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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 5 juin 1990 - Vol. 31 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-huit minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements débute ses travaux. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Camden (Lotbinière) est remplacé par M. Poulin (Chauveau); Mme Pelchat (Vachon) est remplacée par M. MacMillan (Papineau); et M. Thérien (Rousseau) est remplacé par Mme Bleau (Groulx).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le secrétaire. L'horaire pour les trois jours d'audition a été distribué aux membres de la commission. Est-ce que l'horaire est adopté?

Une voix: Oui, adopté. Des voix: Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Bélanger): L'horaire est adopté. M. le ministre, vous avez une déclaration préliminaire?

Déclarations d'ouverture M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, Mme la Présidente. En convoquant une commission parlementaire sur le projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, nous voulons, par cet exercice démocratique, permettre aux différents intervenants intéressés au contenu de ce projet de loi de se faire entendre et de contribuer à la bonification du texte législatif. Au cours de ces deux journées et demie, nous, du gouvernement, écouterons attentivement tous les intervenants qui viendront présenter leur position. Nous accorderons une attention spéciale aux suggestions qui nous seront faites et qui contribueront à la réalisation de l'objectif fondamental de ce projet de loi, soit l'application du principe pollueur-payeur.

Avant d'aborder le contenu du projet de loi, il nous apparaît pertinent de le situer dans un contexte historique. Comme vous le savez, les pays industrialisés sont actuellement confrontés au problème croissant posé par la présence de contamination sur les terrains d'industries qui ont pu utiliser ou utilisent encore des substances dangereuses et ainsi contaminer le terrain environnant par des rejets liés aux opérations journalières, par des déversements accidentels ou par de l'enfouissement pur et simple sur leurs terrains. Au Québec, la Loi sur la qualité de l'environnement, qui a été adoptée en 1972, constitue le cadre légal délimitant les interventions du ministère de l'Environnement en matière de terrains contaminés. Elle accorde des pouvoirs au ministère pour intervenir sur des terrains contaminés lors de situations particulières. L'article 25 permet ainsi au ministre d'ordonner au responsable de la source de contamination de cesser définitivement ou temporairement ou de limiter, selon les conditions qu'il impose, l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet de ce contaminant.

D'autre part, en vertu des pouvoirs accordés dans cette loi, le ministre ne peut ordonner aux propriétaires de terrains contaminés de décontaminer ceux-ci que lorsque la situation est considérée comme étant urgente et que le ministre démontre que cela a été fait accidentellement ou contrairement aux dispositions de la présente loi ou des règlements du gouvernement.

Par la suite, le ministère de l'Environnement a élaboré une politique de réhabilitation des terrains contaminés afin de déterminer les orientations quant à la réutilisation sécuritaire de ces terrains. Cette politique, publiée en avril 1988, misait essentiellement sur la bonne volonté des propriétaires de ces terrains à se conformer aux orientations du ministère dans ce domaine. Les objectifs de cette politique de réhabilitation se résumaient en trois points majeurs: premièrement, empêcher que l'utilisation de terrains contaminés ne s'effectue au détriment de la santé, de l'environnement et des biens; deuxièmement, favoriser la récupération des ressources en permettant et en rendant possible le réemploi des terrains contaminés dans la mesure où le niveau de décontamination atteint est sécuritaire pour les usagers et l'environnement; troisièmement, s'assurer que les sols contaminés seront gérés de façon adéquate.

Bref, nous devons admettre que la politique de réhabilitation des terrains contaminés ne donne que des orientations en matière de réemploi des sols contaminés, sans obligation pour les propriétaires de terrains contaminés de s'y conformer, alors que, de son côté, la loi ne permet pas au ministre d'exercer un rôle de prévention en cette matière. Récemment, les événements qui se sont déroulés à Saint-Jean-sur-Richelieu, mettant en cause la compagnie Balmet, qui oeuvrait dans la récupération du plomb à partir de batteries usées, ont mis en relief l'absence de pouvoirs coercitrfs du ministre

pour ordonner au propriétaire d'un terrain contaminé de réaliser des travaux de décontamination sur son terrain.

Suite à cette constatation, nous avons décidé d'accélérer le processus de modifications législatives et réglementaires. C'est ainsi que nous avons déposé en février 1990, au Conseil des ministres, un mémoire accompagné d'un projet de loi et c'est le 10 mai dernier que le projet de loi 65, intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, était déposé à l'Assemblée nationale. À cette occasion, j'avais mentionné que peu de pays occidentaux pouvaient compter sur une telle structure législative, quelques rares pays ayant adopté une législation visant à se protéger contre la contamination des sols.

Nous rappellerons brièvement que les Pays-Bas ont adopté en 1983 une loi sur la décontamination des sols qui oblige tout promoteur à caractériser le sol et l'eau souterraine avant toute construction et/ou réutilisation du sol. Notons aussi que, depuis janvier 1988, les entreprises doivent également caractériser les terrains avant de s'y installer et effectuer une nouvelle caractérisation au moment où elles désirent modifier ou vendre leurs installations afin de vérifier si les terrains sont dans le même état qu'au moment de l'acquisition. Dans la négative, les entreprises doivent réaliser des travaux de décontamination.

Dans ce même ordre d'idées, des mesures législatives similaires ont été adoptées par l'État du New Jersey, aux États-Unis, en 1984, afin de permettre au gouvernement de cet État d'intervenir auprès des industries susceptibles de contaminer les sols. Cette loi, The Environmental Cleaning Responsibility Act, vise près de 23 000 compagnies. Ces industries doivent caractériser leurs terrains au niveau des sols et de l'eau souterraine. Par le fait même, les résultats obtenus sont comparés à des critères préétablis et, lorsqu'il y a présence de contaminants à des concentrations excédant le niveau naturel, il peut devenir nécessaire de procéder à des travaux correctifs.

Mentionnons que plusieurs pays européens, telles la France, la Belgique et la République fédérale allemande, réfléchissent sur la possibilité d'adopter une telle législation. Nous pouvons d'ores et déjà remarquer que le Québec sera la première province canadienne à se munir d'outils réglementaires visant la décontamination et la restauration des sols.

Ainsi, en déposant ce projet de loi, nous voulons principalement corriger deux lacunes dans la législation actuelle, soit de nous permettre d'agir plus efficacement et de renforcer l'application du principe pollueur-payeur. En effet, l'objet du projet de loi est donc de s'assurer que toute activité de contamination de l'environnement puisse conduire, lorsqu'elle dépasse certains niveaux, à une intervention du ministre en vue d'exiger une étude de caractérisation et une décontamination des sols.

Par ailleurs, il nous apparaît légitime et souhaitable que celui qui est à l'origine de la contamination soit tenu responsable de la décontamination. Or, comme je l'indiquais précédemment, la Loi sur la qualité de l'environnement ne permet pas actuellement au ministre d'ordonner la décontamination, sauf en cas d'urgence ou à moins de faire la preuve d'une contamination des terrains adjacents. Ainsi, cette absence de pouvoir d'ordonnance restreint le champ d'intervention du ministre dans ce domaine, ce qui limite considérablement l'application du principe pollueur-payeur.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le projet de loi 65 a été élaboré dans le but de doter le ministère des outils légaux et réglementaires lui permettant de remplir son mandat de façon plus adéquate et plus efficace qu'il ne le fait actuellement. Les nombreuses situations auxquelles il a dû faire face depuis le milieu des années quatre-vingt ont contribué à préciser les besoins du ministère en matière de pouvoirs légaux.

Devant les différentes expériences trop souvent décevantes que nous avons vécues dans le passé, nous avons à faire face à deux situations dans les cas de contamination de sols. Dans un premier cas, l'entreprise responsable de la contamination est toujours en opération et facilement identifiable, alors que, dans le second cas, la source de la contamination est difficile à identifier, l'entreprise ayant cessé ses activités. Ces expériences passées nous ont amenés à proposer des orientations et des mesures législatives différentes selon les deux cas. Ainsi, lorsque le responsable de la contamination est identifiable, nous désirons doter le gouvernement de pouvoirs lui permettant d'ordonner la décontamination de l'environnement lorsque la situation le commande. Nous voulons exiger la décontamination de l'environnement de celui ou de celle qui l'a contaminé. C'est pourquoi le projet de loi prévoit des dispositions très claires à ce sujet. Si les principes du projet de loi sont approuvés par l'Assemblée nationale, le ministre aura le pouvoir d'ordonner au responsable de la contamination la caractérisation puis la décontamination de l'environnement lorsque le niveau de contamination le commandera. L'approbation du projet de loi aurait ainsi pour effet d'éviter qu'une entreprise qui a contaminé son terrain puisse, sous prétexte qu'il n'y a pas d'urgence, ne procéder à aucuns travaux correctifs.

D'autre part, le projet de loi 65 prévoit une certaine souplesse quant aux mesures que nous pourrions ordonner aux propriétaires de terrains contaminés alors qu'ils n'ont pas été responsables de la contamination À titre d'exemple, nous n'avons qu'à penser au très grand nombre de terrains qui ont été contaminés dans le passé par des entreprises ayant cessé leurs activités. Ces terrains, localisés principalement dans les régions

urbaines, sont habituellement la propriété de personnes ou de municipalités et assurent un bon potentiel de réutilisation à des fins résidentielles, commerciales ou autres.

Par ailleurs, on peut penser aux propriétaires de terrains qui ne sont pas nécessairement informés des activités qui se sont déroulées dans le passé sur ces terrains et qui ignorent probablement le degré de contamination de ceux-ci. Dans ces cas, nous nous devions de nous assurer qu'aucune réutilisation de ces terrains ne se fasse sans une décontamination préalable de manière à éviter que la présence de contamination ne puisse porter atteinte à la santé publique. Pour ce faire, nous proposons deux mesures dans le projet de loi 65, mesures qui s'adressent aux propriétaires de sols contaminés sans qu'ils aient été responsables de la source de la contamination: premièrement, le ministre peut signifier au propriétaire un avis l'informant que son terrain est contaminé au-delà d'un certain niveau et cet avis est inscrit au bureau d'enregistrement; deuxièmement, le ministre exige, de la part du propriétaire d'un terrain contaminé, une demande d'autorisation avant que celui-ci ne procède à une modification d'usage de son terrain.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'entreprise qui démantèle ses installations, des dispositions sont prévues dans le projet de loi afin de soumettre le démantèlement à diverses exigences lorsqu'il concerne certaines activités reconnues polluantes pour les sols. Ainsi, le propriétaire du terrain devra obtenir l'autorisation du ministre avant de procéder au démantèlement. Nous pourrons alors nous assurer que le démantèlement d'équipements et de bâtiments sera accompagné d'une caractérisation et, éventuellement, d'une décontamination du terrain. Le principe du pollueur-payeur sera donc appliqué en intervenant dès le démantèlement, évitant ainsi que le terrain demeure contaminé par la suite. Une entreprise qui aura contaminé son terrain suite à ses activités sera donc obligée de le décontaminer, alors qu'actuellement de grandes entreprises ont fermé leurs portes sans avoir complété la décontamination de leurs terrains.

D'autre part, grâce à des nouveaux pouvoirs d'ordonnance contenus dans le projet de loi 65, le ministère de l'Environnement pourra obtenir le rang de créancier privilégié sur les biens meubles et immeubles de tout contrevenant à une ordonnance de décontamination des sols. D'ailleurs, advenant le non-respect par une entreprise d'une ordonnance ministérielle dans le cas d'une seconde infraction, il est prévu dans le texte législatif que les sanctions seront plus élevées passant de 12 000 $ à 500 000 $ comme montant minimal et de 500 000 $ à 1 000 000 $ pour les amendes maximales.

En conclusion, et je terminerai là-dessus, en rappelant que l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires aura pour effet, du moins c'est l'objectif que nous nous fixons, de renforcer l'application du principe pollueur-payeur dans la décontamination des sols pollués.

Comme je vous le mentionnais précédemment, cette commission parlementaire qui débute permettra un débat public sur le sort que l'on doit réserver, au Québec, aux nombreux sols contaminés. J'invite bien cordialement tous les intervenants à venir nous présenter les ajustements qu'ils jugent appropriés, car, au risque de me répéter, je demeure ouvert à des modifications qui visent la bonification du projet de loi 65. D'ailleurs, au terme de cette commission parlementaire, je présenterai au Conseil des ministres les modifications qui se seront avérées pertinentes en fonction des objectifs de cette législation et ce, à la lumière de cet exercice démocratique. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de La Prairie.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais tout de suite informer cette commission que l'Opposition est d'accord avec le principe qui sous-tend le projet de loi qui est devant nous, à savoir le principe pollueur-payeur. Ceci étant dit, il faut se poser la question: Est-ce qu'on a devant nous le projet de loi qui reflète le sentiment, la décision du Conseil des ministres, ou si on a devant nous le projet de loi qui reflète les intentions du ministre? Il y une différence considérable. La Presse canadienne, suite à une conversation avec le ministre, nous dit ce matin que le ministre se voit dans l'obligation de retourner au Conseil des ministres avant même l'adoption du principe de la loi. Je trouve que c'est sérieux. Mme la Présidente, est-ce qu'on fait venir des groupes ici pour audiences pour avoir leurs opinions sur ce qu'est un brouillon, le brouillon d'un projet de loi qui reflète les orientations du ministre et de quelques ministres, ou bien si on peut l'étudier comme un projet qui est une intention sérieuse du Conseil des ministres? Alors, on peut en douter. D'après les paroles mêmes du ministre ce matin, s'il est bien cité, il dit qu'il doit retourner au Conseil des ministres avant même l'adoption du principe du projet de loi. Alors, au fond, le ministre, bon, il y a une certaine candeur admirable chez lui, parce que...

Des voix:...

M. Lazure: ...il nous dévoile au grand jour des chicanes épouvantables qui se passent à l'intérieur de son Conseil des ministres. Il nous l'a laissé entendre avec l'article 2n qui soustrait aux audiences publiques, comme vous le savez, Mme la Présidente, les grands projets industriels. Lui, le ministre, il dit toujours qu'il est prêt à

mettre ça en application. Mais on sait que plusieurs de ses collègues ministres ne sont pas prêts. Alors, là, il a trouvé une bonne porte de sortie. Il dit: Bien, je vais négocier avec l'Ontario pour être sûr qu'au plan des investissements et des entreprises on sera sur la même longueur d'onde, les deux voisins. Il n'y a rien de mal à ça, sauf que ça va paralyser encore des mois et des mois. La question qu'on peut se poser avec le projet de loi 65: Est-ce qu'il va aller négocier avec l'Ontario sur ce projet de loi là aussi quand il aura fini de négocier avec son Conseil des ministres? Là, ce n'est plus le gros projet de loi dont il parlait le 11 mai: Québec fera payer les pollueurs; Québec va être à l'avant-garde, la première province, presque le premier État au monde à avoir une loi si sévère. Mais on n'est pas sûrs qu'elle sera aussi sévère que ça. On ne sait pas au juste quelle sorte de projet de loi on aura dans quelques semaines ou dans quelques mois.

Ceci étant dit, j'ajouterai que le gouvernement réagit aux crises. Et, au lieu de prendre son temps et de préparer un projet de loi avec beaucoup de consultations, il travaille en panique suite aux crises de Saint-Basile, de la Balmet, de l'est de Montréal, et d'autres crises. On passe pratiquement de a à z, parce que la loi actuelle, elle donne beaucoup de pouvoirs au ministre. Moi, je répète, Mme la Présidente, que le ministre ne s'est pas servi des pouvoirs considérables que lui donne l'article 25. Ça me laisse un peu sceptique, moi, tout en étant en faveur du principe pollueur-payeur. Si le ministre et son ministère n'ont pas été capables d'appliquer la loi telle qu'elle existe, étant moins sévère, je me demande si ce n'est pas un peu de la poudre aux yeux de nous faire croire que le Québec va devenir un modèle antipollution dans quelque temps. Parce que, pour faire appliquer une loi comme celle-là, ça prend du personnel, ça prend de l'argent, des budgets, le nerf de la guerre. Mais ce gouvernement-ci a fait la preuve depuis 1985 qu'il ne croit pas à l'environnement. En 1985, le budget de fonctionnement du ministère de l'Environnement, Mme la Présidente, était de 87 800 000 $. Et, si le ministre veut m'écouter, je vais lui faire remarquer que le budget de l'Environnement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je saluais le changement de présidence...

M. Lazure: Ah bon! Bien, je salue mon président bien humblement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...en remerciant la présidente qui a bien... (11 h 45)

M. Lazure: ...en remerciant la présidente. Je salue l'arrivée du député de Lévis, président de la commission. J'étais en train, M. le Président, d'expliquer que c'est bien beau d'avoir un projet de loi qui va avoir des dents pour les pollueurs, mais le gouvernement libéral a démontré depuis 1985 qu'il n'y croyait pas vraiment. En 1985-1986, l'année où le Parti québécois était au pouvoir, le budget d'opération était de 87 800 000 $. L'année suivante, tenez-vous bien, il tombe à 70 400 000 $, une diminution de 24 %. Le ministre n'a jamais nié ça. Les chiffres sont là, ce sont les chiffres qui nous ont été fournis par le ministre.

Alors, un gouvernement qui se dit très vert a eu le culot de diminuer de 24 % le budget d'opération et, en période électorale, là le gouvernement y croit à l'environnement, si bien que le chef de leur parti promet 50 000 000 $ dès la première année fiscale. On sait que c'a été dégonflé ce gros ballon là et que c'est à peine un tiers, même pas un tiers qui a été donné: 15 000 000 $, même pas un tiers. Ce n'est même pas réparer l'outrage qui a été fait de moins 24 % en 1986-1987.

Alors, M. le Président, il faut déplorer, encore une fois, le double langage du gouvernement actuel. Je conviens que le ministre actuel de l'Environnement fait son possible, mais il est isolé dans son Conseil des ministres. Il me fait penser à M. Clyde Wells et à M. Fil mon, il est complètement isolé. Dans le cas de son Conseil des ministres, les dissidents, ce n'est pas quelques personnes, c'est la majorité de ses collègues ministres qui sont dissidents par rapport à l'environnement. Alors, je comprends son problème, mais, à un moment donné, il va falloir qu'il fasse le choix entre ses convictions personnelles et sa solidarité avec ses collègues du Conseil.

Je doute qu'il y ait eu des consultations valables avec les municipalités, avec les groupes environnementaux, avec les individus, le milieu patronal. J'en doute. Peut-être que le ministre pourra nous expliquer quelle sorte de consultations il y a eu a date là-dessus. Heureusement qu'on va avoir ces consultations-là aujourd'hui et demain. Mais je rappelle qu'une des façons de faire de la prévention, la prévention de la pollution et la prévention de la contamination, c'est de faire en sorte que le Bureau d'audiences publiques joue vraiment son rôle. Il ne joue pas son rôle actuellement. Je le répète, c'est scandaleux, après 10 ans, l'article n, les articles pertinents ne sont pas encore en vigueur.

Je pense que ie ministre a des problèmes sérieux, parce que son sous-ministre qui est affecté au développement durable - c'était un beau geste de M. le ministre - Harvey Mead, l'ancien président de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, qui a beaucoup de crédibilité, a dit il n'y a pas longtemps, le 27 mai, et je cite: "M. Harvey Mead a dénoncé ce qu'il croit être un manque de volonté politique du gouvernement actuel sur la question du développement durable et, partant, la paralysie partielle de son ministère. Le haut fonctionnaire s'est élevé, entre autres, contre le fait que des

audiences publiques en bonne et due forme sur l'impact écologique ne précèdent pas systématiquement des implantations majeures comme des alumineries, " etc. Alors, la personne que M. le ministre est allé chercher pour rehausser la crédibilité du ministère dit, à peine quelques mois après son entrée au ministère, que le ministère n'est pas sérieux, que le gouvernement n'est pas sérieux. Alors, ce n'est pas seulement l'Opposition qui le dit. Parce qu'il va falloir augmenter le nombre des inspecteurs. Moi, je pense qu'il faut prendre avec un grain de sel les intentions très fermes du ministre de punir les pollueurs-payeurs. S'il n'y a pas de personnel suffisant pour l'inspection et les enquêtes, c'est, encore une fois, de la poudre aux yeux. Alors, la volonté politique est loin d'être là. Les pouvoirs actuels de la loi sont très larges.

Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Dix minutes.

M. Lazure: Dix minutes. Les pouvoirs sont très larges et on sent que le gouvernement a hésité et a attendu longtemps. Il attendait que ça éclate, qu'un journaliste qui fait bien son travail révèle des problèmes de plomb dans l'est de Montréal ou ailleurs, fasse une révélation. Puis, là, on intervient. Si on excepte cette augmentation des amendes et les pouvoirs accrus pour imposer la décontamination, il me semble qu'on n'a pas tellement de garanties que ce beau principe pollueur-payeur sera appliqué.

Il y a d'autres façons de faire en sorte que les propriétaires contribuent à la décontamination, que ce soit par des fonds, que ce soit par des assurances ou par des cautionnements, comme ça existe. Les agences de voyages donne des cautionnements importants pour être en affaires de sorte que, si elles font faillite, au moins le cautionnement peut être saisi. Alors, c'est une formule. Il y a plusieurs formules. Il faut faire attention que le ministre ne se réfugie pas dans une espèce de magie. Pollueur-payeur, ma loi dit que ça va jusqu'à 1 000 000 $; là, je leur fais peur et, là, ils vont arrêter de polluer. Ce n'est pas vrai. Il va encore y avoir des faillites plus ou moins frauduleuses et il va encore y avoir des petits malins qui vont utiliser les entourloupettes du droit que le ministre connaît bien, étant avocat. Ils vont utiliser ces entourloupettes-là et, finalement, le principe pollueur-payeur ne sera pas appliqué.

Alors, je demanderais au ministre d'être un peu plus ouvert et d'envisager d'autres possibilités. Je sais qu'il y a des groupes qui vont faire des propositions, même le groupe dont je viens de regarder le mémoire rapidement, le groupe des départements de santé communautaire. Mais il ne faut pas croire que ce principe pollueur-payeur va tout régler, loin de là.

Je finirai là-dessus. Qu'on appelle ça une assurance genre cotisation des entreprises comme dans le cas de la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qu'on appelle ça un fonds mutuel, qu'on appelle ça comme on voudra, une chose est certaine, c'est qu'indépendamment de la loi, indépendamment des pollueurs-payeurs il faut que le gouvernement consacre des montants importants à la décontamination des sols contaminés connus actuellement, M. le Président. Il y a au moins une soixantaine de sites qui sont connus comme étant dangereux. Ce que je déplore, c'est que le ministre ne nous ait pas présenté de plan d'ensemble: Voici où je m'en vais; le gouvernement me donne 20 000 000 $, 30 000 000 $, 40 000 000 $. Il a dépensé 50 000 000 $ à Saint-Basile, votre gouvernement; il peut bien consacrer le même montant sur, mettons, quelques années, mais qu'au moins il y ait un plan de deux ans, trois ans, et qu'on dise: C'est là où on s'en va; il existe tant de sites contaminés au Québec; on va procéder avec les plus urgents; voici lesquels vont être faits en premier. Mais on n'a pas de plan comme ça et, aussi longtemps qu'on n'aura pas de plan comme ça, le ministre aura beau nous présenter de beaux projets de loi, c'est de la poudre aux yeux.

Alors, en conclusion, M. le Président, nous sommes pour ce beau principe, mais nous disons: Ce n'est pas suffisant. Il faut que le ministre, tout avocat qu'il soit, arrête de penser en avocat et dise: J'ai besoin de pouvoirs plus grands, j'ai besoin d'une loi plus claire. Mais qu'il se souvienne qu'il a surtout besoin de bons budgets, qu'il a surtout besoin de la collaboration de ses collègues au Conseil des ministres, qu'il a surtout besoin d'un coup de pouce de son chef. J'espère que son chef va l'appuyer et j'espère aussi qu'il va rendre public, le plus tôt possible, un plan de décontamination progressif, avec le montant d'argent qui sera affecté à ce plan de décontamination. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. Effectivement, notre formation politique est aussi satisfaite de la véritable intention de cette loi, surtout qu'elle veut accorder au ministre de l'Environnement les pouvoirs nécessaires afin qu'il puisse intervenir rapidement dans des dossiers à caractère urgent. Non seulement pourra-t-il intervenir lorsque nécessaire, mais, également, le ministre lui-même devra-t-il accepter une plus grande partie de la responsabilité lorsque les choses tournent mal. Donc, la personne qui sera directement tenue responsable aura tendance à porter plus d'attention aux situations potentiellement périlleuses. Pourra-t-on éviter des désastres écologiques tels que Saint-

Basile ou Saint-Jean-sur-Richelieu? Probablement pas complètement, sauf qu'il faut permettre au public de pointer du doigt, si on veut vraiment accorder de l'importance à notre environnement.

Ceci étant dit, ma préoccupation touche également les événements passés, M. le Président. On ne peut, par exemple, laisser tomber l'affaire de Saint-Basile-le-Grand. Mark Levy doit prendre sa part de responsabilité et j'associe ma voix aux citoyens qui exigent qu'on le ramène au Canada afin qu'il puisse répondre aux accusations portées contre lui. En portant des accusations d'ordre criminel contre M. Levy, non seulement on pourrait le ramener, mais cela enverrait un message clair à tous ceux pouvant se retrouver dans des circonstances similaires. Même si M. Levy arrivait à repousser les accusations portées contre lui, le gouvernement pourrait, du moins, concrétiser des poursuites d'ordre civil pour au moins récupérer une partie des coûts qui ont découlé de cette affaire. Donc, M. le Président, l'ultime but sera d'amener M. Levy sur le territoire canadien pour faire en sorte que la justice soit rendue, au moins en partie.

Finalement, en conclusion, j'aimerais faire savoir que les montants fixés au deuxième alinéa de l'article 31.51.8 sont trop minimes. Lorsqu'on parle d'une deuxième infraction, c'est souvent le cas où la personne n'a pas compris la sévérité de son geste la première fois. Fixer le montant maximal à 1 000 000 $ pourrait potentiellement nous lier à un montant qui, dans certains cas, ne paierait qu'une fraction des dommages. N'oublions pas le cas potentiel où payer des amendes serait monétairement plus avantageux que de ne pas déverser les contaminants. Pour cette raison, je crois que le montant de l'amende maximale imposée pour une infraction subséquente ne devrait pas avoir de plafond. Les tribunaux seraient libres de déterminer le montant des dommages en tenant compte de l'aspect d'une infraction répétée.

Alors, juste en conclusion, M. le Président, nous sommes en accord avec le député de La Prairie qui dit que l'intention de ce projet de loi est bon, mais nous espérons que le ministre va amener avec lui une plus grande responsabilité au Conseil des ministres pour vraiment montrer l'importance, aujourd'hui, de l'environnement et pour vraiment montrer ses intentions au public. Merci.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, j'aimerais, avant d'entendre le premier groupe, faire le dépôt d'un document. J'ai reçu une lettre, hier, signée par M. Al ban D'Amours, de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, qui dit: "Nous avons pris connaissance du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, et souhaiterions que la commission de l'aménagement et des équipements dont vous êtes le président envisage certaines modifications à ce projet de loi." Alors, je vais faire distribuer à chacun des membres de la commission une copie de la lettre de M. D'Amours.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): m. le président, est-ce que vous me permettriez une brève réaction de deux minutes aux propos de l'opposition officielle ainsi que du parti égalité?

M. Lazure: Le temps égal ensuite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est strictement, je n'ai pas le goût... Ce n'est pas pour partir un débat, c'est pour soulever ou reprendre les principaux arguments avec un bref commentaire. Je n'ai pas pris tout mon temps tantôt.

M. Lazure: Oui, oui.

Le Président (M. Garon): Jusqu'à midi? M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux minutes, peut-être cinq minutes au maximum. L'Opposition officielle mentionne son accord quant au principe. Je tiens à rassurer l'Opposition officielle, il ne s'agit pas là d'un brouillon de projet de loi. Le projet de loi, M. le député de La Prairie, a franchi toutes les étapes: Comité interministériel de développement régional et de l'environnement, Comité interministériel du développement économique, Conseil du trésor, Conseil des ministres et, comme vous êtes familier avec ces procédures, également le Comité de législation qui a - et je tiens à le souligner - travaillé de façon très ardue pour fixer le libellé du projet de loi qui touche à des domaines de droit sur les plans civil et pénal qui sont quand même, dans certains cas, de droit nouveau, de façon à s'assurer que ce soit conforme aux chartes. Donc, dans ce sens-là, il s'agit d'un projet de loi qui a fait l'objet de beaucoup de préparation. On ne dit pas qu'il n'est pas bonifiable. Au contraire, nous avons indiqué notre ouverture, mais il ne s'agit pas non plus d'un brouillon de projet de loi. (12 heures)

Vous avez parlé tantôt des pouvoirs qui sont contenus à l'article 25 de l'actuelle loi. Le ministre est bien conscient de ces pouvoirs. Ce que je vous indique, c'est que dans les cas que nous avons vécus, comme la Balmet qui a fait l'objet d'un reportage public, de discussions sur la place publique, les pouvoirs contenus à cet article n'étaient pas suffisants pour permettre au ministre de l'Environnement d'intervenir de façon efficace. Si vous détenez des avis juridiques qui vont dans le sens contraire, nous vous saurions gré de nous les communiquer.

Vous parlez d'une possible difficulté du

ministre. Vous dites: Le ministre est isolé, et vous avez fait une comparaison avec ce qui se passait dans le cadre du débat constitutionnel du lac Meech, aujourd'hui, à Ottawa, et vous m'avez comparé à M. Wells ou à M. Filmon. Ça ne s'applique pas, le ministre n'est pas isolé. Je vous ai fait tantôt la nomenclature des comités traversés par ce projet de loi. Si j'ai été isolé, je me réjouis de retrouver à cette table le critique de l'Opposition officielle, votre équivalent au Manitoba, Mme Carstairs, peut-être M. Doer, et, comme tout le monde est d'accord, le ministre sort automatiquement de son isolement, au moins en ce qui concerne le principe du projet de loi.

Vous avez souligné et, je tiens à le dire, à juste titre, que, souvent, la meilleure façon d'agir en environnement, c'est la prévention, et vous avez rappelé l'importance de mettre en vigueur l'article 2n sur les évaluations environnementales. Je pense que les gens qui viennent nous faire des suggestions - en tout cas, je les invite publiquement à le faire - pourraient nous parler de la prévention versus l'aspect curatif. Il s'agit là d'une veine que nous tenterons d'exploiter au cours de cette commission parlementaire.

En ce qui concerne l'approche légaliste, je partage votre point de vue, les gens vont s'appliquer à tenter de déjouer le projet de loi. C'est donc important que nous puissions bénéficier de l'éclairage de tous les parlementaires autour de cette table, de l'Opposition officielle, du Parti Égalité, de façon à le tricoter le plus serré possible, de façon que, justement, ce soit le plus difficile possible.

Vous préconisez également d'autres approches, constitution d'un fonds, etc. Le gouvernement n'est pas fermé à ces approches. En matière environnementale, il n'y a pas d'approche dogmatique qui consiste à avoir trouvé la solution, c'est la combinaison de plusieurs solutions qui font en sorte qu'on en arrive à régler des problèmes environnementaux. D'ailleurs, nous nous sommes déjà associés avec le gouvernement fédéral à la création d'un fonds pour les sites orphelins, de 250 000 000 $ sur une période de cinq ans. Il y a davantage à faire et c'est dans cet esprit-là que nous entendrons les suggestions des personnes qui participent à cette commission parlementaire.

Quant au député de D'Arcy-McGee, II a repris quelques-uns de vos propos. Il a reparlé - je pense que le sujet méritait d'être "retraité" - du cas de Mark Levy. J'indiquerai au député que le ministère de l'Environnement du Québec conserve toujours les plaintes autant civiles que pénales portées contre Mark Levy, au nombre de plus de 45. Il y a un mandat d'arrestation d'émis par un juge contre Mark Levy.

Maintenant, en ce qui concerne les procédures d'extradition, vous avez raison de le souligner, ça nécessite des procédures d'ordre criminel. Le gouvernement fédéral a décidé, à un moment donné, sur le plan du droit criminel, de traiter les trafiquants de drogue avec plus de sévérité. Ça n'a pas été fait sur le plan des modifications au Code criminel quant aux gens qui enfreignent la loi, la réglementation ou qui portent des préjudices à l'environnement, tant et si bien que, avec le dossier qu'il avait, le ministre de la Justice en est venu à la conclusion... Je ne suis pas à même de questionner - je n'ai pas eu accès au dossier et je ne pense pas que le député de D'Arcy-McGee l'ait non plus - la décision du ministre de la Justice. Tout comme lui, j'aurais souhaité, comme ministre de l'Environnement, que le droit criminel et son application fassent en sorte que nous puissions sévir dans des cas comme ceux-là, et je le remercie d'avoir ramené le sujet. Je pense que c'est en ramenant ces sujets qu'on fait en sorte qu'ils ne tombent pas dans l'oubli et qu'on poursuit les démarches dans le but de renforcer le droit criminel au pays et son application par les tribunaux.

C'était là, M. le Président, les brèves répliques que j'avais à faire. Merci.

Auditions

Comité de santé environnementale des DSC du Québec

Le Président (M. Garon): J'appelle le premier groupe, le Comité de santé environnementale des départements de santé communautaire du Québec, à prendre place à la table des témoins. Le comité est représenté, selon la liste que j'ai ici, par M- Pierre Gosselin, médecin, président. Vous êtes bien M. Gosselin?

M. Gosselin (Pierre): Oui, M. Garon.

Le Président (M. Garon): Est-ce que vous êtes accompagné d'autres personnes?

M. Gosselin: Je suis seul.

Le Président (M. Garon): Alors, si je veux rappeler la procédure, tout simplement, on a une heure, jusqu'à 13 heures. Les 20 premières minutes, vous avez 20 minutes pour expliquer votre position, il y aura 20 minutes, après ça, au côté ministériel, au ministre ou à ses collègues, pour poser des questions et, ensuite, 20 minutes à l'Opposition officielle. Comme j'ai eu à subir souvent dans le passé le fait qu'on zigonnait avec ça, j'ai l'intention d'appliquer ça strictement pour que ce soit 20 minutes, 20 minutes, 20 minutes. Maintenant, si vous prenez plus de 20 minutes, vous avez le droit, à ce moment-là, mais c'est autant de temps qu'auront de moins, de part et d'autre, les deux partis pour questionner. Si vous prenez 30 minutes, il leur restera 15 minutes chacun. Si vous prenez 40 minutes, il

leur restera 10 minutes chacun. Si vous prenez 60 minutes, ils n'auront pas de minute, chacun.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, allez-y.

M. Gosselin: Si je comprends bien, il y a moyen de ne pas avoir de question, si on parle beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gosselin: D'abord, M. le Président, messieurs, mesdames, on tient à vous remercier de l'invitation à participer Ici à la consultation. Le commentaire général qu'on a par rapport à ce projet de loi, c'est que ça ne nous semble pas aller assez loin, en termes de moyens que le ministre de l'Environnement aurait pour exercer un contrôle adéquat sur les cas de contamination de sols, dont il est question.

Un premier point qu'on s'est posé, à la lecture de ça... En fait, on a plusieurs questions qu'on amène ici, qu'on soulève. Nous ne sommes pas juristes, nous ne sommes pas, non plus, politiciens, nous ne faisons pas de loi, nous sommes, en général, des médecins, des environnementalistes. Au point de vue définition, il y a un problème que nous pensons soulever, ici, en termes de définition de sols contaminés, qui nous semble apparaître dans la loi et dans le règlement qu'on nous a proposés et la définition de déchets dangereux, telle qu'elle apparaît déjà dans le Règlement sur les déchets dangereux. En ce sens qu'il y a une procédure pour déclarer un déchet dangereux, qui apparaît au Règlement sur les déchets dangereux, soit qu'il est listé à l'annexe I, soit que c'est un résidu, qui passe à travers une procédure de l'annexe II, qui est déclaré déchet dangereux. Mais, pour être déclaré un déchet dangereux, nous semble-t-il, il faut d'abord être un déchet.

On se demande si les sols contaminés, qu'on définit par cette loi et ce règlement, qui sont à l'état de projet, ça n'exclut pas de facto qu'un sol contaminé puisse être déclaré un déchet dangereux. Alors, c'est une question qu'on se pose, d'autant plus qu'avec l'exemple qu'on a eu à Montréal-Est, où il y avait des concentrations dans le sol qui étaient de 5 % à 6 %, en moyenne, 50 000, 60 000 ppm et jusqu'à 330 000 ppm, c'est du 33 % de plomb dans le sol. Ce n'est pas un sol contaminé à un bas niveau. Ça nous semble important de pouvoir considérer certains sols contaminés comme des déchets, de les traiter comme des déchets dangereux. D'autant plus que ce sont les mêmes contaminants, dans la plupart des cas, qu'on va retrouver dans les sols contaminés ou dans les déchets dangereux. La seule différence est une différence de concentration et une différence de lieu de production ou d'endroit où on retrouve ces sols-là.

Si on met un gros volume de sols contaminés à faible concentration, ça peut devenir, en termes de risques à la santé publique, l'équivalent d'un déchet dangereux de moindre volume. Alors, il n'y a pas de logique qui nous permettrait de traiter différemment un sol d'un déchet. Ça va dépendre beaucoup des concentrations. Comme on fixe des concentrations minimales, dans le projet de règlement qu'on nous soumet, il nous semble y avoir un danger de définition inhérent dans le projet de loi actuel. Je vous laisse cette question.

À l'article 31. 51c, qui nous a fait arrêter un petit peu à la lecture, on voit que le gouvernement se donne la possibilité de déterminer les normes de localisation, d'exploitation et d'entretien des sites d'enfouissement et des usines de traitement. On comprend, s'il y a des normes prévues, qu'il n'y aura pas d'examen public de ces projets de site, ou ces projets d'usine. Peut-être qu'on comprend mal, mais c'est notre interprétation. On aimerait ça être éclairés là-dessus.

Nous répétons, un peu dans le sens des commentaires précédents, à la fois de M. le ministre et du représentant de l'Opposition officielle, notre intérêt à voir l'évaluation publique se généraliser et s'appliquer à cause de sa rigueur et à cause de sa force de changement social possible. Que les examens d'impact publics soient appliqués le plus généralement possible, mais aussi, dans les projets de sols contaminés, compte tenu qu'il s'agit des mêmes contaminants et que, pour nous, dans une optique de santé publique, il peut y avoir les mêmes problèmes si le volume de sols contaminés est suffisant d'autant plus que les technologies pour traiter ça sont les mêmes. Stablex-Chem Security, dans leur projet de Valleyfield, ils ont déclaré à la commission Charbonneau qu'ils étaient très prêts à traiter les sols contaminés tout autant que des déchets dangereux. Alors, on se demande, s'il n'y a pas d'examen public et si c'est par règlement que ça se passe tout simplement et, donc, par certificat d'autorisation, si le MENVIQ ne pourra pas autoriser tout un réseau d'usines et de lieux d'enfouissement qui arriveraient au Québec et qui, éventuellement, pourraient devenir, par la bande ou encore par nouveau certificat d'autorisation modifié, des usines de traitement de déchets dangereux. Alors, soit qu'il y aurait audience publique ou qu'il n'y en aurait pas, on ne le sait pas à l'heure actuelle, mais même s'il y en a, à partir du moment où on a des usines implantées qui peuvent traiter des déchets dangereux, on se retrouve avec une influence dans la prise de décisions majeures pour l'implantation des usines de traitement de déchets dangereux. Alors, c'est un point qui nous semble important et qu'on aimerait voir préciser aussi.

Enfin, pour ce qui est des articles 31. 45 à 31. 50, on voit apparaître là une autre catégorie

d'obligations, en fait, de possibilités pour le ministre de déclarer un sol contaminé et de l'inscrire au registre. Depuis longtemps, les groupes environnementaux et nous, dans les départements de santé communautaire, lors de réprésentations antérieures, nous avons suggéré de créer quelques obligations au ministre. Je pense que ce serait de nature, éventuellement, à rehausser la crédibilité qui s'effrite de plusieurs ministères de l'Environnement à travers le monde concernant la façon dont sont gérés ces problèmes-là à l'heure actuelle. La confiance que les gens ont dans les pouvoirs discrétionnaires et leur application par les gestionnaires du gouvernement quant à la déclaration des sols contaminés, c'est beaucoup remis en doute. Alors, on pense qu'une obligation qui serait créée pour le ministre de déclarer - ce n'est pas aller très loin, je pense - c'est de faire circuler l'information, d'en avertir les gens et, au point suivant, on dira d'en avertir les autorités de santé publique et les municipalités. Que ce soit une obligation nous semble un point de bonification éventuelle.

Un des éléments principaux qui, je pense, M. le ministre - vous l'avez dit tout à l'heure - vous font proposer ce projet de loi, c'est la protection de la santé publique, un des trois points que vous avez cités. Nous pensons que l'information dont il est question ici, soit la présence de sols contaminés et à quel niveau, cette information-là devrait être accessible de façon automatique aux autorités de santé publique. Ça nous permettrait dans plusieurs cas de faire des liens entre des plaintes que nous recevons. Nous recevons régulièrement des plaintes sur l'air intérieur, et on en a encore eu ces derniers mois, ici, dans la région de Charlesbourg, de propriétaires de maisons, de cottages, de bungalows qui se retrouvent avec des problèmes d'air intérieur et on découvre par hasard qu'ils sont construits sur des sites de déchets. Nous, ça nous a pris environ deux à trois mois pour déterminer qu'il y avait des déchets là. La ville elle-même doutait, n'était pas au courant. Alors, c'est une situation où il faut nous-mêmes, comme département de santé communautaire, investiguer où sont les sols contaminés. Nous n'avons pas l'information en main. Alors, on propose qu'une obligation de déclarer soit faite au ministre pour les articles 31.45, 31.46, 31.48 et 31.50 en rapport avec le chef du DSC du territoire concerné. (12 h 15)

Le point majeur, je pense, c'est le prochain point que nous abordons, c'est celui des moyens financiers, des budgets qui vont être disponibles éventuellement au ministre de l'Environnement pour l'application du principe pollueur-payeur. Il nous semble, après en avoir parlé avec certaines personnes touchées par ça, des individus ou certaines corporations ou certaines municipalités, pour les cas où la source du contaminant n'est pas connue, que, dans le projet de loi actuel, il peut y avoir un problème majeur en transformant le propriétaire en propriétaire-payeur. Ça ne nous semble pas une façon équitable, éventuellement, de régler le problème.

Il nous semble y avoir un problème potentiel aussi dans les cas de contamination de nappes phréatiques, quand on sait ce que ça peut représenter: de 15 à 20 ans de traitement plus ou moins efficace. Le ministère de l'Environnement en sait quelque chose avec le problème de la ville de Mercier, et ces cas-là sont de plus en plus fréquents aux États-Unis. Dans une situation où les autres surfaces se dégradent de plus en plus, où il va falloir faire appel aux nappes phréatiques, aux sources souterraines, de plus en plus dans l'avenir, il est essentiel de les protéger de façon très rigoureuse et ça ne semble pas présent comme préoccupation dans l'actuel projet de loi. On propose donc - et je ne pense pas que ce soit d'aller contre le principe du pollueur-payeur - une mutuelle d'assurances de quelque forme que ce soit; ça nous semble une nécessité de se donner les moyens d'appliquer le principe pollueur-payeur. Ça nous semble plus équitable de faire payer les entreprises, de les cotiser, de les cotiser selon le risque et la catégorie d'établissement, et selon leur comportement précis, dans certains cas, ce qui n'empêche pas d'avoir des primes, des déductibles, comme on dit dans le langage courant, qu'un projet en bas de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ soit assumé directement par l'entreprise, mais, pour les cas plus graves où la compagnie déclarerait faillite, sur la simple base d'un raisonnement économique, ou pour les propriétaires individuels qui se retrouveraient avec une maison, où ils ont mis toutes leurs économies, bâtie sur un site contaminé, invendable, et avec une obligation éventuelle de décontaminer, qui se retrouveraient dans la rue et qui déclareraient faillite eux aussi. Alors, des cas comme ça. Et, en plus, je pense, une éventuelle mutuelle d'assurances comme ça permettrait, pour les cas graves, même si le pollueur est connu, d'agir de façon efficace parce que, quand le pollueur est connu, si ça coûte trop cher, on déclare faillite, c'est tout, ou il y a tout le problème du voile corporatif, des changements de compagnies à numéro, qui peut se produire.

Alors, je ne pense pas que ce soit nier le principe. C'est, je pense, donner au gouvernement les moyens d'appliquer le principe pollueur-payeur et d'ajouter de l'argent. Il faut en ajouter, ce n'est pas compliqué. On a des mutuelles d'assurances pour les automobiles quand il y a des accidents, pour le milieu du travail quand il y a des accidents, pour nos habitations quand il y a des feux, pour à peu près tout, mais on n'en a pas en environnement ou à peu près pas. Et je ne pense pas non plus que la mise sur pied d'une mutuelle d'assurances soit un problème au point de vue de la compétitivité. Ces cho-

ses-là s'en viennent partout, elles sont déjà commencées à plusieurs endroits aux États-Unis. Ce n'est pas non plus remettre en question le bien-être économique des entreprises, on ne parle pas d'augmentation faramineuse de leurs charges, probablement de l'ordre d'un point de pourcentage, ce ne sont pas des montants qui vont les jeter dans la rue.

