Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): La commission de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Le mandat
de la commission est de poursuivre les consultations particulières et
tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi
145, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
finances municipales. Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme
Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacée par M.
Léonard (Labelle); M. Garon (Lévis) par Mme Vermette
(Marie-Victorin); Mme Juneau (Johnson) par M. Beaulne (Bertrand); M. Lazure (La
Prairie) par Mme Marois (Taillon).
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, l'ordre du
jour, c'est la Société de transport de la Rive-Sud de
Montréal et la ville de Longueuil qui ont décidé
d'auditionner en même temps. Alors, étant donné qu'il y a
une heure par groupe, nous allons avoir deux heures.
M. Dufour: je pense qu'il y a peut-être une petite nuance
là, ils nous ont demandé d'être entendus en même
temps. donc, l'ordre de la chambre, c'était de les entendre
séparés. donc, il faut qu'on donne notre accord pour les mettre
ensemble. à moins que vous me disiez que ce n'est pas ça...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui mais vous
êtes un peu...
M. Dufour: Bien moi, je n'ai pas d'objection. C'est juste pour
remettre les choses claires.
La Présidente (Mme Bélanger): Bon, je pense que
quand on reçoit des groupes, il faut les accommoder. Alors,
j'espère que l'Opposition va donner son accord.
M. Dufour: Oui, oui.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, est-ce qu'il y
a...
M. Dufour: C'est une prérogative de la commission de le
faire.
La Présidente (Mme Bélanger): ...accord pour
entendre les deux groupes en même temps?
M. Gauvin: Nous donnons notre accord, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Voilà. Est-ce
que chaque groupe a un porte-parole pour un mémoire
différent?
Société de transport de la Rive-Sud de
Montréal
M. Aubertin (Hughes): Oui, Mme la Présidente.
Permettez-moi, tout d'abord, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et
MM. les députés, de vous présenter les gens qui
m'accompagnent. À ma gauche, M. Lucien Bolduc, directeur
général de la Société de transport...
La Présidente (Mme Bélanger): si vous me permettez,
avant je voudrais vous donner la façon de procéder. si les deux
groupes ont chacun un mémoire, vous avez 20 minutes par mémoire
et ensuite, le reste du temps est distribué au parti ministériel
et au parti de l'opposition.
M. Aubertin: Je suis d'accord avec ça, madame.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Alors, vous
pouvez y aller.
M. Aubertin: Alors, je vous présente M. Lucien Bolduc,
directeur général de la Société de transport de la
Rive-Sud. À mon extrême droite, M. Gilles Rémillard,
directeur des finances de la ville de Longueuil, et près de moi, le
maire de Longueuil et président de la Conférence des maires de la
Rive-Sud de Montréal, M. Roger Ferland. Et, moi, je suis Hughes
Aubertin, maire de Boucherville et président de la Société
de transport de la Rive-Sud de Montréal.
Le mémoire que la STRSM dépose aujourd'hui porte
essentiellement sur les aspects du projet de loi 145 relatifs au transport en
commun dans notre région, car ce sont ces aspects qui inquiètent
le plus la Société. À première vue, la
réforme que vous envisagez d'implanter va coûter à la STRSM
environ 18 000 000 $. En langage populaire, on dit: Ça va nous
coûter un bras. Mais au cours des derniers jours, tellement de nouveaux
chiffres sont apparus que nous sommes rendus à nous demander si la
question qu'on nous pose aujourd'hui n'est pas: Est-ce que la STRSM
préfère se faire amputer le bras à partir de
l'épaule, du coude ou du poignet? Notre réponse est ni l'un ni
l'autre, car l'amputation n'est pas la médecine indiquée dans les
circonstances et surtout de ce temps-ci. Tantôt, M. Ferland, au nom de la
ville de Longueuil et de la Conférence des maires de la Rive-Sud,
tentera de quantifier ce que nous entendons par amputation. Nous admettons,
d'entrée de jeu, que le projet
de loi vous est inspiré par des préoccupations
budgétaires légitimes. Il y a bel et bien péril en la
demeure. Mais il nous semble que la manière dont la loi 145 tente de
résoudre le problème témoigne d'une vision
erronée.
Dans l'édition d'hier du journal Le Devoir,
l'éditorialiste Jean Francoeur proposait la définition
suivante du transport en commun: "Offrir aux personnes qui ne possèdent
pas de voitures - ou à celles qui préfèrent limiter
l'usage qu'elles en font - un moyen alternatif d'effectuer leurs
déplacements... Il s'agit d'un service que la collectivité
organise pour ses membres..." Voilà, M. le ministre, une
définition claire, limpide, mais, selon nous, archifausse. Mais c'est
cette définition qui semble avoir présidé à la
conception du projet de loi 145 au plan des principes.
À rencontre de cela, nous prétendons que les orientations
à la base du projet de loi sont philosophiquement erronées, que
le processus qui a présidé à sa conception est
politiquement défectueux, comme le seraient bien des aspects de
l'administration d'une éventuelle loi de ce genre, et, enfin, que
l'adoption de cette loi constituerait un manquement à la parole
donnée à la STRSM par votre gouvernement. Une lettre que le
ministre des Transports, M. Elkas, nous adressait le 3 mai dernier en
réponse à un exposé de nos vues, dont le ministre des
Affaires municipales fut d'ailleurs témoin, exprime fort bien non
seulement les thèses sur lesquelles le gouvernement fonde son projet de
loi, mais aussi l'idée que le gouvernement se fait de la nature et des
limites de ses engagements à l'endroit de la STRSM.
M. Elkas nous dit que l'objectif du projet de loi 145 est de rapprocher
le financement des services des centres de décision. Figurez-vous que
nous sommes d'accord avec cette thèse; les décideurs doivent, en
effet, être aussi les payeurs et, inversement, quiconque paie doit avoir
droit au chapitre. Nous disons, cependant, que les décisions en
matière de transport en commun ne sont pas toutes d'une portée
aussi restreinte que le projet de loi le présume - et, par
conséquent, les centres de décision ne devraient pas être
là où le projet de loi implique qu'ils devraient être -
c'est-à-dire surtout au niveau local - et que le financement du
transport en commun sur la rive sud de Montréal est d'ores et
déjà réparti à peu près correctement entre
les niveaux national et local. De quelles décisions s'agit-il et comment
les responsabilités financières - donc politiques - sont-elles
actuellement distribuées? La lettre du ministre des Transports
sous-entend que les décisions en matière de transport en commun
sont d'une portée de plus en plus locale. À notre avis, le
transport en commun a des implications de plus en plus nationales et non de
plus en plus locales.
En matière d'environnement, par exemple, il tombe sur le sens que
les émanations polluantes des automobiles et la dépense inutile
d'essence dans les bouchons de circulation constituent une catastrophe
écologique croissante qui n'a rien de local. En matière
économique, il tombe sous le sens que les quelque 50 000 travailleurs et
travailleuses que la STRSM transporte quotidiennement à Montréal
contribuent au dynamisme de l'économie montréalaise, que la
santé de l'ensemble économique montréalais a des effets
sur tout le Québec et que ce phénomène-là non plus
n'a rien d'exclusivement local en raison de l'importance névralgique
pour le Québec de la région montréalaise.
Advenant l'adoption telle quelle du projet de loi, les
responsabilités financières et politiques seraient-elles
réparties correctement entre le local et le national? La part globale du
gouvernement dans le financement de la STRSM est passée de 35 % en 1986
à 28 % en 1991 - ce qui fait d'ailleurs de la STRSM la
société la moins subventionnée - et la part
gouvernementale passerait à 14 % en 1992 dans l'état actuel de
vos intentions. Dans les faits, nous ne serions pas loin d'un rapport de neuf
à un. Cela dit, est-ce que cette répartition entre sources
locales et nationales du financement de la STRSM ferait appel à tous les
décideurs concernés dans une mesure conforme à leurs
responsabilités? Notre réponse est non.
Le projet de loi n'a pas pour effet de rapprocher le financement des
services des centres de décision, mais de les en éloigner, car
les décisions dont il s'agit - je ne parle pas de la gestion quotidienne
- sont d'ordre beaucoup plus national que le projet de loi ne le laisse
entendre si on en juge par la répartition qu'il fait des
responsabilités financières. Le gouvernement se défile. Il
se soustrait à son rôle de régulateur et de planificateur
national. Selon nous, c'est seulement en raison de la conjoncture qu'il affirme
tout à coup, en principe, que le transport en commun ne le regarde
presque plus. Ce n'est pas parce que les temps sont durs au plan pratique qu'on
a le droit de faire une telle erreur au plan des principes. Bref, selon nous,
votre prémisse est fausse et vos conclusions aussi.
Voilà qui clôt mes remarques sur ce que j'ai appelé
l'aspect philosophique des choses. Passons aux aspects politiques,
c'est-à-dire à la manière dont les décisions se
sont prises pour arriver à la rédaction de ce projet de loi.
La lettre du 3 mai de M. le ministre Elkas nous dit: "La proposition
relative au financement du transport en commun présentée dans le
cadre de ce projet s'appuie sur un constat [...] qui s'est dégagé
de récentes réflexions gouvernementales sur le financement de ces
services publics... Il s'agit donc d'un processus itératif dont les
conclusions ne pouvaient aucunement être connues au moment de la
préparation du plan de relance de votre société." Je
reviendrai plus loin sur notre plan de relance.
La lettre du ministre nous dit donc en clair et avec une candeur
savoureuse que le gouvernement a fait par lui-même et en lui-même
sa réflexion sur ces matières qui vont déterminer, pour
l'avenir prévisible, le sort du transport en commun sur la rive sud et
ailleurs. Je trouve contradictoire que le processus de décision
conduisant au projet de loi 145, et qui vise en bout de ligne à
privilégier les instances décisionnelles locales, ait
été amorcé et conclu à un niveau si
résolument national, car nous aurions pu tomber d'accord avec vous sur
bien des choses. Ne tournons pas autour du pot. La constatation que tout le
monde fait concerne l'ampleur des coûts des services publics en
période de rareté d'argent bien avant de concerner
l'identité des percepteurs. Est-ce que le transport en commun
coûte trop cher aussi bien en lui-même que par rapport aux
ressources financières actuellement disponibles? La réponse: Oui,
c'est évident.
Alors, si le problème réel est là, limitons-nous
à cela. Cherchons ensemble des solutions et affrontons ensemble les
conséquences politiques de nos analyses et de nos décisions.
Est-ce que le niveau de service est trop élevé? Est-ce que les
conditions de travail et leurs répercussions sur les coûts sont
devenues trop lourdes? Est-ce que nos méthodes de tarification et de
perception sont désuètes? Voilà les questions
fondamentales qui se posent. Et, de la même manière qu'on le fait
dans le monde de la santé, de la voirie ou de l'alimentation, on peut
leur trouver des réponses par le moyen de normes nationales, car selon
nous c'est tout le Québec qui souffre ou qui bénéficie de
la présence d'un service de transport en commun fonctionnel dans les
grands centres.
Il faudrait selon nous instituer un cahier national de normes de
services, conjointement convenu avec les sociétés de transport,
qui contribueraient à pondérer le niveau d'aide financière
gouvernementale aux diverses sociétés. C'est tout à fait
faisable. Le conseil d'administration de la STRSM a convenu l'an dernier d'un
certain nombre d'indicateurs, maintenant assortis de normes, qui font, à
notre avis, le tour de ce qui compose le niveau de service. Il s'agit
notamment: de la distance maximale de marche entre un lieu de résidence
et le plus proche arrêt d'autobus; de la fréquence minimale de
passage des autobus aux arrêts; du début et de la fin des heures
de service; de la charge maximale tolerable à bord des véhicules.
Chacune de ces normes est un levier qui agit directement sur les coûts.
Si le niveau de service au Québec coûte trop cher, ça se
mesure, ça se discute, et ça peut se régler.
Par contre, les excès de coûts peuvent également
provenir de conditions de travail devenues inflationnistes, c'est-à-dire
en hausse constante sans gains de productivité. Nous sortons, à
la STRSM, d'une longue période où nous avons payé
très cher notre volonté de faire admettre par la partie syndicale
le principe "temps fait = temps payé". Nous nous butions à une
demande obstinée du syndicat d'obtenir une réduction des heures
hebdomadaires de travail sans perte de salaire. La partie syndicale appelait
cela "la bataille du 4/3". Mais l'enjeu, au-delà des slogans,
était en réalité la réduction de la semaine de
travail de 36 à 32 heures, la quantité de jours n'étant
qu'un moyen d'y arriver et un symbole. Pourquoi pensez-vous que la grève
a continué même après que nous ayons dit que la semaine de
4 jours en soi ne faisait pas problème quant à nous. C'est
simplement parce que l'enjeu n'a jamais été là, et que le
4/3 n'est qu'un symbole sans substance. Nous avons finalement eu gain de cause.
Pas une seule heure de travail n'a été soustraite au statu quo,
et nous avons même fait des gains en matière de
productivité et des progrès quant à l'organisation du
travail. Mais je dois vous dire aujourd'hui tout haut ce que j'ai dit en
privé à certains d'entre vous: Nous aurions bien aimé,
tout le temps qu'ont duré nos difficultés, trouver au sein du
gouvernement autre chose que des spectateurs attentifs et des gérants
d'estrades.
J'ai eu l'occasion de dire à M. le ministre des Affaires
municipales que les lois actuelles du travail dans le secteur parapublic,
à l'origine bien intentionnées, sont devenues des moyens de faire
traîner les conflits et d'augmenter les coûts. Les lois du travail
sont certainement un secteur qui mérite d'être examiné et
revu si on veut s'attaquer au problème à sa source. Quant aux
tarifs, s'ils sont trop bas; ça aussi, ça se mesure, ça se
discute et ça se règle. Mettons en place une structure tarifaire
connue, convenue, logique. Je dis bien "structure" et non "grille tarifaire".
Ainsi, les contrevenants sauront qu'ils contreviennent et qu'ils devront
éventuellement payer eux-mêmes la note d'une
générosité factice sans qu'il faille effectuer de ponction
indue sur les finances nationales ou régionales.
Quant à la taxe de 30 $, ce serait si simple et tellement plus
logique de poser le principe que le transport en commun dans la région
montréalaise est, au plan économique, un équipement
structurel qui est bénéfique pour tout le Québec, au
même titre que le réseau routier, et qu'il faut taxer
universellement en conséquence de ce principe.
Quand Québec vole au secours des pêcheries dans le golfe ou
des malades en régions, nous ne protestons pas parce que nous convenons
que ces initiatives sont bonnes pour tout le monde. Que le reste du
Québec nous renvoie l'ascenseur pour ce qui touche le transport en
commun.
