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Version finale

25e législature, 1re session
(14 novembre 1956 au 21 février 1957)

Le jeudi 7 février 1957

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du jeudi 7 février 1957

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Rapports des comités permanents:

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le vingt-troisième rapport du comité permanent des bills publics en général.

Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill 254 concernant la ville de La Prairie (Titre amendé).

M. Caron (Maskinongé): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le vingt-troisième rapport du comité permanent des bills privés en général.

Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill 245 modifiant la charte de la ville de Gatineau (Titre amendé).

M. Caron (Maskinongé): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le vingt-quatrième rapport du comité permanent des bills privés en général.

Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, les bills suivants:

- bill   219   modifiant la charte de la cité de Québec;

- bill   256   exemptant de taxes municipales et scolaires les immeubles employés dans la municipalité de Grand'Mère, pour fins de recherches scientifiques;

- bill   153   annexant une partie du territoire de la municipalité de la paroisse de Lachenaie et une partie de la municipalité de la paroisse de Saint-Louis-de-Terrebonne à la ville de Terrebonne.

Votre comité fait rapport que les promoteurs du bill 195, pour protéger le domaine de la corporation de la trappe de Notre-Dame-du-Lac des Deux-Montagnes, ont déclaré qu'ils désiraient le retirer et prie votre honorable Chambre de bien vouloir agréer leur demande.

Votre comité fait aussi rapport qu'il réfère à votre honorable Chambre, pour considération, le bill 142 constituant en corporation le Collège des chiropraticiens du Québec.

Le rapport est adopté.

 

Projets de loi:

Annexion à La Prairie

M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 254 concernant la ville de La Prairie.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 254 sans l’amender.

M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Charte de Gatineau

M. Desjardins (Gatineau) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 245 modifiant la charte de la ville de Gatineau.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 245 sans l’amender.

M. Desjardins (Gatineau) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Charte de Québec

M. Boudreau (Saint-Sauveur) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 219 modifiant la charte de la cité de Québec.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 219 sans l’amender.

M. Boudreau (Saint-Sauveur) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Immeubles exempts de taxes à Grand'Mère

M. Ducharme (Laviolette) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 256 exemptant de taxes municipales et scolaires les immeubles employés dans la municipalité de Grand'Mère, pour fins de recherches scientifiques.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 256 sans l’amender.

M. Ducharme (Laviolette) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Annexion à Terrebonne

M. Blanchard (Terrebonne) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 153 annexant une partie du territoire de la municipalité de la paroisse de Lachenaie et une partie de la municipalité de la paroisse de Saint-Louis-de-Terrebonne à la ville de Terrebonne.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 153 sans l’amender.

M. Blanchard (Terrebonne) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Charte de Sorel

M. Gagné (Richelieu) propose que le bill 236 modifiant la charte de la cité de Sorel n’ayant pas été présenté dans les délais prévus par le Règlement à cause de circonstances incontrôlables et indépendantes de la volonté de ses promoteurs, les droits additionnels que ces derniers ont payés leur soient remboursés.

Adopté.

Commission scolaire de Saint-Félicien

M. Spence (Roberval) propose que le bill 248 concernant les commissaires d’écoles pour la municipalité du village de Saint-Félicien n’ayant pas été présenté dans les délais prévus par le Règlement à cause de circonstances incontrôlables et indépendantes de la volonté de ses promoteurs, les droits additionnels que ces derniers ont payés leur soient remboursés.

Adopté.

 

Voies et moyens:

Discours du budget 1957-19581

L’honorable M. Gagnon (Matane): M. l’Orateur, chaque année, depuis 1945, l’expansion de l’économie québécoise atteint de nouveaux sommets. La valeur annuelle de la production agricole, industrielle et commerciale de notre province s’accroît d’une façon continue. Aussi, je n’ai pas manqué, à l’occasion de mes exposés budgétaires, d’attirer votre attention sur ces réalités réconfortantes qui signifient augmentation du nombre d’emplois disponibles et amélioration du standard de vie des contribuables. Pour être fidèle à sa mission, un gouvernement sage ne doit-il pas, tout en favorisant le développement des valeurs morales et spirituelles et le respect des libertés fondamentales, s’efforcer d’assurer d’une manière raisonnable et progressive aux cultivateurs, aussi bien qu’aux ouvriers, la subsistance et le bien-être de leurs familles?

L’année 1957, M. l’Orateur, débute sous des auspices moins heureux que les années précédentes. L’horizon est assombri par des conflits internationaux dont vous connaissez la gravité et l’importance. La paix, que recherchent les hommes de bonne volonté, est précaire et incertaine. Personne ne doute que les difficultés de l’heure auront une répercussion sur l’économie canadienne et québécoise. La sagesse et la plus élémentaire prudence exigent donc de la réflexion de la part de ceux qui ont assumé la responsabilité de la chose publique. Elles nous invitent à multiplier nos efforts pour atteindre l’idéal de paix et de sécurité ancré dans nos cœurs. N’est-il pas dès lors évident que les hommes politiques doivent chercher à faire régner la paix et la sécurité, non seulement au-delà de leurs frontières, mais surtout à l’intérieur de leur propre pays? Or, nous ne pouvons nier que les causes de mésentente entre le gouvernement fédéral et les provinces subsistent toujours. Alors que le Trésor fédéral accapare la plupart des sources de revenu et enregistre des surplus énormes, il continue de mettre en danger l’avenir de la Confédération en envahissant le champ de la juridiction provinciale.

De plus, les Canadiens, inquiets de la tournure des derniers événements, s’expliquent mal les difficultés suscitées dans le pays par l’application de la politique anti-inflationnaire de la Banque du Canada. L’inflation est certes une source de périls. Personne ne conteste à ceux qui détiennent l’autorité le droit de s’en alarmer. Le peuple comprend que, dans la lutte contre l’inflation, il est sage d’empêcher la spéculation exagérée et de limiter les placements de capitaux sur des entreprises qui ne sont pas strictement nécessaires. Il s’explique mal cependant que la Banque du Canada oublie l’échelle des valeurs et que des restrictions draconiennes sur le crédit empêchent les corporations municipales, les commissions scolaires et les institutions d’assistance publique d’exercer librement leurs fonctions. Comment peut-il comprendre que, dans une période de prospérité, il faille désormais restreindre la construction des maisons d’habitation, la construction des écoles, des hôpitaux et limiter radicalement l’expansion des services publics? Comment peut-il admettre qu’un pays riche en ressources naturelles doive du jour au lendemain se résoudre à vivre comme un pays appauvri dans une période de disette? Comment peut-il admettre que les corps publics doivent assumer des taux d’intérêt de 5 %, 5½ %, 6 % et 6½ % pour financer la construction de nouvelles maisons, de nouvelles écoles et de nouveaux hôpitaux?

La lutte contre l’inflation suscite également aux États-Unis de nombreux problèmes. Dans son message au Congrès sur la situation politique (State of the Union), le président Eisenhower a recommandé la création d’une commission d’enquête "chargée d’étudier la nature et le fonctionnement de notre système financier ainsi que son adaptation aux circonstances actuelles... C’est, dit-il, une enquête vitale".

De son côté, le journaliste américain réputé, Walter Lippmann, écrit:

"Si nous réussissons à régler le problème fondamental d’enrayer l’inflation, nous devrons faire face à un second problème qui n’est pas si bien compris...

"Ce problème est celui de la répartition des disponibilités réduites de crédit. Il consiste à trouver la méthode efficace pour le partage du crédit entre les emprunteurs puissants, tels que les grandes compagnies et les emprunteurs moins fortunés, tels que les entrepreneurs qui construisent des maisons d’habitation; entre les emprunts publics effectués pour la construction des écoles et les emprunts privés destinés par exemple à la construction d’édifices à bureaux...

"Le crédit coûte cher et est d’accès difficile pour la majorité, pour les hommes d’affaires peu connus, pour les familles qui ont besoin d’hypothèques pour construire leurs maisons ainsi que pour les États et les municipalités qui doivent emprunter pour des travaux publics.

"Le problème de la répartition se pose d’une manière encore plus aiguë pour les États et les corps publics qui doivent émettre des obligations pour la construction des écoles, pour la voirie et pour les travaux publics. Ils succombent sous le fardeau que représentent pour eux les taux élevés d’intérêt et les restrictions sur le crédit.

"Il faudra étudier la question de savoir si, à cause de la concurrence qui règne sur les marchés financiers, l’intérêt public est suffisamment protégé, lorsqu’il s’agit d’envisager la construction des écoles et l’exécution des travaux publics."

David Lawrence, l’éditeur de la revue U.S. News and World Report, va plus loin. Commentant la décision du président Eisenhower, il craint que le système de l’entreprise libre soit en danger. Il n’hésite pas à dénoncer certains abus de la part des industriels et des grandes unions ouvrières qui, dans leurs efforts pour augmenter les salaires, ne tiennent pas compte des petites institutions incapables de lutter avec leurs concurrentes, et incapables de payer des salaires identiques à ceux de la grande industrie.

Au Canada, la situation laisse de l’inquiétude chez plusieurs banquiers. Lors de la réunion des actionnaires de la Banque Canadienne Nationale, le 8 janvier dernier, M. Charles Saint-Pierre, président de cette banque, disait:

"Il y a plus d’un moyen de défense contre la menace d’inflation. La politique d’argent cher et de restriction du crédit ne serait-elle pas plus efficace si l’on prenait en même temps des mesures propres à développer la pratique de l’économie? Les banques à charte, auxquelles est confiée la plus grande partie de l’épargne populaire, en favoriseraient sans doute le progrès en relevant de nouveau le taux de l’intérêt qu’elles versent à leurs déposants."

Monsieur George-F. Blain, de Toronto, directeur des Canadian Economic Associates, déclarait de son côté, le 11 janvier dernier, à Montréal:

"Comme la Banque du Canada ne peut influencer les affaires économiques que par un nombre limité de moyens, il s’ensuit que le fardeau des mesures anti-inflationnaires pèse injustement sur l’habitation, les finances municipales et le crédit au consommateur."

Il est évidemment difficile de trouver les moyens les plus efficaces d’enrayer l’inflation. Il faudrait, à mon avis, tenir compte de l’échelle des valeurs, c’est-à-dire faire disparaître les dépenses inutiles, tout en favorisant celles qui peuvent ajouter au bien-être de l’humanité. Je crois cependant que l’énergie de notre peuple, son esprit de travail, sauront, au cours de la présente année, surmonter ces difficultés, afin que l’année 1957 soit aussi prospère que les précédentes. La responsabilité qui incombe à l’administration provinciale comme conséquence de ces restrictions sur le crédit est très lourde, mais nous espérons diminuer dans toute la mesure possible, par une bonne administration, les complexités inévitables d’une telle politique.

Je me permettrai de revenir dans quelques instants sur cet angoissant problème. Après un bref commentaire sur le résumé des opérations financières de l’Union nationale au cours des douze dernières années, je vous rappellerai brièvement les résultats définitifs de l’année 1955-1956, en second lieu, les résultats probables de l’année 1956-1957 et enfin, je ferai une analyse rapide des prévisions budgétaires pour l’année 1957-1958.

I
La situationfinancière de 1945 à 1957

L’année 1956 a vu l’Union nationale remporter une victoire éclatante sur une coalition d’adversaires de toute nuance et de toute affiliation. Jamais, lutte plus violente ne nous a été livrée.

Cependant, dans la mêlée du combat, vous l’avez remarqué, M. l’Orateur, en 1956 comme en 1952 et en 1948, personne n’a cru devoir s’attaquer à la politique financière de l’Union nationale.

Il est notoire que cette politique a été prudente, sage et réfléchie. Au cours des douze dernières années de son administration, l’Union nationale, après avoir effectué des investissements ou dépenses de capital pour un montant de $539,016,765, calculé au 1er avril 1956, a réussi à payer 90 % de cette somme à même ses revenus ordinaires.

De plus, chaque année le gouvernement verse plusieurs millions aux fonds d’amortissement, et ces montants d’argent sont inscrits dans les dépenses ordinaires. Si nous enlevons du montant des dépenses nos contributions aux fonds d’amortissement, nous pouvons conclure que toutes nos dépenses imputables au capital ont été payées à même nos revenus.

Pendant cette période, la dette nette de $308,243,441, qu’elle était au 31 mars 1945, a été réduite, au 1er avril 1956, à $265,322,245, soit une diminution de $42,921,096.

Pendant l’année financière 1955-1956 spécialement, la dette consolidée nette, qui s’exprime par des obligations ou débentures, a été réduite de $17,069,337.

Grâce à cette sage administration, pour la première fois dans l’histoire financière de la province, les revenus annuels ont dépassé, en 1956-1957, le montant de la dette consolidée nette d’un montant d’environ $51,137,735.

L’administration des finances de la province, M. l’Orateur, a provoqué de la part des membres de la commission Tremblay, dans leur rapport sur les problèmes constitutionnels, les plus favorables commentaires:

Je cite:

"L’histoire budgétaire de la province atteste, règle générale, une grande prudence.

"C’est faire preuve de sagesse que de subordonner les dépenses aux ressources. À cet égard, la province de Québec s’est montrée l’aînée parmi les provinces canadiennes, dont certaines n’ont pas toujours manifesté la même pondération.

"Aussi est-elle l’une des rares, sinon la seule, à ne pas avoir souvent à réclamer du pouvoir central une assistance dans l’acquittement de ses dépenses. La province de Québec a constamment veillé à ne compter que sur elle-même pour financer ses entreprises...

"Remarquons qu’en 1931, poursuit le rapport, sur une dette totale de $84,300,000, la dette intérieure ne représentait que $6,400,000, soit 7.6 %. Or, en 1952, la province avait rapatrié la plus grande partie de sa dette publique, puisque, sur un total de $436,300,000, $326,100,000, soit 74.7 %, représentaient des emprunts payables au Canada seulement...

"Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la dette publique n’a pu être maintenue à un niveau aussi bas que parce que la province, dans une période où tout l’incitait à dépenser sans compter, a limité strictement ses dépenses d’immobilisations ou les a payées pour la quasi-totalité à même ses revenus courants...

"Il fallait donc que l’État provincial intervînt comme élément déterminant dans l’économie. Le gouvernement de la province de Québec s’acquitta de cette tâche d’une manière énergique. En effet, de 1945 à 1952, les immobilisations passèrent de $12,000,000 à $60,000,000. Cette mesure révèle assez imparfaitement toutefois l’incidence de l’activité gouvernementale dans la vie économique provinciale car, dans le compte des dépenses ordinaires de la province de Québec, une grande partie des sommes provient en fait de dépenses qui accroissent le patrimoine ou l’outillage de la collectivité. Plus du tiers des dépenses ordinaires des ministères du Bien-être social et de la Jeunesse, de la Santé et de la Voirie, ainsi que du département de l’Instruction publique sont de cette nature...

"On peut donc dire que la contribution de l’État provincial à l’économie de la province et du pays a été un important facteur de progrès et de prospérité au cours des dernières années. Cette constatation est confirmée par la comparaison entre le budget provincial et le produit national brut, de même que les investissements nationaux.

"Le service de la dette ne pèse pas trop lourdement sur le budget et la charge proportionnelle a même diminué considérablement depuis 1945...

"Cette modération de l’État québécois, quant à son intervention, ne procède pas d’un souci de parcimonie. Elle est inspirée de principes plus fondamentaux: la confiance dans l’initiative individuelle, que l’État ne doit pas nécessairement doubler mais à laquelle il peut parfois suppléer dans les cas de nécessité, la conviction que rien n’est plus dangereux à la longue que la tendance à voir dans l’État un pouvoir paternel chargé de tout organiser, régler et corriger...

"La province de Québec s’efforce d’amortir sa dette publique à un rythme assez rapide. En conséquence, elle paie un taux d’intérêt dont la moyenne est très basse; le service de la dette est aussi moins onéreux dans la province de Québec que dans la plupart des autres provinces du pays; cette politique d’amortissement confère en outre à son budget plus d’élasticité que n’en possèdent en général les budgets des autres provinces au Canada."

II
Chiffresdéfinitifs de l’année 1955-1956

Je suis heureux de souligner brièvement les chiffres définitifs des opérations financières de la province pour l’année 1955-1956, c’est-à-dire pour l’année financière commencée le 1er avril 1955 et terminée le 31 mars 1956. Lorsque j’eus l’occasion l’an dernier de prononcer le discours sur le budget, l’année financière 1955-1956 n’était pas terminée.

Comme les résultats de cette année sont contenus avec toutes les explications requises dans les Comptes publics qui ont été déposés dès le début de la présente session, soit le 14 novembre dernier, vous me permettrez d’être bref sur ce chapitre.

Les revenus se sont élevés à la somme de $407,812,775.46, les dépenses ordinaires à $330,910,413.06, assurant un surplus au compte ordinaire de $76,902,362.40. Les dépenses imputables au capital se sont élevées à la somme de $76,607,809.57. L’année financière 1955-1956 s’est donc terminée par un surplus global de $294,552.83 sur toutes sortes de dépenses, dépenses ordinaires et dépenses de capital.

III
Considérations surl’année financière 1956-1957

Les résultats anticipés de la présente année financière ne diffèrent pas, quant à leurs principales caractéristiques, de ceux des années précédentes. Nos revenus continuent leur mouvement normal vers la hausse et reflètent l’expansion économique de la province. Les dépenses accusent elles aussi la même tendance, car les problèmes qui exigent l’attention du gouvernement ne cessent de s’accroître et de se multiplier.

Les dépenses ordinaires pour la présente année se chiffreront à la somme approximative de $362,819,000 (Cf. Tableau No 1). Les revenus ordinaires s’élèveront à environ $342,806,0002 (Cf. Tableau No 2). Le surplus au compte ordinaire dépassera ainsi la somme de $69,000,000. Les dépenses imputables au capital, qui s’établiront à $85,297,000, seront encore cette année payées en très grande partie, soit 80 %, à même le surplus au compte ordinaire.

a) Augmentation de nos revenus

Les revenus pour l’année financière qui se terminera le 31 mars 1957 s’élèveront à une somme approximative de $432,806,000. Ce résultat dépasse de $25,000,000 celui de l’année dernière3. Le rendement de l’impôt sur le revenu sera cette année de plus de $5,000,000 supérieur à celui de l’an dernier et le rendement de l’impôt sur les profits des corporations marquera une augmentation de $7,000,000 sur l’année précédente, environ. L’augmentation continuelle du nombre des véhicules automobiles dans la province nous permettra d’encaisser $3,000,000 de plus, en vertu de la loi des véhicules automobiles, et $8,000,000 de plus, en vertu de la loi de la gazoline. La grande partie de nos sources de revenus enregistrera une hausse plus ou moins marquée, et la seule diminution sensible se trouvera dans le montant des droits sur les successions. L’an dernier, à cause du règlement de plusieurs successions importantes, le gouvernement de la province avait retiré, de ce chef, $46,557,668.74. Cette année, la situation n’est pas identique et les droits sur les successions nous rapporteront environ $33,750,000, soit $12,807,668.74 de moins que l’an dernier.

b) Augmentation de nos dépenses

Le chiffre des dépenses dépassera de $40,000,000 environ celui de l’année dernière, par suite d’une augmentation de crédits à divers ministères4. Vous pouvez constater l’importance grandissante que le gouvernement accorde au problème de l’éducation, si vous comparez l’augmentation de nos dépenses dans ce domaine. Nous croyons que l’éducation doit être la première de nos préoccupations, et cette conviction, vous la trouverez traduite dans les Comptes publics de chaque année, depuis 1945.