Par ailleurs, qu'on pense à la contamination dans la chaîne alimentaire et à la protection des nappes phréatiques. M. le ministre en sait quelque chose, quant au coût de décontamination de la baie des Anglais, ce que ça peut représenter, et c'est un cas. Est-ce qu'on va mettre le Québec dans la rue pour décontaminer une baie? Alors, je pense que ce sont des réflexions qu'il faut faire et ça permettrait un peu plus d'autodiscipline. Moi, j'ai été personnellement révolté par un article, s'il est exact, du Devoir du 31 mai: Déclaration de l'Association des mines du Québec à la commission Charbonneau sur les déchets dangeureux, disant qu'il n'y a pas de besoin de règlement, qu'on est bien avec la directive du MENVIQ, qu'il n'y a pas de besoin d'évaluation publique, que les propriétaires actuels de mines n'ont pas à assumer leurs responsabilités pour les terrains achetés et pollués par d'anciens propriétaires, qu'il n'y a aucune nécessité de superfonds pour les sites orphelins. C'est vraiment trop gros et, je pense, une insulte à l'intelligence du public, quand on sait que, dès 1975, les premiers rapports du Bureau d'étude sur les substances toxiques du gouvernement du Québec déclaraient que l'Abitibi était une région sinistrée et que ça s'est redit encore récemment et qu'il ne s'est à peu près rien fait. Que l'Association des mines dise ça, bien, elle n'est pas rendue loin, puis je pense qu'il faut commencer à la faire bouger un peu.

Je ne suis pas partisan non plus des amendes élevées que vous proposez dans votre... Nous ne sommes pas, en fait - je représente un ensemble de départements de santé communautaire - partisans des amendes élevées pour la bonne raison que les recherches scientifiques faites là-dessus montrent que, quand les amendes sont trop élevées, les juges ne les appliquent pas et ne sont pas portés à condamner des gens qui, par ailleurs, sont souvent connus d'eux-mêmes parce que président de compagnie ou de corporation, de la même classe sociale, du même monde avec qui ils sont allés à l'école souvent. C'est une réaction bien humaine, qui est compréhensible et qui est démontrée par les études scientifiques dans le domaine du droit.

On propose ensuite quelques modifications d'articles qui sont quelques questions, en fait, qui nous viennent. Concernant 31.43, pour les situations de déversement, on se demande si ça pose problème. Est-ce que des manoeuvres de labourage ou de terrassement des sols ne dilueraient pas la concentration éventuelle d'un contaminant? Et quelques modifications mineures à 31.51b et à divers articles. Un ajout à l'article 10, que les municipalités puissent demander, en vertu de 117 de la Loi sur la qualité de l'environnement, de faire enquête, demander au ministre de faire enquête et de proposer que, les dommages à la santé, on n'attende pas qu'ils soient présents, comme le dit l'article 117, mais que la présence de risques puisse être suffisante.

On a survolé aussi le projet de règlement qui nous a été envoyé par le sous-ministre du ministère de l'Environnement. On a quelques questions que nous nous demandons, des diminutions de critères par rapport à la politique de 1988. Le plomb, par exemple, qui augmente à 500 ppm. Même si la plupart des études médicales aujourd'hui nous disent que de très petites concentrations ont des effets sur le développement psychologique et moteur des enfants, on enlève six métaux de la liste, trois d'entre eux ont des propriétés toxiques reconnues, quand on pense au molybdène, au cobalt, des choses comme ça. Ça nous semble difficile à expliquer scientifiquement. On aimerait ça éventuellement que le ministère de l'Environnement se prononce là-dessus. Il n'y a pas non plus de normes dans les produits chlorés. Il n'y a pas de normes ou de critères d'action concernant les dioxines et les furannes. Alors on aimerait ça savoir si le ministère a l'intention éventuellement de proposer un critère d'action pour les dioxines et les furannes.

Pendant qu'on est ici - on est un groupe qui est souvent consulté sur les projets de règlement et à l'occasion sur les projets de loi - j'aimerais faire part au ministre de l'Environnement d'un problème que nous avons souvent et qui, je pense, est chronique au ministère de l'Environnement, remarquez que ça peut exister ailleurs aussi, mais c'est qu'il n'y a jamais de document explicatif qui justifierait la logique derrière les propositions qui sont faites, propositions de règlement. Il n'y a jamais de logique scientifique d'exposée par rapport aux propositions qui sont faites et c'est encore le cas cette semaine. La semaine dernière, le 30 mai, on recevait le projet de règlement de M. Trudeau, votre sous-ministre, disant que ça devrait nous aider, ce projet de règlement là, à préparer notre intervention d'aujourd'hui. Ça nous aide mais ça nous soulève davantage de questions, en ce sens qu'on ne comprend pas les points que je vous ai soulevés et qui pourraient être très bien... Il faut, à un moment donné, qu'il se fasse une réflexion dans un ministère et il serait intéressant qu'elle soit rendue publique pour les gens qui ont à se prononcer là-dessus, la logique interne de ces projets de règlement là. Un peu comme le fédéral l'a fait en publiant sa justification pour la dioxine dernièrement; il explique comment il en vient à ça. Comme le gouvernement américain fait, et ce serait une

pratique, je pense, intéressante dans le cas du domaine des normes environnementales aussi.

Alors on a beaucoup de questionnement, en résumé, par rapport à ce projet de loi là. On pense que les moyens que le ministre aurait ne nous semblent pas suffisants, ne nous semblent pas nécessairement adéquats non plus pour régler le problème et on apprécierait avoir réponse à certaines interrogations, et on a suggéré quelques améliorations. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le ministre, vous avez 20 minutes pour questionner le Dr Gosselin.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je veux remercier le Dr Gosselin de sa présentation, ainsi que le Comité de santé environnementale des DSC du Québec. En matière environnementale, il s'agit, pour le ministère de l'Environnement, d'un partenaire, en tout cas en période de crise. Il serait souhaitable que ce soit également un partenaire en période de prévention des crises.

Je vais tenter, dans un échange, de vous donner les premières réactions. Nous avons pris connaissance de votre document ce matin. Vous soulevez des points techniques qui vont nous demander une réflexion à l'interne sur laquelle nous pourrons vous revenir ultérieurement. Les premières réactions au paragraphe ou au chapitre 2, la confusion dans les définitions; sols contaminés versus déchets dangereux. Il n'était pas de l'intention du législateur de considérer les sols contaminés comme déchets dangereux malgré les hautes concentrations auxquelles vous avez fait référence, comme dans le cas de l'est de Montréal.

La politique du fait accompli, au chapitre 3: Les pouvoirs réglementaires prévus à l'article 31.51c donneraient au gouvernement la possibilité de déterminer les normes de localisation, d'exploitation et d'entretien des sites d'enfouissement, etc., sans audiences publiques, même si ça nécessite, comme vous le soulignez à juste titre, un certificat d'autorisation. Il n'y a rien dans cet article qui modifie la pratique actuelle quant à la tenue d'audiences publiques ou pas. Cet article-là n'affecte pas tout cet aspect important que vous soulevez de l'installation de sites de destruction ou de sites d'enfouissement. Les évaluations environnementales ne sont pas affectées quant aux règles du jeu par l'adoption del'artice31.51.

Quatrième chapitre, l'absence d'obligation du ministre de déclarer. Vous avez raison, l'article de loi se lit: "Le ministre peut", et non pas: "le ministre doit". Il s'agit d'un pas qui est fait. Le ministre ne le faisait pas avant. C'est un nouveau pouvoir qui est ajouté. Est-ce qu'on devrait modifier le pouvoir en obligation? Vous êtes dans une situation d'analyse, de balance d'inconvénients. Si le ministre doit, et que le ministre a une responsabilité absolue quant aux sols contaminés de l'ensemble du territoire du Québec, quel que soit le ministre, quels que soient les outils qui soient mis à sa disposition, il s'agit quasiment d'une mission impossible que d'identifier tous les sols contaminés, de quelque catégorie que ce soit et de quelque niveau de contamination que ce soit, dans l'ensemble de la province de Québec, à moins qu'on puisse m'indiquer une façon pratique et technique par laquelle un ministre de l'Environnement pourrait assurer cette obligation. Maintenant, le fait d'accorder un nouveau pouvoir fait en sorte que le ministre va pouvoir l'utiliser là où il le sait. Il y a peut-être entre les deux, entre le "peut" et le "doit", un chemin mitoyen qui pourrait être rencontré. Mais en faire une obligation absolue pour quelque ministre que ce soit, ce serait tenter de convertir un pas dans la bonne direction en un saut dans, possiblement, un précipice.

M. Lazure: Ça prend de l'audace.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ça prend de l'audace, mais, lorsque vous connaissez la profondeur du précipice, des fois l'audace peut se transformer en...

M. Lazure: Le précipice de vos collègues. Le Président (M. Garon): En témérité.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...témérité suicidaire, M. le Président. L'absence des autorités de santé publique, au chapitre 5, vous touchez là un point qui nous apparaît essentiel. La seule question que je vous réadresserais: Est-ce qu'on se devrait de limiter le souhait que vous manifestez de voir incorporer une obligation dans la loi pour le ministère de l'Environnement de communiquer des renseignements aux autorités en matière de santé? Est-ce qu'on devrait le limiter aux sols contaminés ou si ça ne devrait pas exister pour l'ensemble des situations où il y a des substances dangereuses? Et là, je vous pose bien humblement la question.

M. Gosselin: Vous voulez une réponse tout de suite?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bof! Vous pouvez prendre note...

M. Gosselin: Je préférerais peut-être attendre tous vos commentaires...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.

M. Gosselin: ...et répondre à quelques autres points en même temps.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.

Le Président (M. Garon): Oui, mais vous prenez un risque.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gosselin: O.K. Lui, il est là pour m'ai-der. (12 h 30)

Le Président (M. Garon): C'est parce que, au bout de 20 minutes, je suis obligé de changer de côté.

M. Gosselin: O.K. Je suis d'accord avec vous, c'est uniquement qu'il s'agit du projet de loi sur les sols contaminés. On commence par là et, éventuellement, ça devrait s'appliquer à d'autres situations, que ce soient les déchets dangereux ou d'autres substances ou centres de transfert. Je suis entièrement d'accord avec vous que l'obligation de déclarer s'applique à d'autres substances. Je voudrais préciser que, dans notre tête, l'obligation de déclarer ne porterait que sur les cas dont le ministre a connaissance. On ne demande pas au ministre de faire un échantillonnage de tous les sols du Québec pour déterminer s'ils sont contaminés ou pas. C'est vraiment ceux dont il a connaissance, a l'occasion d'un événement, d'une reconversion de quoi que ce soit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Je tiendrais peut-être à préciser là-dessus que, sans que ce soit une obligation légale - je n'ai pas d'objection, au contraire, c'est une proposition sur laquelle on va se pencher très attentivement - sans que ce soit prévu de façon obligatoire dans la loi, le gouvernement du Québec, depuis 1988, publie la liste de tous les sites de déchets dangereux qu'il a identifiés dans la province de Québec, de catégorie 1. Comme le faisait remarquer le député de La Prairie dans ses notes préliminaires, vous en avez plus d'une soixantaine, 67 ou 68, qui sont identifiés comme étant dangereux. Nous sommes à remettre à jour cette liste. Elle devrait être remise à jour d'ici à la fin de la session.

Ce qu'il faut comprendre également, et nous l'avons peut-être vécu partiellement dans le cas de l'est de Montréal, il n'est pas facile de changer une façon d'agir d'un ministère qui avait comme tendance de garder des choses secrètes en un ministère qui les communique, finalement, aux autres ministères et à la population. J'avais attiré, la semaine dernière, en commission parlementaire, l'attention du député de La Prairie sur des déclarations d'un de mes prédécesseurs, qui, sans doute, reflétait la mentalité de l'époque, à qui celle qui m'a précédé, Mme Bacon, demandait que soit communiquée la liste des sites contaminés, et le ministre de répondre en Chambre: Nous faisons effectivement le type de relevés dont parle Mme la députée de Chomedey, excepté que nous ne les rendons pas nécessairement publics pour éviter d'ameuter la population.

Je pense que cette façon de procéder qui existait en 1983 au ministère de l'Environnement du Québec a évolué vers peut-être une plus grande ouverture, mais qui n'est peut-être pas encore suffisante. Et si on peut, en incorporant dans la loi des obligations légales, contribuer à modifier ces mentalités, nous retiendrons ce type de suggestion.

L'absence de mécanisme fiable de paiement. Là, vous soulevez toute la question de l'application du principe pollueur-payeur et des diverses méthodes d'intervention que nous pourrions avoir. J'ai indiqué tantôt que nous avions déjà une entente avec le gouvernement fédéral de 250 000 000 $ sur cinq ans pour les sites dits orphelins. Mais H faut être conscients qu'on ne souhaite pas que tous les sites deviennent orphelins, c'est-à-dire que les parents s'en départissent de façon volontaire dans des compagnies à numéro de façon que ce soit l'argent des contribuables qui serve à défrayer. À partir du moment où vous pouvez faire le lien avec le responsable de la source de contamination, vous lui créez l'obligation de décontaminer; vous avez une application pure, à ce moment-là, du principe pollueur-payeur. Du moment où vous demandez à celui qui est propriétaire d'un terrain contaminé, mais sur lequel vous ne pouvez pas faire la preuve que la contamination découle de ce propriétaire, vous entrez dans une autre catégorie. Là, nous sommes d'accord avec vous qu'il vaut la peine d'évaluer quelles sont nos méthodes d'intervention. Mais si on s'éloigne du libellé actuel du projet de loi, et c'est là la crainte que je vous exprime et j'aimerais vous entendre là-dessus, est-ce que vous ne craignez pas qu'on assiste à beaucoup de transactions? Si on crée un fonds de décontamination payé, et je n'exclus pas la possibilité de le faire, mais la personne qui sait qu'elle l'a contaminé, présentement, vous ne pensez pas qu'elle peut être...

M. Gosselin: C'est que, dans notre idée, de toute façon, s'il y a un terrain très contaminé et que ça peut coûter très cher à la compagnie, dans sa logique, tout simplement, si ça coûte trop cher, elle va déclarer faillite et s'en départir après avoir vidé la place de son mieux. Je pense que n'importe qui qui a des biens va essayer de faire ça. Le ministère se retrouverait éventuellement le créancier privilégié d'une usine vide avec une facture de plusieurs millions pour décontaminer le site en question. Alors, ça peut être rentable de le faire dans le centre-ville de Montréal éventuellement, parce que le terrain vaut très cher, mais dans une optique de santé publique je ne pense pas que ce soit intéressant de le faire un peu partout, ou aux alentours de Montréal, sur la rive sud ou même à d'autres endroits comme à Montréal-Est, où on se retrouverait dans des situations où ce ne serait plus une compagnie qui serait en faillite, mais une municipalité, éventuellement.

Alors, si on veut avoir les moyens pour tous les cas où il y a un problème de santé publique éventuel et pour tous les cas où les nappes phréatiques sont menacées, et là, je pense que c'est un point très important... Des nappes phréatiques - une fois que c'est contaminé - ce n'est pas une rivière, c'est quasiment impossible à polluer de façon pratique à moins d'y mettre 20 à 30 ans et c'est des coûts énormes. Si on ne les protège pas, c'est malheureux, on ne peut pas les soigner après. Comme en sont rendus nos cours d'eau et nos sédiments des eaux de surface à l'heure actuelle, on n'a pas tellement le choix que de les protéger de façon efficace, d'où notre proposition d'un fonds d'assurance et la proposition incidente de tout à l'heure à l'effet d'avoir un déductible, en quelque sorte, qui ferait en sorte que les compagnies ne seraient pas nécessairement incitées à déclarer faillite.

De toute façon, il va y avoir beaucoup de transactions et je pense que le ministre est mieux d'avoir une caisse avec des fonds dedans qu'un ensemble de compagnies en faillite avec des usines vides. C'est ça qui va arriver.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Déjà, votre suggestion est en partie retenue avec le fonds fédéral-provincial. Vous avez une loi en additionnel et ces mouvements-là, comme je l'ai dit tantôt, ce n'est pas une approche qui est dogmatique: une loi et ça règle tout. Le fonds qui a été créé va faire oeuvre utile. La loi devrait normalement faire oeuvre utile et possiblement que nous devons avoir d'autres moyens également, comme vous le mentionnez.

Vous faites des propositions très spécifiques quant à certains articles au chapitre 7. Rapidement, une réaction à l'article 10 où vous dites: "Ajouter "ou une municipalité": elles ne peuvent, à l'article 117, demander une enquête au ministre", etc. Celle-ci, au premier abord, nous apparaît très intéressante. Les autres, nous prendrons le temps de les évaluer.

Vous intervenez en parlant, aux chapitres 8 et 9, à la fin de votre mémoire, de toute la procédure de consultation. Souvent, les commissions parlementaires de l'Assemblée nationale sont saisies de projets de loi sans que les règlements accompagnent les projets de loi. Nous avons fait des efforts - et je vous le dis - pour que cette étape-là soit franchie dans le cas du projet de loi qui est devant nous. Vous nous invitez à faire des efforts additionnels en matière environnementale, parce que nous sommes dans des domaines très techniques, scientifiques, qui font appel à plusieurs notions, pour produire un document explicatif qui sous-tend notre logique réglementaire. Je pense qu'à cause de la complexité du domaine vous avez raison de le demander au ministère de l'Environnement. Ce que je dis, c'est que nous avons fait un pas en vous produisant les règlements. Je pense qu'il serait souhaitable que nous vous produisions également la logique qui sous-tend toute la réflexion qui est faite à l'interne, au ministère de l'Environnement du Québec, et nous vous remercions d'avoir soulevé ce point. C'est tout pour l'instant, M. le Président.

M. Gosselin: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie, au nom de l'Opposition officielle.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je me réjouis d'avoir proposé au ministre de l'Environnement d'inviter les représentants des départements de santé communautaire, parce que leur mémoire est rempli de bonnes suggestions, de commentaires pertinents, surtout si on se rend compte qu'ils ont eu à peine quatre ou cinq jours pour préparer leur mémoire. J'espère que le ministre va donner des directives bien claires dans son ministère pour que les suggestions qui sont rattachées au mode de fonctionnement des consultations, ce soit modifié le plus tôt possible. À cet égard, j'aimerais aussi, M. le Président, que le ministre dépose à la commission les textes de projets de règlement. Il y en a un, deux ou trois?

Une voix: II y en a un, un seul, oui.

M. Lazure: Un seul à date? Il va y en avoir combien?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, selon le nombre de suggestions positives qui nous seront faites, s'il y a moyen de bonifier le projet de règlement, nous le bonifierons, mais pour le moment le ministère a préparé un projet de règlement qu'il a fait parvenir aux parties. On s'excuse, M. le député de l'Opposition.

M. Lazure: On n'en a pas eu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On plaide coupable et on plaidera sur la sentence tantôt.

M. Lazure: On est encore plus mal partagés que vous, chers collègues médecins. L'Opposition va...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un oubli impardonnable, docteur.

M. Lazure: Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et une copie pour M. Libman également.

M. Lazure: Bon. Je vais réagir à certaines des suggestions. D'abord, juste une autre remarque préliminaire et j'en viens ensuite aux suggestions. Le ministre nous parle encore d'un de ses prédécesseurs qui aurait dit en 1983: II ne

faut pas renseigner le public. Mais je lui donne une référence encore plus récente que ça. C'est en 1989 que le président du Bureau d'audiences publiques, le BAPE, le bon Dr Goldbloom...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous faites de la politique, là.

M. Lazure: Non, je vous mets à date, parce que c'est en 1989 que le Dr Goldbloom, exministre libéral, avait dit publiquement: II ne faut pas donner trop de renseignements à la population en matière d'environnement; il ne faut pas l'inquiéter. Heureusement, sa collègue, à l'époque, l'a congédié de façon assez radicale, assez rapide.

Ceci étant dit, revenons aux bonnes suggestions des départements de santé communautaire. La question de ce qui doit être considéré comme déchets dangereux, qui est soulevée par les DSC, les sols contaminés, je pense que c'est tout à fait pertinent et il faudrait, à cet égard, qu'on puisse augmenter le nombre des substances qui sont assujetties au règlement sur les déchets dangereux.

Maintenant, les sites et les usines aussi, nous pensons que les départements de santé communautaire ont tout à fait raison, il faudrait que ce soit soumis aux examens publics. L'obligation du ministre d'aviser les autorités médicales, ça me paraît fondamental, parce qu'en réponse à des questions à l'Assemblée nationale, souvent, le ministre - c'est un peu confus - dit: Ce n'est pas à nous de faire ça; c'est aux autorités médicales à faire ça. Si le ministre, dans la loi actuelle - et il faut le faire, puisqu'il s'agit d'une nouvelle loi; il faut nettement que le ministre ait l'obligation de déclarer aux départements de santé communautaire, je dirais aux autorités médicales et aux autorités municipales, ces situations-là - si ça avait existé dans la loi actuelle, le ministre aurait été saisi, par exemple, du rapport de caractérisation qui avait été commandé par la Défense nationale, et que son ministère avait depuis janvier dernier, sur les sites contaminés au plomb dans l'est de Montréal et lequel rapport n'a pas été communiqué au département de santé communautaire à venir jusqu'à ces jours derniers. Le ministre, apparemment, n'était pas au courant de ce rapport-là. Apparemment. Mais si la loi lui faisait obligation de le communiquer, à plus forte raison, ses fonctionnaires se sentiraient obligés de le communiquer à lui. Alors, on rendrait service au ministre si on lui donnait cette obligation-là.

Les nappes phréatiques. Il va falloir trouver une façon d'inclure les nappes phréatiques dans l'objet de ces nouvelles obligations. Quant aux nonnes qui semblent vouloir être visées dans le projet de règlement qu'on n'a pas encore étudié - on va le regarder - celles qui touchent le plomb, ça saute aux yeux, je ne sais pas si le ministre avait vu ce changement-là, mais ça paraît complètement contraire aux tendances actuelles. Dr Gosselin nous l'a dit tantôt, la tendance actuelle est non pas d'augmenter la quantité de plomb, mais de diminuer la quantité au-delà de laquelle ça devient dangereux.

Sur la question du fonds d'assurance, le ministre répond: Oui, il y a déjà un début avec le fonds fédéral-provincial. Mais le fonds fédéral-provincial pour la décontamination des sites orphelins, ce n'est pas ce dont parlent les départements de santé communautaire. C'est autre chose. Le fonds fédéral-provincial, c'est notre argent, l'argent des contribuables, ça. (12 h 45)

Alors, le fonds d'assurance qui est proposé par les DSC, c'est plutôt des fonds perçus auprès des entreprises qui sont susceptibles de polluer l'environnement. Et il me paraît qu'il faut vraiment introduire ce principe dans la loi, même si ça doit retarder l'adoption du projet de loi. De toute façon, on sait maintenant, par les journaux de ce matin, que le ministre va avoir de la misère à faire adopter son projet de loi au Conseil des ministres. Le principe n'est pas accepté encore par l'ensemble du Conseil des ministres. Alors, on peut lui suggérer, comme vous le faites, les départements de santé communautaire, d'introduire le mécanisme d'un fonds d'assurance et des sommes d'argent perçues auprès des entreprises qui sont polluantes pour l'environnement. Sinon, bien, ce sont les fonds publics qui seront toujours en cause et, quand un gouvernement ne met pas la priorité véritable sur l'environnement, ces fonds publics se font attendre.

Alors, M. le Président, je crois que les représentants des départements de santé communautaire nous présentent un mémoire que l'Opposition serait prête à endosser presque intégralement. Nous pensons que les autorités de la santé doivent être constamment impliquées. Le ministre disait tantôt: Nous collaborons avec les départements de santé communautaire dans les cas de crise. C'est vrai et c'est eux, finalement, qui jouent un grand rôle dans ces situations de crise, mais il va falloir que ces experts - ils en font la preuve ce matin - soient consultés beaucoup plus régulièrement par le ministère de l'Environnement. Il va falloir que le ministre fasse un gros travail auprès de ses fonctionnaires pour qu'arrête cette division entre Environnement d'un côté et Santé de l'autre côté. Il y a encore des vieilles batailles de clocher qui se font depuis des années entre les ministères, entre les fonctionnaires de ces deux ministères. Je pense que le pont idéal - ils ont fait leurs preuves maintenant, depuis quelques années -pour faire rejoindre ces deux ministères-là, ce sont vraiment les départements de santé communautaire. Moi, je veux remercier les représentants des départements de santé communautaire et les féliciter pour leur excellent mémoire. Merci, M. le Président.

Juste une petite... Il me reste encore du temps. L'article 31. 51, à la page 5 du mémoire: Le règlement devrait déterminer les activités dont l'exercice est susceptible de contaminer le sol. Je n'ai pas entendu le ministre réagir à ça. Ça me paraît bien important. Moi, j'endosse ça. Cet élargissement qui est proposé, est-ce que le ministre est sympathique à cette idée? Même chose pour l'article 10, toujours à la même page, ajouter "ou une municipalité". Ce sont deux ajouts très ponctuels qui m'apparaissent importants. Est-ce que le ministre pourrait... Je lui donne une partie de mon temps pour réagir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est trop de générosité. J'ai déjà réagi quant à l'article 10 en vous indiquant qu'au premier abord, il semble s'agir d'une proposition intéressante. Quant à l'article 31. 51b, vous avez une réflexion à savoir si vous déterminez les activités dont l'exercice est susceptible de contaminer le sol ou si vous fixez des normes de contamination du sol, quelles que soient les activités qui y sont conduites. Votre recherchiste m'indique...

M. Gosselin: M. le Président, là-dessus, c'est tout simplement que l'article actuel dit: Des activités qui contaminent le sol. Ça nous semble un peu présomptueux de déterminer qu'une activité contamine directement, à tout moment et en tout temps le sol. Alors, on proposerait tout simplement de dire: Est susceptible de.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez! Est-ce que vous voulez répéter la fin, s'il vous plaît? Vous proposeriez...

M. Gosselin: C'est que la formulation actuelle, si je ne me trompe pas, dit: Qui contamine le sol.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dont l'exercice contamine le sol.

M. Gosselin: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O. K.

M. Gosselin: Alors, si une entreprise se comporte bien et fait attention, elle ne contaminera pas nécessairement le sol.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O. K.

M. Gosselin: C'était tout simplement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.

M. Gosselin:... dans ce sens-là.

M. Lazure: Elle contamine, mais est susceptible de contaminer, finalement, les deux.

M. Gosselin: Bien sûr.

Le Président (M. Garon): Alors, vous avez terminé.

M. Lazure: J'ai terminé, M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'ailleurs, peut-être une précision à l'article 31. 51. Le règlement comme tel, il y a un ajustement à faire entre la loi et le règlement parce que le règlement, à son article 3, dit: Pour les fins de l'application du deuxième alinéa de l'article 31. Les activités suivantes sont considérées comme susceptibles de contaminer le sol. Il y a peut-être un ajustement, une précision à apporter sur le plan de la rédaction.

M. Lazure: En fait, juste une question, M. le Président. Dans cette optique de "susceptible de", je demande au ministre et aux représentants des départements de santé communautaire peut-être de réagir. Est-ce qu'une accumulation de pneus, genre Saint-Amable ou Franklin, ça peut devenir quelque chose susceptible de contaminer? Il paraîtrait que oui.

M. Gosselin: L'expérience du dernier incendie a montré que ça contamine le sol quand ça brûle, oui. Ça me semble une évidence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dès qu'ils sont déposés sur le sol, sans être l'objet d'un incendie, le ministère n'a pas découvert de contamination ni du sol, ni de la nappe phréatique. À partir du moment où vous avez un incendie et qu'il se dégage, par le procédé de la pyrolyse, des huiles qui sont rejetées sur le sol, il y a contamination du sol et, si vous êtes dans un endroit qui est propice à la contamination de la nappe phréatique, vous aurez également une contamination de la nappe phréatique.

M. Gosselin: Si je peux me permettre, je veux rappeler que le règlement réglemente les activités et non pas les objets. si on dit que l'activité qui consiste à stocker des pneus est susceptible de contaminer le sol à cause d'une situation, ça devrait être couvert, à ce moment-là.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: J'aurais une question à poser au Dr Gosselin. Sur le détail de fixer un plafond sur les montants accordés dans la loi pour les infractions commises, et particulièrement contre une infraction subséquente, quels sont vos commentaires là-dessus, sur le fait de fixer un plafond pour le montant?

M. Gosselin: Je pense que de fixer un

plafond peut ne pas respecter la capacité d'une entreprise de payer une amende. Dans ce sens-là, c'est un peu se tirer dans le pied que de fixer un plafond. Il y a peut-être des considérations dont je ne suis pas conscient qui amènent à fixer ça, c'est peut-être des habitudes. Je répète que je n'ai pas une confiance très grande dans les amendes et dans la police, c'est plutôt dans un mouvement de société qui vise à faire payer aux entreprises le coût réel que je trouve une solution de ce problème-là.

M. Lazure: m. le président, pourquoi le ministre change-t-il la norme sur le plomb dans sa nouvelle liste? il met 500 milligrammes par 1 kilo.

Le Président (M. Garon): Votre question s'adresse à qui?

M. Lazure: Au ministre.

Le Président (M. Garon): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'explication qu'on me donne, à partir de la Direction des substances dangereuses du ministère de l'Environnement, on dit: Norme pour le plomb: Nous avons modifié la norme suite à l'expérience de la Balmet et suite aux conclusions de la commission royale d'enquête sur le plomb qui fixe la norme à 500 parties par million. D'ailleurs, le DSC du Haut-Richelieu et le Centre de toxicologie du Québec sont en faveur de cette modification.

M. Gosselin: Je peux vous dire que d'autres DSC présentement touchés par de telles contaminations ne sont pas en faveur de ça.

M. Lazure: Ça prendrait peut-être d'autres consultations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour ça que la commission tient des consultations.

M. Lazure: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous lis la note que la Direction des substances dangereuses m'a communiquée.

J'aurais peut-être une question, justement, qui touche le fonctionnement de divers DSC. On sait que les DSC fonctionnent de façon autonome, si je peux utiliser l'expression. Dans le cas de l'expérience vécue à la Balmet à Saint-Jean-sur-Richelieu, nous avons, au ministère de l'Environnement, procédé à la caractérisation de l'échantillonnage, etc., et, pendant que nous procédions à cette caractérisation et à cet échantillonnage, le DSC de Saint-Jean-sur-Richelieu a procédé à des tests de sang qui ont révélé, d'ailleurs, des taux de plombémie assez élevés chez les enfants. C'est une expérience, on ne peut jamais dire identique, mais qui a affaire à la même substance. Dans l'est de Montréal, le DSC demande au ministère de l'Environnement de procéder à de l'échantillonnage de terrain, il s'agit du DSC Hochelaga-Maisonneuve, dans ce cas-là. Il décide d'attendre le résultat des analyses du ministère de l'Environnement avant de procéder aux prises de sang comme telles chez des clientèles qui sont plus à risque. Je ne sais pas si vous connaissez suffisamment bien les éléments contenus aux deux dossiers pour expliquer des décisions qui peuvent apparaître, qui ne le sont peut-être pas, mais qui peuvent apparaître divergentes à quelqu'un qui n'est pas médecin.

M. Gosselin: II peut y avoir quelques raisons. La première, c'est la proximité avec les terrains contaminés. Je pense qu'à Saint-Jean c'était évident qu'il y avait proximité immédiate, alors que ce n'est pas évident à Montréal-Est. L'autre chose, c'est la durée d'intoxication éventuelle. À Montréal-Est, on ne peut pas dire que ce soit une urgence, non plus. Ça fait probablement au-dessus de 10 ans que la contamination est arrêtée, si mes informations sont exactes, Balast Canada Metal. Alors, on peut réagir différemment qu'avec une entreprise où il y a plein d'enfants et que ça date de deux ans. Le troisième, je pense que c'est le contexte électoral qui peut amener à des décisions différentes pour des raisons politiques.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En fonction des DSC?

M. Gosselin: en fonction du ministère de la santé qui, je vous le rappelle, était impliqué dans ce dossier-là, aussi, et qui peut suggérer aux dsc de prendre certaines décisions plus préventives.

M. Lazure: M. le Président...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je maintiens la question, là, moi. Vous me dites que le DSC, parce que c'est important comme décision - je me place un petit peu dans la position, peut-être, de façon théorique, d'un parent qui demeurerait à proximité ou qui aurait un enfant qui fréquenterait l'école, que ce soit à Saint-Jean-sur-Richelieu ou que ce soit dans l'est de Montréal - que la décision médicale serait différente si vous étiez en campagne électorale ou si vous n'étiez pas en campagne électorale...

M. Gosselin: Non, la décision va être la même, mais la rapidité d'application de la prise de sang pourra être différente. C'est en ce sens qu'à Saint-Jean-sur-Richelieu, étant donné qu'on était en pleine campagne électorale, on a décidé de procéder immédiatement, quitte à élargir les

zones d'investigation en cours de route, ce qu'on a fait. Alors qu'à Montréal-Est on pourra se retrouver à déterminer, d'ici quelques semaines, la grandeur des zones d'investigation, suite aux résultats qu'il y a dans le sol.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous me dites, et corrigez-moi si ce n'est pas exact, j'interprète a contrario vos paroles, si nous étions en campagne électorale, le DSC Hochela-ga-Maisonneuve procéderait à des prises de sang présentement dans l'est de Montréal?

M. Gosselin: M. le ministre, je pense que ce n'est pas... Ce que je vous ai dit tout à l'heure, tout simplement, c'est qu'il n'y a pas une urgence à procéder à ça, ça peut attendre quelques jours ou quelques semaines, afin de faire une bonne enquête épidémiologique, c'est le cas, et que, tout simplement, il a pu y avoir de ces éléments-là, comme troisième facteur possible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous me dites, c'est que, médicalement, vous ne trouviez pas d'urgence, ni à Saint-Jean, ni dans l'est de Montréal.

M. Gosselin: Je n'ai pas dit ça du tout.

M. Paradis (Brome-Missisquoi)' J'essaie de déterminer...

M. Gosselin: Je vous ai dit, tout simplement, que, pour préparer un plan d'enquête épidémiologique, on peut prendre le temps d'avoir des données de sols, près des résidences, pour essayer d'évaluer le risque et quelles résidences sont à risque, donc, déterminer chez qui on va faire des prélèvements, à Montréal-Est. C'est ça qui est en train de se faire à l'heure actuelle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, moi, j'essaie de décoder une de vos réponses, et je ne veux pas, là, vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, ni prêter d'intention, je tente de bien comprendre ce que vous nous dites, à cette commission parlementaire. Si j'ai soulevé la question, comme ministre, c'est parce que la réaction m'est apparue de loin, et sans être médecin moi-même, différente dans le cas du DSC Saint-Jean-sur-Richelieu et dans le cas du DSC Hochelaga-Maisonneuve. Parce qu'à Saint-Jean-sur-Richelieu on a décidé de procéder sans attendre les résultats de caractérisation et d'échantillonnage du ministère de l'Environnement du Québec, on a décidé de prendre des tests de sang chez les enfants, qui ont révélé des taux de plombémie, et on a décidé d'agir de façon, ce qui m'est apparu, urgente. Dans le cas de Montréal-Est, qu'est-ce qui justifie, ou qui semble justifier ce qui m'apparaît être une procédure différente, c'est-à-dire que, dans ce cas-là, on attend que le ministère de l'Environnement ait terminé l'échantillonnage et la caractérisation avant de procéder? Moi, juste comme député, comme humain, il m'apparaît que la première préoccupation, c'est important de savoir si les terrains sont contaminés. C'est également plus important de savoir, dans un premier temps, et le plus rapidement possible, si les enfants ont du plomb dans le sang. Il me semble que c'est la priorité des priorités dans ces circonstances-là.

M. Gosselin: Ça fait référence, M. le ministre, tout simplement, au fait que le plomb s'absorbe principalement chez les enfants qui sont exposés à des poussières et qui se mettent de la terre dans la bouche en jouant sur des sols. C'est le mode principal. Dans la situation de la Balmet, on avait, directement à côté, des enfants qui jouaient sur des terrains contaminés et on pouvait déterminer d'emblée que ces enfants-là étaient probablement contaminés, à cause d'expériences similaires vécues ailleurs. Donc, on a pu procéder directement aux prises de sang.

Je vous rappelle qu'il s'agit d'une intoxication chronique, suite à des expositions sur de longues durées. Alors, tout ce que j'ai dit et qui vous a fait sursauter, c'est qu'un délai de quelques jours ou de quelques semaines ne changera pas beaucoup de choses au dossier et qu'il peut être normal, en dehors d'un contexte électoral, de prendre un peu plus de temps pour prendre la décision. C'est ça que je vous ai dit comme facteur possible de décision. Je ne le sais pas si c'a joué, je n'étais pas là. Je vous ai dit: comme facteur possible, ça peut très bien jouer. Il ne faut pas être naïf. Il y a beaucoup d'examens qui peuvent se décider parce qu'il y a une pression politique. Ça se fart couramment. Je ne vous apprends rien de nouveau ce matin. Je ne pense pas.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: M. le Président, j'ai écouté les questions du ministre et les réponses du représentant des départements de santé communautaire et je comprends très bien les réponses. Le ministre a un mauvais départ quand il dit: Les départements de santé communautaire sont complètement autonomes. Ce n'est pas exact. Les départements de santé communautaire sont d'abord dans un hôpital et un hôpital, ça reçoit son budget du ministère de la Santé et des Services sociaux et ça a un lien de subordination au ministère de la Santé et des Services sociaux qui est tout à fait normal. Alors, c'est bien évident qu'en campagne électorale le ou la ministre de la Santé, s'il y a une situation explosive comme la Balmet à Saint-Jean, c'est bien évident qu'on puisse supposer que le ou la

ministre de la Santé intervienne directement ou indirectement auprès du DSC et dise: Vite, vite, des examens. Ça, ça me paraît tout à fait normal et je n'ai rien contre ça. Mais en dehors des campagnes électorales, il reste que la procédure que semble vouloir suivre le département de santé communautaire Maisonneuve-Rosemont, à savoir que les examens du sang des enfants vont se faire aussitôt que les examens du sol seront faits, ça me paraît assez logique. Ça me paraît assez logique.

Maintenant, si le ministre pense que c'est urgent plus que ça, il devrait accélérer son processus pour l'échantillonnage des sols. Il ne nous a pas dit hier... Je lui ai posé la question hier à l'Assemblée nationale et il n'a pas répondu. Combien de temps il va mettre encore pour échantillonner les sols à Montréal-Est contaminés au plomb? Ça peut se faire dans dix jours, ça, s'il veut agir rapidement. Et aussitôt que les résultats seront... Oui, dix jours, dix jours. Et aussitôt que ça sera fait, aussitôt que ça sera fait... Dix jours, deux semaines au maximum, selon les experts que j'ai consultés, M. le ministre. J'en ai moi aussi des experts.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dites-moi qui, parce que les gens chez nous me disent que c'est plus long que ça.

M. Lazure: Mais vos gens chez vous, ils sont mal branchés parce que ça se fait en deux semaines. Ça se fait en deux semaines. Et aussitôt que vous aurez les résultats au bout de deux semaines, si vous les communiquez au département de santé communautaire, lui pourra procéder aux analyses de sang chez les enfants ou chez les personnes appropriées, mais encore faut-il que votre ministère mette la chose en branle, ce qui n'est pas fait actuellement. Si, d'autre part, vous jugez que c'est plus utile de faire des examens sanguins immédiatement, vous n'avez qu'à parler à votre collègue de la Santé et il interviendra auprès du DSC Maisonneuve-Rosemont pour que les examens sanguins se fassent tout de suite. Mais ce qui est urgent, c'est que les échantillonnages se fassent tout de suite et ça, ça relève de vous.

Le Président (M. Garon): Vous avez terminé votre intervention?

M. Lazure: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, je donnerai la parole à M. Gosselin pour les mots de conclusion puisque le...

M. Gosselin: Je vous remercie. Je suis content que les diverses propositions qu'on a faites puissent être retenues en tout ou en partie. J'aimerais vous rappeler, en terminant, un point qui m'a semblé échapper à votre filtre, c'est celui de la définition de sols contaminés, qu'il soit possible de les déclarer comme déchets dangereux dans certaines circonstances, ce qui me semble important et l'outil existe déjà, c'est de le passer aux critères prévus à l'annexe 2 du règlement. Il s'agirait de prévoir une procédure dans le projet de loi actuel qui permette ça. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le ministre, en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je tiens à remercier le Comité de santé environnementale des DSC du Québec et le Dr Gosselin pour sa présentation. Comme je l'ai indiqué tantôt, des recommandations déjà vont être retenues. Maintenant, quant à l'affirmation qui a soulevé l'échange en fin de débat, je ne suis pas satisfait des réponses que j'ai obtenues. Je tiens à l'indiquer. Si on peut avoir la chance de continuer notre discussion... Je suis très inquiet, même.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Je veux remercier le Dr Gosselin et son groupe pour l'excellent travail qu'ils ont fait en si peu de temps. J'espère que le ministre va donner une suite favorable aux suggestions qui sont contenues dans le mémoire. Merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. La commission parlementaire de l'aménagement et des équipements est suspendue jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est d'étudier et de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Comme groupe, nous devons entendre aujourd'hui à 15 heures la Fondation québécoise en environnement, représentée ici par M. Louis Archambault, président du comité exécutif. C'est bien ça? Alors, je vais vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent et en vous disant au début que les règles du jeu, au fond, c'est qu'on a une heure, entre 15 heures et 16 heures: 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes pour la partie ministérielle, 20 pour l'Opposition officielle. Maintenant, s'il arrive que vous preniez moins que vos 20 minutes, ça va être réparti également

de chaque côté de la table. Si vous prenez plus, bien, tout le temps que vous allez prendre en plus, c'est du temps de moins qu'aura le ministre ou le critique de l'Opposition officielle. Théoriquement, si vous allez à 30 minutes, il leur restera 15 minutes chacun et, si vous prenez 60 minutes, il ne leur restera plus rien. Alors, c'est vous qui décidez parce que c'est vous qu'on entend. Alors, c'est vous qui décidez.

Fondation québécoise en environnement

M. Archambault (Louis): Bon, bien, on va essayer de faire en sorte que vous puissiez poser des questions. Mon nom est Louis Archambault. Je suis président du comité exécutif de la Fondation québécoise en environnement. Je suis accompagné à ma gauche par Me Nathalie Pouliot, qui est attachée chez Martineau, Walker; à ma droite, M. André Prévost, qui est chez McCarthy, Tétreault, et, à l'extrême droite, Me Robert Dubé qui est notre directeur général à la Fondation québécoise en environnement.

Le mémoire. Au départ, la Fondation est un organisme qui regroupe à l'heure actuelle au Québec 40 000 membres et amis. Ce mémoire-là a été rédigé sous la responsabilité du comité exécutif de même que du comité de droit en environnement de la Fondation dont les personnes ici présentes font partie. Je vais lire intégralement le mémoire, comme il n'a pas été déposé préalablement, par manque de temps essentiellement. Par contre, le mémoire est relativement court. Je crois qu'on pourrait faire ça facilement dans une dizaine de minutes.

Alors, de par sa propre mission, c'est d'un oeil très positif que la Fondation québécoise en environnement constate la venue du projet de loi 65 intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, lequel a été récemment déposé par le ministre de l'Environnement, M. Pierre Paradis. Forte des questions environnementales, la Fondation estime que le projet de loi 65 saura répondre aux nouvelles attentes de la société, cette dernière ayant dû constater souvent à ses propres dépens l'urgence à se préoccuper sérieusement de la sauvegarde de l'environnement. La nouvelle philosophie qui sous-tend le projet de loi 65 demeure elle aussi fort louable. En effet, le principe de pollueur-payeur s'intégrera désormais davantage à la Loi sur la qualité de l'environnement.

Les terrains contaminés se retrouvant sur le territoire québécois sont en nombre fort important. Un inventaire récent non exhaustif laisse entendre qu'il en existerait environ 350, ceci, bien sûr, en ne tenant compte que des terrains où la contamination est aujourd'hui connue. Étant donné que les coûts reliés à la décontamination de ces sites représentent des sommes considérables, il devient nécessaire de prévoir des mesures visant à réduire le nombre de terrains contaminés et à prévenir l'accroissement en nombre de ces derniers. Puisque le projet de loi 65 s'inscrit dans la foulée de ces nouveaux objectifs, la Fondation, soucieuse de préserver la santé écologique de notre environnement, se déclare en accord avec l'initiative du ministre de l'Environnement. Pour ces raisons, la Fondation est fière de participer à la tenue de la présente commission parlementaire et, par la même occasion, de transmettre aux artisans du projet de loi 65 ses vues et commentaires.

Au niveau des ressources. Les nouveaux pouvoirs octroyés au ministre s'exerceront à partir des mécanismes d'application prévus au sein même du projet de loi 65. La Fondation précise à cet égard qu'il sera impératif de s'assurer d'une application rigoureuse de ces nouvelles dispositions afin d'en tirer le maximum d'effets bénéfiques. À cette fin, il faudra nécessairement compter sur l'appui de ressources financières additionnelles, lesquelles permettront une application expéditive et rigoureuse de la loi visant ainsi à lui donner la crédibilité qui lui revient. De plus, le ministère devra s'adjoindre le personnel additionnel nécessaire en vue de répondre aux attentes "initiées" par le projet de loi. Ceci est un point fort important pour la Fondation.

