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Version finale

18e législature, 2e session
(10 janvier 1933 au 13 avril 1933)

Le jeudi 2 mars 1933

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard

La séance est ouverte à 3 h 20.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Loi des accidents du travail, 1931

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) demande, appuyé par le représentant de Brome (l'honorable M. Stockwell), la permission de présenter le bill 42 modifiant la loi des accidents du travail, 1931.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Code civil, article 1625

M. Cohen (Montréal-Saint-Laurent) demande, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Louis (M. Bercovitch), la permission de présenter le bill 200 modifiant l'article 1625 du Code civil.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Actions en revendication

M. Cohen (Montréal-Saint-Laurent) demande, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Louis (M. Bercovitch), la permission de présenter le bill 201 modifiant le Code de procédure civile concernant les actions en revendication.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Dépôt de documents:

Statistiques municipales

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre les statistiques municipales pour l'année civile 1931. (Document de la session no 56)

Rapport de la Commission des accidents du travail

M. Guertin (Hull): M. le Président, avant que la Chambre passe à l'ordre du jour, je demanderais à l'honorable premier ministre quand nous aurons le rapport de la Commission des accidents du travail.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le rapport sera déposé demain.

Article de L'Action catholique

M. Turcotte (Richelieu): M. le Président, avant de passer à l'ordre du jour, je soulève une question de privilège. Je crois qu'il est de mon devoir de protester contre un article publié par L'Action catholique le 27 février et intitulé: "Pour ou contre". Je dois lire cet article publié sous la rubrique "Petites notes" pour justifier ma protestation.

"On nous demande parfois si nous sommes véritablement, sérieusement et jusqu'au bout, favorables à la municipalisation de l'électricité. La réponse est bien facile à donner. Notre peuple est malade, gravement malade. Il souffre d'avoir des ressources naturelles classées parmi les plus belles du monde et de n'en pas profiter beaucoup lui-même, la dragée succulente étant réservée à une poignée de spéculateurs. N'est-ce pas que son cas est grave?

"Quand on est malade et que l'on désire vraiment guérir, on accepte tous les remèdes qui ont guéri d'autres personnes souffrant de la même maladie. Si, en désespoir de cause, une opération chirurgicale s'impose, on l'accepte ou on se résigne à mourir.

"Le temps n'est pas encore venu de décider si nous devrons avoir la municipalisation à Québec; mais il est urgent d'acquérir le droit de municipaliser. En d'autres termes, il nous faut absolument nous pourvoir d'une organisation chirurgicale prête à nous sauver la vie au besoin.

"Quant à réaliser un programme de municipalisation, ce sera une chose à décider en temps opportun. Il ne faut pas y aller par emballement. Mais, d'autre part, il serait impolitique de nous laisser impressionner par la campagne sournoise déjà commencée par le trust et tous ses metteurs en scène pour nous faire un épouvantail de la municipalisation qui a pourtant réussi partout ailleurs: aux États-Unis, en Ontario et dans les autres provinces canadiennes, même dans notre province de Québec où elle est évidemment malmenée.

"Les populations qui se laissent impressionner par les épouvantails des spéculateurs sont rarement prospères. Nous n'échapperons pas à la loi générale. Nous sommes déjà victimes. La municipalisation est, aujourd'hui, pour Québec, un droit que les gouvernements rougiraient de lui avoir nié obstinément; ce sera demain une question à étudier sérieusement, bien au-dessus des intérêts particuliers, des épouvantails et des combinaisons politiques de toute espèce.

"Procédons logiquement. Exigeons aujourd'hui le droit; demain nous verrons s'il y a lieu de nous en servir. Ceux qui nous refuseront le droit de municipaliser nuisent à un tel mouvement et sont des traîtres."

M. le Président, M. Eugène L'Heureux, ce journaliste de L'Action catholique, est en faveur de la municipalisation de l'électricité à Québec. L'an dernier, j'ai voté contre cette mesure. C'était mon opinion et c'était mon droit. Cette année, si la question revient devant le comité des bills privés, je déciderai de mon vote après avoir entendu l'exposé des faits sur la question. Je jugerai d'après ma conscience et le serment que j'ai prêté de remplir mon devoir.

Je n'appartiens à aucun trust. Je suis libre et je proteste contre l'assertion de ce journal que je serai un traître si je vote contre la municipalisation. C'est une question libre, j'ai droit à mon opinion et les membres de cette Chambre ont droit à leur opinion, sans être traités de traîtres. Je suis certain que si Son Éminence Mgr Villeneuve était ici, il se plaindrait encore du ton de cet article. La leçon que ce journal a reçue de l'autorité ecclésiastique...

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d'ordre. Sur une question de privilège, un député peut lire un article de journal et mentionner des faits, mais il ne peut faire de commentaires.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne comprends pas comment l'honorable chef de l'opposition interprète les règlements. L'honorable député de Richelieu a droit de dire en quoi son privilège de député a été enfreint et attaqué.

M. l'Orateur: L'honorable député a parfaitement le droit de donner des explications à la Chambre.

M. Turcotte (Richelieu): La leçon que ce journal a reçue de l'autorité ecclésiastique...

M. Duplessis (Trois-Rivières): M. le Président, l'honorable député peut avoir le droit de s'expliquer, mais il n'a pas droit, il me semble, de faire allusion à d'autres faits qui concernent L'Action catholique et un de ses rédacteurs, ni de mettre en cause des absents.

M. l'Orateur: L'honorable député de Richelieu a le droit de défendre son privilège de député. Je ne vois pas pourquoi on ne lui reconnaîtrait pas ce droit ou on lui contesterait.

M. Turcotte (Richelieu): M. le Président, je continue. La leçon que ce journal a reçue de l'autorité religieuse ne semble pas lui avoir profité. Il continue à parler de municipalisation sur un ton qui ne convient pas à un journal qui prétend faire de l'action catholique et qui a pour devise: Instaurare omnia in Christo.

Quand on "instaure dans le Christ", on respecte ceux qui ne partagent pas son opinion, et surtout, on ne les traite pas de traîtres. Je proteste contre cet article, contre cette épithète que les députés de cette Chambre opposés à la municipalisation ne méritent pas.

(Applaudissements)

 

Questions et réponses:

Construction rue Saint-Augustin, Québec

M. Élie (Yamaska): Relativement à la nouvelle construction appartenant à la province et située sur la rue Saint-Augustin, Québec:

1. Combien la province a-t-elle dépensé à date: a. Quant au terrain; b. Quant aux constructions; c. Quant à l'ameublement?

2. Combien la province a-t-elle payé à date?

3. Les travaux sont-ils terminés?

L'honorable M. Francoeur (Lotbinière): 1. a. $191,728.18 en prévision de l'exécution du projet d'ensemble; b. $824,262.82; c. $81,821.02.

2. $1,042,211.15.

3. Les travaux de construction sont terminés, à l'exception de deux petits panneaux décoratifs dans le vestibule de l'entrée principale.

Macurban Asphalt, Ltd

M. Béïque (Chambly): À combien se chiffre, à date, le coût total payé ou payable par la province en vertu des contrats ou entreprises accordés par la province, par l'intermédiaire du ministère de la Voirie, à Macurban Asphalt, Ltd, depuis le 1er janvier 1930, inclusivement jusqu'au 1er janvier 1933?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): $1,432,959.63.

H. J. O'Connell, Ltd

M. Béïque (Chambly): À combien se chiffre, à date, le coût total payé ou payable par la province en vertu des contrats ou entreprises accordés par la province, par l'intermédiaire du ministère de la Voirie, à H. J. O'Connell, Limited, depuis le 1er janvier 1930, inclusivement, jusqu'au 1er janvier 1933?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): $126,517.05.