Pour terminer mon propos sur les difficultés politiques
qu'apporterait le projet de loi au sein même de la STRSM, je vous
prédis que les revenus en provenance des secteurs non
résidentiels que vous nous faites miroiter deviendront vite une pomme de
discorde au sein des villes
membres de la Société. La lettre de M. Elkas nous dit
pourtant: "...tout retrait de l'aide gouvernementale doit être
compensé par de nouvelles sources locales de revenus dont le rendement
potentiel serait comparable à celui des subventions actuelles". Chez
nous, les revenus de la taxe d'affaires d'une ville à l'autre varient
plus que du simple au double pour ce qui est de leur importance dans l'ensemble
des recettes municipales, soit de 3 % à 8 %. Et en chiffres absolus, ils
varient de 200 000 $ à 8 000 000 $. L'emploi du mot "potentiel" dans la
phrase de M. Elkas pour qualifier les revenus escomptés n'a pas fait
sourire le maire de Saint-Lambert, pas plus que celui de Saint-Hubert, car ni
l'un ni l'autre ne peuvent espérer contribuer à la STRSM,
à l'aide de la nouvelle taxe, une somme qui serait comparable à
la subvention perdue.
Je terminerai mon exposé en vous faisant part de notre
désarroi devant ce que nous considérons toujours de la part du
gouvernement comme un manquement à la parole donnée. Depuis 1989,
nous avons procédé à un remue-ménage important:
réorganisation administrative majeure et redressement de fond en comble
de notre flotte en piteux état. Nous n'avions pas le choix. Nos ventes
de passes mensuelles, qui représentent en grande partie notre
achalandage aux heures de pointe, témoignent d'un marché en
croissance constante. Même nos difficultés de 1989 n'ont pas
infléchi la tendance moyenne. Le gouvernement a compris comme nous en
1989 que notre parcimonie des années précédentes en
matière d'achat de véhicules nous jouait un vilain tour. Le
ministère nous a bel et bien épaulés tant au chapitre des
immobilisations que de l'exploitation, si bien que nous avons formé
l'impression qu'il le faisait en toute connaissance de la dynamique de
croissance qui était la nôtre, qu'il était en fait un
partenaire fiable dans notre redressement, pour la durée de ce
redressement, et en vue des objectifs de ce redressement.
Notre optimisme quant au "partenership" gouvernemental n'était
sûrement pas sans fondement puisque le ministre, M. Elkas, nous dit dans
sa lettre du 3 mai dernier, en parlant de l'aide additionnelle qu'il nous avait
consentie en 1989 que "...des ajustements de même nature étaient
prévus pour les trois années subséquentes".
Forts de savoir le gouvernement à leurs côtés, et
malgré le fait que le taux de subvention gouvernementale aux
immobilisations en 1989 était plus bas qu'avant, les élus de la
Rive-Sud ont pris des engagements financiers considérables, plus
élevés que ceux du gouvernement, ainsi que le démontre la
courbe des frais de financement assumés respectivement par les
municipalités et par le ministère.
Malheureusement, dans notre candeur, nous avons fait deux erreurs. Nous
avons présumé que si le gouvernement, comme le dit la lettre de
M. Elkas, s'était engagé à bonifier au besoin et à
certaines conditions la subvention à l'exploitation qu'il nous versait,
ça devait vouloir dire que le programme de subvention à
l'exploitation devait évidemment continuer. Ça nous paraissait
aller de soi. on imagine mal un tailleur qui vous offrirait d'allonger les
manches de votre veste, mais qui refuserait ensuite de faire le complet
lui-même.
Notre deuxième erreur a consisté à vouloir offrir
un meilleur service mais à moindre coût, en rationalisant notre
administration et notre réseau, comme le montre le tableau ci-joint
illustrant la baisse des coûts de traitements, ainsi que de la
quantité de ressources humaines et matérielles reliée au
transport.
Alors quand nous sommes retournés voir le tailleur pour lui dire
que c'était bien gentil à lui, mais que nous n'avions pas besoin
qu'il allonge nos manches, voilà qu'il nous répond que son offre
d'allonger les manches de notre veste tient toujours, mais pour ce qui est de
la veste elle-même, il n'en fabrique plus.
La morale de cette histoire est que nous avons apparemment eu tort de
nous fendre en quatre pour assainir nos opérations, que nous avons eu
tort de ne pas planifier de frais supplémentaires qui nous auraient valu
la sollicitude du gouvernement. Ne cherchez plus pourquoi le transport en
commun coûte trop cher. (10 h 30)
En conclusion, s'il y a un problème financier au plan national,
regardons-le ensemble comme tel, mais ne mélangez pas les choses, et
renoncez au plus tôt à cette potion magique qui serait de
légiférer comme si le transport en commun, comme le
suggère l'éditorial du Devoir, ressemblait plus à
la collecte municipale des ordures qu'à la santé ou à
l'environnement. Le transport en commun est de toute évidence une
matière dont l'envergure nationale justifie les investissements
gouvernementaux supérieurs à ce qui est prévu dans la
réforme et dans le projet de loi 145. Sachant cela, revenons à la
case départ et attaquons-nous au problème de fond: les
coûts du transport en commun. Ça nous épargnera
assurément à tous, en bout de piste, du temps, de l'argent, et
surtout le capital de la bonne volonté que des années de bon
voisinage avaient fini par créer.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Aubertin.
Est-ce que vous préférez discuter tout de suite de la
Société de transport ou si on doit entendre le mémoire de
la ville?
M. Aubertin: On s'est entendus pour faire les deux
mémoires.
M. Ferland (Roger): Si la commission est d'accord, Mme la
Présidente, je vais présenter mon mémoire et ensuite on
pourra en discuter.
La Présidente (Mme Bélanger): C'est parfait, i M.
Ferland.
Conférence des maires de la Rive-Sud
M. Ferland: Si vous le permettez, Mme la Présidente, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais d'abord
présenter la Conférence des maires de la Rive-Sud, qui a
été formée en juin 1990, qui est un organisme de
concertation qui regroupe des villes de la Rive-Sud comprises dans quatre
municipalités régionales de comté.
L'objectif premier de la Conférence des maires de la Rive-Sud est
d'harmoniser et de promouvoir une vision régionale de
développement. C'est également d'établir des positions
communes sur toutes les questions à débattre avec les partenaires
de la grande région métropolitaine ainsi qu'avec les instances
gouvernementales.
La Conférence des maires regroupe actuellement - 17
municipalités des MRC de Champlain, de Roussillon, de La
Vallée-du-Richelieu et de Lajemmerais, ce qui représente 410 000
habitants, soit 73 % de la population totale des 608 000 habitants. Vous avez
sur la feuille de présentation 559 000, mais c'étaient les
chiffres de 1989. En 1990, on parle de 608 000 des quatre MRC
concernées. Elle est régie par un conseil d'administration
composé de neuf représentants des municipalités membres,
sous la présidence de M. Roger Ferland, maire de Longueuil.
Dans la foulée des propos que vient de tenir mon collègue,
le président de la STRSM, M. Aubertin, permettez-moi à mon tour,
Mme la Présidente, de décrire les effets dévastateurs
qu'aura sur les finances municipales le projet de loi 145.
Nous avons déjà évalué que pour les
municipalités de la couronne sud de Montréal, il faudra
procéder en 1992 à une ponction supplémentaire de 25 000
000 $ à 30 000 000 $ pour combler le manque à gagner
découlant du transfert des comptes à payer. Et malgré un
assouplissement annoncé par le gouvernement, il reste que les 39
municipalités formant les quatre MRC de Lajemmerais, de Champlain, de La
Vallée-du-Richelieu et de Roussillon devront imposer plus de 25 000 000
$ en nouvelles taxes, et ce, au moment où l'économie du
Québec traverse une très mauvaise passe. Déjà, en
raison de la crise économique, nous avons de sérieuses
difficultés à boucler notre budget 1991. Et pour la prochaine
année financière, l'expédition des nouveaux comptes de
taxes sera loin de ressembler à une opération de relations
publiques.
À titre de maire de Longueuil et de président de la
Conférence des maires de la Rive-Sud, je tiens particulièrement
à mettre le gouvernement en garde contre l'effet de ressac que la
prochaine pluie de taxes provoquera auprès de nos populations locales.
La colère sera particulièrement grande chez les gens d'affaires,
à qui on demande, finalement, de financer au moins les trois quarts de
la nouvelle facturation au moyen de taxes d'affaires majorées ou de
surtaxes foncières, ou encore des deux à la fois. Le fait que le
gouvernement laisse l'entière liberté aux municipalités de
recourir à leur guise à l'une ou l'autre formule de taxation
donne peut-être une image de souplesse. Par contre, le risque est grand
de créer de profonds déséquilibres lorsqu'il s'agira de
répartir le fardeau fiscal entre les diverses entreprises situées
sur le même territoire régional.
En prenant pour acquis que les municipalités de la Rive-Sud
n'auront pas recours à la taxe sur le stationnement, jugée
complètement inapplicable, voire même ridicule pour une banlieue,
il reste donc le secteur non résidentiel pour absorber le gros des
effets du projet de loi 145. En pratique, la nouvelle facture au secteur non
résidentiel équivaudrait à une hausse pouvant varier entre
20 % et 40 % du fardeau fiscal pour le transport en commun. Pour Longueuil, par
exemple, le taux additionnel à imposer aux immeubles non
résidentiels serait de 0,55 $ du 100 $ d'évaluation, soit 29
%.
En vertu des volontés gouvernementales, la surtaxe sur la valeur
foncière viendrait s'ajouter à la taxe d'affaires qui,
elle-même, pourrait être transformée en une nouvelle taxe
foncière. Dans les villes desservies par le transport en commun, les
industries et les commerces pourraient donc faire face à trois taxes
différentes. Là où le bât blesse dans cette
opération, c'est le déséquilibre causé aux
municipalités selon qu'elles soient assez ou mal pourvues en industries
et en commerces, ou selon qu'elles soient situées sur ou hors territoire
de la Société de transport. Étant donné la
disparité existante d'une municipalité à l'autre en termes
de richesses industrielle et commerciale, certaines villes devront taxer
beaucoup plus que les autres. Ainsi la ville de Boucherville pourra couvrir la
nouvelle charge financière du transport en commun en n'utilisant que 24
% du nouveau revenu potentiel de la surtaxe foncière alors que la ville
de Saint-Lambert, elle, ne couvrira que les deux tiers de sa nouvelle charge
financière à même ces mêmes revenus. Elle devra donc
imposer ses immeubles résidentiels pour couvrir l'autre tiers.
Finalement, une ville desservie par le transport en commun devra taxer
ses industries plus qu'une ville voisine située hors territoire, ce qui
entraînera une nouvelle forme de concurrence en faveur de cette
dernière et un nouvel étalement urbain vers la zone
périphérique.
Mme la Présidente, je ne saurais trop insister sur ce dernier
aspect de l'impact des mesures gouvernementales sur le développement de
la Rive-Sud de Montréal. Alors que nos collègues de IHe de
Montréal, depuis des années déjà,
s'inquiètent du phénomène de l'étalement urbain en
faveur des proches banlieues nord et sud, voilà qu'une seconde vague
d'urbanisation se fait sentir, mais cette fois, beaucoup plus loin vers
l'extérieur.
On pourrait d'ailleurs illustrer cet étalement urbain par
l'évolution de la carte électorale québécoise
où on voit que dans le Grand Montréal, il faudrait ajouter cinq
nouvelles circonscriptions électorales en raison de l'augmentation des
populations du sud et du nord. Or, quatre de ces nouvelles circonscriptions
seraient situées à l'extérieur des banlieues
immédiates, soit deux dans la région des Laurentides et deux en
périphérie de la Rive-Sud et, plus précisément,
dans le secteur de Varennes et de Saint-Jean. Ce phénomène est en
train de se produire sous nos yeux et risque de s'amplifier grâce aux
mesures gouvernementales contenues dans le projet de loi 145, notamment par le
transfert du financement du transport en commun au secteur non
résidentiel. Les surcharges financières imposées aux
entreprises vont faire fuir l'activité économique vers
l'extérieur du périmètre urbain actuellement desservi par
le transport en commun.
Mme la Présidente, je dois vous signaler en passant que notre
analyse de l'évolution démographique dans la couronne sud de
Montréal contredit expressément celle du groupe SECOR dans son
étude récente réalisée pour le compte du
Comité ministériel permanent de développement du Grand
Montréal. Selon cette étude, "l'étalement urbain serait
une problématique dépassée, puisque la stabilité
démographique dans la région métropolitaine devrait se
maintenir et que la distribution spatiale des activités urbaines ne
subira pas de modifications importantes au cours des 20 prochaines
années". Cette affirmation est carrément contredite par les
données démographiques les plus récentes. Dans les quatre
MRC de la Rive-Sud, de 1989 à 1990, la population a augmenté de
48 000 habitants, passant de 559 000 à 608 000, soit une hausse de 8, 7
%. Or, lorsqu'on regarde de plus près la répartition de cette
hausse appréciable de la population dans notre région, on
s'aperçoit que près de 55 % de cette hausse a lieu dans les trois
MRC en périphérie de la MRC de Champlain, soit les MRC de
Lajemmerais, de La Vallée-du-Richelieu et de Roussillon. C'est la MRC de
Roussillon qui a enregistré la plus forte hausse, soit 14 000 habitants
de plus. Dans la MRC de Lajemmerais, où la hausse a été de
9000 habitants, les deux tiers de l'augmentation se sont produits dans les
municipalités situées en périphérie de
Boucher-ville.
Tout ceci pour dire, Mme la Présidente, que la Rive-Sud de
Montréal vit actuellement un nouveau phénomène
d'étalement urbain que va renforcer et accentuer la surtaxation des
entreprises dans le périmètre urbain actuel. Par
conséquent, on peut s'attendre à connaître, au cours des
prochaines années, une recrudescence des problèmes reliés
à la congestion routière et à la pollution, ceci, sans
compter tous les autres effets d'un aménagement du territoire
découlant de la fuite en avant des charges fiscales, comme la
construction de nouvelles écoles, l'agrandisse- ment des usines de
filtration et d'épuration, l'organisation des loisirs, et j'en
passe.
Ainsi, notre système actuel de transport en commun, qui vise
à servir une population d'environ 300 000 habitants, devra se
préparer à servir, dans le tournant du siècle, le double
de cette population, mais sur un territoire cinq fois plus grand. Le
gouvernement du Québec, s'il continue de respecter ses engagements dans
le financement des immobilisations, sera alors appelé à payer le
coût de nouvelles infrastructures de transport public, une facture qui
sera beaucoup plus considérable que les quelques dizaines de millions de
dollars qu'il semble vouloir économiser aujourd'hui sur le dos des
municipalités de la Rive-Sud.
Cette économie facile n'est qu'une goutte d'eau en comparaison de
l'effort financier majeur qui sera nécessaire d'ici à quelques
années pour corriger les visions à court terme du projet de loi
145. Pour cette raison, je soutiens que le secteur industriel et commercial ne
doit pas être pénalisé par le projet gouvernemental. Au
contraire, il faudra trouver une solution pour financer le transport en commun
autrement que par un fardeau fiscal imposé à ceux qui sont le
moteur de notre économie locale et régionale. En consacrant au
transport en commun une partie des revenus provenant des droits
d'immatriculation des automobilistes, le gouvernement pose un geste dans la
voie du bon sens. Et, à la condition que cette nouvelle ressource soit
équitable-ment redistribuée entre les sociétés de
transport, cette mesure contribuera à faire de l'automobiliste un
partenaire intéressant et intéressé au transport en
commun. Mais j'estime qu'il faudrait pousser cette logique jusqu'au bout et
utiliser encore plus les droits d'immatriculation pour financer les
dépenses d'exploitation des sociétés de transport en
commun. A mon avis, ce n'est pas trop demander à l'automobiliste de
devenir le quatrième partenaire à part entière du
transport public dans une société qui se targue de
protéger son environnement.