Au niveau des outils, on pense à la création d'un fonds de décontamination. L'impact financier pouvant se rattacher aux diverses ordonnances demeure certainement considérable. En ce sens, il est souhaitable d'établir un mécanisme par le biais duquel il serait possible d'assurer financièrement la viabilité des mesures imposées par le ministre. Les travaux de décontamination, de restauration d'un site ou d'un sol ainsi que les diverses études de caractérisation peuvent s'avérer fort coûteux. Il est donc souhaitable d'établir un mécanisme par lequel le fardeau financier associé à la restauration générale de notre environnement puisse être partagé entre toutes les entités concernées. La Fondation propose ainsi la création et la mise sur pied d'un fonds de décontamination.

Le but de ce dernier viserait essentiellement à éviter que les ordonnances ne deviennent futiles en raison de l'inapplicabilité de celles-ci, faute de fonds suffisants. Il faciliterait ainsi la rencontre des objectifs visés par le projet de loi 65 en évitant de se heurter à des situations financières précaires.

Divers modes de financement peuvent être envisagés. À titre d'exemple, il serait possible d'articuler le financement du fonds à partir du modèle utilisé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. En effet, cette dernière a constitué un fonds d'indemnisation pour les victimes de lésions professionnelles et d'accidents du travail. On pourrait s'inspirer également du fonds d'indemnisation des agences de voyages sous la responsabilité de l'Office de la protection du consommateur. La mécanique soutenant ces deux modes de financement pourrait fort bien

servir de fondement à la création d'un fonds de décontamination. L'utilisation d'un tel fonds de décontamination viserait à assurer la réalisation des travaux dans la mesure où, à titre d'exemple, une des situations suivantes se présentait. Un, l'auteur de la contamination demeure impossible à retracer. Deux, le propriétaire ou toute personne visée par une ordonnance se trouve dans l'impossibilité de procéder aux travaux de restauration, faute de ressources financières suffisantes.

Advenant sa constitution, il serait impératif de prévoir que les sommes versées dans ce fonds ne soient pas éventuellement transférées au fonds consolidé de la province. L'idée est de s'assurer que le fonds puisse demeurer une entité distincte, de manière à ce que son utilisation ne serve qu'à atteindre les objectifs recherchés lors de sa création.

Cautionnement. La Fondation propose d'inclure au projet de loi un autre outil visant à obliger les particuliers ou les corporations ayant l'intention d'exercer des activités industrielles susceptibles d'engendrer la contamination du sol à verser une somme d'argent à titre de cautionnement. Ce dernier cautionnement pourrait aider à défrayer les coûts afférents à la decontamination du sol dans l'éventualité où celle-ci s'imposerait. À cette fin, la Fondation suggère que les modalités de paiement relatives à un tel cautionnement se déterminent à partir des règlements séparant chacun des secteurs d'activité industrielle selon leur potentiel de contamination dans l'environnement. Il y a un parallèle évident avec la CSST, encore ici. Signalons l'existence d'un mécanisme analogue prévu à l'article 55 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui traite du système de garanties exigées à l'égard de la gestion des déchets solides.

Quant à la rétroactivité de certains articles, soit 31.42 et 31.43, l'application rétroactive de ces dispositions soulève certaines difficultés qui préoccupent la Fondation. D'abord, en allant chercher les responsabilités d'une personne ou d'une municipalité pour un geste commis anté-rieument à la sanction du projet de loi 65, on risque de punir une personne pour des gestes commis il y a plusieurs années alors qu'ils n'étaient pas illégaux. En d'autres termes, le ministre aurait le pouvoir de faire subir à une entité les conséquences pour des gestes posés plusieurs années auparavant, alors que la collectivité les tolérait. Ceci peut apparaître fort discutable en ce qu'on assortit d'effets punitifs des gestes qui, au départ, n'en comportaient aucun. Cette application rétroactive de la loi est contraire à l'article 37 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui stipule que l'on ne peut accuser une personne pour une action qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une violation de la loi. De plus, les dispositions à l'étude permettent de retenir la responsabilité d'une personne par la simple voie administrative. Le ministre pourrait ordonner à un individu de procéder à la décontamination d'un site, ayant lui-même établi ses responsabilités, sans que le présumé responsable de la contamination ait eu droit à un procès. La Fondation voit poindre des difficultés puisque cette situation amène une déclaration de culpabilité sans même la tenue d'un procès, pouvant ainsi contrevenir à l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il semble que de telles dispositions battent en brèche sérieusement le principe de la présomption d'innocence. (15 h 15)

De plus, le présumé responsable de la contamination pourrait faire l'objet simultanément d'une ordonnance en vertu des articles 31.42 et 31.43, ainsi que de poursuites en vertu de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Si tel était le cas, il pourrait être amené à s'auto-incriminer en voulant faire des représentations, à rencontre de l'ordonnance, tel que le prévoit l'article 31.44 du projet de loi. Cette situation serait contraire à l'article 33 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, lequel se lit ainsi: "Présomption d'innocence. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie suivant la loi."

De fait, le projet de loi 65 autorise le ministre à exercer deux fonctions simultanément, à savoir l'exercice du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif. Une telle situation présente des difficultés d'ordre constitutionnel, puisqu'il en découle, peut-être, une violation de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette question risque d'être soulevée par d'éventuels auteurs de pollution, ce qui aurait pour effet de stériliser, pour quelques années, ces dispositions parmi les plus importantes du projet de loi 65. Il faut retenir, dans les quelques lignes qui précèdent, en fait, dans le dernier paragraphe, la préoccupation majeure de la Fondation, qui croit que, possiblement, certains auteurs de pollution pourraient, éventuellement, s'en tirer au point de vue légal.

Les articles 31.42 et 31.43 du projet de loi prévoient que le ministre peut enjoindre à une personne d'exécuter les travaux de décontamination sur un site, propriété d'un autre individu. Afin de prévenir l'avènement de difficultés dans l'éventualité où la personne à qui appartient le site visé par l'ordonnance entraverait la réalisation des travaux ordonnés par le ministre, la Fondation suggère d'ajouter, au sein du projet de loi, une disposition constitutive d'infraction. Cette disposition aurait pour effet d'interdire à quiconque de nuire ou d'empêcher l'exécution des travaux visés par l'ordonnance. À défaut de respecter une telle disposition, cette personne se rendrait coupable d'une infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement, laquelle serait punissable d'une amende.

En ce qui concerne le voile corporatif, la Fondation propose d'envisager l'insertion, au sein du projet de loi 65, d'une disposition visant à prévoir le soulèvement du voile corporatif, en vue de déterminer l'identité réelle des auteurs de la contamination. Une telle mesure viserait à empêcher les pollueurs de se soustraire trop facilement à leurs obligations, en invoquant cette protection corporative. Ainsi, il pourrait être intéressant de prévoir un mécanisme semblable à celui recevant application en matière de faillite, lequel est prévu dans la Loi sur les compagnies du Québec. Aux termes de cette loi, il est possible, suivant certaines situations, de retenir la responsabilité personnelle des administrateurs d'une compagnie; c'est le cas, notamment, en ce qui concerne les déclarations pour salaires impayés.

En ce qui concerne l'enregistrement des ordonnances et des avis de décontamination, l'article 118.2, de la Loi sur la qualité de l'environnement se lit présentement comme suit: 'Toute ordonnance émise à l'endroit du propriétaire d'un immeuble est enregistrée contre cet immeuble. Elle est alors opposable à tout acquéreur dont le titre est enregistré subsé-quemment et celui-ci est tenu d'assumer les obligations imposées à l'ancien propriétaire aux termes de l'ordonnance."

Le projet de loi propose, par le biais des articles 31.47 et 31.48, de modifier l'article 118.2 précité, afin de permettre l'enregistrement, non seulement des ordonnances, mais de l'avis informant le propriétaire du sol de la présence du contaminant au bureau de la division d'enregistrement où est situé le lot. La Fondation estime qu'il est nécessaire, afin d'assurer au public une connaissance sans faille de l'état de santé des sols ou des sites, de recourir aux avantages qu'offre l'utilisation du bureau d'enregistrement, en enregistrant à l'index des immeubles tant les ordonnances que les avis de décontamination.

En conclusion, à l'ère du développement durable, la collectivité est maintenant soucieuse d'entreprendre toutes les mesures nécessaires visant à préserver son environnement et à en sauvegarder la qualité. Pour sa part, la Fondation québécoise en environnement, désireuse de poursuivre son rôle d'éducation et d'information auprès du public, entend assurer le ministre de l'Environnement de son appui et entière collaboration afin que les nouvelles mesures mises de l'avant par les autorités gouvernementales puissent recevoir leur plein effet. Malgré l'aridité de la lecture, je pense qu'on est largement en dedans de notre période de 20 minutes.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous me permettrez de remercier, dans un premier temps, la Fondation québécoise en environnement pour son intervention dans le présent dossier et, également, pour l'action qu'elle mène sur le terrain, sur le plan, entre autres, de l'éducation de la population québécoise en matière environnementale. De les féliciter, également pour les risques qu'ils prennent en matière environnementale. La Fondation est connue pour une association de gens qui n'hésitent pas à mettre de l'avant des mesures qui peuvent sembler, parfois, risquées sur le plan environnemental, mais qui ne risque rien n'a rien. Et la Fondation préfère l'action à l'inaction même si, parfois, il y a des risques. Et ça mérite d'être souligné.

Quant à votre mémoire comme tel, j'ai l'intention de laisser la partie la plus innovatrice du mémoire pour fins de discussion à mon adjoint parlementaire, M. Maltais, la création de fonds, le cautionnement, etc., ce que vous ajoutez, et de discuter immédiatement avec vous des diverses recommandations.

Rétroactivité des articles. Tout cet aspect légal me chicote. J'ai déjà déclaré publiquement que le projet de loi qui est devant nous touche de façon assez délicate des aspects du droit civil, du droit de propriété, du droit pénal, de l'application des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de la personne. Maintenant, le Procureur général du Québec a eu à émettre des avis de conformité aux articles tels que libellés et le fait que le comité de droit de la Fondation attire notre attention de façon particulière sur certaines de ces dispositions, moi, j'aimerais vous entendre de façon plus élaborée sur votre chapitre 3 du mémoire tout en étant convaincu que, quel que soit le libellé final qui soit retenu, il y a quelqu'un quelque part qui, un jour, va avoir intérêt à contester l'application de la loi. Donc, notre rôle à tous, c'est de s'assurer que l'on resserre les filets en gardant l'équilibre de respect des chartes nécessaire à une saine application de la loi. Je ne sais pas à qui je dois poser la question.

M. ArchambauK: Oui, on va laisser la parole à Me Prévost.

M. Prévost (André): Au départ, on croyait à la Fondation qu'il est peut-être nécessaire de projeter à l'intérieur de la société une image crédible au niveau de l'application d'une loi. Ce qui nous dérangeait peut-être un peu plus, c'est qu'on se disait: En appliquant la loi de façon rétroactive et en pouvant l'appliquer à des cas de contamination de propriétés où il n'y a pas du tout eu de fautes au moment où ça été fait, au moment où la société le tolérait, au moment où la société même l'autorisait, on trouvait que cette partie du projet de loi pouvait constituer une injustice qui pouvait miner à la base la crédibilité même du projet de loi et, évidemment, amener les conséquences que ça pouvait comporter. Au niveau de la charte elle-même, il est

bien évident - et là-dessus, M. le ministre et les membres Ici, vous savez que, tous les jours, il sort des jugements nouveaux qui interprètent la charte, que c'est un peu un capharnaùm actuellement. On sait que, de façon générale, ça s'applique en matière pénale et une des difficultés qu'on voit, c'est que si, par hypothèse, on avait une ordonnance qui enjoignait a quelqu'un de nettoyer dans un cas où, justement, la contamination s'est faite sans aucune faute au moment où c'était autorisé... C'est vrai que l'infraction de ne pas respecter l'ordonnance serait une infraction qui est venue après la loi, mais elle ferait en sorte de pénaliser la personne qui aurait contaminé dans le passé alors que c'était permis. À notre avis, indirectement, cela pourrait soulever les problèmes ou l'application de la charte quant au procès juste et équitable et au fait qu'on veut finalement punir les gens pour vraiment une infraction qu'ils ont commise. Alors, on pensait que ça se faisait plutôt de façon indirecte, c'est-à-dire que c'est vrai que l'infraction viendrait après que la loi a été passée, mais ça toucherait quelque chose qui était antérieur à la loi elle-même.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La rédaction de l'article 9 du projet de loi qui stipule que l'article 109 de la loi est modifié par l'addition à la fin de l'alinéa suivant - je vous donne le temps de le retrouver - et je cite...

M. Prévost: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ..."Ne constitue pas une infraction, une contravention à une disposition d'un règlement pris en vertu des paragraphes a et b de l'article 31.52" ne met pas à l'abri justement de cet aspect rétroactif, en tout cas, en ce qui concerne tout le côté pénal.

M. Prévost: J'ai l'impression que ça s'applique uniquement en disant... Premièrement, je présume que c'est l'article 31.51 qu'on a voulu mentionner...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, exact. M. Prévost: ...et non l'article 31.52.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une faute d'impression.

M. Prévost: Oui, tout à fait. Tout ce que ça veut dire, à mon sens à moi, c'est que, même si une activité a été déterminée comme étant contaminante du sol, le simple fait de l'exercer n'est pas en soi une infraction sauf que là... Ce qu'on est en train d'entrevoir et c'est ce à quoi on réfère dans notre mémoire, c'est si on enjoint à quelqu'un de nettoyer quelque chose qui a été fait dans le passé alors que c'était légal, si la personne ne se conforme pas à l'ordonnance, ça, c'est une infraction. Donc, l'infraction est commise après que la loi a été sanctionnée mais, par contre, elle pénalise des actes qui sont antérieurs à la loi, c'est-à-dire au fait que le terrain soit contaminé. Comme je vous dis, c'est pour ça que, à mon avis, à moi, l'application de la charte se ferait de façon indirecte mais ouvrirait des volets qui, finalement, se trouvent à être un appendice du fait qu'on se trouve à obliger des gens à décontaminer alors que ça avait été fait sans faute.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De façon pratique, s'il fallait... Je n'exclus pas cette possibilité. Nous allons réévaluer et réanalyser, en fonction des commentaires que vous faites, ces articles. Ça affaiblirait d'une certaine façon la portée du projet de loi mais, quand même, vous avez dans d'autres chapitres de votre mémoire des recommandations à l'effet de renforcer la portée du projet de loi après. Avant de vous montrer favorables à l'enregistrement des ordonnances et des avis de contamination, vous nous suggérez la création d'une infraction additionnelle, non pas rétroactive cette fois-ci mais prospective dans le temps, ainsi qu'une disposition qui ferait en sorte de lever le voile corporatif et de tenir les administrateurs responsables. Je vous dis que du côté gouvernemental nous accueillons avec ouverture ces deux recommandations de la Fondation québécoise en environnement.

Maintenant, en ce qui concerne... Je ne sais pas si vous voulez appliquer la règle de l'alternance, M. le Président, mais comme j'ai indiqué que mon adjoint parlementaire interviendrait en ce qui concerne la création d'un fonds de décontamination ainsi que le cautionnement, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'il le fasse tout de suite ou, en vertu de la règle de l'alternance, M. le critique de l'Opposition.

Le Président (M. Garon): J'aimerais mieux, si vous voulez, que le parti ministériel prenne ses 20 minutes et, après ça, les autres, 20 minutes parce que, quand on alterne, après ça il y a des réponses. Ça empiète sur... On arrive toujours tout croche..

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est toujours bon de se garder deux ou trois minutes.

Le Président (M. Garon): Alors c'est toujours bien, je pense, de prendre votre temps et, après ça, l'Opposition prend son temps. De même, on n'a pas de débat sur le temps de chacun.

M. Maltais: D'accord. Merci, M. le Président. M. Archambault, vous apportez vraiment quelque chose de nouveau dans votre mémoire et je pense que ça touche un point sensible, au Québec. On n'est sans doute pas la pire mais ni

la meilleure des provinces canadiennes et même au Canada parce qu'au niveau de la contamination les lois canadiennes et les lois québécoises sont très larges là-dessus en ce sens qu'il y a très peu de dispositions que ce soit au niveau des transporteurs ou des contaminateurs de sols, que ce soit marins, routiers. On fait figure d'enfant pauvre là-dessus à comparer, par exemple, aux Américains de l'autre côté de la frontière. Ce qui est intéressant dans votre suggestion, c'est que, bien sûr, ça s'adapte vraiment au principe du pollueur-payeur. À partir de là, est-ce que c'est envisageable, et je vous pose la question... J'imagine que vous y avez songé un petit peu. On sait, par exemple, que toutes les entreprises au Québec ont besoin d'un permis pour opérer, que ce soit de l'Environnement, de la ville, de tel différent ministère et lorsqu'on a des usines qui opèrent, inévitablement, il y a des déchets. Il y a des déchets connus et il y a des déchets inconnus qui arrivent en cours de route. On a la preuve de ce qui se passe au Québec depuis 25 ans. On parlait des BPC et on s'aperçoit que c'est les HAP qui sont dangereux. En tout cas, toute l'histoire est là. Alors, en cours de route, on a découvert bien des choses.

Est-ce que, d'après vous, c'est envisageable que l'ensemble des industries de fabrication et de transport de produits dangereux puisse être couvert par une police d'assurances? Pourquoi le Québec deviendrait-il une compagnie d'assurance? Je pense que ce n'est pas là son rôle mais, maintenant, il a un rôle de protecteur. Pourquoi pas toutes les compagnies qui détiennent un permis de transformation, de qui émanent des déchets, ne devraient-elles pas être obligatoirement soumises à une police d'assurance-responsabilité pour le risque de contamination? C'est évident que, là, vous allez me dire que ça va coûter une fortune et "c'est-u" faisable, "c'est-u" pas faisable? Je me souviens dans un domaine précis, pour avoir été courtier d'assurances pendant 18 ans jusqu'au temps que je suis en politique... Rappelez-vous l'ensemble des problèmes que les commissions scolaires vivaient au Québec dans les années soixante, soixante-dix, où il y avait tellement eu d'incendies dans les vieilles écoles de rang qu'il n'y avait plus aucune compagnie d'assurances au Québec qui voulait les assurer. À partir de ce moment-là, les compagnies d'assurances québécoises, qui sont assez innovatrices dans le domaine, avaient formé un consortium dont le groupe Commerce était le gestionnaire. Et je me pose la question si, aujourd'hui, l'entreprise privée ne pourrait pas, et surtout par une fondation comme la vôtre, mousser un peu et, bien sûr, la partie du gouvernement aussi... s'assurer que tous ceux qui font des produits manufacturés qui ont des déchets, qui ont un risque de contamination, en même temps que leur permis est accroché dans l'usine, après inspection et autorisation, qu'il y ait le certificat de responsabilité de contamina- tion. (15 h 30)

En cas de contamination, bien sûr, on n'aurait pas à courir Pierre, Jean, Jacques, qui doit payer la facture, ce risque-là est couvert. Est-ce que c'est envisageable, est-ce que c'est une chose à laquelle on peut penser? Est-ce qu'il y a des coûts qui seraient astronomiques pour les entreprises au point de leur faire fermer les portes? Bien sûr que ça nécessiterait sans doute des entreprises un petit peu plus sérieuses. Ça éviterait peut-être ce qu'on appelle les fonds de cour, des gens qui, en cas de contamination, disparaissent dans la brume. Lorsque tu as une police d'assurance-responsabilité payée et enregistrée au gouvernement, c'est plus facile de courir après quelqu'un de responsable que quelqu'un de pas responsable. Peut-être qu'on pourrait regarder ça ensemble. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Archambault: En fait, je pense que, de par certaines recommandations qui sont partie du mémoire, la Fondation est d'avis qu'on devrait mieux encadrer, en fait, nos entreprises. Pour répondre plus directement à une de vos questions concernant les risques au niveau assurances, et la possibilité que les assurances ne puissent pas être partie prenante dans ce genre de risques, je pense que ce serait fort déplorable, dans la mesure où, à ce que je sache à l'heure actuelle, les compagnies d'assurances couvrent à peu près tous les risques. Et, essentiellement, je pense que c'est possible, par le biais... On parlait de cautionnement, par exemple. Les cautionnements peuvent être donnés, si on se réfère, par exemple, à l'industrie de la construction, je ne sais pas si le parallèle est tout à fait exact ou valable, mais, au niveau de l'industrie de la construction, les cautionnements sont soit donnés en argent - c'est un chèque visé, finalement, qui est remis au propriétaire qui fait exécuter les travaux - ou encore c'est également un cautionnement par assurance. Et, à ce moment-là, les assurances prennent un risque que l'entrepreneur, par exemple, c'est de ça que je parle à ce moment-ci, ne réalise pas ses travaux, ou qu'il commette une faute majeure qui fait que, en fait, la compagnie d'assurances doive débourser des sommes qui peuvent être souvent considérables.

Je pense que les risques environnementaux sont quantifiâmes. Le problème est que, finalement, on n'a pas nécessairement voulu bien encadrer tout ceci pour le quantifier, dans la mesure où, finalement, je pense qu'il va falloir faire une démarche à partir de zéro. Parce qu'on n'a jamais considéré ça comme étant des risques, dans notre société, et que des spécialistes puissent déterminer l'ampleur, en fait, du problème environnemental que constituent tels ou tels travaux et transférer, en fait, ce jugement professionnel aux compagnies d'assurances, qui seront en mesure d'évaluer ça de la même façon

que d'autres sortes de risques... le cautionnement, en fait, revient à répondre à votre question au niveau des assurances. il y a d'autres possibilités, aussi.

M. Maltais: Je voudrais juste revenir, parce qu'il faut bien déterminer; une caution est un montant fixe, 10 000 $, 50 000 $, 100 000 $ ou 200 000 $, alors que, dans la contamination, je pense qu'il faut couvrir le risque "at large", parce qu'on ne connaît pas, au moment de la couverture, les conséquences ultérieures qui seront un risque de contamination. Moi, la caution, ça me fait peur. Vous dites: On le fait en construction. Par exemple les résidences c'est une caution de 50 000 $, un édifice un petit peu plus haut... Parce que, lorsqu'on a un montant fixe, on se limite. Et vous savez, il y a des avocats, votre directeur général est avocat, et lorsqu'on se limite dans un montant on peut toujours aller en cour, lorsqu'on est actionné en excédent du montant, et là prouver qu'on avait rempli les exigences primaires de la loi, même si ces exigences-là sont dépassées. Et cette loi-là n'est pas fafte pour six mois. Je pense que c'est une loi nouvelle pour l'avenir. Est-ce qu'on ne doit pas prendre toutes les mesures par une police d'assurance, qu'on appelle "umbrella", en termes bien québécois, "umbrella", parapluie, c'est sans limite, à partir du moment où les risques de contamination, c'est dur à évaluer, tant que ce n'est pas arrivé. Le problème, c'est que ce n'est pas évaluable trop trop. Il y a peu de gens qui sont capables de dire: Si on déverse tant de gallons de X sur le terrain, ça va coûter tant pour le décontaminer. Alors, je pense qu'il faut se munir d'une couverture étanche des deux côtés. Et moi, en tout cas, je ne le sais pas, on est ici pour en discuter, je préférerais de beaucoup une couverture illimitée a un montant limité encadré dans une loi. Et lorsqu'on aurait satisfait aux exigences de la loi, il n'y a rien... en fait, on serait déchargés de toute responsabilité. Et ça, je pense que ça pourrait peut-être... Vous savez, une compagnie qui brasse des chiffres d'affaires de 200 000 000 $ ou 300 000 000 $, je ne sais pas, moi, payer 300 000 $ d'amende ce n'est pas la mer à boire. Alors elle va peut-être préférer se laisser aller avec une amende que de prendre des mesures nécessaires pour lesquelles ils ne connaissent pas l'étendue du risque. Ils ne connaissent pas l'étendue des primes non plus. Mais, au niveau des primes, au niveau des couvertures, je suis convaincu que les compagnies d'assurances québécoises sont assez ouvertes maintenant pour assumer ces risques. Ça ne serait pas une innovation internationale, ça se fait partout dans le monde, sauf au Canada.

M. Archambault: Je pense que, en fait, on introduit le principe. On est tout à fait en accord avec ce que vous dites. On reconnaît qu'effectivement la caution c'est probablement limité dans le temps et c'est limite aussi en vertu de la compréhension qu'on a du risque environnemental que le promoteur fait peser sur l'environnement.

Maintenant, au niveau des assurances, j'ai l'impression que vous vous y connaissez pas mal mieux que moi. Je pense effectivement que, à l'heure actuelle, les compagnies d'assurances peuvent couvrir les risques environnementaux. Je pense, dans une certaine mesure, qu'ils le font, sous toute réserve. Je pense que ça peut être une voie fort intéressante. Il va falloir, d'une façon ou d'une autre, inclure ça dans le cycle économique. C'est notre grand problème. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un besoin, en fait, les compagnies d'assurances ne s'impliqueront peut-être pas, et le projet de loi 65 est un levier très important qui va faire probablement bouger des choses très vite. J'ai l'impression qu'il y a des gens qui vont se mettre à y réfléchir et très vite, dont les compagnies d'assurances.

Il y a d'autres modèles aussi. Là-dessus en fait, tout simplement, je vais résumer en disant qu'on est tout à fait d'accord avec vous. Il y a d'autres modèles qui nous semblent fort intéressants et fort pertinents au niveau de la création de fonds. Et on parlait de cautionnement dans la mesure où le cautionnement peut être intéressant pour faire en sorte que le fonds qui serait créé, par exemple, ne soit pas asséché constamment par les impairs de firmes qui se baseraient sur le fonds pour payer les travaux de décontamination. Les deux modèles sont les modèles de la CSST où, finalement, chacune des entreprises au Québec contribue selon le risque qui est déterminé par la CSST au niveau de la santé et sécurité au travail. On pourrait sûrement arriver à une formule comme ça qui serait fort intéressante. Et ça fonctionne, et c'est un modèle avec lequel on est tous familiers ici.

Les agences de voyages. Dans le cadre de la loi sur les agences de voyages, il y a quelque chose de similaire encore qui est fort intéressant. C'est un modèle québécois qui fonctionne beaucoup mieux que celui de nos voisins en Ontario. J'ai cru voir, il y a peut-être un mois, dans les journaux que des consommateurs ontariens auraient été lésés par la faillite d'une agence de voyages ontarienne, alors que nous on a des mécanismes qui fonctionnent très bien. Et on a eu des faillites d'organismes, d'agences de voyages, et les consommateurs, en fait, se sont trouvés beaucoup moins lésés. Ce sont des mécanismes qui nous semblent très intéressants, qui pourraient être inclus à d'autres mécanismes, et notamment les assurances nous semblent très intéressantes.

Ce qui est important aussi au niveau de la création d'un fonds, c'est que, à l'heure actuelle, on réalise de plus en plus qu'il y a beaucoup de gens qui opèrent des entreprises qui constituent

des risques environnementaux très importants, pour ne pas dire majeurs, et que ces gens-là n'ont pas la capacité financière de pouvoir faire face à la musique lorsqu'on découvre un problème environnemental. Les seules entreprises, à notre sens, qui peuvent faire face à la musique, ce sont les grandes sociétés ou les multinationales qui ont un nom, qui ont leur image corporative à protéger et qui ont les reins assez solides, ou qui ont assez de ressources pour pouvoir payer la décontamination. Quand on parle de décontamination on ne parle plus par dizaines de milliers de dollars, on parle par millions. Le chiffre de base étant probablement 1 000 000 $, et ça c'est très conservateur, ça ne prend pas grand-chose pour qu'on parle de 1 000 000 $ en décontamination. Ce sont des dizaines de millions, souvent. Alors on s'aperçoit qu'il y a des entreprises qui jouent, à l'heure actuelle, pour employer un cliché qu'on a vu récemment, avec le feu et qui n'ont pas les moyens de jouer avec le feu, carrément. Le fonds en question... Essentiellement, on va vers la polarisation au niveau des grandes entreprises qui ont à encourir des risques environnementaux; ça va être soit de très grandes entreprises ou soit en créant un fonds comme ça où tout le monde contribuerait. Je pense qu'on pourrait garder un équilibre intéressant. On pourrait prévenir des problèmes énormes et des problèmes comme on a vu tout à fait récemment.

M. Maltais: Je ne sais pas s'il me reste du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): À moins que le ministre... Il reste quatre minutes.

M. Maltais: À moins que le ministre ait d'autre chose, moi, je n'ai pas terminé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais peut-être une petite précision. Dans ce que vous suggérez, est-ce que celui qui a contaminé, qui est propriétaire du terrain contaminé et avec lequel on peut établir le lien de cause à effet, demeure le pollueur-payeur? C'est-à-dire que, dans ce cas-là, on n'a pas recours au fonds, si j'ai bien compris, on a recours à celui qui est responsable de ladite contamination. C'est dans le cas où quelqu'un aurait acheté de bonne foi un terrain sans le savoir, contaminé, etc., où l'application du principe pollueur-payeur est davantage étirée, si je peux utiliser l'expression?

M. Archambault: En fait, oui, mais je vais laisser Me Prévost élaborer.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Prévost.

M. Prévost: Effectivement, c'est le concept. Dans les cas où il y a une responsabilité, il y a une faute, on pense que c'est le pollueur qui doit payer et que le fonds doit être là uniquement comme support pour compléter les cas où on n'est pas capables de trouver suffisamment d'actifs - on en connaît - pour payer la décontamination ou les cas où, par exemple, vous n'auriez aucune responsabilité, ça découle d'un choix de société, il y a 20 ou 25 ans, et pour lequel le fonds pourrait être appelé à payer. Et juste pour... Oui? Excusez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous n'ouvrez pas une porte à des transactions à la chaîne, à ce moment-là, de terrains, à partir du moment où la multinationale pourrait être tentée de vendre à une PME qui aurait accès, elle, au fonds?

M. Prévost: Pas nécessairement. C'est pour ça, de là l'importance... Premièrement, je ne crois pas que la multinationale en soi soit intéressée à multiplier, parce que, généralement, la multinationale sera celle qui voudra protéger son image puis qui a les reins pour la supporter. Mais le gros problème qu'on a, et c'est ce que vous souleviez tout à l'heure, c'est le problème de la petite et de la moyenne entreprise qui, elles, n'ont pas les reins pour la supporter, elles n'ont pas une image non plus qu'elles tiennent à supporter autant que la multinationale, et c'est la raison pour laquelle on sait qu'on a des limites au niveau de l'assurance qu'on peut obtenir, on a des limites au niveau du cautionnement qu'on peut obtenir ou qu'on peut demander à cause des coûts qui sont engendrés. C'est la raison pour laquelle on pensait qu'en incorporant en plus le fonds on pourrait avoir... Puis, évidemment, l'argent du fonds sera peut-être prélevé par type d'industrie auquel cette industrie-là contribuera. Il n'y a rien qui nous permet non plus de ne pas penser qu'on pourrait avoir des industries qui seraient cotisées au démérite ou au mérite, un peu comme on l'a au niveau de la CSST, ce qui pourrait être une autre solution.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier les gens de la Fondation québécoise en environnement pour leur contribution. Je veux aussi les féliciter pour avoir souligné, dès le chapitre 1 qu'ils appellent Ressources, à la page 5, que, si beau soit-il, tout bon projet de loi doit être supporté par des ressources financières gouvernementales et par des ressources en personnel. C'est précisément la mise en garde que l'Opposition faisait ce matin à l'ouverture de cette commission parlementaire au ministre. Il ne s'agit pas simplement de présenter un projet de loi qui, selon lui, va imposer les plus grosses

amendes en Amérique ou au monde, mais il faut qu'il y ait du personnel pour surveiller les entreprises et appliquer la loi.

Moi, je vais me concentrer sur le fonds de décontamination puis le cautionnement. Depuis quelque temps l'Opposition, justement, demande au ministre de créer un fonds de décontamination. Moi, je suis bien content de voir que, ce matin, vous êtes le deuxième groupe, et les deux groupes ont parte d'une formule semblable, fonds de décontamination, cautionnement, mutuelle. Ce sont les médecins des départements de santé communautaire, comité de l'environnement, qui sont passés ce matin, et eux parlaient justement de la mise sur pied d'un fonds d'assurance devant-Une voix: CSST.

M. Lazure: Oui, genre CSST. Ils le comparaient à la CSST comme vous le faites. Alors, un fonds d'assurance devant servir à contrer la généralisation de la version récente pollueur-payeur qui consiste à déclarer faillite et à aller s'installer en Floride à l'abri des poursuites. Le projet de loi, s'il n'inclut pas une formule comme les deux que vous proposez: cautionnement, fonds de décontamination ou mutuelle d'assurance, s'il n'inclut pas une de ces formules-là ou même, je dirais, les deux ou trois formules en plus des pouvoirs très grands que le ministre se donne, puis des amendes très fortes, mais s'il n'inclut pas ces choses-là, à mon avis, je le répète, c'est un coup d'épée dans l'eau, parce qu'il ne faut pas que le ministre mette tous ses oeufs dans le même panier. (15 h 45)

C'est certain qu'en plus du principe qui est très beau de pollueur-payeur il va falloir absolument qu'on fasse preuve d'imagination et qu'il crée ce fonds de décontamination. Il pourrait même, nonobstant le projet de loi, remarquer qu'un tel fonds de décontamination devrait être créé; c'est ça l'objet de nos demandes depuis quelque temps à l'Opposition, parce que le ministère de l'Environnement n'a eu que 3 300 000 $ pour la décontamination des sols, et seulement la Balmet utilisera ce fonds-là. Le ministre lui-même a admis, encore ces jours-ci, aux médias, que là il ne reste plus d'argent dans le fonds de décontamination. Imaginez-vous! On vient à peine de commencer l'année fiscale, puis il ne reste plus d'argent, dixit le ministre. Alors, pauvre ministre! On va essayer de l'aider...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là, je vais être méfiant.

M. Lazure: Vous faites bien! Surtout depuis hier, vous avez appris à l'être. Oui. Mais on va esssayer de l'aider, puis une façon de l'aider, vous le faites aujourd'hui, comme les médecins du département de santé communautaire l'ont fait ce matin, c'est en lui faisant cette proposition de cautionnement et de fonds de décontamination. Le ministère devrait, je le répète, commencer à constituer un tel fonds pour que ça entre... Parce que c'est une question de mentalilté aussi, ça c'est un nouveau concept, quoique le cautionnement, on le sait, vous y avez fait allusion pour les déchets solides où c'a déjà été appliqué, et si je comprends bien c'a déjà été appliqué aussi pour autre chose que des déchets solides. Dans le cas des BPC de Saint-Basile, si je ne me trompe pas, le ministère avait un cautionnement assez important de M. Mark Levy à un moment donné, et le ministère a cru bon de le laisser tomber. M. Mark Levy se conformait tellement bien aux directives du ministère, ha, ha, ha! qu'ils ont laissé tomber le cautionnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous aviez émis le permis, vous êtes bien au courant.

M. Lazure: Non, mais je suis surtout au courant des erreurs que le ministère, sous le gouvernement libéral, a faites, parce qu'il voyait venir ça, le gouvernement, il aurait dû voir venir ça, parce que M. Levy répétait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous êtes prêt à régler pour un cumul d'erreurs de suite de gouvernements dans le cas des BPC de Saint-Basile?

M. Lazure: Oui, mais étant donné que vous êtes ministre dans ce cabinet-là depuis cinq ans, M. le ministre, vous êtes prêt aussi à endosser les erreurs de vos prédécesseurs, c'est sûr?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous ai fait l'offre d'admettre publiquement qu'il y a eu un cumul d'erreurs.

M. Lazure: Oui, j'admets, j'admets, j'admets... Mais là on va s'en tenir au passé récent qui pourrait être une leçon pour l'avenir. Mme la Présidente, je demanderais aux gens de la Fondation quelle différence ils font entre l'application du fonds de décontamination, d'une part, et puis le cautionnement, d'autre part. Ce sont deux concepts qui se rapprochent pas mal, qui peuvent être complémentaires, je suppose, mais est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus sur les différences entre les deux concepts?

La Présidente (Mme Bélanger): Me Prévost.

M. Prévost: Alors, évidemment, généralement le cautionnement n'est pas quelque chose qui est illimité dans le temps. Le cautionnement est généralement une notion qui est limitée et, comme M. Archambault y référait tout à l'heure, généralement dans les cas de contrats de cons-

truction, dans le cas d'érection d'une bâtisse, il est assez facile de lever un cautionnement pour la période que vont durer les travaux. Évidemment, il est peut-être plus difficile de penser à un cautionnement qui soit indéfini ou infini dans le temps, pour tout le temps où l'industrie va opérer. Et c'est la raison pour laquelle on pense plutôt à la Fondation, bien qu'on ait utilisé le terme "cautionnement". On parle de garantie, de façon générale, et dans le concept de la Fondation la garantie peut être composée de plusieurs éléments, il peut y avoir question de cautionnement au moment, non seulement de la construction d'une nouvelle industrie qui serait polluante, mais pendant les premières années de son opération où on peut s'apercevoir qu'il y a des rejets de contaminants importants. Ça peut être complété par une autre garantie qui peut être un genre d'hypothèque prise sur certains des biens.

Évidemment, si vous avez une hypothèque sur l'usine elle-même qui va devenir contaminée, votre hypothèque ne vaudra peut-être pas grand-chose. Il y a peut-être moyen de penser à des hypothèques sur d'autres biens, des biens accessoires qui ne seraient pas pollués. Il y a moyen de penser à l'assurance dont on parlait tout à l'heure, mais on sait que les assureurs ont certaines limites. Alors, c'est pour ça qu'on pense qu'il y a un cumul de garanties et le fonds sera là, et c'est là qu'on le voit, il y a une interrelation du fonds avec ces moyens de garantie là, parce qu'on conçoit très bien qu'une entreprise ne soit pas capable de véhiculer 365 jours par année les garanties complètes qui permettraient le nettoyage complet de sa propriété. On sait que c'est un risque qui peut se produire, de là, peut-être, l'importance d'avoir un fonds auquel cette personne-là va contribuer comme les autres, et qui pourrait venir comme accessoire. Évidemment, on ne veut pas rejeter dans le fonds toutes les obligations du pollueur, mais on reconnaît quand même les limites actuelles. On est au courant, entre autres, des difficultés que les transporteurs - il y en a quelques-uns à la porte ici - ont lorsqu'ils traversent la frontière avec des déchets, et où certains États américains demandent une garantie, ou un cautionnement, ou une assurance de 5 000 000 $, puis ils ne sont pas capables de le lever.

M. Lazure: Est-ce que vous connaissez des pays ou des États qui ont mis sur pied un tel fonds de décontamination, ou quelque chose qui se rapproche de ça?

M. Prévost: II y a l'expérience américaine du "superfund", mais qui comporte quand même des distinctions. Mais je pense que ça partait d'une philosophie semblable, et là où on aurait peut-être un avantage sur les Américains, c'est que ça fait 10 ans qu'ils connaissent les problèmes de leur "superfund", ça a donné lieu à des litiges incroyables, et je pense qu'on pourrait peut-être bénéficier un peu de l'expérience qu'ils ont eue pour essayer de ne pas répéter certaines de leurs erreurs.

M. Lazure: Est-ce que vous avez eu des recherches sur l'expérience de pays européens? Les pays européens, en particulier les pays du nord, les pays Scandinaves, ou la Hollande? Non?

M. Prévost: Malheureusement, là-dessus, en ce qui me concerne... Je sais qu'au Danemark on élimine de façon complète tous les déchets dans le pays lui-même, mais je ne sais pas s'il existe... Là-dessus, je vais vous admettre mon ignorance... Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre, à la table...

M. Archambault: En fait, on n'a pas de dossier complet là-dessus. On a des informations, effectivement, là-dessus, mais on n'a pas de dossier complet. J'imagine que ces dossiers-là peuvent être facilement montés, et également, on pourrait s'inspirer de certains modèles qui sont en place.

M. Lazure: En général, les pays Scandinaves gèrent assez bien leurs déchets de toutes sortes. Moi, j'ai juste une petite réticence sur l'ensemble de votre présentation. C'est lorsque vous dites que les grandes entreprises multinationales sont soucieuses de leur image, donc, par conséquent, elles se comportent bien, tandis que les PME sont moins soucieuses de leur image corporative... Je n'achète pas ça complètement, là. Waste Management, n° 1 au monde, la plus grande entreprise, ils ont appris à faire des faillites, eux autres aussi, à un moment donné, avec l'ensemble des succursales. C'est bien connu, ce vieux truc, pour les grosses entreprises, elles créent toutes sortes de succursales, toutes sortes de filiales. Puis s'il y a un endroit où ça va mal, celle-là, ils la mettent en faillite. Moi, je n'ai pas tout à fait la même perception que vous des grandes entreprises, et je pense que les PME, au Québec en particulier, sont soucieuses de leur image corporative, qui est assez bonne, de façon générale, puis elles sont assez soucieuses. Je pense que j'ai provoqué une réaction, là.

M. Archambault: En fait, je pense que... M. Lazure: Vous en aviez provoqué une.

M. Archambault: ...toute question mérite une réponse. Je pense qu'on est complètement en accord avec vous, M. Lazure. On est complètement en accord avec vous et ce qu'on a dit essentiellement, en fait, si ça a été mal interprété ou si ça a été mal dit, on va faire la rectification. Ce qu'on a dit, essentiellement,

c'est que ce sont souvent les très grandes corporations qui ont une interface importante avec le public qui ont à se soucier, souvent, d'une image corporative, mais qui, surtout, mais surtout, ont les moyens de régler des problèmes environnementaux, telle la contamination de sites. c'est vraiment surtout ça qui est le problème de base. parce que c'est évident qu'il y a des pme qui sont très soucieuses de leur image corporative et souvent nos pme survivent par leur excellence, et c'est important. mais je voudrais aussi rappeler la nuance qu'on a faite là-dessus, à savoir que, maintenant, il y a des gens qui manipulent des produits dangereux, il y a des firmes, en fait, qui encourent des risques environnementaux importants et n'ont pas la capacité financière de jouer dans ces lignes-là, à l'heure actuelle. alors, ça, il faut s'en rendre compte, et c'était vraiment l'essentiel du message qu'on avait à passer. c'est une question de capacité de payer.

M. Lazure: Je vous ai donné la chance de faire une mise au point.

M. Archambault: c'est ce que j'avais cru remarquer, je vous remercie.

M. Lazure: Juste en terminant, moi, je souhaite que votre fondation, qui a des sommes importantes pour la recherche, puisse poursuivre une recherche peut-être de façon un peu plus éclectique, aller dans certains pays d'Europe, voir un peu comment ils ont résolu... Ou il y a peut-être des fonctionnaires, remarquez, parce que dans les voyages hors Québec, la semaine passée, on a vu que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On hésite à les faire voyager. Vous êtes tellement attentif.

M. Lazure: Oui, c'est ça! Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: ...qu'il y avait un budget assez important, 330 000 $ pour les voyages hors Québec. Alors, l'adjoint parlementaire pourrait faire une recherche sur les assurances, les systèmes d'assurances...

M. Dufour: Surtout pour l'étude des crédits, on pourrait l'envoyer.

M. Lazure: Bien, sérieusement, Mme la Présidente, moi, je souhaite que le ministre retienne et fasse travailler ses experts sur ces formules qui nous sont présentées aujourd'hui par deux groupes, sans concertation, j'imagine, sans aucune concertation, et qui viennent rejoindre aussi une formule que le critique de l'Opposition fait depuis quelque temps au ministre de l'Environnement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de La Prairie. Est-ce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente, le ministère de l'Environnement du Québec, comme je l'ai indiqué tantôt, s'est déjà associé au gouvernement fédéral dans ce qu'on appelle la création d'un fonds pour les sites orphelins. La loi sur le pollueur-payeur complète ou ajoute à cette démarche et je pense que les suggestions que vous fartes, soit en matière de cautionnement, d'assurances, etc., ajoutent également à cette démarche. Et ça fait partie de la philosophie du ministère de l'Environnement de ne pas mettre, comme le député de l'Opposition l'a mentionné tantôt, tous ses oeufs dans le même panier, pour rejoindre les objectifs, parce que les clientèles sont différentes et il faut s'assurer que nous les rejoignions toutes.

En terminant, je retiens votre suggestion de la création d'une infraction additionnelle au chapitre 4; elle devrait normalement être incorporée au projet de loi. La question du voile corporatif également. Nous vous remercions de cette suggestion plus que positive. J'apprécierais recevoir - et on est toujours en position de demander, au ministère de l'Environnement, et on demande encore une fois - j'apprécierais recevoir un avis un peu plus détaillé, si vous me le permettez, sur la question de la rétroactivrvité des articles 31.42 et 31.43, parce que ça m'ap-paraîtrait, s'il fallait les retirer complètement, être un certain affaiblissement des dispositions du projet de loi. Mais je tiens quand même à prendre toutes les précautions juridiques nécessaires pour que si nous allons de l'avant, comme c'est la volonté gouvernementale de le faire, on prête le moins possible flanc à des attaques qui pourraient réussir. Et là-dessus, si ce n'était pas trop demander à la Fondation québécoise - je sais que vous avez un comité juridique formé d'éminents juristes dont on pourrait bénéficier des conseils dans le libellé final du projet de loi et spécifiquement sous cet aspect-là - nous requérons vos services.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. Archambault.

