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Version finale

25e législature, 2e session
(13 novembre 1957 au 21 février 1958)

Le vendredi 14 février 1958

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Première séance du vendredi 14 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 9 h 45.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages du lieutenant-gouverneur:

Sanction royale

M. Pierre Gelly, huissier à la verge noire, transmet le message suivant:

M. l’Orateur: Messieurs, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec désire la présence immédiate de cette Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.

En conséquence, M. l’Orateur et les députés se rendent à la salle du Conseil législatif.

L’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur veut bien donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux bills suivants1:

  27   Loi concernant l’audition des appels devant la Cour du banc de la reine;

  32   Loi modifiant la loi de l’enseignement spécialisé;

  37   Loi modifiant la loi constituant en corporation l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal;

  98   Loi concernant le Séminaire de Sainte-Thérèse;

100   Loi modifiant la charte de la cité de Montréal;

132   Loi concernant la ville Montréal-Nord;

148   Loi constituant en corporation la ville de Brossard;

160   Loi modifiant la charte de la ville de Mégantic;

171   Loi relative à la Mont-Royal compagnie d’assurances générales;

184   Loi modifiant la charte de la ville de Côte-Saint-Luc;

194   Loi concernant La Zénith compagnie d’assurance mutuelle;

200   Loi modifiant la charte de la ville de Laval-Ouest;

213   Loi concernant Romaine River Railway Company;

214   Loi constituant en corporation la ville de L’Assomption;

219         Loi concernant la ville de Chibougamau;

220   Loi modifiant la charte de la cité de Sainte-Foy;

221   Loi modifiant la charte de la cité de Hull et concernant la Commission des écoles catholiques de Hull;

222   Loi modifiant la charte de la cité de Jacques-Cartier et autorisant l’imposition d’une taxe de vente dans ses limites et dans celles de la cité de Longueuil et celles de la municipalité scolaire de la cité de Jacques-Cartier, la municipalité scolaire de Saint-Bruno, et de la municipalité scolaire de la ville de Chambly, dans le comté de Chambly;

229   Loi concernant la ville d’Anjou et BP Canada Limited et divers;

234         Loi concernant le Centre de psychologie et de pédagogie;

239   Loi modifiant la loi 14 George VI, chapitre 136, concernant certaines corporations scolaires du comté de Chicoutimi;

240   Loi attribuant certains pouvoirs aux commissaires d’écoles catholiques pour la municipalité de la cité de Jacques-Cartier;

242   Loi modifiant la charte de la cité de Saint-Michel;

244   Loi érigeant en corporation la Congrégation Chevra Kadisha-B’Nai Jacob;

246   Loi constituant en corporation le Collège Sophie-Barat;

251   Loi modifiant la charte de la cité de Sherbrooke;

255   Loi concernant une propriété de Larissa Development Corporation;

257    Loi   concernant la corporation municipale de Templeton-Ouest, la Commission scolaire catholique de Templeton-Ouest et la Commission scolaire protestante de Templeton-Ouest;

258   Loi modifiant la charte de la cité de Jonquière;

262   Loi modifiant la charte de la cité de Verdun;

265   Loi modifiant la charte de la ville de Mont-Royal;

266   Loi concernant les commissaires d’écoles pour la municipalité de la ville de Montmorency;

273   Loi concernant les commissaires d’écoles pour la municipalité de la ville de Hauterive;

274   Loi créant, dans tout le territoire du comté Lac-Saint-Jean-Est, une zone où sera imposée et perçue, au bénéfice des corporations dudit comté, une taxe spéciale dite taxe de vente;

276   Loi établissant, dans les comtés de Chicoutimi et Jonquière-Kénogami, une zone où sera imposée et perçue une taxe de vente;

277   Loi concernant la ville de la Petite-Rivière.

Le Greffier du Conseil législatif: Au nom de Sa Majesté, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur sanctionne ces bills.

Les députés reviennent à leur salle de séances.

 

Projets de loi:

Aide aux sinistrés dans Mégantic

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolution relative au bill 48 pour venir en aide aux victimes du sinistre dans le comté de Mégantic au mois d’août 1957.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolution et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose: Que dans le but de coopérer au règlement des problèmes qui découlent du sinistre mentionné dans la loi qui sera basée sur la présente résolution, et de venir en aide aux sinistrés, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, aux conditions et de la manière qu'il déterminera, autoriser le ministre des Finances de la province à payer à ces fins, à même le fonds consolidé du revenu, une somme n'excédant pas deux cent mille dollars.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté une résolution, laquelle est lue et agréée.

Il est ordonné que cette résolution soit renvoyée au comité plénier chargé d’étudier le bill 48 pour venir en aide aux victimes du sinistre dans le comté de Mégantic, au mois d’août 1957.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 48 pour venir en aide aux victimes du sinistre dans le comté de Mégantic, au mois d’août 1957, soit maintenant lu une deuxième fois.

Le projet de loi, explique-t-il, est présenté à la demande du député de Mégantic pour que le gouvernement puisse collaborer au règlement financier des problèmes posés par l’inondation et la tempête qui a ravagé le comté. Les autorités provinciales ont déjà remplacé les chemins de fer, les routes et les ponts qui avaient été emportés par les eaux tumultueuses et les éboulis. Ces travaux ont coûté plus de $1,000,000 au Trésor provincial. La nouvelle aide du gouvernement, pour les sinistrés eux-mêmes, s’ajoute à ce qui a déjà été dépensé, en sorte que le gouvernement aura déboursé $1,200,000 pour remédier au désastre de Thetford.

