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(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Garon): Les députés nous
ayant rejoints, nous pouvons maintenant déclarer la séance
ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre les
auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur
l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait
aux grands projets industriels et aux projets concernant la disposition des
déchets solides domestiques et cela, en tenant compte de la
procédure québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la
procédure ontarienne et de la procédure suggérée
par le gouvernement fédéral.
M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer les remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau
(Johnson) est remplacée par M. Baril (Arthabaska) pour la
séance.
Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il doit venir?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Garon): Ah bon! O. K. L'ordre de la
journée est le suivant: à 9 h 30, la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Itée; à 10 h 30,
l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences;
à 11 heures, Hydro-Pontiac; à 11 h 30, l'Union des
municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec; à 12 h 30, suspension des
débats; à 14 heures, le Parti vert du Québec, qui devait
venir, apparemment ne viendra pas, son chef étant indisposé;
à 15 heures, la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec; à 16 heures,
l'Association des biologistes du Québec; à 17 heures, le
Mouvement d'opposition à l'incinération; à 17 h 30,
l'Association pour la conservation du mont Pinacle et, à 18 heures, Luc
Michaud, économiste-conseil, de Logiciels experts Itée.
Gomme, à 14 heures, notre interlocuteur ne sera pas là,
les gens de la commission travaillent actuellement, c'est-à-dire
essaient de communiquer avec les groupes pour avancer à 14 heures.
Alors, je pourrai vous dire à la fin de l'avant-midi s'il sera possible
de procéder à 14 heures avec des groupes qu'on aura
déplacés ou encore si on commencera à 15 heures. Alors,
nous vous le dirons un peu plus tard. Mais je voulais vous avertir
immédiatement pour que vous puissiez organiser votre journée,
possiblement, en conséquence.
Maintenant, M. Émery Leblanc, vice-président et directeur
de l'exploitation au Saguenay-Lac-Saint-Jean de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Itée, représente
l'entreprise. Il est accompagné de certaines personnes que je vais lui
demander de nous présenter en même temps qu'il pourra se
présenter lui-même. Vous avez une heure à votre
disposition, ce qui veut dire, normalement, 20 minutes pour l'exposé de
votre mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel, pour vous
poser des questions, et 20 minutes pour le parti de l'Opposition, pour entendre
l'Opposition. Vous pouvez prendre moins ou plus de 20 minutes. Si vous en
prenez plus, je leur enlèverai le temps que vous prendrez en plus;
également, si vous en prenez moins, je leur donnerai en plus le temps
que vous n'aurez pas pris. À vous, M. Leblanc.
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan
M. Leblanc (Émery): Merci, M. le Président.
Mesdames, messieurs, membres de la commission de l'aménagement et des
équipements, c'est avec plaisir que je vous présente ce matin le
mémoire de la Société d'électrolyse et de chimie
Alcan sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement.
J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. A ma
droite, M. Jean-Marie Sala, directeur des affaires environnementales pour la
compagnie et, à ma gauche, Mme Capano, conseillère principale en
affaires publiques et environnementales au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Alcan est une entreprise qui se consacre principalement à des
activités de production et de transformation de l'aluminium. C'est au
Saguenay-Lac-Saint-Jean que se trouve le noyau central de nos activités
industrielles au Québec, lesquelles ont débuté au
début des années 1900 et n'ont cessé de se
développer depuis. On y trouve l'éventail des installations
nécessaires au cycle de production, de la bauxite à l'alumine, de
l'alumine à l'aluminium et de l'aluminium aux lingots et à la
transformation. De plus, la Société possède des
installations de support pour la production d'énergie
hydroélectrique, un chemin de fer et des installations portuaires.
De par sa mission, Alcan entend être la société
d'aluminium la plus innovatrice au monde. Par l'entremise de son personnel,
Alcan veut être une entreprise mondiale à l'écoute de sa
clientèle,. respectueuse de l'environnement, vouée à
l'excellence et aux coûts les plus bas dans les activités du
secteur de l'aluminium qu'elle choisit.
Pour répondre aux attentes de la mission de l'entreprise sur les
questions environnementales, nous nous sommes dotés d'une politique de
protection de l'environnement qui vise à ce que l'entreprise soit
exploitée en harmonie avec son environnement. C'est donc avec
intérêt que nous avons pris connaissance du document de
consultation émis par la commission concernant la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.
Comme vous le savez, Alcan n'en est pas à ses débuts avec
cette procédure d'évaluation. Nous avons acquis
l'expérience à la fois des études de répercussions
environnementales et du processus d'audiences publiques. Les usines
Grande-Baie, à la ville de La Baie, et Laterrière, à
Chicoutimi, démarrées respectivement en 1981 et 1990, ont fait
l'objet d'études de répercussions environnementales sans
toutefois être assujetties à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Par contre,
des projets, tels le programme de stabilisation des berges du lac Saint-Jean,
l'aménagement de l'embouchure de la rivière à Mars,
à la ville de La Baie, et la construction d'une voie ferrée
reliant l'usine Laterrière à notre réseau ferroviaire,
l'ont été.
Depuis plusieurs années, Alcan a relevé le défi que
lui pose la nécessité d'accroître la protection de
l'environnement de ses installations. Pour relever ce défi avec
succès, nous utilisons une approche qui est celle de connaître,
comprendre et agir. Connaître, c'est-à-dire identifier les impacts
éventuels; comprendre, en évaluant la relation entre nos projets
et le milieu; agir, une fois que ces interactions sont comprises, cette
compréhension nous permet de poser les gestes qui vont vraiment
améliorer le bilan environnemental. C'est d'ailleurs en utilisant cette
approche que nous sommes actuellement à moderniser et à remplacer
nos installations les plus anciennes. Nous croyons qu'un mécanisme de
consultation du milieu touché par nos projets est essentiel pour que
l'étape d'acquisition des connaissances et de compréhension des
grandes problématiques soit complète.
Nous sommes conscients de la polémique entourant le mode de
fonctionnement actuel de la procédure d'évaluation et d'examen
des impacts sur l'environnement, entre autres, au sujet de l'assujettissement
des grands projets industriels. Nous tenons à clarifier notre position
à ce sujet. Alcan favorise l'intégration des composantes
environnementales et sociales dans la réalisation de ses projets
industriels, à l'intérieur des contraintes techniques et
économiques. Alcan est favorable à la consultation publique au
moyen d'un processus simple qui permet d'intégrer les
préoccupations du public dès la phase de conception du projet. Le
tout devrait s'effectuer suivant un échéancier rigoureux qui ne
devrait pas excéder un an.
Déjà, avec le programme de stabilisation des berges du lac
Saint-Jean amorcé en 1986, nous avons acquis une expérience de
consultation du milieu. Alcan a aussi démarré, en 1991, un
programme ayant pour but de faire la restauration de ses centrales
hydroélectriques autour du lac Saint-Jean. Dans le cadre de ce projet,
une étude de répercussions environnementales est en cours, mais
seulement certains secteurs sont assujettis à la procédure
d'audiences publiques. Nous avons déclenché un mécanisme
de consultation publique et ce, avant même d'avoir complété
l'étude de répercussions environnementales. C'est ainsi que nous
avons rencontré 16 groupes de secteurs d'intérêts
différents susceptibles d'être touchés par le projet. Nous
leur avons donné l'opportunité de connaître le projet, de
nous transmettre leurs préoccupations et nous avons établi un
canal de communication continu. C'est ainsi que nous pourrons améliorer
certaines situations dès le début, alors que d'autres seront
mieux couvertes dans l'étude d'impact.
Le schéma d'intervention privilégié par Alcan est
le suivant. Dans l'ensemble, nous appuyons les recommandations et la
philosophie du rapport Lacoste et nous vous proposons cinq modifications
à la procédure actuelle. Ces modifications apportent un
éclairage nouveau à certaines des recommandations actuelles.
Premièrement, la procédure d'évaluation dans sa
totalité, c'est-à-dire du dépôt de l'avis de projet
par le promoteur jusqu'à l'émission du certificat d'autorisation,
ne devrait pas excéder 12 mois et des délais devraient être
établis pour chacune des étapes.
Deuxièmement, les différentes procédures
d'autorisation auxquelles est assujetti un même projet devraient
être harmonisées. L'établissement
d'échéanciers spécifiques pour chacune de ces approbations
et pour chacun des ministères concernés pourrait faciliter cette
harmonisation.
Troisièmement, la participation du public touché par le
projet devrait être augmentée en l'informant du dépôt
de l'avis de projet et en tenant des consultations publiques sur la directive
émise par le MENVIQ. Ces consultations publiques devraient être
déclenchées et gérées par le promoteur; le BAPE
agirait à titre d'observateur et de conseiller.
Quatrièmement, la représentativité des commissaires
du BAPE devrait être accrue en s'as-surant que ces experts dans le
domaine de l'environnement proviennent de milieux différents, dont celui
de l'Industrie.
Cinquièmement, les études d'impact devraient être
allégées et les problématiques mieux ciblées, entre
autres, par l'émission de directives simplifiées faisant la part
entre les aspects majeurs des impacts éventuels et les points de
détails, même s'ils sont reliés à ces aspects. Les
études d'impact devraient identifier les préoccupations majeures
et se limiter à l'utilisation des connaissances disponibles.
En conclusion, nous considérions comme
important de clarifier et faire connaître la position d'Alcan sur
la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement. Nous privilégions un mécanisme de consultation
du milieu simple et efficace. Notre vision est basée sur
l'expérience acquise lors de la réalisation de projets assujettis
à cette procédure.
Ceci complète notre présentation. Nous tenons à
remercier la présente commission de nous avoir donné
l'opportunité de présenter notre point de vue et nous sommes
maintenant prêts à recevoir vos questions. Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, merci. M. Leblanc, M. Sala,
Mme Capano, bienvenue, au nom du gouvernement du Québec, à cette
commission. Vous étiez des partenaires fort attendus, considérant
l'ampleur de vos implantations au Québec, mais aussi par la
qualité de votre mémoire et, tout en gardant un certain ton, vous
apportez, sans rien bouleverser, des suggestions fort intéressantes. Je
suis heureux de constater, par exemple, que vous êtes en
quasi-totalité d'accord ou partiellement d'accord avec les
recommandations du rapport Lacoste et que vous avez touché les points
sensibles, les délais. Vous n'êtes pas les seuls, vos
prédécesseurs qui sont venus, avec l'Association des
alumineries... Le représentant de l'Alcan a discuté fort
longtemps sur les délais, sur la procédure actuelle et, somme
toute, au niveau de la composition du BAPE, vous demandez qu'une certaine
expertise soit instaurée, chez les commissaires, ce qui, en soi, va dans
la même ligne de pensée qu'un peu toutes les grandes entreprises
qui sont venues ici, et je parlerais d'Hydro-Québec, de l'association
des producteurs de haute chimie, des grandes entreprises. En fait, ce que vous
souhaitez, c'est d'avoir une meilleure expertise pour en arriver, finalement,
à une meilleure compréhension. Je pense que c'est des
revendications qui sont fort justes et qui intéressent grandement la
commission.
À la page 5 de votre mémoire, M. Leblanc, vous indiquez
que, raccourcissant les délais, l'idéal pour vous autres, ce
serait 12 mois. Hier, on a eu l'Association des ingénieurs du
Québec qui, finalement, dans un plan, une structuration, nous a
démontré que l'idéal aussi, ce serait 12 mois: II y a une
petite chose qui me chicote; c'est que tout le monde cherche la perfection,
mais personne ne nous dit carrément... Dans leur tableau, c'était
bien inscrit. Ça, ça prend deux mois; ça, ça prend
quatre mois; ça, ça prend un mois et demi. Sauf que, dans la
pratique, on s'aperçoit qu'il faut multiplier par trois et par quatre ce
qui était marqué dans un petit carreau pour en arriver à
des décisions entre 30 et 40 mois. Honnêtement, M. Leblanc,
croyez-vous ça réaliste qu'une entreprise comme la vôtre,
advenant qu'elle décide de reconstruire une aluminerie - je ne sais pas,
moi, en plein centre-ville de Jonquière, pour faire plaisir au
député de Jonquière, en face de son bureau de comté
- pensez-vous que dans 12 mois...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: II va être heureux, lui. Mais pensez-vous que,
dans 12 mois, c'est réaliste de penser que vous allez avoir obtenu
toutes les autorisations, incluant les audiences du BAPE, d'après
l'expérience que vous avez vécue avec la dernière et
d'autres projets?
M. Leblanc: Merci, M. Maltais. Le rapport Lacoste mentionne,
comme vous le savez, en moyenne 33 mois de délai à partir de
l'avis du dépôt de projet jusqu'à l'approbation finale et
notre expérience vécue est semblable sur le projet d'un chemin de
fer à Laterrière et sur le projet de stabilisation des berges.
Est-ce que 12 mois, c'est réaliste? On pourrait se demander si ce
devrait être 12 mois ou quelques mois de plus, 14 mois. Je ne le sais
pas. Mais ce qui est important, c'est qu'une période de 3 ou 4 ans dans
la vie d'un projet, c'est trop long, parce que les situations
économiques, comme vous savez, changent rapidement. Dans l'industrie de
l'aluminium, on en a un exemple, c'est une industrie cyclique, puis il y a des
décisions qui pourraient se prendre aujourd'hui qui ne seraient pas
tellement intéressantes peut-être dans 2 ans, ou vice versa, les
décisions qui se sont prises il y a 2 ans, aujourd'hui apparaissent
moins alléchantes. Alors, ce qu'on veut, c'est simplifier le processus
et être plus efficace. Peut-être que 12 mois, comme vous dites,
c'est trop demander, mais nous, on pense que c'est réalisable, qu'on
devrait viser ça. On va terminer avec quoi? Ce qu'on sait, c'est que la
procédure actuelle est trop longue.
On a fait une proposition dans notre mémoire, on pourrait
suggérer des étapes. Je ne sais pas si ça vous
intéresse de les entendre? On dit qu'entre le dépôt de
l'avis du projet et l'émission de la directive, un mois et demi, ce
serait suffisant; consultation publique sur la directive, on se donnerait un
mois; entre la réalisation de l'étude d'impact et les
réponses aux questions, on se donnerait quatre mois; entre la
publication de l'étude et la réception des demandes d'audiences
publiques et la décision du ministère d'en tenir, on se donnerait
un mois et demi; le mandat du BAPE, trois mois; entre la décision finale
du ministre et l'obtention d'un certificat d'autorisation, un mois. Maintenant,
avec les propositions ou les changements que l'on propose pour
accélérer la procédure actuelle, je pense qu'il est
très important de noter que l'on propose d'aviser le public dès
l'avis de dépôt de projet et, également, de procéder
avec des consultations publiques, avec la directive du
MEMVIQ, au tout début du projet. C'est évident que plus
rapidement on informe le public et les intervenants, plus efficace va
être la procédure. (10 heures)
M. Maltais: Je suis heureux de vous entendre dire ça,
qu'on commence par le commencement, qu'on commence par informer le public. Mais
moi, je suis encore à l'étape de penser - d'ailleurs, vous le
soulignez dans votre mémoire un petit peu plus loin - qu'à
l'intérieur du MEMVIQ, on n'a même pas de porteur de dossier. Vous
souhaitez qu'il y ait un interlocuteur, un porteur de dossier, une personne
responsable avec qui vous allez faire affaire continuellement pendant la
période d'approbation de votre dossier. Même les propres
ingénieurs du MENVIQ, hier, étaient d'accord avec nous. Ils ont
constaté que ça n'a pas de bon sens que les entreprises ou les
demandeurs ou les promoteurs de projets n'aient pas une personne en titre et
responsable.
On nous dit que les spécialistes, les superspécialistes
qui sont en environnement, ce sont des gens qui ne peuvent pas ou ne
conçoivent pas du tout cette façon de fonctionner. Alors, on
transfère le dossier de Caïphe à Pilate, mais, pendant ce
temps-là, vous avez des sommes d'argent d'investies, vous avez des
attentes, vous avez des gens en attente, des professionnels, enfin, tout le
monde. Mais comment faire concrètement pour donner le coup de barre
qu'il faut à ces supposés superspécialistes? Moi, je ne
connais pas ça, le droit environnemental et la biologie
environnementale, mais eux connaissent ça. Sauf que le problème
qu'on constate, M. Leblanc, c'est qu'ils connaissent tellement ça qu'il
y a juste eux autres qui connaissent ça, que nous autres, on est des
ingrats, on ne devrait même pas en parler, on ne devrait même pas
en parler ici, parce qu'on ne connaît pas ça.
Mais il reste une chose, c'est qu'il faut que ça avance quelque
part. Dans un monde occidental où on doit faire face à une
compétition internationale, on ne peut plus se permettre d'avoir des
délais de trois, quatre ans comme ça. Vous êtes une
entreprise qui investissez des millions, sinon des milliards au Québec.
Même une petite entreprise qui n'investirait que 200 000 $, elle a le
droit d'avoir des réponses, d'avoir un porteur de dossier. Comment
verriez-vous la façon dont on devrait donner ce coup de barre là
à l'intérieur du ministère pour qu'on puisse en arriver
avec les échéanciers que vous proposez de fixer à environ
12 mois?
M. Leblanc: Malheureusement, on n'a pas de solution magique
à cette question. Vous connaissez les rouages du gouvernement mieux que
nous, mais...
M. Maltais: Hélas!
M. Leblanc: ...on pense que c'est possible d'harmoniser la
procédure entre les différents ministères de façon
un peu plus efficace. Je ne sais pas si, M. Sala, vous voulez ajouter?
M. Sala (Jean-Marie): Oui, ce que je pourrais ajouter
peut-être, c'est que ces exercices sont quand même relativement
nouveaux - plusieurs années, on s'entend, mais quand même
relativement nouveaux - et qu'aussi bien les promoteurs que les
spécialistes du ministère ont appris, et là, nous avons
une occasion de nous repencher ensemble sur les améliorations qu'on
pourrait faire. Il y a deux types d'améliorations. Dans la
préparation de la directive, par exemple, le ministère de
l'Environnement a à consulter d'autres ministères, d'autres
organismes gouvernementaux, et à recueillir leur avis. Donc, à ce
niveau-là, peut-être que la personne mandatée par le
ministère pourrait se voir confier un peu plus de pouvoirs,
peut-être qu'il y a davantage de sensibilisation à faire au sein
des autres ministères pour faciliter la tâche de cette personne.
Ça, c'est un premier aspect, vis-à-vis des autres
ministères.
Il y a aussi un aspect à l'intérieur même du
ministère de l'Environnement, et c'est ce que vous soulignez, les
spécialistes ou superspécialistes. Je crois qu'eux aussi ont
appris de l'expérience passée et sont prêts à faire
un effort dans cette direction-là. Le délai de 12 mois me
paraît aussi tout à fait réaliste.
M. Maltais: Mais, M. Sala, à une question que je leur
posais hier: Vos 12 années d'expérience au MENVIQ - ça
fait 12 ans que ça fonctionne - est-ce qu'on peut en faire profiter les
autres? On nous a dit qu'on avait une certaine banque, certaines données
en réserve, mais qu'au fond on n'avait pas de banque centrale de
données. Alors, l'expérience que vous avez vécue il y a
cinq ans, on ne peut pas s'y référer aujourd'hui au MENVIQ, ils
ont oublié de l'inscrire dans le registre. Alors, je trouve ça
dommage qu'on ait perdu un paquet d'expertises comme ça. On n'a pas une
banque de références au ministère de l'Environnement, ce
qui, en soi, est un scandale. Allez à l'impôt, vous allez voir;
même au ministère du Revenu, ils en ont une banque et ils savent
comment votre carte de crédit fonctionne. Eux autres sont très au
courant. Alors, je ne peux pas comprendre, je ne peux pas concevoir qu'avec
toute l'expertise qui s'est développée au cours de ces 12 ans,
une entreprise doive éternellement recommencer ses devoirs sur des
choses aussi simples que deux et deux font quatre. C'est ça, le
problème, à l'heure actuelle.
Ce qu'on vous demande, c'est des suggestions, au fond, pour
améliorer la situation. Le but de la commission, c'est d'harmoniser et
d'essayer de modifier ça pour donner une chance aux entreprises.
Ça fait 12 ans qu'on en parle. C'est la première fois,
premièrement, que les partis politiques s'entendent.
Deuxièmement, on a
invité tout le monde qui voulait se faire entendre; il n'y en a
pas un qui ne sera pas entendu. Sauf qu'on veut arriver avec des solutions
concrètes à proposer à l'Assemblée nationale,
permettre que cette commission-là ait atteint ses objectifs et les
objectifs des attentes de la part des développeurs.
Vous avez parlé d'une chose un petit peu nouvelle pour une grande
entreprise et je trouve ça bien de votre part, c'est d'embarquer le
public dès le début. Et ça, je pense que c'est rouler sur
le bon sens de la roue, là, parce que le public, s'il est
embarqué dès le début, avec toutes les explications
fournies par le promoteur et le MEMVIQ, c'est sûr qu'on ne pourra pas
l'accuser de retarder des projets par après. Mais là où
j'ai une interrogation et, hier, les ingénieurs du gouvernement avaient
la même interrogation, c'est qu'on change souvent et parfois trop souvent
de données en cours de route. Alors, un spécialiste pense une
journée que telle affaire est merveilleuse; vous travaillez
là-dedans et, au bout de deux mois, vous vous faites dire: Ce n'est pas
ça; écoutez, c'était ça, mais, aujourd'hui, on
pense ça; peux-tu retourner nous faire ça? Là, il y a deux
groupes qui vont être en maudit: Vous autres, le promoteur, et le public
qui s'est prononcé sur une chose qui va être passée de
mode. Comment voyez-vous ça à l'intérieur du
ministère? Par où faut-il commencer à trancher? Par la
tête, le plafond, le plancher, le corps? Par où faut-il ajuster
notre réglementation pour que tout le monde parle le même langage
en environnement, ait les mêmes exigences qui concordent vers les
mêmes buts, au fond? C'est une question un peu complexe que je vous pose,
mais ça vous coûte assez cher, l'argent que vous investissez, je
pense qu'elle mérite d'être écoutée aujourd'hui.
C'est pour ça qu'on vous pose ces questions-là.
M. Sala: Ce que je pourrais dire là-dessus, c'est que
l'exercice de consultation sur la directive n'est pas un exercice limité
dans le temps, mais c'est réellement, pour un projet, l'amorce d'un
dialogue avec la communauté. Et s'il devait intervenir ou s'il doit
intervenir à un moment ou à un autre des changements dans ce
projet, il est évident qu'à travers ce dialogue, la
communauté, en plus du ministère de l'Environnement,
évidemment, pour toute la dimension technique du projet, la
communauté doit être tenue au courant, se réinformer, s'il
ne s'agirait pas de surprise pour personne. Du moins, c'est l'objectif que nous
poursuivrions.