Verdun Protestant Hospital

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que les résolutions relatives au bill 21 concernant Verdun Protestant Hospital, rapportées du comité général et lues deux fois, mardi le 28 février dernier, soient maintenant adoptées.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le bill a pour but de renouveler la garantie d'un emprunt de $185,000 que le gouvernement avait consentie. Cette garantie se terminait en septembre 1932; elle était pour 20 années à un intérêt de 4½ %. Cette année, le gouvernement veut renouveler cette garantie pour cet emprunt, mais pour 25 ans, à intérêt maximum de 5 %.

Je ne m'objecte pas à cette partie du bill, qui propose de renouveler la garantie de cet emprunt par le gouvernement. Le Verdun Protestant Hospital a rendu de précieux services à la province et ce n'est que justice que le gouvernement lui vienne en aide, comme il est venu en aide à d'autres institutions semblables.

Tout le monde est en faveur d'aider nos institutions de charité publique. Mais il ne faut pas que, sous couleur d'aider à ces admirables institutions, le gouvernement en profite pour faire assumer à des tiers des obligations que seul, il a contractées et qu'il doit remplir. Le gouvernement, qui garantit l'emprunt pour une période de 25 années, a pris une hypothèque sur l'hôpital de Verdun. Il prouve par là qu'il entend assumer les responsabilités de la garantie. Et jusque là, c'est très bien et le gouvernement ne dépasse pas l'exercice normal de ses attributions.

Mais la résolution no 2 est une injustice. Elle décrète en effet que toutes les municipalités qui enverront des malades ou paieront pour ces malades, en vertu de la loi d'assistance publique, paieront aussi leur quote-part de 50 % de l'intérêt et de l'amortissement du $185,000 d'emprunt. Ce qui veut dire qu'en plus du 50 % chargé à la municipalité pour le coût d'hospitalisation et d'entretien, on ajoutera une somme pour défrayer une partie de l'intérêt de $185,000 d'emprunt.

Les municipalités se retrouvent dans une situation critique du fait que le gouvernement les prive de la plupart de leurs ressources, et on leur demande maintenant, par le biais de cette mesure, d'endosser une part de l'amortissement d'emprunt. C'est une politique malheureuse de faire assumer par des tiers les responsabilités que le gouvernement devrait assumer. C'est une injustice à l'égard des municipalités.

L'honorable M. Stockwell (Brome): Je ne puis changer la loi qui existe déjà dans nos statuts depuis des années. Il n'y a rien de nouveau dans ce bill et la législation a été renforcée depuis les quelque 20 dernières années. Il s'agit tout simplement d'un renouvellement de pouvoir.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Même si c'était le cas, l'opposition ne peut être d'accord avec le principe.

Les résolutions sont adoptées sur division.

L'honorable M. Stockwell (Brome) demande la permission de présenter le bill 21 concernant Verdun Protestant Hospital.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté.

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je proteste contre la partie du projet qui oblige les municipalités à payer pour le transport des aliénés et d'autres frais. C'est une charge que le gouvernement devrait assumer lui-même. Ceci dit, je ne m'oppose pas au bill pour aider l'hôpital de Verdun et je voterai pour la troisième lecture.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Protection des édifices contre les incendies

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) propose que les résolutions relatives au bill 3 modifiant le chapitre 178 des statuts refondus, 1925, rapportées du comité plénier et lues deux fois mercredi le 1er mars dernier, soient maintenant adoptées.

Les résolutions sont adoptées sur division.

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 3 modifiant le chapitre 178 des statuts refondus, 1925, soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité1.

Adopté.

 

En comité:

M. Duplessis (Trois-Rivières): Il est bon que l'installation des systèmes d'électricité soit entourée de garanties. Mais le coût de ces inspections était si élevé, il y a deux ans, que le gouvernement, à la veille des élections, l'a substantiellement réduit. Il demande à présent aux autorités de l'augmenter comme bon lui semble.

L'opposition a déjà protesté. L'inspection coûte trop cher pour les industriels et autres. Quels revenus le gouvernement espère-t-il retirer en vertu de la nouvelle loi d'inspection?

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Les mêmes que l'an dernier et peut-être moins, parce que nous séparons les inspecteurs d'appareils électriques des inspecteurs d'appareils de chauffage. L'application de la loi, de ce fait, coûtera plus cher.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Il n'est pas question d'augmenter le tarif de l'inspection pour obtenir des taxes?

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Non. Il n'en est pas question du tout, ni pour les licences d'inspecteurs, ni pour les certificats d'inspection.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Alors, pourquoi le gouvernement demande-t-il le droit de les augmenter?

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Parce qu'il y a certains cas spéciaux où l'inspection est très difficile, comme par exemple dans les grands édifices surnommés "gratte-ciel", où il y a surcroît de service donné.

M. Duplessis (Trois-Rivières): J'espère que les taux ne seront pas aussi élevés que les "gratte-ciel". Pourquoi le ministre oblige-t-il les inspecteurs à lui soumettre leurs rapports?

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Parce que j'ai confiance en eux. Je ne vois pas pourquoi l'honorable chef de l'opposition s'objecte à cela.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Mais le ministre n'a pas confiance, puisqu'il veut contrôler les rapports de ses inspecteurs. Je considère que c'est là encore une mesure qui va servir des fins politiques. Et pourquoi la loi laisse-t-elle au lieutenant-gouverneur en conseil toute discrétion pour établir les taux de licences et certificats ainsi que la durée de ces licences?

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Le gouvernement n'est animé que de bonne intention.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

Code municipal

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 32 modifiant le Code municipal.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi des cités et villes

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 33 modifiant la loi des cités et villes.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi des liqueurs alcooliques

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 16 modifiant la loi des liqueurs alcooliques soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Duplessis (Trois-Rivières) demande des explications.

L'honorable M. Stockwell (Brome): Le projet a deux buts. Le premier est de permettre à la Commission des liqueurs de tenir des magasins ouverts le soir, mais pas après 11 heures, afin d'empêcher le commerce clandestin. Le second est de permettre aux magistrats de faire enquête sur l'information d'un agent de la Commission. Par ce bill, nous voulons empêcher la contrebande qui exerce de grands ravages. Je soumets que le bill pourrait être référé au comité des bills publics où nous pourrons étudier le projet. Nous voulons faire quelques amendements à la deuxième partie du projet.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne suis pas opposé à la première partie de la loi parce que je reconnais que la Commission des liqueurs doit prendre les moyens de prévenir et empêcher le commerce clandestin. Les touristes ont parfois soif et veulent avoir des liqueurs alcooliques à tout prix. Mieux vaut leur en procurer légalement. Mais il faut prendre les mesures nécessaires pour empêcher les abus que peut entraîner cette extension de pouvoirs de la première partie du bill. Au comité, nous devrons essayer de prévenir ces abus.

Toutefois, la seconde partie permettrait aux magistrats de faire des enquêtes sans plainte régulière. Cette seconde partie est tout à fait condamnable. Le bill permet à tout magistrat d'assigner, sur information assermentée, toute personne qu'il croira pouvoir lui fournir des renseignements.

Que le gouvernement songe deux fois à une pareille mesure avant de l'adopter. On ferait alors des espions et des délateurs de nos magistrats, ce qui diminue leur prestige et leur dignité. Je m'objecte à cela. Ce n'est pas travailler à maintenir le respect de la population envers nos tribunaux que de les constituer des espions, des délateurs, des mouchards et des juges-détectives.

La loi des liqueurs, telle qu'elle est actuellement, est déjà assez chargée de dispositions extraordinaires, sans qu'on y ajoute encore. La question des liqueurs a été l'objet d'une législation suffisante. Elle a enlevé assez de prérogatives aux citoyens de cette province et nous ne devons pas aller plus loin. Cette disposition du bill no 16 est une invite au chantage, à l'intimidation, à l'inquisition de la pire espèce et de la plus sordide et de la plus odieuse. On veut accorder au magistrat des attributions qui sont le plus sûr moyen de le discréditer et de le ravaler.