Il évoque un incident tragique qui s’est déroulé au cours des inondations et des éboulis: le ministère de l’Agriculture a dû prêter sa machinerie qui a été utilisée pour dégager les cadavres d’une mère et de ses deux enfants.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'une loi est absolument nécessaire pour une aide gouvernementale aux sinistrés?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a deux moyens de procéder pour cette aide. Il peut y avoir un mandat que le lieutenant-gouverneur en conseil émet pour autoriser des dépenses; mais alors, les Chambres ne sont pas consultées... Comme nous aimons respecter les prérogatives des députés, nous préférons faire voter une loi.

M. Levesque (Bonaventure): Quand j'ai posé ma question au premier ministre, c'était à cause des inondations dans Bonaventure.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il ne s'agit pas de ça.

M. Levesque (Bonaventure): Dans mon comté, les inondations ont causé aussi des dommages; et je voulais savoir si une loi était nécessaire pour que les autorités provinciales puissent secourir les sinistrés. Peut-être le gouvernement pourrait-il les aider par un mandat?

M. Fortin (Mégantic): Je remercie le premier ministre et le gouvernement de l'Union nationale de présenter le bill 48, qui compense en partie les pertes qu’ont subies les victimes. Cette aide, c'est un geste merveilleux dont la population de Mégantic saura se souvenir. Il faut souligner non seulement cette assistance d'ordre financier, mais une autre aide que le gouvernement a accordée dès le lendemain de la tempête effroyable: de la machinerie a été envoyée sur les lieux pour refaire les chemins et rétablir les communications.

Puis, un détachement de la police fut dépêché pour rechercher les cadavres d'une jeune femme et de ses deux enfants, qui s'étaient noyés sous les yeux du chef de famille. Je trouve que c'est le plus beau témoignage de sympathie que d'avoir remis au plus tôt au père éploré les corps de sa femme et de ses enfants.

J’exprime mes remerciements émus au premier ministre et au gouvernement.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je remercie le député de Mégantic de ses paroles de gratitude, à la suite de la collaboration du gouvernement pour le règlement des problèmes posés par l'inondation. Les représentants du gouvernement se sont rendus sur les lieux dès le lendemain de la catastrophe et nous avons procuré toute l'assistance possible. Nous avons fait faire également une enquête pour l'estimation des dommages. Et nous avons décidé de présenter l'actuel projet de loi.

Pour ce qui est de Bonaventure, ça ne relève pas du bill. Il ne faut pas prendre pour acquis que le gouvernement est une compagnie d'assurances qui paie des indemnités sans primes. Dans Mégantic et dans la Beauce, il s'est agi de désastres de très grande envergure. Pour Bonaventure, le gouvernement étudiera la situation et décidera s’il y a lieu d’y apporter également une aide financière.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 48 sans l’amender.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Loi sur l’exploitation des forêts

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolution relative au bill 44 modifiant la loi pour prévoir une exploitation rationnelle de certains territoires forestiers.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolution et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: Que l'article 1 de la loi 10 George VI, chapitre 25, remplacé par l'article 1 de la loi 12 George VI, chapitre 18, par l'article 1 de la loi 14-15 George VI, chapitre 24, par l'article 1 de la loi 15-16 George VI, chapitre 39, par l'article 1 de la loi 2-3 Elizabeth II, chapitre 47, et modifié par l'article 1 de la loi 5-6 Elizabeth II, chapitre 24, soit de nouveau modifié en y ajoutant, après le paragraphe 17 du deuxième alinéa, le paragraphe suivant:

"18. Ideal Pulp & Lumber Inc ... 300 milles carrés."

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté une résolution, laquelle est lue.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que cette résolution soit maintenant agréée.

Adopté, après division. La résolution relative au bill 44 est agréée.

Il est ordonné que ladite résolution soit renvoyée au comité plénier chargé d’étudier le bill 44 modifiant la loi pour prévoir une exploitation rationnelle de certains territoires forestiers.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 44 modifiant la loi pour prévoir une exploitation rationnelle de certains territoires forestiers soit maintenant lu une deuxième fois.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a quelques années, nous avons adopté une loi pour autoriser le gouvernement à accorder certaines concessions forestières, soit des droits de coupe, afin que nos forêts soient mises en valeur de la façon la plus avantageuse possible pour les différentes parties de la province2.

Certaines conditions ont été posées; l'exportation du bois hors de la province a été interdite si ce bois n'est pas ouvré au Québec; on a fixé un prix minimum de $500 par mille carré de terrain boisé concédé. Le présent bill ajoute à la liste des compagnies qui peuvent bénéficier de la loi mentionnée Ideal Pulp and Lumber Inc., qui aura un droit de coupe dans un domaine de 300 milles carrés.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Il s'agit de modifier une loi datant de 1946 et à laquelle le Parlement a apporté de multiples changements depuis 12 ans. En vertu de cette loi, le gouvernement procède par ententes particulières pour les concessions forestières. Nous nous sommes toujours opposés à cette manière d'agir. Nous y resterons opposés. Les libéraux voudraient que les autorités provinciales demandent des soumissions avant d'accorder des concessions.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a actuellement trois façons de procéder pour concéder un terrain boisé. La méthode usuelle consiste à annoncer dans la Gazette officielle que telle partie du domaine forestier va être accordée au plus offrant aux enchères. L'avantage, c'est qu'on fait ainsi de la publicité autour de l'affaire.

Mais cette publicité n'est pas aussi grande que celle qui entoure une loi du gouvernement, discutée par l'Assemblée législative, puis à la Chambre haute. De plus, la loi fixe un montant minimum; c'est un autre avantage. Il existe encore un autre inconvénient de procéder par enchères: on court le risque que les grosses sociétés qui ont de l'argent s'emparent de toutes les concessions forestières.

La troisième façon de procéder pour accorder une concession, c'est de faire des échanges.

