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Version finale

26e législature, 2e session
(10 novembre 1960 au 10 juin 1961)

Le vendredi 2 juin 1961

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du vendredi 2 juin 1961

Présidence de l’honorable L. Cliche

La séance est ouverte à 11 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Compagnie de Jésus

M. Lavoie (Laval) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 242 concernant la Compagnie de Jésus.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

 

Questions et réponses orales:

Octroi à Saint-Louis-de-France

M. Bellemare (Champlain): Le gouvernement a-t-il accordé un octroi à la municipalité pour effectuer des travaux pour la protection contre l’incendie effectué dans la municipalité de Saint-Louis-de-France?

L’honorable M. Cournoyer (Richelieu) promet de s'informer. Le gouvernement de la province, dit-il, attend que les travaux de protection contre les incendies entrepris par la corporation municipale de la paroisse de Saint-Louis-de-France, dans le comté de Champlain, soient terminés et que la subvention pour les travaux remédiateurs au chômage, en rapport avec ces travaux, soit établie avant d'étudier la possibilité d'octroyer cette corporation sur la partie des travaux admissibles en vertu de loi.

 

Questions et réponses écrites:

Maurice Déchêne

M. Gabias (Trois-Rivières): 1. Depuis le 5 juillet 1960 M. Maurice Déchêne, de la cité de Québec, est-il à l’emploi du département du procureur général?

2. Dans l’affirmative:

a) quelle est la date de son engagement?

b) quelle est la nature de ses fonctions?

c) quel est son salaire initial?

d) quel est son salaire actuel?

e) a-t-il été engagé à la suite d’examens devant la Commission du service civil?

3. Avant la date ci-haut mentionnée, ledit M. Déchêne avait-il déjà fait partie de la Sûreté provinciale de Québec?

4. Dans l’affirmative, pour quelle raison a-t-il été destitué?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): 1. Oui.

2. a) Le 1er septembre 1960;

b) officier spécial au département du procureur général;

c) $8,000 par année;

d) $8,000 par année;

e) Non, vu qu’il s’agissait d’un réengagement et qu’il avait les qualifications requises, étant donné ses nombreuses années de service à la Sûreté provinciale.

3. Oui.

4. Raison véritable inconnue.

Locaux de la Sûreté provinciale à Shawinigan

M. Gabias (Trois-Rivières): 1. À Shawinigan, comté Saint-Maurice, la Sûreté provinciale a-t-elle changé de locaux?

2. Dans l’affirmative:

a) quelle était la superficie de plancher des anciens locaux?

b) quelle est la superficie de plancher des nouveaux locaux?

c) quel était l’ancien locateur et l’endroit occupé?

d) quel est le nouveau locateur et la nouvelle adresse?

e) quel était l’ancien prix du loyer?

f)   quel est le prix actuel et la durée du nouveau bail?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): 1. Oui, à la suite d’un avis d’éviction de la part de la corporation municipale de Shawinigan Falls.

2. a) Environ 180 pieds carrés;

b) 1,363 pieds carrés;

c) la corporation municipale de Shawinigan Falls. À l’Hôtel de ville de Shawinigan Falls;

d)   MM. Georges Bergeron et Armand Bergeron. Situé à Shawinigan, angle de la 4e Rue et de la rue de la Station, et portant le numéro 403, rue de la Station, avec entrée secondaire à 804, 4e Rue;

e) $240 par année;

f)   $3,000 par année pour une période de trois ans du 1er janvier 1961 au 31 décembre 1963.

Local de la Régie des alcools à Québec

M. Cloutier (Québec-Centre): 1.  La Régie des alcools du Québec a-t-elle loué un édifice sur le boulevard Charest, dans la cité de Québec, pour y loger un de ses magasins?

2. Dans l’affirmative:

a) quel est le nom du locateur?

b) quel est le prix du loyer?

c) quelles sont les conditions et la durée du bail?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): 1. Oui.

2. a) Maupol Service, Inc.;

b) $11,500 par année;

c) local aménagé à la charge du locateur selon les plans et devis de la Régie. Bail de cinq ans avec privilège de renouveler pour une période de dix ans aux mêmes conditions.

 

Projets de loi:

Concessions forestières

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 93 autorisant l’expropriation de certaines concessions forestières dans la Gaspésie.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose: 1.  Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra autoriser le ministre des Terres et Forêts à acquérir, par voie d’échange ou d’expropriation, chacune des concessions forestières décrites aux annexes A, B, C de la loi qui sera basée sur les présentes résolutions.

Adopté.

2. Que l’acquisition par échange, en vertu de la ladite loi, sera soumise aux conditions suivantes:

a) en retour des concessions sous forme de permis de coupe renouvelables, de tels permis pourront être accordés avec le même effet que s’ils résultaient d’une vente à l’enchère faite en vertu de l’article 98 de la loi des terres et forêts (Statuts refondus, 1941, chapitre 93), sur une étendue de valeur égale à celle faisant l’objet des concessions expropriées, sans jamais dépasser une fois et demie leur superficie;

b) en retour des concessions en pleine propriété, de semblables concessions de valeur égale et de même superficie pourront être accordées, ou des concessions par permis de coupe renouvelables de valeur égale et n’ayant pas pour objet une superficie de plus du double de celles expropriées;

c) le concessionnaire sera tenu de faire délimiter, à ses frais, par un arpenteur-géomètre, conformément aux instructions à être émises par le ministre des Terres et Forêts, les terres reçues en échange, et cela, avant d’y faire aucune coupe et dans les deux ans de la date de l’échange.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté deux résolutions, lesquelles sont lues.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose que ces résolutions soient maintenant agréées.

Adopté, après division.

Il est ordonné que lesdites résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d’étudier le bill 93 autorisant l’expropriation de certaines concessions forestières dans la Gaspésie.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 93 autorisant l’expropriation de certaines concessions forestières dans la Gaspésie soit maintenant lu une deuxième fois.

La présentation du bill 93 indique clairement que le présent gouvernement est déterminé à procéder le plus rapidement possible à la redistribution des concessions forestières dans la province de Québec. Les limites se trouvent dans les comtés de Roberval, Matapédia, Gaspé-sud et Gaspé-nord. Ceux qui en profiteront le plus seront l’usine Canadian International Paper (C.I.P.), à La Tuque, et l’usine Gaspésia, à Chandler. Si elles sont expropriées, les entreprises doivent recevoir les limites de la même valeur et un secteur d’un maximum de 50 % plus grand.

Il critique la façon dont les concessions forestières ont été accordées sous les gouvernements précédents.

Depuis plusieurs années, dit-il, plusieurs régions de la province souffrent économiquement d’une mauvaise distribution des richesses naturelles, distribution faite au petit bonheur dans le passé, sans discernement et sans plan d’ensemble qui aurait tenu compte des besoins présents et futurs des diverses industries et des besoins économiques des régions rurales. Ces régions rurales ont été maintenues dans un état de stagnation.

On aurait traité certaines entreprises avec trop de prodigalité. À cause de cela, certaines de nos industries de pâtes et papiers n'ont pas suffisamment de bois pour assurer le développement normal de leurs usines ou sont forcées de se procurer cette matière première à des distances trop considérables, ce qui augmente de façon inutile les coûts de production, parce que les réserves situées à proximité étaient concédées à d'autres établissements. Des centaines de moulins de sciage réclament à grands cris des concessions forestières suffisantes pour assurer la survie de leurs entreprises, la stabilité et la continuité de leurs approvisionnements de bois.

Le rendement insuffisant de l'agriculture en certaines régions et la rareté du bois sur les terrains privés font qu'un grand nombre de nos paroisses agricoles ont un revenu nettement insuffisant et réclament à leur tour la création de réserves forestières paroissiales pour suppléer aux revenus des cultivateurs, des colons qui auraient ainsi accès à la forêt. La redistribution des concessions forestières se fera de façon à assurer un approvisionnement plus équitable de bois aux diverses industries.

Le problème est complexe. Le gouvernement respecte la liberté d’entreprise et croit en la sainteté des contrats et des droits acquis. Mais lorsque certains de ces droits équivalent à la paralysie économique de certaines régions et au maintien dans une injuste pauvreté de plusieurs concitoyens parce que certains concessionnaires forestiers s’assoient littéralement sur d’immenses étendues des forêts du Québec et en empêchent ainsi le développement au bénéfice de la population, dans ce cas, c’est le devoir du gouvernement d’intervenir pour rappeler aux détenteurs des richesses forestières que, s’ils ont des droits, ils ont également des devoirs à remplir envers la population d’une province qui, dans le passé, les a servis avec autant de générosité que de largesses. Les changements visent à fournir du bois là où il y a actuellement une demande près des limites appartenant aux firmes qui ne les utilisent pas présentement.

Il rappelle le grand intérêt que porte le premier ministre et son gouvernement à la conservation de nos richesses naturelles, pour assurer le bien-être de la population par la restauration et la conservation des forêts. Pour atteindre ce but, dit-il, son département procède non seulement au sarclage des forêts, mais également à la plantation de millions d’arbres pour aider au reboisement; il procède également à la construction de chemins d’accès en forêt pour rendre accessibles d’immenses terrains boisés dont le bois, rendu à maturité, est menacé de périr sans profit pour personne.