Nous accordons à la santé et à l’hygiène publique une place aussi importante, et vous constaterez que les dépenses de ce ministère marqueront une augmentation de près de $4,000,000 sur celles de l’an dernier. Vous pourrez aussi noter une augmentation de $9,000,000 dans le chiffre des dépenses imputables au capital. Ces sommes consacrées à la protection de la santé s’établiront à $72,000,000 pour la présente année financière. Si le gouvernement de la province pouvait toucher tous les revenus que lui réserve la Constitution, il serait certes louable et nécessaire d’augmenter encore nos dépenses imputables au capital. Les travaux d’une nature permanente n’ajoutent-ils pas à l’actif de la province? Ne sont-ils pas une source de richesses puisqu’ils favorisent la production tout aussi bien que la circulation des biens de consommation? Ces travaux, je le répète, profitent, non seulement à la génération présente, mais nous permettent en même temps de préparer pour nos descendants un avenir heureux.

Les esprits peu avertis peuvent s’étonner de l’accroissement des dépenses publiques. Ils ignorent évidemment l’étendue et la complexité des problèmes auxquels le gouvernement doit faire face. Ils ne tiennent alors nullement compte de l’intensité de notre expansion économique et de l’étendue géographique de notre province. Cependant, d’après les chiffres publiés par le Bureau fédéral de la statistique, le montant de nos dépenses per capita est toujours inférieur à celui de la plupart des provinces canadiennes5. Voici, d’après ces chiffres, les dépenses per capita de chacune des provinces canadiennes:

Dépenses per capita de chacune des provinces canadiennes
Province Montant
Terre-Neuve $98.21
Île-du-Prince-Édouard 84.02
Nouvelle-Écosse 78.21
Nouveau-Brunswick 93.22
Québec 79.76
Ontario 83.43
Manitoba 58.64
Saskatchewan 109.50
Alberta 133.11
Colombie-Canadienne 141.06

c) Surplus au compte ordinaire

Pour la douzième année consécutive, l’année financière se terminera par un très important surplus au compte ordinaire qui s’établira à $69,987,000. La province de Québec se classe en deuxième place de toutes les provinces pour ce surplus, n’étant dépassée que par l’Alberta qui a des revenus fort considérables provenant de l’exploitation de ses puits d’huile. En effet, nos revenus atteindront une somme approximative de $432,806,000 et les dépenses ordinaires environ $362,819,000. De plus, le gouvernement versera une somme d’environ $16,245,000 à ses fonds d’amortissement et, selon la coutume établie depuis longtemps, cette somme sera inscrite dans les dépenses ordinaires.

Bon nombre de gens oublient que la plupart des provinces n’enregistrent dans leur compte d’opérations que leurs seuls revenus et leurs seules dépenses ordinaires, alors que la province de Québec tient compte aussi de ses dépenses imputables au capital. Si nous voulons établir un point de comparaison entre les résultats des opérations du Québec et ceux des autres provinces, il faut donc de toute nécessité examiner le montant de leur surplus ou de leur déficit au compte ordinaire. Voici, d’après le rapport de novembre 1956 de la maison Wood, Gundy & Company Limited, les derniers surplus au compte ordinaire enregistrés par les provinces canadiennes6:

Surplus au compte ordinaire enregistrés par les provinces canadiennes
Province Montant
N. B. Le rapport de la maison Wood, Gundy & Company Limited est basé sur les derniers chiffres disponibles pour chaque province.
Alberta $109,579,584
Colombie-Canadienne 15,552,424
Île-du-Prince-Édouard 1,874,978
Manitoba 506,279
Nouveau-Brunswick 167,338
Nouvelle-Écosse 489,911
Ontario 143,646
Québec 76,902,362
Saskatchewan 4,542,103
Terre-Neuve 139,076 (déf.)

d) Dépenses imputables au capital

À la fin de l’année financière 1956-1957, le gouvernement aura effectué des dépenses imputables au capital pour une somme de $85,297,000, qui aura été complètement absorbée par les revenus, sauf pour un montant de $15,310,0007. L’importance de ces travaux d’une nature permanente assure la richesse de la province et du pays. Ce sont des contributions qui dépassent le temps et qui servent à toute la communauté, durant plusieurs générations. Le gouvernement de l’Union nationale a toujours cherché à augmenter cet actif si profitable aux générations futures comme à la génération présente. Les dépenses imputables au capital sont d’ailleurs l’un des facteurs les plus sûrs de la stabilité économique et l’un des meilleurs indices d’une sage administration. Tout en activant l’emploi, elles peuvent servir à des fins qui dépassent l’ordre matériel, surtout lorsque sont concernées l’éducation et la santé. Elles accroissent l’activité économique par l’amélioration des moyens de production aussi bien que par la circulation des richesses. Du 31 mars 1945 au 31 mars 1957, ces dépenses pour des travaux d’une nature permanente, si on le préfère ces placements à long terme, s’élèveront à la somme approximative de $624,313,765.

Année terminée le 31 mars

Dépenses pour des travaux d’une nature permanente du 31 mars 1945 au 31 mars 1957
Année Montant
1946 $12,977,903
1947 24,287,135
1948 40,927,129
1949 64,755,220
1950 42,341,455
1951 33,825,175
1952 60,262,344
1953 67,007,015
1954 58,088,426
1955 57,937,154
1956 76,607,809
1957 85,297,000
(Estimation)
Total $624,313,765

Voici maintenant la liste des surplus au compte ordinaire pour les mêmes années:

Année terminée le 31 mars

Surplus au compte ordinaire du 31 mars 1945 au 31 mars 1957
Année Montant
1946 $14,768,397
1947 26,471,830
1948 44,367,887
1949 33,765,031
1950 31,753,562
1951 38,006,501
1952 62,074,513
1953 28,887,819
1954 36,456,881
1955 36,634,866
1956 76,902,362
1957 69,987,000
(Estimation)
Total $500,076,649

Depuis 1946, le total des surplus au compte ordinaire a atteint la somme énorme de $500,076,649. Ces surplus, je suis heureux d’insister sur ce point, ont servi au paiement de la plus grande partie de nos dépenses imputables au capital. La différence a été payée par l’emprunt. Certains experts financiers sont d’opinion qu’il aurait été justifiable de payer toutes ces dépenses au moyen de l’emprunt, puisqu’elles accroissent le patrimoine des générations futures. Le gouvernement de l’Union nationale veut, en ces années de prospérité, conserver intact le crédit de la province, afin d’être en meilleure posture pour résoudre les problèmes d’une crise économique éventuelle.

e) Surplus consolidé

Le surplus consolidé de $43,522,635.69, au 31 mars 1945, soit à la fin de l’administration libérale, avait atteint $355,068,015.55, au 31 mars 1956, ainsi que le démontre le bilan de la province inscrit aux Comptes publics8. Le montant du surplus consolidé serait beaucoup plus considérable s’il n’avait pas été diminué, il y a deux ans, de $108,925,399.78. Ce montant représentait des dépenses extraordinaires effectuées durant la crise économique de 1929, dépenses qui ne constituaient en aucune façon un actif pour la province. Pour assainir notre bilan et faire disparaître ces dépenses extraordinaires, nous avons dû diminuer d’autant le montant du surplus consolidé.

La même année, à même ce surplus, nous avons créé une réserve qui s’élève maintenant à $13,285,218.42, pour permettre de comptabiliser séparément les contributions des fonctionnaires à la loi des pensions. Ces contributions ne sont donc plus considérées comme un revenu, mais comme une créance de la province envers ses fonctionnaires. Ajouterais-je qu’il est arrivé au temps de l’administration Godbout que le trésorier provincial déclare un surplus en inscrivant, au chapitre des revenus, les contributions des fonctionnaires au fonds de pension. La nouvelle méthode de comptabilité constitue une amélioration sensible qu’il est juste de signaler.

f) Dette per capita

La dette per capita de notre province (dette consolidée nette, bons du Trésor inclus) est cette année inférieure à ce qu’elle était l’an dernier, alors qu’elle s’élevait à $85. Je me permets de vous citer un tableau contenu dans une brochure publiée en novembre 1956 par la maison Wood, Gundy & Company Limited, sous le titre: Statistiques financières des gouvernements des provinces et du Canada. La dette nette per capita de la province de Québec est inférieure à l’heure actuelle à la dette per capita de la province de Terre-Neuve, dont toutes les dettes ont été rachetées par le gouvernement fédéral lors de l’entrée de cette province dans la Confédération, en 1949. Cette dette nette per capita s’établit à l’heure actuelle à $76.97, alors que celle du gouvernement fédéral se chiffre à $964.02, soit un montant treize fois plus considérable9. Notre province est, depuis 1947, la seule province qui ait conservé une dette nette moyenne per capita inférieure à $100 et, pendant que cette dette nette per capita diminue, la dette per capita moyenne de toutes les provinces canadiennes augmente graduellement.

La dette per capita du Québec était de $90.29, en 1955, comparativement à $157.71 pour les autres provinces. C’est ce qui ressort aussi d’une étude publiée dans un bulletin du Citizens Research Institute of Canada, à Toronto. Voici une comparaison entre la dette nette per capita de la province de Québec et la dette nette moyenne per capita de toutes les provinces canadiennes:

Comparaison entre la dette nette per capita de la province de Québec et la dette nette moyenne per capita de toutes les provinces canadiennes
Année Province de Québec Autres provinces
1947 $95.58 $145.09
1948 93.02   136.48
1949 99.20   135.60
1950 94.76   141.87
1951 90.82   143.38
1952 86.64   152.55
1953 90.38   154.56
1954 89.94   159.08
1955 90.29   157.71

g) Diminution de la dette nette

Au 31 mars 1945, la dette nette de la province s’établissait à la somme de $308,243,441. Au 31 mars 1956, ainsi que vous pouvez le constater dans les Comptes publics, elle se chiffrait à $265,322,345, soit une diminution de $42,921,096, en l’espace de 11 années. Nos prévisions sont à l’effet qu’au 31 mars 1957, cette dette nette enregistrera une nouvelle diminution de plusieurs centaines de mille piastres.

Certains députés de l’opposition essaieront, cette année encore, suivant leur habitude, d’embrouiller l’opinion publique en face de ces réalités de toute première valeur. Dans le passé, leur tentative a été vaine, car ils ne peuvent contester les chiffres contenus dans le bilan de la province publié dans les Comptes publics. Ils ne peuvent modifier les données contenues dans les publications financières des institutions les plus sérieuses du Canada et des États-Unis. Ils ne peuvent non plus contredire les renseignements financiers publiés par le Bureau fédéral de la statistique.

h) Obligations de la province

Il n’est donc pas étonnant que les obligations de la province continuent d’être recherchées par toutes les institutions financières du Canada et des États-Unis. Au cours de l’année financière qui s’achève, le gouvernement n’a eu à rembourser que trois emprunts obligataires d’importance secondaire10. En voici la liste. (Voir le tableau ci-dessous)

Emprunts obligataires d’importance secondaire que le gouvernement a eu à rembourser au cours de l'année financière
Date de l’échéance Montant Taux Fonds d’amortissement
15 juillet  1956 $1,000,000 3 %  
15 juillet  1956 9,680,000 3 % $1,383,856.53
15 septembre 1956 144,000 4½ % 144,000.00
  $10,824,000   $1,527,856.53

Dans mon dernier discours sur le budget, j’avais exposé les détails d’une transaction effectuée le 1er juin 1955, pour rembourser, avant échéance, trois émissions d’obligations d’une valeur totale de $29,525,000. La hausse considérable des taux d’intérêt depuis un an démontre la prévoyance du gouvernement en rachetant alors ces trois émissions à 3½ %, exigibles en 1957 et en 1959, au moyen d’un nouvel emprunt à 2½ % d’intérêt seulement. Cette réduction du taux d’intérêt de 3½ % à 2½ % avait permis au gouvernement de réaliser une économie de plus d’un million. Cette transaction nous libère, à l’heure actuelle, de l’obligation de faire face à ces échéances, car tous les contribuables savent que le taux d’intérêt serait aujourd’hui beaucoup plus élevé. Le gouvernement a ainsi laissé le marché libre à l’Hydro-Québec pour trois émissions d’obligations en date du 1er octobre 1956, du 1er décembre 1956 et du 1er février 1957.

Le 15 janvier 1957, le gouvernement a cependant effectué sur le marché canadien un emprunt de $25,000,000 à 4¾ %. Le produit de cet emprunt était destiné à rembourser les bons du Trésor émis pour payer, en partie, la plus importante des trois émissions d’obligations dont je vous ai parlé tout à l’heure. De plus, depuis l’emprunt de mars 1955, le montant net des avances consenties à l’Office du crédit agricole s’est élevé à la somme de $15,250,000. Ces avances seront, comme toujours, remboursées au fur et à mesure des paiements effectués par les cultivateurs qui bénéficient de la loi du crédit agricole. Toutefois, il ne serait pas sage d’utiliser les revenus provenant des impôts pour le paiement de ces avances. Nous devons donc recourir à l’emprunt.

Le taux d’intérêt, soit 4¾ %, est le plus élevé que la province ait payé depuis bien des années. Il est le reflet du marché financier déséquilibré par les mesures restrictives, appliquées par la Banque du Canada, pour combattre l’inflation.

En résumé, durant l’année 1956, le gouvernement n’a eu à faire face qu’à des échéances de peu d’importance. Il faut se réjouir de cette situation, car elle nous permet de conserver un niveau d’intérêt relativement peu élevé pour la plus grande partie de notre dette obligataire. Nous ne pouvons éviter cependant l’augmentation des intérêts sur les bons du Trésor, augmentation qui se traduit nécessairement par une charge plus lourde au service de la dette.

IV
Relationsfédérales-provinciales

Au lendemain de la dernière conférence fédérale-provinciale, en 1955, il ne manquait pas de gens pour affirmer que le gouvernement fédéral s’inspirerait désormais d’une politique plus conforme à l’esprit de l’Acte de 1867. Il semblait disposé à abandonner ses tentatives de centralisation financière si néfastes pour l’avenir de la Confédération. Pour la première fois depuis 1945, il reconnaissait - en principe du moins - aux provinces un droit strict aux principales sources de taxation directe, soit l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt sur le revenu des corporations et l’impôt sur les successions. Ces braves gens se faisaient illusion. Le gouvernement fédéral disposait ses batteries sur un autre terrain: celui de l’éducation. La lutte centralisatrice se poursuivait.

Depuis quinze ans, cette lutte, suivant les préoccupations politiques de l’heure, a été livrée sur trois fronts différents: sur la législation sociale, sur les pouvoirs de taxation et, enfin, sur le problème de l’éducation. Dans le domaine de la sécurité sociale, l’État fédéral a organisé un système de pension de vieillesse, un système de pension aux aveugles, un système d’assurance-chômage, les allocations familiales, l’aide à l’habitation, les subventions pour les hôpitaux et, enfin, un système de pension pour les invalides. Il attend le moment propice pour réaliser son plan d’assurance-santé. En ces matières, vous le savez, M. l’Orateur, la juridiction provinciale est exclusive et incontestable.

Dans le domaine de la taxation, il a accaparé complètement les principales sources de taxation directe durant la Seconde Guerre mondiale, pour essayer, une fois la paix signée, de les conserver. Il a tenté de substituer à l’exercice par les provinces de leur droit de taxation, des subventions annuelles. Il a forcé la majorité des provinces, durant six ans, à signer des ententes en vertu desquelles celles-ci renonçaient à leur droit sur les principales sources de taxation directe, en retour d’une subvention. Seul le Québec est demeuré fidèle aux principes de l’Acte de 1867. Seul, depuis 10 ans, il a continué sans relâche de revendiquer l’exercice des droits fiscaux provinciaux reconnus par la Constitution11. L’histoire soulignera le rôle vigilant et énergique du premier ministre de notre province dans la défense de l’autonomie provinciale.

Enfin, l’an dernier, le gouvernement fédéral a laissé aux provinces le droit d’imposer le revenu des particuliers, le revenu des corporations et les successions, mais dans une proportion bien limitée, en se réservant dans ces domaines la part du lion. Le gouvernement fédéral a accepté de reconnaître, dans ses lois, le droit des provinces aux principales sources de la taxation directe. Il accordera aux contribuables d’une province où il existera une loi d’impôt sur le revenu des particuliers, une réduction de10 % de l’impôt fédéral; il accordera aux corporations d’une province où il existera une loi imposant les profits des corporations, une réduction de 9 %. Cette réduction sera de 50 % dans le cas de l’impôt sur les successions. Ces nouvelles propositions, qui doivent entrer en vigueur le 1er avril 1957, mettent un terme au régime des ententes si souvent dénoncé comme contraire à la Constitution et attentatoire à l’autonomie des provinces.

De plus, le gouvernement fédéral se propose de verser à huit des dix provinces canadiennes, c’est-à-dire à toutes les provinces, moins l’Ontario et la Colombie-Canadienne, une subvention dite de péréquation ou, si vous aimez mieux, une subvention d’égalité. Le montant de cette subvention sera calculé par le ministère fédéral des Finances, d’après le montant total de l’impôt sur le revenu des particuliers et des corporations, ainsi que le montant total des droits sur les successions payés dans l’Ontario et la Colombie-Canadienne. Ce montant total sera divisé par le chiffre de la population de ces deux provinces, pour obtenir le rendement per capita de ces impôts. Le ministère fédéral des Finances effectuera un calcul pour chacune des provinces canadiennes. Le gouvernement fédéral paiera la différence entre le revenu per capita moyen de l’Ontario et de la Colombie-Canadienne et celui des autres provinces canadiennes. Le montant de cette subvention variera évidemment d’une province à l’autre et, suivant les experts financiers du gouvernement, à raison de certains facteurs particuliers, il devrait atteindre une somme d’environ $35,000,000 pour notre province.

Ce nouveau projet n’oblige aucune des provinces à la signature d’une entente. Il ne les oblige ni à prêter, ni à céder leur droit de taxation, et certes, ces dernières propositions constituent une amélioration sur la politique suivie jusqu’alors en la matière.

À l’issue de la dernière conférence fédérale-provinciale de 1955, nous étions heureux de cette orientation nouvelle de la politique fédérale. Certaines personnes, je le répète, ont cru que les menées centralisatrices prenaient fin. Elles se sont bercées d’une fallacieuse illusion. L’offensive a repris avec vigueur, et cette fois, sur le terrain de l’éducation.

