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Version finale

15e législature, 3e session
(10 janvier 1922 au 21 mars 1922)

Le lundi 6 mars 1922

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 8 h 301.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Registres de l'état civil

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 189 validant la tenue de certains registres de l'état civil et la célébration de certains mariages.

Ce bill a pour but de palier au fait que certains ecclésiastiques de la province, qui ne sont pas sujets britanniques, ont célébré des mariages, des baptêmes, etc., en se servant du registre de l'état civil, et ce, à l'encontre des dispositions de la loi de 1829 qui stipulent que seuls des sujets britanniques sont autorisés à garder le registre.

Nous visons à remédier aux difficultés techniques résultant du fait que ces mariages ont été célébrés.

Le bill s'appliquera uniquement aux mariages qui ont été enregistrés par le passé. Aussi, pour ce qui est des diverses sectes religieuses visées par le bill, elles devront s'assurer d'avoir les pouvoirs nécessaires afin d'enregistrer de tels événements, à l'avenir, par le biais de bills spéciaux soumis aux électeurs.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Code de procédure civile

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 192 amendant le Code de procédure civile.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Coupe de bois

M. Fortier (Beauce) demande la permission de présenter le bill 147 amendant l'article 16 du Code municipal relativement à la coupe de bois.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Lots du comté de Terrebonne

M. Reed (L'Assomption) demande la permission de présenter le bill 148 détachant certains lots du comté de Terrebonne et les annexant à la paroisse de Saint-Joachim, dans le comté de l'Assomption, pour les fins électorales, judiciaires, municipales et d'enregistrement.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Lots du comté du Lac Saint-Jean

M. Gaudrault (Chicoutimi) demande la permission de présenter le bill 169 détachant certains lots du comté du Lac Saint-Jean et les annexant à la paroisse de Larouche, dans le comté de Chicoutimi, pour les fins électorales, judiciaires, municipales et d'enregistrement.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Lots du comté de Kamouraska

M. Thériault (L'Islet) demande la permission de présenter le bill 149 détachant certains lots du comté de Kamouraska, et les annexant à la paroisse de Saint-Pierre d'Estcourt, dans le comté de Témiscouata, pour les fins électorales, judiciaires municipales et d'enregistrement.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Commission des services publics

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 191 amendant la loi concernant la Commission des services publics de Québec.

Le bill fait en sorte de donner juridiction à la Commission des services publics, dans le cas où une compagnie de tramway et une municipalité conviennent entre elles de lui soumettre tout conflit les opposant. La Commission devra rendre une décision qui engagera les deux parties. Il est entendu que le bill comporte une application particulière dans le cas de Lévis, où les tramways ont cessé leurs opérations pendant trois mois, suite à un conflit qui les oppose à la municipalité. Si les deux parties s'entendent pour soumettre leur différend à la Commission, la sentence les engagera toutes les deux.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Emprunts pour les sociétés d'agriculture

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) demande la permission de présenter le bill 193 concernant certains emprunts par les sociétés d'agriculture.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Tribunaux du Royaume-Uni

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 190 permettant l'exécution dans la province de Québec des jugements rendus par certains cours de justice du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Sous la nouvelle loi, ceux qui ont reçu jugement dans le vieux pays, ou présumément dans l'État libre d'Irlande, et qui ont fait le voyage vers le Canada, afin d'éviter le trouble de devoir régler leurs affaires, ou, vice versa, qui se sont fait juger au Canada et ont décidé de plier bagages et d'aller demeurer dans le vieux pays, ne pourront pas se dérober à l'exécution des jugements.

Cette loi prévoit que tout jugement rendu par n'importe quel tribunal du Royaume Uni, de Grande Bretagne ou d'Irlande sera exécuté dans la province de Québec, privant ainsi les étrangers qui entrent dans notre province du plaisir de se soustraire à l'exécution de leur jugement, à condition que ce jugement ait été soumis à une cour de la province et qu'il ait été enregistré. C'est une mesure qui est réciproque et qui facilitera l'exécution des jugements, et elle est dans le meilleur intérêt de tous.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Questions et réponses:

Travaux routiers dans le comté de Chicoutimi

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Renaud (Laval): 1. Le gouvernement a-t-il donné des contrats pour travaux de gravelage ou de macadam dans le comté de Chicoutimi, dans les paroisses de Grande-Baie, Saint-Alphonse, Chicoutimi et Jonquière, depuis 1917?