M. Maltais: Parce que vous dites dans votre mémoire: "Que
le public soit informé du dépôt de l'avis du projet et
qu'un mécanisme de consultation publique soit développé
par le promoteur sur la directive émise par le MENVIQ." Et là,
vous transférez le BAPE à un rôle de conseiller, comme
observateur et conseiller, et non pas partie prenante, au fond, au dossier. En
fait, ce n'est pas des audiences publiques sur l'avis, c'est simplement une
consultation publique et, si je comprends bien, à ce moment-là,
le BAPE pourrait vous indiquer comment consulter le public, comment
écouter le public. Quel est le rôle spécifique que vous
voudriez voir jouer au BAPE à cette étape-là?
M. Sala: Ce que nous avons indiqué dans notre
mémoire, en fait, correspond à ce que nous voyons, à
l'aide que nous attendrions du BAPE, au support que le BAPE pourrait nous
fournir. Mais ça n'enlève rien au mandat, à la raison
d'être du BAPE qui, en vertu de la loi, est de faire des enquêtes.
Ce qui veut dire que cet exercice de consultation, nous souhaiterions
être les personnes qui le réalisent, les responsables de la
réalisation de cette audience, de cette consultation, parce que,
justement, ce que nous voulons établir, c'est un dialogue avec la
communauté. Ce seraient des consultations constructives d'échange
sur le projet à réaliser. Quant au BAPE, lui, son mandat officiel
demeure le même, qui est de vérifier par voie d'enquête que
le travail que nous avons fait a été bien fait, qu'il n'y a
personne dans la communauté qui a été oublié et que
l'exercice est conforme aux attentes.
M. Maltais: Vous parlez aussi un peu de la
représentativité du BAPE au niveau de ses commissaires, non pas
que vous les mettiez en doute, mais vous aimeriez que, finalement, il y ait un
petit peu plus d'expertise et de gens qui soient en mesure de comprendre le
genre d'industrie que vous êtes, le genre de dossier que vous amenez, de
comprendre un peu vers quoi vous dirigez les objectifs de votre entreprise.
Est-ce que vous le verriez automatiquement comme membre du BAPE ou membre
associé, comme certaines autres personnes ont indiqué à la
commission?
M. Leblanc: L'objectif, comme vous dites, c'est de s'assurer
d'une vision plus large, ça pourrait prendre l'allure de la
présence d'une personne avec une expérience particulière,
ça pourrait être un membre ad hoc du comité. Exemple, si le
BAPE fait une étude sur l'industrie forestière, ça
pourrait être un expert qui a de l'expérience en forêt; si
c'est une industrie, ça pourrait être un expert dans le domaine de
l'industrie. Alors, ça pourrait être un membre ad hoc qui
siège au BAPE. On pourrait alterner, on pourrait changer d'individu pour
différents projets.
M. Maltais: Merci. M. le Président, je vais donner la
parole à mon collègue une secousse et je continuerai
tantôt.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à M. Leblanc, Mme Capano et M. Sala
et les féliciter pour leur présentation. Je n'ai pas beaucoup de
questions parce que ce que vous nous proposez, quant à moi, ça
rencontre pas mal les vues de la commission à date et ça me
parait plein de bon sens. J'ai quand même quelques questions.
Dans vos 12 mois, vous incluez la période de temps que prendra le
promoteur pour faire son étude d'impact et vous mettez 4 mois, si je
comprends bien, c'est ce que vous disiez tantôt.
M. Leblanc: Oui.
M. Lazure: Qu'est-ce que vous penseriez de la notion d'un minimum
et d'un maximum? Selon l'envergure du projet, la durée, le temps que
ça prendra à l'entrepreneur, au promoteur, pour faire cette
étude d'impact pourrait être variable, selon qu'il s'agisse d'un
projet de 1 000 000 000 $ par rapport à un projet de 1 000 000 $ ou 2
000 000 $. Ça me vient à l'esprit, peut-être, que la notion
d'un minimum-maximum... Dans votre esprit, quatre mois, c'est vraiment
suffisant pour un gros projet? Dans le moment, vous le savez, les torts sont
bien répartis dans cette affaire-là. Les trente-trois mois, ce
n'est pas dû seulement aux fonctionnaires; il faut faire attention.
Souvent, c'est dû au promoteur aussi qui prend un an et demi, deux ans
pour rédiger son étude d'impact. Alors, quand vous dites quatre
mois, pour l'étude d'impact dans un gros projet, est-ce que c'est
réaliste?
M. Sala: Pour ce qui est des projets que nous avons eu à
réaliser et pour lesquels nous avons fait des études d'impact,
nous pensons que oui. Maintenant, évidemment, c'est difficile pour nous
d'élargir à d'autres projets. Mais pour ce qui est de la
construction d'une usine d'électro-lyse ou de la construction d'une voie
ferrée, etc., les projets qui sont signalés dans notre
mémoire, nous pensons que oui, c'est réalisable.
M. Lazure: Entre parenthèses, vous seriez d'accord pour
que le paragraphe n de l'article 2 qui touche les alumineries soit mis en
vigueur. En d'autres termes, est-ce que vous seriez prêts à
recommander que les alumineries, dorénavant, comme tous les grands
projets industriels, soient soumis aux audiences publiques?
M. Sala: Oui, avec les recommandations qui sont dans notre
mémoire, c'est-à-dire incluant des délais
raisonnables...
M. Lazure: Bon, c'est clair.
M. Sala: ...incluant la consultation du public dans la phase
préliminaire, etc. Mais dans cet ensemble-là, sans aucun doute,
oui.
M. Lazure: Vous proposez que le BAPE agisse comme observateur et
conseiller, lorsque le promoteur convoquerait le public pour lui soumettre la
directive. Pourquoi avoir cette réunion convoquée par le
promoteur et non pas par le BAPE? Pourquoi donnez-vous un rôle de
conseiller seulement au BAPE et non pas un rôle de convoquer
l'assemblée, d'animer l'assemblée?
M. Sala: Nous pensons qu'à ce stade-ci le promoteur est
capable...
M. Lazure: Oui.
M. Sala: ...sur les conseils du BAPE, d'amorcer ce dialogue.
Encore une fois, pour nous, il ne s'agit pas d'une consultation limitée,
fermée dans le temps, mais d'un début de dialogue avec la
communauté et, par expérience aussi, de ce que nous vivons
actuellement dans notre projet de réfection des barrages à 111e
Maligne, nous pensons être capables de rencontrer la communauté,
d'échanger avec elle et d'avoir le BAPE comme support plus que comme
organisateur des rencontres.
M. Lazure: Et aux deux étapes? Dès le
dépôt de l'avis de projet, vous le disiez tantôt, vous
feriez une consultation du public, vous informeriez le public?
M. Sala: Non, il y a deux dimensions là. La
première dimension est d'informer le public qu'un projet s'en vient et
ça, ce serait seulement une information et...
M. Lazure: Mais sous quelle forme ça se ferait, ça?
Comment ça se déroulerait?
M. Sala: Oh! Ça peut être des avis publics. Le
schéma reste peut-être à définir, mais..
M. Lazure: Ah bon! Ce n'est pas une vraie consultation... (10 h
15)
M. Sala: ...ça peut être fait assez simplement.
Ensuite, nous pensons qu'à partir de cet avis de projet, le
ministère de l'Environnement a un travail important à faire qui
est la préparation de la directive, c'est-à-dire s'assurer que la
dimension technique du projet et des impacts qu'il peut avoir sur
l'environnement soit satisfaite, soit bien couverte. Et c'est après,
avec cette directive, que nous rencontrerions les différentes personnes
intéressées, le public, pour voir s'il y a d'autres aspects qui
devraient être rajoutés à cette directive pour couvrir
davantage la dimension sociale de la protection de l'environnement.
M. Lazure: Moi, je suis content de vous
entendre parler de dimension sociale du projet, parce que, hier, on
avait des gens qui parlaient presque exclusivement de la dimension technique
des projets. C'est une ouverture intéressante que vous faites. Mais,
dans l'hypothèse où ça se ferait, qu'il y aurait
consultation, non pas avis public comme pour l'avis de projet, mais
véritable consultation du public sur la directive émise par le
MENVIQ, auriez-vous objection à ce que ce soit convoqué par le
BAPE et animé par le BAPE?
M. Sala: Je crois que le point important pour nous, c'est que cet
exercice-là soit un exercice de dialogue et qui nous permette
d'établir, d'amorcer ce dialogue, que ce ne soit pas une dimension de
dispute, en quelque sorte, ou d'hésitation, entre le promoteur et la
communauté. C'est une session de travail.
M. Lazure: D'accord. Une autre question d'un tout autre ordre.
Quelqu'un, hier, nous proposait qu'on greffe aux fonctions d'un comité
santé et sécurité au travail à l'intérieur
d'une entreprise, qu'on lui greffe aussi une fonction protection de
l'environnement et surveillance de l'environnement, jusqu'à un certain
point, surveillance de l'environnement par rapport à sa santé et
à sa sécurité. Qu'est-ce que vous pensez de cette
suggestion-là? Élargir, au fond, le mandat du comité
santé et sécurité au travail à l'intérieur
d'une usine.
M. Sala: Excusez-moi, je ne comprends pas bien la question. J'ai
de la difficulté à faire le lien avec les audiences publiques et
la réalisation d'un projet à venir.
M. Lazure: Ah non! C'est ce que j'ai dit, c'est d'un tout autre
ordre.
M. Sala: Ah bon! Excusez-moi.
M. Lazure: C'est une question complètement en dehors de ce
qu'on vient de discuter, je passe à un autre chapitre.
M. Sala: Ah bon!
M. Lazure: A l'intérieur d'une usine donnée, il
existe un comité santé et sécurité au travail et
quelqu'un nous a suggéré qu'à ce comité
santé et sécurité au travail on attribue une fonction
additionnelle, à savoir d'être un surveillant, un chien de garde
de l'environnement, un chien de garde sur le suivi, aussi, sur ce qui est
censé être fait, et, notamment, en rapport avec la santé et
la sécurité.
M. Leblanc: Actuellement, dans nos usines, la majorité de
nos usines, le comité santé et sécurité joue un
rôle semblable. On les informe régulièrement des conditions
environnementales, des émissions, puis il s'exerce un certain suivi de
leur part. Je pense que ça se fait dans plusieurs usines
actuellement.
M. Lazure: Donc, vous n'auriez pas d'objection à ce que ce
soit officialisé, possiblement?
M. Leblanc: Bien, ça dépend quelle tournure
ça prend, là.
M. Lazure: II faudrait regarder ça. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Lazure: J'ai compris. Une autre question, la dernière,
aussi dans un autre ordre d'idées: le financement des intervenants. Vous
savez sans doute qu'en Ontario ils ont depuis trois ans une loi qui permet le
financement des intervenants lors des audiences publiques et, ce
financement-là est assumé principalement par le promoteur, par
l'entrepreneur. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de la possibilité que
vous, comme entreprise, et les autres entreprises, vous participiez au
financement des groupes ou des individus?
M. Leblanc: Alors, on comprend bien qu'il peut y avoir certains
groupes, certains intervenants qui ont besoin d'aide, que ce soit de l'aide
technique, une expertise technique, comment préparer leurs arguments.
Ça peut être également de l'aide financière. Mais
nous, on pense que c'est le rôle et la responsabilité du
ministère de financer ces groupes-là, si besoin il y a, et
même de fournir l'aide technique. On ne pense pas que c'est la
responsabilité des compagnies de jouer ce rôle-là,
actuellement.
M. Lazure: Alors, l'exemple de l'Ontario ne vous inspire pas plus
que ça? Non? si je comprends.
M. Leblanc: Bien, je ne connais pas les règlements de
l'Ontario, je ne suis pas certain que c'est les mêmes règlements
qu'ici. Ils peuvent avoir des sections où ils vont plus loin que nous,
mais d'autres sections où ils sont moins bons.
M. Lazure: C'est vrai. Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Je pense que, moi
aussi, je dois me joindre à mon collègue et aux
ministériels pour vous souhaiter la plus cordiale bienvenue et vous dire
que je constate que, depuis hier, Jonquière fait partie d'une grande
problématique au point de vue de l'environnement - hier, on avait
l'Association des ingénieurs qui nous disait... Sur la page frontispice
de leur mémoire - c'était l'usine d'épura-
tion de la ville de Jonquière. Ce matin, c'est l'Alcan qui a ses
plus grosses installations chez nous, bien sûr, ce qui veut dire que
c'est une préoccupation et je pense que c'est normal de s'en
préoccuper à cause, justement, de problèmes
particuliers.
Je vous pose la question suivante. Lorsque vous me dites ou que vous
dites dans votre mémoire que vous vous devez de... Pour vous positionner
à l'effet qu'on devrait faire de la consultation ou avertir les gens au
début du projet, je prends pour acquis que, depuis un certain nombre
d'années, on peut annoncer un projet, mais l'annonce du projet n'est pas
la réalisation du projet. Je fais juste allusion à
Laterrière, à Chicoutimi; ça a pris quelques années
avant que ça se complète. Puis à Alma, c'est
annoncé déjà depuis deux ans et ce n'est pas
commencé; il y a certaines études de faites, mais ce n'est pas
commencé. Si on décide ou s'il est décidé que ces
projets-là sont soumis à des audiences publiques ou à une
étude d'impact publique, quand ces études-là ou quand le
BAPE doit-il intervenir? Parce qu'on dit: Au début du projet. Et vous
comprenez ma préoccupation, s'il ne se réalise pas, on va avoir
fait tout ça pour rien. On parle de rapetisser puis, en même
temps, je ne vois pas comment on peut arriver à quelque chose de
concret.
M. Sala: II y a effectivement besoin d'une certaine
flexibilité étant donné que la situation
économique, comme ça a déjà été
mentionné, change d'un jour à l'autre. Donc, c'est assez
difficile, mais il est certain que, dès l'instant où le promoteur
sait qu'il va réaliser son projet, qu'il ne s'agit plus d'une annonce
pour le futur, mais de quelque chose qui est imminent, je crois que c'est
à partir de là que le compteur devrait commencer à
tourner. Maintenant, quand exactement, ça me paraît difficile de
répondre à ça.
M. Dufour: C'est parce que vous comprenez aussi notre
préoccupation, puis je ne mets pas en doute... Moi, j'ai vu, par
exemple, Hyundai, à Bromont, ils ont annonce, puis le gouvernement a
pris la décision comme si c'était une réalisation. Je
comprends que les Japonais, c'est des gens bien fiables, mais ce n'est pas plus
fiable que l'Alcan, à mon point de vue, ou c'est aussi fiable que
l'Alcan, pour être bien correct. Vous savez, je pense que l'Alcan a
suffisamment démontré qu'elle fait ce qu'elle dit puis, bon,
ça fonctionne. Mais par rapport à ça, je disais qu'il y a
une inquiétude puis, en même temps, ça pourrait obliger
à faire beaucoup d'études ou beaucoup d'audiences publiques sur
des projets qui, en fait, sont juste dans l'air. Donc, votre proposition d'un
an pourrait être de deux ans parce que, quand le processus doit-il
s'engager? C'est quand le promoteur est vraiment décidé à
procéder, pas au moment de l'annonce. Est-ce qu'on se comprend bien
là-dessus?
M. Sala: Oui, oui.
M. Leblanc: Évidemment, si les délais sont
occasionnés par le promoteur parce que des changements dans la situation
économique sont survenus, ce n'est sûrement pas la faute du MENVIQ
à ce moment-là.
M. Dufour: O. K. Je sais que vous avez des sites de
dépôts secs. Vous avez des dépôts humides, mais on va
dire des dépôts secs aussi dans des endroits. Est-ce que vous
croyez que les sites que vous décidez ou que vous choisissez devraient
être soumis à une procédure d'évaluation aussi,
d'étude d'impact? Par exemple, les sites qui sont à
l'intérieur des territoires de l'Alcan, à ce que je sache, il
n'ont jamais été soumis. Il y a peut-être une
procédure que vous donnez au gouvernement, mais que je ne connais pas.
Pour avoir été maire de la ville de Jonquière, je n'ai
jamais eu, à ce que je sache, de demandes de me pencher pour savoir si
c'est correct ou pas correct. À l'intérieur, vous êtes
assez libres. Vous êtes propriétaires du terrain, mais
"propriétaire du terrain" ne veut pas dire "propriété du
sous-sol" et tout le reste. Est-ce que vous pensez que, par rapport à
ça, vous devriez vous soumettre à une procédure
d'évaluation?
M. Sala: II y a plusieurs aspects dans votre question. Il y a
d'abord l'existence de sites. Ces sites sont connus. Certains d'entre eux ont
d'ailleurs été identifiés par le groupe GERLED et il y a
de la restauration, donc, il y a de la caractérisation de ces sites qui
a été faite. Il y a des restaurations qui sont actuellement, dans
certains cas, achevées et, dans d'autres cas, en cours de
réalisation, et qui devraient nous confirmer que ces sites ne
représentent pas de risque majeur pour l'environnement et que les
risques, quand il y en a, sont vraiment limités à l'environnement
immédiat. Ça, c'est un premier aspect.
Dans le cas où nous devrions utiliser d'autres sites, de nouveaux
sites, il y a le règlement sur les déchets dangereux, parce que
je pense que c'est principalement la dimension danger des déchets
à laquelle vous faites référence, il y a la
réglementation sur les déchets dangereux et, depuis qu'elle est
en vigueur, nous pensons nous y conformer. Je crois que c'est à travers
le respect de cette réglementation que la gestion des déchets se
fera dans le futur et éventuellement, s'il était
nécessaire d'avoir de nouveaux sites d'entreposage, je crois que la
réglementation prévoit effectivement qu'ils seraient soumis
à des études d'impact et des audiences publiques.
Mme Capano (Mano): Juste pour compléter, M. Dufour.
M. Dufour: Oui.
Mme Capano: C'est que si jamais, par exemple, on trouve une
technologie ou quelque chose pour mettre en valeur ou pour...
M. Dufour: Voulez-vous parler vis-à-vis le micro?
Ça va nous aider.
Mme Capano: Mme Capano. Si jamais on trouve, par exemple, une
solution, une alternative pour mettre en valeur ou pour disposer d'un
résidu, autre que l'enfouissement, cette construction-là serait
probablement assujettie à la procédure. Donc, le public serait
concerné et consulté à ce sujet-là.
M. Dufour: Est-ce que vous pouvez me dire si votre politique
d'assainissement... Parce que la ville de Jonquière est
complètement assainie, à 99 %; il y a peut-être quelques
terrains de cultivateurs... Mais vis-à-vis de l'Alcan, est-ce que vous
êtes connectés avec la ville de Jonquière ou si vous avez
votre propre système ou si vous voulez le faire?
M. Sala: Dans le cadre du programme d'assainissement des eaux qui
est en discussion avec le ministère de l'Environnement, cette
ségrégation des égouts est prévue et elle est
d'ailleurs déjà très avancée. La réalisation
est déjà très avancée. Donc, une partie de nos
effluents sanitaires va à la municipalité et une autre partie ira
prochainement. Mais l'objectif relativement à court terme est d'envoyer
les effluents sanitaires à la municipalité.
M. Dufour: Dans votre mémoire, vous parlez de
Laterrière concernant la ligne de chemin de fer. Vous parlez de cinq
ministères. Moi, j'en trouve quatre, parce que la commission de
l'aménagement et des équipements, vous n'auriez pas pu vous en
sauver, d'une façon ou de l'autre, parce que ça vous prenait un
bill privé pour que votre projet soit accepté. C'est juste une
petite mise au point que je veux faire parce que vous ne pourrez pas la sauver,
cette étape-là, c'est certain; sans ça, on vient d'abolir
le Parlement. Je pense qu'on n'aurait plus raison d'être ici et je ne
voudrais pas ça. Vous manqueriez quelque chose et nous autres aussi, on
vous manquerait. Donc, à ce moment-là, je pense que, oui, il y a
juste ces deux questions et c'est un dossier complexe. Je pense que, oui, il
devrait y avoir de l'harmonisation à quelque part. Nous autres, on peut
peut-être le souligner, mais j'ai bien l'impression que ceux qui sont
responsables des différents ministères devraient se coordonner un
petit peu plus.
Un autre point. Je veux juste me référer à votre
annexe. Vous pariez des principes spécifiques qui vous guident au point
de vue de l'environnement. À chaque fois, je trouve que c'est... Lois et
règlements: des solutions appropriées et économiquement
réalisables. Émissions atmosphériques: techniquement et
économiquement possible. Rebuts: techniquement et économiquement
possible. Utilisation des ressources: la même chose. Donc, je pense que
votre philosophie doit aller plus loin que ça, ce n'est pas juste que
c'est techniquement réalisable et économiquement possible. S'il y
a des points et je pense que là... Moi, je veux juste que vous
rétablissiez ça. Vous allez plus loin. Des fois, ce n'est pas
économique, mais vous le faites pareil. Dans vos principes, vous nous
dites: C'est économiquement possible, mais il y a des fois que je sais
que vous êtes obligés de le faire. Est-ce que ça veut dire
que votre philosophie, s'il n'y avait pas de réglementation et s'il n'y
avait pas de lois qui vous obligent, vous ne le feriez pas?
M. Sala: II faut bien voir que la politique de protection de
l'environnement que nous avons jointe à notre mémoire,
évidemment, est utilisée comme document public, mais elle vise
avant tout à améliorer la gestion de la protection de
l'environnement à l'intérieur de l'entreprise et, à ce
moment-là, si on la lit dans cet esprit, la dimension techniquement et
économiquement possible ou réalisable est un défi qui est
posé aux gestionnaires pour atteindre l'objectif de protection de
l'environnement de la meilleure façon technique et économique
possible. (10 h 30)
M. Dufour: Peut-être un dernier point que je veux soulever.
Je ne veux pas vous garder ici inutilement, mais je pense que c'est
intéressant, l'échange, puis il y aura peut-être d'autres
forums où on pourra le faire. Vous nous dites: Pour le BAPE, il devrait
y avoir des gens qui proviennent de l'industrie. Est-ce que vous avez
l'impression actuellement que les gens qui siègent au BAPE n'ont pas
cette expertise? Je vous demande un jugement de valeur, mais là, je
pense, en tout cas, qu'on peut le faire dans une commission parlementaire. Vous
ne devriez pas vous sentir mal à l'aise avec la question. J'aimerais
bien que vous y répondiez, peut-être avec diplomatie, mais avec
l'honnêteté que je vous reconnais.
M. Leblanc: C'est assez difficile pour nous d'évaluer les
membres du BAPE actuel, du Bureau. On part du principe qu'une équipe
multidisciplinaire va arriver à des décisions plus
équilibrées. Si on se compare à des gens qui sont des
chercheurs ou qui ont des connaissances théoriques, mais qui n'ont pas
de connaissances pratiques, alors on dit: Ce serait l'idéal d'avoir au
moins une personne - peut-être une ou deux personnes membres du Bureau -
qui aurait de l'expérience pratique d'une industrie particulière.
Comme je le mentionnais tout à l'heure, ça pourrait être
des comités... un membre ad hoc qui change, dépendant de
l'étude en cours. Mais
on pense qu'on arriverait à des décisions plus
équilibrées, plus représentatives et plus
réalistes.
