même qu'ils produisent de nouvelles déclarations qui incriminent ceux que l'on aurait déjà désignés pour faire partie de ce comité. De quel avantage dans la cause de la justice aura donc été cette presse? Vous placez le député de Soulanges dans une fausse position en l'obligeant à se défendre, lorsque la logique voudrait que vous sommiez plutôt ses dénonciateurs de venir l'accuser officiellement avec preuves à l'appui.

Mais, je le répète, constituer une commission d'enquête avant cela serait méconnaître le principe de droit britannique qui veut qu'un homme soit innocent jusqu'à ce que l'on ait prouvé sa culpabilité. Il est du devoir du Parlement de respecter ce principe. Si les accusateurs formulent devant cette Chambre une accusation, nous formerons alors le comité d'enquête.

Je comprends le mouvement spontané du député de Soulanges qui vient de demander une enquête immédiate. C'est un mouvement d'un homme de coeur qui, fort de son honneur et de son innocence, dit: Qu'on me donne une enquête et je confondrai mes accusateurs. Mais nous n'avons pas le droit d'accepter cette offre généreuse.

Si l'accusation est répétée ici devant nous, alors ce sera le temps d'accorder cette enquête. La gauche est solidaire avec la droite quand il s'agit de l'honneur de cette Chambre, surtout quand on considère qu'il s'agit de l'honneur de la seule législature française sur le continent américain. Voilà ce que nous avons considéré de ce côté-ci de la Chambre après nous être consultés.

Nous occupons, nous de la province de Québec, les descendants des vieux pionniers français, une place toute particulière dans l'Empire britannique. Nous vivons en harmonie avec nos concitoyens anglais et nous jouissons avec eux des institutions parlementaires que la couronne britannique nous a données. S'il se trouvait quelque chose de nature à nous faire monter le rouge à la figure, ce serait une preuve que nous ne sommes pas dignes de jouir des libertés que l'Angleterre nous a concédées si libéralement.

Nous ne voulons pas rabattre cette question à des mesquines considérations de parti. Nous ne demandons cette procédure qu'en vue de faire éclater la lumière complète le plus tôt possible. Je ne prétends pas démontrer que le gouvernement se montre trop lent à revendiquer l'honneur de la Chambre.

Le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) a dit que le gouvernement ne retarderait pas d'une heure, d'une minute, d'une seconde, la lumière sur ces faits. Nous sommes prêts à accorder l'enquête demandée par le député de Soulanges, mais, si nous l'accordons dans les conditions actuelles, nous mettons ce député dans l'obligation de prouver qu'il n'est pas coupable. C'est ce qu'il ne faut pas.

Je l'ai dit aux reporters qui sont venus m'interviewer. Je tiens tous les députés de cette Chambre pour innocents jusqu'à ce qu'on ait prouvé qu'ils sont coupables, et c'est pour cela que je demande que ceux qui accusent le député de Soulanges viennent retirer ou prouver leurs affirmations.

Quant à la date de la comparution des accusateurs, nous avons proposé mercredi prochain parce que nous savons qu'il y aura un bal d'État lundi prochain et que nous croyons que la Chambre ne pourra pas siéger avant ce jour-là.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) répond que, si l'on insiste, il n'a aucune objection à accepter la motion Lavergne. Il croit cependant que l'on devrait rapprocher la date de la comparution.

M. Tellier (Joliette): Bien, mettons que ce sera demain.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): C'est un peu vite. Je propose mardi, étant donné que le bal d'État a lieu lundi.

Une voix: Tiens, vous êtes moins pressé que le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau).

M. Prévost (Terrebonne): Ni bal ni tango ne viendront nous mettre des bâtons dans les roues.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) soutient que la Chambre doit néanmoins ordonner une enquête immédiate. Je fais l'aveu, dit-il, que je n'ai aucune prétention à faire valoir quant à mes connaissances sur la procédure parlementaire, mais ce qui m'intéresse le plus en ce moment, c'est l'honneur de cette Chambre et j'espère que, ce soir, la gauche ne s'objectera pas à la motion de former une commission d'enquête.

S'il arrivait qu'il se trouvât, parmi les membres qui formeront cette commission d'enquête, quelques députés qui soient impliqués dans cette affaire, nous les remplacerons.

Ce qui me paraît étrange, c'est que, dès lundi, on m'a interpellé pour demander, en me désignant l'article du Mail, de me préoccuper de la sauvegarde de l'honneur de cette Chambre. J'ai alors dit que nous allions attendre les accusations précises que l'on promettait. Le député de Soulanges lui-même, dès hier, a demandé de suspendre la question jusqu'à ce qu'il ait pris connaissance des accusations portées.

Le journal nous est arrivé hier soir et, dès cet après-midi, le député de Soulanges (M. Mousseau) se proposait de soulever lui-même la question de privilège quand le député de Montmagny (M. Lavergne), à peine les portes de cette Chambre étaient-elles ouvertes, avec un empressement digne d'être remarqué, a proposé la motion qui est maintenant devant vous, M. l'Orateur. Nous n'entendons pas nous chicaner au sujet de la procédure, et je ne veux pas attribuer de mauvais motifs au député de Montmagny (M. Lavergne).

Si le député de Montmagny tient à sa motion telle que présentée, nous ne nous chicanerons pas, seulement je ferai remarquer que le peuple de cette province ne connaît pas les technicalités de la procédure et n'en a cure actuellement, mais il connaît l'honneur. Ce qu'il veut, dans les circonstances, c'est la lumière claire, lumineuse, triomphante. Nous allons la lui donner, et j'espère que le chef de l'opposition votera pour la motion que j'aurai l'honneur de présenter ce soir.

M. Lavergne (Montmagny) dit que la Chambre n'a pas le temps d'attendre et que c'est pour cela qu'il présente sa motion. Il proteste de ce qu'il ne conspire avec personne en prenant l'attitude qu'il assume en cette affaire. Ses motifs sont inspirés par l'honneur, dit-il, comme toujours. L'esprit de parti n'est pour rien dans cette motion et dans l'attitude qu'il prend en cette circonstance.

Je ne reçois mes ordres, dit-il, ni d'Ottawa, ni de Winnipeg, ni d'ailleurs, comme l'honorable ministre des Travaux publics (M. Taschereau) a voulu l'insinuer. Je parle ici comme un homme libre et je n'ai pas à recevoir, sous ce rapport, de leçon de la Chambre, encore moins de la droite. J'ai fait ce que je croyais devoir faire. Depuis 10 ans que je suis dans la vie publique, j'ai donné de rudes coups et j'en ai reçu, mais je n'ai jamais frappé en bas de la ceinture. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Je ne crois pas avoir mérité le sarcasme du premier ministre ni les reproches du ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) qui prétend que j'ai agi de façon partisane.

J'ai agi après avoir consulté le groupe de l'opposition et nous ne nous sommes pas occupés des garanties qui pourraient nous aider à prendre la place de ces messieurs; nous nous sommes laissés guider par des motifs beaucoup plus élevés.

Dieu m'est témoin que nous, de l'opposition, ne nous sommes pas penchés pour ramasser l'arme qui nous était offerte. Nous n'essayons pas de renverser le gouvernement ou de le remplacer. Nous essayons de défendre l'honneur de la province et la seule législature française d'Amérique.

Et avec la permission de la Chambre, il corrige sa motion en remplaçant le mot "mercredi" par "mardi".

La motion est amendée et les derniers mots de cette motion "le mercredi vingt-huit janvier 1914, à trois heures et demie de l'après-midi" sont remplacés par les mots suivants: "le mardi vingt-sept janvier 1914, à quatre heures de l'après-midi".

La motion ainsi amendée est adoptée.

Cité de Maisonneuve

M. Mousseau (Soulanges) propose, appuyé par le représentant de Beauce (M. Godbout), que les honoraires payés par les promoteurs du bill 152 annexant certains terrains à la cité de Maisonneuve leur soient remis, après déduction des frais de traduction et d'impression, vu que ce bill a été retiré.

Adopté.