2. Ces travaux ont-ils été donnés par soumissions?

3. Dans l'affirmative, pour quel montant à chaque soumission?

4. Est-il vrai qu'un M. Bosco aurait eu le contrat pour un travail dans les paroisses de Chicoutimi ou de Jonquière, pour un prix plus élevé que d'autres?

5. Dans l'affirmative, quels étaient les prix demandés par d'autres soumissionnaires et quels étaient leurs noms?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Le gouvernement n'a pas donné lui-même de contrats. Les municipalités suivantes en ont fait, savoir:

- Bagotville, division nord-ouest du canton Bagot (Saint-Alphonse);

- Chicoutimi, canton.

- Saint-Dominique-de-Jonquière, paroisse.

2. Oui.

3. (Voir la liste ci-dessous)

Bagotville, division N.-O. - CheminSaint-Paul-de-la-Grande-Ligne
   (routeSaint-Alexis-Jonquière) - 1917.

Soumission Provincial Building & Engineering Co
$37,896.61

Chicoutimi, canton - Chemins du rangSaint-Jean-Baptiste et du rang Saint-Pierre
   (routeSaint-Alexis-Jonquière) - 1917.

Soumission Riverin & Riverin
$126,666.91

Saint-Dominique-de-Jonquière, paroisse. - Chemin dela Petite-Société et route à Basile
   (route Saint-Alexis-Jonquière) - 1917.

Soumission Provincial Building & Engineering Co
$39,612.66

Chemin Saint-André - 1920:

Soumission Dufour & Bergeron
$49,435.96

 

4. et 5. Le gouvernement l'ignore.

Lots dans Témiscouata

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Combien de lots ou de fractions de lots impropres à la culture le gouvernement a-t-il concédés par lettres patentes dans Témiscouata, du 22 mai 1916 au 22 juin 1921?

2. Quels sont: a. les noms, la désignation, et l'adresse de chacun des concessionnaires; b. la description des lots ou fractions de lots qu'ils ont ainsi obtenus (numéro, rang, canton); c. la date de l'émission des lettres patentes; d. le prix de vente de chacun de ces lots ou fractions de lots?

3. Sur la recommandation de qui chacune de ces lettres patentes a-t-elle été émise par le gouvernement?

4. Le gouvernement a-t-il obtenu dans chaque cas, avant l'émission des lettres patentes, des rapports certifiés par les ingénieurs-forestiers ou les gardes-forestiers, établissant la quantité et l'espèce des essences forestières sur chacun de ces lots ou fractions de lots?

5. Quelles étaient, d'après chacun de ces rapports, la quantité, l'espèce et la valeur approximative des essences forestières sur chacun de ces lots ou fractions de lots?

6. Quelle était, d'après chacun de ces rapports, la proportion de terre propre à la culture sur chacun de ces lots ou fractions de lots?

7. Le gouvernement a-t-il contrôlé chacun de ces rapports?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Un lot et un demi-lot.

2. Lot 40-6 de Whitworth à F.-X. Bélanger - adresse inconnue. Lettres patentes émises le 5 décembre 1918. Prix de vente $2. l'acre, soit $126 pour 63 acres: ½ sud-ouest du lot 4 nord du chemin, Whitworth - 44½ acres à Geo. Desjardins - adresse inconnue - lettres patentes émises le 2 décembre 1918 - prix de vente $2. l'acre.

3. Sur la recommandation du Dr Parrot.

4. 5. 6. et 7. Le gouvernement s'estimait suffisamment renseigné sur la valeur de ces deux lots de Whitworth, soit pour la nature du sol, soit pour la richesse forestière. Cette appréciation fut confirmée par le désistement écrit de la compagnie licenciée pour autoriser ces ventes sans les conditions ordinaires de défrichement.