M. Dufour: J'ai peut-être... Le point dont vous avez
parlé concernant la participation du public puis des consultations
gérées par le promoteur. J'aimerais peut-être... Vous avez
répondu en partie, mais est-ce qu'il y a un avantage que le promoteur
fasse ces consultations? Je regarde Hydro-Québec, par exemple. Elle fait
beaucoup de consultations. Elle n'est pas soumise aux études
environnementales. Pensez-vous que c'est de nature à améliorer
les relations avec le public si le promoteur est là et c'est lui qui
fait ses propres consultations? Et est-ce que vous pensez que le public va
être plus rassuré vis-à-vis de ces consultations?
Vous avez les problèmes que je connais, que vous avez
déjà. Par exemple, les berges du lac Saint-Jean. En tout cas, ce
n'est pas facile. Je comprends que vous avez un maudit problème
là-dedans. Je ne veux pas être dans vos bottes pour ça.
C'est compliqué. Mais est-ce que vous pensez que, si c'est le promoteur
qui fait ses consultations, le public va vous donner... vous allez avoir une
meilleure garantie comme promoteur d'un projet? Parce que c'est un changement
que vous proposez.
M. Leblanc: Oui. On pense que ça va
accélérer le processus avec de l'information, avec de
l'échange. Si on regarde l'exemple de l'aménagement de
l'embouchure de la rivière à Mars où il y avait deux
groupes, deux intervenants qui sont intervenus ont demandé de
l'information. Il y a eu beaucoup d'échanges, de consultations et,
finalement, ça s'est réglé par une médiation. On a
répondu à leurs questions. Alors, finalement, ce n'est pas
passé au niveau des audiences publiques.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, comme vous savez, on a des échanges
continus avec les riverains. On les informe continuellement. On échange
avec eux autres. On leur parle de nos projets, de ce que sont nos projets pour
l'année. Dernièrement, on a fait une étude avec la
compagnie CROP qui démontre que la grande majorité des riverains
sont satisfaits en ce qui concerne les travaux de stabilisation des berges. Le
niveau du lac, c'est une autre chose. Actuellement, on vit une
sécheresse exceptionnelle. Mais, dans l'ensemble, ces consultations vont
accélérer le processus. Elles vont nous aider à expliquer
notre point de vue, mais également aider le public à comprendre
ce que l'on veut faire.
M. Dufour: Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je sais que vous
êtes les plus grands producteurs d'aluminium au Québec, au Canada.
Au niveau du recyclage, est-ce que vous faites du recyclage de vieil aluminium?
Comment ça fonctionne? Est-ce que vous en faites présentement
dans une de vos industries, pas nécessairement située dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais à l'extérieur? Est-ce que vous
faites du recyclage des vieilles cannettes, par exemple?
M. Leblanc: Oui. Spécifiquement pour les cannettes, on a
du recyclage de nos alumineries actuelles qui sont... On recycle nos produits
internes qui ne rencontrent pas les normes. Pour le client, on les recycle. En
ce qui concerne la cannette, nous, nous avons deux usines importantes aux
États-Unis. Il y en a une dans l'État de New York et l'autre au
Kentucky, je pense. Évidemment, il faut être près du
marché. Les coûts du transport sont très
élevés, alors on a tendance à mettre cette usine de
recyclage des cannettes tout près des grands centres où la
population est installée.
M. Maltais: Juste pour mon information personnelle, il y a
peut-être juste moi qui ne le sais pas, mais toutes les cannettes qu'on
ramasse, qu'on récupère au Québec, dans les grands
magasins, dans les marchés d'alimentation, est-ce qu'elles s'en vont au
Kentucky ou à New York?
M. Leblanc: Non. Mme Capano.
Mme Capano: Actuellement, Alcan est le plus gros
récupérateur de cannettes au Québec. Avec notre usine de
Lachine, nous récupérons les cannettes. En fait, on a un contrat
avec Gestion de récupération du Québec. Toutes les
cannettes de bière sont achetées par Alcan et s'en vont à
cette usine de Lachine. On est le plus gros récupérateur de
cannettes au Québec. Ça, c'est pour la cannette. Pour ce qui est
des autres rebuts d'aluminium, vous savez bien qu'étant donné que
ça vaut cher la livre, on ne les perd pas. On a une usine à
Guelph et une à Shel-byville qui récupèrent les rebuts
d'aluminium autres que la cannette.
M. Maltais: O.K. On a parlé tout à l'heure...
M. Leblanc: M. Maltais, le recyclage d'aluminium, pour nous,
c'est très important pour l'avenir du métal et de l'industrie.
C'est un métal, comme vous savez, qui se recycle à 100 %,
c'est-à-dire qu'en le refondant, on le ramène à la
matière première, c'est-à-dire au métal primaire
avec la même qualité qu'un métal qui sort de l'aiuminerie,
contrairement au plastique, si vous voulez, ou au papier. Alors, pour nous,
c'est très important, puis on voit dans l'avenir un temps où le
métal serait prêté à nos clients et on
rachèterait les rebuts pour recirculer. On
regarde ça dans l'avenir.
M. Maltais: Si ma mémoire est bonne, et mon
collègue pourra peut-être me corriger, la
récupération vaut 600 $ la tonne. C'est ce qu'on nous a dit
à Toronto.
M. Lazure: Quelque chose comme ça. M. Maltais:
Quelque chose comme ça.
Mme Capano: À Lachine, on achète 800 $ la tonne
pour les cannettes.
M. Maltais: En Ontario, vous payez moins cher un peu. On a ce
qu'on mérite.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: J'ai un dernier petit point. Vous avez des usines de
recyclage pour votre produit d'aluminium qui ne rentre pas, des cuvées
manquées comme on dit. Rassborsugh Canada qui est installé chez
nous, à Baie-Comeau, et qui en fait pour vous par le recyclage
d'Aluminium Côte-Nord. Vous avez ça dans chacune de vos usines.
C'est une jeune compagnie de Baie-Comeau depuis une dizaine d'années qui
est installée dans le bout de Bécancour aussi, à
Jonquière. Francis devrait savoir ça. Je suis sûr qu'il le
sait d'ailleurs.
Ils ont un petit problème, ces gens-là. Ils se ramassent
avec des rebuts aussi; une fois que le produit est recyclé, ils refont
des blocs d'aluminium bien vendables qu'ils vous refilent chez vous. Ils ont un
résidu, je ne sais pas si c'est de la brasque que vous appelez, je ne
connais pas ça.
M. Leblanc: C'est l'écume.
M. Maltais: Brasque? Non, ce n'est même pas de la
brasque.
M. Leblanc: C'est l'écume de métal.
M. Maltais: L'écume. Bon, voilà. Ça leur
prend des sites d'enfouissement. C'est très important. C'est maudit ce
que ça fait d'écume, comme on dit par chez nous. Je n'avais pas
pensé que ça en faisait autant. Ça, ce n'est pas
récupérable, qu'on nous dit, et ça reste dans le
décor. Je sais qu'on a travaillé beaucoup dans le dossier avec
l'entreprise et elle a des problèmes de récupération.
Ça prend des sites de récupération. Elle est en train de
s'installer à Sept-îles et elle a un problème. À
Baie-Comeau, il y a un problème urgent. Je sais que, chez vous, il y a
eu passablement de problèmes aussi. Les spécialistes du MENVIQ
ont changé d'idée pas juste une fois. À Bécancour,
ça a bien été, mais est-ce que, lorsque vous donnez des
contrats à ces entreprises pour recycler votre produit, parce que, vous,
ça ne rentre pas dans vos fours, est-ce que vous vous assurez que cette
entreprise-là, son certificat de disponibilité des résidus
est conforme aux directives du ministère?
M. Leblanc: Oui, mais je vais revenir à la première
partie de votre question, de recycler les écumes de l'usine que vous
mentionnez à Baie-Comeau. Effectivement, le procédé, c'est
un problème pour l'industrie, mais nous, on a développé un
nouveau procédé, un procédé plasma. On a construit
une nouvelle usine au Saguenay, à Jonquière, qui s'appelle
l'usine Guillaume-Tremblay, qui nous permet de récupérer dans
cette écume-là 55 % de métal de résidu. Le
procédé fait que le résidu est non toxique, pour lequel on
est en train de trouver des débouchés. C'est un
procédé complètement différent qui va
éliminer le problème de résidu que vous avez dans la
méthode traditionnelle dé recycler les écumes des
fournées.
M. Maltais: M. Leblanc, merci beaucoup. Je pense que c'est tout
le temps qu'on avait à vous accorder. Merci infiniment. Vous êtes
bien gentil.
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M.
Leblanc et les gens qui vous accompagnent, de votre témoignage devant la
commission. Je suspends les travaux pour quelques instants pour donner la
possibilité au groupe Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences de s'avancer à la table des
délibérations.
(Suspension de la séance à 10 h 41)
(Reprise à 10 h 44)
Le Président (M. Garon): Veuillez prendre place, nous
allons poursuivre nos travaux. Je voulais indiquer aux membres de la commission
que, cet après-midi... Simplement aux membres de la commission qui ont
été vaccinés avec des aiguilles de gramophones, je voulais
vous rappeler que, cet après-midi, nous allons commencer nos travaux
à 14 h 30 puisqu'il y a eu du changement dans les horaires. Comme je
vous en avais dit un mot ce matin, le coup de téléphone a
été fait, alors nous commencerons à 14 h 30 et nous
ajournerons à 18 heures ce soir. Maintenant, je vais demander aux
représentants de l'Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences avec M. Delisle, son président, de se
présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous
avez une demi-heure pour exposer votre mémoire, c'est-à-dire 10
minutes normalement pour exposer votre mémoire, 10 minutes pour le parti
ministériel, 10 minutes pour le parti de l'Opposition, pour vous poser
des questions.
Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences
M. Delisle (Gilles-Y.): Je vous remercie. Je vais me
présenter d'abord. Mon nom est Gilles Delisle. Je suis professeur au
Département de génie électrique à
l'Université Laval, ici, à Québec. Évidemment, ce
n'est pas à ce titre que je suis ici, mais plus particulièrement
à titre de président de l'ACFAS, l'Association
canadienne-française pour l'avancement des sciences, qui est l'une des
vieilles institutions au Québec. L'ACFAS a été
fondée en 1923; donc, c'est son 69e anniversaire et elle regroupe
au-delà de 7000 scientifiques, ce qui en fait la plus grande association
française scientifique.
Nous avons cru bon de prendre position davantage maintenant sur
quelques-uns des grands dossiers qui existent au Québec. C'est dans
cette optique-là que nous avons demandé à quelques-uns des
membres de l'ACFAS, dont le champ d'expertise était celui qui nous
préoccupe ici, de proposer à cette commission une position sur
les procédures d'audiences en environnement. Nous avons, de ce fait,
regroupé un certain nombre de personnes, dont deux sont ici actuellement
pour nous représenter: le professeur Pierre André, du
Département de géographie de l'Université de
Montréal, qui va nous présenter finalement les recommandations
dans notre mémoire, et le professeur René Parenteau, de la
Faculté d'aménagement de l'Université de Montréal,
qui également servira d'appui au document. Évidemment, nous
serons disponibles pour répondre à toutes les questions
éventuellement. Professeur André.
M. André (Pierre): Merci. M. le Président, compte
tenu du temps limité qui nous est alloué, je me limiterai
à vous présenter les principales recommandations que l'ACFAS a
formulées. Si vous voulez me suivre, ces recommandations sont aux pages
6 et 7 de notre mémoire.
Je débuterai en vous mentionnant, M. le Président, que le
Québec s'est doté d'une procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement qui est considérée par
plusieurs experts comme l'une des meilleures au Canada, voire l'une des
meilleures au monde. Cependant, nous croyons qu'il y a lieu de faire un certain
renforcement de quelques points dans cette procédure. Donc,
premièrement, la plus grande faiblesse de la procédure par
rapport aux autres procédures canadiennes se situe dans l'existence des
exemptions. C'est ainsi que nous recommandons que soient mis en vigueur les
paragraphes g, n et p ainsi que le deuxième alinéa du paragraphe
j du premier alinéa de l'article 2 du Règlement sur
l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, assujettissant
ainsi, par exemple, les gros projets industriels.
Comme deuxième recommandation, la définition du terme
"environnement", telle qu'inter- prétée jusqu'à maintenant
dans le cadre de la loi et des règlements et par le Bureau d'audiences
publiques, recouvre tant les considérations biophysiques qu'humaines, et
nous nous en réjouissons. Il faudrait que ces domaines soient
traités de façon égale et que soient
reflétées à la fois les valeurs des individus
concernés et celles de la société dans son ensemble. Afin
que les études d'impact incluent des préoccupations individuelles
et sociales, nous recommandons que le public participe aux différentes
étapes de la procédure, c'est-à-dire à la
rédaction de la directive, à l'étude de
recevabilité, à l'examen public, au suivi et au contrôle.
Afin que les préoccupations biophysiques et humaines soient
considérées avec une attention égale,
particulièrement au sein de la commission nommée par le ministre
de l'Environnement, l'ACFAS recommande que les commissaires d'une même
commission proviennent autant du domaine des sciences pures et
appliquées que du domaine des sciences sociales et humaines, en plus de
faire montre d'une capacité d'analyse qui déborde leur propre
champ d'expertise.
Troisièmement, l'étude d'impact sur l'environnement et la
consultation publique qui lui est associée font partie d'un processus
décisionnel où sont confrontés des acteurs aux
intérêts souvent divergents. Le langage l'est tout autant. Afin
d'assurer une bonne compréhension du problème par l'ensemble des
intervenants et intervenantes, l'ACFAS recommande d'accroître la
qualité de l'information incluse dans l'avis de projet et de produire
une étude d'impact qui soit davantage concise et précise,
répondant mieux ainsi aux préoccupations individuelles,
communautaires et sociales.
Quatrièmement, il revient au BAPE d'être à
l'écoute des Québécois et des Québécoises au
sujet des projets ayant des impacts sur l'environnement. L'ACFAS
réaffirme donc le rôle essentiel du BAPE dans le processus
québécois d'évaluation et d'examen des impacts.
Finalement, M. le Président, et comme recommandation principale,
l'ACFAS reconnaît la qualité du travail qui a été
réalisé par le comité dit Lacoste, le comité qui
révisait la procédure environnementale québécoise,
et nous recommandons au ministre de l'Environnement d'analyser en détail
chacune des recommandations qui y figurent pour assurer aux prochaines
générations de Québécois et
Québécoises un environnement de qualité.
Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes maintenant, M.
Parenteau et moi et M. Delisle, prêts à répondre à
vos questions.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Alors, M. le
président Delisle, au nom de mes consoeurs et de mes confrères du
côté ministériel, je veux
ce matin vous souhaiter la bienvenue. Comme vous le savez, nous sommes
ici en commission depuis déjà deux semaines et nous avons eu
l'occasion d'entendre différents rapports.
J'aurais quelques questions à vous poser. D'ailleurs, vous
disiez, votre porte-parole vient de dire, à la page 6, que: "La
procédure québécoise d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement est considérée parmi l'une des
meilleures au Canada." et j'ai ajouté et j'ai noté "une des
meilleures au monde", que vous avez ajouté.
Si je retourne une crainte que j'ai, moi, suite à ça, je
pense que le problème est déjà bien situé. Vous
dites au commencement, à la page 1: "L'ACFAS tient d'emblée
à souligner que cette question doit être traitée de
manière multidisciplinaire." Et, à ce moment-là, vous
parlez des différents domaines, comme les sciences morales, les sciences
sociales, juridiques, biologiques et médicales. Ma question, moi, et un
peu ma crainte, premièrement: Est-ce que c'est parce que vous
considérez que, premièrement, le BAPE ne fait pas son ouvrage? Et
moi, ma crainte, c'est ceci: Est-ce que vous ne croyez pas qu'à ce
moment-là, ça pourrait retourner comme une tour de Babel? Ce que
je veux dire par ceci, c'est qu'on a tellement de difficulté à
l'environnement, dans le moment, à prendre un projet au début et
à l'amener à la fin, qu'avec cette suggestion de manière
multidisciplinaire, est-ce qu'à ce moment-là ça ne
deviendra pas la tour de Babel et, au lieu d'accélérer le
dossier, ça ne pourrait pas le compliquer? C'est ma question.
M. Parenteau (René): Je peux essayer de discuter avec vous
sur cette question-là. Il faut savoir qu'on parle d'environnement, qu'il
ne s'agit pas d'un thème éphémère, je pense, dans
les préoccupations politiques. C'est devenu un thème central dans
la considération du développement et même de
l'économie mondiale. Donc, c'est une question importante pour nous. Ce
que les scientifiques ont à dire - et on s'entend maintenant tous
très bien là-dessus, contrairement, peut-être, à la
fin des années soixante-dix - c'est que la question environnementale est
une question très complexe, complexe parce qu'il y a des incertitudes,
on joue avec des incertitudes, complexe parce qu'on joue avec des risques et
parce qu'on joue avec des choix. Il y a des choix à faire dans ces
situations-là et tous les éléments entrent donc en ligne
de compte. Je pense qu'il n'y a pas risque de tour de Babel parce qu'on ne
demande pas à des scientifiques, heureusement, de régler tout le
problème environnemental et de donner des solutions sûres. On
parle de procédures sociales, économiques, politiques qui vont
permettre de faire les choix. Et des procédures, c'est nous qui les
faisons, on est capable de les gérer, on peut gérer ça.
Dans d'autres pays, il y a des cas très complexes où les
procédures arrivent à gérer le problème de la
décision en matière d'environnement.
Vous disiez que, peut-être, le BAPE n'a pas joué son
rôle. Je pense qu'une partie de la révision de la procédure
est amenée non pas parce que le BAPE n'a pas joué son rôle,
mais parce que l'évolution des préoccupations en environnement a
été très rapide. Au début, en 1970, on était
très préoccupé par la protection des oiseaux, des
bestioles, des sous-sols. On est devenu, dans les années quatre-vingt,
beaucoup plus préoccupé par la protectjon des
collectivités et des communautés humaines. Maintenant, on va vers
autre chose, je ne sais pas trop quoi. Alors, cette évolution-là,
le 3APE l'a suivie, je pense. Il a joué les cartes les plus connues, les
plus fiables à chaque moment. C'est vrai qu'à une époque
la présence des sciences naturelles ou le caractère
déterminant des connaissances produites par les sciences naturelles en
matière de décision étaient peut-être trop fortes,
vu de maintenant.
M. Bergeron: Merci. À la page 3, vous parlez de
l'information et vous dites: "Une information complète et accessible
constitue l'élément clé de la procédure
d'évaluation des impacts environnementaux." Je pense que vous
conviendrez que certaines informations technologiques, des fois, il faut que
ça demeure la propriété... ne peuvent pas être
divulguées au risque de nuire à la compétitivité,
comme on dit. Alors, comment conciliez-vous une information complète et
accessible? Jusqu'où allez-vous pour que, selon vous, ce soit complet et
accessible sans dévoiler, par exemple, je dirais les secrets du
promoteur?
M. Parenteau: J'aimerais bien vous répondre, par contre,
parce qu'il y a une série de propositions, dans notre mémoire,
qui nous amènent à prendre une direction vis-à-vis des...
qui nous permettent de répondre à des questions comme
celle-là. Naturellement, si on parle dans les termes des années
soixante-dix, début quatre-vingt, où l'étude d'impact doit
toucher à tout, absolument à tout, et doit fournir toute
l'information, il n'y a pas de limite là et on s'attend à ce que
tout soit livré. Maintenant, les esprits ont évolué et les
pratiques aussi, un tout petit peu. On s'attend à ce que toute
l'information nécessaire et utile à une bonne participation des
citoyens au processus de décision soit fournie. On parle donc de
sélection d'information. Il n'y a plus un citoyen qui est capable de
lire et qui a l'intention, le goût et le temps de lire des études
d'impact qui s'empilent à cette hauteur et même plus, qui est
capable de jouer dans les raffinements techniques. On sait, par les
études qu'on a faites, que les citoyens sont intéressés
aux technologies qui sont employées. Ils ont le droit d'être
informés sur les technologies. Je
pense qu'ils ne veulent pas discuter du détail des technologies.
Mais ils ont le droit de savoir les risques que les choix technologiques
représentent. Il ne faut pas oublier, non plus, que, maintenant, on a
affaire à un public qui est éduqué et scolarisé,
qui est même expert, à sa façon. Il y a des gens dans le
public, des fois, qui en savent autant que les experts du promoteur ou les
experts amenés par les ministères, dans certains cas. Donc, il y
a une limite qui est fixée par la nécessité et le besoin
de l'information pour une bonne décision. Je pense qu'on a
suggéré, nous, que le public intervienne dès le moment de
la rédaction des directives. C'est le moment où on pense que
pourrait être sélectionnée l'information nécessaire.
En fait, on s'en va en audience publique; il est normal qu'on dise au public,
pour éviter d'avoir à produire des masses de papier qui seront
inutiles, qu'on demande au public: Sur quoi avez-vous envie que la consultation
porte? Et il est important de le dire au moment de la rédaction des
directives de façon à ce que l'étude d'impact soit
construite en fonction de ce moment crucial et qu'on évite d'amener des
informations qui sont peut-être très intéressantes pour des
électroniciens, mais peu intéressantes pour un public qui a des
risques à gérer.
M. Bergeron: Merci. Justement, quand vous dites que le public
doit être informé le plus rapidement possible, je reviens à
la question que mon confrère Maltais a posée tout à
l'heure au président de l'Alcan. Partait! Ce que veut dire le public, la
population, le plus rapidement possible rentrer dans le dossier, d'accord
là-dessus. Mais, en chemin - et c'est la question que mon
confrère Maltais posait il y a quelques minutes - quand, dans le projet,
H y a des changements, des améliorations, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce
qu'on revient encore au public, ou bien... C'est bien beau, le public, et le
fait de l'amener tout de suite au début pour avoir une idée
générale s'il n'y aura pas une opposition, etc., mais si, en
chemin - je pense a des projets comme l'Alcan et des projets très
importants, c'est tout à fait normal - a un moment ou à un autre,
il y a des changements qui se font sur le projet qui a été
présenté, là, qu'est-ce qu'on fait avec la population?
M. Parenteau: Je pense qu'il va falloir innover un tout petit
peu, là. Notre procédure est orientée vers
l'évaluation de projets, des projets précis. Ce n'est pas dans le
mémoire; vous débordez un tout petit peu, là. Donc, on est
obligé de parler avec nos idées personnelles. Je pense qu'on a
peu parlé d'évaluation de programmes. Naturellement, une
entreprise de la taille d'Alcan ou d'Hydro-Québec a une série de
petits projets, mais ces projets-là sont planifiés à
l'intérieur de programmes de développement. Et un de ces jours,
il va falloir se poser la question sérieusement: Est-ce qu'on peut, pour
éviter la multiplication d'évaluations de petits projets, qui
vont être changés et modifiés, qui pourraient, bon...
Est-ce qu'on peut évaluer des programmes? La question est ouverte,
à mon avis, et j'espère que d'autres vont la débattre. Il
y a des travaux qui ont été faits au fédéral, quand
le fédéral a convoqué une assemblée nationale
d'évaluation de sa procédure, où on a évalué
sérieusement la possibilité d'évaluer des programmes. Il y
a aussi une autre possibilité d'évaluer des classes de projets.