En effet, il y a quelques mois, le gouvernement fédéral offrait à la Conférence nationale des universités canadiennes une subvention annuelle de $16,000,000 destinée à être partagée entre toutes les universités. Cette nouvelle politique du gouvernement fédéral laisse croire à l’incompétence des gouvernements provinciaux dans la solution des problèmes d’éducation. Le gouvernement fédéral offre cette subvention aux universités canadiennes au moment où la Banque du Canada, par ses restrictions sur le crédit, paralyse les commissions scolaires, c’est-à-dire paralyse en fait le développement de l’instruction élémentaire, qui est la base essentielle de tout système éducationnel.

Évidemment, nos universités doivent affronter de très lourds problèmes financiers. L’enseignement universitaire doit suivre l’évolution rapide des sciences à l’heure présente. Ses professeurs doivent être de plus en plus nombreux, de mieux en mieux rémunérés. Ses techniciens et ses ingénieurs doivent être mieux entraînés, si les autorités universitaires veulent faciliter davantage à notre jeunesse une part active aux destinées futures de notre pays.

Cette nouvelle intrusion du gouvernement fédéral dans un domaine strictement provincial s’inspire des recommandations de la commission Massey sur les arts, les sciences et les lettres au Canada. Pendant 20 ans, nous avons lutté contre l’esprit et les recommandations de la commission Rowell-Sirois. Faudra-t-il lutter, et pour combien de temps, contre les recommandations centralisatrices et encore plus dangereuses du rapport Massey? Les universitaires, les éducateurs et les hommes politiques, qui se font les artisans de cette invasion du gouvernement fédéral dans le domaine de l’éducation, rejettent les principes fondamentaux de notre Constitution et ignorent les grandes traditions historiques de notre pays. Ils appartiennent pour la plupart à certaines grandes associations complètement étrangères à l’esprit et à la culture de notre province; ils se recrutent aussi dans les milieux universitaires. Le gouvernement fédéral leur offre de longs voyages d’études à l’étranger et de généreuses prébendes pour se constituer les propagandistes de la centralisation. Sous la défroque de l’indépendance, ils essaient d’atteindre un objectif où les hommes politiques ont échoué.

Voilà, M. l’Orateur, où nous en sommes rendus. Si nous cédions sur le terrain de l’éducation, nous mettrions en péril la lutte pour la protection de nos droits en matière de taxation et de nos droits civils en matière de sécurité sociale. L’offensive nouvelle est de plus grande envergure et plus insidieuse que celle de 1945. Elle constitue une attaque contre des droits sacrés acquis par l’héroïsme de nos ancêtres, droits reconnus même aux jours les plus sombres de notre histoire, au lendemain de 1760 et, je ne crois pas qu’il y ait dans notre province un seul Canadien sincère, assez peu soucieux du respect de nos traditions les plus chères, pour nous conseiller de céder même une parcelle de nos droits en matière d’éducation. Si le gouvernement fédéral veut aider efficacement la cause de l’éducation, qu’il nous reconnaisse dans le domaine de la taxation directe des droits de taxation adéquats et suffisants, qu’il demande au gouverneur de la Banque du Canada de faire une distinction entre les crédits demandés par les commissions scolaires et ceux sollicités par le commerce et l’industrie, entre les objets de luxe et les valeurs spirituelles. Si le gouvernement fédéral veut réellement aider la cause de l’éducation dans les provinces, je le répète, pourquoi ne laisse-t-il pas aux gouvernements provinciaux les sources de revenus dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs responsabilités? La commission Tremblay s’est énergiquement prononcée dans ce sens.

Je me permets de vous citer à ce propos ce passage d’une allocution prononcée par monsieur Alfred P. Haaks, l’un des officiers de la General Motors, à une convention des fonctionnaires municipaux, à Washington, le 6 juin dernier:

"En 1940, la répartition de l’ensemble des revenus provenant de l’imposition dans notre pays, attribuait 39.4 % au gouvernement fédéral, 28.2 % aux États et 31.5 % aux gouvernements locaux. En 1954, la répartition était la suivante: 74.6 % au gouvernement fédéral (augmentation de 35 %), 13.6 % aux gouvernements des États (réduction de 15 %) et seulement 11.8 % aux gouvernements locaux (réduction de 20 %).

"Dans l’hypothèse où les chiffres approximatifs de 1940 représentent une distribution idéale pour les trois groupes de gouvernements, nous devrions attribuer 40 % au gouvernement fédéral, 30 % aux États et 30 % aux gouvernements locaux. Il ne serait pas difficile de justifier ces proportions.

"En nous basant sur ces proportions, 27 billions de dollars devraient être ajoutés aux revenusdes gouvernements locaux, qui s’élevaient à 10.7 billions de dollars en 1954. Les revenus des gouvernements locaux seraient ainsi haussés de 154 %."

Appliquez, M. l’Orateur, le même raisonnement au Canada et vous obtiendrez un résultat identique, car le mouvement de centralisation qui s’exerce dans notre pays s’exerce de la même façon chez nos voisins. En 1939, au Canada, 42.2 % des revenus étaient perçus par le gouvernement fédéral, 27.1 % par les provinces, et 30.7 % par les municipalités. En 1954, 72 % étaient perçus par le gouvernement fédéral, 14 % par les provinces, et 14 % par les municipalités. En d’autres termes, les revenus du gouvernement fédéral avaient augmenté de30 %, les revenus des gouvernements provinciaux avaient baissé de 13 % et les revenus des municipalités, de 16 %. Si à l’heure actuelle le gouvernement fédéral se contentait de 40 % des revenus de la taxation, il pourrait consentir aux contribuables canadiens une réduction totale d’impôts d’environ $1,800,000,000. Ce champ d’impôt abandonné par le gouvernement fédéral suffirait amplement aux gouvernements provinciaux et municipaux, pour leur permettre de trouver les revenus dont ils ont besoin pour la solution de leurs problèmes.

Heureusement, la propagande centralisatrice qui inspirait le rapport Rowell-Sirois, aussi bien que celui de la commission Massey, a reçu une éclatante réplique dans le rapport de la commission Tremblay:

"Jamais, semble-t-il, écrivent les commissaires, les citoyens du Québec ne s’étaient livrés à un pareil examen de leurs forces et de leurs faiblesses; jamais ils n’avaient pris une conscience aussi aiguë de la gravité des problèmes constitutionnels et de la nécessité de leur trouver le plus rapidement possible des solutions satisfaisantes."

Plusieurs hommes politiques ont lutté pour l’autonomie. Ils ont orienté leur conduite d’après les enseignements de l’histoire et nos traditions les plus chères. Nous regrettions tous avec les membres de la Commission:

"...le manque de documentation en langue française sur les problèmes fondamentaux du Canada et du Québec à l’heure présente: constitutionnels, politiques, sociaux, économiques, financiers et autres. Il y a là une grave lacune, qui ne peut à la longue que nuire aux véritables intérêts du groupe canadien-français."

Tous les courants d’idées de valeur durable qui ont influencé la conduite des hommes au cours de l’histoire se sont ainsi concrétisés en une lumineuse synthèse qui a inspiré les historiens et les hommes d’action engagés, soit dans la vie politique, soit dans les autres secteurs de l’activité humaine. La thèse de l’autonomie a été soutenue avec vigueur par les grands parlementaires; il (sic) n’entrait pas dans leurs attributions et ils n’avaient pas le loisir de rédiger une vue d’ensemble sur tous les problèmes fondamentaux qui influencent notre vie politique. Le rapport de la commission Tremblay vient donc à l’heure propice. Ne faut-il pas remercier le chef du gouvernement de l’Union nationale d’avoir ainsi pensé à mieux documenter les hommes publics, les professeurs et la jeunesse étudiante, en confiant à une commission d’enquête la tâche d’écrire la synthèse des droits provinciaux inscrits en lettres ineffaçables dans la Constitution canadienne?

Au Moyen-Âge, les grands philosophes chrétiens ont publié la somme de leurs enseignements, afin d’y intégrer leur doctrine et d’en imprégner leur génération. Ces ouvrages qui ont défié les siècles étaient la synthèse de leur pensée et de leurs recherches. Il en est de même pour les doctrines des grandes écoles littéraires et les grands courants de pensée sur le gouvernement des sociétés humaines. On n’a par exemple qu’à lire le volume de Jacques Pirenne, Les grands courants de l’histoire, pour nous convaincre de cette vérité.

Jusqu’ici, certains historiens et économistes ont propagé dans leurs articles, leurs rapports ou leurs livres, la doctrine que le Canada devait se transformer en un État unitaire pour toucher au sommet du progrès et de la grandeur. La commission Tremblay, après un examen sérieux de la situation actuelle et de ses causes profondes, nous invite à rester fidèles aux enseignements du passé, aux perspectives de notre histoire, à la lumière des principes fondamentaux de la saine philosophie politique. Elle a fait une revue de nos besoins et exprimé ses recommandations sur l’action politique de demain. Nos compatriotes sont libres de discuter et de rejeter certaines de ses recommandations, mais ils devront en justice reconnaître l’importante contribution que la Commission apporte aux problèmes affectant l’avenir de la Confédération.

Cette synthèse, reflet de la politique du Québec, le gouvernement a bien voulu la soumettre aux hommes d’action de l’heure présente. Il la soumet à la jeunesse étudiante et à ceux qui sont appelés à la guider dans les sentiers du droit, de la justice et de l’honneur.

"En raison de son histoire, écrivent les commissaires, ainsi que du caractère culturel de la population qu’il englobe, le Québec, quoi qu’on en dise, n’est pas une province comme les autres. Il parle au nom de l’un des deux groupes ethniques qui ont fondé la Confédération, comme l’un des deux associés qui ont officiellement droit de vivre et de s’épanouir en ce pays. Il est le seul à pouvoir représenter l’un de ces deux associés, comme il est le seul à pouvoir déterminer les motifs qu’il a de refuser les largesses fédérales.

"Tout au long de son histoire, il a rarement abandonné la cause de l’autonomie provinciale, et même depuis quelques années, il se pose en champion du fédéralisme canadien, d’un fédéralisme qui n’est pas si désuet et dépassé qu’on a bien voulu l’écrire. En tout cas, l’histoire des relations fédérales-provinciales au Canada est loin de démontrer que la province de Québec, en voulant maintenir un fédéralisme authentique, livre une lutte perdue d’avance, et qu’il n’y a plus pour elle d’autre alternative que celle de s’intégrer lucidement au régime que lui propose le gouvernement d’Ottawa et que certains qualifient de "nouveau fédéralisme canadien"."

M. l’Orateur, la discussion provoquée par la nouvelle loi fédérale d’aide à l’enseignement universitaire a donné naissance à des commentaires regrettables de la part de certains professeurs conquis à la centralisation. Je suis donc heureux d’apporter au soutien de la position prise par le gouvernement de la province, l’opinion de deux de nos meilleurs économistes: MM. Esdras Minville et François-Albert Angers.

Dans une série d’articles publiés dans Le Devoir, M. François-Albert Angers dénonce l’intervention d’Ottawa dans le domaine de l’éducation:

"Le gouvernement fédéral... donne de l’argent, comme les autres donateurs, mais il se repaie d’une diminution dans le champ du "self-government" pour le groupe canadien-français, ce qui n’est jamais directement en jeu pour les autres donateurs. Toutes les bonnes intentions du gouvernement central n’y peuvent rien changer; du moment qu’il pose le geste et que le geste est accepté, un précédent est créé, qui rompt la tradition d’exclusivité provinciale et met en danger le droit juridique lui-même, dont l’interprétation tendra ensuite à devenir plus large. Le gouvernement central est un rouage intime de la structure politique du pays, alors que les autres donateurs éventuels n’ont rien de commun avec lui sur ce point et que leurs attitudes, par suite, n’ont jamais la même signification."

Plus loin, le savant professeur écrit:

"Il convient ici de placer une remarque à l’adresse de ceux qui, tout au long de cette discussion, ont affiché un souverain mépris à l’égard des discussions constitutionnelles. Ils montrent tout simplement qu’ils n’en comprennent pas le sens. Il est vrai, bien sûr, que ce ne sont pas elles qui importent, pour elles-mêmes. Elles n’importent que parce qu’elles représentent pour nous des garanties juridiques qui nous ont été données que nos droits seraient respectés."

Dénonçant à son tour, dans les journaux, l’offre du gouvernement fédéral d’intervenir dans le domaine de l’éducation secondaire et universitaire, M. Esdras Minville écrit:

"C’est bien la première fois, par exemple, que l’on voit un chef de gouvernement tellement désireux de disposer du trop-plein des coffres de l’État qu’il incite les citoyens à ignorer la première loi du pays, pour accepter des subventions qu’il n’a pas le droit de leur offrir; et pas n’importe quels citoyens: ceux-là mêmes dont la mission est de former les élites et, d’une génération à l’autre, la conscience civique.

"C’est bien aussi la première fois que l’on voit des universitaires, c’est-à-dire les esprits soi-disant les plus éclairés de la nation, se torturer le cerveau pour inventer des théories qui leur permettraient d’enfreindre, en ayant l’air de la respecter, la loi qui leur garantit leurs libertés les plus fondamentales...

"Ainsi, dans un État fédératif, le régime fiscal doit-il être organisé selon un mode qui respecte l’autonomie de toutes les parties constituantes, sans quoi il tend inévitablement à détruire le caractère fédératif de l’État et à transformer celui-ci en État unitaire, au profit du gouvernement qui s’est assuré le contrôle de la fiscalité...

"Dans la même mesure où le gouvernement fédéral assume des responsabilités que la Constitution ne lui impose pas, il s’approprie une part croissante de l’impôt direct auquel, selon l’esprit de la Constitution, il ne devrait recourir qu’une fois les provinces assurées des ressources nécessaires à leur administration...

"Les subventions aux universités ne sont donc pas une mesure occasionnelle, une sorte d’accident dans la politique constitutionnelle du pays. Elles sont un modeste épisode dans le développement d’une politique qui ébranle les fondements mêmes du régime constitutionnel et des structures politiques de l’État canadien. Derrière une façade fédérative s’édifie rapidement un État unitaire...

"La perte pour la province de Québec de sa liberté fiscale équivaudrait ainsi à la perte pour le Canada français du moyen le plus puissant dont il dispose, du seul moyen efficace de préserver sa vie et de conquérir sa place comme communauté culturelle distincte, au sein de l’État canadien..."

L’éminent professeur s’adresse maintenant à ses confrères:

"Quant à certains groupes de professeurs, à 14 % ou à 15 % de l’impôt, le joug du gouvernement provincial leur paraît pesant; à 75 %, celui du gouvernement fédéral leur paraît léger et suave. Ils n’estiment pas que leur problème de traitement soit sans proportion avec une crise de l’État. Quelques-uns d’entre eux croient même à la théorie de cadeaux... et que le Père Noël a ses quartiers permanents à Ottawa. D’autres qualifient de "mythe" l’autonomie provinciale."

Quand le directeur de l’École des hautes études commerciales de Montréal parle de "mythe", il fait sans doute allusion à ces théologiens qui, pleins de zèle, ont, l’été dernier, proclamé que l’autonomie provinciale était un mythe12.

Coïncidence intéressante, M. l’Orateur, pendant que ces déclarations intempestives et fallacieuses étaient répandues à profusion dans les autres provinces, à la joie des esprits préjugés et à courte vue, L’Action catholique, dans un éditorial en date du 13 août, reproduisait un discours prononcé à Rome par Sa Sainteté le Pape Pie XII, à l’occasion d’une audience accordée aux maires et aux chefs des administrations communales romaines:

"Personne ne peut raisonnablement exiger que vous fassiez tout sur-le-champ, disait le Souverain Pontife; personne n’espère que tout le monde se trouvera satisfait, les désirs du peuple étant si variés et, surtout, la volonté de juger avec sérénité votre œuvre faisant défaut à certains. Mais, chaque jour, chaque heure, vous devez être saintement diligents; jamais satisfaits tant que vous ne pourrez avoir la conscience d’avoir fait tout ce qu’il était possible dans ce secteur, ce jour-là, à cette heure. Ce qui vous attend n’est pas facile et, parfois, pourrait vous sembler presque impossible. Vous voulez consolider et développer les autonomies locales, entre autres, au moyen de l’accélération des procédures, de la meilleure répartition des compétences et de l’application des normes sur la décentralisation. Vous voulez donner aux autonomies locales le soutien de saines finances par l’allégement de certaines charges ou le transfert de celles qui reviennent à l’État. Vous voulez hâter la solution du problème de l’habitation et vous employer efficacement, afin de permettre à toutes les populations de jouir des bienfaits de l’instruction publique; vous voulez obtenir pour tous les citoyens, spécialement lorsqu’ils demeurent dans des zones nécessiteuses, l’usage des services publics dans une juste proportion; vous voulez renforcer les installations et les activités culturelles, récréatives, sportives et touristiques dans toutes les communes."

Les directives du Saint-Père, M. l’Orateur, sont claires et nettes. Elles encouragent ceux qui détiennent l’autorité civile à développer les autonomies locales, à favoriser l’instruction publique, à donner aux autonomies locales l’appui de saines finances, à encourager les activités culturelles, récréatives, sportives et touristiques dans toutes les communes. Et le Saint-Père affirme: "Personne ne peut raisonnablement exiger que vous fassiez tout sur-le-champ."

Voilà, M. l’Orateur, la sage doctrine dont s’inspire notre gouvernement. Contre elle ne prévaudront jamais les élucubrations et les clameurs de ceux qui cherchent à favoriser la démagogie et l’appel aux appétits.

V
Les assurances

Je crois opportun de rappeler à votre attention les remarques faites dernièrement par le premier ministre sur l’empiétement du pouvoir fédéral en matière d’assurance. Le Conseil privé, en maintes occasions, a soutenu que l’assurance est une matière de juridiction purement provinciale relevant de la propriété et des droits civils. En 1932, il a confirmé ses décisions antérieures dans un langage des plus énergiques:

"La décision dans la cause procureur général du Canada vs le procureur général de l’Alberta a clairement et définitivement établi que les règlements concernant la gestion des affaires d’assurance relèvent des provinces et non du gouvernement fédéral.

"Il a déjà été décidé... que dans la mesure où il autorise la transaction d’affaires d’assurance dans une province, un permis fédéral est un simple morceau de papier qui ne confère aucun droit que ne possède déjà la partie opérant sous l’empire de la législation provinciale, si elle s’est conformée aux exigences provinciales."

En 1944, le Conseil privé a refusé au gouvernement fédéral le droit d’en appeler de la décision de la Cour suprême du Canada qui avait maintenu les droits de la province de Québec en cette matière.

La commission Rowell-Sirois avait du reste accepté ce point de vue:

"À notre avis, affirmait-elle, la Législature provinciale devrait conserver le pouvoir de réglementer les éventualités et conditions des contrats d’assurance. Notre conclusion s’appuie sur la considération suivante: dans Québec, les droits qui forment l’objet des contrats d’assurance sont définis par le Conseil, et nous estimons irrationnel de diviser les pouvoirs législatifs à l’égard des droits civils et les contrats d’assurance."