La loi des liqueurs a déjà fait disparaître les brefs de prérogatives qui protègent tout accusé; bref de prohibition, bref de mandamus, bref de certiorari, bref d'injonction. Bien plus, l'accusé, contrairement à tout accusé de vol, peut être arrêté sans mandat. Et cela, pour favoriser le commerce du gouvernement, pour augmenter les revenus du trésor. Pour aider ce commerce insolite, on a saboté tout le régime de nos lois. Jusqu'où va-t-on aller?

Et voilà que maintenant, par ce bill no 16, on en est rendu à faire de nos magistrats des délateurs et des espions, des agents d'inquisition. Tout magistrat, non pas sur une plainte, mais sur une simple information, pourra assigner n'importe qui. La loi exige que celui qui dénonce quelqu'un signe la plainte, afin que la victime, injustement arrêtée, puisse réclamer justice devant les tribunaux de son pays.

Mais non, avec le nouveau bill, on en appellera à l'informateur, à celui qui se cache pour dénoncer. Le fait qu'un magistrat pourra procéder sur une simple information lui permettra de pénétrer dans le commerce. Le magistrat va pouvoir faire enquête dans le domicile, inventorier le commerce de qui que ce soit pour déterminer si ce commerce est ou non légitime. C'est la pénétration la plus injustifiable dans le domicile privé, dans le commerce.

Le magistrat, sur simple information, a le droit d'assigner devant lui toute personne qu'il soupçonne de détenir des renseignements, de participer à un commerce indu. Une personne qui dépose une plainte prend un risque et est responsable en cas d'erreur de sa part; mais ici, il n'y aurait aucune plainte. N'importe quel juge de session, magistrat de police ou de district qui se dirait satisfait d'une information reçue sous serment, selon laquelle une personne qui se trouve ou qui réside dans la province est en mesure de fournir des renseignements sur un ou plusieurs cas particuliers touchant des contraventions à cette loi ou à la loi concernant la possession et le transport de liqueurs alcooliques, pourrait émettre une assignation ordonnant à cette personne à comparaître au moment et au lieu qu'il fixera, pour présenter les preuves et fournir tout document en sa possession ou sous son contrôle, relativement à ces renseignements.

Il peut l'obliger à soumettre tout document et à l'apporter devant la Cour. Si le témoin refuse de répondre, par exemple pour ne pas s'accuser, suivant que le code britannique lui en reconnaît le droit imprescriptible, le magistrat, utilisant les pouvoirs de la loi des enquêtes, pourra condamner ce témoin à la prison pour mépris de cour. Puis l'enquête faite, le juge de sessions, magistrat de police ou de district qui l'a menée doit transmettre les dépositions au procureur général qui devra ordonner les actions appropriées à prendre sur cette question, telles que requises par les preuves.

La Législature a multiplié les injures à nos tribunaux en se substituant à eux dans nombre de cas. Elle a, notamment dans la loi du libelle par radio, donné au mécanicien du poste émetteur le droit de décider ce qui doit constituer un libelle; il s'est transformé en censeur de discours et de programmes musicaux. Par ce bill, encore une fois, on invite au chantage, à la persécution politique ou autre, aux petites vengeances mesquines, à l'inquisition et à l'intimidation du plus bas étage. Que l'on ne déprécie pas les magistrats en faisant d'eux des espions et des délateurs, comme au temps de l'inquisition que l'histoire a condamnée. C'est les ravaler à un rôle ignoble et déshonorant. La loi des liqueurs est-elle si importante qu'il faille mettre fin à la liberté du commerce? Si la loi des liqueurs est bonne, elle fait honneur à la province et à ceux qui l'ont faite, mais elle ne doit pas être amendée comme on le propose.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si l'honorable chef de l'opposition avait écouté le trésorier (l'honorable M. Stockwell), il se serait rendu compte que nous voulons amender la deuxième partie du projet. La mesure sera référée au comité des bills publics. Nous verrons là si cette loi qui nous est soumise par la Commission des liqueurs doit être adoptée.

Dans la première partie, nous proposons que la Commission ait le droit d'ouvrir des magasins jusqu'à 11 heures le soir, comme dans Ontario. Selon une réglementation prudente, certains magasins pourront rester ouverts plus tard dans la soirée, particulièrement pendant la période d'été. Cela profitera beaucoup aux touristes qui doivent souvent attendre jusqu'au lendemain matin pour acheter une bouteille de vin, simplement parce qu'ils n'avaient pas pensé que les magasins fermaient leurs portes aussi tôt.

Avec les heures de fermeture que nous avons ici, les touristes sont sollicités par les vendeurs de liqueurs prohibées. L'idée n'est pas de garder tous les magasins ouverts, mais seulement quelques-uns. J'ai reçu des délégations à Montréal qui m'ont demandé de restreindre le nombre des magasins qui pourront être ouverts le soir. Nous allons le restreindre aux grandes villes, disons deux à Montréal, par exemple. Ne discutons pas cela. L'opposition semble admettre le bien fondé de notre demande.

Quant à la troisième partie du bill, mon honorable ami le chef de l'opposition a dit: "Nous revenons au système de l'inquisition". Allons donc! Cette partie qu'il a comparée à l'Inquisition, nous voulons en amender la rédaction. On nous dit ensuite: le bill va trop loin! Cette fois, nous admettons que cette partie du projet va trop loin, telle que rédigée. Il nous a été soumis par la Commission des liqueurs qui nous a représenté qu'il faut lui donner le moyen de combattre la contrebande.

Cette contrebande se fait dans la province sur une grande échelle et par tous les moyens. L'été, quand la navigation est ouverte, on se sert de bateaux; l'hiver, on emploie d'autres trucs, tous les trucs possibles et imaginables. Quand on ne recourt pas à la contrebande, on recourt à la fabrication clandestine. L'ennemi de la loi des liqueurs c'est le "bootlegger". Les revenus de la Commission ont déjà nettement diminué.

Récemment, on a saisi des alambics monstres à Montréal qui pouvaient fabriquer des milliers de gallons d'alcool. Quand les officiers de la Commission parviennent à repérer de telles fabriques clandestines, ils se trouvent ordinairement en présence d'un simple journalier qui est en charge, qui ne sait rien et qui ne connaît rien, pas même les noms des gens qu'il sert. Ce que la Commission veut, ce que nous voulons, c'est trouver un moyen de protéger le commerce de la Commission et la morale publique, en donnant à toute personne le droit de faire une plainte sous serment. Ce sera la Commission qui prendra la responsabilité des arrestations faites et des poursuites intentées.

Tous les étés, on saisit des bateaux chargés de boisson de contrebande. Lorsque les officiers arrivent, on ne trouve à bord qu'un ou deux, trois ou quatre pauvres matelots qui ne savent rien et disent ne rien connaître sur la cargaison. La Commission veut pouvoir amener ces matelots devant les juges et les magistrats, qui ont le droit d'interroger ces gens-là, de savoir qui les emploie et qui les paie. Comment estime-t-on que nous pourrons mettre fin à la contrebande des boissons par les navires, par tous les autres trucs - on s'est servi de cercueils et de corbillards pour transporter de l'alcool! - si nous n'avons pas les pouvoirs nécessaires?

Le magistrat aura le droit de faire venir les personnes qu'il croit être au courant des faits, en sa présence, pour les interroger. Cette disposition existe dans le Code criminel, nous n'inventons rien et cette offense, dont nous parlons, constitue un crime en vertu du Code criminel. La province, en vertu du Code, a le droit de faire ces enquêtes et d'émettre des mandats.

Un député de cette Chambre nous a demandé si, au cours d'une enquête, une personne est accusée, on lui permettra en amendant la loi de façon à l'avertir pour qu'elle puisse venir se défendre. Certainement. Nous n'avons aucune objection à cela. Mais nous ne pouvons assurer le commerce de la Commission, si la contrebande profite de tous les moyens pour voler le fisc et si nous n'avons pas tous les pouvoirs et les moyens voulus pour la déraciner. D'ailleurs, nous travaillons de concert avec les officiers de la police fédérale et nous leur donnons, tout comme ils le font eux-mêmes, toute notre coopération dans le but de garder le bon ordre. Le gouvernement fédéral nous aide beaucoup.

