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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 16 octobre 1996 - Vol. 35 N° 43

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de l'ambassadeur du Japon, M. Takashi Tajima

Dépôt du document intitulé «Proposition du président de l'Assemblée nationale – Réforme parlementaire: présentation générale et première phase»

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

Avant de procéder aux affaires du jour, j'informe les membres de cette Assemblée qu'il est prévu que quatre commissions siégeront ce matin et, à cette fin, j'aurais besoin du consentement de cette Assemblée pour déroger à l'article 145 qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant les affaires du jour. Alors, y a-t-il consentement? Consentement.


Affaires du jour

Alors, M. le whip du gouvernement? Ah, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton.


Projet de loi n° 15


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 3, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes propose l'adoption du principe du projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre, je vous cède la parole, et vous disposez d'un temps de 60 minutes.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. M. le Président, d'aucuns diraient que la mise en vigueur de l'Accord sur le commerce intérieur n'exigeait pas, de la part du gouvernement et de l'Assemblée nationale, l'adoption d'un projet de loi, ce qui est vrai, mais c'eût été alors considéré l'Accord sur le commerce intérieur au même titre que n'importe quelle politique ou n'importe quel programme à saveur économique, et telle n'est pas l'intention du gouvernement du Parti québécois.

Bien que l'Accord sur le commerce intérieur fût signé par le précédent gouvernement, il s'inscrit tout à fait dans la tradition libre-échangiste de la dynamique économique québécoise. Toutes lignes partisanes confondues, tous s'accordent à dire que l'économie québécoise doit se mesurer à l'aune de la compétition nord-américaine, et même davantage.

Notre gouvernement tient donc à souligner l'importance de l'Accord sur le commerce intérieur par le processus de la reconnaissance législative à deux titres. D'abord, comme je le mentionnais, parce que cet Accord confirme l'ouverture de l'économie québécoise, après l'Accord de libre-échange et l'ALENA, ouverture vers ses partenaires de l'espace économique canadien. Ensuite, parce que cet Accord concrétise la volonté du gouvernement, dont on connaît l'option, de bâtir un partenariat économique au lendemain d'un oui à une autre voie qui sera proposée, celle de se donner un pays.

En effet, le dépôt de ce projet de loi marque l'importance que le gouvernement du Parti québécois attache à la promotion des intérêts économiques du Québec. Nous considérons en effet que l'Accord sur le commerce intérieur, bien qu'imparfait, constitue un élément majeur, peut-être même la pierre d'assise du partenariat économique plus ouvert que le Québec souhaite établir avec le reste du Canada. Et je tiens ici à signaler et à remercier – je pense qu'il faut le faire – le précédent gouvernement d'avoir conduit les négociations menant à la conclusion de l'Accord.

Permettez-moi – je pense que c'est tout à fait opportun dans les circonstances – de faire une rétrospective rapide de ce qui a donné naissance à l'Accord sur le commerce intérieur. Les perspectives de cet espace économique canadien sont reconnues par tous depuis longtemps et par tous les partis politiques québécois. Dès février 1985, les premiers ministres des provinces et du Canada avaient défini neuf principes relatifs au développement économique régional qui stipulaient notamment, et je cite, que «les gouvernements devaient explorer les moyens d'accroître le commerce interrégional et d'éliminer les barrières entre les provinces».

(10 h 10)

En 1987, ils confirmaient cette volonté en créant le comité des ministres chargés du commerce intérieur et en lui confiant, à l'époque, le mandat d'analyser, de réduire et d'éliminer, si possible, les obstacles au commerce interprovincial découlant de politiques, ou de lois, ou de règlements des divers gouvernements. Les achats de biens des gouvernements et le dossier des boissons alcooliques ont été examinés en priorité. Le comité ministériel devait également se pencher sur les pratiques liées au transport, aux normes techniques dans la construction et à la mobilité professionnelle. En parallèle, les ministres de l'Agriculture entreprenaient des discussions en vue de libéraliser le commerce des produits agricoles.

Ces premiers efforts ont conduit à la conclusion, au début de 1990, de l'Accord intergouvernemental sur les marchés du secteur public, les achats gouvernementaux, ainsi que, à peu près au même moment, de l'Accord intergouvernemental sur les pratiques de commercialisation de la bière. De leur côté, les ministres de l'Agriculture convenaient du protocole d'entente sur les mesures visant à supprimer ou à réduire les obstacles interprovinciaux au commerce des produits agricoles et alimentaires.

Par la suite, forts d'un appui de principe de l'ensemble des gouvernements d'éliminer rapidement les barrières au commerce interprovincial et devant les difficultés de la lenteur des négociations qui se déroulaient secteur d'activité par secteur d'activité, les ministres du Commerce intérieur, à leur réunion de décembre 1992, ont retenu le concept d'une approche globale. Basée sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements, des capitaux, et sur des règles générales de comportement, cette nouvelle approche visait à raffermir l'engagement des gouvernements en faveur d'un marché intérieur libre de barrières commerciales et à adopter un processus accéléré et simultané de négociation dans un ensemble donné de secteurs d'activité.

Cette approche a conduit à l'Accord sur le commerce intérieur qui a été signé en juillet 1994 par tous les premiers ministres dont, à ce moment-là, le député de Vaudreuil-Soulanges, chef de l'opposition actuel, qui était, comme on le sait, à ce moment-là, premier ministre du Québec. Cet Accord est entré en vigueur le 1er juillet 1995.

Le gouvernement du Parti québécois, dont je fais partie, M. le Président, reconnaît que l'espace économique canadien, l'espace économique Canada-Québec, est un atout de première importance en termes de croissance économique pour les producteurs de biens et de services du Québec et du Canada. Bien sûr, l'ouverture des marchés internationaux offre de nouvelles opportunités prometteuses pour qui veut les exploiter. Cependant, une des façons de permettre aux industries d'ici d'être compétitives sur la scène mondiale est assurément de leur faciliter l'accès aux marchés qui sont à proximité comme facteur de stabilité et de développement de leurs capacités de produire.

Alors que la plupart des gouvernements acceptent de jouer le jeu de la libéralisation du commerce international, il nous apparaît tout à fait normal, allant de soi, de consentir les mêmes avantages aux entreprises qui dépendent de l'espace économique Canada-Québec.

L'Accord sur le commerce intérieur tente de faciliter encore davantage les échanges entre les provinces et de créer plus d'occasions d'affaires en établissant de nouvelles règles du jeu au sein de l'espace économique canadien. Fondé sur le principe de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, il s'inspire des ententes commerciales internationales. Il impose une discipline aux gouvernements et une grande transparence dans leurs actions.

Plus précisément, il définit, dans son chapitre introductif, les principes généraux qui ont servi de cadre à l'élaboration des règles spécifiques applicables aux secteurs d'activité qui sont couverts, soit les marchés publics, les investissements, la mobilité de la main-d'oeuvre – à ce chapitre, d'ailleurs, je vous signale, M. le Président, ou je vous rappelle, ça a été annoncé il y a peu de temps, l'accord qui est intervenu entre l'Ontario et le Québec en matière de chantiers de construction – mesures énormes en matière de consommation, produits agricoles et produits alimentaires, boissons alcooliques, transformation des ressources naturelles, énergie – là où on est en cours de négociations actuellement – communications, transport et protection de l'environnement.

Outre certaines dispositions institutionnelles, l'Accord précise également des procédures de règlement des différends de nature non judiciaire. Enfin, il introduit un ensemble de dispositions générales et énumère, entre autres, un certain nombre d'exclusions, complètes ou partielles, dont plusieurs sont importantes pour le Québec, en particulier aux titres du développement régional, de la culture, de la taxation et du secteur financier.

Les données de 1994 sur le commerce interprovincial des marchandises et des services qui sont tirées des comptes économiques provinciaux sont extrêmement révélatrices, M. le Président, à ce sujet et montrent que le Québec bénéficie de l'espace économique canadien, mais aussi l'inverse, que le reste du Canada tire profit du marché québécois. C'est mutuel. Les exportations du Québec à l'extérieur du Canada se chiffraient à cette époque, en 1994, à 47 500 000 000 $ et les importations étaient de l'ordre de 52 000 000 000 $. Du côté du reste du Canada, elles se situaient respectivement à 34 200 000 000 $ d'exportations et 33 300 000 000 $ d'importations.

C'est donc dire que les exportations du Québec vers les autres provinces correspondent à 42 % de ses exportations totales et ses importations d'origine canadienne, à 39 % de l'ensemble des importations québécoises. L'Ontario est – je pense que ce n'est pas une surprise pour personne – évidemment notre plus important partenaire commercial. Ceci explique la volonté des deux gouvernements actuels, en Ontario et au Québec, d'intensifier leurs relations économiques privilégiées en signant, en mai dernier, une entente élargissant l'accord bilatéral sur les marchés publics existant aux secteurs municipalités, éducation et santé et services sociaux. Cette nouvelle entente ouvre des marchés de l'ordre de 9 000 000 000 $ en Ontario et de 6 000 000 000 $ au Québec. D'ailleurs, se faisant, nos deux gouvernements ont donné une impulsion vigoureuse aux discussions sur le même sujet dans l'Accord sur le commerce intérieur, qui se poursuivent.

Au-delà de la justification purement économique et commerciale, M. le Président, on voit facilement poindre aussi la dimension politique derrière la démarche entreprise par les premiers ministres en 1987. Celle-ci se situe dans la période précédant l'intensification des discussions constitutionnelles. Les négociations sur le commerce interprovincial, ralenties d'ailleurs durant la ronde des pourparlers constitutionnels de Meech et par la suite de Charlottetown, ne pouvaient dès lors constituer qu'un appendice à des échanges, à des préoccupations et à des intérêts beaucoup plus fondamentaux. L'Accord sur le commerce intérieur tel que nous le connaissons est une manifestation partielle mais concrète des visées de l'époque. Le gouvernement du Québec a approuvé l'Accord sur le commerce intérieur et en a autorisé la signature en juillet 1994, ce qui constituait en quelque sorte la seule reconnaissance officielle de son adhésion à l'Accord.

On aura maintenant compris que l'Accord touche des domaines de compétences provinciales, dites provinciales, des compétences qui relèvent du Québec. Dans son préambule, il convient du respect des compétences législatives conférées au Parlement fédéral et aux Législatures des provinces par la Constitution du Canada. Cette intention est confirmée avec plus de précision par l'unique article du chapitre III, Réaffirmation des pouvoirs et responsabilités constitutionnelles. Celui-ci stipule que les compétences et les droits découlant du Parlement et des Législatures ainsi que des gouvernements ne sont pas modifiés par l'Accord.

Toutefois, il n'en demeure pas moins que celui-ci vise à imposer une discipline qui balise l'exercice des pouvoirs législatifs et exécutifs des gouvernements et des Parlements. Ainsi, si le Québec entend respecter l'ensemble des dispositions de l'Accord, il lui faut aussi harmoniser son droit interne avec les obligations liées à sa mise en oeuvre. C'est ce que vise, entre autres, le projet de loi n° 15, M. le Président.

(10 h 20)

Jusqu'à maintenant, le respect de l'Accord par le Québec s'est traduit par des modifications réglementaires. Puisque sa mise en oeuvre concerne également l'exercice du pouvoir législatif, il apparaît maintenant opportun de saisir l'Assemblée nationale d'un projet de loi concernant l'Accord sur le commerce intérieur afin d'obtenir son assentiment à ce que le Québec s'engage à respecter l'Accord qui aura pour effet, il faut en être conscient, de limiter à certains égards la liberté du législateur.

En outre, l'adoption de cette loi permettra au Québec de manifester, aussi bien à l'égard des autorités fédérales que des provinces, sa volonté claire, sans équivoque, d'assumer dans le cadre constitutionnel actuel le plein exercice de ses pouvoirs constitutionnels de mise en oeuvre des accords intergouvernementaux auxquels il agrée et qui affectent des domaines de sa compétence. Tout comme l'ont fait d'ailleurs – on n'est pas tout seul à agir de cette façon-là – l'Alberta, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et le gouvernement fédéral où de telles lois ont déjà été sanctionnées.

Il s'agit également ici, encore une fois, d'illustrer l'importance que le Québec accorde à ses partenaires de l'espace économique Québec-Canada ainsi que l'opportunité de protéger et de promouvoir les bénéfices mutuels qui en découlent pour toutes les parties.

En somme, le Québec est résolument engagé dans le mouvement du libéralisme économique, et, dans cet ordre d'idées, la dynamique régissant le commerce intérieur n'est pas différente de ce qui existe au niveau international. Tout comme il s'est fait le promoteur par le passé d'accords commerciaux internationaux, comme l'Accord de libre-échange, l'ALENA, l'Organisation mondiale du commerce qui a succédé au GATT, M. le Président, le gouvernement actuel du Québec, dès son arrivée au pouvoir, a clairement indiqué sa ferme volonté de s'associer à la poursuite des efforts entrepris en ce sens depuis 1987 et, naturellement, il va sans dire, de respecter les engagements et les obligations qui sont prévus aux accords. Je pense que c'est bien illustré par le fait qu'on amorce maintenant un débat sur un projet de loi qui vient confirmer cette adhésion.

D'ailleurs, dans son discours inaugural, le premier ministre soulignait le désir et le goût enraciné depuis fort longtemps dans la culture québécoise d'ouverture sur l'extérieur. Non seulement le discours du gouvernement, mais aussi les gestes qu'il pose traduisent invariablement cet esprit de grande ouverture axé, faut-il le préciser cependant, sur la défense des besoins et des intérêts spécifiques du peuple québécois.

Alors, M. le Président, à titre de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes chargé expressément de la responsabilité de coordonner l'action du Québec, de concert avec ma collègue de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie qui prendra la parole tout à l'heure, dans le domaine du commerce extérieur dans l'espace économique canado-québécois, je puis aujourd'hui me permettre de confirmer à mon tour que ce dossier constitue une priorité pour le gouvernement et une pièce désormais maîtresse de la politique des relations intergouvernementales canadiennes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir ce matin après le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui nous a brossé un tableau de ce qui s'est produit durant les dernières années à l'égard du commerce avec nos partenaires canadiens et des efforts qui ont été faits sans relâche par le gouvernement antérieur. Je suis heureux de voir qu'il a salué ce travail et qu'il a remarqué les produits et les fruits qui sont ressortis de ce travail.

Dès le départ, dans les quelques brefs mots que je vais prononcer à cette étape sur le principe, M. le Président, je vais relever cette allusion qu'a faite, à la toute fin de son propos, le ministre sur la culture québécoise d'ouverture sur l'extérieur. Je pense qu'effectivement on peut parler d'une culture québécoise d'ouverture sur l'extérieur. Ce n'est pas si évident à l'égard du parti formant le gouvernement, actuellement, qui n'a pas – on ne peut pas le nier – dans ses actions quotidiennes, dans sa tendance et dans ses aspirations, cette ouverture constante. Je vais pouvoir, tantôt, faire ressortir un peu l'incohérence de la position du parti actuel dans le débat du commerce avec les autres provinces, du commerce interprovincial. On y verra bien que cette ouverture sur l'extérieur n'a pas toujours préoccupé le gouvernement et, malheureusement, ne le préoccupe pas tout le temps. Ne serait-ce que de mentionner que le gouvernement actuellement ne joue pas le jeu de défendre les intérêts du Québec dans le cadre du fédéralisme canadien, cherchant à le renouveler, comme quoi ce que les Québécois avaient décidé lors du dernier référendum... Et, déjà là, on peut voir que les propos du ministre portent à faux à l'égard de l'action gouvernementale.

Ceci étant, nous avons donc un projet de loi qui cherche à mettre en vigueur un accord. Regardons brièvement ce qu'est cet Accord. Le ministre y a fait référence tantôt, ça a pour but de promouvoir un marché intérieur plus ouvert, M. le Président, notamment par l'élimination de certains obstacles à la libre circulation des produits, des services, des investissements et des personnes. Cet Accord cherche à accroître la qualité de l'espace économique canadien en établissant le principe de la non-discrimination réciproque, l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes, l'engagement à ne pas adopter de normes restreignant ou empêchant la circulation.

En fait, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui, d'un accord qui est intervenu sous les auspices du dernier gouvernement libéral, prend en compte les pouvoirs de chacun et indique à chacun des détenteurs de ces pouvoirs, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, leur donne comme ligne de conduite de la bonne entente, M. le Président, l'harmonisation, le travail dans une même direction. Et je pense qu'on voit là une nouvelle tangente – et j'y reviendrai – du régime fédéral actuel. On espère qu'on pourra porter tout ça beaucoup plus loin et on espère que le gouvernement actuel va, à partir d'aujourd'hui, puisque le ministre nous disait que c'est une pièce maîtresse qui arrive en début de session, premier projet de loi... j'ai l'impression qu'on va nous annoncer très, très prochainement un virage dans l'approche du gouvernement. Je crois déceler ça chez le ministre, une participation maintenant active et de bonne foi à continuer les aménagements et le renouvellement du système actuel dans le sens des intérêts des Québécois. C'est ce que ce projet de loi, le ministre vient de nous le dire, propose. J'espère qu'il y en aura dans d'autres secteurs.

Ceci étant, le ministre a fait tantôt les louanges de l'espace économique canadien, a parlé de la libre circulation des personnes, a parlé de l'intérêt que tous pouvaient avoir dans l'harmonisation de nos pouvoirs. Je pense qu'on pourra reprendre ce discours et, comme disent certains, le faire laminer sur nos murs pour bien nous souvenir que le ministre a prononcé ces propos et nous rappeler que cet espace ne doit pas être détruit, il doit être bonifié. Et je crois comprendre, M. le Président, qu'à partir d'aujourd'hui, des deux côtés de la Chambre, nous allons travailler à bonifier notre système actuel plutôt qu'à le détruire, puisque ce serait contre nos intérêts.

Je disais tantôt, M. le Président, que le parti ministériel manquait peut-être un peu de cohérence. Je voudrais quand même vous rappeler que, lorsque cette entente – et je vais le faire très rapidement, M. le Président – après beaucoup de travail, c'est vrai, a été conclue, du côté du Parti québécois on a décidé de prendre position. À ce moment-là, le Parti québécois était dans l'opposition.

Et je vais juste vous citer quelques titres d'articles de journaux, M. le Président. Le 19 juillet 1994, on est quelques jours après la conclusion de l'entente: «Parizeau lève le nez sur l'entente interprovinciale». Évidemment, on parle ici du chef, à l'époque, du parti ministériel, qui est devenu premier ministre par la suite. On dit, le 20 juillet: «Pas de quoi être fier, affirme Jacques Parizeau». On est loin, là, de la fierté. Je souligne quand même que je suis heureux des propos du ministre de ce matin. Je fais juste noter qu'il y a une divergence entre ce qui était dit il y a deux ans et ce qui est dit aujourd'hui. Et je fais juste souhaiter que ce qui est dit aujourd'hui soit le vrai signal, parce que, comme le disait ce matin, M. le Président, Jean-Jacques Samson, dans le journal ce matin, «Bouchard: confusion dans les signaux». Alors, je fais toujours attention lorsque j'ai des signaux qui me sont donnés par le Parti québécois, M. le Président, pour savoir si ce sont effectivement les bons. Espérons que ceux de ce matin sont les bons.

Mais revenons à ce que je vous disais. Le 20 juillet 1994, on a un autre titre dans le journal: «Parizeau dénonce l'Accord sur le commerce intérieur». Et: «Parizeau se fait les dents avec l'Accord sur le commerce». En fait, il y en avait abondamment. On ne pouvait qu'en choisir quelques-uns ce matin, M. le Président, mais pour noter quoi? Pour noter que, lorsque cet Accord a été signé, le Parti québécois a choisi non pas l'ouverture sur l'extérieur, telle qu'est la culture québécoise, a dit le ministre, il a choisi la fermeture. Telle est d'ailleurs la culture du Parti québécois, M. le Président. Et c'est pourquoi ils ont pris cette position à ce moment-là.

(10 h 30)

Par chance, cette position a évolué. Et, un an après, lorsqu'on célébrait le premier anniversaire de cet Accord, M. le Président, l'actuelle ministre de la Culture disait – c'était le 1er juillet – qu'elle se réjouissait de l'entrée en vigueur de l'Accord sur le commerce intérieur. Il y avait un délai d'un an avant l'entrée en vigueur. Et, donc, déjà – elle était aussi ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales à l'époque – on voyait un virage qui était complété. Maintenant, après avoir critiqué, après s'être fait les dents sur cet Accord, là, tout à coup, c'était profitable.

Il faut aussi rappeler, M. le Président, que ce dont se plaignait M. Parizeau, chef du parti – à l'époque chef de l'opposition, il n'était pas encore premier ministre – c'était du mécanisme du règlement des différends, dont il disait qu'il servait à pelleter les différends commerciaux, dans le temps.

Ce qui est quand même étonnant, M. le Président... Parce que là on parle du 20 juillet 1994, toujours à cette époque où on tombe à bras raccourcis sur une entente qui était profitable pour les Québécois, mais, pour gagner quelques points dans l'opinion publique – ça fait toujours du bien, hein, pour le parti qui est dans l'opposition, qui essayait de faire croire des choses aux Québécois – alors on sortait à peu près tout. Ce qui est étonnant, c'est que, l'année d'après, le ministre – celui qui a été ministre de l'Industrie et du Commerce et qui ne l'est plus, M. le Président – écrivait à son collègue John Manley, ministre de l'Industrie du Canada – c'était en mai 1995 – pour souhaiter que le processus de règlement des différends ne soit pas de nature judiciaire, qu'il repose sur la bonne foi des parties signataires.

Alors, on voit le virage qui, encore une fois, se continuait au niveau de l'acceptation de cet Accord. Je vous rappelle que c'était en 1994, M. le Président. Le chef du Parti québécois se faisait les dents sur cet Accord, notamment en parlant du mécanisme de règlement des différends. On l'a entendu abondamment.

Quoi de plus clair pour illustrer le virage, la confusion des signaux – ce qui devrait toujours être à notre esprit lorsqu'on voit le gouvernement agir – que de référer à un texte, M. le Président, qui a reçu l'aval du premier ministre du Québec de l'époque et du chef de l'opposition à Ottawa de l'époque, l'actuel premier ministre du Québec. Dans ce texte, on disait ceci – on parlait d'un tribunal qui devait être mis sur pied pour régler les différends relatifs au traité, à son application et à l'interprétation de ses dispositions: «Ces décisions lieront les parties. On pourra s'inspirer, pour ses règles de fonctionnement, de mécanismes existants, tels le tribunal de l'ALENA, celui de l'Accord sur le commerce intérieur ou celui de l'Organisation mondiale du commerce.»

Ce texte que je viens de citer, M. le Président, c'est ce qui a été connu comme étant l'entente tripartite du 12 juin. C'est en partie sur cette entente que les Québécois ont été consultés lors du référendum de l'an dernier. Simplement pour noter, M. le Président, que, dans cette entente, en 1995, un an après que M. Parizeau, que le chef du Parti québécois se fut fait les dents sur l'Accord sur le commerce intérieur, qu'il eut dénigré le mécanisme de règlement des différends, moins d'un an après, en juin 1995, 11 mois après, il nous dit, dans son entente tripartite avec les autres chefs souverainistes, qu'il va s'inspirer du mécanisme de différends de l'Accord sur le commerce intérieur.

La boucle était bouclée. On avait dit «noir»; on avait dit «blanc». C'était le paroxysme du double langage. C'est, je pense, l'approche qu'utilise toujours ce gouvernement, ce parti. Et il faut qu'on ait à l'esprit ces signaux perpétuellement, constamment contradictoires, où on cherche à savoir à quelle enseigne le gouvernement loge.

Aujourd'hui, nous commençons une nouvelle session. C'est le premier projet de loi qui est entendu ici sur le principe. J'ose espérer, M. le Président, qu'il s'agit d'un nouvel épisode, d'un nouveau jour et que le gouvernement entend, maintenant, être sérieux, respecter les propos qu'il tient et qu'il va essayer d'éviter de nous amener constamment dans du double langage. Comme le dit Jean-Jacques Samson: Des confusions dans les signaux.

Ce que je constate, lorsque je regarde donc cette période, cette évolution du Parti québécois sur l'accord avec les autres provinces, c'est, bien sûr, cette tendance, même si ça joue contre les intérêts des Québécois, à jouer le tout pour le tout pour une seule cause. On l'a dit combien de fois, M. le Président, que ce parti était aveuglé par une seule mission, un seul objectif, peu importe le coût que ça pouvait représenter sur nos concitoyens.

Lorsqu'on se lève, chacun, ici, dans cette Chambre, M. le Président, on se souvient que nous représentons des gens dans nos comtés. Nous savons que nous sommes responsables des propos que nous prononçons, parce qu'ils touchent chacun de nos concitoyens. C'est tout le Québec qui parle lorsqu'on parle, des deux côtés de cette Chambre. Et je veux juste noter, M. le Président, que je trouve malheureux que le gouvernement du Parti québécois ait de tels agissements, qu'il évolue, qu'il change et qu'il devienne maintenant plus ouvert à des relations harmonieuses avec nos partenaires canadiens, qu'il chante les louanges de l'espace économique canadien, de la libre circulation des personnes, M. le Président, alors que je me rappelle très bien une étude, qui avait été produite par le ministre alors délégué à la Restructuration, qui faisait état que, dans un Québec souverain, il n'y aurait plus lieu, ce ne serait plus dans l'intérêt des Québécois, d'avoir la libre circulation des personnes. Ce qui était aberrant, M. le Président, parce que je pense que nos concitoyens veulent avoir accès à un vaste marché, ne serait-ce que pour y travailler.

Alors, j'espère que, lorsque le ministre nous disait tantôt que c'est un signal pour bâtir un nouveau partenariat, le ministre sera sérieux et que, dans tous ses comportements et ses agissements futurs, il évitera, lui comme son gouvernement, les querelles inutiles, la création artificielle de crises qui ne servent à rien, si ce n'est qu'à liguer des gens les uns contre les autres. Dans un véritable partenariat, comme le disait d'ailleurs à l'époque le ministre de l'Industrie et du Commerce – qui ne l'est plus, qui a été éjecté de ce poste, M. le Président, lorsque le nouveau premier ministre est arrivé – il faut que ça se fasse dans un climat de bonne foi. Alors, je pense qu'il est important que le gouvernement agisse en fonction de ses paroles et cesse de se quereller.

Pour ce qui est de tenter de démontrer dans un discours, M. le Président, que la mise en vigueur de cet Accord permet maintenant au Parti québécois d'avoir un argument disant: Même si nous faisons la séparation, cet Accord persistera, il est bon de rappeler, M. le Président, que cet Accord est un accord sur le commerce intérieur, qu'il est disponible aux provinces dans un pays qui s'appelle le Canada. Il a été très clair, lorsque le chef du Parti québécois, alors premier ministre, Jacques Parizeau, était allé à Terre-Neuve pour y faire une crise, hein, dans ce beau partenariat qui est tellement bon mais où on prend toutes les occasions pour faire des crises... Vous vous souviendrez lorsque, un peu avant le référendum, il était allé à Terre-Neuve pour faire, justement, une crise sur le commerce intérieur parce qu'il voulait essayer de faire dire au reste du Canada: Vous voyez, avec cet Accord-là, vous êtes forcés de faire affaire avec nous même si on s'en va.

Mais, évidemment, la logique l'a rejoint un peu trop rapidement. Il n'avait même pas encore quitté Terre-Neuve que tout le monde avait bien compris qu'il s'agissait d'un accord interprovincial, entre les provinces, dans un pays qui est le nôtre et que nous devons constamment travailler à changer, à bâtir, à améliorer pour le bien non pas du programme du Parti québécois, mais pour le bien des citoyens. Et c'est dans ce sens-là qu'il est heureux que, aujourd'hui, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qui ne nous a pas habitués, M. le Président, à des propos louangeurs à l'égard du Canada, puisse maintenant se lever en Chambre et dire: Voilà un projet de loi qui est une nouvelle relance de l'action gouvernementale.

On peut soulever quelques questions dont le ministre a fait état tantôt. Est-ce qu'il était important d'avoir un projet de loi pour la mise en vigueur de cet Accord? Bien sûr, dans le projet de loi que nous avons devant nous, il y a des dispositions concernant les agences de voyages, notamment pour harmoniser certaines de nos législations. Il était important d'avoir des lois d'harmonisation. Est-ce qu'il était important d'avoir une loi qui met en vigueur, qui met en oeuvre l'Accord sur le commerce intérieur? La question se posait, le ministre a tenté d'y donner une réponse. Il faudra qu'on y voie un peu plus près, M. le Président, lors de la commission.

(10 h 40)

Reste que le gouvernement, l'actuel gouvernement, a lui-même, avant de déposer un projet de loi, lequel projet de loi a été déposé à la session dernière – faut-il le rappeler d'ailleurs – avec des modifications sur la Loi sur les agents de voyages, qui devait être adoptée avant le 1er juillet 1996... Évidemment, cette date est dépassée et je ne sais pas pourquoi le gouvernement a refusé d'aller de l'avant et de respecter les échéanciers. En vertu d'un article dans l'Accord sur le commerce intérieur – c'est l'article 805, M. le Président – le gouvernement devait faire adopter ces modifications. Il a déposé le projet de loi mais n'est pas allé de l'avant, et ça, c'était obligatoire. Ça, il devait le faire. Ce n'est pas une question de: Est-ce que je peux? Est-ce que j'en ai la faculté? Le gouvernement devait le faire, et ça n'a pas été fait.

Pourtant, maintenant, dans le projet de loi de mise en oeuvre, on donne des pouvoirs au gouvernement que le gouvernement a déjà exercés. Alors, il faudra bien se poser quelques questions sur la pertinence d'adopter des articles, des dispositions législatives, que le gouvernement lui-même considère superflus. À cette époque où on parle de paperasse et d'essayer de diminuer l'ensemble des règles, nous voilà avec des articles, des dispositions législatives que le gouvernement lui-même considère superflus, puisque... Et j'en ai pour exemple, M. le Président, le décret 1126-95 du 23 août 1995, concernant la nomination de cinq membres sur la liste de membres pour la constitution d'un groupe spécial en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur. Et on y dit ceci, M. le Président, parmi bien d'autres choses: Attendu que cet Accord est entré en vigueur le 1er juillet 1995. Il est entré en vigueur, il a des effets, il permet au gouvernement d'adopter un décret et de nommer des membres. Or, nous nous étonnons de voir dans le projet de loi n° 15 des dispositions qui permettent au gouvernement de faire ce qu'il a déjà fait. Alors, il faudra bien revenir sur cette question en commission.

Reste que nous sommes à étudier sur le principe. Donc, lorsqu'on aura à aller voir les dispositions, on y reviendra. Nous sommes à regarder le principe d'un projet de loi qui cherche à mettre en oeuvre un accord sur le commerce intérieur. Un accord sur le commerce intérieur; non pas une imposition, non pas un fédéralisme de tutelle. Parce qu'il y a eu des discussions longues là-dessus. Il y en a qui voulaient tenter des coups de force, mais ça a été empêché, M. le Président.

Et avec beaucoup de travail et aussi en connaissant chacun, de part et d'autre, parmi toutes les autres provinces, au gouvernement fédéral et au Québec, en comprenant d'abord qu'il y avait des outils qu'on devait se garder puis que, dans les pouvoirs qu'on avait, il était possible de se donner une ligne de conduite commune parce que c'était dans l'intérêt de tout le monde, donc on a pris l'option. Et c'est l'option que, nous, au Parti libéral, M. le Président, nous avons toujours eue: l'option de la collaboration, de la codécision. Et on voit que cette méthode, cette approche, prend maintenant sa place. Et même, M. le Président, il y a espoir que le gouvernement du Parti québécois, puisque le ministre nous l'a dit tantôt, puisse aller un peu plus loin dans ce processus, dans cette approche qui nous est maintenant ouverte grâce au travail qui a été fait par le premier ministre libéral, qui est maintenant chef de l'opposition, qui a signé cette entente.

Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? On voit que le gouvernement accepte, est d'accord avec le fruit d'une démarche qui a été l'interprovincialisme, M. le Président. Lorsqu'on parle du commerce entre les provinces, comment cet Accord est-il né? Il est né de la volonté de gens qui, connaissant l'ampleur de leur pouvoir mais connaissant aussi les diktats de l'interdépendance, ont convenu que, pour le mieux-être des citoyens qu'ils représentaient, il fallait discuter, s'entendre, trouver des moyens, une ligne de conduite commune.

Aujourd'hui, le gouvernement accepte, fait sienne cette démarche d'interprovincialisme, ce véritable partenariat qui existe déjà et que nous devons simplement énergiser davantage avec l'appui de tous. En espérant que le gouvernement actuel mettra aussi du sien dans cette démarche: ne pas attendre que les fruits d'autres soient survenus mais qu'il travaille lui-même à créer des fruits et non pas à abattre l'arbre, ce qu'il fait constamment depuis qu'il est au pouvoir. Nous avons donc un exemple aujourd'hui.

Nous avons un autre exemple, M. le Président, qui tient au fait que le ministre n'a absolument pas dit un mot, dans ses propos, du projet de loi fédéral. Et je veux simplement noter ceci, M. le Président: il y a eu, lorsque ce projet de loi fédéral C-88, qui est devenu le C-19, fut analysé et déposé à la Chambre des communes, tout un débat là-bas, M. le Président, sur l'ampleur des dispositions qui y étaient contenues. Le ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec avait fait des représentations; le parti représentant l'opposition officielle à Ottawa avait fait des représentations... Enfin, dans leur style habituel, ils ont déchiré leurs chemises. Mais, ce qu'il faut noter, M. le Président, c'est que le gouvernement fédéral, la Chambre des communes ont modifié le texte de leur projet de loi pour donner une véritable force à ce qui était demandé, en tout respect de l'Accord.

Donc, il y a là un exemple où le gouvernement fédéral n'a pas imposé de tutelle. Je m'étonne que le ministre n'en ait pas parlé dans sa nouvelle approche, de la nouvelle atmosphère qu'il veut créer. Il est important, comme représentants à l'Assemblée nationale, parfois de dire à nos partenaires: Attention, ça, ça ne fonctionne pas, attention à nos pouvoirs! C'est un devoir que nous devons assumer. Il ne s'agit pas de le faire de façon artificielle pour essayer de gagner un ou deux points et arracher aux Québécois un vote en leur cachant la vérité; il s'agit de défendre de façon correcte et juste nos pouvoirs. Et il faut le dire quand le partenaire va à l'encontre de nos objectifs.

Mais, lorsque le partenaire, un des partenaires, le gouvernement fédéral, accepte la position que nous avançons, accepte la volonté exprimée par le Québec, il faudrait aussi avoir le courage de le dire. Et, en cette Chambre, M. le Président, je suis assez constamment déçu que le parti ministériel n'ait jamais le courage de le dire, n'ait jamais le courage de le faire voir aux Québécois. Et il ne s'agit pas d'essayer d'obnubiler les Québécois à l'encontre de leurs intérêts, juste sur la petite cause du programme du PQ, il s'agit de dire toute la vérité, rien que la vérité.