Après ces mesures préliminaires, le gouvernement en est rendu à la redistribution des concessions forestières. La politique gouvernementale en cette matière sera révisée complètement, de façon à l’orienter vers une utilisation plus rationnelle de la forêt.

Ce n’est pas un problème qui sera réglé du jour au lendemain, car le gouvernement ne peut pas corriger en quelques mois les erreurs commises pendant les 10 ou 12 dernières années dans ce domaine. C'est la situation que les autorités provinciales veulent corriger. Le gouvernement est en train de restaurer l’ordre économique dans un champ où des actions chaotiques et désordonnées régnaient avant.

Le temps du laisser-faire est passé et le bill 93 représente un grand pas dans la voie de la réparation de ces erreurs. Il nous faut faciliter la consolidation de l'industrie et son expansion ainsi que veiller à ce que nos richesses forestières soient exploitées au bénéfice de la population. C'est le programme qu’il s'est donné et qui se traduira par un plan d’ensemble basé sur des études économiques sur lesquelles le Conseil d’orientation économique du Québec sera appelé à se prononcer.

M. Bertrand (Missisquoi): Le nouveau ministre des Terres et Forêts n'innove en rien et suit seulement la ligne de conduite tracée par ses prédécesseurs. Le bill 93 n’est que la répétition, sous une forme dont le principe est inacceptable, des actes posés par le Parlement de Québec depuis 1946. Il y a 15 ans, le gouvernement de l'Union nationale instaurait une politique de conservation qu'il a continuée subséquemment. Il y a un homme qui fut député de Trois-Rivières pendant 32 ans et qui connaissait bien le problème, parce qu'il habitait dans la ville reconnue comme la capitale mondiale de la production du papier journal. Dès 1946, M. Duplessis a fait adopter une loi pour la redistribution des concessions forestières.

Il y a donc 15 ans que nous pratiquons une politique d'exploitation rationnelle des forêts dans la province et d'expropriation de certains territoires forestiers, afin d'aider à stabiliser la petite industrie; et le ministre actuel n’est au courant de rien. Il a fait des déclarations pour accuser l’ancien gouvernement d’avoir vendu nos richesses naturelles pour un plat de lentilles. Il y a eu également plusieurs autres lois pour assurer une exploitation rationnelle de nos forêts au cours des années qui ont suivi.

Cette politique de conservation n'est pas nouvelle, aujourd’hui. Tout ce qui est nouveau, c’est d’entendrel’actuel ministre des Terres et Forêts se pourfendre de grandes déclarations, pour tenter de faire croire à des changements profonds dans l’administration du ministère des Terres et Forêts. La population du Québec sait bien, cependant, quels sont ceux qui ont travaillé à la conservation de notre immense domaine forestier.

Adopté, après division. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)

L’article 1 est adopté.

Le comité étudie le premier paragraphe de l’article 2, qui se lit comme suit:

"[[2. L’acquisition par échange, en vertu de la présente loi, est soumise aux conditions suivantes:

"a) en retour des concessions sous forme de permis de coupe renouvelables, de tels permis pourront être accordés avec le même effet que s’ils résultaient d’une vente à l’enchère faite en vertu de l’article 98 de la loi des terres et forêts (Statuts refondus, 1941, chapitre 93), sur une étendue de valeur égale à celle faisant l’objet des concessions expropriées, sans jamais dépasser une fois et demie leur superficie;"...]]"

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le bill soumis à l’attention de la Chambre n’est pas semblable à ceux présentés par l’Union nationale en 1945-1946. Le bill contient des descriptions. Les superficies expropriées ou échangées seront décrites dans un autre projet de loi qui devra venir à l'automne. On décrira, par exemple, l'étendue des terrains qui seront donnés à la Canadian International Paper pour son moulin de La Tuque, en échange pour ceux qui seront expropriés.

M. Bertrand (Missisquoi): Ce sera peut-être la porte ouverte aux convoitises des compagnies. Le texte prévoit en effet qu'à la firme à laquelle on enlève un certain territoire boisé, on pourra concéder à la place un autre territoire une fois et demie plus grand. C’est un principe dangereux que l’on consacre dans ce projet de loi où toutes les compagnies vont à l’avenir demander de recevoir la limite permise. Sauf en de rares exceptions, l’ancien gouvernement s’en est toujours tenu à la loi qui stipulait que les échanges devaient se faire sur une base de superficie égale. Il eût mieux valu laisser aux hauts fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts le soin de délimiter la superficie et de s’en tenir à leur décision.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le gouvernement est obligé de tenir compte de ce qui s’est produit dans le passé, lorsque des superficies plus grandes que celles reçues en échange ont été cédées par la province. Pour éviter que la répétition d'anciens abus ne se produise dans l’avenir, nous mettons une limite dans la nouvelle loi. On fixe un maximum en disant que la superficie ne pourra pas dépasser une fois et demie la superficie des terrains acquis en échange.

C’est une limite et le gouvernement cherchera toujours à faire l’échange sur une base égale d’abord. La partie supplémentaire est un maximum qu'établit la loi et ne signifie en aucun cas que les compagnies vont toujours avoir le droit de demander cette quantité supplémentaire de terrains forestiers.

M. Bertrand (Missisquoi): Par cette déclaration, le premier ministre prévoit déjà lui-même qu’il y aura des pressions de la part des compagnies. Il doute que l’on puisse toujours y résister, malgré la promesse du chef du gouvernement.

M. Talbot (Chicoutimi): On a eu tort de mettre dans la loi qu’on pourra céder une superficie d’une fois et demie supérieure à celle des terrains à recevoir en échange. Toutes les compagnies demanderont ce maximum.

L’article 2 est adopté.

L’article 3, ainsi que le préambule, sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 93 après l’avoir amendé.

Le bill amendé est lu.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose que le bill amendé soit maintenant agréé.

Adopté, après division.

L’honorable M. Arsenault (Matapédia) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté, après division.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Loi des marchés agricoles

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 92 modifiant la loi des marchés agricoles du Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)

Le comité étudie le bill article par article.

M. Johnson (Bagot) s'élève contre le droit que confère la nouvelle loi aux inspecteurs de l'Office des marchés agricoles d'examiner les produits et d'exiger la production des livres ou registres et des documents relatifs à la mise en marché.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): L'inspection sera utile aux cultivateurs, car il est temps que, dans la province de Québec, on puisse concurrencer l'extérieur dans le domaine de la qualité des produits agricoles.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): Il y a déjà un précédent. Ce système est déjà en application au Québec, notamment pour ce qui est de la Commission de l'industrie laitière. La Commission a depuis longtemps les pouvoirs demandés aujourd'hui pour l'Office des marchés agricoles. Elle a ses inspecteurs qui visitent les cultivateurs. Ceux-ci sont contents parce qu'ils reconnaissent que ça leur rend service.

M. Johnson (Bagot): C'est un principe dangereux de permettre à un inspecteur d'entrer chez un cultivateur pour examiner ses comptes. Dans le domaine de l’industrie laitière, il est à propos qu’il existe une surveillance, parce que la santé publique est en cause. Mais c’est bien différent, quand il s’agit des producteurs de tomates ou de pommes de terre. Je pense honnêtement que la loi va trop loin. Les fonctionnaires pourront abuser dans leurs incursions, chez les cultivateurs. Les fonctionnaires, on le sait, souhaitent toujours avoir tous les pouvoirs et à les affirmer.

Cette pratique est en honneur aussi dans les pays totalitaires, tels que la Chine communiste. Mao Tse Toung a lui aussi ses commissaires pour ses inspecteurs et il agit en conséquence. Mais, chez nous, nous ne sommes pas habitués à ces méthodes d’inquisition.

J’estime que la façon de procéder est vexatoire et viole les principes de la liberté de l'entreprise, mais elle est dans la ligne d'inspection, de surinspection et d'indiscrétion que suit le gouvernement actuel.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le député de Bagot s'arrange pour lancer son mythe du vendredi. Il parle de croque-mitaine.

M. Johnson (Bagot): Le premier ministre a aussi exploité son propre mythe, celui de la confessionnalité, à Montréal.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): La façon dont j'ai traité mon sujet était loin de celle employée ici par le député de Bagot. Je lui ferai remarquer que je n'ai mentionné ni l'Union nationale ni le nom du député de Bagot. J'espère que celui-ci a fini d'exploiter sa mythologie.

M. Riendeau (Napierville-Laprairie): Des agents de l'Office des marchés agricoles prennent des photographies lorsqu'ils visitent les fermes.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): Cela simplifie beaucoup les investigations pour connaître l'état des exploitations agricoles.

M. Johnson (Bagot) demande de s’imaginer ce qui se passerait si le Barreau demandait le droit d’aller fouiller dans les bureaux des avocats.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Ce droit existe pour le notariat et, quand il y a plainte, le Barreau aussi envoie des enquêteurs. D’ailleurs, la loi qui est devant la Chambre nous a été demandée par les spécialistes de l’Office des marchés agricoles.

M. Johnson (Bagot): On n’est pas ici pour se laisser mener par les spécialistes. Les pouvoirs demandés ne sont pas nécessaires et ne sont pas adaptés à la mentalité des cultivateurs. Cette loi met le fonctionnement de la loi des marchés à l’entière discrétion des fonctionnaires.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): Pour les fins des enquêtes requises, les enquêteurs seront investis de tous les pouvoirs accordés par la loi des commissions d’enquêtes. Actuellement, nous ne pouvons pas obtenir les renseignements nécessaires, n’ayant pas accès aux livres. Puis, il importe pourtant que l’Office puisse avoir les renseignements requis pour rendre des décisions plus justes.