En résumé, la loi modifiée par le bill actuel permet de faire une plus grande publicité, ainsi de faire une répartition plus équitable. On évite ainsi que les grosses compagnies américaines mettent la main sur tous les terrains boisés. C'est dans l'intérêt de la population de la province. Et cela rend service aux moulins à papier, à la disposition de qui on met des concessions plus proches et donc plus faciles à exploiter. Par exemple, la St. Lawrence Paper Co, qui devait couper du bois près de l'Île d'Anticosti.

Adopté, après division. Le bill est lu une deuxième fois

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté, après division.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)3

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas un million trois cent cinquante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service civil (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce) et l’honorable M. Cottingham (Argenteuil) échangent quelques questions et réponses en anglais.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (À voix basse, au ministre des Mines (l’honorable M. Cottingham) Parle français4.

L’honorable M. Cottingham (Argenteuil) poursuit ses remarques en français.

M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce): Le premier ministre fait preuve de bonté envers les minorités, lorsqu’il demande à un ministre de langue anglaise de répondre en français à une question qui lui est posée en anglais. Je suis étonné de son manque de courtoisie. Il sait bien, du reste, que mes connaissances en français sont restreintes. Sans doute, je puis me débrouiller en français, mais je saisis mieux l’anglais qui m’est plus familier que le français. J’ai fait mon possible pour apprendre le français, mais ce n’est pas très facile à mon âge. Cela m’étonne d’autant plus que les deux langues sont officielles dans cette Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les deux langues sont officielles dans la province de Québec et devant la Législature provinciale. C’est un fait qu’il faut affirmer une fois de plus. Puisque la majorité des députés sont de langue française, il serait plus courtois, je pense, que le ministre des Mines (l’honorable M. Cottingham) parle de façon à être bien compris par la majorité des députés.

M. Lafrance (Richmond): Il me semble que le premier ministre ne devrait pas obliger ses ministres à parler en français, lorsqu’ils répondent à un député de langue anglaise.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Le premier ministre insulte l’Assemblée. Je suis convaincu que tous les députés de cette Assemblée comprennent et le français et l’anglais. Quand le ministre répond en anglais et quand j’entends le premier ministre dire à son collègue des Mines de répondre en français, particulièrement quand il était en train de répondre à une question qui lui a été posée en anglais, il me semble qu’il y a là un manque de courtoisie à la fois à l’endroit du ministre concerné et des députés de langue anglaise de cette Assemblée.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): S'il y a un endroit au monde où la minorité est bien traitée, c'est bien dans la province de Québec. Elle donne, sous ce rapport, un exemple aux autres provinces. Nous sommes dans une Législature où les deux langues sont officielles, mais dont les membres sont en grande majorité de langue française. Alors, dans ces circonstances, la courtoisie exige que lorsqu’un député interroge en anglais, on lui réponde en anglais sans doute, mais qu'on donne aussi la réponse en français.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Dans ce cas-là, c’est très bien. Mais ce n’est pas le sens que j'avais d'abord donné à l'intervention du premier ministre5.

L’honorable M. Cottingham (Argenteuil): Je suis désolé d’avoir causé une tempête dans un verre d’eau. Je suis un protestant de langue anglaise, mais la population de mon comté est majoritairement de langue française et catholique. Elle est un exemple unique d’entente mutuelle.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les techniciens et les ingénieurs de langue française sont maintenant de plus en plus nombreux dans l'industrie minière de la province.

Dès 1936, la province a établi un système de bourses qui permet aux jeunes Canadiens français d’acquérir la compétence nécessaire pour participer de plain-pied au développement minier. À ce moment-là, nous n’avions même pas d’école supérieure pour la formation d’ingénieurs miniers et de géologues. Nous avons subséquemment établi une telle école à Québec, de sorte que notre jeunesse a maintenant des avantages que nous n’avons jamais connus dans le passé.

C’est ainsi que M. Jean-Paul Drolet occupe maintenant une situation de toute première importance (assistant du président) à la Québec Cartier Mining, et que le propre fils du sous-ministre des Mines, M. A.-O. Dufresne, exerce aussi des fonctions de grande responsabilité à la compagnie Iron Ore.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 2. Qu'un crédit n'excédant pas cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de voyage (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas soixante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de bureau (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas un million cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Aide à la recherche des mines (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Ajournement

M. l’Orateur prononce l’ajournement.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 14 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Voies et moyens:

Débat sur le budget 1958-1959 (suite)

Conformément à l’ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné mardi le 11 février courant, sur la motion du représentant de Sherbrooke (l’honorable M. Bourque) proposant que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil6.

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): On me permettra d'abord de présenter mes félicitations au nouveau ministre des Finances (l’honorable M. Bourque) qui, pour ses débuts dans cette Chambre à son nouveau poste, a fait un coup de maître.

Le chef de l'opposition, sans doute aiguillonné par certains événements récents7, a fait un effort oratoire considérable, mardi, pour tenter de détruire ou d'atténuer l'excellent effet produit par le discours du ministre des Finances. Parmi ces événements récents, je me permets de mentionner l'annonce faite dimanche dernier de la candidature de Me Paul Gérin-Lajoie à la direction du Parti libéral. Cet "homme d'État en guimauve" croit que les deux défaites qu'il a subies en moins d'un an dans le comté de Vaudreuil-Soulanges8 le qualifient d'emblée pour réapprendre au Parti libéral à gagner des élections!

D’autre part, ce monsieur Gérin-Lajoie est un économiste remarquable. Il a trouvé, paraît-il, la solution aux problèmes de l'agriculture qui, selon l'opposition, serait sur le point de rendre l'âme. Cette chose formidable qu'il a découverte et dont il a abondamment parlé dans sa dernière campagne électorale, c'est la culture des petits pois! Dimanche dernier, il a dû être fier d'apprendre que le gouvernement fédéral avait décrété un embargo sur l'importation des petits pois en conserve des États-Unis et que les petits pois canadiens étaient définitivement sur la voie!