J'ose espérer qu'à compter de ce jour, avec le virage annoncé par le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, on pourra de temps à autre, même si ça fait mal, du côté du gouvernement, accepter de dire aux Québécois: Voilà, nous avons défendu nos objectifs, nos outils et nous avons été entendus. C'est un système qui fonctionne. Parce que voilà un autre élément dans cette nouvelle dynamique: que le système fonctionne. On ne nous a pas tapé sur la tête. Lorsqu'on a adopté ce projet de loi là à Ottawa, on a accepté les modifications que nous avions demandées. Alors, voilà, il faut le dire.

Il y a donc des éléments qui démontrent une dynamique qui n'est pas arrivée à son terme, elle commence, mais une dynamique qui nous laisse entrevoir des jours meilleurs. Je souligne qu'avec beaucoup de... Parce que, lorsque je parle du courage, M. le Président, je vais le faire mien. Lorsque j'ai constaté... Le ministre de l'Environnement du Québec, au mois de mai, je pense – c'était fin mai, début juin – est allé à une rencontre fédérale-provinciale sur l'environnement et a salué les nouveaux procédés de codécision en matière environnementale. Et il a dit: Voilà, c'est comme ça qu'on aimerait que ça fonctionne. Alors, je le salue. Je dis: Voilà une déclaration qui va dans le sens des intérêts des Québécois, qui, peut-être, ne faisait pas trop l'affaire de la rhétorique péquiste mais qui au moins exprimait que, dans ce champ-là, il y a une nouvelle atmosphère.

(10 h 50)

Alors, on regarde ces éléments, cette nouvelle approche, le discours du ministre aujourd'hui, et je pense, M. le Président, qu'on peut espérer avoir confiance. Il s'agit quand même, comme le disait le ministre, du premier projet de loi déposé en cette session qui marque une nouvelle approche. Alors, peut-être que le gouvernement va nous dire très prochainement qu'il entend continuer dans cette approche d'interprovincialisme, cette approche de codécision, entend comprendre qu'aujourd'hui la véritable autonomie ne réside pas dans l'indépendance stricte, mais dans le poids et l'influence qu'on fait jouer, notre rôle, dans l'interdépendance. C'est là la vraie marge d'autonomie: comment on réussit à influencer les autres selon nos objectifs pour faire en sorte qu'on ne soit pas isolé chez soi, condamné au mimétisme de ce que les autres auront fait.

Notre monde ne permet plus de case étanche entre les juridictions, entre les territoires. Tout s'interpénètre, M. le Président. Et, si on veut faire oeuvre utile pour nos concitoyens, on va comprendre, tous ensemble dans cette Chambre, comme le ministre l'a dit tantôt, que la démarche qui nous a amenés à cet Accord sur le commerce intérieur, c'est une démarche gagnante, c'est une démarche de codécision, de respect de chacune de nos juridictions. Il faut qu'on soit capables de faire jouer notre poids et notre influence dans le grand jeu moderne contemporain où l'interdépendance est partout, et nous avons là un exemple.

Alors, je termine, M. le Président, en disant que, sur le principe, il va de soi, nous sommes tout à fait d'accord pour que soit mis en oeuvre l'Accord sur le commerce intérieur. Nous sommes heureux que le gouvernement ait décidé de nous exposer ce matin sa joie devant les fruits qui ont été récoltés par ce mécanisme. Nous espérons que le gouvernement pourra être conséquent et continuer dans les pas qui ont été tracés par le gouvernement antérieur, maintenant que le référendum est terminé.

Maintenant qu'il y a peut-être, espérons-le, un peu plus de calme du côté du gouvernement, il pourra, je pense, même être bien servi par les Québécois, qui vont lui dire merci d'entreprendre une démarche de bonne foi, ouverte, qui, soit dit en passant, serait même démocratique et légitime. Parce que, si le gouvernement acceptait à compter d'aujourd'hui d'embarquer dans ce processus, dans cette dynamique d'interprovincialisme, il se trouverait non seulement à servir ceux que nous représentons tous, mais, qui plus est, il répondrait au dernier exercice de consultation populaire que nous avons fait, il respecterait le résultat du dernier référendum, qui disait à tout le monde, mais y inclus au gouvernement du Québec et, j'oserais dire, au premier titre au gouvernement du Québec, qui indiquait: Nous, Québécois, souhaitons demeurer Canadiens; nécessitons des modifications, des bonifications au régime actuel.

Dans tous les secteurs, le gouvernement peut aujourd'hui donner suite à ce mandat qui lui a été donné. Parce que, jusqu'à aujourd'hui, il en a été irrespectueux. Il peut donner suite à ce mandat, travailler dans nombre de secteurs, aller plus loin à l'égard du commerce interprovincial, aller plus loin en environnement, aller plus loin dans tellement de domaines qui serviraient les Québécois que je pense qu'il nous permettrait de voir l'avenir sous un oeil meilleur, l'espoir renouvelé. Et certainement, puisqu'on en parle beaucoup du côté du gouvernement sans faire aucune action concrète – on parle beaucoup d'économie – voilà un geste qui pourrait être porté, qui donnerait un nouveau souffle à l'économie, sachant qu'il y a, à la tête du gouvernement, une équipe qui veut bien jouer le jeu des intérêts des Québécois.

C'est le souhait que je formule ce matin, M. le Président: que le dernier virage effectué en ce jour par le gouvernement soit le bon, qu'il ne soit pas suivi d'un autre virage et qu'on ne se retrouve pas dans un 360° perpétuel et continuel, et qu'au lieu de ça on soit vraiment sur la tangente de l'interprovincialisme, du respect de nos juridictions, de l'harmonie de la codécision, d'une ligne de conduite commune qui serve l'ensemble de nos contribuables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Le Québec s'est activement engagé depuis plusieurs années dans la voie de la libéralisation des échanges commerciaux, tant sur le plan national qu'international. Mais protéger et défendre les intérêts des Québécois et Québécoises, ça ne veut pas dire être à genoux pour obtenir une entente et un accord à tout prix. Ça veut dire négocier d'égal à égal et, si je peux utiliser un petit... un mot générique, d'homme à homme à une table de négociation, ça fait partie de la responsabilité du gouvernement du Québec.

Et, contrairement à l'impression livrée ou laissée par le député de Châteauguay, le Québec, et en particulier le gouvernement du Parti québécois, a toujours apporté son appui sans équivoque à une politique d'ouverture des marchés et, par conséquent, aux efforts pour conclure de nouveaux accords commerciaux. Notre soutien à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, à l'ALENA et aux négociations du GATT, je pense, en témoigne éloquemment. La libéralisation interne des échanges au sein même du Canada constitue une préoccupation de premier ordre pour le gouvernement du Québec, et c'est avec un état d'esprit ouvert et constructif que le Québec participe aux différents forums de discussion qui visent l'élimination des pratiques qui constituent de véritables obstacles au commerce entre le Québec et le reste du Canada.

Il ne faut pas minimiser les travaux déjà réalisés dans ce dossier soit par le précédent gouvernement soit par notre gouvernement, et notamment les accords auxquels nous sommes déjà parvenus à ce jour. Mais il faut bien se rendre compte qu'il s'agit de secteurs où les barrières interprovinciales ont des impacts importants sur l'économie, car elles constituent souvent des obstacles non négligeables au commerce. Le Québec a consenti des efforts considérables pour la mise en oeuvre de l'accord sur les approvisionnements gouvernementaux. Cela a voulu dire, entre autres choses, les modifications de nos règlements pour les harmoniser et les rendre compatibles avec les dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur. Et, aujourd'hui encore, avec le dépôt de cette loi, le projet de loi n° 15, nous démontrons notre détermination à réaliser nos engagements.

Nous nous attaquons à la question des barrières interprovinciales parce que nous somme convaincus que c'est là un moyen d'améliorer l'efficacité de l'économie québécoise. Il y a de nombreux diagnostics qui ont déjà été faits sur les faiblesses de l'économie canadienne par différents intervenants, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes, notamment au chapitre de la productivité et de la compétitivité. L'une des causes en est la difficulté de commerce de l'ouest à l'est du territoire canadien.

Pour relever les défis de la mondialisation, il faut renforcer nos secteurs les plus compétitifs et développer des créneaux d'excellence là où nous avons des avantages. Déjà, nous pouvons parler d'avant-garde dans les secteurs de l'aéronautique et de la pharmacie, où plus de la moitié de l'industrie canadienne est au Québec pour des raisons bien spécifiques: des questions de masse critique de chercheurs, des conditions avantageuses pour les investissements en recherche et en développement et aussi, pour ne pas dire surtout, de la collaboration unique entre les réseaux universitaires et les réseaux industriels. L'accès au marché, et de façon primordiale au marché intérieur du territoire canadien, est d'une importance capitale pour les entreprises québécoises, et c'est avec cette conviction que nous nous engageons dans cet Accord sur le commerce intérieur canadien.

En 1990, dans ses échanges de biens primaires et manufacturés avec le reste du Canada, le Québec réalisait un surplus commercial de 4 800 000 000 $. En 1990. De plus, ce surplus atteignait 6 400 000 000 $ sur les échanges de biens manufacturés avec le reste du Canada. De fait, le Québec enregistrait, en 1990, un excédent commercial, dans ses échanges de biens manufacturés, avec toutes les provinces du territoire canadien.

Aussi, en 1990, les principaux biens manufacturés exportés par le Québec étaient les produits chimiques, les produits de l'habillement et du textile, le matériel de transport, le papier, les appareils électriques et de communication, les viandes, les poissons, les produits laitiers, les produits métalliques et les fruits et légumes ou aliments divers. Ces industries québécoises étaient largement dépendantes du marché canadien, puisqu'elles y écoulaient, nos entreprises, une part significative de leurs livraisons.

(11 heures)

En 1990 encore, les principaux services exportés par le Québec dans le reste du Canada étaient des services de transport, de commerce, des services financiers, des services commerciaux. Cette année-là, le Québec réalisait des surplus commerciaux, dans ses échanges de services, avec toutes les provinces canadiennes, à l'exception de l'Ontario et du Manitoba. Le déficit commercial avec l'Ontario était toutefois assez imposant avec 3 700 000 000 $, et il en résultait que le Québec affichait, toujours en 1990, au total un déficit commercial de 2 300 000 000 $ dans ses échanges de biens et de services avec le reste du Canada.

Les échanges interprovinciaux continuent de contribuer de façon significative à l'économie du Québec, même si leur part dans les ventes des produits québécois à l'extérieur a bien changé. Ainsi, en 1995, les exportations de biens du Québec vers le reste du Canada s'élevaient à 28 000 000 000 $, soit 18 % de la production intérieure brute du Québec. De plus, les exportations de services se chiffraient à 8 500 000 000 $, soit pratiquement 6 % du produit intérieur brut. Au total, les expéditions du Québec au reste du Canada représentaient environ 24 % de notre production intérieure brute en 1995.

En comparaison, nos exportations aux États-Unis se chiffrent à 46 000 000 000 $, soit 30 % du produit intérieur brut, pour être plus précise, 30,5 %. Bien sûr, l'importance relative de nos voisins du sud dans notre commerce extérieur n'a pas toujours été aussi importante, mais les temps ont changé. À titre d'exemple, en 1981, pour chaque 1 000 0000 $ d'exportations de biens vers les provinces du Canada, nous exportions 500 000 $ vers les États-Unis, c'est-à-dire 1 $ de ventes au Canada pour 0,50 $ aux États-Unis. En 1995, avec l'intégration grandissante des marchés des Amériques, ce rapport de commerce entre le Québec et les Amériques, incluant le territoire canadien, s'est inversé, et maintenant, pour chaque dollar de biens expédiés à l'est ou à l'ouest en territoire canadien, nous vendons pour 1,50 $ aux États-Unis.

Nous n'aspirons pas avec ce projet de loi renverser une tendance aussi forte que la tendance naturelle du marché des Amériques. Cependant, nous sommes convaincus que ce geste permettra au Québec de consolider davantage ses relations d'affaires avec ses partenaires en territoire canadien et d'assurer ainsi des retombées économiques importantes sur notre territoire. À cet effet, soulignons qu'en 1995 la valeur ajoutée, au Québec, qui découle de ses livraisons représente un peu plus de 15 % de notre production intérieure brute.

Selon des estimations préliminaires effectuées conjointement par le Bureau de la statistique du Québec et le ministère de l'Industrie et du Commerce, les emplois nécessaires pour la production au Québec des exportations de biens et de services en territoire canadien atteignent 370 000 en 1995. De fait, chaque million d'exportations additionnelles hors Québec crée environ 10 emplois au Québec.

Les échanges interprovinciaux continuent de contribuer de façon significative à l'économie du Québec, même si leur part dans l'ensemble des exportations a bien changé. Il est utile de souligner que le marché canadien représente un atout stratégique pour les PME manufacturières du Québec, puisqu'elles utilisent à l'occasion ce marché pour y faire leurs premiers pas dans le domaine de l'exportation.

Tout au long de la période de 1981 à 1995, le Québec a enregistré des surplus commerciaux relativement importants dans ses échanges de biens et de services avec le reste du Canada. De fait, le Québec affiche des surplus significatifs dans le commerce de ses biens, mais des déficits dans le commerce de ses services. Et le déficit du Québec dans le secteur des services provient essentiellement de ses échanges avec l'Ontario. Les dernières données disponibles sur le commerce du Québec avec les provinces canadiennes indiquent encore que le principal client du Québec est l'Ontario – et mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, l'a bien souligné tout à l'heure – avec 61 % des livraisons québécoises qui vont en Ontario, des livraisons québécoises en territoire canadien, bien sûr. Par ailleurs, les provinces atlantiques absorbent 13 % de ces expéditions, tandis que ce pourcentage est de 26 % pour l'Ouest et le Nord canadien.

Toutes les statistiques que je vous ai présentées démontrent, je pense, de façon éloquente que les conditions d'accès au marché du reste du Canada sont très importantes pour le Québec. Aussi, le gouvernement s'est engagé avec une grande ouverture dès le début des discussions visant à démanteler les barrières tarifaires et non tarifaires sur le territoire canadien.

Le Québec a joué un rôle décisif dans la conclusion de l'Accord sur le commerce intérieur et il a même poussé plus loin son objectif d'ouverture en signant des accords de plus grande libéralisation avec deux de ses partenaires des autres provinces, soit l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.

Ce gouvernement respecte et valorise la capacité des Québécois et des Québécoises à participer à la dynamique de la globalisation des marchés. Et la globalisation des marchés, contrairement à l'expression utilisée par mon collègue de Châteauguay, ce n'est pas un jeu, c'est un fait. Un des objectifs du projet de loi n° 15, c'est effectivement d'améliorer cette ouverture. L'ouverture sur le marché commence par l'ouverture sur les partenaires du territoire canadien. C'est aussi un des objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

En conséquence, je vous demande d'adopter le principe du projet de loi n° 15 pour assurer une autre étape de l'évolution du Québec vers les Amériques. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. À titre de porte-parole de l'aile parlementaire libérale en matière de relations internationales et de francophonie et en tant que députée de La Pinière, un comté économique où de nombreuses entreprises oeuvrent hors des frontières du Québec, permettez-moi, M. le Président, d'intervenir à cette étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

Rappelons, M. le Président, que ce projet de loi a été présenté par le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, le 9 mai 1996, et il fait suite à l'Accord sur le commerce intérieur conclu le 18 juillet 1994 par le précédent gouvernement libéral avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces, lequel Accord est entré en vigueur le 1er juillet 1995.

Dans ce sens, l'opposition officielle ne peut que se réjouir de voir le gouvernement actuel poursuivre l'oeuvre que nous avons commencée alors que le Parti libéral du Québec était au pouvoir. L'Accord sur le commerce intérieur est un pas dans la bonne direction qui témoigne de la volonté du précédent gouvernement libéral d'établir un partenariat bénéfique avec les autres provinces dans le cadre de l'union économique canadienne.

Il s'agit là d'une entente interprovinciale de libre-échange qui vise à éliminer certaines barrières à la libre circulation des biens, des services, des investissements et des personnes. Selon une étude de la Chambre de commerce du Canada, le commerce interprovincial représente 20 % du produit intérieur brut, soit 314 000 000 000 $ par année, et l'abolition complète des obstacles de cet échange permettrait de créer 200 000 emplois.

(11 h 10)

Une étude de Statistique Canada basée sur les données de 1990 démontre que la valeur du commerce interprovincial avait atteint 141 000 000 000 $ comparativement à 161 000 000 000 $ pour les exportations à l'étranger. C'est dire l'importance du marché intérieur, surtout quand on sait qu'un emploi sur six dans le secteur privé dépendait des échanges interprovinciaux des biens et services.

Il existe également un lien de cause à effet entre le commerce interprovincial et le marché mondial, dans la mesure où le commerce intérieur représente, pour plusieurs PME québécoises, la première expérience d'exportation et une rampe de lancement pour conquérir les marchés internationaux.

C'est conscient de ces enjeux que le gouvernement libéral de Daniel Johnson a conclu, le 18 juillet 1994, cet accord multilatéral sur le commerce intérieur qui instaure le principe de la non-discrimination réciproque, l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes, l'engagement à ne pas adopter de normes restreignant ou empêchant la libre circulation de biens et services, la création d'un comité sur le commerce intérieur composé à parts égales de représentants ministériels de chacune des parties et chargé de la mise en oeuvre de l'Accord, ainsi qu'un mécanisme de règlement de différends qui évite le recours aux tribunaux de droit commun.

L'originalité de cet Accord réside aussi dans l'ouverture des marchés publics qui permettra aux entreprises de différentes provinces de répondre réciproquement aux appels d'offres pour l'achat de produits de plus de 25 000 $ et l'achat de services de plus de 100 000 $.

Le projet de loi n° 15 est essentiellement un projet de loi de mise en oeuvre de cet Accord, qui prévoit, entre autres, l'harmonisation de notre régime relatif aux agents de voyages avec celui des autres provinces et l'élimination des discriminations et obstacles s'y rattachant, ce qui entraînerait des modifications à la Loi sur les agents de voyages, qui prévoit, entre autres, qu'un permis d'exploitation d'une agence de voyages ne peut être accordé qu'aux résidents du Québec, une disposition qui va à l'encontre de l'article 805 de l'Accord, qui prévoit précisément l'élimination des barrières non tarifaires discriminatoires.

Mais, au-delà des avantages économiques que cet Accord représente pour le Québec, nous avons là un exemple concret de fédéralisme flexible et fonctionnel. En effet, cet Accord émane de la volonté des provinces de briser les barrières qui se dressent entre elles pour faciliter et accentuer les échanges de biens et de services. C'est une initiative qui ouvre la voie à une plus grande coopération interprovinciale, qui ne peut que faire évoluer le système fédéral de façon à accommoder les intérêts et les spécificités des différentes régions du Canada.

Cet Accord démontre également le caractère pragmatique de l'approche libérale, qui vise à assurer la défense des intérêts supérieurs du Québec à l'intérieur de l'espace économique canadien, car c'est fort de notre partenariat avec le gouvernement fédéral et les autres provinces que nous pouvons le mieux consolider le poids du Québec en Amérique du Nord et dans le monde.

En terminant, M. le Président, cet Accord démontre à suffisance que nous n'avons pas besoin de séparation pour bâtir un partenariat économique avec les autres provinces. Il suffit d'une réelle volonté de négociation et de coopération pour développer des alliances stratégiques qui nous permettront de faire face à la compétition continentale et internationale.

Cet Accord est loin d'être achevé. Il démontre cependant que nos partenaires canadiens peuvent travailler avec nous pour le bien commun de l'ensemble de nos concitoyens. Le gouvernement doit donc poursuivre dans cette voie pour élargir le champ d'application de cet Accord de façon à mieux défendre les intérêts de l'ensemble des Québécois.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je ne peux qu'être d'accord avec ce projet de loi, à cette étape-ci de l'adoption de principe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le ministre, pour votre droit de réplique, je vous cède la parole.


M. Jacques Brassard (réplique)

M. Brassard: Oui, M. le Président, quelques remarques très brèves pour conclure ce débat-là. Je comprends que l'opposition libérale cherche manifestement, là, pour employer une expression familière, à tirer la couverture de son bord. Ça m'apparaît évident. Alors, je pense qu'il est important qu'on clarifie les choses en conclusion de ce débat-là.

C'est une chose que de vouloir supprimer, abolir les barrières, les obstacles au commerce entre le Québec et le reste du Canada. Là-dessus, il y a consensus, je pense; on peut le qualifier d'unanime de part et d'autre. Je l'ai signalé d'ailleurs dans mon intervention au début et j'ai en quelque sorte rendu hommage au gouvernement précédent, parce que c'est lui qui a enclenché le processus de négociation qui a conduit à la conclusion et à la signature d'un accord sur le commerce intérieur. Bravo! Bravo! On est d'accord là-dessus. Et la meilleure preuve qu'on est d'accord, c'est qu'on a posé des gestes pour approfondir, aller plus loin dans cette direction-là.

Deux exemples – je vois mon collègue, le ministre du Travail, qui est présent en Chambre: le premier, tout récent, un accord avec l'Ontario en matière de construction, de chantiers de construction, un accord important qui permet une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre dans le domaine de la construction, qui permet aux travailleurs de la construction ontariens de pouvoir venir travailler sur des chantiers québécois et vice versa. C'est un approfondissement, ça, de l'Accord sur le commerce intérieur.

Deuxième exemple, un peu moins récent, qui date du printemps dernier, l'Ontario et le Québec ont conclu un accord sur les marchés publics, de sorte que, à partir d'un certain seuil, compte tenu de l'importance des contrats en cause, les entreprises ontariennes pourront faire des soumissions, comme on dit, concernant des contrats dans les réseaux: municipalités, réseau de la santé, réseau de l'éducation. Marchés publics.

On a fait ça parce que.... Et on souhaite d'ailleurs... Je le dis tout de suite, on a conclu un accord avec l'Ontario. C'est déjà pas mal, c'est déjà beaucoup, mais on veut aller plus loin puis on veut que ce qu'on retrouve dans l'entente Ontario-Québec en cette matière se retrouve dans l'Accord sur le commerce intérieur. Là-dessus, on a exprimé clairement nos positions; nos positions sont claires. Ce n'est pas vraiment le cas de toutes les provinces. C'est pour ça qu'on s'est dit, au gouvernement du Québec: Au moins, faisons un pas, progressons, concluons un accord avec notre principal partenaire canadien, l'Ontario. Mais on souhaite que les dispositions et les orientations de cet accord en matière de marchés publics se retrouvent dans l'Accord sur le commerce intérieur et concernent évidemment, cette fois-ci, l'ensemble des provinces.

Alors, ça, c'est une chose que de travailler à faire sauter les verrous, si vous me permettez l'expression, à abolir les obstacles et à rendre encore plus fluides et plus libres les échanges commerciaux entre le Québec et le reste du Canada; c'en est une autre que de souhaiter que le gouvernement s'engage dans des changements au système fédéral ou des changements au régime fédéral. Je pense que là le député de Châteauguay pousse trop loin; sa collègue aussi. Ils vont trop loin. Il ne faut pas confondre les choses. C'est évident que, pour nous, cet Accord sur le commerce intérieur, qui mérite d'être, encore une fois, élargi, approfondi, présuppose le respect scrupuleux des compétences du Québec. Je l'ai dit dans mon intervention, je le répète: il n'est pas question de brader les pouvoirs du Québec pour des fins de libéralisation des échanges entre le Québec et le Canada, puis il n'est pas question non plus d'utiliser cet Accord sur le commerce intérieur pour apporter des modifications ou des changements de nature constitutionnelle au régime fédéral. Encore une fois, nous, on est pleinement d'accord – le projet de loi n° 15 en est la preuve éclatante – pour que l'espace économique Canada-Québec soit le plus libre possible, que tous les obstacles et les barrières disparaissent, soient abolis. Ça, c'est évident. Je pense que ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Et c'est connu de tout le monde, il n'y a pas d'équivoque là-dessus.

(11 h 20)

Mais, à cause de cela, il n'est pas question que ça soit interprété comme une caution ou comme un appui au régime fédéral en place, au système fédéral, ou comme une caution ou un appui à quelque orientation de nature constitutionnelle que ce soit, y compris la nouveauté ancienne, je dirais, si vous me permettez cette expression, la nouveauté ancienne, le nouveau hochet constitutionnel du Parti libéral: l'interprovincialisme. Disons que ça a besoin d'un peu plus de substance que c'est le cas présentement, là.

Mais ne confondons pas. Nous sommes d'accord pour que les échanges interprovinciaux se libéralisent encore davantage, ça ne veut pas dire que le gouvernement du Québec est d'accord avec l'interprovincialisme. Pas du tout. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 8 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, monsieur...

M. Brassard: Oh! pardon.

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion de renvoi, s'il vous plaît.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: Excusez-moi, M. le Président. Je voudrais d'abord faire une motion – un oubli impardonnable – pour que le projet de loi dont on vient d'adopter le principe soit déféré à la commission des institutions pour une étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Et maintenant l'article 8, M. le Président.


Projet de loi n° 43


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 8, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté que je propose aujourd'hui l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route, qui a été déposé, comme vous le savez, au printemps dernier.

Ce projet de loi, comme vous le savez, est sur les tables de travail du ministère des Transports depuis déjà quelques années, et les utilisateurs de ces véhicules le réclament avec ardeur depuis aussi quelques années. Les citoyens et les citoyennes qui sont préoccupés par la sauvegarde de la faune, de la flore et de l'environnement en sont aussi d'ardents défenseurs. Bref, c'est une loi attendue, c'est une loi nécessaire, eu égard aussi, il va sans dire, au nombre croissant d'adeptes de ce genre de véhicule.

En effet, le nombre de véhicules destinés à circuler en dehors des chemins publics a considérablement augmenté au cours des dernières années au Québec. L'utilisation de ce qu'on appelle les véhicules hors route pour les loisirs est une réalité qui est maintenant bien ancrée dans nos moeurs, dans nos habitudes.

Entre 1989 et 1995, le nombre de motoneiges immatriculées est passé de 103 179, en 1989, à 158 982, six ans plus tard, 1995; donc, une augmentation en six ans de près de 55 % du nombre de motoneiges. Et, pour la même période, 1989-1995, le nombre de véhicules tout-terrains immatriculés est passé de 59 000 à 147 647: une augmentation de 150 %. Alors, c'est en pleine croissance, et la popularité grandissante de ces derniers véhicules, les véhicules tout-terrains, s'explique par leur faible coût d'achat – bien, c'est relatif – et par la possibilité aussi de les utiliser en toute saison. Si ces petits véhicules tout-terrains étaient utilisés à des fins de travail lorsqu'ils furent mis sur le marché – c'était le cas au début – ils sont actuellement de plus en plus vendus et utilisés pour des fins de loisir. On ne peut ignorer non plus que l'utilisation de ces véhicules à des fins de loisir génèrent des retombées économiques extrêmement intéressantes.

Au cours des dernières années, le Québec a vu se développer un vaste réseau de sentiers fréquentés par un grand nombre de Québécois et de touristes pour la pratique récréative de la motoneige. En fait, c'est 32 000 km, ce n'est pas rien. Au Québec, le réseau de sentiers de motoneige est de 32 000 km. Et on constate chaque année le formidable potentiel touristique, voire l'outil de développement économique que représente la pratique de la motoneige. L'impact économique associé aux produits motoneige est estimé à 566 000 000 $ par année par la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec. Et je peux vous dire que, dans ma région en particulier, mais dans bien des régions du Québec, comme la Mauricie, l'Outaouais, sans aucun doute, le tourisme d'hiver est en pleine progression, est en pleine croissance – c'est fort heureux d'ailleurs, je suis convaincu que ma collègue ministre déléguée au Tourisme va m'approuver là-dessus – à cause de la pratique de la motoneige. Les touristes français, par exemple, qui viennent en très grand nombre maintenant chez nous, dans la région, viennent de plus en plus l'hiver. Ils continuent de venir l'été aussi, bien sûr, mais ils viennent de plus en plus l'hiver. Pourquoi? Pour pratiquer la motoneige sur notre réseau de sentiers qui est très développé.

Donc, alors que l'aspect utilitaire présente peu de difficultés, la conduite à des fins récréatives des véhicules hors route soulève cependant un certain nombre de problèmes. Tout d'abord, il faut souligner que l'emploi de ces véhicules entraîne chaque année la mort de trop nombreuses personnes. Annuellement, la motoneige fait en moyenne 25 victimes au Québec. Vous conviendrez tous avec moi que c'est 25 victimes de trop. Chez les utilisateurs de véhicules tout-terrains, on en dénombre maintenant une quinzaine. Ça veut dire, donc, une quarantaine de victimes par année suite à l'utilisation des véhicules hors route: motoneiges et véhicules tout-terrains.

Ces véhicules occasionnent aussi, évidemment, de très nombreuses blessures dont plusieurs sont graves. De plus, les pertes économiques que doit supporter la société québécoise au chapitre des soins médicaux et de l'interruption des activités des victimes sont évidemment importantes. À titre d'exemple, durant la saison 1993-1994, il y a eu 726 victimes d'accidents de motoneige, dont 28 décès. Seulement 18 % des accidentés ont eu droit à des indemnisations, 17 % ont dû être hospitalisés, totalisant 841 jours d'hospitalisation. Plus de 68 % ont dû interrompre leurs activités, pour un total de 15 455 jours. Alors, on voit l'impact, je dirais, économique de ce bilan, de ces décès et de ces blessures, de ces accidents. On notera, par ailleurs, que les victimes d'accidents de motoneige se retrouvent principalement au sein de la population jeune et active, la plus grande proportion étant constituée d'hommes âgés de 20 à 39 ans.

Pour ce qui est des véhicules tout-terrains, sur 12 utilisateurs décédés dans un accident, 5 étaient âgés de moins de 14 ans. Les dommages causés aux propriétés privées et publiques de même qu'à l'environnement sont aussi considérables. De nombreux utilisateurs circulent un peu partout sans autorisation ni respect pour l'environnement. Ils endommagent les terres en culture, menacent la flore, la faune, détruisent les clôtures, traversent des autoroutes, utilisent les emprises de route au gré de leurs caprices et souvent à l'encontre de la sécurité la plus élémentaire.

(11 h 30)

Toutefois, on constate que les dommages à la propriété et à l'environnement sont maintenant moindres en ce qui a trait à la motoneige. Il faut faire la distinction. La pratique de la motoneige, c'est une pratique qui est plus ancienne évidemment que la pratique de l'activité concernant les véhicules tout-terrains et, donc, elle s'est considérablement disciplinée au fil des années. Je le disais tout à l'heure, les utilisateurs, d'abord, bénéficient d'un réseau de sentiers aménagés, c'est 32 000 km. Et la pratique aussi de ce loisir est mieux structurée et plus disciplinée.

Par contre, malheureusement, en ce qui concerne les utilisateurs de véhicules tout-terrains, là on observe qu'ils causent encore beaucoup de dommages qui sont attribuables au comportement individuel et à la sous-utilisation du réseau de sentiers existant. Un signe encourageant cependant, on note présentement une volonté des clubs de véhicules tout-terrains de discipliner les adeptes de ce sport tout en offrant des services de qualité. Donc, on voit apparaître ce qui est apparu également en ce qui concerne la motoneige. Les clubs sont conscients en quelque sorte de la situation anarchique qui prévaut, et il y a une volonté de mettre de l'ordre, si vous me permettez l'expression, dans ces activités. Je parle des véhicules tout-terrains.

Alors, face à cette situation puis devant les demandes formulées par les divers intervenants concernés, on conviendra qu'il est devenu essentiel de mieux régir la circulation des véhicules hors route. Les problèmes engendrés par l'utilisation des véhicules hors route ne sont pas nouveaux, puis l'action gouvernementale en ce domaine a commencé il y a aussi plusieurs années, avant le dépôt de cette loi, l'élaboration de cette loi, de ce projet de loi.

Pour ce qui est des motoneiges, par exemple, il y a un règlement qui a été adopté en 1972 pour encadrer la pratique de ce sport. C'était un règlement. Cependant, ce règlement ne concernait pas les autres véhicules hors route. Il y en avait très peu à l'époque. Et, conséquemment, le gouvernement du Québec confiait, en 1987, au ministère des Transports le mandat de trouver des solutions appropriées aux problèmes d'utilisation des véhicules tout-terrains.

Le Règlement sur les véhicules tout-terrains, qui précise des normes minimales d'utilisation de ces véhicules hors route, était adopté en 1988. Par la suite, le ministère des Transports a entrepris l'élaboration d'un énoncé de politique sur les véhicules hors route et a effectué, en 1991, sous l'ancien gouvernement, des consultations publiques dans neuf villes du Québec. Ce document a permis à la fois d'identifier les problèmes reliés à l'utilisation des véhicules hors route et aussi de proposer des solutions.

Les orientations qui étaient alors présentées dans ce document sont encore le reflet des besoins de la société québécoise et des objectifs que nous devons poursuivre: d'abord, bien sûr, la sécurité; ensuite, la paix publique et le respect de la propriété; la protection du patrimoine, de la flore et de la faune; le développement harmonieux de la pratique récréative. Ce sont là les objectifs qui ont fait largement consensus au moment de cette consultation.

Et tous les organismes, associations et personnes concernées par ce dossier ont alors eu la possibilité de faire connaître leurs points de vue sur les orientations qui étaient proposées dans cet énoncé; de même d'ailleurs que le Bureau du coroner, la Société de l'assurance automobile du Québec, la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, la Fédération québécoise des clubs motocyclistes et certains manufacturiers, même, qui ont été rencontrés pour exposer leurs préoccupations.

À la suite de ces consultations, le moyen le plus approprié pour apporter une solution globale au phénomène des véhicules hors route est apparu être l'adoption d'une loi: ce projet de loi, donc, que j'ai déposé en juin dernier, dont nous entreprenons aujourd'hui le débat. Ce projet de loi confirme donc la volonté du gouvernement du Québec de solutionner les différents problèmes reliés à l'utilisation des véhicules hors route.

Alors, contrairement aux chemins publics, qui sont régis par le biais du Code de la sécurité routière, c'est une distinction qu'il faut rappeler – alors, ça veut donc dire que tous les véhicules qui circulent sur des chemins publics sont régis par le Code de la sécurité routière – il n'existe, au Québec, aucune législation, aucune loi concernant l'utilisation et la circulation des véhicules hors route, c'est-à-dire hors chemins publics. Le Code de la sécurité routière contient toutefois quelques dispositions qui sont applicables à l'utilisation des véhicules circulant hors des chemins publics. Outre l'immatriculation, il prévoit un pouvoir d'encadrement réglementaire pour les véhicules de loisir, lequel d'ailleurs a permis l'adoption du Règlement sur les véhicules tout-terrains dont je parlais tantôt et du maintien du Règlement sur la motoneige qui date, lui, de 1972.

Plusieurs intervenants gouvernementaux sont concernés par le dossier des véhicules hors route: le ministère des Transports évidemment, au premier chef, mais aussi la Société de l'assurance automobile du Québec, le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement et de la Faune, bien sûr, et le ministère de la Sécurité publique. Le projet de loi confirme et précise le rôle de chacun dans ce domaine. Considérant que l'impact de la circulation des véhicules hors route se fait directement sentir dans plusieurs communautés locales, le projet de loi accorde aussi aux municipalités le pouvoir d'intervenir afin de préserver la qualité de vie du milieu.