Nous voulons faire la guerre au commerce illicite par tous les moyens en notre disposition. Nous avons un bon service de surveillance. Notre police connaît les têtes des contrebandiers, les "Al Capone" du commerce illicite de l'alcool dans la province de Québec. Nous voulons mettre la main dessus, mais nous ne pouvons jamais les atteindre. Ils se servent de tous les trucs imaginables pour frauder le fisc et déjouer les officiers de la police fédérale et de la Commission des liqueurs.

Ce sont toujours de pauvres innocents que la police atteint. Si nous pouvions atteindre les véritables maîtres du commerce illicite, la loi serait mieux respectée. Nous voulons, quand les officiers de la Commission ou de la police se trouveront en présence d'une personne, qu'ils ne se laissent pas dire: "Je suis un journalier qui ne sait rien" et qu'ils n'aient aucun moyen de l'interroger. Nous ne l'introduirions pas si nous étions en mesure de contrôler ce commerce illicite comme nous devrions le faire.

Nous allons référer le projet au comité des bills publics, et j'invite tous les députés qui en font partie à nous soumettre les amendements qu'ils jugeront nécessaires pour enlever au bill le caractère que l'honorable chef de l'opposition y voit. Et tous les autres députés qui jugeront à propos d'offrir des amendements seront aussi les bienvenus. S'ils considèrent que le bill va trop loin, ils pourront nous dire en quoi, et nous ferons tout ce qui sera nécessaire pour le faire. Nous verrons là si cette loi, qui nous est soumise par la Commission des liqueurs, doit être adoptée. Ce que nous voulons, c'est de faire respecter la loi.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Si la police les connaît, elle peut les atteindre.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Non, pour les atteindre, il faut faire une cause contre eux, et nous voulons obtenir les moyens d'empêcher les têtes de fuir la justice en obtenant la permission d'interroger, de faire parler leurs subordonnés. Si la police pouvait les atteindre, elle mettrait vite fin au commerce illicite et la fabrication clandestine. Voilà justement pourquoi nous proposons le bill actuel.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je suis de l'avis de mon chef. On transforme les juges en inquisiteurs! L'amendement implique que l'on confie à des magistrats un travail qui devrait en réalité être celui des officiers de police, et que l'on donne à la police de la Commission des liqueurs des responsabilités excessivement dangereuses. Malgré la déclaration de l'honorable premier ministre qui se propose d'amender le bill, il n'en reste pas moins que l'on nous demande de voter le principe d'un bill qui fait de nos magistrats, comme l'honorable chef de l'opposition l'a déclaré, des espions, des délateurs et des mouchards. La deuxième lecture, présentement proposée, comporte l'approbation ou le désaveu du bill. Il est difficile de demander à la Chambre d'approuver une telle mesure quand elle comporte des clauses excessives. Aussi, je ne puis faire autrement qu'appuyer mon chef sur ce qu'il a dit.

Le premier ministre nous dit que la police de la Commission ne peut réussir à atteindre les chefs de la contrebande. C'est admettre qu'elle est inefficace. On veut maintenant utiliser des juges pour cette besogne que la police n'a pu faire et les transformer en mouchards.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Êtes-vous sérieux? Mon honorable ami ne devrait pas dire cela.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Oui, je suis sérieux et vous le comprenez fort bien! Mais je ne comprends pas que l'on nous demande d'approuver un principe comme cela.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne comprends pas que vous disiez que le projet aura cette conséquence, et je suis convaincu que vous ne le comprenez pas vous non plus.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il est une chose que je ne comprends pas et c'est le motif qui a inspiré le gouvernement de présenter un pareil bill. On devrait s'en tenir à la clause du Code criminel qui régit les plaintes, sinon on ira, avec une pareille loi, à des abus encore plus grands.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si c'est cela que vous voulez proposer, je n'ai aucune objection!

M. Barré (Rouville): Je proteste contre la clause du bill qui donne le droit aux magasins de la Commission de rester ouverts jusqu'à 11 heures. La boisson n'est pas un article de première nécessité. Il n'y a pas lieu de faire une exception spéciale.

Une voix: C'est bien agréable pourtant!

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

Taxe d'hôpital

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 37 modifiant la loi 16 George V, chapitre 55, imposant la "taxe d'hôpital".

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Stockwell (Brome): Le but est de transporter le service de cette taxe d'hôpital du département du Secrétaire provincial au département du Trésor.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Pourquoi enlever ce service au secrétariat provincial? C'est le secrétaire de la province qui distribue le produit de la taxe et c'est le trésorier (l'honorable M. Stockwell) qui fait le chèque. Je constate qu'on veut tout enlever au secrétaire de la province. À la fin, je me demande qu'est-ce qui va lui rester.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Vous confondez entre attribution, perception et émission des chèques. Chaque ministre est responsable de l'attribution des crédits de son département, mais quand le chèque est émis, c'est le trésorier qui l'émet. C'est le secrétaire de la province qui attribue la part de chaque hôpital comme il distribue les octrois. Il en a donné un à l'hôpital Cook des Trois-Rivières ce matin, à la demande de mon honorable ami le chef de l'opposition. On ne peut rien vous refuser.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Puisque nous en sommes sur la perception des taxes, il y a un point que je veux éclaircir. Il ne serait peut-être pas mal d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que différents ministères ont préparé des chèques et les ont envoyés plusieurs mois, et même plus d'un an, après la date où ils ont été faits. J'ai demandé au gouvernement pourquoi un ministre pouvait écrire à un citoyen "Votre chèque est signé" et pourquoi le chèque n'était expédié et reçu qu'au bout de quelque temps parce que le trésor l'a retenu et gardé avant de les envoyer. Je voudrais avoir une explication.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Citez des cas précis...

M. Duplessis (Trois-Rivières): Que le premier ministre nie et je lui en ferai la preuve.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne nie pas, mais je demande au chef de l'opposition de donner des cas précis, parce que nous pouvons avoir fait la chose pour des motifs raisonnables. Donnez-nous le nom du département qui a écrit cela et les noms des personnes qui ont reçu des lettres. Nous ferons enquête et nous vous donnerons les raisons pour lesquelles les chèques ont été retardés.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous ne voulez sûrement pas que je vous donne l'information. Vos collègues doivent les avoir. J'affirme de nouveau que la chose s'est répétée souvent, et puisque l'on demande des précisions, je mentionnerai que tout le département de la Colonisation a fait des chèques qui ont été datés, puis envoyés des mois après.

Plusieurs chèques ont été préparés pour payer des primes de défrichement, et les colons n'ont reçu ces chèques que six mois après la signature du chèque. Les colons ont été ruinés à cause de sommes qui leur étaient dues et qui n'ont pas été payées. Le premier ministre trouvera tous les cas qu'il voudra dans le seul département de la Colonisation.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Donnez-nous les noms et les dates que vous avez. Je vous promets de faire enquête et, chaque fois, je suis sûr qu'il y aura d'excellentes raisons pour expliquer le retard du chèque.

M. Barré (Rouville): Le chef de l'opposition est trop délicat pour citer des cas qui sont à sa connaissance. Je ne sais à quoi je m'expose, mais je vais donner des précisions. Moi, je peux citer des noms et des dates qui sont venus à ma connaissance. Je mentionne le chèque 53510, daté du mois de juillet 1932 et qui a été reçu par l'un de mes voisins au mois de janvier 1933. Il s'agissait d'un montant de $50. Je mentionne encore le chèque 56784, daté du 2 septembre 1932 et reçu en janvier 1933. Le montant est de $430. Je mentionne encore le chèque 60440, daté du 25 octobre 1932 et reçu en janvier 1933. Je pourrais en citer bien d'autres, parce que le système s'est généralisé.