M. Frs Pouliot

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. M. Frs Pouliot est-il inspecteur pour le département des Terres?

2. Dans l'affirmative, est-il vrai qu'il aurait déclaré le 1er décembre 1913, que sur les lots 15, 16, 17 et 18b du canton Bourdages, il y avait bien 50 % de terre à culture sur chacun de ces lots?

3. Est-il vrai que le 13 septembre 1917, un M. Eugène Létourneau, employé par le département des Terres, aurait donné sous serment un certificat d'établissement pour justifier l'émission des lettres patentes?

4. Est-il vrai que, dans le dit certificat, M. Eugène Létourneau déclarait sous serment que, sur le lot no 17 du canton Bourdages, il a été fait du défrichement dans un terrain propre à la culture et que le terrain a été bien préparé pour une culture profitable?

5. Est-il vrai que M. J.-E. Masson, alors député de Montmagny, aurait écrit au département des Terres le 31 mai 1918, disant que ce lot est inculte?

6. Dans l'affirmative, qu'a fait le gouvernement? A-t-il accordé des lettres patentes?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Non.

2. Oui.

3. Oui, pour les lots 15 et 17.

4. Oui.

5. Oui.

6. Le département a soumis la question au service forestier, qui a recommandé des lettres patentes sans conditions à $2. l'acre; des lettres patentes furent émises conformément à ce rapport.

Achats de vins ontariens

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Quelle quantité de vins la Commission des liqueurs a-t-elle achetée dans Ontario depuis le commencement de ses opérations jusqu'au 31 janvier?

2. Quels sont les noms et adresses des maisons, sociétés ou personnes qui ont fourni et vendu ces vins?

L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. 2,400 barils.

2. Niagara Falls Wine Co., Niagara Falls, Ont; The Stanford Park Wine Co., Niagara Falls, Ont; T. G. Bright & Co. Ltd, Niagara Falls, Ont.

National Breweries Ltd

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Dufresne (Joliette): 1. Quelle somme la National Breweries Ltd, de Montréal, a-t-elle payée au gouvernement pour son ou ses permis en vertu de l'article 27, de la loi 11 George V, chapitre 24?

2. Combien a payé chacune de ses subsidiaires?

L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. $5,000.

2. Ne tombant pas sous le coup de l'article 27, les compagnies subsidiaires n'ont rien payé.

Licences d'automobiles

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Est-il vrai que le gouvernement aurait avisé les officiers du revenu provincial d'émettre les nouvelles licences d'automobiles pour l'année courante au taux de 90¢ par cheval-vapeur, au lieu de 70¢ suivant la loi?

2. Dans l'affirmative, en vertu de quelle autorisation?

L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. Oui.

2. Sous l'autorité de l'article 1432 S.R.Q., 1909, tel qu'amendé par 1 George V, chapitre 16 (1911), et de l'arrêté en conseil no 389, du 28 février 1922.

Code de procédure civile

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 192 amendant le Code de procédure civile.

Adopté.

Bishop's College

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 194 autorisant un octroi au Bishop's College pour fins d'éducation.

Adopté.

Tribunaux du Royaume-Uni

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 190 permettant l'exécution dans la province de Québec des jugements rendus par certaines cours de justice du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Adopté.

Attelage des chevaux

M. Ouellet (Dorchester) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 159 amendant l'article 7630 des statuts refondus, 1909, relativement à la manière d'atteler les chevaux sur les voitures d'hiver, dans certains comtés.

Adopté. Le comité étudie le bill et fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen du bill.

Il est ordonné que le comité siège de nouveau à la prochaine séance.