L'adoption du projet de loi que nous déposons aujourd'hui, M. le Président, n'engendrera pas de coûts significatifs pour les ministères concernés, qui, dans leurs champs de compétence, assument déjà certaines responsabilités en la matière.

Les mesures mises de l'avant dans ce projet de loi en ce qui a trait à l'aménagement, à la signalisation et à l'entretien de sentiers vont toutefois créer des obligations aux différents clubs de véhicules hors route et, par conséquent, leur occasionneront des frais. On en est tout à fait conscient.

Les coûts d'aménagement, les coûts d'entretien et de gestion des sentiers de motoneige font déjà l'objet d'une aide financière du ministère des Affaires municipales à partir, comme on le sait, d'un prélèvement sur les frais d'immatriculation. Et c'est le ministère des Affaires municipales, cependant, qui gère le programme et qui répartit les subventions aux différents clubs, qui, avec cet argent, sont en mesure d'entretenir et d'aménager leur réseau de sentiers.

Quant à eux cependant, les utilisateurs de véhicules tout-terrains, là, c'est une autre chose. Ils ne bénéficient pas d'une telle assistance financière. Ça n'existe pas. Et je veux dire à mes collègues de l'Assemblée, M. le Président, que, dans l'éventualité où un programme de financement serait mis sur pied à la suite de l'adoption de la présente loi, ce programme devra nécessairement s'autofinancer, de façon à ne pas augmenter le déficit gouvernemental.

En d'autres termes, moi, ce à quoi je songe – et on a déjà des discussions avec le ministère des Affaires municipales à ce sujet-là – c'est à un programme similaire à celui qui concerne actuellement les clubs de motoneiges, mais qui concernerait cette fois-ci les clubs de véhicules tout-terrains, pour qu'ils puissent faire la même chose ou assumer les mêmes mandats qui sont assumés actuellement par les clubs de motoneiges, c'est-à-dire aménager, entretenir et gérer des sentiers, cette fois-là, pour les véhicules tout-terrains.

Le premier objectif du projet de loi vise à accroître la sécurité des utilisateurs de véhicules hors route. C'est évidemment la grande priorité, étant donné le grand nombre d'accidents, de blessures, de décès qu'ils causent. Rappelons qu'une enquête du coroner, menée en 1989, relativement au nombre élevé de décès en motoneige pressait le gouvernement de mettre en place des mesures garantissant une meilleure sécurité des utilisateurs.

Compte tenu que les véhicules hors route sont destinés à circuler en dehors des chemins publics et qu'ils sont souvent source de pollution sonore, il s'ensuit que l'usage de ces véhicules à proximité des lieux habités peut occasionner des dommages à la propriété, notamment aux terres agricoles, et peut avoir également des effets nuisibles sur la paix publique. Alors donc, le deuxième objectif du projet de loi est aussi d'amener les utilisateurs à respecter la propriété d'autrui et à préserver la tranquillité des personnes et la qualité du milieu.

Le troisième objectif se rapproche de l'objectif précédent, en insistant cependant sur la préservation de la qualité du milieu naturel. Il vise à diminuer les préjudices causés à l'environnement par la circulation hors route.

(11 h 40)

Là-dessus paraissait dans Le Devoir d'aujourd'hui un petit article concernant les véhicules hors route, où le gouvernement y était accusé assez sévèrement par l'Union québécoise pour la conservation de la nature, l'UQCN, de... Je lis là: «...a accusé [...] Québec de laisser les véhicules hors route endommager impunément les milieux humides de la province malgré, disent-ils, la promesse du ministre des Transports [...] de civiliser les machines dévastatrices.»

Selon l'UQCN, le projet de loi n° 43 n'interdit aucunement le passage des véhicules hors route dans les étangs, marais, marécages, tourbières et dunes de sable, malgré les dommages qu'ils y causent en toute impunité. L'UQCN ajoutait qu'il serait irréaliste d'amender neuf autres lois pour arriver à civiliser l'usage des véhicules hors route et demandait de mettre de côté l'idée de laisser chaque municipalité agir à sa guise dans ce domaine.

Bon. Alors, je pense que, comme cet article paraît le jour même où on discute du principe du projet de loi n° 43, c'est important d'apporter des précisions, des précisions essentielles. Si on prend le projet de loi n° 43, l'article 8, M. le Président, indique ce qui suit: «Sur les terres du domaine public, la circulation des véhicules hors route est permise, sous réserve des conditions, restrictions et interdictions imposées par», et là suit une série de lois déjà en vigueur qui comportent des dispositions qui restreindraient la circulation des véhicules hors route.

Par exemple, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, ça concerne surtout les refuges fauniques. La Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, c'est clair que les habitats de ces espèces reconnues menacées, bien, c'est évident qu'ils sont très protégés, et, donc, interdiction de circuler en véhicule hors route. La Loi sur les forêts, la Loi sur les parcs... La Loi sur les parcs est formelle. Il y a des dispositions dans la Loi sur les parcs qui stipulent que ne peuvent pas circuler dans les parcs du Québec et les motoneiges et les véhicules tout-terrains. Donc, c'est une interdiction formelle et générale. Alors, on le rappelle, on rappelle cette disposition-là. La Loi sur les réserves écologiques est de même nature: interdiction de circuler dans les réserves écologiques. Évidemment, les véhicules tout-terrains... mais même toute personne ne peut pas circuler dans une réserve écologique, c'est quasiment la protection absolue. Alors, c'est de cette façon-là qu'on s'y est pris. On a d'abord rappelé un certain nombre de lois qui comportent déjà des dispositions qui apportent des restrictions parfois assez sévères à la circulation des véhicules hors route.

Mais on va plus loin aussi, M. le Président. Le deuxième alinéa de l'article 8 est important. Le deuxième alinéa dit: «...par règlement du gouvernement ou par règlement municipal, ailleurs que dans les lieux assujettis aux conditions, restrictions ou interdictions visées par le paragraphe 1°.» Alors, ce qui n'est pas couvert par les lois dont je viens de parler pourra être couvert par règlement adopté par le gouvernement ou par règlement municipal. L'UQCN dit: Les municipalités n'ont pas confiance, bien... Bon, très bien, je prends acte. Mais je signale qu'il y a une dernière phrase dans l'article 8, qui dit: «En cas de conflit entre un règlement du gouvernement et un règlement municipal, le premier prévaut.» C'est le règlement du gouvernement qui prévaut.

Donc, il est faux, je le dis le plus clairement possible... Il y a eu pourtant des rencontres entre l'UQCN, des gens du ministère et du personnel de mon cabinet. Ils se sont rencontrés pendant plusieurs heures, mais, manifestement, le malentendu persiste, le malentendu persiste. Il y a un désaccord sur la forme, pas sur l'objectif, quoique l'UQCN prétende que le ministre des Transports ne poursuit pas comme objectif la protection de l'environnement, la protection des milieux humides, des habitats fauniques. Je dis tout de suite que c'est faux. L'article 8 permet au gouvernement d'assurer cette protection de façon efficace.

D'ailleurs, nous sommes actuellement en discussion avec le ministère de l'Environnement et de la Faune, et ce dernier prépare des dispositions, un règlement qui permettrait justement de mieux protéger les milieux humides, de protéger les milieux qui ne le sont pas actuellement par les lois dont j'ai parlé tantôt, qui ne sont pas couverts par la Loi sur les parcs ou la loi sur les refuges fauniques ou la Loi sur les espèces menacées. Les milieux qui ne sont pas protégés en vertu de ces lois le seront en vertu d'un règlement qui est actuellement en préparation au ministère de l'Environnement et de la Faune, parce que nous estimons que ça relève de la mission et du mandat du ministère de l'Environnement et de la Faune et non pas du ministère des Transports.

Le ministère des Transports, ce n'est pas un ministère qui est habilité de par sa loi ou qui a pour mission d'assurer la protection de l'environnement. C'est le ministère de l'Environnement et de la Faune qui a ce mandat-là et cette vocation-là. Et, donc, nous pensons qu'il est plus approprié et pertinent que ce soit le ministère de l'Environnement et de la Faune qui conçoive et prépare ce projet de règlement, ou ce règlement, concernant les milieux humides, pour atteindre, encore une fois, les objectifs et répondre aux préoccupations manifestées par l'UQCN. Voilà. Je pense que c'était important de le signaler.

Il n'y a pas de laisser-aller... Il n'y a pas de laisser-aller comme l'indiquait le titre de l'article du Devoir d'aujourd'hui. Il n'y a pas de laisser-aller, aucunement, de la part du gouvernement du Québec. Au contraire, il y a des dispositions qui vont nous permettre d'assurer efficacement la protection des milieux humides et d'atteindre les objectifs de protection de l'environnement qui sont ceux poursuivis par l'UQCN et qui sont également ceux du gouvernement, et qui sont également ceux du ministre des Transports lui-même, je peux vous le confirmer, M. le Président. J'espère qu'on va finir par se comprendre, parce que là, manifestement, il y a de l'incompréhension.

Le troisième objectif donc... Où en étais-je? Oui, troisième objectif. Non... Les obligations qui sont faites... Je m'excuse, j'ai fait une diversion, utile, je l'espère, M. le Président. Ha, ha, ha! Je reprends le fil de mon intervention. Les obligations qui sont faites aux clubs d'utilisateurs quant à l'aménagement et à l'exploitation des sentiers permettront aussi de doter le Québec d'un réseau intégré de sentiers sécuritaires et de sentiers de qualité. Ça existe déjà pour les motoneiges, je le répète, mais je pense que ça va permettre d'améliorer le réseau et puis d'en créer un pour les véhicules tout-terrains.

Nous faisons, nous, le pari que l'établissement d'un tel réseau aura un impact positif sur l'environnement en générant une fréquentation plus assidue des sentiers par les amateurs de ce sport. Ça aussi, ça a un effet. À partir du moment où il y a un bon réseau – on le voit avec les motoneiges – à travers le Québec, les motoneigistes, bien, ils ont beaucoup plus tendance maintenant à utiliser ces réseaux-là et, donc, à ne pas, je dirais, perturber ou même détruire des milieux jugés fragiles soit en matière de flore ou de faune.

Afin que les mesures contenues dans le projet de loi atteignent ces objectifs, il est important de les assortir de mécanismes permettant une application adéquate de la loi. C'est bien beau d'adopter une loi, de prévoir des obligations, il faut aussi en assurer et en surveiller l'application. C'est pourquoi il est prévu que les agents de la paix, aussi bien à la Sûreté du Québec que des services policiers municipaux, et aussi les agents de surveillance des sentiers recrutés par les clubs d'utilisateurs de véhicules hors route soient impliqués dans le contrôle des différentes dispositions du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Ça, c'est important, ce qu'on... On crée en quelque sorte une fonction, qui est la fonction d'agent de surveillance des sentiers, et ces agents seront recrutés et sous la responsabilité des clubs d'utilisateurs de véhicules hors route.

(11 h 50)

Cette forme de contrôle, pour ce qui est de la motoneige, existe déjà. Vous savez, les clubs de motoneiges, ils ont déjà à leur service ces agents de surveillance des sentiers. Mais les clubs de véhicules hors route pourront également créer ce poste, cette fonction de surveillance.

Il est à noter que les deux fédérations, aussi, de véhicules hors route ont collaboré étroitement à l'élaboration de ce projet de loi. Elles ont manifesté leur intérêt puis ont participé aussi, vont participer à sa mise en oeuvre.

Alors, passons maintenant peut-être rapidement au contenu du projet de loi, dont les principales dispositions sont les suivantes. Je les répète pour fins d'information: Les véhicules hors route, d'abord, aussi bien que les traîneaux-remorques, devront être munis d'équipements obligatoires. Il y a un certain nombre d'équipements obligatoires, là, qui devront se retrouver sur ces véhicules.

La circulation de ces véhicules sur les terres publiques, elle est permise, encore une fois, cependant sous réserve de la protection accordée à certains lieux soit par des lois existantes – je les ai citées tantôt, je les ai énumérées tantôt – ou par une réglementation à venir.

La circulation de ces véhicules sur les propriétés privées est subordonnée à l'autorisation des propriétaires. Je pense que ça va de soi. Le droit de propriété étant ce qu'il est, si les propriétaires refusent, il y a forcément interdiction.

La circulation de ces véhicules est interdite sur les chemins publics, sauf dans les cas précisés au projet de loi.

L'établissement d'une zone tampon minimale de 30 m d'une habitation pour circuler avec un véhicule hors route, sous réserve, encore une fois, de différents cas bien précis ou d'une réglementation municipale.

L'obligation pour les clubs d'utilisateurs d'aménager et d'entretenir les sentiers; l'obligation pour ces clubs de détenir une assurance de responsabilité civile de 2 000 000 $ au moins.

L'interdiction de conduire un véhicule hors route pour les moins de 14 ans. Ça, ça m'apparaît essentiel. Je parlais tout à l'heure des décès, là, surtout pour les véhicules hors route. C'est des enfants. C'est des enfants, en bas de 14 ans. Alors, il faut absolument interdire cette pratique pour les moins de 14 ans. L'obtention d'un certificat d'aptitude pour les 14 à 16 ans. Parce que la détention d'un permis de conduire, c'est à partir de 16 ans seulement. Donc, entre 14 et 16 ans, il n'y a pas de permis de conduire. Ils pourront conduire des véhicules hors route, mais ils devront obtenir un certificat d'aptitude.

L'obligation pour les propriétaires d'un véhicule hors route de détenir une assurance de responsabilité civile de 500 000 $ au moins.

Le port obligatoire d'accessoires pour toute personne circulant sur un véhicule hors route. Il faut que ces accessoires-là se retrouvent sur le véhicule.

L'interdiction de consommer de l'alcool lors de l'utilisation d'un véhicule hors route. Ça, ça existe évidemment en vertu du Code de la sécurité routière, mais c'est pour les chemins publics. Alors, là, il faut prévoir dans la loi cette interdiction pour l'utilisation d'un véhicule hors route sur les sentiers.

L'obligation d'observer différentes règles de circulation, dont une vitesse maximale de 50 km pour les véhicules tout-terrains et de 70 km pour les motoneiges. Je sais que ça, c'est un sujet qui est peut-être litigieux, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs adeptes de la motoneige, en particulier, qui trouvent que 70 km, ce n'est pas assez élevé. On en discutera sans aucun doute en commission parlementaire.

La définition des pouvoirs des responsables de l'application de la loi et l'attribution et au gouvernement et aux municipalités de certains pouvoirs réglementaires. Je parlais surtout, tout à l'heure, d'un pouvoir réglementaire concernant les milieux fragiles, les milieux humides.

L'établissement de dispositions pénales. Il faut des amendes. Si on contrevient, si on commet des infractions en vertu de la loi, il faut que ce soit punissable. Donc, il faut prévoir des sanctions et des amendes lorsqu'il y a infraction. Voilà les principales dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi.

En terminant, M. le Président, je voudrais rappeler que ce projet de loi est attendu depuis longtemps, et, devant le bilan négatif des décès et des blessures que nous avons connu au cours des dernières années, il devenait, je pense, urgent pour le gouvernement de déposer à l'Assemblée nationale un tel projet de loi sur les véhicules hors route.

Nous croyons que ce texte législatif aura un effet positif sur l'organisation de ce loisir ou de ce sport et qu'il en résultera, sur les plans de la sécurité publique, de la protection de la propriété et de la protection de l'environnement, une nette amélioration de la situation. C'est évidemment l'objectif que nous visons. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports. Je cède maintenant la parole au député de Papineau. M. le député, vous avez un temps de parole de 20 minutes.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. M. le Président, avant de commencer, j'aimerais vous faire remarquer que je ne suis pas le porte-parole. Le député de Pontiac va – je pense qu'il y a eu des arrangements qui ont été pris d'un côté ou de l'autre – prendre son temps de porte-parole aux Transports.

M. le Président, ce projet de loi a pour objectif de réglementer l'utilisation et la circulation des véhicules hors route, aussi appelés VTT ou Quad, sur les chemins publics et privés. Les dispositions à retenir, M. le Président, sont: avoir un âge minimal de 14 ans pour conduire un VTT et détenir un certificat d'aptitude pour les moins de 16 ans, détenir aussi un permis de conduire pour emprunter un chemin public; obligation pour les propriétaires de ces véhicules de détenir une assurance de responsabilité civile d'au moins 500 000 $ et d'enregistrer leurs véhicules; désignation des équipements obligatoires tant pour les véhicules que pour les traîneaux, les remorques, exemple: phares, rétroviseur, odomètre, feux de freinage, tuyau d'échappement, etc.; aussi, M. le Président, obligation de porter certains équipements, tels que casque et lunettes, pour toute personne circulant à bord d'un tel véhicule et limitation du nombre de passagers; adoption de règles, comme le mentionnait M. le ministre tantôt, d'une vitesse maximale de 50 km pour les VTT et de 70 km pour les motoneiges.

Comme le mentionnait M. le ministre, je pense que c'est un sujet qui, en commission parlementaire, doit vraiment être discuté; il y a des litiges ou des opinions différentes pour l'avenir de cette loi-là.

Aussi, interdiction de circuler sur les chemins publics, sauf dans les cas prévus, traverses, et sur les autres chemins sans se conformer à certaines conditions; établissement de règles, quant à l'instauration et l'exploitation de sentiers par les clubs de VTT, qui leur confèrent certaines obligations liées à l'aménagement, à la signalisation de même qu'à l'entretien et la surveillance des sentiers; et diverses amendes à l'intention des contrevenants.

M. le Président, à titre de porte-parole du Tourisme, il est important que cette activité... Et, aussi, différents intervenants estiment que ce projet de loi ne contribuera pas à son essor. En effet, Tourisme Québec fait la promotion d'excursions de 250 km à 300 km par jour, alors que Transports Québec limite la vitesse de déplacement à 50 km, ce qui, de l'avis de la Fédération, ne favorisera pas le développement de ce potentiel touristique. Très important, M. le Président.

Quant à la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, elle est d'avis qu'il n'aurait pas fallu placer ces deux véhicules dans la même loi, parce que la motoneige et le VTT ne répondent pas aux mêmes normes, et demande que la limite de vitesse soit haussée de 70 km à 90 km.

M. le Président, le VTT est une activité, le véhicule hors route est une activité pleine de potentiel touristique qui doit être encore mieux développée, mais ça, en respectant surtout les normes de sécurité et le respect de l'environnement.

M. le Président, depuis les années soixante-dix, les véhicules tout-terrains, appelés depuis Quad, ont connu une popularité sans cesse grandissante au Québec comme ailleurs dans le monde. Au Québec plus particulièrement, on dénombre maintenant près de 150 véhicules immatriculés, dont une proportion importante est utilisée à des fins de récréation et de tourisme, et sur une base annuelle, hiver comme été.

(12 heures)

La pratique récréative ou touristique prend de plus en plus d'importance au fur et à mesure que se développe ce réseau de sentiers et qu'on assure de rendre accessibles les services requis par les usagers. Exemples: l'hébergement, la restauration, l'essence, l'entretien.

Les dépenses effectuées par les usagers sont importantes et engendrent des retombées économiques dans les régions qui en ont souvent le plus besoin, contribuant à maintenir en opération certains établissements commerciaux et de services qui subissent des ralentissements importants à certaines périodes de l'année.

Tous ces facteurs, M. le Président, contribuent à faire du VTT une activité touristique en émergence dans un avenir qui s'annonce prometteur autant auprès des clientèles locales, extrarégionales, extraprovinciales et même internationales, et ce, à condition de bien s'ajuster à l'offre et à la demande.

Par rapport à ses voisins, M. le Président, canadiens et américains, le Québec se distingue par un très fort taux de motorisation, une pratique récréative beaucoup plus développée, une organisation à l'échelle provinciale, une très forte utilisation en hiver, un vaste réseau de sentiers exclusifs aux VTT interrégionaux et interreliés sur des terrains publics et privés, un produit touristique de quatre saisons.

Le marché des VTT récréatifs au Québec s'élève à 91 541 personnes, et le nombre de VTT touristes, à 40 278 personnes: 62 % du total des véhicules immatriculés. 38 % des véhicules immatriculés ne servent qu'à des fins utilitaires, 56 000 personnes, M. le Président.

Le VTT touriste fait en moyenne 104 km par jour de voyage, alors que les gens en excursion n'en font que 62 km par jour lors des excursions. L'hébergement privilégié pour les touristes est l'hôtel-motel, M. le Président. Les aspects recherchés par les adeptes du VTT sont des sentiers bien aménagés, une signalisation adéquate, des paysages agréables.

L'impact économique de l'activité des VTT au Québec est très important côté touristique, M. le Président, et c'est sûrement à regarder d'un oeil encore pour le développement du tourisme au Québec. Je pense que c'est une activité importante pour aider, développer et inviter les gens, surtout, du côté international, les français, comme M. le ministre le disait tantôt, et il faut regarder ça. Et j'espère qu'en commission parlementaire on aura la chance d'inviter et j'espère qu'on aura la chance d'écouter des gens du côté du tourisme qui pourront venir nous donner leurs impressions, pour en faire une loi, pas qu'on change à toutes les années, mais qui pourra certainement être encadrée non seulement pour la sécurité, mais aussi du côté du tourisme.

Les revenus de taxation générés au gouvernement du Québec atteignaient, en 1995, un total d'environ 32 400 000 $, dont 12 200 000 $ provenant de l'immatriculation et de la vente des véhicules; 20 200 000 $ provenant de l'utilisation des véhicules, dont environ 90 % provenant de la pratique récréative et touristique du VTT. Les dépenses directes, M. le Président, associées à l'activité des véhicules hors route dans l'ensemble du Québec sont évaluées à 163 000 000 $. Ces dépenses sont effectuées surtout dans les régions où l'économie est moins diversifiée.

Ces données, M. le Président, confirment bien que la plus forte concentration des véhicules hors route par habitant se retrouve dans des régions ressources éloignées des grands centres urbains. Les régions situées au coeur du Québec – par exemple, Chaudière-Appalaches, Laurentides, Montérégie – sont celles qui comptent proportionnellement le plus de membres de clubs fédérés.

Les associations de véhicules hors route ont développé plusieurs événements majeurs à rayonnement, je dois le mentionner, provincial qui contribuent, sur une base annuelle, à la promotion de l'activité des véhicules hors route du Québec. On dénombre actuellement quatre événements d'envergure provinciale au Québec, soit l'Aventure Parent, en été; le Tour du lac Taureau, en été; le Festival VTT de la Gaspésie, durant l'été; et le jamboree d'hiver de la fédération, durant l'hiver, comme je le mentionnais.

Alors, M. le Président, je pense que, comme je viens de le mentionner, il est important de mentionner que, oui, sûrement, côté sécuritaire, il est important d'avoir cette loi-là. Comme M. le ministre l'a mentionné tantôt, depuis 1987 il y a eu des consultations. Et je pense que, de ce côté-ci de notre Chambre, du côté de la sécurité on est complètement d'accord. Et, moi, surtout l'an passé, dans mon comté, dans ma circonscription, il y a eu, sur les 14 morts de VTT, deux jeunes enfants de moins de 12 ans qui sont décédés suite à des accidents sur une route publique dans un village, qui ont frappé une automobile. Alors, je tiens sûrement à mentionner qu'il est important que cette loi-là passe, côté sécuritaire.

Il est aussi important, côté touristique au Québec, de l'encadrer, de donner la chance aux gens qui s'occupent du tourisme au Québec de sûrement avoir une chance de venir ici, en commission parlementaire, M. le Président, d'émettre leur opinion et aussi de pouvoir développer le côté touristique. Les gens qui travaillent alentour de ces machines-là, si vous voulez, il y a beaucoup de moyennes entreprises qui existent dans toutes nos municipalités qui vendent, qui donnent le service, la mécanique, etc., le gaz, l'huile. Alors, ça crée des emplois. Alors, une loi et des règlements, on a la chance, on va aller en commission parlementaire.

En conséquence, il serait très important, M. le Président, comme l'avait indiqué l'ancien ministre des Transports, M. Léonard, alors qu'il était titulaire du ministère, d'entendre en commission parlementaire les principaux regroupements concernés par cette législation et de les questionner sur les irritants qui ont été identifiés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Je cède maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, comme vient de le mentionner un de mes collègues et comme l'a présenté le ministre des Transports, le projet de loi n° 43 est un projet de loi qui est attendu depuis plusieurs années. C'est un projet de loi qui touche les véhicules hors route, comme on les appelle. D'autres les appellent véhicules tout-terrains et d'autres vont vous parler des VTT. Mais on se comprend, c'est des véhicules qui sont devenus très populaires au Québec. Plusieurs les utilisent, ces véhicules, pour découvrir et vivre le plein air, découvrir la forêt, les milieux forestiers, montagneux. D'autres les utilisent pour travailler, comme par exemple les producteurs forestiers, producteurs agricoles, et d'autres, simplement pour les loisirs, dans les loisirs familiaux et autres.

(12 h 10)

Mais tout ça pour venir ajouter que le projet de loi est attendu. Et, depuis cinq ou six ans, il y a plusieurs de mes collègues... À partir des années 1990-1991, l'Assemblée nationale avait été saisie de l'importance de réglementer l'utilisation de ces véhicules pour des mesures de sécurité. On l'a expliqué tantôt, nos collègues ont expliqué ici, en Chambre, les statistiques des accidents des dernières années avec l'utilisation de ces véhicules. Évidemment, c'est toujours désastreux et c'est toujours avec amertume qu'on apprend que quelqu'un qu'on connaît bien et qui était connu comme ayant une conduite assez sécure, de façon normale, a eu un accident avec un VTT, avec un véhicule tout-terrain, et on se demande comment ça se fait que c'est arrivé. Justement, je pense qu'on se doit de réglementer pour que tout le monde comprenne, pour que tous ceux et celles qui utilisent ces véhicules comprennent l'importance d'avoir un comportement réglementé, un comportement normalisé et qu'on puisse enseigner aux plus jeunes, qui ont toujours du plaisir à expérimenter la conduite de ces véhicules au sein d'une structure familiale... ou, de toute autre façon, que ces jeunes-là, dès leur jeune âge, comprennent l'importance de porter attention à la conduite de ces véhicules qui pourraient, dans certains cas, provoquer des dommages corporels si vous avez un accident ou un événement...

On a tous connu le phénomène de la motoneige. Depuis le début des années soixante, la motoneige a été popularisée au Québec, et, à la fin des années soixante, début des années soixante-dix, la population a réalisé justement que l'utilisation de ces véhicules comme sport d'hiver était presque devenue anarchique. Les gens se promenaient à gauche et à droite sur les terrains privés, sur les routes publiques, découvraient la forêt par des sentiers considérés vierges, des routes qui n'avaient pas été utilisées dans le passé. Donc, en un mot, ils circulaient à gauche et à droite, comme bon leur semblait.

Et la population a réagi, les propriétaires de terres privées ont réagi et ont demandé de la législation. Ça s'est appliqué sur la fin des années soixante-dix, davantage au début des années quatre-vingt. Ils se sont regroupés sous forme d'associations, associations qui se sont fédérées au niveau de la province, et vous avez vu les résultats. Je pense que ce sport de motoneige s'est discipliné, s'est organisé, a reconnu l'importance de tous avoir la même compréhension sur la façon dont on doit opérer ces véhicules dans les sentiers organisés qu'on connaît aujourd'hui.

Je n'ai pas à commencer à les décrire, je pense que la province de Québec est connue comme étant la province la mieux organisée sur le plan des organisations structurelles, sur le plan des associations, sur le plan des sentiers entretenus et sur le plan des services rendus à chacun des motoneigistes.

Donc, avec cette loi 43, qui était souhaitée par les associations de véhicules hors route, je pense que ça va permettre, M. le Président, justement, de sensibiliser et d'amener tout le monde à avoir la même compréhension et à prendre le sport de la motoneige comme exemple pour en arriver à se discipliner lors de l'utilisation de ces véhicules, à développer des sentiers, à respecter les terrains privés, d'une part.

Je pense qu'à partir de la législation... On sait tous très bien que la population, de façon générale, est sensible au respect de nos lois et de nos règlements. C'est évident que les Québécois et les Québécoises vont respecter la législation dans la mesure où elle est adaptée aux besoins, aux besoins que nous avons. D'abord, pour répondre aux besoins de sécurité.

Et je m'étais pris une note ici sur l'importance aussi d'opérer ces véhicules de façon sécuritaire, d'une part, mais, d'autre part, dans le respect de l'environnement, de la nature, de la forêt, des terrains privés, des clôtures ou de l'aménagement que les citoyens du Québec ont mis en place. Je ne m'attarderai pas trop longtemps sur ce sujet parce que je sais très bien que mon collègue, le député d'Orford, va l'aborder, parce que c'est un point important. C'est une chose que de découvrir la nature à bord d'un véhicule qui te fait parcourir dans la même journée plusieurs kilomètres de chemin, donc plusieurs paysages différents, mais c'en est une autre aussi de respecter la nature, le territoire, la forêt, les champs, les cours d'eau de la façon qu'on les connaît aujourd'hui et de la façon qu'on veut les garder et les conserver pour le futur.

Donc, M. le Président, ce projet de loi là, je vous le mentionnais, depuis le début des années quatre-vingt-dix, il y a des collègues du précédent gouvernement, des collègues ici, qui ont parcouru le Québec. Ils ont consulté, ils ont rencontré des groupes, ils ont reçu des revendications, des inquiétudes de la part des porte-parole de ces groupes-là, justement, pour en arriver à préparer un projet de loi qui a été déposé en juin. Mais je dois vous dire qu'au ministère des Transports ça fait deux ou trois ans que le ministère est déjà prêt à présenter un projet de loi pour réglementer l'utilisation de ces véhicules-là. Mais il y avait un objectif principal, qui était celui d'assumer une meilleure sécurité pour ceux et celles qui utilisaient ces véhicules-là, d'une part.

D'autre part, je pense qu'il faut voir de quelle façon le projet de loi va être finalement adopté. Au niveau des exigences et de la réglementation, est-ce qu'il y aura lieu d'exiger le port du casque protecteur, des lunettes protectrices pour tout le monde, en tout temps, n'importe où? Est-ce qu'un producteur forestier qui travaille avec un véhicule hors route, un véhicule tout-terrain, ou un VTT, il va falloir clairement le définir? Il va être obligé à toutes les fois qu'il va se déplacer, ne serait-ce que de quelques mètres sur son terrain ou de quelques centaines de mètres, porter le casque ou les lunettes. Est-ce que sur les routes privées ça va être exigible? C'est ça qu'il va falloir clarifier en commission parlementaire. Il faut reconnaître qu'il est souhaitable, quand vous vous déplacez dans un circuit organisé, que les gens soient costumés et aient tout l'équipement sécuritaire possible. Quand je dis «possible», c'est ceux qui ont été reconnus pour leurs bienfaits dans le passé, et on doit toujours, à mon avis, se référer à l'expérience que nous avons de la motoneige, ce n'est pas tellement différent, bien que ce soit des véhicules qui ont un comportement différent et une utilisation assez différente dans certains cas.

Mes collègues parlaient tantôt des limites de vitesse imposées. Ça aussi, je pense qu'on se doit de réglementer et de s'assurer qu'il y ait un maximum de vitesse qu'on peut atteindre avec ces véhicules-là, pour une mesure de sécurité. C'est beau de définir à quelle vitesse maximum on doit circuler avec ces véhicules-là, d'une part, mais c'est de le faire respecter aussi. Est-ce que l'intention du ministre est de faire appliquer de façon très stricte au moment où les gens utilisent ces véhicules pour, en fait, découvrir le plein air et la nature? Est-ce que l'intention du ministre est d'essayer de suivre de près le déplacement de ces véhicules et d'imposer des sanctions et des amendes très élevées? Je pense que, ça aussi, il faut partir du principe qu'on se dit oui, qu'on doit réglementer pour des meilleures mesures de sécurité, mais qu'on ne doit pas nécessairement viser d'aller chercher des revenus au niveau d'une augmentation de la tarification de toutes sortes pour l'utilisation de ces véhicules, d'une part, et d'imposer des amendes qui pourraient être considérées hors de la capacité de payer, si je peux m'exprimer ainsi, de ceux et celles qui utilisent les véhicules tout-terrains, parce que, plus souvent que pas, c'est parfois le seul véhicule qu'une famille à revenus moyens peut se payer. C'est assez difficile parfois d'avoir les deux en même temps, et la motoneige et le véhicule tout-terrain pour l'été. Donc, vous avez vu dans les notes explicatives du ministre et de ceux qui m'ont précédé, qui ont pris la parole, ils nous ont expliqué que le véhicule tout-terrain, ou VTT, était aussi un véhicule utilisé l'hiver par les sportifs, dans des sentiers appropriés, justement.

Donc, vous avez développé la sécurité qui est très importante, d'une part, et réglementé davantage l'utilisation de ces véhicules comme véhicules sportifs. D'autres vont nous dire: On doit aussi penser à l'impact touristique que peut avoir l'utilisation des véhicules tout-terrains dans un circuit organisé, regroupé sous une association. Et que ces gens-là... Toujours en se référant à l'utilisation de la motoneige et au développement de la motoneige dans nos circuits touristiques et sur le plan touristique dans son ensemble, est-ce que ceux qui vont pratiquer ce sport vont pouvoir le faire de façon à développer davantage certains circuits touristiques? Évidemment, ce que plusieurs vont vous dire: C'est un véhicule qui se déplace à une vitesse moindre parce que plus souvent pas utilisé l'été, donc les sentiers sont plus difficiles à aménager pour pouvoir circuler à des vitesses importantes.

(12 h 20)

Donc, c'était un peu le point, M. le Président, que je voulais faire à ce niveau-là, et j'aimerais ajouter à ce moment-ci qu'on devrait, avant d'étudier le projet de loi article par article, entendre... M. le ministre a mentionné tantôt que déjà des groupes avaient eu la chance d'être entendus et d'exprimer leur opinion il y a quelques années, en 1985. Je pense qu'on devrait... qu'il est très important d'entendre un certain nombre de groupes qui pourraient venir nous indiquer de quelle façon on pourrait éviter justement de créer des problèmes au développement de l'utilisation de ces véhicules pour développer soit le tourisme, soit le sport de plein air, d'une part, et, d'autre part, éviter d'adopter un projet de loi qui serait difficile à faire respecter sur le plan de la réglementation. Et ça, j'en ai comme exemple, si jamais on imposait le port du casque et de la lunette de façon générale, évidemment, ça pourrait poser des problèmes à ceux qui les utilisent pour leur travail ou comme équipement de ferme ou équipement forestier.

Donc, M. le Président, j'ose croire que M. le ministre va respecter et reconnaître le bien-fondé de tous ceux et celles qui demandent d'être entendus avant d'adopter le projet de loi, du moins avant de le débattre en commission parlementaire article par article. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je cède maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je suis heureux de voir le député de Montmagny-L'Islet, qui est un homme près de la terre, près de ses gens, parler de ce projet de loi avec une grande compréhension des implications quotidiennes chez les travailleurs, chez les gens qui ont à se servir de ces équipements-là.