Selon des modalités encore à définir, je
suggère donc que le Fonds de contribution des automobilistes, dont la
création est prévue dans le projet de loi 145, devienne le
dépositaire des contributions de tous les propriétaires de
voitures de promenade au Québec. Le Fonds pourrait être
géré conjointement par le ministère des Transports et les
organismes publics de transport. On pourrait également envisager la
possibilité d'utiliser une partie de cette quatrième source de
revenus pour aider au financement de la voirie locale. De plus, le fruit de
toute nouvelle hausse des droits d'immatriculation devrait être
versé au nouveau Fonds. Quant à la taxe sur les carburants, nous
persistons à croire qu'il s'agit là d'une autre façon
d'impliquer l'automobiliste dans le financement du transport en commun, et que
le gouvernement devrait réviser sa position à ce sujet.
N'oublions pas que
le monde municipal a toujours réclamé une quatrième
source de revenus, un quatrième partenaire. Avec seulement 50 nouveaux
millions de dollars dans la cagnotte, alors que le gouvernement se retire pour
un montant de 266 000 000 $, ce qui nous fait un déficit net de 216 000
000 $, nous sommes en présence d'un marché de dupes tout à
fait inacceptable. C'est un marché qui n'est pas digne d'un État
québécois qui, par les temps qui courent, dénonce bien
haut le gouvernement fédéral de pelleter ses déficits dans
la cour du voisin. (10 h 45) en effet, même si plusieurs
responsabilités, présentement du ressort du gouvernement
provincial, devaient être assumées par le pouvoir local, pour des
raisons d'efficacité, il n'en est pas moins évident qu'un nouveau
partage des tâches ne saurait découler d'un simple décret
de l'état québécois. les impacts d'une réforme en
profondeur devraient être minutieusement évalués avant que
les municipalités puissent y concourir. le cadre des négociations
ainsi que l'échéancier de mise en application devraient
également avoir reçu l'aval des municipalités.
malheureusement, les nouvelles en provenance de québec ne vont pas dans
le sens d'un dialogue harmonieux. avant même d'avoir pu régler
à l'amiable la première ronde de discussions avec ses
partenaires, le ministre des affaires municipales annonçait, le 17 avril
dernier, une deuxième offensive qui s'annonce tout aussi tumultueuse que
la précédente. on parle maintenant d'un nouveau délestage
de factures dans les domaines de la culture, du loisir et de l'environnement.
on sait que le québec doit subir, en 1991-1992, un manque à
gagner de 1 700 000 000 $ au titre des transferts fédéraux pour
le financement de la santé et de l'enseignement postsecondaire. de plus,
pour l'année 1992-1993, le gouvernement du québec prévoit
un manque à gagner de 1 900 000 000 $ dans le financement des programmes
établis. on peut donc déjà prédire que les
municipalités auront à en subir le contrecoup.
En guise de conclusion, Mme la Présidente, je dirais qu'on peut
être d'accord avec le gouvernement pour mettre de l'ordre dans les
finances publiques. Mais on ne peut être d'accord avec des coups de force
comme ceux qu'on a connus depuis deux ans. Enfin, Mme la Présidente,
nous remercions les membres de cette commission d'avoir permis aux
représentants de la Rive-Sud d'avoir pu s'exprimer sur ce sujet.
La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie, M.
Ferland. On a pris 37 minutes pour la lecture des deux mémoires. Alors,
il reste à chacun des groupes 83 minutes, ça veut dire 41 minutes
et demie chacun. Alors, M. le ministre.
M. Ryan: L'habileté politique des représentants de
la Rive-Sud ne se dément point. Ils nous ont passé un petit
Québec ce matin, au point de vue du temps, une belle combinaison qui va
nous permettre d'avoir une discussion un peu plus élaborée que
nous accueillons volontiers. tout d'abord, après vous avoir dit qu'on
est toujours heureux de vous revoir, sort chez vous ou à québec,
je voudrais entrer immédiatement dans le vif du sujet. rappeler tout
d'abord la portée véritable... j'ai entendu le vocabulaire
catastrophisant qui caractérise votre présentation. je n'y
souscris aucunement. je l'ai entendu toute la semaine. je dois replacer les
choses dans leur contexte véritable. je l'ai dit à plusieurs
reprises cette semaine, la portée véritable de toute la
réforme, ça entraîne en moyenne, pour l'ensemble du
québec, un accroissement du fardeau fiscal équivalent à
0,10 $ du 100 $ d'évaluation. on pourrait le nuancer à l'infini.
vous allez me dire: c'est une moyenne abstraite. c'est vrai. mais ultimement,
on en vient à cette moyenne-là. ultimement, c'est sûr qu'il
y en a qui vont payer plus, d'autres qui vont payer moins. l'impact d'ensemble
pour tout le québec, c'est ça. et si le gouvernement le fait...
j'ai indiqué à plusieurs reprises que ce que les
municipalités seront appelées à financer, par des
décisions fiscales dont elles auront la responsabilité, ça
va représenter en tout 252 000 000 $. pour la première
année, c'est 100 000 000 $ et en croisière, ça sera 252
000 000 $. tout le québec, ça. 252 000 000 $, supposez qu'ils
s'appliqueraient pleinement dès la prochaine année. on a un
déficit de 3 500 000 000 $. 252 000 000 $, sur un déficit de 3
500 000 000 $ - m. aubertin calcule très vite et je vois que son crayon
bouge très rapidement - ça fait à peu près entre 7
% et 8 %. quand vous venez nous accuser de tous les péchés
d'israël et d'un pelletage généralisé, "i beg to
differ". je sollicite le privilège de n'être point d'accord.
M. Aubertin: M. Ryan.
M. Ryan: Voulez-vous, je ne vous ai pas interrompu tantôt,
je vais continuer mon exposé, Mme la Présidente. Il n'y a rien
qui me plaît comme d'être interrompu en cours de route. On le fera
dans une autre occasion, si vous le voulez bien. Ça, c'est un premier
point que je veux souligner bien clairement.
Maintenant, j'ai regardé l'impact pour les municipalités
des quatre MRC que vous représentez ce matin, M. Ferland, à titre
de président de la Conférence régionale des maires de la
Rive-Sud. J'ai tout ça ici. On a fait quatre hypothèses. Je
prends l'opération dans son ensemble encore - chez vous, le transport en
commun, l'aspect le plus important, évidemment - en tenant compte de
tout, à la fois des transferts qu'effectue le gouvernement, des revenus
additionnels qui vous seront procurés par des décisions du
gouvernement ou de l'Assemblée nationale et des revenus que vous pourrez
vous
procurer par des décisions dont vous aurez la
responsabilité.
Supposez que la partie qui relève de vous autres, votre part des
252 000 000 $ - on a pris ces chiffres-là - que vous la financiez
entièrement par le non-résidentiel, que vous la financiez 50-50
résidentiel, non-résidentiel, que vous la financiez suivant
l'équilibre actuel de vos revenus fiscaux ou encore que vous la mettiez
entièrement au compte du foncier général. On a quatre
hypothèses. Je vais en prendre une qui est la plus proche de la
réalité, je vais prendre... Supposez qu'on maintienne le statu
quo. D'après ce que je peux voir, le statu quo est plutôt
attrayant pour vous autres dans la mesure où il s'applique au
gouvernement. Vous voudriez qu'on ne modifie rien. Supposons qu'on en reste
là. J'ai regardé pour la MRC de Lajemmerais. Ça donnerait,
ça, pour le résidentiel, une augmentation de 3,3 % au
résidentiel et 3,3 % au non-résidentiel. M. Aubertin est
parfaitement au courant de ces données-là, d'ailleurs. Ça
c'est en tenant compte des derniers ajustements qu'a faits le gouvernement. Je
suis sûr que vous avez fait vos calculs de votre côté aussi.
Si je prends la MRC de Roussillon. Elle, en s'en tenant toujours à la
structure actuelle de taxation, ça lui permettrait une réduction
au résidentiel de 1 % et au non-résidentiel, de 1 %. Si je prends
la MRC de La Vallée-du-Richelieu, l'impact sur le résidentiel
serait de 0,6 %, le non-résidentiel, 0,6 %. Maintenant, j'en viens
à Champlain. Si on s'en tient à la structure actuelle de
taxation, l'impact sur le résidentiel est de 4,6 % et sur le
non-résidentiel, de 4,6 %.
Voilà l'ordre de grandeur véritable concernant le solde
financé par des décisions fiscales devant relever de vos
municipalités respectives. Il y a des différences de l'une
à l'autre. Je vais en venir à cet aspect-là tout de suite.
Mais ça, c'est la toile de fond. Et si vous établissez - je vais
demander à nos techniciens de le faire -combien ça
représenterait per capita, ça, dans chacune des MRC? Ils vont me
donner ça vite. Ils sont habitués de travailler terriblement
vite. On finira l'exposé par ça tantôt et s'il y a des
contestations sur les chiffres, ça, il n'y a pas de problème, je
suis sûr, vous connaissant très bien, qu'on n'aura pas de
contestation interminable sur les chiffres. On va mettre un chiffre, ça
va être celui-là ou un autre, mais on est capables de s'entendre
là-dessus.
Vous avez parlé de la nécessité d'un
quatrième partenaire dans le transport en commun. Nous l'introduisons
avec le droit que nous allons percevoir auprès des propriétaires
de véhicules de promenade de la grande zone de recensement de votre
secteur. On aurait pu faire plus. On aurait pu mettre 40 $ au lieu de 30 $. On
aurait pu étendre ça à tout le Québec et c'est
l'objet de la demande qui est présentée par les deux organismes
que nous avons entendus. Il y a seulement une remarque que je veux vous faire
là-dessus. Moi, je représente la circonscription d'Argenteuil,
par exemple, à l'Assemblée nationale. Les gens de Lachute, ils
n'ont aucun transport en commun. Ils ne reçoivent aucune subvention du
gouvernement et ça, depuis des années. Et ce qui me frappe, c'est
qu'ils ne chialent pas. Et ils auraient droit de protester, ils auraient droit
de se plaindre. Mais si on érige tout en droit, on finit par
créer des besoins financiers terribles auxquels la société
n'est pas capable de subvenir parce qu'elle ne veut pas payer plus de taxes
d'un autre côté. Tu ne peux pas tout avoir.
Alors je me dis: Rêver qu'on va étendre ce droit sur
l'immatriculation des véhicules automobiles à tout le
Québec, c'est tout à fait raisonnable dans la mesure où on
suit la contrepartie de votre proposition, c'est-à-dire que les droits
perçus dans des régions non desservies ou non
immédiatement situées dans le périmètre ou dans la
zone immédiatement influencée par le transport en commun
pourraient servir pour l'amélioration des routes.
Inutile de vous dire que le gouvernement y a pensé. Le
gouvernement a considéré très sérieusement cette
possibilité. Il a décidé de ne pas appliquer cette mesure
en entier cette année, mais de l'appliquer là où
c'était le plus pressé. On a des travaux à faire avec les
municipalités concernant la voirie locale. Il n'est pas interdit de
penser que dans l'avenir cette possibilité-là sera
exploitée par le gouvernement. Je pense que c'est une très bonne
idée en soi, mais si on allait me dire: Allez chercher de l'argent
à Lachute, à Lakefield et à Huberdeau pour financer le
transport en commun à Montréal ou sur la rive sud ou à
ville de Laval, là, c'est un peu fort. Les gens ne le prendront pas. Ils
vont dire: Commencez par améliorer nos routes chez nous et ensuite... Je
vous le dis, cela ne marchera pas, ne comptez même pas que je le
recommanderai au gouvernement. Si je le recommandais, il n'y a pas beaucoup de
collègues, je pense, qui achèteraient cette
idée-là.
Dans la forme où vous la présentez, c'est tout à
fait raisonnable. Soyez assurés que j'en ferai part au ministre des
Finances et au premier ministre. Moi-même, j'accueille ça
bienveillam-ment, je vous le dis encore une fois, à la condition qu'on
fasse la distinction. Vous l'avez faite et, là-dessus, il n'y a pas de
querelle entre nous du tout. Éventuellement... Vous avez raison de dire
que ça ne rapporte pas énormément, 50 000 000 $. C'est
mieux que rien. Mais encore une fois, la porte n'est pas fermée pour
l'avenir, on est dans des quanta. Ça, ça se discute chaque
année.
Le gouvernement ne se retire pas complètement du transport en
commun, c'est une autre considération que je veux soumettre à
votre attention. Pour l'année 1991, même disons l'année
1992, le gouvernement versera, pour le transport en commun, selon nos
estimations, au-delà de
300 000 000 $. Il y a quelque 220 000 000 $ qui seront versés
pour les immobilisations. Il y a une somme de 26 000 000 $, peut-être 27
000 000 $, qui sera versée pour le CMTC, le Conseil métropolitain
d'intégration du transport en commun; celui-là, le gouvernement
le maintient. En plus, il y a la contribution que le gouvernement verse pour le
transport pour les personnes qui ont des problèmes d'adaptation
physique; le montant, c'est autour de 30 000 000 $ à 35 000 000 $, si
mes souvenirs sont exacts. On pourrait ajouter ce qui est versé pour le
transport scolaire aussi à de nombreux organismes de transport en
commun. Tout ceci compté donne au-delà de 300 000 000 $. Par
conséquent... Et dire que le gouvernement soutient qu'il doit se retirer
totalement du transport en commun, c'est discuter in vacuo, comme on disait
autrefois en langage de scolastique, c'est discuter dans le vide, parce que ce
n'est pas ça qu'est la proposition que nous avons mise sur la table.
Le débat se ramène à dire: Bien, vous nous demandez
d'en prendre plus. Est-ce que c'est trop? Est-ce que ce n'est pas assez? C'est
une question relative, finalement, qu'on discute. J'ai donné l'impact au
point de vue de la fiscalité chez vous. Il appartient au gouvernement,
finalement, de décider, dans l'équilibre de la fiscalité,
s'il doit prendre un petit peu plus de tel côté ou de tel
côté. C'est lui qui est le grand responsable de l'ensemble de
l'équilibre financier économique au Québec. Il a
jugé, peut-être à tort, mais avec de solides fondements
à l'appui, qu'il y avait un espace un petit peu plus
généreux du côté où ces mesures-ci
s'appliquent, et la portion qui est demandée demeure infiniment
limitée par rapport à l'ensemble des besoins du gouvernement. Il
voudrait bien porter à votre attention qu'il est facile de dire: Que
Québec fasse ceci. J'ai remarqué que le mémoire de la
Société de transport avait beaucoup de ces expressions: Que
Québec fasse ceci, que Québec fasse cela. Il faut que vous ayez
les moyens pour le faire; il faut que Québec ait les moyens. Le
Québec est dans une période où il n'a pas les moyens de
faire autant qu'il a déjà fait. Il y en a plusieurs qui sont
venus nous dire, dans le domaine du transport: Québec a fait beaucoup,
même peut-être un peu trop. Ils reconnaissaient qu'il y a une
certaine réduction de l'engagement qui est peut-être
justifiée aujourd'hui. On est prêt à en discuter. Ce qu'on
fait cette année, ce n'est pas des choses qui sont établies pour
l'éternité. Si les conditions s'améliorent, je suis
sûr qu'il y aura des possibilités.