M. Archambault: Nous allons vous envoyer l'avis en question dans les meilleurs délais.

M. Dufour: Je voulais juste demander au ministre, Mme la Présidente, si l'énoncé de la présomption d'innocence "tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie suivant la loi", est-ce que

ça existe encore, ça?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, cette présomption-là est non seulement dans le mémoire où vous la retrouvez... et c'est pour ça que j'ai eu une discussion tantôt, juste avant votre arrivée. Et je ne vous le reproche pas, je sais que vous avez plusieurs commissions pour lesquelles vous devez vous déplacer - le monde municipal est impliqué partout - mais tantôt on a cité, juste avant votre arrivée, l'article 9 du projet de loi qui mentionnait spécifiquement que ne constitue pas une infraction une contravention à une disposition d'un règlement pris en vertu des paragraphes a et b de l'article 31.51. On a eu cette discussion-là et la présomption d'innocence, sur le plan pénal, se doit d'être maintenue en tout temps, sinon les tribunaux auront tôt fait de casser certaines dispositions.

M. Dufour: Je voulais m'en assurer, parce que je sais que vous êtes avocat en plus, et dans la loi des assistés sociaux il me semble que ça n'a pas été appliqué...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Elle a été intégralement...

M. Dufour: ...par rapport à la présomption d'innocence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une autre commission parlementaire que vous n'avez pas eu le temps de suivre dans son entier...

La Présidente (Mme Bélanger): Je pense que ce n'est pas tellement pertinent, pour le moment.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, avait adressé la même question et les avis du Procureur général l'ont rassurée.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, de toute façon, ce n'est pas la pertinence du débat. Alors, Mme Pouliot...

M. Lazure: Je veux remercier les gens de la Fondation. Je veux rappeler au ministre qu'il ne doit pas parler au nom de la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

La Présidente (Mme Bélanger): Mais si on restait dans la pertinence du débat? Ça n'aurait pas de...

M. Lazure: Merci beaucoup aux gens de la Fondation et, sérieusement, j'espère que vous allez continuer d'explorer ces formules de fonds de décontamination, de même que le système de cautionnement, pour apporter des lumières au ministre qui semble vouloir être assez accueillant vis-à-vis de ces formules-là. Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup.

M. Archambault: Merci infiniment.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors Mme Pouliot, M. Archambault, M. Dubé et M. Prévost, nous vous remercions de votre participation et on va suspendre quelques secondes, le temps de permettre a la Conférence des maires de s'approcher de la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 3)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Je demanderais à la Conférence des maires de la banlieue de Montréal de bien vouloir s'approcher, et je demanderais à M. Michel Leduc, maire de LaSalle, de bien vouloir présenter les personnes qui raccompagnent. Vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire.

Conférence des maires de la banlieue de Montréal

M. Leduc (Michel): Très bien, Mme la Présidente. À ma droite, le maire Quirion, de la ville d'Anjou, et, à ma gauche, le maire Labros-se, de Montréal-Est. Nous représentons la Conférence des maires de banlieue.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez faire votre exposé.

M. Leduc: Écoutez, mon nom est Michel Leduc; je représente ici la Conférence des maires de la banlieue de Montréal qui regroupe, sur l'île, les 28 municipalités autres que la ville de Montréal qui, je le sais, doit présenter un mémoire jeudi en ces lieux.

Le fait que la ville de Montréal et la Conférence des maires de la banlieue présentent chacune un mémoire constitue la position de la Communauté urbaine de Montréal sur la question de la gestion des terres contaminées puisque, à nous deux, nous en formons toutes les composantes. La Conférence des maires de banlieue n'a pas l'intention de présenter un mémoire très long puisqu'il n'a pas pour but de faire une critique exhaustive du projet de loi et de ce qu'il contient, mais plutôt de présenter une étude de ce que le projet de loi ne contient pas.

Le pollueur-payeur. Si on se limite à la notion du pollueur-payeur, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, semble très adéquatement couvrir cet aspect mais cet aspect n'est couvert qu'en autant que le pollueur soit bien identifié et qu'il puisse faire l'objet de recours de la part du ministère de l'Environnement. Nous savons très

bien que dans plusieurs cas de sol contaminé le pollueur n'est pas facile à identifier. Soit que ses opérations aient cessé depuis un très grand nombre d'années, ou encore que le pollueur devienne, par des mécanismes légaux, non poursuivable, ce qui laisse les municipalités, très fréquemment, avec des problèmes de contamination de sol où le seul recours est le ministère de l'Environnement.

Dans ce domaine, je dois avouer qu'en ma qualité de maire de LaSalle, étant aussi président de la Conférence des maires de la banlieue et président de la Commission de l'environnement de la CUM, je peux vous assurer que chez nous, où se trouve actuellement la plus grande cellule de sols contaminés en Amérique du Nord et où une deuxième cellule à sécurité maximale pour les terres contaminées est actuellement en construction, nous avons vécu de telles difficultés. Je parle donc en connaissance de cause puisque dans les cas qui nous ont intéressés à la ville de LaSalle, et dans certains autres cas dont nous avons connaissance, le pollueur ne fut pas facile à identifier et encore moins à poursuivre. Les dispositions qui peuvent être prises dans de tels cas, nous croyons que le projet de loi, tel que rédigé, n'en contient aucune. Il est absolument essentiel que le ministère de l'Environnement, dans la rédaction de la loi, puisse prévoir des mécanismes qui permettront de gérer des problèmes de sols contaminés quand le pollueur ne peut être légalement pris à partie.

Nous avons, à la ville de LaSalle, développé une solution originale avec l'aide, je devrais dire, des ministères de l'Environnement, parce que ça a chevauché deux et trois ou quatre ministres, lorsque nous avons entrepris la décontamination de deux terrains. Nous avons vécu deux phases de terrains contaminés. Pour la première phase, il s'agissait d'un ancien dépotoir municipal qui était fermé à toute opération depuis 1959, ce qui, à mon sens, représente la préhistoire au point de vue environnemental. Pour la phase II, il s'agissait d'un terrain qui fut contaminé par la compagnie LaSalie Coke, depuis longtemps disparue, et racheté par la compagnie Gaz Métropolitain, pour ensuite être revendu à un propriétaire privé.

L'originalité des solutions qui ont été trouvées à ce moment a été possible à cause de la très grande valeur de revente des terrains à décontaminer, ce qui nous a favorisés, étant donné le fait que la ville de LaSalle, et surtout le secteur bien précis à décontaminer, soit près de la zone centrale de Montréal, et donc avec des valeurs de terrains qui sont très élevées. Ce n'est pas le cas à tous les endroits où il existe des problèmes de sols contaminés.

La solution a impliqué le propriétaire du terrain qui n'était pas le pollueur et qui a accepté, après de très nombreuses négociations pas faciles, d'être mis à contribution pour la décontamination, ceci uniquement à cause, encore une fois, de la très grande valeur des terrains une fois décontaminés. En ce qui concerne la phase qui est actuellement en train d'être faite à LaSalle, il s'agit d'un terrain qui était aussi contaminé par un pollueur qui ne pouvait pas être un payeur. L'entreprise privée a été mise à partie pour la réalisation de la décontamination.

C'est au niveau de la mise à contribution de l'entreprise privée qu'il ne faut pas jouer à l'autruche et penser que les très nombreux cas de sols contaminés à travers le Québec se régleront sans que ladite entreprise privée soit mise à contribution. Je sais pertinemment, pour l'avoir vérifié dans d'autres dossiers touchant l'environnement, que le ministère de l'Environnement et le gouvernement ne sont pas très chauds à l'idée d'une politique de redevance à la ville hôte de quelque équipement environnemental que ce soit.

Il reste cependant que dans le futur nous devrons considérer qu'une ville qui vient à bout de contrer le syndrome "pas dans ma cour" et accepte chez elle des équipements de nature environnementale doit y trouver un certain profit. Ainsi, la ville de LaSalle termine actuellement, du moins nous l'espérons, son dernier problème de terrains contaminés, tout en acceptant chez elle des terres contaminées en provenance d'autres municipalités du territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Ceci permet à la ville de régler son dernier problème de façon tout à fait gratuite. L'entrepreneur privé chargera, réalisant un profit substantiel sur les terres contaminées en provenance de l'extérieur, à même le volume excédentaire de la cellule. Le volume original est, pour les besoins de la ville elle-même, fait de façon tout à fait gratuite par l'entrepreneur. C'est un exemple de solution originale.

Ainsi, qu'on me permette de donner un exemple - puis ça, c'est un peu "touchy" ce que je fais là, mais je me le permets, vous en ferez ce que vous voudrez, c'est un exemple - à l'extérieur du territoire de la CUM que nous connaissons bien par les médias, l'exemple de Saint-Basile, Saint-Amable et Saint-Jean, qui sont toutes situées dans la Montérégie. Moi, je parlais de la ville de LaSalle qui s'occupe des problèmes de la CUM. La Montérégie, c'est une région ça. Si une de ces trois localités, par exemple, acceptait d'avoir chez elle une cellule de confinement pour ses terrains contaminés - je donne ici un exemple de technologie qui est actuellement disponible; ça pourrait être n'importe quelle technologie - en faisant accepter par ses citoyens que cette cellule de confinement soit plus grande et puisse accepter les sols en provenance des deux autres sites, il deviendrait alors sûrement facile, pour la municipalité en question, de pouvoir négocier avec une entreprise privée pour que ses problèmes locaux soient réglés gratuitement. L'entrepreneur privé trouverait son

profit dans la solution des problèmes des deux autres localités qui, elles, paieraient ou, entre parenthèses, le gouvernement paierait, dans le cas là... C'est un exemple. On m'avait dit de biffer ça du rapport, mais je l'ai mis pareil; c'est juste à titre d'exemple.

Société en commandites. Il existe aussi d'autres possibilités qui pourraient faire l'objet d'études sérieuses dont certaines sont utilisées dans des formes à peu près similaires dans beaucoup d'autres pays du monde. La société en commandite, ou tout autre équivalent de financement, pourrait assurer, selon nous, la dépollution des terrains contaminés.

Le projet pourrait se présenter comme suit. Après qu'il y a eu identification d'un site, une société en commandite, pour chaque projet ou pour un ensemble de projets, pourrait être mise sur pied. Les investisseurs y souscriraient une ou des parts à la société, celle-ci pouvant émettre un montant minimum et/ou un montant maximum de parts. Une fois les parts vendues et l'épargne recueillie, la société en commandite se porterait acquéreur d'un terrain visé par le projet, soit directement ou par option d'achat. Cette dernière façon de procéder permettrait à la société de disposer davantage de fonds pour mener à terme son projet de dépollution, tout en offrant un incitatif fiscal plus intéressant aux investisseurs. La société affecterait les fonds recueillis à la dépollution du terrain visé par le projet. Les fonds ainsi affectés constitueraient une dépense pour la société et il en résulterait une perte en fin d'année, laquelle perte pourrait être répartie entre les membres, au prorata de leur participation. Les membres pourraient, pour fins fiscales, déduire cette perte a rencontre d'autres revenus, d'où une économie d'impôt pour les investisseurs. Pour ce faire, il est cependant essentiel, évidemment, d'obtenir des gouvernements une modification à la loi de l'impôt sur le revenu, fédérale et provinciale, précisant que les montants déboursés ou encourus aux fins de dépollution peuvent être déduits dans le calcul du revenu et non pas capitalisés.

Il peut également être envisagé, surtout au provincial, à l'instar de l'exploration minière et des films certifiés québécois, d'obtenir une majoration de la dépense de 66 2/3 %. Une fois le terrain dépollué, sa valeur marchande s'en trouverait augmentée. Un acheteur éventuel du terrain pourrait faire l'acquisition des parts de la société en commandite pour un prix équivalent à la valeur marchande du terrain. Les investisseurs réaliseraient ainsi un gain en capital admissible à l'exonération et l'acheteur, quant à lui, deviendrait le détenteur de l'option d'achat et pourrait la réaliser. Il deviendrait ainsi le propriétaire du terrain. Par contre, le prix de base réajusté du terrain, pour lui, serait équivalent au coût de l'option, ce qui risque d'être minime, comparativement au prix payé pour les parts.

Si l'acheteur éventuel désire conserver le terrain pour l'établissement d'une usine, cela peut ne pas avoir d'importance; cependant, pour permettre à l'acheteur d'avoir un PBR, soit un prix de base réajusté, pour le terrain équivalent au prix effectivement payé, la municipalité où se situe le terrain pourrait, dans un premier temps, se porter acquéreur des parts de la société et exercer l'option d'achat. Par la suite, la municipalité vendrait le terrain à un acheteur éventuel. La municipalité réaliserait un gain mais n'aurait pas d'impôt à payer. Le PBR du terrain, pour l'acheteur, serait équivalent au prix payé à la municipalité. Cette démarche mériterait possiblement d'être envisagée et retravaillée. Écoutez, je suis docteur, je ne suis pas comptable. Elle contient des détours qui deviendraient inutiles si le gouvernement acceptait les objectifs sous-ja-cents qui ont trait à la protection des subventions fiscales.

Il pourrait peut-être exister, je le soupçonne fortement, des difficultés philosophiques au niveau du ministère par rapport à des initiatives du genre, mais je considère que, malgré ces réticences philosophiques qui se feraient à l'endroit de l'entreprise privée dans le domaine environnemental, je ne vois réellement pas, ainsi que mes confrères des banlieues, comment nous pouvons penser régler la question des sols contaminés sur le territoire du Québec sans inclure la participation de l'entreprise privée, soit par l'exemple donné plus tôt, l'exemple un peu "cowboy", là, soit par une mécanique beaucoup plus officielle, telles les sociétés en commandite.

En conclusion, dans tous les cas où le pollueur-payeur n'est pas identifié et si on regarde l'expérience des dernières années - cela a été très souvent malheureusement le cas - les personnes qui sont obligées de payer sont soit les municipalités, le ministère de l'Environnement et, par le fait même, le gouvernement. Donc, dans tous ces cas, finalement, le pollueur-payeur, ça devient le citoyen québécois, et c'est un peu ce qu'on a voulu traiter. (16 h 15)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le maire. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente, vous me permettrez de remercier la Conférence des maires de la banlieue, ses trois représentants: le maire de LaSalle, le maire de Montréal-Est et le maire d'Anjou. Je vais tenter d'échanger avec vous sur le contenu de votre mémoire. Dans le premier chapitre, vous touchez la notion du pollueur-payeur et, en haut de la page 3, comme telle, vous faites l'affirmation suivante: "Les dispositions qui peuvent être prises dans de tels cas - lorsqu'on parie du pollueur qui n'est pas facile à identifier et encore moins à poursuivre - nous croyons que le projet de loi, tel que rédigé, n'en contient aucune."

Si vous me le permettez, je mets cette affirmation-là peut-être en corrélation, et je ne devrais peut-être pas le faire, avec certains propos du député de La Prairie, qui mentionnait: C'est beau d'avoir des dents, mais ça prend également des mâchoires, c'est-à-dire des moyens pour appliquer la loi.

Dans un premier temps, j'aimerais vous entendre... Est-ce que vous ne pensez pas que les dispositions contenues à l'article 4 du projet de loi, soit les dispositions que vous retrouvez à l'article 31.42 ou à l'article 31.43, n'ajoutent pas ce que je peux appeler des poignées, comme telles, au ministère de l'Environnement du Québec, pour prendre ces gens-là qui ont contaminé, en tout ou en partie, même... Toute la question... On a ajouté une notion que la personne n'a pas besoin d'être responsable de l'ensemble de la contamination, strictement d'une partie de la contamination. Là, nous pouvons intervenir.

M. Leduc: Je n'ai malheureusement pas de copie du projet de loi devant moi. Je pense que... Je ne me rappelle plus si c'est sur cet article-là, à un moment donné, qu'il y avait une notion du mot "corporation", qui m'a peut-être un peu échappé...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Ce n'est pas sur celui-là. Parce qu'il arrive souvent, et je pense que c'a été souligné à juste titre, le ministère, parfois, a des dents et, parce qu'il n'a pas les moyens, il ne s'en sert pas. Mais ce qui est encore plus frustrant, pour le ministère, c'est lorsque, comme dans le cas typique de la Balmet - le député de Saint-Jean a dû s'absenter, il préside une autre commission, mais il était avec nous ce matin, il va être avec nous ce soir - vous avez les effectifs, vous les concentrez sur un cas et, malgré que vous ayez la mâchoire, vous vous apercevez que vous êtes édenté, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas mordre le pollueur qui a été identifié, qui est là. Vous consacrez tous les effectifs, tous les efforts, puis, sur le plan du contentieux, on vous dit: On n'a pas suffisamment de moyens et on les ajoute, à ce moment-ci. Si vous me dites qu'on ne les ajoute pas, c'est important. Il y a quelqu'un qui ne m'a pas donné l'heure juste, là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le maire. Est-ce qu'il y a un commentaire suite à la réponse du ministre?

M. Leduc: Non, je n'ai pas de commentaire. J'ai probablement mal fait ma lecture, en tout cas. Je vous ai...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tout cas, revérifiez. Moi, je vais vous demander poliment de revérifier parce que, quand c'a été lu, tantôt, j'ai sursauté. S'il fallait que je n'ajoute pas de dents, je serais très déçu du libellé du projet de loi. Donc, si vous pouvez demander aux gens, chez vous, de revérifier.

Au chapitre 2, on parle des solutions originales. Je vous dirai que vous avez raison de mentionner que, lorsque la valeur du terrain, ce que j'appelle la valeur résiduelle du terrain, est plus grande que les coûts de décontamination, on arrive à peu près toujours à trouver des solutions. Dans la région de M. le maire Labrosse, entre autres, Petro-Canada, pour ne citer qu'un exemple, sans oublier d'autres, la ville d'Anjou, également, lorsque ces terrains-là ont de la valeur, les gens s'entendent sur un processus de décontamination. Vous mentionnez même qu'avec la mise à contribution de l'entreprise privée on peut faire des choses, et vous dites, chez vous, ce que vous faites.

Vous nous racontez l'expérience que vous vivez. Mais lorsqu'on lit l'expérience que vous vivez, chez vous, on se rend compte que tout le monde en profite, que la ville de LaSalle règle un problème qui est local, sans déboursé, que les autres maires ou responsables des territoires sur l'île de Montréal trouvent un endroit où disposer de leurs terrains contaminés et que l'entreprise privée fait du profit. Vous avez une formule gagnante où chacun des participants y gagne. Mais, encore là, c'est possible quand tout le monde y trouve son compte. Je vous félicite de votre formule. On a émis, au ministère de l'Environnement, après vérification, tous les permis requis pour vous permettre d'aller de l'avant avec votre projet.

Là où vous suscitez des questions, et je sais que mon adjoint parlementaire ne vous aurait pas permis de l'oublier, c'est lorsque vous parlez de la ville hôte, parce que, lui, dans le cadre des BPC de Saint-Basile, représentant la circonscription électorale de Saguenay, il a servi de comté hôte, pour des BPC, et il trouve qu'il n'a pas été dédommagé, et je pense qu'il partage l'opinion du maire de LaSalle, il ne vous aurait pas pardonné d'avoir enlevé cette section-là de votre mémoire.

Vous nous parlez de la société en commandite et d'une approche fiscale. Plusieurs personnes sont venues ici, nous ont dit: Le principe pollueur-payeur, d'accord; la loi, d'accord, mais ce n'est pas la formule qui va soigner tous les maux. Les gens nous disaient: Ça prend, soit du cautionnement, soit des assurances, soit des permis qui sont accompagnés de cautionnement, etc., qu'on demande aux compagnies qui opèrent dans des types d'activité qui peuvent amener de la contamination. Vous, vous ne parlez pas de ça. Vous dites: société en commandite, des déductions fiscales. Est-ce qu'on ne s'éloigne pas du principe du pollueur-payeur, lorsqu'on embarque dans tout ce secteur de la fiscalité qui, indirectement, avantage les gens qui y investissent? Est-ce qu'on n'abandonne pas notre concept de pollueur-payeur que l'on retrouve à l'état pur

lorsqu'on peut identifier le pollueur et qu'on lui passe la facture de la décontamination, qu'on retrouve en partie lorsqu'on forme un fonds, une espèce de CSST, etc.? C'est l'argent de ceux qui polluent qui sert à décontaminer, à ce moment-là. Est-ce que, lorsqu'on parle de donner des avantages fiscaux à des investisseurs dans la décontamination, on ne s'éloigne pas du principe pollueur-payeur?

M. Leduc: Bien, évidemment, ça je l'ai un peu établi dès le départ. Je traite un peu des cas où... et cette solution pourrait être appliquée à des cas où, effectivement, le pollueur-payeur n'est pas rejoignable, ou n'est pas... où la politique ne peut pas s'appliquer, justement. Et c'est sûr que... Écoutez, je ne suis pas un fiscaliste, cette petite formule-là, moi, je l'aime bien, je la traîne dans mes poches depuis une petite secousse, et je serais peut-être mal placé pour vous donner... J'avais demandé au maire Janiszewski qui est aussi comptable, de venir se joindre à nous, s'il y avait des questions sur la mécanique de tout ça, parce qu'il est comptable. Je ne pourrais pas m'embarquer dans la mécanique, mais, philosophiquement, dans ma tête, c'est plus clair un peu, dans le sens qu'il s'agit de terrains où, justement, la notion du pollueur-payeur ne s'applique pas, et la formule, dans des cas comme ça, pourrait s'appliquer. Évidemment, il faudrait faire attention. C'est bien sûr que des compagnies qui sont des compagnies reconnues comme des pollueurs ou qui sont plus ou moins douteuses au point de vue environnemental ne puissent pas être des compagnies qui viennent mettre de l'argent et réaliser des bénéfices fiscaux dans une aventure de ce type-là. Il faudrait, évidemment, que ce soit très très encadré, probablement, au point de vue projet de loi. Mais moi, ça m'est apparu - et j'en ai parlé avec plusieurs personnes - comme étant une solution possible, qui pourrait être intéressante, qui est basée un peu sur la mécanique des accréditives, dans le fond. Ça ressemble un peu aux accréditives de mines, ou... Ça ne réinvente pas la roue. Mais dans les cas où il y a un grand secteur à décontaminer et que le pollueur n'a pas pu être identifié, et que, bon, tout le monde est pris avec qui paye la note, cette formule-là pourrait éventuellement être une formule intéressante. Et c'est pour ça que je l'ai soulevée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question additionnelle qui ne m'est pas inspirée, comme telle, par le contenu du mémoire mais qui, possiblement, m'intrigue par son absence du mémoire. J'ai eu l'occasion, lorsque la table Québec-municipalités fonctionnait à plein régime, de discuter de certaines données du projet de loi avec les membres de la table Québec-municipalités. Et les représentants municipaux m'avaient adressé des questions quant au fait que ledit projet de loi, s'il était appliqué tel que rédigé, pourrait affecter les rôles d'évaluation des municipalités. Et on sait que les rôles d'évaluation, c'est la base de vos systèmes de revenus municipaux. Vous avez le maire d'Anjou, le maire de Montréal-Est, et il y a une procédure d'enregistrement public des terrains qui est prévue au projet de loi, en ce sens que lorsque le ministère est informé on inscrit au bureau d'enregistrement le fait que le terrain est contaminé. Si ça devient connu, l'évaluation du terrain n'est plus la même, ça affecte les revenus des municipalités. Est-ce que vous avez des représentations à nous faire quant à cet aspect municipal de la question?

M. Leduc: Je dois vous avouer, M. le ministre, que j'ai eu l'occasion de prendre connaissance, ce matin, de l'avant-projet - mais c'est presque terminé - du mémoire que la ville de Montréal doit vous présenter jeudi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.

M. Leduc: Et la ville de Montréal est particulièrement sensible à cet aspect-là, et le traite dans son document. Je sais que pour eux c'est quelque chose de très important, que je suis en mesure de comprendre, notez bien. Mais seulement qu'eux vont, je pense, élaborer beaucoup sur cet aspect-là que vous soulevez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, ça va. Je m'inquiétais simplement du fart que ça n'avait pas été souligné par des élus municipaux alors...

M. Leduc: Montréal va le soulever.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Montréal va le souligner. M. Labrosse, est-ce que vous avez des...

M. Labrosse (Yvon): Non, pas de commentaire. On a eu des expériences dans le cas de la compagnie Texaco qui, elle, avait voulu se faire évaluer à 1 $ prétextant que c'était un terrain pollué mais ça n'a pas eu de suite et on n'a pas accepté non plus de l'évaluer à 1 $.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez maintenu l'évaluation traditionnelle.

M. Labrosse: Exact.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Quirion, est-ce que vous avez des...

M. Quirion (Richard): Moi, M. le ministre, j'aimerais, si vous me le permettez, parce que vous avez parlé tantôt du terrain de Petro-Canada et effectivement on parle, depuis le début, de projet de loi avec des mâchoires et des dents. J'aimerais souligner, ici, aux membres de

la commission qu'effectivement, comme pollueur-payeur, je pense qu'on a un exemple concret et très clair.

BP, British Petroleum, à un moment donné, c'est devenu Petro-Canada et ce terrain-là, pour vous situer géographiquement parlant, est situé entre Henri-Bourassa et l'autoroute 40, entre Montréal-Est et le parc industriel actuel de la ville d'Anjou. On parle quand même de 20 000 000 à 22 000 000 de pieds carrés. Là, effectivement, la compagnie Petro-Canada a dépollué à des coûts quand même très substantiels. On parle de 25 000 000 $ d'investissement pour la dépollution du terrain, ce qui en fait, finalement, le pollueur-payeur. Alors, elle l'a pollué et on l'a décontaminé. Par la suite, évidemment, ce terrain-là a pris une certaine valeur et, effectivement, elle s'en est départie à une entreprise qui s'appelle Alexis-Ninon qui, elle, a un projet de développement de parc d'affaires. On y a inclus, nous, comme municipalité, et je pense que vous vous rappelez un petit peu le dossier, M. le ministre, je vous en avais parlé, on a inclus à travers ça, nous, un terrain de golf pour pouvoir - c'est unique au Québec, ça - justement changer l'image de l'est de Montréal. Ça, c'est un exemple concret de pollueur-payeur, Petro-Canada.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais est-ce que, et c'est la précision que je n'ai pas, c'est Petro-Canada comme telle qui avait contaminé le terrain ou si c'était le propriétaire antérieur ou est-ce qu'il y avait cumul de...

M. Quirion: C'était le propriétaire antérieur parce que ça appartenait à BP à l'époque. D'accord?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Intéressant, ça, comme notion.

M. Quirion: Et là, BP, c'a été vendu. C'est Petro-Canada qui a acheté ça et, par la suite, là, évidemment récemment, elle a décidé de dépolluer ce terrain-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Même si c'était le propriétaire antérieur, il y a eu application du principe pollueur-payeur non pas à partir du responsable de la source de contamination mais à partir du propriétaire du terrain.

M. Quirion: Exactement. Mais comme on dit pollueur-payeur, elle a décidé, effectivement, de dépolluer ce terrain-là, sachant très bien qu'elle augmentait la valeur dudit terrain, donc, par conséquent, pouvoir investir, si vous me permettez l'expression, dans l'est de Montréal en disant: Voici, on va décontaminer ce terrain-là; par contre, on va le vendre évidemment au prix qu'il nous a coûté dans la décontamination. Par contre, la personne qui décide d'acheter ce terrain-là sait très bien qu'il a une valeur énorme à partir du moment où il est décontaminé effectivement et à partir du moment où il y a de moins en moins de terrains sur l'île de Montréal. Donc, elle voit très bien son profit à court, moyen et long terme. C'est la raison pour laquelle elle s'est permis d'acheter ça. Sauf que ce qui est intéressant là-dedans, c'est qu'on a un exemple vraiment concret d'un pollueur-payeur, étant donné qu'elle était propriétaire du terrain, et je pense qu'on devrait peut-être publiciser davantage cet exemple-là qui, à mon avis, va sûrement avoir des conséquences et probablement des effets d'entraînement concernant d'autres terrains qui sont contaminés.

Si on est capables de décontaminer un terrain qui a été contaminé par une pétrolière, je pense, à ce moment-là, qu'on est sûrement capables, dans d'autres endroits du Québec - évidemment, les terrains n'ont peut-être pas nécessairement la même valeur - de pouvoir arriver avec des solutions comme celle-là. Non seulement on réussit à dépolluer ou décontaminer un terrain de cette envergure-là mais, en plus de ça, on est capables d'aménager à l'intérieur un terrain de golf et de conserver un certain boisé qui est là, donc une participation de trois paliers: CUM, la ville d'Anjou, de même que l'entreprise privée et, ça, je pense que c'est très significatif à l'intérieur d'un environnement sain au niveau de l'est de Montréal. Et, au risque de me répéter, je pense que ça va avoir des conséquences heureuses sur d'autres régions du Québec, définitivement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, la technologie... sur le plan technologie de décontamination utilisée. On a entendu tantôt M. le maire de LaSalle nous parler de son enveloppe qui est à la disposition... Est-ce que vous avez des résidus, suite à l'opération, que vous êtes obligés d'envoyer, traditionnellement, à Sarnia? J'étais pour dire. Dans quelque temps... (16 h 30)

M. Quirion: On les laisse chez nous. C'est qu'il y a une partie du terrain, 5 % du terrain, qui a été conservée, où on envoie les terres contaminées et dans un avenir plus ou moins rapproché, d'ici trois ans, ces terres-là seront décontaminées via ce qu'on appelle, je pense, un incinérateur mobile ou, en tout cas, il y a un investissement de l'ordre de 10 000 000 $ à 12 000 000 $ fait par Pétro-Canada justement pour régler ce problème-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais la nature...

M. Quirion: Mais elle a de deux à trois ans pour le terminer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais la nature de la contamination par la pétrolière,

conjuguée à la technologie connue, vous permet d'éviter tout type d'enfouissement.

M. Quirion:exactement, oui. bien, c'est-à-dire, tout type d'enfouissement... ce qui a été fait jusqu'à maintenant, c'est qu'elle a quand même réservé une partie du terrain...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 5 %.

M. Quirion:...5 % à l'extrémité nord-ouest. elle l'a gardée là, et puis sa technologie va lui permettre, effectivement, de pouvoir se débarrasser de cette terre contaminée là. évidemment, on a reçu toutes les lettres possibles du ministère de l'environnement à l'effet qu'on pouvait maintenant, dans les autres 95 % du terrain, commencer la construction d'entreprises, de même que - l'aspect loisir - il était possible de pouvoir aménager un terrain de golf intégré à l'intérieur d'un parc d'affaires comme celui-là.

Alors, je voulais tout simplement donner un exemple, ici, concret de ce qu'on appelle, finalement, un pollueur-payeur. C'est une entreprise paragouvernementale, évidemment, du fédéral. Maintenant, est-ce que cette explication-là pourrait être donnée pour d'autres régions du Québec? Ça, c'est une question qu'on est en droit de se poser.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Quirion. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux féliciter les maires pour leur présentation et souligner aussi le travail des maires de banlieue, en particulier celui de mon collègue - j'ai un préjugé - mon collègue médecin. La ville de LaSalle a été à l'avant-garde de la collecte sélective, LaSalle, Victoriaville, la Montérégie sont à l'avant-garde de ce mouvement.

L'exemple que M. Quirion vient de nous donner, Petro-Canada, évidemment, vous l'avez ajouté à la toute fin. Le fait que la pétrolière en question, Petro-Canada, soit une pétrolière qui vit de nos deniers, ça aide un peu, j'imagine. Mais il y a aussi d'autres facteurs, c'était rentable pour eux, ensuite...

Une voix:...

M. Lazure: Oui. Mais moi, je reviens à la page 3, lorsque vous dites, ce qui a été repris par le ministre: "Les dispositions qui peuvent être prises dans de tels cas, nous croyons que le projet de loi, tel que rédigé, n'en contient aucune." Moi, je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord avec vous. Si je comprends bien votre pensée, vous faites allusion aux cas nombreux, comme vous le dites dans votre texte, de pollueurs qui, ou bien sont disparus depuis longtemps, ou bien ne sont pas solvables. C'est là la mise en garde que j'ai faite ce matin au ministre, que je répète encore, parce qu'il s'agit de pollueurs qui sont disparus ou qui ne sont pas solvables. bon. on a beau avoir dans la loi des amendes de 1 000 000 $, mais si l'individu est insolvable... dans ce sens-là, les maires ont raison...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et que le terrain ne vaut rien, qu'il n'est pas situé à Montréal.

M. Lazure: C'est ça, c'est ça. Dans ce sens-là, les maires ont raison. Je vous appuie sur votre premier paragraphe de la page 3. Il est important d'inclure, comme on le disait tantôt, avant que vous arriviez, avant que vous fassiez votre présentation, une ou d'autres formules. Ça peut être la formule que vous proposez, vous, là, les formules originales, ou encore la société en commandite, ou encore le fonds de décontamination dont on a entendu parler par le groupe qui vous a précédés et par les départements de santé communautaire, ce matin, aussi, un fonds de décontamination qui serait constitué par des prélèvements annuels, un peu encore une fois comme le fonds de compensation de la CSST, qui serait prélevé d'entreprises qui sont susceptibles de polluer l'environnement, de près ou de loin, selon des échelles fixées par le ministère, par le gouvernement, des échelles, des taux qui varieraient selon la gravité de la pollution appréhendée dans telle ou telle industrie. Encore une fois, on tiendrait compte aussi du dossier de l'entreprise, comme la CSST tient compte aussi du dossier d'une entreprise au point de vue des accidents de travail.

Alors, dans ce sens-là, je pense que votre contribution a été intéressante. Moi, je vous avoue que j'ai un peu de penchant pour les autres formules, fonds, ou assurances ou mutuelles, parce que, d'abord, votre société en commandite, l'inconvénient, c'est qu'elle ne met pas à contribution l'ensemble du réseau de pollueurs, tandis que le fonds de contamination, genre CSST, met à contribution les pollueurs actuels ou potentiels. Dans ce sens-là, moi, je serais intéressé de voir un peu vos réactions. Ça serait quoi, votre appréciation d'un système du genre fonds de contamination qui serait constitué de perceptions que le ministère exercerait auprès des entreprises qui sont susceptibles de polluer?

M. Leduc: Je ne suis pas assez familier, je dois vous avouer, avec... J'ai écouté la présentation des gens de la Fondation en environnement. Évidemment, c'est une solution; la nôtre en est une autre. Je ne suis pas assez familier avec les performances de ces fonds-là. J'ai entendu parler comme tout le monde du "superfund" aux États-Unis, etc.; il y a des forces, il y a des faiblesses. Je ne suis pas assez familier pour me prononcer là-dessus. Mais nous autres, les maires

de banlieue, on est beaucoup plus que beaucoup d'autres regroupements politiques au Québec proentreprise privée. La solution qui est là est une solution qui, si vous voulez, fait appel à l'entreprise privée, à une notion de profit, une notion de bénéfice, puis une notion plus à court terme qu'un fonds administré par, entre guillemets, une entreprise publique, si vous voulez.

Mais je n'oserais pas m'embarquer dans une dialectique compliquée sur les vertus de l'un par rapport à l'autre. Nous, c'est notre solution, on trouve qu'elle implique plus le secteur privé, étant plus limitée dans le temps, étant plus ponctuelle, peut-être, à l'intérieur d'une structure le permettant, donc il est possible d'en faire un peu partout, n'importe où, il n'y aurait pas de problème. C'est une solution comme une autre, mais ce que je répondrais à votre question, c'est peut-être un peu anodin, mais c'est de dire: Écoutez, une solution ou une autre, mais il faut qu'on en trouve une à un moment donné.

Parce que nous autres, à LaSalle, quand on a eu nos problèmes, bien, écoutez, le gouvernement provincial a mis de l'argent là-dedans, nous autres, on en a mis, on s'est débrouillés, on a essayé de faire des espèces de pirouettes. Ça a coûté finalement au gouvernement provincial 8 300 000 $, si je me rappelle bien; nous autres, ça nous en coûte à peu près 3 000 000 $ ou 4 000 000 $. Pour une municipalité de notre grosseur, c'est quand même pas mal d'argent, puis on est venus à bout d'impliquer l'entreprise privée. Bon, en tout cas, ça a été une espèce de petite expérience très locale, assez originale, mais qui n'était pas encadrée à l'intérieur d'une loi puis qui...

M. Lazure: Évidemment, Mme la Présidente, votre formule de société en commandite ou encore la formule que vous avez développée à LaSalle, dont vous parlez dans votre mémoire, ces deux formules-là ne sont pas incompatibles avec un fonds de décontamination ou une mutuelle d'assurances. Ce n'est pas incompatible.

M. Leduc: Non. Les deux, d'après moi, peuvent exister. Mais, comme je vous dis, je ne pourrais pas m'embarquer.

M. Lazure: Merci. Mon collègue de Jonquière, Mme la Présidente, aurait quelques questions.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. J'aurais aimé revenir un peu sur l'expérience que LaSalle a vécue avec la décontamination des sites. J'ai eu l'occasion de suivre ça. C'est évident qu'on était en commission parlementaire, puis vous êtes venus à une ou deux reprises, sûrement, pour parler de la décontamination.

Quand je regarde votre mémoire, vous nous dites quelque part que vous êtes chanceux, à LaSalle, puisque vous avez la revente des terrains qui vous permet d'avoir trouvé une solution originale. Mais je voulais revenir sur la participation gouvernementale et la participation municipale. C'est environ 12 000 000 $. En quoi la vente des terrains, si vous n'aviez pas eu cet apport-là du municipal et du gouvernement du Québec... Comment vous auriez pu vous en tirer par rapport à ça?

M. Leduc: Bien, il y aurait eu un énorme trou de 7 000 000 $. Ce n'est quand même pas rien. C'est parce que l'entreprise privée... Puis pas avec la peur du pollueur-payeur, hein? Quand on lui partait de ça, ça faisait rire son avocat, parce que, dans le fond, d'abord, la loi n'existait pas encore, mais on la brandit depuis, cette loi-là, on la brandit comme devant arriver un jour depuis quand même un certain bout de temps. Ces gens-là, ils étaient les acheteurs de gaz, c'étaient des "développeurs". C'est Westclift, on peut le dire, Westclift Development, qui est quand même une très grosse corporation, qui avait acheté ce terrain-là et qui le savait, quand elle l'a acheté, qu'il était contaminé; ces gens-là l'ont acheté en le sachant contaminé. Ils ont fait une décontamination très superficielle, selon les normes de l'époque, puis ils ont essayé de bâtir dessus un centre d'achats. Là, ils se sont fait dire: Non, non, c'est contaminé encore, puis très contaminé, c'est un des plus contaminés au Québec. Bon. Là, ils ont déplacé leur centre d'achats à côté, puis ils sont restés avec ce terrain-là, qu'ils n'avaient pas payé cher, définitivement pas cher. Et, quand on est arrivés pour les faire contribuer, ils doivent avoir fait des calculs et dit... On demandait - et c'était par décret - 7 000 000 $ de contribution au propriétaire du terrain, qui n'était pas le pollueur.

La compagnie de qui ils l'avaient acheté n'était pas non plus le pollueur. C'était LaSalle Coke, une compagnie qui était démantelée et qui n'existait plus, à toutes fins pratiques, depuis un bon bout de temps. Ils ont accepté, eux, de mettre 7 000 000 $ dans la décontamination. Bien, ces 7 000 000 $, c'est un effet du Saint-Esprit et de la bonne négociation, parce qu'on ne pouvait pas les obliger... M. Lincoln, à cette époque-là, me disait tout le temps qu'il avait une lettre d'ordonnance dans son bureau. La lettre d'ordonnance n'est jamais sortie de son bureau. Mais, si elle était sortie, je me demande ce que ça aurait changé, réellement. Vous m'excuserez d'être un peu... Je pense que, dans cette période, bien précisément, une lettre d'ordonnance obligeant une compagnie à numéro - O.K., c'était Westclift, mais c'était aussi 89205 Canada Itée - tu fais un X là-dessus le lendemain et c'est fini, bye-bye. Ils ont accepté d'embarquer finalement pour 7 000 000 $. Bon, je ne sais pas où on aurait pris ces 7 000 000 $; nous autres,

on n'aurait pas été capables de payer ça.

M. Dufour: Est-ce que les propriétaires de Westclrft ont pu revendre le terrain?

M. Leduc: Actuellement, ça vient de se terminer. Ça vient juste, juste de se terminer. Ils ont embarqué avec une autre compagnie et ils ont un gros projet de développement à ce niveau-là. Leur affaire va bien. Ils font un bon "deal", eux autres, parce qu'ils avaient payé le terrain pas cher, le sachant déjà contaminé. Si vous ajoutiez les 7 000 000 $, le prix du terrain, au bout de la ligne, par rapport au coût des terrains par chez nous, je dois vous avouer que ce n'était pas très, très élevé. Donc ils font un bon "deal". C'est pour ça qu'ils ont embarqué. Ce n'est pas par menace, en aucune façon.

M. Dufour: Quelle était la superficie du terrain concerné?

M. Leduc: 4 100 000 pieds carrés. Ça, c'est la phase II, le terrain de la LaSalle Coke. On a pris 1 000 000 de pieds carrés pour bâtir une cellule géante qui est une petite montagne, mais qui contient aussi les terrains contaminés qui viennent de l'ancien dépotoir municipal qui, lui, était un endroit où il y avait des maisons de construites par-dessus. Il a fallu démolir des maisons, envoyer du monde. Ce qu'on excavait à cet endroit est dans la cellule, sur les terrains de la LaSalle Coke. Maintenant, une fois la cellule enlevée, il reste 3 100 000 pieds carrés, à huit minutes de Montréal en auto, du centre-ville de Montréal. Donc, 3 100 000 pieds carrés, c'est quand même intéressant comme morceau de terrain.

M. Dufour: Moi, ce que j'essaye de regarder, par rapport à ça, c'est qu'il y a perte nette... La municipalité finira peut-être par trouver des revenus, quand ce sera construit, etc., mais il y a 12 000 000 $ au départ que... Je voulais essayer de rapprocher ça avec votre société en commandite. Vous nous parlez d'une société en commandite. Il y a 12 000 000 $, soit une participation gouvernementale plus une participation municipale, ce qui fait 12 500 000 $ à peu près de perte nette. La compagnie West-cltft a mis 7 000 000 $. Ça fait pas mal d'argent, d'un coup sec. Ça fait que votre société en commandite, comment elle pourrait, elle - j'essayais de suivre votre raisonnement là-dessus - comment elle pourrait faire un profit ou une "opération"?

Vous avez beau me dire que vous êtes pour l'entreprise privée, mais moi je sais qu'à Montréal il y a des entreprises semblables qui se font par les municipalités. Ce ne sont pas toutes des entreprises privées. Les entreprises privées, pour autant que je sache, elles vont bien et elles ne veulent entendre parler de personne, tant qu'elles n'ont pas de problèmes. Quand elles ont des problèmes, elles se revirent vers le gouvernement. Je mets toujours un bémol par rapport à ça. Je suis pour l'entreprise privée aussi, mais à la condition qu'elle "opère" dans des règles bien précises et qu'on ne soit pas les otages de l'entreprise privée. Il faut que les entreprises privées puissent s'en sortir.

La, ce que vous nous dites, c'est: Notre société en commandite pourrait s'en sortir quelque part, c'est la différence des montants-Comment elles pourraient se retaper? Autrement dit, ce n'est pas la charité qui fait ça. Ça serait à même quoi? Ça serait à même les taxes? S'il y a des profits, aller chercher des pertes sur capital, etc., le gouvernement va refuser de reprendre des profits? Dans une opération comme ça, une société en commandite, j'ai de la difficulté à la saisir. Parce que la société en commandite, dans le fond, tel qu'il est proposé...

M. Leduc: Avec des bénéfices fiscaux, il ne faut pas oublier...

M. Dufour: Les bénéfices fiscaux, mais, quand on donne des bénéfices fiscaux, c'est le gouvernement qui est perdant...

M. Leduc: Ah, bien, ça, c'est sûr.

M. Dufour: ...qui les perd. Ça fait qu'il n'y a jamais de profit quelque part.

M. Leduc: Je ne suis pas sûr que M. Wilson et M. Gérard D. Levesque seraient très, très heureux d'entendre parler de société en commandite pour l'environnement. Je ne prétends pas... On parle d'une commission parlementaire sur l'environnement. C'est sûr qu'au bout de la ligne ce sont les entrées de fonds qui en souffriraient. Mais, il s'agit de faire le calcul, M. Dufour.

M. Dufour: C'est parce que moi, j'essayais de rapprocher ça avec la profession que vous avez faite vis-à-vis de l'entreprise privée. L'entreprise privée a des moyens mais, que je sache, elle opère dans un cadre où elle peut faire des profits. Les profits tels que proposés ou tels qu'on les voit, c'est vraiment un transfert de sommes d'argent qu'elle va chercher à même le gouvernement. Elle va le faire, mais je pense qu'il y a peut-être d'autres moyens plus faciles. C'est peut-être là, la différence. Acceptons donc carrément que seul le pollueur-payeur paie. S'il ne paie pas, bien, on trouvera d'autres méthodes. Mais moi, la société en commandite, là, il me semble que je regarderais ça avec beaucoup de circonspection ou...