M. Maxime Morin

M. Cannon (Dorchester) propose, appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), que les sommes payées au comptable de cette Chambre par le promoteur du bill 130 autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Maxime Morin à la pratique du droit lui soient remises, après déduction des honoraires et des frais de traduction et d'impression, vu que l'autorisation donnée par le conseil du Barreau ne lui est pas parvenue assez tôt pour qu'il se conforme à la règle 58 de la Chambre.

Adopté.

M. Louis-René Gagné

M. Francoeur (Lotbinière) propose, appuyé par le représentant de Bellechasse (M. Galipeault), que la pénalité payée au comptable de cette Chambre par le promoteur du bill 133 autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Louis-René Gagné au nombre de ses membres, après examen, lui soit remise, vu que le retard à donner les avis requis eut pour cause l'ajournement de l'assemblée du conseil du Barreau qui l'a autorisé à présenter ce bill.

Adopté.

The Brome Public Building

M. Finnie (Montréal-Saint-Laurent) propose, appuyé par le représentant de Brome (M. Vilas), que les honoraires payés au comptable de cette Chambre par les promoteurs du bill 88 constituant en corporation The Brome Public Building leur soient remis, après déduction des frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une maison d'éducation.

Adopté.

The Presentation Brothers of Ireland

M. Finnie (Montréal-Saint-Laurent) propose, appuyé par le représentant de Brome (M. Vilas), que les honoraires payés au comptable de cette Chambre par les promoteurs du bill 155 constituant en corporation The Presentation Brothers of Ireland leur soient remis, après déduction des frais de traduction et d'impression, vu que ce bill concerne la religion et l'éducation.

Adopté.

Succession Pierre-Edmond Paquette

M. Mercier fils (Châteauguay) propose, appuyé par le représentant de Frontenac (M. Giguère), que toutes les sommes payées au comptable de cette Chambre par les promoteurs du bill 63 concernant la succession Pierre-Edmond Paquette leur soient remises, vu qu'une erreur s'est glissée dans l'impression de la loi 3 George V, chapitre 121, et qu'il importait de corriger cette erreur.

Adopté.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 71 amendant la charte de la Compagnie du chemin de fer de Québec et de l'Île d'Orléans;

- bill 183 autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre La Broquerie de la Bruère au nombre de ses membres;

- bill 199 changeant le nom de John Carson, de la cité de Westmount, dans la province de Québec, agent financier, en celui de John Wallace Carson.

Recours en dommages

M. Galipeault (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 197 concernant les dommages à la personne.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

M. Galipeault (Bellechasse) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Émission de débentures par les compagnies à fonds social

M. Perron (Verchères) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 200 amendant les statuts refondus, 1909, en y insérant les articles 6119a, 6119b, 6119c et 6119d.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

Les amendements sont lus deux fois.

Droits de succession sur certains biens mobiliers

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine), qu'à sa prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions concernant le bill 49 relatif aux droits de succession imposés sur la transmission de certains biens mobiliers appartenant à des personnes décédées alors qu'elles étaient domiciliées en cette province.

Adopté.

Droits sur les successions

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné, sur l'amendement fait par M. Cousineau, à la motion proposée le 21 janvier courant: Que le bill 34 relatif à certains droits sur les successions soit maintenant lu une troisième fois, lequel amendement se lit comme suit: Que la motion soit amendée en en retranchant le mot "maintenant" et en y ajoutant les mots "dans six mois".

Et la motion d'amendement étant mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bérubé, Campbell, Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Lavergne, Morin, Patenaude, Prévost, Sauvé, Slater, Smart, Sylvestre, Tansey, Tellier, 17.

Contre: MM. Allard, Benoît, Bissonnet, Bouchard, Bullock, Cannon, Carbonneau, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Delisle, Demers, Desaulniers, Devlin, Dorris, Finnie, Fortier, Francoeur, Galipeault, Gendron, Godbout, Gosselin, Gouin, Grégoire, Kaine, Kelly, Langlois (Saint-Sauveur), Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Létourneau (Québec-Est), Lévesque, Mackenzie, Mayrand, Mercier, Mousseau, Ouellette, Péloquin, Perron, Phaneuf, Philps, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Robillard, Scott, Séguin, Tanguay, Taschereau, Tessier (Rimouski), Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Tourville, Trahan et Turcot, 56.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

Et la motion principale étant de nouveau mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Allard, Benoît, Bissonnet, Bouchard, Bullock, Cannon, Carbonneau, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Delisle, Demers, Desaulniers, Devlin, Dorris, Finnie, Fortier, Francoeur, Galipeault, Gendron, Godbout, Gosselin, Gouin, Grégoire, Kaine, Kelly, Langlois (Saint-Sauveur), Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Létourneau (Québec-Est), Lévesque, Mackenzie, Mayrand, Mercier, Mousseau, Ouellette, Péloquin, Perron, Phaneuf, Philps, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Robillard, Scott, Séguin, Tanguay, Taschereau, Tessier (Rimouski), Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Tourville, Trahan, Turcot, 56.

Contre: MM. Bérubé, Campbell, Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Lavergne, Morin, Patenaude, Prévost, Sauvé, Slater, Smart, Sylvestre, Tansey, Tellier, 17.

Ainsi, la motion est adoptée.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas dix mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour comptes courants (terres et forêts), pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

2. Qu'un crédit n'excédant pas vingt mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour protection des forêts, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

3. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à sa Majesté pour publication de cartes régionales et de brochures, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

4. Qu'un crédit n'excédant pas deux mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le parc national des Laurentides, S. R. Q., 1909, article 1693, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

5. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la pépinière de Berthierville: entretien pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Le comité fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen des résolutions et demande la permission de siéger de nouveau.

À 6 heures, la Chambre interrompt ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 heures

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 25 relatif aux taux de péage pour le flottage du bois sur les rivières et les cours d'eau;

- bill 111 amendant la loi constituant en corporation la ville de La Tuque;

- bill 112 amendant la charte de la ville de Shawinigan Falls;

- bill 119 constituant en corporation la ville de Roxboro et ratifiant les titres de Remi Realty Limited à certains immeubles dans ladite ville;

- bill 136 amendant la loi constituant en corporation la cité de Québec;

- bill 148 autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Alonzo-Wright McClelland au nombre de ses membres, après examen;

- bill 163 amendant la loi de l'instruction publique relativement aux biens imposables.

Taux de péage pour le flottage du bois

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 25 relatif aux taux de péage pour le flottage du bois sur les rivières et les cours d'eau.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de La Tuque

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 111 amendant la loi constituant en corporation la ville de La Tuque.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Shawinigan Falls

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 112 amendant la charte de la ville de Shawinigan Falls.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Ville de Roxboro et la Remi Realty Limited

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 119 constituant en corporation la ville de Roxboro et ratifiant les titres de Remi Realty Limited à certains immeubles dans ladite ville.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Québec

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 136 amendant la loi constituant en corporation la cité de Québec.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

M. Alonzo-Wright McClelland

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 148 autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Alonzo-Wright McClelland au nombre de ses membres, après examen.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Loi de l'instruction publique

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 163 amendant la loi de l'instruction publique relativement aux biens imposables.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Montréal

L'ordre du jour appelle l'adoption des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 100 amendant la charte de la cité de Montréal.

M. Robillard (Montréal-Saint-Jacques) propose, appuyé par le représentant de Verchères (M. Perron), que lesdits amendements soient adoptés.

Adopté sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Société d'immigration des Cantons de l'Est

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 117 constituant en corporation la Société d'immigration des Cantons de l'Est.

Les amendements sont lus une seconde fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Village de Saint-Michel de Laval

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 120 concernant le village de Saint-Michel de Laval.

Les amendements sont lus une seconde fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

M. F. Éthier

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 122 autorisant Frédéric Éthier à vendre certains biens substitués.

Les amendements sont lus une seconde fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Le Prêt hypothécaire

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 143 changeant le nom et amendant la charte de la Société de construction permanente de Québec, et la constituant sous le nom de "Le Prêt hypothécaire".