Comme le disait l’an dernier la Commission de révision des lois d’assurance du Québec, dans un mémoire substantiel soumis à la commission Tremblay:

"Il est indiscutable que certaines pratiques désastreuses d’agents ne peuvent être contrôlées efficacement que par un département provincial. Dans l’ordre naturel des choses, l’assurance est basée sur la mutualité et la coopération réciproque. Si les habitants d’une province, d’un comté, d’une paroisse désirent s’y intéresser, ils n’ont aucun intérêt à s’adresser au gouvernement fédéral, qui ne peut leur conférer le droit de posséder des immeubles dans les provinces et qui pourrait exiger d’eux une solvabilité, par conséquent des capitaux beaucoup plus considérables qu’il n’est peut-être nécessaire pour mettre sur pied une organisation qui se développe graduellement avant d’étendre son champ d’action."

Le mémoire de la Commission de révision des lois d’assurance ajoutait:

"Il est certain que le contrat d’assurance doit s’intégrer dans l’ensemble du droit civil, et c’est donc la juridiction provinciale qui s’impose à ce sujet... Aucune intervention d’un gouvernement central en pareille matière ne saurait donner le rendement rapide et adéquat auquel le justiciable a le droit de s’attendre, et que seule une autorité plus rapprochée de lui peut réussir à assurer, sans compter que le coût des services deviendrait exagéré pour le contribuable, le seul en définitive qui se trouve à supporter le coût de l’assurance."

Il ne m’est pas possible, M. l’Orateur, de discuter cette question aussi longuement que la chose serait désirable. Je me contenterai pour le moment de souligner certains abus dont souffrent les compagnies d'assurances à charte provinciale, à cause du contrôle inconstitutionnel exercé par le Département fédéral des assurances. En matière de réassurance, les autorités fédérales n’acceptent que la réassurance cédée à des compagnies enregistrées soit en vertu de la loi des compagnies d'assurances canadiennes et britanniques ou en vertu de la loi des assurances des compagnies étrangères. En pratique, cette attitude force les compagnies avec enregistrement fédéral à ne traiter qu’avec des compagnies qui ont le même enregistrement. Quant aux compagnies qui ont une charte provinciale et qui sont uniquement enregistrées auprès des provinces, elles peuvent céder la réassurance aux compagnies avec enregistrement fédéral, mais elles ne peuvent en recevoir. Il en résulte qu’au point de vue réassurance, les compagnies à charte provinciale et avec uniquement enregistrement provincial se trouvent dans un état net d’infériorité par rapport aux compagnies qui ont un enregistrement fédéral.

Avec acharnement, le Surintendant fédéral des assurances ne cesse d’inciter les compagnies du Québec à s’adresser à Ottawa pour obtenir une charte fédérale. Il faut admettre que cet état de choses, fort préjudiciable pour les compagnies à charte provinciale, résulte non seulement des empiétements du fédéral dans un domaine qui ne lui appartient pas, mais surtout de l’inertie de la plupart des provinces qui, par simple mesure d’économie, refusent d’assumer l’organisation d’un département provincial des assurances et préfèrent laisser le fédéral s’ingérer dans un domaine où il ne possède aucune juridiction. Qu’il me suffise de dire pour l’instant que le ministère des Finances, dont relève cette question des assurances, et les commissaires chargés de la révision des lois d’assurance étudient avec soin les moyens appropriés pour remédier à cette intolérable situation.

J’ai déjà attiré l’attention de l’Assemblée législative sur les progrès remarquables réalisés en ces dernières années, malgré ces difficultés, par les compagnies d'assurances à charte provinciale, dont l’essor a été puissamment favorisé par la collaboration que leur a prêtée le gouvernement de l’Union nationale, le Surintendant des assurances et les membres de son personnel.

Depuis vingt ans, les compagnies provinciales d’assurance ont réalisé des progrès immenses. Voici des chiffres qui appuient cette prétention. (Voir les tableaux ci-dessous)

I - Compagnies d’assurance-vie à charte provinciale

Progrès réalisés par les compagnies d’assurance-vie à charte provinciale depuis vingt ans
Année Actif admis Primes perçues nettes de réassurance Assurance en vigueur nette de réassurance
1935 $2,507,555 $384,336 $12,317,598
1940 3,580,334 926,497 34,071,181
1945 13,391,545 4,180,726 163,245,966
1950 39,529,102 9,873,631 416,572,007
1955 86,548,307 22,058,212 1,016,452,747

II - Compagnies d’assurances générales à charte provinciale

Progrès réalisés par les compagnies d’assurances générales à charte provinciale depuis vingt ans
Année Actif admis Primes perçues nettes de réassurance
1935 $3,711,879 $1,441,218
1940 5,092,521 1,371,380
1945 7,957,391 2,606,941
1950 14,886,749 6,885,095
1955 27,066,513 13,567,131

Nous constatons ainsi que, dans cette période de 20 ans, les assurances-vie en vigueur (nettes de réassurance) souscrites par les compagnies provinciales ont presque centuplé et que, dans les 10 dernières années, elles se sont multipliées par six.

Cet essor remarquable est-il seulement le résultat de la prospérité dont jouit notre province ou peut-il être attribué à d’autres causes? Les tableaux qui suivent prouvent que les compagnies à charte provinciale ont développé leurs affaires dans le Québec à un rythme qui dépasse celui de l’ensemble des compagnies enregistrées, puisque pour les assurances-vie, la proportion des primes encaissées par les compagnies provinciales a passé de 0.73 % en 1935 à 11.74 % en 1955, et que, pendant le même laps de temps, la proportion des assurances-vie en vigueur (nettes de réassurance) souscrites par les compagnies provinciales a augmenté de 0.73 % à 13.47 %. (Voir le tableau ci-dessous)

III - Statistiques comparatives des compagnies d’assurance-vie dans la province de Québec

III - Statistiques comparatives des compagnies d’assurance-vie dans la province de Québec
Année Primes perçues nettes de réassurance Proportion
%
Compagnies à charte provinciale Toutes les compagnies enregistrées
1935 $384,336 $52,396,801 0.73
1940 926,497 58,537,684 1.58
1945 4,180,726 85,559,540 4.89
1950 9,873,631 126,941,922 7.78
1955 22,058,212 187,850,547 11.74

Assurance en vigueur nette de réassurance

Assurance en vigueur nette de réassurance
Année Compagnies à charte provinciale Toutes les compagnies enregistrées Proportion
%
1935 $12,317,598 $1,690,345,603 0.73
1940 34,071,181 1,933,047,447 1.76
1945 163,245,966 2,860,358,811 5.71
1950 416,572,007 4,581,085,176 9.09
1955 1,016,452,747 7,502,979,885 13.47

Nous sommes heureux de la prospérité des affaires en notre province des compagnies à charte fédérale et des compagnies étrangères, mais ne devons-nous pas nous réjouir encore davantage des immenses progrès réalisés par nos propres compagnies?

Du reste, nous croyons, M. l’Orateur, que l’assurance qui encourage l’épargne, en protégeant la santé et les biens des citoyens, apporte à la lutte contre l’inflation le remède le plus efficace.

VI
Les restrictionssur le crédit

La Banque du Canada joue un rôle de premier plan dans l’économie canadienne. C’est là d’ailleurs que la centralisation financière recrute ses inspirateurs et ses auxiliaires. La loi donne en effet à la Banque du Canada des pouvoirs très étendus sur l’économie du pays.

Le préambule indique:

"Qu’il est opportun d’établir une banque centrale au Canada pour réglementer le crédit et la monnaie dans le meilleur intérêt de la vie économique de la nation, pour contrôler et protéger la valeur extérieure de l’unité monétaire nationale et pour mitiger, par son influence, les fluctuations du niveau général de la production, du commerce, des prix et de l’emploi de la main-d’œuvre, autant que possible dans le cadre de l’action monétaire, et généralement pour favoriser la prospérité économique et financière du dominion."

L’article 7 donne de son côté des pouvoirs discrétionnaires considérables au gouverneur de la Banque, puisqu’il a autorité sur toutes les matières financières qui ne sont pas spécifiquement attribuées par les lois à d’autres institutions ou à d’autres personnes. Voici le texte de cet article:

"7.  (1) Le gouverneur de la Banque est le principal fonctionnaire administratif, et, pour le compte du Conseil, il a la direction et le contrôle des affaires de la Banque, avec le pouvoir d’agir relativement à la conduite des opérations de la Banque dans toutes les affaires qui ne sont pas, par application de la présente loi ou des statuts de la Banque, spécifiquement réservées, pour leur accomplissement, au Conseil ou au comité de direction."

C’est là l’une des principales dispositions de la loi sur la Banque du Canada. Au point de vue pratique, voici de quelle façon, d’après le Business Review de la Banque de Montréal (janvier 1957), s’exerce ce contrôle:

"Dès le milieu de 1955, lorsque les dangers de la situation commencèrent à devenir visibles, la Banque du Canada a pris les mesures nécessaires pour rendre le crédit plus difficile et plus coûteux...

"La méthode principale par laquelle la Banque du Canada règle le crédit et la monnaie procède de la disposition légale aux termes de laquelle les banques à charte doivent maintenir une réserve en espèces s’élevant au moins à 8 % du passif représenté par leurs dépôts en dollars canadiens; cette réserve consiste en billets de la Banque du Canada et en dépôt auprès de cette institution.

"Par ses achats et ventes de valeurs, la Banque du Canada peut contrôler et contrôle effectivement le niveau des réserves en espèces des banques à charte, et par ce moyen, elle exerce un contrôle indirect, quoiqu’effectif sur l’ensemble de l’actif et du passif des banques du pays...

"De plus, les banques ont aussi augmenté leurs placements en actif de réserve liquide (lequel actif, en plus de monnaie et de dépôts auprès de la banque centrale, consiste en bons du Trésor du gouvernement du Canada et en prêts journaliers aux courtiers) d’environ $400,000,000, en se conformant à la demande que leur fit la Banque du Canada. En vertu de cette demande, les banques devaient, après le mois de mai 1956, maintenir cet actif à au moins 15 % du passif constitué par leurs dépôts au Canada.

"La combinaison de ces deux éléments, à savoir le rehaussement de l’actif, d’une part, et l’augmentation des prêts en regard d’une minime augmentation du volume total des dépôts, d’autre part, a contraint les banques à vendre partie de leur portefeuille d’obligations du Canada; le niveau hebdomadaire moyen a diminué de $1,523,000,000 entre juin 1955 et décembre 1956."

Jusqu’au début de l’année 1949, la Banque du Canada se contentait de diriger de loin les disponibilités du crédit. Entre le 31 décembre 1948 et le premier jour d’affaires de 1949, la Banque du Canada a retiré, pour la première fois, son appui aux obligations fédérales à long terme et le marché a enregistré une baisse de trois points. Pendant les mois qui suivirent, la politique de la Banque du Canada est assez difficile à définir. Auparavant, le marché des obligations fédérales, tel qu’on l’entend généralement, n’existait pas, car la Banque en fixait le prix.

Ses décisions influençaient nécessairement le coût des autres obligations, tant provinciales que municipales. En fait, les offres d’achat d’obligations canadiennes dépassaient presque toujours le montant des obligations disponibles sur le marché, de sorte que tout détenteur d’obligations du gouvernement canadien possédait un marché immédiat pour la vente de ses valeurs, laquelle était effectuée à un prix qu’il connaissait à l’avance.

De temps à autre, le prix des obligations fédérales pouvait être modifié, et cette décision avait pour conséquence d’entraîner la modification du prix de toutes les obligations canadiennes. En septembre 1950, la Banque du Canada réduisait les prix auxquels elle était disposée à acheter les obligations canadiennes, ce qui provoqua une nouvelle baisse de deux points et demi. En 1952, elle laissa au marché une plus grande latitude pour permettre aux obligations canadiennes de retrouver leur propre niveau.

Cette décision provoqua immédiatement une baisse considérable des valeurs. Les détenteurs d’obligations de toute catégorie, fédérales, provinciales et municipales, ont dès lors subi des pertes substantielles d’argent. Au milieu de l’année 1954, la Banque du Canada développa la politique de ne traiter avec les banques que par l’entremise des douze principales maisons financières du pays. Au milieu de l’année 1955, il devint de plus en plus difficile de vendre des obligations canadiennes à la Banque du Canada qui établissait un prix par exemple pour un quart de million, et un prix inférieur pour les quantités supplémentaires.

C’est à la suite de ces restrictions que le marché enregistra les chutes les plus sensibles. (Voir le graphique sur la variation du prix des obligations du gouvernement à la fin du discours sur le budget)

Voici d’ailleurs, à titre d’exemple, le prix des obligations du neuvième emprunt de la Victoire, en janvier de chaque année depuis 1946.

Il s’agit d’une émission d’obligations au montant de $1,691,796,700, émise en 1945, et dont l’échéance est fixée au 1er septembre 1966. Cet emprunt porte un intérêt de 3 %. (Voir le tableau ci-dessous)

Neuvième emprunt de la Victoire

Neuvième emprunt de la Victoire
Date Offre Demande Rendement approximatif
15 janvier 1946 102.375 102.75 2.78
15 janvier 1947 104.625 105 2.60
15 janvier 1948 102 102.50 2.78
15 janvier 1949 100.625 101 2.91
15 janvier 1950 102.25 102.75 2.72
15 janvier 1951 99.75 100.125 2.99
15 janvier 1952 94.125 94.50 3.49
15 janvier 1953 93.50 93.875 3.57
15 janvier 1954 94.375 94.875 3.50
15 janvier 1955 100 100.50 2.96
15 janvier 1956 97.50 98 3.22
15 janvier 1957 89.75 90.25 4.25

Cette dépréciation de la valeur des obligations sur le marché eut pour conséquence d’augmenter le taux effectif d’intérêt sur les emprunts et rendit en même temps plus difficiles les transactions sur le marché des obligations. Les gouvernements provinciaux, les corporations municipales et les commissions scolaires eurent beaucoup plus de peine à se procurer les fonds requis pour le paiement des travaux d’importance primordiale nécessités par le développement économique et démographique de notre pays.

Il y a quelques mois, comme je l’ai souligné tout à l’heure, la Banque du Canada décida soudainement d’imposer aux banques et aux compagnies de finances de sévères restrictions sur le crédit, et elle exigea que les banques à charte portent de 8 % à 15 % la réserve qu’elles devaient maintenir sur leurs dépôts. En doublant leur réserve, les banques durent prendre des mesures pour diminuer les sommes disponibles au crédit exigé par le commerce et l’industrie. Il devint nécessairement plus difficile aux banques de s’intéresser aussi activement aux nouvelles obligations offertes sur le marché, et cette politique a fermé aux emprunteurs une partie de leur marché le plus important.

Par une coïncidence intéressante, durant cette période, le montant des emprunts sur obligations effectués aux États-Unis par des institutions canadiennes a plus que doublé. D’après un article publié dans le New York Times du 4 janvier 1957, par M. Paul Heffernan, les institutions canadiennes ont emprunté sur obligations aux États-Unis, durant l’année 1956, une somme de $500,000,000, comparativement à $162,000,000 en 1955, et à $184,000,000 en 1954. Ainsi, pendant que la commission Gordon et certains hommes politiques fédéraux parlent de la nécessité d’assurer un meilleur contrôle aux Canadiens dans l’industrie de notre pays, la politique de contrôle du crédit du gouvernement fédéral engage nos institutions à emprunter davantage aux États-Unis, parce que malgré les restrictions imposées par la Federal Reserve Bank, les conditions y sont néanmoins plus favorables. Et, pendant que les emprunts canadiens aux États-Unis augmentent, la Banque du Canada continue de déprécier le prix de ses propres valeurs, c’est-à-dire de hausser le taux de l’intérêt pour toutes les catégories d’emprunts, que ce soient les bons du Trésor fédéraux ou les obligations canadiennes à long terme. La moyenne annuelle de rendement des bons du Trésor fédéraux, qui était de 0.406 en 1947, s’élevait à 3.71 au 10 janvier 1957, soit une augmentation de 3.304.

Cette politique de la Banque du Canada a bouleversé le marché, et les acheteurs sont maintenant surpris par ce phénomène extraordinaire que, pour les mêmes emprunteurs, le taux de rendement à court terme égale et même dépasse en certains cas le taux de rendement à long terme. Ces restrictions radicales signifient une paralysie du crédit pour les commissions scolaires qui ont besoin d’emprunter, pour construire de nouvelles écoles urgentes et indispensables, pour les corporations municipales, qui doivent emprunter pour exécuter des travaux publics nécessités par le développement tant industriel que commercial et domiciliaire, et aussi pour les gouvernements provinciaux qui doivent nécessairement recourir à l’emprunt pour défrayer une partie de leurs dépenses imputables au capital. Les institutions d’assistance publique, obligées elles aussi d’agrandir leurs édifices, doivent de toute nécessité faire appel à l’emprunt pour se procurer les fonds requis.

Les restrictions sur le crédit imposent de plus un fardeau qui dépasse toutes les prévisions aux institutions gouvernementales, municipales et scolaires qui doivent de toute nécessité effectuer des emprunts de remboursement. Même si les taux d’intérêt baissent dans un avenir plus ou moins éloigné, il n’en demeure pas moins vrai que les institutions qui doivent effectuer des emprunts de remboursement auront à faire face, pour de longues années, aux lourdes obligations de l’heure actuelle. C’est ainsi, par exemple, que les courtiers demandent aux emprunteurs de prendre l’engagement de ne pas racheter leurs obligations avant 10 ans, à moins de payer une très forte prime. C’est ainsi que nombre d’institutions devront porter, dans l’avenir, un fardeau beaucoup plus considérable que dans le passé. Ces charges nouvelles ont échappé à toutes les prévisions.

Sur le plan national, cette politique donne lieu, il me semble, à des injustices regrettables. Il n’y a pas d’inflation dans les régions pauvres et dans les pays pauvres. La commission Gordon n’a pas hésité à déplorer la situation économique actuelle des Provinces maritimes et elle a conseillé aux habitants de ces provinces d’émigrer vers les provinces centrales. Il y aurait donc tout lieu de penser qu’il n’y a pas d’inflation dans les Provinces maritimes, parce qu’il n’y a pas surabondance de biens. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, l’honorable H. J. Flemming, dans un article publié dans la Gazette du 12 janvier dernier, déclarait:

"L’une des conséquences tragiques de la lutte contre l’inflation au Canada est de faire porter par les Provinces maritimes, où il n’y a que peu ou pas d’inflation, les mêmes sacrifices que les autres provinces du pays."

Évidemment, comment voulez-vous que les Provinces maritimes puissent assurer leur développement économique, si elles sont complètement paralysées par les restrictions sur le crédit?