M. Riendeau (Napierville-Laprairie): Les cultivateurs auront de la difficulté à s’habituer à l’idée qu’ils doivent montrer leurs livres. Les plans conjoints créés sous l’Union nationale existaient pour aider les cultivateurs, mais sous les libéraux, on dirait qu’ils sont destinés à mettre une entrave à leur situation. On voudrait faire des cultivateurs des parias en les soumettant à des mesures inutilement vexatoires, telles les enquêtes.

M. Roy (Nicolet): Dans plusieurs cas, les renseignements recueillis par les gens chargés de la mise en œuvre des plans conjoints, les officiers enquêteurs, sont transmis aux officiers de l’impôt qui, par la suite, font des perquisitions et mettent les cultivateurs dans de mauvais draps.

M. Lavallée (Berthier) partage le même point de vue. Les enquêtes pourraient être un moyen employé par le gouvernement pour obliger les agriculteurs à payer plus d'impôts qu'ils n'en ont les moyens.

M. Johnson (Bagot): Nous avons peur des pouvoirs confiés au ministre, à cause de ses fonctions d’organisateur en chef du Parti libéral. On a peur de l’usage qu’il pourra faire des renseignements qu’il recueillera.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): Les informations sont de caractère absolument confidentiel, à moins qu'un tribunal ne décide le contraire dans tel ou tel cas. Ceci permettra simplement au conseil d’avoir plus d’information détaillée pour prononcer un jugement basé sur plus de renseignements. Tout se fera sous le sceau du secret à l’Office.

M. Johnson (Bagot): Comme je connais certains cultivateurs de mon comté, dit-il, il y a des inspecteurs qui vont sortir sur la tête.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): Ces enquêteurs et conseillers techniques existaient sous l’Union nationale. On veut nous faire croire aujourd’hui que ce sont des incompétents. Lorsqu’il s’agira d’en nommer de nouveaux, on ne consultera pas l’opposition. Nous consulterons plutôt les cultivateurs qui sont les premiers intéressés et nous ferons des nominations qui feront honneur à la province. Nous ferons notre possible pour nommer les meilleurs hommes pour rendre service à notre agriculture.

Les articles 1 à 4 sont adoptés.

Le comité étudie l’article 5, qui se lit comme suit:

"5. L’article 23 de ladite loi, modifié par l’article 3 de la loi 6-7 Elizabeth II, chapitre 26, est de nouveau modifié en insérant, après le premier alinéa, le suivant:

"Il détermine par règlement les qualités requises d’un producteur et les conditions à remplir par celui-ci pour être considéré comme un producteur dans le sens du présent article et avoir voix au référendum."

M. Bertrand (Missisquoi): Ça n’a pas de sens de confier à un office le soin d’établir les qualités requises pour faire partie d’un plan conjoint. La loi devrait contenir des règlements généraux, quitte à l’Office d’apporter les règles accessoires.

M. Talbot (Chicoutimi): La loi devrait elle-même définir ces qualifications.

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest): En raison de la très grande variété de produits qui peuvent faire l’objet de plans conjoints, on ne peut incorporer de dispositions semblables à la loi. L’Office établira les normes suivant lesquelles on pourra faire partie des plans conjoints, selon les différents produits à vendre, surtout lorsqu’il s’agit de petites quantités.

M. Talbot (Chicoutimi): L’Office aurait pu suggérer lui-même au ministre les qualifications requises d’un producteur et les conditions à remplir pour être considéré comme un producteur. De cette façon, le ministre aurait pu les incorporer dans la loi et nous saurions à quoi nous en tenir.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Une fois les règlements nécessaires édictés par l’Office, le gouvernement verra si ces qualifications peuvent y être clairement définies. C’est un essai que l’on fait. S’il ne donne pas satisfaction, le gouvernement reviendra devant la Chambre.

L’article 5 est adopté.

Les articles 6 à 10 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 92 sans l’amender.

M. Talbot (Chicoutimi) exprime le désir que la troisième lecture du bill soit différée à une autre séance.

À 1 heure, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 3 heures1

Financement universitaire

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 64 concernant le financement des investissements universitaires soit maintenant lu une deuxième fois.

Les autorités provinciales, en 1961-1962, fourniront, au total, $56,000,000 comme contribution aux universités, aux collèges secondaires et aux autres établissements affiliés pour leurs travaux de construction. De ce total, il y aura $20,000,000 pour les universités et $20,000,000 pour les collèges et autres institutions affiliées; $6,000,000 supplémentaires pour les collèges et autres institutions qui apparaissent au budget régulier pour des subventions accordées antérieurement et payables en 1961-1962. Les universités pourront également emprunter de la Société centrale d’hypothèques et de logement, afin de financer un investissement pour lequel elles auront droit de recevoir une subvention de la province. Le montant de l’emprunt, toutefois, sera déduit de la subvention provinciale. On croit que les universités toucheront environ $10,000,000 de cet organisme fédéral.

Il insiste sur l'importance des universités. Elles prennent d'ailleurs de plus en plus d'expansion, dit-il. On a trop longtemps entretenu l’idée, au Québec, que les universités existaient seulement pour former des professionnels. Le temps est fini où l'on concevait leur mission comme se bornant simplement à former des médecins, des avocats et des dentistes. On oublie trop facilement l’importance de facultés comme celles des sciences sociales, des autres sciences humaines et physiques pour l’État québécois.

Or, le monde d’aujourd’hui a beaucoup plus besoin d’universitaires que de techniciens pour diriger le développement de son économie. C’est un monde qui est caractérisé d’abord par sa très grande mobilité. Le simple technicien n’est pas en mesure de s’adapter au développement scientifique. Il faut des hommes qui ont un esprit universel, c’est-à-dire qui ont reçu une formation universitaire. Ce bill a été présenté dans cette perspective et j'espère, dit-il, qu’il contribuera à la grandeur du Québec.

Le projet de loi à l’étude accordera l’autorité au ministre de la Jeunesse en matière de distribution des subventions aux universités et aux collèges, tandis que l’opposition affirme que le principe est contraire à la loi sur l’éducation publique, qui attribue au surintendant de l’Instruction publique la responsabilité de l’allocation annuelle de tous les fonds destinés à l’éducation. Le projet de loi a pour but de donner aux universités québécoises et aux autres institutions affiliées les moyens financiers de continuer l’œuvre qui est la leur et qui est essentielle dans le système d’enseignement de notre province. Ces moyens financiers, nous voulons les accorder en respectant un certain nombre de principes fondamentaux. D’abord, le gouvernement se propose de mettre à la disposition des universités et institutions qui leur sont affiliées une somme de $175,000,000 répartie sur une période de cinq ans. Les subventions seront accordées seulement après que chaque université et collège ait réuni le montant résiduel de $125,000,000 nécessaire pour compléter le coût total du projet de $300,000,000. Le gouvernement va payer en moyenne, chaque année, $35,000,000 tous destinés à des travaux de construction. L'argent servira à financer partiellement des travaux de construction dont la valeur approximative s'élèvera à $300,000,000. D'autre part, Québec accordera des "facilités d'emprunt". Il est bien entendu que les $25,000,000 provenant de la Conférence canadienne des universités et les $16,000,000 du Conseil national des arts ne sont pas compris dans les $175,000,000. De toute façon, les paiements annuels ne devront pas dépasser $40,000,000.

Comment distribuer ces sommes impressionnantes? Les crédits seront ouverts aux universités et aux divers établissements, non pas à l’aveuglette, mais selon un plan d’ensemble qui permettra au gouvernement et aux institutions de voir où ils vont. Il doit d’abord tenir compte des finances provinciales, tout en répondant aussi aux besoins des universités et autres institutions, et de la nécessité de tenir les contribuables au courant de la manière dont est utilisé le produit des impôts. Pour que le ministre de la Jeunesse puisse préparer ce plan d’ensemble qui tiendra toujours compte des cinq années à venir, un service de budgets d’investissements universitaires, composé de spécialistes en éducation, en comptabilité et en administration, vient d’être créé. Il examine les demandes des établissements, les catalogue, les compare aux normes établies et les transmet au cabinet. Ce dernier préparera annuellement un bill pour faire approuver, par les Chambres, les fonds attribués à chaque université. L'autonomie des diverses institutions sera respectée.

Pour qu’un projet de construction universitaire ou collégiale soit éligible à une subvention, il devra d’abord être soumis au ministre de la Jeunesse pour que l’étude puisse être faite par ce nouveau service. Aucune demande de subvention ne sera considérée, à moins que le projet de construction n’ait été soumis au ministre avant le début des travaux. On parviendra ainsi à constituer un échéancier précis. Ce tableau des besoins sera alors soumis à un comité composé du premier ministre, du ministre de la Jeunesse, du ministre d’État leader du Conseil législatif, ainsi que des représentants des universités et des institutions affiliées. Les institutions sauront désormais où elles vont. Jusqu’ici, elles ne le savaient pas.