Je veux aussi souligner, dès le début, M. le Président, que ce projet de loi vient d'une longue visite qu'a faite, du Québec... Je ne peux pas passer inaperçue, parmi nous, ce matin, la présence de M. Thérien, qui a été le député – libéral, bien sûr – qui a fait le tour du Québec, jour après jour, et qui a rencontré tous ceux qui avaient à dire quelque chose sur le VTT au Québec. Finalement, ce projet de loi découle de cette grande enquête qu'avait faite M. Thérien, à l'époque, avec d'autres. On voit maintenant que tout ça s'en vient en règlement et en loi. Je pense que, encore là, on a affaire à un député près des gens, qui a écouté ce que le vrai monde avait à dire et qui maintenant va passer à l'action; le gouvernement va passer à l'action avec ce projet de loi là.

Vous me permettrez, M. le Président, de prendre quelques minutes pour m'attacher à un aspect plus particulier de ce projet de loi là, celui de l'environnement, bien sûr. Il y a beaucoup de monde qui ont des VTT au Québec. J'ai entendu ici 130 000, 150 000. Enfin, il y a quelque part tout près de 150 000 personnes qui ont des VTT, de ces équipements quatre roues et de ces véhicules hors route. Vous comprendrez que, si on ne balise pas ça un peu, si on n'organise pas ça à la grandeur du Québec, bien... Je vais vous citer des gens qui ont bien avant nous décrié les effets pervers qu'avaient ces véhicules-là sur l'environnement au Québec.

D'abord, Pierre Guilbault, ce grand cinéaste animalier, plus connu aux États-Unis qu'au Canada – on l'appelle là-bas «Mr. Moose», M. Orignal. Pierre Guilbault, il y a déjà bien longtemps – lui-même se sert de quatre-par-quatre – a décrié les effets absolument dévastateurs des quatre-par-quatre sur les terres publiques, sur les endroits non accessibles et l'endommagement qu'on apportait à des terres d'une façon irrémédiable.

Il y a d'autres personnes qui bien avant nous ont réfléchi sur ces dynamiques-là. Line Rochefort, cette professeure de l'Université Laval qui est la spécialiste des tourbières – vous allez voir, je vais revenir tantôt sur les tourbières – nous a dit comment c'était fragile, ces milieux-là, et comment les quatre-par-quatre qui allaient dans ces milieux-là les endommageaient d'une façon irrécupérable. On parle de centaines d'années, dans le cas des tourbières, pour ramener la vie d'une façon correcte.

Le député des Îles-de-la-Madeleine, qui s'adonne à être un membre du Parti libéral du Québec par les temps qui courent, un très bon député, près de ces gens, qui a représenté... Combien de gens aux Îles ont dit: Attention, il y a un problème sur les dunes, il y a un problème épouvantable sur les dunes. Ceux qui y sont allés dans les derniers étés, aux Îles-de-la-Madeleine, je pense que vous avez été à même de reconnaître le problème. C'est un problème qui est grandissant, n'est-ce pas? Ce n'est pas un problème qui est en voie de se solutionner là-bas, même avec toute la correspondance qui a pu être envoyée.

Alors, je vais m'adresser d'une façon particulière à l'aspect environnemental, bien sûr. Et je dois avouer qu'il y a un grand bout de ce projet de loi là qui est tout à fait valable, et on le reconnaît. M. Thérien a fait un bon ouvrage. On nous dit qu'il y aura des règlements, le projet de loi semble être assez bien structuré. Mon confrère nous dit: Attention à ceux qui gagnent leur vie à partir des quatre-par-quatre sur leur terrain privé, on devra regarder ça en commission parlementaire. Mais la protection du patrimoine, là, je pense qu'il y a un problème.

Mais, avant de parler d'environnement, je veux inviter le ministre, parce que je lui ai écrit à ce sujet-là il y a déjà quelques mois... On sait que le fédéral a fait une consultation sur les embarcations à moteur, qui sont aussi des embarcations avec lesquelles les jeunes peuvent aller trop vite, où il y a des problèmes d'assurance, où il y a des problèmes de «licenciement». J'ai eu l'occasion d'en parler au ministre de l'Environnement à l'époque où il était environnementaliste. Maintenant qu'il est ministre des Transports, je vais lui en reparler aujourd'hui et lui demander ce qui est arrivé de cette recommandation du rapport Thérien, où, à peu près dans les neuf villes où ils sont allés, des gens ont dit: Pourquoi ne pas aussi mettre les embarcations à moteur dans ce projet de loi là, alors que le fédéral vient de finir une grande consultation? Et on sait pertinemment, et c'est ce que j'invitais le ministre des Transports finalement à voir, comment il pouvait, lui, prendre ça en main, tout le «licenciement» des embarcations à moteur au Québec.

Ce n'est pas dans l'esprit du fédéralisme de laisser des choses quotidiennes aux gens d'Ottawa. C'est trop loin des clientèles. L'esprit du fédéralisme, c'est ce qui touche le citoyen tous les jours. Les petits lacs, les petites rivières, le «licenciement» des embarcations à moteur... doit... Et le fédéral est ouvert à ça. Mais il semble qu'on aime mieux se chicaner avec Ottawa que de trouver des solutions avec Ottawa. Et, moi, je vous dis, il vient d'y avoir une grande consultation à Ottawa là-dessus: ils sont ouverts à cet aspect-là. Et, nous, on est après passer un projet de loi. Le temps me semblait absolument propice, extraordinaire non seulement pour régler le problème des quatre-roues, des hors route, mais aussi celui des embarcations à moteur qui peuvent être, à leur façon – aussi les Sea-Doo, les petites embarcations à moteur – de graves problèmes pour les marais, de graves problèmes pour les berges, etc.

Mais là n'est pas mon propos. Je fais juste dire au ministre des Transports que j'attends toujours une réponse à ma lettre, de un. Et, de deux, je pense qu'il y avait là une opportunité extraordinaire pour prendre une responsabilité qu'Ottawa ne demanderait pas mieux... Puis, il y a de l'argent là-dedans, en plus, si le ministre voulait la prendre en main.

Vous savez, ce gouvernement-là, ils ont pris bien des engagements au niveau de l'environnement au moment de l'élection. Pour en citer quelques-uns, il y avait, entre autres, les déchets solides. Ça, on avait la solution miracle. On était pour rendre publics tous les sites de déchets publics. Eh bien, nous voilà dans une consultation populaire. Le rapport sera déposé à la fin du mois de décembre. Et puis il n'y a pas un seul mot sur les sites privés, hein, dans le document qui a été émis au moment des consultations par le ministre actuel des Transports, bien sûr, qui était ministre de l'Environnement à l'époque. Pas un seul mot sur les sites. On sait que 60 % des déchets vont dans huit ou neuf sites de déchets au Québec, et pas un seul mot, alors que c'était le grand engagement de ce gouvernement-là.

Les VTT, tout le monde s'entend pour dire qu'il y a un problème d'environnement. Et, quand on lit le projet de loi, je vais y revenir tantôt, le ministre nous dit: Ne vous inquiétez pas trop, je viens de recevoir une lettre de l'UQCN qui nous dit... Je ne comprends pas; pourtant, on leur a parlé souvent. Bien, là il va falloir se parler sérieusement parce que le projet de loi, on est rendu là, là.

Dans la production porcine, s'il y a une saga que ce gouvernement-là ne sait pas comment gérer, c'est bien celle-là. Tous les jours, on entend dire qu'il va y avoir un comité, une table. Mais tout ce qu'on sait, c'est, quand on se promène à la grandeur du Québec: la chicane est prise bien comme il faut entre de bons citoyens, de bons producteurs agricoles, et puis le gouvernement ne prend pas ses responsabilités, ne fait pas la part des choses, et là c'est la chicane la plus complète alors que... Et c'est même la chicane entre les ministres. C'est ça qui est beau, là. Ne demandez pas aux gens de l'Hêtrière Ouest de s'entendre quand les deux ou trois ministres ici ne s'entendent pas entre eux.

Alors, c'est ce qu'on vit. Il y a 30 groupes en ce moment au Québec, que ce soit dans le comté de M. Jolivet ou dans d'autres comtés, il y a des gens qui ont passé la nuit... sept jours et sept nuits debout à ne pas dormir pour essayer d'indiquer à leur député péquiste que ça ne marchait pas chez eux, que ça ne marchait pas. Le député fait la sourde oreille à ça puis essaie de nous dire que ça va très bien dans la production porcine au Québec. Alors, c'est ça.

Ça va tellement mal en environnement au Québec, M. le Président, que le président provincial – ce qu'on appelle les conseils régionaux de l'environnement, conseils régionaux de l'environnement, il y en a un par région – a démissionné il y a quelques semaines en disant: Ça va assez mal, le ministre ne nous écoute plus; moi, je démissionne. M. Pierre Morency. Et Dieu sait qu'on s'était collé pas mal sur M. Pierre Morency. Alors, là, lui, il vient de démissionner en disant qu'en environnement ce gouvernement avait promis toutes sortes de choses, entre 27 et 35 pages dans le mémoire, dépendant si vous regardiez après la souveraineté ou avant la souveraineté, parce qu'il y avait des pages, bien sûr, dans le programme, si c'était indépendant. Et puis, bien, là il n'y a pas grand-chose de tout ça qui a été fait. Alors, le président provincial des regroupements d'environnement, lui, il vient de démissionner. Il a dit: C'est assez.

(12 h 30)

Encore une fois, je tiens à dire que, dans ce projet de loi, il y a un bon nombre de bonnes choses. La fédération des clubs motocyclistes reconnaît, se dit heureuse – et, nous aussi, on est heureux – qu'on encadre un peu mieux la pratique des VTT. Mais, au niveau de l'environnement, là, franchement, ce n'est pas drôle.

M. le Président, l'organisme qui a écrit au ministre, hier... Bien, ils ne lui ont pas écrit hier, hein. J'ai un cahier ici, M. le Président, qui a un pouce d'épais de lettres entre le ministre et cet organisme-là, qui s'appelle l'UQCN. L'UQCN, pour les gens qui sont ici ou les gens qui nous écoutent, c'est un regroupement. Ce n'est pas juste un organisme, M. le Président, c'est une manière de fédération. C'est 112 organismes en environnement. Alors, chez vous, s'il y a un organisme en environnement, bien, il fait probablement partie prenante de l'UQCN; donc, il est d'accord avec la position de l'UQCN.

Il y a aussi à peu près 5 000 membres individuels. J'en suis un des membres individuels qui disent à l'UQCN: Nous, on va se battre sur nos petits terrains respectifs, mais, vous, allez vous battre à l'Assemblée nationale sur les grands dossiers. Je suis heureux de voir que, dans ce dossier-là, ils tiennent le bout depuis très longtemps, très longtemps, et ils n'ont pas l'idée de lâcher.

Le ministre nous disait tantôt: Écoutez, on se parle depuis bien longtemps, on s'écrit des lettres depuis bien longtemps, puis, hier, ils m'ont envoyé un fax. C'est lui qui disait ça tantôt: On n'a pas l'air de se comprendre. Moi, M. le ministre, je vous invite – vous êtes ici ce matin – à les inviter en commission parlementaire. Si vous et eux, vous vous parlez... Vous ne semblez pas vous comprendre, c'est ce que vous disiez tantôt, qu'ils vous ont envoyé ce fax-là à 10 heures hier matin, là, puis que vous venez juste d'en prendre connaissance. Bien, invitons-les en commission parlementaire. On va voir les points les plus faibles dans votre argumentaire et on va voir les points les plus forts dans leur argumentaire et on va essayer de trouver un terrain d'entente.

Moi, je pense que l'UQCN... Je vous lis quelques passages de ce communiqué: «La circulation des VTR dans les étangs, marais, marécages, tourbières et dunes de sable situés sur les terres publiques...» Pour eux, ce n'est pas protégé, les réserves écologiques. Ils disent, un peu plus loin: «Le ministre des Transports, les quatre autres ministères consultés en février 1995 se sont dit impuissants face aux problèmes environnementaux créés par ces véhicules.» C'est grave, ça, là. «Pire, ce projet instaure le droit de circuler librement dans ces milieux.» C'est l'UQCN, toujours, qui dit ça, M. le Président.

On nous rappelle qu'il y a neuf autres projets de loi qui touchent aux VTT, directement ou indirectement. Ils nous rappellent que maintenant les municipalités pourront régir. C'est peut-être bien, mais j'ai bien hâte d'entendre le ministre. Est-ce que ça veut dire que, dans une municipalité, le VTT pourra aller à 30 km et, dans l'autre, à 60? Dans une place, il pourra aller à 30 m et, à l'autre place, à 20 m des résidences? Est-ce que c'est ça que le ministre est après nous dire, que la réglementation faite par les municipalités pourrait être un peu à la pièce?

Là, je reviens avec les milieux fragiles, et c'est là que le bât blesse le plus, M. le Président. On n'a pas d'assurance, d'aucune façon, que... Les Îles-de-la-Madeleine, d'une façon particulière. On les a tous vus, ces gens-là, aux Îles-de-la-Madeleine, se comporter en gens irresponsables, il faut le dire. On les a vus dans les tourbières. On les a vus...

Dans mon petit village d'Austin, vous savez, c'était de toute beauté en fin de semaine. On est allés avec les amis prendre des marches et je suis arrivé dans un marais, un marais qui a été protégé par la province il y a quelques années. On a permis aux poissons de remonter dans ce marais-là. On a fait des efforts extraordinaires. Comme payeurs de taxes, on a fait des efforts pour aménager ces marais-là, et là, on arrive là samedi, des groupes d'amis ensemble, avec nos enfants, là. Et puis qu'est-ce qu'il n'y avait pas là-dedans? Les quatre-par-quatre qui s'amusaient à tout labourer ça. Là, tu te dis: Comment on va améliorer ça? Puis il n'y a rien dans le projet de loi du ministre.

Mais ça va plus loin que ça. Je vois le ministre du Tourisme qui est avec nous aujourd'hui. Ils sont tellement irresponsables, M. le Président, c'est incroyable. Regardez, ce gouvernement-là a émis à un moment donné... Je vous le lis au texte. On disait... Et ça, c'était le ministère du Tourisme: «Oui, on est pour les VTT pour les touristes. Oui, il y a des retombées économiques.»

Mais attention! on ne peut pas faire ça à n'importe quel coût. Ce ministère-là, il y a quelques mois, a émis des pamphlets. Dans un cas, c'était 1 500 000 pamphlets; dans l'autre cas, je ne le sais pas. Je vais vous lire ce qu'on y disait. C'est incroyable. On disait: «Si vous préférez un raid sur roues, franchissez des dunes de sable et tourbières en moto, en véhicules tout-terrains ou en quatre-par-quatre.» Extrait de la brochure très largement diffusée par «Vacances Québec», à la page 35, par Tourisme Québec.

Un peu plus loin: «Aventuriers, explorez en VTT les canyons, les tourbières et les plages couvertes d'épaves de l'île d'Anticosti.» De la brochure Québec: Mille cinq cents exemplaires... 1 500 km... «1 500 000 km² d'aventures», ministère du Tourisme du Québec, Industrie et Science.

M. le Président, là, ça n'a pas d'allure. Je veux dire, le ministre nous dit: L'UQCN, ils nous ont écrit, on n'a pas l'air de se comprendre. Je comprends qu'on ne se comprend pas, M. le Président! Si le ministre du Tourisme, l'autre bord, dit aux gens d'aller sur les dunes, d'aller se promener à l'île d'Anticosti, d'aller dans les marais, d'aller dans les tourbières, je comprends qu'on ne se comprend pas.

Alors, je demande au ministre des Transports... Je le félicite d'avoir déposé ce projet de loi là – qu'il le prenne pendant que ça passe. Je pense que c'est un bon projet de loi au total, mais il y a un aspect environnemental qui est vraiment trop faible. Et là ce n'est pas le porte-parole de l'opposition qui parle, M. le Président, ce n'est pas le gars dont on dit: Ah! C'est bien sûr, il est dans l'opposition, il critique. C'est tous les groupes d'environnement du Québec qui disent au ministre, hier... Mais ils n'ont pas commencé à lui dire ça hier, le document... Il y a de la correspondance, ici, entre le ministère puis l'UQCN, pour s'amuser à lire pendant une soirée de temps, puis c'est vrai que ce monde-là n'a pas l'air de se comprendre. Et puis le ministre du Tourisme, certainement, ne comprend pas grand-chose dans les VTT et dans l'aspect environnemental du tourisme. Qu'il vienne dans nos régions.

M. le Président, c'était là mon propos. On est heureux de voir que le rapport Thérien, qui était un bon libéral, un bon rapport, est maintenant en législation. On est heureux de voir que la réglementation va être renforcée, on s'en réjouit. D'ailleurs, en passant, vous savez que les trois quarts de ces lettres-là qui ont été écrites par l'UQCN aux différents ministres, à l'époque, ont été écrites par le conseiller principal du ministre de l'Environnement de maintenant, M. Simard, dont je salue le frère, avec nous ici aujourd'hui. Alors, ça, c'était le principal conseiller du ministre de l'Environnement, et c'est lui qui écrit des lettres, et des lettres, et des lettres. Maintenant, il est principal conseiller du ministre de l'Environnement. Il n'a jamais été si près de pouvoir faire appliquer ce qu'il disait par écrit à l'époque. C'est lui qui a écrit une grande partie, d'ailleurs, du programme du parti péquiste en environnement.

Je suis heureux quand je vois des gens qui avaient de grandes convictions qui sont maintenant en poste d'autorité pour faire passer ces convictions-là à l'action. Alors, on a un cas, ici, extraordinaire. Le gars qui a écrit le programme du PQ, le gars qui a écrit au ministre sur les VTT, maintenant il est en autorité, lui, il est le principal conseiller du ministre de l'Environnement. Écoutez-le, j'espère, écoutez-le avec attention, ce M. Simard là, parce que je pense que, lui, il a quelque chose à dire. Malheureusement, je pense que son message est diffusé et mélangé par le Tourisme, par bien d'autres, et je ne suis pas sûr qu'on l'écoute assez attentivement. Et, si on l'écoutait, on écouterait l'UQCN du même coup, on écouterait les 112 groupes d'environnement et on écouterait aussi les 5 000 citoyens qui pensent qu'il y a un problème avec les VTT et l'environnement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Je cède maintenant la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. J'apprécie les bons mots de mon collègue d'Orford, mais je suis fier de constater que ce rapport, d'abord, a survécu au changement de gouvernement. Donc, un rapport sur une consultation, ce n'est pas l'opinion de celui qui fait nécessairement la consultation, mais c'est l'opinion des centaines et des milliers de personnes qui ont été consultées. Et, moi aussi, je félicite le ministre d'avoir continué cette consultation qui est maintenant devenue à terme, en projet de loi qui s'avérait, M. le Président, une nécessité, je pense que le ministre l'a reconnu. Et, vous savez, ça donne un peu, peut-être, un élan positif de savoir qu'il y a peut-être des gens qui font des consultations et des rapports qui ne sont pas nécessairement laissés sur les tablettes. Donc, le ministre a convenu et les gens aussi ont convenu que c'était une nécessité.

Vous savez, l'exemple, au Québec, des véhicules motorisés, c'est la motoneige. L'exemple de structure, c'est la motoneige. Et ce qu'on a voulu faire par la consultation et par le rapport qu'on a déposé et, cette fois-ci, par le projet de loi... Certainement, M. le Président, il y a certaines lacunes, puis on dira au ministre: On va passer d'abord un peu l'historique.

Rappelez-vous la motoneige, c'étaient des gens qui utilisaient un objet motorisé pour aller sur la neige, qui utilisaient n'importe quel espace, qui coupaient les clôtures, et ainsi de suite, et c'était un sport, une activité de loisir moribonde. Qu'est-ce qui est arrivé? La Fédération a pris ça en main, s'est créé des sentiers et s'est donné, par le fait même, une activité très structurée. Là, on se retrouve avec une autre activité motorisée qui a changé aussi au cours du temps, M. le Président.

(12 h 40)

Rappelez-vous, là, ceux qui ont des enfants ou ceux qui sont assez jeunes ici dans la salle. Lorsqu'on parlait des quatre-roues, avant, on parlait des gens qui aimaient aller jouer dans la boue avec des véhicules motorisés. Les quatre-roues, c'était ça d'abord: des gens qui utilisaient justement des dunes de sable, des marais, malheureusement, et qui allaient jouer dans la boue parce que le véhicule était performant; on pouvait entrer dans cet espace de terrain et en sortir avec le même véhicule.

Mais le sport s'est transformé, comme la motoneige, énormément. Et c'est devenu au cours du temps une activité de loisir, une activité de plein air pour circuler en forêt, et particulièrement – je ne sais pas si le ministre est au courant – une activité familiale. Et je reviendrai tantôt là-dessus, lorsqu'on parle d'équipement, où j'ai certains doutes, parce que, lorsqu'on promène des enfants en arrière d'un véhicule motorisé, il y a un certain danger.

Mais c'est devenu maintenant une activité de plein air, une activité de loisir qui veut se structurer mais qui a de la difficulté parce que, pour se structurer, ça prend des sentiers comme pour la motoneige. Et il est là le défi. Il est là le défi et est là peut-être la nécessité d'intervenir avec la loi. Mais, comme mon collègue, on va demander au ministre, nécessairement, de faire peut-être une préconsultation, avant l'étude article par article, avec des gens qui seraient intéressés pour l'application de la loi.

Ça fait que je vous disais que la nécessité d'intervenir... Parce qu'on dit sur le document qu'il y a 160 000 véhicules immatriculés au Québec, mais on nous dit qu'il y a plus que 200 000 véhicules VTT au Québec et il y en a des dizaines qui ne sont pas immatriculés. Donc, il y a une utilisation énorme.

Et je me souviendrai toujours... Parce qu'il y a deux écoles de pensée au Québec dans le loisir puis dans le plein air: il y a l'école de pensée de personnes qui pensent que tout ce qui est motorisé ne peut pas être plein air; et il y a l'autre école de pensée qui... motorisé d'abord. Je me souviendrai tout le temps d'un des ex-collègues du ministre, qui est maire de Sainte-Thérèse, M. Fallu, qui intervient dans notre région très habilement, et on l'en remercie, qui disait: Moi, dans ma municipalité, je ne veux pas de VTT; je ne veux pas de véhicules motorisés. Et j'ai eu l'occasion de parler à Élie. J'ai dit: Élie, quand je passe dans ta ville et que je vois beaucoup de remorques avec deux VTT, à Sainte-Thérèse, où vont-ils faire du VTT, ces gens-là? Ils vont faire ça dans le Nord, plus loin, sur des terrains qui ne sont pas nécessairement balisés pour ça.

Donc, c'est urgent de faire une loi et de faire des sentiers, au même titre qu'on fait des sentiers pour le ski de fond et au même titre qu'on fait des sentiers pour la motoneige. Et on a réussi à établir, je pense, dans les Laurentides, Élie et comme bien d'autres, un consensus à l'effet que, maintenant, il fallait s'occuper des VTT. Et cette loi-là... C'est fort probablement un peu la concrétisation de cette loi-là.

Je trouve ça regrettable aussi que dans le rapport, un peu ce que le député d'Orford disait, je ne comprends pas que le ministre n'ait pas réussi à prendre l'occasion qui lui était dévolue de rattacher les véhicules motorisés qui vont sur l'eau, parce que ça va être les seuls véhicules qui ne seront pas réglementés au Québec. Et c'est pour ça que le ministre n'a peut-être pas voulu... puis il est ministre des Affaires intergouvernementales. C'est dommage – puis il a peut-être ses raisons, il nous les évoquera tantôt, j'imagine, dans sa réplique ou à un autre moment en commission parlementaire – qu'on n'ait pas joint les embarcations, parce que c'est le seul véhicule motorisé qui ne sera pas maintenant – j'espère que la loi va passer, avec des modifications ou pas – régi par une loi au Québec. C'est dommage qu'il n'ait pas pris ça au passage. Pourtant, je pense qu'il est capable de négocier avec le fédéral. Il va être obligé de négocier avec le fédéral bien d'autres choses que ce genre de délégation de pouvoir. Mais il avait l'occasion, parce que, dans la consultation, les gens venaient nous dire... Parce que, souvent, les propriétaires de VTT et de motoneige ont aussi une embarcation. Ce n'est pas sine qua non, là, mais ça arrive à l'occasion. Donc, je félicite le ministre d'avoir su utiliser ce qui avait été déposé au ministère des Transports et de le présenter ici en projet de loi. Et je vous le dis, toute cette consultation, c'est les gens qui nous le disaient: Regardez, l'activité motoneige présentement, c'est une activité très disciplinée, c'est une activité qui, au point de vue tourisme, nous rapporte énormément. Je me souviendrai tout le temps que, dans les Laurentides, beaucoup de restaurants, beaucoup d'hôtels ne voulaient pas voir les motoneiges il y a cinq à 10 ans, ils ne voulaient voir que du ski de fond, que de la raquette. Maintenant, ils veulent des ouvertures partout pour que les motoneigistes aillent, parce que c'est un apport financier très intéressant. Les VTT peuvent donner la même ressource à nos hôteliers, à nos restaurateurs qui en ont besoin dans un climat financier difficile.

Je vais y aller avec un peu l'étude de chacune des recommandations, parce que j'ai eu l'occasion d'y toucher durant la consultation. Lorsqu'on parle de l'âge minimal de 14 ans... Je ne sais pas si le ministre a conservé qu'à 14 ans il y a possibilité de le faire, mais à vue. Je ne sais pas s'il sait ce que ça veut dire: à vue. Ça prend un adulte qui le regarde. C'est une loi qui existe en Colombie-Britannique dont on s'est inspiré. Parce qu'un enfant ne peut pas circuler à 14 ans seul. Ce qu'on avait recommandé – je lui demanderai en commission parlementaire – c'est 14 ans à vue. Parce que, souvent, c'est un sport qui se fait familial, donc l'enfant est en avant avec son motorisé, le parent est en arrière; et il a la permission d'utiliser un VTT à 14 ans, mais à vue. Je ne sais pas si le ministre a conservé ça dans la loi. Je dois dire que je n'ai pas lu toute la loi pour lui dire qu'il ne l'a peut-être pas vu, mais je pense que c'est important, ça. Parce que c'était tout le lien qu'on faisait aussi avec l'activité familiale. À 16 ans, c'est évident, c'est le permis de conduire. Donc, il faut s'ajuster à ça. C'est pour ça que, s'il y a des groupes qui s'objectent aux 14 ans... Ils se demandaient pourquoi le ministre n'a pas mis ça à 16 ans, le 14 ans, c'est justement pour conserver l'esprit familial d'une activité familiale.

Détenir un permis de conduire pour emprunter un chemin public, je pense que, ça, il faut s'harmoniser. Je pense qu'il faut le moins possible qu'un VTT aille sur un chemin public. Le moins possible. C'est pour ça qu'il faut lui créer des sentiers, il faut lui créer les possibilités aussi d'en créer, des sentiers. L'obligation des propriétaires de véhicules d'avoir une assurance, ça, je pense que le problème, il est là aussi. On sait que c'est une activité motorisée qui peut causer des accidents, et l'obligation d'avoir une assurance reliée à ça, c'est sine qua non.

Désignation des équipements obligatoires. Il est là, le problème, la désignation obligatoire des équipements. Je ne sais pas s'il y en a d'entre vous, je ne sais pas si le ministre fait du VTT. La plupart des gens sont portés à embarquer deux sur le VTT. Vous savez que c'est défendu. C'est défendu. Le problème va être là, dans l'application de la loi. Et la plupart des gens qu'on a vus en consultation souhaitaient qu'on change la réglementation pour permettre l'utilisation d'un VTT à deux personnes. Quand vous achetez un VTT, regardez, c'est marqué même sur la carrosserie que c'est défendu, plus qu'une personne, pour la question d'équilibre du véhicule; sauf que l'utilisation nous démontre le contraire, qu'il y a deux personnes. Donc, ça «veut-u» dire, lorsqu'on va passer la loi, qu'à chaque fois qu'un policier va voir un homme et une femme et sa famille, s'ils sont deux sur le véhicule, qu'ils vont avoir une contravention? Je ne sais pas comment on peut régler ce problème-là.

Et il y a toutes sortes d'équipements qui se vendent, M. le Président, pour permettre l'utilisation à deux, c'est-à-dire le siège avec dossier. C'est-à-dire qu'on permet la vente de cet équipement-là, lorsque tu n'as pas le droit d'embarquer deux personnes sur le véhicule. Vous voyez la discordance un peu de ce qu'on veut faire. Puis là je ne dis pas ça négativement, je dis ça tout simplement: On se prépare à faire une loi, on se prépare à régir une activité qui mérite d'être régie, mais on est en train de favoriser aussi une activité où on est illégal. Tous les dossiers avec coussins et autres se vendent dans tous les équipements. On pose ça sur le VTT. Pourquoi? Pour asseoir deux personnes, puis c'est défendu. Alors, je me demande si le ministre va un peu réfléchir à tout ça.

(12 h 50)

On avait même parlé à l'époque aux grands fabricants, qui étaient Honda, Suzuki, Yamaha, à savoir si l'empattement du VTT peut être différent ou permettre l'équilibre de deux personnes. On nous a dit d'oublier ça complètement. Donc, si on oublie ça complètement, bien, il faut presque empêcher de vendre de l'équipement pour permettre à deux personnes d'être assises sur le véhicule. Et ça, ça va être un problème.

Rétroviseur, freinage, tuyau d'échappement. Je pense que les VTT devraient être régis au même titre que n'importe quel véhicule. Un VTT qui n'a pas de freins, c'est un danger ambulant. La même chose pour les rétroviseurs. Parce que, s'il y a des sentiers, bien, il y a des gens qui vont circuler en arrière, et je pense que c'est important.

Où j'ai certaines réserves – puis je pense que le ministre, comme père de famille ou autre... – c'est la question des traîneaux puis des remorques. Ça, je vais vous dire une chose: que le traîneau ou la remorque soit le plus sécuritaire possible. Vous traînez un enfant en arrière à 50 km, 70 km, et dans des sentiers de forêt. Ce ne sont pas toutes des pistes cyclables où on circule. L'enfant, de se faire brasser, c'est peut-être bon pour la digestion, mais, pour le reste, il y a un danger. Moi, j'avoue que j'ai énormément de craintes à permettre dans une loi l'utilisation de certains traîneaux et de remorques. Est-ce que là on va vérifier que ce traîneau-là va avoir toute la solidification, les barres qui permettent... si ça chavire ou pas? Vous savez, c'est un danger énorme si la personne se fait blesser au cou ou à la colonne vertébrale.

Ça fait que, est-ce que le ministre, dans sa loi... Puis je le lui indique, c'est un gros point d'interrogation là-dessus, parce que, là, on nous demande de permettre ça. Il y a une différence entre utiliser quelque chose et le permettre. Si la personne l'utilise à ses risques, ce n'est peut-être pas mieux pour la question du résultat, mais, quand on le permet, il faut s'assurer... Parce que je ne connais pas de véhicules motorisés où on permet, dans une remorque, de mettre des individus. Trouvez-moi-z-en un. Est-ce qu'une automobile qui a une remorque en arrière, on a le droit d'y mettre des individus? Je ne pense pas. Je pense que le ministre doit se pencher là-dessus, strictement sur le plan humain. Strictement sur le plan humain. S'il trouve une solution, parfait. Parce que je vous ai dit tantôt que c'était un sport familial, donc je ne suis pas contre le fait que les enfants participent, mais je lui donne quand même mes réserves, et je les ai, mes réserves, comme père de famille, comme utilisateur de VTT aussi, puis comme celui qui a fait la consultation.

Un des problèmes majeurs, c'est le kilométrage-heure. D'ailleurs, il y a un problème en motoneige où on indique que tu ne peux pas circuler à plus de 70 km/h. Ceux qui ont déjà fait de la motoneige dans les sentiers, dans la Trans-Québec, 70 km/h, là vous êtes presque au ralenti. Je ne vous dis pas que ça nécessite d'aller plus haut, mais tous les engins sont de plus en plus performants, les pistes de plus en plus, je dirais, aménagées, de façon que c'est des autoroutes sur neige. Bon. Là on dit 50 km. Disons que, pour la sécurité, on embarque là-dedans. Mais avez-vous imaginé... Parce que le kilomètre-heure va avec la qualité du sentier, comme le kilométrage-heure en transport va avec la qualité de la route. Si vous prenez une autoroute, vous augmentez le kilométrage-heure. Si vous avez une route de campagne, vous baissez, s'il y a des éléments, si vous êtes en pleine ville, le kilométrage. Quand on met 50 km et 70 km, je trouve qu'on ne se fie pas à la réalité. Si vous mettez 50 km et 70 km dans la Trans-Québec en motoneige et que vous arrêtez les motoneiges, je vous jure qu'elles sont toutes illégales. Elles sont toutes illégales. Savez-vous à combien va une motoneige, les nouvelles motoneiges qui se vendent depuis deux ans? Ça va jusqu'à 170 km, 180 km. Ça va trop vite, je suis d'accord avec vous, mais à 70 km/h, qu'on aille, M. le Président, dans votre région, qui est une région de motoneiges, je peux vous dire qu'elles sont toutes illégales.

J'espère que le ministre ne mettra pas quelque chose dans la loi qui va enlever, qui va semer une espèce de bataille face à l'application de la réalité. C'est pour ça que la consultation, il faudrait qu'il y en ait une autre, consultation, mais sur place, pas le tour du Québec, sur place, pour que les gens viennent nous dire que la réalité ne se vit pas tout à fait comme ça. Absolument pas.

Et dans bien des cas, dans plusieurs recommandations, on s'aperçoit que c'est l'application qui est difficile, parce que, vous savez, les policiers... On nous disait: Bien, écoutez, si on veut faire respecter les normes qui sont établies dans une loi, il faut que la Sûreté du Québec, il faut que les policiers... Vous savez, un des problèmes qu'il y a eu dans les accidents – malheureusement, on les regrette, les décès – l'alcool joue un rôle énorme, joue un rôle énorme. Parce qu'on sait tous que ceux qui font de la motoneige, ils font des escales. On sait qu'ils prennent du café à toutes ces escales-là, mais il peut y avoir aussi de la boisson. Et, comme n'importe quel véhicule motorisé, quand vous allez à 100 km/h, si vos facultés sont affaiblies, il y a un danger.

Mais comment on fait à part envoyer des policiers spécialisés sur les sentiers? L'application est difficile, très difficile. Ça fait qu'il ne faudrait pas que le ministre se mette un carcan aussi sur l'application. Faire une loi et ne pas faire respecter la loi, c'est même très nuisible pour la loi.

Toutes les autres choses de sécurité, en particulier les lunettes... Vous savez que plusieurs médecins sont venus témoigner; la plupart des accidents en VTT, c'est aux yeux. Vous savez pourquoi? Le type circule en forêt, une branche lui arrive à l'oeil. La dangerosité de ce sport-là est particulièrement aux yeux et aux pieds. Saviez-vous, aux pieds? Parce qu'il y en a qui conduisent ça nu-pieds. Oui! C'est dans la consultation. À notre grande surprise, l'été, les gens sont nu-pieds. On exige des bottes de travail quand les gens vont sur un chantier de construction, on exige des espadrilles quand quelqu'un va dans un gymnase, on exige une foule d'autres choses, et on arrive dans une activité où on n'exige rien. À ma grande surprise, moi aussi, les pieds! Le type est nu-pieds, il arrive en forêt. Bon, il a un accident; une fracture de la cheville, c'est vite arrivé; les orteils, les écorchures, les points de suture. Habituellement, il y a peu d'accidents graves. Il y a des décès, malheureusement; il y en a moins en VTT, beaucoup moins en VTT qu'en motoneige. Il y a beaucoup de traumatismes crâniens. C'est évident que d'exiger le casque, c'est un minimum.