En résumé, la situation de l’heure présente est faite d’incertitude et de crainte. Si l’emprunt devient impossible, un très grand nombre de travaux devront cesser ou être différés. Les gouvernements provinciaux, dont le pouvoir de taxation est plus étendu que celui des corporations municipales et des commissions scolaires, souffriront peut-être un peu moins, mais pour ces derniers, l’emprunt est une nécessité indispensable. Le pouvoir de taxation ne doit-il pas se compléter par le pouvoir d’emprunt? L’un et l’autre ont la même importance et ils sont tous les deux intimement liés. Les corporations municipales et les commissions scolaires, dont le pouvoir de taxation est extrêmement limité, se trouvent ainsi particulièrement frappées par cette politique radicale de restriction sur le crédit. Si les municipalités et les commissions scolaires ne peuvent emprunter à cause des conditions défavorables du marché, c’est la stagnation qui s’en suit, c’est l’arrêt des travaux publics nécessaires, c’est le marasme. Il est impossible de croire que des travaux publics de nature permanente puissent être payés à même le revenu annuel de l’impôt, car le bon sens les engage à répartir autant que possible le coût de ces travaux sur leur durée, afin de ne pas imposer aux contribuables un fardeau qui pourrait être distribué sur une période de 10 ou 20 ans. Dans ces conjonctures, ne croyez-vous pas, M. l’Orateur, que les provinces devraient être consultées sur le problème du crédit, quand cette politique de restriction les affecte ainsi dans leur vitalité et qu’au surplus, si la situation ne s’améliore pas, les conséquences pour elles et pour le pays seront des plus désastreuses?

D’après le texte de la loi citée plus haut, le gouverneur de la Banque du Canada est directement responsable des restrictions sur le crédit. Or, les gouvernements provinciaux, après avoir vu le gouvernement fédéral envahir presque complètement le champ de la taxation directe, voient maintenant la Banque du Canada intervenir pour limiter leur pouvoir d’emprunt et celui des organismes qui sont directement sous sa dépendance législative. Le pouvoir d’emprunt, je le répète, est aussi essentiel que le pouvoir de taxation, et la politique financière d’un gouvernement doit être basée sur l’équilibre entre son pouvoir de taxation et son pouvoir d’emprunt. Il faut de toute nécessité qu’il puisse exercer ces deux pouvoirs en toute liberté.

Pendant que le gouverneur de la Banque du Canada suscite des difficultés incalculables aux commissions scolaires, en limitant leur pouvoir d’emprunt, pendant qu’il paralyse l’expansion normale et urgente de l’instruction primaire à travers toute la province et tout le pays, le gouvernement fédéral offre maintenant quelques millions aux universités canadiennes. Ai-je besoin d’ajouter que cette décision de la Banque du Canada sur le crédit paralyse la politique généreuse du département de l’Instruction publique, relativement à la construction des écoles, et du ministère de la Santé, concernant la construction des hôpitaux. Dans le même temps, le gouvernement fédéral s’apitoie sur la situation de l’éducation et de l’hygiène publique au Canada. De toute façon, si les corporations municipales et les commissions scolaires ne peuvent emprunter, vous concevez les difficultés qu’éprouvent les provinces pour continuer leur généreuse assistance. Ainsi, un fonctionnaire du gouvernement fédéral, le gouverneur de la Banque du Canada, réussit à s’immiscer dans un domaine exclusivement provincial, puisque, de sa propre autorité, il contribue, par les mesures draconiennes qu’il a décrétées, à paralyser le pouvoir d’emprunt de nombreux corps publics, c’est-à-dire à empêcher la construction de nouvelles écoles, de nouveaux hôpitaux et la poursuite de certains travaux publics nécessaires, par les municipalités, comme la construction d’aqueducs et l’organisation de systèmes de protection contre l’incendie.

L’objectif de la Banque du Canada est évidemment de combattre l’inflation. Cet objectif est louable pour maintenir l’équilibre économique de notre pays, car l’expansion trop rapide du commerce et de l’industrie peut avoir pour conséquence une hausse des prix et le bouleversement de nos marchés. Toutefois, je crois être justifié d’affirmer que les moyens mis en œuvre pour combattre l’inflation sont insuffisants et que les contribuables semblent unanimes à admettre qu’ils sont inefficaces pour améliorer la situation.

Voyez, M. l’Orateur, s’accroître d’une façon inquiétante le nombre des faillites, alors que les petites industries sont en danger de péricliter. L’industrie de la construction qui est la base de toute prospérité et l’un des fondements les plus importants de notre économie en est singulièrement affectée. Ne croyez-vous pas, M. l’Orateur, que la Banque du Canada aurait dû adopter une ligne de conduite spéciale pour les gouvernements provinciaux, les municipalités, les commissions scolaires et les institutions d’assistance publique? Il est donc urgent que la politique anti-inflationnaire actuelle soit modifiée. Il serait de plus très recommandable que la Banque du Canada ou son gouvernement discute avec les provinces de ces mesures de restriction sur le crédit et que la nouvelle politique s’inspire d’une entente harmonieuse entre la Banque du Canada, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.

VII
Considérations surl’année financière 1957-1958

Dans son message de fin d’année, à l’adresse du peuple canadien, le très honorable C. D. Howe, ministre de l’Industrie et du Commerce dans le gouvernement fédéral, estime que l’état de prospérité se continuera en 1957. Il appuie ses prévisions optimistes sur le chiffre de la production nationale en 1956, production nationale qui atteindra une somme globale approximative de plus de $29,000,000,000. Un communiqué de la capitale fédérale remis aux journaux, en date du 24 janvier, annonçait que les économistes étaient d’avis que la production nationale serait de $32,000,000,0000 en 1957. Quoi qu’il en soit, elle marquera certainement une augmentation très importante sur le résultat de l’année 1955. Je ne crois pas cependant que l’augmentation de plus de $5,000,000,000, par rapport à 1955, soit uniquement le résultat de la prospérité économique générale. Elle est, à mon avis, la conséquence de deux facteurs bien différents: la prospérité et l’inflation. Il serait certainement difficile de bien délimiter le rôle exact de ces deux facteurs sur l’augmentation de la production nationale brute.

Toutefois, certains experts semblent d’opinion qu’il faille accorder à l’une et à l’autre une importance à peu près identique sur l’augmentation de la production nationale. Sans doute, une hausse considérable existe dans les salaires et les profits des corporations. L’augmentation est cependant beaucoup moins marquée dans la production des marchandises. Pour se procurer ces marchandises, le consommateur doit verser un prix d’achat qui a une tendance continuelle vers la hausse.

L’activité économique de la nation manifeste à l’heure actuelle des signes d’inquiétude aussi bien qu’un défaut d’équilibre entre la production et la consommation. Il existe certes un déséquilibre dans plusieurs secteurs de notre vie économique, ainsi par exemple, entre nos ventes et nos achats sur le marché américain. Il existe aussi un malaise très prononcé dans l’industrie de la construction, alors qu’en 1955, cette dernière avait joué un rôle de premier plan dans la prospérité de notre pays. C’est l’expansion de cette industrie qui, à mon avis, a influencé le plus fortement la prospérité de ces dernières années. Aussi, faut-il admettre, M. l’Orateur, que dans notre province le gouvernement a contribué largement à la prospérité générale, en encourageant la construction.

Le 21 janvier dernier, M. Allan Turner Bone, président de l’Association des constructeurs du Canada, déclarait, lors du congrès de cette association à Montréal:

"Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les restrictions qui semblent avoir pour cible principale l’industrie de la construction. Pourtant, à mon sens, la plus grande partie du programme de construction est tellement nécessaire à la croissance de notre pays et au bien-être de sa population qu’elle devrait être la dernière à y être soumise. Dépenser un dollar en construction équivaudra toujours à ajouter un dollar à l’avoir national. Il y a peu d’entreprises dont on puisse dire la même chose."

La préparation d’un budget est un peu plus difficile lorsque l’atmosphère est aussi chargée de points d’interrogation. Cependant, le gouvernement désire continuer la même politique sage, prudente et réfléchie, c’est-à-dire donner une place de première importance aux problèmes qui touchent plus particulièrement le capital humain, le développement de la culture et de l’éducation et la sauvegarde de la santé publique.

Les prévisions budgétaires pour l’année 1957-1958 ont été préparées à la lumière de la situation économique actuelle et la détermination de sauvegarder nos valeurs spirituelles. Nos obligations seront plus lourdes, cette année, car les prévisions budgétaires indiquent dans presque tous les départements une augmentation des crédits. Nous estimons que les dépenses ordinaires s’élèveront à la somme de $386,097,860 (Cf. Tableau No 3). Le budget prévoit également des dépenses imputables au capital pour un montant de $85,370,000, ce qui laissera un surplus global d’environ $2,000,000. Nos revenus s’élèveront à environ $473,321,750 (Cf. Tableau No 4) en tenant compte de l’augmentation de 7 % à 9 % de l’impôt sur les profits des corporations. Ainsi, nous pourrons obtenir un surplus au compte ordinaire de $87,223,890, et c’est à même ce surplus au compte ordinaire que nous paierons nos dépenses imputables au capital.

L’augmentation la plus importante, si nous comparons le budget de l’année prochaine à celui de l’année précédente, se trouve au chapitre de l’éducation et de la santé. Le budget du département de l’Instruction publique dépassera, en 1957-1958, de $22,000,000 celui de l’année en cours; celui du ministère de la Santé dépassera de $18,000,000 celui de l’année courante. Ces seules augmentations sont trois fois plus considérables que le budget de ces mêmes départements pour l’année 1943-1944, alors que le département de l’Instruction publique avait à sa disposition un budget de $8,976,970 et que le ministère de la Santé ne pouvait compter que sur une somme de $6,102,700.

a) Le problème de l’éducation

L’histoire de l’éducation au Canada est une véritable épopée. C’est une marche laborieuse vers le progrès au prix de dévouement, de sacrifices et de douloureuses épreuves. Cependant, les jours les plus sombres ont toujours été suivis de jours ensoleillés. Les attaques même les plus sournoises ont suscité des défenseurs et contribué à édifier nos forteresses. Au moment où le gouvernement fédéral tente de s’introduire dans un domaine que nos ancêtres ont défendu au prix des plus lourds sacrifices, il serait temps de relire les plus belles pages de L’Histoire de l’enseignement du français au Canada par M. le chanoine Lionel Groulx. Les misères du passé furent certes plus lourdes que les difficultés de l’heure présente. Nos pères ont arraché aux conquérants, au lendemain de la défaite, leurs droits et privilèges en matière d’éducation. Ils ont remporté la victoire, alors qu’ils n’étaient que 60,000, pauvres et sans ressources. Pourquoi y aurait-il lieu de désespérer quand nous sommes plus de 4,000,000 et que la Providence a mis à notre disposition des richesses naturelles immenses? Pourquoi ne réussirions-nous pas à remporter une victoire définitive, alors que nous jouissons de tous les droits civils du citoyen libre et que nous sommes protégés par une Constitution fédérale à base démocratique? Aujourd’hui comme hier, il ne faut pas nous surprendre si certains des nôtres se laissent tenter par les honneurs, s’ils inventent des subtilités et des arguments fallacieux pour nous engager à céder même partiellement nos droits.

Quand nos pères étaient sur la brèche, les favoris d’hier sont prudemment restés à l’écart; les favoris d’aujourd’hui, propagandistes de la centralisation, suivent les traces de leurs devanciers. Vous entendez encore sur leurs lèvres des paroles de paix, de conciliation et de bonne entente.

Il était dès lors nécessaire, M. l’Orateur, afin de faire voir à toute la population de la province l’importance que l’administration actuelle attache au problème de l’éducation, de souligner d’une manière particulière toutes les sommes que nous nous proposons de consacrer au développement de l’enseignement, au cours de la prochaine année financière. Une annexe spéciale a donc été ajoutée à la brochure contenant les prévisions budgétaires, et cette annexe nous donne le sommaire de la somme de $106,812,400 consacrée à l’éducation par tous les ministères, soit un montant qui dépasse tout le budget de la province, il y a 10 ans. Aucun gouvernement au pays n’attache une part aussi importance à l’éducation. Voudrions-nous faire davantage, nos revenus, pour le moment, ne le permettraient pas. Les esprits de bonne foi oseront-ils maintenant parler du marasme de l’éducation? Peuvent-ils dire que le gouvernement de la province de Québec n’a pas fait tout son devoir? Peuvent-ils dire que notre peuple ne s’impose pas tous les sacrifices pour accorder à l’éducation la place de premier plan qui est la sienne? N’oublions pas, M. l’Orateur, qu’il est juste d’ajouter à la somme de $106,812,400, votée par le gouvernement, le montant des contributions payées directement aux commissions scolaires par les contribuables, soit en taxes foncières, soit en taxe d’éducation.

Le gouvernement d’aujourd’hui, les contribuables d’aujourd’hui, sont les dignes descendants de ceux qui se sont battus de 1760 à 1846 pour conquérir la liberté de l’enseignement. Le seul budget de l’instruction publique de l’année prochaine marque, je le répète, une augmentation de plus de $22,000,000 sur celui de l’année en cours. L’un des facteurs qui accroît le budget est l’application de la loi qui permet au gouvernement de payer la moitié de l’amortissement et la moitié des intérêts sur les emprunts de construction à long terme effectués par nos commissions scolaires. En plus du rachat de plus de $100,000,000 des dettes des commissions scolaires en 1946, en plus des subventions généreuses pour la construction des écoles et le paiement d’une partie des salaires des instituteurs et des institutrices, le gouvernement décharge une fois de plus les commissions scolaires d’un fardeau, afin de leur permettre de mieux se dévouer à leur tâche.

Nous croyons que cette loi arrive à son heure, car elle permettra aux commissions scolaires de régler au moins partiellement les problèmes auxquels elles doivent faire face à l’heure actuelle, par suite des mesures de restriction sur le crédit imposées par la Banque du Canada. Qui donc, je le répète, M. l’Orateur, oserait soutenir maintenant que le gouvernement de Québec ne remplit pas sa mission? Nous envisagerons le problème de l’éducation sans aucune préoccupation électorale, car l’augmentation prévue de $22,000,000 est soumise à la Législature, non à la veille de la période électorale, mais immédiatement après une élection. À mon sens, le gouvernement exerce son rôle véritable d’une façon généreuse dans le meilleur intérêt de tous les contribuables. Considérez de plus, si vous le désirez, les sommes mises à la disposition de l’enseignement secondaire et de l’enseignement universitaire. L’enseignement secondaire recevra des subventions de près de $7,000,000, alors que les universités de la province bénéficieront d’une subvention totale de $13,153,700. Une partie importante de cette subvention servira au parachèvement de la Faculté de médecine à Québec et de l’École polytechnique à Montréal.

N’oubliez pas, M. l’Orateur, que le 31 mars prochain, le gouvernement aura déjà payé à l’Université Laval, outre les subventions ordinaires, la somme de $2,600,000 pour la construction de l’édifice de la Faculté de médecine et que l’Université de Montréal aura reçu, pour la reconstruction de l’École polytechnique, la somme de $5,400,000.

Nous savons que les besoins de nos universités sont grands et dans ce domaine, comme dans les autres, tous les projets, même les plus sages, ne peuvent être réalisés durant la même année. Le budget consacré à l’éducation par le gouvernement de l’Union nationale constitue la plus éclatante manifestation de sa compréhension de ce problème vital. Vous y voyez, M. l’Orateur, une réponse précise et sans équivoque, une attitude que tous les esprits de bonne volonté sauront, j’en suis convaincu, apprécier à sa juste valeur.

b) La protection de la santé

Le budget du ministère de la Santé atteindra l’an prochain la somme de $83,427,000, soit $18,000,000 de plus que celui de l’année en cours. Le gouvernement a la responsabilité d’apporter au problème de la santé la meilleure solution possible, afin d’assurer la protection de notre capital humain. Il serait beaucoup trop long d’énumérer tout ce que le gouvernement de l’Union nationale a réalisé dans ce domaine depuis 10 ans. Des milliers et des milliers de malades peuvent recevoir chaque année les soins requis par leur état de santé, grâce à notre politique de décentralisation des facilités d’hospitalisation. Le gouvernement a l’intention de continuer dans la même ligne de conduite, et nous voudrions en particulier obtenir, dans le domaine des maladies mentales, le même succès que dans le domaine de la tuberculose.

Grâce au travail du ministère de la Santé, grâce à la construction des sanatoriums, grâce à la collaboration d’experts médicaux, nous avons réussi à baisser sensiblement le taux de la mortalité par la tuberculose. Nous avons ainsi sauvegardé l’intégrité de centaines et de centaines de familles. Nous avons conservé à notre province et à notre pays des milliers de citoyens dont tous deux ont besoin pour continuer leur marche progressive vers l’avenir.

Nous voudrions le même résultat dans le domaine des maladies mentales. La vie contemporaine est si rapide et si complexe qu’elle provoque chez un très grand nombre le déséquilibre nerveux. Nous ne pouvons nous désintéresser du sort de ces malades, et nous voulons mettre à leur disposition tout ce que la science médicale peut utiliser pour leur rendre la santé. Une somme de $19,000,000 sera, l’année prochaine, consacrée à cette fin, pour la construction de grands hôpitaux.

Dans le domaine de la santé, comme dans celui de l’éducation, nous voulons que le Québec demeure au premier rang des provinces canadiennes. Ces aspects de notre politique, nous les croyons certes plus importants que le développement industriel de notre province. La santé physique et la vigueur intellectuelle peuvent permettre au peuple de donner, selon la parole de l’Évangile, la pleine mesure de ses talents, afin de mieux rester fidèle à ses aspirations religieuses, culturelles et sociales, devenir un peuple fort, un peuple fier de ses richesses et de son passé, un peuple courageux et soucieux de mieux assurer l’avenir de ses descendants.

c) La sécurité sociale

Chaque année, le gouvernement apporte de notables améliorations à ses lois de sécurité sociale. L’an dernier, les amendements à la loi des accidents du travail ont permis d’augmenter les indemnités payées aux accidentés du travail. En 1957-1958, les allocations payées aux mères nécessiteuses seront pratiquement doublées par une loi adoptée durant la présente session.

Cette mesure entraînera une dépense additionnelle de $7,000,000 au budget du ministère de la Jeunesse et du Bien-être social. En fait, le budget pour nos lois de sécurité sociale, qui s’élevait à $20,000,000 pour l’année en cours, touchera l’année prochaine la somme de $30,000,000. Il est bon de signaler à votre attention, M. l’Orateur, que cet accroissement des dépenses consacrées à l’amélioration du sort des mères nécessiteuses ne s’est pas fait avant les élections, mais après la période électorale.

La hausse continuelle du coût de la vie complique l’existence de tous les contribuables, et en particulier l’existence des gens peu fortunés et des miséreux. En effet, la hausse du coût de la vie se fait surtout sentir sur des objets de première nécessité, tels que la nourriture et le vêtement. Le gouvernement a compris la triste situation des mères de famille privées de l’aide de leurs époux, et il a voulu que des allocations plus substantielles leur soient payées, afin de leur épargner les atteintes de la misère. Afin de favoriser l’essor des corporations municipales et de dégrever encore les contribuables, le gouvernement a pris des mesures pour réduire le coût de la contribution des municipalités à l’assistance publique. Dans le cas des cités et villes, de 33 % qu’elle était, elle sera réduite à 24 %, à compter du 15 avril 1957.