M. Chouinard (Gaspé-Sud): Ce n'étaient pas des chèques sans fonds.

M. Barré (Rouville): Ils avaient des fonds quand ils ont été reçus, mais ils n'en avaient peut-être pas quand ils ont été signés.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je remercie l'honorable député de Rouville de nous avoir donné les numéros des chèques; j'en prends note. Nous allons prendre des informations. Lorsque nous étudierons les crédits de la Colonisation en comité des subsides, le ministre donnera toutes les explications voulues à la Chambre.

M. Barré (Rouville): On blâmera peut-être un fonctionnaire sous le couvert de l'immunité parlementaire.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Vous ne devriez pas dire cela. Il peut y avoir de bonnes raisons. Nous vous les donnerons.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je répète que ce système s'est généralisé dans plusieurs ministères. Des primes ont été réclamées après inspection et n'ont été payées que plus tard.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous sommes loin de l'assistance publique et de la taxe d'hôpital.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous y venons à l'assistance publique. Nous y constatons la même chose. Pourquoi le gouvernement a-t-il retardé les paiements des octrois aux hôpitaux, en vertu de la loi de l'assistance publique? Il y en a qui ont été aux portes de la banqueroute parce que le gouvernement ne payait pas ses dettes d'honneur durant des mois et des mois.

Je sais que le gouvernement va répondre qu'il ne pouvait pas s'acquitter de ces dettes d'honneur parce que les coffres de l'assistance publique étaient vides. Si la loi défend de payer une dette d'honneur, la loi est mauvaise et le gouvernement aurait dû la changer. Mais tel n'est pas le cas.

Que faisait-on pendant que l'on criait que le gouvernement ne pouvait pas payer ses dettes d'honneur? On passait des mandats spéciaux permettant de dépenser $20,000 pour le jardin zoologique de Charlesbourg, $53,000 pour les impressions. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait un mandat spécial pour les hôpitaux, puisqu'il en a fait pour des choses moins importantes comme le jardin zoologique et l'impression des documents publics?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'honorable chef de l'opposition nous répète son discours de l'autre jour.

M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est que je suis constant. Si le gouvernement prenait un tel soin des animaux du jardin zoologique, il me semble qu'il aurait dû prendre un soin au moins égal pour les êtres humains qu'abritent les hôpitaux.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le chef de l'opposition répète ce qu'il a dit l'autre jour. Après le discours de l'autre jour, j'ai dit que des municipalités nous devaient leur part de l'assistance publique, soit $1,600,000, et retardaient à nous payer. Si elles avaient payé leur part, nous aurions pu tout payer nos contributions. Le lendemain de la dernière discussion sur ce sujet, Montréal, qui nous devait $800,0002, nous a payé et envoyé $300,000. Nous avons aussitôt remis cette somme aux hôpitaux. Nous leur devons peu de chose, maintenant. L'honorable chef de l'opposition dit que nous avons négligé les hôpitaux. Nous leur avons versé $2,224,000 en 1929, $2,738,000 en 1930, $3,615,000 en 1931 et $4,700,000 en 1932, en pleine crise. Et voilà! Nous nous sommes saignés à blanc pour nos hôpitaux et nous ne le regrettons pas.

L'honorable chef de l'opposition fait fausse route; il fait une profonde erreur en venant crier à la face de toute la province que le gouvernement ne paie pas ses dettes d'honneur. L'honorable député des Trois-Rivières fait mauvaise oeuvre et besogne peu digne d'un chef de l'opposition en dénigrant sa province à tout propos. Le gouvernement donne tout ce qu'il a; nous donnons à nos hôpitaux tout ce que nous leur devons. Le gouvernement ne peut donner que ce qu'il reçoit des municipalités, du public et des contribuables pour ces institutions.

Encore une fois, nos hôpitaux ont beaucoup reçu du gouvernement et ils recevront encore beaucoup. D'ailleurs, à l'heure actuelle, je crois que nous ne devons rien, ou presque rien, aux hôpitaux, après les paiements que nous avons faits ces derniers temps. Quand toutes les municipalités nous auront payé leur part - Trois-Rivières nous doit $300,000 - nous aurons plus que payé ce que nous leur devons, et même il nous restera un surplus, mais nous n'attendrons même pas cela. Que l'on cesse donc de crier que nous ne payons pas nos dettes d'honneur!

Nous amendons la loi cette année pour éviter les retards de paiements à l'avenir. Nous ne sommes pas pour mettre les municipalités en faillite si elles ne nous paient pas tout de suite leur part de l'assistance publique. Mon honorable ami nous dit: "Pourquoi n'avez-vous pas fait un mandat spécial". Mais nous n'avons pas le droit, nous ne pouvons pas procéder par mandats spéciaux! Vous savez bien que nous ne pouvons pas puiser ailleurs que dans le fonds de l'assistance publique, qui était alors vide, pour payer les hôpitaux. J'ai déjà dit que le fonds de l'assistance publique était alimenté par quatre différentes sources. Nous allons changer cela cette année. Nous avons un projet de loi pour déclarer que nous pourrons puiser à l'avenir dans le trésor, pour remplir la caisse de l'assistance publique. Que pouvons-nous faire de plus?

M. Duplessis (Trois-Rivières): À quelle date Montréal a-t-il payé cette somme de $300,000?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le lendemain de la dernière discussion que nous avons eue sur ce sujet.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le premier ministre dit que j'ai répété mon discours de l'autre jour. J'ai bien fait de le répéter ... (Rires)

... et je souhaite que celui d'aujourd'hui ait le même résultat que le premier et qu'il apporte $300,000 à la caisse de la province.

C'est l'habitude du premier ministre de lever les bras et les yeux au ciel et de dire: Ils n'aiment pas leur province ceux qui critiquent le gouvernement. Eh bien! Ceux qui n'aiment pas leur province, ce sont ceux qui ne paient pas les dettes de la province et qui devraient les payer. L'honorable premier ministre nous admet que le gouvernement n'est pas capable de payer ses octrois. Je ne crois pas que le gouvernement soit obligé de poursuivre des municipalités, qu'il paie sa part à lui.

S'il a été capable de trouver $20,000 pour les animaux du jardin zoologique, il devrait être capable de trouver les moyens de payer les hôpitaux. D'autant plus que ces mandats spéciaux ont été passés en marge de la loi. Quels sont ceux qui nuisent au crédit de la province? N'est-ce pas le premier ministre lui-même qui vient de déclarer que le gouvernement était incapable de payer ses dettes d'honneur? Je déclare de nouveau que ceux qui nuisent au crédit de la province sont ceux qui ne paient pas leurs dettes.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Mais non, je n'ai jamais admis cela. Mon honorable ami ne sait pas encore comment le système de l'assistance publique fonctionne et il critique. Nous payons un tiers seulement, au point de vue de l'assistance publique; le reste se divise en un tiers de la part des municipalités et un tiers de la part des institutions. Le chef de l'opposition ne sait pas comment marchent les choses et il parle.

M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable premier ministre pense peut-être que j'en sais trop.

(Rires)

Il sait bien que je sais comment ça marche et le peuple le saura prochainement. Voici le premier ministre dans sa grande expérience et intelligence, ministre de la couronne pendant 25 ans, premier ministre depuis 1920, et malgré tous ses talents et son expérience, il déclare à la province entière que les dettes d'honneur ne peuvent être remboursées.

C'est le premier ministre qui nuit au crédit de la province en ne payant pas ses dettes aux hôpitaux. La question ne date pas d'hier, et les journaux sympathisant avec le gouvernement ont affirmé que l'inaction du gouvernement a obligé les hôpitaux à fermer des services essentiels.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): À quoi faites-vous référence?

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le premier ministre a pris connaissance de l'éditorial publié dans The Montreal Gazette, il y a deux semaines, et le premier ministre sait aussi qu'il a reçu des lettres de la part des hôpitaux et qu'il a également reçu des délégations. On aurait dû trouver un moyen, procéder par mandat spécial, s'il le fallait, pour permettre à l'assistance publique de payer les hôpitaux.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nommez donc les institutions qui ont été sur le bord de la faillite?