Code municipal

M. Forget (Iberville) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 162 amendant les articles 80 et 259 du Code municipal.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Forget (Iberville) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi de pharmacie

M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 163 modifiant la loi de pharmacie de Québec.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Charte de Saint-Jérôme

M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 90 amendant la charte de la ville de Saint-Jérôme.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Juridiction de la Cour de circuit et de la Cour de magistrat

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 35 amendant le Code de procédure civile relativement à la juridiction de la Cour de circuit et de la Cour de magistrat soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

Appels

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 188 amendant le Code de procédure civile relativement aux appels soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

 

Demande de documents:

Exportation de bois de Bonaventure vers le Nouveau-Brunswick

M. Bugeaud (Bonaventure) propose, appuyé par le représentant de Dorchester (M. Ouellet), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre la correspondance échangée entre le gouvernement et les concessionnaires de coupes forestières du comté de Bonaventure, relativement au bois qu'ils exportent à l'état brut dans le Nouveau-Brunswick, ainsi que toute correspondance échangée avec les concessionnaires d'autres régions où existent des conditions similaires.

M. l'Orateur, depuis que j'ai l'honneur d'être le représentant du comté de Bonaventure dans ce Parlement, j'ai déjà élevé la voix, et dans cette Chambre et ailleurs, pour déplorer l'état de choses, dont je vous parlerai aujourd'hui, à savoir: le transport de notre bois brut dans les autres provinces, pour y être manufacturé. La réponse du gouvernement alors a été que l'on allait s'occuper de cette question et tâcher de la résoudre le plus tôt possible. Je comprends que, pendant la période terrible causée par la Grande Guerre, l'on n'a pu solutionner cette question. Mais aujourd'hui, je viens de nouveau la porter à l'attention du gouvernement et à l'attention du pays.

Si j'en avais le pouvoir, je puis vous certifier, M. l'Orateur, et je crois que cette Chambre sera de mon avis, après avoir écouté les quelques faits que je vais lui exposer, je n'hésiterais pas à décréter, tout en tenant compte de certaines circonstances, la prohibition d'exporter notre bois dans les autres provinces, si le pouvoir que nous donne la Constitution nous permet de le faire. N'ayant pas ce pouvoir, je vais me contenter de mettre devant vos yeux l'état des choses actuelles, comme le ferait un malade atteint d'une maladie très grave, allant voir son médecin, et attendant de lui le remède devant le guérir.

L'on pourra amener contre moi toutes sortes de sophismes, l'on pourra parler de droits acquis, de ruine d'industries, de circonstances impossibles à contrôler, du tort à certaines compagnies; les intéressés pousseront certainement les hauts cris mais, M. l'Orateur, la province que je représente est malade, très malade. Elle vient voir son médecin, et s'il faut tailler dans le vif pour la guérir, on devra le faire.

D'ailleurs, ces récriminations ne sont pas nouvelles, on les a déjà dites lorsque le gouvernement de cette province, agissant avec toute la sagesse qui le caractérise, a prohibé l'exportation de notre bois aux États-Unis. À l'époque, on a prédit la ruine d'industrie, prédit que l'on ne couperait pas de bois dans notre province, prédit que le prix du bois allait baisser, prédit que l'on ne bâtirait pas de manufactures, prédit que le bois allait se perdre, prédit toutes sortes de maux plus sinistres, plus sombres les uns que les autres. Tout le monde sait que c'est tout le contraire qui est arrivé et vous savez, M. l'Orateur, tout le bien qui en a résulté pour la province. Et le gouvernement et ses membres ne cessent de proclamer ce qu'ils ont fait, et ils ont réellement fait aussi quelque chose de grand pour notre province, et nous en avons déjà récolté, dans une période relativement courte, des fruits merveilleux, qui ne sont encore qu'à leur enfance, mais dont la maturité laisse entrevoir les plus beaux résultats.

Il est reconnu de tous, comme je le disais il y a un instant, que le fait d'avoir prohibé l'exportation de notre bois de pulpe aux États-Unis, a fait un bien immense et nous a aidé à prendre pied chez nous, à prendre connaissance de nous-mêmes.