J'ai, toute ma vie, défendu toutes les activités, que ce soit le hockey ou autres, afin de protéger – et Dieu sait, j'ai peut-être perdu quelques amis – d'obliger le casque protecteur, la visière ou autres parce que je pense que c'est toute la société... C'est toute la société qui paie lorsqu'il y a un accident. Donc, si on permet le VTT, si on encadre le VTT, il faut lui donner une obligation, soit d'un casque protecteur, de lunette ou de visière, parce que la visière est souvent intégrée avec le casque, mais il faut aussi s'occuper des pieds. Il faut s'occuper des pieds. C'est bien évident qu'on ne souhaiterait pas que celui qui fait du VTT ait une armure, ce n'est pas ça, l'idée. Mais je vous dis ça, ça fait peut-être sourire des gens, mais le nombre d'accidents aux pieds et le nombre de personnes qui font ça en costume de bain, qui font ça en tenue très légère l'été, rien aux pieds cause des accidents assez graves où c'est l'ensemble de la population qui paie pour ça. Et Dieu sait, M. le Président, vous en savez quelque chose par votre bureau de comté sûrement, que les ressources sont rares et qu'il ne faut pas en abuser.

Donc, vous me signalez qu'il reste une minute à mon temps mais une minute aussi à la Chambre. Ça fait que, M. le ministre, merci et félicitations d'avoir continué le travail qui a déjà été amorcé. Je vous laisserai qualifier le travail qui a été fait, en toute humilité. Mais je vous dis tout simplement, puis je pense que c'est une loi qui régit une activité populaire: Consultez les gens qui le demandent et vous allez avoir sûrement l'acceptation de l'opposition sur le temps – il ne faut pas que ce soit indu non plus – mais pour l'application... C'est sur l'application que je trouve, M. le ministre, qu'on doit se rapprocher de la réalité. On peut vous offrir, à ce moment-là, notre collaboration.

En ce qui a trait à l'environnement, je pense que c'est très triste de voir que le touriste s'annonce pour faire une activité que, même nous, à l'époque, on disait qu'il fallait protéger l'environnement. Je n'ai pas abordé cet aspect-là, mais on aura l'occasion d'en reparler. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Comme vous l'avez signalé, le temps de travail est maintenant expiré. Alors, nous allons tout simplement suspendre nos activités à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président: Alors, nous allons nous recueillir d'abord quelques instants.

Bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur du Japon, M. Takashi Tajima

J'ai d'abord le très grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, de l'ambassadeur du Japon, Son Excellence M. Takashi Tajima.


Dépôt du document intitulé «Proposition du président de l'Assemblée nationale – Réforme parlementaire: présentation générale et première phase»

Alors, chers collègues, le 20 juin dernier, au moment de clore nos travaux parlementaires pour la période d'été, j'avais annoncé de ce fauteuil que, lors de la reprise de la session à l'automne, je déposerais une proposition de réforme parlementaire afin de faciliter et d'accélérer la réforme promise par les uns et les autres depuis un bon moment déjà et attendue tant par les députés eux-mêmes que par la population. Vous vous souviendrez que, au moment de mon élection à cette importante fonction qu'est la présidence de l'Assemblée nationale du Québec, le 12 mars dernier, j'avais clairement exprimé mes intentions: d'abord, donner un sérieux coup de barre afin que le décorum, la qualité des débats et le respect mutuel caractérisent dorénavant l'un des plus anciens Parlements du monde; puis, avec vous tous et toutes, faire en sorte que la réforme parlementaire cesse rapidement d'être un rêve sans lendemain et que, grâce à elle, la fonction de député puisse enfin retrouver ses lettres de noblesse.

La dernière réforme parlementaire remonte à 1984 et force est d'admettre qu'elle n'a pas produit tous les résultats espérés en bonne partie parce que l'emprise de la coutume et des vieilles habitudes a prévalu sur les modifications adoptées alors. Depuis 12 ans, la société, les mentalités, les priorités tout comme les institutions n'ont cessé d'évoluer. À quelque trois ans du nouveau millénaire, le moment est venu de mettre notre Parlement à l'heure de l'an 2000.

Au printemps dernier, pendant plusieurs mois, j'ai tenté en vain de réunir la commission de l'Assemblée nationale, laquelle est habilitée à mettre sur pied la sous-commission de la réforme parlementaire prévue par notre règlement. Devant les difficultés de rassembler les membres de cette commission, j'ai opté pour une autre approche en sachant très bien, par ailleurs, que les pouvoirs du président sont limités et qu'en définitive il appartient – et c'est bien qu'il en soit ainsi – à l'ensemble des membres de notre Assemblée de modifier solidairement et collégialement les règles de fonctionnement qui nous régissent. À cet égard, le rôle du président est d'agir comme déclencheur et catalyseur afin d'initier le processus et de faciliter, une fois le mouvement de réforme bien engagé, la recherche des consensus et des compromis nécessaires.

La proposition que je dépose aujourd'hui vise donc à amorcer le travail et à l'orienter sur des pistes qui respectent à la fois la logique intrinsèque de la procédure parlementaire, les priorités qui se dégagent des attentes des élus et du public, ainsi que le besoin évident de secouer notre vieille culture institutionnelle afin que le résultat final soit autre chose qu'un changement sans lendemain significatif.

En ce sens, j'ai donné instruction pour que la commission de l'Assemblée nationale soit convoquée dans les prochains jours afin de se saisir de ce projet de réforme ou de toutes autres propositions qui pourront venir de l'ensemble des membres de l'Assemblée. À ce propos, j'invite tous ceux et celles qui se pencheront sur cette proposition de réforme parlementaire à ne pas oublier que les gens qui nous ont élus et envers lesquels nous sommes redevables voient d'un oeil différent, souvent, du nôtre le fonctionnement de notre Assemblée.

(15 h 10)

Chers collègues, acceptons d'aborder cette réforme sous le signe de l'efficacité, de la crédibilité, de l'audace et de la solidarité. En conséquence, je dépose le document intitulé «Proposition du président de l'Assemblée nationale – Réforme parlementaire: présentation générale et première phase».

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je prends acte du dépôt de votre document de réflexion et je vous remercie de nous avoir fait parvenir hier après-midi vers 16 heures, aux leaders, le document pour qu'on puisse en prendre connaissance. Sans vouloir vous retirer votre cheval de bataille, M. le Président, vous comprendrez que j'aurais préféré, quant à moi, que ce document soit déposé devant la sous-commission permanente chargée de la réforme parlementaire.

Comme vous l'avez si bien mentionné, je pense que ce sera l'ensemble des députés qui pourront, à ce moment-là, travailler à cette réforme parlementaire qui est tant attendue par, je pense, l'ensemble des députés. Votre document de réflexion, j'en suis certain, va être une contribution importante à notre débat.

Le Président: Je prends acte de vos propos, M. le leader. Et, dans ce que j'ai entendu, je crois que, dans le texte que j'ai présenté, vous aviez l'essentiel de ce que vous venez de dire. En conséquence, je vous rappellerai qu'une réforme parlementaire c'est ce que j'ai indiqué, ce n'est pas l'affaire du président ni l'affaire du leader du gouvernement ou même l'affaire d'un leader quelconque, c'est l'affaire de l'ensemble des membres de l'Assemblée. Sauf que...

Des voix: Bravo!

Le Président: Et je vous référerai, M. le leader du gouvernement, à cet égard, aux précédents. J'ai un petit peu d'ancienneté dans cette Assemblée pour vous rappeler qu'il y a eu deux réformes parlementaires: une en 1972, et elle avait été dirigée par le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Jean-Noël Lavoie; et il y en a eu une autre en 1984, et elle était sous la férule du président de l'époque, M. Richard Guay.


Affaires courantes


Présentation de projets de loi

Alors, présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article a de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 45

Le Président: Alors, à l'article a du feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation présente le projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce projet habilite le gouvernement à instituer, par décret, pour l'un ou l'autre des établissements d'enseignement de niveau universitaire visés à l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, une fondation universitaire ayant pour mission de promouvoir et de soutenir financièrement les activités d'enseignement et de recherche de l'établissement d'enseignement concerné.

Chaque fondation sera une personne morale au sens du Code civil du Québec et un mandataire du gouvernement.

Chaque fondation sera administrée par un conseil composé d'au moins trois et d'au plus sept membres, dont un président, nommés par le gouvernement. Au moins trois des membres seront choisis parmi une liste d'au moins six candidats dressée par l'établissement d'enseignement.

Dans la poursuite de sa mission, chaque fondation pourra recevoir des libéralités, notamment sous forme de donation ou de legs. Elle détiendra et gérera les biens reçus conformément à son règlement approuvé par le gouvernement, et les remettra à l'établissement d'enseignement concerné de la manière prévue.

Chaque fondation devra faire au ministre de l'Éducation et à l'établissement un état détaillé des biens reçus et de leur utilisation, accompagné du rapport de vérification de ses comptes effectuée par des vérificateurs externes nommés par le conseil d'administration de la fondation.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 46

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi n° 46, Loi concernant certains rôles d'évaluation foncière dressés sous la responsabilité de la Municipalité régionale de comté de Portneuf. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la durée d'application de certains rôles d'évaluation foncière dressés sous la responsabilité de la Municipalité régionale de comté de Portneuf. Trois de ces rôles actuellement en vigueur s'appliqueront pendant une année supplémentaire, tandis qu'un autre, lui aussi en vigueur, cessera d'avoir effet un an plus tôt que prévu. Un autre rôle entrant en vigueur le 1er janvier 1997 s'appliquera pendant deux ans au lieu de trois.

En conséquence, le projet de loi ajuste les cycles triennaux pour lesquels seront dressés les rôles postérieurs à ceux dont la durée d'application est modifiée.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 193

Le Président: À l'article c du feuilleton, Mme la députée de Vanier présente le projet de loi n° 193, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec. Mme la députée de Vanier.


Mme Diane Barbeau

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet de permettre des modifications à certaines dispositions du Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec sans entraîner d'augmentation de cotisations salariales, les coûts résultant de ces modifications étant payés sur le surplus actuariel du régime.

Ainsi, le projet de loi prévoit la pleine indexation annuelle des rentes selon le taux d'augmentation de l'indice des prix à la consommation à l'égard de la partie de la rente attribuable à du service antérieur à l'année 1990. Le projet offre également, jusqu'au 30 juin 1999, à tout participant âgé d'au moins 60 ans ou comptant au moins 30 années de service la possibilité de prendre sa retraite sans réduction actuarielle. Il propose aussi de diminuer la réduction actuarielle applicable en cas de retraite anticipée et il accorde certains droits de rachat.

Enfin, le projet de loi permet au comité de retraite du régime d'utiliser à certaines conditions les surplus actuariels futurs afin de bonifier certaines mesures prévues par le projet. Merci.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose les réponses aux questions 4, 5, 7, 8, 9 et 10, des questions, donc, au feuilleton de ce jour.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Charte de la langue française.


Avis de classement du site du village de Val-Jalbert, rapports annuels de la Commission de toponymie, du Conseil des arts et des lettres, du Musée d'art contemporain de Montréal et du Musée de la civilisation

Mme Beaudoin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer, conformément à l'article 29 de la Loi sur les biens culturels, un avis de classement du site du village de Val-Jalbert, le rapport annuel 1995-1996 de la Commission de toponymie du Québec, le rapport annuel 1995-1996 du Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que l'annexe 1 et l'annexe 2, le rapport d'activité 1995-1996 du Musée d'art contemporain de Montréal et le rapport 1995-1996 du Musée de la civilisation.

Le Président: Ces documents sont donc déposés. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport d'activité du Conseil médical du Québec et rapports annuels du Fonds de recherche en santé du Québec et de certaines régies régionales de la santé et des services sociaux

M. Rochon: M. le Président, je voudrais déposer le rapport d'activité 1995-1996 du Conseil médical du Québec de même que le rapport annuel pour la même année, 1995-1996, du Fonds de recherche en santé du Québec, et aussi les rapports annuels 1995-1996 des régies régionales de la santé et des services sociaux des régions suivantes: l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, l'Estrie, l'Outaouais, les Laurentides, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Lanaudière, Laval, Montérégie, Nord-du-Québec et Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. J'invite maintenant M. le ministre des Transports.


Entente d'échange de renseignements entre la Régie des rentes et la SAAQ, et rapports annuels 1993-1994 et 1995 de la Société québécoise des transports

M. Brassard: M. le Président, je voudrais déposer deux documents: d'abord, une entente en vertu de l'article 68.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels entre la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec, et également le rapport annuel 1993-1994 et le rapport annuel 1995 de la Société québécoise des transports

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre de la Justice.


Rapports annuels de la Commission des services juridiques, de la Société québécoise d'information juridique, de l'Ordre des chiropraticiens, de l'Ordre professionnel des conseillers en relations industrielles, de l'Ordre des ingénieurs forestiers et du Collège des médecins du Québec

M. Bégin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1996 de la Commission des services juridiques, le rapport annuel 1995-1996 de la Société québécoise d'information juridique et les rapports annuels 1994-1995 des ordres professionnels suivants: chiropraticiens du Québec, conseillers en relations industrielles du Québec, ingénieurs forestiers du Québec, Collège des médecins du Québec.


Rapports annuels du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale du Québec

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Je dépose, de mon côté, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel du Directeur général des élections pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996. Toutefois, les activités liées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont recensées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1995.

(15 h 20)

Je dépose également, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel de la Commission de la représentation électorale pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996. Toutefois, les activités liées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont recensées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1995.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Je dépose aussi les décisions nos 798, 799 et 804 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Et, finalement, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée, daté du 15 octobre 1996.


Dépôt de rapports de commissions

Nous en arrivons maintenant au dépôt de rapports de commissions. J'invite maintenant M. le vice-président de la commission des institutions et député de l'Acadie.


Audition du sous-ministre de la Justice et de certains dirigeants d'organismes publics conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 28 et 29 août ainsi que le 11 septembre 1996 afin d'entendre les sous-ministres et les dirigeants d'organismes publics, conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.


Vérification des engagements financiers du ministère de la Justice et du Secrétariat aux affaires autochtones

J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 29 août et 24 septembre 1996 afin de vérifier les engagements financiers du ministère de la Justice contenus dans les listes de novembre 1995 à juillet 1996, et ceux du Secrétariat aux affaires autochtones contenus dans les listes de janvier 1994 à juillet 1996.


Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative

J'ai enfin l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 17, 18, 24 et 25 septembre 1996 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Le Président: Alors, merci, M. le vice-président de la commission des institutions. Vos rapports sont déposés. J'invite maintenant M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Vérification des engagements financiers du Conseil du trésor et des organismes relevant du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et du ministre des Finances

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de rendre compte des travaux réalisés par la commission du budget et de l'administration au cours du mois de septembre 1996, d'abord la vérification des engagements financiers du Conseil du trésor et des organismes relevant du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique contenus dans les listes de janvier 1996 à juillet 1996; ceux des Services gouvernementaux contenus dans les listes de janvier 1996 à mars 1996; ceux de l'Inspecteur général des institutions financières contenus dans les listes de mars 1993 à juillet 1996; et ceux de la Commission des valeurs mobilières du Québec contenus dans les listes de février 1994 à juillet 1996.


Étude détaillée du projet de loi n° 8

Également, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui fut présidée par le député de Bellechasse et qui a siégé le 5 septembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec amendements.


Examen des orientations, des activités et de la gestion de la SIQ, et audition du Vérificateur général du Québec dans le cadre de l'examen de son rapport annuel 1995-1996

Également, le 4 septembre 1996, la même commission se réunissait afin de procéder à des consultations particulières et à l'examen des activités, des orientations et de la gestion de la Société immobilière du Québec en vertu de l'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale, et le 3 septembre 1996 afin d'entendre le Vérificateur général du Québec dans le cadre de l'examen de son rapport annuel 1995-1996, tome I.

Le Président: Alors, vos rapports sont déposés, M. le président de la commission du budget et de l'administration. Maintenant, M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Vérification des engagements financiers de l'Office des services de garde à l'enfance

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer trois rapports de la commission des affaires sociales qui a d'abord siégé le 7 mai 1996 afin de procéder à la vérification des engagements financiers de l'Office des services de garde à l'enfance contenus dans les listes d'octobre 1993 à mars 1996.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 35

Elle a, de plus, siégé les 20, 21 et 22 août 1996 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale.


Consultations particulières sur le document de consultation intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants»

Elle a enfin siégé les 28, 29 août et 3 septembre 1996 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le document de consultation intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants».

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés. M. le président de la commission de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Richmond.


Vérification des engagements financiers du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

M. Vallières: M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui a siégé le 20 août 1996 afin de procéder à la vérification des engagements financiers relevant du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation contenus dans les listes de novembre 1995 à mai 1996, à l'exception de ceux des Pêcheries.

Le Président: Ce rapport est déposé. J'invite maintenant Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements, Mme la députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 9

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 18 juin et 17 septembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 9, Loi abrogeant la Loi sur le Conseil de la conservation et de l'environnement et modifiant la Loi sur les réserves écologiques. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Vos rapports sont déposés.

Mme Bélanger: Je m'excuse, M. le Président, il y en a d'autres.

Le Président: Vous en avez un autre? Alors, allez-y, madame.


Audition du sous-ministre des Transports conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Mme Bélanger: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 19 et 24 septembre 1996 afin d'entendre le sous-ministre des Transports en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.


Étude détaillée du projet de loi n° 135

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 12, 24, 25 septembre et 9 octobre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, tous vos rapports sont déposés. Il n'y a pas de dépôt de pétitions aujourd'hui.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons donc maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Hausse du taux de chômage au Québec

M. Johnson: Oui, M. le Président. Lors des dernières publications de statistiques du chômage, le premier ministre n'a pas eu d'autre commentaire à l'endroit des Québécois et des Québécoises que de ne pas lâcher devant la perte d'emplois, devant la démobilisation et la morosité, que même son président de caucus a reconnues, et le fait des actions ou de l'inaction du gouvernement depuis huit mois. La réalité brutale, si on peut bien dire aux Québécois et aux Québécoises de ne pas lâcher, c'est qu'il y a aujourd'hui 54 000 chômeurs de plus que lorsque le premier ministre a été assermenté en janvier dernier. C'est la réalité, c'est une réalité extrêmement brutale sur laquelle le ministre des Finances a tenté de mettre un peu de baume en nous comparant à Terre-Neuve, ou à la Saskatchewan, ou à l'Île-du-Prince-Édouard. Lorsqu'on en est rendu là, c'est que le gouvernement n'a pas grand-chose à dire pour sa défense.

Est-ce que le premier ministre se souvient, par ailleurs, qu'en 1993, député fédéral qu'il était en campagne électorale, il qualifiait de désastre pour le Québec un taux de chômage de 12,9 %? Alors, aujourd'hui, maintenant qu'il préside à une situation économique où le taux de chômage est de 12,6 %, comment qualifie-t-il sa performance à lui, si ce n'est pas un désastre là aussi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous allons tous convenir que le taux de chômage actuel est décevant et ne plaît à personne, et d'abord au premier ministre de ce gouvernement et au gouvernement tout entier. J'ai été, moi aussi, déçu de voir que nous avons perdu 9 000 emplois au cours du mois de septembre, quand nous avons pris connaissance du dernier rapport, et je ne suis pas consolé par le fait que l'Ontario en a perdu 35 000 durant la même période. Nous voyons donc que c'est un problème qui est canadien, c'est un problème qui est général.

Je voudrais, puisque le chef de l'opposition veut citer des statistiques, lui dire qu'on ne compare pas ça de mois en mois, on compare ça sur des périodes le moindrement significatives et que, si on compare, par exemple, les neuf mois qui viennent de s'écouler avec les neuf premiers mois de l'an dernier, on verra qu'en moyenne nous avons 19 000 emplois de plus au Québec cette année qu'en 1995.

Mais, ceci étant dit, M. le Président, il y a des signes d'espoir, des signes d'espoir légitime, il y a une évolution extrêmement, enfin, très favorable qui se manifeste du côté des indicateurs économiques, et je mentionnerai, par exemple, que, depuis quatre mois, donc depuis mars dernier, le Québec a eu de bonnes nouvelles. Premièrement, la hausse dans les ventes au détail est à 2,5 % de croissance, ce qui les porte maintenant à 51 000 000 000 $. C'est un des plus hauts niveaux historiques de consommation au Québec. Deuxièmement, une autre très bonne nouvelle, une meilleure, je dirais, c'est que, au point de vue de la livraison manufacturière, nous enregistrons depuis mars dernier une augmentation de 4,5 %, ce qui porte à 96 000 000 000 $ le niveau des dépenses affectées à ce titre, ce qui est le plus haut montant jamais enregistré dans l'économie du Québec. En troisième lieu, j'ajouterai que les exportations ont augmenté depuis trois mois de 11 %, ce qui les maintient à un taux historique.

(15 h 30)

Je terminerai en disant que la grande nouvelle de la journée – qu'aurait dû saluer d'ailleurs le chef de l'opposition s'il avait voulu donner un peu de bonnes nouvelles, des nouvelles réelles – c'est que le taux préférentiel des banques est tombé à 5,25 % aujourd'hui, ce qui est le taux le plus bas depuis 36 ans, M. le Président. Ça veut dire que la lutte au déficit porte fruit et que le gouverneur de la Banque du Canada, à Washington, la semaine dernière, avait raison de dire que, grâce à l'effort des gouvernements du Québec et de l'Ontario, on est en train de relancer l'économie par l'abaissement des taux de prêts.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Étant donné que le premier ministre vient de nous annoncer que, le taux de chômage de 12,6 %, ça ne plaît pas au gouvernement, est-ce qu'il se rend compte qu'en réalité c'est aux familles québécoises que ça ne plaît pas de voir que, jour après jour depuis le 29 janvier dernier, tous les jours, sept jours par semaine, il y a 219 emplois de moins à la fin de la journée? Et est-ce que le premier ministre pense qu'à chaque fois qu'il se lève le matin il sait qu'avant de se coucher le soir il va y avoir 219 personnes qui vont avoir perdu leur emploi dans la journée, et ce, depuis qu'il est assermenté?

Qu'est-ce qu'il entend faire pour que la réalité brutale de ces chiffres-là, de 54 000 emplois perdus au Québec depuis qu'il est là... au lieu de se réclamer des gestes de ses prédécesseurs, depuis qu'il est là, lui, qu'est-ce qu'il a fait pour l'emploi au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je rappellerai au chef de l'opposition que par des mesures courageuses et à long terme le gouvernement est en train de nettoyer le paysage financier québécois, ce qui nous ramène maintenant à des conditions économiques qui vont permettre la relance de l'emploi. Puis le 12,6 %, oui, c'est vrai, mais le chef de l'opposition sait très bien qu'il y a une contribution dans ces chiffres du taux de chômage qui vient du fait que 20 000 Québécois de plus se sont remis à chercher de l'emploi, ce qui est donc un bon signe. Il y a des gens qui font davantage confiance maintenant à la possibilité de trouver des emplois.

Et j'ajouterai, M. le Président, que le gouvernement travaille d'arrache-pied. Nous n'avons pas attendu des sommets, nous n'avons pas attendu les questions du chef de l'opposition pour travailler. Nous enregistrons dans les premiers neuf mois de l'année, M. le Président, près de 2 000 000 000 $ d'investissements étrangers, ce qui est plus de cinq fois plus que le 400 000 000 $ qu'il y avait en 1994, à l'époque où l'actuel chef de l'opposition était premier ministre, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: De plus, M. le Président, c'est vrai que l'investissement n'est pas facile à décrocher, c'est absolument exact, mais le Québec réussit d'une façon absolument extraordinaire, comparé à l'Ontario puis au reste du Canada, puisqu'au cours des derniers six mois le Québec est le seul, du Québec, du Canada et de l'Ontario, à enregistrer un taux de croissance positif du côté de l'investissement: 0,5 % contre - 0,3 % en Ontario, contre -1,4 % au Canada.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: D'abord, est-ce que le premier ministre sait que le Bureau de la statistique du Québec, à l'intérieur de ses responsabilités, celles que le ministre des Finances connaît, a indiqué tout à fait récemment, le 8 octobre, que la baisse des investissements au Québec était de 4,6 % en 1995 puis une autre diminution de 2 % en 1996, et qu'en réalité le gouvernement continue à se cantonner dans une seule façon d'équilibrer les finances publiques, c'est-à-dire de couper, couper, couper, alors qu'il sait pertinemment, ou devrait savoir, que la vraie façon d'équilibrer les finances publiques, c'est de créer de l'emploi, d'agir sur les revenus et de faire en sorte que les Québécois retournent au travail, que les investissements soient attirés ici, et non pas de continuer de couper de façon aveugle comme tous les ministres le font?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Quand on cite des chiffres, il faut bien les citer, M. le Président. Si je ne m'abuse, le chef de l'opposition fait référence aux chiffres du Bureau de la statistique du Québec, qui font eux-mêmes référence à des chiffres qui ont déjà été rendus publics en juillet dernier par Statistique Canada. Or, ces chiffres de Statistique Canada sont des chiffres qui concernent les prévisions d'investissements. Or, ces prévisions qui ont été fixées à la baisse, à -3 % au début de janvier étaient bonifiées lors du rapport de juillet, de sorte qu'au lieu d'avoir 24 700 000 000 $ on aura 25 000 000 000 $, selon ces prévisions. Donc, citons les chiffres correctement, M. le Président.

Une voix: Voilà! Corrige à la hausse.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Niveau des investissements en région

M. Vallières: Oui, M. le Président. N'en déplaise au premier ministre, les statistiques les plus récentes nous démontrent une nouvelle baisse des investissements privés et publics au Québec, un déclin de l'ordre de 2 % par rapport à l'année dernière.

Je veux rappeler au ministre qu'en 1995, chiffres vérifiables, les régions ont connu une baisse des investissements de 5 %. Dans certaines régions, la baisse atteignait jusqu'à 15 %. Pour 1996, de fortes baisses sont prévues, entre autres, de 12,3 % dans le Nord-du-Québec, de 9,7 % en Mauricie–Bois-Francs et de 8,3 % sur la Côte-Nord. M. le Président, ces baisses successives des investissements et le nombre de Québécois et de Québécoises sans emploi démontrent l'urgence d'agir.

À sa troisième année, ce gouvernement demeure incapable de mettre de l'avant une véritable politique de développement régional. À part ses déclarations re-répétées de changer des structures, à court terme, quels moyens concrets le ministre responsable du Développement des régions propose-t-il pour relancer l'activité économique des régions? Serait-il le seul à ne pas avoir entendu le premier ministre lui dire qu'il avait beaucoup parlé mais qu'il ne s'était rien fait pour le développement des régions au Québec?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, depuis deux mois, on ne cesse d'annoncer des projets concrets dans chacune des régions du Québec. Je pense à Forex, à Maniwaki. Je pense à des projets concrets en Abitibi.

Une voix: Oui, à Lorrainville.

M. Chevrette: Je pense à des projets concrets à Lorrainville, dans l'Estrie, et un peu partout à travers le Québec. Et, pour ne citer que la Côte-Nord, M. le Président...

Une voix: Saguenay–Lac-Saint-Jean.

M. Chevrette: ...exclusivement la découverte du gisement a provoqué des retombées économiques, en l'espace de 15 jours, trois semaines, de 8 000 000 $ à Sept-Îles.

S'il vous plaît, regardons aller les choses, regardons ce qu'on met en place et attendez, en plus, le sommet économique et les mesures que nous prendrons dans chacun de nos ministères à vocation économique, et je suis convaincu que les libéraux seront jaloux, M. le Président.

Une voix: Ils le sont déjà.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que, en 1996, 12 régions sur 16 connaîtront une baisse ou une stagnation des investissements? Est-il conscient que sa propre région, Lanaudière, vivra une baisse de 7 % des investissements, qu'elle subira un taux de chômage de 12,2 %, soit une augmentation de 2 % par rapport à la même période l'année dernière? Quelles mesures précises compte mettre de l'avant le ministre? Est-ce que, malgré ses nombreuses responsabilités, il aura le temps de s'occuper lui-même de ce grave problème dans sa propre région?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, non seulement j'aurai le temps pour ma propre région, mais je m'occuperai également de celle de l'Estrie, par exemple, car, lundi...

Une voix: Beau programme.

M. Chevrette: ...je serai en Estrie pour inaugurer trois projets, à la demande même de la députée de Mégantic-Compton.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je ferai de même la semaine prochaine. Je ferai de même dans 15 jours, M. le Président...

Une voix: Une vraie farce.

M. Chevrette: ...et vous verrez, au cours de novembre et décembre, une avalanche d'annonces concrètes.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, le ministre peut toujours s'amuser en donnant certaines statistiques sur d'autres régions. J'ai posé une question précise sur sa région: Qu'entend-il mettre de l'avant dans sa région pour faire face aux problèmes sérieux, réels et vérifiables dont je lui ai fait mention?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, nous avons déjà, il y a à peine 15 jours, trois semaines, annoncé l'ouverture de l'abattoir Saint-Esprit, que M. le député de Richmond connaît très bien, qu'il a tenté de régler du temps qu'il était ministre.

Une voix: Sans succès.

M. Chevrette: En étant incapable, il l'a fermé. Nous l'avons rouvert.

Une voix: Oui.

M. Chevrette: C'est 120 emplois directs...

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Chevrette: ...et je dirai, M. le Président, qu'il y aura des emplois indirects en plus de cela et que nous travaillons sur des projets très concrets, en termes d'immobilisations, dans le domaine forestier, dans le domaine de la pourvoirie. Et soyez assurés qu'on s'occupe, bien sûr, de toutes les régions du Québec, mais la mienne, bien sûr, je l'adore.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Engorgement à l'hôpital Notre-Dame

M. Marsan: M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux a annoncé haut et fort qu'il avait supposément planifié dans les moindres détails – c'était son expression – sa fameuse réforme de la santé.

Comment, aujourd'hui, le ministre peut-il expliquer sa grande planification aux 4 000 patients sur la liste d'attente de l'hôpital Notre-Dame et aux 85 patients qui, en ce moment, traînent dans les corridors de l'urgence de l'hôpital Notre-Dame?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(15 h 40)

M. Rochon: M. le Président, je pense que ce serait assez manquer de respect aux professionnels de la santé et aux gestionnaires de l'hôpital Notre-Dame de parler de patients qui traînent. Les patients qui sont là sont sur des civières ou dans des lits; on s'en occupe et on les traite très bien.

À Notre-Dame, qui, en général, a en moyenne, à l'urgence, sur des civières, entre 30 et 40 patients, aujourd'hui, il est arrivé comme il arrive de temps en temps dans des urgences – c'est la nature des problèmes qui se présentent aux urgences – une pointe qui est montée jusqu'autour de 70, 75 patients, au lieu des 30 à 40 qu'on a normalement. Au moment où on se parle, tout ça est rabaissé à un peu moins de 50, et il y a une vingtaine de patients qui vont être hospitalisés d'ici la fin de la journée ou demain matin. C'est vraiment une pointe, parce que, pendant toute la semaine passée, en attente à l'urgence de Notre-Dame, selon le critère qu'on utilise, des attentes de 48 heures et plus, il n'y a pas eu plus qu'un patient qui a été en attente pendant cette période de temps là. Alors, il est arrivé une pointe, comme ça arrive de temps en temps dans les urgences. Ça a été résorbé.

Maintenant, évidemment, par hasard et pour le bien de l'information du public, il y a une caméra qui passait là et qui a regardé ce qui se passait.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, le ministre peut-il comprendre qu'on ne parle pas de chiffres, de statistiques, mais de patients qui souffrent, de patients qui ont besoin de soins, de patients qui auraient besoin d'un ministre qui ferait preuve de compassion et de dignité humaine?

M. le Président, est-ce qu'on peut demander au ministre ce qu'il va faire pour les 4 000 patients sur la liste d'attente de l'hôpital Notre-Dame et pour les 85 patients actuellement dans les corridors, qui traînent dans les corridors de l'hôpital Notre-Dame?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, je répète que la situation à l'urgence, à moins que le député de Robert-Baldwin ait une information plus récente – j'en douterais parce que la mienne est de moins d'une heure – l'information que j'ai de l'hôpital même est celle que j'ai dite tout à l'heure. Alors, on ne parle pas de la même réalité, sûrement pas.

Pour ce qui est des attentes en chirurgie, les 4 000 patients en attente d'hospitalisation auxquels on fait allusion sont sûrement des patients en chirurgie, la situation de la chirurgie a évolué, elle aussi, depuis un an, et les chiffres que l'on a montrent que, globalement, au Québec, l'attente en chirurgie a baissé de 15 % de septembre l'année dernière à cette année; 15 % de façon générale. Et c'est allé jusqu'à 20 %, 25 % dans des spécialités où il y avait des grandes attentes, comme en gynéco-obstétrique ou en orthopédie.

Il faut faire attention de ne pas prendre un fait isolé et, encore une fois, un nombre de patients en attente. Ce qui est significatif, c'est le temps d'attente. Alors, comme il y a un grand volume de soins qui se donnent, qu'il y a beaucoup de gens qui sont inscrits sur les listes d'attente, qu'on attende quelques jours ou quelques semaines, selon l'intervention qui est nécessaire, ce n'est pas un problème nécessairement. C'est le temps d'attente qui est un problème. Et le nombre, de toute façon, a diminué de façon régulière et jusqu'à 15 % depuis l'an passé.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Est-ce que le ministre de la Santé se souvient que, lors de son assermentation, le 26 septembre 1994, il avait des instructions très claires de son premier ministre d'alors de diminuer de moitié les listes d'attente et que, à titre d'exemple, celle de Sainte-Justine, pour les enfants, a augmenté de 3 000 à 3 500 cas? Est-ce qu'il pourrait nous dire s'il se souvient de ça puis si c'était ça, son mandat?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: C'est le mandat et c'est ce à quoi on s'attache très fermement. Si, en posant la question, on se rappelait dans quel état on nous a laissé le chantier, peut-être qu'on serait moins surpris que ça prenne un peu plus de temps.

Maintenant, un peu moins d'un an et demi après le début de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux, qu'on ait déjà une diminution régulière qui a atteint 15 %, qui continue, qu'on ait des rapports d'études qui ont été faites à travers le Canada par des firmes de Colombie-Britannique – pas commandées par nous – qui montrent que les temps d'attente pour toutes les consultations en médecine générale et à peu près dans toutes les spécialités sont moins longs au Québec que partout ailleurs au Canada, je pense que c'est des signes qu'on est dans la bonne direction et qu'on va l'atteindre, l'objectif.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, est-ce que le ministre peut comprendre que les raisons des difficultés de l'hôpital Notre-Dame aujourd'hui, c'est parce qu'il a fermé trop d'hôpitaux à Montréal, c'est parce que, dans le cadre de son virage ambulatoire, il n'a pas fait les investissements nécessaires dans les soins à domicile et c'est parce que son programme d'assurance-médicaments a été bâclé à la hâte et occasionne des retours à l'urgence? Le ministre peut-il enfin reconnaître la vérité?