M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce n'est pas parce que le premier ministre nuit au crédit de la province, en affirmant qu'il ne peut payer ses dettes d'honneur, que je me mettrai à nuire au crédit d'un hôpital ou que je diminuerai la valeur de ses obligations en le nommant. Que le gouvernement produise les lettres qui lui ont été envoyées par diverses institutions qui demandent de l'aide pour éviter la faillite et dont le député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) a réclamé la production.

L'honorable M. Stockwell (Brome): Je ne veux pas faire un sermon, mais corriger ce qui semble être un malentendu. J'ai déjà expliqué que le fonds de l'assistance publique est un fonds spécial qui ne sera rempli par le fonds consolidé de la province qu'après l'adoption de la loi qui est présentement devant la Chambre. Nous ne pouvons pas tirer sur le fonds consolidé du revenu pour remplir le fonds de l'assistance publique, qui est un fonds spécial.

Certains montants sont consacrés à ce fonds et les paiements qui sont faits à partir de lui dépendent de l'importance de ses rentrées. Dans les bonnes années, l'argent ne manquait pas, mais les temps ont changé, et le chef de l'opposition doit se souvenir qu'il n'existe aucune loi qui permet au trésorier de sortir un sou du fonds consolidé du revenu de la province pour parer aux insuffisances du fonds de l'assistance publique.

Pour ce qui est de la question des dettes d'honneur, desquelles le chef de l'opposition a si longuement parlé, il me faut donner l'heure juste. Il y a peut-être une dette, mais non une dette d'honneur de la province, à moins qu'un tel paiement soit autorisé hors du fonds consolidé du revenu, et aucun engagement semblable n'a été pris. Il n'était pas question d'obtenir un ordre en conseil pour transférer de l'argent du fonds consolidé du revenu au fonds de l'assistance publique.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je prétends que le gouvernement avait droit de recourir au mandat spécial pour payer les hôpitaux. Il n'a aucune excuse pour ne pas payer ce qu'il devait aux maisons de charité publique. Le gouvernement prétend qu'il manquait de revenus spécialement affectés au fonds de l'assistance publique. Or, il ne peut même pas invoquer cet argument puisque, dans les Comptes publics, on voit qu'au lieu de verser dans ce fonds la somme habituelle de $1,000,000 prise à même les revenus des liqueurs, le gouvernement n'a versé que $300,000. Il a laissé le fonds de l'assistance publique en souffrance, afin de tenter de bâtir un état financier trompeur et illusoire.

M. Guertin (Hull): Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas emprunté temporairement aux banques pour payer l'assistance publique et les hôpitaux?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous ne pouvons pas le faire. L'argent que nous empruntons tombe dans le fonds consolidé.

M. Guertin (Hull): Mais non...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Mais oui.

M. Guertin (Hull): Mais non...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne discute pas davantage. (Souriant) Votre cas est désespéré.

M. Guertin (Hull): Pas plus que celui du gouvernement.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je répète que le gouvernement aurait pu faire un mandat spécial pour payer les hôpitaux.

Donnez-moi un article de la loi qui défend à l'assistance publique d'emprunter ou de faire des mandats spéciaux dans un cas urgent.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je répète que nous n'avions pas le droit. Jamais l'auditeur général n'aurait approuvé cela.

Donnez-moi un article qui nous autorise à la faire. Il n'y en a pas! Et si je voulais discuter comme vous, je dirais: et le chef de l'opposition le sait fort bien!

M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous n'avez pris que $300,000 de la Commission des liqueurs?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Lorsque l'année 1931-1932 s'est terminée, il ne fallait que $300,000 pour boucler le budget.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Tel n'est pas le cas. Le gouvernement est d'autant moins excusable de l'avoir fait qu'il a retiré $9,300,000 de la Commission des liqueurs et non pas $7,500,000, comme l'affirment erronément les Comptes publics. Le gouvernement devait les $700,000 qu'on a versés ailleurs, et au-delà, à la fin de l'exercice financier 1931-1932.

De même que pour les autres dettes impayées, le gouvernement ne payait pas les hôpitaux et autres institutions, afin de se bâtir une façade financière.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Depuis le 1er juillet dernier, nous avons payé $1,000,000 à l'assistance publique.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le premier ministre peut-il affirmer cela?

L'honorable M. Stockwell (Brome): Nous avons payé au-delà de $900,000.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il n'en a pas terminé l'examen.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 h 453

Externat classique Sainte-Croix

M. Francoeur (Montréal-Dorion) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 87 constituant en corporation l'externat classique Sainte-Croix.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Francoeur (Montréal-Dorion) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Questions et réponses:

Recorder de la cité de Montréal

M. Poulin (Montréal-Laurier): 1. Le gouvernement a-t-il reçu quelque demande de mettre à sa retraite le recorder Semple, de Montréal, et de nommer le recorder Thouin recorder en chef de la cité de Montréal?

2. Si oui, le gouvernement entend-il donner suite bientôt à cette demande?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. Non.

Loi du salaire minimum des femmes

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 2 modifiant la loi du salaire minimum des femmes soit maintenant lu une troisième fois.

M. Guertin (Hull): Comme je l'ai dit hier, je voudrais que les effets de la législation s'appliquent aussi aux jeunes garçons qui travaillent dans l'industrie.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Vous passez du féminin au masculin!

M. Guertin (Hull): Je demande que le bill soit renvoyé devant le comité pour étude, afin d'en appliquer les effets aux adolescents. J'envoie une motion au ministre du Travail (l'honorable M. Arcand) et je lui demande de s'en faire le parrain. Je propose l'amendement suivant:

"Que ce bill soit renvoyé au comité plénier de la Chambre, avec instruction de l'amender, en y ajoutant les dispositions nécessaires pour qu'aucun ouvrier du sexe masculin ne puisse être employé dans aucun genre de travail, pour lequel un minimum de salaire a été fixé pour les ouvrières du sexe féminin, à un taux moindre que celui fixé pour les ouvrières du sexe féminin".

L'honorable M. Arcand (Maisonneuve): Je regrette de ne pouvoir accepter la suggestion de l'honorable député de Hull. Je ne crois pas à propos de créer une loi du salaire minimum pour les hommes qui ont leurs organisations ouvrières pour les protéger et les défendre. Ce serait paralyser l'initiative des organisations ouvrières masculines que de créer une loi du salaire minimum des hommes. Tel n'est pas le cas lorsqu'il s'agit des femmes.

L'honorable M. Francoeur (Lotbinière): Je félicite l'honorable ministre du Travail des lois passées jusqu'ici et des lois qu'il propose. Toutefois, il ne faut pas trop encourager le travail féminin, en ce temps de crise comme maintenant, car il n'est pas à propos. Je suis un ami des unions ouvrières auxquelles j'appartiens. Je suis membre de l'union internationale. Je suis d'avis qu'il serait bon de créer une loi du salaire minimum des hommes car, à l'heure actuelle, il n'y a pas 50 % des membres de ces organisations qui sont en règle avec leurs unions; à Montréal, il n'y a pas 3,000 ouvriers en règle avec l'union internationale et 5 % en règle avec les unions nationales.

Dans les unions catholiques, c'est la même chose. Si ces ouvriers peuvent travailler demain, ce serait une bonne chose si les salaires étaient définis. Il y a actuellement exploitation du travail. La crise a provoqué dans ce sens de graves abus. Plusieurs entrepreneurs n'ont pas respecté leurs contrats et la clause des salaires. Parce que des milliers de gens sont sous le secours direct, on en profite en de nombreux milieux pour imposer des salaires trop bas. Les unions ne sont pas capables même actuellement de protéger leurs membres.