D'ailleurs, nous avons qu'à écouter ce que disent nos voisins de l'autre côté de la frontière pour savoir que la mesure était bonne, qu'elle est encore bonne. Ce que l'on a voulu par cette mesure, c'était de garder chez-nous notre bois, nos produits naturels, afin que nos ouvriers, nos colons, nos cultivateurs aient l'avantage de profiter de l'argent que l'on aurait payé ailleurs pour la manufacturer. Si la mesure était bonne lorsqu'il s'agissait de prohiber l'exportation du bois aux États-Unis, elle devrait être aussi bonne lorsqu'il s'agit de prohiber l'exportation du bois dans les autres provinces, car le mal est le même, et, le mal est très grand.

Vous serez étonné d'apprendre, M. l'Orateur, que durant les années 1918 et 1919, il a été exporté en dehors de la province, et je ne parle que du bois coupé sur les terres de la couronne, sur le terrain appartenant au gouvernement, 296,068,3432 pieds de bois sur les limites et 27,998,411 pieds sur les lots privés, faisant un total de 324,066,754 pieds. En 1919-1920, 380,964,232 pieds sur les limites et 13,447,3983 pieds sur lots privés, faisant un total de 394,411,630 pieds. En 1920-1921, 379,407,720 pieds sur les limites et 42,853,225 pieds sur les lots privés faisant un total de 422,260,945 pieds.

Une augmentation de 26,000,000 pieds pour 1920-1921, montrant que le mal au lieu de diminuer s'aggrave, et s'aggrave très rapidement. Ce montant paraîtra encore plus terrible, lorsque je vous dirai, M. l'Orateur, qu'il représente 30 % de la totalité de notre exploitation forestière; c'est à dire que 30 % ou 1/3 de notre bois à nous, de notre bois coupé sur nos terrains, sur notre patrimoine, est manufacturé ailleurs que dans notre province.

Certains marchands de bois, propriétaires de moulins que j'ai consultés, me disaient que, lorsque le bois est rendu au moulin, cela coûte pour manufacturer et pour tout autre ouvrage nécessaire pour prendre le bois à l'état brut et le placer en produit manufacturé sur les bateaux ou les chars qui devront le transporter sur le marché, un montant de $15 du mille pieds. Mais vu la diminution de salaires cette année, je vais réduire ce montant à $10 du mille pieds, ce qui est au-dessous de la réalité, et j'obtiens l'énorme somme de $4,220,000 que les ouvriers des autres provinces ont gagné à manufacturer notre bois. Pendant ce temps de chômage, une somme de $4,220,000 aurait fait vivre un bon nombre d'ouvriers dans notre province, et si vous prenez le fait que ces $4,220,000 auraient été dépensées dans notre province, vous verrez que l'on perd réellement une somme de dix millions de piastres par année.

Dans le comté de Bonaventure que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre, le montant total de bois coupé l'année dernière a été le suivant: 49,180,751 pieds de bois; une diminution cependant sur l'année précédente de six millions de pieds et sur toute cette énorme quantité de bois, seulement 15 millions de pieds ont été manufacturés dans le comté.

Ce qui fait qu'au-delà de 34 millions de pieds ont été manufacturés au Nouveau-Brunwick ou ailleurs et que le comté de Bonaventure a perdu et que les gens du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs ont gagné à notre détriment une somme de $340,000.00. Et non seulement nous avons perdu ce salaire, mais comme je le disais, les fermiers du comté de Bonaventure auraient vendu leurs produits, les marchands auraient vendu leurs marchandises, de sorte qu'en réalité nous avons ainsi perdu l'année dernière une somme d'au-delà de $700,000.

M. l'Orateur, ces chiffres ont l'air fabuleux, malheureusement ils sont exacts, et démontrent combien j'avais raison de dire que la province est malade. Combien j'ai raison de demander au gouvernement de la guérir, si l'on a le pouvoir et d'appliquer immédiatement des remèdes sérieux qui ne feront pas seulement qu'endormir le mal, mais le couperont dans sa racine. Je sais que le gouvernement est un gouvernement composé de patriotes, et qu'il a à coeur de tout faire pour que notre province devienne plus grande et plus belle. Je sais que l'honorable premier ministre spécialement veut garder pour nous nos ressources naturelles. Il l'a dit au banquet Lapointe l'autre soir4, et il l'a dit en cette Chambre, lorsqu'il a prononcé des paroles aussi fortes que bien dites: "Hands of Quebec", et bien, "Messieurs des autres provinces, laissez-nous notre bois".