Maintenant, je veux vous demander une chose. Ça, c'est l'ensemble
des commentaires que m'inspirent vos observations. Sur la foi des chiffres que
je vous ai donnés, on vous donnera tout le détail d'ici à
une dizaine de jours... Je voudrais assurer le député de
Jonquière, nous avons déposé un paquet de chiffres sur la
table dès le début de l'exercice, nous n'avions rien à
cacher là-dedans. Là, si je ne dépose pas, maintenant,
certains chiffres que je mentionne, c'est parce qu'il reste un
complément de travail à faire et on ne veut pas mêler les
cartes avec des chiffres qui seraient sujets à des modifications. Quand
nous les aurons arrêtés de manière complète et
définitive, c'est évident qu'on va les livrer et ça va
venir avant l'été, parce que tout le monde a besoin d'avoir
ça pour préparer le travail de la prochaine année.
Voilà comment je vois les choses. Peut-être que vous
aimeriez commenter ce que j'ai dit avant qu'on me pose des questions. Soyez
bien libre de le faire parce que la contradiction est mon pain, mon beurre. (11
heures)
La Présidente (Mme Bélanger): M. Aubertin.
M. Aubertin: M. Ryan, hier, j'ai passé la journée
ici et...
M. Ryan: c'est vrai. la controverse c'est mon pain et mon beurre,
pas la contradiction. vous avez raison, mme la députée de
taillon. merci de la précision.
M. Aubertin: J'ai passé la journée ici, hier, et
c'est très vrai que vous êtes toujours revenu avec ça, un
fameux 0,10 $ sur...
M. Ryan: Ha, ha, ha!
M. Aubertin: Continuellement. Mais vous savez, chez nous, 0,10 $
c'est deux années d'augmentation de taxes municipales. Vous mentionnez
les trois MRC, vous donnez des chiffres. Nous, là où ça
blesse beaucoup, c'est quand vous mentionnez la MRC de Lajemmerais au niveau du
transport en commun. Il n'y a qu'une ville qui paie dans le transport en commun
dans la MRC de Lajemmerais, et c'est Boucherville. Quand vous parlez de
Roussillon, il n'y en a aucune qui paie, et de La Vallée-du-Richelieu,
il n'y en a aucune qui paie. Donc, la facture pour les sept villes qui font
partie de la Société de transport de la Rive-Sud, elle est
très forte, et vous nous dites que vous allez nous donner
l'opportunité de taxer sur le non-résidentiel. C'est quand
même des taxes foncières, et ces taxes foncières là
sont de plus en plus envahies.
Vous savez, il va se passer des distorsions épouvantables. Je
vous donne un exemple: quelqu'un qui possède une franchise St-Hubert BBQ
à Boucherville va payer quelques milliers de dollars de taxes, celui de
Saint-Hubert deux fois plus, et si on s'en va dans la ville voisine,
Sainte-Julie, ou Saint-Bruno, ça ne lui coûte rien. Et nous, notre
point de vue, c'est qu'on comprend très bien et on vous le dit, on le
sait que le gouvernement est en difficulté financière, et je
trouve ça correct qu'on dise: On va assainir les finances publiques.
Mais vous avez
choisi le transport en commun, et nous, ça nous fait très
mal. On dit: Asseyons-nous ensemble, et essayons de trouver des moyens.
Dans mon mémoire, ce n'est pas qu'on veuille vous dire quoi
faire, mais on voudrait donc que le gouvernement demeure un partenaire encore
plus important qu'il l'est. C'est une façon de taxer. La taxe
foncière sur le non-résidentiel pourrait en être une
partie, la taxe sur le résidentiel, en être une partie,
l'immatriculation en être une partie, la gazoline en être une
partie. À ce moment-là, vous savez, dans la grande région
montréalaise, le transport en commun, si on continue à taxer et
à taxer, ça va devenir difficile d'opérer, parce que les
citoyens des banlieues comme Boucherville, Saint-Lambert et Longueuil font
comme les gens d'Argenteuil. Ils nous disent: On n'a plus besoin de transport
en commun et on n'a plus la capacité de se payer ça. Et moi je
vous dis que ce serait terrible si on diminuait le service du transport en
commun sur la Rive Sud.
Donc, c'est toute une foule de moyens qu'il faut prendre pour essayer
d'assurer la continuité du transport en commun sur la Rive Sud, et c'est
problématique, M. le ministre. Mais je comprends que vous aussi, au
niveau du gouvernement, vous avez des problèmes. Ça fait
longtemps qu'on vous dit, M. le ministre, asseyons-nous ensemble, essayons de
regarder, et s'il faut que le gouvernement intervienne plus dans les
sociétés de transport au niveau politique, qu'il intervienne,
mais je pense qu'on a choisi le transport en commun. On dit: II faut mettre la
hache là-dedans et ça blesse beaucoup chez nous sur la Rive
Sud.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Ryan: Je voudrais simplement ajouter, mais peut-être que
M. Ferland veut dire un mot avant, ça me fera plaisir,
évidemment.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Ferland.
M. Ferland: Si vous le permettez, Mme la Présidente, quant
aux 0,10 $ "at large", chez nous ça représente beaucoup plus que
la moyenne des augmentations de taxes des sept ou huit dernières
années. Donc ça me priverait d'une augmentation de taxes pour au
moins une année. Pour ce qui est des 30 $ qui seraient payés par
des comtés comme le comté d'Argenteuil, comme disait le ministre,
je pense que tout l'argent qui est dépensé dans les
régions ne provient pas nécessairement de la région. Quand
on essaie d'inciter les médecins à aller s'installer en
région, le surplus d'argent qu'il va falloir payer ne vient pas
nécessairement de la région. Je pense que c'est une notion qui
est un peu dépassée. S'il fallait qu'on paie les choses avec
l'argent local seulement, bien je pense que ce serait peut-être à
voir et je ne suis pas sûr que la grande région de Montréal
ne serait pas grande gagnante là-dedans, mais on cesserait de
subventionner aussi les régions éloignées.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Ryan: Je vais ajouter deux brefs commentaires, ensuite je vais
laisser quelqu'un de l'Opposition intervenir, puis on pourra revenir un petit
peu plus tard. Tout d'abord, le choix sera laissé à chaque
municipalité de doser les différents éléments de
l'équation qu'elle sera appelée à réaliser. Les
chiffres que j'ai donnés tantôt étaient fondés sur
le statu quo: on maintient l'équilibre actuel entre les sources de
financement. Moi, j'ai assez confiance au sens pratique des administrateurs
municipaux pour être rassuré qu'ils n'iront pas déverser
les responsabilités uniquement d'un côté, de manière
à se disqualifier au plan compétitif par rapport aux autres. Je
pense qu'ils vont être assez judicieux, comme ils sont capables de
l'être, pour établir le dosage qui répondra le mieux
à leur réalité propre, tout en donnant les
résultats consolidés dont j'ai parlé tantôt.
Il y en a qui ont choisi de vivre dans des endroits résidentiels
uniquement. Prenez à Montréal, il y en a qui ont choisi de vivre
à Outremont. J'ai dit l'autre jour à M. Choquette: Quand tu
choisis de vivre à Outremont, il faut que tu t'attendes de payer un peu
plus sur ton résidentiel, parce qu'il y a des sacrés avantages
à vivre en plein coeur de me de Montréal, dans la paix. Je pense
que tout le monde va comprendre ça, ce sont des choses qui vont de soi.
Celui qui a plus d'industriel va en bénéficier davantage, c'est
une vérité qui existe de temps immémorial, je pense bien.
Il y a ce point-là, il y a une grande liberté de manoeuvre qui
est laissée à chaque municipalité pour atteindre les
objectifs généraux qui sont proposés.
Il y avait un autre point que vous avez soulevé, voulez-vous me
rappeler brièvement le point que vous avez soulevé, M. Ferland?
Je voulais le commenter brièvement. Juste en un mot.
M. Ferland: Je n'ai pas compris.
M. Ryan: Sur la répartition de la richesse, la
contribution de chaque région au bien général, il y a
beaucoup de travaux qui sont à faire encore là-dessus. Il y a
toutes sortes de théories qui circulent, et moi je suis porté
à la prudence, tant que je n'aurai pas plus de données à
ma disposition. Comme moi-même, quand j'ai commencé cet exercice,
j'étais convaincu que la valeur de la richesse foncière à
Montréal était infiniment supérieure à sa
proportion de la population, dans l'ensemble du Québec. C'est vra que !a
richesse foncière à Montréal est supé
Heure à l'importance relative de la population de Montréal
par rapport à l'ensemble de la population du Québec, mais la
différence n'est pas aussi grande que je pensais. Ça nous invite
par conséquent à une certaine prudence. On regarde les
gratte-ciel, puis on se dit: Eux autres sont riches. Ce n'est pas aussi simple
que ça, il faut regarder tout l'ensemble des données, puis on en
apprend tous les jours.
En tout cas, j'ai pris note de vos observations, encore une fois. On va
revenir tantôt, puis je suis sûr qu'on va pouvoir continuer
l'échange dans un esprit de dialogue, de réalisme et de
partage.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député de Jonquière. Je surveille l'heure,
parce que c'est très...
M. Dufour: Merci, Mme la Présidente, et bienvenue aux
gens, bien sûr, de la Rive-Sud de Montréal, qui est aussi
représentée par trois députés de cette
région à notre table, donc qui sont à l'écoute de
vos points de vue. Comme le ministre a tendance à répéter
ce qui à mes yeux devient de plus en plus une hérésie, je
pense que l'Opposition n'a pas d'autre chemin que de réfuter ce que le
ministre dit concernant son 0,10 $.
D'abord, il se base sur des chiffres que lui seul possède. C'est
tellement vrai que sa réforme n'était pas prête que le 7
juin au matin, au moment où on va s'apprêter tout à l'heure
à étudier le projet de loi article par article, il est encore
à faire des simulations, pour ne pas dire des grimaces. On simule quoi?
Il y a juste lui qui possède ça, comme au compte-gouttes, il nous
distille ça, goutte à goutte, puis il vient nous dire: Voyez, ce
serait comme ça, pour essayer de confondre, tout de même, les
gens. Quand on ne veut pas les confondre, on leur donne les mêmes
avantages ou les mêmes chiffres, on parle sur les mêmes bases.
Le ministre nous fait ça depuis trois jours, trois jours et demi.
C'est sûr qu'il est maître de ses chiffres, il a le droit de les
garder, de les mettre dans ses poches. Ce n'est pas correct, ce n'est pas
ça qui engage un débat. Il ne faut pas se surprendre que le
débat se soit envenimé depuis le début. C'est que le
ministre est cachottier, il ne dit pas tout, il s'en garde toujours un peu.
Parce que pour donner des volées de bois vert, de temps en temps, il
faut se garder quelque chose dans sa poche. Il nous donne cette impression, il
a cette tendance-là. '
On va en revenir tout de même à ses 0,10 $ qui sont une
moyenne dans l'ensemble du Québec. Les 0,10 $, il ne nous dit pas qu'ils
s'ajoutent aux 0,13 $ de l'an passé qui ont été pris
à même les taxes municipales pour le scolaire. Ça fait 0,23
$. Puis les 150 000 000 $ dont il ne parle pas et qu'il va aller chercher par
les immatriculations et les autres taxes, ça représente un autre
0,06 $. Donc, on est rendu à 0,29 $. C'est ça que ça veut
dire, pas grand-chose. On ajoute ça, 3 300 000 000 $ de taxes, de
nouvelles taxes qu'on a depuis deux ans. Vous pensez que les gens ne viennent
pas nous dire quelque chose, qu'il n'y a pas un message dans tout ça.
Tous les gens - parce que le dossier contre la réforme s'est alourdi
dans les dernières journées - sont venus et en s'additionnant,
nous dire: Ça n'a pas de bon sens.
Le seul point où * le ministre avait une petite poignée,
c'était la comparaison avec l'Ontario. On a eu les gens de l'Association
provinciale des constructeurs, hier soir, qui sont venus nous dire: Mais
ça n'a pas de bon sens ce que vous faites là. L'Ontario surtaxe.
Les taxes indirectes, on fait des taxes, les taux différenciés,
cette taxe a fait tellement d'iniquités que la même
propriété à Toronto va coûter 324 000 $ contre 137
000 $ à Montréal. Vous pensez que le ministre peut tenir encore
son langage en disant: En Ontario, ils sont moins taxés que nous autres.
Vous pensez qu'on peut maintenir ça? Mais il faut avoir un peu l'esprit
tordu pour y arriver. Est-ce que tous nos intervenants qui sont venus depuis
quatre jours sont tombés sur la tête? Si peu, avec autant de
protestations? Il y a le film "Les dieux sont tombés sur la tête".
Est-ce que les gueux sont tombés sur la tête? Parce que c'est
ça qu'on fait, on vous fait des quêteux. Puis le ministre va dire:
Je le charge. Mais comment pourrait-on penser que des gens négocient
avec un partenaire qui, sans les consulter, décide
unilatéralement d'imposer des changements fondamentaux aux
réformes qui ont été adoptées puis qui ont
été signées entre partenaires? Il ne faut pas se
surprendre que les gens soient craintifs puis qu'ils aient peur.
Encore ce matin, le nouveau pouvoir de taxation est proposé aux
commissions scolaires, malgré les protestations ou les affirmations du
ministre des Affaires municipales qui a dit à l'Assemblée
nationale, qui a répété dans le public: II n'est pas
question de retoucher aux champs de taxation municipaux, pour ce mandat qui
pourrait être écourté, entre nous autres, et qui devrait
l'être, à mon point de vue. Ces mandats-là, le ministre de
l'Éducation nous dit, ça permet de dire dans les tribunes devant
1200 et 1500 personnes: Je vous garantis que vous aurez de l'argent, si on n'en
a pas, on ira en chercher où vous pensez qu'on devrait aller en
chercher, donc, encore dans le champ d'impôt foncier.
On peut maintenir que oui, on est des partenaires de bonne
volonté. On est des partenaires très ouverts, on peut vous
écouter. L'ouverture du ministre, depuis quatre jours, est
extraordinaire. Chaque fois qu'il y a des suggestions, il est prêt
à sauter puis il dit: On va organiser ça, on va en tenir compte
dans l'étude du projet de loi. Mais le projet de loi, ce n'est pas pour
être étudié l'année prochaine, c'est
pour tout de suite. Et s'il l'étudié, comment fait-il pour
les intégrer? Un projet de loi, les amendements, d'abord il y en a
déjà d'annoncés mais en plus, s'il faut qu'en même
temps il les discute, puis qu'il les pense, puis qu'il réfléchit,
vous pensez que ça va faire une loi qui va être correcte, qui va
être bien raffinée, substantielle, et qui va tenir compte de...