Les amendements sont lus une seconde fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Successions de Jean-Baptiste et Hercule Beaudry

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 159 concernant les successions de feu Jean-Baptiste et Hercule Beaudry.

Les amendements sont lus une seconde fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Accusations de corruption par le Daily Mail

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), qu'attendu que le journal The Montreal Daily Mail a publié dans son numéro du vingt et un janvier courant, 1914, sous le titre "Evidence of Corruption", l'article suivant (traduction):

"Preuve de corruption

"Le Daily Mail accuse l'honorable Louis-Philippe Bérard, M.C.L., l'honorable Achille Bergevin, M.C.L., et M. J.-O. Mousseau, M.A.L., d'avoir accepté des pots-de-vin.

"Toutes ces manoeuvres auraient été faites pour obtenir l'adoption d'une loi constituant en corporation The Montreal Fair Association of Canada.

"Vendredi dernier après-midi, à 3h 30 heures, le Conseil législatif de la législature de Québec a adopté le projet de loi de l'Assemblée portant le no 158 et intitulé: "Loi constituant en corporation The Montreal Fair Association of Canada.

"Cette mesure qui est ainsi devenue une loi de la province de Québec, autorise les pétitionnaires suivants: MM. Demetrius F. Myers, homme d'affaires des cité et district de Montréal, George Sampson, entrepreneur de ladite ville de Montréal; John Bastiano, de la ville de New York, dans l'État de New York, l'un des Etats-Unis d'Amérique, et David W. Hyland, courtier d'immeubles de ladite ville de New York, à organiser et contrôler des expositions agricoles, horticoles et industrielles de bestiaux et de produits du Canada et d'ailleurs, et d'autres expositions; à exploiter des places d'amusement et de récréation pour le public et à établir et exploiter des champs de courses, se rattachant aux dites expositions et autres fins.

"C'est là l'une des lois qui ont été mise à prix par les législateurs qui adoptent les lois de la province de Québec.

"Le prix payé pour l'adoption de cette loi a été de $9,500.

"De cette somme, les promoteurs ont payé $4,850 à des membres de la Législature. Il reste une balance due de $4,650, qui doit être payée aujourd'hui même.

"L'heure et l'endroit

Le montant déjà payé, les personnes qui l'ont reçu, et l'heure et l'endroit du paiement, sont comme suit:

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Joseph-Octave Mousseau, député de Soulanges à l'Assemblée législative, et président du comité des bills privés de la Chambre, par George Sampson, un des promoteurs de la Montreal Fair Association, au bureau de Martin & Company, entrepreneurs généraux, 52 édifice Duluth, angle de la rue Notre-Dame et de la Place d'Armes, le lundi, novembre 24, à 3 h 45 p.m.

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Mousseau, par David W. Hyland, un des promoteurs de la Montreal Fair Association, dans sa chambre no 369, au Château Frontenac, à Québec, le mercredi, 3 décembre, 1913, à 8 h 30 p.m.

"Mille cent cinquante dollars ($1,150) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369 du Château Frontenac, Québec, le mardi 16 décembre, 1913, à 10 heures a.m., cette somme étant la moitié d'un montant convenu pour les votes de sept membres de la législature, pour le bill 158, l'autre moitié devant être payée aussitôt que le bill deviendrait loi.

"Peu, mais assez

"Mille dollars ($1,000) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 479, Château Frontenac, Québec, le jeudi 8 janvier, 1914, à 7 h 30 p.m.

"Quatre cents dollars ($400) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369, Château Frontenac, Québec, le mardi 13 janvier 1914, à 8 h 5 p.m., cette somme, dit M. Mousseau, était pour...

"Six cents dollars ($600) payés à M. Mousseau par David W. Hyland, dans la chambre 369 du Château Frontenac, à Québec, le mercredi, 14 janvier, 1914, à 6 h 30 p.m.

"Cette somme, d'après M. Mousseau, était destinée..... qui avait consenti à faire adopter le bill par la Chambre Haute, pour la somme de $2,000 - $1,000 immédiatement et $1,000 après l'adoption du bill.

"L'associé du premier ministre

"Cinq cents dollars ($500) payés à M. Louis-Philippe Bérard, conseiller législatif pour la division de Lanaudière, et un associé du bureau Gouin, Lemieux, Murphy, Bérard & Perreault, avocats, 11 Place d'Armes, Montréal, par David-W. Hyland, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le jeudi, 4 décembre 1913, à 6 h 5 p.m.

"Deux cents dollars ($200) payés à M. Achille Bergevin, conseiller législatif pour la division de Salaberry, par George Sampson, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le jeudi, 15 janvier 1914, à 2 h 30 p.m.

"Cent cinquante dollars ($150) payés à M. Bergevin, par George Sampson, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le vendredi 16 janvier, 1914, à 2 h 57 p.m.

"M. Bergevin demandait cette somme pour le remboursement disait-il du même montant qu'il disait avoir versé à M.....

"Ce sont là les faits principaux de l'accusation que le Daily Mail porte contre les membres de la Législature de Québec. De nouveaux faits suivront - révélations qui surprendront le public. L'imprudence - ou l'audace - manifestée par les législateurs accusés donne l'impression qu'une longue habitude les a poussés à recourir à des méthodes qui les ont conduits à leur chûte (sic)."

Qu'attendu que M. J.-Octave Mousseau, député de Soulanges, mentionné dans cet article, a demandé, à la séance du 22 janvier courant, la nomination d'un comité d'enquête chargé de s'enquérir de la vérité des faits qui lui sont imputés dans l'article ci-dessus;

Qu'attendu qu'il résulte d'un article publié dans le même journal que son numéro du 22 janvier courant, sous le titre "Evidence of Corruption", que les paiements allégués auraient été faits au cours d'une conspiration entre des personnes maintenant inconnues, et dont les actes constitueraient une violation grave des privilèges de cette Chambre;

Qu'attendu que l'intérêt public et le bon renom de cette Chambre exigent qu'une enquête soit tenue sur les accusations portées contre ledit M. J.-Octave Mousseau, dans l'article reproduit ci-dessus, et sur la conspiration au cours de laquelle les paiements allégués auraient été faits;

Qu'un comité formé des honorables MM. L.-A. Taschereau et P.S.G. Mackenzie, et de MM. J.-M. Tellier, J.-A. Tessier (Trois-Rivières), C.-Ernest Gault, J.-L. Perron, Sévérin Létourneau (Montréal-Hochelaga) et Alphonse Bernier soit chargé de s'enquérir du bien-fondé desdites accusations portées contre ledit M. J.-Octave Mousseau, député de Soulanges, et des faits constituant ladite conspiration, avec pouvoir d'envoyer quérir personnes et papiers et de prendre les témoignages sous serment, par écrit ou par sténographie, ledit comité ayant de plus le pouvoir de se réunir et de siéger pendant les séances de la Chambre et les jours où la Chambre elle-même n'est pas appelée à siéger, et de faire rapport.

M. Tellier (Joliette) demande des explications.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) n'a rien à ajouter à ce qu'il a dit cet après-midi. Il fait brièvement référence aux accusations publiées dans le Daily Mail des 20 et 21 janvier, mais il veut concentrer toute son attention sur les accusations spécifiques publiées le 21 janvier. Il dit que l'on discutera des accusations faites contre les conseillers législatifs à la Chambre haute, et il n'y a aucun doute, selon lui, qu'un comité d'enquête sera nommé pour examiner les accusations portées contre ces membres.

Quant à ce qui nous concerne, le député de Soulanges (M. Mousseau) a demandé lui-même cette enquête. Comme je l'ai dit, je crois qu'il est important de connaître quels sont ceux qui ont été mêlés à cette conspiration. Je propose donc qu'il soit formé un comité ayant autorité complète pour faire une enquête, pour assigner des témoins et obtenir la lumière sur cette affaire.

M. Tellier (Joliette): Je ne suis guère plus avancé. Je sais bien que la motion demande une commission d'enquête, mais pourquoi? Cette motion vient en conflit avec celle adoptée cet après-midi.