C'est une question importante, et qui ne devra pas être étudiée indéfiniment. Lorsque, il y a trois ans, j'ai soulevé cette question en cette Chambre, on m'a promis de l'étudier. On va me répondre la même chose aujourd'hui, mais il ne faudra pas que le cours d'étude soit trop long. D'ailleurs, nous avons absolument besoin de prohiber l'exportation du bois dans les autres provinces, si nous voulons assurer le bon fonctionnement de la loi prohibant l'exportation du bois aux États-Unis, car lorsque ce bois est rendu dans les autres provinces, nous en perdons absolument le contrôle. Je ne veux accuser personne, mais il peut fort bien prendre le chemin des États-Unis.

Au point de vue de mon comté, c'est une question absolument de vie ou de mort. Quels seront les remèdes à employer, c'est au gouvernement à aviser. Il y en a de nombreux: augmenter les droits de coupe, pour le bois manufacturé dans les autres provinces, taxer les sociétés commerciales, et lorsqu'on viendra à l'exploitation raisonnée du domaine forestier, obliger les compagnies à couper un certain montant de bois chaque année, et à payer les droits au gouvernement, car l'on menace de discontinuer l'exploitation, si l'on ne veut pas laisser transporter le bois.

Je me suis laissé dire que, dans le comté de Bonaventure, le bois était moins profitable que celui d'ailleurs. Il était plus petit, et sa qualité était moins bonne. Cela peut arriver, car je ne suis pas un expert en exploitation forestière. Il serait alors peut-être à propos de diminuer là et ailleurs les droits de coupe au lieu de les augmenter, en un mot prendre les moyens de faire cesser d'une manière absolue cette exportation. Comme je l'ai démontré tantôt, pour Bonaventure, sur 49 millions de pieds de bois, 35 millions de pieds s'en vont à l'extérieur, et nous sommes trop éloignés du Nouveau-Brunswick, pour pouvoir participer au profit de cette exportation, ce qui pourrait être le cas, pour les comtés situés le long de la rivière Ottawa. L'honorable député de Pontiac (M. McDonald) qui est absent de cette Chambre, me prie de dire qu'il concourt absolument dans mes remarques que je viens d'exposer devant vous et que, pour son comté aussi, c'est une question de la plus grande importance.

L'on me faisait la remarque, qu'après tout, du côté du Nouveau-Brunswick, c'était des Acadiens comme nous, qui profitaient des avantages que leur donnait l'exportation de ce bois, mais ce n'est pas une raison. Il aurait fallu ne pas prohiber l'exportation de notre bois aux États-Unis, parce que, un grand nombre de Canadiens y travaillaient, pour le manufacturer.

M. l'Orateur, je viens d'exposer des faits tellement graves, tellement importants, tellement essentiels à notre développement futur, et j'ai prouvé, comme je le disais au commencement, que notre province était tellement malade, et l'état de choses que je viens de mentionner est tellement grave que toutes paroles que je pourrais ajouter deviendraient banales, et ne seraient que des balbutiements d'enfants, en regard de l'immense cri de détresse poussé par la vieille terre ancestrale, à qui l'on arrache au profit des étrangers, la plus belle partie de sa couronne, et la vie de ses enfants.

"Des blés fauchés, qui sont bien nôtres".

"Et dont les épis mûrs, font du pain, pour les autres".

(Applaudissements)

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Je n'ai pas besoin de vous dire combien je suis heureux que le député de Bonaventure (M. Bugeaud) ait soulevé cette intéressante question de l'exploitation du bois dans la province de Québec avec tant de franchise et de bonne foi. Mais cette question, elle est aussi complexe qu'intéressante. Elle ne se pose pas seulement dans la région de la Baie des Chaleurs, mais en maints autres endroits de la province.