M. Leduc: Mais les gens de la ville de Montréal vont venir vous parler jeudi, sûrement, de tout leur secteur sud-ouest qui est le plus vieux secteur industriel au Canada, où ils

démolissent des vieilles industries et ils veulent bâtir des habitations à logements sociaux, etc. Ils ont plusieurs projets, dans ce coin-là. Ils "scrépent" un peu le terrain - d'abord, ce sont des budgets limités, ça, ce sont des habitations à loyer modique - puis ils trouvent une pollution, et là, s'ils reculent dans le temps, ils peuvent reculer facilement à 1867, quand ils construisaient le chemin de fer ou je ne sais trop quoi. C'est le plus vieux secteur industriel au Canada, quand Montréal était, à toutes fins pratiques, la seule ville industrielle qui existait. Donc, dans un cas comme ça, il n'y a pas moyen de retrouver le pollueur. Puis ce sont des petits tas, je veux dire, c'est 300 mètres cubes, 1000 mètres cubes, 400 mètres cubes, dépendant des projets. Et là, ils sont pris à envoyer ça à Sarnia et puis ça coûte un prix de fou. Ça coûte 800 $ ou 900 $ le mètre cube. Écoutez, là, je m'avance sur les prix, mais je suis à peu près dans ces...

L'entrepreneur privé, lui, qui a une cellule à sécurité maximale, ou une autre technologie de lavage des sols ou, je ne sais pas, en tout cas, toutes les technologies qui existent sur planche à dessin, et qui "charge" 200 $ le mètre cube, c'est déjà un bon "deal", plutôt que l'envoyer à Sarnia. Mais il met déjà de l'argent dans ses poches, lui, et il règle un paquet de petits cas qui, d'après moi... Je donne le sud-ouest de Montréal comme exemple. Ils vont sûrement vous en parler, les gens de Montréal. Retrouver le pollueur là-dedans, là, c'est absolument impossible. C'est de reculer dans la préhistoire. Il faudrait engager des gens qui font des fouilles. C'est de reculer dans la préhistoire au point de vue environnemental. Donc, pour ces cas-là, il s'agit d'avoir des solutions originales. Si opérer une cellule à sécurité maximale, sur un terrain qui est déjà contaminé, etc., ça peut être rentable pour une entreprise privée, écoutez, je ne veux pas réinventer la roue, mais je me dis...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors...

M. Leduc: ...qu'il ne peut pas avoir des solutions qui vont couvrir tous les cas mur à mur. Personnellement, je n'y crois pas. Je crois, par exemple, que la notion de pollueur-payeur, c'est un maudit grand pas dans la bonne direction. Ça, je me permets de le dire.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettrez, en terminant, Mme la Présidente, de remercier la Conférence des maires de la banlieue, les représentants qui, par leur témoignage, nous aident à bonifier le projet de loi. Je réitérerai strictement ma question au Dr Leduc, qui touche le haut de la page 3 du mémoire: Les dispositions qui peuvent être prises dans un tel cas, etc., d'ordre légal... Pas que je n'aie pas confiance au diagnostic médical que vous et le critique de l'Opposition avez porté, mais, si on pouvait le substituer par une opinion légale, ça me réconforterait avant de procéder plus avant dans le projet de loi. Encore une fois, pour votre présentation ainsi que pour les autres actions en matière environnementale que vous avez entreprises sur le territoire de l'Ile de Montréal, merci.

M. Leduc: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Mme la Présidente, moi aussi, je veux remercier les maires et je voudrais faire remarquer au ministre de l'Environnement que l'opinion légale, je comprends l'utilité qu'elle puisse avoir - pour répondre à sa question, en haut de la page 3, la remarque de la Conférence des maires - mais je pense qu'il doit tenir compte de l'expérience de la Conférence des maires. L'expérience qu'on a tous vécue depuis quelques années, c'est que plus souvent qu'autrement les pollueurs en question ne sont plus solvabies et ne sont plus dans le paysage, ne paient pas. Alors, c'est pour ça que le ministre nous présente un projet de loi qui est incomplet, il faudra absolument qu'il retienne une des formules que vous, vous avez présentées et que les deux autres groupes, aujourd'hui, ont présentées. Merci, MM. les maires.

M. Leduc: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, MM les maires Leduc, Quirion et Labrosse, nous vous remercions de votre participation et vous souhaitons un bon retour. La commission de l'aménagement et des...

M. Maltais: Mme la Présidente, il est 17 heures. On était supposés ajourner à 18 heures? Est-ce que...

La Présidente (Mme Bélanger): Les travaux étant terminés, monsieur, si vous voulez rester ici jusqu'à 18 heures, M. le député de Saguenay, c'est votre choix. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 20 h 13)

Le Président (M. Garon): Je déclare la commission de l'aménagement et des équipements ouverte et je voudrais inviter le Conseil du patronat, avec M. Ghislain Dufour, président, à présenter les membres. Auparavant, j'aimerais vous dire simplement que, selon ce qui vous a

été dit, c'est une heure. Normalement, les représentants, vous le savez, prennent 20 minutes, la partie ministérielle, 20 minutes et l'Opposition, 20 minutes. Si vous en prenez plus, vous réduisez autant le temps de chacun des deux partis. Si vous voulez prendre les 60 minutes, bien, il ne restera pas de temps pour les questions. Alors, vous décidez. Si vous en prenez 10, bien, 50 minutes se divisent moitié-moitié entre les deux partis, 25 minutes chacun.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, on va choisir la dernière alternative.

Des voix: Ha, ha, ha!

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais vous présenter mes collègues. A ma gauche, M. Marc Saint-Cyr, qui est le coordonnateur en environnement chez Shell Canada et qui représente avec nous l'Association des fabricants de produits chimiques; M. Éric Meunier, qui est directeur, recherche et consultation, à l'Association des manufacturiers canadiens, section Québec; Me Philippe Casgrain, du bureau de Byers, Casgraln, qui représente l'Association des mines d'amiante du Québec; M. Roger Laporte, qui est le président de Nova PB; et M. Jacques Garon, qui est le directeur de la recherche au Conseil du patronat. M. le Président, en fait, oui, ma présentation sera d'à peu près, au maximum, 15 minutes, ce qui donnera plus de temps pour les questions et réponses.

Je dois dire qu'au Conseil on accueille favorablement le principe qui sous-tend le projet de loi 65, tout comme on accueille favorablement l'initiative du ministre de le soumettre à une commission parlementaire. Nous croyons, en effet, que les initiatives environnementales sont beaucoup plus efficaces lorsqu'elles sont élaborées sur une base consultative avec tous les groupes intéressés.

Ce projet de loi, cependant, a une portée considérable puisqu'il touche la contamination non seulement des sois, mais de l'environnement en général, qu'il s'agisse, par conséquent, de l'air ou de l'eau. À ce titre, les dispositions proposées sont, vues par nous, extrêmement coerdtives et ne laissent aucune place à des mesures économiques et fiscales pour encourager les entreprises et les particuliers à collaborer de manière efficace avec le gouvernement.

Nous voulons d'abord, M. le Président, profiter de l'occasion qui nous est offerte pour réitérer notre philosophie face au problème global de l'environnement. Cette dernière met l'accent sur les aspects fondamentaux que sont les capacités technologiques et l'impact économique. Nous ne pouvons pas passer sous silence ces réalités qui sont des composantes essentielles de l'équation non seulement du problème des sols contaminés, mais également d'une large gamme de problèmes environnementaux.

Ainsi, on ne semble pas toujours réaliser assez que les deux facettes de l'amélioration de la qualité de l'environnement, soit l'assainissement et la prévention, impliquent des coûts énormes. Pourtant, les consommateurs et les entreprises assument des taxes municipales de plus en plus élevées dont une partie importante est affectée au traitement des eaux usées, pour ne citer que cet exemple. Mais, à l'avenir, la hausse des coûts de production des entreprises qu'entraînera l'obligation d'assurer le développement économique tout en préservant un environnement acceptable pour tous se reflétera, bien sûr, sur le prix des biens et des services.

Par conséquent, une meilleure prise de conscience des entreprises face aux problèmes environnementaux doit être conjuguée à une conscientisation de la collectivité et même des politiciens... quant au partage des coûts d'une meilleure qualité de l'environnement: la protection de l'environnement n'est pas la responsabilité seulement des entreprises.

Nos commentaires généraux, dans une première partie, sur le projet de loi 65. Même si le CPQ est d'accord avec les fondements de ce projet de loi qui s'appuie sur le principe du pollueur-payeur, nous croyons par ailleurs que le gouvernement doit le revoir pour y présenter une approche plus claire et plus cohérente. Il est en effet essentiel que (es normes et les directives soient adaptées aux difficultés rencontrées dans la réalité. Ainsi, et c'est un exemple précis, M. le Président, la décontamination d'un sol est nécessaire, je suis tout à fait d'accord avec ça, et, à cet égard, il faut prévoir où on enverra la matière contaminée, ce qui n'est pas le cas dans le projet de loi. Aussi faudrait-il s'attendre à ce qu'en parallèle au projet de loi on dépose un projet de mise sur pied d'un réseau de centres de dépôt et d'entreposage des sols contaminés.

De plus, ce projet de loi comporte, selon notre évaluation, des coûts énormes. Le ministère en a-t-il fait l'analyse? La commission Charbon-neau, pour sa part, affirme qu'il est très difficile sinon impossible de déterminer les conséquences et le coût du traitement des déchets dangereux puisqu'on en ignore même le volume et la nature.

Par ailleurs, le projet de loi 65 n'est pas clair sur de nombreux points. Ainsi, on doit remédier à la définition déficiente d'un certain nombre de termes et de mots tels que, et ce n'est pas exhaustif: étude de caractérisation, décontamination, restauration, certains travaux, des activités susceptibles de contaminer, l'altération de l'usage du sol, etc. Il est nécessaire de clarifier ces termes avant l'élaboration de la réglementation qui suivra l'adoption du projet de loi 65. Une interprétation sans équivoque de ces termes est essentielle pour assurer le succès de l'application de la législation proposée.

Ceci dit, M. le Président, regardons maintenant un certain nombre de commentaires spécifiques. Il n'y a pas tellement d'articles. Alors, prenons l'article 31.42. Lisons-le: "Le ministre peut, lorsqu'il a des motifs raisonnables - c'est le mot "raisonnables" qui est important - de croire qu'un contaminant est présent dans l'environnement (...) ordonner à toute personne ou municipalité (...) de lui fournir une étude de caractérisation de l'environnement, un programme de décontamination ou de restauration de l'environnement..."

Voici les quelques commentaires que nous avons sur cet article. Les termes "motifs raisonnables" donnent, quant à nous, au ministre des pouvoirs très importants puisqu'il n'a pas besoin d'une preuve pour engager des actions ou des poursuites. La législation environnementale de l'Ontario emploie les mots "motifs raisonnables et probables", ce qui encadre plus strictement l'exercice de ses pouvoirs. D'ailleurs, déjà, l'article 49.1 de la loi est beaucoup plus précis et môme l'article 31.44 qu'on retrouve ici est plus précis encore, lorsqu'il stipule: "Le ministre peut sur la foi d'un rapport d'analyse ou d'étude ou de tout autre rapport technique..." Donc il y a des fondements. Ce n'est pas purement le motif raisonnable. Le ministre ne devrait pas avoir la possibilité d'émettre un ordre sans que soit établie au préalable la preuve qu'un contaminant est présent dans l'environnement, en contravention à la réglementation.

Deuxième commentaire, toujours sur le même article. On ne définit d'aucune façon ce qu'est une étude de caractérisation qui, pourtant, est un peu le nerf du projet de loi et de l'article. En principe, une telle étude doit préciser, quant à nous, la nature et la quantité de contaminants, ce qui peut exiger que l'on recoure à des méthodes très sophistiquées et coûteuses, selon la nature des contaminants, et aussi impliquer de sérieuses conséquences financières pour les individus, les entreprises et les municipalités. C'est pourquoi, disons-nous, le projet de loi devrait spécifier ce qu'une étude de caractérisation devrait inclure. On se réfère ici à deux documents qui ont déjà été publiés par le ministère de l'Environnement qui, quant à nous, donnent des orientations et des indications très précises quant à l'utilisation que l'on pourrait faire des termes. Je ne lirai pas ces références, M. le ministre, vous les connaissez mieux que nous, mais c'est la "Politique de réhabilitation des terrains contaminés" et le "Guide standard de caractérisation de terrains contaminés", deux documents qui émanent de votre ministère et qui sont beaucoup plus précis, dans le fond, que ce qu'on retrouve dans la loi. Si vous tenez toujours à ces principes-là, si vous adhérez toujours aux éléments qu'on y retrouve afin de dissiper toute possibilité d'interprétation, surtout par les juristes, à ce moment-là, vous auriez tout intérêt à reprendre éventuellement ce que l'on retrouve dans les deux documents en question et que je ne vous lis pas.

Par ailleurs, les obligations de mener, par exemple, une étude de caractérisation ou d'entreprendre une activité de décontamination peuvent s'avérer très difficiles, sinon impossibles à réaliser, si l'accès à la propriété d'une autre personne ou d'une autre entreprise est nécessaire. Il s'agit tout simplement de se rappeler les images qu'on a tous vues à la télé de Balmet à Saint-Jean où vous aviez autour toute une série de terrains, dont une école. Vous voyez le processus dans lequel on s'embarque lorsqu'il faudrait aller décontaminer autour où l'on a pu contaminer sans nécessairement que soit clarifiée la responsabilité de celui qui veut décontaminer. Alors, ça, c'est un point très important pour nous, l'entourage, qui n'est pas précis dans la loi.

Donc, on dit: Dans de tels cas, une personne ou une entreprise qui reçoit un ordre de décontamination ou de restauration devrait avoir la possibilité de présenter son cas particulier devant les autorités concernées.

L'application de cette législation, donc toujours à l'article dont on parle, pose un problème particulier, puisqu'on ne précise pas comment le ministère déterminera l'identité de la personne ou de la municipalité qui a contaminé l'environnement. Qu'on songe - et ça, vous allez en entendre parler lorsque vous allez recevoir les municipalités - aux sites orphelins dont peuvent hériter les municipalités qui se verront pénaliser sans que, d'aucune façon, leur responsabilité ait été engagée. Peut-être serait-il approprié de considérer la création d'un fonds spécial pour pallier à ce problème potentiel, comme on l'a fait aux États-Unis.

Des commentaires maintenant sur l'article 31.43 que je résume rapidement: "Le ministre peut, lorsqu'il constate la présence d'un contaminant dans l'environnement (...) ordonner à toute personne ou municipalité (...) de prendre toutes les mesures qu'il lui indique pour décontaminer ou restaurer l'environnement." Le premier commentaire, c'est que, si le ministre constate, c'est qu'il a déjà des données qui démontrent irréfutablement la contamination de l'environnement et qui reposent donc sur une étude de caractérisation. Il serait pour le moins arbitraire d'imposer aux entreprises la réalisation d'études de caractérisation en vertu de l'article 31.42 alors que, dans d'autres cas, le ministère les a menées lui-même.

Deuxième commentaire. Les pouvoirs du ministre sont beaucoup trop grands puisqu'il peut ordonner - et là, je cite un certain nombre de pouvoirs - "de prendre toutes les mesures (...) pour décontaminer ou restaurer l'environnement", sans paramètre, sans... Des précisions, donc, concernant les moyens techniques et économiques devraient être apportées ici. La méthode et les moyens utilisés pour restaurer ou décontaminer

l'environnement devraient être laissés à la discrétion de la personne ou de la municipalité responsable. Ça, c'est un point important pour nous. Toutes les fois qu'on a parlé d'environnement, M. le ministre, avec vos prédécesseurs, on a toujours suggéré que le législateur se donne plus la responsabilité des objectifs, des contrôles et qu'il laisse plus aux entreprises qui ont, des fois, certaines technologies les moyens, les façons de réaliser. On vous demande de surveiller, il n'y a aucun problème avec ça, mais sur la façon de réaliser... En donnant la possibilité de choisir les moyens techniques de décontamination et de restauration, on pense qu'on pourrait réduire les coûts, encourager l'innovation en matière de technologie environnementale et quand même réaliser vos objectifs.

Un dernier commentaire sur cet article-là, M. le Président, et je ne le relirai pas. On pourra le relire ensemble tout à l'heure. Pour nous, c'est un article qui est inacceptable parce qu'on peut l'appliquer rétroactivement sans aucune limite de temps. Nous estimons qu'on ne peut faire porter rétroactivement à toute personne ou municipalité la responsabilité d'avoir contaminé l'environnement alors même que, lorsque la contamination est survenue, aucune loi n'était en vigueur à cet égard et que les activités pouvaient alors être exercées en toute légalité. Par conséquent, l'assainissement de l'environnement nous apparaît incomber, en tout cas en grande partie, à la collectivité tout entière.

Commentaire important aussi sur l'article 31.45. Vous save2, c'est celui qui dit qu'on peut informer par les médias pour la possibilité de contamination appréhendée, etc. Pourquoi est-il nécessaire de rendre une ordonnance publique lorsque des études n'ont pas encore confirmé s'il y a contamination ou non? L'aspect préjudiciable d'une telle mesure est tout à fait considérable et on ne peut accepter a priori que la réputation d'une personne, d'une entreprise, d'une municipalité soit soumise aux aléas d'une simple présomption qui pourrait s'avérer tout à fait irréaliste. Cela pourrait avoir, on vous le dit carrément, un effet désastreux pour certaines entreprises cotées en Bourse. Le problème de l'environnement est tellement sensible, actuellement, qu'accuser une entreprise d'un certain nombre de problèmes simplement sur des bases de présomption non prouvée pourrait avoir un impact important sur les actions en Bourse et sur les municipalités également, dans certains cas.

Pouvoirs réglementaires, M. le Président. Ils sont, quant à nous, vagues comparativement à la loi antérieure et, surtout, les pouvoirs d'ordonnance et de réglementation sont accordés aux gouvernements - et ça, on n'est peut-être pas sûrs de ce qu'on avance, mais le ministre pourra nous dire ce qu'est vraiment la proposition du projet de loi - sans préciser qu'ils seront assujettis à la Loi sur les règlements. J'aimerais ça qu'on entende le ministre nous donner cette garantie de prépublication des règlements et non de publication, comme on dit; la mise en vigueur immédiate, c'est quoi les délais, etc. Le projet de loi n'est vraiment pas clair là-dessus. Et, bien sûr, vous ne vous surprendrez pas que l'on vous dise que les pénalités dans ce projet de loi là sont très sévères, au dire même du ministre, les plus sévères au Canada.

En conclusion, le projet de loi donne des pouvoirs discrétionnaires extraordinaires au ministre de l'Environnement. Il est nécessaire, par ailleurs, de mieux définir de nombreux termes utilisés dans le projet de loi et qui peuvent avoir des conséquences sérieuses sur la santé financière des particuliers, des entreprises et des municipalités.

Il apparaît aussi, et ça, c'est important, que le projet de loi laisse peu de place à une collaboration efficace entre les autorités gouvernementales et le secteur privé. Pourtant, au moment où le gouvernement doit faire face à de nombreuses difficultés financières, il serait opportun de canaliser les forces du secteur privé pour mieux protéger et assainir l'environnement; c'est ce que laissait d'ailleurs entendre le dernier discours inaugural dont l'esprit, sinon la lettre, ne semble malheureusement pas se retrouver dans le projet de loi au niveau des incitations fiscales.

En terminant, M. le Président, aujourd'hui, dans les journaux, on lisait que le ministre était un peu préoccupé de la réaction qu'il pourrait obtenir du milieu des affaires - je ne sais pas si on le citait bien; on est tous habitués à ce genre de citation - en disant que la réaction des entreprises pouvait être très rigide, très forte. En tout cas, ce n'est pas du tout dans cet esprit-là que nous, on vient vous voir. Je pense qu'ils ont dit, en introduction: Dans le domaine de l'environnement, il faut absolument collaborer avec le gouvernement et les entreprises; c'est purement là-dessus que se bâtira vraiment quelque chose de valable. On a souvent l'impression, et ça, c'est un problème politique, que le ministre connaît des problèmes qu'il ne devrait pas connaître.

Mais aussi, du côté des entreprises, il ne faut pas penser que toutes les entreprises sont des Balmet ou des Mark Levy. La majorité sont des excellents citoyens corporatifs. Alors, il ne faudrait pas faire des lois qui visent les pas bons ou les quelques citoyens corporatifs mauvais et mettre dans des moules vraiment très restrictifs, qui ne nous conduiront à rien, l'ensemble des entreprises. Là-dessus, M. le ministre, je veux vous assurer de notre plus entière collaboration dans la rédaction correcte, saine et cohérente de ce projet de loi. (20 h 30)

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. Dufour. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la

Présidente, vous me permettrez de remercier le Conseil du patronat du Québec et ses représentants pour un mémoire qui, à sa lecture, nous indique que le Conseil du patronat a pris le temps voulu pour évaluer les impacts - et je pense que c'est important que ce soit fait - de l'application possible d'un tel projet de loi. De façon à procéder le plus rapidement possible, je reprendrai assez rapidement les principales questions.

Le Conseil du patronat parle des considérations économiques reliées à l'environnement. Il en parle à l'introduction et il en parle en conclusion également. Comme ministre de l'Environnement, j'ai toujours cherché avec le maximum d'ouverture d'esprit l'application du principe pollueur-payeur depuis que je suis arrivé au ministère. Sauf dans le cas de la personne qui réside en milieu rural et qui a à payer pour sa fosse septique et son champ d'épuration, je n'ai à peu près pas retrouvé dans le quotidien l'application du principe pollueur-payeur. À partir des municipalités où le gouvernement du Québec défraie 95 % de la construction d'usines d'épuration, jusqu'à toutes les interventions qu'on a à faire en matière de décontamination, qu'il s'agisse de la Balmet, de Duparquet en Abltibi, de l'est de Montréal, je me retrouve devant une situation, et je le dis bien franchement - et, si vous en avez, je vous invite à m'en faire part - où c'est le contribuable-payeur en matière de décontamination ou de prévention de la pollution. Ça, c'est à certains moments un peu difficile à accepter, lorsqu'on se place de ce côté-ci de la table.

Commentaires généraux sur le projet de loi 65. Je pense que vous posez une question fondamentale quand vous dites au deuxième paragraphe: Où enverra-t-on la matière contaminée? On a bâti des usines d'épuration, on ne s'est pas soucié où les boues allaient, etc., la suite dans le système, qu'on appelle. Actuellement, pour les matières considérées dangereuses au Québec, il n'y a rien de disponible. C'est Sarnia, Ontario, ou exportation hors pays. Le maire de LaSalie qui vous a précédés cet après-midi nous a indiqué qu'il y aurait des "facilités", mais pour la Communauté urbaine de Montréal, de disponibles bientôt. Mais, à part ça, la question mérite d'être posée.

Cependant, elle doit être posée de façon concurrentielle avec toute la question des développements technologiques. On a eu le maire d'Anjou qui nous a dit que Petro-Canada avait décontaminé des superficies importantes dans sa municipalité sans avoir recours à l'enfouissement. Donc, l'évolution technologique, il est important qu'on s'y attarde, parce qu'il y a moyen de faire des choses sans avoir recours à l'enfouissement. Mais la question que vous posez est fondamentale. Comment peut-on atteindre le bout de la chaîne sans rester pris avec le problème, ni au point de vue gouvernemental, ni sur le plan de l'entreprise à qui on impose des obligations? Là-dessus, il y a des précisions à apporter de la part du gouvernement.

Commentaires spécifiques. Le ministre peut sur la foi d'un rapport d'analyse ou d'étude ou de tout autre rapport technique... Vous faites la comparaison avec la législation ontarienne. Je vous dirai qu'il y a une obligation qui est contenue à l'article - et je vous le souligne bien respectueusement - 31.44 qui parle de l'obligation que l'avis ministériel soit accompagné d'une copie de tout rapport d'analyse ou d'étude ou de tout autre rapport technique dont le ministre a tenu compte. Notre prétention - et j'aimerais vous entendre tantôt là-dessus - est à l'effet que cette obligation va même plus loin qu'en Ontario en ce sens que la rédaction comme telle de la législation nous impose des obligations supérieures à celles qui sont imposées au ministère ontarien, lorsqu'on parie de motifs raisonnables et probables. Lorsqu'on ajoute l'obligation d'accompagner le rapport, on ajoute une obligation qui est supérieure, d'après l'interprétation qu'on a faite de "probable".

À la page 4 de votre mémoire, vous dites: "C'est pourquoi le projet de loi devrait spécifier ce qu'une étude de caractérisation devrait inclure. Le ministère de l'Environnement donne déjà des indications à cet effet dans deux documents publiés en février 1988." Vous avez raison. Ça devrait faire partie d'une réglementation, ce que vous soulignez. Nous le retenons. On ne pense pas que ça doive faire partie d'une législation, mais on pense que ça doit faire partie d'une réglementation. Présentement, ça fait partie d'une politique et, souvent, au ministère de l'Environnement, c'est ce qu'on a, des politiques. Et des politiques, ce n'est pas opposable aux tiers. Ce n'est pas opposable aux individus dans la société. En ce sens, nous avons l'intention de répondre à votre invitation, mais de ne pas l'incorporer dans la législation parce que les choses changent trop rapidement, mais sur le plan de la réglementation ça nous semble être une avenue intéressante.

À la page 5, vous traitez des "sites orphelins dont peuvent hériter les municipalités qui se verront pénaliser sans que d'aucune façon leur responsabilité ait été engagée." On a entendu déjà la Conférence des maires de la banlieue. Nous aurons l'occasion d'entendre la ville de Montréal, les unions municipales, etc. Je vous rappellerai strictement que, l'automne dernier, avec le gouvernement fédéral, nous avons signé une entente fédérale-provinciale qui traitait des sites orphelins, une entente de 250 000 000 $ sur cinq ans, pancanadienne, dont 200 000 000 $ pour la décontamination des sites comme tels. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais c'est peut-être un pas dans la direction que vous nous indiquez, là, où le gouvernement prend quand même certaines responsabilités avec l'argent des contribuables

Concernant l'article 31.43, au bas de la page: "Par ailleurs, les pouvoirs du ministre sont beaucoup trop grands puisqu'il peut ordonner de "prendre toute les mesures (...) pour décontaminer ou restaurer l'environnement." Si vous laissez les points de suspension et que vous n'écrivez pas "qu'il lui indique" - parce que la loi crée une obligation au ministre d'indiquer les mesures... Le reste de l'analyse est très solide mais, lorsque vous ajoutez ce fardeau au ministre, il faut qu'il indique les mesures. Maintenant, je retiens quand même votre suggestion et je pense qu'elle était très constructive à cet effet, d'indiquer peut-être les objectifs mais de laisser à l'entreprise le choix de la façon d'atteindre les objectifs. Je pense qu'on peut, en laissant ce choix, atteindre deux objectifs: économiser les coûts directs et permettre de la créativité de la part du secteur privé. Donc, à ce niveau-là, c'est une suggestion, également, qui nous apparaît intéressante, qui est faite par le Conseil du patronat du Québec.

Au paragraphe suivant, à la page 6: "II est inacceptable que les articles 31.42 et 31.43 puissent être appliqués rétroactivement sans aucune limite dans le temps." Et là j'ai indiqué "grosse question", parce que je me la suis posée et je vais vous la poser aussi naïvement que je me la suis adressée dans le processus de réflexion qui a amené à la rédaction du projet de loi. Il y a des gens qui peuvent prétendre que le projet de loi devrait s'appliquer à partir de sa sanction par le lieutenant-gouverneur, sa mise en vigueur. Qu'est-ce qu'on fait avec tous les terrains qui ont déjà été contaminés au Québec et qui en assume la décontamination? Jusqu'où doit-on retourner dans le temps et à partir de quelles normes et de quels critères? Je pense que vous avez touché là, au niveau de ce paragraphe, la question qui doit sous-tendre l'applicabilité dans le temps du projet de loi et j'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect.

Les pouvoirs réglementaires, je vais vous répondre immédiatement, oui les règlements seront assujettis à la Loi sur les règlements, c'est-à-dire qu'il y aura prépublication, etc., les mécanismes que vous connaissez bien. Maintenant, ce n'est pas le cas pour le pouvoir d'ordonnance. Le pouvoir d'ordonnance est, pour autant que je le sache, exercé avec parcimonie, de façon studieuse. Si vous pouvez m'apporter des exemples où ça n'a pas été fait... À chaque fois que j'ai, comme ministre, à signer une ordonnance, je vous dirai que je fais monter tous les rapports de la machine et, quelquefois même, je prends le téléphone pour vérifier à l'extérieur de la machine, parce que c'est un pouvoir extraordinaire, le pouvoir d'ordonnance qui est accordé au ministre, et il se doit d'être exercé de façon parcimonieuse parce qu'il a des conséquences qui peuvent être graves à la fois sur le plan environnemental et sur le plan économique.

La conclusion: "Ce projet de loi laisse peu de place à une collaboration efficace entre les autorités gouvernementales et le secteur privé. Pourtant, au moment où le gouvernement doit faire face à de nombreuses difficultés financières, il serait opportun de canaliser les forces du secteur privé pour mieux protéger et assainir l'environnement."

Vous avez à la fois raison ou tort, si vous me permettez un commentaire d'ordre philosophique. En matière de décontamination, toute la question des sites orphelins est assumée par les niveaux de gouvernement, à partir des impôts et des taxes des contribuables. Vous avez raison de souligner que le gouvernement, dans des situations financières difficiles - le ministre de l'Environnement se fait constamment critiquer, pour ne pas dire harceler par l'Opposition officielle pour ne pas obtenir des crédits davantage importants, etc. Et, à chaque fois, et je devrais dire, pas encore d'une façon quotidienne, mais au moins d'une façon hebdomadaire, qu'un dossier éclate sur le plan de la décontamination d'un site considéré dangereux pour la population, c'est l'argent des contribuables qui est mis à l'oeuvre pour caractériser et décontaminer. Je n'ai pas encore un exemple à vous citer où c'est l'argent du pollueur, du propriétaire, d'un fonds constitué par les propriétaires ou par le pollueur; c'est, à chaque fois, l'argent du fonds consolidé de la province de Québec qui est mis à contribution. Donc, le partenariat est à sens unique au moment où on se parle. Si vous parlez d'un équilibre dans le partenariat, on pourrait peut-être être intéressé, mais, au moment où on se parle, c'est le déséquilibre le plus total et le plus complet. À moins que vous n'ayez des exemples à me manifester que je ne connaisse pas, mais j'ai la prétention de suivre, au moins depuis six mois, assez attentivement les dossiers en matière environnementale.

C'était là l'essentiel des commentaires. Si vous avez des réactions.

La Présidente (Mme Pelchat): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Mme la Présidente, est-ce que je pourrais entendre le ministre réagir à notre commentaire sur l'article 31.45?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse. La question de rendre une ordonnance publique ou non, c'est ça?

M. Dufour (Ghislain): La question de publier, de rendre coupable quelqu'un qui ne le sera peut-être jamais.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous ai répondu en partie en vous indiquant la prudence qui est de mise, en tout cas que j'exerce comme ministre de l'Environnement dans ces situations. Si je vous disais ce soir...

M. Dufour (Ghlslain): Là, vous n'aurez pas le choix, vous allez être obligé de le faire, là; ce n'est plus une question de prudence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais si je vous disais ce soir que je me rends à votre argument et que j'endosse le principe de la préservation de la réputation par le secret en fonction de la règle que tout le monde est présumé innocent jusqu'à tant qu'il soit déclaré coupable, etc., je vous dirai qu'en matière environnementale, en 1990, la meilleure façon de se retrouver en première page des journaux, c'est d'y apposer l'étiquette "confidentiel".

M. Dufour (Ghislain): Mme la Présidente, il y a beaucoup de matériel dans ce que le ministre a interrogé. En fait, il a repris chacun de nos points; ça appelle, dans la majorité des cas, une réplique. Alors, je vais partager avec mes collègues. Au tout début, ça n'a rien à voir comme tel avec le projet de loi 65, mais vous le situez en perspective et vous nous demandez, dans le fond, si on connaît des entreprises qui ont pris action au plan économique, au niveau du projet de loi comme tel, qui n'ont pas attendu le projet de loi. Oui, il y en a plusieurs et, comme moi, vous le savez. L'Association des industries forestières investit énormément d'argent dans ce domaine-là; Petro-Canada dans Montréal-Est; Noranda, bien sûr, vous en payez une partie, mais la compagnie en paie une partie. Alors, on pourrait dresser toute une liste de compagnies qui sont embarquées carrément. On donne toujours, je ne dis pas vous, mais souvent on donne l'impression que personne ne fait rien dans le domaine de l'environnement alors qu'il y a beaucoup de choses qui se font et vous le savez comme moi.

La question que vous ...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Dufour, si vous me le permettez, il y a également les pétrolières qui ont collaboré à la réduction de soufre pour réduire les pluies acides. Dernièrement, on a eu une bonne collaboration et je tiens à le souligner.

M. Dufour (Ghislain): Je pense que ce n'est pas assez dit, si vous me permettez. On met toujours en évidence les mauvais cas, les cas-problèmes, et je comprends que le pouvoir politique est toujours pris avec ces cas-là, mais il reste quand même qu'il se fait beaucoup de choses au niveau des entreprises et ce n'est pas assez publicise. (20 h 45)

La deuxième réaction que vous avez, et vous nous retournez la question du où: Où, en fait, devrait-on disposer des sols contaminés? Évidemment, on n'a pas de réponse à ça, mais ce que l'on dit, c'est que le gouvernement devrait probablement, au moment où il plonge dans ce domaine-là, avoir des solutions parallèles: ou ce sont des centres de réception des résidus ou c'est, comme on le fait dans le cas des BPC, avec des camions mobiles, mais il doit y avoir quelque chose. Autrement, vous avez une loi qui ne dira rien, parce que les gens vont décontaminer, mais ils ne sauront pas où mettre leur sol contaminé.

Sur la question des motifs raisonnables, qui est une question de droit, je demanderais à Me Casgrain de pousser un peu plus loin ce dossier-là.

M. Casgrain (Philippe): Vous avez raison, M. le ministre, qu'effectivement, à l'article 31.44, on dit bien que vous devez fournir avec l'avis l'analyse ou l'étude ou autre rapport technique, sauf qu'il faut quand même se rendre là pour savoir que. pour que vos motifs soient raisonnables, il faut qu'ils soient appuyés là-dessus. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas lieu d'amender l'article pour dire "sur la foi de", à l'article 31.42, ce qui vous mettrait dans une situation beaucoup moins périlleuse que celle de croire que c'est déjà là. Il me semble que ça pourrait se faire. Je pense qu'en Ontario on n'a pas la foi des rapports. Mais là, c'est l'un ou l'autre ou l'un et l'autre.

Deuxième remarque, si vous me le permettez. Je ne sais pas si c'est la rédaction ou non, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être une réaction immédiate, parce que les choses vont rapidement. C'est une idée intéressante que vous...

M. Casgrain: Pour vous-même.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah non! Ça va.

M. Casgrain: Ce n'est jamais bon de se mettre dans une situation où on doit exercer uniquement son jugement sans rien pour l'appuyer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ou pour mes successeurs. On ne sait jamais.

M. Casgrain: Bien, j'allais... Vous me permettrez de ne pas le dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Casgrain: Puis-je ajouter ceci? Dans la loi, justement, à cet article 31.44, j'ai noté avec curiosité qu'on dit: "rapport d'analyse ou d'étude ou de tout autre rapport technique". Si vous regardez l'article 25 tel que rédigé actuellement, il n'est pas rédigé comme ça du tout, parce que l'article 25 dit: "analyse, étude ou autre rapport technique". Je ne sais pas si on veut jouer un

tour ou non ou si on s'est trompé, mais, à l'article 25 de la loi actuelle, on a droit à tous les rapports. Ici, il y a un choix qui est fait. On peut donner: "d'analyse ou d'étude ou de tout autre rapport". Moi, j'aimerais mieux que ce soit tout comme dans l'article 25. Je ne sais pas si c'est une erreur de rédaction, mais, enfin, je vous le souligne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me dit que c'est une erreur de rédaction.

M. Casgrain: Bon. D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez, pendant qu'on est dans les erreurs de rédaction, on va vous en souligner d'autres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ha, ha, ha!

Ça va.

M. Casgrain: Oui, il y en a quelques-unes sur les numéros. Je vous dis ça en passant, rapidement. À la page 7, article 6, on dit "31.45" et c'est 31.44, je pense.

La Présidente (Mme Pelchat): Je rappelle à M. Dufour et à M. le ministre qu'il vous reste cinq minutes.

M. Casgrain: Rapidement, M. le ministre, très rapidement, je vous dis ceci simplement. L'article 31.44. Moi, quand on me dit que j'ai une possibilité de faire quelque chose, je me pose des questions considérables. On me donne la possibilité de faire des représentations. J'aimerais mieux avoir un droit d'en faire. On l'a ou on ne l'a pas. C'est assez sérieux et il me semble qu'on devrait avoir le droit de le faire. Je vous dis ça en passant.

J'ajoute autre chose qui va peut-être vous surprendre aussi. Si vous allez à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Rapidement. La possibilité, c'est repris de l'article 25, hein? Concordance.

M. Casgrain: Oui, justement. Mais..

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Ça va. Vous critiquez à la fois l'article 25. Ça va.

M. Casgrain: Oui, je le sais bien. Mais, dans l'ancienne loi, entre nous, il y a bien des choses à faire. Pendant qu'on y est, il faut qu'elle soit refaite en entier. Ce n'est plus possible. Elle est polluée...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Casgrain: ...de numéros, on ne se retrouve plus dedans. Voyez-vous? Regardez-moi cette brique. Et là il faut la...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous dirai pas que c'est facile. Je ne prétendrai pas que c'est facile.

M. Casgrain: Ce n'est pas possible. Ça coûte une fortune aux clients, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Pelchat): Pour revenir au projet de loi 65, Me Casgrain, on vous entend.

Une voix: ...vous connaissez vos tarifs; ça coûte une fortune.

M. Casgrain: II paraît qu'ils sont polluants. Rapidement, et je ne veux pas l'oublier, regardez ce qui se passe - et je pense que, là aussi, c'est peut-être une erreur - au niveau de l'article 31.49. C'est ça. Ah oui! C'est qu'aux articles 31.46 et suivants vous donnez des avis, n'est-ce pas? Il n'y a aucun appel de ces avis-là parce que ce ne sont pas des ordonnances.

Une voix:...

M. Casgrain: Oui. On les appelle "avis". Quand c'est une ordonnance, il y a un appel, en vertu de l'article 96.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me dit que l'article 6 qui amende l'article 96 fait en sorte qu'on pourrait débattre de la situation...

M. Casgrain: Bien, je l'ai regardé aussi. Entre vous et moi, là...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné qu'on a cinq minutes et que je sais que vous pouvez plaider...

M. Casgrain: Je vous laisse la pensée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Ça va.

M. Casgrain: Vous êtes avocat et vous allez comprendre comme moi que, si vous étiez dans ma situation, vous diriez: Moi, j'aimerais mieux être sûr que j'ai un appel plutôt que de me demander: Est-ce que j'en ai un ou si je n'en ai pas un?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'objectif est de donner un droit d'appel.

M. Casgrain: Dans le cas d'avis aussi? M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Casgrain: Je l'ai bien regardé, je pense qu'il faudrait que ce soit plus clair.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.

M. Casgrain: Parce que, vraiment, ça ne l'est pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À clarifier.

M. Casgrain: déjà que l'article 96 n'est pas fortiche, hein? vous savez, fort probable, raisonnable, erreur de droit ou de fart. c'est quasiment de l'évocation.

M. Dufour (Ghislain): Sur la question des études et de la définition de caractérisation, je demanderais à M. Meunier de réagir rapidement.

M. Meunier (Éric Hubert): Je dois dire d'ailleurs qu'on accueille favorablement la suggestion du ministre de voir peut-être à inclure les études de caractérisation, c'est-à-dire les définir par voie de règlement, et on va suivre avec attention la concrétisation de ce voeu.

M. Dufour (Ghislain): À condition - et j'ajoute "à condition" - qu'on ne retrouve pas des définitions de mots dans le règlement. Parce que, si, pour définir "caractérisation", c'est dans le règlement qu'on attend, on a un problème, parce que vous savez comme moi que dans bien d'autres lois... Autrement dit, les grands termes doivent être définis dans la loi, après ça, que, par règlement, on reprenne à peu près les principes ou les éléments qui sont là, on n'a pas de problème. Mais n'attendez pas dans le règlement pour définir les mots parce qu'on va avoir un problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En matière environnementale, et je pense que vous en conviendrez, c'est un domaine qui évolue, sur le plan scientifique, rapidement. Le danger que nous avons, et je suis d'accord que le processus législatif comporte plus de conséquences que le processus réglementaire, sauf que, si on définit trop sur le plan législatif en matière environnementale, on se bloque dans l'évolution de la technologie, de la science, etc. La caractérisation aujourd'hui, au ministère, ils peuvent vous donner une définition très rapide de ce que c'est, aujourd'hui. Mais la caractérisation, à cause de l'évolution technologique, dans 15 mois, c'est quelque chose d'autre parce que la technologie a évolué, on peut le faire de façon différente. Il ne faut pas se cristalliser dans ces définitions-là. Je vous le soumets bien respectueusement. Mais, par règlement, il faudrait le faire en suivant la prépublication, la possibilité des associations de se faire entendre, etc.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le ministre. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Il y a beaucoup de matière dans votre mémoire. Je veux féliciter les gens du Conseil du patronat pour avoir bien fait leurs devoirs. Vous dites, dès la page 1: "À ce titre, les dispositions proposées sont extrêmement coercitives et ne laissent aucune place à des mesures économiques et fiscales pour encourager les entreprises et les particuliers à collaborer de manière efficace avec le gouvernement." Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de ça, des mesures économiques et fiscales pour encourager les entreprises à collaborer de manière efficace?

M. Dufour (Ghislain): Dans le dernier discours inaugural, Mme la Présidente, il y avait l'annonce, notamment par le premier ministre, que l'on pourrait donner des crédits fiscaux - on ne demande pas des subventions, des crédits fiscaux - pour des entreprises qui "initieraient" de la nouvelle technologie; qu'il s'agisse de la chimie ou des pâtes et papiers, il y a constamment de la nouvelle technologie. Alors, on a un problème, évidemment, au Québec. C'est qu'il faut être compétitif avec nos principaux concurrents et, souvent, l'entreprise n'a pas les possibilités de se donner cette nouvelle technologie. Alors, c'est par des programmes fiscaux, par la SDI ou autrement, il y en a beaucoup de programmes d'aide aux entreprises, alors, pour nous, tout ce qui s'appelle crédits fiscaux dans le domaine de l'environnement, c'est positif parce que c'est créateur d'emplois souvent, c'est "développeur" de nouvelles technologies, etc. Alors, globalement, c'est ça. Je ne pourrais pas vous en faire une application concrète, mais c'est ça.

M. Lazure: J'ai suivi votre discussion avec le ministre et, moi, je dois dire au départ, vous vous en doutez un peu, M. Dufour, vous me connaissez, que je ne trouve pas que les mesures sont trop coercitives en général parce que le ministre s'est plaint tellement de fois juste depuis six mois qu'il n'avait pas les pouvoirs de faire telle chose, telle chose, telle chose pour corriger telle situation. Alors, nous, on l'a imploré de s'en donner plus de pouvoirs. Il s'en donne là. Moi, je pense qu'on ne peut pas reprocher à un projet de loi comme celui-là d'être trop sévère, à la condition qu'il soit équitable. J'ai noté à quelques reprises que vous avez fait des suggestions qui vont rendre plus équitable peut-être cette sévérité-là. Là-dessus, je vous suis, mais je ne vous suis pas sur le degré de sévérité.

À la page 2, vous...

M. Dufour (Ghislain): Est ce que je peux réagir là-dessus?

M. Lazure: Oui, oui, oui.

M. Dufour (Ghislain): On nous a déposé, M. le député de La Prairie, en même temps que le projet de loi, un projet de règlement. Je ne sais pas si vous l'avez fait analyser par...

M. Lazure: Je l'ai eu après, moi. Je l'ai eu aujourd'hui, le projet de règlement.

M. Dufour (Ghislain): Vous avez des problèmes de poste qu'on n'a pas.

M. Lazure: Non, non, ce n'est pas des problèmes de poste. Mon problème, c'est que je ne suis pas dans la pensée du ministre autant que vous l'êtes peut-être et que d'autres groupes le sont.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II est bien placé pour le dire, c'est mon psychiatre personnel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: C'est ça. Je lis dans sa pensée, mais lui ne lit pas dans la mienne. Fermons la parenthèse.

M. Dufour (Ghislain): Par exemple, nous, on a fait analyser. On pourrait regarder le plomb, et on pourrait demander à un spécialiste du plomb, le président de Nova PB, de voir la norme actuelle et la norme qui est proposée dans le règlement. Alors, cette norme proposée dans le règlement est beaucoup plus basse que ce qui existe actuellement. Donc, ça devient beaucoup plus coercitif.