Il a parlé dimanche dernier, des "élections à la Paul Sauvé". Je lui dirai que ces sortes d'élections se passent dans la légalité, le calme, l'ordre, qu'elles ne donnent aucune prise à des contestations d'élection et que, lorsqu'elles sont terminées... les petits pois sont mangés, ovatis!

Le tableau de cette prétendue anarchie fiscale, que nous a dressé le chef de l’opposition, est d’une inexactitude scandaleuse.

1. Depuis le 1er avril 1945, a dit le chef de l'opposition, le gouvernement actuel a dépensé $540,142,535 au-delà des budgets approuvés par l'Assemblée législative. Quelle est la vérité? La vérité, c'est qu'en dehors des mandats spéciaux, les montants dépensés par le gouvernement ont tous, sans exception, été approuvés dans le budget régulier ou dans les budgets supplémentaires. Les seules sommes prises hors du budget, qui représentent des montants négligeables, sont celles qui ont été approuvées par des Statuts spéciaux, qui pourvoient au paiement de dépenses imprévues en mettant certaines sommes à la disposition des différents ministères. Cette même procédure est adoptée dans d’autres parlements. Je constate qu'il y a contradiction flagrante entre les propos tenus à ce sujet par le chef de l'opposition et les reproches qu'il nous faits de ne pas verser d'octrois statutaires.

2. Le chef de l'opposition a accusé le gouvernement de dépenser, au cours d'une année fiscale, des sommes d'argent appartenant aux revenus de l'année suivante. Il a dit que ces sommes s'étaient élevées à $36,475,110 en 1956-1957. Le chef de l'opposition a probablement pris ce montant à la page 56 des Comptes publics à l'item "revenus différés". Un bref coup d’œil aux Comptes publics révèle que le gouvernement a fait exactement le contraire de ce qu'il a dit. Ces sommes sont perçues au cours des derniers mois d'un exercice financier et doivent être dépensées dans l'exercice suivant. C'est le cas, par exemple, pour les permis d'automobiles, vendus au début de l'année. Les $36,475,110 provenant principalement de la vente de ces permis ont bien été perçus en 1956-1957, mais ils devaient être utilisés seulement au cours de l’exercice financier commençant le 1er avril suivant. D’ailleurs, l’année suivante, le gouvernement a dépensé de l’argent destiné à l’exercice financier précédent.

3. Le chef de l'opposition a prétendu que nous avions, du 1er avril 1945 au 31 mars 1957, perçu $3,445,676,000 et dépensé $3,687,407,0009, ce qui laisserait un déficit total d'opérations de $241,731,262. La vérité, et la réalité, est la suivante: durant la période en question, les revenus ont été de $3,189,821,781 et les dépenses de $3,288,397,620, ce qui laisse un écart de seulement $98,575,839, duquel il faudra soustraire le surplus de l'année en cours, soit $1,332,010, ce qui ramène l'écart à $97,243,829. Mais cela ne tient pas compte du fonds d'amortissement, lequel est de $155,147,637, ce qui diminue notre dette d'autant.

Donc, loin d'avoir dépensé plus que ses revenus, le gouvernement a tout financé ses dépenses et il a versé des sommes très considérables dans le fonds d'amortissement.

4. Le chef de l’opposition a fait l’affirmation gratuite selon laquelle le gouvernement aurait émis, l'année des élections, en 1956-1957, des bons du Trésor pour une somme de $240,750,000, et il aurait emprunté $21,000,000 d'Hydro-Québec et $3,000,000 de la Commission des accidents du travail, tout cela, pour se maintenir au pouvoir. Le chef de l'opposition a oublié dans son total qu'il y a des renouvellements dans ces bons du Trésor. Il me fait penser à l'homme qui emprunte $1,000 à la banque, qui vient renouveler son billet à la fin du mois et qui s'imagine qu'il doit alors $2,000! Je me souviens que, dans le discours qu'il a prononcé à Ottawa sur le budget, le chef de l'opposition avait déclaré qu'il ne parlerait pas de finances, parce qu'il ne s'y entendait pas. Je me demande si, avec l'âge, il a oublié la discrétion dont il faisait alors preuve!

Le plus grand total des bons du Trésor que nous ayons eu en 1956-1957, pour l’année des élections, c'est $82,750,00010 et ce montant fut atteint précisément le 13 décembre, soit pendant le mois où la perception des taxes est la plus lente. Chacun sait que, pour tous les gouvernements, c'est la même chose: il y a des périodes où les taxes entrent bien, et d'autres, où c'est lent. Et j'ajoute ce que le chef de l’opposition a oublié de dire, que cette somme de $82,780,000 a été entièrement remboursée à même nos revenus courants, entre le 28 décembre 1956 et le 29 mai 195711, sauf une portion de $4,000,000, remboursée, elle, le 15 avril, à même nos revenus encore.

Quant aux placements faits par Hydro-Québec et la Commission des accidents du travail, ce que n’a pas dit le chef de l’opposition, c’est que ces organismes ont temporairement, à certaines périodes de l’année, des fonds supplémentaires à placer et qu'ils transigent généralement avec les compagnies de fiducie. Il y a à cela un inconvénient grave, c'est qu'il ne leur est pas toujours facile d'obtenir l'argent dont ils ont besoin quand arrivent des périodes de grosses dépenses. Au lieu d’investir l’argent dans des compagnies de fiducie, ils ont placé des fonds dans le Trésor provincial à des taux d’intérêts de base, et nous avons organisé les remboursements selon des périodes qui coïncident avec les besoins de ces commissions. L'intérêt payé est excellent et toutes les parties sont amplement satisfaites.