Ajouterais-je que l’expansion donnée à l’apprentissage par le ministre du Travail, l’honorable Antonio Barrette, constitue l’une des plus merveilleuses initiatives de l’Union nationale dans le domaine de la législation sociale. Au cours des 10 dernières années, plus de 25,000 jeunes gens ont reçu une formation technique qui leur a permis d’occuper des emplois plus rémunérateurs.

d) L’activité économique

1º L’industrie agricole

Le budget du ministère de l’Agriculture fait voir une augmentation de plus de $3,000,000 sur celui de l’année en cours. Le gouvernement met à la disposition de la classe agricole une somme additionnelle de $2,000,000 pour les travaux de drainage. Ces travaux augmentent chaque année l’étendue de terre cultivable de la province et ajoutent à l’actif de l’industrie agricole. Ils constituent une véritable leçon de choses pour les agriculteurs, en ce sens qu’ils y voient la démonstration de la facilité avec laquelle ils peuvent multiplier leurs travaux pour enrichir leur patrimoine, en utilisant, soit l’énergie mécanique, soit l’énergie électrique. Depuis l’inauguration de ces travaux, les cultivateurs de la province ont mécanisé de plus en plus leurs fermes pour en augmenter le rendement, tout en diminuant la nécessité et le coût de la main-d’œuvre. C’est ce qui explique qu’en dépit d’une diminution du nombre des ouvriers agricoles, la production continue d’augmenter sensiblement. Par suite des efforts du gouvernement, le revenu brut des cultivateurs de la province de Québec, pour l’année 1956, s’élève à $440,000,000, comparé à $424,900,000 pour l’année 1955, soit une augmentation de 87 % sur 1945, alors qu’elle était de $236,000,000. La valeur nette de cette production s’élève à $350,000,000 pour 1956, comparativement à $343,900,000 pour 1955, et à $89,000,000 pour 1939.

Il faut remarquer de plus que 90 % des fermes du Québec peuvent tirer avantage de l’énergie électrique et que nombre de cultivateurs ont pu moderniser leur établissement agricole, grâce à l’aide qu’ils ont reçue de l’Office du crédit agricole. Je dois souligner que, malgré la hausse constante du taux des intérêts à travers le Canada, au cours des deux dernières années, le gouvernement n’a pas modifié le taux des intérêts exigés en vertu de la loi du crédit agricole. C’est sans doute ce qui permettait au très honorable James Gardiner, ministre de l’Agriculture dans le cabinet fédéral, de citer en exemple, lors de la dernière conférence fédérale sur l’agriculture, la province de Québec qui réussit à prêter, à un taux d’intérêt de 2½ %, aux cultivateurs les capitaux dont ils ont besoin. L’agriculture demeure notre industrie basique, même si le chiffre total de sa production est parfois inférieur à celui de certaines autres industries. L’agriculture doit demeurer l’industrie essentielle, parce qu’elle est la plus stable pour l’économie de la communauté. Elle mérite à tous égards notre encouragement et c’est toujours avec joie que nous augmentons les crédits mis à sa disposition. Estimant que les meilleurs immigrants sont les fils du sol, nous continuerons une aide généreuse à la colonisation, en votant par une loi spéciale, au ministère de la Colonisation, des crédits additionnels de $2,000,000. Les professeurs de nos écoles d’agriculture ne sont pas oubliés. Leur rôle est essentiel pour aider les cultivateurs à garder leurs fils fidèles à la terre.

2º L’exploitation de nos richesses naturelles

a) La forêt

La forêt, les ressources hydrauliques, les mines et les pêcheries constituent nos plus riches ressources naturelles. C’est ce capital social que l’entreprise privée doit développer avec sagesse pour le plus grand bien de la communauté.

Le budget du ministère des Terres et Forêts dépassera de $1,000,000 celui de l’année en cours. Ce ministère doit de toute nécessité améliorer ses méthodes de protection et de surveillance de la forêt, la reboiser avec intensité, afin de conserver à l’industrie de la pâte à papier et du papier toute son importance économique dans la province. Les usines de pâte à papier et de papier du Québec constituent l’une des grandes entreprises du monde, et le bien-être économique de la province en dépend dans une très large mesure. Cette industrie au Canada dépasse toutes les autres par l’importance des salaires payés, par le nombre des employés et par le capital investi. En valeur, le rendement des usines de pâte à papier et de papier dépasse la production nationale en blé et en minéraux. La production nationale canadienne du papier journal atteint 6,000,000 de tonnes par année et le rendement des usines de pâte à papier dépasse de son côté 3,000,000 de tonnes. La valeur de cette production pour tout le Canada s’élève à $1,500,000,000 par année. La production totale de papier journal dépasse 12,000,000 de tonnes par année. Sur ce total, le Canada produit plus de la moitié et la province de Québec, plus du quart. Une page de chaque journal du monde sur quatre vient de la province de Québec et, sur les 130 usines de pâte à papier et de papier du Canada, 55 sont situées dans le Québec.

b) La production hydroélectrique

Le développement économique et industriel du Québec est la résultante de deux facteurs qui ont permis l’établissement de puissantes industries: premièrement, l’existence d’un potentiel hydroélectrique considérable et, en second lieu, la découverte d’importants gisements miniers dont la richesse est incalculable. La province de Québec exploite présentement plus de 40 % de l’énergie hydroélectrique du Canada, avec un potentiel utilisable de 25,700,000 chevaux-vapeur. La puissance des génératrices de nos usines hydroélectriques représente près de 47 % du total des installations canadiennes. À l’heure actuelle, notre province produit plus de 8,000,000 de chevaux-vapeur, et cette production s’élèvera à 10,000,000 de chevaux-vapeur, lorsque les travaux qui sont actuellement en voie d’exécution seront terminés.

Le 15 décembre dernier, le premier ministre de la province assistait à l’inauguration de la station de l’Hydro-Québec à Pointe-aux-Trembles. Cette station, reliée directement à l’usine hydroélectrique de Bersimis, fournit déjà à l’industrie de Montréal, plus de 150,000 chevaux-vapeur. Lorsque les travaux de Bersimis seront terminés, elle fournira 750,000 chevaux-vapeur à la ville et à la banlieue de Montréal. Le premier ministre, qui a été l’inspirateur de cette géniale entreprise, soulignait toute l’ampleur du projet réalisé par l’Hydro-Québec, et il citait à ce sujet le témoignage du général A. G. L. McNaughton, président de la section canadienne de la Commission des eaux limitrophes. Voici ce que le général McNaughton disait du projet de Bersimis:

"Il est évident que les ingénieurs responsables de l’Hydro-Québec, par un recours aux procédés les plus ingénieux, pour l’utilisation des niveaux à des débits d’eau, ont retiré des avantages presque incroyables de ces sources d’énergie, au profit des populations de Québec et du Canada.

"J’exprime mon admiration pour leur perspicacité et pour leur compétence ainsi que pour la détermination et la vigueur dont ils ont fait preuve pour réaliser ce projet."

Le premier ministre a également donné le point de vue de la revue Engineering News Record sur le projet et celui de la revue Big publiées aux États-Unis. Voici ce que disait l’Engineering News Record:

"Pour construire les installations de Bersimis, l’Hydro-Québec a organisé une équipe formidable et a appliqué des connaissances pratiques de plus en plus efficaces. D’autre part, l’organisme provincial d’énergie électrique a résolu de nombreux problèmes, pour réussir à réduire les frais de construction particulièrement élevés dans une région éloignée.

"Par l’application de procédés ingénieux, les dépenses ont été réduites au minimum et chaque plan, chaque contrat a été étudié, afin de donner à l’Hydro-Québec le plus pour son argent."

Et voici ce que M. Jack Thiessen écrivait dans la revue Big:

"Bersimis est la clef qui ouvrira une porte nouvelle à l’avenir industriel de Québec... Il constitue un des projets hydroélectriques les plus énormes, les plus difficiles, les plus hardis qui ait jamais été entrepris sur le continent nord-américain."

Les travaux de Bersimis sont tout à l’honneur de notre province et, suivant les témoignages cités par le premier ministre, ils peuvent être considérés comme l’une des plus belles réalisations du génie civil en Amérique du Nord. Bersimis fournira de l’énergie électrique à la Côte-Nord, à la ville de Québec, à la ville de Montréal, à la région minière de Chibougamau et à la région minière de Gaspé. Vous voyez là, M. l’Orateur, l’une des plus magnifiques contributions au développement économique de notre province.

c) Les mines

La production minière de la province de Québec atteindra, pour l’année 1956, une valeur de plus de $400,000,000, à comparer avec celle de $388,900,000 pour l’année 1955 et celle de $288,000,000 pour l’année 1954. Il n’y a pas de doute que l’activité des compagnies minières de la province contribuera à placer bientôt le Québec à la tête de toutes les provinces canadiennes dans ce domaine. Jusqu’à ces dernières années, la plus grande partie de la production minière provenait des districts miniers de l’Ouest du Québec et des mines d’amiante des Cantons-de-l’Est. Les nouveaux districts de Chibougamau, de Gaspé, du Nouveau-Québec sont actuellement en pleine expansion. Chaque jour, les prospecteurs découvrent de nouveaux gisements, les uns plus riches que les autres. L’extraction du minerai de fer du Nouveau-Québec s’accroît chaque jour. En 1955, les expéditions de fer se sont chiffrées à 8,647,000 tonnes d’une valeur environ de $58,000,000. En 1956, les expéditions de fer se sont élevées à plus de 12,000,000 de tonnes d’une valeur de $91,000,000. Grâce à la sagesse et à la vision du chef de l’Union nationale et à la collaboration de chefs d’entreprises hardis et entreprenants, le Nouveau-Québec est en train de devenir l’un des principaux centres de production minière du monde et, à l’heure actuelle, la Cartier Mining Company Limited prépare les plans d’une exploitation qui sera peut-être encore plus considérable que celle de l’Iron Ore. La région du Nouveau-Québec, où se trouvent ces formations ferrifères, couvrant une superficie de plus de 20,000 milles carrés, peut permettre l’établissement de nombreuses entreprises. Les travaux de prospection et de sondage ont déjà révélé plusieurs centaines de millions de tonnes de minerai de fer à haute teneur, et des quantités incalculables en plus faible teneur. La mise en valeur de ces gisements assurera dans un avenir assez rapproché l’établissement d’industries lourdes dans notre province.

D’ici deux ans, la valeur de la production minière atteindra $500,000,000 et, d’ici 10 ans, $1,000,000,000. La province de Québec occupe encore la première place pour la production de l’amiante, car 65 % de toute la production d’amiante au monde est fourni par notre province.

L’honorable George Prudham, ministre fédéral des Mines et des Relevés techniques, déclarait dans un article publié dans la Gazette de Montréal, le 12 janvier dernier, que la province de Québec avait réalisé des progrès très importants dans la production du minerai de cuivre. À l’heure actuelle, les ateliers de traitement raffinent chaque jour 50,000 tonnes de minerai de cuivre. Les fonderies de Noranda et de Murdochville produisent du cuivre brut qui est expédié à la raffinerie de Montréal-Est. La province de Québec peut donc répondre de plus en plus à la demande considérable de cuivre provenant de tous les coins du monde.

L’avenir de la province, dans le domaine de la production minière, est rempli d’espoir, et le ministre fédéral des Mines terminait ainsi l’article qu’il publiait dans la Gazette de Montréal:

"Si, à la veille de 1957, on regarde vers l’avenir, tout semble indiquer que le niveau élevé de l’activité minière, telle qu’elle ressort de la mise en exécution de ces projets et de bien d’autres, se poursuivra pendant encore quelque temps. Ce pronostic est, à la fin de 1956, appuyé sur la demande élevée pour les produits des mines, tant au pays qu’à l’étranger. Il repose également sur les découvertes nouvelles qui augmentent constamment le riche potentiel des mines du Québec. Il y a certainement tout lieu de s’attendre à ce que l’industrie minière de la province connaisse une autre année prospère."

Il est donc logique, M. l’Orateur, que le ministère des Mines de la province de Québec agrandisse le champ de son activité, afin de prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde de nos intérêts. C’est la raison pour laquelle ce département recevra l’an prochain des crédits plus élevés que ceux de l’année en cours.

d) Les pêcheries

Nos pêcheries maritimes continuent de recevoir l’attention constante du gouvernement de la province. Les chiffres fournis par mon dévoué collègue, l'honorable ministre des Pêcheries (M. Pouliot), la semaine dernière, lorsque les crédits de son département ont été discutés, font voir que l’année 1956 a été particulièrement bonne pour les pêcheurs. M. C. E. Désourdy, gérant général des Pêcheurs Unis de Québec, à l’occasion du congrès général des coopératives de pêcheurs, a produit un rapport intéressant qui illustre l’attention constante du gouvernement pour assurer l’essor progressif de nos pêcheries.

"Nous réussissons cette année, dit-il dans son rapport, à écouler tous les produits de nos pêcheurs à des conditions avantageuses et sans que l’abondance n’apporte d’effets défavorables... Des commandes considérables nous parviennent des pays européens: Italie, Allemagne, Hollande, etc. Nos ventes à l’Italie dépasseront en valeur, cette année (1956), $400,000...

"Avec l’introduction de nouveaux types de bateaux de pêche, nos pêcheurs, poursuit M. Désourdy, ont aujourd’hui l’opportunité et l’ambition d’accroître leurs prises. Leur revenu net, qui était de $600 à $700, atteint maintenant $2,000 et même $3,000 par année... En fait, il s’opère en eux une transformation profonde, faite d’une fierté nouvelle pour le métier et du désir de connaître les conditions de vie des corps professionnels organisés."

3º L’industrie manufacturière

La province de Québec a réussi, au cours des 10 dernières années, à surmonter les conditions défavorables qui entravaient son essor économique. L’étendue du pays, la faible densité de sa population et la rigueur de son climat l’éloignaient en fait des grands marchés commerciaux du monde. Depuis 10 ans, l’industrie manufacturière a été florissante et la valeur brute de notre production industrielle a augmenté dans des proportions considérables, pour atteindre, en 1956, la somme de $6,600,000,000.

Des progrès sensibles marquent chaque année le développement des industries chimiques auquel vient s’ajouter la production d’appareils électriques et électroniques. Notre industrie textile, malgré ses difficultés, conserve une place de premier plan, car 55 % de la production canadienne, d’une valeur de $370,000,000, vient du Québec. La ville de Montréal-Est demeure toujours le centre le plus important de raffineries d’huile de tout le Canada. De son côté, l’industrie des produits chimiques enregistre des progrès très sensibles, puisque le tiers de toute la production canadienne, soit une valeur de $1,150,000,000, vient des usines de notre province. La production québécoise d’aluminium s’élève pour sa part à 582,000 tonnes, soit 76 % de la production des usines de raffinage du Canada. D’ici 1959, l’Aluminum Company of Canada espère porter sa production dans notre province à 712,000 tonnes, et la Canadian British Aluminium produira 80,000 tonnes par année, à Baie-Comeau, à la fin de 1958.

Une industrie inconnue il y a 20 ans, celle des appareils électroniques, s’implante graduellement dans leQuébec et dans l’Ontario. Les plus grandes compagnies comme Canadian Marconi Ltd., RCA Victor, Canadian Aviation Electronics Ltd., Northern Electric Co., Sylvania Electric (Canada) Ltd., Electrical Products Manufacturing Ltd., agrandissent constamment leurs usines et augmentent de jour en jour leur production.

L’augmentation du revenu personnel et l’augmentation des ventes en détail constituent les deux meilleures preuves de cette prospérité. Le revenu personnel s’élevait à $5,300,000,000, pour 1956, soit une augmentation de 149 % sur celui de 1945, qui était de $2,200,000,000. Les ventes au détail qui sont la meilleure expression du pouvoir d’achat ont atteint, l’an dernier, $3,300,000,000, soit une augmentation de 205 % sur le chiffre de $1,081,000,000, en 1945 (Cf. Tableau No 5).

Au cours de 1957, plusieurs grandes entreprises continueront la réalisation de leurs projets de développement: ainsi, par exemple, la Cartier Mining Company Limited à Shelter Bay, l’Aluminum Company of Canada à l’Île Maligne, la British Aluminium Company à Baie-Comeau, la Eastern Mining and Smelting Corp. Ltd. à Chicoutimi, la Thurso Pulp and Paper Company à Thurso, la Shell Company of Canada à Bristol, la Canadian Titanium Pigments Ltd. à Varennes, la Lake Asbestos of Quebec Ltd. à Black Lake, l’Atomic Energy of Canada Ltd. au Rapide-des-Joachims et la United States Steel Corp. à Varennes, sans oublier les entreprises de M. Cyrus Eaton et de la Consolidated Fenimore dans le Nouveau-Québec. L’ensemble de ces projets exigera des déboursés d’une somme totale de plus de $1,000,000,000, sans y inclure le coût des travaux de la Bersimis et des travaux de la canalisation du Saint-Laurent avec toutes les incidences qui s’y rattachent.

Malgré les inquiétudes de l’heure, malgré l’existence de problèmes complexes qui doivent de toute nécessité recevoir des solutions adéquates, nous sommes justifiés de croire que l’expansion économique du Québec se continuera à un rythme accéléré au cours de la présente année. Le marché de l’emploi sera actif, les salaires continueront leur tendance vers la hausse, et le standard de vie de la population ira en s’améliorant.

Voilà, M. l’Orateur, les données générales d’une activité économique qui nous permet de donner à nos prévisions budgétaires, pour l’année prochaine, le caractère réaliste qui s’inspire du sens du devoir et du souci constant du bien-être de la communauté.

VIII
Faits saillants

1º L’année financière 1956-1957 se terminera par un surplus au compte ordinaire d’environ $69,987,000, soit le douzième surplus en douze ans d’administration pour le gouvernement de l’Union nationale;

2º Les revenus de l’année 1956-1957 s’élèveront à environ $432,806,00013;

3º Le surplus au compte ordinaire aura servi au paiement d’une très grande partie des dépenses imputables au capital qui s’élèveront à $85,297,000;

4º La dette nette de la province qui s’élevait, au 31 mars 1956, à la somme de $265,322,345, sera diminuée de plusieurs centaines de mille dollars, au 31 mars 1957. Cette dette nette, du 31 mars 1945 au 31 mars 1956, a enregistré une diminution de $42,921,096;

5º La dette nette per capita s’établit à l’heure actuelle à $76.97;

6º Les revenus de l’année 1957-1958 s’élèveront, d’après les prévisions, à la somme de $473,321,750, et les dépenses ordinaires à $386,097,860; le surplus au compte ordinaire sera donc de $87,223,890;

7º Le budget de 1957-1958 prévoit des dépenses imputables au capital pour une somme de $85,370,000;

8º Le budget de 1957-1958 prévoit des dépenses totales de $106,812,400 pour l’éducation;

9º La valeur brute de la production industrielle de la province s’est élevée à environ $6,600,000,000 pour l’année 1956;

10º La production minière pour l’année 1956 s’établit à la somme de $400,000,000;

11º Les principaux projets de développement actuellement en cours, sans compter les travaux du barrage de la Bersimis et les travaux de la canalisation du Saint-Laurent, exigeront de la part des entreprises intéressées des déboursés de plus d’un milliard.