Une voix: Bon!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je ne sais pas sur quoi le député de Robert-Baldwin, M. le Président, fonde ses affirmations, mais on fait suivre l'évolution de la transformation du réseau de la santé de façon régulière par des équipes de spécialistes qui connaissent ce qu'ils regardent et ce dont ils parlent, et toutes les indications qu'on a, c'est que l'ensemble des urgences au Québec ne posent plus de problème, sauf quatre à Montréal, et que tout est relié essentiellement à des problèmes et des questions de gestion interne de l'ensemble des établissements et de l'urgence.

Et les transferts d'argent pour le maintien à domicile, pour les soins de longue durée ont été faits, les ressources sont de plus en plus en place de façon concrète, les CLSC ont plus de ressources et il y a une information accessible 24 heures par jour, sept jours par semaine dans tous les CLSC. Je pense que le député de Robert-Baldwin ne regarde sûrement pas à la bonne place, et il regarde sûrement un peu trop loin en arrière quand il nous rapporte ce qu'il vient de nous dire là.

Une voix: Bravo!

M. Marsan: M. le Président.

Le Président: Dernière complémentaire, M. le député.

M. Marsan: Est-ce que le ministre de la Santé accepterait que je puisse déposer 300 lettres d'infirmières de l'hôpital Notre-Dame qui confirment que «ces coupures sauvages ont pris des proportions démesurées et compromettent l'accessibilité et la qualité des soins et des services à la population», comme à l'urgence ce midi?

Des voix: C'est ça!


Document déposé

Le Président: Consentement? Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt? Consentement. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.


Thèmes abordés au Sommet sur l'économie et l'emploi

M. Dumont: Merci, M. le Président. On se prépare à se rendre à ce qui était autrefois le sommet sur le devenir social et économique, qui est maintenant – disons son nouveau nom – le Sommet sur l'économie et l'emploi. J'espère que le premier ministre n'a pas voulu reprendre la suggestion d'un humoriste célèbre: Quand ça ne marche pas, on repart ça sous un autre nom.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Mais, à ce moment-ci, on entend à gauche et à droite qu'il y aura au Sommet des sujets tabous, qu'il y aura des sujets tabous d'abord parce qu'il semble qu'on refuse d'aborder la pertinence d'une nouvelle politique linguistique avec un organisme de plus. Gérald Larose prétendait récemment avec assurance que la loi péquiste sur l'équité salariale ne sera pas débattue au Sommet. Il semble aussi évident que le premier ministre veut éviter d'aborder la question du climat politique, et ce, malgré plusieurs sondages auprès des investisseurs et des créateurs d'emplois qui en disent long. Pourtant, toutes ces questions font partie du contexte économique, qui influence l'investissement, donc l'emploi.

Ma question est fort simple au premier ministre: Est-ce que tous les sujets importants pour le climat économique vont pouvoir être abordés lors du Sommet, être débattus franchement à la fin d'octobre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est un sommet démocratique, c'est un sommet ouvert, où tout le monde est invité, qui représente des centres de décision au Québec. Je voudrais tout de suite rassurer le député de Rivière-du-Loup, qui semble en avoir besoin puisqu'il semble avoir peur du climat politique. Il est plus peureux que le sont les investisseurs étrangers qui viennent d'investir, depuis neuf mois, 2 000 000 000 $ au Québec...

Une voix: C'est ça. Bien oui!

M. Bouchard: ...des gens qui ont plus confiance au Québec que lui, M. le Président.

Une voix: Bien oui!

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et, toujours parlant du climat politique et des investisseurs, Hydro-Québec, la semaine dernière, a émis une série d'obligations de l'ordre de 350 000 000 $. C'est parti en un quart d'heure, comme des petits pains chauds, M. le Président, des gens qui ont plus confiance dans le Québec que le député de Rivière-du-Loup.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et j'ajouterai que l'écart entre les taux de financement pour les obligations du Canada et du Québec est le plus bas depuis huit ans. Ça fait huit ans qu'on n'a pas vu ça. À l'époque où le chef de l'opposition était premier ministre, on parlait d'un écart de 86 points de base; aujourd'hui, c'est 46. C'est le résultat d'une politique de rigueur dans la gestion des affaires financières du Québec.

(15 h 50)

M. Dumont: M. le Président, est-ce que le premier ministre a vu les recommandations préliminaires de celui qu'il a lui-même nommé comme président du chantier sur l'emploi, qui considère que l'incertitude politique, que la question linguistique, la fameuse police de la langue, que la nouvelle embûche de la loi péquiste sur l'équité salariale sont des embûches, des nuisances à la création d'emplois? Est-ce qu'il a l'intention d'écouter ces recommandations-là ou est-ce qu'il fait travailler des gens pour lui, s'attacher de toute façon à l'agenda péquiste?

M. Bouchard: M. le Président, je ne sais pas de qui on parle. On n'a pas nommé la personne en question, peut-être qu'on pourrait la nommer.

M. Dumont: M. Coutu.

M. Bouchard: M. Coutu. M. le Président, je rencontre à peu près toutes les semaines, et parfois plus que cela, les gens qui travaillent au Sommet présentement, à préparer le Sommet. Et je voudrais tout de suite faire un grand compliment et exprimer ma reconnaissance pour un travail extraordinaire qui s'abat du côté syndical, du côté communautaire, du côté social et du côté des gens d'affaires. Il y a des gens qui ont annulé leurs vacances durant l'été, M. le Président. Et je suggérerais au député de Rivière-du-Loup d'attendre le Sommet pour entendre parler ces personnes elles-mêmes, elles diront ce qu'elles ont à dire.

Tous les gens ne pensent pas de la même façon au Québec. Nous ne sommes pas sectaires. Nous travaillons avec tout le monde. C'est le gouvernement de tout le monde. Les idées vont s'exprimer, les opinions, mais aussi des choses remarquables qui ont été faites pour préparer le Sommet, notamment en termes de projets, en termes d'idées pour des stratégies d'emploi et de convergence, de synergie au Québec.

M. Dumont: Est-ce que le premier ministre, qui vient de nous dire qu'il a de nombreux échanges avec M. Coutu, celui qu'il a lui-même nommé comme président du chantier sur l'emploi, peut nous dire si M. Coutu, dans ses recommandations, dans ses discussions, lui dit que l'équité salariale, comme il l'a dit à des journalistes, aide ou nuit à l'emploi? Est-ce qu'il lui dit que le climat politique actuel aide ou nuit à l'emploi? Est-ce qu'il lui dit que sa nouvelle police de la langue aide ou nuit à l'emploi? Et, s'il y a là-dedans des choses que lui considère qu'elles nuisent à l'emploi et que son gouvernement met en oeuvre, est-ce qu'il va les requestionner et les débattre publiquement au Sommet?

M. Bouchard: M. le Président, je crois que ce gouvernement administre une preuve extraordinaire d'ouverture d'esprit, puisqu'il travaille à renouveler l'économie du Québec, à recréer un climat favorable à l'investissement au Québec, avec tous les gens du Québec, quelles que soient leurs opinions politiques. Sur l'équité salariale, je n'ai pas souvenir d'avoir entendu M. Coutu me parler de la police de la langue, ce mot méprisant qu'on a employé pour qualifier l'instrument que le gouvernement va utiliser pour faire respecter une loi qui est tombée en friche depuis le temps des libéraux. Mais je sais que M. Coutu et d'autres ne sont pas très favorables, très enthousiastes à la mise en oeuvre d'une loi sur l'équité salariale. Je respecte leur opinion, mais le gouvernement croit que c'est le fait d'une grande justice à réaliser. Le projet est raisonnable, il s'étale dans le temps pour sa mise en oeuvre, et je crois que tout se passera correctement.

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Enquête sur la situation à la Sûreté du Québec

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, la situation continue de se détériorer à la Sûreté du Québec. Rien ne fonctionne plus. Les méthodes d'enquête criminelle et les enquêtes internes sont l'objet de controverses et de toutes sortes de révélations fracassantes depuis deux ans. Qu'a fait le gouvernement, M. le Président? Le 15 septembre 1995, on a créé le groupe Bellemare pour se pencher sur les méthodes d'enquête criminelle. On attend le rapport. Le 12 juin 1996 – c'est tout récent – le gouvernement a donné au juge Bonin le mandat d'enquêter sur la conduite des enquêtes internes à la Sûreté du Québec de manière générale, et plus particulièrement de vérifier l'enquête interne découlant de l'affaire Matticks, enquête interne commencée en juillet 1995.

M. le Président, en septembre dernier – c'est tout récent – trois enquêteurs qui avaient été nommés en juillet 1995, qui avaient été choisis par le directeur de la Sûreté du Québec lui-même, Serge Barbeau, pour leurs compétences, ont sous serment porté devant la Cour supérieure des faits extrêmement graves relatifs à ladite enquête Matticks et à l'enquête Bonin. Ces trois enquêteurs, M. le Président, ont demandé de rendre l'enquête Bonin publique. Mme la juge LeBel, le 11 octobre dernier, confirmait que le choix de l'enquête appartenait au gouvernement, mais, cependant, n'a pas analysé, n'a pas disposé des faits révélés sous serment par les trois enquêteurs.

Ma question, M. le Président, au ministre de la Sécurité publique: Compte tenu des allégations très graves dans l'affaire Matticks, notamment les faits assermentés par les trois inspecteurs, portés à la connaissance de la cour, compte tenu d'autres faits troublants révélés par de nombreuses sources depuis deux ans sur les enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, est-ce que le ministre comprend qu'il doit, dans l'intérêt public, dans l'intérêt de la Sûreté du Québec elle-même, dans l'intérêt de la population et pour remplir la promesse qu'il a faite, promesse de transparence, de faire la lumière sur toutes ces questions... Est-ce qu'il ne devrait pas réviser sa décision et ordonner sans délai, comme je lui ai demandé, comme d'autres lui ont demandé, la tenue d'une commission d'enquête publique sur les méthodes d'enquête interne et sur les méthodes d'enquête criminelle à la Sûreté du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, le député a raison de souligner que des allégations graves ont été portées par trois officiers de la Sûreté du Québec contre certains de ses dirigeants et également de rappeler par la même occasion que, suite à la désignation par le gouvernement, sur ma recommandation, du juge Bonin dans ce dossier pour justement faire la lumière sur ces allégations, nous avons dû, cet été, retarder cette enquête puisque les trois officiers avaient contesté la légalité de cette démarche. Et la juge LeBel, vendredi dernier, a confirmé la validité de la démarche gouvernementale.

M. le président, dans ce dossier, je pense que je l'ai déjà dit, je répète que j'ai l'intention d'aller au fond des choses et que, s'il y a un abcès à la Sûreté du Québec, on va le crever. Mais, encore une fois, il faut faire les choses dans l'ordre, M. le Président. Il faut d'abord prendre le temps de vérifier un certain nombre d'allégations, qui sont des allégations graves. Et, dans ce dossier, je demeure persuadé que la méthode choisie par le gouvernement s'avère la méthode la plus rapide et la plus efficace pour aller au fond des choses.

D'ailleurs, le député de l'opposition, ce midi, répondant à des questions d'un journaliste, soulignait la lourdeur, la lenteur, les délais reliés aux enquêtes publiques. M. le président, on va faire les choses dans l'ordre. Et, quant à moi, je demeure convaincu et j'ai la conviction que le juge Bonin a les moyens, la compétence et l'intégrité nécessaires pour faire toute la lumière sur ce qui se passe à la Sûreté du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Lefebvre: M. le Président, en rappelant au ministre...

Le Président: En complémentaire. M. le député.

M. Lefebvre: Additionnelle. M. le Président, est-ce que le ministre comprend qu'il ne peut plus rien attendre de l'enquête Bonin, qui a été attaquée en Cour supérieure par les trois policiers enquêteurs, sous serment, qui ont révélé des faits extrêmement graves sous serment, policiers qui ont été suspendus hier par le directeur Barbeau parce qu'ils ont osé parler, osé s'adresser à la Cour supérieure sous serment?

Est-il utile également de rappeler à M. le ministre que le juge Bonin a vu de ses dossiers volés depuis le début de son enquête? Et comprend-il – c'est ma question, M. le Président – que, dans de telles circonstances, l'enquête Bonin n'est plus crédible et que ses conclusions, malgré ce que le ministre peut penser, ne permettront jamais de régler les problèmes de la Sûreté du Québec et de rétablir sa crédibilité?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, dans l'énumération d'un certain nombre de faits, le député a oublié de souligner que, hier, par la voix de leur procureur, les trois enquêteurs de la Sûreté du Québec, donc, par la voix de Me Keable, ont confirmé leur intention de collaborer et de participer à l'enquête du juge Bonin.

Je redis, M. le Président, que la méthode que nous avons choisie est la plus rapide et la plus efficace. Il n'est dans l'intérêt de personne de paralyser pendant des mois, des mois et des mois la Sûreté du Québec. Je répète que j'ai l'intention d'aller au fond des choses, et le juge Bonin a toute ma confiance pour nous permettre d'y aller, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de LaFontaine.


Conflit de travail à l'usine General Motors de Boisbriand

M. Gobé: Merci, M. le Président. Une grève paralyse actuellement l'usine de construction automobile de Boisbriand, faisant en sorte de dégrader un peu plus le climat économique de cette région déjà durement éprouvée par la fermeture de l'usine Kenworth, dont le ministre du Travail a une grande part de responsabilité par son inaction, antérieurement.

(16 heures)

Ma question, M. le Président, est la suivante...

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Quelles sont les actions que le ministre du Travail a prises à ce jour pour faire en sorte que ce conflit se règle, pour offrir sa participation et aussi pour faire en sorte que ne se reproduise pas une catastrophe économique comme celle de la Kenworth?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, les négociations en cours impliquent le syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile. C'est une négociation qui se fait à travers le pays. Je pense que la compagnie General Motors est devant ces syndicats pour négocier et j'estime que les négociations se déroulent... Il y a une grève, mais les négociations se déroulent, selon les informations que je possède, à peu près normalement. Les revendications des différentes usines sont à peu près similaires à peu près partout à travers le pays, et, jusqu'à présent, aucune partie n'a manifesté l'intention d'avoir les recours ou l'aide du ministère du Travail du Québec. Nous sommes à leur disposition. Il n'y a pas de médiateur au dossier, on ne nous l'a pas demandé. Mais, s'ils manifestent l'intention qu'on leur donne un coup de main, on sera toujours là, comme d'habitude.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Gobé: Est-ce que le ministre, qui se souvient d'avoir dit en cette Chambre que le ciel lui était tombé sur la tête parce qu'il a appris la fermeture de l'usine Kenworth, va prendre ses responsabilités, M. le Président, envoyer des observateurs auprès de la négociation? Et je lui rappellerai... Est-ce qu'il est conscient que, même si c'est un syndicat canadien, c'est le Code du travail du Québec qui s'applique dans ce cas-là et donc qu'il a une responsabilité? Et je pense qu'en bon administrateur public il devrait aller de l'avant au lieu d'attendre encore des catastrophes comme on a connues avec la Kenworth. M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je répète que le ministère du Travail suit attentivement ce qui se déroule dans les négociations en cours à GM et que, si on nous demande notre aide, on sera toujours là pour les aider. Ça fait partie de notre métier et de nos fonctions. Voilà.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que des milliers de travailleurs d'entreprises de sous-traitance qui font affaire avec General Motors sont actuellement à mettre des ouvriers en chômage technique? Est-ce qu'il est conscient que ce chômage technique peut faire en sorte que ces entreprises ferment? Aussi, est-ce qu'il entend se dépêcher, se grouiller? Qu'est-ce qu'il va faire pour ces gens-là, le ministre, au lieu de parler?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, il me fait plaisir d'informer cette Assemblée que je rencontrerai d'ici quelques jours la présidente de GM du Canada – on a d'ailleurs des problèmes à régler à cette usine sur le plan de la santé et sécurité au travail – et qu'on abordera l'ensemble du dossier des négociations, si ça lui plaît. Moi personnellement, je suis à sa disposition. Elle a manifesté l'intérêt de me rencontrer, et je le ferai dans les prochaines jours.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale ou en complémentaire?

M. Lefebvre: Principale, M. le Président.

Le Président: Principale.


Interdiction de l'amiante en France

M. Lefebvre: M. le Président, le 25 mars dernier, lors du discours inaugural, le premier ministre disait, la main sur le coeur, et je le cite: «Nous allons miser, entre autres, sur l'excellente relation que nous avons rétablie avec nos partenaires français [...] pour rendre notre relation économique aussi florissante que [...] nos échanges culturels.» Ça, M. le Président, c'était le discours.

Une voix: C'est ça.

M. Lefebvre: La réalité, on le sait maintenant, c'est que le gouvernement du Québec, naïf, dormait, et la France, le 3 juillet, quelques jours après que son premier ministre est venu au Québec, annonçait le bannissement de l'amiante, décision que 3 000 travailleurs de l'amiante et leurs familles ne comprennent pas, n'acceptent pas et dont ils craignent évidemment les effets d'entraînement.

À ce jour, le premier ministre du Québec a tout simplement et seulement écrit une petite lettre au premier ministre Juppé, lettre timide: Je souhaiterais grandement, si vous étiez d'accord... La ministre déléguée se rendrait à Paris rencontrer l'interlocuteur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...que vous voudrez bien désigner. On ne vous dérange pas trop, M. Juppé?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: En deux mots...

Le Président: Je vous inviterais, M. le député de Frontenac, à formuler maintenant votre question.

M. Lefebvre: En deux mots... Je suis en principale, M. le Président, mais ce ne sera pas long.

Le Président: Je sais, mais...

M. Lefebvre: On parle de 3 000 travailleurs, M. le Président.

Le Président: M. le député de Frontenac, je sais que vous comprenez les impératifs. Alors, je vous demande d'en arriver maintenant à votre question principale.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le premier ministre comprend que même le protocole ne justifie pas un langage aussi frileux et que, dans un dossier de cette importance, le message aux adversaires de l'amiante doit venir des plus hauts niveaux? Et, dans ce sens-là, pourquoi le premier ministre du Québec, à date, n'a-t-il pas imité le chef de l'opposition et le premier ministre du Canada, qui n'ont pas hésité à dire haut et fort que l'amiante, utilisée de façon correcte, n'est pas dangereuse? Qu'attend le premier ministre du Québec pour dire que la France s'est trompée et donner ainsi un signal d'appui non équivoque aux 3 000 travailleurs de l'amiante et à leurs familles au lieu de ménager ses alliés souverainistes français?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement ne ménage personne mais traite tout le monde avec un minimum de courtoisie. Il s'agit d'une décision qui a été prise par un pays européen, qui n'est pas le premier: c'est le neuvième pays qui prend ce genre de décision. C'est une décision qui a pris tout le monde par surprise, même en France. J'ai rencontré moi-même des représentants syndicaux et des syndicats français qui sont lésés par cette décision. Nous avons convenu de travailler ensemble pour tout faire pour faire changer la décision.

J'ai communiqué avec le premier ministre français. Par une lettre, je lui ai demandé de nommer quelqu'un qui puisse établir des rapports fonctionnels pour qu'on règle le problème avec la ministre québécoise. Il y a eu des rencontres – la ministre elle-même va compléter ma réponse – et nous sommes en train de préparer des interventions d'experts également. Le gouvernement du Québec fait tout ce qu'il y a à faire avec l'énergie qui sied pour redresser la situation.

Le Président: Rapidement, Mme la ministre déléguée.

Mme Carrier-Perreault: Oui, effectivement, M. le Président, je pense que le gouvernement du Québec a mis en place un plan d'action qui est très cohérent et d'ailleurs qui fait une certaine unanimité parmi les intervenants du milieu de l'amiante. Je pense à l'industrie, aux syndicats et même aux gens de l'Institut. Alors, nous avons rencontré le gouvernement français. Il y a des groupes d'experts qui vont continuer le travail au niveau de l'amiante et des fibres substituts. Donc, je pense que c'est grâce à nos bonnes relations aussi avec le gouvernement français si on a pu obtenir, au moins, cette décision-là dans la situation actuelle en France, quand on connaît un petit peu le contexte.

Le Président: M. le député de Richmond, en complémentaire.


Recours aux fibres substituts pour remplacer l'amiante

M. Vallières: Oui, M. le Président. Bravo à Mme la ministre déléguée aux Mines! On va bannir, à compter du 1er janvier 1997, l'amiante sur le territoire français, mais ça va bien.

En principale, M. le Président, au premier ministre: Puisque sa ministre déléguée aux Mines se réjouissait récemment de la formation d'un comité France-Québec pour discuter de la décision du gouvernement français d'interdire l'amiante à compter de janvier 1997, que la ministre déclarait qu'elle n'en demandait pas plus, qu'elle ne s'attendait pas à ce que la France revienne sur sa décision ou accorde certaines dérogations pour l'amiante-ciment, notamment, est-ce que le premier ministre partage cette approche défaitiste de sa ministre qui concède le marché français de l'amiante aux produits de substitution? Le premier ministre ne se rend-il pas compte que la timidité de son gouvernement dans ce dossier risque de faire disparaître un marché de 16 000 000 $, sans compter l'effet domino possible de cette décision sur le reste de l'Europe? Pourquoi le premier ministre est-il gêné, en cette Chambre, de demander à la France de surseoir à sa décision? Sait-il qu'il sera extrêmement difficile de reconquérir des marchés qui seraient remplacés par des produits de substitution en France, éventuellement en Europe et éventuellement en Asie? C'est de votre responsabilité d'intervenir avec fermeté.

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Mines.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je sais que le député de Richmond est allé en France, justement, récemment avec une mission. Donc, il a pu lui-même constater quel genre de climat il existe là-bas. Alors, tout ce que j'ai dit, finalement, c'est, dans les circonstances, qu'on puisse continuer la discussion avec les experts français, je trouve que c'est un pas en avant, compte tenu aussi que la commission européenne est à faire une analyse sur les fibres substituts. Ce dont nous avons discuté avec le gouvernement français, c'est aussi de l'amiante, bien sûr, mais de toutes les fibres substituts.

C'est pour ça que le gouvernement du Québec a mis en place un plan d'action sur trois ans. On sait que ce n'est pas une action qui va être facile, on sait qu'il y a la décision de la France, mais il y a aussi les pays consommateurs, nos principaux clients, qui sont en Asie. Donc, cette opération-là devrait continuer de se dérouler, et c'est comme ça qu'on va finir par gagner des points, comme on l'a fait avec les Américains dans les années quatre-vingt; ça s'est déroulé sur une base scientifique, et c'est dans le même sens qu'on s'en va, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale ou en additionnelle, M. le député?

M. Gobé: Oui, M. le Président. En principale, M. le Président, en principale, oui.

(16 h 10)

Le Président: En principale. Alors, rapidement parce qu'il vous reste peu de temps.


Accident survenu au funiculaire de Québec

M. Gobé: O.K. M. le Président, un tragique accident s'est produit en fin de semaine alors qu'un funiculaire rempli de touristes s'est écrasé à Québec, tuant une personne et en blessant 15 autres. M. le Président, en plus de donner une image, reportée par les télévisions, négative de l'infrastructure et des équipements de tourisme québécois, cet accident, M. le Président, a en effet jeté un discrédit important sur tout le tourisme qu'il va y avoir à Québec. Aujourd'hui, le ministre du Travail a émis un communiqué dans lequel il dit avoir rencontré le président de la Régie du bâtiment, responsable de la sécurité des édifices publics. Et il s'est dit, M. le Président, étonné des pratiques d'inspection de la Régie. Et, disait-il même, il trouve étrange leur manière de fonctionner.

M. le Président, je rappellerai que le 29 janvier 1996, lorsque le ministre a été nommé par le premier ministre responsable du Travail et aussi de la Régie du bâtiment, une de ses missions était de voir à la sécurité des bâtiments publics.

Comment se fait-il que ce soit seulement le 16 octobre, aujourd'hui, après un accident qui a créé mort de personne plus des blessés, qu'il a jugé utile et opportun de rencontrer les gens de la Régie? Et comment se fait-il, s'il trouve qu'il y a des pratiques qui sont inadmissibles ou étranges, qu'il n'ait pas pris le temps avant de prendre ses responsabilités et de s'occuper de son ministère?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, j'ai pris la peine de convoquer la Régie du bâtiment afin qu'ils me donnent leur version des événements, premièrement. Deuxièmement, je dois souligner qu'il y a une enquête du coroner, il y a une enquête criminelle de la police municipale de Québec dans ce dossier. L'action du propriétaire, M. Armstrong, l'action d'Otis, qui a construit le funiculaire de Québec, et l'action de la Régie de bâtiment seront analysées, et, quand les résultats seront connus, on agira. Si la Régie n'a pas fait son travail on agira en conséquence, mais, pour le moment, je laisse l'enquête du coroner et l'enquête policière se poursuivre.

Le Président: Alors, cette réponse met fin pour aujourd'hui à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de vote reporté.

Motion sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, dans ce cas-là, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que demain, le jeudi 17 octobre 1996, la commission du budget et de l'administration poursuivra et complétera les consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché intitulé «La distribution de produits financiers: Relever résolument le défi du changement», de 10 heures à 13 heures à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des commissions? Alors, il y a consentement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, et demain, le jeudi 17 octobre, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. L'objet de ces séances est de poursuivre la consultation générale sur le document intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous informe qu'à la demande du leader de l'opposition officielle la motion qui était inscrite à l'article 45 du feuilleton du 19 juin dernier, au nom de M. le député de Châteauguay, a été retirée, celle-ci étant devenue caduque.

Je vous informe également que cet après-midi, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Bourassa. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale presse le gouvernement péquiste de mettre en oeuvre de toute urgence une véritable politique d'emploi pour le bien commun du Québec au lieu de plonger dangereusement la population dans des débats irresponsables ayant comme seul objectif de masquer encore une fois son impuissance économique et sa maladive obsession indépendantiste.»


Affaires du jour

Alors, ces avis étant donnés, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour.


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée presse le gouvernement de mettre en oeuvre une véritable politique d'emploi

À l'article 34 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, comme je viens de l'indiquer, M. le député de Bourassa présente la motion suivante... C'est la motion que je viens de lire, à moins qu'on tienne à ce que je la relise à nouveau. M. le député de Bourassa consent à ce qu'on s'abstienne de la lecture, puisqu'on vient de la faire.

Alors, après consultation, le partage du temps a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes – bien sûr, après son intervention de départ – cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants, 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Alors, je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant et je cède la parole à M. le député de Bourassa. Oui, M. le leader du gouvernement.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui. J'aurais une argumentation à faire relativement à la recevabilité de la motion. Alors, M. le Président, comme vous le savez, en vertu de l'article 193 de notre règlement, vous avez le pouvoir de refuser tout préavis ou toute motion qui est contraire à notre règlement. Donc, c'est le devoir du président, à ce moment-là, d'agir et d'empêcher qu'une telle motion se retrouve même sur notre feuilleton.

Alors, je vous avoue que j'ai été un peu surpris, que nous avons été un peu surpris, du côté ministériel, de retrouver une telle motion, car je vais vous soumettre respectueusement que cette motion, pour trois motifs, est complètement irrecevable en vertu de notre règlement, est contraire même à notre règlement quant à sa formulation et quant aux motifs qu'elle impute.

Premier motif que je soumets à votre attention: en vertu d'abord de l'article 191 de notre règlement, qui se lit comme suit: «Les motions ne doivent contenir ni exposé de motif ni argumentation.» Je pense que ce premier article est excessivement important. On voit que, dans cette motion, il y a, on pourrait dire, deux exposés ou deux parties bien distinctes. Il y a la première partie qui se lit: «Que l'Assemblée nationale presse le gouvernement péquiste de mettre en oeuvre de toute urgence une véritable politique d'emploi pour le bien commun du Québec», point. Je pense que c'est ça qui est, dans le fond, le corps même de la motion.

La deuxième partie, «au lieu de plonger dangereusement», ainsi de suite, c'est de l'argumentation. C'est de l'argumentation, c'est le discours qui sera fait probablement par les députés de l'opposition pour dire pourquoi, à ce moment-là, le gouvernement se doit de prendre l'action qu'on demande au gouvernement de prendre. Il est évident qu'uniquement sur cet aspect cette motion est irrecevable. Il y a une argumentation qui est contenue même dans cette motion.

Je voudrais, comme le fait souvent mon vis-à-vis, le leader de l'opposition, vous référer à notre doctrine parlementaire. En particulier, M. le Président, j'ai le règlement annoté de Geoffrion qui disait à son ancien article 150: «Nulle motion ne doit contrevenir aux dispositions d'une loi, ni contenir des assertions qu'il est interdit de faire ou des expressions dont il est interdit de se servir au cours des débats, ni être rédigée dans le style d'un discours» ou d'un pamphlet. Aussi, dans la jurisprudence parlementaire de Beauchesne, le point 565 traite des motions à la page 181: «Le texte d'une motion ne devrait être de style ni polémique ni rhétorique. Il ne devrait renfermer aucune disposition inutile ni aucune parole répréhensible. On donne généralement à la motion une tournure affirmative, encore que, par son but et par son effet, elle puisse avoir un caractère essentiellement négatif.» Donc, on voit, en vertu de la doctrine qui nous gouverne, qui interprète ce règlement qui est le nôtre, que, juste par ce motif, déjà c'est tout à fait irrecevable.

Le deuxième motif, M. le Président, c'est l'article 35.6° de notre règlement. L'article 35.6° dit qu'on ne peut «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». Alors, ici, on doit prendre, je pense... Quand on interpelle le gouvernement, on interpelle l'ensemble des députés ministériels. Et, dans la deuxième partie de la proposition telle que formulée, il est évident qu'on impute des motifs indignes aux députés ministériels qui forment le gouvernement: «au lieu de plonger dangereusement la population dans des débats irresponsables».

(16 h 20)

M. le Président, quand on attaque des parlementaires, qu'on leur dit, finalement, qu'ils plongent dangereusement la population dans des débats irresponsables ayant comme seul objectif de masquer – et je reviendrai sur le mot «masquer» – encore une fois leur impuissance économique et leur maladive obsession indépendantiste, je crois qu'on impute des motifs indignes à des députés, contrairement à l'article 35.6° de notre règlement.

Et, troisième motif, M. le Président, dans cette motion, on utilise le mot «masquer». Qu'il suffise de consulter un dictionnaire des synonymes sous le mot «masquer» pour y lire «déguiser», «travestir», «dissimuler», «enrober», «cacher», «dérober», «voiler»: tous des synonymes qui sont, d'une manière flagrante, antiparlementaires. Donc, il est évident que cette motion est irrecevable et n'aurait même pas dû se retrouver sur le feuilleton.

Comme vous le savez, à tout moment, un député, en cette Chambre, peut soulever l'irrecevabilité. Je ne m'attendais pas à ce que cette motion se retrouve à notre feuilleton. Elle s'y retrouve, et c'est à ce moment-ci, M. le Président, que je vous soumets que cette motion est tout à fait irrecevable, qu'elle ne devrait même pas être débattue en cette Chambre parce qu'elle contrevient de manière flagrante à trois aspects fondamentaux de notre règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président, la lecture de l'article 193 ayant été bien faite mais incomplète, si jamais vous retrouviez dans la motion une erreur de forme... Nous ne concédons pas qu'il y a erreur de forme, mais, si jamais, dans votre grande perspicacité, vous retrouviez une erreur de forme, il vous appartient et vous avez le droit de la corriger, M. le Président, et nous vous en saurions gré d'agir ainsi.

En ce qui concerne l'argumentation qui découle de l'article 191 du règlement, je peux vous soumettre tous les précédents des 20 dernières années – du 14 décembre 1976 au 20 juin 1996 – qui vont dans le sens de la recevabilité d'une motion qui se retrouve devant nous.

Quant à l'invocation de l'article 35.6°, la jurisprudence est également constante. Lorsque le gouvernement est attaqué, ce n'est pas un député qui est attaqué, et les privilèges et l'immunité des parlementaires ne sont pas remis en question.

Quant à l'utilisation du mot «masquer», M. le Président, mon bon ami d'en face en fait une interprétation qui est la sienne. Elle est peut-être, à la veille de l'halloween, propice compte tenu des masques qui sont utilisés à cette période de l'année, mais il y en a qui vont quand même utiliser des masques qui vont recevoir une autre interprétation de la part des gens qui les verront.

M. le Président, il pourrait paraître souhaitable que le règlement soit changé de la part du leader du gouvernement. C'est dans le cadre d'une réforme du règlement de l'Assemblée nationale qu'on pourrait modifier des choses, pas à ce moment-ci, à l'occasion d'un débat très important d'une motion du mercredi.

Le Président: Alors, rapidement, je vais recevoir juste une réplique de chaque côté, puis, après ça, on va délibérer.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, tout en convenant que vous avez le pouvoir de corriger, si jamais cette motion avait un vice de forme, comme l'a dit le leader de l'opposition, il est vrai que vous avez le pouvoir de la modifier. Alors, je ne sais pas, à ce moment-là, si je dois interpréter, peut-être, la proposition faite par le leader de l'opposition à l'effet que, si la proposition se lisait tout simplement: «Que l'Assemblée nationale presse le gouvernement péquiste de mettre en oeuvre de toute urgence une véritable politique d'emploi pour le bien du commun» et couper la deuxième moitié... Je pense, à ce moment-là, que ça répondrait tout à fait au débat qu'on recherche en cette Chambre, à la qualité de débat que vous recherchez, vous, M. le Président.

Je le sais que c'est ce que vous recherchez, des débats positifs qui vont faire en sorte que les gens, en cette Assemblée nationale, vont sentir leur travail vraiment productif et que la population qui nous écoute va vraiment sentir qu'on fait vraiment les bons débats. Alors, si c'est la proposition qu'on doit retenir du leader de l'opposition, je pense que ça serait tout à fait acceptable de biffer complètement la deuxième moitié de cette motion, ce qui, à ce moment-là, nous permettrait le véritable débat, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans les circonstances, je préfère m'en remettre à votre interprétation de mes propos plutôt qu'à celle du leader du gouvernement.

Le Président: Alors, puisqu'il en est ainsi, nous allons suspendre quelques instants, le temps que je prenne la question en délibéré et que je rende une décision dans les plus brefs délais. Et je vous inviterais, les uns et les autres, à rester à vos places jusqu'à ce que la présidence ait quitté.

(Suspension de la séance à 16 h 25)

(Reprise à 16 h 36)


Décision du président sur la recevabilité

Le Président: Alors, j'ai regardé la question et je peux vous dire que, depuis le 12 mars que j'occupe ces fonctions, ce n'est pas la première fois, à ma connaissance et à mon souvenir, que le problème du libellé des motions des députés de l'opposition du mercredi se présente. À plus d'une occasion, j'ai indiqué – et c'est peut-être encore plus vrai aujourd'hui, compte tenu du libellé du texte – qu'il s'est glissé, au cours des années, pas sur une base récente... On ne peut pas penser et croire que cette façon de faire est nouvelle, avec le groupe parlementaire qui forme l'opposition actuellement. Quand on regarde les précédents sur une longue période, on se rend compte que, de part et d'autre, les deux groupes parlementaires représentés à l'Assemblée ont agi de la même façon et ont libellé, si on voulait appliquer le règlement d'une façon très stricte, de façon irrecevable les motions du mercredi.