Le plan d'ensemble est non seulement utile, mais nécessaire, pour l'économie générale de la province, et il peut être également utile en ce qui concerne la lutte contre le chômage, une des préoccupations importantes de ceux qui ont la responsabilité de l'administration des affaires du Québec, car il s'agira de travaux de construction qui donneront de l'ouvrage à la main-d'œuvre cet hiver. Le programme est établi en collaboration avec les autorités provinciales et la direction des universités et institutions affiliées.

L'autorité administrative et académique des institutions universitaires sont deux caractéristiques à sauvegarder au plus haut point, pour le bien de l'enseignement dans la province de Québec. Les subventions seront statutaires, prévues dans des lois. Les membres de cette Chambre ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion d'insister sur l'importance qu'il y a, en régime démocratique, de sauvegarder la liberté administrative d'institutions qui ont une entité distincte. À cause de cela, le Conseil des ministres en est venu à la conclusion qu'il fallait restreindre au Parlement le droit et le pouvoir de décider des sommes attribuées à chaque institution. Ainsi, on donne une garantie exceptionnelle de la sauvegarde de l'autonomie des institutions d'enseignement, car il faut des normes et des barèmes pour chacune des subventions nécessaires à payer les travaux de construction des maisons nouvelles ou des agrandissements nécessaires aux progrès de l'enseignement. Cette garantie de la Législature est plus importante et plus significative qu’aucune autre.

Dans le cas des maisons de haut savoir, il n'était pas possible de déterminer dans une loi générale les barèmes nécessaires aux travaux d'investissement. Et c'est pour entourer de garanties additionnelles notre action dans ce domaine que nous proposons que les subventions soient déterminées d'année en année par une loi du Parlement. La loi prévoit que la liste des investissements pour lesquels les institutions universitaires ont droit de recevoir une subvention est déterminée, chaque année, par la loi de la Législature. Mais il fallait, toutefois, dès cette année, une loi générale qui déterminerait la procédure à suivre dans la préparation des lois à venir. Nous n'avons pas voulu laisser aux ministres et aux fonctionnaires ce soin, mais nous le confions au Parlement même. C'est pour cela que la section 1 de la loi détermine de quelle façon cette loi sera soumise annuellement au Parlement. La loi de cette année détermine les subventions aux universités, mais elle ne donne pas la liste des institutions affiliées, parce que le temps a manqué pour la préparer.

Actuellement, dans les dossiers de l'administration, il y a déjà 250 demandes de la part des collèges affiliés et autres institutions. Il faudra les étudier une à une, en procédant selon un ordre de priorité établi de concert avec la Fédération des collèges classiques. Mais il reste en dehors de cette Fédération un grand nombre d'institutions dont il faudra étudier les besoins également. Le gouvernement a cependant mis à la disposition des collèges classiques, pour cette année, une somme de $20,000,000 dont la distribution sera faite par arrêté ministériel, afin que ces institutions ne souffrent pas inutilement du peu de temps que nous avons eu à notre disposition pour régler le problème en son entier. L'an prochain, on votera les crédits.

Pour les années prochaines, la liste des collèges classiques et autres institutions sera publiée en annexe à la loi qui sera présentée, avec le montant pour chacun. Nous n'avions pas seulement à préparer les chiffres que l'on trouve dans la loi de cette année, mais il fallait aussi une entente sur la façon de distribuer cette aide gouvernementale en sauvegardant l'autonomie et la liberté académique des institutions. Cette somme de $175,000,000 répartie sur cinq ans n'est pas la seule somme que le gouvernement distribuera au fur et à mesure des besoins, de façon à libérer les institutions de tout souci financier, mais il leur donnera également des facilités d'emprunt. Le gouvernement permet aussi aux institutions d'obtenir des sommes à emprunter pour une période allant jusqu'à 50 ans et à un taux d'intérêt particulièrement facile. Et cette source où se transigeront les emprunts, c'est la Société centrale d'hypothèques et de logement. Il s'agit d'une commission fédérale. Mais nous avons consulté les institutions et nous avons convenu qu'il fallait bénéficier de cette nouvelle source d'emprunt à des conditions exceptionnelles. Les mesures nécessaires ont été prises pour sauvegarder l'autonomie de ces institutions et la pleine juridiction du gouvernement de cette province en matière d'éducation. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a été convenu que l'on devrait procéder dans le cadre d'une loi générale adoptée en cette Chambre par les élus du peuple.

La loi prévoit également que les sommes mises à la disposition des universités par le gouvernement fédéral, au cours des années, mais qui ont été gelées d'abord aux mains du gouvernement fédéral, ensuite aux mains de la Fondation des universités, puis enfin aux mains du gouvernement de cette province, par la volonté du législateur québécois, pourront être remises aux mains du gouvernement provincial. L'an dernier, à la suite du changement du premier gouvernement d'alors, les universités ont obtenu l'autorisation de recevoir ces sommes, mais à la condition de les remettre au ministre du Revenu de la province. Or, ces sommes, comme l'a déjà expliqué hier le premier ministre, seront remises à la disposition des universités de la façon prévue par la loi, c’est-à-dire pour financer les investissements universitaires: a)  depuis 1956, dans le cas des collèges; b)  depuis 1960, dans le cas des universités. Par ailleurs, des avances ont déjà été faites aux universités, particulièrement celles qui étaient engagées dans des projets de construction. Et ces avances faites aux universités dépassent les sommes qui avaient été remises par la Fondation des universités. Et, lorsque le projet de loi aura été adopté, le bill 64 prévoit que les universités en question pourront garder ces avances en toute propriété.

Dans l'établissement de la liste des subventions aux universités, le cabinet des ministres devra tenir compte des sommes que ces institutions ont déjà reçues; il devra tenir compte des sommes à emprunter; il devra enfin tenir compte des sommes reçues par ces institutions de sources individuelles. Nous croyons que le public doit être encore appelé à faire dans le domaine de l'éducation, par mouvement philanthropique et charitable, une part qui ajoutera à celle très large que souscrit le gouvernement. J'ai insisté sur la liberté académique, mais je crois et le gouvernement croit que les contributions payées par les individus apporteront une garantie additionnelle de l'autonomie de nos institutions. Le gouvernement a l'intention d'inviter la Législature à contribuer davantage aux investissements que devront faire nos institutions et à leur financement. Mais nous avons aussi l'intention de demander aux parents également de participer à la vie des institutions.

Il souligne le rôle nécessaire des institutions privées qui ont un devoir à remplir, comme les institutions d'enseignement secondaire publiques. Il dit toute l'importance qu'il attache aux institutions secondaires indépendantes dans le Québec. Il met en relief la nécessité de l’existence et du développement des institutions secondaires indépendantes dans notre province, c’est-à-dire les collèges classiques et les instituts familiaux. Elles ont un rôle à jouer à côté des écoles secondaires publiques, car elles seront un stimulant pour ces dernières. Elles sont nécessaires à la manifestation de la liberté sur le plan académique, surtout par leurs expériences propres en matières d’éducation et de recherche. C’est pour cela que la contribution du gouvernement à ces écoles indépendantes deviendra de plus en plus importante.

M. Talbot (Chicoutimi): En présentant ses projets de loi sur l’éducation, le ministre de la Jeunesse actuel s'est vanté de présenter à la province sa grande charte de l'éducation. Les journaux ont répété à qui mieux mieux, oubliant qu'en réalité, la vraie charte de l'éducation a été approuvée l'an dernier par les Chambres, à la suggestion de l'Union nationale.

Le bill no 64 marque un recul par rapport au bill no 3 que l'Union nationale a fait adopter l'an dernier relativement aux investissements immobiliers des universités, et il ne fait que diminuer une des clauses que comportait notre grande charte. L’article 2 du texte législatif de 1959-1960 ne prévoyait, en effet, aucune limite; l'actuel projet de loi détermine un maximum de $40,000,000 annuellement. Nous ne donnions pas $25,000,000 une année et $25,000,000 l'autre année. Cette loi donnait aux universités la liberté d'emprunter les montants dont elles avaient besoin, avec la garantie totale de la province pour le remboursement des emprunts, le paiement des intérêts et le reste. C'est ainsi que, dans le temps, tout le monde l'a comprise. L’ancien premier ministre disait que tous les secteurs universitaires étaient enchantés de cette initiative.

M. Cyril James, principal de l’Université McGill, disait que le gouvernement de la province pouvait se comparer aux gouvernements les plus généreux du monde. Un journaliste, M. Gérard Filion, proclamait: "Que fera-t-on de tout cet argent?" À travers toute la province, ce fut une immense satisfaction au sujet des lois de l'éducation passées par le gouvernement dont j'avais l'honneur de faire partie. Il n'y eut personne pour blâmer cette législation bienfaisante, cette loi passée l’année dernière, afin d’aider les investissements universitaires, si ce ne fut l'actuel ministre de la Jeunesse.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Je suis conséquent, toujours!

M. Talbot (Chicoutimi): Le ministre, s'adressant à la Fédération des étudiants universitaires libéraux de la province, à l'Université de Montréal, se prononçait pour la création d'un Conseil provincial des universités pour distribuer les fonds. C'est lui sans doute qui avait inspiré une motion d'amendement, présentée par l'opposition du temps pour former la Commission universitaire.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): À chacun son dû. Le chef de l'opposition et les membres de l'opposition du temps étaient capables de prendre leurs responsabilités.