À Montréal, récemment, on a signé des contrats sans spécifier aucune échelle de salaire et l'ouvrier a été exploité. Des menuisiers sont payés le prix des journaliers. C'est ainsi que, dans nombre de métiers, on ne paie que 25 ¢ de l'heure, alors qu'en 1913, on payait 40 ¢ de l'heure et que le coût de la vie était moins élevé. Les prix des denrées n'ont pas diminué en proportion de la diminution des salaires. Le coût de la vie est encore de 25 % à 28 % plus élevé qu'avant la guerre. Il n'a pas assez baissé pour faire accepter des gages aussi faibles à des ouvriers.

Nombre de contrats exécutés à Montréal ont donné la preuve qu'on ne suivait pas les clauses des salaires raisonnables. Et l'on tend à rétablir sous une forme détournée une sorte de sweating system. Cette baisse injuste a provoqué la surproduction, tout en réduisant parallèlement le pouvoir d'achat qui, seul, pouvait absorber la production.

Actuellement, des ouvriers spécialisés travaillent pour presque rien, et il serait juste que l'on fixe un salaire minimum pour les hommes aussi bien que pour les femmes. Je suis porté à croire que mon honorable ami de Hull, avec lequel je ne m'accorde pas souvent, a raison de réclamer une loi du salaire minimum des hommes, car le travail féminin fait tort aux ouvriers. Les statistiques démontrent que les bureaux de placement ont assuré du travail à 11,326 hommes et 617 femmes de 1911 à 1921, et à 3,096 hommes et 4,111 femmes de 1921 à 1931. En 1931, un bureau de placement a assuré du travail à 241 hommes et 1,364 femmes.

Ces chiffres montrent l'importance qu'il y a de revenir aux anciennes coutumes. Il faut impérieusement aider les garçons à se trouver de l'ouvrage. Ce sont eux qui fonderont les foyers, ce sont eux qui doivent gagner le pain de la famille. Si l'on continue à remplacer les garçons par des femmes, on trouvera bientôt de graves inconvénients, et ceux qui se moquent aujourd'hui de cette question déploreront les premiers des situations funestes. Je soumets ces considérations à l'honorable ministre du Travail. La population ouvrière accueillerait avec plaisir un nouveau règlement empêchant la jeune fille ou le jeune garçon de travailler avant l'âge de 16 ans. Jusqu'à cet âge, les enfants devraient aller à l'école.

Je demande donc au ministre du Travail, tout en le félicitant de ce qu'il a déjà fait pour les ouvriers de notre province, de fixer une échelle de salaire minimum pour les hommes.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je crois que l'honorable député de Hull (M. Guertin) ne devrait pas insister sur son amendement, qui sort absolument du cadre de la loi du salaire minimum des femmes. Si l'honorable député croit que nous devons avoir une loi pour le salaire minimum des hommes et des jeunes garçons, adoptons une loi spéciale à cet effet, mais ne la greffons pas sur cette législation qui régit et affecte les salaires des femmes. D'après l'article 161 du chapitre 100 de nos règlements, l'amendement de l'honorable député est entièrement hors d'ordre.

J'attire l'attention du président sur les règlements qui disent qu'à la troisième lecture d'un bill, sa forme seule peut être amendée. L'effet de cet amendement serait de mettre les adolescents et les jeunes gens sur le même pied que les jeunes filles, au point de vue des salaires payés par l'industrie, et si on veut remplacer une jeune fille par un jeune homme.

Il est possible de passer une législation identique qui protégerait les ouvriers, mais on ne peut s'attaquer au fond du bill, quand il est présenté en troisième lecture. Il est possible que l'on puisse légiférer dans le sens proposé par le député de Hull, afin de faire une nouvelle législation ou une législation spéciale s'il y a lieu, mais ne confondons pas les deux.

M. Guertin (Hull): J'espérais que l'honorable premier ministre ou un des membres du cabinet se ferait le parrain de mon amendement. Le premier ministre voudrait-il d'un bill semblable? Si une loi identique était présentée en faveur des ouvriers, le gouvernement serait-il prêt à l'approuver?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous ne pouvons pas nous faire les parrains de tous vos enfants. Mais nous serions disposés à considérer une nouvelle loi. Nous avons eu une demande en faveur de cette loi pour les femmes, mais le travail organisé ne nous a pas soumis la même demande pour les ouvriers.

M. l'Orateur: Adopté?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pas du tout.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Et l'amendement?

M. l'Orateur: Il n'y a pas d'amendement, puisque le député de Hull proposait au ministre du Travail de présenter cette suggestion.

M. Guertin (Hull): Alors, je retire mon amendement. Mais le premier ministre s'engage-t-il à supporter la loi, si je la propose?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous l'étudierons, mais nous voulons la voir d'abord. En attendant, je vous rends votre enfant.

Une voix: Envoyez-le à la crèche!

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Taxe d'hôpital

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 37 modifiant la loi 16 George V, chapitre 55, imposant la "taxe d'hôpital".

Adopté.

 

En comité:

M. Guertin (Hull): Le premier ministre a-t-il obtenu certains renseignements au cours de l'ajournement de 6 heures?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si c'est une question de mon honorable ami, non! Pendant l'ajournement, j'ai fait autre chose, la même chose que lui!

M. Duplessis (Trois-Rivières): Quels sont les frais de perception de la taxe d'hôpital?

L'honorable M. Stockwell (Brome): Je ne les ai pas ici et je ne pourrais le dire sans consulter nos livres. Il est difficile de le dire à une minute d'avis.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne veux pas retarder le projet inutilement et je vais demander au trésorier de me les fournir le plus tôt possible.

L'honorable M. Stockwell (Brome): Très bien.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Quand?

L'honorable M. Stockwell (Brome): Mardi prochain, probablement.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Est-ce possible pour mercredi?

L'honorable M. Stockwell (Brome): Je ne suis pas certain.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Alors, l'honorable trésorier me donnera les chiffres que j'ai demandés mardi?

L'honorable M. Stockwell (Brome): J'espère pouvoir les donner mardi, mais je ne suis pas certain.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La plus belle fille au monde ne donne que ce qu'elle a. Mais nous allons ajourner la troisième lecture à mardi. Est-ce que ça vous va comme compromis?

M. Duplessis (Trois-Rivières): Certainement.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

Ingénieurs civils

M. Taschereau (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 193 modifiant les statuts refondus, 1925, relativement aux ingénieurs civils soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

Présomption du décès d'un assuré après un non-paiement

M. Taschereau (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 198 modifiant le Code civil et le Code de procédure civile, relativement au paiement par l'assureur, en certains cas, du montant de l'assurance soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

Code de procédure civile, article 599

M. Taschereau (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 199 modifiant l'article 599 du Code de procédure civile soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

 

Subsides

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

Le comité discute en premier de crédits statutaires qui n'ont pas à être votés, soit les crédits versés à différentes écoles forestières ainsi que ceux versés à la recherche forestière.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je voudrais savoir de l'honorable ministre des Terres pourquoi certaines compagnies font faire leurs inventaires et relever nos forêts par des ingénieurs forestiers américains ou de nationalité étrangère, lorsque nous avons des ingénieurs canadiens compétents4?

Nos ingénieurs forestiers ne sont pas employés en nombre raisonnable. Les compagnies ont reçu tellement de faveurs de la part du gouvernement qu'elles devraient au moins faire preuve d'un peu de gratitude en accordant la préférence aux ingénieurs canadiens.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay)5: Cela est malheureusement vrai parfois, mais nous n'y pouvons pas grand chose. Les compagnies ont leurs ingénieurs. Il y a quelques années, les compagnies avaient tendance à employer des étrangers, mais c'est de moins en moins le cas. Rien toutefois ne peut empêcher les compagnies d'employer des étrangers, même n'ayant aucun titre, pour faire certains travaux. C'est regrettable.

J'espère que le jour viendra où il nous sera possible de mettre un frein à cela. Toutefois, nous exigeons que les inventaires forestiers qui nous sont transmis soient faits par des ingénieurs forestiers agrégés à l'Association des ingénieurs forestiers de Québec et signés par eux.