5. Autre accusation du chef de l'opposition: il y aurait, dans les Comptes publics, une somme de $47,000,000 pour laquelle il n'y a aucune information. Ce n'est pas la première fois que l'on discute de cela. Ces critiques sont totalement injustifiées. S'il fallait que nous placions tous les petits comptes dans les Comptes publics, nous imprimerions à grands frais de véritables dictionnaires. Tous les gouvernements du Canada groupent ainsi leurs petites dépenses. D'ailleurs, nous faisons plus que l'Ontario et que le gouvernement fédéral dans ce domaine.

Il donne le tableau suivant des dépenses qui apparaissent dans divers Comptes publics. (Voir le tableau ci-dessous)

Dépenses qui apparaissent dans divers Comptes publics
Gouvernement Salaires au-dessus de Dépenses de voyages au-dessus de Fournisseurs au-dessus de
Québec $1,500 $400 $1,000
Ontario $3,600 $600 $1,500
Ottawa $5,000 $500 $5,000

Québec a dressé une liste de toutes les dépenses excédant $1,000 et, dans certains cas, des dépenses de plus de $100. À Ottawa, on ne donne aucun détail sur les salaires ou les achats de moins de $5,000, non plus que pour les dépenses de voyage de moins de $500.

6. Le chef de l'opposition s'est aussi demandé pour quelle raison le service de la dette augmente, si c'est vrai que notre dette diminue. Les dépenses liées à la dette comprennent le paiement d’intérêts et les versements pour grossir le fonds d’amortissement. Or, réellement, la dette nette a diminué de $60,373,885, du 31 mars 1945 au 31 mars 1957. Pourquoi le service de la dette augmente-t-il? Parce que, par une loi qui nous a permis de récupérer 2 sous sur chaque gallon d’essence12, nous avons payé une partie d'un programme de voirie, nous avons payé le service de deux emprunts, et le résidu doit être versé dans le fonds d'amortissement. Donc, pendant que notre dette diminue, notre fonds d'amortissement augmente, de même que notre service de la dette. Ainsi, $16,625,000 prélevés sur les revenus ordinaires de la province sont allés grossir ce fonds au cours d’une seule année.

Ce qui est vrai, c'est que, depuis 1945-1947, la province de Québec a fait des dépenses d'équipement qui augmentent l'actif permanent de l'État provincial et qui atteignaient, au 31 mars 1958, $727,000,000. Elles ont été payées en très grande partie à même les revenus ordinaires de la province. La province de Québec est la seule à payer ainsi à peu près toutes ses immobilisations. Ce qui est vrai, c'est que le gouvernement du Québec a placé $16,625,000 au fonds d'amortissement, augmentant d'autant l'actif de la province.

Ce qui est vrai, c'est que les argents consacrés à l'Instruction publique sont montés de $9,898,000, en 1945-1946, à $87,000,000, en 1958-1959. En 1958-1959, l’ensemble des ministères dépenseront un grand total de $116,358,000 pour l’enseignement13. Ce qui est vrai, c'est que c’est le pourcentage le plus élevé consacré à l'éducation, comparativement au revenu, que dans n'importe quelle autre province.

Ce qui est vrai, c'est qu'entre le 1er juillet 1955 et le 13 février 1958, le gouvernement n'a pas émis d’obligations, sauf pour emprunter $25,000,000, dont une partie a servi à payer les avances au crédit agricole. Pas un seul autre gouvernement ne peut se vanter d'avoir si peu emprunté.

Ce qui est vrai, c'est qu'au 31 mars 1957, la dette nette consolidée de l'Ontario était de $987,042,600, alors qu'elle était de $355,101,668 dans la province de Québec. Malgré que la population de l'Ontario dépasse de un cinquième celle du Québec, notre province doit être fière d'avoir gardé sa dette nette à un niveau aussi bas.

Ce qui est vrai, c'est que, du 31 mars 1945 à cette année, la dette nette du Québec a été réduite de $308,000,000 à $247,869,251, soit d'une somme nette de $60,373,88514. Ce qui est vrai, c'est qu'à la suite de cette diminution de la dette nette, la dette per capita du Québec est passée de $86.58, en 1945, à $52.46, en 1957, soit une réduction de $34.12. En fait, c'est la dette par tête la plus basse de toutes les provinces du Canada.

On croirait, à entendre l’opposition, que Québec est au bord de la ruine. Mais lorsqu’on examine les chiffres officiels, on constate que la situation financière de la province est meilleure que partout ailleurs au pays. Tous les contribuables de la province de Québec ont le droit d'en être satisfaits.

Je veux relever certaines affirmations qui ont été faites durant ce débat sur le budget. L’opposition parle toujours de ce qui se fait ailleurs et ferme les yeux sur ce qui se fait dans la province de Québec. On a dit, notamment, du côté de nos amis d’en face, que l'agriculture est en train de mourir dans la province de Québec. J'ai relevé quelques chiffres à ce sujet.

Récemment, j'avais le plaisir d'assister au congrès des producteurs de lait à Montréal, et j'y ai constaté que, loin de mourir, l'agriculture chez nous est plus vivante que jamais. L’industrie laitière, qui est la base même de l'agriculture chez nous, a augmenté de 26 % dans le Québec, de 1947 à 1956, alors qu'elle n'augmentait que de 7 % dans tout le pays pour la même période15. Au cours de ce congrès, des spécialistes canadiens m’ont dit qu'en 1958, la province de Québec occupait indiscutablement la première place dans l'industrie laitière du Canada. Il n'y a que l'opposition qui voit tout mourir dans la province de Québec, et ce sont les gens des autres provinces qui viennent nous dire qu'en agriculture, nous occupons la première place au Canada.