Elle a déjà 322 articles. J'ai déjà vu 89
amendements sur un projet de loi de 90 articles. Le seul qu'il n'a pas
changé, c'était la mise en application du projet de loi. C'est
322 qu'il s'apprête à nous pousser avec la loi qui est là.
Ce n'est pas une loi mineure, c'est une loi majeure, ça. Puis là,
tu es obligé de l'étudier la nuit, 24 heures par jour. Ça
n'a pas de bon sens. Puis moi, je vous comprends. (11 h 15)
Tout le transport en commun est remis en question. Le tort que nos
intervenants ont en venant ici, c'est qu'ils discutent du principe. Le ministre
ne parle pas de principe. Il parle d'objectif. L'objectif, c'est de faire face
à un cours de caisse. Indépendamment de ce qui arrivera, moi, je
suis convaincu que les impacts n'ont pas été
étudiés. Dans vos mémoires, vous faites ressortir tout de
même des éléments importants: l'étalement urbain, le
tort qu'on fait à l'environnement, toute la répartition un peu
sociale. Ce n'est pas le rôle des municipalités de le faire, mais
ils avaient accepté de le faire parce qu'il y a une répartition
sociale à travers les montants ou la façon de traiter les
usagers. Les plus démunis que sont les personnes âgées, les
handicapés, les écoliers, ils ont un traitement différent.
Les municipalités viennent nous dire. Bien, on ne pourra plus le faire.
Si vous voulez qu'on se comporte comme des gens d'affaires, le transport
public, ça coûte tant, point à la ligne. Et tout ça,
bien sûr, est à la suite d'engagements qui ont été
pris. Les municipalités ne se sont pas embarquées dans le
transport en commun sans y avoir mûrement réfléchi.
Le transport en commun, ça ne fait pas 40 ans ou 50 ans qu'on en
parle sérieusement. Le transport en commun a commencé avec la
Communauté urbaine de Montréal en 1967. C'est à peu
près là qu'on a parlé un peu plus de transport en commun.
Les autres sociétés se sont mises en marche après, avec
des ouvertures qui étaient connues, avec des participations
gouvernementales connues. C'est comme ça que les municipalités en
sont venues à comprendre que le transport en commun était
nécessaire. J'ai toujours entendu le même discours. C'est une
question qui dépasse les cadres de la municipalité. Je n'ai
jamais entendu parler du transport en commun comme d'une action qui touchait ou
qui dépendait d'une municipalité seulement.
Il y avait des avantages, pour le gouvernement, à parler de
transport en commun. Demain matin, s'il n'y avait plus de transport en commun,
vous pensez que la Rive-Sud s'en tirerait allègrement? Et
Montréal? C'est le gouvernement qui va être obligé de payer
les ponts. Un pont au-dessus du fleuve, actuellement, c'est 1 000 000 000 $,
à peu près. Ça veut dire des routes nouvelles. Ça
veut dire de la pollution. Ça veut dire du gaspillage d'énergie.
Ça veut dire de l'étalement urbain. Ça veut dire un
étouffement, non pas seulement le transport en commun, là on
parle de l'étouffement de la population. Le ministre va penser qu'on
dramatise.
Vous vous rappelez du club de Rome? En 1970, il y a un manifeste qui
avait été écrit - je me rappelle de ça, moi, j'ai
l'âge pour me rappeler de ces choses-là - où on disait que
la planète était en train de mourir. En 1975, 1978, 1980, on
n'entendait pas parler beaucoup de ça. Mais savez-vous que ce qui
était dit, ça s'est réalisé, et qu'actuellement la
principale préoccupation d'un gouvernement qui se veut responsable,
c'est l'environnement? C'est ça, la priorité première de
tous les gouvernements de la planète, actuellement. Bien, certainement,
il y a les questions de manger, il y a des affaires qui passent en
priorité. Mme Bacon nous l'a rappelé, d'ailleurs, c'est bien
important. Les poissons, on peut les tuer, mais il faut que le monde vive. Je
dois dire qu'il faut que le monde mange, c'est évident. Mais
l'environnement est une préoccupation de tous les pays
industrialisés qui sont les plus pollueurs, et ça, il ne faut pas
s'en cacher.
Donc, votre problème, effectivement... Vous êtes ici, ce
matin. Vous nous parlez de principe. Le ministre parle d'un cours de caisse
gouvernemental. C'est un dialogue de sourds, c'est un dialogue qui ne va nulle
part. Et le ministre est crampe. C'est vrai qu'il se nourrit de
polémique, il faut bien comprendre ça. Il a réussi
à mettre tous les intervenants contre lui, que ce soient le Conseil du
patronat, les syndicats, l'Opposition, les chambres de commerce, les
municipalités, tout le monde. Il y en a d'autres, hier, qui
étaient un peu plus "mollos" sur la réforme fiscale. Ils ne sont
pas venus nous réveiller fort, fort, mais ils sont venus nous
suggérer tous les moyens pour taxer les autres et ne pas être
taxés.
En gros, c'est un peu ça qui se passe depuis trois jours et demi
ou quatre jours et demi. On se fait répéter aussi à
satiété: L'Assemblée nationale a adopté la loi, la
deuxième lecture, donc, on est peut-être prêt à
discuter un peu des accommodements, des "guidis-guidis", un petit peu de
plomberie. C'est un peu ça qu'on fait depuis trois jours et demi, et
moi, je suis un petit peu déçu de ce côté-là
parce que j'ai toujours été sous l'impression qu'une commission
parlementaire, c'était une ouverture qu'on faisait vers une étude
plus approfondie des changements profonds.
Le Conseil du patronat est venu nous donner... C'est peut-être le
record qu'on a eu en trois jours et demi, ça a été la
surprise. Vous savez comment ils se battent contre les déficits
gouvernementaux. Vous savez comment ils sont
durs avec les gouvernements, quels qu'ils soient. On pensait que
c'était juste avec le Parti québécois, mais ils sont durs
avec le gouvernement libéral. Mais là, ils ont peut-être,
probablement plus raison parce que, eux autres, ils se targuaient d'être
les meilleurs administrateurs. Ils ont dit: Les 100 000 000 $ que ça
pourrait rapporter cette année, savez-vous, envoyez-les-nous, on va les
prendre. Et en attendant, voulez-vous aller vous rasseoir avec vos gens et en
discuter? Comme vous demandez. Voulez-vous aller vous rasseoir avec vos
partenaires? Revenez un petit peu plus tard, et on va voir ce que ça va
donner. Le ministre dit: Non, j'aime autant, quant à donner - et c'est
un mot qu'il a employé aussi... C'est le temps de frapper parce que,
l'an prochain, on ne pourra peut-être plus être capable de frapper.
Ce sera d'autres questions qui reviendront à la surface.
Donc, le ministre ne passera pas pour un bon ministre, aux Affaires
municipales, il va avoir fait son nid. Parce qu'un ministre des Affaires
municipales, pour moi, c'est celui qui défend ou qui protège ses
municipalités. Mais je n'ai pas cette preuve-là depuis un an.
Dans notre temps, ce qu'il aurait pu faire ailleurs... Il y a au moins ce
dossier-là qu'il ne peut pas mener à terme. Les brèches et
les ouvertures qu'il a créées dans le champ municipal, ça
va être difficile à réparer. On met des taxes, mais on n'en
enlève pas beaucoup. Vous savez, il n'y a rien de plus permanent que ce
qui est temporaire. Le fait de se faire dire: Bien, écoutez un peu, vous
savez, c'est une crise économique...
Qu'est-ce qu'était le langage du gouvernement qu'on a en face de
nous lorsqu'il n'y avait pas de crise économique? Il faut combler,
empêcher le déficit, donc, on doit taxer un petit peu plus et
couper un petit peu plus. Ça fait cinq ans qu'on fait ça. La
sixième année, c'est la crise économique, et quelle est la
recette gouvernementale? Coupures, taxer. C'est la même recette,
seulement, la dose va être un petit peu plus forte. C'est un peu
ça.
En fait, effectivement, vos mémoires sont excessivement
intéressants, pour ma part. Vous le dites assez clairement: Le
gouvernement se défile, il se soustrait à son rôle de
régulateur et de planificateur national. Il affirme que, en principe, le
transport en commun ne le regarde presque plus. Est-ce que vous croyez - parce
que vous avez parlé de l'étalement urbain - que ces mesures qu'on
vous propose, s'il n'y a pas de changement fondamental qui est apporté,
ça va produire sur votre corporation de transport et au niveau de votre
ville? On va adresser des questions aux deux. J'ai mes collègues, aussi,
qui aimeraient bien poser des questions.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Aubertin.
M. Aubertin: II y a une problématique d'étalement
urbain sur une longue échelle. Est-ce que les industriels vont continuer
à venir s'établir à Boucherville, à Longueuil,
à Saint-Hubert, à Brassard, comparativement à s'en aller
à Saint-Bruno, à Sainte-Julie, à Varennes, parce que ces
villes-là n'auront pas le fardeau de payer sur le transport en commun?
Elles en profitent légèrement, mais elles n'auront pas le
fardeau. Elles se servent quand même de nos infrastructures, des
infrastructures de tout le monde, du métro, du centre-ville de
Montréal. Est-ce que les industriels vont être
intéressés à aller là? Mais ça va encore
plus loin que ça, c'est entre nous, aussi.
M. le ministre, j'aimerais attirer votre attention. Tantôt, vous
nous avez parlé de Saint-Lambert et de la réalité
quotidienne de l'administration. Une ville comme Saint-Lambert va être
forcée de taxer seulement - même, adoptons la réforme - sur
du résidentiel. Brassard a très peu d'industries. Saint-Hubert en
a, mais c'est catastrophique pour Saint-Hubert. Sans vouloir dénigrer la
ville de Saint-Hubert, c'est une ville qui vit quand même des
problèmes, et Lemoyne, la même chose.
Donc, entre nous, au conseil d'administration, ça
représente six votes. Admettons que les deux représentants qui
sont ici sont les plus privilégiés, la ville de Longueuil et la
ville de Boucherville, parce qu'on est bien nantis en parcs industriels. Mais
quand on voudra prendre de l'expansion dans le transport en commun, est-ce
qu'on se fera dire par ces villes-là: Écoutez, nous autres, on
n'a pas le moyen, on est obligé de taxer trop?
Donc, ce sont des problèmes, pour nous, quotidiens. Moi, je ne
veux pas attendre à l'année prochaine. Je vous dis: On devrait
essayer de regarder la problématique du transport en commun dans son
ensemble, en général. J'ai écouté hier les gens de
Laval qui, eux, avaient l'air à présenter quelque chose en
disant: On ne fera plus de social avec ça, on va essayer de couper... Et
c'est toutes des choses qu'il faut regarder et aussi les tarifs, mais il faut
trouver des gens qui, à l'ensemble du Québec... Et c'est toujours
le même payeur, mais des payeurs justes et équitables qui vont,
une fois pour toutes, financer le transport en commun et la question
fondamentale qu'on pose: Le transport en commun...
Moi, je me rappelle, si on recule 14 ans en arrière, on a dit
à la Rive-Sud: Formez-vous en société de transport; les
gouvernements se sont succédé et ils ont donné de plus en
plus de subventions. Mais depuis 1986-1987, ça descend continuellement,
les subventions à l'opération, et on nous dit: Bon,
écoutez, on semble avoir beaucoup de péchés, mal
administrés et toutes ces choses-là, mais je pense qu'il faut
revenir à la case départ et dire: Est-ce que le transport en
commun, c'est un bien strictement local, régional? Ou s'il ne faut pas
se le poser autrement en
disant: Le transport en commun, selon moi, selon certaines
régions, c'est un bien national et, si c'est un bien national, il
faudrait établir des normes et trouver le bon payeur parce qu'il ne faut
pas se le cacher là, c'est toujours le même, ça peut...
Mais c'est le Québécois qui va payer et c'est ça, la
question fondamentale: Est-ce que c'est un bien national ou c'est un bien
local? Moi, je réponds que c'est un bien national, le transport en
commun, dans toutes les régions.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Aubertin.
Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je vais saluer de
façon particulière évidemment les gens qui sont devant
nous ce matin puisque nous représentons ies mêmes populations
à nos niveaux respectifs de responsabilités. Avant de vous poser
une question, moi, j'aimerais revenir sur les propos qu'a tenus le ministre en
parlant, entre autres, de sa municipalité, enfin d'une
municipalité de son comté, en disant: Les gens de Saint-Eustache,
eux, n'ont pas de transport en commun.
M. Ryan: ...Lachute.
Mme Marois: ...de Lachute, pardon
M. Ryan: Saint-Eustache va payer; Saint-Eustache, c'est à
côté de...
Mme Marois: Ne leur demandons pas de contribuer
nécessairement à une infrastructure, par exemple, de transport en
commun alors qu'ils ne pourront pas l'utiliser, qu'ils ne pourront pas en
bénéficier. Moi, Mme la Présidente, je m'inscris vraiment
en faux contre une attitude telle que celle du ministre. Je trouve que c'est
pernicieux et que ça relève... C'est à la limite de la
démagogie, parce que, dans une société, il y a des
principes - et j'ai bien dit que je m'adressais d'abord au ministre et je
reviendrai aux gens qui sont devant nous - de solidarité entre les
personnes et d'autres avant nous l'avaient appris effectivement que "diviser
pour régner", ça pouvait payer mais ça ne paye qu'un
temps. Et je trouve que c'est manquer de vision que d'imaginer ou d'inscrire
dans une discussion, dans un débat, de telles attitudes et de tels
propos parce que ça dit aux gens, dans le fond: Occupez-vous de vos
petites choses à vous, chez vous, mais vous n'avez pas à
contribuer à la réalité collective.
On le paye déjà, le prix de l'étalement urbain.
Dans le fond, ce que les gens de la Rive-Sud viennent nous dire, c'est que non
seulement les gens du centre pensent qu'ils en ont été victimes
et que, eux, en ont bénéficié mais qu'actuellement, ils
sont en train de nous dire: Cet étalement va dépasser nos
frontières et, effectivement, il y a un coût de
société.
Le ministre est en train d'essayer de refiler une facture sauf que,
demain matin, s'il n'arrête pas la spirale, ça va être quoi
la facture qu'on va se refiler les uns les autres, à travers le
Québec? Jusqu'où on va aller, alors qu'on n'aura même pas
rentabilisé les infrastructures dans lesquelles on a investi? Et le plus
grave problème qui se dégage, à mon point de vue, du
projet du ministre, c'est la question d'iniquité. On crée
effectivement des conflits entre les différents groupes de nos
sociétés, entre nos différentes municipalités
plutôt que de leur donner les outils pour qu'elles se prennent en main et
qu'elles aient le goût d'améliorer leur situation collective. Et
ça, je trouve que c'est pernicieux à court terme, à moyen
et à long terme et qu'on va finir comme société par en
payer le prix, si on ne le paye pas déjà. (11 h 30)
J'aimerais revenir maintenant auprès de nos invités pour
leur adresser deux questions. Je sais que mes collègues aussi de la
Rive-Sud ont d'autres questions à soulever. M. Aubertin parlait tout
à l'heure, entre autres, de la situation de Saint-Hubert et M. Aubertin
ou M. Feriand, comme représentants des maires de la Rive-Sud, nous
expliquaient un peu ce que ça signifie pour une ville comme Saint-Hubert
entre autres... Vous parliez, tout à l'heure, dans votre document sur
Longueuil, du fait que si vous appliquiez, effectivement, la réforme au
secteur non résidentiel, on parle de 0,55 $ des 100 $
d'évaluation, soit une hausse de 29 %, si je vous ai bien suivi. Mais
qu'est-ce que ça pourrait signifier pour une ville comme Saint-Hubert,
par exemple? Là, je m'adresse à vous en tant que
représentant de la Conférence des maires, de votre
côté, et, d'autre part, j'aimerais ça que M. Aubertin
revienne sur les engagements pris par M. Elkas, le ministre des Transports.