Si l'on jette un coup d'oeil sur les précédents, on voit que ce n'est pas ainsi que l'on procède. Nous ne sommes pas pour faire de la procédure en double.

La Chambre a déjà décidé quelle procédure elle suivrait. Les divergences qui ont eu lieu n'étaient que sur des questions de détail. Et la procédure de cet après-midi a reçu l'assentiment des deux côtés de la Chambre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Est-ce que l'honorable chef de l'opposition (M. Tellier) prétend que j'ai consenti cet après-midi à abandonner le projet de la formation d'un comité d'enquête?

M. Tellier (Joliette): Bien oui. Je peux me tromper, mais je pense que tout le monde est d'accord pour qu'un comité d'enquête soit formé, et, avant de procéder à cette enquête, il nous faut savoir quelles sont les parties en cause. Qui est l'accusateur dans cette cause? C'est pour cela que nous avons adopté la motion de cet après-midi.

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de nommer un comité d'enquête si vite. L'accusation publiée dans le Daily Mail ne concerne pas seulement le député de Soulanges, mais également la législature et l'ensemble des députés de la Chambre. Il serait préférable que les accusateurs soient d'abord traduits à la barre de la Chambre pour qu'ils puissent répéter leurs accusations, ou se rétracter. S'ils ne se rétractent pas, on leur demandera de fournir les preuves de leurs assertions.

Lorsque les parties mentionnées dans la motion de cet après-midi comparaîtront à la barre de la Chambre, ce sera comme si elles étaient assignées devant un tribunal. Elles devront répondre aux questions qui leurs seront posées. Elles devront dire qui elles accusent et elles devront en faire la preuve.

Par contre, la motion du premier ministre fait seulement référence au dernier article contenant des accusations spécifiques, alors que deux articles ont été publiés en deux jours consécutifs et que le premier porte atteinte à l'honneur de cette Chambre et à l'honneur de nos collègues qui y ont été spécifiquement accusés.

D'autre part, s'ils disent qu'ils ont fait une erreur et qu'ils retirent leurs accusations, il ne sera pas nécessaire de faire enquête. Si l'affaire connaît cet heureux dénouement, alors les gens d'ici auront raison de sourire, mais, si ce n'est pas le cas, le premier ministre pourra alors présenter sa motion. Si M. Macnab et M. Nichols disent que ces articles sont vrais et qu'ils peuvent le prouver, alors ce sera le moment de demander une enquête. Il me semble que ce serait la meilleure façon de procéder.

Cela n'a rien de nouveau, même en cette Chambre. Les journaux ont déjà attaqué l'honneur et la réputation de la Chambre, et des journalistes ont déjà été traduits à la barre. S'ils persistent dans leurs attaques, on nomme un comité d'enquête. Si le premier ministre s'en tient à cette façon de procéder, je serai heureux d'appuyer sa motion visant à nommer un comité d'enquête.

Nous avons agi en toute bonne foi, cet après-midi, lorsque le député de Montmagny (M. Lavergne) a présenté sa motion et que la Chambre l'a adoptée. Nous avons entrepris la première démarche qui, à mon humble avis, est nécessaire si l'on veut faire la lumière sur ces accusations. J'ai agi de bonne foi et j'ai cru comprendre que les deux côtés voulaient faire la même chose, à moins qu'il n'y ait eu malentendu.

J'ai sincèrement cru, cet après-midi, que le premier ministre ne présenterait pas sa motion tant que M. Nichols et M. Macnab ne comparaîtraient pas à la barre de cette Chambre. J'ai demandé des explications au premier ministre cet après-midi sur sa motion, mais il n'en a pas donné beaucoup. Sur un sujet de cette importance, on peut naturellement s'attendre à ce que toute motion présentée concorde avec la motion sur laquelle on s'est entendu en après-midi.

D'après la procédure adoptée cet après-midi, si les auteurs des articles en question en prennent la responsabilité devant cette Chambre, ils deviendront la partie accusatrice, ayant droit, comme toute partie à un procès, d'être représentés par des avocats, de faire entendre les témoins et de produire les documents qu'ils jugeront nécessaires à leur preuve.

D'après le procédé qu'on demande à la Chambre d'adopter ce soir, ils ne seront que simples témoins n'ayant pas d'autre droit que de répondre aux questions qu'on leur posera. Comprend-on toute la différence? Un témoin, qu'il s'appelle du nom qu'il voudra, une fois assermenté, ne peut faire autre chose que répondre aux questions des avocats ou des juges.

Je ne veux pas insister là-dessus. Il me répugnerait de leur imputer des mobiles. Mais je confesse candidement que je ne pensais pas que c'était cela que nous allions faire.

Or, nous abordons une affaire très grave, excessivement grave. Le journal connu sous le nom de Montreal Daily Mail a écrit un article qui porte de graves accusations contre des membres de cette Chambre.

Si les accusés sont coupables, ils devront subir les peines prévues par la loi; et de même, si les accusateurs ne peuvent prouver leurs assertions, ils devront être sévèrement punis.

Car j'attire l'attention de la Chambre sur le fait que ce n'est pas seulement un individu qu'on a calomnié, mais c'est toute une institution. C'est une législature, c'est une province, c'est une race. En face de la gravité de la situation, je désire représenter au gouvernement qu'on aurait tort de diminuer la portée de l'enquête.

Cet après-midi, le premier ministre a dit qu'il n'était pas très formaliste en matière de procédure parlementaire. Moi non plus et, au cours de mes 22 ans en cette Chambre, je peux compter sur les doigts de mes deux mains le nombre de questions d'ordre que j'ai soulevées.

Mais, entre être formaliste et savoir se tenir en dedans des règles les plus élémentaires quand il s'agit de faire de la lumière sur une question de cette nature, la différence est grande.

Pensons bien à ce que nous allons faire, et que le gouvernement me permette de lui dire qu'il aurait tort de poser un acte dont l'effet serait de déprécier irrémédiablement les procédés de la commission que l'on se propose d'instituer.

La première chose que nous devrions faire serait d'amener devant nous les personnes qui ont porté les accusations. Que le premier ministre laisse sa motion sur la table pour le moment.

Si les deux accusateurs ne retirent pas leurs accusations lorsqu'ils comparaîtront à la barre de la Chambre, il pourra alors la présenter et je serai heureux de la seconder.

Si le premier ministre laissait tomber sa motion après la comparution de ces deux hommes à la barre de la Chambre mardi après-midi, il ferait alors preuve d'une grande amitié envers les membres de cette Assemblée qui ont été spécifiquement accusés.

Avant de faire le procès, mettons les parties en présence l'une de l'autre. Avant de commencer l'enquête, mettons ceux qu'elle peut concerner sur un pied d'égalité.

Procéder autrement serait injuste et cruel à l'égard du député de Soulanges.

Il n'y a pas d'accusation de portée officiellement devant cette Chambre. Obligeons les accusateurs à en prendre la responsabilité ou à les retirer ici. Les deux parties seront alors sur un pied d'égalité et, si elle a lieu, l'enquête inspirera confiance. La question retarde toute la province et les autres provinces ont les yeux sur nous. Procédons de manière à enlever tout soupçon.

Faisons la lumière au lieu de chercher à enfermer la vérité dans un puits.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): En entendant le chef de l'opposition (M. Tellier), je croyais rêver. Cet après-midi, on demandait à grands cris la lumière, et maintenant on veut attendre. On nous dit que l'honneur de la législature est en jeu et qu'il y a une question de race en cette affaire. S'il en est ainsi, il ne devrait pas y avoir de délai.

Formons nous-mêmes notre propre tribunal tout de suite, qu'il siège ou qu'il ne siège pas. Ce ne sera pas un tribunal siégeant à huis clos, mais une enquête publique.

Tout le monde pourra comparaître comme accusateur. Les accusateurs viendront à la barre de la Chambre s'ils le veulent. Ils diront ce qu'ils voudront et nous procéderons ou nous ne procéderons pas.