M. Lazure: Mais on a des explications pour ça aussi qu'on a entendues aujourd'hui, justement, des représentants des départements de santé communautaire. J'ai lu aussi de la littérature médicale. Les recherches démontrent qu'il faut... D'ailleurs, c'a été fait ailleurs dans d'autres pays. Ils ont modifié vers une plus grande sévérité les normes pour le plomb.

Mais je voudrais continuer le fil, si vous permettez. A la page 2, vous dites: "...l'assainissement et la prévention, impliquent des coûts énormes." Je faisais valoir aujourd'hui au ministre qu'une des façons... Parce que moi je pense que le projet est incomplet. Ce n'est pas seulement en y mettant de grosses amendes et en donnant beaucoup de pouvoirs au ministre qu'on va régler le problème. Je pense qu'il faut aussi d'autres mesures. Je vais y arriver tantôt. Mais une des façons, c'est de prévenir, d'empêcher que des industries s'installent et se mettent à polluer volontairement ou involontairement. Et une des façons d'empêcher ça, de faire de la prévention, c'est d'avoir, avant que l'entreprise s'installe, des audiences publiques, un examen de l'impact de l'installation de cette entreprise-là, que ce soit une aluminerie, une papetière, n'importe quoi. Moi, je voulais avoir votre position au Conseil du patronat sur la mise en vigueur de façon plus précise de l'article n qui permettrait les audiences publiques pour les grands projets.

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, là vous entrez dans tout ce qui s'appelle concurrence, dans tout ce qui s'appelle compétition. Si vous avez des contraintes plus fortes ici que vous en avez ailleurs, à ce moment-là, vous vous embarquez dans des problèmes. Exactement comme vous me donnez l'exemple du plomb; parce qu'un DSC ou un CLSC est venu vous dire ici qu'à cause de certains problèmes il faut baisser les normes. Nous autres, on n'a pas de problème à ce que pour le plomb, le mercure, etc. - il y en a deux pages - les normes soient baissées. Mais qu'on ne se place pas dans une situation où, au Québec, tout est plus bas qu'ailleurs, où tout est mieux qu'ailleurs, etc. Si on fait ça, il faut vraiment qu'on réalise qu'il y a un coût à payer. Mais ça, on n'en parle jamais. Et ce coût à payer, c'est des emplois. C'est une approche globale. On ne se refuse pas à des audiences sur des grands projets. Remarquez bien, on l'a dit en commission parlementaire au salon rouge, récemment, sur le dossier d'Hydro, par exemple, on est totalement d'accord avec ça. Mais, dans tous les projets, ce n'est pas nécessairement la plus grosse aluminerie ou ia plus grosse papetière qui va créer des problèmes à ce moment-là. Ça va être n'importe quelle nouvelle technologie où on va demander, où une petite entreprise de plomb va demander des audiences publiques. Je veux dire, à ce moment-là, vous allez avoir des problèmes. On aime mieux que le ministre dise: Voici les objectifs pour l'entreprise dans le plomb, mais vous avez les moyens de réaliser ce que, nous, on vous propose comme objectif.

M. Lazure: Vous admettrez, M. Dufour, qu'il y a tout un champ qui n'est pas exploré au Québec, à savoir la création d'emplois rattachés à la création de nouvelles technologies pour contrer la pollution. Ça, ça n'est pas développé.

M. Dufour (Ghislain): Ça, on est d'accord avec ça. Je disais "d'autres façons" tout à l'heure quand je vous parlais des crédits fiscaux qui permettraient peut-être de se créer ici une industrie, une méthode antipollution.

M. Lazure: Je suis l'ordre des pages pour que ce soit plus commode. Moi, je suis d'accord avec vous qu'il faudrait qu'il y ait des centres de dépôt et d'entreposage de sols contaminés. Je suis d'accord avec le ministre, ce n'est pas dans un projet de loi que ça va. Mais, là où on se rejoint, moi, je critique le ministre de ne pas exercer assez de leadership en cette matière. Il laisse l'entreprise un peu au hasard des intuitions

d'un entrepreneur, occuper ou pas occuper ce champ-là. Il me semble que c'est un domaine tellement important pour la santé et la sécurité du public; il faudrait qu'il y ait un leadership, il faudrait qu'il y ait des orientations de données par le ministère en cette matière. (21 heures)

II y a certains groupes qui nous ont proposé, à part des pouvoirs du ministre, les grosses amendes, de former une espèce de fonds de compensation. Et la comparaison a été faite par deux groupes. La comparaison a été faite avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Selon la probabilité plus ou moins forte qu'une entreprise va polluer, prélever une certaine cotisation pour chaque entreprise et former ainsi un fonds de décontamination; qu'est-ce que vous pensez de cette idée?

M. Dufour (Ghislain): Bien, sur le plan du principe comme tel d'un fonds, on est d'accord, on le dit d'ailleurs dans notre mémoire. Mais on...

M. Lazure: Oui, mais pas un fonds gouvernemental seulement comme le fonds fédéral-provincial, là. On parle d'un fonds fait comme la CSST par les entrepreneurs, si vous voulez, par les employeurs.

M. Dufour (Ghislain): Vous savez très bien que dans le cas, par exemple, d'entreprises... Je vais prendre le cas de Balmet où il y avait des problèmes de plomb chez les travailleurs. Ces travailleurs-là, déjà, bénéficient d'un fonds qui est la CSST, pour lequel les employeurs paient totalement; il n'y a pas de cotisation des travailleurs, là. Donc, ils sont déjà protégés, les travailleurs.

M. Lazure: Non, ce n'était pas en termes de protection du travailleur, c'était en termes de mettre de côté des sommes d'argent qui vont pouvoir décontaminer les terrains, qui vont pouvoir traiter les enfants, faire des analyses de sang chez les enfants. Enfin, je ne parle pas des employés eux-mêmes. Je parlais d'une espèce de caisse - appelez ça une mutuelle, appelez ça n'importe comment, il y a plusieurs termes qui ont été utilisés aujourd'hui - un fonds qui serait constitué par des prélèvements chez les entreprises susceptibles de polluer.

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas notre approche. Je vais vous dire, c'est trop facile de créer des fonds partout où il y a des problèmes. On va créer des fonds finances par les entreprises, de formation professionnelle, aux niveaux secondaire, collégial, universitaire. On va en créer au niveau de la santé, on va en créer partout. Je pense qu'on a toujours dit, nous, et ça s'applique ici aussi: Les entreprises paient des impôts, sont des citoyens corporatifs. Si on juge, au niveau gouvernemental, que les impôts ne sont pas assez élevés, qu'on agisse là, mais pas par la création d'un impôt. chacun va être en demande et chaque secteur va dire: je n'en ai pas assez, il en faut plus, etc. l'approche sectorielle, là-dedans, ne nous conduirait pas tellement loin, de toute façon.

M. Lazure: Moi, je vous rejoins sur la question des définitions pas claires. Il fut un temps où, dans la plupart des projets de loi, on avait une série de définitions, au début. Je m'aperçois qu'il n'y en a aucune ici. Je conçois que, pour certains termes, que ce soit "carac-térisation" ou d'autres, des choses qui évoluent très rapidement, on puisse avoir ça ailleurs, dans un règlement. Mais, moi aussi, je pense que ce serait commode, surtout qu'il y a un jargon dans ça qui, souvent, est bien technique, que le projet de loi inclue un certain nombre de définitions au début. C'est une suggestion qu'on fait au ministre. Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce que c'est un projet de loi qui modifie une loi.

M. Lazure: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez 19 définitions au début de la loi.

M. Lazure: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et je disais qu'il y en a même qui définissent le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Oui, mais on peut ajouter à ça les définitions qui sont pertinentes à la nouvelle section.

Mme la Présidente, si ça peut rassurer le Conseil du patronat par rapport aux grands pouvoirs que le ministre se donne dans ce projet de loi là, premièrement, il n'est pas passe au Conseil des ministres. Les journaux nous l'ont dit aujourd'hui et il y a l'entrevue à la Presse canadienne du ministre qui a dit, ce matin: II va falloir que je retourne à mon Conseil des ministres pour faire approuver le principe. Il a de la misère. On va essayer de l'aider, mais il a de la misère.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec l'aide que j'ai, j'ai de la misère.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: II y a déjà le pouvoir d'ordonnance auquel il a fait allusion. Mais là, je pose la question au ministre, plus particulièrement, je lui donne mon temps. Depuis six mois, est-ce qu'il l'a utilisé souvent ce pouvoir d'ordonnance?

S'il l'a fait, ça a été très discret parce qu'on n'en entend pas parler beaucoup. Juste pour avoir un ordre de grandeur...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Huit fois.

M. Lazure: Huit fois en sept mois, une fois par mois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À peu près.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Ce n'est pas beaucoup.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'en confesse.

M. Lazure: Ce n'est pas beaucoup parce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand j'allais à la confesse, ils disaient que c'était beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Vous êtes quasiment trop abstinent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'était huit fois plus que ce qu'ils pensaient.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Parce que vous-même, M. le ministre, vous admettiez il n'y a pas longtemps, dans cette salle, que, quasiment chaque semaine, vous deviez aller au Conseil du trésor pour aller chercher de l'argent pour régler une crise qui surgit dans le paysage. Alors, peut-être que, si vous utilisiez plus souvent le pouvoir d'ordonnance que la loi vous donne, il y aurait moins de crises; ça ferait une espèce de prévention, dans certains cas.

Je reviens au fonds de décontamination. Que ce soit avec le projet de loi ou indépendamment du projet de loi, on demande, du côté de l'Opposition, au ministre depuis quelque temps, au gouvernement, de créer un fonds spécial de décontamination avec un plan. Je ne parie pas de la perception auprès des entreprises, je parle d'un fonds gouvernemental. Il existe un fonds très spécialisé fédéral-provincial pour la décontamination de sites orphelins: 200 000 000 $ sur cinq ans, pour tout le Canada. Ce n'est pas beaucoup, ça. Quand on sait que le ministre avait obtenu 3 400 000 $ au chapitre Décontamination de sites pour l'année 1990-1991. Et juste avec la Balmet il a flambé ses 3 400 000 $. Il n'a plus d'argent. Alors, je répète au ministre qu'il devrait faire une grosse bataille pour que le gouvernement constitue, peut-être avec l'aide du Conseil du patronat, un fonds de décontamination, qu'il puisse, une fois pour toutes, dire au public: Voici quels sont les sites contaminés qu'on va décontaminer dans les mois qui viennent, dans les années qui viennent. Parce que la seule décontamination qui se fait, c'est sous l'impératif d'une crise aiguë. Quand une situation est révélée par un journaliste, là on a des chances que ce soit décontaminé. Si elle n'est pas révélée par un journaliste, oubliez ça. Duparquet, c'est une clôture.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce qu'on peut réagir?

La Présidente (Mme Pelchat): Oui. M. Lazure: Oui, oui.

M. Casgrain: Si vous permettez, au niveau du fonds...

La Présidente (Mme Pelchat): II vous reste près de six minutes pour réagir, Me Casgrain.

M. Casgrain: Au niveau du fonds, moi, si vous voulez bien faire le fonds rétroactif et aller chercher tous ceux qui ont pollué avant la date de la loi, vous n'aurez pas beaucoup de problème là-dessus. On irait en 1970 à peu près, la première fois qu'il y a eu une loi sur la pollution. C'est ça le problème qui se pose actuellement. C'est pour ça, M. le ministre, que la rétroactivité que vous avez dans le projet de loi, je la trouve aberrante. C'a beau être de la pollution, il ne faut pas être jésuitique, la fin ne justifie pas les moyens. Décider que, parce qu'on veut nettoyer la planète aujourd'hui, on va rétroactivement prendre tous ceux qui ont pu polluer dans le passé, je la trouve forte.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député de La Prairie, je suis sur votre temps.

M. Lazure: Je vais juste réagir à ça et ensuite je vous laisse parier. Je suis porté à vous donner raison en bonne partie. Parce que, encore une fois, je trouve que c'est un coup d'épée dans l'eau. On veut rétroagir indéfiniment. On ne met même pas de date sur la rétroaction. Je pense que, de toute façon, ces sites, leurs propriétaires ont disparu depuis longtemps. Ils sont rendus en Floride ou ailleurs en Europe ou aux Bermudes. C'est des écrans de fumée, finalement. Ça ne sert à rien de mettre des choses trop sévères, massives, si on sait que ça ne sera pas utilisé.

M. Casgrain: Je sais pertinemment que le ministère a des cas où il aimerait bien avoir une législation rétroactive pour poursuivre des gens. Je le sais, moi, en tout cas.

M. Lazure: À ce moment-là, II faudrait au moins mettre une période de temps.

M. Casgrain: Oui, oui.

M. Lazure: Moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'elle soit rétroactive, mais avec une certaine période.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous revenez au noeud de la question que j'ai posée tantôt. Je le dis bien humblement. Vous dites ça de votre côté de la Chambre. J'ai adressé la question et je l'adresse en toute ouverture. J'ai posé la question: S'il n'y a pas d'application... Le projet n'entre pas en vigueur de façon rétroactive, mais il comprend une certaine application rétroactive. J'ai posé la question et j'ai dit: II s'agit là de la grosse question. J'y reviens, je suis content que vous y reveniez également, en présence du Conseil du patronat. Est-ce qu'on se dit que le projet de loi ne s'applique qu'à partir de sa sanction...

M. Lazure: Non, non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... pour l'avenir et qu'on oublie tout ce qui a été fait avant et que ce sont les contribuables qui paient pour la décontamination de tout ce qui a été fait avant? Ou on va jusqu'à 1970, je ne sais pas, moi, je pose la question...

M. Casgrain: Votre première législation date de 1970.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai choisi la rétroactivité sur le plan du dépôt du projet de loi et ça a été entériné par le Conseil des ministres. Maintenant, ces audiences ici sont utiles, sont ouvertes. Je dois faire rapport au Conseil des ministres par la suite et j'aimerais vous entendre sur ce point-là.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, nous, dans tout ce dossier-là et dans notre politique sur l'environnement, on a toujours dit que l'assainissement - parce que là ce dont on parle c'est un problème d'assainissement - devrait, de façon générale relever de la collectivité. Parce que, pour un paquet de raisons, on ne peut pas retracer les gens qui ont pu polluer. Même si vous les retracez, ça ne veut rien dire. Il y a un paquet de problèmes d'ordre concret. On le fera et on doit le faire. Ça nous apparaît un problème de société. Là où on vous demande de nous donner carrément des paramètres ou des objectifs, c'est au niveau de ce qu'on appelle la protection de l'environnement, donc, le futur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, la position du Conseil du patronat - et je suis sur votre temps, vous m'arrêtez, M. le député de La

Prairie, si...

M. Lazure: Je vous donne la mienne, parce que je ne veux pas que vous me fassiez dire des choses que je ne dis pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Est-ce que j'interprète bien la position du Conseil du patronat en disant que le projet de loi ne devrait couvrir que ce qui est prospectif, c'est-à-dire à partir de la sanction, et que la collectivité est responsable de la contamination passée?

M. Dufour (Ghislain): En principe, sur une base de principe, sous réserve de voir l'application concrète pour chaque article, oui.

M. Casgrain: À part du fait que vous avez un problème de charte...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que c'est la position de l'Opposition?

M. Casgrain: M. le ministre, vous avez un problème de charte considérable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce que, si j'ai comme partenaires le Conseil du patronat et l'Opposition là-dedans, je devrais être solide.

M. Lazure: Mme la Présidente, soyons sérieux.

M. Casgrain: Non, mais il y a un problème de charte, M. le ministre.

M. Lazure: Soyons sérieux. La position de l'Opposition officielle n'est pas la même que celle du patronat. Il faut pouvoir reculer en arrière. Ça arrive de temps en temps. Mais il faut pouvoir reculer en arrière. Jusqu'où reculer en arrière? Me Casgrain dit jusqu'en 1970.

M. Casgrain: Non, non, je dis... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Casgrain: La première législation, c'est en 1970. Ce n'est pas notre faute s'il n'y a pas eu de législation avant. Ha, ha, ha!

Une voix: 1972.

M. Casgrain: Mais mon allié me fait des coups.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix:... un corps contaminé comme on peut dire.

M. Casgrain: On choisit.. Enfin... Il y a un

problème de charte considérable là-dedans, M. le ministre. Je ne vois pas comment vous pourrez réussir dans toute condamnation quand vous direz: Je veux que M. Untel soit accusé en vertu d'une loi passée aujourd'hui de ce qu'il a fait dans le passé.

M. Lazure: Non, c'est déjà arrivé, ça. C'est déjà arrivé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Mais, sur le plan pénal, vous avez à l'article 9 une disposition qui fait en sorte qu'il n'y a aucune application rétroactive sur le plan pénal. Parce que nous savons - et vous avez raison de le souligner - que ça ne subirait pas ou franchirait pas l'épreuve de la première attaque juridique.

M. Casgrain: Alors, vous n'avez plus de dents. Non, non, vous n'avez plus de dents.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, sur le plan pénal, vous n'avez aucune application rétroactive possible...

M. Casgrain: Et votre ordonnance s'applique comment? Mépris de cour?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'ordonnance ne touche pas d'aspect pénal, mais touche des aspects de réhabilitation de terrain, des aspects du droit civil et du droit de propriété.

M. Casgrain: Vous n'avez plus de dents.

M. Dufour (Ghislain): Faire appliquer comment?

M. Casgrain: Vous n'avez plus de dents. Vous n'avez plus rien. Vous n'avez plus de dents. L'article 9 vous enlève toutes les dents pour ce qui est passé...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non...

M. Casgrain: ...parce qu'on dit que ça ne constitue pas une infraction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vous rendez une ordonnance. Sur le plan pratique, vous rendez une ordonnance ordonnant la décontamination. Si le propriétaire ne procède pas à la décontamination, le ministère de l'Environnement du Québec procède à la décontamination et récupère l'argent. Nous sommes toujours dans des domaines de droit civil et de droit de propriété. Vous n'avez pas d'amende et vous n'avez pas d'emprisonnement. Si vous voulez parler de ce type de dents, vous avez raison, mais, sur le plan des coûts, vous avez des dents. Sur le plan de l'application du droit civil, vous avez des dents parce que vous pouvez le charger.

M. Casgrain: Et le beau problème, c'est ceux qui se sont vendus en déclarant que... Je connais des cas où on déclare: Je vous dis que ce terrain est contaminé et je vous le vends comme tel. L'acheteur l'achète. Et cinq ans après, on dit à l'acheteur: Écoutez, décontaminez. Et, après ça, le gouvernement va au vendeur auparavant. Il y a un problème entre les parties qui se vendent aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais vous avez eu un exemple. Le maire d'Anjou, cet après-midi, nous a donné un exemple très éloquent d'une situation - et je pense que je peux le répéter publiquement, il est enregistré au Journal des débats - Petro-Canada avait acheté de BP Petroleum, en sachant que les terrains étaient contaminés, des terrains situés dans la partie est de Montréal. Même si les coûts de décontamination étaient importants, parce que nous sommes sur ITIe de Montréal - je pense que les coûts de décontamination étaient de 25 000 000 $ - il demeurait quand même une valeur résiduelle. Petro-Canada a accepté, volontairement - vous parliez de gens qui ont fait des efforts - de décontaminer et a vendu les terrains par la suite à Alexis-Ninon. Vous avez un cas où Petro-Canada n'était pas responsable de la contamination, qu'il avait acheté un terrain et qu'il était propriétaire et qu'il a accepté volontairement de décontaminer.

La Présidente (Mme Pelchat): En conclusion, rapidement, il reste 30 secondes, Me Casgrain.

M. Casgrain: Moi, la rétroactivité, ça m'ennuie. Ça me paraît gênant. Je n'aime pas ça. Je m'excuse. Ça me va ici, moi, la rétroactivité. Je ne suis pas capable. Peut-être que je suis trop vieux.

La Présidente (Mme Pelchat): Ça va. On ne conclurait pas là-dessus, Me Casgrain.

M. Dufour (Ghislain): Question de vieillesse... Mme la Présidente, ce n'est pas une question de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le Dr Lazure m'assure qu'il n'y a pas une très grande différence d'âge.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas une question de vieillesse.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, pour revenir au projet de loi 65, M. Dufour, brièvement.

M. Dufour (Ghislain): Oui, c'est une question de principe pour nous. On n'a jamais

accepté une rétroactivité dans une loi et je pense que le ministre le reconnaît bien. Mais ce que je voudrais signifier - je termine là-dessus, Mme la Présidente - c'est qu'on a démontré dans le fond que le projet de loi qu'on accepte en principe serait difficilement vivable sur bon nombre de ses volets et qu'il faudra sûrement le bonifier. Et, en ce qui nous concerne, on est totalement à la disposition du ministre pour en revoir certains aspects techniques.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente, je remercie le Conseil du patronat, ses porte-parole. Nous prenons bonne note de l'offre que M. le président du Conseil du patronat vient de nous adresser et nous continuerons à travailler sur la question de cet aspect rétroactif qui est très important parce qu'il a des conséquences économiques également importantes.

Une voix: Ce n'est pas le Barreau, ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous pouvez nous apporter des éclaircissements, des solutions pour tout cet aspect-là, nous demeurons ouverts. Sur le plan juridique, si les avocats du Conseil du patronat ont des doutes sérieux quant à la légalité de certains articles ou du libellé de certains articles, quant à l'application des chartes, si vous désirez des précisions quant au droit des parties d'aller en appel, de se faire entendre, les règles de justice naturelle, nous souhaitons qu'elles soient le plus clair et le plus limpide possible. Nous avons déjà acquiescé sur le plan des principes à certaines des recommandations que Me Casgrain nous a faites, entre autres. Nous demeurons ouverts à d'autres recommandations dans le sens du respect des règles de justice naturelle.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. Dufour, MM. du Conseil du patronat.

M. Lazure: Je veux remercier aussi, Mme la Présidente, les représentants du Conseil du patronat pour leur contribution.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, merci J'appellerais maintenant les représentants du Barreau du Québec à s'approcher. Je suspends les travaux pour deux minutes, dix secondes.

(Suspension de la séance à 21 h 16)

(Reprise à 21 h 21)

La Présidente (Mme Pelchat): La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant les membres du Barreau du Québec. Messieurs, si vous voulez vous identifier.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Me Marc Sauvé, Service de recherche et de législation au Barreau du Québec. Vous avez, à ma droite, Me Robert P. Godin et, à ma gauche, Me Claude Masse.

La Présidente (Mme Pelchat): On vous écoute.

M. Sauvé: Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi 65 ainsi que du projet de règlement sur la contamination de l'environnement et il souhaite faire part aux membres de cette commission de ses préoccupations à ce sujet, à la lumière de son mandat général de protection du public.

D'entrée de jeu, qu'il nous soit permis d'endosser les objectifs que sous-tend le projet de loi au chapitre de la décontamination et de la restauration de l'environnement. Nous croyons en effet que la contamination des sols et de l'environnement constitue un problème majeur de notre société postindustrielle et qu'il est urgent d'apporter rapidement des solutions efficaces à cette menace pour notre qualité de vie.

Malheureusement, la législation et la réglementation proposées ne nous semblent pas susceptibles d'atteindre avec efficacité les objectifs visés. Au surplus, elles constituent des sources d'injustices graves. Alors, sans plus tarder, je vais passer la parole à Me Claude Masse, qui exposera le point de vue du Barreau en ce qui a trait à l'absence de la notion de risque dans le projet de loi 65 et en ce qui concerne les infractions pénales rétroactives. Ensuite, Me Robert P. Godin traitera principalement de la question de l'enregistrement des ordonnances et de l'avis du ministre. Alors, Me Claude Masse.

M. Masse (Claude): Merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Me Masse.

M. Masse: Oui.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci.

M. Masse: D'abord, pour ce qui est de l'objectif visible extrêmement important au plan social et au plan politique, qui est un objectif de décontamination, il est évident que personne, même à des coûts sociaux importants ou même au prix de changements juridiques importants, ne peut être contre ce principe. Ce que le projet sous-tend et ce que les déclarations du ministère laissent entendre depuis plusieurs mois, sinon des années, c'est qu'on se dirigera vers un principe de pollueur-payeur, alors que ce principe

de pollueur-payeur est dans la réalité battu en brèche, inapplicable et inappliqué. Les problèmes récents des derniers mois ou même des dernières années, je pense à la ville de Mercier, à Saint-Jean-d'lberville, à Saint-Basile-le-Grand, à Saint-Amable, montrent que le principe de pollueur-payeur est inapplicable dans les faits et que, dans le projet de loi, on s'en va plutôt du côté du principe de propriétaire-payeur, ce qui est un autre problème. Le problème principal quant à l'applicabilité du principe de pollueur-payeur, ce n'est pas un problème de principe, c'est un problème de solvabilité. Et à travers tous les mécanismes de cloisonnement corporatif, de distanciation entre les directions de compagnie et les faits dommageables, il sera toujours possible dans les règles du jeu actuelles d'empêcher que le principe pollueur-payeur s'applique. Et, en fait, on en arrive fatalement - ça a été la position du Barreau, notamment dans le cas de Saint-Amable récemment - à l'idée essentielle d'un fonds de décontamination et même d'un fonds de compensation des victimes. Et l'expérience américaine, de ce côté-là, nous montre qu'il y a des avenues nécessaires, que notre naïveté sociale ne peut pas résister longtemps à l'incapacité dans laquelle on est de faire payer vraiment au pollueur-payeur, du moins de façon directe et immédiate, la décontamination et fa compensation des coûts. Le problème des fonds d'indemnisation aux États-Unis surtout, et l'expérience québécoise que l'on a, notamment en matière d'accidents d'automobile et d'accidents du travail, c'est que, traditionnellement, on fait subordonner au paiement d'une cotisation à une caisse de compensation une absence de responsabilités, c'est-à-dire que le payeur, qui paye dans le fonds de compensation traditionnellement et dans certains systèmes, est relevé de sa responsabilité postérieure lorsque le risque se réalise. Et c'est là que nous semble être le principal problème; il ne nous semble pas possible actuellement de penser à un permis de polluer qui entraînerait, par le fait d'un paiement à une caisse de cotisation - à tout le moins, je pense qu'il y a là un problème... Il nous semble difficile de penser qu'on pourrait, comme ça, avoir un permis de polluer l'environnement et être relevés de ses responsabilités tant à l'égard du fond qu'à l'égard des citoyens. Donc, je pense que toute la question du fonds de décontamination et du fonds de compensation devra être examinée à la lumière, non seulement du financement, mais des responsabilités qui en découlent.

Pour en revenir au projet de loi, pour l'essentiel, la trame de base du projet, le fil conducteur, c'est une approche de déclaration de risque par voie réglementaire. Même si le Barreau du Québec est d'accord avec les objectifs du projet de loi, cette approche de déclaration de contamination par voie réglementaire pose toute une série de problèmes que nous croyons fondamentalement important de rapporter à votre attention et dont vous avez discuté au cours de la journée.

D'abord, le projet de règlement. Il n'y a rien, dans le projet de règlement, qui explique sa justification. Pourquoi est-ce qu'on fixe les taux de contamination maximum au plomb à 500 mg ou parties par million? Pourquoi n'est-ce pas 200? Pourquoi n'est-ce pas 1000? Nous croyons, de ce côté-là, qu'on devrait aller en commission parlementaire, en audiences publiques, et défendre d'abord les prérequis scientifiques qui sont derrière ça à la lumière des connaissances que le ministère en a actuellement et qu'on devrait mettre ces critères sur la place publique et les discuter. Donc, dès le départ, il y a un arbitraire de ce côté-là qui nous semble difficile à défendre.

Mais le projet est extrêmement silencieux sur les paramètres de l'échantillonnage. Le protocole d'échantillonnage n'est pas là. On a des taux, sur combien d'échantillons, par rapport à quelle distance, à quelle profondeur dans le sol? Il n'y a aucune espèce d'indication là-dessus. Qu'est-ce qui se passe lorsqu'une petite partie d'un terrain est contaminée et que le reste ne l'est pas? Est-ce qu'on répartit l'évaluation de la contamination sur un prorata sur l'étendue du lot? C'est une question fondamentale à laquelle le ministère va devoir répondre.

Il y a des facteurs de risque également qui ne sont pas pris en compte et on pourra y revenir tantôt. Il est évident qu'on ne peut pas, de façon absolue, considérer comme contaminé un terrain qui est situé à 600 milles ou à 600 kilomètres d'une zone habitée et qui ne contient pas de cours d'eau qui pourraient véhiculer des polluants, alors qu'on pourrait placer ces terrains-là sur le même pied que les terrains qui sont situés dans les zones urbaines. En plus, et c'est une remarque secondaire mais qui peut avoir son importance, on parle, dans le règlement, de taux de contamination, mais on ne parle pas de taux de décontamination. Quel est le résultat que l'on veut viser? En dessous de quelle norme, de quel niveau, est-ce qu'on veut considérer un terrain comme non contaminé? Ce sont des questions à caractère technique, mais extrêmement important.

C'est là notre position fondamentale pour la première partie de notre mémoire. Il nous semble qu'un règlement ne remplacera jamais un principe de décontamination fondé sur la notion de risque. Ce que tente de faire le ministère, pour des raisons qui nous semblent assez difficiles à comprendre, c'est de passer d'une notion de risque qui est tout à fait reconnue par l'article 20 qui, comme vous le savez, est la pierre angulaire de la loi, notion de risque qui est, à toutes fins pratiques, la même à l'article 115. 1, qui permet au ministre d'intervenir, à une situation où le ministre aurait la possibilité d'ordonner une décontamination sur la base de

ces seuls taux réglementaires.

Et c'est là qu'il nous semble qu'il y a quelque chose qui risque d'être arbitraire, qui risque, vous l'avez souligné tantôt, de changer rapidement et il nous semble fondamentalement, en termes de légitimité législative, qu'on ne pourra jamais remplacer une approche fondée sur le risque. Le problème que l'approche du ministère pose actuellement, donc, est un problème de légitimité. Le règlement n'est pas défendu à sa face même; il n'est pas justifié à sa face même. Il comporte des taux qui peuvent varier, dont les mesures sont extrêmement difficiles à établir et il se peut qu'on puisse, par voie d'arbitraires ministériels, dans certains cas, procéder à des décontaminations, dans des cas d'absence de risque, alors que, dans d'autres cas de risque, on n'interviendra pas. (21 h 30)

II est évident que l'aspect rétroactif du problème est majeur. Mais l'aspect rétroactif de la question posée se pose d'autant plus que le critère d'évaluation du risque est arbitraire. Ce que nous soumettons, c'est que la notion de risque s'établisse au moment où l'évaluation est faite par le ministère. Nous ne sommes pas contre le fait d'aller rechercher des gens qui ont contaminé un sol dans le passé. Nous sommes contre le fait de penser que cette décontamination-là puisse être faite sur la base de critères flous. Il nous semble suprêmement important que le ministre puisse défendre un dossier de décontamination sur la base d'un risque actuel.

Donc, le risque actuel, le danger qu'il cause à la collectivité, ce n'est pas de la rétroactivité, c'est une réalisation d'un risque présent et ce risque-là doit être défendable, même devant les tribunaux. Encore une fois, le problème que pose le règlement, c'est qu'il y a, bien sûr, des mesures de risque à caractère technique, mais il n'y a pas de possibilité d'évaluation du risque dans son contexte.

Cette notion d'approche réglementaire pose un autre problème: C'est la notion des vices cachés. Si le ministre, par exemple, en date du 1er janvier 1991, déclare que tel terrain est contaminé, si le terrain a été acheté par un propriétaire qui n'a pas pollué le fond deux ans auparavant, peut-il se retourner contre son vendeur en raison de la règle de l'article 1522, la notion de vice caché? Notre réponse, c'est non. Parce que l'établissement de l'intervention du ministre sur la voie réglementaire ne constitue pas un vice caché au moment de la vente. Or, la règle du vice caché au moment de la vente, c'est une règle fondamentale reconnue par le droit civil.

Donc, si le projet de loi véhiculait plutôt une notion de risque au même sens que l'article 20 de la loi et de l'article 115.1, là, on pourrait établir qu'il y avait risque au moment de la vente, donc, vice caché. Mais si la base d'établissement du risque, c'est une seule promulga- tion à caractère réglementaire, donc, arbitraire, les propriétaires vont avoir énormément de difficulté à se retourner contre leur vendeur.

Le problème du caractère absolu des infractions qui sont mentionnées au projet est majeur. Nous avions compris que l'article 9 du projet essayait d'éviter le problème de la rétroactivité. L'article 9 dit: Ne constitue pas une infraction une contravention à une disposition d'un règlement pris en vertu des paragraphes a et b de l'article 31... on pense que c'est 31.51 et non pas 31.52. Ça règle une partie du problème puisque, comme vous le savez, en vertu de l'article 106.1, le ministère peut poursuivre un contrevenant à une ordonnance, et là on ne parle pas de l'article 31.51. Dans ce cas-là, on aurait l'application d'un principe à caractère rétroactif et il est évident, à la simple lecture de l'article 37 de la charte, que de cette manière-là on ne donne pas plus de deux chances en Cour d'appel à ce type de règlement pour être cassé. Il est clair qu'il s'agit là de l'application d'un principe rétroactif par voie pénale et même si on a l'article 9, par le biais de l'article 106.1, il nous semble que le problème n'est pas réglé.

Mettons de côté temporairement le problème de la rétroactivité. Le projet de loi, encore une fois sur une base de détermination réglementaire, veut imposer une responsabilité absolue et même l'emprisonnement à des contrevenants et cette façon de faire au plan législatif a été déclarée inconstitutionnelle et contraire à l'article 7 de la charte canadienne par le renvoi du Motor Vehicle Act. M. le ministre nous signalait non tantôt. J'imagine qu'on va s'en parler. Mais c'est notre conviction qu'il y a là un problème dont on pense bien que le ministère l'a vu venir mais qu'il est évident que le problème reste encore, mais je suis certain qu'on va dialoguer là-dessus tantôt.

Ce que le projet de loi ajoute par rapport à la situation actuelle, il nous semble assez clair que l'article 115.1 donne au ministre des pouvoirs extrêmement importants. Cependant, ce sont des pouvoirs peu appliqués dans des instances où le ministre aurait pu intervenir et c'est déjà une bonne base d'intervention. Cependant, ce que le projet de loi ajoute, à notre sens, et ce qui est utile, c'est le pouvoir de forcer des contamina-teurs à intervenir d'eux-mêmes et à les forcer à intervenir avant même que le ministère soit forcé de faire une décontamination au sens de l'article 115. Ça, ça nous apparaît comme quelque chose de positif.

Il nous semble que la façon de réaliser les objectifs du projet de loi, tout en respectant la justice fondamentale, ce serait d'établir un principe de risque au même sens que l'article 115.1. Cependant, dans le cas où des prélèvements, encore une fois avec les remarques que l'on fait sur le protocole d'échantillonnage en vertu du règlement... S'il est démontré qu'un

terrain ne respecte pas le règlement, on pourrait mettre en oeuvre une présomption de risque. On pourrait, dans ce cas-là, avoir une personne qui serait poursuivie parce qu'elle ne respecte pas une disposition comme celle-là, et elle aurait le fardeau de la preuve, de démontrer que le terrain ou la contamination ne présente pas de risque.

Donc, là on aurait une responsabilité non absolue. On aurait, pour l'intervenant qui est poursuivi, une possibilité de se défendre et de montrer sur une base judiciaire que le terrain contaminé ne présente pas un risque. Parce que, dans le fond, qu'est-ce que l'on poursuit? C'est vraiment les objectifs manifestés par l'article 20, qui est la notion de risque à la santé humaine, à l'environnement, aux habitats fauniques et végétaux. Et il nous semble que c'est là le fil conducteur auquel on devrait revenir.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Masse. M. le ministre.

M. Masse: Je m'excuse, mon collègue Godin n'est pas intervenu encore.

Le Président (M. LeSage): Je m'excuse. M. Godin. Me Godln.

M. Godin (Robert P.): M. le Président, on veut traiter également d'un aspect du projet qui est très important, c'est celui de l'opposabilité des obligations très onéreuses qui résultent des avis et des ordonnances, opposabilité à des propriétaires successifs des immeubles où se trouvent des sols contaminés. Au départ, l'obligation qui est imposée par une ordonnance ou par un avis est une obligation personnelle, et les conséquences financières peuvent être excessivement lourdes. Il y a également des obligations qui sont des obligations de nature réelle, qui touchent plutôt l'utilisation ou les modifications qui peuvent être faits à un immeuble.

Il nous semble important de bien régulariser l'opposabilité de ces deux conséquences-là des démarches qui sont envisagées par le projet. Le projet traite de deux types de personnes responsables. Il y a les pollueurs, à la première section. Et il y a les propriétaires. Et les deux, chacun dans des sections différentes, encourent des responsabilités personnelles. L'immeuble pollué, évidemment, est ce qu'il est et va demeurer pollué tant qu'il n'aura pas été décontaminé.

On a un système d'enregistrement qui fonctionne très bien, qui possiblement va être modifié par un système avec un registre foncier peut-être un jour avec la réforme du Code civil, mais pour l'instant on a un système qui fonctionne très bien. Il nous semble très important, pour la protection des tiers, que les avis et les ordonnances soient enregistrés, et il y a deux types de protection. La première protection, c'est qu'un tiers acquéreur puisse être en mesure de savoir, avant d'acheter ou avant de faire une transaction, de connaître la situation du terrain. S'il y a eu des avis, s'il y a eu des ordonnances, il doit pouvoir en avoir une connaissance objective. Ces avis, ces ordonnances ont un effet sur la valeur, évidemment, sur l'utilisation. Mais, également, il est important qu'on utilise le mécanisme de l'enregistrement pour pouvoir opposer, c'est-à-dire rendre responsable le tiers acquéreur. Il a connaissance et il assumera la responsabilité en toute connaissance.

Il faudrait que l'enregistrement se fasse également au moment de la signification soit de l'avis, soit de l'ordonnance. Dans le moment, l'enregistrement est prévu comme une faculté. Le ministre peut, on ne sait pas quand, on ne sait pas pourquoi il le ferait ou pourquoi il ne le ferait pas, mais il pourrait le faire à certains moments et ne pas le faire à d'autres.

D'autre part, le projet de loi prévoit un début de publicité. On parle de publicité, de donner une copie au secrétaire-trésorier ou au greffier. Est-ce que ça veut dire qu'il y a déjà une publicité? Est-ce qu'on ne sera pas de bonne foi parce qu'on n'est pas allé voir le greffier? Est-ce que c'est un genre de publicité? Est-ce que ça remplace l'enregistrement? Ce n'est pas clair. Alors, il nous semble, au départ, que tous les avis, toutes les ordonnances devraient être enregistrés dès le moment de leur émission, c'est-à-dire dès le moment de leur signification. Pas de délai ou d'alternative.

Également, il nous semble qu'une fois enregistré l'avis ou l'ordonnance ne devrait pas être affecté par des réalisations de garanties, soit l'effet d'une clause résolutoire, une clause de dation en paiement, soit les effets d'une vente forcée, qui a l'effet du décret. C'est-à-dire qu'une fois enregistré l'avis demeure sur le titre.

Ce qui nous amène à considérer le cas très particulier du créancier et du prêteur. Aux États-Unis, comme vous le savez, les prêteurs sont dans une situation particulière où ils peuvent être tenus à des responsabilités considérables lorsqu'ils réalisent des garanties. On vous suggère, dans nos notes, de tempérer la responsabilité du créancier ou du prêteur qui aurait pris des sûretés réelles sur une entreprise où il y aurait une contamination. Il nous semble que le créancier, au moment où il décide de prendre des sûretés réelles, devrait faire toutes les expertises nécessaires pour s'assurer que le terrain n'est pas contaminé. Donc, vous remarquerez que la réserve qu'on fait traite des contaminations qui ont lieu après la prise de garanties. Pour celles qui ont lieu avant, le créancier devra se protéger. On réalise que c'est très onéreux, ce qu'on vous dit, et on le dit avec une certaine réserve, mais, quand même, au point de vue pratique, on ne voit pas comment ça peut fonctionner.

La Présidente (Mme Pelchat): En conclusion,

Me Godin, s'il vous plaît.

M. Godin (Robert P.): Également, il faudrait que le vendeur ou le créancier hypothécaire, au moment où il réalise ses garanties, n'ait pas le contrôle des contaminants qui se font ou soit dans l'impossibilité légale de les empêcher. Si lui-mâme contribue à la contamination, il faudra qu'il en subisse les conséquences. Si j'ai bien compris, là...

La Présidente (Mme Pelchat): À moins qu'on ait le consentement du ministre et du député de La Prairie...

M. Lazure: Si ce n'est pas long, là, oui, oui.

M. Godin (Robert P.): Je n'ai pas grand-chose à ajouter. La question des créanciers est fort importante. Il y a la question du syndic, par exemple, qui, lors d'une faillite, réalise des garanties. Quelle sera sa position? Il devrait avoir la possibilité, à un moment, de faire un abandon d'un bien contaminé, dans le cas d'un créancier qui s'aperçoit qu'il y a une contamination qui dépasse, évidemment, la valeur de sa garantie. Merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, Me Godin. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente, vous me permettrez, dans un premier temps, de remercier le Barreau du Québec pour une présentation qui est fouillée et articulée. Le critique de l'Opposition et les membres de la commission me permettront de déclarer ouvertement ma situation de membre du Barreau du Québec. Il va de soi que ce soit fait avant que nous débutions ces échanges.

Le premier point que vous touchez est la question de l'absence de la notion de risque, comme telle. Je vous dirai que ça a fait l'objet d'un long débat, de longues discussions à l'interne, au ministère, et à travers les divers comités ministériels que nous avons dû franchir. Il y a des gens qui ont soutenu la position du Barreau du Québec. Il y en a d'autres qui nous ont invités à définir le risque de façon à éviter des litiges et des plaidoyers ad nauseam quant à cette notion de risque qui serait ouverte et non définie. Mais je vois que le Barreau reprend le point de vue de ne pas définir le risque, de conserver la notion ouverte. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on prête flanc, à ce moment-là, à une multitude de procès, strictement quant à cette notion, si elle n'est pas définie? Je ne dis pas qu'il n'y a pas de risque de procès lorsqu'elle est définie, mais plus la définition est pointue, plus les plaidoyers sont raccourcis.

M. Masse: Pourquoi, Me Paradis, adopter une notion de risque à 115.1 et ne pas l'adopter dans le projet de loi? La deuxième chose: On a la conviction que, sans notion de risque, la légitimité du projet, au plan judiciaire, va être contestée beaucoup plus facilement. Ce que nous vous suggérons, c'est d'adopter une possibilité d'intervention de la part du ministre, fondée sur des critères fixés par règlement - règlement discuté publiquement auparavant - et que la personne qui est poursuivie en vertu de l'ordonnance puisse renverser le fardeau de la preuve et, elle, démontrer qu'il n'y a pas de risque.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce ça la définition du risque?

M. Masse: C'est une définition du risque à l'envers. Le ministre n'aura pas, chaque fois, à démontrer le risque. Sauf que, si la personne à laquelle l'ordonnance est émise n'est pas d'accord avec le jugement du ministère, elle pourra démontrer devant le tribunal, si elle le peut, que les taux présentés sur son terrain ou sur son fonds ne présentent pas de risque. Mais il est clair qu'on va devoir fixer cette notion de risque là au plan judiciaire, dans un contexte environnemental. (21 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Ça va. La question du voile corporatif. Vous avez mentionné dans votre exposé, à juste titre et avec de nombreux exemples à l'appui, que, à cause du voile corporatif, etc., on se retrouvait toujours devant des situations où c'était l'État qui assumait la facture, parce que tout le monde s'échappait. La Fondation québécoise en environnement, lors de sa présentation aujourd'hui, nous a suggéré un article qui permettrait de lever le voile corporatif et qui se marierait très bien avec notre article 109 de la loi qui nous permet de poursuivre les officiers d'une corporation. J'aimerais strictement - on n'a pas le temps de le faire ce soir - obtenir l'avis du Barreau. Nous vous ferons parvenir la suggestion de la Fondation québécoise en environnement sur la levée de ce voile corporatif.