C'est bien traité à travers votre document, là; vous en
faites une démonstration logique sur un bon temps qui est pris dans
votre document. J'aimerais ça qu'en quelques capsules, vous nous
rappeliez ces engagements-là, ce que ça a comme impact chez vous
et le fait que vous vous retrouvez maintenant avec une situation qui
n'était absolument pas prévisible il y a quelques mois à
peine.
Une voix: On commence par où?
La Présidente (Mme Bélanger): M Aubertin.
Mme Marois: Peut-être M. Feriand et, après
ça...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Feriand.
M. Feriand: Alors, Mme Marois, dans mon mémoire, c'est la
ville de Saint-Lambert plutôt que j'ai mentionnée parce que j'ai
pris les deux extrémités. Ce que j'ai dit, dans les faits, c'est
que le potentiel fiscal qui nous est offert pour
combler le manque à gagner des subventions qui ne viendront plus
fait en sorte que ce potentiel-là, la ville de Boucherville pourra
l'utiliser, jusqu'à 24 %, donc le quart seulement, ce qui lui donne
beaucoup de marge de manoeuvre, pour combler ce manque à gagner. Alors
qu'à l'autre extrémité, on retrouve la ville de
Saint-Lambert qui, elle, à l'aide de ce nouveau potentiel fiscal, ne
pourra combler que les deux tiers de ses obligations nouvelles, ce qui veut
dire que la ville de Saint-Lambert n'aura pas le choix, elle devra aller taxer
l'ensemble de ses propriétés résidentielles et non
résidentielles, donc, une augmentation de taxes chez les citoyens
eux-mêmes.
Alors, pour nous, ça devient une source de discorde, si vous
voulez, en quelque sorte, parce que la ville qui a de la marge de manoeuvre n'a
absolument aucun problème, alors que celle qui n'en a pas beaucoup va
avoir définitivement des problèmes et ne pourra plus suivre. Mais
comme nous sommes une société de transport, nous devons tous nous
mettre d'accord sur les améliorations à apporter au service et
ainsi de suite. Alors, M. Aubertin a rajouté que la ville de
Saint-Hubert était aussi dans cette situation. La situation de
Saint-Hubert n'est pas tout à fait aussi dramatique que celle de
Saint-Lambert, mais c'est bel et bien Saint-Lambert qui est la ville la
plus...
Mme Marois: La plus concernée.
M. Ferland: ...pénalisée.
Maintenant, je suis d'accord avec ce que disait M. le ministre
tantôt, à savoir que... Il disait: Je fais confiance aux
autorités municipales; elles ne vont pas aller taxer au même
endroit et ainsi de suite. C'est vrai, nous avons bel et bien l'intention de
faire ça. Ce qui veut dire que l'usager va devoir en prendre sa part. On
va, nous aussi, remettre en question, comme l'a fait la ville de Laval hier,
notre rôle social qui, au fond, appartient au gouvernement provincial,
à savoir: Est-ce que c'est bel et bien à nous de financer...
Mme Marois: C'est ça.
M. Ferland: ...et de subventionner en quelque sorte les personnes
du troisième âge, les étudiants, les personnes
handicapées et ainsi de suite? Puisque les subventions sont
retirées, que le gouvernement provincial reprenne ses
responsabilités à ce niveau-là.
Mais il y a aussi... et je reviens sur l'impact de tout ça. Que
je taxe mes citoyens d'une façon générale, que je taxe mes
commerces et mes industries, il reste que le fardeau fiscal, d'une façon
générale, sera plus important dans les villes qui sont desservies
par le transport en commun, d'où cette espèce de poussée
vers l'extérieur, donc l'étalement urbain. Mais ce que je dis,
c'est que dans 10 ou 15 ans, on va être obligé d'aller les
desservir parce que ça sera, ça aussi, des régions
urbanisées. Là, le réseau va devoir s'étendre sur
un territoire cinq fois plus grand pour à peu près le double de
la population. Alors là, on va devenir carrément beaucoup moins
rentable qu'on l'est présentement. Je ne vous dis pas qu'on est rentable
aujourd'hui, mais ça va être encore pire; la situation sera encore
plus dramatique dans une dizaine d'années.
Mme Marois: M. Aubertin.
M. Aubertin: Je ne voudrais pas...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Aubertin.
M. Aubertin: ...tout refaire la vieille histoire de la STRSM. Je
suis devenu président en février 1989, suite à la crise
qu'on avait connue. Je dois ici rendre hommage au ministère des
Transports du Québec qui, à ce moment-là, m'a
accordé toute l'attention nécessaire pour être en mesure
d'examiner la situation à la STRSM. C'était dû à une
sous-budgétisation, surtout au niveau de la capitalisation. Donc, avec
les fonctionnaires du ministère des Transports du Québec et avec
le ministre du temps, M. Côté, vous vous rappelez qu'en 1988 les
enveloppes avaient été fermées et augmentées, par
la suite, selon l'indice des prix à la consommation.
Donc, ce que ça a fait chez nous, c'est que vu qu'on avait
sous-capitalisé dans le temps où on aurait dû acheter de
l'équipement, on ne l'a pas fait. Donc, M. Côté a
accepté de rouvrir l'enveloppe et de nous donner - je pense que
ça représentait 3 100 000 $ de plus par année - et de
devancer certains programmes d'achat d'équipement, d'autobus, de
réfection de garages, mais il fallait en même temps que les
municipalités de la Rive-Sud acceptent.
Donc, devant la bonne volonté du gouvernement provincial de
rouvrir l'enveloppe et d'investir avec nous - et moi, je peux vous assurer
qu'on a eu, à ce moment-là, beaucoup de collaboration de la part
du ministère des Transports du Québec - on est passés d'un
budget de 69 000 000 $ à 88 000 000 $ à 97 000 000 $ cette
année et, l'an prochain, on s'en va à 114 000 000 $. Ça,
c'est le budget total d'opération avec la capitalisation. Et il fallait
convaincre tous les maires de la Rive-Sud d'accepter un redressement important
et nous sommes passés d'une quote-part de 24 000 000 $ à 43 000
000 $. Donc, ça faisait quelque 20 000 000 $ d'investissements que les
villes de la Rive-Sud acceptaient de mettre pour redresser la situation. On a
reçu une lettre de M. Elkas nous disant que la bonne collaboration
était pour continuer jusqu'en 1992.
C'est là qu'on a rencontré M. Elkas avec M. le ministre
des Affaires municipales lui disant: Nous pensons, nous, que c'est un cas
particulier parce qu'on s'était engagés ensemble à faire
ce
redressement, je pense, qui était fort important. Et aujourd'hui,
avec les 18 000 000 $ que ça nous apporte, les municipalités de
la Rive-Sud, juste pour le transport en commun, vont passer l'an prochain d'une
facture de 33 000 000 $ de quote-part qu'on a à se répartir entre
les sept villes à probablement 60 000 000 $. C'est beaucoup d'argent. En
plus... Puis écoutez, là, il y a le quotidien qui se passe. Donc,
il y a le redressement, il y a la réforme plus les engagements pris en
1980-1981 par votre gouvernement, madame, sur l'épuration des eaux qui
nous amènent une autre facture. Ça fait que vous savez, les 0,10
$ sont rendus à 0,25 $ pour toutes les villes de la Rive-Sud, c'est
beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Alors, moi aussi, à mon tour, il me
fait plaisir de vous accueillir ici. On partage les mêmes
intérêts puisqu'on sert les mêmes populations. Je pense que
c'est très important.
Moi, j'aurais un fait à soulever tout de suite d'entrée de
jeu. C'est quand on regarde les statistiques que vous nous avez
apportées, c'est la Société de transport de la Rive-Sud de
Montréal qui est la moins subventionnée par le gouvernement. Si
on regarde pour 1992, la part du gouvernement est rendue à 14 %. Alors,
il reste très peu, en fait, à ce niveau-là et
l'augmentation au niveau de la part des villes est rendue à 54 %. Ce qui
veut dire qu'actuellement, malgré les belles hypothèses que le
ministre a pu mettre de l'avant et d'en choisir une pour vous autres en fait,
j'aimerais bien, M. le maire de Longueuil, que vous nous disiez qu'est-ce qu'il
vous reste comme marge de manoeuvre, compte tenu de l'augmentation
substantielle constante à laquelle vous aurez à faire face
à cause de ce désengagement, actuellement, au niveau des
subventions de la part du gouvernement?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Ferland.
M. Ferland: Bien, écoutez, qu'est-ce qu'il nous reste
comme marge de manoeuvre? Je pense que, comme tout gouvernement, que nous
sommes, avec le droit de taxer... On a virtuellement ou théoriquement le
pouvoir d'aller chercher autant d'argent qu'on veut bien, sauf qu'il y a une
question de décence. Il y a une question aussi. Jusqu'à quel
point est-ce qu'on veut augmenter les taxes dans nos villes?
Si je prends juste Longueuil en particulier, je peux vous dire que
l'augmentation qui nous est imposée représente grosso modo
à peu près 4 % de mon budget global. Alors, que je le
répartisse chez les commerces et industries, ou chez les
résidents, ou que je le répartisse le plus équitablement
possible, ou le plus uniformément possible, devrais-je dire, ça
représente peut-être 4 % à 5 % de mon budget.
Mais 4 % à 5 % de mon budget, ça représente
à peu près une augmentation annuelle moyenne depuis les sept,
huit dernières années, ce qui veut dire que je devrai, cette
année, enfin pour l'année 1992, au lieu de décréter
une augmentation de 4 % globalement, ça sera une augmentation de l'ordre
de 8 %. Et ce que M. Aubertin disait tantôt, quant à
l'assainissement des eaux, je devrai aussi injecter un autre 3 000 00C $, je
pense, ou environ, ce qui va représenter un peu moins de 3 % parce que
mon budget est un peu au-delà de 100 000 000 $.
Donc, grosso modo, là, je peux vous dire que je devrai augmenter
la facture de taxes en 1992 de l'ordre d'environ 12 %, sans avoir vraiment
augmenté les services ou la qualité des services.
Mme Vermette: Oui, je m'excuse, j'ai été
dérangée, M. le maire. Vous pouvez continuer.
M. Ferland: Non, j'ai terminé. Ce que je dis c'est que
normalement je devrai augmenter les taxes. Au lieu de les augmenter de l'ordre
d'environ 4 % par année comme je le fais depuis sept, huit ans, en
moyenne, je devrai augmenter en 1992, au bas mot, 10 % au lieu de 4 %. Alors,
entre deux et trois fois ce que j'augmente normalement.
Mme Vermette: Ce qui veut dire qu'on ne peut pas parler, en fin
de compte, d'augmentation des responsabilités des municipalités,
ou en tout cas se revirer sans vraiment mettre en cause sérieusement
l'efficacité de l'économie, de la capacité aussi des
contribuables au niveau de l'économie. Et ça, je pense qu'il faut
que le ministre s'en rende compte aussi. C'est à tous les niveaux que
ça va se jouer, ces effets-là, et qu'à un moment
donné, il y a des limites aussi pour les contribuables à ce
niveau-là.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin, si vous voulez donner une chance
à votre collègue...
Mme Vermette: Bien alors voilà
La Présidente (Mme Bélanger): Je
député de Bertrand, il aurait trois minutes, si on veut donner le
dernier mot au porte-parole.
M. Beaulne: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais souligner
la qualité des mémoires qui ont été
présentés parce qu'au fond ça soulève les
éléments essentiels de cette loi-là qui, plus je vous
écoute parler, m'apparaft une loi essentiellement à courte vue.
Maintenant, j'aimerais avoir vos commentaires sur la chose suivante. C'est que,
d'une part, vous avez recommandé essentiellement deux mesures qui vous
paraîtraient appropriées, c'est-à-dire la taxe sur
l'essence et l'élargissement à toute la province de
l'augmentation des permis d'immatriculation.
Je pense que vous avez entendu aussi bien que moi que le ministre n'a
aucunement l'intention de bouger là-dessus. Alors, face à cette
position tranchée du ministre, j'aimerais savoir quels sont les autres
moyens par lesquels vous pensez vous ajuster, d'une part. Et j'aimerais
peut-être, en terminant, si vous pouviez nous livrer un peu
spontanément vos réactions face à ce que le ministre de
l'Éducation annonçait ce matin concernant la possibilité
d'élargir encore plus la taxe scolaire.
M. Aubertin: Bon. Au niveau du transport en commun, M. le
député de Bertrand, nous avons déjà commencé
ce qu'on appelle une rationalisation. Nous avons rencontré, via notre
directeur général, tous les employés de la
Société, leur demandant de faire des efforts
supplémentaires pour essayer de diminuer nos budgets d'opération.
Dans un second temps, on est à la confection d'un plan de transport qui,
nous l'espérons, nous permettra des économies importantes, tout
en conservant un service adéquat à la population. (11 h 45)
Maintenant, quand nous connaîtrons la loi, quand elle sera faite,
on devra analyser en profondeur le côté tarification. Il va
falloir regarder en profondeur jusque dans quelle mesure on peut taxer ce que
j'appelle les cheminées, et dans quelle mesure on peut aussi aller dans
l'augmentation des tarifs. Parce que c'est sûr qu'on peut aller dans une
augmentation de tarif, mais à chaque fois que nous avons donné
des augmentations de tarif, chaque 10 % d'augmentation de tarif
représente une diminution de 3 % d'achalandage. Donc, là aussi il
y a des limites. C'est toutes les mesures que nous envisageons prendre quand
nous connaîtrons la loi dans son ensemble.
Maintenant, je réinvite le gouvernement à vraiment
réfléchir sur la réflexion profonde que l'on fait en
disant: Est-ce que le transport en commun c'est local ou c'est national? Je
pense que c'est ça, la vraie question. Et tout le monde ensemble, on
devrait trouver des moyens pour enfin trouver des sources de financement qui
appartiendraient vraiment au transport en commun.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Aubertin.
M. le ministre.
M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. Après avoir
écouté tout ce qui s'est dit, j'ai accumulé un certain
nombre de commentaires que je vais être obligé de vous communiquer
en toute ouverture, autant à nos invités qu'à nos
collègues du groupe ministériel et de l'Opposition.