Mais ici, il y a ceci de particulier, qu'en étudiant la question pour en chercher la solution, l'on ne doit pas seulement se placer au point de vue de l'intérêt particulier d'un provincialisme étroit, mais au point de vue canadien. L'affaire est de la plus haute importance et je suis d'avis qu'on ne peut régler une question aussi sérieuse sans songer aux résultats que sa solution peut avoir non seulement ici, mais dans les autres provinces. Il est nécessaire d'agir avec prudence. Il faut sérieusement réfléchir aux conséquences qu'une solution trop brusque ou trop radicale apporterait dans nos relations interprovinciales.

La question mérite assurément la plus scrupuleuse des considérations, mais avant d'appliquer le remède, il faut bien envisager les résultats. D'abord, établissons notre position. Qu'elle soit grave, mérite considération, je l'admets; cependant, sans être en état de donner des détails précis et en tout respect pour lui, le député de Bonaventure me permettra de penser que certains des chiffres qu'il a fournis au point de vue du bois coupé dans la province sont peut-être exagérés.

L'an dernier, on a coupé 42,800,000 pieds, mesure de planche, sur des domaines privés dans les districts de Bonaventure et de Gaspé, et 3115 millions sur les domaines de la couronne. Il faut donc comparer la situation dans ce district à celle de tout le reste de la province, soit un revenu de $166,0006 avec un revenu total de plus de $3,000,000.

Les revenus forestiers de cette région ne représentent pas une proportion aussi considérable que celle que l'on a citée, mais n'empêche que je comprends que la situation pour la Baie des Chaleurs, Bonaventure et Gaspé est plutôt pénible, et je voudrais lui trouver une solution. Cette situation cependant s'explique.

Il y avait naguère plusieurs compagnies qui exploitaient la forêt dans la région de la Baie des Chaleurs; à un moment, ces compagnies se sont trouvées englobées dans une grande compagnie du Nouveau-Brunswick, la Bathurst Lumber Co., vers laquelle on a dû drainer le bois des compagnies québécoises.

Quant à l'implantation de grosses industries dans cette région, la chose est assez difficile. Dans Bonaventure et Gaspé, il y a bien certaines rivières comme la Cascapédia qui peuvent développer de la force motrice, mais les pouvoirs d'eau ne sont pas suffisants pour justifier des barrages coûteux et l'établissement de moulins à pulpe.

À cause de cela, de nombreuses compagnies ont abandonné l'exploitation de la forêt du côté de Québec, pour passer du côté du Nouveau-Brunswick. La fabrication est faite uniquement à Bathurst. Il y a, en outre, à considérer pour ces compagnies, la question du transport qui est énorme pour elles du côté de Québec, le bois devant être transporté sur trois chemins de fer avant de parvenir dans les grands centres de distribution; cet état de choses n'existe pas dans la province voisine.

Il est démontré qu'il en coûte moins cher d'expédier le bois à travers la Baie des Chaleurs sur radeau, et ensuite par la voie de l'Intercolonial, que de l'expédier par le chemin de fer de la Baie des Chaleurs et le transborder ensuite à Matapédia sur l'Intercolonial.

Il est très rare que les radeaux se brisent. On en a vu sur l'océan Pacifique traîner jusqu'à 2,000,000 de pieds à la fois. Et l'expédition par la péninsule est très possible. Cela est dû au mauvais service du petit chemin de fer qui sillonne cette région.

Voilà, en quelques mots, les causes de la crise qui fait péricliter l'industrie forestière dans cette région gaspésienne. Nous espérons pouvoir bientôt remédier à cet état de choses. Et ce sera assez difficile. Tandis que l'embargo sur les exportations de bois non manufacturé aux États-Unis a produit d'excellents résultats et a développé une grande industrie dans la province de Québec, la question d'étendre cet embargo aux autres provinces est une solution très complexe qu'il faut étudier de très près. Nous sommes en face d'une question complexe, une question de relations de la province avec les autres provinces.

Cette étude se fait en ce moment avec grand soin depuis longtemps, mais la solution ne sera pas facile à trouver, car il faut aussi considérer les relations de Québec avec les autres provinces. Il faut prendre aussi en considération la situation particulière de chacun des districts. Il se peut que la fabrication sur place soit avantageuse dans certains cas et désastreuse dans d'autres, à cause de l'absence des pouvoirs d'eau.