À l'intérieur d'un programme, un entrepreneur, une entreprise
peut demander que soient évalués publiquement une classe de
projets qui seront éventuellement réalisés ou qui
pourraient l'être éventuellement à l'intérieur de
plusieurs programmes. C'est une chose qui est aussi possible.
M. Bergeron: Merci. En fait, on parle de population et de
sensibiliser mais, comme on l'a vu pendant les 15 jours qu'on a
été ici, il y a des groupes qui sont venus ici et - M. Maltais le
disait, et le Dr Lazure aussi - ils n'ont pas les moyens financiers
d'être là. Depuis 15 jours, on parle de la création d'un
fonds. De quelle façon... Est-ce que, tout de suite, vous vous adressez
au gouvernement pour fournir ce fonds-là? De quelle façon
pourrait-on le créer? Partie gouvernementale, partie patronale, partie
regroupement, quoi?
M. Parenteau: O.K. Alors ça, je peux en parler
allègrement, parce que j'ai été sur deux comités de
financement dans la procédure fédérale, l'un sur les vols
militaires à base altitude sur le Labrador, l'autre sur les
déchets hautement radioactifs dans le bouclier canadien, et
peut-être sur d'autres. C'est une question qui m'intéresse
profondément pour des raisons d'éthique et pour des raisons
scientifiques aussi. On n'a pas d'autres choix, un de ces jours, que de
considérer l'obligation de financer le public participant, parce que si
on est honnête avec cette procédure qu'on s'est donnée, on
va vers le public non pas pour écouter ses doléances d'abord,
mais pour aller chercher l'information qui nous échappe, qui a
échappé aux scientifiques, qui a échappé aux
experts et qui est peut-être l'information qui va influencer
définitivement la décision ou qui va permettre d'établir
le contrat social sur les risques qu'on prend collectivement. (11 heures)
Donc, à mon avis, on doit payer cette information-là comme
on doit payer un expert. Je pense aussi qu'on doit payer pour aider à
obtenir le plus d'information possible que seul le public possède, ou
les publics possèdent. On doit payer pour qu'elle nous soit fournie de
façon à pouvoir être intégrée à
l'ensemble de la procédure, donc, de façon claire,
précise, documentée, peut-être même avec une
contre-expertise; donc, il faut payer. Il y a une position qui a
été prise,
passablement prise dans la procédure fédérale et
que je trouve qui va assez bien. Il est normal que le promoteur qui demande une
autorisation et qui demande indirectement, par son entrée dans une
procédure, au public de venir l'aider à définir son projet
ou les paramètres qui aideraient à l'améliorer ou les
mesures de mitigation qui le rendraient acceptable, il est normal que le
promoteur paie ce service-là, comme il paie des experts. Je suis
prêt à défendre et à démontrer que, si le
public intervient dès la période où on définit les
directives pour la rédaction de l'étude d'impact, le promoteur va
faire des économies sur les grandes firmes d'experts qui lui montrent
des études d'impacts globales et qui produisent une information aux
trois quarts non utilisée.
M. Bergeron: Merci. Ma dernière question... M.
Parenteau: Si vous me permettez un mot. M. Bergeron:
Excusez-moi.
M. Parenteau: Je pense qu'il faudrait retourner, ces jours-ci,
à la loi expérimentale pour trois ans qu'il y a en Ontario, qui
est très, très élaborée concernant le financement
des intervenants publics, particulièrement dans le cas de
l'évaluation de la politique énergétique d'Hydro-Ontario.
C'est une procédure extrêmement développée, beaucoup
trop lourde, à mon avis. C'est clair, II n'y a pas de difficulté,
Hydro-Ontario ne trouve pas ça anormal.
M. Bergeron: La semaine dernière, on a parlé d'une
fédération des groupements intéressés. Que
pensez-vous de cette idée, premièrement? Deuxièmement, je
voudrais savoir surtout quels sont les critères. Est-ce que vous
pourriez établir des critères qui font qu'un organisme pourrait
faire partie de cette future fédération? En fait, comme on le
sait, souvent il arrive un projet et n'importe qui se dit: Bon, bien moi, je
représente un mouvement. Comme chez moi, dans mon comté, il y a
des gens qui représentent un mouvement et, quand on va au fond des
choses, il est tout seul avec sa femme dans sa cuisine qui représente le
mouvement. Ce que je veux dire, si on a une fédération de
regroupements, quels sont les critères qui feraient que des groupes -
vous avez 68 ans d'expérience, comme vous dites, vous êtes 7000,
etc., je pense que les critères sont déjà acquis, mais, de
façon générale, afin d'éviter, je ne dirais pas des
pertes de temps ou quelque chose d'autres ou du manque de sérieux -
qu'un groupement devrait être considéré?
Le Président (M. Garon): Comme le temps dévolu est
terminé, je vais demander au député de La Prairie de
prendre la parole parce que, autrement, on est déjà beaucoup en
retard. J'aimerais faire remarquer aux députés aussi que,
lorsqu'ils parlent, Ils doivent s'adresser toujours à la
présidence, éviter le dialogue et, deuxièmement, ne pas
nommer leurs collègues par leur nom. Ils représentent des
comtés, ils doivent toujours être appelés par leur nom de
comté pour éviter la personnalisation des débats. M. le
député de La Prairie.
M. Bergeron: C'est une marque d'estime qui m'a fait faire
ça, M. le Président.
M. Lazure: Merci, M. le Président et député
de Lévis. Je veux féliciter, au nom de l'Opposition, le groupe de
l'ACFAS pour sa présentation et saluer M. Delisle, M. André et M.
Parenteau. C'est rafraîchissant d'entendre le son de cloche qu'on vient
d'entendre, notamment sur l'apport, la contribution du public lors des
audiences. On est habitué à entendre parler du public comme d'un
empêcheur de tourner en rond quand il se rend aux audiences. On a
été habitué, malheureusement par trop de promoteurs et
certains secteurs de la société, à considérer le
public comme des gens qui viennent déranger. C'est une contribution
assez originale que vous faites à nos discussions aujourd'hui. J'aime
beaucoup cette notion que le public vient rendre service aux promoteurs. Je
retiens aussi votre remarque, parce que je la partage à 100 %, à
l'effet que les grosses briques préparées par des consultants,
par des maisons, sont à peu près inutiles, au moins à 50 %
sinon à 75 %. Je pense que, ça, ce n'est pas dénigrer
l'apport technique, mais c'est donner la place qui revient à l'apport
humain.
J'aime beaucoup aussi, à la page 5 de votre mémoire, votre
paragraphe sur le BAPE, lorsque vous dites: Le BAPE a pour mandat principal
d'être à l'écoute des citoyens et citoyennes et de faire
rapport de leurs avis. Il évalue les études qui lui sont soumises
et enquête seulement à la demande du ministre et, pour ce faire,
il convient que le BAPE soit associé à l'ensemble de la
procédure, qu'il préserve sa neutralité, que sa fonction
de consultation soit mise en évidence et valorisée. C'est
intéressant. C'est une des rares fois, en tout cas, moi, dans ma vie de
parlementaire, où je vois l'ACFAS venir participer à une
commission comme celle-ci. Je suis très content de voir cette
évolution au sein de votre Association qui a déjà beaucoup
de prestige à d'autres égards et qui s'implique dans ce genre de
consultation publique. C'est une participation, celle des professeurs, des
chercheurs, qui a manqué jusqu'ici. Vous avez l'avantage de nous donner
un point de vue qui a une certaine distance par rapport aux
intérêts immédiats, aux intérêts particuliers
de chaque groupe. Alors, tout ça pour dire que, de ce
côté-ci de la table en tout cas - et je pense de l'autre
côté aussi -on est très, très content de cette
orientation relativement nouvelle de l'ACFAS.
Si on passe aux recommandations, moi, je n'ai vraiment pas de
difficulté à accepter presque
totalement vos recommandations. Peut-être quelques clarifications.
Dès la première, vous apportez ici un ajout à la mise en
vigueur de Lacoste. Vous dites: "De plus, certains projets agricoles
actuellement exclus devraient être assujettis au processus
d'évaluation." Est-ce que vous avez en tête quelque chose de
précis? Mon collègue d'Ar-thabaska voudrait enchaîner aussi
avec d'autres questions. Dans le secteur agricole, aviez-vous des projets
particuliers en tête?
M. André: Je devrai admettre que vous nous posez une
question piège. Nous étions cinq sur notre comité et cette
recommandation-là, dans l'auto, on s'est demandé justement
qu'est-ce qu'on voulait vraiment dire. C'est probablement un de nos trois
autres collègues...
M. Lazure: Non, ce n'est pas...
M. André: ...qui a appuyé sur ce point. Je dois
admettre...
M. Lazure: Ce n'est vraiment pas voulu pour être un
piège.
M. André: Je dois l'admettre, je ne pourrais pas vous
dire.
Le Président (M. Garon): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Je ne sais pas si, en consultation avec vos
collègues, vous pourriez fournir à la commission, par
écrit, justement ce qu'on voulait dire par cet...
M. André: Oui, ce sera un plaisir. Une voix:
Certainement. M. Baril: Oui? Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Dans un autre
ordre d'idées, juste pour avoir vos réactions, un autre groupe
nous a parlé des projets récréotouristiques, genre mont
Pinacle, par exemple. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus,
d'inclure certains projets récréotouristiques à la
procédure d'évaluation?
M. André: Oui, on a discuté de cette question.
Disons tout d'abord que le groupe que nous représentons n'a pas voulu se
pencher sur les projets qui devaient être assujettis ou non, mais on a
quand même pensé aux projets récréotouristiques. Ce
qui nous tracasse, c'est que dans une municipalité donnée, quelle
qu'elle soit, ce n'est jamais un projet récréotouristique. C'est
un ensemble de petits projets récréotouristiques qui viennent
comme s'ajouter aux effets cumulatifs très difficiles à cerner et
à peu près presque inconsidérables par l'entreprise
privée, par l'entrepreneur lui-même. Comment considérer
cette problématique des effets cumulatifs sur le public local, sur les
aspects récréotouristiques locaux? Disons qu'on est mal à
l'aise avec ça et, du même coup, on se demanderait où
est-ce qu'il faut arrêter dans ce qu'on accepte à la
procédure 31 et suivantes par rapport à la 22. On n'est pas
à l'aise pour vous recommander, mettons, les projets
récréotouristiques, personnellement.
M. Parenteau: J'aimerais ajouter quelque chose là-dessus
et ça fait partie de la réflexion qu'on doit faire quand on
évalue la procédure québécoise actuellement,
après près de plus de 10 ans d'existence. Il y a 10 ans, quand on
parlait d'évaluation d'impact environnemental, on avait une notion assez
étroite. On pensait à des grands projets affectant le milieu
naturel. C'est surtout à ça qu'on pensait. Maintenant, dans les
colloques, les conférences, dans les cours à l'université,
les programmes de recherche, la préoccupation se développe
nettement vers le milieu humain et vers le milieu urbain. Mes collègues
et moi-même qui travaillons sur ces sujets-là depuis des
années, ces années-ci, on ne travaille que sur des questions
d'environnement urbain et d'impact sur le milieu urbain. Des projets urbains -
je pense qu'il faut faire une réflexion un petit peu plus large - ce
n'est pas simplement les projets récréotouristiques. Ce sont les
grands ensembles résidentiels, les grandes surfaces construites en
milieu urbain, les grands espaces de stationnement, par exemple, qui ont les
effets polluants qu'on connaît maintenant et des fols dangereux, une
série d'interventions sur la ville. C'est donc quand on va
redéfinir les classes de projets ou les groupes de projets soumis
à leur procédure qu'il va falloir, je pense, se pencher
sérieusement sur l'orientation d'une procédure plus axée
vers les urbains et le milieu urbain. J'avoue qu'on travaille beaucoup
là-dessus, on n'est pas les seuls, mais il n'y a pas de réponse
sûre. L'orientation est dans ce sens-là.
M. Lazure: II faudrait qu'un lien se fasse, à un moment
donné, pour poursuivre votre raisonnement, avec la loi de
l'aménagement. Je prends note que vous seriez un consultant à
voir sur une orientation comme celle-là. Mais je reviens aux
recommandations précises de votre mémoire. La notion que le
public doit intervenir très tôt, au moment de l'élaboration
même de la directive, que ses préoccupations soient prises en
considération, par quels mécanismes vous proposeriez de faire
ça?
M. Parenteau: Je pense qu'on peut s'inspirer des
procédures qui existent et qui font ça. Il y en a plusieurs au
Canada. Le public est consulte
par la commission qui fera l'audience publique, par la commission sur la
rédaction des directives. Ça peut se faire sous forme
d'assemblée communautaire. Ça répond peut-être
indirectement à une question à laquelle on n'a pas
répondu, en ce sens qu'on va chercher les gens qui ont vraiment quelque
chose à apporter. L'information qui va ajouter à la directive,
ça peut se faire par réunion technique avec des experts qui
représentent des régions ou des groupes particuliers. Les
mécanismes de consultation, dans la procédure
fédérale, sont très, très, très
élaborés. On les connaît. Je pense qu'on peut faire plus
réduit que ça.
Dans notre mémoire, on considère que le BAPE devrait
être aussi associé à la rédaction des directives.
Personnellement, je pense que le BAPE, qui a l'exercice et une très
grande habileté, une expérience dans la consultation du public,
pourrait facilement prévoir une procédure de consultation du
public pour la rédaction des directives.
M. Lazure: Donc, vous n'êtes pas tellement
impressionné par l'argument: Bien, à ce moment-là, le BAPE
va être juge et partie.
M. Parenteau: Je pense que le BAPE est l'instance qui consulte la
population. Il doit fournir la meilleure information au public pour que le
public participe à une vraie consultation et ajoute vraiment de
l'information. Il est dans son Intérêt que l'étude d'impact
soit faite de façon à répondre aux vraies
préoccupations du public et aux vrais enjeux qui sont
soulevés.
M. Lazure: Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les
représentants de l'Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences de leur témoignage. Je vais suspendre les
travaux de la commission pendant quelques instants, le temps de changer
d'interlocuteurs, pour appeler maintenant Hydro-Pontiac inc. à venir
nous rejoindre à la table des délibérations.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprisée 11 h 14)
Le Président (M. Garon): La commission reprend ses
travaux. M. Gilles Rivard représente Hydro-Pontiac avec un groupe de
personnes. J'aimerais ça pouvoir avoir un peu le silence autour de la
table pour entendre nos interlocuteurs. M. Rivard, vous avez une demi-heure,
c'est-à-dire normalement 10 minutes pour présenter votre
mémoire, 10 minutes pour le parti ministériel, 10 minutes pour
l'Opposition officielle. Si vous voulez vous présenter vous-même
et l'équipe qui vous entoure. Je vous remercie.
Hydro-Pontiac
M. Rivard (Gilles): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, mon nom est Gilles Rivard. Je suis avocat. Je représente la
compagnie Hydro-Pontiac tant en tant que procureur que son président. Je
suis accompagné ici, aujourd'hui, de M. André Rondenay, un
ingénieur du groupe LGL de Montréal, M. Roger Gravel, de la
même firme d'ingénierie, LGL, et M. Robert Daigneault, procureur
de la compagnie à Montréal.
Vous me permettrez de donner un bref historique de la compagnie
Hydro-Pontiac. Hydro-Pontiac est une corporation incorporée en vertu des
lois du Québec et qui a acquis les actifs de sa compagnie mère,
GM Holdings de Toronto, pour concentrer les opérations
hydroélectriques et les autres opérations d'une autre compagnie
relativement à la régulation des eaux sur la rivière
Coulonge. Laissez-moi vous dire que notre corporation détient un pouvoir
hydroélectrique qui est en opération depuis 1908 et qui dessert
au Québec au-delà de 1800 clients. C'est avec cette
expérience et ce know-how, vu que nous étions
propriétaires des forces hydrauliques aux chutes Coulonge, que nous
avons envisagé de développer les forces hydrauliques à la
rivière Coulonge, en espérant pouvoir construire une usine
hydroélectrique pouvant produire 17 mégawatts.
Nous sommes venus ici, je dirais, en toute objectivité - nous
espérons que vous allez percevoir, comme nous, notre objectivité
- et en vous disant l'expérience que nous avons vécue et que nous
vivons à la suite de notre demande de développer les chutes
Coulonge, à Fort-Coulonge. Effectivement, je vous soumets
respectueusement que la réglementation et la législation du
ministère de l'Environnement ne sont certainement pas faites pour les
petits promoteurs d'usines hydroélectriques au Québec.
Vous verrez que, pour 17 mégawatts, nous avons dû assumer 2
000 000 $ pour la préparation des études d'impact. Au cours de
cette étude d'impact, on nous a même demandé de produire
des plans qui, je pourrais dire, sont des plans complets, parce que ce sont les
plans qui vont servir pour l'appel d'offres auprès de différents
entrepreneurs du Québec. Ceci étant dit, je vais passer la parole
à M. André Rondenay, qui va vous dire quelles sortes de demandes
nous avons eues, dans le but de préparer notre étude
préliminaire de l'étude d'impact.
M. Rondenay (André): Disons que notre mémoire...
Dans la procédure de révision des évaluations
environnementales, nous voudrions insister sur trois points qui sont:
l'envergure de la directive, la durée de la procédure et la
portée de l'étude. Vous avez vu dans notre mémoire la
durée. Ça fait déjà deux ans que nous avons
déposé l'avis de projet et nous
n'avons pas beaucoup avancé. C'est une sorte de jeu de ping-pong.
On a des directives. On soumet un rapport. On reçoit une série de
commentaires qui sont finalement une autre série de directives. On
resoumet des réponses. On reçoit une deuxième série
de commentaires. C'est un processus dont on ne voit pas la fin. Donc, on pense
qu'il y a déjà une... Il faudrait mettre un frein, une borne dans
le temps aux études d'impact.
La deuxième chose, c'est l'envergure de la directive. L'envergure
couvre des domaines absolument hors de proportion avec un petit projet. On nous
a demandé, par exemple, de justifier, pour 17 mégawatts, quelle
était la durée de satisfaction de la demande, le nombre
d'années que ce projet pourrait satisfaire la demande du Québec.
C'est tout à fait exagéré. L'effet des tours micro-ondes
sur la mortalité... Enfin, il y a plusieurs exemples comme ça.
Donc, on a l'impression qu'on nous a forcés à faire un rapport
d'impact qui est plus un mémoire politico - pas politico, excusez-moi -
économico, socio, biolo-gico, physico, de toute une région. Et
nous pensons que c'est tout à fait disproportionné avec un projet
comme celui-là.
La troisième chose, c'a été la portée de
l'étude. Nous avons commencé par faire une étude des
directives qui couvraient l'ensemble du bassin de la rivière Coulonge,
c'est-à-dire un territoire d'environ 5000 kilomètres
carrés, pour découvrir, après les avis légaux, que
ce qui était réellement assujetti était la centrale avec
sa prise d'eau. C'est-à-dire qu'on a commencé par faire une
étude d'impact, comme vous le souligniez d'ailleurs tout à
l'heure, volumineuse et inutile pour un projet qui était finalement
extrêmement limité. Tout ça s'accompagne évidemment
de coûts extrêmement élevés, de délais
très grands.
Nos recommandations viseraient donc, d'une part, à obtenir des
directives réalistes qui s'appliquent au projet et qui ne viennent pas,
il nous semblerait, d'une espèce de banque de directives. C'est un
projet hydroélectrique, alors on sort un dossier projet
hydroélectrique et on l'envoie dans le circuit. Je pense qu'il faudrait
pondérer, juger le projet et, d'autre part, nous pensons qu'il faudrait
qu'il y ait des délais pour que... Nous suggérerions qu'à
un moment donné le promoteur puisse avoir l'assurance que son projet est
acceptable au point de vue environnemental et que le promoteur puisse continuer
à investir de l'argent, sachant que son projet va déboucher.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons aucune assurance que ce projet va
déboucher, après plus de deux ans d'études et plus de 2
000 000 $ de dépensés.
Voilà, je pense, le point sur le projet de Coulonge.
M. Rivard (Gilles): Cela étant dit, nous sommes
prêts à répondre aux questions que vous pourriez nous
poser.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
souhaiter la bienvenue, au nom de mes collègues ministériels, et
j'aurais presque envie de vous dire: Mes sympathies!
M. Rivard (Gilles): Madame, vous n'avez pas vu de larmes lorsque
j'ai rédigé ça, mais soyez assurée qu'il y en avait
beaucoup.
Mme Pelchat: Bien, je peux vous dire que, moi, quand j'ai lu
votre mémoire, je ne dis pas que j'ai versé des larmes, mais je
lisais ça et je me disais: Si le déroulement qui est inscrit dans
le mémoire est exact, je sympathise avec vous et je dois vous dire qu'en
tout cas on a trouvé ça - on a eu l'occasion d'en parler entre
collègues - pas très, très drôle, pas très
jojo, comme on dit.
M. Rivard (Gilles): Madame, je peux vous dire... Est-ce que je
pourrais me permettre immédiatement de faire un commentaire avant que
vous me posiez une question?
Mme Pelchat: Oui, oui, allez-y, M. Rivard.
M. Rivard (Gilles): Laissez-moi vous dire que les actionnaires
que je représente sont une famille qui détient un pouvoir
hydroélectrique depuis 1908 au Québec et qui s'est mariée
avec une grosse institution financière du pays pour pouvoir
développer les petites centrales au Québec. Tout le monde sait
que l'institution financière qui se spécialise dans le
financement des usines hydroélectriques au pays, c'est la Banque
impériale de commerce, qui voulait nécessairement contribuer
d'une façon tangible au financement de différents projets dans la
province de Québec.
Nous avons produit, comme c'est marqué tout à l'heure, au
mois d'août 1991, notre version finale. Présentement, on est
informés... Premièrement, je ne voudrais pas... On est
informés qu'il nous resterait un point à soulever,
c'est-à-dire à élucider, à partir du moment
où on va nous demander si le chemin qui part de la route principale qui
va à la centrale sur quelques centaines de pieds, peut-être, je
dirais 1000 pieds, pour ne pas exagérer et ne pas trop minimiser non
plus, si ce chemin-là serait sujet, dans l'étude d'impact,
à une nouvelle étude d'impact où on seraient
obligés d'avoir recours aux archéologues. Je vais vous dire
honnêtement, on est quasiment découragés et, n'eût
été l'argent déjà investi dans le projet, jamais,
jamais nous n'aurions fait ce qui a été fait jusqu'à
maintenant.
Mme Pelchat: Est-ce que, M. Rivard... D'ailleurs, c'est la raison
pour laquelle on tient
cette commission parlementaire là, parce que je ne pense pas
qu'il y ait personne qui remette en question la pertinence de fa
procédure ou de faire des évaluations d'impact. Mais je pense que
plusieurs personnes, comme vous, sont venues nous dire que les délais
sont démesurés, ça n'a pas de bon sens. La directive
aussi, la portée de la directive est souvent trop large, une directive
pas suffisamment précise, très vaste et qui, comme vous le dites,
fait référence souvent à de grands, grands projets et pour
des petits projets, c'est la même directive.