M. Talbot (Chicoutimi): Alors le ministre du Travail d'aujourd'hui (l'honorable M. Hamel) et son collègue, le chef de l'opposition du temps (l'honorable M. Lapalme), avaient présenté un amendement demandant que la loi fût modifiée de manière à ce que les garanties, les contributions et les ententes sur les investissements universitaires fussent faites sur la recommandation du Conseil provincial des universités. Où est ce Conseil des universités? Le ministre de la Jeunesse nous présente une loi cet après-midi. Il pouvait constituer un conseil ou une commission, comme il le préconisait dans le discours qu'il a prononcé devant les étudiants à l'Université de Montréal. Nous sommes encore à le chercher.

Je soutiens que le bill 3 présenté par le gouvernement de l'Union nationale, lors de la dernière session, était plus large et qu’il ne comportait pas les restrictions que la loi actuelle comporte. Le bill 64, concernant le financement des investissements universitaires présenté par le gouvernement actuel, est moins généreux à l'égard des universités et des collèges classiques. Le gouvernement n’a pas encore préparé de bilan pour distribuer les subventions prévues dans le bill 64 pour les collèges classiques. Comment seront distribuées les subventions aux institutions secondaires? Que seront-elles d'abord?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Tous les collèges classiques qui font des constructions cette année auront droit aux subventions.

M. Talbot (Chicoutimi): La loi est muette à ce sujet. Sur quel barème se basera-t-on pour leur accorder une part des $20,000,000 prévus pour 1961-1962? Rien n'est mentionné; tout est dans l'ombre!

Il y a quelque chose de dangereux dans le texte soumis au Parlement. Les universités seront obligées de revenir chaque année devant le ministre, pour lui soumettre leurs bilans et leurs programmes de travaux. Bien plus, les universités et institutions affiliées, en plus d'ouvrir leurs livres de comptabilité au ministre et aux représentants de l'administration de Québec, devront également les ouvrir à la Société centrale d'hypothèques et de logement. Car on sait à quelles conditions il faut se plier lorsqu’on emprunte de cet organisme fédéral. Les universités elles-mêmes n’y échapperont pas. Le ministre a semblé reprocher à l’ancien gouvernement d’avoir récupéré d’Ottawa les subventions qui étaient gardées en fiducie pour les universités. Il a perdu une belle occasion de se taire, car tout le monde sait qu’au mépris de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral dont faisait partie le premier ministre de la province est entré dans le domaine de l’enseignement qui était hors de sa juridiction. On se rappelle le malaise que cette ingérence a créé.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Je ne faisais pas partie du gouvernement qui a décidé de verser des subventions aux universités. Mais je faisais partie du gouvernement qui a décidé de confier ces montants d’argent à la Fondation des universités canadiennes.

M. Talbot (Chicoutimi): Je note la mise au point. Mais le premier ministre était député à Ottawa, à ce moment, et il a approuvé la loi. Ce n’est pas le gouvernement dont il faisait partie qui a réglé la situation. Le premier ministre n'a jamais dénoncé cette situation. C'est nous qui, l'année dernière, avons réglé la situation en faisant respecter les principes de l'autonomie de la province. Bien plus, nous avons décidé de prélever un impôt de 1 % sur les sociétés industrielles, afin de distribuer à nos universités une subvention encore plus large. C’est à la suite de ce règlement que les subventions fédérales ont pu être déposées dans un fonds spécialement constitué pour l’aide aux universités.

Nous avions l'intention, dans le respect de l'autonomie provinciale, de récupérer les $16,000,000 qui sont au Conseil des arts, pour les investissements immobiliers des universités, et qui ont été mis là au mépris de l'autonomie provinciale. L’ancien gouvernement aurait pu les récupérer dans les mêmes conditions. Le premier ministre actuel a contribué à créer l'imbroglio qui divise la province depuis quelques années. La déclaration que vient de faire le premier ministre, à ce sujet, n’est pas rassurante, puisque c’est lui qui imposera les conditions nécessaires.

Ce projet de loi place les institutions universitaires sous la coupe du ministre de la Jeunesse et elles devront revenir chaque année devant lui pour établir leurs programmes. Les institutions d'enseignement secondaire, au niveau universitaire, seront dans la même situation. Il n'existe aucun barème pour la distribution des subventions qui seront laissées à la discrétion du ministre. Le ministre peut refuser toute demande de subvention.

Aucun gouvernement n'a été aussi généreux que celui de l'Union nationale pour les maisons d'enseignement et n'a mieux compris, en particulier, le rôle des universités. Je regrette les restrictions que la présente loi apporte à la loi passée par l'Union nationale l'an dernier. Il regrette certaines dispositions du bill 64 qui, à son avis, ne respectent pas l'autonomie et la fierté de nos universités. Il dénonce la distinction "spécieuse" du ministre de la Jeunesse entre liberté d'administration et liberté académique. Avec cette distinction, dit-il, le ministre pourra accomplir certaines choses que nous n'approuvons pas, en vertu d'une autre loi. Toutefois, comme l’aide aux universités est ce qui compte le plus, nous allons approuver le principe de cette mesure, même si l’aide promise n’est pas aussi généreuse que nous l’aurions souhaitée, en espérant qu'en comité le ministre reviendra sur certaines de ses attitudes et se montrera plus généreux.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) conteste que l'ancienne loi fût plus généreuse. Cette loi disait que le gouvernement pouvait garantir les emprunts des universités pour leurs investissements. C'était donc, dit-il, une autorisation accordée au gouvernement, mais il ne s'agissait pas d'une obligation. Aussi, la population eût été plus impressionnée si le chef de l'opposition avait dit: "Voilà ce que le gouvernement a fait" et non pas dire: "Voilà ce que le gouvernement aurait pu faire!" Je comprends que des événements de force majeure l'ont interrompu. Mais le peuple a voulu que ce soit une équipe plus libérale qui aide nos universités à prendre leur envol vers de nouveaux sommets. Si le Conseil provincial des universités n'a pas été formé, c'est qu'il a été décidé en juillet, de concert avec les représentants des universités et des collèges, de laisser en veilleuse le projet pour qu'on puisse l'approfondir davantage. La Législature décidera. La principale caractéristique de la loi, c’est que ce n'est plus le cabinet qui se chargera d'accorder les subventions et les garanties d'emprunt, mais plutôt la Législature elle-même. Il n'y a aucun fonctionnaire, aucun ministre, aucune commission qui puisse accorder des garanties plus solides que la Législature. Les engagements de l'ancien gouvernement en faveur des universités n'avaient aucune valeur juridique. Ils n'avaient qu'une valeur morale. Pour sauvegarder la liberté des institutions concernées, le gouvernement actuel a pris les mesures pour assurer une valeur juridique à ces engagements qui concernent des travaux échelonnés sur plusieurs années.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité siège durant quelque temps et le président fait rapport que le comité n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Il est ordonné que le comité siège de nouveau à la présente séance.

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolutions relatives au bill 64 concernant le financement des investissements universitaires.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolutions et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose: 1.  Que le ministre de la Jeunesse sera autorisé à préparer, en collaboration avec les institutions universitaires, un programme de contribution gouvernementale à leurs investissements réparti sur cinq années financières à compter du 1er avril 1961 et n’excédant pas cent soixante-quinze millions de dollars dans l’ensemble et quarante millions de dollars par année.

Adopté.

2. Que les institutions universitaires désireuses de bénéficier de l’aide gouvernementale pour le financement de leurs investissements devront soumettre leur demande au ministre de la Jeunesse et qu’aucune demande de subvention pour des constructions ou travaux commencés après l’entrée en vigueur de la loi qui accompagne les présentes résolutions ne sera prise en considération à moins qu’elle n’ait été faite avant le début des travaux.

Adopté.

3.   Que la liste des investissements pour lesquels les institutions universitaires ont droit de recevoir une subvention de la province, ainsi que le montant et l’échéance de la subvention, seront déterminés chaque année par loi de la Législature, le tout, sous réserve des dispositions ci-après.

Adopté.

4. Que, sous telle réserve, les institutions universitaires énumérées dans l’annexe "A" de la loi qui accompagne les présentes résolutions recevront, pour chacun des investissements qui y sont décrits, une subvention du montant mentionné en regard de chacun.

Adopté.

5. Que, pour l’année 1961-1962, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra accorder de telles subventions pour les investissements d’institutions universitaires qui n’apparaissent pas dans ladite annexe "A", jusqu’à concurrence d’un montant total de vingt millions de dollars.

Adopté.

6. Que les subventions accordées en vertu de la loi qui accompagne les présentes résolutions seront payées à même le fonds consolidé du revenu, au fur et à mesure que les dépenses prévues pour chaque investissement ont été réellement encourues et jusqu’à concurrence seulement de telles dépenses.

Adopté.

7. Qu’une institution universitaire pourra contracter auprès de la Société centrale d’hypothèques et de logement un emprunt pour financer un investissement pour lequel elle a droit de recevoir une subvention de la province; que le remboursement de tel emprunt sera garanti par le ministre des Finances au nom du gouvernement de la province et que ce dernier acquittera à chaque échéance, à même le fonds consolidé du revenu, les intérêts et l’amortissement.

Adopté.

8. Que le montant de l’emprunt ainsi contracté de la Société centrale d’hypothèques et de logement sera déduit de la subvention.

Adopté.