Conclusions

Les partisans de la centralisation, imbus du désir de contrôler la vie sociale, économique et financière de la nation, ignorent ou feignent d’ignorer les enseignements de l’histoire sur la grandeur et la décadence des empires. Les Romains, après avoir conquis le monde, ont voulu le gouverner de Rome, leur capitale. Ce fut le point de départ de leur décadence. Les Césars perdirent de vue les intérêts locaux et les peuples conquis, ceux qu’ils appelaient les barbares, prirent conscience de leur force et de leur puissance. Un jour, l’Empire romain, fortement centralisé, s’est écroulé et n’a jamais pu se reconstituer.

Jetons maintenant un regard, M. l’Orateur, sur l’évolution du Commonwealth des nations britanniques. Après la révolte des colonies américaines, les Anglais ont donné à l’Empire britannique une formule de durée, en reconnaissant graduellement aux colonies et aux dominions le gouvernement responsable et l’autonomie. Chaque pays faisant partie du Commonwealth est maintenant indépendant et garde le contrôle de ses destinées. "La couronne n’est pas un symbole de domination, mais symbole de service d’un intérêt commun." Et, comme le signalait un auteur allemand, Johannes Stoye, "la structure politique du Commonwealth repose sur la liberté."

Au siècle dernier, Alexis de Tocqueville écrivait, dans son volume La démocratie en Amérique, les remarques suivantes sur la fédération américaine:

"C’est aux institutions municipales que les nations libres doivent leur force. Les "town meetings" sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science: ces assemblées placent la liberté à la portée du peuple; elles lui enseignent comment s’en servir et comment en profiter. Une nation peut établir un gouvernement libre, mais, sans les institutions municipales, elle ne peut pleinement jouir de l’esprit de liberté."

Plus loin:

"J’estime qu’une administration centralisée n’est propre qu’à énerver les nations où elle est implantée en amenuisant constamment leur esprit de fierté locale."

Il ajoute:

"À mon avis, les institutions locales sont utiles pour toutes les nations, mais c’est au sein des peuples démocratiques qu’elles paraissent le plus nécessaires."

La décentralisation, je le répète, repose sur la liberté. Aucun peuple du monde n’a pu accélérer sa marche vers le progrès sans accorder à ses fils l’autonomie et la liberté. L’Empire romain a croulé parce que les Romains ont refusé d’accorder aux peuples conquis les libertés fondamentales. Le Canada, M. l’Orateur, continuera sa marche vers le progrès, si les provinces peuvent jouir librement des droits et privilèges garantis par la Constitution canadienne, si les corporations municipales et les commissions scolaires peuvent honorer leurs responsabilités à l’égard de leurs contribuables.

Les États-Unis, au sommet de leur puissance, ont les mêmes problèmes à résoudre, et des hommes politiques de plus en plus nombreux réclament du gouvernement fédéral la reconnaissance des droits des États et la sauvegarde des libertés locales.

Le sénateur Harry Byrd déclarait, le 4 mai 1955, à l’assemblée annuelle de la Chambre de commerce des États-Unis:

"Depuis 1934, les subventions fédérales aux États ont augmenté énormément, tant en ce qui concerne leur coût que les objets auxquels elles sont attribuées. Elles s’infiltrent comme des souris pour atteindre la stature d’éléphants. Toute subvention fédérale renforce le contrôle du gouvernement fédéral et amenuise le contrôle et l’autorité des États.

"Il n’y a rien de plus vrai que l’affirmation à l’effet que la puissance est en fonction de la bourse. Quand le gouvernement fédéral accorde une subvention, il décide exactement comment l’argent sera dépensé, même si les États contribuent en partie au projet. Souvent, j’ai observé la main de fer de la bureaucratie fédérale qui accorde des subventions aux États, pour les forcer à poser des gestes contre leur gré.

"L’augmentation des subventions fédérales est indiquée par la constatation qu’en 1934, soit il y a 21 ans, le total de ces subventions s’élevait, pour 18 programmes, à $126,000,000. À l’heure actuelle, les subventions atteignent $3,000,000,000 pour 50 programmes. L’augmentation est ainsi de 300 % en programmes, et de 2,300 % en déboursés."

Ces constatations du sénateur Byrd s’appliquent aussi à notre pays. Il ajoute ces paroles qui sont à mon point de vue l’expression de la plus haute sagesse politique:

"Tous les citoyens devraient comprendre qu’en fait, les subventions fédérales n’existent pas. Tout l’argent provient des citoyens des États. L’argent se dirige vers Washington où il fait l’objet de déductions pour l’administration fédérale. L’argent revient alors aux États, défalcation faite des déductions, et le gouvernement fédéral nous indique comment dépenser notre propre argent."

M. l’Orateur, j’ai cependant une foi irréductible en l’avenir de mon pays et de ma province. Je crois que tous les Canadiens comprendront les leçons de l’histoire et resteront fidèles au système fédératif, système de gouvernement plus en harmonie avec l’esprit de notre Constitution. J’ai la conviction que l’exemple du Québec permettra aux Canadiens de toutes les provinces, soucieux de l’avenir de leur pays, d’espérer comme nous des jours plus heureux.

"La Nouvelle-France, écrivait le 25 avril dernier Son Excellence M. Francis Lacoste, ambassadeur de France au Canada, ancienne France du Nouveau Monde, n’a pas pour seule distinction un passé prestigieux, ni sa parenté de sang et d’esprit avec la France contemporaine, ni sa culture spécifiquement française. Elle constitue l’un des éléments essentiels de la puissance économique du Canada d’aujourd’hui et détient une part considérable des réserves végétales et minérales qui font de lui l’un des pays du monde les plus riches d’avenir.

"Aux motifs sentimentaux, qui inspirent à tout Français et à tout ami de la France un intérêt particulier pour la province de Québec, s’ajoutent donc d’impérieuses considérations de caractère économique, tenant aux ressources gigantesques de cette terre de vieille civilisation française, devenue l’une des régions les plus prometteuses du Nouveau Monde.

"Il se souviendra que ces trésors demeureraient stériles sans l’élément capital qu’est le facteur humain, sans ces descendants des coureurs des bois du temps de Champlain, de Maisonneuve et Cavelier de La Salle, sans cette race de pionniers, saine, vigoureuse et fertile des Canadiens français, qui donne tant de solidité à la province de Québec, et qui apporte tant de force au Canada contemporain."

M. l’Orateur, je propose que cette Chambre se forme maintenant en comité des voies et moyens. (Voir les tableaux ci-dessous)

Tableau No 1

Province de Québec

État provisoire des dépenses ordinaires et en immobilisations pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 1957

9 mois terminés - 3 mois en cours

Tableau No 1 - État provisoire des dépenses ordinaires et en immobilisations pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 1957, 9 mois terminés, 3 mois en cours
Départements Total Dépenses ordinaires Dépenses en immobilisations
Affaires municipales $4,250,000.00 $4,250,000.00  
Agriculture 25,304,000.00 25,104,000.00 $200,000.00
Bien-être social et Jeunesse 38,186,000.00 33,934,000.00 4,252,000.00
Chasse 2,817,000.00 2,507,000.00 310,000.00
Colonisation 13,690,000.00 10,215,000.00 3,475,000.00
Conseil exécutif 8,747,000.00 8,747,000.00  
Finances 8,049,000.00 8,049,000.00  
Industrie et Commerce 1,521,000.00 1,521,000.00  
Instruction publique 68,910,000.00 68,885,000.00 25,000.00
Législation 1,230,000.00 1,230,000.00  
Mines 4,453,000.00 2,153,000.00 2,300,000.00
Pêcheries 3,721,000.00 3,271,000.00 450,000.00
Procureur général 12,311,000.00 12,311,000.00  
Ressources hydrauliques 5,648,000.00 2,073,000.00 3,575,000.00
Santé 72,452,000.00 72,432,000.00 20,000.00
Secrétaire de la province 2,129,000.00 2,129,000.00  
Terres et Forêts 7,777,000.00 7,777,000.00  
Transports et Communications 620,000.00 620,000.00  
Travail 2,635,000.00 2,635,000.00  
Travaux publics 28,441,000.00 14,051,000.00 14,390,000.00
Voirie 99,510,000.00 43,210,000.00 56,300,000.00
Réserve 5,500,000.00 5,500,000.00  
  $417,901,000.00 $332,604,000.00 $85,297,000.00
Service de la dette publique $30,215,000.00 $30,125,000.00  

Sommaire

Sommaire
Compte ordinaire :
Revenus $432,806,000.00
Dépenses:    
Ordinaires $332,604,000.00  
Service de la dette publique 30,215,000.00 $362,819,000.00
Surplus au compte ordinaire $69,987,000.00
Compte immobilisation $85,297,000.00

Tableau No 2

Province de Québec

État provisoire des revenus pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 1957

9 mois terminés - 3 mois en cours

Tableau No 2 - État provisoire des revenus pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 1957, 9 mois terminés, 3 mois en cours
Revenus :    
Provenant d’impôts et de droits:      
Sur les corporations (capital) $18,000,000.00    
Sur les corporations (profits) 62,000,000.00    
  $80,000,000.00  
Impôt provincial sur le revenu 35,000,000.00  
Sur la gazoline 76,230,000.00  
Ventes 56,500,000.00    
À déduire:
Partie attribuée au fonds d’éducation
28,250,000.00    
  28,250,000.00  
Sur les successions 33,750,000.00  
Sur le tabac 15,000,000.00  
Sur transferts de valeurs mobilières 1,700,000.00  
Loi de l'assistance publique:      
Courses 2,625,000.00    
Divertissements 2,733,000.00    
Pour hôpitaux (sur repas) 5,130,000.00    
  10,488,000.00  
Pour la prévention des incendies 132,000.00  
  $280,550,000.00
Provenant d’autres sources:    
Ressources naturelles:    
Terres et Forêts 18,000,000.00  
Mines 6,975,500.00  
Ressources hydrauliques 4,393,000.00  
Chasse 1,482,000.00  
Pêcheries 12,000.00  
Terres de colonisation 47,000.00  
Attribué au fonds d’éducation:      
Droits de coupe 695,000.00    
Ressources hydrauliques 5,553,000.00 6,248,000.00  
  37,157,500.00
Licences et permis:    
Véhicules automobiles 30,700,000.00  
Hôtels, restaurants, etc. 590,000.00  
Loi de l’assistance publique 235,000.00  
Divers 562,400.00  
  32,087,400.00
Provenant d’autres sources:    
Honoraires et divers:    
Loi de l’assistance publique 1,000,000.00  
Département du procureur général 1,346,000.00  
Transports et Communications 525,000.00  
Département du Travail 1,000,000.00  
Secrétariat de la province 200,000.00  
Terres et Forêts 60,000.00  
Divers 547,500.00  
  4,678,500.00
Intérêts:    
Placement des fonds d’amortissement 3,600,000.00  
Divers comptes 960,500.00  
  4,560,500.00
Fonds d’éducation 36,105,000.00  
À déduire:
Revenus figurant à la rubrique:
Ressources naturelles
6,248,000.00  
  29,857,000.00
Commission des liqueurs de Québec:    
Impôt spécial sur les spiritueux
(S. R. Q., 1941, chapitre 255, article 31)
1,900,000.00  
Permis et droits 12,000,000.00  
Compte de commerce 27,000,000.00    
À déduire:
Octroi à l’assistance publique
1,000,000.00 26,000,000.00  
  39,900,000.00
Autres revenus:    
Subside canadien 3,173,000.00  
Amendes, etc. 751,000.00  
Divers 91,000,000.00  
  4,015,100.00
Total des revenus $432,806,000.00

Tableau No 3

Province de Québec

Prévisions budgétaires ordinaires et en immobilisations pour l’exercice financier 1957-1958

Tableau No 3 - Prévisions budgétaires ordinaires et en immobilisations pour l’exercice financier 1957-1958
Départements Total Dépenses ordinaires Dépenses en immobilisations
Affaires municipales $5,303,200.00 $5,303,200.00  
Agriculture 25,237,000.00 25,087,000.00 $150,000.00
Bien-être social et Jeunesse 48,213,000.00 43,363,000.00 4,850,000.00
Chasse 3,393,000.00 2,743,000.00 650,000.00
Colonisation 13,492,000.00 10,492,000.00 3,000,000.00
Conseil exécutif 6,524,000.00 6,524,000.00  
Finances 8,294,360.00 8,294,360.00  
Industrie et Commerce 1,689,100.00 1,689,000.00  
Instruction publique 80,769,700.00 79,769,700.00 1,000,000.00
Législation 1,288,400.00 1,288,400.00  
Mines 5,815,500.00 2,815,500.00 3,000,000.00
Pêcheries 3,388,000.00 2,988,000.00 400,000.00
Procureur général 12,485,000.00 12,485,000.00  
Ressources hydrauliques 6,135,000.00 2,335,000.00 3,800,000.00
Santé 83,427,000.00 83,407,000.00 20,000.00
Secrétaire de la province 2,900,000.00 2,300,000.00 600,000.00
Terres et Forêts 7,723,000.00 7,723,000.00  
Transports et Communications 630,000.00 630,000.00  
Travail 2,866,000.00 2,866,000.00  
Travaux publics 31,915,600.00 14,915,600.00 17,000,000.00
Voirie 88,295,000.00 37,395,000.00 50,900,000.00
  $439,783,860.00 $354,413,860.00 $85,370,000.00
Service de la dette publique $31,684,000.00 $31,684,000.00  

Sommaire

Sommaire
Compte ordinaire :
Revenus $473,321,750.00
Dépenses:    
Ordinaires $354,413,860.00  
Service de la dette publique 31,684,000.00 $386,097,860.00
Surplus au compte ordinaire $87,223,890.00
Compte immobilisation $85,370,000.00

Tableau No 4

Province de Québec

Revenus probables pour l’exercice financier 1957-1958

Tableau No 4 - Revenus probables pour l’exercice financier 1957-1958
Revenus :    
Provenant d’impôts et de droits:    
Sur les corporations (capital) $17,500,000.00    
Sur les corporations (profits) 77,000,000.00    
  $94,500,000.00  
Impôt provincial sur le revenu 37,000,000.00  
Sur la gazoline 77,800,000.00  
Ventes 61,000,000.00    
À déduire : Partie attribuée au fonds d’éducation 30,500,000.00    
  30,500,000.00  
Sur les successions 15,000,000.00  
Sur le tabac 15,250,000.00  
Sur transferts de valeurs mobilières 1,500,000.00  
Loi de l'assistance publique:      
Courses 2,700,000.00    
Divertissements 2,550,000.00    
Pour hôpitaux (sur repas) 5,500,000.00    
  10,750,000.00  
Pour la prévention des incendies 135,000.00  
  $282,435,000.00
Provenant d’autres sources:    
Ressources naturelles:    
Terres et Forêts 17,540,000.00  
Mines 7,150,000.00  
Ressources hydrauliques 4,611,400.00  
Chasse 1,521,900.00  
Pêcheries 15,000.00  
Terres de colonisation 42,000.00  
Attribué au fonds d’éducation:      
Droits de coupe 845,000.00    
Ressources hydrauliques 5,800,000.00 6,645,000.00  
  37,525,300.00
Licences et permis:    
Véhicules automobiles 32,000,000.00  
Hôtels, restaurants, etc. 580,000.00  
Loi de l’assistance publique 225,000.00  
Divers 641,000.00  
  33,446,000.00
Honoraires et divers:    
Loi de l’assistance publique 1,000,000.00  
Département du procureur général 1,300,000.00  
Transports et Communications 540,000.00  
Département du Travail 1,030,000.00  
Secrétariat de la province 215,000.00  
Terres et Forêts 30,000.00  
Divers 561,200.00  
  4,676,200.00
Intérêts:    
Placement des fonds d’amortissement 3,900,000.00  
Divers comptes 880,250.00  
  4,780,250.00
Fonds d’éducation 38,845,000.00  
À déduire:
Revenus figurant à la rubrique:
Ressources naturelles
6,645,000.00  
  32,2000,000.00
Commission des liqueurs de Québec:    
Impôt spécial sur les spiritueux
(S. R. Q., 1941, chapitre 255, article 31)
1,850,000.00  
Permis et droits 12,000,000.00  
Compte de commerce 26,500,000.00    
À déduire:
Octroi à l’assistance publique
1,000,000.00 25,500,000.00  
  39,500,000.00
Autres revenus:    
Paiement de péréquation 35,000,000.00  
Subside canadien 3,173,400.00  
Amendes, etc. 695,100.00  
Divers 40,500.00  
  38,909,000.00
Total des revenus $473,321,750.00

Tableau No 5

La production du Québec

(En millions de dollars)

Tableau No 5 - La production du Québec (en millions de dollars)
Produits 1945 1950 1955 1956 (estimation)
Produits naturels:        
Agriculture:        
Grande culture 139.1 175.8 144.7 160
Fruits et légumes 17.0 24.3 26.8 27
Autres produits de la ferme 6.4 9.8 11.7 12
Industrie forestière:        
Pulpe, papier, bois 133.3 186.1 280.0 350
Bois de chauffage 10.0 11.0 12.0 12
Mines et carrières 91.6 220.7 385.4 463
Pêcheries 7.9 5.5 5.0 5
Fourrures 5.0 2.8 2.0 2
Pouvoir électrique 80.5 114.6 164.0 165
Total: 490.0 750.6 1,031.6 1,173
Production animale:        
Lait 90.5 133.5 170.0 172
Bétail 85.9 153.8 126.5 127
Volailles et oeufs 29.3 37.0 63.2 63
Total: 205.6 326.2 359.7 362
Industrie manufacturière:        
Manufactures 2,531.9 4,142.5 5,950.0 6,300
Construction 150.0 605.8 1,343.0 1,490
Sommaire :        
Produits naturels 490.8 750.6 1,031.6 1,173
Production animale 305.6 326.2 359.7 362
Industrie manufacturière 2,681.9 4,748.3 7,293.0 7,790
Total 3,378.3 5,825.1 8,684.3 9,325

 

Consulter le graphique sur la variation du prix des obligations du gouvernement (PDF, 37 Ko)

 

M. Hamel (Saint-Maurice) propose que le débat soit maintenant ajourné.

Adopté.

 

Projets de loi:

Acton Vale

M. Johnson (Bagot) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 95 concernant la ville d’Acton Vale soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

M. Johnson (Bagot) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Présidence de M. Bertrand (Missisquoi)14

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Ce projet de loi aurait dû être présenté au comité des bills privés, aux fins de donner aux intéressés l'occasion de faire connaître leur opinion, parce que le projet comporte des pouvoirs assez extraordinaires.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le bill ne donne que des pouvoirs au conseil municipal. Ce dernier sera libre de les exercer ou non. Si un bill public a été présenté, c'était pour sauver des dépenses à la ville d'Acton Vale. À la faveur de la première autorisation de dépenser $60,000, la ville a établi des industries et elle veut continuer. D'ailleurs, le maire actuel d'Acton Vale, qui était l'adversaire libéral du parrain du bill aux dernières élections générales, est entièrement d'accord avec le député de Bagot (M. Johnson) sur l'opportunité de cette loi.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Je demande alors s'il y a de l'opposition contre le bill dans Acton Vale.