M. Masse: Ce n'est pas à proprement parler traditionnellement une levée du voile corporatif, M. le ministre, c'est une prise en compte directe de la responsabilité personnelle des officiers de la compagnie. Cette approche a été utilisée à plusieurs reprises, notamment dans les lois de protection du consommateur. Nous ne sommes pas contre, mais il est clair qu'en termes de planification juridique ceux qui vont avoir à planifier ce genre de situation vont s'arranger également pour que les gens comme M. Levy soient, ou pas là, ou pas solvables. Et on a encore un problème de ce côté-là. Nous ne nions pas la nécessité de poursuivre et les entreprises et les directeurs personnellement. C'est fondamental. Mais nous croyons qu'on ne pourra pas, sur la base d'un principe de responsabilité immédiate, établir des

fonds de compensation ou des moyens de recours, d'où l'idée qu'un fonds de compensation est inévitable. Et que ce fonds-là soit subrogé pour les dépenses encourues par les citoyens et par la décontamination contre les responsables, avec tous les aléas que ça implique, les délais et les frais de justice, ça nous semble normal. Mais ça n'est pas une solution miracle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez soulevé deux points. Vous avez rappelé le cas de Mark Levy; moi je suis personnellement de l'opinion - et ça vaut ce que ça vaut, mon opinion personnelle - que tant et aussi longtemps qu'en matière de droit criminel on n'aura pas transposé, en matière de droit environnemental, les dispositions qui s'appliquent en matière de stupéfiants et de drogues, que l'on continuera à appliquer des sanctions pénales, ou même avec des mandats d'arrestation, il n'y aura pas de possibilité pratique d'extradition et d'accusation criminelle comme telle. Donc je vous rejoins dans ce sens-là. Ce n'est pas avec ce type de projet de loi que l'on va entrer en matière de législation criminelle. D'ailleurs ce n'est pas de juridiction, au moment où nous nous parlons, de l'Assemblée nationale du Québec de légiférer dans ces domaines-là. Je n'ai pas écouté le bulletin de nouvelles à 21 heures. En ce qui concerne un fonds, il y a déjà, et je pense que vous avez assisté à la présentation des mémoires d'autres groupes, j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, un fonds de décontamination pour les sites dits orphelins; et vous avez le projet de loi qui s'inscrit dans une deuxième étape et à peu près tous les intervenants, sauf le Conseil du patronat allié à l'Opposition officielle, nous ont recommandé la création d'un fonds de décontamination financé par l'entreprise, par le biais, soit de cautionnement, de CSST, de cotisation, de contribution, d'une sorte ou de l'autre.

Vous traitez d'infraction pénale rétroactive. Et vous m'avez vu réagir. L'article 9 sur le plan des infractions pénales est clair. Mais là où vous avez raison dans votre exposé, c'est à l'effet qu'une ordonnance qui affecterait le passé et qui ne serait pas respectée pourrait donner ouverture à des poursuites pénales. Vous avez exprimé une opinion en citant une cause de jurisprudence. Je ne suis pas aussi à jour que j'avais l'habitude de l'être dans mon suivi jurisprudentiel...

M. Masse: J'ai la cause et le Barreau du Québec est heureux de la donner à un de ses membres...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De m'en remettre...

La Présidente (Mme Pelchat): Est-ce qu'on a le consentement pour le dépôt? Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous en remercie. j'aurai l'occasion de vérifier s'il s'agit d'un cas d'application suite à une ordonnance, si l'analyse des faits est tel quel. et si c'est le cas...

M. Masse: Ça ne change rien, M. le ministre. C'était une loi de la Colombie-Britannique qui déclarait qu'une personne qui était prise à conduire un véhicule moteur sans permis, même si elle ne savait pas que son permis avait été suspendu, elle était condamnée automatiquement, et sans possibilité de défense, à l'emprisonnement. La Cour suprême a déclaré que c'était inconstitutionnel en vertu de l'article 7 de la charte.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme il n'y plus d'appel au Conseil privé, ce n'est pas de mon intention d'en appeler. Sauf que nous nous retrouvons dans une situation de fait où il y a émission d'une ordonnance et l'opinion du jurisconsulte du gouvernement, au moment où nous nous parions, est à l'effet qu'il n'y aurait pas d'application. Maintenant, on va faire des vérifications. Vous attirez notre attention. Il est toujours plus sage d'être plus prudent que plus imprudent dans ce type de législation. Nous allons faire une vérification additionnelle.

Sur le plan de l'enregistrement des ordonnances, vous nous invitez également à clarifier la question de l'environnement. Je pense qu'il s'agit là d'une clarification que nous nous devons d'apporter pour ne pas laisser place à interprétation. Il est encore temps de le faire. Nous vous remercions de cette suggestion. Vous avez des propos à ajouter?

M. Godin (Robert P.): Je veux juste ajouter que la question du créancier est fort complexe et fort importante. On veut lier les tiers acquéreurs mais je pense qu'il est fort important de ne pas décourager les prêteurs en créant une responsabilité démesurée. Ça peut affecter de façon significative le financement d'entreprises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons sur le plan pratique, sur le terrain, des sons de cloche qui sont un peu différents de la part de divers types de créanciers. Les créanciers dans le domaine industriel nous incitent à un maximum de prudence. Les créanciers plus spécialisés dans le domaine résidentiel, Mouvement Desjardins, à titre d'exemple, appuient sensiblement le libellé du projet de loi. La question que vous posez, vous la posez avec précision, que le créancier accepte le risque au moment où il autorise ces déboursés d'argent. Par la suite, on le dégage de tout suivi environnemental et on replace la balle dans le camp du ministère de l'Environnement. Et lorsqu'on le fait on replace la balle dans le camp de l'ensemble des payeurs de taxes...

M. Godin (Robert P.): Oui, mais il ne faut

jamais oublier que le créancier n'est pas propriétaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...des contribuables.

M. Godin (Robert P.): et il n'a a pas toujours les moyens pratiques ou juridiques pour exercer un contrôle quotidien sur les activités de son débiteur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais il aspire à devenir propriétaire...

M. Godin (Robert P.): Non, il ne peut pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...s'il y a défaut de paiement...

M. Godin (Robert P.): Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...davantage que le ministère de l'Environnement du Québec. Et il est au moins aussi bien équipé que le ministère de l'Environnement du Québec pour faire un suivi. Dans ce sens-là, je ne dis pas que ça ne mérite pas une analyse. Mais on n'a pas d'intérêt financier alors que lui conserve un intérêt financier de s'assurer que sa créance a toujours la même valeur. Il en est de même sur le plan de l'évaluation municipale. Tous ces aspects-là sont interreliés. Et on est conscient qu'on touche au droit de propriété. C'est une question qui est délicate.

M. Godin (Robert P.): Qu'est-ce qui arrive si le créancier arrive et qu'il est trop tard?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a eu un cas - et je le souligne - dans la région de Trois-Rivières, il y a quelques semaines, où une institution financière avait repris possession d'une entreprise. Elle a lu le projet de loi, bien qu'il ne soit pas adopté et qu'il soit sujet à modification, etc., et, constatant que le site était contaminé à un point tel, elle a remis au client l'entreprise qu'elle avait saisie. Donc, ça incite aujourd'hui les entreprises qui oeuvrent dans ce domaine-là à plus de prudence.

M. Godin (Robert P.): Peut-être que, si vous le permettez, il y avait un autre commentaire qu'on aurait aimé faire. C'est celui du lien entre le locataire ou le possesseur et le propriétaire. En matière industrielle, bien souvent vous avez des locataires qui sont occupants, des baux, soit des "leaseback" ou à titre emphytéotique, qui sont là, qui occupent l'immeuble pendant longtemps, qui sont les pollueurs, qui sont les premiers responsables. Votre projet de loi, dans le moment, ne semble pas traiter, faire une distinction... Vous parlez du propriétaire, mais vous ne parlez pas de l'occupant qui peut être...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes le premier organisme à nous souligner cet oubli dans le projet de loi. Il m'apparaît important. Vous avez raison de le souligner. Maintenant vous le faites très brièvement. Si vous pouviez nous développer cette argumentation. Parce qu'elle suscite chez nous un intérêt très particulier. C'est une pratique qui est répandue. Il y a des conséquences juridiques. Et, si le Barreau du Québec pouvait ajouter à cet argumentaire, nous l'apprécierions.

La Présidente (Mme Pelchat): Ça va, M. le ministre? Ça va? M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci. Je veux féliciter les représentants du Barreau pour cette excellente présentation. Et, quant à moi, vous m'avez convaincu que le ministre doit conserver la notion de risque. Il me semble qu'il y a moyen d'allier les deux, et vous le faites d'ailleurs. Vous proposez qu'on conserve à la fois la notion de risque, mais en même temps, par règlement, les normes, et une présomption de danger pourrait cependant être établie lorsque la concentration de contaminants prévue par règlement est dépassée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour qu'on se comprenne bien, je pense qu'on est dans un élément important. Vous souhaiteriez que l'on conserve la définition de risque tout en définissant le risque, mais en incorporant une présomption.

M. Lazure: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.

M. Lazure: La suggestion que le Barreau fait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Ça va.

M. Lazure: ...je l'accepte intégralement. Je la trouve extrêmement facile de compréhension et il me semble qu'elle donne un outil plus complet au ministre, à la loi. D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi le ministre n'utilisait pas plus souvent les articles 20 et 115.1. Je veux profiter de la présence des représentants du Barreau pour leur demander bien franchement: Qu'est-ce que le projet de loi actuel ajoute comme pouvoir, au ministre, qui n'est pas déjà inclus dans l'article 115.1 ou dans 20? Là, je ne parle pas des amendes. Mais, en gros, les pouvoirs d'intervention du ministre, est-ce qu'ils sont vraiment beaucoup plus grands dans le nouveau projet de loi qu'ils ne le sont dans 20 et dans 115.1?

M. Masse: M. le député, le Barreau s'est fait déposer il y a maintenant deux ans un

projet complet de modifications de plus de 2000 articles au Code civil sans aucune note explicative. Ce n'est donc pas nous qui allons accuser le ministre Paradis de faire pire que le ministère de la Justice, mais cependant il est clair qu'il n'y a pas eu de présentation, à notre connaissance, des véritables justifications, non seulement du bien-fondé du projet... Il est évident que le projet lui-même, on doit le traiter, on doit intervenir, mais, sur la technique d'intervention, il est clair qu'il y a là un manque de transparence qui nous pose des problèmes. Et...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse. S'il y avait des questions de règlement... Je ne peux pas laisser passer ça, parce quelqu'un n'a pas suivi l'actualité québécoise au cours des six derniers mois et surtout pas la période de questions à l'Assemblée nationale où vous avez adressé combien de questions auxquelles on a eu l'occasion de répondre. Moi, là...

M. Lazure: Mme la Présidente, je reprends mon temps de parole.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous en tiens pas rigueur, ce n'est pas l'émission la plus intéressante à la télévision.

M. Masse: Je vous la pose la question, M. Paradis.

M. Lazure: Non, je...

M. Masse: pourquoi est-ce que, sur 115. 1, vous avez une approche fondée sur le risque alors que dans toute votre approche sur la décontamination, qu'on voit dans le projet, vous mettez de côté complètement cette approche-là? dites-nous le, on va le savoir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous changez la question. La question sur laquelle vous vous êtes prononcés, c'est de dire qu'il n'y a pas de justification en arrière du projet de loi, il n'y a pas...

M. Masse: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... de ratio d'intervention...

M. Masse:... sur la nécessité d'intervenir sur les terrains contaminés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ratio d'intervention est le suivant, je tiens à vous le souligner...

M. Masse: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... j'ai été, comme ministre de l'Environnement, pris dans des cas où j'avais les ressources parce que je les ai concentrées là dans le cas de Balmet à Saint-Jean-sur-Richelieu - et le député est ici à la table ce soir - où, en vertu de tous les pouvoirs que nous avions dans la loi, nous étions menottes sur le plan de l'intervention de façon à protéger la santé et la sécurité de la population. Si vous n'avez pas suivi ce dossier-là, celui de Duparquet en Abitibi n'a pas dû vous échapper, celui de l'est de Montréal... À chaque fois que nous voulons intervenir, nous n'avons pas les outils législatifs nécessaires.

M. Lazure: Mme la Présidente, je reprends mon...

M. Masse: Prenons l'exemple de Saint-Jean, M. le député...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est épouvantable de se faire dire ça, ce soir.

La Présidente (Mme Pelchat): À l'ordre, s'il vous plaît! Juste un instant, monsieur. Je pense qu'il y a...

M. Lazure: Mme la Présidente, j'aimerais reprendre mon droit de parole, Mme la Présidente.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi. Vous avez raison, c'est...

Une voix: II reste quatre minutes.

M. Lazure: Reprenant mon droit de parole, je m'explique. Moi, je pense que, contrairement à ce que le ministre a dit, les problèmes auxquels il fait face depuis six ou sept mois ne sont pas dus surtout ou seulement au fait que l'article 115. 1 n'est pas assez fort. Moi, je pense que l'article 115. 1 est fort, mais il ne s'en est pas servi. L'article 115. 1 permet d'intervenir...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais au Conseil du trésor toutes les semaines.

M. Lazure: Oui, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Toutes les semaines, et au Conseil des ministres, pour payer avec l'argent du peuple.

M. Lazure: Oui, mais l'article 115. 1 vous permet la réclamation des frais: "Le ministre peut, en la manière de toute dette", etc. Vous pouvez réclamer-Une voix: Après. M. Lazure: Après. Bon. M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais je ne

suis pas créancier privilégié.

M. Lazure: Enfin, je pense que ça serait un débat trop long.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais je paie avec l'argent du peuple, toutes les semaines.

M. Lazure: Mais je reviens au fil de mes idées. Moi, je pense en tout cas que la suggestion que le Barreau nous fait, M. le ministre, est extrêmement valable, quant à moi. Il ne faut pas que vos pouvoirs soient fondés simplement sur des normes, des chiffres. Il ne faut pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça, là-dessus... (22 heures)

M. Lazure: Je pense qu'il faut que la notion de risque soit conservée, c'est une bonne notion. Moi, j'aime beaucoup aussi les remarques préliminaires que vous avez faites concernant la non-solvabilité. Le représentant du Barreau a dit en somme ce qu'on dit depuis un bon bout de temps. Que cette loi-là, même si elle a beaucoup de dents, elle ne va pas régler la plupart des problèmes où les propriétaires, des petits malins vont utiliser toutes sortes de trucs pour devenir insolvables dans la cause qui va vous occuper à ce moment-là. Et, par conséquent, il y a un danger que cette loi-là donne l'illusion au monde que dorénavant les pollueurs vont être les payeurs. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. D'où l'importance du fonds de compensation et là je partage entièrement aussi la suggestion du Barreau et j'aimerais leur demander s'ils font une différence, parce que vous en avez parlé, entre un fonds de compensation et un fonds de décontamination. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu sur la distinction entre les deux?

M. Masse: Dans le cas de Saint-Basile, M. le député, on a été chanceux. C'est le bon côté de l'entrepôt qui a passé au feu. Si l'autre côté de l'entrepôt était passé au feu et qu'on avait été obligés d'évacuer pour une très longue période 2000 personnes, quelle aurait été la facture pour ces familles-là? Dans le cas de Saint-Amable, on a été chanceux. Le vent était dans l'autre sens où il est d'habitude. Mais, si on avait dû évacuer la population de Saint-Amable pendant deux semaines, qui aurait compensé ces gens-là sur une autre base que la Loi sur la protection civile qui comprend des dommages extrêmement limités? Dans le cas de ces problèmes-là de contamination, qui vont se produire fatalement, je vous laisse penser ce qui se produirait si l'Union Carbide à Montréal-Est, qui est une copie fidèle et conforme de ce qui se passe à Bhopâl, présentait les mêmes problèmes. Qui paierait pour ces dommages-là? Les fonds publics? Peut-être! Mais on pense qu'on doit non seulement penser à constituer un fonds pour décontaminer les sols, mais on doit penser à compenser des gens qui sont des victimes innocentes. Dans le cas de Saint-Jean-sur-Richelieu le ministère intervient, mais la santé de ces enfants-là, le ministère ne compensera pas vraisemblablement ces gens-là. Quant a nous, on estime, s'il y a nécessité de décontaminer un grand pourtour à Saint-Jean-sur-Richelieu, qu'il faut penser à l'avenir de ces gens-là aussi, ça compte.

M. Lazure: Est-ce que vous avez songé à une formule qui pourrait être applicable à ces deux fonds-là? Je comprends très bien votre distinction, compensation et...

M. Masse: Comme je vous ai dit tantôt le problème des fonds de compensation, autant ceux administrés par la CSST que ceux administrés en matière d'automobiles, par exemple, et encore là... On est en présence de deux types de risque. On parle ici d'un autre type de risque. Ce sont des fonds qui entraînent une irresponsabilité de la part de ceux qui cotisent. Et en matière environnementale, c'est ce qu'on disait tantôt, il nous semble difficile de penser que ceux qui contribueraient à constituer ces fonds-là pourraient s'en tirer sans aucune responsabilité. Donc, il y a un examen - et je pense qu'on pourrait continuer le dialogue avec le ministère - à faire de ce type de fonds, il y a l'expérience américaine; il y a plusieurs types de fonds aux États-Unis qui ont fonctionné et on pourrait s'inspirer de certains exemples européens également. Je pense qu'on va devoir comme société arriver à une situation où on va avoir des moyens de compenser des catastrophes à caractère technique.

M. Lazure: Mme la Présidente, le ministre a parlé tantôt de la nécessité d'appliquer à l'environnement les dispositions - je parle du Code criminel - qui s'appliquent aux trafiquants de drogues, de les appliquer à l'environnement. Ma question toute simple au ministre: Est-ce qu'il a fait par les voies normales de son gouvernement une requête au gouvernement fédéral, au ministère de la Justice, pour qu'ils amendent le Code criminel à cet effet? Ou, s'il ne l'a pas fait, est-ce qu'il a l'intention d'en faire une? Je suis sérieux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, quand vous traitez les infractions qui découlent de la Loi sur la qualité de l'environnement, nous avons au ministère de l'Environnement, comme vous le savez, déposé 46 chefs d'accusation au pénal, au civil contre Mark Levy, même un mandat d'arrestation a été...

M. Lazure: Ce n'est pas ça ma question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, j'essaie

de vous la placer dans le contexte...

M. Lazure: Je connais bien le contexte, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...émis. Nous nous rendons compte - et on se devait d'attendre la décision du ministère de la Justice qui a été rendue la semaine dernière - que les dispositions actuelles du Code criminel dans un cas comme celui-là ne donnent pas ouverture à dépôt, suivant la décision rendue par le ministre de la Justice, de plaintes criminelles, donc impossibilité d'entreprendre des procédures d'extradition, etc. Dans ce contexte, j'ai l'intention de demander au gouvernement fédéral, mais je souhaiterais le faire en collaboration avec mes collègues des autres provinces canadiennes dans le cadre de la prochaine réunion du Conseil consultatif des ministres de l'Environnement... Lorsque nous sortons de ce conseil consultatif avec une résolution unanime, habituellement, le gouvernement fédéral se sent pressé de passer à l'action.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député.

M. Lazure: Oui. En conclusion, la dernière suggestion du Barreau que je retiens, c'est celle de soumettre à une commission parlementaire, peut-être restreinte comme celle-ci, mais, en tout cas, une certaine forme de consultation, les normes contenues dans le règlement. Je pense que c'est assez important pour que ce soit débattu pendant quelques heures ou quelques jours, ces normes-là. Il y a des opinions scientifiques qui varient et, à plus forte raison, des opinions non scientifiques qui varient encore plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ha, ha, ha!

Moins elles sont scientifiques, plus elles varient!

M. Lazure: C'est ça. Merci, Mme la Présidente, j'ai fini.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Mme la Présidente, assez rapidement, quant à un fonds de compensation comme tel, je ne pense pas que les gens l'aient qualifié comme tel. Les départements de santé communautaire, la Fondation québécoise en environnement, divers intervenants nous ont suggéré d'établir un fonds de décontamination.

Lorsqu'on parle d'un fonds de compensation - et vous êtes les premiers à faire la suggestion; je sais que vous l'aviez faite publiquement à l'occasion de ce qui est arrivé à Saint-Amable - ça touche une notion d'assurance qui dépasse, à première vue - je vous le soumets bien respectueusement - le mandat, la responsabilité du ministère de l'Environnement du Québec. Lorsque nous intervenons en matière d'environnement, et nous tentons d'avoir un message qui soit uniforme sur le plan de la population, nous avons besoin du Barreau du Québec pour communiquer ce message-là à l'ensemble de la population également et, surtout, à ses membres qui interviennent.

Certaines gens pensent que le ministère de l'Environnement est responsable en matière d'alimentation, de santé, de sécurité publique, de communication, etc. Le ministère de l'Environnement du Québec tente d'assumer ses responsabilités en fonction des 12 lois qu'il a la responsabilité d'assumer, et de laisser aux autres ministères, en collaboration avec le ministère de l'Environnement, toute la place qui leur revient. Lors d'un sinistre comme Saint-Amable, pour vous donner un exemple, il y a des gens qui disent: C'est le ministre de l'Environnement qui est responsable de tout, qui devrait prendre la responsabilité de tout, alors que le plan d'intervention gouvernementale - il est important que vous en soyez informés - prévoit qu'à partir de Québec c'est le ministre de la Sécurité publique, qui est responsable de la Sûreté du Québec, des forces incendie, etc., qui prend le contrôle des opérations. Sur le plan local, au niveau du terrain, c'est la municipalité qui parle par la voix de son maire. Le ministère de l'Environnement du Québec occupe un rôle de conseil, autant auprès du ministre de la Sécurité publique qu'auprès du maire, tout comme le fait le ministre de la Santé et des Services sociaux quant à la santé des individus, tout comme le fait le ministre de l'Agriculture quant à l'alimentation des population et à la qualité alimentaire des produits, tout comme le fait la ministre des Communications quant aux communiqués, etc.

C'est important que le Barreau du Québec aide à véhiculer cette compréhension d'intervention en période de crise parce que plus la population comprend le rôle de chacun des ministères, plus la population réagit de façon éclairée et mieux renseignée à l'occasion de ces sinistres. Donc, quand vous réclamez un fonds de compensation par le ministère de l'Environnement, l'impression que ça nous laisse, encore une fois, c'est que ça a renforcé cette impression que c'est le ministère de l'Environnement du Québec qui est expert au gouvernement du Québec en matière de santé et de services sociaux, alors que nous n'avons aucun médecin à l'emploi du ministère de l'Environnement du Québec.

M. Lazure: Vous devriez en avoir. Une voix: Ce serait une bonne idée.

La Présidente (Mme Pelchat): Est-ce que vous cherchez un emploi, Dr Lazure?

M. Lazure: On ne sait jamais. C'est ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a deux façons de procéder. Le Dr Lazure dit: Peut-être qu'on devrait en avoir. On pense qu'il y a des ressources au gouvernement qui sont spécialisées dans ce domaine-là et qu'elles sont les plus habilitées à donner à celui qui est responsable de l'opération, le ministre de la Sécurité publique, les conseils en matière de santé. On n'a pas non plus, en matière d'alimentation, de spécialiste; c'est le ministère de l'Agriculture qui s'acquitte de cette fonction.

Donc, lorsqu'on parle d'un fonds de compensation comme tel, c'est peut-être au ministère de la Justice, au ministère de la Sécurité publique, mais le ministère de l'Environnement a tellement de difficulté à date à s'acquitter des responsabilités qui sont les siennes en vertu des 12 législations dont il a l'application qu'il n'est pas de son intention, dans un avenir prévisible, de créer - et je le dis très très honnêtement au Barreau - un fonds d'indemnisation ou de compensation des victimes suite à une explosion dans une industrie. On pense que, si le gouvernement devait emprunter cette voie, c'est au ministère qui s'occupe généralement des catastrophes, le ministère de la Sécurité publique, à intervenir dans ce domaine-là.

Maintenant, si on parle de décontamination et d'un fonds de décontamination, comme on a eu l'occasion de parler, oui, on pense qu'il s'agit là d'une responsabilité sur laquelle devrait se pencher le ministère de l'Environnement du Québec.

La Présidente (Mme Pelchat): Me Masse.

M. Masse: M. le ministre, l'article 20 de la loi, quand il parle de protection d'environnement, déclare qu'on ne peut pas porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être et au confort de l'être humain. On parle de l'être humain comme une partie d'un environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez la faune et la flore aussi plus loin dans la loi.

M. Masse: C'est ça. Mais on pense que l'être humain est plus important que la faune et la flore.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est le premier intervenant. D'ailleurs, on a eu une discussion ce matin avec les DSC qui prétendaient que le ministère de l'Environnement devait procéder à des tests de sol avant de procéder à des examens sanguins. J'ai tenu exactement le même langage que vous tenez ce soir.

M. Masse: La deuxième chose. La Régie de l'assurance automobile du Québec compense des victimes, bien souvent innocentes, pour un risque automobile et, à ce que je sache, la Régie de l'assurance automobile du Québec ne relève pas du ministère de la Santé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. La Régie...

M. Masse: Et ici, on parle de compensation des victimes de dommages environnementaux. On pense que, que ce soit au ministère de la Sécurité publique ou au ministère de l'Environnement, il va devoir y avoir un fonds qui s'occupe non seulement de décontaminer le sol, mais qui va s'occuper... Notamment, il y a une petite fille que vous connaissez sans doute, à Saint-Jean, qui a un taux de contamination au plomb très élevé. Si, dans l'avenir, il s'avère que son avenir immédiat est affecté, quel recours elle a dans la vie? Qu'est-ce qu'on fait avec elle? Vous avez consacré 3 500 000 $ à décontaminer les sols, parfait. Mais qu'est-ce qu'on fait des enfants dans ce genre de situation ou des personnes âgées? Ils font partie de l'environnement, eux autres aussi.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne dis pas, non... Si je suis votre langage, vous dites que tout le monde fait partie de l'environnement. Je suis d'accord avec vous, mais le ministère de l'Environnement, ce n'est pas le ministère qui s'occupe de tout au gouvernement. C'est un peu le message que j'ai tenté de vous livrer. Il y a des responsabilités en matière environnementale et il y a d'autres ministères qui ont des responsabilités en matière de catastrophe. Lorsque vous avez des inondations, il y a des gens qui sont affectés sur le plan de leur santé, de leur bien-être, etc., et c'est le ministère de la Sécurité publique. Je tente de vous expliquer le fonctionnement de l'appareil gouvernemental et il y a un ministère des catastrophes. Lorsqu'il y a des inondations à Montréal, comme il y a eu un certain 14 juillet, vous avez des gens qui ont été affectés sur le plan de leur intégrité physique et il y a de la compensation qui a été versée, peut-être pas suffisante, mais par un ministère qui administre... Au niveau du gouvernement fédéral, vous avez un programme qui est administré également par ce même type de ministère. Ce n'est pas le ministère de l'Environnement. Dans d'autres sociétés auxquelles on peut se comparer, les caisses de compensation ne sont pas administrées par le ministère de l'Environnement. Ce n'est pas parce que je ne veux pas administrer, moi, une caisse d'assurance de tant de millions. Ça pourrait donner du prestige à un ministre de l'Environnement. Mais ce n'est pas administré par des ministères de l'Environnement. C'est le message que je tente de véhiculer au

Barreau.

On a une demande d'à peu près tous les groupes, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre. On parle d'un fonds de décontamination. Est-ce que vous seriez en faveur de la création d'un fonds de décontamination tout en demeurant en faveur d'un fonds de compensation qui devrait être administré par une autorité gouvernementale qui est en charge des catastrophes et des sinistres?

M. Masse: M. le ministre...

La Présidente (Mme Pelchat): Je m'excuse, Me Masse. Je dois d'abord demander le consentement de M. Lazure...

M. Lazure: Oui, oui. Je consens. Mais il l'a dit tantôt, Me Masse, qu'il était en faveur.

La Présidente (Mme Pelchat): ...parce que le temps du ministre est expiré. Alors, vous allez parler maintenant sur le temps du député de La Prairie.

M. Lazure: La réponse, c'est oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien, je ne le sais pas, je ne l'ai pas entendu.

M. Lazure: Bien oui, il l'a dit tantôt. Vous pouvez le répéter.

M. Masse: Mais, M. le ministre, peu importe que ce soit vous qui administriez ce fonds d'indemnisation des victimes de dommages environnementaux, si le ministre de l'Environnement, qui est quand même d'abord membre d'un gouvernement avant d'être ministre de l'Environnement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Député avant.

M. Masse: ...fait des pressions dans le sens de cette idée-là, peut-être qu'on pourrait faire du chemin. on ne se chicanera pas sur les modalités.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais qu'on s'entende correctement. Il y a des gens - et c'est difficile pour le ministère de l'Environnement - lorsqu'ils voyaient de la fumée autrefois, il y a 20 ans, ils appelaient les pompiers. Aujourd'hui, les gens appellent le ministère de l'Environnement et nous sommes devenus, à cause d'une certaine perception qui est véhiculée, sans mauvaise foi, par différents intervenants, les intervenants de première ligne en cas de catastrophe alors que nous n'avons pas les effectifs, et ça retarde une intervention rapide et efficace pour garantir la santé et la sécurité de la population du gouvernement. Ce à quoi je m'attends du Barreau du Québec, c'est que, étant maintenant informé que c'est le ministère de la Sécurité publique qui est l'intervenant de première ligne dans le plan d'urgence du gouvernement, fort de cette information, il la véhicule auprès de ses membres, parce que ses membres contactent beaucoup d'intervenants dans la population et, en cas de catastrophe, sont des intervenants de première ligne souvent.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Bon. Vous me permettez, Mme la Présidente, de prendre quelques minutes quand même pour exprimer l'opinion de l'Opposition là-dessus. Que le ministre de l'Environnement le fasse directement, lui-même, ou qu'il s'assure que ce soit fait, peu importe, l'important, comme Me Masse l'a dit, c'est qu'il assure cette commission parlementaire qu'il va faire des pressions énormes auprès de ses collègues pour qu'il y ait la création d'un fonds de compensation. Parce que Me Masse a absolument raison. Actuellement, il n'y a rien de prévu pour un enfant dont la santé pourrait être handicapée, et on commencera à s'en apercevoir dans les quelques années qui s'en viennent, à cause de contamination au plomb. Il a parfaitement raison.

Et de toute façon, j'ai noté depuis quelque temps que vous avez tendance à vous dissocier de vos responsabilités en matière de santé qui vous sont imparties de par la loi. Me Masse les a cités tantôt, autant l'article 20 que l'article 115.1, les deux disent clairement que, quand la santé de l'homme est en danger, vous devez intervenir. Bon. De l'humain. Alors, que vous le fassiez faire par les départements de santé communautaire, par le biais de votre collègue, il n'y a pas de problème. Mais vous devez vous sentir responsable quand même et ne pas faire comme vous faites depuis quelque temps, de porter la responsabilité, de temps en temps à la Sécurité publique, de temps en temps au ministre de la Santé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De ne pas communiquer l'information, c'est encore pire.

M. Lazure: Oui. Lorsque vous avez de l'information, la communiquer...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La communiquer.

M. Lazure: ...aux gens de la santé, contrairement à ce qui est arrivé dans l'est de Montréal où vous ne l'avez pas communiquée aux gens de la santé. Oui, oui, oui. Les données de la caractérisation faite par la Défense nationale étaient à votre ministère depuis janvier dernier et elles n'ont pas été communiquées au département de santé communautaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Elles l'ont été là.

M. Lazure: II y a deux jours, trois jours, quatre jours, une semaine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le 29.

M. Lazure: Ça a pris six mois avant qu'elles soient communiquées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le 29.

M. Lazure: Ça a pris six mois, d'accord?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Trop long. Ah oui, vous avez complètement raison. Il n'y a pas de réflexe, suite à certains propos tenus par des ministres antérieurement, de garder des choses secrètes...

M. Lazure: Tantôt, là, je vous disais que ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose qu'il y ait un médecin dans votre ministère. Sans monter un service médical, que vous ayez un conseiller proche de vous qui soit médecin spécialiste en environnement, ce serait peut-être une bonne chose. Ce serait peut-être une bonne chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'en ai un. M. Lazure: Bon, on peut le connaître?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Le critique de l'Opposition officielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Là, vous m'avez. Il est 22 h 20. Là, je ne vous ai pas vu venir. Alors, moi, je veux encore une fois féliciter le Barreau et le Barreau peut âtre assuré que, quant à nous de l'Opposition, on va talonner le ministre pour s'assurer qu'il y ait un fonds de compensation, mais aussi - parce que la deuxième chose, c'est dans ses pouvoirs - qu'il mette dans son projet de loi un fonds de décontamination. Et qu'il garde aussi la notion de risque. Merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le député de La Prairie. M. le ministre, en conclusion, brièvement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mes remerciements au Barreau. La demande de précision qui a été adressée sur la notion de locataire demeure. Si vous pouviez nous accommoder, nous vous en saurions gré. Quant au fonds de compensation, je dirai à Me Masse: Si vous adressez votre demande au ministère de la Sécurité publique, s'il vous plaît, n'oubliez pas de m'en envoyer une copie de façon à ce que je puisse l'appuyer.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, merci, Me Sauvé, Me Masse et Me Godin. Nous allons maintenant passer à l'Association minière du Québec. Nous suspendons nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 19)

(Reprise à 22 h 23)

Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos travaux et je demanderais à l'Association minière du Québec, par la voix de son représentant, M. Jacques Duval, président du comité environnement de l'Association minière du Québec, de nous présenter les gens qui l'accompagnent, en vous disant que vous avez 20 minutes pour faire vos représentations, 20 minutes du côté ministériel, 20 minutes à l'Opposition. Si vous en prenez plus, vous réduisez le temps de chacun d'autant. Si vous en prenez moins, vous augmentez leur temps d'autant, temps qu'ils ne sont pas obligés de prendre. Et, si vous prenez tout le temps, bien, ils n'en auront pas.

Association minière du Québec

M. Drouin (Claude): Alors, je me présente-Le Président (M. Garon): Sur une base de 60 minutes.

M. Drouin: Je suis Claude Drouin, directeur général de l'Association minière du Québec. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À l'extrême droite, M. Dan Tolgyesi, qui est directeur général de Minova inc., responsable de trois opérations au Québec; M. Jacques Duval, qui est directeur de l'environnement et président de la compagnie minière Québec-Cartier, il est aussi président du comité de l'environnement de l'Association; à ma droite, c'est Me Jean Rober-ge, qui est mon adjoint; à mon extrême gauche, Mme Ghobrial, qui est une consultante pour Inco qui opère une mine d'or ici, au Québec, et, immédiatement à ma droite, M. Pat Cayouette, qui est directeur général de Mines Gaspé.

Alors, je crois que ce n'est pas nécessaire de vous dire qui est l'Association minière du Québec. Nous regroupons la presque totalité des producteurs miniers, à l'exception des mines d'amiante et des carrières. Nous employons environ 15 000 personnes. Nous avons une production de l'ordre de 1 800 000 000 $ par année et nous sommes situés principalement en région, toujours assez loin des grands centres.

La loi qui nous a été soumise pour discussion, en tant que contribuables, nous inquiète beaucoup et pour toutes sortes de raisons. La

raison première, d'abord, c'est que nous avons eu très peu de temps pour réfléchir, très peu de temps pour l'analyser et très peu de temps pour consulter parce que vous savez que tous les printemps, c'est la grande fièvre du printemps, tout nous accable, tout nous tombe dessus de tous les côtés. Pour cette raison, on a préparé un mémoire qui est très long parce qu'on n'a pas eu le temps d'en faire un court; c'est peut-être ça qui est le problème. Il est tout de même assez étoffé. Me Roberge en est le principal artisan, évidemment. On n'en fera pas la lecture, on fera la présentation des grandes lignes.

Nous allons vous parler évidemment de la notion de pollueur-payeur que nous croyons qui est regardée d'une façon un peu trop simple parce que, en fait, on l'associe uniquement, on fait une espèce de rapprochement trop étroit entre pollueur et producteur. Et c'est cette notion-là, je crois, qui mérite d'être regardée. On va en reparler dans le mémoire. On va parler aussi du pouvoir qui est donné au ministre d'émettre des ordonnances à partir de perceptions, à partir de pressentiments. On n'est pas nécessairement très heureux de cette politique, alors on va en parler. On va s'interroger aussi sur la nécessité de donner de nouveaux pouvoirs au ministre parce que, nécessairement, on se demande s'il n'y pas déjà tout ça qu'on retrouve dans la loi. Nous allons parler de sols contaminés et, pour le milieu minier, c'est extrêmement important parce que, en fonction du projet de règlement que nous avons reçu, automatiquement, une mine devient naturellement un site contaminé. Si c'est une mine de cuivre ou une mine de zinc, c'est clair qu'on dépasse... Le fait même d'être sur le site, on est contaminés parce que les normes sont nécessairement dépassées automatiquement; notre Créateur a fait ça comme ça. Et, finalement, je crois que nous allons faire un retour en arrière sur les choses du passé. Alors, sans plus de préambule, je passe la parole à Me Roberge, qui va passer en revue les grandes lignes du mémoire que nous vous avons déposé. Je crois que vous l'avez reçu le mémoire, M. le Président.

Une voix: Oui.

M. Drouin: Alors, je passe la parole à Me Roberge.

M. Roberge (Jean): Bonsoir. Merci beaucoup de nous avoir invités à la commission parlementaire sur ce sujet qui est très important. Très important d'abord parce qu'il couvre un sujet qui est de la première importance et très important aussi parce qu'il peut aller trop loin, comme on pourra vous l'expliquer dans notre mémoire.

D'abord, on considère que le projet de loi mériterait une étude beaucoup plus approfondie sur les conséquences sociales, économiques et même environnementales. Des études beaucoup plus poussées devraient être faites avant de présenter le projet de loi comme il l'a été. On est de cet avis parce que, aussi, plusieurs chantiers environnementaux sont en marche: la commission Charbonneau, par exemple, ceux du Conseil de la conservation et de l'environnement, la révision du règlement sur les déchets dangereux, la réorganisation du ministère, l'implantation du programme de réduction des rejets industriels.

Le principe pollueur-payeur a une connotation très environnementale. Cependant l'application n'est pas aussi simple qu'on puisse le penser. Une personne, une entreprise, une municipalité occasionnant une contamination ou une pollution se doit de corriger la situation. C'est bien clair. Ce qu'il faut réaliser cependant, c'est le fait qu'une multitude d'activités et de situations de fait sont là parce qu'elles étaient rendues nécessaires et demandées par la société. De plus, cette même société les a autorisées et réglementées selon les connaissances du moment. Aujourd'hui, plus consciente et avertie, la société, représentée par le gouvernement, considère qu'il aurait peut-être été préférable d'agir autrement si elle avait su. Par exemple, les BPC n'auraient peut-être pas vu le jour ou n'auraient pas été utilisés si on les inventait aujourd'hui. Il en sera peut-être de même avec l'avancement des connaissances en ce qui a trait au pétrole, aux additifs à la nourriture, aux produits de traitement pour l'eau potable, au transport et à l'usage de l'électricité.

Des changements importants sont survenus en matière d'environnement et il faut que chacun fasse sa part et ajuste ses pratiques. Cependant, on ne peut, du jour au lendemain, tout remettre en question et qualifier de contaminées ou contaminantes des situations autorisées et réglementées et pour lesquelles l'État, les connaissances et les techniques disponibles ne rencontrent pas nécessairement toutes les ambitions environnementales.

Le concept pollueur-payeur ce n'est pas imputer à une seule personne toute la responsabilité environnementale que l'on peut imaginer ou attribuer à un produit. On ne peut permettre et souhaiter qu'une activité soit, tout en lui reprochant qu'elle existe. La gestion du concept pollueur-payeur c'est plutôt un agencement et une application de différentes lois, règlements, directives, incitatifs, taxes, subventions, politiques et autres, autant à l'égard des intervenants qu'à l'égard de ceux qui utilisent ces mêmes produits. Par exemple, dans le cas du pétrole, est-ce qu'on doit rendre responsable l'usager de l'automobile, la raffinerie, le producteur du pétrole ou le Créateur? D'après nous, il est préférable d'adopter et articuler un ensemble d'interventions et susciter un changement d'attitude plutôt que de condamner.

La présentation de l'actuel projet de loi est quant à nous trop précipitée et l'évaluation de

son impact social, environnemental et économique est à évaluer. Pour le secteur mines, par exemple, l'industrie minière que nous représentons ne doit pas être visée par l'application de l'actuel projet de loi et ceci pour diverses raisons. En matière d'environnement, les sites miniers font parler d'eux à cause des parcs de résidus miniers. Un inventaire mentionne 107 parcs de résidus miniers, dont 12 sont rétrocédés à la couronne, 60 sont inutilisés, mais sous la responsabilité d'une entreprise existante, tandis qu'il y en a 35 utilisés par l'industrie que nous représentons. Les résidus générés a partir d'activité minière ne sont pas abandonnés dans la nature, ils sont déposés, après autorisation du gouvernement, sur un site aménagé à cette fin, pour fins de contrôle, d'analyse et de traitement, selon les technologies actuellement connues et selon les normes applicables.

La connotation de dangerosité attribuée aux parcs de résidus miniers origine malheureusement des travaux du groupe de travail GERLED mis sur pied pour identifier et répertorier tous les sites potentiellement dangereux pour l'environnement et le public. Dans cadre de ses activités, le GERLED n'a pas eu le temps ni les ressources pour visiter les sites miniers, ni procéder à des analyses ou caractérisations. Il a qualifié les sites selon les informations qu'il pouvait avoir dans ses dossiers sans les vérifier ou les valider d'une quelconque façon. Suite aux travaux de ce groupe, les interlocuteurs en ont conclu que tous les endroits et sites mentionnés dans la documentation produite par ce groupe constituaient des sites dangereux pour la santé ou l'environnement. Cette perception des choses a été faite et persiste sans considérer les nuances que le GERLED a pourtant indiquées lui-même dans son document. Et je vous cite un extrait: "Par souci de prudence, l'évaluation du risque potentiel s'est faite, dans tous les cas, de façon conservatrice, c'est-à-dire que dans les cas où certaines informations étaient déficientes le ministère a préféré surévaluer le risque potentiel quitte à revoir la classification à la baisse une fois que le lieu concerné serait mieux connu."

Les parcs de résidus miniers ne constituent pas une disposition finale de ces matériaux. Ces parcs sont un lieu de traitement et de contrôle à la sortie desquels un effluent sert d'exutoire, et des normes fédérales et provinciales s'y appliquent. Ceci ne veut pas dire que tous les parcs de résidus miniers ne constituent aucun problème pour l'environnement. En effet, des parcs abandonnés et sans surveillance, générateurs d'acidité dans certains cas, sont un problème pour l'environnement. À cet égard, des mesures pour sécuriser et contrôler les lieux sont prises. Aucune entreprise minière existante n'est intéressée à causer des torts environnementaux, et aussi des mesures sont prises pour les éviter.

Un parc de résidus miniers, ce n'est pas jeter des résidus à la nature. Il s'agit d'une façon de les entasser afin de les contrôler et d'apporter les traitements nécessaires. Quant à l'amélioration du traitement et de la surveillance des parcs, la recherche et les travaux se continuent par les entreprises et les associations principalement à travers le projet NEDEM et par l'engagement de spécialistes dans des entreprises minières. Le projet NEDEM est un programme d'investissement de plus de 14 000 000 $ en recherche sur le traitement, le contrôle et la restauration des sites. Pour la restauration finale d'un site minier, plusieurs parcs de résidus miniers ont été restaurés au fil des ans. Les entreprises minières entendent continuer cette restauration au fur et à mesure des besoins. Je pourrais vous souligner d'ailleurs que l'Association elle-même a financé la restauration d'un parc l'année dernière et quatre entreprises minières ont contribué avec Canards illimités pour la restauration d'un parc orphelin. il faut ajouter a ce propos que les entreprises minières du canada, par la voie de leur association, tant au niveau national que provincial, ont mis de l'avant une politique environnementale et un protocole de restauration des sites. depuis plus de deux ans, l'industrie minière a recommandé aux ministères des mines de toutes les provinces d'adopter les dispositions législatives précises à ce sujet. les ministères des mines y travaillent à travers un groupe de travail intergouvernemental qui examine aussi le volet fiscal des coûts de décontamination et de restauration aussi.

Lors de la refonte de la Loi sur les mines en 1987, des dispositions ont justement été adoptées afin qu'il n'y ait pas d'abandon de droits miniers sans l'autorisation du ministre des mines qui doit consulter le ministre de l'Environnement à cet égard. Dans les faits, c'est depuis 1975 que le ministère des mines n'accepte plus de rétrocession sans considérer l'aspect environnemental.

De plus, la Loi sur les mines prévoit l'enlèvement des installations et du minerai extrait à la fin des activités. Les certificats d'autorisation, pour leur part, émis en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement en traitent. Nous croyons donc que cette approche doit être suivie. SI les dispositions actuelles de la Loi sur les mines ne vont pas assez loin, des amendements pourraient être apportés pour articuler davantage sur l'aspect environnemental. En tant que gestionnaire des titres et des droits miniers et responsable du secteur, il nous paraîtrait tout à fait normal et plus valable que la préoccupation environnementale soit intégrée au volet économique du ministère. D'autant plus que la Loi sur la qualité de l'environnement de même que la Loi sur les mines s'appliquent toutes deux à la couronne et aux ministères.

La gestion des résidus miniers et la restauration des sites miniers doivent relever du ministère des mines aussi pour la raison que des

titres miniers peuvent être accordés pour une exploitation ultérieure des résidus. Une autre raison extrêmement sérieuse dont vous devez tenir compte devrait vous amener à conclure que les actuels amendements ne devraient pas s'appliquer au secteur minier. En effet, la définition du mot "sol", à la Loi sur la qualité de l'environnement, inclut le sous-sol. Aussi, l'exploitation d'une mine se faisant en milieu minéralisé, l'industrie minière se retrouvera en dépassement des normes concernant les sols contaminés, simplement du fait de leur travail. D'autre part, dans un projet de règlement qui nous a été acheminé en vue de nous aider à faire les présents commentaires, on déclare un ensemble d'activités industrielles, dont la nôtre, comme susceptibles de contaminer le sol. Ces activités seront considérées en infraction en regard de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement puisqu'il est formellement interdit d'exercer une activité susceptible de contaminer le sol.