9.   Que, chaque fois qu’une institution universitaire a la faculté de financer par un emprunt auprès de la Société centrale d’hypothèques et de logement une partie des investissements pour lesquels elle a droit à une subvention, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra déduire de cette subvention les sommes qu’elle peut ainsi obtenir.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues et agréées.

Il est ordonné que ces résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d’étudier le bill 64 concernant le financement des investissements universitaires.

À 6 heures, la séance est suspendue.

 

Reprise de la séance à 8 heures2

Conformément à l’ordre adopté précédemment, la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le bill 64 concernant le financement des investissements universitaires.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges

Les articles 1 à 8 sont adoptés.

Le comité étudie l’article 9, qui se lit comme suit:

"[[9.   Une institution universitaire peut contracter auprès de la Société centrale d’hypothèques et de logement un emprunt pour financer un investissement pour lequel elle a droit de recevoir une subvention de la province. Le remboursement de tel emprunt est garanti par le ministre des finances au nom du gouvernement de la province et ce dernier acquitte à chaque échéance, à même le fonds consolidé du revenu, les intérêts et l’amortissement.]]"

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): La Société centrale d'hypothèques et de logement ne prendra pas d'hypothèque sur les propriétés des universités qui auront été construites avec des emprunts provenant de cette société de la couronne. La Société centrale accepte la garantie que le gouvernement du Québec remboursera les emprunts et paiera les intérêts à chaque échéance, à même le fonds consolidé du revenu.

M. Talbot (Chicoutimi): Le gouvernement du Québec, en permettant ces emprunts à une société fédérale, soumet les universités au contrôle de la Société centrale d'hypothèques et de logement. Pourquoi le gouvernement a-t-il recours à cette méthode de financement?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C'est pour que cela coûte le meilleur marché au peuple de la province de Québec. Notre dernier emprunt nous coûte 5.70 %. Les universités emprunteront à 5⅛ %, pour 50 ans. Il n'y aura pas d'inquisition de la part de la Société centrale, elle n'ira pas examiner les livres des universités, parce qu'elle aura la garantie du gouvernement de Québec que les intérêts et le capital lui seront payés.

M. Talbot (Chicoutimi): Par la loi de 1958, la Société centrale est tenue de prendre hypothèque chaque fois qu'elle prête.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) affirme le contraire parce que la Centrale a une garantie de la province de Québec.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C’est une loi spéciale qui s’applique aux institutions qui empruntent pour 50 ans.

L’article 9 est adopté.

Les articles 10 à 16 sont adoptés.

Le comité étudie l’article 17, qui se lit comme suit:

"17. Le ministre de la Jeunesse est chargé de l’exécution de la présente loi."

M. Talbot (Chicoutimi) s’élève contre le fait que la loi confère au ministre de la Jeunesse l'exécution de la loi. De tels pouvoirs avaient été accordés auparavant aux surintendants de l’Instruction publique et le gouvernement prenait une mesure dangereuse.

Je ne vois pas très bien comment cet état de choses peut se concilier avec l'article 464 de la loi de l'instruction publique. Cet article dit en substance que le surintendant doit, sur la recommandation des comités catholique et protestant, répartir annuellement les allocations accordées entre les universités, les collèges, les séminaires et autres institutions.

Il est clair que le principe de cet article de la loi n'a pas été rappelé et le surintendant a encore le devoir de procéder à la répartition des subventions. Il rappelle les représentations faites par la Fédération des collèges classiques au lendemain de la présentation du bill 64, contre l'article 17 du bill 64 qui vient à l'encontre de l'article 464 de la loi de l'instruction publique, et à l'effet que l'administration de la loi devrait être confiée au surintendant.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le gouvernement de l'Union nationale n'a lui-même tenu aucun compte de l’article 464 de la loi de l'instruction publique, l'an dernier, lors de la présentation de la loi concernant les investissements immobiliers des institutions universitaires. Aussi, le chef de l'opposition est bien mal venu de nous donner une leçon lorsque le gouvernement dont il a fait partie a lui-même confié l'an dernier, au ministre des Finances du temps, la distribution des subsides aux universités et collèges classiques prévus dans sa propre loi concernant les investissements des universités. Évidemment, ça venait de M. Sauvé. Nous ne faisons que transférer ces pouvoirs du ministre des Finances au ministre de la Jeunesse.

Quant à la pratique, on n'a qu'à se reporter à la façon dont se faisait la distribution des subventions aux collèges classiques. Sous M. Duplessis, ce n'était certainement pas le surintendant de l'Instruction publique qui avait juridiction dans ce domaine. En droit, l'Union nationale avait confié la distribution des subventions au ministre des Finances, sans même rappeler l'article 464 de la loi. Il cite en exemple des lettres où le chef de l’opposition (M. Talbot) remerciait notamment M. Duplessis d'avoir réglé le problème financier d'une école de Chicoutimi.

Il donne lecture à la Chambre d'une lettre qu'il a adressée à Mgr Pierre Décary, président de la Fédération des collèges classiques à la suite de représentations de cet organisme sur l'article 17 du bill 64. La lettre est datée du 19 mai dernier. Dans cette lettre, il rappelle que le projet de confier l'administration de cette loi a été mentionné plusieurs fois au cours des réunions que les représentants du gouvernement ont eues avec les représentants des universités et des collèges classiques. Ce principe fut unanimement accepté lors de ces nombreuses rencontres. Il s’étonne, dit-il, dans sa lettre à Mgr Décary, que la Fédération des collèges classiques s'y opposait à ce moment.

Il donne lecture à la Chambre d'extraits d'une déclaration faite par Son Excellence Mgr Albertus Martin, évêque de Nicolet, devant le comité catholique du Conseil de l'instruction publique, le 25 février3 1958, à titre de président du comité épiscopal de l'éducation. L'évêque de Nicolet disait: "D'autre part, nous pouvons également affirmer que, si la reconnaissance par le comité catholique est une condition nécessaire à l'obtention des subventions, cette reconnaissance n'entraîne pas nécessairement l'octroi des subventions. En effet, plusieurs collèges féminins reconnus par le comité catholique comme collèges classiques dans le passé, au moins depuis une dizaine d'années, n'ont reçu aucune subvention."

Il demeure aussi que rien n'empêche le gouvernement de cette province de subventionner une institution qui n'aurait pas été reconnue et, même, de déterminer tel ou tel mode de subvention. En reconnaissant ces institutions qui ne sont pas séminaires diocésains selon la tradition, nous imposons à l'autorité civile une ligne de conduite dans l'administration des deniers publics. J'ai déjà fait valoir que la reconnaissance d'une institution comme collège classique a été et est considérée comme la condition pour l'obtention des subventions. Les faits du passé l'ont établi clairement, même si la condition posée, il n'y eût pas de lien nécessaire entre les deux.

Nous avons pleinement conscience qu'il ne dépend pas de nous de pourvoir à l'administration de la chose publique. Ce n'est pas au comité catholique d'administrer les deniers publics ni de les affecter. Ce n'est pas à lui non plus de juger de la distribution des argents qui sont mis à la disposition de l'éducation par le gouvernement de cette province. Si l'on considère le texte de la loi de 1922 et la tradition établie depuis lors, on ne peut prétendre que la reconnaissance des institutions par le comité catholique ait été une sorte d'ingérence dans un domaine qui est au-delà de ses propres prérogatives. Il s'est toujours agi de reconnaître les institutions pour les rendre éligibles, rien de plus.

Dans l'esprit des requérants, il y a une relation directe entre la reconnaissance du comité catholique et l'octroi des subventions par le gouvernement. Cela est absolument vrai. Cette relation existe pour eux et il semble bien que les instances n'aient d'autre but que la recherche d'octrois du gouvernement. Cependant, notre abstention, en raison de la finalité de certaines institutions, ne réglera rien. Il convient plutôt de voir clairement ce qui en est de ce problème. Au comité catholique, il appartient de reconnaître comme collèges classiques les institutions qui méritent d'être reconnues comme telles. Au gouvernement de la province, il appartient de subventionner ces institutions selon les normes qu'il lui appartient seul de déterminer.

Même l'Union nationale a reconnu qu'on ne peut permettre à un homme qui n'est pas élu par le peuple de distribuer l'argent des payeurs de taxes, puis l'a couché dans les Statuts, l'année dernière. Ce qu'il faut faire, c'est d'arriver, comme nous le faisons, avec les dépenses en détail pour les faire approuver par ceux qui représentent la population en cette Chambre, pour que ce soient eux qui décident. C'est cela la démocratie.

Le chef de l'opposition sait fort bien que par la loi, le bill no 3 confiait l'année dernière la distribution des octrois au ministre des Finances et non pas au surintendant de l'Instruction publique. Pourquoi cela? Parce qu'il restait encore au gouvernement de l'Union nationale un petit peu du sens de la démocratie parlementaire. À quoi pense le chef de l'opposition lorsqu'il veut que nous donnions à un fonctionnaire la distribution des subsides? Ce serait aller à l'encontre des principes les plus élémentaires de la démocratie parlementaire et de la tradition britannique que de permettre à un homme qui n'est pas élu par le peuple de distribuer l'argent des payeurs de taxes de la province. Il est beaucoup plus conforme aux principes de la démocratie de faire approuver par le Parlement l'emploi des crédits.