Mais, dans le contexte où, à plus d'une occasion depuis mon entrée en fonction, j'ai indiqué que ce genre de question là devrait être tranché par une discussion qui se fait justement autour de la réforme de nos règlements et des consensus qui doivent intervenir sur la compréhension qu'on devrait avoir dans l'avenir, non seulement sur les textes qui pourraient être nouveaux, mais sur une nouvelle jurisprudence qui s'établirait à partir de textes soit nouveaux ou de textes qui auraient été réécrits ou réédités avec l'objectif nouveau de faire en sorte que maintenant on casse une jurisprudence qu'on a laissée s'installer, à tort ou à raison, mais le fait est qu'on l'a laissée s'installer. Dans le contexte actuel, compte tenu de ce que je viens de dire, je trouve que c'est de demander à la présidence, à chaque fois que la question se pose, de créer elle-même la dynamique qui ferait en sorte qu'on casse une jurisprudence, alors que chaque côté de l'Assemblée, à un moment donné ou l'autre, quand il se retrouvait du côté où il pouvait rédiger des motions du mercredi, de l'opposition, utilisait le même type de procédé et chaque fois, finalement, jouait avec une ligne qui était souvent au bord de l'irrecevabilité. Dans ce contexte actuel, je ne crois pas que, cet après-midi, il y ait lieu d'empêcher le débat et de bloquer le débat qui est engagé par la motion du député de Bourassa. Mais, une fois de plus, et je l'ai dit d'entrée de jeu cet après-midi, je souhaite qu'on puisse aborder ces questions-là.

La première phase que j'ai proposée de notre réforme parlementaire aujourd'hui ne porte pas, bien sûr, sur ça. Mais rapidement les autres phases vont suivre. Et, dans la mesure où j'aurai la collaboration des deux leaders et de l'ensemble des membres de l'Assemblée, on pourra à ce moment-là faire en sorte qu'on ait un règlement qui nous évite ce genre de situation.

Alors, voilà la décision que je rends. Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, en tout respect avec les fonctions que vous occupez et que vous savez que je respecte beaucoup, j'aimerais cependant comprendre la décision que vous venez de rendre. Est-ce que je dois comprendre que, vu le fait que nous sommes engagés ou que nous serons engagés sous peu dans une réforme parlementaire, vous refusez de rendre une décision ou vous jugez non approprié de rendre une décision sur la question de règlement que je vous ai soumise? Parce que vous comprendrez, M. le Président, et vous l'avez vous-même, je pense, mentionné publiquement récemment, qu'une réforme parlementaire peut être une opération de longue haleine et peut, sur plusieurs mois, voire même plusieurs années, s'écouler. Et nous ne pouvons présumer comment la sous-commission permanente, qui fera l'étude et qui est la seule compétente à faire l'étude de nos règlements, travaillera et si elle priorisera tel aspect ou tel aspect de notre règlement.

(16 h 40)

Alors, M. le Président, j'aimerais comprendre votre décision. Parce que, si on suit ce que je comprends de votre décision, M. le Président, à ce moment-là, pourquoi ne pas suspendre notre règlement jusqu'à la réforme parlementaire en bonne et due forme? C'est ça. À chaque fois qu'une question va être posée sur la recevabilité, sur une question précise qui est de votre pouvoir, si je me fais répondre que, vu que nous nous engageons dans une réforme parlementaire et que nous préciserons, dans une réforme, ces choses... Je suis bien d'accord avec vous, M. le Président, qu'il y a des choses qui ne sont plus d'actualité, qu'il y a des choses que nous devons modifier. Cependant, la loi de ce Parlement, le règlement de ce Parlement qui est présentement en vigueur, qui nous régit est celui qui est là, et on ne peut présumer de quelle façon il sera modifié ou pas. Peut-être que ce seront les mêmes articles de notre règlement qui resteront en vigueur et que nous déciderons de continuer dans la même voie. On ne peut pas présumer de ça, M. le Président. On ne peut pas présumer que, justement, on va modifier les règles relativement à la recevabilité des motions.

Donc, M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre votre décision. C'est pourquoi j'ai besoin de votre éclairage pour que vous m'expliquiez exactement ce que, maintenant, comme leader du gouvernement, je dois faire pour soumettre des questions de règlement et obtenir une décision sur le règlement qui nous régit présentement.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, le règlement est on ne peut plus clair. Et je soumets respectueusement que je crois que c'est un article qui va être reconduit dans le prochain règlement, de même que dans tout autre règlement ultérieur. Il se lit comme suit: «La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Au-delà de cet article, je voudrais ajouter, M. le leader du gouvernement, que, dans la décision que j'ai rendue, le fond de la décision n'était pas de ne pas prendre de décision parce qu'il y aurait une réforme parlementaire. Le fond de la décision était de constater les nombreux précédents que nous avons acceptés et avec lesquels nous avons vécu depuis plusieurs années dans cette Chambre à l'occasion de débats et de problèmes identiques. Et, en conséquence, la décision de la présidence cet après-midi, c'est de continuer sur la ligne dans laquelle nous nous sommes, malheureusement peut-être, engagés depuis plusieurs années déjà, jusqu'à ce que nous changions cette ligne-là collégialement.

Mais, entre-temps, compte tenu des précédents... Si c'était la première fois que le problème se posait et que j'avais aujourd'hui à interpréter le règlement tel qu'il est écrit et tel qu'il aurait peut-être dû être compris dès le départ, ce serait autre chose. Mais le président non seulement travaille avec le texte du règlement, mais il travaille, et vous le savez très bien, aussi avec la jurisprudence et avec les décisions nombreuses qui ont été rendues et qui, d'une certaine façon, font partie maintenant du règlement de l'Assemblée nationale. On est en «common law», et je crois que, ça aussi, ça doit être pris en considération. Alors, sur ce, je cède la parole au député...

M. Bélanger: Question de directive. Question de directive, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, est-ce que je dois... Donc, je comprends, de la décision que vous avez rendue, que vous la jugez recevable, la motion. C'est donc ce qui, je pense, est la seule interprétation qui peut être possible, et je respecte votre décision. C'est la décision que vous avez rendue, M. le Président.

Donc, est-ce que je dois comprendre aussi que nous ne devrions plus soumettre l'irrecevabilité des motions qui seront présentées et qu'elles seront toutes recevables? Est-ce que c'est ça? Je voudrais comprendre, M. le Président.

Le Président: Je n'ai d'aucune façon indiqué cela, M. le leader du gouvernement. Ce que j'ai dit, c'est que le texte que j'ai lu, qui m'a été commenté par vous et sur lequel vous avez fait un certain nombre d'interventions compte tenu du règlement et de votre perception des choses, c'est ce texte que j'accepte aujourd'hui. D'aucune façon le président ne peut accepter à l'avance les textes et les motions et indiquer qu'aucune question de règlement ne pourrait être posée. Je pense que ça tombe sous le sens. M. le député de Bourassa.


Débat sur la motion


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Pendant que le leader du gouvernement soulève des questions de procédure, M. le Président, il y a des emplois qui se perdent au Québec, il y a des emplois qui disparaissent au Québec. Le leader de l'opposition, tout à l'heure dans la période de questions, a mentionné que, depuis l'arrivée du nouveau premier ministre, depuis huit mois, en moyenne, chaque jour, on a perdu, au Québec, 219 emplois. Quand on fait perdre une heure de notre temps, ou à peu près, à l'Assemblée nationale par des questions de procédure, pendant ce temps-là, c'est des dizaines d'emplois, au Québec, qui sont en train d'être détruits et en train de disparaître. Ça, c'est grave. Ça, c'est important.

En présentant cette motion pressant le gouvernement péquiste de mettre en oeuvre de toute urgence une véritable politique de l'emploi au Québec, l'opposition officielle veut démontrer à la population que nous avons devant nous un gouvernement qui, après deux ans de mandat, n'a pas encore pris ses responsabilités de manière sérieuse face à l'économie, face à l'emploi. Un gouvernement qui a gaspillé sa première année de mandat à référender, à jouer d'astuce et de stratégie avec un peu tout le monde, le fédéral, l'opposition, les syndicats du secteur public, la population, les médias; un gouvernement et une équipe politique qui ont perdu et fait perdre une année tout entière à tout le monde en tentant de nous faire la démonstration de la nécessité de l'indépendance, la démonstration des bienfaits de la rupture avec le lien fédéral, la nécessité et l'urgence de la séparation. Et celui qui dirigeait alors le Bloc québécois et qui est maintenant premier ministre du Québec ne cessait d'en remettre de façon flamboyante, discours après discours.

Il y a un an, en octobre 1995, tous ces gens qui forment maintenant l'équipe gouvernementale envahissaient toutes les tribunes disponibles pour tenter de nous faire accroire que sans l'indépendance nous allions disparaître et nous écraser devant notre destin. Ces mêmes gens, M. le Président, nous les retrouvons maintenant en train de soigner tant bien que mal leur syndrome postréférendaire, en train de faire d'énormes discours devant des chambres de commerce sur les choix qui nous attendent, sur les efforts à faire, sur les réformes à entreprendre, sans jamais mentionner leur option pour l'indépendance hors de laquelle il n'y avait point de salut il y a un an. Ce que nous constatons après deux ans de ce gouvernement: ce n'est pas le Québec qui est disparu faute d'avoir voté l'indépendance, c'est l'indépendance qui est disparue du discours officiel de ceux qui voulaient nous la faire voter l'année dernière.

Ces mêmes gens qui convoquaient le bon peuple à son rendez-vous historique, inévitable avec le destin, que font-ils maintenant? Ils s'en tiennent à harceler ce même bon peuple de coupures en éducation, en santé, dans les services publics, à le harceler de hausses d'impôts et de taxes de toutes sortes. Qu'est-ce qu'ils font, ces gens-là? Ils imposent au Québec et au peuple du Québec des débats inutiles sur la langue, des débats «divisifs» sur l'école, sur la santé, sur l'équité salariale, et que sais-je encore. Ces gens-là en sont tenus à organiser des conférences, M. le Président, des chantiers, des groupes de travail, des commissions d'étude, et bientôt un sommet pour en arriver à décider quoi faire dans le domaine de l'économie et de l'emploi deux ans après leur élection.

Nous avons devant nous, M. le Président, une formation politique qui, à mi-mandat, se prépare à décider ce qu'il faut faire sur les questions les plus vitales, les questions les plus urgentes de notre société: l'économie, l'emploi, les services publics, la fiscalité, la sécurité du revenu et plusieurs autres questions. En fait, toutes les questions majeures sont sur la table pour le prochain sommet.

Ces mêmes gens ont passé neuf ans dans l'opposition, de 1985 à 1994, à surmonter leur premier syndrome postréférendaire. Ils ont passé neuf ans à préparer un programme politique qu'ils ont pompeusement appelé «Des idées pour un pays», M. le Président, 250 pages de texte, écriture fine, où l'on retrouve des dizaines de pages, des centaines d'engagements sur l'économie, sur la solidarité sociale, sur l'emploi et le plein-emploi, sur l'éducation, sur la santé et sur toutes les mêmes questions qu'ils remettent en débat maintenant, cet automne-ci, à l'occasion du Sommet.

Bien, M. le Président, de deux choses l'une: ou bien ces gens-là ont oublié leur programme, un programme qui pourtant avait réponse à tout, qui était du prêt-à-porter, du mur-à-mur, sur lequel ils ont fait leur campagne électorale, ou bien ils l'ont oublié ou bien ils ont constaté que ce programme était irréaliste et inapplicable et ils ont décidé de s'en donner, tant bien que mal, un autre. Mais, dans les deux cas, M. le Président, la population aura été bernée, aura été victime de discours préélectoraux, postélectoraux, des discours préréférendaires, des discours référendaires, des discours postréférendaires, M. le Président, un enchaînement, une cacophonie de discours, de consultations, de discussions publiques et de négociations à huis clos. Qui vont nous mener à quoi, M. le Président? Ces gens-là disent: Ça va nous mener au Sommet de la décision, ça va nous mener à de l'action.

(16 h 50)

Moi, je dis, M. le Président: Il faut se méfier de ces gens-là, parce que déjà nous savons que le Parti québécois, en novembre, un mois après le Sommet, va tenir un congrès pour se donner un autre programme politique. On sait que dans un mois après le Sommet le Parti québécois va être réuni en congrès, et l'équipe de l'actuel premier ministre va essayer de prendre le pouvoir de manière définitive au sein du Parti québécois, M. le Président. L'équipe du premier ministre va essayer de s'installer pour durer au sein du Parti québécois et va voir à faire adopter – c'est eux-mêmes qui l'ont dit – une nouvelle version allégée et mise à jour du programme du PQ. Et pendant tout ce temps, M. le Président, pendant tout ce temps que le parti gouvernemental passe à se maintenir en équilibre au-dessus du vide, c'est l'économie et l'emploi qui attendent. Ce sont les services publics qui en prennent pour leur rhume, c'est le Québec que l'on condamne à tourner en rond dans l'effort, la responsabilité et la solidarité, comme aime le dire le premier ministre.

Que nous apprennent les données sur l'emploi et le chômage disponibles pour le mois de septembre? Elles nous apprennent, premièrement, que le Québec a subi une troisième baisse de l'emploi en quatre mois. Elles nous apprennent aussi que le Québec a perdu, M. le Président, 54 000 emplois depuis les huit mois où... que dirige le premier ministre actuel, 54 000 emplois depuis la fin de janvier, alors qu'en Ontario ils ont gagné 64 000 emplois et que dans l'ensemble canadien ils ont gagné 116 000 emplois, M. le Président. Ces données nous apprennent que ce sont les emplois à temps plein qui ont été le plus durement touchés. Ces données nous apprennent que ce sont les femmes – ceci devrait faire réfléchir l'actuelle ministre de l'Emploi et de la Solidarité – qui ont été victimes de la plus grande proportion des pertes d'emplois. On apprend aussi que le taux de chômage québécois a bondi en septembre de 11,8 % à 12,6 %, ce qui situe notre taux de chômage à 2,7 % de plus élevé que la moyenne canadienne et à 3,5 % de plus élevé que le reste du Canada sans le Québec. C'est une différence importante, M. le Président. On atteint 12,6 % de chômage, c'est le taux le plus élevé en 28 mois et c'est un chômage qui est en hausse dans tous les groupes d'âges. On apprend aussi que le recul de l'emploi au Québec est dû aux décisions prises par le gouvernement touchant l'éducation, touchant la santé, l'administration publique, des pertes que n'a pas réussi à compenser le secteur privé. D'ailleurs, c'est un état de fait que confesse le ministre des Finances lui-même quand il dit, dans la revue Les Affaires, au mois d'octobre: «Il est sûr que l'État ne va pas créer d'emplois. À l'heure actuelle, l'État nuit même à l'emploi car il doit réduire son personnel.» M. le Président, certains versent des larmes quand on pose des questions, ils sont prêts à s'émouvoir sur ces questions, ces gens-là se situent sur les banquettes du gouvernement, mais il faut s'interroger sur les causes de cette situation pour pouvoir intervenir de façon judicieuse.

Faut-il s'étonner de cette piètre performance du Québec en matière d'emploi, M. le Président, lorsqu'on considère les facteurs suivants. Les investissements publics et privés ont baissé au Québec de 4,6 % de 1994 à 1995 et de 2 % de 1995 à 1996. En deux ans, ils ont baissé de 6,6 %, alors que dans l'ensemble du Canada ils ont connu une légère hausse pour la même période; baisse des investissements privés et publics. Deuxièmement, le déclin des investissements privés – cette fois-ci, privés – au Québec s'accentue depuis deux ans, la part du Québec se situant, dans l'ensemble canadien, à peu près à 17 %, 18 %. Alors que nous représentons 25 % de la population, 17 % des investissements privés se font au Québec.

M. Ouimet: Question de règlement, M. le Président. J'ai de la difficulté à entendre mon collègue de Bourassa, ça parle beaucoup de ce côté-là de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, je n'aime pas qu'on indique, par exemple, nécessairement... Parce que ça parle souvent de part et d'autre. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à écouter attentivement celui qui a la parole. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci beaucoup, M. le Président. Et on sait qu'il y a des messages que certaines personnes préfèrent ne pas entendre. Elles préfèrent parler de sinistrose et d'autres nécroses, mais voici des faits.

Une voix: Psychoses.

M. Charbonneau (Bourassa): On apprend, en regardant les données économiques et financières, que le Québec ne reçoit que 11 % des investissements étrangers au Canada, très loin derrière l'Ontario, avec 59 %, et l'Alberta, avec 19 %. Part toute minime des investissements étrangers: 11 % au Québec. Ce n'est pas surprenant qu'on aboutisse à des situations comme celle-là au niveau de l'emploi.

On apprend aussi que 90 % des pertes d'emplois au pays dans le domaine des services spécialisés aux entreprises surviennent au Québec, 90 % des pertes d'emploi dans le domaine des services aux entreprises. Les services aux entreprises, ce sont des emplois comme avocat, consultant en gestion, comptable, dans le domaine des banques, etc., agences de publicité. Les services aux entreprises: perte de 90 % d'emplois au Québec seulement.

Faut-il s'étonner à ce moment-là, M. le Président, que les revenus gouvernementaux tirés de l'impôt sur les particuliers aient chuté de 7,5 % entre le premier trimestre de l'année fiscale 1995-1996 et le premier trimestre de la présente année? Une chute de 7,5 %. Faut-il s'étonner que, devant une telle performance économique et un tel horizon budgétaire, le gouvernement soit aux abois, qu'il tente par tous les moyens d'obtenir des sacrifices du bas de l'échelle jusqu'en haut, comme aime le dire le premier ministre? Et on notera ici que, en bon social-démocrate rempli de compassion pour le pauvre monde, il a pensé au bas de l'échelle en premier. En premier, au niveau du gouvernement, on commence par le bas quand il s'agit d'appliquer des coupures, des compressions: les travailleurs les moins mobiles, les aînés, les familles monoparentales. Du bas vers le haut de l'échelle.

M. le Président, nous avons devant nous un gouvernement qui pratique la fuite en avant, qui esquive ses responsabilités qui sont de l'ordre de l'action et non de la parlote, des responsabilités qui sont de l'ordre de la mobilisation et non seulement de la discussion. Nous avons devant nous un gouvernement défait avant d'avoir réussi à atteindre le premier but et nous avons un gouvernement dirigé par un lanceur de relève qui n'en finit plus d'étirer sa motion avant de laisser s'envoler son petit avion de papier.

C'est bien beau, les conférences, les chantiers, les sommets, c'est bien passionnant, pour le premier ministre et ses coéquipiers, de tenter toutes sortes de transactions, de jouer à l'équilibriste entre la trinité syndicale et la trinité patronale, lesquelles ne cessent de se camper dans des positions de plus en plus dures. Qu'est-ce qu'on voit dans les journaux, M. le Président? Au chapitre de l'équité salariale, par exemple, la ministre responsable de ce dossier a gagné malgré les réserves de ses collègues économiques du cabinet. On voit ça un jour; le lendemain, on voit que le président du chantier sur l'emploi, Jean Coutu, s'oppose au principe même de la loi. Il n'est même pas prêt à discuter de cette question-là. Et, conclusion, le monde des affaires reprend les armes.

Est-ce qu'on est en train de troquer une baisse de la taxe sur la masse salariale contre la Loi sur l'équité salariale? Si on pose la question, la réponse, elle vient vite. En tout cas, si on regarde ce que Gérald Larose, le président de la CSN, dit: «Bullshit», M. le Président. La loi dans sa forme actuelle prévoit jusqu'à 11 ans pour s'ajuster.

(17 heures)

S'agirait-il plutôt de troquer une baisse des taxes sur les salaires contre une hausse des taxes de vente? C'est une hypothèse évoquée dans le journal Les Affaires du 5 octobre. Les patrons accepteraient un tel troc. On n'est pas trop sûr, c'est une hypothèse qui est lancée. Est-ce qu'il faut plutôt réaménager la fiscalité pour décourager les mises à pied, comme le propose le mouvement syndical, taxer les transactions financières, déplafonner les cotisations sociales? D'autres hypothèses qui circulent qui, tout de suite, soulèvent les objections de la partie d'en face. Faut-il assouplir la réglementation touchant les entreprises: sous-traitance, conventions collectives? Bien sûr, disent les uns. Jamais, disent les autres.

Qu'arrive-t-il de la question du partage du temps de travail? Une belle idée, mais les employeurs rejettent l'idée du partage du temps de travail. Les propositions du Québec en matière de réduction – on ne parle pas de partage, mais de réduction du temps de travail – elles sont qualifiées d'inapplicables par un spécialiste, le professeur Robert Lacroix: Complètement inapplicables, les propositions du gouvernement.

Certains en sont arrivés à qualifier ce sommet de sommet du troc, M. le Président. Pas le «truck», le camion; le troc, les échanges. Les échanges dont on ne connaît pas vraiment les termes. On parle des réflexes de négociateur de l'actuel premier ministre – négociateur de conventions collectives – qui ne l'ont pas quitté. «Ils sont prêts à échanger sans aucune pudeur les politiques gouvernementales contre une concession patronale ou syndicale.» Jean-Jacques Samson, 9 octobre.

La pression monte chez les décideurs. Tout le monde le souligne. Ici, dans Le Soleil , 5 octobre, Hélène Baril: La déception sera grande au chapitre des grands projets. «...le sommet de la décision ressemble plutôt au sommet de la confusion.» «Le gouvernement Bouchard gère présentement la tiers-mondialisation, l'organisation de l'appauvrissement collectif sous le fallacieux couvert de la solidarité, son mot passe-partout.» Jean-Jacques Samson, Le Soleil .

M. le Président, quand les chefs syndicaux sont convoqués par le premier ministre, qu'est-ce que les journalistes en concluent lorsqu'ils sortent? Convoqués par le premier ministre, les chefs syndicaux fourbissent leurs armes. Tout à l'heure, on avait entendu ça de la part des dirigeants d'organisations patronales. Les gens fourbissent leurs armes et ils se préparent à aller au Sommet.

Pacte social État-syndicats? Proposition, semble-t-il, lancée par le gouvernement. Qu'est-ce que le président de la CSN en pense? «Pacte social? Ce sont des mots que je ne suis plus capable d'entendre», lance M. Larose franchement désabusé, de la part du mouvement syndical.

L'heure de la vérité approche. On saura dans quelques semaines quel sera le résultat de tout ça. À Laval, le premier ministre a dit se donner comme tâche de guérir la social-démocratie québécoise. Ce que nous constatons plutôt, c'est que le gouvernement a décidé de guérir le Québec de son idéal de social-démocratie, auquel, d'ailleurs, les deux côtés de cette Chambre ont contribué à travers les années.

C'est aussi ce qu'en pense la revue Relations . La revue Relations , c'est la revue qui est publiée par le Centre justice et foi sous la responsabilité des membres de la compagnie de Jésus, les jésuites, et d'une équipe de chrétiens et chrétiennes engagés dans la promotion de la justice. Les gens sont habitués à faire des analyses politiques fines et circonstanciées, comme les jésuites savent le faire. Qu'est-ce qu'ils disent? Dans le dernier numéro, octobre: «Le Sommet a aussi suscité son lot d'inquiétudes. Coupures à l'aide sociale, compressions en éducation, recul sur l'équité salariale sont autant de signes de dominance de la pensée néolibérale au sein du cabinet péquiste. Pour plusieurs, l'inquiétude se transforme en désenchantement.»

M. le Président, derrière chaque emploi il y a une personne, une famille en difficulté, et des centaines de milliers de nos concitoyens sont en train de gaspiller leur potentiel et une partie de leur vie parce qu'ils ne trouvent pas à s'employer. On aura beau dire, discourir et tenir des sommets, l'emploi et la croissance de l'emploi découlent tout d'abord d'une décision qui s'appelle une décision d'investir ici plutôt qu'ailleurs. Il y a plusieurs facteurs qui conditionnent cette prise de décision, mais on n'a qu'à écouter ce que les gens nous disent lorsqu'on les reçoit dans nos comtés. Ils disent: Eh bien, nous retenons nos décisions actuellement, le temps de régler les problèmes en suspens.

Alors, en conclusion, M. le Président, il est temps que ce gouvernement dépose un plan d'action pour nous dire comment il va lutter contre le chômage structurel, qui est une catastrophe pour le Québec, comment il va nous aider à consolider nos acquis dans le domaine de la haute technologie, comment nous pouvons accroître nos efforts dans le domaine de la recherche et du développement.

On parle de toutes sortes de questions intéressantes. On a provoqué une minicrise sur la question linguistique au cours de l'été, M. le Président. Eh bien, à l'occasion de cette minicrise, il m'est revenu – je vais terminer là-dessus – en mémoire cette phrase tout à fait à-propos de Victor Hugo, dans «Les Misérables», une phrase que vont apprécier certains collègues lettrés qui siègent sur les banquettes en face...

Une voix: Et de ce côté-ci.

M. Charbonneau (Bourassa): Je conclus...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Bourassa. On vient de me dire qu'on ne limitait pas à 20 minutes votre première intervention; à vous de le faire. Je croyais qu'on limitait à 20 minutes. Alors, vous avez 20 minutes à vous. Il y a 15 minutes qui restent à votre parti et, si vous voulez gruger sur le 15 minutes, à vous de le faire. Et il y aura 10 minutes pour votre réplique à la fin. Alors, je vous fait part de ça. Ça fait 22 minutes actuellement, 21, 22 minutes présentement.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, étant donné les signaux que vous me faisiez, j'avais décidé de sauter quelques passages, sur lesquels je vais revenir, cependant.

J'ai cité ce que pense la revue Relations du gouvernement actuel, de sa stratégie et de son approche néolibérale. Parce que le gouvernement, son premier ministre, certains ministres se drapent toujours d'un manteau qu'ils appellent la compassion, la social-démocratie. On pleure sur les conditions des plus démunis, qui sont quand même les premiers à être frappés par toutes sortes de coupures. C'est assez paradoxal, mais c'est la sauce qu'ils essaient de nous servir. La revue Relations a vu clair là-dessus.

Je voudrais citer aussi le directeur de L' Action nationale , une éminente revue, très, très, très militante depuis des décennies: indépendance, nationalisme, etc. Rosaire Morin, le directeur de L'Action nationale , s'insurge contre l'expatriation ou l'exode des capitaux québécois confiés à nos institutions privées, publiques ou coopératives et condamne sans appel le gouvernement actuel et son premier ministre. Si M. Morin a tenu des propos qui sont antiparlementaires, vous me le direz, M. le Président.

Je vais le citer comme relaté dans Le Devoir du 13 octobre. En parlant du Sommet: «On va y aller de compromis, voire de compromission. Un sommet, ça ne doit pas être axé sur les compressions, sur les dettes, mais sur l'avenir, ce que nous voulons devenir.» Il parle du double langage du gouvernement: «Pour Rosaire Morin, nos gouvernements voient le verre à moitié vide. "Ils donnent – je cite – dans les compressions sauvages, ils privatisent. Ils sont en train de défaire ce que le Québec a bâti."» Et M. Morin conclut: «Lucien Bouchard est en train de détruire le Québec! Ils ont la hantise du présent. Ils oublient d'aller chercher l'argent là où il est.»

M. le Président, venant d'une telle personne, ces propos, je pense, ne devraient pas laisser ce gouvernement indifférent. Ce gouvernement est non seulement irresponsable face à l'emploi et à l'économie, mais c'est un gouvernement qui plonge le Québec dans la division, la tension et la controverse. C'est un gouvernement qui cache son option de séparation derrière le paravent de la concertation.

Le premier ministre lance un appel. La semaine dernière, devant la Chambre de commerce de Laval: sortir de la morosité et de l'inertie, appel à investir, appel à innover, à entreprendre, à relancer la croissance. Il devrait se rendre compte, le premier ministre, que lui-même, par son ambiguïté, que son gouvernement lui-même, par son incohérence, et que son parti, par son option, ce sont ces gens-là qui sont la première cause de cette morosité et de cette inertie dont ils nous demandent de sortir. Ce gouvernement devrait avoir le réalisme d'admettre qu'il ne pourra pas s'attaquer au chômage structurel qui afflige le Québec plus que toute autre région du pays en continuant de tergiverser et de zigzaguer sur l'avenir politique du Québec. Derrière chaque emploi il y a une famille, une personne en difficulté.

(17 h 10)

La croissance de l'emploi découle tout d'abord d'une décision, celle d'investir ici plutôt qu'ailleurs. Beaucoup de facteurs conditionnent la décision d'investir, M. le Président: fiscalité, main-d'oeuvre, qualité du cadre de vie. Mais il y en a aussi, des conditions, qui sont de l'ordre de la sécurité et de la stabilité. On n'a qu'à écouter ce que nous disent les gens d'affaires de nos comtés ou des investisseurs qui ont le choix de s'établir ici ou ailleurs. Qu'est-ce qu'ils nous disent, ces gens-là, lorsque nous les rencontrons? Leur message est clair: On marche sur la pointe des pieds, on suspend tout, le temps de voir plus clair.

Qu'attend donc ce gouvernement pour passer à l'action, pour nous livrer à nous, les parlementaires, et à travers nous pour livrer à la population un message d'espoir et un véritable plan d'action? Qu'attend-il donc? Plutôt que de s'agiter devant les chambres de commerce, de s'exténuer dans des cercles extraparlementaires, dans des négociations hors de la vue du public, pourquoi le gouvernement ne profite-t-il pas de la rentrée parlementaire, ces jours-ci, pour déposer sa vision, pour déposer son plan d'action? Il pourrait nous dire, dans ce plan d'action là, qu'est-ce qu'il entend faire pour enrayer le sous-emploi structurel, ce noyau dur qui nous démarque de l'ensemble canadien, ce noyau dur de chômage. Qu'est-ce qu'il va faire face à ça, le gouvernement? Il pourrait nous dire comment on va consolider nos acquis dans les secteurs de la haute technologie, comment on va faire pour briser l'isolement des chercheurs, l'isolement des universités, des centres de recherche pour leur permettre d'être de calibre mondial. Il pourrait nous dire quelle est la cohérence qui le guide entre ses politiques de développement scientifique, de développement technologique, comment on va accroître nos efforts dans le domaine de la recherche et du développement, comment on va supporter les efforts de commercialisation de nos entreprises à l'étranger tout en réduisant notre capacité de représentation à l'étranger. Il pourrait nous expliquer ça dans un plan d'action, M. le Président. Pourquoi laisser croire que la bataille de l'emploi peut se gagner à travers une charte sur l'emploi ou à travers une loi sur l'emploi? M. le Président, ce sont là des mirages, des illusions que l'on jette, de la poudre aux yeux que l'on jette devant la population pour faire croire qu'on fait quelque chose.

La formation de la main-d'oeuvre, M. le Président, c'est très important. L'organisation du travail, les démarches de réflexion sur l'organisation du travail, c'est formidable. Même, le gouvernement aurait intérêt à avancer davantage sur ce terrain. Les débats sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, il faut les faire, sur le partage du travail, sur l'économie sociale, ce sont des questions très intéressantes, M. le Président. Mais, d'abord et avant tout, il y a une décision, celle d'investir, une décision qui se prend mieux par ceux qui ont à la prendre dans un contexte de stabilité et de transparence quant à l'avenir, dans un contexte de sécurité quant à l'avenir du Québec au sein de l'ensemble canadien. Et c'est un contexte de stabilité et de sécurité que ne nous assure pas du tout le présent gouvernement.

Alors que le gouvernement a réussi à plonger le Québec dans une minicrise au cours de l'été dernier et qu'il menace de poursuivre ces débats dans le cours de l'automne, il m'est revenu en mémoire cette phrase de Victor Hugo, dans «Les Misérables», et je cite: «Certes, si la langue qu'a parlé une nation ou une province est digne d'intérêt, il est une chose plus digne encore d'attention et d'étude, c'est la langue qu'a parlé une misère, c'est la langue qu'a parlé en France, depuis quatre siècles, non seulement une misère mais la misère, toute la misère humaine possible.»

M. le Président, quand nos électeurs nous parlent de chômage, ils nous parlent de leur misère profonde à eux et de celle de leur famille, M. le Président. On n'a pas le droit de faire tourner un ballon sur son nez face à cette misère, qu'elle s'exprime en français, en anglais, en créole, en italien, en arabe, comme c'est le cas dans mon comté de Bourassa, ou dans n'importe quelle autre langue dans les autres comtés du Québec. On n'a pas le droit, M. le Président, de jouer de la procédure puis de jouer sur les statistiques.

En attendant des jours meilleurs nous permettant de relever ce défi de l'emploi de façon plus cohérente, plus clairvoyante, plus systématique que ne le fait le présent gouvernement, j'invite l'Assemblée nationale à adopter cette motion que j'ai présentée et qui demande à ce gouvernement une action urgente non pas pour réaliser à tout prix son option, mais pour relever le niveau d'emploi et le niveau de prospérité de l'ensemble de la population québécoise.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Bourassa. Je céderai la parole maintenant à Mme la ministre d'État de l'Emploi, de la Sécurité du revenu... et d'autre chose aussi, mais enfin... Il reste un 30 minutes pour le parti ministériel et il y aura une réplique de 10 minutes de la part de M. le député de Bourassa. Alors, Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, j'apprécierais si vous m'indiquiez le temps qui m'est imparti à la fin des 20 minutes de façon à ce que je puisse laisser au député de Fabre l'occasion d'intervenir sur cette motion.

Alors, rapidement, puisque le temps m'est compté, avez-vous entendu une seule, une seule idée concrète en faveur de l'emploi émaner des propos du député de Bourassa? Une seule? Non. Mais des anathèmes, des injures, du mépris, des accusations, des effets oratoires. Alors, M. le Président, je comprends que jouer sur les statistiques sur le dos, justement, des gens qui sont souvent dans la détresse, ce n'est pas indiqué ici, mais, cependant, je rappellerai que depuis deux ans, encore faut-il, quand on regarde les événements, se désoler, mais, quand on peut les comparer, on peut se consoler, se consoler avec le fait que, depuis qu'on a changé de gouvernement, depuis septembre 1994, nous comptons 44 000 nouveaux emplois au Québec, c'est-à-dire l'équivalent de 2 000 nouveaux emplois par mois.

M. le Président, 44 000 nouveaux emplois, est-ce que c'est suffisant? Évidemment, je vous dirai non, mais c'est encore mieux, ces 44 000 emplois, que la situation qui régnait quand l'opposition était au gouvernement. Alors, je comprends que le député de Bourassa et l'opposition ont choisi d'ouvrir les travaux de cette session avec un débat engagé de façon extrêmement partisane. Moi qui suis dans ce Parlement depuis 15 ans et demi, je vous le dis, je n'ai pas vu une motion rédigée de façon aussi échevelée que celle qui nous est présentée aujourd'hui.