Tout d'abord, le député de Jonquière parlait des
chiffres que le ministre garderait pour lui seul. Le 0, 10 $ par 100 $
d'évaluation n'est pas un secret. C'est seulement le résultat
d'une équation que n'importe qui peut faire avec les chiffres que nous
avons mis en circulation. Vous connaissez cette publication du ministère
des Affaires municipales: "Prévisions budgétaires,
municipalités 1990". Le montant de l'évaluation dans tout le
Québec, vous l'avez ici, 252 000 000 000 $. Ça, tout le monde est
supposé connaître ça.
Une voix: Milliards.
M. Ryan: Milliards, évidemment.
Deuxièmement, la part que les municipalités devront
financer à même des décisions relevant de leur
autorité, 252 000 000 $. Ça, c'est connu depuis le 14 mai.
Ça, c'est un chiffre que j'ai mis en circulation autant comme autant et
qui n'a pas été contesté, à ma connaissance. Alors,
252 000 000 000 $ par 252 000 000 $, je pense que c'est facile à faire
pour qu'on arrive à 0, 10 $ des 100 $ d'évaluation. C'est de
là que ça vient. Par conséquent, tout ça est du
domaine public et nous autres mêmes, si nous n'avons pas sorti ce
chiffre-là avant, c'est parce que nous ne sommes pas aussi bons dans le
"packaging" que vous l'étiez quand vous étiez au pouvoir. Nous ne
sommes pas très habiles dans la manipulation de l'opinion. Nous n'avons
pas consulté peut-être autant que... Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix:... arrêter de rire, hein? Vous êtes
obligé de rire...
Mme Marois: Vous n'êtes pas capable de le dire sans
rire.
Une voix: Voilà.
M. Ryan: Alors, par conséquent, ici, il n'y a pas de
cachette. Le reste est tellement limpide que beaucoup de municipalités,
à ma connaissance, ont fait des calculs à partir des ajustements
que je rendais publics le 14 mai dernier. Elles sont arrivées, dans
leurs inductions, dans les déductions qu'elles ont faites de ces
annonces-là, au même résultat que nous autres. J'ai eu
connaissance de beaucoup de cas au cours des deux dernières semaines
où ils arrivaient exactement au même résultat parce que le
calcul n'est pas difficile à faire.
Si nous ne le rendons pas public pour l'instant, je vais vous dire
pourquoi. C'est parce qu'il y a encore certains éléments, comme
la péréquation. Ça, c'est l'élément que vous
allez ajouter en dernier. On ne part pas un bon matin et on réunit dix
fonctionnaires et "Ce matin, péréquation. " On conclut et,
après ça, tu l'appliques sur la tête des gens. On essaie
peut-être 50 formules de péréquation pour tenir compte
de
toutes les arêtes que présente la situation à
laquelle nous sommes confrontés et c'est seulement après avoir
recueilli jusqu'au dernier moment possible le plus de suggestions possible
qu'on ajoutera cet élément ultime et, là, ça
viendra faire une synthèse que nous serons très heureux de
dévoiler.
Mais, si on allait dévoiler toutes ces
hypothèses-là actuellement, tout le monde va comprendre qu'on
agirait de manière irresponsable. Mais les grands agrégats que
j'ai livrés ne sont pas appelés à évoluer beaucoup,
du moins selon les prévisions qu'il m'est donné de faire
actuellement.
Le député de Jonquière s'est inquiété
à propos d'une déclaration qui aurait été faite
hier, je pense, par un de mes collègues. Je ne puis que lui rappeler
à ce sujet qu'hier je n'ai pas cité le passage du document du 14
décembre, mais je vais le citer ce matin pour que tout soit clair entre
nous concernant les futures interventions gouvernementales du type de celles
que définit le projet de loi 145.
Dans le document du 14 décembre, il y avait le paragraphe suivant
qui terminait toute la première partie: "Le gouvernement s'engage, une
fois qu'il aura été disposé de ces propositions, à
n'introduire aucune autre modification significative dans l'équilibre
des responsabilités fiscales et financières entre les
municipalités et le gouvernement pendant la durée du
présent mandat, à moins que de telles modifications n'aient
donné lieu, au préalable, à des consultations, voire,
à un accord explicite, entre le gouvernement et les
municipalités. "
Alors, je pense que c'est important qu'on rappelle ce passage-là
qui figurait en conclusion de la première partie du document du 14
décembre dernier et qui n'a pas été modifié par le
Conseil des ministres, à ma connaissance. Et, alors, je vais vous
dire... Non, le ministre de l'Éducation a pu faire une
déclaration, il a droit à son opinion là-dessus et il a pu
émettre des considérations et, là, vous parlez
d'engagement du gouvernement. L'engagement du gouvernement, je pense qu'il est
ici. D'ailleurs, je l'ai déjà rappelé en Chambre, ce
passage-là du document, à propos d'une circonstance semblable,
hein?
M. Dufour:...
M. Ryan: Pardon? Mais ça... Nous autres, il y a beaucoup
de liberté d'intervention entre nous et ça ne nous empêche
pas de fonctionner ensemble, heureusement. J'écoutais la
députée de Taillon, tantôt là, dénoncer la
sollicitude bien légitime que je porte à mes commettants de
Lachute. Je ne sais pas si elle s'est rendu compte en parlant qu'elle
dénonçait également la position qui a été
prise par nos invités de ce matin. Ils ont dit la même chose que
moi. La Société de transport de la Rive-Sud et le
président de la Conférence ont dit: On voudrait un fonds à
la grandeur du Québec, mais les contributions provenant de
propriétaires de véhicules de promenade d'autres régions
que celles qui sont immédiatement concernées par le transport en
commun, on accepterait que ça aille, ça, pour un fonds
d'amélioration de la voirie locale. J'ai dit que j'étais en
accord avec cette suggestion et, là, vous êtes seule de votre
côté. Je compte tout le monde autour de la table, ça me
fait de la peine parce qu'on aimerait bien ça...
Mme Marois: J'aime bien ma solitude, Mme la
Présidente.
M. Ryan:... vous annexer. Alors, là-dessus, je pense qu'on
s'entend clairement. Il n'y a pas de problème. Ha, ha, ha!
Mme Marois: Je trouve que...
M. Ryan: C'est un autre point. Les conséquences
négatives des mesures qui sont envisagées. Évidemment,
nous avons entendu d'innombrables propos apocalyptiques au cours des derniers
jours. Ça prend de solides dictionnaires, de solides livres de
comptabilité et un solide contact avec la réalité pour ne
pas être impressionné par une propagande aussi lourde. Mais je
vais vous dire une chose à vous qui êtes nos invités de ce
matin. On a entendu ces refrains-là, nous autres, à tellement de
reprises qu'on est obligés de vérifier très, très
soigneusement...
Je vais vous donner un exemple. Nous avons augmenté les frais de
scolarité dans les universités il y a deux ans. Il n'y a pas un
des députés de l'Opposition, qui nous font face ce matin, qui
n'est pas intervenu dans le débat pour accuser le gouvernement de
grossière négligence sociale, de grossière
imprévoyance et de manque de calcul. Ils ont prédit les pires
conséquences. On a été abreuvés d'injures pendant
plusieurs jours. Il fallait faire quelque chose. Le Québec
traînait de la patte par rapport à tout le reste du continent par
une grosse marge. On l'a fait. Les résultats, aujourd'hui, vous n'en
parlez plus. Les résultats, ça vous intéresse moins. Nous
autres, nous les suivons, les résultats. Le député de
Rimouski, qui est mon voisin, me disait qu'à l'Université du
Québec à Rimouski, cette année, la hausse des inscriptions
est de 30 %?
M. Tremblay (Rimouski): Oui.
M. Ryan: C'est plus fort qu'ailleurs, j'en conviens, mais c'est
bon parce que c'est une des régions dont on nous avait dit qu'elle
serait appelée à subir des conséquences
particulièrement onéreuses. Ceci prouve une chose, c'est que
quand on fait appel au sens de la responsabilité et qu'en second lieu on
dit "On va donner un produit de qualité, vous allez payer un peu plus
mais on va vous donner une qualité plus grande", ça vaut mieux
que des affaires "cheap", des
affaires "cheap", les gouvernants qui refusent de prendre leurs
responsabilités et les gens qui pensent qu'ils vont avoir tout
gratuitement. On peut avoir tout gratuitement, mais la gratuité
universelle conduit à la médiocrité "in the long term",
à la longue.
Ça, nous en avons fait l'expérience et, plus nous
restaurons le sens de la responsabilité dans les institutions, à
tous les niveaux, plus nous pouvons avoir de résultats. Et des fois,
nous pouvons le faire à peu de frais. Parce que je me rappelle, on a
relancé le français dans l'enseignement primaire et secondaire.
On n'a pas mis énormément, on a dit: II va falloir renchausser
les bibliothèques dans les écoles. Et nous avons donné un
montant très minime par élève. Les commissions scolaires
en ont mis quatre fois plus. Ça fait que là où nous
mettions 6 000 000 $, il s'est dépensé 25 000 000 $ par
année au cours des trois années où ce programme a
été en marche pour le renforcement des bibliothèques. Si
on n'apprend pas aux jeunes à lire, ils n'apprendront jamais à
parler et à écrire correctement.
Alors, on a fait des choses formidables et on a dit à
l'enseignant: C'est vous qui êtes la pierre d'assise de tout le
programme. Comme il faut dire à l'usager du, transport en commun qu'il
est la pierre d'assise du système aussi et qu'il doit verser une
contribution - je ne discute pas des quanta ce matin - quelque peu plus
élevée que celle qui lui a été demandée
jusqu'à maintenant.
Par conséquent, là-dessus, là, on a beaucoup
d'éléments pour répondre à vos questions. Puis
quand on agit... Les études technocratiques qui vont nous dire jusque
dans le détail là... Prenez la hausse des frais de
scolarité, on aurait bien pu commander une étude à SECOR.
Je n'avais pas d'argent pour le faire, puis je n'en avais pas besoin. Je n'en
avais pas besoin parce qu'on avait assez de documentation sur tout ça.
On avait fait assez de contacts, et puis on avait été assez en
contact avec les dirigeants du monde étudiant et puis tout pour savoir
qu'une bonne partie des arguments qu'ils nous apportaient ne tenaient pas
debout. L'expérience a confirmé la justesse de notre
position.
Je pense que dans ce cas-ci, il y a des désaccords sur des
chiffres d'après ce que je crois comprendre. On va se rencontrer. On ne
pourra pas régler ça autour de la table ici, mais il ne se peut
pas qu'on soit dans l'erreur sur toute la ligne. C'est impossible. C'est
impossible. J'ai trop confiance à notre appareil pour ça.
Sur ce point-là, par conséquent je pense... Je vous
écoutais tantôt, il y a un de mes collègues qui m'a fait
une remarque intéressante et qui m'a servi, je vais vous laisser un
petit peu de temps pour commenter ça tantôt, je le souhaite bien.
Des fois, on est un petit peu abondant, mais c'est la fin de nos travaux, nous
autres là, d'auditions publiques, et puis on est un petit peu plus
prolixe vers la fin.
Il y a un de mes collègues qui me disait: Beaucoup des arguments
qu'on entend ne se plaident que pour certains regroupements de services ou
même de structures. Vous nous dites, bien telle ville va prendre telle
décision, puis telle autre telle décision, puis telle autre telle
décision, puis telle autre. Peut-être qu'à un moment
donné il va falloir avoir un peu plus de concertation, ou même de
regroupements. Ça serait plus facile, à ce moment-là, s'il
y avait des structures qui se prêtaient mieux au genre de solutions que
vous désirez à juste titre, à juste titre.
Je n'annonce rien, je ne fais pas part de préjugés, mais
je vous écoute parler et puis on peut déduire des choses en
écoutant, des fois, qui nous éclairent sur certains aspects de la
réalité. J'ai remarqué que dans les mémoires qui
ont été présentés ici depuis cinq jours, il n'y a
personne du monde municipal qui a soulevé ce problème-là
sérieusement, sérieusement. Puis ça je trouve que c'est
pénible. Et le rapport Parizeau, dans sa grande sagesse, concluait qu'il
ne fallait pas toucher à ça. C'était ça, le rapport
Parizeau, au point de vue regroupement. Il disait: Tout marche bien comme c'est
là, que chacun s'occupe de son affaire, s'occupe de sa petite popote,
puis tout ça, puis il n'y aura pas de problèmes. Voyons donc,
c'est dans le rapport Parizeau, ça. Vous le savez.
Alors, je pense bien que vous nous avez éclairé
là-dessus. Il va falloir qu'on travaille ça. Je l'ai dit, quand
on aura fini cette opération-ci, il va falloir qu'on regarde le
problème de nos stuctures municipales un petit peu aussi, qu'on voit
s'il n'y a pas quelque chose à faire pour mettre plus de
rationalité là-dedans. Alors, je suis content parce que vous nous
avez apporté des éléments intéressants de ce point
de vue-ci.
M. Aubertin, je voudrais vous dire encore une fois ce que je vous ai dit
plus tôt, là: le transport en commun est une responsabilité
qui m'apparaît comme étant principalement locale et
régionale, mais pas exclusivement. Il y a une dimension qui va
au-delà de la dimension locale et régionale dans le transport en
commun. Le gouvernement le reconnaît en maintenant un engagement
substantiel dans le financement du transport en commun, sous des formes qui
sont sujettes à discussion évidemment, à un degré
qui peut être sujet à contestation, nous l'acceptons volontiers.
Mais il le maintient et je ne voudrais pas que vous pensiez un instant... Il
peut y avoir des paroles que nous avons dites à un moment donné
qui ont laissé entendre ça. Si les propos que j'aurais tenus,
moi, avaient pu conduire à justifier une telle conclusion, je profite de
l'occasion que vous me fournissez pour les nuancer. Je vous en remercie
à part de ça.
Le stationnement, là, vous l'avez tourné un petit peu en
caricature tantôt dans vos propos. À la suite de ce que nous avons
entendu depuis
quatre jours, je ne pense pas qu'il reste grand-chose de ce
projet-là. On n'est pas des entêtés, quand on nous fait la
démonstration qu'une affaire ne colle pas à la
réalité, il faut bien l'écouter. Je veux vous assurer que
de grosses interrogations se sont élevées dans mon esprit
à la suite des représentations qu'on nous a faites. Je les
connaissais déjà par certains maires de banlieue qui sont assez
proches de moi. Mais c'est toujours bon de les entendre d'une manière
plus large. Et je pense qu'on a eu de très bonnes choses. (12
heures)
J'aimerais que vous examiniez encore attentivement l'implication... Il
faut prendre le projet dans son ensemble. S'il y a des injustices envers votre
région dans ce projet-là, il faudrait le dire. Vous nous aviez
soulevé un point, M. Aubertin, quand nous vous avions rencontré,
M. Elkas et moi, il y a quelque temps. J'ai lu la lettre que M. Elkas vous a
adressée à la suite de cette rencontre-là. Je ne veux pas
m'étendre là-dessus ce matin. Je pense qu'il y a une chose qu'il
faudra clarifier entre nous. Mais il y avait un grand nombre des engagements du
gouvernement qui ont été tenus d'après la lettre de M.