Or, c'est ce que stipule le bill no 64. C'est un droit sacré de cette Assemblée et je manquerais à mon devoir, non pas seulement comme premier ministre mais aussi comme représentant du peuple, si je disais autre chose que ce que je viens de dire. Il a été accepté par les universités et les collèges. L'article 464 de la loi de l'instruction publique sera d'ailleurs rappelé par un autre bill qui sera étudié la semaine prochaine.

M. Talbot (Chicoutimi): Il faut que le premier ministre ait une bien mauvaise cause pour la défendre avec les documents dont il vient de donner lecture. La loi de l’Union nationale à laquelle il vient de faire allusion n'en était pas une qui distribue des subventions et des octrois. C’était une loi qui n'avait pour but que de garantir les emprunts que les universités faisaient elles-mêmes. Le premier ministre se cache derrière la déclaration de Mgr Martin, mais celle-ci ne peut couvrir le cas, car elle dénonçait une loi passée en 1922 par le gouvernement Taschereau. Le surintendant de l'Instruction publique n'est pas un fonctionnaire. Le premier ministre sait très bien que le surintendant ne peut être destitué que par une adresse conjointe des deux Chambres.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Oui, et le député de Chicoutimi peut être destitué dans une élection dans son comté.

M. Talbot (Chicoutimi): La position signifie que le surintendant est le trait d'union entre le comité catholique de l'Instruction publique et le cabinet. C'est comme cela depuis la Confédération.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Je sais très bien ce qu'est la fonction du surintendant de l'Instruction publique. Je sais très bien qu'il ne peut être destitué sans une adresse aux deux Chambres. C'est justement pour cela qu'il ne lui appartient pas de distribuer l'argent des taxes payées par le peuple.

M. Johnson (Bagot) reproche au premier ministre de se servir même de lettres personnelles pour défendre le projet de loi et l’attitude du gouvernement. Quand les libéraux quitteront le pouvoir, ils sont mieux d’apporter avec eux leurs lettres personnelles, car sinon, on pourrait peut-être en trouver qui nous apprendraient que certains directeurs d’écoles étaient membres de la Ligue des écoles laïques de langue française.

L’an dernier, le gouvernement versait des contributions aux universités une fois que leurs plans étaient tracés et les travaux décidés. Il ne se mettait pas le nez dans leurs plans, auparavant. Mais, avec la loi de cette année, les plans devront être soumis au ministre, et le ministre pourra dire aux universités: "Apportez-nous vos plans, et si nous constatons que c’est de notre goût, vous aurez une subvention et vous pourrez commencer vos travaux." La discrétion laissée au ministre de la Jeunesse est entière.

Le Parti libéral avait promis la fondation d'un Conseil des universités qui devait agir comme agent de liaison entre le gouvernement et les universités. Ce devait être un organisme indépendant, et toutes les subventions devaient passer par lui. C’était une promesse formelle de la campagne électorale. Mais, aujourd'hui, il n'y a rien de cela. Comme pour les nouvelles taxes, c'est encore une déception pour le peuple, une tromperie, une volte-face du Parti libéral qui veut contrôler jusqu'à l'enseignement. Au lieu d'un conseil, une loi donne tous les pouvoirs au ministre "nouvelle vague".

Le premier ministre, dans son discours, s’est retranché derrière les grands principes parlementaires et a prêché le contrôle du Parlement. Pour juger de la sincérité d’un homme, il ne faut pas seulement lire ses discours, si bien écrits soient-ils; il faut surtout examiner ses actes. Or, le premier ministre actuel, quand il était député à Ottawa, a voté en faveur d’une loi qui autorisait le gouvernement à dépenser $100,000,000 en dehors du contrôle du Parlement, afin de pénétrer dans un domaine qui lui était interdit, celui de l’éducation. Le premier ministre n’a jamais appliqué son principe du contrôle du Parlement.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Vous l’avez dans cette loi.

M. Johnson (Bagot): Est-ce que le Parlement pourra faire venir les représentants des universités devant le comité de la Chambre? Est-ce que, devant ce comité, on pourra demander aux universités ce qu’elles veulent?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Les universités sont satisfaites du système prévu dans le bill actuel.

M. Johnson (Bagot): Elles n’ont que deux choses à faire: ou bénir leurs chaînes, ou mourir de faim en les maudissant.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Chaque projet de construction est mentionné en détail dans l’annexe.

M. Johnson (Bagot): Mais si l’on faisait venir les universités devant le comité, on pourrait par exemple dire à McGill: "Vous n’avez pas besoin de ce hall de médecine. Les besoins sont plus grands ailleurs. Si vous n’aviez pas rémunéré vos gens moitié plus qu’ailleurs, vous auriez les fonds nécessaires pour la réalisation du projet."

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C’est ce que vous dites à McGill?

M. Johnson (Bagot): Non, c’est une hypothèse... Nous sommes précisément contre le contrôle du Parlement dans le domaine sacré de l’éducation.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) dit que le projet de loi vise à garantir aux universités et aux collèges une complète indépendance et la sauvegarde de leur caractère particulier, tout en leur assurant l’aide nécessaire.

M. Johnson (Bagot): Nous nous basons sur une très vieille loi datant de 1846. La province sortait de la crise de 1837 et de l’Acte d’Union. Dans cette vieille loi passée par le Parlement uni du Canada, on parlait d’un principe que nous n’avons pas inventé. Lorsque nos amis d’en face étaient dans l’opposition, ils évoquaient ce principe pour nous accuser de violer l’indépendance du Conseil de l’instruction publique, et du comité catholique, de même que du surintendant. On nous blâmait de faire de la politique avec l’instruction publique. Et pourtant, combien il y a de différence entre le système qui consistait à faire distribuer par les députés les octrois accordés par le surintendant de l’Instruction publique et la loi qu’on nous présente actuellement, et qui laisse au ministre de la Jeunesse le soin d’accorder les subventions.

Ce que le gouvernement cherche aujourd’hui, c’est de légaliser ce qu’hier ses membres disaient condamnable. La loi de 1846 chargeait le surintendant de l’Instruction publique d’accorder et de distribuer, aux écoles, les deniers gouvernementaux. C'est un tort de le lui enlever. Nous ne sommes plus en 1846, mais les dangers qu’en 1846 on a voulu éviter, ils existent à l’état plus aigu, plus grave, en 1961. Et, ce qu'il y a de plus inquiétant, c'est que nous avons maintenant un gouvernement moins bien préparé à résister aux pressions, notamment celles des gauchistes et des gens de Radio-Canada. L'Union nationale n'a jamais eu d'homme...

Voix ministérielles: Non, certainement!

M. Johnson (Bagot): L'Union nationale n'a jamais eu de ces hommes qui souffraient de la maladie de l'esprit dont le premier ministre a parlé récemment. Mais, au temps de l'Union nationale, on avait des chefs qui savaient se tenir debout, qui avaient le courage de résister et de dire "non" aux gauchistes. Il félicite le premier ministre d'avoir pris enfin position devant la question de l'école neutre. Mais j'attends que ses actes reflètent ses paroles.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): On a déjà dit dans cette Chambre que nos amis d'en face prennent trop souvent des airs de vierges offensées. On a l'impression qu'ils ont soudainement trouvé leur chemin de Damas. Mais ils ont de la difficulté à faire concorder leurs paroles avec leurs actes. J'ai ici une lettre écrite en décembre 1951 par M. Duplessis à un révérend père dont je ne donnerai pas le nom.

Ce père exposait le problème de tel collège. "Ce problème, écrivait alors le premier ministre, concerne directement mon dévoué collègue, Omer Côté, secrétaire de la province." Il ne parlait pas du surintendant! Il (l’honorable M. Gérin-Lajoie) cite une autre lettre, celle-là écrite par M. Barrette, à un religieux, dans laquelle le premier ministre déclarait qu'il soumettait le problème au secrétaire provincial. Pas au surintendant!

Nous ne demandons pas de nouveaux pouvoirs. Nous transférons simplement les pouvoirs du secrétaire de la province au ministre de la Jeunesse. L’ancien gouvernement n’a jamais mis en pratique la théorie écrite au sujet de la loi sur l’instruction publique que le surintendant est responsable de la distribution annuelle des subventions à tous les niveaux de l’éducation. Il est vrai que le premier ministre Duplessis avait autorisé une subvention de $400,000 au collège Saint-Alexandre à Ottawa, après que son ancien collègue Paul Martin l’ait téléphoné pour lui demander une subvention, étant donné qu’il était le directeur de l’Association des anciens élèves. Le surintendant n’a jamais eu un mot à dire dans cette affaire car M. Duplessis avait dit: "Oui, Paul, tu auras la subvention." Et pour vous montrer, messieurs, comment le surintendant Omer Jules Desaulniers comprenait son rôle, il écrivait au premier ministre: "Mon cher premier: J'ai l'honneur de vous transmettre un chèque de $150,000, premier versement sur un montant de $300,000 que vous avez eu la générosité d'accorder au collège Saint-Alexandre."

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Cela prouve bien ce que je disais tantôt!