M. Lavergne (Montmagny): Ils viendront comme témoins.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Oui, mais ces témoins viendront en même temps comme accusateurs. Le journal prétend être en possession de preuves, et je ne crois pas qu'il se rétracte.

Mais, advenant le cas où les accusations seraient retirées, il sera facile pour cette commission d'informer la Chambre qu'elle n'a plus rien à faire. Je crois que lorsque le député de Soulanges demande une enquête, on n'a pas le droit de la lui refuser.

Je ne vois pas pourquoi l'on attendrait la comparution de ces hommes à la barre de la Chambre jusqu'à mardi. Les accusations ont été rendues publiques, elles ont été signées, le public est au courant et le Daily Mail nous a maintenant donné tous les faits et arguments se rapportant aux accusations. Pourquoi attendre?

Le Parti libéral a vu bien d'autres orages; il a subi bien d'autres ennuis. Il saura encore cette fois être à la hauteur de la situation. S'il y a des feuilles mortes sur le chêne libéral, elles tomberont.

M. Tellier (Joliette): Cette affaire est bien au-dessus des partis.

M. Prévost (Terrebonne): L'honneur n'est ni rouge, ni bleu. Les privilèges de la Chambre n'ont pas de couleur. Je veux parler au nom de toute la Chambre parce que nous sommes tous solidaires, ici. Mais il arrive ce que je craignais.

Lorsque nous nous sommes réunis, cet après-midi, pour discuter en caucus avec la meilleure intention possible et sans vouloir faire du capital politique d'un collègue de cette Chambre, j'ai dit à mes amis: Prenez garde à ce qui va venir. Parlez les premiers, car il doit y avoir quelque chose de préparé pour faire du député de Soulanges le bouc émissaire en cette affaire. C'est le haro sur le baudet! Et je prévoyais juste. Un coup d'oeil sur cette motion suffit pour découvrir qu'on veut restreindre toute l'affaire au député de Soulanges.

Il n'y a que quelques jours, le député de Soulanges se promenait dans les corridors de cette Chambre en compagnie de députés qu'il défend avec tant d'habileté. Aujourd'hui, il cherche chez ses anciens amis la chaude sympathie qu'il ne trouve plus parmi ceux qui l'ont appuyé jusqu'ici.

Aujourd'hui, nous assistons à cet étrange spectacle: des chefs de parti qui, à l'ouverture de la session, manifestaient tant de confiance en l'honorabilité du député de Soulanges qu'ils l'élevaient au poste de président du comité des bills privés, et qui maintenant demandent une enquête qui le concerne seul et qui le sacrifie pour sauver les autres.

Cependant, ces accusations touchent d'autres membres de cette Chambre. Ce soir, au Château, j'ai vu des membres de la Chambre témoigner leur sympathie au député de Soulanges, et on nous demande maintenant d'adopter une telle motion. On nous demande de lui mettre toute la responsabilité sur les épaules.

S'il est coupable, qu'il en subisse les conséquences, mais je proteste contre cette manoeuvre destinée à lui faire porter tous les péchés d'Israël. Par cette motion qui exclut tout ce qui ne touche pas au député de Soulanges, le parti ministériel se fait un beau lit blanc, laissant ce dernier à la voirie.

Vous faites donc maintenant de la politique de parti avec cette affaire qui touche à l'honneur de toute une législature? Vous accumulez sur la tête d'un seul homme les fautes reprochées à tout un groupe et vous l'offrez en victime expiatoire pour tous les crimes qu'on impute à une coterie!

Vous feignez de vous rendre au désir de votre malheureux collègue pour le placer dans une impasse que vous espérez épargner à d'autres! Vous faites la sourde oreille aux plaintes d'une famille plongée dans le malheur pour ne penser qu'à vous sauver vous-mêmes du naufrage. Ô perfidie de la politique et des politiciens!

Comme sont dangereux les premiers vents qui viennent perturber les eaux dormantes des lacs! Ah! la politique qui sacrifie les plus fidèles partisans aux exigences d'une situation que l'on croit dangereuse. Ah! la politique qui fait jeter à la mer un passager que l'on trouve de trop dans la barque.

Il relit ensuite quelques-unes des accusations du Mail, où il est insinué que l'associé du premier ministre, en cette qualité tout aussi bien qu'en qualité de conseiller législatif, a été acheté par les patrons de la Montreal Fair Association13. Il demande au premier ministre pourquoi il ignore tout ce qui, dans les articles, constitue des insinuations contre le premier ministre, pour tout ramener au député de Soulanges.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je dois dire à l'honorable député de Terrebonne (M. Prévost) que, s'il croit que j'ai été mêlé en quoi que ce soit, de près ou de loin, à ce qui est mentionné dans ces accusations, je suis prêt à subir une enquête. Et j'irai plus loin, je suis prêt à subir cette enquête devant un tribunal composé seulement du député de Terrebonne (M. Prévost).

M. Prévost (Terrebonne): C'est ce qui s'appelle se battre contre des moulins à vent. Je ne prends pas plus la responsabilité des insinuations contre le premier ministre que des accusations contre le député de Soulanges, mais je demande au premier ministre pourquoi il restreint la commission aux accusations contre le député de Soulanges, dont personne n'a pris la responsabilité en Chambre.

Il lit aussi un passage du Mail, où il est dit que M. J.-A. Labelle, avocat de Montréal, chargé du bill de la Montreal Fair, se vantait de jouer au bridge avec le premier ministre trois fois par semaine14.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je n'ai jamais joué au bridge aux enchères, ni avec M. Labelle ni avec quiconque.

M. Prévost (Terrebonne) supplie le gouvernement d'attendre à mardi prochain pour nommer le comité d'enquête. D'ailleurs, ce comité ne pourra se réunir avant mercredi prochain, ajoute-t-il. D'ici là, ces messieurs du Mail auront vidé leur sac. On saura ce qu'ils ont à dire. La proposition du premier ministre n'avancera pas les choses. Pourquoi limiter l'enquête au député de Soulanges? Le Mail annonce qu'il va impliquer d'autres députés.

Il défend aussi les détectives qui ont travaillé cette affaire et que le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) a traités de mouchards. Il trouve que ces hommes ne sont pas plus mouchards que les agents du revenu qui tendent des pièges à des hôteliers.

M. Kelly (Bonaventure) s'étonne de cette attitude de la gauche alors que la droite, cet après-midi, a accepté en définitive cette motion. Il s'étonne de cet argument apporté pour refuser cette commission d'enquête parce que MM. les accusateurs pourraient bien retirer leurs accusations.

Il répète que les accusations du Montreal Daily Mail ont sali la réputation de la législature de la province et que la meilleure chose à faire pour montrer notre bonne foi, alors que tous les yeux du continent sont rivés sur Québec, c'est de réagir rapidement à ces accusations qui portent également atteinte à l'honneur de l'un de nos collègues. C'est ainsi que nous ferons notre devoir envers ce député, sa femme et ses enfants qui pleurent ce soir, couverts de honte, alors qu'il y a quelques jours seulement ce député pouvait marcher la tête haute.

Il dénonce la mise en scène faite par le Mail dans cette affaire. Ce journal, dit-il, a fait de la publicité avec ces accusations comme s'il se fut agi d'un cirque. Est-ce là travailler dans l'intérêt public? C'est la première fois que je vois une telle forme de journalisme.

Ce journal n'a en vue que de se faire une circulation et d'augmenter son tirage. Il souligne alors le certificat de vertu que ce journal se décerne et il démontre comment il a publié graduellement les accusations, annonçant plusieurs jours à l'avance qu'il donnerait les noms.

De plus, ajoute-t-il, il n'a pas jugé à propos de publier ces accusations dans son journal seulement. Il les a passées à la Presse associée pour les disséminer partout. C'est ce qui rend plus graves les accusations portées. Il exprime aussi son regret de voir que ces accusations ont été faites dans un journal anglais, contre la seule législature canadienne-française au monde.