De plus, en prenant pour base la période 1935-1939, l’indice du volume physique de notre production agricole, qui était de 100 % en 1939, était monté en 1956, d’après les statistiques fédérales, à 147 % en 1956, dans le Québec, alors qu'il n'avait augmenté que de 100 % à 132 % en Ontario. Québec avait donc une avance de 15 % sur la province voisine. Durant la même période, l’indice des prix des produits agricoles a plus augmenté dans la province de Québec que dans le Canada. En 1957, dans tout le pays, l'indice de ces prix était monté de 100 % à 226.8 %, dans Ontario, de 100 à 254.5 %, et dans Québec, de 100 à 263.8 %. Si nous produisons davantage et si les prix montent davantage dans le Québec, comment peut-on prétendre que l’agriculture se meurt chez nous? En face de tous ces résultats, comment peut-on expliquer les déclarations de l'opposition par autre chose que par son désir de dénigrer la province de Québec?

La province de Québec n'avait, en 1946, lorsque mon ministère a été fondé, que quatre petites écoles techniques, mal foutues, mal équipées, logées dans des locaux inadéquats et quelques écoles professionnelles mal organisées. Aujourd'hui, elle a neuf grandes écoles techniques qui, par une loi récente, sont devenues des Instituts de technologie16, neuf instituts additionnels où l’on enseigne des techniques spécialisées; elle a 40 écoles de métiers, dont 22 ont des sections du cours technique, placées aux endroits stratégiques dans la province, pour décentraliser cet enseignement et le mettre à la portée du plus grand nombre. Pour cet enseignement spécialisé, le gouvernement a dépensé, à date, un capital de $84,315,000. Dans ces écoles, on enseigne 180 techniques différentes couvrant tous les secteurs de l'industrie québécoise. Le gouvernement a également distribué 85,000 bourses d'études, au coût de $14,000,000. Les résultats de cette vivifiante initiative se font sentir tous les jours, alors que des milliers d’étudiants gradués déferlent vers les industries, et pour des postes bien payés.

J'ai entendu le chef de l'opposition dire l'autre jour que le gouvernement vit dans la fantasmagorie, qu'il s'imagine que tout est plus beau dans le Québec qu'ailleurs, bien qu'il n'ait certainement pas fait le tour des autres pays pour voir ce qui s'y passe. En ce qui concerne l'enseignement spécialisé, il n'est pas du tout nécessaire de se déplacer pour aller voir ce qui se fait ailleurs: c'est le reste du monde qui vient se renseigner dans la province de Québec parce que, de l'assentiment général, c'est ici que se trouvent les plus belles réalisations. Je pourrais vous citer là-dessus des témoignages reçus des quatre coins du globe. J'en prendrai quelques-uns au hasard car, pour les mentionner tous, il me faudrait des heures et des heures.

Il donne lecture à la Chambre des opinions exprimées par des industriels et des spécialistes venus du Mexique, de l'Irlande, de l'Union Sud-Africaine, de la France, de la Birmanie, de Formose, de la Hollande, de l'Indonésie, des États-Unis et d'ailleurs. Après avoir visité nos grandes écoles de formation professionnelle, affirme-t-il, ces gens disent qu'il n'existe rien de comparable dans les autres provinces du Canada, ni en Europe, ni même sur l'ensemble du continent nord-américain à ce qui se fait dans la province de Québec dans le domaine de l’enseignement spécialisé.

Il en appelle au témoignage du gouvernement fédéral lui-même qui, dit-il, a dressé, en 1957, des statistiques des principales institutions d'enseignement spécialisé du pays. Sur un total de 23 écoles canadiennes classées au niveau des instituts de technologie, 12 sont situées dans la province de Québec. Des techniciens de France, des États-Unis, du Mexique, de la Roumanie, de Pologne, de Grèce, d'Argentine, du Pérou, d'Haïti, d'Indonésie, d'Espagne, des Indes occidentales britanniques, des Indes, du Pakistan, du Vietnam et de plusieurs autres pays viennent se perfectionner en suivant des cours dans la province de Québec. Ce matin même, trois étudiants du Cambodge sont arrivés ici pour joindre les rangs de nos instituts de technologie. Nous sommes en droit d’être fiers de ces réalisations.

Puis, le chef de l'opposition prétend que nous vivons dans la fantasmagorie? Non pas. L’opposition est tellement biaisée dans ses points de vue qu’elle interprète les déclarations de progrès du gouvernement comme des fantasmagories sorties de l’esprit des fonctionnaires du gouvernement. Il y a ici des réalisations tellement brillantes qu'elles peuvent paraître de la fantasmagorie pour les gens qui veulent absolument fermer les yeux sur nos progrès et nier l'évidence.

(Applaudissements à droite)

M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce)17 rend hommage à l’honorable Onésime Gagnon, assermenté le matin même comme lieutenant-gouverneur de la province.

Relativement au rapport financier de 1956-1957, dit-il, le revenu brut de la province fut de $495,755,887.16 contre une dépense nette de $442,728,890.74, laissant un déficit considérable, dans une année où le gouvernement a obtenu des revenus approximatifs de $500,000,000. Le gouvernement est devenu fou et s’est lancé dans une orgie de dépenses, malgré une augmentation de revenus de $67,000,000. Il dépense l'argent avec une telle rapidité qu'il lui a fallu emprunter aux banques, aux bons du Trésor, $240,750,000 et $24,000,000 de l'Hydro-Québec et de la Commission des accidents du travail.

De 1945 à 1956-1957, le gouvernement a dépensé une somme globale de $535,000,000 de plus que les crédits votés par la Chambre. Si le gouvernement de l’Union nationale dépensait l’argent du peuple avec soin et qu’il s’en tenait aux montants votés par l’Assemblée législative, le contribuable aurait joui d’une année fiscale 1958-1959 sans impôts, plutôt que de verser $506,000,000 dans les coffres du gouvernement.