Je me demande s'il y aurait lieu de passer une loi, ou du moins amender la loi, pour forcer les compagnies à n'employer que des ingénieurs forestiers diplômés de nos écoles et sujets britanniques. Je n'ai pas d'objection. Si on trouve un moyen autre de remédier à la situation, je le saisirai avec empressement.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y aurait lieu de fermer cette profession des ingénieurs forestiers comme le sont les autres, afin que seuls nos ingénieurs forestiers puissent travailler à l'arpentage et à l'inventaire de notre domaine forestier. Nos écoles produisent des compétences, mais le gouvernement n'a rien fait pour assurer du travail à ces compétences. La Canadian International Paper est une des compagnies qui emploient des ingénieurs américains.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): L'honorable chef de l'opposition aime à citer la Canadian International Paper. Je pourrais lui mentionner des compagnies qui font moins bien qu'elle et qui font même pire.

M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable ministre sait-il que pas un chèque de $5 n'est donné par la Canadian International Co., sans passer par New York?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Comme autrefois pas un chèque de $5 n'était donné par le Grand-Tronc sans passer par Londres. Peut-être, mais je ne le sais pas. Ce que je sais, c'est que la Canadian International Paper emploie des ingénieurs forestiers canadiens.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je n'ai rien contre la Canadian International qui donne de l'emploi à un grand nombre de citoyens de Trois-Rivières. L'opposition veut rendre justice à tout le monde, mais pour cela, il ne faut pas qu'une compagnie empiète sur les droits des citoyens. Je n'ai d'animosité contre aucune compagnie, personnellement. Je l'ai prouvé lorsque, il fut un temps pas très éloigné, le premier ministre de la province, après entente avec le gouvernement ontarien, avait décidé, au mépris de la loi des combines, de fixer le prix du papier que l'International voulait vendre moins cher aux consommateurs. Il voulait fixer ce prix à $55 la tonne et a voulu obliger l'International à se soumettre à ce projet.

L'International Paper a refusé et le premier ministre de la province de Québec a déclaré alors en Chambre que, puisque la compagnie refusait de se soumettre, le gouvernement userait de discrimination contre cette compagnie dans l'exercice des droits de coupe. Autrement dit, le ministre forcerait la compagnie à exécuter strictement ses obligations de coupe, tandis que les autres compagnies bénéficieraient d'une sorte d'indulgence.

Comme question de fait, lors d'une enquête devant le Sénat américain, en vertu de la loi Sherman contre les trusts, M. Graustein, président de l'International, a déclaré que les procureurs généraux de Québec et d'Ontario l'avaient forcé de violer la loi Sherman et la loi des combines du Canada. Le gouvernement a mis ses menaces à exécution et institué des poursuites contre l'International. Mais celle-ci est allée voir un avocat renommé de Montréal qui lui a dit: "Vos contrats ont été exécutés par des sous-entrepreneurs de la province de Québec. Poursuivez ces sous-entrepreneurs en garantie."

Comme ces derniers étaient des gens de la province et que le gouvernement était sollicité de toutes parts, il a dû abandonner les poursuites. C'est l'opposition qui a dénoncé cette conduite arbitraire contre l'International. Chose curieuse, personne du côté du gouvernement ne s'est levé pour contredire cet intéressant récit historique. Je regrette que les ingénieurs de notre province n'aient pas un juste traitement de la part des compagnies.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): J'espère que si une législation est présentée pour protéger les ingénieurs forestiers de notre pays, mon honorable ami l'approuvera. Dans Québec, il y a 14 ingénieurs forestiers de Laval qui travaillent pour les compagnies. Quant aux ingénieurs étrangers exerçant leur profession dans notre province, il n'y en a plus que quatre des États-Unis, cinq d'Europe, 12 de l'Ontario et 13 du Nouveau-Brunswick. Il y a 143 ingénieurs-forestiers gradués de l'École forestière de l'Université Laval. De ce nombre, 53 sont à l'emploi du gouvernement provincial, cinq à l'emploi du gouvernement fédéral, 38 à l'emploi des compagnies et 46 dans la pratique privée.

Nous avons fait tout ce que nous pouvons pour assurer de l'emploi à nos ingénieurs forestiers sortis de Laval. L'honorable chef de l'opposition devrait être satisfait de ce bilan de la profession. Il constatera que le gouvernement s'intéresse à nos ingénieurs-forestiers.

M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable ministre sait que l'opposition est bien disposée à l'égard des ingénieurs-forestiers. Nous avons contribué à améliorer leur sort.

M. Barré (Rouville): Que fait le gouvernement pour le reboisement?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) répète ce qu'il a dit la veille.

L'honorable M. Stockwell (Brome) propose: Qu'un crédit n'excédant pas vingt mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour service d'hydroplans (Terres et Forêts), pour l'exercice finissant le 30 juin 1934.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Ce service est pratiquement abandonné, vu qu'il est nécessaire d'économiser. Les contrats avec les compagnies d'aviation sont contremandés à cause de la crise.

M. Duplessis (Trois-Rivières): J'espère que, si le ministre juge à propos de dépenser ces $20,000, il donnera la préférence à des compagnies d'aviation canadiennes. C'est une compagnie française qui avait un contrat trop avantageux. Je suis heureux que le gouvernement se soit rendu aux représentations de l'opposition. C'est une amélioration. Ce service a coûté cher.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Je ne l'admets pas. Nous avons encouragé des compagnies canadiennes. Le travail a été bien fait. La cartographie faite en aéroplane, que nous n'aurions pu faire aussi bien autrement, nous a coûté moins cher que si nous l'avions faite sur la terre, ce qui aurait coûté beaucoup plus cher. Lorsque les circonstances le permettront, j'ai bien l'intention de reprendre ce travail qui est très utile.

M. Guertin (Hull): Est-ce que le contrat de la compagnie aérienne franco-canadienne n'était pas très avantageux pour la compagnie?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Nous aurions offert les mêmes avantages aux compagnies canadiennes.

M. Duplessis (Trois-Rivières): J'ai la plus haute estime pour l'intégrité de l'honorable ministre des Terres et Forêts, mais dans son contrat d'aéroplane avec cette compagnie française, sa bonne foi a été surprise. Je rendrai au ministre la Justice de dire qu'il n'a jamais essayé de retarder la production des documents que nous lui avons demandés. Cela prouve sa bonne foi.

M. Guertin (Hull): L'honorable ministre aurait pu encourager les jeunes aviateurs canadiens, en accordant des contrats à des compagnies canadiennes.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Mon honorable ami a tort de dire cela. Ce n'est pas nous qui formons les aviateurs. Nous avons commencé notre service d'aéroplane avec des Canadiens. Ça n'a pas été un succès en commençant.

M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable ministre veut-il dire que les Canadiens français ne sont pas compétents. Il ne devrait pas dire cela devant le premier ministre.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Les Canadiens ne pouvaient pas faire de cartographie, mais ils sont compétents comme aviateurs.

M. Guertin (Hull): Puisque le travail sera repris, ne devrait-on pas avoir une école pour enseigner à nos jeunes gens la cartographie?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Une école d'aviation coûterait cher.

La résolution est adoptée.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. Ladite résolution est lue deux fois et adoptée.

 

Ajournement

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à vendredi, 3 heures.

Adopté.

La séance est levée à 11 h 30.

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NOTES

 

1. M. Gérard Tremblay, le sous-ministre du Travail, vient s'asseoir au côté de l'honorable M. Arcand.

2. L'Événement du 3 mars 1933, à la page 8, parle de $750,000.

3. Dans leur éditon du 3 mars 1933, L'Action catholique, à la page 10, La Patrie, à la page 5, et La Presse, à la page 12, indiquent 8 h 30.

4. M. Duplessis fait référence à l'item voté hier au sujet de la pépinière de Berthier.

5. M. G.-C. Piché, sous-ministre des Terres et Forêts, est assis à côté de l'honorable M. Mercier fils, selon L'Événement du 3 mars 1933, à la page 8.