Le pouvoir habilitant de l'article 31.51, alinéa b, et la réglementation prévue constituent un avis de fermeture à plus ou moins brève échéance. C'est impensable, quant à nous.

En deuxième partie du mémoire, vous retrouverez des commentaires article par article. Compte tenu que le temps passe, je vais plutôt vous parler à partir du résumé.

Les nouveaux pouvoirs que le ministre de l'Environnement réclame par les amendements, quant à nous, ils existent en grande partie, par exemple, avec les articles 25, 26, 27 et 118.2 qui permettent l'enregistrement d'une ordonnance. La seule différence et la très grosse différence, c'est que, avec les amendements, le pouvoir d'émettre une ordonnance ou des avis d'ordonnance se fera uniquement sur des motifs raisonnables. À notre sens, le ministère de l'Environnement et le gouvernement, en somme, en matière d'environnement ne devraient pas agir sur des motifs raisonnables. Quels seront-ils, ces motifs? Est-ce que ça va être la personne, le bon père de famille ou est-ce que ça va être une motivation raisonnable ou est-ce que ça va être des rumeurs persistantes? Les motifs raisonnables ne sont nullement décrits, sans critère.

Alors, ce serait important que ce genre de pouvoirs sur des motifs raisonnables soient modifiés. Important pour différents points de vue. Si un terrain, pour des motifs raisonnables, est considéré comme contaminé, mais, avec la preuve, il n'est pas contaminé, alors quel sera l'impact financier sur le terrain - c'est une chose - mais aussi sur le voisinage ou sur le réel propriétaire du terrain qui sera, dans certains cas, la municipalité ou, dans d'autres cas, la couronne provinciale ou la couronne fédérale? Quel va être l'impact d'agir ou d'émettre une ordonnance qui va être en soi une hypothèque environnementale sur un terrain, sur uniquement des motifs raisonnables?

Dans le travail du GERLED qui, dans le cas des mines, constitue un travail non validé et non vérifié, ça va constituer des hypothèques environnementales importantes sur lesquelles il va falloir contester la détermination de ce qu'on veut faire, émettre une ordonnance, par exemple. On a vécu un exemple comme ça où le ministère croyait, sur la foi d'un renseignement qu'il avait à son dossier, que des produits pétroliers avaient été déversés dans le parc de résidus miniers. L'entreprise a dû dépenser beaucoup d'argent pour prouver justement que ce n'était pas vrai. On ne peut pas se retrouver, du jour au lendemain, à agir dans le domaine de l'environnement principalement, uniquement sur des motifs raisonnables.

Ensuite, concernant la radiation des avis dont on parle, on devrait spécifier dans la loi que ces délais de radiation devraient venir d'une façon assez courte et peut-être que même la radiation des avis devrait se faire, elle aussi, sur des motifs raisonnables.

Concernant la politique des sols contaminés, c'est une politique qui a été adoptée suite à l'exemple réalisé en Hollande où on vit une situation assez différente d'ici. Et la politique de décontamination ou la politique des sols contaminés contient des normes en trois plages: plages a, b, c. Mais, avec la nouvelle réglementation proposée, on ne se sert plus du tout de la troisième plage, et on va considérer pour la contamination la norme qui est cinq à six fois plus exigeante. Et cette modification-là n'est accompagnée d'aucune rationalité scientifique ni explication. En plus, la politique avait été déterminée justement pour indiquer qu'à la plage c il fallait faire des études un peu plus poussées. À ce moment-ci, cinq à six fois plus sévère, on va déterminer qu'un sol est contaminé avec tous les impacts que cela va avoir sur le terrain, sur les créanciers, sur les créanciers soit hypothécaires ou par nantissement, sur le voisinage aussi, qui va certainement demander au ministère de prouver que ce qu'il a dit pour le terrain 10, ce n'est pas vrai pour le terrain 11, parce que ça peut être important pour les voisins, surtout pour les voisins. Dans la loi non plus, on n'indique pas la distinction entre le verbe "peut" ou "doit". Dans l'interprétation, le mot "peut" signifie à l'occasion "dort", signifie un devoir. Ce serait important, dans les pouvoirs qu'on se donne, qu'on indique si c'est vraiment "peut", une possibilité, ou si c'est vraiment "doit", parce qu'il y a une grosse différence.

Quant à nous, les pouvoirs qui existent actuellement sont très suffisants et nous l'avons expliqué à la commission Charbonneau la semaine dernière. Le ministère devrait user de plus d'opportunisme dans l'exercice des pouvoirs qu'elle a en vertu de l'article 25 par exemple ou dans l'application de l'article 20.

Dans la question des ordonnances pour ramasser et enlever des résidus ou des déchets

ou des decontaminations, on devrait envisager aussi la possibilité d'ordonner, de sécuriser, de contrôler par exemple le plomb ou le mercure dans le sol. Il y a des endroits où ils permettent le recouvrement par de l'asphalte, et utiliser comme parc de stationnement peut-être un terrain qui serait contaminé. Ça neutralise la contamination. Dans la publicisation des divers avis, on remarque que, d'une part, il y a des ordonnances qui peuvent être émises sur des motifs raisonnables et quand il y a des avis à être publiés, les motifs on ne les qualifie pas de raisonnables. Ça peut être tout motif; alors là, il y a une distinction qu'on s'explique difficilement.

À propos de réglementation parlant de quantité de contaminants ou de concentration de contaminants, on fait remarquer qu'il s'agit de deux concepts différents. Une livre de contaminants qui est à concentration très faible, c'est différent. Alors, il faudrait choisir entre ces deux concepts qui sont différents. D'autre part, dans la réglementation, on ne parle pas de méthodologie non plus. Est-ce un pouce de sol contaminé ou dix pouces de sol? On n'en traite pas.

Les changements d'usage. On devrait considérer aussi les usages réels ou les usages envisagés par un sol. On pourrait envisager aussi, comme il est dit dans le règlement, je crois, sur les déchets solides, un non-usage d'un terrain pendant un certain temps afin de laisser le traitement s'effectuer. Ensuite, on devra penser, dans les changements d'usage, à simplement sécuriser ou contrôler. Dans le choix des technologies, nous supportons que c'est l'industrie qui devrait être maître d'oeuvre en ce qui a trait au choix des technologies et le gouvernement se devrait de fixer des objectifs.

Quant aux demandes d'enquête et d'information qui vont s'élargir sur la simple impression qu'il y a un contaminant dans l'environnement pour un citoyen ou pour plusieurs citoyens, on trouve que c'est un élargissement assez important et dangereux, en ce sens qu'on va créer des attentes importantes chez les citoyens où une personne peut avoir l'impression qu'il y a un contaminant dans l'environnement pour demander une enquête, pour demander des documents. Avant, la demande d'enquête et d'information ne se faisait que pour la constatation par un citoyen d'un déversement ou d'un problème environnemental; maintenant, on va jusqu'à permettre à un citoyen d'avoir l'impression qu'il y a un contaminant dans l'environnement et de demander une enquête. Alors, certainement que vous allez avoir une avalanche d'enquêtes. L'article 9, moi, dans mon projet de loi, se référait à l'article 31.52 qui n'existe pas. Alors, je n'ai pas fait de commentaire.

En somme, globalement, le projet de loi, quant à nous, est trop rapide. Quand on pense par exemple à la criminalité qui blesse et qui tue des personnes, on devrait mettre autant d'efforts pour ces personnes-là, pour ces victimes, alors qu'ici, sans même en tenir compte, on parlait de rétroactivité. J'étais ici, j'entendais le CPQ par exemple vous parler de la rétroactivité. C'est un sujet important, mais, quant à nous, le principe du pollueur ou l'action du gouvernement devrait s'attarder à ceux qui sont dans l'illégalité. Si une personne a pollué en étant illégale, c'est normal qu'on lui applique les sanctions voulues. Mais, si les entreprises ou si les activités ont été réalisées sous la réglementation à laquelle elles étaient soumises, qu'elles étaient dans la légalité, on devrait respecter cette légalité sinon quelle entreprise va avoir confiance en un gouvernement qui adopte des règlements et, à un moment donné, les échange ou change la couleur du temps? Ce serait, quant à nous, inadmissible d'agir sur des situations qui ont été exercées d'une manière légale.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je remercie l'Association minière du Québec pour son mémoire auquel elle a joint une étude détaillée article par article du projet de loi qui va être utile au ministère de l'Environnement du Québec.

J'aimerais retoucher quelques grands principes. Votre approche est la suivante, et je peux me tromper en la résumant peut-être trop rapidement. Le ministère de l'Environnement possède tous les pouvoirs en matière d'intervention de mines, notre activité comme telle peut être une activité de contamination. Ça devrait être laissé au ministère de l'Énergie et des Ressources, section Mines. Tout va très bien. Jusque-là, on peut tenter de vous suivre, sauf que, lorsqu'on regarde la liste des sites contaminés auxquels vous faites référence, on se rend compte que, sur 67 sites considérés de catégorie 1, soit potentiellement dangereux pour la santé ou l'environnement, il y en a une trentaine en Abitibi. Je présume que ce n'est pas d'autres types d'activité, dans plusieurs cas, que l'activité minière. (22 h 45)

Vous dites: Ce n'est bon à rien ce que vous avez entre les mains. C'est un fouillis d'informations qu'on a colligées pour dresser cette liste, les gens de l'Environnement ne se sont pas rendus sur les lieux, etc. Je me retourne de bord et je demande... Les gens de l'Environnement me disent: C'est faux. On s'est rendus sur les lieux et la liste est bonne. Moi, je suis ministre et je dois faire de quoi. Si vous avez raison, que tout est en ordre en Abitibi, qu'il n'y a aucun danger dans les sites miniers pour la santé, que tout est réglé, moi, je ne demande pas mieux, comme ministre de l'Environnement, que de vous décerner un certificat honorifique, sauf que, si ce que mes gens publient là-dedans est exact, je ne demande pas mieux que de passer une loi qui

vise à corriger la situation. Qui dit vrai?

M. Roberge: Ça me fait plaisir que vous souleviez le point. Quand la documentation du GERLED est sortie, on l'a expliquée au ministère, et, quand le projet de loi est venu, on l'a expliqué à nouveau au ministère sommairement, mais ça me fait plaisir de vous en reparler. Quand on a vu la documentation du GERLED, on a communiqué immédiatement avec tous les membres pour leur demander: Qu'est-ce que vous en pensez? Qu'est-ce que c'est? Généralement, les personnes m'ont dit qu'elles n'ont pas vu de fonctionnaire de l'Environnement depuis un an et, généralement, deux ans. Ensuite au ministère, j'ai demandé: Êtes-vous allés sur les lieux? Avez-vous pris des analyses, des échantillons? Ils m'ont dit: Non. Quand ils ont eu à réaliser la liste des sites miniers, ils se sont rendu compte, en réalisant l'inventaire des sites industriels, et ils ont dit: Ah! C'est vrai, on a oublié le milieu minier. Alors, ils ont pris une liste de sites miniers; ils ont des informations environnementales dans leurs dossiers et ils ont apprécié, dans leur inventaire, a, b ou c, 1, 2 ou 3, sur la foi des renseignements qu'ils avaient, mais ce n'est pas des renseignements qui ont été vérifiés.

Je vous donne deux exemples.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me dit, de toute façon, que ce contentieux perdure depuis 1983 et qu'on serait surpris qu'on ait la capacité, malgré les grandes habiletés qui sont les nôtres, de le régler ce soir.

M. Roberge: Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): prenons pour acquis que vous avez raison. si vous avez raison, le projet de loi en soi, dans son application, ne vous affectera pas.

M. Roberge: Bien, on a vu le projet de réglementation où on indique clairement que le secteur mines, quel qu'il soit, c'est un secteur susceptible de contaminer. Mais je vais vous donner des chiffres, par exemple, qui nous viennent du fédéral. En 1987, les entreprises minières ont réalisé 1566 analyses de l'effluent minier, 1566 occasions d'être en dépassement, et, là-dessus, il y a eu 81 dépassements, ce qui veut dire 5,5 % de dépassements.

En ce qui concerne le travail du GERLED, il y a eu des exemples où, par exemple, dans une galerie, une galerie a été cimentée avec le minerai qui s'y trouvait. Il y avait un transformateur qui avait été échappé. Il y avait des BPC dans les huiles qui sont dans le transformateur. Pas sur les recommandations des ministères, mais ils ont avisé le fédéral et le provincial. Ils ont dit: Ce qu'on a l'intention de faire, c'est à quelque 1000 pieds sous terre, on va cimenter la galerie, on va bloquer ça là et ça va rester en sécurité. Tout le monde a dit oui, c'est correct. Sauf que le site est classifié 1. Bon, là, qu'est-ce qu'on fait?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je ne les connais pas, les sites classifies 1, personnellement. Je ne les ai pas visités, personnellement. Sauf que j'ai eu à intervenir de façon urgente, il y a à peu près deux semaines, dans un des sites classifies 1 parce qu'on m'a montré des photos - j'imagine que le photographe, au moins, s'est déplacé pour aller sur les lieux - d'une situation où il y avait 1500 barils d'arsenic à quelques pieds d'une cour d'école. Plusieurs de ces barils coulaient. C'était évident sur les photos. Je ne dis pas que chacun des 30 sites est dans un état comparable en Abitibi, mais ça, c'est celui qui est venu sur mon bureau, il y a 15 jours. Vous me dites: Ferme-toi les yeux, remets tout ça au ministère des mines, tout va bien, tu n'en auras plus d'autres.

M. Roberge: Vous parlez de Eldorado dont les journaux ont parlé, mais Eldorado, c'est une entreprise minière fermée depuis 1956. Je ne pense pas qu'en 1956, la préoccupation environnementale était celle d'aujourd'hui. L'endroit est connu du ministère depuis un certain nombre d'années et ce n'est pas du minerai ni un parc de résidus miniers. C'est des barils qui contiennent de l'arsenic qui sont là. C'est évident que ça ne peut pas rester comme ça. On ne parle pas du tout de la même chose. Les entreprises minières...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas seulement des barils. Il y a l'équivalent également de 10 000 barils qui ne sont pas en baril dans des réservoirs sous terre qui ont été laissés là. Qui va payer pour ça? Le contribuable?

M. Roberge: Le ministre des mines a rencontré les propriétaires la semaine dernière et ils ont l'intention de faire des travaux. Je n'ai pas les détails de ça, mais les...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais moi, j'ai rencontré le ministre des mines aussi et j'ai de la difficulté à obtenir des chiffres. Pour le moment, c'est le ministère de l'Environnement qui défraie pour déplacer les barils, mais la clôture, la compagnie aurait accepté de la payer. Sous réserve, le ministre des mines m'a dit ça. La clôture, mais le reste, c'est le ministère de l'Environnement qui défraie ça à partir de l'argent des contribuables.

M. Roberge: Bien, pourquoi? Vous avez une entreprise qui est existante. Vous avez un site qui est contaminé, qui a du trioxyde d'arsenic. Bien, pourquoi dépenser des fonds publics, à moins de les dépenser et de les réclamer par 115.1?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce que je ne pouvais pas attendre plus longtemps que la compagnie se décide à le faire.

M. Roberge: Alors, il va falloir les réclamer de l'entreprise. 115.1. C'est aussi simple que ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec l'argent des contribuables, le Conseil du trésor. Je suis allé. Le Conseil des ministres.

M. Lazure: ...plus vite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Cayouette (Patrice): M. le Président, je n'aime pas ce discours-là, moi. Parce que, d'abord, j'aimerais vous dire qu'Eldorado n'est pas une mine. Ça s'appelle Mines Eldorado, mais ce n'est pas une mine. C'est une activité qui se passe sur le site d'une ancienne mine. Ce n'est pas la même chose du tout. Et ce sont des gens qui exploitaient, qui achetaient des résidus de je ne sais pas où et ça a fermé en 1956. Alors, qu'est-ce qui se passe là-dedans? Ils ne sont pas membres chez nous, de toute façon, mais qu'est-ce qu'ils font? Apparemment, ils transformaient ces résidus-là pour faire du traitement de bois. Mais, dans le cas d'une mine, une opération comme ça où il y a un propriétaire, je ne vois aucune raison pour laquelle on demande au voisin de payer. Il y en a un propriétaire, c'est une dame de 59 ans qui est quelque part en Colombie-Britannique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux dames.

M. Cayouette: Deux dames? Ça m'est égal. Deux payeurs plutôt qu'un dans ce cas-là. On n'a aucune espèce d'objection à ce que quand il y a un propriétaire on s'occupe de traiter le propriétaire comme il nous traite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Maintenant, il y a plusieurs mines qui ont fermé et qui ont laissé des résidus sur les terrains. Les terrains sont aujourd'hui propriété de la couronne. Ce sont des terrains de la couronne. Je suis en négociation présentement avec le gouvernement fédéral en vertu de l'entente sur les sites orphelins, à savoir si on va pouvoir passer dans la définition de site orphelin les résidus miniers qui ont été laissés sur des terrains qui sont propriété de la couronne par le biais du ministère de l'Énergie et des Ressources. Encore une fois, c'est le contribuable qui va payer.

M. Cayouette: Non. Pas du tout, M. le ministre. Si vous regardez en haut de la page 4 de notre mémoire, on dit qu'il y a 107 parcs de résidus miniers dont seulement 12 sont rétrocédés à la couronne. Donc 107 moins 12, ça fait 95. Il y en a 95. Sur les 95, il y en a 60 qui appartiennent à des propriétaires qui n'opèrent plus une mine, mais des propriétaires encore connus. Je ne vois pas pour quelle raison on ne fait pas des demandes aux propriétaires qui sont là de venir s'occuper de leurs problèmes. Dans les 35 mines actives, il n'y a aucun problème. Plus loin, dans le mémoire, à la page 6...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Qu'on se comprenne bien là. Les 12 rétrocédés à la couronne, ça va. On voit s'ils rentrent dans la définition d'orphelin. 60 sont inutilisés, mais sous la responsabilité d'une entreprise existante.

M. Cayouette: D'un propriétaire connu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous me dites, c'est que du point de vue de l'association, s'il y a de la decontamination à faire, ça ne pose pas de problème parce que les entreprises vont le faire. Il y en a 35 qui sont utilisées par l'industrie. Ça ne pose pas de problème non plus.

M. Cayouette: C'est-à-dire qu'ils sont actifs eux autres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait s'entendre avec l'Association minière pour que, sur une base volontaire...

M. Cayouette: On peut faire mieux que ça, M. le ministre. Parce que l'an passé, à la conférence des ministres des Mines, l'ensemble des associations minières ont proposé au gouvernement fédéral et à tous les gouvernements provinciaux que chaque mine se constitue un fonds privé pour s'assurer qu'au moment de la fermeture elle aura l'argent nécessaire pour restaurer une mine de façon convenable et la retourner à la nature de façon convenable, ou encore de la traiter à perpétuité au cas où on n'aurait pas la technologie en place. Ça, c'est une proposition faite en bonne et due forme l'année passée au mois d'août, à la conférence des ministres des Mines.

Et puis d'ailleurs, à l'heure actuelle les démarches sont commencées ici au Québec. Elles sont commencées en Ontario. Elles sont commencées en Colombie-Britannique aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous seriez d'accord - je tente de saisir - avec la mise sur pied d'un fonds de décontamination? Vous avez parlé de chaque entreprise, son fonds.

M. Cayouette: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'un fonds global de décontamination?

M. Cayouette: On n'est pas d'accord du tout

à payer pour ce qui s'est fait avant suivant un modèle de l'ancien temps. En d'autres mots, chaque mine d'aujourd'hui, chaque mine future est capable de s'occuper de son passé. Mais je ne vois pas, par exemple, pour quelle raison si, dans le passé, il y a un nommé Paradis qui a fait un accroc quelconque à la société, et puis parce que tout à coup ce M. Paradis-là disparaît de l'environnement, ce sont tous les Paradis du Québec qui vont payer pour ça. Je ne vois pas de raison de faire ça, moi. Parce que ça s'appelle une mine, parce que c'est une activité minière, on n'a pas de raison tout à coup de charger rien que les mines pour ça. Ça s'est fait conformément à des politiques, à des règlements, à des lois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais c'est la même question de fond qu'on a adressée au Conseil du patronat, en fin de compte...

M. Cayouette: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui revient à la surface. Est-ce que votre position est à l'effet que la loi ne devrait s'appliquer que pour le futur, c'est-à-dire à partir du moment de sa sanction...

M. Cayouette: Pour le présent et le futur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et qu'il ne devrait y avoir aucune application pour le passé, que, pour le passé, c'est l'ensemble de la société qui devrait...

M. Cayouette: C'est l'ensemble de la société parce que l'ensemble de la société en a payé quand même, de toute façon. Elle en a profité de ça, l'ensemble de la société, aussi. Il y avait plus de profits pour les compagnies, donc il y avait plus de taxes versées a l'État. C'est la même chose, ça. On marchait, en 1940, en fonction de ce qu'on savait en 1940. En 1960, c'était en 1960. En 1990, on est rendu là. Mais je crois qu'on peut dire aujourd'hui que l'industrie minière n'a pas raison d'avoir les accrocs qu'on a eus dans le passé. Mais ce ne sont pas des accrocs qu'on a eus dans le passé. Il y a eu des accrocs, mais ce n'est pas une majorité d'accrocs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être une question que je n'ai pas adressée au Conseil du patronat ni à d'autres intervenants avant vous, mais il n'est jamais trop tard pour l'adresser. Est-ce que le fonds de décontamination pourrait être d'une telle importance qu'il pourrait tenir compte des problèmes passés?

M. Roberge: La possibilité qu'on...

La Présidente (Mme Pelchat): Me Roberge.

M. Roberge: La possibilité qu'il y a, c'est que pour restaurer il faut prendre en main des sites et des parcs de résidus miniers qui contiennent, dans certains cas, des métaux ou des minéraux utilisables ou ayant une valeur économique. Alors, si on traite, qu'on restaure des lieux et qu'on récupère en même temps les métaux de ces parcs-là, l'argent qui en sera retiré va probablement pouvoir servir à faire autre chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, si l'activité est rentable, c'est comme les terrains de Montréal, à un moment donné, tu trouves toujours une solution économique. Lorsqu'il reste une plus-value, c'est-à-dire que la contamination coûte moins cher que ce qui en ressort, on finit toujours par trouver une solution, tout le monde y trouve son compte. Là où on a de la difficulté, c'est quand on a une moins-value plutôt qu'une plus-value et on se demande qui paie la facture.

M. Roberge: Justement, c'est ça, le concept pollueur-payeur. C'est un ensemble de directives, de changements d'attitudes, d'incitatifs. C'est un ensemble de choses qui fait qu'on atteint des objectifs. Mais on ne peut pas, du jour au lendemain, dire: Bon, vous avez fait ça ou vos voisins ont fait ça, payez pour l'ensemble ou payez pour le siècle qu'on vient de passer. Ça fait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien là, j'ai saisi votre réponse. Votre réponse, c'est: Pour l'avenir, ça va. Maintenant, je tente peut-être de vous faire préciser en disant: Pour le passé, est-ce que c'est la société en général ou si la constitution du fonds pourrait être à un niveau assez important que ce seraient les contributeurs du fonds qui sont dans ce domaine d'activité là qui paieraient pour le passé?

M. Cayouette: Quant au fonds, on n'est pas d'accord du tout qu'il y ait un fonds. Non, il n'est pas question de fonds, excepté s'il est personnel. Le genre de formule qu'on a proposée, c'est ce qu'on appelle un régime enregistré d'épargne-environnement. C'est plus ou moins cela qu'on propose là-dedans. On ne voit pas de raison pour laquelle tous les Paradis doivent payer pour le péché d'un Paradis. C'est la même chose. Parce qu'il y a eu des mines dans le passé, que ce soit seulement le monde des mines qui paye, ce n'est pas normal. Par exemple, s'il y a un édifice qui tombe à Québec ici, est-ce que ça va être tous les entrepreneurs en construction qui vont être chargés seulement pour réparer ces bâtisses-là? Pourquoi, pour une mine, est-ce différent? Une bâtisse qui fait défaut à Québec, ça ne sera pas tous les employeurs de la construction qui vont payer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Faites-moi la comparaison avec la CSST... J'aimerais vous entendre sur une comparaison avec la CSST. Vous avez des taux dans le secteur minier parce qu'il y a des accidents dans le secteur minier...

M. Cayouette: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui s'appliquent au secteur minier.

M. Cayouette: On peut en parler de la CSST encore une fois pour vous montrer jusqu'à quel point ce n'est pas toujours très bon, la CSST. On peut parler peut-être de l'exemple des maux de dos, des douleurs. Moi, je suis rentré dans les mines, ce n'est pas hier, en 1950, j'étais la-dedans. Je me rappelle qu'en 1950, je n'ai jamais vu ça sur une liste d'accidents, un mal de dos. Ça n'existait pas. Ce n'était ni des douleurs, ni des enflures... Ça n'existait pas ça. Il n'y avait pas de réclamation là-dessus. En 1970, environ 13 % des réclamations étaient pour des maux de dos et des douleurs et des affaires dans ce genre-là. Quand est arrivée la loi 114 en 1978, c'est passé à 23 %. Là, depuis qu'on est rendus avec la belle loi 17, avec les 14 jours payés par l'employeur, le mois passé, 47 % de nos accidents étaient pour des maux de dos, des douleurs, des choses... Alors, des lois comme ça, la CSST et ce qu'on veut faire avec l'environnement, déresponsabiliser la population, c'est ça que ça va faire. Si on veut responsabiliser les gens, il faut les faire payer seulement pour ce dont ils sont responsables. On les déresponsabilise autrement. Un fonds général va déresponsabiliser les employeurs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et ils vont polluer davantage. C'est votre...

M. Cayouette: Oh! non. Jamais de la vie. (23 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non?

M. Roberge: Votre exemple de la CSST, d'ailleurs, l'année dernière... Ils changent la tarification pour personnaliser davantage, aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour responsabiliser davantage.

M. Roberge: J'ai l'impression que ça va compter. Oui, ça va compter. Quant à nous, la création d'un fonds, si c'est environnemental, ça déresponsabilise les personnes, un peu dans le genre du "superfund" où le monde est amené à contribuer. Beaucoup d'entreprises vont contribuer, puis ne s'en occuperont pas, alors que, si on est responsable et qu'on s'occupe soi-même de ces choses, on va régler les problèmes et on va être incité à régler ses problèmes plus à la source que de passer de l'argent à un tiers qui va s'en occuper, quand et comment? on ne le sait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qu'est-ce qui explique que présentement tout le monde est bien responsabilisé, que tout le monde est laissé sur une base individuelle, que nous, on hérite sur le plan collectif des problèmes qui montent jusqu'au bureau du ministre?

M. Cayouette: On est simplement rendus là dans la société. C'est ce qui explique ça. On est rendus là. On vient de s'apercevoir que c'est terrible. Les fonds dont je vous parle, il y en a dans plusieurs compagnies. Vous savez comment c'est, elles se mettent de l'argent de côté depuis déjà quelques années pour être certaines d'en avoir quand elles vont finir. C'est déjà commencé, puis il n'y a pas de loi. Je connais des mines qui mettent 2 $ par tonne de côté pour leur fonds quand la mine va fermer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'il y a des mines qui ont commencé le travail sur le terrain?

M. Cayouette: Ça fait longtemps! De la "revégétation", il y en a chez eux et, chez vous, vous n'êtes pas encore fermés, vous autres; vous en avez une quantité de faite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites que ça fait longtemps, c'est depuis combien d'années à peu près?

M. Cayouette: J'ai vu les premiers travaux de "revégétation" en 1971. Je crois que le travail fait par l'Université Guelph à Noranda date... C'était en cours quand je suis arrivé à l'Association, en 1971. Ça fait au moins 20 ans qu'on s'occupe de ça. On a un comité de l'environnement dans l'Association depuis 1968. Alors, ce n'est pas d'hier qu'on parle d'environnement. On n'a pas commencé hier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Pour des gens qui, à bon droit, se plaignent de ne pas avoir eu beaucoup de temps pour préparer leur mémoire, vous êtes drôlement bien préparés. Qu'est-ce que ça aurait été si vous aviez eu plus de temps? Pauvre ministre!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Mais vous allez avoir l'occasion de vous reprendre parce que je ne pense pas qu'il passe le projet de loi la semaine prochaine.

Ça m'étonnerait. Je suis en faveur du principe pollueur-payeur, parfaitement en faveur, mais le projet de loi est incomplet, il y a des choses qui manquent dedans, par exemple le fonds de décontamination, la notion de risque, si vous étiez ici tantôt quand les gens du Barreau ont parié. Mais vous avez évoqué la question des normes et moi je crois que vous avez raison de demander, comme d'autres l'ont fait avant vous, que le règlement, qui, en somme, est une liste de chiffres, de normes, de pourcentages, de quantités, soit discuté en commission parlementaire. Je vois que le ministre n'est pas contre.

GERLED. Ça m'inquiète beaucoup de voir qu'il y a deux versions aussi contradictoires, parce que GERLED, c'est un peu la bible pour le ministère et, à vous entendre, en tout cas pour ce qui est de la partie des sites miniers, qui est quand même 50 % des 66 sites considérés comme dangereux, on a l'impression que le travail n'a pas été fait de façon particulièrement minutieuse, disons. C'est le moins qu'on puisse dire.

Mais la question que je vous pose, c'est: Si le ministre demandait à ses fonctionnaires de faire un travail de relance sur la trentaine de sites miniers considérés comme dangereux, est-ce que votre Association serait prête à collaborer avec les fonctionnaires? J'imagine que oui.

M. Roberge: Ça dépend de quoi on parle. Si vous remarquez, dans la méthodologie, dans l'introduction de GERLED, c'est un inventaire de sites ayant un risque potentiel. Alors, ce n'est même pas une menace probable ou réelle, c'est un risque qui est existant ou pas et qui est potentiel, qui n'est pas prouvé, qui est peut-être inexistant et peut-être existant. Il me semble que, quand on veut hypothéquer des propriétés et enclencher des coûts énormes juste pour prouver si le risque est réel, si l'évaluation du risque a été faite selon les normes, on va loin. On devrait au moins les analyser et prouver le risque.

En matière d'évaluation de risque, les experts ne s'entendent même pas. En matière d'évaluation de risque ou de sites contaminés, vous avez la politique que j'ai ici, par exemple, où on mentionne que pour le baryum, on devrait intervenir à 2000 ppm, sauf que le règlement est à 500. C'est quatre fois plus sévère. Pourquoi? Est-ce qu'il y a un scientifique qui a fait une thèse là-dessus et qui a déterminé que c'est mieux 500 au Québec? Et ces normes nous viennent de Hollande où le niveau de l'eau est un peu plus élevé qu'ici. Ensuite, pour les autres, c'est la même chose. On prend le zinc, par exemple. Au lieu de 1500 pour dire que c'est le moment d'identifier l'intervention, c'est-à-dire d'aller plus en profondeur et de faire une recherche plus systématique - pas d'intervenir, ni de classifier les "contaminés", juste de dire: On va s'inquiéter un peu plus - bien, on a mis ça à 500 dans le règlement.

Alors, pourquoi et qu'est-ce qui fait que, tout d'un coup, les normes ont changé? Est-ce qu'il y a des Hollandais qui sont venus faire un tour au Québec et dire: C'est changé? La notion de risque, vous regarderez les experts, comment ils font pour l'évaluer. Est-ce que c'est une chance sur 1 000 000? Comme tout citoyen, je ne veux pas avoir à souffrir cette chance sur 1 000 000. C'est bien normal. Mais le gouvernement - et le ministère - dans sa responsabilité, a à dire: II va falloir calculer le risque pour dire: C'est telle chose qu'on fait ou tel risque qu'on accepte. C'est difficile de le faire, c'est certain. Mais on ne peut pas arriver et prendre des normes comme ça et les choisir, ce qui me semble être le cas, au hasard.

M. Lazure: Autrement dit, si je vous comprends bien, vous seriez prêts à collaborer avec les fonctionnaires dans une espèce de réévaluation de cette trentaine de sites là, à condition que vous puissiez aussi remettre en cause les normes qu'ils nous présentent avec le projet de règlement.

M. Roberge: Oui, mais il faut aller plus loin que ça. Si, par exemple, mon voisin, je le vois se promener avec un bidon et je vois que c'est du pétrole, il y a un risque potentiel que ça explose. Je n'appelle pas la police. Mais ce que l'inventaire GERLED a fait, c'est de voir qu'il y a un risque potentiel, parce qu'il y a toutes sortes d'éléments possibles qui sont là. Mais est-ce que ce risque-là est probable? Est-ce que, effectivement, il va y avoir un problème? Vous regarderez la loi fédérale sur l'environnement, par exemple, sur la définition de "toxique". Elle ne parle pas de "possible", elle parle d"1 effectif et de probable" comme toxicité, parce qu'on ne peut pas tout simplement, soit sur des motifs raisonnables ou plus que raisonnables, dire: La bouteille d'aspirines, c'est un risque. Bien oui, mais elle est fermée, la bouteille d'aspirines. C'est contrôlé. C'est surveillé.

À propos des parcs de résidus miniers, les rapports mensuels s'en vont au ministère. Il y a une surveillance et il y a du traitement qui est apporté. Quand on parle de risques, tout est un risque. La circulation en voiture est un risque, sauf que c'est géré d'une façon que le risque n'éclate pas dans la figure de tout le monde, au passage. C'est une distinction très importante.

Des scientifiques ou des philosophes peuvent palabrer longtemps sur la notion de risques et en voir, des risques. Mais, quand il s'agit de propriété ou quand il s'agit de valeurs commerciales importantes, on ne peut pas, juste sur la simple possibilité qu'il y a un risque qu'il survienne quelque chose, faire déclarer un terrain contaminé ou y faire une hypothèque environnementale. Il faut que le risque soit une menace. Il ne faut pas que ce soit un risque

potentiel, il faut que ce soit un risque menaçant, en état de menacer.

M. Lazure: Tantôt, vous avez parlé du fonds de décontamination ou de restauration que plusieurs de vos membres ont commencé à créer et à former. Vous dites: C'est une chose qu'on encourage pour l'ensemble de nos membres. Est-ce que vos membres seraient prêts à participer à un tel fonds de contamination qui ne serait pas seulement pour les mines, mais pour l'ensemble des industries qui sont susceptibles de polluer, encore une fois - peut-être que vous n'aimez pas l'expression "susceptibles de polluer" - ou qui sont polluantes, carrément polluantes, à des degrés divers?

Autrement dit, à part le fonds qui semble se constituer à l'intérieur de vos membres, est-ce que vos membres seraient prêts à entrer dans un fonds plus vaste d'un certain nombre d'autres industries?

M. Cayouette: Je crois qu'il faudrait faire attention, encore une fois. En principe, c'est non, parce qu'on ne voit pas pour quelle raison notre industrie serait obligée de participer plus qu'une autre dans un autre fonds. Mais, sur une base volontaire, ça se fait et ça va se faire encore. Par exemple, on s'est associés avec le groupe Canards illimités pour transformer un site de résidus miniers qui allait bien, pour le transformer et pour le rendre plus propice à la nidification de la sauvagine. Alors, on le fait. Si on est capables de le faire sur une base volontaire, on le fait.

Mais, parmi les 60 autres sites qui sont fermés, j'aimerais vous parler des sites où des compagnies sont encore en place, mais qui sont tout de même entretenus par les entreprises. Je vais prendre le groupe Noranda en particulier. Il y a plusieurs mines dans la région de Noranda qui ont déjà appartenu au groupe Noranda, mais qui sont fermées. Noranda s'occupe de l'entretien de ces sites-là comme si c'était les siens, à l'heure actuelle. Elle le fait à la Normétal, à Noranda, à Matagami, à la Northern, partout. Alors, on le fait un peu partout et il y a plusieurs mines qui le font. Mais, de là à prendre un site tout à fait orphelin, il faudrait une raison particulière pour le faire. On ne voit pas de raison motivante pour en faire plus que ça.

M. Lazure: Non, je ne parlais pas de sites orphelins. Je parle de sites actuels, actifs.

M. Cayouette: Pour les sites actifs, aucun problème.

M. Lazure: Mais de s'associer à d'autres industries.

M. Cayouette: Sur une base volontaire.

M. Lazure: Sur une base volontaire. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le député de La Prairie. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Tout l'aspect des ordonnances qui a été soulevé, le caractère arbitraire desdites ordonnances. À la page 19 de votre mémoire, vous mentionnez: "Cet aspect est très important puisque, lorsque le ministre exercera le pouvoir d'ordonnance basé sur des motifs raisonnables par exemple, il enlève au citoyen ou à la corporation ou à la municipalité le pouvoir de contre-interroger ou d'interroger ceux qui auront confectionné ou rédigé les rapports sur lesquels le ministre se serait inspiré pour émettre une ordonnance." On a une situation actuelle qu'on vit en termes d'ordonnance. On a eu l'occasion d'en discuter avec des gens qui vous ont précédés. Chaque ordonnance émise est précédée d'un préavis qui donne, de mémoire, 15 jours aux parties pour faire valoir au ministre leurs représentations et chaque ordonnance est sujette à appel devant la Commission municipale du Québec dans les 30 jours - de mémoire encore une fois - de l'émission de l'ordonnance. J'ai de la difficulté à bien saisir cet aspect-là lorsque je l'applique. Je l'ai indiqué au député de La Prairie à huit reprises, depuis que je suis ministre, et j'ai reçu des représentations des gens chaque fois qu'il y a eu appel devant la Commission municipale, qu'il y a eu audience avec respect des règles, audi alte-ram partem, interrogatoire, contre-interrogatoire, etc., qui ont précédé l'exécution comme telle de l'ordonnance. Est-ce que ce serait différent dans le cas des mines?

M. Roberge: Non, ce n'est pas différent dans le cas des mines. C'est qu'une ordonnance qui serait émise, précédée d'avis et d'avis préalables, ne permet pas aux entreprises d'interroger ou de contre-interroger les personnes qui ont rédigé les rapports pour le ministère ou qui les ont confectionnés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, ça va.

M. Roberge: Ces ordonnances ou les avis devraient tous nous pousser à aller en appel ou devant les tribunaux pour qu'on puisse interroger et contre-interroger les personnes ou les experts.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais il appartient à la personne ou à la compagnie visée dans l'ordonnance de décider d'aller en appel devant la Commission municipale et ce droit d'appel est assez simple, si je peux utiliser l'expression. C'est un tribunal quasi judiciaire et les règles de justice naturelle s'appliquent, à ce moment-là, sur le plan des contre-interrogatoires

et tout ça, non?

M. Roberge: Oui. Mais l'appel actuel à la Commission municipale devrait être modifié pour aller à la Cour supérieure, d'après nous, parce que les droits sont tellement importants. Des ordonnances vont certainement faire perdre des droits importants, si on laisse ça à la Commission municipale. D'après nous, ça devrait aller à la Cour supérieure, au moins.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a des cas. Vous avez raison de souligner que c'est important. Moi, j'ai le cas où une ordonnance ratifiée par la Cour municipale a occasionné la fermeture d'une usine de plus de 100 employés dans la région de Trois-Rivières. Vous avez raison, les ordonnances sont importantes, mais je n'ai pas eu de plainte de la compagnie à l'effet que le processus de justice naturelle n'a pas été suivi. Il n'y a pas eu d'évocation non plus devant la Cour supérieure, parce que, lorsque ces règles-là ne sont pas suivies, il y a toujours une possibilité d'évocation. Au contraire, les gens ont dit: Bon, ce sont les règles du jeu, les règles de justice naturelle sont suivies. On perd; on perd. On gagne; on gagne. C'est parce que je n'ai eu cette argumentation, à date, d'aucun intervenant et, si c'est vrai que les règles de justice naturelle, c'est la base de notre système de séparation des pouvoirs et de démocratie, c'est important que ce soit appliqué. J'ai une espèce de dénonciation de l'Association des mines là-dessus qui m'inquiète.

M. Roberge: Oui. Regardez, concernant les avis que le projet de loi prévoit et les ordonnances sur des motifs raisonnables - et, à d'autres endroits, c'est sur des motifs, sans les qualifier de raisonnables - si la personne qui travaille chez vous nous dit: C'est parce qu'on pense qu'il y a un problème, on a des motifs raisonnables de penser qu'il y a un problème, ce n'est pas une réponse satisfaisante beaucoup, ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, mais on doit joindre des rapports.

M. Roberge: Des rapports.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On dit: Cet avis est accompagné de tout rapport d'analyse ou d'étude et de tout autre rapport technique dont le ministre a tenu compte. Donc, ce n'est pas juste: Je me suis levé un matin et j'ai pensé que.

M. Roberge: Non, mais je vais vous donner une situation où ça peut arriver. Vous vous levez un matin, vous lisez le rapport GERLED et vous dites: J'émets une ordonnance sur ces 300. Nous, dans notre cas, les industries minières, on sait que GERLED n'est pas venu analyser, n'est pas venu faire de visite et n'a pas prouvé les avancés qu'il a mis sur la table à ce moment-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui et à partir de ce moment-là j'imagine que, comme conseiller juridique à une de ces compagnies, vous lui conseilleriez d'aller en appel immédiatement devant la Commission municipale, vous contre-interrogeriez ce rapport GERLED qui accompagnait ça, vous feriez votre preuve et tout serait cassé, non?

M. Roberge: Bien, je pense à la Cour supérieure plutôt qu'à la Commission municipale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce que je n'ai pas eu de... Est-ce qu'il y a quelque chose sur le plan de la Commission municipale, des précédents, tout en respectant la juridiction quasi judiciaire de la cour, qui nous indiquent qu'il y a un manque de compétence, qu'il y a des pouvoirs trop importants qui ont été confiés à cet organisme-là? Parce que je n'ai jamais eu ce type, ni formellement ni informellement, de plainte adressée contre la Commission municipale.

M. Roberge: Oui. Mais ce serait intéressant, peut-être, de demander au Barreau d'examiner les pouvoirs des commissaires de la Commission municipale eu égard à la constitution, l'article 96 qui permet la nomination de juges de la Cour supérieure par le fédéral et par le provincial. C'est à ce niveau-là qu'il faudrait le regarder aussi, j'imagine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce qu'elle aurait des pouvoirs quasi d'injonction, des choses du genre?

M. Roberge: Bien oui, évidemment. Une ordonnance qui indique qu'un endroit est contaminé et qu'il faut fermer un endroit, ça équivaut à une injonction, surtout sur des motifs raisonnables. Si, un mois ou deux après les expertises, on constate que les motifs étaient raisonnables mais étaient erronés, il y a des droits importants qui ont été discutés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce que le Barreau s'est prononcé sur ce qu'on appelle la réforme des tribunaux administratifs...

M. Roberge: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui est un document majeur au sein de l'appareil gouvernemental, et le Barreau a fait certaines recommandations, possiblement, quant à certains pouvoirs de la Cour municipale à être transférés à un organisme plus central. Mais il ne nous a pas parlé - j'y vais de mémoire - de les envoyer à la Cour supérieure, de les transférer à un autre organisme administratif, et c'est ça qui...

M. Roberge: Oui, bien, peut-être...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai l'impression que le Barreau s'est déjà prononcé.

M. Roberge: ...qu'à l'examen ça va être la Cour du Québec, la Cour supérieure ou une autre. Dans des discussions on se dit que probablement un jour il faudra avoir un tribunal environnemental. Les situations sont complexes.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors là-dessus...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vous seriez disponible pour être juge.

M. Roberge: Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Pelchat): Là-dessus...

M. Lazure: C'est une demande du Parti québécois, ça, le tribunal environnemental.

M. Roberge: Ah bon! Bien, là, en tout cas, prenez ce que vous voulez. Concernant la question-La Présidente (Mme Pelchat): En conclusion,

Me Roberge, le temps est écoulé, si vous me permettez.

M. Roberge: Oui, en conclusion, c'est ce que je voulais faire.

La Présidente (Mme Pelchat): Brièvement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et le monde municipal serait choqué que la Commission municipale perde cette juridiction.

M. Roberge: Je vous en reparlerai à un autre moment. Finalement, concernant la question du fonds global pour des sites orphelins, je crois que les citoyens disent qu'ils sont prêts à mettre des sous pour restaurer ou protéger l'environnement. Probablement que les fonds publics, justement, devraient contribuer à réparer l'histoire qui a été réalisée selon les connaissances du moment, mais on est aujourd'hui en 1990 et les situations du passé pour les sites orphelins, ce serait justement la contribution que tous et chacun sont prêts à verser, à ce qu'ils disent.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, M. le ministre, brièvement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais remercier l'Association minière. Nous allons poursuivre l'analyse article par article que vous nous avez soumise. Immédiatement je vous indique, en ce qui concerne l'article 31.50, que créer une obligation quant à la radiation au ministère, c'est une suggestion que nous retenons immédiatement. Quant aux autres, nous en ferons une analyse approfondie et, si nous avons besoin d'éclaircissements, je pense qu'on peut compter sur votre collaboration pour les obtenir.

M. Roberge: Oui, certainement.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: au nom de l'opposition, je veux simplement remercier les représentants de l'association minière pour leur présentation. merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, messieurs, on vous remercie. La commission ajourne ses travaux à demain, 11 heures.

(Fin de la séance à 23 h 19)

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