Pour la première fois cette année, depuis l’arrivée de l’Union nationale au pouvoir en 1944, le ministre des Finances (l’honorable M. Bourque) n’a pas eu un reproche à faire à propos de l’éternelle question des politiques d’imposition du gouvernement fédéral, dans le discours sur le budget de vendredi dernier. Il y a certainement une raison qui explique le changement d’attitude de Québec vis-à-vis d’Ottawa. Se pourrait-il que ce soit parce que le gouvernement de l’Union nationale a besoin d’argent cette année pour équilibrer son budget et que les $36,000,000 en paiements de péréquation, que lui tend le gouvernement fédéral comme une branche d’olivier, auraient eu l’effet d’un calmant sur l’administration de l’Union nationale? Ce gouvernement aurait-il enfin compris que Québec peut recevoir de l’argent d’Ottawa, sans crainte pour son autonomie?

L’administration provinciale devrait accepter un autre calmant en s’en remettant à Ottawa pour la perception de son propre impôt provincial sur le revenu des particuliers. La province de Québec est la seule de toutes les provinces à imposer le revenu à ses citoyens. La perception de cet impôt coûte $2,000,000 par année à la province. Les montants ainsi épargnés pourraient servir à l’éducation.

Le gouvernement de l’Union nationale ne participe toujours pas au projet de la route transcanadienne, dont les gouvernements des provinces et Ottawa assument le coût. L’Union nationale ne pourrait-elle pas prendre un troisième calmant et joindre cette entente avec le gouvernement fédéral? Pourquoi le gouvernement provincial ne pourrait-il pas recevoir $36,000,000, qui proviendraient de la construction de la route transcanadienne par une entente avec Ottawa? En le faisant, les autres provinces n’ont pas pour autant perdu leur autonomie. Québec fera bon usage de cet argent et l’autonomie provinciale ne sera pas plus violée que dans le cas de l’acceptation des paiements de péréquation.

Car Québec devrait consacrer des montants beaucoup plus considérables à sa voirie. La province de Québec est en retard sur Ontario. En 1956-1957, l'Ontario a dépensé $203,000,000. Pour l’année financière 1956-1957, la province de Québec n’aura consacré que $100,000,000 à la construction de routes, alors que les revenus provenant de la taxe sur l’essence et des licences de véhicules automobiles s’élevaient à $109,000,000. Ce montant de $100,000,000 dépensé pour la voirie représentait 23 % du budget.

En 1957-1958, c’est-à-dire durant l’année en cours, le gouvernement dépensera $104,045,000 pour les routes, soit seulement 20.5 % de son budget. Et les prévisions budgétaires de 1958-1959 sont encore plus décevantes, puisqu’on se propose de ne consacrer que $91,000,000, ou 18 % du budget à cette fin. Ce qui veut dire que l'automobiliste québécois reçoit moins pour son argent que son voisin ontarien.

Le pourcentage du budget consacré à la voirie était pourtant de 35 % en 1930. Il est incompréhensible qu’il continue de baisser, alors que le nombre des véhicules augmente d’environ 10,000 par année, et que le pauvre état de nos routes est à l’origine de notre record peu enviable de sécurité. En effet, le taux des morts par 10,000 autos est plus élevé dans le Québec que dans toutes les autres provinces. Ce qui explique d’ailleurs le taux plus élevé chez nous de l’assurance-automobile. Le gouvernement devrait plutôt imiter une province sœur, l’Ontario, qui projette de consacrer 36 % de son budget en 1958-1959 à la voirie.

Il cite une liste des taxes que paient les Québécois et que ne paient pas les citoyens des autres provinces: taxe sur le revenu, sur les liqueurs, pour le chômage, sur le tabac, sur les repas, sur les ventes au détail.

Il reproche au gouvernement d'avoir réduit cette année de $13,000,000 à $10,000,000 son aide financière aux universités et le presse de maintenir à un niveau constant les subsides aux universités, de sorte qu’elles puissent projeter leurs dépenses avec un certain degré de certitude. Il reprend la suggestion formulée à la Conférence provinciale sur l’éducation18 à l’effet, dit-il, que le gouvernement de Québec devrait accepter sa part des $50,000,000 du fonds fédéral d’aide aux universités. Une telle acceptation ne porterait en aucune façon atteinte à l’autonomie de la province.

M. Bertrand (Missisquoi) propose, appuyé par le représentant de Champlain (M. Bellemare), que le débat soit de nouveau ajourné.

Adopté.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)19

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas cent cinquante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Villages miniers (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas soixante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Bourses d'études (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas quinze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Drainage de tourbières (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Postes de sauvetage (Mines)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté quatre résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Ajournement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre, lorsqu’elle s’ajournera, se trouve ajournée à lundi prochain, à 3 heures de l’après-midi20.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. Il s’agit de la première cérémonie de sanction du nouveau lieutenant-gouverneur Onésime Gagnon, ex-ministre des Finances du cabinet Duplessis, assermenté le matin même comme représentant de la reine au Québec.

2. Le premier ministre pense à la loi pour prévoir une exploitation rationnelle de certains territoires forestiers, le bill 60 à l’époque, sanctionnée le 17 avril 1946 (10 George VI, chapitre 25).

3. Les sources ne confirment pas que M. Johnson occupe la fonction de président du comité des subsides, mais nous supposons qu’il la remplit, puisqu’il préside tous les autres comités pléniers de la séance.