Est-ce que, quand Hydro-Pontiac a décidé de faire ce
projet, est-ce que vous saviez un peu à quoi vous attendre au niveau de
la procédure d'évaluation d'impact puisque, comme vous le dites
dans le mémoire, vous êtes probablement la première
entreprise privée à s'être soumise à la
procédure? Est-ce que vous vous attendiez... Est-ce que vous saviez un
peu à quoi vous attendre?
M. Rivard (Gilles): Madame, je peux vous dire ce qui suit.
Premièrement, la rivière Coulon-ge est la meilleure
rivière au Québec au point de vue de développement
hydroélectrique. Nous avons eu recours à des experts mondiaux,
entre autres - mais, malheureusement, il n'est pas ici aujourd'hui - M. Drouin.
L'ingénieur Drouin, qui est à la firme LGL, est un expert de
renommée internationale. Même, aujourd'hui, il est à une
réunion Internationale des grands barrages, laquelle réunion a
été fixée à la Baie James depuis un an.
Effectivement, nous avons eu recours aux meilleurs experts et d'aucune
façon on n'avait anticipé ce genre d'études. On n'avait
pas anticipé, madame, qu'on était pour nous demander
d'étudier le bassin de la rivière Coulonge, on n'avait pas
anticipé qu'on était pour nous parler des hérons, on
n'avait pas anticipé qu'on était pour nous parler des baleines et
on n'avait pas anticipé non plus qu'on était pour nous demander
des inventaires des lacs.
Mme Pelchat: Mais pourquoi pensez-vous, M. Rivard, qu'on vous a
demandé ce genre de choses là?
M. Rivard (Gilles): Pardon?
Mme Pelchat: Pourquoi croyez-vous que le ministère de
l'Environnement... J'imagine que ce sont dans les étapes quand vous avez
déposé votre directive, c'est-à-dire l'étude
d'impact préliminaire. On est revenu avec des questions sur, par
exemple... Vous parliez tantôt des tours micro-ondes, l'effet des tours
micro-ondes sur la mortalité des oiseaux migrateurs. Pourquoi
croyez-vous que le ministère de l'Environnement, les gens de la
Direction des évaluations environnementales vous ont demandé ces
choses-là?
M. Rivard (Gilles): Madame, je peux vous dire ce qui suit. Je
vais vous donner mon opinion personnelle, mais je pense bien que mon opinion
personnelle, premièrement, reflète la conviction de mes
collègues également. Lorsque vous déposez une demande
d'étude d'impact comme celle-là, c'est reflété dans
différents ministères. Je peux vous dire que les
différents ministères, n'ayant pas les ressources
nécessaires pour avoir des éclaircissements ou des détails
sur certaines données qui existent dans une région, saisissent
l'occasion, justement, pour faire faire cette étude-là et
notamment, je dirais, le MLCP.
M. Rondenay: Je peux ajouter un point là-dessus?
M. Rivard (Gilles): Oui, allez-y. Mme Pelchat: Oui.
M. Rondenay: Je pense aussi... La réponse qui nous a
été donnée, c'est la crainte du public. Le
ministère a peur que l'étude ne soit pas assez complète,
extensive et que quelqu'un dans le public vienne critiquer l'étude
d'impact et publique aux groupes de pression, d'ailleurs. Ce serait une des
raisons qui justifieraient ceci.
M. Gravel (Roger): Je pourrais ajouter que, le public, on n'a pas
du tout peur du public. Je suis convaincu que tout le monde souhaite, dans la
région de Pontiac, un tel développement. À un moment
donné, il y a eu une crainte à l'effet de savoir si,
effectivement, la municipalité de Fort-Coulonge aurait un
approvisionnement d'eau nécessaire à la consommation hebdomadaire
des citoyens de la municipalité. Dans notre étude d'impact et
dans notre projet, premièrement, nous avons besoin de deux
réservoirs et nous avons prévu deux réservoirs
additionnels, premièrement, pour l'esthétique de la chute
à l'occasion de la construction. Nous allons construire, nous allons
accommoder la MRC dans son développement d'attraits touristiques et non
seulement ça, nous voulons nous assurer qu'il y aura toujours de l'eau
dans la chute et jamais... Non seulement ça, l'eau qui sera dans la
chute, une fois le projet réalisé, sera plus abondante qu'elle ne
l'a jamais été dans des conditions naturelles. (11 h 30)
Mme Pelchat: Je comprends, M. Rivard, que vous n'avez pas peur
des audiences publiques, parce que ça ne peut pas être pire
qu'avec le ministère de l'Environnement, si je comprends bien le
mémoire. Ça fait deux ans que vous en êtes à
l'étape du dépôt de l'étude d'impact et vous n'avez
même pas encore votre certificat de recevabilité. Le rapport
Lacoste dit que 55 % ou 65 % du temps consommé à la
procédure est normalement dû au promoteur, à
l'élaboration de l'étude d'impact, sauf que quand on regarde
votre feuille de route à vous, on s'aperçoit que ça vous a
pris cinq mois pour déposer votre étude d'impact et les autres
délais sont impu-
tables au ministère de l'Environnement.
Quand vous dites que le MLCP n'a peut-être pas les ressources
nécessaires, vous semblez dire la même chose de la part du
ministère de l'Environnement. Et ça, ça me touche
particulièrement. Je sais qu'on est souvent très
sévère à l'égard des fonctionnaires. Mais ce
paragraphe-là... Vous me permettrez de le lire et vous me direz si vous
le pensez toujours et si vous croyez que... En tout cas, vous m'expliquerez
comment vous vous en êtes finalement sorti, parce qu'à la page 5
vous dites: "Cette suggestion implique en corollaire que les directives soient
préparées par un personnel ayant des connaissances
appropriées pour le type de projet concerné, ce qui ne semble pas
être le cas actuellement."
Et, plus loin, vous ajoutez: "Au bout du compte, le promoteur a
l'impression que son dossier est jugé par des amateurs". C'est
très sévère comme jugement pour les fonctionnaires du
ministère de l'Environnement.
M. Rivard (Gilles): Oui, je suis particulièrement... Je
sais que c'est très sévère.
Mme Pelchat: Oui, il y en a des fonctionnaires ici...
M. Rivard (Gilles): Mais, madame, soyez assurée que je
n'ai pas nécessairement... Nous n'avons pas nécessairement
rédigé ce mémoire pour envoyer des fleurs. Nous ne devions
pas en envoyer, des fleurs. Et, madame, si vous voulez avoir une réponse
à cette question-là, je vais passer la parole à M.
Rondenay.
M. Rondenay: Vous me demandez si on pense toujours ça
maintenant. Je dirais qu'il y a peut-être un peu de frustration dans ce
paragraphe, parce que nous étions un peu les premiers. Mais nous pensons
quand même que les directives - nous revenons là-dessus -
devraient être absolument analysées par... Je ne sais pas s'il
faut mettre, par exemple, un comité d'arbitrage, à la limite,
où on aurait pu se présenter pour aller discuter des directives,
ou une commission quelconque, mais il nous paraît difficile de recevoir,
comme ça, des directives extensives et de ne plus savoir quoi faire
avec.
Le Président (M. Garon): Merci. La parole est au
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux féliciter M. Rivard et ses collègues pour avoir eu la
franchise et le courage, et aussi la détermination, de venir nous dire
exactement ce qui s'est passé. C'est accablant. Quand j'ai lu ça,
j'ai sursauté à plusieurs reprises. Ça démontre le
ridicule d'une situation où une procédure d'évaluation,
qui a été essentiellement dessinée puis
élaborée pour des grands projets ou des moyens projets, n'a pas
vraiment son application et n'a pas été adaptée à
des petits projets. Et puisque le gouvernement choisit de ne pas l'utiliser
pour les grands projets, ce pourquoi elle a été dessinée,
les artisans, les fonctionnaires, j'imagine qu'ils sont frustrés, au
fond, de ne pas appliquer leur procédure aux grands projets. Et,
à ce moment-là, les petits projets deviennent un peu la cible de
toute cette frustration. Ils deviennent la cible d'une frustration.
Vous êtes frustrés, les fonctionnaires sont
frustrés. En tout cas, l'Opposition est frustrée, ça, je
peux vous le dire, et le parti ministériel aussi. On va probablement
avoir, la semaine prochaine - je pense à la dernière
séance - le ministre de l'Environnement et les fonctionnaires. Et moi,
j'ai bien hâte de voir ce qu'Us vont avoir à répondre
à ce vécu que vous nous décrivez ce matin. J'ai bien
hâte de pouvoir leur poser des questions, parce que c'est absolument
scandaleux. Et une situation aberrante comme celle-là démontre un
manque de leadership dans le ministère.
Ce n'est pas simplement un manque de leadership. Ah! je m'excuse, mais
je suis obligé de le dire! Je vais essayer d'être le moins
partisan possible, parce que, jusqu'ici, on a eu un consensus de la commission,
des deux côtés de la table. Mais s'il y avait un minimum de
leadership dans ce ministère-là, leadership politique et ensuite
leadership administratif, on n'aurait pas des situations scandaleuses comme
celles-là. Parce que ça doit être connu dans le
ministère, non seulement des fonctionnaires qui vous posent des
questions sur le vécu archéologique du petit bout de route
là qui va nécessiter un archéologue - entre
parenthèses, moi, je pense que ça nécessiterait
peut-être un psychologue ou même un psychiatre pour les gens qui
vous posent ces questions-là!
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Êtes-vous volontaire?
M. Lazure: Oui, oui, oui. Mais, moi, je pense qu'il va falloir,
à un moment donné, que dans cette boîte-là les chefs
jouent leur rôle de chef, à partir du ministre, du sous-ministre,
des chefs de service, parce que ça n'a pas de bon sens d'accabler une
petite entreprise comme la vôtre non seulement de dépenses mais de
temps perdu. Et, moi, je pense que l'on doit vous féliciter parce que,
finalement, vous avez beaucoup de retenue. J'en aurais moins que vous en avez
eu dans une situation comme celle-là.
J'ai quelques questions. Justement, pour des projets assez particuliers,
assez homogènes comme ça et modestes - d'autres nous ont
parlé de la procédure des études génériques,
des études sectorielles, si vous voulez, ou une procédure
d'évaluation pour un secteur d'activité don-
né - disons les petits barrages, les petites centrales, est-ce
que vous pensez que ça aurait une application dans votre cas, une
étude générique sur les petites centrales?
M. Rivard (Gilles): je vais demander à m. oaigneault,
procureur de la compagnie à montréal, de répondre à
ça, à cette question, m. le député.
M. Daigneault (Robert): Je pense qu'on se connaît
déjà. Justement, en Ontario, il y a l'expérience des
"class environmental assessment" qui se fait justement actuellement sur les
petits projets hydroélectriques, et qui pourrait être une formule
intéressante.
Ce projet-là pose deux questions. Il y a aussi toute la question
des programmes. Il y a un programme ici. Ça, c'est juste un
élément, mais le programme échappe au promoteur. Ce n'est
pas de son ressort, en quelque sorte. Alors, il y aurait certainement quelque
chose à regarder de ce côté-là, et peut-être
qu'on peut déjà dans la loi, avec la possibilité pour le
BAPE d'enquêter sur toute question que lui soumet le ministre, commencer
un exercice dans ce sens-là.
M. Lazure: Absolument. La loi permet au ministre de
préciser, de donner un mandat au BAPE de faire une étude
générique, de faire à peu près n'importe quoi, mais
encore faut-il qu'il ait recours à cet article, et il y recourt
très rarement.
Juste une dernière chose, M. le Président. Vous disiez
tantôt, messieurs, que vous n'avez pas peur du public, et je pense que
vous avez raison de dire ça. Puis probablement que le public n'a pas
peur de vous non plus.
M. Daigneault: On n'a pas de problèmes.
M. Lazure: Non plus. Alors, raison de plus, justement. Je pense
que votre expérience est un cas intéressant où on aurait
intérêt à impliquer le public dès le début.
Un groupe avant vous en a parlé tantôt. Si le public avait
été impliqué, consulté, dès votre avis au
ministère, et consulté lors de la rédaction de la
directive du ministère, peut-être que le public aurait fait
comprendre au ministère que ça n'avait pas d'allure de demander
certaines choses. Alors, vous seriez favorables à ce que le public soit
impliqué dès le départ, si je comprends bien?
M. Rivard (Gilles): Oui, parce qu'on estime, M. le
député, qu'effectivement, si le public avait été
impliqué dès le départ, on aurait su les différents
points auxquels on devait répondre et présentement nous serions
en chantier. Avec la permission du président, j'aimerais ajouter un
commentaire. Je ne suis pas ici pour voir si effectivement il y a absence de
leadership de la part du ministère. Je peux juste vous dire que je crois
que les fonctionnaires, ou ceux qui étudient les programmes, sont
astreints à une réglementation qui n'est pas adaptée aux
petits projets tels que le nôtre.
Et pour répondre à Mme la députée qui m'a
posé une question et qui ajoutait que peut-être nous avions
été sévères pour la personne qui... Je voudrais y
répondre. Nous avons peut-être été
sévères pour la personne qui étudiait notre projet. Il
s'agit d'un projet hydroélectrique, et lorsque nous discutions de vannes
et de retenue d'eau, madame, malheureusement, la personne qui était
chargée du projet ne savait pas de quoi on parlait parce que sa
formation était une formation de chimiste et elle n'avait aucune
conception, aucune connaissance technique d'un projet ou d'une usine
hydroélectrique.
M. Lazure: Juste une dernière réaction, M. Rivard.
Vous dites: Ce n'est peut-être pas le problème des fonctionnaires,
c'est peut-être parce que la réglementation est inadaptée.
Elle est inadaptée, la réglementation, mais attention! À
la section III, l'article 3, les paramètres pour les études
d'impact, c'est le verbe "peut" qui est utilisé. Le fonctionnaire a le
loisir de demander seulement les choses pertinentes. C'est "peut". Ce n'est pas
dit "doit", c'est dit "peut". Alors, je pense qu'il y a place à la
discrimination et au jugement de chaque individu, à ce moment-là.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Je voudrais remercier les
représentants d'Hydro-Pontiac, avec en tête le président,
Me Gilles Rivard, d'être venus nous rencontrer.
Je suspends maintenant les travaux de la commission pour quelques
instants. J'appelle M. Roger Nicolet de l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales du
Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise à 11 h 43)
Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos travaux. Je
vais dire à M. Nicolet qu'il a une heure. Comme il est familier avec les
commissions parlementaires, il sait qu'il a le tiers du temps, le tiers aux
libéraux, le tiers aux partis de l'Opposition. À vous la parole,
M. Nicolet.
Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales du Québec
M. Nicolet (Roger): Merci, M. le Président. J'aimerais
tout d'abord, si vous me le permettez, saluer Mmes, MM. les membres de cette
commission et vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir ce matin
et de nous avoir invités à présenter notre
mémoire.
Je pense que, pour le faire de façon aussi succincte que
possible, il est important de rappeler que, fondamentalement, ce que l'UMRCQ
véhicule ici, c'est la volonté de ses membres des
municipalités qui la constituent, quelque 1280 municipalités au
Québec, de s'impliquer activement dans la démarche collective de
protection de l'environnement.
À cet égard, nous avons insisté sur trois principes
et trois points principaux que nous avons essayé de développer
tout au long de ce mémoire et qui forment la base de notre analyse.
Premièrement, nous insistons sur la transparence du processus
décisionnel et l'importance d'y prévoir une participation pleine
et entière des citoyens; deuxièmement, sur l'insuffisance de la
participation des municipalités locales et régionales dans la
prise de décision affectant l'environnement, ainsi que sur la
nécessité de redéfinir le partage des
responsabilités entre l'administration centrale et les
municipalités sur une base pragmatique et fonctionnelle. Finalement, en
troisième lieu, nous commenterons quelques points soulevés par le
rapport Lacoste, notamment le problème de crédibilité
associé à la production des études d'impact par le
promoteur.
Plus spécifiquement sur ce premier volet que je vous ai
mentionné, nous aimerions aborder la question de la participation du
citoyen au processus. Il n'est plus possible, selon notre lecture de la
situation politique au Québec, de parler de développement de
grands projets sans, au préalable, informer les citoyens
concernés et leur permettre de faire valoir leur point de vue.
Cette règle fondamentale, qui relève à la fois d'un
souci d'équité et de bonne administration, est consacrée
législativement dans la Loi sur la qualité de l'environnement en
ce qui concerne les projets assujettis à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, mais certains
obstacles ou pratiques viennent limiter considérablement la
participation du public ou son efficacité. Et, en particulier, je me
réfère au défaut d'entrée en vigueur des
paragraphes bien connus de l'article 2 du règlement sur
l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, ce qui a pour
effet d'empêcher le public de se faire entendre sur les impacts
environnementaux des projets industriels par l'intermédiaire du
BAPE.
Dans un deuxième temps, toujours au niveau de la
problématique, j'aimerais insister sur l'importance de la participation
de la population et du droit qu'elle doit pouvoir exercer face aux
différentes études et aux différentes consultations qui
sont faites au public. Ces difficultés, je pense, relèvent...
Cette difficulté de la participation est attribuable en grande partie
aux coûts associés à l'implication des différents
groupes environnementaux dans les audiences tenues par le BAPE. Il y a
certainement une problématique de disparité entre les ressources
humaines, les ressources financières des dif- férents groupes
face au promoteur, et le déséquilibre qui en résulte ne
peut que miner la crédibilité du processus.
Nous aimerions également mentionner le problème que
soulève la participation tardive du public dans le processus de
consultation. N'étant pas consultés au stade de
l'élaboration de la directive d'étude d'impact, ils ne peuvent
exprimer leurs préoccupations, ni énoncer leurs
particularités qui, selon eux, devraient être prises en
considération. On notera qu'ils ne sont pas non plus informés du
suivi ni des modifications qui ont pu être apportées au projet
autorisé par le gouvernement.
Finalement, toujours au niveau des problèmes, pour ce qui est des
projets non assujettis, nous aimerions souligner la participation des citoyens
qui est quasi inexistante. La forte tendance du ministère de recourir
à la négociation avec l'industrie, tant au stade de
l'élaboration que de l'application des normes environnementales, ainsi
que le mode d'octroi des certificats d'autorisation du ministère ont
largement pour effet d'exclure le public du processus décisionnel.
Pratiquement, donc, nous avons un certain nombre de suggestions à
faire à ce sujet et j'aimerais les énumérer dans l'ordre
d'importance, selon nous. Premièrement, il s'agirait d'élargir
l'application de la procédure en favorisant l'entrée en vigueur -
et là, je les énumère - des paragraphes g, n, p et du
deuxième alinéa du paragraphe j de l'article 2 du
règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement afin d'assujettir les projets industriels à la
procédure.
Deuxièmement, que les modifications soient apportées afin
d'assurer que les citoyens concernés puissent participer pleinement au
processus d'étude d'impact, notamment les consulter dès le
dépôt de l'avis, pour qu'ils puissent participer à
l'élaboration de la directive et, à ce sujet, nous aimerions
relever que le gouvernement fédéral, quant à lui, dans ses
lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en
matière environnementale, a déjà adopté un
processus tel que celui que nous préconisons.
Dans un troisième temps, nous recommandons de rendre accessible
au public l'analyse environnementale du ministère de l'Environnement
avant le début de l'audience publique.
Toujours au niveau des recommandations, il nous semble important
d'étudier la possibilité de faire participer le public au
processus d'élaboration des normes et politiques environnementales et,
le cas échéant, au processus de négociation avec
l'industrie, ce qui permettrait de créer un cadre dans lequel les
autorités compétentes seraient en mesure de mieux planifier leurs
actions tout en offrant aux citoyens l'opportunité de s'impliquer
davantage et à moindre coût dans le processus de protection de
l'environnement. Mentionnons que la loi canadienne, toujours, sur la protection
de l'environnement, a des disposi-
fions en ce sens et qui prévoient expressément,
premièrement, une procédure de prépublication de projet de
règlement et de décret, deuxièmement, un délai au
cours duquel toute personne intéressée peut présenter un
avis d'opposition et demander la tenue d'une enquête par la commission de
révision. Finalement, nous croyons que les moyens devraient être
pris pour informer adéquatement les citoyens du suivi et de l'inspection
des projets qui ont obtenu l'autorisation du gouvernement.
Pour ce qui est du deuxième volet de notre présentation, a
savoir la participation des municipalités, il y a un large recoupement
entre ce que je viens d'énoncer succinctement concernant la
participation du public et l'implication municipale, fondamentalement parce que
ce qui s'applique au public s'applique aussi à leur porte-parole le plus
immédiat, en l'occurrence, leur gouvernement et leur instance
municipale. La présence des administrations municipales sur leur
territoire les rend plus proches de la population et mieux placés pour
évaluer l'état de leur milieu physique et les retombées
sociales des projets soumis. Les municipalités ne sont que partiellement
ou tardivement associées au processus décisionnel, et ce,
semble-t-il, contrairement aux attentes des citoyens qui souhaiteraient une
participation accrue des élus municipaux au processus d'étude
d'impact.
Ainsi, dans une étude réalisée par le professeur
Parenteau sur la participation du public aux décisions en
aménagement, l'auteur, après avoir compilé les
requêtes présentées par le public lors d'audiences sur des
grands projets d'aménagement des cours d'eau en milieu urbain, conclut
que - et je cite - "le public se retrouve dans les représentants
élus des collectivités locales. Il exigera
régulièrement que les gouvernements locaux soient associés
activement aux opérations de concertation des négociations. Il
exigera surtout que l'ensemble des mesures d'aménagement soit ou restent
sous contrôle municipal".
Dans un deuxième temps - là, je suis conscient que je
déborde du sujet immédiat qui fait l'objet des travaux de votre
commission - il me semble néanmoins important de revenir sur un
débat de fond qui retient l'attention des instances municipales et du
gouvernement depuis plusieurs années déjà, à savoir
la nécessité de redéfinir le partage des
responsabilités entre l'administration centrale et les
municipalités sur une base pragmatique et fonctionnelle apte à
favoriser la cohérence du système et des efforts
déployés par les différents paliers de gouvernement en vue
de promouvoir la qualité de l'environnement.
Comme nous le faisons remarquer plus haut, bien que la présence
des administrations municipales sur leur territoire les rende plus proches de
la population et mieux placées pour évaluer l'état de
leur, milieu physique et les retombées sociales des projets, elles
jouent un rôle très secondaire dans le processus
décisionnel. À cette anomalie s'en ajoute une autre
peut-être plus grave encore, le fait que les municipalités ne
soient que peu ou pas associées à la réflexion qui
précède les interventions législatives ou
réglementaires.