Il est souverainement injuste, conclut-il, d'insinuer que la droite veut se servir du député de Soulanges (M. Mousseau) comme bouc émissaire. Celui-ci demande une enquête, et la droite est prête à la lui accorder dans toute la mesure de justice possible.

M. Bérubé (Témiscouata) déclare qu'il prend part au débat parce qu'il entend se protéger lui-même et qu'il se considère attaqué dans son honneur.

Le député de Bonaventure (M. Kelly) a dit, poursuit-il, que c'est une question de race, et le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau), que l'attaque a été faite pour des raisons politiques. MM. Macnab et Nichols disent qu'ils possèdent des preuves irréfutables.

Pourquoi ne pas leur donner une chance de les produire devant cette Chambre? Les articles du Mail ont provoqué une attaque générale à l'adresse de la législature tout entière. Chaque chose en son temps. Entendons d'abord la nature des accusations portées et nous verrons après à la nomination du comité. Il demande alors au député de Bonaventure (M. Kelly) comment ce dernier est si anxieux d'avoir une enquête, quand celle qui le concerne lui-même n'a jamais fait rapport15.

M. l'Orateur le rappelle à l'ordre.

M. Bérubé (Témiscouata): Je suis surpris de la sévérité des propos du député de Bonaventure (M. Kelly) contre le Daily Mail. Nous avons demandé aux responsables de ces accusations de se présenter ici même pour les interroger sur une question qui met en cause l'honneur de cette Chambre, et il est évident que l'on portera un jugement avant d'avoir entendu les témoins.

Le député de Bonaventure dit que c'est la première fois qu'il a connaissance d'une telle forme de journalisme et il est désolé que ce soit un journal anglais qui en soit responsable. Eh bien, le Daily Mail a fait ces accusations. Laissons donc les accusateurs et les accusés se confronter.

M. Galipeault (Bellechasse) démontre jusqu'à quel point la droite a été condescendante à l'égard de la gauche cet après-midi. Il dit qu'une enquête fera voir ce qu'il y a de vrai dans les accusations du Mail et demande la lumière complète. Pour sa part, il croit que personne ne quittera l'enceinte parlementaire avant que la vérité se soit fait jour. L'enquête se fait, dit-il, sur celui qui est nommé. Qu'on donne d'autres noms, et la procédure suivra le même cours dans chaque cas.

Il est évident, par l'attitude étrange et contradictoire que l'opposition prend ce soir, que son principal souci, c'est de faire de l'agitation contre le Parti libéral. C'est le drapeau libéral qu'on veut ternir et souiller. Ce drapeau, qui a parcouru triomphalement la province depuis 1896, trouvera encore de vaillants défenseurs.

M. Lavergne (Montmagny): Si quelqu'un a terni la réputation du Parti libéral, personne de ce côté-ci de la Chambre n'en est responsable. Peut-on en dire autant de l'autre côté? Mais oublions donc pour cinq minutes, pour une journée, peut-être, des couleurs qui ne veulent rien dire et donnons donc la justice pleine et entière au député de Soulanges, la justice à tous les députés, car tous les députés de la Chambre sont attaqués, moi, vous, monsieur l'Orateur, mes collègues de l'opposition, ceux de la droite également.

C'est pourquoi nous voulons une enquête pour tout le monde, où l'on ne ferme la bouche à personne, où la vérité sorte éclatante, quels que soient ceux qui doivent en souffrir. Pour moi, le comité tout désigné par les procédures, c'est le comité des privilèges et élections, qui existe et qui peut siéger d'une minute à l'autre sur l'appel de son président. Cependant, si le premier ministre insiste pour avoir un comité de sa façon, je voterai pour. Tout ce que nous demandons, c'est que l'on ne limite pas les accusations au député de Soulanges. Je ne suis pas de ceux qui disent déjà: Je ne connais plus cet homme. Je le connais et je lui garde mon estime jusqu'à ce que ses pairs disent qu'il n'en est plus digne.

Citant ensuite le chant des deux épées, d'Henri de Bornier16, il demande qu'on en fasse sortir non pas le glaive clair du Parti libéral, le glaive fort du Parti conservateur, mais la justice de Dieu rendant à la plus ancienne législature du pays toute sa pureté, afin que, lorsqu'elle revendiquera ses droits sacrés, on ne trouve pas de tache à son blason.

Le respect que l'on voue à notre province doit être préservé. Elle doit garder sa place au sein de l'ensemble du pays et dans le monde entier. C'est le rôle qui nous est dévolu.

M. Francoeur (Lotbinière) se dit très content de voir qu'Henri de Bornier ait fourni au député de Montmagny (M. Lavergne) l'occasion de se former une opinion. Il fait remarquer qu'il ne suivra pas son collègue dans toutes ces lointaines régions et qu'il ne se placera pas entre Caïphe et Pilate pour se laver les mains. Il raille le député de Montmagny qui a parlé des souillures du Parti libéral, qui prend, dit-il, les poses de son ancien chef, Jupiter tonnant. Il lui conseille de ne pas parler de souillures. Il se sert lui-même d'une citation d'un écrivain français en disant que la plupart des fureurs humaines viennent des souffrances dont on souffre.

Il montre ensuite ce que veut le Mail en faisant de la sensation avec cette affaire: c'est, dit-il, d'augmenter son tirage. On en a la preuve par la façon progressive avec laquelle il est arrivé aux faits. Il est de l'avis du ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) et dit que l'enquête s'impose immédiatement et que l'argumentation de l'opposition est boiteuse quand elle invoque qu'il n'y a pas d'accusateurs dans cette question.

Le gouvernement, dit-il, accorde l'enquête pleine et entière et les accusateurs pourront faire leurs preuves de la façon qu'ils ont eux-mêmes choisie.

M. Tellier (Joliette), interrompant ce dernier, demande au premier ministre s'il doit comprendre que les deux journalistes accusateurs auront le droit de comparaître avec leurs procureurs.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Certainement.

M. Tellier (Joliette): Seront-ils défendeurs ou accusés?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Il n'y aura ni accusateur ni accusé. Ce sera une enquête.

M. Tellier (Joliette) se déclare prêt à accepter la motion si l'on y ajoute quelque chose pour enlever tout doute au sujet du droit des accusateurs de se faire représenter par des avocats, avec les pouvoirs que possède une partie à un procès. Il se rappelle que, dans une enquête où il était un des commissaires, on refusa à un des intéressés d'agir comme partie à un procès et qu'il démissionna en signe de protestation.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) se demande comment on a pu croire un seul instant qu'il a voulu faire nommer un comité d'enquête sans donner aux parties le droit de se faire entendre. Je n'avais cru, dit-il, qu'on pouvait croire que ces accusateurs n'en eussent pas le droit. C'est élémentaire.

M. Tellier (Joliette): Je voudrais que cela fût ajouté et spécifié dans la motion.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Et l'opposition serait satisfaite?

M. Tellier (Joliette) répond dans l'affirmative en hésitant (M. Prévost, député de Terrebonne, lui parle à l'oreille) et il ajoute qu'il voudrait que l'enquête portât sur chacun des députés, sur le député de Joliette, par exemple.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Que l'honorable député demande une enquête pour lui-même s'il le désire, personne ne saurait y mettre d'objection.

M. Tellier (Joliette) veut faire ajouter à la motion "et avec les pouvoirs que possède une partie dans un procès devant un tribunal", ainsi que le pouvoir de faire enquête sur tous les articles du Mail accusant la législature. Il ne veut pas limiter l'enquête aux accusations portées contre le député de Soulanges.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a pas d'accusations spécifiques contre d'autres députés que le député de Soulanges.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) ne veut pas faire plus de concessions à l'opposition.

M. Tellier (Joliette): Nous nous mettons au blanc.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Nous aussi. La gauche recule toujours, M. l'Orateur, et je propose que le député de Lotbinière (M. Francoeur) continue le débat interrompu.