4. Selon la version de la Presse Canadienne, rapportée notamment dans La Voix de l’Est du 15 février 1958, à la page 3, le premier ministre aurait plutôt prononcé ces paroles d’un ton "pas mal fort". Le Devoir du 15 février 1958, à la page 1, raconte que, depuis deux semaines, le premier ministre insiste pour que ses ministres répondent en français aux questions posées en anglais par les trois députés anglophones de l’opposition, messieurs Hyde, Earl et Brown. Ces deux derniers, note d’ailleurs Le Nouvelliste du 17 février 1958, à la page 4, "ne parlent et ne comprennent pratiquement pas le français". Le premier ministre, donc, a d’abord prié le ministre des Pêcheries (l’honorable M. Pouliot), puis le secrétaire et registraire (l’honorable M. Prévost) de s’exprimer en français à la suite de questions formulées en anglais, et ce, après que les ministres aient commencé à répondre en anglais. Le jeudi précédent, le premier ministre a dû s’y prendre "au moins une douzaine de fois" avant que le ministre du Bien-être social et de la Jeunesse (l’honorable M. Sauvé), parfait bilingue, ne cède à son tour et passe de l’anglais au français. Lorsqu’on fait face aux tribunes, selon le diagramme de la Chambre établi avant le départ de l’ex-ministre des Finances, Onésime Gagnon, M. Cottingham siège immédiatement à droite du fauteuil de l’Orateur. Trois pupitres le séparent de son chef. Notons en outre qu’il est le seul ministre de langue anglaise du cabinet Duplessis. La Presse du 14 février 1958, à la page 10, ajoute que l’Assemblée législative compte, en 1958, six députés de langue anglaise et 87 députés francophones.

5.   Dans la suite de la discussion, indique le Montréal-Matin du 15 février 1958, à la page 7, le ministre Cottingham répond d’abord en anglais à M. Earl, qui continue de poser ses questions dans cette langue, puis reprend la substance de ses interventions en français.

6. À la séance du 11 février, c’est le député de Wolfe (M. Vachon) qui a ajourné le débat sur cette motion. M. Vachon devrait donc amorcer le débat ce jour-là. Or, les sources ne rapportent aucune intervention du député de Wolfe.

7. Outre l’annonce de la candidature au poste de chef du Parti libéral du Québec de Paul Gérin-Lajoie, qu’il évoque plus loin, le ministre Sauvé songe sans doute aussi au report du congrès plénier de ce même parti, qui était, jusqu’au 12 février, prévu pour les 21 et 22 mars, mais qui a été reporté au 30 et 31 mai.

8. Défait par le candidat unioniste Joseph-Edouard Jeannotte aux élections générales du 20 juin 1956, Paul Gérin-Lajoie a également perdu l’élection partielle du 18 septembre 1957, cette fois contre le député actuel Loyola Schmidt.

9. Les montants exacts, tel que cités par le chef de l’opposition dans son discours en réplique au discours du budget, sont respectivement $3,445,676,092 et $3,687,407,354.

10. Le Soleil du 15 février, à la page 6, se contredit en affirmant plus loin que ce montant est plutôt de $82,780,000.

11. Le 15 février 1958, L’Événement, à la page 14, et The Quebec Chronicle Telegraph, à la page 3, font plutôt état de la date du 29 mars. The Gazette, à la page 1, écrit aussi que les sommes mentionnées par le ministre Sauvé étaient remboursées à la fin du mois de mars. L’Action catholique, à la page 3, La Presse, à la page 34, et Le Devoir, à la page 3, proposent une version similaire à celle du Soleil (notre source), version justifiée par la suite de la phrase du ministre Sauvé.

12. La loi concernant un système routier approprié aux besoins de la province (bill 8), a reçu sa sanction royale le 16 novembre 1950 (14-15 George VI, chapitre 15).

13. Le Temps du 19 février 1958, à la page 7, avance le montant de $115,358,000. Le 15 février 1958, La Presse, à la page 34, Le Devoir, à la page 16 et L’Événement, à la page 14, soumettent toutefois un chiffre identique à celui du Soleil, notre source.

14. Le Temps du 19 février 1958, à la page 7, cite plutôt le chiffre de $50,373,885 et La Presse du 14 février 1958, à la page 34, celui de $60,375,885. Dans les faits, la soustraction des deux montants donne comme résultat la somme de $60,130,749.

15. The Quebec Chronicle Telegraph du 15 février 1958, à la page 3, déclare que c’est à l’Ontario que s’applique ce pourcentage de 7 %. L’Action catholique du 15 février 1958, à la page 3, et le Montréal-Matin du 17 février 1958, à la page 11, comme Le Soleil (notre source), l’attribuent à l’augmentation de la production laitière dans le reste du Canada.

16. Cette loi, le bill 32, a reçu sa sanction royale le matin même.

17. Selon la procédure, M. Earl ne bénéficierait pas du droit d’intervenir à la suite du ministre Sauvé. Selon Le Soleil du 12 février 1958, à la page 6, qui a été le seul journal à rapporter cette intervention, le député de Notre-Dame-de-Grâce s’est exprimé sur la motion qui fait l’objet du débat, lors de la séance du 11 février. Peut-être n’a-t-il pas eu le temps de compléter son intervention ce jour-là ou peut-être n’a-t-il pas épuisé à ce moment le temps réglementaire de son droit de parole. Quoi qu’il en soit, toutes les sources, à l’exception du Devoir et de La Tribune, déclarent que M. Earl a pris la parole en Chambre au cours de la présente séance et lui font tenir des propos différents de ceux publiés par Le Soleil du 12 février. Seule L’Action catholique du 15 février 1958, à la page 6, reprend les propos tenus par le député de Notre-Dame-de-Grâce, le 11 février.

18. Cette conférence s’est déroulée les vendredi, samedi et dimanche, 7, 8 et 9 février précédents, sous la présidence d’Esdras Minville, directeur de l’École des hautes études commerciales. Elle rassemblait divers experts et travailleurs du milieu de l’éducation ainsi que des politiciens, comme les ministres Prévost et Sauvé.

19. De nouveau, les sources ne confirment pas que le député de Bagot exerce les fonctions de président du comité des subsides. Nous pensons toutefois qu’il agit bel et bien à titre de président, puisqu’il jouait ce rôle au cours de la séance du matin.

20. Les députés siégeront pour la première fois un lundi, au cours de la présente session.