Elkas, mais je ne veux pas engager de débat parce que je pense que nos
collègues ne sont pas au courant de tous les éléments
techniques de ceci. Je ne voudrais pas les embarrasser avec ceci à la
fin de notre discussion. Je vous dis simplement que j'ai noté ceci. J'en
ai pris note. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui.
M. Ryan: Combien me reste-t-il de temps?
La Présidente (Mme Bélanger): Six minutes.
M. Ryan: II me reste six minutes. Je vais vous dire franchement,
si vous voulez prendre trois ou quatre minutes pour me répondre, moi,
j'aurai peut-être deux minutes à la fin. On est convenu de
ça, le député de Jonquière et moi-même.
Chacun... Vous aurez trois ou quatre minutes, moi, deux minutes me suffiront.
J'ai à peu près tout dit ce que je pouvais dire de construcfrf,
sauf de vous remercier tantôt.
La Présidente (Mme Bélanger): Qui veut faire des
commentaires sur les propos du ministre?
M. Aubertin: moi, écoutez, je n'ai pas de chiffres en
main, mais je vous pose la question: combien le gouvernement ontarien participe
au transport en commun en ontario? parce que quand on visite les
infrastructures de transport en commun et l'opération du transport en
commun dans la région d'ottawa et de toronto, on fait un peu parent
pauvre. mais je n'ai pas la i réponse à cette question-là,
m. ryan, et si on veut faire avancer le transport en commun, il faut se poser
de sérieuses questions.
M. Ryan: Et ça ici, je pense bien que je ne
prétendrai pas répondre à votre question ce matin. Je
prends note de la question. Nous avons d'abondantes données
là-dessus. On en a des organismes qui se sont présentés
hier devant la commission, qui sont venus ajouter des données. Il faut
faire attention. On va regarder ça dans l'ensemble. On l'a
déjà regardé. Hier, la Conférence des maires de la
banlieue de Montréal nous est arrivée avec une soi-disant
démonstration que le fardeau municipal est moins lourd en Ontario qu'au
Québec. Savez-vous qu'il y a du vrai là-dedans? Ce qu'ils ont
oublié d'ajouter, c'est le fardeau scolaire qui est bien plus lourd en
Ontario qu'ici.
M. Aubertin: II s'en vient bien ici aussi.
M. Ryan: Pardon?
M. Aubertin: II s'en vient bien ici aussi.
M. Ryan: Non, mais là-bas il nous dépasse
d'emblée. Dans le Toronto métropolitain, le ministre de
l'Éducation me disait, il y a deux ans, que le gouvernement ne payait
rien pour les écoles. C'est tout payé avec la taxe
foncière. Il faut tenir compte de tout l'ensemble. Et quand nous disons
qu'il y a un écart qui justifie le gouvernement, il faut tenir compte de
toutes les données, et hier, on est venu nous seriner une chanson. Il
n'y avait pas ces données-là dedans et vous regarderez les
documents, messieurs, mesdames, vous allez voir ça.
Quand ça vient du ministère des Finances du Québec,
qui est obligé, lui, quand il présente des chiffres, de les
justifier devant le gouvernement fédéral, pour les fins de la
péréquation, les programmes à frais partagés, il me
semble qu'on devrait avoir un minimum de confiance. Ce n'est pas n'importe quel
économiste au coin de la rue qui va être capable de tout refaire
ça dans un soir.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, si
vous voulez avoir vos trois dernières minutes.
M. Ryan: Merci, très bien. On va aller au fond de
ça. J'ai noté votre question, M. Aubertin.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Oui, Mme la Présidente, on est à la fin
des travaux. On pourrait peut-être soulever encore toutes sortes de
questions. On aura l'occasion sûrement de le faire en commission
parlementaire, si le ministre persiste tou-
jours dans son idée de procéder à l'étude du
projet de loi. Ce qu'on peut conclure, c'est que le ministre des Affaires
municipales et son gouvernement ont dû se sentir bien seuls depuis les
derniers jours avec la tenue des audiences qui se terminent tout à
l'heure.
Parce qu'il y a tous les intervenants. Il y a une unanimité...
unanime, je pourrais dire, de tous les intervenants qui se proposent ou qui se
démontrent contre la réforme, mais ceux qui ont mis un peu la
pédale douce ont plus de réticences. Ceux, ça peut
être un ou deux, parce qu'il y en a qui sont venus présenter des
dossiers techniques.
Donc, on a fait la preuve, à mon point de vue, que ces
propositions n'étaient pas une réforme, elles ne reposaient pas
sur des principes comme ceux sur lesquels on s'appuie d'habitude pour proposer
des changements. C'est vraiment un cours de caisse de la part du gouvernement.
C'est vraiment une constatation que l'argumentation gouvernementale ne repose
pas sur des principes très, très forts. C'est qu'on profite de
certaines occasions pour défendre le gouvernement, les politiques qu'il
nous a imposées depuis les dernières années. 3 300 000 000
$ de taxes dans deux ans, c'est beaucoup. Toute la question de bon gouvernement
est tombée. Et le dossier s'est alourdi. Il n'y a pas beaucoup
d'avancés du gouvernement qui peuvent continuer de se maintenir
vis-à-vis de la pesanteur et de la lourdeur des arguments qui ont
été amenés par les différents intervenants.
L'Ontario, c'est tombé. La question de la capacité de payer de la
part du gouvernement est tombée puisque les intervenants ont dit: On est
prêts à en subir un peu plus pour une étude
supplémentaire. Ce qu'on doit retenir, c'est définitivement la
demande du retrait du projet de loi.
Moi, j'implore le ministre des Affaires municipales de retirer son
projet de loi. Qu'il permette un véritable dialogue. Qu'il
rétablisse la confiance avec l'ensemble des intervenants du
Québec. On ne peut pas décemment remettre en question le
transport en commun, la viabilité de nos régions rurales. Elles
aussi sont venues crier. Il y a du désespoir à travers ça.
Ce n'est surtout pas le temps d'imposer une réforme quand la situation
économique est à son pire. Quelqu'un nous disait hier: On pensait
voir le bout du tunnel, mais ce n'est pas le bout du tunnel, c'est la
lumière du train qui avance sur nous qu'on a vue. Si vous pensez que ce
n'est pas dérangeant, des choses de même, quand on voit que, dans
nos comtés, les gens sont affamés, sont assoiffés, il n'y
a plus rien. Les pauvres s'appauvrissent et les riches, à la longue -
peut-être qu'on pourrait dire - s'enrichissent, mais ça va finir
qu'on va faire - et je me demande si ce n'est pas concerté - qu'il n'y
aura plus de riches tantôt, qu'il y aura seulement des pauvres au
Québec.
On pourra dire qu'on est apocalyptique, mais on ne peut pas frapper
toujours de la même façon. On ne peut pas toujours reporter ses
problèmes sur les autres. On ne peut surtout pas changer les
règles du jeu pendant qu'on est engagé dans une démarche.
Il n'y a rien de plus mauvais autant... Puis on cherche... Il y a autant de
mauvais, surtout lorsqu'on est à la recherche de partenaires. On a
entendu parler, dans les dernières années, qu'on va demander un
effort à l'ensemble de la population. Mais elle est partie, cette
concertation; elle n'existe plus. Seul, le gouvernement peut décider
c'est quoi l'effort que les gens peuvent faire. C'est ça, la discussion
qu'on vous propose.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Jonquière, je vous ai oublié et vous
êtes rendu à cinq minutes.
M. Dufour: Bon. Seul le gouvernement peut décider...
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, conclusion et
ça presse!
M. Dufour: Donc, moi, je dis qu'après la tenue de ces
audiences - je vais conclure immédiatement - pour moi, pour le
gouvernement, la comédie est finie, le masque est tombé.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le...
M. Ferland: Me permettriez-vous...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Ferland,
là...
M. Ferland: ...un tout dernier commentaire, s'il vous
plaît? Je vais être le plus bref possible.
La Présidente (Mme Bélanger): Oui.
M. Ferland: J'aimerais faire un commentaire sur ce que dit M. le
ministre, à savoir qu'il faudrait peut-être penser à se
regrouper et ainsi de suite. Depuis que je fais de la politique municipale,
j'ai entendu parler que tous les gouvernements qui se sont
succédé souhaiteraient voir des fusions de villes, souhaiteraient
voir le nombre de municipalités réduit au Québec. Je
partage cet avis-là et je suis très sensible à
ça.
Encore faudrait-il, me semble-t-il, que le gouvernement montre une
volonté très forte à cet effet-là parce qu'on sait
fort bien que les fusions, ça ne se fait pas tout seul. On vient de voir
un essai qui a été raté dans la région de
l'Outaouais et c'est très difficile de réaliser des fusions. Je
pense que, si c'est là la volonté du gouvernement, vous allez
trouver des gens qui sont prêts à examiner ce genre de
choses-là, mais il faudrait que le gouvernement intervienne, nous incite
et mette un petit peu d'"incentive"
pour qu'on puisse réaliser ce genre de choses-là.
Alors, je suis sensible à ce que vous dites, M. le ministre, mais
il faudrait que ce soit plus que des paroles que vous nous donniez.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Ferland.
Alors, étant donné que le député...
M. Aubertin: Je m'excuse, madame. C'est plus fort que moi.
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, mais là,
écoutez, c'est parce qu'on a déjà dépassé le
temps.
M. Aubertin: On est deux voisins, mais je ne partage pas tout
à fait les mêmes opinions.
M. Ryan: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon!
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous allez
comprendre pourquoi l'Opposition et le parti ministériel ne sont pas de
la même idée.
M. Ferland:...
La Présidente (Mme Bélanger): C'est ça
Alors, étant...
M. Ryan: II y a une vieille...
La Présidente (Mme Bélanger): Étant
donné que le député de Jonquière a pris 5 minutes
12, M. le ministre, je peux vous laisser aller jusqu'à 5 minutes 12.
M. Ryan: Mme la Présidente, il y a une vieille maxime
latine qui dit: Redit difficultas. La difficulté revient dès
qu'il y en a deux qui parlent et on a eu une belle illustration de ceci. Mais
nonobstant ces deux expressions d'opinion, j'ai pris bonne note de ce qui a
été dit et je vous assure que c'est une préoccupation
très importante dans mon esprit. Je sais les limites inhérentes
à un tel exercice, mais on va l'examiner très attentivement
dès qu'on aura disposé de cet exercice-ci.
À ce moment-ci, je ne veux pas reprendre des arguments qui ont
été invoqués, je veux d'abord signaler le climat de
distinction remarquable dans lequel se sont déroulés les travaux
de la commission. Je veux remercier en particulier nos collègues de
l'Opposition qui ont fait une opposition vigoureuse, là, devant des
témoins très importants, mais qui l'ont faite avec une
distinction qui était exemplaire. Je remercie mes collègues aussi
de l'appui qu'ils m'ont donné. J'aurais voulu qu'ils disposent de plus
d'espace pour intervenir, mais comme les mémoires ne nous étaient
pas adressés d'avance, ce n'était pas facile de faire une
préparation coordonnée de notre côté; mais ils ont
suivi les travaux de la commission avec une application exemplaire et plusieurs
d'entre eux, vous le savez, M. Ferland, sont d'anciens maires. Il y en a trois,
ici, qui sont d'anciens maires; alors quand nous parlons d'affaires
municipales, même si le ministre n'a pas été maire, il y en
a deux qui l'ont été et le député de
Jonquière, je l'ai souvent dit, en matière municipale, sur le
terrain concret, il a beaucoup plus d'expérience que moi. C'est pour
ça que je l'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt
et, chaque fois qu'il est constructif, avec beaucoup de profit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Juste un point que je voudrais souligner, de
portée plus générale. Nous assistons à une
évolution de la fiscalité, ces années-ci, qui m'a
moi-même dérouté comme acteur public dont les racines
remontent à l'époque de l'après-guerre. À
l'époque de l'après-guerre, nous sommes entrés dans un
régime où l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les
bénéfices des sociétés étaient devenus les
grandes sources de financement des gouvernements. Il est arrivé toutes
sortes de complications avec ces formes d'imposition, des échappatoires
inscrites dans les lois étaient devenues tellement nombreuses et
complexes. Ensuite, l'effet de "désincitation" sur le travail
était devenu tellement fort qu'il a fallu regarder dans d'autres
directions et c'est aujourd'hui un mouvement très largement
répandu. Il dit: II faut aller vers d'autres formes d'imposition et les
deux formes les plus importantes, c'est évidemment une forme ou l'autre
de TPS, de taxe sur les produits et services et des taxes à la
consommation.
Mon collègue de Viger me signalait, lui qui est très
familier avec certains pays européens, qu'on pratique sur une autre
échelle cette forme d'imposition, mais peut-être de manière
plus graduée, plus nuancée qu'on ne l'a fait avec la TPS ici. On
ne met pas exactement et nécessairement le même taux sur toutes
les sortes de produits pour tenir compte davantage de certains besoins, des
éléments moins favorisés de la société, mais
on va dans cette direction-là et il s'agit de l'aménager, ce
passage-là, de la manière qui serait le plus équitable et
qui apportera les résultats les plus satisfaisants pour les pouvoirs
publics, et l'effort que nous faisons s'inscrit dans cette recherche
d'équilibre.
Il y a un léger déplacement que nous proposons,
léger dans l'ensemble à construire parce que vos revenus et les
nôtres représente ront l'an prochain à peu près 47
000 000 000 $ et le montant dont nous discutons, qui va relever de
décisions à être prises par vous, est de 252 000 000 $ pour
tout le Québec. Je ne pense pas que ce soit apocalyptique encore -
je
m'excuse de revenir sur cette expression - et mon souhait le plus vif,
c'est que nous disposions de ça le mieux possible et que nous abordions
tous les autres problèmes qui sont là.
Je remarque une chose, malgré les désaccords qui se sont
érigés entre nous autour du projet de loi 145, dont je suis
obligé de prendre note parce que j'ai des oreilles pour écouter
et une plume pour noter ce qui est dit, malgré ces
désaccords-là et par delà eux, je suis convaincu que les
éléments qui nous sont communs sont infiniment plus nombreux et
plus importants et que nous allons nous remettre à la tâche autour
de ces éléments dès que nous aurons disposé de
celui-ci. Et je vous dis une chose: Toutes les améliorations que nous
pouvons apporter au projet de loi, nous allons les apporter et je veux
rassurer... Je ne sais pas qui a dit ça tantôt, je pense que c'est
le député de Jonquière. Dans l'espace de quelques jours,
nous pouvons travailler très vite là-dessus, dès les
prochaines heures, j'aurai des mises en commun avec nos fonctionnaires qui ont
noté tout ce qui a été dit de même que mes
collaborateurs et nous allons essayer d'incorporer au maximum les bonnes
idées qui nous ont été communiquées, et si des
effets pervers...
La Présidente (Mme Bélanger): Deux secondes, M. le
ministre.
M. Ryan:... allaient se manifester de manière
imprévue, en cours d'application de cette loi que l'Assemblée
nationale sera appelée à adopter, le gouvernement garde toujours
sa souplesse, son ouverture d'esprit pour procéder aux ajustements
nécessaires. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. Nous vous remercions, M. Ferland, M. Aubertin et vos invités.
La commission de l'aménagement et des équipements, ayant accompli
son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 15)