Il faut comprendre que ce que nous a présenté le député de Bourassa, c'était finalement une chose et son contraire. Alors, je voudrais peut-être très rapidement revenir sur un certain nombre d'éléments, notamment sur la question des investissements. J'ai été surprise d'ailleurs d'entendre de la bouche de l'ancien président de la Centrale de l'enseignement du Québec faire porter tout l'essentiel d'une politique de l'emploi uniquement sur les investissements. Oui, c'est important, les investissements. D'ailleurs, je suis contente de constater que le Québec a enregistré une performance économique supérieure en ce domaine récemment et que les investissements étrangers ont augmenté considérablement. C'est 2 000 000 000 $ d'investissements étrangers depuis le début de l'année et c'est nettement plus, bien évidemment, que les 394 000 000 $ de 1994, alors que l'opposition était au gouvernement.

Mais, en même temps, on sait très bien que l'investissement n'est plus nécessairement synonyme de création d'emplois. Même, très souvent, nos concitoyens, qui ne sont pas tous des diplômés d'université, savent mieux que le député de Bourassa, quand un gros investissement est annoncé, que ça peut vouloir dire non pas plus d'ouvrage, mais moins d'ouvrage parce que très souvent ces investissements le sont dans des changements technologiques qui vont augmenter la productivité – qui doivent se faire, là, je ne veux pas les remettre en question – mais qui, tout légitimes qu'ils soient dans le contexte de la mondialisation des marchés dans laquelle nous sommes engagés, ces investissements, tout utiles et légitimes qu'ils soient, n'ont pas d'effet sur l'emploi.

Bien au contraire, en fait, on se rend compte que, avec l'augmentation du produit intérieur brut de l'équivalent de 1 %, ce qui donnait environ la moitié, 0,5 %, de création d'emplois il y a 10 ans n'en donne plus que le quart maintenant. C'est donc dans d'autres façons de faire qu'il faut maintenant s'engager.

(17 h 20)

Et là je comprends que le député de Bourassa, peut-être au nom de sa formation politique – et ça, ce serait extrêmement regrettable – a décidé de ne pas participer à la grande corvée de l'emploi à laquelle, pourtant, au-delà de 500 personnes bénévoles, des patrons qui ne sont pas nécessairement des amis du gouvernement, même qu'ils sont souvent le contraire, qui sont plus connus pour être des amis de l'opposition... Mais des patrons, des syndicats, des jeunes, des organismes communautaires ont accepté de participer à cette nouvelle façon de faire, et, même si c'est à reculons, je comprends que, sans doute, le député de Bourassa viendra aussi occuper un siège au Sommet des 28, 29, 30 octobre prochains, ou 29, 30, 31 octobre prochains. Mais, manifestement, avec ce qu'il nous a dit aujourd'hui, ce ne sera pas pour contribuer à l'effort collectif, ce sera pour essayer de le saper.

Alors, M. le Président, oui, on en a plein les bras parce qu'il y a beaucoup de choses à faire. Vous comprenez que, dans le contexte où nous sommes, il y a à la fois, n'est-ce pas, à déclencher des changements importants dans la manière de rendre des services d'emploi, dans la manière de rendre les services en matière d'éducation, de formation professionnelle, dans, dans le fond, la manière d'aborder la question de l'emploi dans notre société.

D'abord, je ne vous étonnerai pas en vous disant qu'il y a des pénuries... C'est peut-être surprenant, mais il y a des pénuries d'emplois. Il y a des emplois qui ne sont pas occupés, et une étude récente a démontré qu'au-delà de 32 000 de ces emplois étaient inoccupés faute d'avoir des gens qualifiés pour les occuper, et cette étude sérieuse, qui était menée à la fois par l'association des exportateurs et manufacturiers et par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, a notamment permis de constater que la moitié des emplois exigeaient présentement un niveau de qualification qui était sur le plan du technique professionnel.

Alors, M. le Président, la première chose à laquelle il faut mettre fin, c'est la décennie d'inertie dans laquelle le gouvernement précédent nous a laissés en matière de formation professionnelle. Quand vous pensez qu'une partie importante des jeunes Québécois non seulement quittent l'école avant d'avoir un diplôme de secondaire V, mais, dans le fond, la quittent avant d'avoir quelque formation que ce soit à l'égard de l'emploi, quel est l'héritage qu'on a retrouvé, là, et celui, dans le fond, qu'il faut gérer en le secouant, justement, pour faire ce virage important qu'on va faire au Sommet? C'est 150 000 jeunes Québécoises et Québécois de 15 à 24 ans qui ne détiennent aucun diplôme d'études secondaires. Alors, quand on pense que, dans les années soixante-dix, on a compté jusqu'à 100 000 jeunes inscrits en formation professionnelle, que ce nombre est tombé, il y a deux ans, à peine à 20 000 jeunes inscrits en formation professionnelle, que, finalement, au-delà des deux tiers de ces jeunes ont plus de 20 ans, c'est donc dire que, en formation professionnelle régulière, c'est à peine une poignée de 7 000, 8 000 de nos jeunes qui trouvent là manière à se diplômer.

Oui, au Sommet, on va en parler. Vous savez dans quelle perspective? Pour introduire une nouvelle façon de faire, justement, une filière de formation à part entière qui va s'appeler «l'apprentissage» et qui a trop tardé dans notre société. Mais qu'est-ce que vous voulez? Ça fait deux ans qu'on vient d'arriver, et ma collègue la ministre de l'Éducation et moi-même, à la Main-d'oeuvre et à l'Emploi, avons mis au point, n'est-ce pas, une entente que nous avons déjà signée et qui lève tous les obstacles qui avaient été additionnés dans ce dossier.

Alors, c'est donc dire que, dorénavant, à partir de la troisième secondaire, les jeunes comme les adultes pourront se prévaloir d'une autre manière d'apprendre qui soit plus, finalement, associée à leur motivation, à leurs capacités dans l'environnement du travail, et ça signifiera certainement, M. le Président, une grande collaboration de la part des syndicats pour accueillir ces jeunes-là, puisque, s'il y a des apprentis, il faut qu'il y ait des compagnons, une grande collaboration de la part, également, des entreprises pour, également, accueillir ces jeunes ou ces jeunes adultes en formation, et qui pourront trouver là matière à une diplomation.

Est-il besoin également de rappeler que le gouvernement a, dès immédiatement son arrivée, introduit une obligation de dépenser l'équivalent de 1 % de la masse salariale, pour les entreprises, à l'égard de leurs ressources humaines? M. le Président, on était en retard comme on n'a pas idée quand on se compare aux autres pays industrialisés. On était terriblement en retard sur, finalement, cette question de la formation professionnelle en emploi. Ça, c'est une des conditions, c'est un des défis qu'on ne peut pas contourner, M. le Président, parce que c'est le défi qui consiste, dans le fond, à faire en sorte que les personnes en emploi puissent continuer à se qualifier, étant donné qu'on sait maintenant qu'elles auront à changer sept fois d'emploi dans leur vie, avec à chaque fois des nouvelles technologies. Alors, ça, ça mettait fin à 20 ans d'incurie, puisque le rapport Jean, en 1981, le recommandait déjà, et qu'ayant quitté le gouvernement, eh bien, il a fallu attendre le retour de notre formation politique pour qu'enfin on puisse bouger dans ce domaine-là.

Également, M. le Président, nous sommes à préparer une réforme en profondeur de l'aide sociale, et cette réforme en profondeur, elle est faite sous le signe d'en faire un tremplin pour l'emploi. Pensez que de 1990 à 1995 il s'est consacré 36 000 000 000 $ en assurance-chômage et en aide sociale au Québec, 36 000 000 000 $ qui auraient pu devenir productifs, qui auraient pu être convertis en bons d'apprenti, en bons d'emploi, qui auraient pu être convertis en soutien à l'économie sociale.

Dans les pays auxquels on a à se comparer, qui sont les pays membres du club de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, c'est finalement 65 % de l'ensemble des argents qu'ils consacrent à la main-d'oeuvre qui sont investis dans les mesures passives et 35 %, en moyenne, dans les mesures actives, les mesures actives signifiant la préparation à l'emploi, l'insertion à l'emploi, le maintien en emploi, la stabilisation en emploi et la création d'emplois. Savez-vous que, dans les pays qui sont champions, où ça réussit bien, c'est quasi moitié-moitié qu'ils consacrent aux mesures actives et passives? Eh bien, c'est assez éloquent de penser qu'au Québec et au Canada à peine 15 % du 9 000 000 000 $ que chaque année on consacre à l'assurance-chômage et l'aide sociale, à peine 15 % sont investis dans des mesures actives, alors qu'à l'inverse 85 % vont dans des mesures passives seulement. Ça, M. le Président, il y a un grand ménage à faire, et nous avons l'intention également, au Sommet, d'en discuter de façon à rentabiliser notre filet de protection sociale. Il ne s'agit pas de renoncer à notre filet de protection sociale, il ne s'agit pas d'abdiquer dans le contexte de la mondialisation dans lequel on est. Il faut rentabiliser notre filet de protection sociale, et c'est dans ce sens-là que les propositions que nous ferons agiront, M. le Président.

Il faut également réorganiser complètement des services publics de l'emploi, qui sont dispersés, fragmentés, qui favorisent le dédoublement, qui favorisent, dans le fond, l'isolement, parce qu'on sait très bien que les gens se sentent extrêmement cloisonnés dans des mesures qui ne sont accessibles, la plupart du temps, qu'à ceux qui portent une étiquette. Maintenant, il y en a une nouvelle qui s'est développée: les sans-chèque, ceux qui ne sont ni sur l'assurance-chômage ni sur l'aide sociale. Alors, ça, M. le Président, c'est là un autre défi extrêmement important, et ce défi prend appui sur une stratégie de développement local. Voilà l'horizon dans lequel le gouvernement entend s'engager et l'horizon dans lequel, à la fois avec les ministres concernés, nous avons travaillé, et nous entendons également déposer des propositions au Sommet.

(17 h 30)

M. le Président, je constate que le député de Bourassa est, de façon obsessionnelle, je crois, aveuglé par son option fédéraliste, et cette espèce d'obsession l'empêche notamment de reconnaître qu'à l'égard de l'emploi nous n'avons que la moitié des outils, et, encore là, je pense que je ne suis pas assez modeste. Quand on pense qu'une véritable politique de l'emploi, des outils pour l'emploi, c'est à la fois au plan monétaire, c'est à la fois au plan fiscal, au plan budgétaire, et ce sont là des compétences partagées avec le fédéral, avec le gouvernement fédéral, c'est à la fois au plan de la concurrence, au plan commercial.

Et faut-il rappeler, en une phrase seulement, à quel point la politique monétaire de la Banque du Canada a eu une influence néfaste sur l'emploi, que cette lutte à l'inflation a été menée avec un zèle qui a confiné au dogmatisme et qui a eu un effet extrêmement dévastateur sur l'emploi, lequel effet a été étudié en long et en large notamment par l'économiste Pierre Fortin, et on a pu voir que, depuis 15 ans, la Banque du Canada, malgré les diminutions auxquelles on a assisté aujourd'hui, continue à pratiquer des taux d'intérêt réels les plus élevés des pays industrialisés. Peut-être que les taux d'intérêt nous apparaissent bas, mais, en comparaison du taux d'inflation, avec l'augmentation du coût de la vie, ce sont des taux d'intérêt réels extrêmement élevés. C'est donc dire que cela a eu un impact qui n'est pas négligeable, un impact extrêmement important.

Faut-il également rappeler, M. le Président, que, en matière de taxes sur la masse salariale, parmi toutes celles qui font l'objet d'un débat public présentement, si on pense à la Régie des rentes, il faut comprendre que c'est là une assurance-retraite. Est-ce qu'on considère que c'est une taxe quand on investit dans un REER? On considère qu'on se met de l'argent de côté. Alors, pourquoi il en serait autrement dans notre façon de penser la cotisation à la Régie des rentes du Québec? Le fonds d'assurance-maladie, M. le Président, c'est une assurance en cas de maladie ou dans le besoin d'être hospitalisé. On a là un service, et ainsi de suite. Il faut comprendre qu'il en est tout autrement pour la taxe qui s'appelle l'«assurance-chômage», ou la nouvelle assurance-emploi, puisque, en l'occurrence, les cotisations qui sont versées le sont bien au-delà des prestations. Les cotisations ont fait 5 000 000 000 $ de surplus directement dans les coffres du gouvernement fédéral, qui l'a utilisé dans son budget. On prévoit 10 000 000 000 $. Il n'y a aucune réserve sur ces surplus, aucune réserve. Alors, c'est directement des cotisations trop élevées.

Et pensez que, au 1er janvier qui vient, il va se produire l'application d'une des dispositions de la loi fédérale adoptée l'été passé et qui va amener la première heure travaillée, qui jusqu'alors était dégagée de l'obligation de cotiser à l'assurance-chômage... Cette cotisation équivaut à 7 % de taxe sur la masse salariale, c'est-à-dire 7 $ pour chaque 100 $ de masse assurable. Et là ça va signifier que les personnes à temps partiel qui jusqu'à maintenant travaillaient moins de 15 heures par semaine et qui étaient dispensées de cotiser vont dorénavant y être obligées. Ça signifie donc que la première heure travaillée est dorénavant cotisée, alors que, au-delà du plafond de 39 000 $ par année, c'est un encouragement à faire du temps partiel et puis c'est un découragement à embaucher des gens.

Alors, oui, ce n'est pas toujours facile de travailler à contre-courant quand on a en face un gouvernement qui nous nuit systématiquement, et ça, le député de Bourassa – et je conclus, M. le Président – aurait dû avoir, je pense, la rigueur intellectuelle de reconnaître que, systématiquement depuis l'an passé, le gouvernement fédéral a cherché à jouer contre le Québec. Il y a là matière, vraiment, à constater à quel point nous avons le pire des deux mondes.

Le Non devait nous apporter la prospérité; le Non a gagné, M. le Président, et pourtant la situation s'est aggravée. La situation, on a bien vu, du côté des efforts qui ont été faits pour notamment nous traîner dans la boue dans les médias étrangers et particulièrement chez ceux de nos voisins américains, c'est une campagne systématique de dénigrement qui s'est faite contre le Québec, et je regrette infiniment qu'avec la motion telle que rédigée le député de Bourassa vienne l'alimenter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Fabre. Il vous reste 11 minutes, M. le député.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais remercier ma collègue la ministre de l'Emploi de me laisser un peu de temps pour intervenir.

Je ne vous surprendrai pas, M. le Président, en vous disant que j'entends me prononcer contre cette motion de l'opposition parce qu'elle m'apparaît complètement erronée sur le fond et totalement exagérée quant à sa forme. Par charité chrétienne, je ne fonderai pas ma réponse sur un rappel appesanti de l'héritage libéral qui nous a été légué. On pourrait en effet, si on le voulait, revenir longuement, pour comprendre où nous en sommes aujourd'hui, sur le fait que, par exemple, de 1989 à 1994, le précédent gouvernement libéral affichait des dépassements annuels de ses prévisions en matière de déficit d'en moyenne 1 000 000 000 $ par année. On pourrait revenir longuement sur le déficit record de 1994, de 5 700 000 000 $. On pourrait rappeler la dette cumulée de 76 000 000 000 $. On pourrait revenir sur les hausses d'impôts rétroactives, le triplement des frais de scolarité et le dynamitage de la formation professionnelle. Mais je préfère, pour ma part, M. le Président, faire appel à l'intelligence de ceux et celles qui suivent nos travaux et exposer calmement le pourquoi de ce que le gouvernement veut faire en matière d'emploi.

Alors, depuis deux ans, nous avons résolument décidé de nous attaquer à deux problèmes: le rétablissement de la santé des finances publiques et la relance de l'emploi. Nous nous sommes immédiatement mis au travail et, cette année, pour la deuxième année consécutive, nous réduisons le déficit de son record historique de 5 700 000 000 $, qui correspondait à la dernière année au pouvoir du Parti libéral, à 3 900 000 000 $ l'an dernier et à 3 200 000 000 $ cette année. Et nous sommes confiants de parvenir à l'élimination complète du déficit en 1999-2000.

Je sais très bien que de parler en milliards peut sembler bien abstrait. En fait, il faudrait plutôt dire que la situation financière du gouvernement est équivalente à celle d'un individu qui gagnerait 37 000 $ par année mais qui en dépenserait, année après année, 40 000 $ ou 41 000 $, en plus d'avoir une dette de 76 000 $ et d'être obligé de payer 6 000 $ par année en intérêts sur sa dette. C'est une image qui nous a été suggérée l'autre jour par un de nos collègues, le député de Bellechasse, et que je trouve tellement bonne que depuis 48 heures je la resers à tout le monde.

Comment nous allons nous y prendre pour réduire ce déficit? Bien, en faisant comme tous les ménages, en coupant dans les dépenses du gouvernement, ce qui est difficile, oui, et souvent douloureux pour les citoyens, et en augmentant les revenus du gouvernement sans hausser les impôts et les taxes, soit en luttant plus vigoureusement contre le travail au noir et l'évasion fiscale.

En ce qui a trait, maintenant, à la lutte au chômage, il faut comprendre une fois pour toutes que le gouvernement ne crée pas lui-même directement beaucoup d'emplois, plus maintenant, en tout cas. Ce que le gouvernement peut faire, c'est de rendre la vie plus facile aux véritables créateurs d'emplois du secteur privé et former mieux les gens qui partent à la recherche d'un emploi. Et nous parviendrons à cela en réformant l'aide sociale, l'éducation, la fiscalité et la formation professionnelle. Et, sur tous ces sujets, nous allons annoncer des mesures concrètes à l'occasion du Sommet qui se tiendra dans deux semaines et qui va réunir les principaux décideurs politiques, économiques et sociaux du Québec, Sommet auquel, d'ailleurs, le député de Bourassa est invité.

(17 h 40)

Quant à sa remarque selon laquelle le Parti québécois s'apprête à changer son programme, c'est vrai, on le fait aux deux ans. Ça prouve au moins qu'on en a un, programme. Au Parti libéral, on n'en a habituellement pas. Et, quand on en a un, on expulse ceux qui exigent qu'on le respecte.

Je vous donne quelques exemples des directions où nous voulons aller. L'aide sociale, par exemple, doit absolument demeurer en tant que filet de protection pour les plus démunis et les plus vulnérables, mais cela ne peut évidemment pas être un mode de vie. Et il n'est pas normal que certains soient placés, non pas par manque de bonne volonté, mais par simple calcul économique, dans la position de refuser un emploi faiblement rémunéré parce que cela serait moins payant que de ne pas travailler. Ce qu'il nous faut donc faire, c'est d'aider plus efficacement tous ceux qui peuvent et veulent travailler à le faire, donc de faire de l'aide sociale et de sa réforme un tremplin pour l'emploi et aussi de faire en sorte que les travailleurs à faibles revenus aient accès à des programmes auxquels avaient seulement droit jusqu'à maintenant certaines catégories de personnes, comme l'aide juridique et comme l'assurance-médicaments.

Pensons aussi à l'éducation. La ministre a rappelé tout à l'heure que plus d'un jeune sur trois abandonnent aujourd'hui l'école sans avoir terminé leur secondaire V. Et on peut en effet se poser la question: Quelles possibilités est-ce que le marché de l'emploi offre aujourd'hui, en 1996, à un jeune qui n'a pas un diplôme de secondaire V et s'il n'a pas appris un vrai métier? Alors, c'est pourquoi le gouvernement, maintenant que les états généraux sont terminés, va lancer une vaste réforme de l'éducation pour que nos jeunes sortent du système scolaire vraiment outillés pour faire face aux nouvelles exigences.

Je veux absolument, M. le Président, que les gens qui suivent nos travaux comprennent que le gouvernement est parfaitement conscient que les temps actuels sont durs pour la plupart d'entre nous. Les tâches qui nous attendent sont difficiles. Certaines de nos décisions vont faire des mécontents, et nous serons durement critiqués. Mais nous acceptons cela. Nous l'acceptons car nous sommes absolument convaincus dans notre for intérieur qu'il n'y a pas vraiment d'autres choix. Et nous sommes certains que la population reconnaît aussi avec nous que nous n'avons pas d'autres choix. Nous devons faire le ménage maintenant simplement parce que plus nous attendrons, pire ce sera. Et, si nous n'agissons pas maintenant, la dette va s'alourdir encore, les taux d'intérêt remonteront, les compressions devront être encore plus sévères et une part encore plus importante de notre argent ira à nos créanciers au lieu de payer les services auxquels nous tenons tant.

Pour ce qui est maintenant de l'emploi, il faut rappeler, M. le Président, que la lutte au chômage profite à tous les groupes de la société. Ce ne sont pas seulement les sans-emploi qui souffrent des conséquences du chômage. Les travailleurs et les entreprises aussi en subissent les effets néfastes, puisque ces milliers de sans-emploi ont évidemment un pouvoir d'achat réduit et parce que, même pour ceux qui ont la chance d'avoir un emploi, leurs heures de travail sont réduites et leurs salaires n'augmentent pas au même rythme, voire sont gelés ou, dans certains cas, régressent.

Ce qui est certain, par contre, c'est que ni l'État, ni les entreprises, ni les syndicats, ni aucun partenaire pris isolément n'a les moyens seul d'enclencher une stratégie qui relancerait l'emploi. Voilà pourquoi la clé de la réussite, c'est l'orchestration des efforts du secteur privé, de l'État, de l'ensemble des chercheurs d'emplois, de l'ensemble des partenaires, et c'est exactement dans cette direction-là que nous essayons d'aller.

Il y a beaucoup de pays qui ont développé des modèles de concertation qui leur sont propres. Nous devons, nous, continuer à développer encore plus, à approfondir le modèle de concertation que nous estimons nécessaire à nos besoins. C'est tout à fait dans cette direction-là que nous procédons et c'est en ce sens-là que ce qui se dessine comme la stratégie québécoise pour l'économie et pour l'emploi, c'est une stratégie qui va conjuguer les efforts de tous pour la création d'emplois, qui va essayer de minimiser l'impact des restructurations sur l'emploi et le chômage, qui va renforcer tous les volets actifs, incitatifs de la politique du marché du travail, qui va approfondir encore plus l'effort de concertation. Déjà, on en retrouve des éléments dans le dernier budget.

Il est essentiel, par contre, M. le Président, de rappeler que nos efforts s'inscrivent aussi dans une conception repensée de l'État. L'État doit dorénavant se donner comme rôle de stimuler les synergies, de rassembler les solidarités, mais nos impératifs de redressement financier ne nous permettent pas une injection massive d'argent. Voilà pourquoi, dorénavant, les interventions directes devront être plus légères, mieux ciblées, de façon à en retirer le maximum d'impact pour un minimum de dépenses.

Je soulignerais simplement, M. le Président, quelques mesures prises récemment en matière d'emploi pour les jeunes qui illustrent bien la direction que nous voulons prendre. Par exemple, vous savez que, lors du dernier budget, c'est pratiquement 20 % du budget du ministère de l'Industrie et du Commerce qui a été amputé. Cependant, nous avons préservé les programmes destinés spécifiquement aux jeunes. L'an dernier, par exemple, sur neuf mois, le programme Jeunes Promoteurs a contribué à la création de 636 nouvelles entreprises, 1 500 emplois, pour des investissements de 30 000 000 $. Nous consacrerons également, cette année, 2 500 000 $ de plus pour les services d'aide aux jeunes entrepreneurs. Dans le dernier budget, on annonçait également que toutes les nouvelles PME bénéficieraient d'un congé fiscal de trois ans en matière de cotisations au Fonds des services de santé, bref, qu'aucun nouvel impôt ne serait dorénavant exigé d'une nouvelle petite entreprise pendant ses trois premières années d'existence.

Bref, M. le Président, je pourrais continuer encore longtemps. Je me contenterai simplement de dire ceci: Le monde change. Le Québec doit donc, lui aussi, changer s'il ne veut pas rester derrière. Plusieurs des recettes des années soixante, soixante-dix, quatre-vingt ne correspondent plus aux problèmes des années quatre-vingt-dix. Il faut donc revoir le modèle québécois. Nous sommes, quant à nous, convaincus que, après les deux années difficiles qui viennent, le ciel va s'éclaircir, et nous demandons à tous les citoyens patience, compréhension, de faire un effort dans leur vie de tous les jours, dans les grandes comme dans les petites choses, et nous sommes convaincus que les choses iront beaucoup mieux très rapidement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Fabre. M. le député de Bourassa, à votre 10 minutes de réplique j'ajoute deux minutes, parce que j'avais à gérer le temps des indépendants, à savoir s'ils se présentaient ou non. Alors, j'ai partagé également le dernier cinq minutes. Alors, il vous reste 12 minutes, M. le député de Bourassa.


M. Yvon Charbonneau (réplique)

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Je suis très satisfait de la manière dont se déroule le débat, et ce que nous voulions prouver en déposant cette motion, nous avons réussi à le faire: c'est que le gouvernement n'a pas de véritable stratégie d'emploi à proposer. Les bribes de politique de main-d'oeuvre que nous ont exposées le député de Fabre ou la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, politique de la main-d'oeuvre, les quelques bribes qu'ils nous ont rappelées, c'était du réchauffé, nous savions tout cela. Ce n'est pas ça, M. le Président, qui est au coeur d'une politique de l'emploi et d'une politique de relance de l'économie.

C'est bon de faire ces choses-là, c'est bon de faire de la formation, c'est intéressant d'ajuster le marché et d'éviter qu'il y ait des surplus dans un secteur et des pénuries dans l'autre; tout ça, c'est de l'ajustement. C'est essentiel de le faire. Mais qui va créer les emplois pour qui nous allons former de la main-d'oeuvre au Québec? Ça, c'est la question essentielle. Et, à cette question-là, on n'a pas eu de réponse, M. le Président. Au contraire, on a eu droit à une tentative de plaisanterie de la part de la ministre de la Solidarité et de l'Emploi sur la question de l'investissement.

Elle s'étonne que je parle d'investissement. Elle devrait lire la politique adoptée par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en septembre dernier, «Une stratégie québécoise pour l'économie et l'emploi». Au lieu d'essayer de trouver des moyens de mettre au tapis la SQDM, de la faire disparaître, elle devrait lire les documents qui lui sont fournis par la SQDM et qui sont l'objet d'un consensus entre les partenaires. Eux qui rêvent de consensus et de partenariat, ils en ont un entre les mains, un document adopté par le conseil d'administration de la SQDM.

(17 h 50)

Qu'est-ce qu'il dit, ce document-là, M. le Président? «Il faut conjuguer nos efforts pour la création de l'emploi.» La première mesure dont ils parlent: l'investissement. Je pense que la ministre de l'Emploi ne devrait pas faire les gorges chaudes là-dessus. Elle devrait lire les documents qui lui sont préparés par ses principaux collaborateurs, ses associés dans la bataille pour l'emploi. Elle devrait les prendre en considération et les respecter.

Qu'est-ce qu'on dit, page 3 d'une politique adoptée? Pas d'un projet qu'on va nous annoncer puis qu'on est en train de concocter puis de préparer; quelque chose qui est adopté, M. le Président, que la ministre, elle ou son collègue des Finances ou le premier ministre, pourrait rendre public n'importe quand à partir de maintenant, n'importe quand depuis trois semaines. Qu'est-ce qu'ils disent? «L'importance de l'investissement pour la création et le maintien des emplois n'est pas à démontrer dans le cadre d'une économie concurrentielle et ouverte comme celle du Québec. L'enjeu consiste autant à stimuler l'investissement domestique qu'à attirer l'investissement étranger. Même si le gouvernement du Québec n'exerce pas de contrôle sur le taux d'intérêt dicté par la politique de la Banque du Canada, le gouvernement québécois peut stimuler l'investissement privé par la création et le maintien d'un climat propice tant sur le plan social que politique et économique. Le gouvernement du Québec peut agir sur la capacité de financement des entreprises.»

Ça, c'est le premier conseil donné à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité par le conseil d'administration de la SQDM. Ceci devrait la mettre en garde contre ses critiques faciles contre le fédéral. Quand elle ne critique pas le ton de la motion que je propose, quand elle ne critique plus l'auteur de la motion, là elle critique le fédéral, M. le Président, au lieu de s'attaquer au fond de la question, comme a tenté timidement de le faire, mais quand même intelligemment, dans le cadre du temps qui lui était imparti, son collègue de Fabre.

La ministre, c'est vrai que ses collègues économiques lui font quelques remontrances en privé – et certainement en public, en tout cas – sur certains aspects de ses politiques. Elle était peut-être un peu mal à l'aise pour répondre aux questions de fond que j'ai posées, qui n'étaient pas des questions reliées aux négociations avec le fédéral et à des ajustements particuliers sur l'offre et la demande. Je lui ai posé la question tout à l'heure: Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour réduire ce qu'on appelle le bloc de chômage structurel, ce qui fait que le Québec a un taux de chômage de 12,6 %, alors que l'ensemble canadien est en bas de 10 %? Et, sans le Québec, il y a une différence de 3,5 %. Nous avons du chômage de 3,5 % plus élevé. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec entend faire?

Qu'est-ce qu'ils nous ont annoncé aujourd'hui? Ils nous ont annoncé qu'ils vont nous annoncer de quoi en octobre et, après ça, qu'ils vont tenir un congrès pour changer leur programme en novembre. Ils ont confirmé nos prétentions, M. le Président. Ils n'ont rien à dire à ce moment-ci. Pourtant, ils en ont, quelque chose à dire, s'ils voulaient tout simplement le prendre en considération, c'est déjà tout écrit dans le document de la SQDM.

La ministre nous dit: Vous savez, ce n'est plus comme c'était, le monde a changé, la croissance, les investissements, ça n'entraîne pas de l'emploi. M. le Président, si elle lisait cet autre document produit par la SQDM, daté du 30 septembre, page 2, «Éléments d'analyse pour une stratégie d'emploi», on dit: «Rien n'indique que la croissance ne soit plus porteuse d'emplois. Contrairement à une perception largement répandue, la création d'emplois requiert une croissance économique tout comme auparavant.» La ministre devrait lire les avis qui lui sont donnés. Arrêtez de répéter des choses qui ne sont plus exactes, qui sont contestées par les gens qui connaissent ça. Je comprends un peu mieux que ses collègues économiques lui donnent quelques petites leçons de temps en temps.

M. le Président, s'il n'y avait pas d'investissements, il n'y en aurait pas, de création d'emplois. Et c'est ça qu'il faut travailler, c'est à cela qu'il faut s'arrêter, à créer les conditions propices à la reprise de l'investissement. Et tout ceux qui ont étudié la question, quel que soit leur courant politique, vont nous parler de la nécessité de la stabilité et de la sécurité.

M. le Président, je regardais les chiffres que nous mettait sous les yeux le ministre des Finances lors de la présentation de son dernier budget. Il y a des tonnes de chiffres dans son budget. En annexe, il a fait une prévision, une seule qui s'est avérée réaliste, M. le Président. Il prévoyait un taux de chômage, au Québec, de 11,3 % en 1995, 11,4 % en 1996, 11,5 % en 1997 et 11,3 % en 1998-1999. Bien, je peux vous dire, M. le Président, si on prend la moyenne des taux de chômage depuis les neuf mois de l'année 1996, il est exactement sur la cible, le ministre de l'Économie et des Finances, c'est 11,5 %, la moyenne de chômage au Québec. C'est un beau record, M. le Président! Du côté des investissements, il s'est trompé; du côté des revenus tirés de l'impôt sur les revenus, il s'est trompé; mais, du côté de sa cible quant au niveau de chômage, il a parfaitement réussi. Comment les croire, ces gens-là, M. le Président, quand ils déchirent leur linge en public, qu'ils disent: C'est dommage, c'est inacceptable, etc.? Ils l'avaient prévu, ils ont préparé le budget en fonction de mettre le taux de chômage à ce niveau-là, M. le Président. C'est dans leur document.

M. le Président, tout à l'heure, je vous ai laissé sur une pensée de Victor Hugo, je vais terminer, cette fois-ci, sur une pensée de Rousseau, Jean-Jacques: «Les peuples, une fois accoutumés à des maîtres, ne sont plus en état de s'en passer – c'est tiré de l'ouvrage «De l'inégalité parmi les hommes». S'ils tentent de secouer le joug, ils s'éloignent d'autant plus de la liberté que leur révolution – écoutez bien ça – les livre presque toujours à des séducteurs qui ne font qu'aggraver leurs chaînes.»

M. le Président, depuis que le séducteur est arrivé, le grand séducteur, il y a huit mois, à la direction du gouvernement du Québec, en effet, nos chaînes, c'est-à-dire nos problèmes, n'ont fait que s'aggraver. Mais les masques sont sur le point de tomber tout au cours de cet automne, tout comme les feuilles des arbres, M. le Président. Et le même bon peuple est en train de s'apercevoir de l'impuissance de ce gouvernement à s'attaquer aux vrais problèmes de fond. Le peuple est en train de s'apercevoir... Nous sommes face à des virages, M. le Président, à de beaux discours. Il est en train de se mettre à douter de ce gouvernement qui ne parle plus aujourd'hui de son option de la séparation du Québec, alors qu'il y a un an cette option était la mère de toutes les urgences au Québec. C'était urgent il y a un an; un an plus tard: On en parlera dans quelques années. Quelle est la logique de ça, M. le Président? Comment on peut se fier à ces gens-là?

Ce bon peuple, M. le Président, est en train de se mettre à douter de ce gouvernement qui est définitivement plus habile dans des opérations cosmétiques que dans des actions concrètes. Ce que nous exigeons par cette motion, c'est de mettre ce gouvernement au travail de manière immédiate. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Bourassa. Mme la ministre, sur un point de règlement.

Mme Harel: Question de règlement, M. le Président. En vertu de notre règlement, est-ce que le député de Bourassa accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Bourassa, acceptez-vous une question de la part de la ministre? On a encore une minute.

M. Charbonneau (Bourassa): Avec plaisir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la ministre, brièvement, s'il vous plaît.

Mme Harel: Certainement, M. le Président. Alors, compte tenu de l'appréciation favorable que le député de Bourassa vient de faire du document daté du 30 septembre 1996 de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, intitulé «Éléments d'analyse pour une stratégie québécoise pour l'économie et l'emploi», peut-il commenter, à la page 2, dernier paragraphe, l'affirmation suivante: «Le taux de croissance requis pour amener le taux de chômage à son niveau de plein-emploi semble impossible à atteindre dans un contexte de politique monétaire fiscale et budgétaire restrictive appliquée au Canada»?

Une voix: Ah, ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Bourassa, vous avez une minute. Alors, peut-être que vous aurez le temps de revenir plus tard sur la question, mais, pour le moment, il reste une minute.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. J'avais bien vu que la ministre n'écoutait pas ce que lui disaient les gens de la SQDM, j'ai compris aussi qu'elle avait quelques difficultés à comprendre ce que lui disent les ministres économiques, mais là je viens de comprendre qu'elle a de la difficulté à saisir les propos du chef du gouvernement qui aujourd'hui même vient de dire que les taux, tels qu'ils viennent d'être décrétés par le gouvernement fédéral ou la Banque du Canada, sont très favorables au déblocage de tous les dossiers. Alors, je pense que, si elle écoutait un peu plus ce qui se dit de son côté, ça irait mieux.

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais mettre aux voix la motion de M. le député de Bourassa. Est-ce que cette motion, que je vais vous lire... Est-elle... Vote par appel nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, en vertu de l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à demain, à la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote par appel nominal est reporté à demain, aux affaires courantes. Nous ajournons nos travaux à demain après-midi, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)