M. Francoeur (Lotbinière) termine ses remarques et après avoir signalé que ce qu'il a dit, s'il n'a pas convaincu le chef de l'opposition (M. Tellier), cela a singulièrement impressionné ce dernier.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) espère que ce n'est pas l'intention du gouvernement de blanchir quiconque, un blanchissage de 10 ou 20 coupables peut-être, aux dépens d'une seule victime propitiatoire.

Les coupables seront inculpés et les innocents disculpés.

Une affaire de cette nature suffit pour décourager les membres qui viennent à Québec pour faire leur devoir. Il n'y a pas à se le dissimuler, tout le monde dit que c'est une très sale affaire, et que nous en sommes tous.

Il est donc dans l'intérêt de tous de procéder à une enquête minutieuse sur toutes les accusations graves faites contre les membres de la Chambre, et ce, sans délai.

Il faut que la population de la province fasse entièrement confiance à ceux qui jugeront cette cause. Ses yeux sont rivés sur la législature.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond): Il n'y aura pas de blanchissage et, pour ma part, je peux dire que je suis fier d'être membre de cette Chambre, même si le député de Saint-Georges (M. Gault) semble, quant à lui, regretter d'en faire partie. Dans tous les Parlements, toutes les démocraties, même plus importantes que celle-ci, des choses semblables se sont produites au cours de leur histoire.

D'ailleurs, nous ne saurions nous alarmer plus que de raison tant que les accusations n'auront pas été prouvées. Et c'est l'intention du premier ministre de faire une enquête sur ces accusations. Il a invité ces messieurs à venir faire leurs accusations ici même et il a demandé une enquête.

En créant ce comité d'enquête, le premier ministre ne fait que répondre à l'invitation des accusateurs eux-mêmes. Comme gardien de l'honneur de la Chambre, il ne pouvait d'ailleurs faire mieux que de proposer une telle enquête.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) parle ensuite et, à la fin de ses remarques, il soulève un point d'ordre sur la motion discutée.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'honorable député parle depuis une demi-heure, ça ne vaut rien, donc.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Ça ne vaut pas grand-chose. Appuyé par le représentant de Laprairie (M. Patenaude), il propose ensuite en amendement que les alinéas suivants soient ajoutés à la fin de la motion:

"Que ledit comité ait aussi le pouvoir de s'enquérir des accusations atteignant tous autres députés de cette Chambre, soit dans l'article du journal ci-dessus reproduit, soit dans l'article du même journal qui se trouve reproduit dans la motion de M. Armand Lavergne, député de Montmagny, adoptée au cours de la présente séance de cette Chambre.

"Et que, si lesdits MM. Nichols et Macnab se portent accusateurs devant ledit comité, ils aient le droit de s'y faire assister ou représenter par procureurs pour soutenir leurs accusations, suivant la procédure ordinaire et avec tous les droits de parties litigentes."

M. Prévost (Terrebonne) reprend la parole17 et essaie de convaincre la droite qu'elle a tort de réclamer l'enquête comme elle le fait.

M. Galipeault (Bellechasse) demande à ce dernier ce qui arrivera si les journalistes en question nomment tous les députés dans leurs dénonciations. Il dit que les députés ne pourraient pas alors se faire leurs propres juges.

M. Prévost (Terrebonne): Amenons d'abord ces journalistes devant nous et forçons-les à dévoiler, une fois pour toutes, les noms qu'ils ont à dévoiler. Alors, on pourra nommer un comité composé de gens que l'on saura exempts d'accusations. Il se considère atteint dans son honneur, comme le sont tous les députés de cette Chambre par les dénonciations du Mail, et il demande, pour lui et pour tous les députés, le même privilège que le gouvernement est prêt à accorder au député de Soulanges.

Si j'étais, dit-il, membre d'un bureau légal composé de cinq avocats et que l'un d'eux fût accusé d'avoir volé $2,000, je me considérerais insulté.

M. Grégoire (Frontenac) se demande si, parce qu'il a plu à quelques marchands américains de venir jouer ici le rôle de Satan ou de Lucifer dans le paradis terrestre, la députation se traînerait à quatre pattes devant eux pour proclamer son innocence.

M. Galipeault (Bellechasse), appuyé par le représentant de Bonaventure (M. Kelly), propose en sous-amendement que tous les mots après "que", dans l'amendement, soient retranchés et remplacés par les suivants: "si MM. B.A. Macnab et M.E. Nichols désirent se porter accusateurs devant le comité susdit, ils aient le droit de comparaître par procureurs et de s'y faire représenter pour les fins de l'enquête".

M. Lavergne (Montmagny): Je regrette que le gouvernement nous refuse la permission de nous mettre au blanc.

Et la motion en sous-amendement étant mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Allard, Benoît, Bouchard, Cannon, Carbonneau, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Delisle, Desaulniers, Dorris, Finnie, Fortier, Francoeur, Galipeault, Godbout, Gosselin, Gouin, Grégoire, Kaine, Kelly, Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Létourneau (Québec-Est), Lévesque, Mackenzie, Mayrand, Mercier, Ouellette, Péloquin, Perron, Petit, Philps, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Robillard, Séguin, Stein, Taschereau, Tessier (Rimouski), Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Tourville, Trahan, Turcot, 48.

Contre: MM. Bérubé, Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Lavergne, Morin, Patenaude, Prévost, Sauvé, Slater, Smart, Sylvestre, Tansey, Tellier, 16.

Ainsi, le sous-amendement est adopté.

Et la motion d'amendement ainsi amendée étant soumise à la Chambre, celle-ci l'adopte.

Et la motion principale ainsi amendée étant soumise à la Chambre, celle-ci l'adopte.

M. Tellier (Joliette) demande que son nom soit rayé de la liste des membres de ce comité, prétendant qu'on ne devrait pas imposer ce fardeau au chef de l'opposition.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose le député de Charlevoix-Saguenay (M. D'Auteuil) pour remplacer le chef de l'opposition (M. Tellier).

M. D'Auteuil (Charlevoix-Saguenay) décline cet honneur.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) demande aussi que son nom soit biffé du comité d'enquête.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose tour à tour les députés d'Argenteuil (M. Slater), de Westmount (M. Smart), de Montréal-Sainte-Anne (M. Tansey) et de Laprairie (M. Patenaude) pour remplacer le député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault).

M. Slater (Argenteuil), M. Smart (Westmount), M. Tansey (Montréal-Sainte-Anne) et M. Patenaude (Laprairie) refusent tous18.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) insiste pour que le chef de l'opposition (M. Tellier) reste sur le comité d'enquête.

M. Tellier (Joliette) répond que, malgré que son nom soit laissé sur la liste des membres du comité d'enquête, il refuse d'en faire partie.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est très étonnant que l'honorable chef de l'opposition se récuse.

M. Tellier (Joliette): On aurait dû au moins me consulter.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous sommes sur cette question depuis 3 heures cet après-midi. Le chef de l'opposition aurait pu se désister avant ce moment.

Travaux de la Chambre

M. Prévost (Terrebonne) prie le premier ministre d'ajourner la Chambre jusqu'à mardi, afin de donner une chance aux députés de la campagne d'être dans leur famille dès aujourd'hui.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) annonce plutôt son intention de faire siéger la Chambre aujourd'hui19, afin de permettre qu'il y ait une séance du comité des bills privés pour la continuation du bill de la Montreal Water and Power Co.

M. Prévost (Terrebonne) s'y oppose et menace de faire de l'obstruction devant ce comité si on l'oblige à rester à Québec.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) insiste.

M. Prévost (Terrebonne) continue à parler pour amener le gouvernement à reconsidérer sa décision20. Il interpelle tour à tour le premier ministre et les membres du cabinet dans le but de fléchir le premier ministre et de lui faire accorder l'ajournement immédiat, rappelant à ses anciens collègues du cabinet les amitiés de jadis.

Il prend ensuite tour à tour chaque député et les supplie d'employer leur grande influence afin de fléchir le premier ministre.

Il propose même un marché au gouvernement: si l'honorable ministre des Terres (l'honorable M. Allard), dit-il, veut intervenir auprès du premier ministre, nous allons, nous de la gauche, lui faire cadeau de notre vote pour quatre items de son budget.