M. Johnson (Bagot): La seule opposition constatée à date vient de l'opposition libérale en Chambre.

M. Hamel (Saint-Maurice): Cette intervention du député de Bagot me fait penser aux souffleurs, dans les pièces de théâtres d’écoles; la différence, c’est que, dans ce temps-là, les souffleurs avaient un sceau sur la tête. Les effets du bill ne sont pas aussi simples qu'on veut le faire croire. On donne en effet au conseil municipal le droit de faire des prêts hypothécaires et, pour cela, il faudra des emprunts. Pourquoi veut-on éviter de soumettre ces emprunts au peuple, comme le veut la loi générale?

Et si on veut éviter des frais à la ville d'Acton Vale, pourquoi ne pas faire la même chose pour toutes les villes et municipalités qui présentent des bills à la Législature? Quelques-unes bénéficient en effet de bills présentés par le gouvernement, bills pour lesquels elles n’ont rien à débourser, tandis que la majorité doit se contenter de bills privés qui leur coûtent cher. Pourquoi deux poids et deux mesures dans les cas de ce genre? Pourquoi ne pas établir la gratuité des bills, afin de ne pas faire de passe-droit? C'est un précédent dangereux. La ville de Québec, dont la situation financière n'est pas avantageuse, aurait profité grandement, elle aussi, d'un bill public de cette sorte, au lieu de lui faire payer les frais ordinaires.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'opposition veut faire payer une somme de $800 à $900 à la ville d'Acton Vale inutilement.

M. Johnson (Bagot): La ville d'Acton est contente de voir que le gouvernement veut aider à son développement. Il y a déjà deux industries nouvelles qui sont venues s’y installer, à la suite de la première loi qui autorisait la ville à dépenser $60,000. Ces industries sont évaluées à $90,000; elles donnent de l'emploi à 200 personnes et paient des salaires au total de $500,000 par année. Le conseil municipal veut continuer dans cette voie en négociant avec le même groupe d'industriels pour fabriquer des produits nécessaires aux deux premières industries.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je demande que l'on établisse une règle générale qui mettra toutes les villes sur le même pied, quand il s'agira de présenter des bills à la Législature.

Les articles 1 et 2 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 95 après l’avoir amendé.

Le bill amendé est lu et agréé.

M. Johnson (Bagot) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Inspecteurs des bureaux d’enregistrement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 47 concernant les inspecteurs des bureaux d’enregistrement soit maintenant lu une deuxième fois.

Il n'y en a que deux actuellement, tous deux de Montréal. La province se développe et les bureaux d'enregistrement sont d'une extrême importance. Il faut un plus grand nombre d'inspecteurs.

M. Hamel (Saint-Maurice) se déclare favorable au bill, mais demande que le gouvernement fixe une limite au nombre des inspecteurs qu'on pourra nommer.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) accepte de limiter à six le nombre de nouveaux inspecteurs.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre, pour étude au cours de la présente séance.

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 47 concernant les inspecteurs des bureaux d’enregistrement.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose: 1. Que l'article 39 de la loi des bureaux d'enregistrement (Statuts refondus, 1941, chapitre 319) soit remplacé par le suivant:

"39.   Le lieutenant-gouverneur en conseil peut nommer des inspecteurs des bureaux d'enregistrement, dont le nombre n'excédera pas six, suivant la loi du service civil, pour faire partie du service intérieur."

Adopté.

2. Que l'article 47 de ladite loi soit remplacé par le suivant:

"47.   Les traitements des inspecteurs des bureaux d'enregistrement sont fixés et payés conformément à la loi du service civil."

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté deux résolutions, lesquelles sont lues et agréées.

Il est ordonné que lesdites résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d’étudier le bill 47.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre adopté précédemment, que la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le bill 47 concernant les inspecteurs des bureaux d’enregistrement.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 47 sans l’amender.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Sutton

L'honorable M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 55 concernant la municipalité du village de Sutton, dans le comté de Brome, soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 55 sans l’amender.

 

Travaux de la Chambre:

Horaire des séances

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, qu'à l'avenir, durant la présente session et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne deux séances tous les jours de la semaine sauf le dimanche: la première, de onze heures du matin jusqu'à une heure de l'après-midi, et la seconde, de trois heures de l'après-midi jusqu'à ce que la Chambre décide de s'ajourner, avec suspension de cette séance de six à huit heures du soir; et qu'à chacune de ces séances, l'ordre du jour soit réglé suivant les dispositions de l'article 115 du Règlement qui ont trait aux séances du mardi; et que le Feuilleton de la séance du matin serve pour la séance de l'après-midi, de manière qu'il n'y ait qu'un seul Feuilleton par jour15.

Il n’y a que quatre bills privés à étudier aux comités des bills publics et privés, soit ceux de la ville de Price, de la chiropratique, de la succession Charles Raymond et de la succession Godin16.

La motion est adoptée.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1957-1958

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas trois cent dix mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Achat de matériel, accessoires, instruments, médicaments et vêtements (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas quatre-vingt-cinq mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Rassemblement des statistiques vitales (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

M. Couturier (Rivière-du-Loup) demande des renseignements sur une recette de $21,426.67 inscrite aux Comptes publics au poste du "Rassemblement des statistiques vitales".

L’honorable M. Paquette (Labelle): Il s'agit d'un versement fait par Ottawa pour des microfilms que fournit la province.

M. Hamel (Saint-Maurice): Si je comprends bien, il s'agit d'une entente avec le fédéral. Le ministre pourrait-il me dire si cela entrave l'autonomie de son ministère?

L’honorable M. Paquette (Labelle): Le député est gravement atteint d'autonomie-pathologie. Je puis cependant le rassurer.

Nous ne faisons rien qui puisse entraver notre autonomie et, d'autre part, nous sommes toujours heureux de collaborer avec Ottawa dans de telles circonstances.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose: 3. Qu'un crédit n'excédant pas neuf mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Bourses d'études au personnel d'étude (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas quarante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Subventions (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

Adopté.

5. Qu'un crédit n'excédant pas quarante-trois millions trente-neuf mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Hôpitaux: Entretien des pauvres, contributions, constructions, etc. (santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

M. Couturier (Rivière-du-Loup) soulève le cas des malades mentaux non criminels qui doivent être envoyés dans les cliniques des prisons, parce qu'il n'y pas de place dans les hôpitaux.

L’honorable M. Paquette (Labelle): Le programme de construction du gouvernement pour fins de santé cible à présent les institutions pour malades mentaux. Il y a un programme considérable à réaliser dans ce domaine. Déjà, nous avons construit ou agrandi des hôpitaux à Roberval, Saint-Ferdinand d'Halifax, Saint-Michel-Archange. La moitié du sanatorium de Mont-Joli a été mise à la disposition des aliénés tuberculeux.

On a entrepris la construction d'un hôpital considérable pour malades mentaux à Joliette, un autre moins considérable à L'Annonciation, et un autre sera bientôt commencé à Baie-Saint-Paul. On a reçu plusieurs demandes et elles sont étudiées. Pour les combler toutes, il en coûterait $60,000,000 au gouvernement.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous avons donné $3,000,000 pour l’asile Saint-Michel-Archange, près de Québec; $3,000,000 aux sœurs de la Providence de Montréal; $1,000,000 à Verdun.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je demande des précisions sur le programme de construction d'hôpitaux généraux.

L’honorable M. Paquette (Labelle): Une somme de $7,000,000 sera dépensée en contributions de l'année aux nouveaux hôpitaux. En plus, des sommes considérables seront versées à certaines institutions à qui nous avons déjà promis notre secours.

Il y a environ cinq projets d'hôpitaux généraux, mais, comme il y a toujours des tractations à faire avec les institutions intéressées, je ne puis aujourd'hui fournir des précisions et dire où exactement nous bâtirons ces hôpitaux. Cependant, à Sept-Îles, on commencera très bientôt la construction d'un hôpital.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je connais l'attitude du gouvernement en matière de dépenses. Il est déraisonnable de réclamer un montant sans dire aux députés ce que l'on veut faire avec. C'est la politique habituelle du gouvernement qui met en danger la responsabilité ministérielle.

L’honorable M. Paquette (Labelle): J’ai donné des précisions qui justifient au moins les trois quarts des crédits demandés. Dès cette année, nous dépenserons environ $3,000,000 à Joliette, et $1,500,000 à L'Annonciation. Dans le cas des hôpitaux généraux, les ententes sont en cours. Que le député soit rassuré. Nous allons dépenser tout l'argent prévu au budget.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je reste convaincu que la méthode est mauvaise. Au moment où l'Assemblée est appelée à voter les crédits, il faudrait tout au moins que le ministre ait en main des plans.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il est bien difficile de savoir exactement à l’avance ce dont nous avons besoin. Il est difficile pour le gouvernement de faire connaître les emplacements, parce que les demandes viennent de toutes les régions de la province et sont très nombreuses. Ainsi, dans le comté de Gaspé, à Sainte-Anne-des-Monts, on nous a demandé un hôpital.

Les expertises faites par les gens de l'endroit disaient qu'il en coûterait environ $425,000. Or, les experts du ministère de la Santé sont allés là, et nous avons trouvé une solution convenable qui ne coûtera que $75,000.

À Gaspé, Mgr Leblanc a demandé un sanatorium et un collège. Maintenant, ils veulent avoir un hôpital qui coûtera de $3,000,000 à $4,000,000. C'est beaucoup trop pour nos moyens actuels. Le ministère est à étudier un plan qui nous permettra peut-être de construire d'abord une première partie au coût d'environ $1,500,000, et nous pourrons la compléter plus tard.

À Chicoutimi, ils veulent une école de garde-malades. À Notre-Dame de Montréal, ils demandent $4,500,000. À Saint-Luc, où ils reçoivent généralement des cas d'assistance publique, il faudra agrandir. Nous avons déjà promis $3,000,000. On vient de nous dire que ce ne sera pas assez, ils veulent un autre $1,000,000.

De telles demandes affluent. Ainsi, nous avons donné $50,000 aux sœurs de la Présentation de Marie dans le comté de Saint-Hyacinthe. On dirait qu'il y en a qui n'ont retenu qu'une chose de l'Évangile: "Demandez et vous recevrez."

M. Hamel (Saint-Maurice): Tout cela est bien beau, mais nous persistons à dire que le gouvernement ne peut pas se faire voter des sommes énormes, les mettre en un tas, puis décider après ce qu'il va faire avec. J'admets l'imprévu, mais un gouvernement qui se dit prévoyant ne procède certainement pas toujours du jour au lendemain.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'imprévu, c'est l'imprévu. Je suis certain que les gens d'en face ne prévoyaient pas que le député de Saint-Maurice qui les a combattus deviendrait un jour leur chef.

M. Hamel (Saint-Maurice): Il y a du vrai là-dedans. Je ne l'avais jamais prévu.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): D'ailleurs, on ne pouvait pas prévoir qu'un chef d'un parti moribond, en 1935, deviendrait le chef de l'Union nationale.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je proteste. L'on n'a pas le droit de dire que le grand M. Taschereau a été défait par un moribond.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose: 6. Qu'un crédit n'excédant pas deux millions huit cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Unités sanitaires de comtés (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

M. Couturier (Rivière-du-Loup): Je demande au ministre comment il se fait qu'en 1951-1952, à la veille des élections générales de 1952, on a fait voter $6,000,000 pour les centres de diagnostic, qu'en 1955-1956, à la veille des dernières élections générales de 1956, on a fait voter un autre $2,000,000 pour les mêmes fins, par coïncidence, et qu'on n'a rien fait17.

L’honorable M. Paquette (Labelle): L'argent n'a pas été dépensé. Il est dans le Trésor. Nous avons commencé à préparer des plans, et nous avons rencontré des complications très sérieuses. Elles venaient surtout des hôpitaux. Il y a eu quelque progrès, et nous croyons que nous pourrons faire quelque chose cette année.

M. Hamel (Saint-Maurice): Le député de Rivière-du-Loup a voulu démontrer à la Chambre que le gouvernement a les yeux plus grands que la panse.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je remercie le chef de l'opposition de ses remarques. Il fait voir que nous n'avons pas dépensé l'argent que nous pouvions dépenser, mais que nous ne croyions pas devoir dépenser dans les circonstances. Si nous avions dépensé cet argent pendant les élections, l'opposition nous aurait certainement critiqués. L’opposition critique quand nous dépensons, et elle critique encore quand nous ne dépensons pas!

Les centres de diagnostic sont surtout prévus pour venir en aide au médecin de famille qui n'a pas les moyens d'acheter l'outillage nécessaire et très coûteux dont il aurait besoin pour faire un diagnostic. Avant de faire des dépenses, nous avons voulu nous renseigner de façon adéquate.

M. Couturier (Rivière-du-Loup): Y aurait-il moyen, dans les unités sanitaires, d'ajouter un service de traitement de la vue et d'ablation des amygdales?

L’honorable M. Paquette (Labelle): La question est à l'étude, mais il ne faut pas trop exiger. Cela entraînerait des dépenses considérables. Je ferai remarquer que nous avons des unités sanitaires jusqu'à Blanc-Sablon et que comparativement à l'Ontario, dans ce domaine, nous sommes à 3 contre 1.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose: 7. Qu'un crédit n'excédant pas cent vingt-huit mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Maladies vénériennes (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

Adopté.

8. Qu'un crédit n'excédant pas six cent vingt-quatre mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service médical aux colons (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

M. Couturier (Rivière-du-Loup) pose une question relativement au traitement des infirmières dans les colonies.

L’honorable M. Paquette (Labelle): Toutes les mesures sont prises pour favoriser leur tâche, qui est très lourde.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Gagnon (Matane) propose: 9. Qu'un crédit n'excédant pas cinq mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Publicité éducative (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

Adopté.

10.   Qu'un crédit n'excédant pas quatre cent vingt mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Fonds de l'Assistance publique (Santé)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1958.

L’honorable M. Paquette (Labelle): Le fédéral ne paie presque rien pour la santé publique, mais fait beaucoup de publicité pour souligner les petits montants qu'il débourse. C'est la province, qui se charge du maintien des hôpitaux. Je suis heureux des contributions du fédéral dans le domaine de l'hospitalisation, mais pour être juste, je dois déclarer que cette contribution n'est qu'une petite restitution de ce qui nous est dû et qu'elle ne constitue qu'un atome.

La résolution est adoptée.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill   136   concernant Samuel Solnik De Abravanel;

- bill   145   accordant certains pouvoirs à la ville de Greenfield Park et modifiant sa charte;

- bill   164   modifiant la charte de la cité de Saint-Laurent;

- bill   171   modifiant la charte de la cité de Dorval;

- bill   182   modifiant la charte de la ville de Tracy;

- bill   244   modifiant la charte de la cité de Sherbrooke;

- bill   248   concernant les commissaires d’écoles pour la municipalité du village de Saint-Félicien;

- bill   252   autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Henry Ballon Nevard à l’exercice de la profession d’avocat dans la province de Québec;

- bill   39     modifiant la loi électorale de Québec.

 

Ajournement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre, lorsqu’elle s’ajournera, se trouve ajournée à mardi prochain, à trois heures de l'après-midi.

Adopté.

La séance est levée à 6 heures.


 

NOTES

1. La Patrie du 8 février 1957, à la page 4, rapporte que le discours n’a duré qu’une heure et que le ministre a lu en diagonale son texte. À leur avis, le premier ministre et le chef de l’opposition, qui avaient chacun en main un texte officiel complet, devaient retourner les pages rapidement pour le suivre. La Presse du même jour, à la page 11, mentionne, pour sa part, que le discours a duré deux heures. Par ailleurs, La Tribune, à la page 1, note que le discours compte 18,000 mots.

2. Selon Le Soleil du 8 février, à la page 3, et Le Nouvelliste du 8 février, à la page 5, il s’agit plutôt de $432,806,000.

3. Le Devoir du 8 février, à la page 1, avance le chiffre de $58,539,500.

4. Le Devoir du 8 février, à la page 2, mentionne plutôt $74,014,573.

5. À Terre-Neuve, les dépenses per capita sont de $98.21; Île-du-Prince-Édouard, $484.02; Nouvelle-Écosse, $87.21; Nouveau-Brunswick, $93.22; Québec, $79.70; Ontario $83.43; Manitoba, $58.64; Saskatchewan, $109.50; Alberta, $133.11; Colombie, $141.06. Ces chiffres sont signalés dans Le Nouvelliste du 8 février, à la page 5.

6. Les surplus au compte ordinaire en Alberta, en 1956, sont de $109,579,584; Colombie, 1955, $15,552,424; Île-du-Prince-Édouard, 1955, $1,874,978; Manitoba, 1955, $167,338; Nouvelle-Écosse, 1955, $489,911; Ontario, 1955, $143,646; Québec, 1956, $76,902,362; Saskatchewan, 1955, $4,542,103; Terre-Neuve, 1956, $139,076 de déficit. Voir à ce sujet Le Nouvelliste du 8 février, à la page 5. Le Montréal-Matin du 8 février, à la page 5, ajoute que "la province de Québec vient au second rang, dans la Confédération, pour les surplus au compte ordinaire au cours de l’année se terminant le 31 mars 1956 avec $76,902,362".

7. $85,207,000, selon le Montréal-Matin du 8 février, à la page 5.

8. En 1945, la dette nette de la province était de $308,243,441. En 1956, elle se chiffrait à $265,322,345, soit une diminution de $42,921,096. De plus, le ministre annonce qu’elle diminuera encore au 31 mars 1957, selon Le Nouvelliste du 8 février, à la page 5.

9. $79.76, selon le Montréal-Matin du 8 février, à la page 5.

10. Le Devoir du 8 février, à la page 2, mentionne plutôt un total de $10,824,000.

11. Depuis 10 ans, selon La Presse du 8 février, à la page 27.

12. M. Gagnon fait référence aux abbés Dion et O’Neill et à leur ouvrage Le chrétien et les élections.

13. $342,806,000, selon le Montréal-Matin du 8 février, à la page 6.

14. Tel qu'inscrit sur la copie du projet de loi, M. Bertrand agit à titre de président pro tempore, puisque M. Johnson présentait ledit projet de loi et ne pouvait donc assumer à cette occasion la présidence du comité plénier.

15. La Chambre, selon La Presse du 8 février, à la page 25, ne tenait alors qu’une séance par jour, de 3 heures de l’après-midi à 11 heures le soir. La matinée était consacrée aux séances du comité des bills privés ou du comité des bills publics.

16. Le Soleil du 8 février, à la page 24, rapporte qu’un total de 155 bills privés ont été étudiés par les deux comités de la Chambre, au cours de la présente session.

17. Le Quebec Chronicle du 8 février, à la page 3, avance que c’est plutôt M. Hamel qui aurait fait cette affirmation.