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Le député de Bagot a parlé tantôt des raisons qui ont causé la défaite de l'Union nationale, le 22 juin. La raison, c'était qu'il était temps que ça change, et les changements que nous proposons peuvent se résumer en deux points:

1. Nous voulons qu'il existe dans notre province une véritable estime pour la très haute et très noble fonction de surintendant de l'Instruction publique. Nous croyons que la direction de l'enseignement dans le Québec doit relever du comité catholique de l'instruction publique. Nous croyons que le surintendant doit être chargé de tout ce qui est du domaine de l'enseignement proprement dit: organisation de programmes, manuels, organisation et direction des écoles normales etc. Nous voulons que cette fonction soit étendue à des domaines qui doivent relever de cette fonction, mais que les titulaires n'ont pas eu le souci d'assumer pleinement, tels que l'orientation scolaire et professionnelle, le domaine de la radio et de la télévision scolaire, un sujet qui a été tabou jusqu'ici. Ce sont là autant de fonctions qui, dans l'esprit du gouvernement actuel, doivent relever du surintendant et être assumées par lui.

2. Nous voulons que cesse ce camouflage de faire de la politique avec l'argent de l'éducation, derrière le paravent du surintendant de l'Instruction publique. Nous voulons faire disparaître ce paravent qui est destiné à tromper la population et à soustraire aux représentants du peuple la responsabilité qu'ils ont, de par la Constitution, d'administrer l'argent du peuple conformément aux désirs de ce peuple. C'est pour cela que nous proposons que les fonds votés par la Législature pour l'éducation soient administrés par le gouvernement et la Législature. Les choses se passant au vu et au su de tout le monde, il sera désormais possible aux députés de discuter en Chambre l'administration des fonds votés par la Législature pour l'éducation. Ce sont toujours ces garanties que le gouvernement propose à la Législature d'inclure dans les lois.

L’article 17 du bill 64 et surtout le bill 86 signifient que le surintendant de l’Instruction publique n’aura plus juridiction en matière de financement de l’enseignement, mais il conserve sa juridiction en matière académique, ce qui est conforme au régime parlementaire dans lequel nous vivons. Le gouvernement veut non seulement établir un régime de subventions statutaires, mais nous demanderons à la Législature d'approuver une à une ces subventions.

Le député de Bagot a souligné le point fondamental de ce débat quand il a dit que nous voulions le contrôle du domaine sacré de l'éducation. Nous proposons que le domaine sacré de l'éducation soit réservé au contrôle ultime des élus du peuple en cette province, réunis en Parlement. C'est le point fondamental aussi pour l'affectation de deniers du peuple entre les différents secteurs de l'enseignement. Nous croyons que celle-ci doit être faite par la Législature. Il n'y a aucune institution, aucun surintendant et aucune commission qui puisse offrir de pareilles garanties, à savoir que ce contrôle de l’éducation publique soit entre les mains des représentants élus.

M. Talbot (Chicoutimi)4: Enfin, le ministre de la Jeunesse nous a livré le fond de sa pensée. Le ministre a finalement fait une déclaration précise. Nous ne chercherons plus ce qu'il pense ni où il veut aller. Il vient d'en faire l'aveu. Il a déclaré, si j’ai bien compris: "Nous luttons pour le contrôle du domaine sacré de l'éducation par les élus du peuple". Je l'ai prise en note cette déclaration du ministre qui ne laisse plus de porte de sortie: Le contrôle de l'éducation par les élus du peuple et spécialement en ce qui concerne l'affectation des deniers du peuple à l'éducation par le gouvernement.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Un point d’ordre. Non, pas par le gouvernement, mais par les élus du peuple réunis en Parlement.

M. Talbot (Chicoutimi): Par le Parlement, alors le contrôle du domaine sacré de l'éducation par le Parlement.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) et des députés ministériels: C'est cela, c'est cela.

M. Talbot (Chicoutimi): Enfin, on saura dans la province de Québec qu'en dépit de certains désaveux, en dépit de certaines promesses, que ce que l'on veut, c'est le contrôle de l'éducation par le Parlement. Dans quelle situation le ministre place-t-il alors le gouvernement? Il dit qu’il veut empêcher que la politique se camoufle derrière le paravent du surintendant de l’Instruction publique. Nous avons le fond de sa pensée maintenant, répète-t-il, et les journalistes l’ont consigné. Aucun doute ne subsiste sur le but ultime que poursuit le gouvernement.

Le surintendant de l'Instruction publique, directeur du département, a les qualités d'un ministre, excepté qu'il n'est pas responsable aux Chambres. D'autre part, certaines décisions administratives influent sur les décisions académiques. En ne laissant au surintendant que ce dernier domaine académique, le gouvernement entravera réellement la liberté académique. J'ai peur que le ministre, qui vient de s’avouer décidé à établir dans la question le contrôle du domaine sacré de l'éducation par le Parlement, ne soit également décidé à créer officiellement un ministère de l'Instruction publique, ou l’équivalent avec une désignation différente, la chose sans le nom comme on s’y attend toujours.

M. Bellemare (Champlain) partage ce point de vue.  Il est, dit-il, assuré que le ministre révisera la loi. La lutte du ministère de l'Instruction publique est une lutte centenaire. Le Parti libéral a toujours tenté d'instaurer un tel ministère dans la province, depuis 100 ans.

Il rappelle les tentatives infructueuses, sous d’autres régimes libéraux, pour doter la province d’un ministère de l’Instruction publique. Il cite des sermons prononcés par son excellence Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec et par son excellence Mgr Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières, condamnant la création d’un ministère de l’Instruction publique vers lequel se dirige le gouvernement libéral. Il craint qu'on s'y achemine à grands pas.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C'est faux. Il n’est pas du tout question à l'heure actuelle que le gouvernement fonde le ministère de l’Instruction publique.

M. Bellemare (Champlain): La commission Tremblay n’a jamais recommandé une mesure comme celle qui sera incorporée dans nos Statuts par le bill 64.

M. Johnson (Bagot): Je suis heureux que les jeux soient faits, que l’atmosphère soit clarifiée. Un homme a parlé clairement, ce soir. Il ne s’est pas contenté de potiner. Il nous a avoué que c’est le vœu du gouvernement actuel que le domaine sacré de l’éducation passe sous le contrôle du Parlement. Qu’avons-nous besoin de plus pour nous éclairer? Les droits des minorités deviendront des tolérances, si un ministère de l’Instruction publique est créé. Cet article 17 du bill 64, qui dépouille le surintendant de son rôle traditionnel de verser les subventions, peut même être inconstitutionnel, au regard de l’article 93 du pacte confédératif. Car, sous l’empire de cet article, la juridiction de la Législature est limitée. Cet article de la Constitution garantit aux protestants comme aux catholiques la confessionnalité de leurs écoles.

Et, pour protéger cette confessionnalité, nous avons le surintendant de l’Instruction publique, le Conseil de l’instruction publique, le comité catholique et le comité protestant. Et la loi de 1846, que nous avons toujours conservée dans nos Statuts, donnait au surintendant le droit de distribuer les subventions.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Il n’en va pas de même en ce qui concerne les subventions aux universités. Je ne voudrais pas soumettre, à ce sujet, le cardinal Léger, Mgr Roy et Mgr Cabana, chanceliers d’universités, au surintendant.

M. Johnson (Bagot): Ce serait encore mieux que de les soumettre au Parlement avant que le programme libéral soumette tout à Ottawa.

L’article 17 est adopté.

L’article 18 est adopté.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) promet à l'opposition de lui fournir une liste où l'on trouvera la somme qui revient à chacune des six universités du Québec sur les $25,000,000 provenant de la Conférence canadienne des universités. McGill a remis dernièrement sa part comme les autres. Mais les $25,000,000 seront redistribués entre nos six universités et les institutions affiliées. Il y aura $8,000,000 pour les collèges. L'Université Laval a déjà eu droit à ce à quoi elle a droit, et ceci, pour la construction de l'édifice de l'École des sciences.

M. Johnson (Bagot): Il faudrait bien éviter que recommencent les discussions entre universités et institutions affiliées.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): La liste des établissements appartenant à la Fédération des collèges classiques a été approuvée par les institutions. Il n'y aura donc pas d'ennuis de ce côté-là.

M. Bellemare (Champlain) interroge le ministre sur les cas spécifiques du Séminaire Saint-Joseph, qui a terminé, récemment, la construction d'une aile importante et du Séminaire Sainte-Marie qui, à son tour, met en chantier une annexe de fortes dimensions.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Les séminaires Saint-Joseph, de Trois-Rivières, et Sainte-Marie, de Shawinigan, auront droit à des subventions pour leurs travaux d'investissement en vertu du bill 64 concernant le financement des investissements des universités et des collèges affiliés. Il en donne l'assurance au député de Champlain.

M. Talbot (Chicoutimi) reproche au ministre de ne pas prévoir, sur le tableau des subventions qui seront octroyées durant les cinq prochaines années, le cas des futures universités Sainte-Marie, Loyola et de Trois-Rivières.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 64 après l’avoir amendé.

Le bill amendé est lu.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que le bill amendé soit maintenant agréé.

Adopté, après division.

 

Ajournement

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) propose que la Chambre, lorsqu’elle s’ajournera, se trouve ajournée à lundi prochain, à trois heures de l’après-midi.

Adopté.

La séance est levée à 11 h 15.


 

NOTES

1. Les sources n’indiquent pas l’heure de la reprise des travaux.

2. Voir note 1.

3. 26 février 1958, selon Le Soleil du 3 juin 1961, à la page 14.

4. Selon The Gazette du 3 juin 1961, à la page 4, "Le chef de l’opposition Antonio Talbot bondit de son siège et pointe dramatiquement son bras vers Gérin-Lajoie".