Il continue ensuite à railler ou supplier le gouvernement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) consent finalement à l'ajournement jusqu'à mardi, pourvu que la Chambre vote les articles du budget à l'ordre du jour avant de lever la séance.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 150 autorisant les exécuteurs testamentaires et fidéicommissaires de feu l'honorable Louis Archambault à vendre une propriété de la succession;

- bill 193 relatif à la dissolution de l'Association des barbiers de la province de Québec;

- bill 202 amendant la loi de l'instruction publique au sujet de la votation au scrutin secret dans certaines municipalités scolaires.

 

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 33 amendant les statuts refondus, 1909, concernant les véhicules-moteurs;

- bill 83 amendant la charte de la ville Laval-des-Rapides.

Véhicules-moteurs

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 33 amendant les statuts refondus, 1909, concernant les véhicules-moteurs. Les amendements sont lus deux fois.

Charte de Laval-des-Rapides

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 83 amendant la charte de la ville Laval-des-Rapides. Les amendements sont lus deux fois.

Travaux de la Chambre

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que le délai pour la réception des rapports du comité des bills privés, sur les bills qui lui ont été renvoyés, soit prolongé au vingt-neuf janvier courant inclusivement.

Adopté.

Subsides

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas dix mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour comptes courants (terres et forêts), pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas vingt mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour protection des forêts, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour publication de cartes régionales et de brochures, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas deux mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le parc national des Laurentides, S. R. Q., 1909, article 1693, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Adopté.

5. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la pépinière de Berthierville: entretien, pour l'exercice finissant le 30 juin 1915.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées par la Chambre.

Ajournement

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, elle soit ajournée au mardi 27 janvier courant, à 4 heures.

Adopté.

La séance est levée vers 2 heures du matin.

__________

NOTES

 

1. La foule se ruait dans les galeries, sur le parquet et dans les antichambres pour assister à cette séance, note Le Devoir (23 janvier, p. 1). Spectacle inaccoutumé, écrit La Presse (23 janvier, p. 8): tous les députés, moins l'honorable Décarie et M. Vilas, de Brome, (qui étaient malades), assistaient à cette séance dramatique. Cela ne s'est pas vu depuis bien des années, d'après ce journal.

2. M. J. S. Brierley, directeur gérant du Montreal Herald, avait été appelé à comparaître à la barre de la Chambre le 18 mars 1902 par une motion de M. Prévost, le 13 du même mois, à la suite d'un article paru dans ce journal le 7 mars 1902.

3. Cette intervention tient compte également de la version légèrement différente, relevée dans La Tribune, 23 janvier, p. 1. M. Mousseau quitta alors l'enceinte de la Chambre (Le Canada, 23 janvier, p. 1) et il n'allait pas y revenir.

4. Il s'agit de l'agence de détectives William J. Burns International Detective Agency, de New York, dont M. William J. Burns était le gérant et M. Guy Biddinger, l'assistant gérant général.

5. L'agence Burns avait mis à jour plusieurs scandales politiques aux États-Unis. Dans l'Oregon, par exemple, elle avait fait suivre des membres de la législature intéressés dans des achats de terres et avait fait éclater un projet des législateurs dans le but de voler l'État et de s'enrichir (Voir Le Devoir, 2 février 1914, p. 8).

6. L'agence Burns utilisait, pour écouter les conversations, un instrument appelé "dictaphone" ou "détectophone". L'un des détectives décrit ainsi cet instrument devant le comité d'enquête:

"C'est une boîte avec deux récepteurs, deux serre-tête et deux récepteurs pour chacun. Ce sont les récepteurs de la télégraphie sans fil de Marconi, les meilleurs. Il y a un petit disque qui est placé dans la chambre où la conversation a lieu. Il y a un fil partant de ce disque allant à la boîte et il y a deux batteries dans la boîte et un régulateur sur chaque batterie pour régulariser chaque récepteur." (Rapports des comités spéciaux... 1914, p. 219) Voir aussi Jean-Charles Bonenfant, "La première table d'écoute au Québec", Cahier des dix, 40 (1975) 87-111.

7. Il s'agit de Louis-Philippe Bérard, ami de Sir Lomer Gouin, son associé dans son cabinet d'avocat et conseiller législatif depuis le 13 octobre 1912.

8. X. Attempts to Bride Members. -- "That the offer of any money or other advantage to any member of this House for the promoting of any matter whatsoever, depending or to be transacted in parliament, is a high crime and misdemeanour, and tends to the subversion of the constitution." (y) (Bourinot, ch. II, sect. X, p. 156., 3e éd. 1903)

9. Joseph-Octave Mousseau était député de Soulanges depuis le 25 novembre 1904.

10. Le Parti libéral présenta d'abord l'affaire comme une conspiration ourdie par les conservateurs, en particulier par ceux provenant du Manitoba, comme l'honorable Robert Rogers, ministre des Travaux publics, dans le cabinet Borden à Ottawa.

11. Le lundi 26 janvier, dans la soirée, devait avoir lieu au parlement même un bal d'État en l'honneur de Son Altesse Royale le duc de Connaught, gouverneur général, en visite à Québec.

12. À la note "y" de la section X du chapitre II de Bourinot, on peut trouver les précédents suivants qu'il a pu citer:

(y) Eng. Res. of 2nd May, 1695. The English Commons have always severely punished members for receiving bribes; 9 E. Com. J. 24; 11 Ib. 274; 5 Parl. Hist. 886-911, cases of Sir John Trevor, speaker, and others. In 1873, a Mr. John Heney was brought to the bar of the Canadian House on a charge of offering Mr. Cunningham, of Marquette, a sum of money for his vote; but no proceedings were taken, as parliament was suddenly prorogued. Can. Com. J. 1873 (2nd sess.), 134-9. (Bourinot, 3e édition, 1903.)

13. Le texte du Mail: "Cinq cents dollars ($500) payés à M. Louis-Philippe Bérard, conseiller législatif pour la division de Lanaudière, et un associé du bureau Gouin, Lemieux, Murphy, Bérard et Perreault, avocats, 11, Place d'Armes, Montréal, par David W. Hyland, dans la chambre no 369 du Château Frontenac, Québec, le jeudi 4 décembre 1913, à 6 h 5" (21 janvier 1914).

14. Texte du Mail (22 janvier 1914, selon la traduction du Devoir, 22 janvier, p. 3): "Le premier ministre est un de mes amis. Nous jouons au bridge trois fois par semaine."

15. Cette enquête avait été accordée le 13 mai 1909, à la demande de M. Prévost qui avait accusé M. Kelly d'avoir abusé de son mandat dans certaines ventes de terres de la couronne à un marchand de bois. Mais cette commission d'enquête avait cessé ses travaux après quelques jours de séance, à la suite de la nomination de deux de ses membres comme juges, MM. Weir et Roy. Elle ne fut pas reprise en 1910 et en 1911. En 1912, M. Prévost demanda le dépôt de tous les documents relatifs à cette enquête, dépôt qui fut accordé le 7 mars 1912, après quelques débats. La commission, qui n'était pas allée au bout de son mandat, n'avait pas cependant préparé de rapport.

16. Il s'agit d'un passage de La Fille de Roland, acte II, scène V, drame en vers d'Henri de Bornier (1825-1901).

17. Pendant ce temps, Sir Lomer Gouin et l'honorable Taschereau préparent un sous-amendement, écrit La Presse (23 janvier, p. 8).

18. Le Devoir (23 janvier, p. 6) fait observer que M. Bernier, député conservateur de Lévis, étant absent de la Chambre hier soir, n'a pu dire s'il se retirait aussi du comité d'enquête, mais ce journal croit qu'il suivra la ligne de conduite de son chef.

19. Selon L'Action (23 janvier, p. 3), il se trouve alors précisément 1 h 30 du matin et, par conséquent, c'est le 23 janvier.

20. Selon Le Devoir (23 janvier, p. 6), il aurait ainsi parlé pendant près d'une heure.