Toujours dans la même veine, il nous semble important de souligner
que, parallèlement à la compétence qu'ont le gouvernement
et le ministère de l'Environnement de définir des normes de base
en matière de protection de l'environnement, les municipalités
ont certaines compétences déléguées, notamment
l'aménagement du territoire, qu'elles ne peuvent exercer
adéquatement si l'on ne leur reconnaît pas suffisamment
d'autonomie. La petite histoire entourant l'adoption, en 1987, de la politique
de protection des rives du littoral et des plaines inondables en est un
très bon exemple. On se rappellera que, dans cette affaire, il y avait
eu initialement accord entre le MENVIQ, le ministère des Affaires
municipales, et les MRC pour inclure dans le règlement de contrôle
intérimaire des mesures de protection des berges en établissant
une bande riveraine de 10 mètres. Toutefois, suite à l'adoption
par les MRC de ces normes minimales ou, dans quelques cas, de normes plus
sévères dans leur schéma d'aménagement, les
schémas soumis au gouvernement furent bloqués et le MENVIQ,
plutôt que d'appuyer les MRC, se rangea finalement derrière un
compromis qui, en plus d'ignorer les préoccupations des
municipalités, créa un régime particulier de mise en
oeuvre et aboutit à une multiplicité de solutions susceptibles de
complexifier inutilement le système.
En effet, comme le signalait Me Lorne Giroux dans un texte publié
dans la Revue du Barreau du Québec, et je cite, "chaque fois qu'un
nouveau régime est ainsi créé, on néglige alors les
régimes généraux déjà en existence, que ce
soit en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement ou de la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme et dont les paramètres sont
devenus familiers aux justiciables, voire même aux juges. Pour chaque
nouveau régime se soulèvent alors de nouveaux problèmes
juridiques d'administration, de mise a exécution et de contrôle
judiciaire. Aucune règle, que toutes les politiques environnementales
soient conçues sur le même modèle et la diversité
des problèmes rencontrés, ne peut justifier une certaine
originalité dans le choix de la technique juridique à employer.
Toutefois, la multiplicité de régimes obéissant tous
à des règles qui peuvent être différentes sous
divers aspects peut réduire leur efficacité. À ce sujet,
il conviendrait peut-être de s'interroger non seulement sur la
cohérence interne du système juridique mis sur pied pour assurer
la protection de l'environnement, mais également sur le coût de la
fragmentation des moyens engagés en regard des résultats
obtenus.
Soulignons, en terminant, qu'une clarifica-
tion des rôles pourrait également s'avérer utile
pour dissiper l'ambiguïté reliée à
l'interprétation de l'article 124 de la Loi sur la qualité de
l'environnement qui prévoit que les règlements du gouvernement
prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même
objet. En effet, selon une certaine jurisprudence, l'article 124
empêcherait même une municipalité d'avoir des normes de
protection de l'environnement plus sévères que les normes
provinciales, alors que d'autres jugements rendus semblent reconnaître
aux municipalités le pouvoir de déterminer par règlement
des normes d'implantation plus sévères que celles prévues
par les règlements d'application de la Loi sur la qualité de
l'environnement, pourvu qu'elles ne contreviennent pas aux normes minimales qui
y ont été édictées.
Pour ce qui est des solutions particulières que nous
préconisons face à cette problématique que je viens
d'énoncer, nous sommes d'avis que des modifications soient
apportées à la procédure afin d'assurer que les
municipalités puissent participer au processus de façon pleine et
entière, notamment de voir que les municipalités soient
consultées par le dépôt de l'avis de projet afin de pouvoir
participer à l'élaboration de la directive d'étude
d'impact; de rendre accessible l'analyse environnementale avant le début
de l'audience publique; de permettre aux municipalités de participer
à la recevabilité de l'étude d'impact; de les informer
adéquatement du suivi ou des modifications apportées au projet
autorisé par le gouvernement.
En ce qui a trait à la redéfinition des rôles entre
les deux paliers, nous préconisons que soit identifié et
clarifié le rôle des différents paliers gouvernementaux
dans la protection de l'environnement; que l'adoption de nouvelles lois ou
règlements soit précédée de consultations
auprès du comité conjoint; l'ajout de dispositions à la
Loi sur la qualité de l'environnement qui viendraient prévoir
expressément le rôle dévolu aux municipalités aux
fins de leur permettre de participer pleinement à toute planification de
grands projets; la reconnaissance d'une plus grande autonomie aux
municipalités en ce qui concerne l'application des normes
environnementales au niveau local et, finalement, que le MENVIQ
développe en collaboration avec l'UMRCQ et les MRC un programme de
formation continue à l'intention des élus et des inspecteurs
municipaux, ainsi que des moyens efficaces pour diffuser les politiques et
programmes du ministère.
Finalement, brièvement, pour ce qui est du dernier volet que je
voulais aborder ce matin, j'aimerais vous référer au rapport
Lacoste et vous rappeler certaines représentations que nous avons
déjà faites concernant ce rapport. Nous sommes d'avis que
l'étude d'impact doit être réalisée par un tiers
indépendant ou qu'une contre-expertise soit commandée par le BAPE
ou le MENVIQ, ne fusse que pour assurer la crédi- bilité du
processus. Toutefois, si, à l'instar des auteurs du rapport, il est
jugé préférable de maintenir le principe de la
responsabilité environnementale du promoteur, il serait impératif
que l'on donne suite à la recommandation contenue dans le rapport
Lacoste, à savoir que les consultants devraient clarifier leurs
responsabilités par le biais de leur code de déontologie.
Pour ce qui est du contenu de l'étude d'impact, nous croyons
qu'il devrait prévoir l'intégration d'un examen qui permettra de
faire ressortir toute la gamme des enjeux environnementaux d'un projet en
démontrant comment celui-ci s'inscrit dans les objectifs poursuivis par
le schéma d'aménagement de la municipalité
régionale et le plan d'urbanisme de la municipalité locale.
Pour ce qui est de l'élargissement du mandat du BAPE, c'est un
autre sujet que nous avons abordé et que j'ai eu l'occasion de discuter
en public au cours des dernières années. Il y a un aspect en
particulier que j'aimerais ramener et vous rappeler ce matin. À l'instar
des auteurs du rapport Lacoste, nous croyons qu'il y aurait lieu que la
médiation environnementale soit favorisée dans les dossiers
où il y a demande d'audiences et où il semble y avoir, aux dires
du promoteur ainsi qu'à ceux des requérants, une
possibilité de résolution de conflit et lorsque toutes les
parties sont consentantes à tenter l'expérience. (12 heures)
Deuxièmement, un mandat formel et explicite de médiation
devrait être confié au Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement qui aurait à produire un guide de procédure et un
code de déontologie à cette fin. Finalement, une
préoccupation qui semble avoir soulevé des difficultés,
dans certains cas, la durée du mandat d'audience où il nous
semblerait opportun de modifier le règlement pour prévoir
expressément la possibilité d'extensionner le délai dans
les cas où des motifs sérieux le justifient. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Bienvenue, M.
Nicolet, ainsi que la personne qui vous accompagne, au nom des membres de la
commission. Nous vous remercions de votre participation. Nous vous remercions
aussi d'avoir accepté l'invitation de participer à cette
commission, puisque vous êtes le seul groupe qui ait daigné
accepter notre invitation. Vous êtes un organisme très
représentatif, puisque l'Union compte 1180 municipalités, dont
8000 élus. La qualité de votre mémoire, on peut vous en
féliciter. Il a été sûrement rédigé
après consultation avec vos membres, ce qui signifie que vous
véhiculez les préoccupations des régions de tout le
Québec.
Votre organisme, dans votre mémoire, fait état de la
nécessité d'établir la transparence du processus
décisionnel et de prévoir une participation pleine et
entière des citoyens. Jugez-vous qu'à ce niveau le BAPE n'a pas
rempli son rôle entre le promoteur et la population, puisque dans les
mémoires entendus antérieurement plusieurs promoteurs ont
dénoncé le parti pris du BAPE, qui était plutôt
favorable à la population? Est-ce que vous jugez que le BAPE n'a pas
rempli son rôle, à ce niveau-là?
M. Nicolet: Je n'ai pas, malheureusement, eu le privilège
d'entendre les différentes autres interventions, mais ce que nous
soulevons, je pense, dans notre mémoire, c'est l'implication tardive du
public. C'est toute la difficulté qu'a le public de véritablement
se sentir associé à la réflexion qui précède
le processus plus formel d'audiences publiques. Actuellement, on a
développé certains mécanismes qui permettent effectivement
à la population de prendre acte et de prendre connaissance de l'analyse
qui a été faite à l'interne par le BAPE mais, tout
ça, lorsque le processus est déjà largement engagé.
Et ce que notre expérience nous indique, c'est que là où
commence la contestation, c'est dans la période où le projet,
quel qu'il soit, n'est pas suffisamment défini, n'a pas suffisamment
été explicité à la population et où toutes
les rumeurs ont droit d'audience. Il y aurait avantage, nous croyons, pour la
linéarité du processus, de permettre à la population de
prendre connaissance des échanges qui précèdent le
dépôt du rapport de l'analyste et qui précède... En
fait, actuellement, la situation qui prévaut, c'est que l'ensemble du
public n'a accès à l'information que par le biais des
différents documents qui sont formellement déposés par le
BAPE et il nous semble qu'une...
Mme Bélanger: Comment envisagez-vous la
participation...
M. Nicolet: ...participation plus dynamique serait à
envisager.
Mme Bélanger: Comment envisagez-vous la participation
hâtive du public à l'élaboration de l'étude
d'impact? Quelle forme ça pourrait-il prendre? Est-ce que ça
pourrait prendre la forme d'une première consultation, ou une
première série d'audiences ou bien par des sondages?
M. Nicolet: Oui, en fait, c'est ce que nous avons essayé
de développer dans notre mémoire, c'est en nous
référant à la pratique fédérale en
particulier, ou ce que nous préconisons, c'est une occasion de
véritablement annoncer et sensibiliser l'opinion publique aux projets
dès qu'ils commencent à prendre forme et avant qu'on en soit
véritablement dans l'engrenage proprement dit des audiences
publiques.
Mme Bélanger: Est-ce qu'on devrait restreindre les
analyses d'Impact aux seules régions touchées par le projet pour
éviter de tomber dans le piège théorique des impacts
cumulatifs? Est-ce que vous le préconisez en tant qu'UMRCQ?
M. Nicolet: II est bien évident que nous ne sommes pas
favorables aux études tous azimuts qui peuvent être
utilisées dans certains cas comme une excuse pour différer
certaines prises de position dans des dossiers qui sont politiquement plus
délicats.
Mme Bélanger: Ou en dehors de la région.
M. Nicolet: II nous semble important, je pense, de ramener la
crédibilité au processus de véritablement permettre de
ramener la définition des objets d'études à des
proportions qui sont en relation avec la problématique qui fait l'objet
de la contestation. Il semble ne pas y avoir de mécanisme d'arbitrage
dans toute la procédure que nous avons instaurée entre certaines
demandes qui émanent de certaines personnes, par ailleurs, bien
intentionnées et une évaluation objective des moyens à
mettre en oeuvre en fonction de l'ampleur de la problématique.
Mme Bélanger: Mais, par contre, tout en souhaitant la
participation hâtive de la population, vous abordez la question de la
faiblesse des présentations de la population devant les commissaires du
BAPE lors d'audiences. Est-ce que le rôle des municipalités ou des
MRC ne serait pas de fournir les outils et les moyens nécessaires
à ces citoyens pour founir de meilleures performances lors
d'audiences?
Une voix: Qu'est-ce que c'est ça?
Mme Bélanger: Vous avez l'air de trouver ça
drôle, M. Nicolet.
M. Nicolet: Dans le contexte actuel, chère madame, je ne
sais pas s'il est opportun de transférer...
Mme Bélanger: Un transfert de responsabilités.
M. Nicolet: ...des charges financières aux
municipalités. Mais il est indéniable que le monde municipal a
une responsabilité dans les limites de sa juridiction et que les
municipalités, dans la mesure où elles sont impliquées et
appelées à se prononcer sur certains projets, ont
également la responsabilité de se documenter et de se
préparer en conséquence.
Par contre, quant à savoir qui devrait couvrir les frais
d'intervention ou de réflexion ou d'analyse de la part de groupes
environnementaux et du public, ça, c'est un débat national
dans lequel je ne pense pas que les municipalités aient à
s'engager.
Le problème de fond est de savoir si c'est au promoteur
qu'incombe la responsabilité de préparer les études
d'impact ou est-ce que c'est le groupe contestataire qui, lui, assume le
fardeau de se préparer en conséquence. Là-dessus, que les
municipalités interviennent dans leur compétence, je suis
entièrement d'accord avec vous, mais pour ce qui est de la question
à savoir qui doit venir en aide financièrement aux groupes, je
pense que, là, c'est une responsabilité sur laquelle le
gouvernement va devoir se pencher.
Mme Bélanger: À la page 15 de votre mémoire,
vous faites référence aussi à la participation
entière au processus d'évaluation des MRC ou des
municipalités. Est-ce que les MRC ou les municipalités devraient
être représentées au sein du BAPE, soit sur une base
régionale, soit sur une base nationale ou les deux? Dans une
région donnée, il y a des commissaires ad hoc; est-ce que le BAPE
pourrait choisir un commissaire dans la région concernée par
l'étude ou par les audiences?
M. Nicolet: À première vue, je ne crois pas qu'il y
ait nécessité. Vous me prenez par surprise, je n'ai pas
réfléchi. Je ne sais pas si la crédibilité du BAPE
serait accrue par la présence d'un commissaire, élu municipal,
nommé ad hoc. Je crois plutôt que ce que nous recommandons, c'est
que les municipalités soient partie à part entière du
processus de définition, d'analyse, de réflexion, de
préparation des audiences, sans qu'elles deviennent une instance
décisionnelle. Ma perception, en tout cas, et c'est purement personnel,
du rôle du BAPE, c'est celui d'être un tribunal qui a une fonction
d'arbitrage et, dans cette perspective, je ne crois pas que ce soit possible de
conjuguer ce rôle avec celui qui est normalement assigné à
un élu.
Mme Bélanger: Une chose me surprend un peu à la
page 21 de votre mémoire. Vous dites que "le BAPE dispose actuellement
d'un délai de quatre mois à compter du mandat d'audience, pour
tenir l'audience et faire rapport au ministre. Il semblerait opportun de
modifier le règlement pour prévoir expressément la
possibilité d'extensionner le délai". Vous avez entendu
Hydro-Pontiac qui déplore la longueur du processus; vous, de l'UMRCQ,
vous demandez l'extension du processus. Depuis presque cinq jours, c'est
toujours le contraire qu'on a entendu. On déplore la lenteur et la
longueur du processus.
M. Nicolet: Bien sûr, madame, nous faisions allusion, dans
cette recommandation, plus spécifiquement aux grands projets. Je pense
au lac Saint-Jean où, particulièrement, la question va se poser
éventuellement sur toute la question d'aménagement de la
rivière...
Des voix: Ashuapmushuan.
M. Nicolet: Merci. J'ai toujours de la misère.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nicolet: Quand j'en ai besoin, je ne la retrouve pas. Comme un
exemple d'un cas où véritablement les délais vont
être tellement contraignants qu'il n'y aura pas véritablement
d'occasion de faire un débat en profondeur, débat que les enjeux
méritent. Et c'est pourquoi, dans une perspective... Et on a
été très prudents, je pense, dans la formulation de notre
recommandation. Ce qu'on a dit, c'est que le cas échéant, et si
nécessaire, il devrait y avoir possibilité d'extensionner pour
véritablement ventiler correctement tous les enjeux dans des projets
d'une telle envergure. Par contre, il est bien évident que si on utilise
la procédure pour nuire à des projets beaucoup plus modestes et
beaucoup plus circonscrits, à ce moment-là, d'abord notre demande
d'extensionnement ne s'appliquerait pas. Et j'ose espérer qu'on trouvera
d'autres mécanismes pour établir des délais qui
correspondent davantage à la spécificité des enjeux.
Mme Bélanger: Merci, M. Nicolet. Ça va, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, féliciter l'UMRCQ, son président, M. Nicolet, et M.
Fernet, pour avoir accepté de venir nous rencontrer et de nous faire
cette présentation qui est très complète, qui est
excellente, à mon avis. On voit bien que vous avez l'expérience
des consultations publiques, autour du schéma d'aménagement. Et
c'eut été dommage qu'on nous prive de votre expertise, parce que
vous avez une grande connaissance du mécanisme de consultation avec le
public. Et mol, je regrette aussi, comme le parti ministériel, que votre
union soeur ne se soit pas présentée, parce qu'ils auraient
sûrement eu des choses intéressantes à nous raconter.
Moi, en gros, je trouve très très pertinent l'ensemble de
vos recommandations. Je vais m'arrêter peut-être à un
aspect. Je note que vous préconisez là l'implication du public
très très tôt. Et, moi, je pense que votre opinion va peser
beaucoup dans la balance, quant à moi, sur la confection d'un rapport
final de la commission parce que, vous qui avez des antennes un peu partout
dans le Québec, vous nous dites: II faut impliquer le public dès
le départ. On va y gagner en bout de ligne. Évidemment, certains
vont dire:
Oui, mais ça va allonger le processus. Alors, parlons donc tout
de suite de cette question des délais.
Est-ce que vous êtes favorables à ce que les délais
soient bien identifiés dans la réglementation, comme d'autres
groupes nous l'ont proposé, et un délai total qui irait à
12 mois, 18 mois? Est-ce que vous pensez que c'est faisable et souhaitable? (12
h 15)
M. Nicolet: À première vue, je crois
qu'effectivement on devrait réussir à baliser de façon
plus précise certains délais. Sauf que, il y a toujours un danger
à faire n'importe quelle grille, c'est d'avoir suffisamment de souplesse
pour tenir compte de la multiplicité de situations qui peuvent se
présenter. Et j'ai quelques appréhensions à tâcher
de codifier de façon trop précise différentes situations,
particulièrement quand on est quand même face à un
problème qui a une dimension politique. La consultation publique, ce
n'est rien d'autre que de faire de la politique sur le terrain. Et sans tomber
dans les excès de laisser faire le temps, il y a peut-être
avantage, quand même, dans certaines situations, à permettre aux
choses de décanter. Et je me demande - et vous me faites
réfléchir à haute voix - s'il ne devrait pas y avoir des
mécanismes d'arbitrage spécifiquement sur cette
problématique du délai, si on ne devrait pas partir d'un
échéancier qui est connu de tous, mais qu'il y ait une certaine
latitude qui soit laissée au BAPE proprement dit, en tant qu'instance
décisionnelle, pour faire les ajustements qui s'imposent, s'il le juge
opportun, compte tenu du contexte dans lequel il doit trancher.
M. Lazure: Non, je comprends très bien votre
réticence, et j'en ai une certaine réticence, moi aussi, à
être trop rigide sur les délais. Peut-être que la formule du
minimum-maximum, une fourchette de temps pour telle étape, disons de
deux mois à quatre mois ou de quatre mois à six mois, peu
importe, selon la nature de cette étape-là, peut-être que
la fourchette peut être un mécanisme utile. Je prends note de
votre réticence mais, d'autre part, vous êtes, évidemment,
d'avis qu'il faut raccourcir ces délais-là sur certains projets
relativement mineurs.
M. Nicolet: Sur certains projets, il faut avoir une
corrélation beaucoup plus judicieuse entre l'ampleur de la
problématique, la complexité des enjeux et le temps qui est
réservé aux audiences.
M. Lazure: Une autre question. C'est une de mes dernières,
parce que mon collègue de Jonquière veut intervenir. Vous
souhaitez, à plusieurs reprises, que les municipalités soient
impliquées, soient consultées par le ministère. Moi, je
partage tout à fait cette ligne de pensée, un peu, j'imagine, de
la même façon que d'autres ministères sont consultés
lorsque le MENVIQ rédige sa demande aux promoteurs, sa directive. Mais
vous allez plus loin que ça, et avec raison, je pense. Vous demandez
d'être impliqués à chaque étape; de la même
façon que le public serait consulté, la municipalité
serait impliquée. J'imagine que vous souhaitez que ce soit fait de
façon formelle dans la réglementation, que la consultation de
l'instance municipale soit bien identifiée.
M. Nicolet: Oui. Je pense que la réponse est très
simple. Oui, effectivement, nous jugeons que, compte tenu du chemin que nous
avons à parcourir pour devenir partenaires dans tout le processus de
protection de l'environnement et, en particulier, face aux problèmes que
soulèvent les études d'impact et les analyses devant le Bureau
d'audiences publiques, il y aurait avantage à répéter,
réitérer, aussi souvent que possible, l'importance d'associer le
monde municipal à la démarche.
M. Lazure: Deux petites dernières questions, puisqu'il
reste sept minutes; je vais en garder cinq pour mon collègue. Projet
récréo-touristique. Êtes-vous d'avis que ça devrait
être soumis à la procédure d'évaluation?
M. Nicolet: Je me réfère à un exemple qui
est courant dans ma région, un problème d'ensablement de plage au
lac Memphrémagog et qui fait l'objet justement actuellement d'une
procédure d'audiences publiques ou va faire l'objet d'une
procédure d'audiences publiques par le BAPE. Je dois vous
répondre que oui, ça semble indiqué. C'est un projet
à incidence récréotouris-tique, mais c'est un projet qui
est susceptible de soulever des interrogations au niveau environnemental, donc
il devrait y être assujetti.
M. Lazure: J'imagine que ça serait le même cas pour
le mont Pinacle? Ha, ha, ha! Votre sourire...
M. Nicolet: Le mont Pinacle, bien sûr, est un sujet qui a
fait couler beaucoup d'encre. Mais ça, en abordant le mont Pinacle, vous
touchez à un problème de fond qui est celui du rôle du
BAPE. Est-ce que le BAPE devrait lui-même être en mesure de
décider de ce qu'il doit entendre ou est-ce qu'il n'entend que ce qui
lui est référé par le ministre? Et dans toute la
réflexion sur le rôle éventuel du BAPE, et ce que nous
avons déjà préconisé sur d'autres tribunes, c'est
que le BAPE devrait devenir une instance d'arbitrage, comme on le dit, mais une
instance qui elle-même devrait être habilitée à
décider ce dont elle veut se saisir. C'est au BAPE, dans une autre
vision de son rôle, à devenir une véritable instance de
référence pour des causes qui ont des incidences
environnementales. Du moins, c'est la perception que nous en avons.
M. Lazure: Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Oui, je pense bien que ce qui ressort en gros de votre
mémoire, si j'avais un jugement à donner, c'est que vous nous
donnez l'impression, et non seulement l'impression, mais la certitude que vous
voulez être traités en partenaires avec le gouvernement. Je pense
que ça, ça ressort assez fortement.
Et là ce que je vois... Vous avez parlé
d'inadéquation de ressources entre les promoteurs et le public en
général, mais la municipalité aussi peut être
appelée à dépenser et à mettre des coûts
importants dans le processus. Et j'imagine que lorsque vous dites ça,
c'est parce que vous prévoyez ou vous souhaitez que les intervenants et
le public en général aient accès à une source de
revenus quelconque pour leur permettre de mieux se préparer. En ce qui
concerne les municipalités, comment vous voyez ça? Est-ce que les
municipalités devraient avoir des sources de revenus spéciales,
spécifiques pour travailler sur des projets particuliers?