Il (l'honorable M. Mercier fils) rappelle que récemment, parlant à un banquet de forestiers, il a conseillé l'exportation du bois coupé sur les domaines particuliers, plutôt que sur ceux coupés sur les domaines de la couronne, afin d'établir ensuite des réserves importantes dans notre province. On fait en ce moment depuis plus de deux ans, dit-il, un inventaire des forêts de la province de Québec et il est nécessaire de le compléter avant de prendre une décision sur cette importante question. Si les hommes d'affaires qui sont intéressés directement dans cette question voulaient aider la province en cette affaire, le problème soulevé devant la Chambre par le député de Bonaventure serait aisément solutionné.

Il ne faudra pas tant considérer l'intérêt plutôt privé que les développements de l'industrie forestière de Québec. Nous nous forcerions d'y remédier en sauvegardant les intérêts d'abord des colons, puis de la province, qui constituent des intérêts communs auxquels nous devons nous associer pour en prendre un soin jaloux et les défendre toujours avec énergie et courage.

Cette question ne peut être assimilée à celle qui a valu la loi prohibant l'exportation de notre bois aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que, dans un avenir rapproché, nous serons en état d'annoncer à la Chambre que nous avons pu conserver dans notre province le bois qui s'en va au-delà de la frontière, que notre bois nous restera non pas tant au point de vue du chauvinisme qu'à celui du contrôle absolu que nous devons avoir sur toutes nos richesses forestières.

Et si nous pouvons exploiter nos forêts de façon à ce que nous en tirions encore plus de bénéfices que par le passé, nous le ferons, conscients que nous serons fiers d'avoir fait notre devoir et d'avoir contribué au progrès toujours grandissant de notre province.

(Applaudissements)

La motion est adoptée.

Propriétés du quartier Hochelaga

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 65 concernant la cité de Montréal au sujet de certaines propriétés du quartier Hochelaga.

Adopté. Le comité étudie le bill et fait rapport qu'il n'en a pas terminé l'examen.

Travaux de la Chambre

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) fait remarquer que le gouvernement eût été en mesure de soumettre à l'étude quelques bills à la Chambre, mais qu'il ne voulait pas profiter de l'absence du chef de l'opposition, et qu'en conséquence ces mesures seraient soumises à une autre séance.

La séance est levée7.

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NOTES

 

1. Selon Le Soleil du 7 mars 1922, à la page 1, MM. Smart (Westmount), Sauvé (Deux-Montagnes), Renaud (Laval) et Dufresne (Joliette) sont absents. Il n'y a que M. Gault (Montréal-Saint-Georges) pour représenter l'opposition conservatrice. Selon L'Événement du même jour, à la page 10, M. McDonald (Pontiac) est lui aussi absent à cette séance du côté des libéraux.

2. Chiffre de L'Événement du 7 mars 1922, à la page 3. La Patrie du même jour, à la page 10, mentionne plutôt 296,068,243 pieds de bois.

3. Chiffre donné par toutes nos sources. Seul L'Événement du 7 mars 1922, à la page 10, mentionne 13,347,398 pieds.

4. Ce banquet tenu en l'honneur d'Ernest Lapointe, ministre fédéral de la Marine, eut lieu le soir du 21 février dernier.

5. Chiffre de La Presse du 7 mars 1922, à la page 18. Le Quebec Daily Telegraph du même jour, à la page 5, mentionne plutôt 319 millions.

6. Chiffre du Montreal Star du 7 mars 1922, à la page 4, et du Quebec Daily Telegraph du 7 mars, à la page 5. La Presse du même jour, à la page 18, mentionne plutôt $16,000.

7. Le Devoir du 7 mars 1922, à la page 1, rapporte qu'"après l'ajournement, la plupart des députés ont défilé devant le premier ministre pour lui présenter leurs souhaits de joyeux anniversaire. Il a eu 55 ans dimanche."