M. Nicolet: Pour ce qui est des municipalités, je pense
qu'essentiellement les municipalités devraient avoir la même
facilité que l'ensemble du public. Si la décision gouvernementale
était à l'effet de véritablement élargir ou de
fournir certains appuis pour préparer des représentations devant
le BAPE, les municipalités devraient également en être
bénéficiaires. Mais étant donné qu'à
première vue il me semble peu plausible d'envisager ce régime ou
l'instauration d'un tel régime, je pense que les municipalités
doivent et devraient, dans la mesure où elles sont directement
impliquées par certains dossiers ou certaines réalisations,
elles-mêmes assumer leurs responsabilités et préparer les
travaux nécessaires pour se documenter face au processus d'audiences
publiques.
M. Dufour: II y a beaucoup de groupes qui ont soulevé
cette question-là en disant que l'argent pourrait provenir, les sommes
pourraient provenir soit du gouvernement, soit des promoteurs. Il pourrait y
avoir un pourcentage des projets qui pourrait être investi de cette
façon-là.
Mais je voudrais vous amener plus spécifiquement à la page
17 de votre mémoire où vous parlez de la reconnaissance d'une
plus grande autonomie aux municipalités en ce qui concerne l'application
des normes environnementales au niveau local. Lorsque vous me parlez
d'autonomie, est-ce que c'est une autonomie à l'intérieur de
balises comme telles pour l'application des normes? Est-ce que vous voulez dire
que vous pourriez en laisser de côté ou les appliquer
différemment avec des moyens différents?
M. Nicolet: C'est toujours, M. Dufour, cette problématique
de conflit entre la compétence et la limite de la compétence
municipale face à l'intervention du gouvernement. Je pense en
particulier à toute la problématique sur les odeurs, qui a
défrayé la chronique il y a quelques années, et
particulièrement en ce qui a trait à l'implantation de porcheries
et autres établissements d'élevage intensif. Et je vous
rappellerai qu'il y a eu une démarche, une initiative de la part de
certaines municipalités qui avaient été touchées
par toute cette problématique et qui avaient voulu intervenir et
réglementer sur leur territoire et, d'autre part, le MENVIQ se cachant
derrière un projet de directive qui n'avait, du reste, jamais
été adopté, qui insistait pour faire respecter, par les
municipalités, une norme dite nationale qui était plus ou moins
pertinente.
Et c'est dans cette perspective que nous pensons qu'il y a
peut-être lieu de repenser le rôle du ministère quant aux
exigences dites nationales et la latitude dont doit pouvoir
bénéficier l'autorité locale pour ajuster ces normes
nationales, principalement pour les rendre plus contraignantes si
nécessaire, ou les développer en fonction de la
problématique à laquelle ils doivent s'adresser. On a constamment
ce conflit d'une vision du ministère qui veut être trop
précis, trop ponctuel, trop spécifique, et qui, en ce faisant,
devient soit d'une complexité qui défie la capacité du
milieu de même comprendre l'intention du législateur et qui ne
laisse pas véritablement de latitude au milieu de faire les arbitrages.
La qualité de l'air ou les odeurs, c'est un problème
essentiellement de perception subjective, ce n'est pas une question de
santé publique.
Pourquoi est-ce qu'on a dû avoir recours à un
mécanisme dit national pour trancher des problèmes qui sont
essentiellement des accommodements et des arbitrages locaux? On ne peut pas
prétendre que la question des odeurs des porcheries est une
problématique qui devrait être tranchée par
l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de repenser -
c'est un peu dans cette perspective qu'on parle de redéfinition des
responsabilités - est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de remettre en
perspective ce que le ministère prétend trancher face à la
réalité que doivent vivre les citoyens et leurs
représentants locaux?
M. Dufour: Mais je suppose que si vous aviez ce
pouvoir-là, ça veut dire que vous appliqueriez les normes qui
sont gouvernementales, les normes minimales. Et vous dites: On pourrait aller
plus loin. C'est un peu ça.
M. Nicolet: C'est ça. D'abord, est-ce qu'il y a des seuils
que le gouvernement veut définir? Et au-delà de ça, il y a
peut-être lieu de bâtir toute une réglementation beaucoup
plus précise
en fonction de la vision locale, de la perception que vit la
localité par rapport à l'analyse globale que veulent faire les
ministères.
M. Dufour: II ne reste pas beaucoup de temps, je voudrais
peut-être finir avec ça - parce qu'il y en aurait d'autres
questions - au moins celle-là. "Sous réserve de l'octroi des
ressources nécessaires", est-ce que vous croyez que c'est
réaliste, est-ce que vous croyez que c'est possible que vous ayez plus
de ressources? Parce que, lorsque l'on parle d'autonomie, je pense qu'on a des
réponses assez brutales, parfois. Pour le passé, on a de la
difficulté à l'avoir et, pour le présent et le futur, j'ai
comme l'impression que ça va retomber sur le dos des
municipalités, point à la ligne. C'est ça, en tout cas, ma
perception.
Mme Bélanger: M. le député de
Jonquière, il reste trois minutes au député de Rimouski
pour poser des questions.
M. Dufour: Moi, on m'a dit que j'avais sept minutes; j'ai
regardé à midi et demi.
Mme Bélanger: Non, non, deux minutes, que vous aviez. Il
reste trois minutes, là, et c'est le député de
Rimouski.
M. Dufour: Ah! je sais qu'il va avoir des questions probablement
bien meilleures que les miennes!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bélanger: Pas nécessairement meilleures.
M. Dufour: Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse?
Mme Bélanger: Pas nécessairement meilleures, c'est
parce qu'il faut respecter le temps.
M. Dufour: II y a le président qui devrait nous donner des
directives; moi, je » ne le sais pas.
Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que vous
aviez convenu de prendre chacun 15 minutes. Moi...
M. Dufour: On perd du temps, d'une façon ou d'une
autre.
Une voix: On perd une minute, là.
Le Président (M. Garon): Je ne veux pas me comporter comme
avec des enfants, non plus.
M. Dufour: Vous avez raison, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Pardon?
M. Dufour: Vous avez raison. Je pense qu'on ne discutera pas sur
le temps.
Mme Bélanger: On en parle.
M. Dufour: J'ai posé la question. Ils la prendront comme
une remarque ou une question, que ça fasse plaisir ou pas.
Le Président (M. Garon): M. Nicolet.
M. Nicolet: M. le Président, pour ce qui est des
ressources, bien sûr, je crois que nous voulons faire beaucoup et on peut
faire beaucoup avec un minimum de ressources nouvelles. Par contre, lorsqu'on
tombe sur des sujets aussi complexes que ceux qui font parfois l'enjeu des
débats devant le BAPE, il y aura, effectivement, un problème de
ressources financières pour financer des études qui sont souvent
à la pointe de la connaissance scientifique et qui impliquent des
travaux universitaires pour pouvoir véritablement se documenter. Dans
cette perspective, il est bien évident que les municipalités vont
devoir faire face à des difficultés considérables dans le
contexte actuel.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président, je serai
très bref. Une petite interrogation que j'ai à la page 16, en
bas. Vous marquez: "Que le MENVIQ s'associe aux municipalités et
à l'UMRCQ dans le processus d'élaboration de toute nouvelle
législation, réglementation ou politique environnementale afin de
s'assurer qu'elles répondent aux particularités locales et
régionales". Est-ce que, dans le même sens, vous voudriez
restreindre le processus dé consultation publique à la seule
région touchée ou si vous voudriez que la consultation soit plus
large?
M. Nicolet: Je crois, toujours dans cette même vision, que
le BAPE devrait avoir la responsabilité de juger des interventions qui
sont pertinentes et de rejeter celles qui seraient frivoles. On peut
arbitrairement décider qu'il y a des limites géographiques au
bien-fondé des interventions. Par contre, je crois que sur le fond et
sur la nature des représentations qui sont faites le BAPE devrait
être en mesure de trancher sur la pertinence des représentations
qui lui sont faites.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Je pense que, de ce
côté-là, on se rejoint. Je pense que nous sommes dans un
pays démocratique et nous devons entendre tous les groupes. Parce que
l'environnement dépend finalement un peu... Si c'est pollué par
l'air, l'air peut se transporter.
Alors, on doit avoir une vision assez globale des causes.
Ma deuxième interrogation, à la page 17 - et ça
rejoint un peu celle du député de Jonquière - porte sur la
reconnaissance d'une plus grande autonomie aux municipalités. Moi, je
m'interroge un peu, vous savez. Vous êtes 92 ou 93 MRC au Québec.
S'il fallait multiplier autant d'intervenants dans le milieu... On a des
bureaux régionaux. On a, je ne sais pas... 11 bureaux régionaux
du ministère de l'Environnement au Québec présentement, 11
ou 12. Vous comprendrez que, si on les multipliait, il faudrait rajouter des
ressources. On n'est tout de même pas pour commencer à faire
quelque chose de boiteux. Il faut faire quelque chose qui réponde un peu
aux besoins de la population.
M. Nicolet: Non, je ne pense pas que c'est ça que nous
voulions dire par ce commentaire. Actuellement, M. Tremblay, vous êtes
probablement au courant que le ministre de l'Environnement a créé
un comité, le COPLEM, qui vise, justement, à revoir avec les deux
unions municipales et le ministère toute la question des
mécanismes à mettre en place pour assurer de meilleurs
échanges et une meilleure gestion de la problématique
environnementale entre les deux paliers de gouvernement. C'est un peu dans
cette optique que nous voulons, une fois de plus, réaffirmer
l'importance d'institutionnaliser de façon beaucoup plus étroite
les contacts qui peuvent se faire entre le ministère et le monde
municipal. Ce n'est pas nécessairement par une présence physique
du MENVIQ dans chaque région. Bien au contraire, nous reconnaissons que
le gouvernement peut être présent en région administrative,
mais il est extrêmement difficile, quel que soit le ministère,
d'être beaucoup plus près que ça du découpage
territorial que nous ne le sommes.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien, M. le Président.
Ça suffit pour moi. Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. J'aurais
peut-être bien un commentaire de la fin en disant qu'avec les
propositions fédérales que nous avons devant nous j'ai
l'impression...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Le Président (M. Garon): ...qu'il ne restera plus beaucoup
d'autonomie à partager.
Mme Bélanger: Ça n'a rien à voir.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie M. Nicolet.
Mme Bélanger: Ça n'a rien à voir.
Le Président (M. Garon): Je suspends les travaux de la
commission jusqu'à 14 h 30 cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 14 h 45)
Le Président (M. Garon): La commission de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux qui
étaient prévus pour 14 h 30, mais les deux partis devant se
consulter pour les arrangements des travaux de la semaine prochaine, c'est pour
ça qu'on est en petit peu en retard. Alors, nous reprenons avec le
mouvement de la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins, pendant une heure. M. D'Amours, comme il y a une
heure pour vous et votre groupe, normalement, c'est 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire, 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous
prendrez en plus leur sera soustrait et ce que vous prendrez en moins leur sera
ajouté comme temps. À vous la parole, si vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins
M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président. Alors, dans
un premier temps je remercie les membres de la commission de nous avoir
invités à venir témoigner devant vous et je vous
présente dès maintenant mes collaborateur et collaboratrice:
à ma gauche, Me Pierre Coderre, conseiller juridique
spécialisé en environnement et, à ma droite, Mme Johanne
Blanchard, analyste-conseil au service aux entreprises à la
Confédération des caisses Desjardins du Québec.
Le Mouvement des caisses Desjardins est le plus grand réseau
coopératif de services financiers complets et variés au
Québec. Fondé il y a 90 ans par Alphonse Desjardins, le Mouvement
poursuit l'idéal coopératif dont était animé son
fondateur afin de faire prendre conscience aux gens d'ici de la force
essentielle du regroupement et de la solidarité. Avec 50 000 000 000 $
d'actifs en 1991, 1500 caisses populaires et d'économie, près de
5 000 000 de membres, 38 000 employés et 18 000 dirigeants et
dirigeantes élus, le Mouvement des caisses Desjardins s'avère une
institution financière unique dont le caractère coopératif
en fait une entreprise entièrement consacrée aux
intérêts de ses membres et de la collectivité. Le Mouvement
est non seulement présent sur tout le territoire du Québec, mais
également auprès des communautés francophones des
provinces de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba.
Dans le cadre de sa mission qui est de contribuer au mieux-être
économique et social des personnes et des collectivités, le
Mouvement
des caisses Desjardins est devenu en 1988 la première institution
financière au Canada à adopter une politique et un
énoncé de politique en faveur de la protection de l'environnement
intitulé "L'option environnementale".
Dans le cadre de son "Option. environnementale", le Mouvement poursuit
deux grands objectifs, soit sensibiliser la population à la cause
environnementale et faire la démonstration que la protection de
l'environnement, c'est rentable. Dans cette perspective, il est important que
le Québec se dote d'une procédure d'évaluation et d'examen
des impacts sur l'environnement qui soit souple et conforme aux attentes tant
du public que des promoteurs. Le Mouvement Desjardins finance de nombreux
projets d'envergure et il estime nécessaire que le Québec
devienne un exemple international en se dotant d'une procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement qui soit
efficace, diligente et qui assure tant la compétitivité de nos
entreprises que la protection de l'environnement de tout le territoire du
Québec.
C'est dans cette optique que le Mouvement des caisses Desjardins a
rédigé son mémoire qui présente, dans un premier
temps, son option environnementale et, ensuite, sa réflexion et ses
recommandations sur la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement des grands projets industriels et des autres
projets de même nature mais de moindre dimension, ainsi que sur la
gestion intégrée des déchets au Québec. Alors, pour
ne pas abuser de votre temps, je vais vous livrer les recommandations de notre
mémoire. Vous aurez sans doute pris connaissance de notre mémoire
au complet.
Donc, le Mouvement des caisses Desjardins recommande que les grands
projets industriels soient soumis à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement du
Québec. Il y aura donc lieu de mettre en vigueur l'article 2n du
règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement et d'analyser si d'autres types d'industries de moindre
dimension devraient également être soumis à la
procédure si elles comportent des impacts potentiels significatifs.
Le Mouvement des caisses Desjardins recommande que des délais
précis soient édictés à toutes les étapes de
la procédure afin que les Intervenants, y incluant l'institution
financière qui finance le projet, puissent connaître
l'échéancier requis pour l'obtention du certificat
d'autorisation. Les études d'impact requises devront également
être allégées afin d'être compréhensibles pour
le public, et le contenu qu'on exigera devra être plus pertinent par
rapport aux impacts à être analysés. Dans cette
perspective, le public devrait être consulté au stade de la
préparation de la directive du ministère de l'Environnement
relativement à l'étude d'impact.
Afin de rendre cette étude plus pertinente, le ministère
de l'Environnement devra élaborer une grille d'analyse à
l'intérieur de laquelle on déterminera les aspects
nécessaires à analyser sur l'environnement biophysique, le
patrimoine bâti et naturel, les répercussions
socio-économiques et, enfin, les questions relatives à la
santé et la sécurité.
De plus, le Mouvement recommande que les études comportent non
seulement des mesures d'atténuation des impacts sur l'environnement,
mais également les éléments nécessaires pour
assurer la préservation du patrimoine bâti et naturel.
Le Mouvement recommande aussi qu'on élabore de véritables
plans d'ensemble, et plus particulièrement des schémas
d'aménagement et des plans d'urbanisme qui tiendront compte des
paramètres environnementaux. Il devrait, à notre sens, exister
des zones d'implantation industrielle, comme des parcs industriels
préalablement évalués par une étude d'impact et
soumis à la consultation publique, afin de permettre à des
industries déterminées de s'y implanter en réalisant des
études simplifiées.
Dans cette perspective, on réalisera davantage le
développement durable au Québec en faisant en sorte que les
projets de développement économique deviendront une contribution
à ces plans d'ensemble en s'y intégrant de la manière la
plus positive possible. Egalement, par une véritable participation de la
population à l'élaboration de ces plans d'ensemble, on
amènera ainsi les citoyens et les citoyennes à discuter plus
à fond les risques environnementaux qu'ils sont prêts à
accepter sur leur territoire. Ainsi, les promoteurs n'auront pas à faire
face constamment au syndrome du "pas dans ma cour" qui crée actuellement
un climat de méfiance chez tous les intervenants.
En conséquence, le Mouvement des caisses Desjardins recommande
non seulement une procédure d'évaluation des impacts
environnementaux axée sur la transparence, la diligence et
l'efficacité pour les grands projets industriels, mais également
pour les projets de moindre dimension ayant des impacts potentiels
significatifs. Dans cette perspective, la procédure d'obtention d'un
certificat d'autorisation ou d'approbation d'un programme d'assainissement
devra être encadré par des délais précis. Les
études requises des promoteurs devront être
déterminées en fonction d'une grille d'analyse claire et efficace
par rapport à l'objectif de la protection de l'environnement qui est
recherché.
De plus, le Mouvement des caisses Desjardins recommande que les
municipalités consultent leur population lorsqu'une demande de
certificat de conformité leur est adressée par les promoteurs
dans le cadre de la procédure d'obtention d'un certificat d'autorisation
au ministère de l'Environnement. Cette recommandation s'applique
également pour la procédure d'approbation d'un programme
d'assainissement lorsque la demande
du promoteur est déposée à la municipalité
locale.
Tant pour les grands projets industriels que pour les projets de moindre
dimension, le Mouvement des caisses Desjardins recommande que le
législateur prévoie la possibilité d'une médiation
environnementale, laquelle serait effectuée par le Bureau des audiences
publiques sur l'environnement ou tout autre organisme compétent lorsque
cela s'avérera nécessaire.
Le Mouvement des caisses Desjardins recommande également que la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement en vigueur au Québec soit harmonisée avec la
procédure du gouvernement fédéral afin d'éviter des
dédoublements administratifs, des empiétements de juridiction,
des délais inutiles et, enfin, des coûts additionnels pour
l'ensemble des intervenants. Cette même procédure devrait
également s'harmoniser, si possible, avec celle en vigueur dans la
province de l'Ontario et dans les états du Nord-Est américain
afin d'assurer non seulement la compétitivité du Québec
sur le plan économique, mais également la protection de notre
environnement.
Le Mouvement des caisses Desjardins croit qu'il est nécessaire
que le ministère de l'Environnement ait à sa disposition le
personnel compétent et les crédits suffisants pour assurer
l'administration efficace et diligente des dossiers qu! lui sont soumis et le
contrôle qui doit être effectué suite aux autorisations qui
auront été émises. Ceci est nécessaire pour la
protection des investissements effectués et surtout pour garantir la
protection de l'environnement sur l'ensemble du territoire.
Également, le Mouvement des caisses Desjardins recommande que le
gouvernement du Québec effectue une véritable sensibilisation de
la population sur la gestion intégrée de nos déchets.
À cet effet, le gouvernement devrait reconnaître la valeur de la
collecte sélective et assurer sa réalisation sur notre
territoire. De plus, il devra ajouter des fonds supplémentaires pour la
recherche et le développement de produits recyclés rentables et
inciter l'investissement dans ce domaine par des mesures fiscales
appropriées. Il serait aussi important d'intégrer à tous
les niveaux dans notre système scolaire la notion de
développement durable et les moyens de le réaliser. Enfin, dans
le but de sensibiliser la population par rapport aux risques environnementaux,
il sera opportun de l'impliquer dans le choix des lieux les plus
appropriés pour la construction de sites d'enfouissement
sécuritaires.
Par son option environnementale, le Mouvement des caisses Desjardins
croit essentielle la réconciliation environnement-économie. On
doit assurer la richesse collective du Québec par la conservation du
patrimoine bâti et naturel, par des investissements qui assureront notre
propre prospérité économique, par une gestion
intégrée de nos déchets et, enfin, par une conscience
collective qui nous permettra de protéger notre environnement par la
voie de la concertation et de la coopération.
Nous espérons que le présent mémoire aidera la
commission de l'aménagement et des équipements à proposer
au gouvernement du Québec des mesures souples et efficaces à
l'égard de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement et ce, dans le but de franchir une étape de
plus dans la réalisation du développement durable au
Québec. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay. Mme la députée de Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter
la bienvenue aux gens du Mouvement Desjardins. C'est assez intéressant
de vous avoir avec nous aujourd'hui, puisque vous êtes probablement la
seule institution financière à s'être
présentée devant nous lors de ces audiences sur la
procédure d'évaluation, et c'est à votre grand
mérite. Ça démontre l'intérêt que Desjardins
a pour l'environnement, et on ne peut que vous en féliciter et vous dire
que vous avez raison aussi.
J'aimerais ça que vous me donniez un commentaire
général sur la procédure comme telle du Québec.
Est-ce qu'on peut dire que notre procédure arrive a concilier
environnement et économie, mais efficacité aussi,
efficacité économique?
M. D'Amours: Actuellement, je pense que non et c'est la raison de
notre témoignage et des recommandations que nous faisons. Je vais
positionner Desjardins comme institution financière dans cette
problématique-là. Lorsque nous avons abordé la protection
de l'environnement dans Desjardins et avons élaboré notre option
environnementale, on l'a fait pour des raisons d'éthique d'abord et
parce que les membres de Desjardins, à de nombreuses assemblées
annuelles, ont demandé au Mouvement dans son ensemble de s'impliquer.
Parce que, vous le savez bien, dans plusieurs régions, il y avait des
actions sporadiques qui menaient toutes à la même conclusion, il
fallait donc qu'on s'implique. Des positions ont été prises mais,
rapidement, on s'est rendu compte que la protection de l'environnement
était devenue un paramètre financier incontournable. C'est devenu
une question financière, donc, importante. Chaque fois que l'on fait un
prêt important, commercial ou industriel, à une entreprise qui
présente des risques environnementaux, nous mettons à risque les
épargnes de nos épargnants. Dans ce sens-là, il faut que
toute l'information dont nous pourrions disposer, soit par les
évaluations faites par le BAPE ou les informations techniques que nous
obtenons de spécialistes, soit mise à notre disposition pour
évaluer les risques. En ce sens-
là, nous ne sommes pas totalement en mesure de dire que le bape,
actuellement, joue pleinement son rôle. c'est la raison pour laquelle
nous suggérons que les grands projets soient soumis à
l'évaluation des impacts et que des projets industriels aussi qui sont
à risque potentiel le soient aussi.
Mme Pelchat: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'en ce
moment la procédure au Québec est un obstacle au
développement économique?
M. D'Amours: Ah non! Ce n'est pas un obstacle au
développement économique. Ce que l'on recommande, ce n'est pas de
se débarrasser de ça comme obstacle, c'est, au contraire, de
l'améliorer pour que l'on puisse jouer notre rôle d'une
façon plus efficace. Encore une fois, je le souligne, lorsqu'on essaie
de faire la réconciliation économie-environnement, il ne s'agit
pas d'écarter les projets qui sont à risque environnemental. Pour
une institution financière, vous imaginez facilement que,
habitués que nous sommes à gérer les risques financiers,
le risque environnemental est du même ordre. C'est un risque additionnel.
Il faut pouvoir le mesurer et prendre les mesures nécessaires pour le
gérer. S'il faut qu'on oblige l'entreprise à prendre des
assurances pour couvrir son risque, on va faire la promotion du projet. Donc,
en ce sens-là, l'évaluation des impacts nous est fort utile parce
qu'elle va nous aider à évaluer les risques. Actuellement, on
n'est pas en mesure d'évaluer tous ces risques-là.
Mme Pelchat: C'est intéressant. Vous recommandez, comme
plusieurs autres aussi nous l'ont recommandé, une certaine étape
de ciblage, en fait, un peu de "scoping" au niveau de la directive;
c'est-à-dire à la fois avoir une directive beaucoup plus
détaillée, beaucoup plus précise quant aux attentes du
ministère de l'Environnement, mais vous semblez aussi dire que le public
devrait être consulté dans cette préparation-là. Je
trouve cette recommandation intéressante puisque plusieurs personnes
endossent cette recommandation du rapport Lacoste.
Vous parlez aussi de la possibilité, et j'aimerais vous entendre
là-dessus parce que c'est très relié au
développement régional, et je pense que les élus, autant
provinciaux que municipaux, sont très alertes à leur
développement régional... Quand on parle d'identifier des zones
d'implantation industrielle, est-ce que vous ne croyez pas que ce sera
difficile d'identifier des zones bien précises de développement
dans certaines régions? On ne peut pas éviter la concurrence
entre les différentes régions, je pense que c'est très
clair. Chacune veut avoir un développement économique, chacune
veut le faire d'une façon saine et sans obstacle à
l'environnement mais, en les identifiant, ce serait peut-être difficile
de le faire, au niveau du développement régional. En identifiant
des zones d'implantation industrielle, comment évitera-t-on le syndrome
du "pas dans ma cour"? Moi, j'ai l'impression que ça peut, au contraire,
l'augmenter. (15 heures)
M. D'Amours: Finalement, le principal impact que l'on recherche
avec cette recommandation, c'est de briser ce syndrome-là, d'impliquer
la population dans des discussions avant coup, avant que les faits n'arrivent.
Premièrement, faire réaliser que la réconciliation
économie-environnement, ça passe par l'assumation de risques
environnementaux et que, si on veut l'implantation de l'industrie au
Québec, il va falloir accepter qu'il y en ait certaines qui comportent
des risques. Mais si on les implante chez nous, on aura pris les mesures pour
contrôler ces risques-là, les mesures d'atténuation aussi
et les assurances requises.
Mme Pelchat: Dans la mesure où, effectivement, on implique
le public dans l'élaboration de la directive comme telle, qu'on a une
directive beaucoup plus détaillée, peut-être qu'à ce
moment-là le public se sentira un peu moins menacé et le syndrome
"pas dans ma cour" sera peut-être un peu moins répandu. Cependant,
je ne vois pas comment l'implantation de zones industrielles
déterminées pourrait éviter le syndrome "pas dans ma cour"
puisque, disons, par exemple, dans une municipalité régionale de
comté, on identifie que c'est telle municipalité qui est
prête à recevoir les sites d'enfouissement. Je pense que si on dit
que c'est une zone d'implantation de sites d'enfouissement, cette
zone-là, ce n'est pas parce qu'on aura identifié moins de risques
qu'ils vont accepter pour autant que ce site s'installe chez eux.
M. D'Amours: C'est un petit peu la poule et l'oeuf. Si on attend
de faire le débat...
Mme Pelchat: C'est ce qu'on appelle le syndrome "hygrade"
aussi.
M. D'Amours: Si on attend pour faire le débat au moment de
la prise de décision, il sera peut-être chargé de plus
d'émotion aussi. Si on le fait sur une base rationnelle, dans des
schémas d'aménagement... Enfin, c'est notre vue des choses, de la
transparence, de l'implication et de la démocratisation. Nous sommes
portés vers ce genre de recommandation, parce que Desjardins, dans sa
culture, est porté vers la démocratisation dans le domaine des
affaires. Et, dans ce sens-là, une recommandation de ce type-là
nous mène vers une plus grande démocratisation dans le domaine de
la protection de l'environnement.
Mme Pelchat: Mme Blanchard, qui êtes analyste-conseil en
créd it...
Mme Blanchard (Johanne): Oui.
Mme Pelchat: ...j'aimerais ça si vous pouviez nous dire si
vous avez été en contact avec une entreprise qui est venue, un
bon matin, vous demander un prêt et qui a été
confrontée à la procédure d'évaluation des impacts.
Je vous donne l'exemple de ce matin, Hydro-Pontiac, des gens qui sont venus
nous voir ce matin et qui n'étaient pas très contents de la
procédure d'évaluation, qui ont semblé nous dire qu'ils
ont dépensé des sommes assez importantes pour remplir leurs
engagements de citoyen corporatif à l'égard de la
procédure. Est-ce que ça vous est arrivé? Et est-ce que
vous avez expérimenté les mêmes problèmes?
Mme Blanchard: Juste peut-être un petit peu parler de la
structure de Desjardins. À la Confédération, nous ne
recevons pas de demandes d'autorisation de prêt, ça se passe au
niveau de la caisse populaire, dans sa limite discrétionnaire. Donc,
peut-être pour parler d'une entreprise qui pourrait se présenter
à une de nos caisses Desjardins, nous n'avons pas eu d'entreprise,
à ma connaissance, M. D'Amours, qui a eu à se prévaloir
d'une audience publique. Nous avons, par contre, plusieurs entreprises qui sont
assujetties à la procédure d'un certificat d'autorisation et du
certificat de conformité de leur municipalité. Donc, comme
institution financière, nous n'avons pas vécu encore...
Mme Pelchat: Mais au niveau même du certificat
d'autorisation, est-ce que l'institution financière est consciente des
délais supplémentaires qui peuvent incomber à un
entrepreneur?
Mme Blanchard: Effectivement, l'institution financière vit
continuellement avec le délai que peut représenter cette demande,
que notre sociétaire va faire auprès de son bureau
régional du ministère de l'Environnement. Et c'est un petit peu
la recommandation que nous vous faisons à cet effet, à savoir
qu'il serait intéressant de préciser des délais, dans
certains secteurs manufacturiers ou pour certains types d'industries, qui
pourraient finalement mieux sécuriser l'institution financière au
niveau de la livraison, au niveau du déboursé du prêt,
puisque nous attendons la livraison du certificat d'autorisation avant de
débourser un prêt.
M. D'Amours: Je pourrais ajouter qu'au niveau des participations
financières dans l'entreprise, comme partenaire financier, nous avons
participé dans des entreprises qui tomberaient sous le coup d'une
évaluation actuellement, selon nos recommandations, et qui ont
évité... parce qu'elles n'étaient pas soumises à
cette évaluation. Mais ça nous a créé l'obligation,
quand même, d'expliquer à la population environnante qu'il
s'agissait d'un projet qui respectait les normes environnementales. On a
dû faire la preuve, nous-mêmes, comme partenaire avec les par-
tenaires, qu'il s'agissait d'un projet industriel dont les risques avaient
été mesurés et qui respectaient les normes, travail qu'on
a fait, mais qu'on devrait répéter à plusieurs reprises
s'il n'y a pas cette évaluation de faite.
Mme Pelchat: J'aimerais, en terminant, vous demander, M.
D'Amours, si... Vous dites dans le mémoire que Desjardins a
constitué un fonds de récupération, il y a plusieurs
années. Vous avez mis aussi une espèce de reconnaissance pour vos
entreprises, au niveau de l'environnement. Est-ce que le Mouvement Desjardins
ne serait pas prêt à aller un petit peu plus loin et participer,
par exemple, à un fonds qui aiderait à financer tes organismes ou
les individus ayant un peu moins de moyens que des entreprises ou des
promoteurs, pour qu'ils puissent se préparer a une audience publique et
faire valoir leur point? Est-ce qu'éventuellement on pourrait compter
sur le Mouvement Desjardins?
M. D'Amours: Je pense que cette demande-là est très
recevable. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui que le Mouvement s'y
engagerait, chaque caisse étant autonome et les fonds provenant de
chaque caisse, mais je peux vous dire que c'est recevable en ce sens où
la sensibilisation des caisses à la question environnementale, je pense
bien, les inciterait à vouloir collaborer à ce genre
d'exercice.
Mme Pelchat: On en prend bonne note. Merci.
Le Président (M. Garon): J'aimerais, M. D'Amours, au
début du temps de l'Opposition, vous poser une première question.
Vous avez fait l'hypothèse, à mon avis, la plus facile. On dit:
Un projet industriel arrive à ce moment-ci. Au Québec, la
question environnementale date de quelques années mais, à bien
des places, les usines étaient là, les aéroports
étaient là, les entreprises qui font du bruit ou qui puent
étaient là. Qu'est-ce que vous penseriez de municipalités
qui laisseraient bâtir des maisons par les promoteurs qui veulent vendre
des terrains, des caisses populaires qui prêteraient l'argent et que les
gens s'approchant des usines qui font du bruit ou qui puent, après
ça, quand ils sont assez nombreux, diraient: L'usine devrait s'en aller
aux frais du gouvernement? Qu'est-ce que vous penseriez de ça, en termes
de responsabilité?
M. D'Amours: Je dois vous dire que la position, comme institution
financière, la responsabilité que devrait assumer le Mouvement
Desjardins ou la société en général... En ce qui a
trait au Mouvement Desjardins, il est clair que le Mouvement Desjardins, les
caisses et les sociétaires, dans le passé, n'étaient pas
plus sensibilisés à la question que la population en
général. Ils ont commis des erreurs qui pourraient
être coûteuses si on voulait les réparer et
complètement les corriger. Dans ce sens-là, la
responsabilité des caisses et des membres de Desjardins n'est pas plus
large, n'est pas plus importante que celle de la population en
général ou de nos gouvernements.
Par ailleurs, l'objectif que nous poursuivons, c'est que,
dorénavant, les investissements, les implantations se fassent dans une
perspective de protection de l'environnement. Et, dès lors, nous sommes
responsables si ce produit... Si nous faisons des investissements qui auront
des impacts environnementaux non mesurés, mal mesurés et que nous
avons mal mesuré nos décisions, il faudra être responsables
de nos décisions.
Encore la semaine dernière, un gros dossier est arrivé sur
mon bureau, de type environnemental, où nous nous étions
impliqués, une de nos caisses importantes s'était
impliquée dans un financement. Elle s'était impliquée
parce qu'on n'avait pas l'habitude, à l'époque, de faire des
vérifications environnementales, des audits, comme on dit. Et comme on
ne connaissait pas la qualité du terrain et que l'entreprise
elle-même n'était pas nécessairement polluante, bien, on a
financé. Mais maintenant que l'entreprise est en faillite, il faut
assumer nos responsabilités. Et, dans ce sens-là, l'entreprise en
question, la caisse en question, assumera ses responsabilités. Mais il
faut bien se le dire, ces cas-là ne doivent pas se multiplier parce que
ça sera coûteux pour l'ensemble du Mouvement. Et c'est pour
ça que nos conseillers dans les caisses... L'obligation que nous avons
maintenant de faire des vérifications environnementales avant de
procéder à des investissements est dans le but de protéger
les épargnants, mais en même temps de sensibiliser l'investisseur
ou le promoteur. Celui qui vient chez nous et qui veut se faire financer,
lorsque nous lui posons les questions à l'égard de la technologie
qu'il veut adopter, à savoir si c'est la meilleure, celle qui comporte
le moins de risques environnementaux, se sent l'obligation d'apporter des
réponses exactes à nos questions; sinon, il ne l'aura pas, le
financement.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à M. D'Amours et à son
équipe, Mme Blanchard et M. Coderre, et les féliciter pour leur
présentation. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose à redire,
à critiquer sur cette présentation. Quant à moi, j'endosse
à peu près à 99 % tout ce qu'il y a dans vos suggestions
et vos propositions. Mais si je peux me permettre deux petites minutes sur la
question que soulève le président, je pense que c'est pertinent.
C'est relativement facile, depuis qu'on est plus conscient, comme
société, des problèmes environnementaux, c'est
relativement facile, maintenant, autant pour les municipalités que pour
le ministère et les institutions financières, d'être
prudent quand une entreprise veut venir s'implanter dans une région qui
est densément habitée. C'est relativement facile et ça se
fait, en général.
Mais la question du président est pertinente parce que l'inverse,
l'envers de la médaille, ce n'est pas aussi facile ou ça n'a pas
été fait de façon systématique, à savoir que
lorsqu'une usine est déjà implantée... Et le
député de Lévis parle d'une usine, peut-être, ou
pense à une usine qui est déjà implantée dans son
coin. Moi, je pense à quelques cas, dans mon coin, à La Prairie,
où une usine est implantée, une carrière, depuis des
années et des années. Mais la ville, la municipalité, a
permis, par son règlement de zonage, que des maisons viennent
s'installer trop proche et les institutions financières, par le biais
des hypothèques, des prêts hypothécaires, ont, dans un
sens, encouragé une telle chose.
Et ça, ça se fait encore trop, malheureusement. Il y a
encore trop... En tout cas, on le voit en banlieue, en particulier. Les usines
sont là, les carrières, les meuneries, les minoteries, peu
importe, et les projets domiciliaires viennent s'installer trop proche.
Une voix: Les porcheries...
M. Lazure: Les porcheries, si vous voulez. Et l'Installation de
ces projets domiciliaires devrait être justement discutée en
public au même titre que l'installation d'une usine qui viendrait, elle,
s'installer près d'un ensemble domiciliaire.
M. D'Amours: Me Coderre a des commentaires à cet
égard-là.
M. Coderre (Pierre): Je suis tout à fait d'accord avec ce
que vous mentionnez. D'ailleurs, je pense que c'est un débat essentiel
à faire au niveau des schémas d'aménagement et des plans
d'urbanisme. On devrait tenir compte davantage, je crois, justement, des
paramètres environnementaux. Un exemple simple, on parlait tout,
à l'heure de zones industrielles. On remarque, à maints
égards, qu'il y a plusieurs zones industrielles où on n'a pas
tenu compte, par exemple, de la question des vents dominants. On n'a pas
toujours prévu, non plus, des zones tampons. Souvent, on craint de faire
des zones tampons en pensant que c'est un frein au développement mais,
au contraire, on s'aperçoit que, souvent, ça garantit un
développement, on dit, plus durable, et qui n'empêche pas la
municipalité, non plus, de réaliser ses objectifs.
Je vous donne un simple exemple. Dans un rapport récent du BAPE,
où on a discuté, justement, du déplacement d'une voie
ferrée à Varennes-Boucherville, une des recommandations
qui a été faite était justement d'implanter une
zone tampon si on vient à déplacer la voie ferrée, avec
des usages précis et bien intégrés par rapport à
l'aménagement du territoire. Alors, ce sont des exemples où,
effectivement, il faut maintenant, entre autres, qu'on entre dans un processus
de révision des schémas. Je suis d'accord que dans le
passé il y a eu effectivement des erreurs mais, maintenant, on doit y
penser.
M. Lazure: II est clair qu'il va falloir - on l'a vu avec les
représentants de l'Union des MRC ce matin - qu'il y ait une meilleure
articulation entre les schémas d'aménagement des MRC et
l'environnement par le biais, possiblement, dans certains cas, d'audiences par
le BAPE autant que par les MRC. J'ai quelques questions. Justement, vous en
parlez, à un moment donné, à la page 3. Vous recommandez
que les municipalités consultent leur population lorsqu'une demande de
certificat de conformité leur est adressée par les promoteurs
dans le cadre de la procédure d'obtention d'un certificat
d'autorisation. Je pense que vous avez absolument raison, je pense que c'est
très pertinent, ça, et ça devrait se faire beaucoup plus.
Ca rencontre le voeu, aussi, des MRC.
Votre implication du public très tôt, ça, ça
nous plaît. Au stade de la préparation de la directive du
ministère, elle se ferait comment, cette implication du public? (15 h
15)
M. D'Amours: II devrait y avoir un appel du ministère, une
forme d'appel au public, une forme de questionnement. Quel genre de directives
ou quels éléments voulez-vous que nous ajoutions à ces
directives ou précisions? Peut-être que Me Coderre aurait autre
chose à ajouter aussi. C'est très technique.
M. Coderre: En fait, je souligne un exemple qu'on a eu
récemment au Québec, dans le cas du canal Lachine, qui est un
autre dossier du BAPE conjointement avec le fédéral, où on
a fait une audience publique au niveau de la directive. C'est une façon
de faire. Je ne pense pas qu'on ait à préciser, effectivement, la
procédure exacte à suivre, mais ça, c'est un exemple qui
s'est fait au Québec et qui peut avoir été efficace
aussi.
M. Lazure: Vous êtes aussi d'accord, j'imagine, pour non
seulement raccourcir en principe les délais, mais pour identifier la
période maximale que chaque étape doit prendre. Oui?
M. D'Amours: Absolument, parce que lorsqu'on est en instance de
financer un projet on ne peut pas attendre indéfiniment. Il faut que ce
soit prévisible, le résultat des impacts, des études
d'évaluation.
M. Lazure: Une dernière question. Concernant les
déchets, la gestion des déchets, vous dites: Le gouvernement du
Québec doit préparer un document d'information qui sera diffuse
à l'ensemble de la population, où l'on précisera la nature
exacte des déchets générés, la quantité, le
volume, les coûts, etc., afin de responsabiliser des citoyens et des
citoyennes, etc. Bravo! Vous êtes un des groupes trop peu nombreux qui se
sont attardés à cette question de gestion des déchets
domestiques. Est-ce que vous pensez que ce serait utile d'avoir une
consultation publique, une fois que ce document-là serait
rédigé et lancé dans le public? Et si oui, quelle sorte de
consultation publique? Est-ce que le Bureau d'audiences publiques serait
utilisé, à ce moment-là?
M. D'Amours: À l'égard de ce
problème-là, je pense que la consultation serait plus ou moins
utile. On est déjà rendu à l'étape d'agir. Je pense
que, dans le domaine de la gestion des déchets, on en parle depuis
tellement longtemps, il faut passer à l'action. Plus on en parlera, plus
on aura la tentation d'utiliser des moyens de contournement pour régler
des problèmes ad hoc et les solutions globales vont nous
échapper. Il y a des exemples, actuellement, de collecte
sélective de déchets qui sont très prometteurs. Par
exemple, ce qui se fait dans la région de Vic-toriaville. M. Normand
Maurice, qui est connu de tout le monde, je pense, nous a décrit avec
éloquence le type de projet dont on pourrait faire la promotion. Le
Mouvement Desjardins endosse ce type de démarche parce qu'à la
base de ça il y a la formation, il y a l'éducation de nos jeunes
et, en plus, il y a la création d'emplois. Il y a l'implantation de ces
centres de tri à la collective sélective partout. Alors, l'accent
est porté sur la ressource à récupérer et à
recycler. Il y a les débouchés qu'il faut trouver à ces
ressources-là, en termes de nouveaux produits, ce qui nous amène
à recommander plus d'argent dans la recherche et le développement
à l'égard des produits à tirer de ces ressources
recyclées.
M. Lazure: Je pense, en tout cas, qu'on partage votre
préoccupation de ce côté-là aussi. C'est tout, M. le
Président. Merci.
M. Coderre: Je peux me permettre un ajout, peut-être,
justement sur la question de la recherche et du développement. Je
souligne qu'il y a actuellement un fonds de recherche et développement
technologique en environnement de plus de 50 000 000 $, mais, en tout cas, pour
travailler dans une région, en particulier au Québec, je
m'aperçois que c'est assez méconnu et je pense qu'il y a beaucoup
de choses qu'on pourrait faire avec ça, entre autres, au niveau des
produits recyclés qui pourraient être développés. On
s'aperçoit aussi... On a mentionné un
exemple dans notre mémoire, justement, d'une entreprise qui est
en région, qui, par la voie du recyclage, crée de l'emploi chez
elle. Je pense que le développement régional, au Québec,
est quelque chose qui est important et c'est peut-être une des voies qui
peut permettre peut-être de créer aussi de l'emploi en
région, entre autres en créant des entreprises localement qui
pourraient faire des nouveaux produits à partir de ce qui était
auparavant des déchets.
Le Président (M. Garon): II reste deux minutes à
l'Opposition. Je vais vous poser une question additionnelle. Est-ce que vous
pensez que par rapport au développement domiciliaire les
municipalités ou encore les gens de l'Environnement, ou même les
prêteurs ne devraient pas avoir des responsabilités? Quand on
laisse des gens se construire à des distances qui ne sont pas
convenables par rapport, par exemple, à des entreprises agricoles, par
rapport à des entreprises qui font du bruit, par rapport à des
entreprises qui ont des senteurs, qui ont des bruits, qui ont différents
inconvénients, pour qu'ensuite la valeur marchande... Elle ne vaudra
plus la même chose, la bâtisse. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir
des responsabilités encourues par les municipalités de ne pas
permettre ça ou encore, les prêteurs, de ne pas prêter et,
après ça, de pouvoir se plaindre? Parce que, là, on
émet toujours l'hypothèse que c'est l'entreprise qui vient se
localiser et, après ça, on est trop proche du monde. Mais dans
l'hypothèse où c'est le monde qui vient se placer, les gens
veulent se bâtir trop près d'une porcherie, trop près d'un
aéroport, et après ça, ils vont dire: II y a du bruit.
Trop proche d'une entreprise agricole qui a des tracteurs... Qu'est-ce que vous
voulez? Les tracteurs sont faits aux États-Unis et ils font du bruit des
fois. Est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité aussi par rapport aux
prêteurs, qui sont les caisses populaires, entre autres, pas rien
qu'elles, mais aussi aux municipalités souvent qui se déguisent
en courant d'air parce qu'elles veulent bien laisser bâtir parce qu'elles
vont collecter des taxes, puis elles pensent que c'est payant. J'ai
remarqué que la vertu, c'est facile, mais la pratique de la vertu, je
m'aperçois que, quand arrive ce moment-là, c'est bien plus
difficile.
M. D'Amours: M. le Président, on est totalement d'accord
avec votre énoncé, sauf que ce que nous souhaitons, c'est qu'on
mette au point des mécanismes qui nous permettent de partager la
responsabilité et que les plans d'aménagement, les plans
d'urbanisme prévoient tout ça, de sorte qu'on ne soit pas les
seuls à lever l'interdiction. Si on lève l'interdiction, on va
dire: Ce n'est pas ta responsabilité. Malgré le fait que nos
conseillers dans les caisses maintenant soient invités à
conseiller les emprunteurs hypothécaires pour la localisation de leur
mai- son... C'est vrai, on les sensibilise au fait que, si la maison est mal
localisée, c'est la valeur de la maison qui est à risque et on
considère que la maison, c'est l'élément le plus important
dans la richesse d'un individu. Donc, en ce sens-là, nos conseillers
financiers s'attardent à cette question-là. Mais, lorsqu'on va
au-delà de ça et qu'on doit nous-mêmes prendre la
décision pour se substituer à une municipalité, là,
on a des problèmes. C'est la raison pour laquelle on voudrait que les
municipalités s'impliquent, on voudrait que les plans d'urbanisme se
développent. Et nous avons, à cet égard-là, fait
des alliances récemment avec les urbanistes du Québec. Nous avons
participé à leurs colloques, à leurs discussions et on
leur a offert notre collaboration, aux urbanistes du Québec, de sorte
que l'élaboration des plans d'urbanisme soit faite aussi en
considération des difficultés que nous éprouvons, comme
institution financière.
Le Président (M. Garon): ...plus loin que le code
d'éthique des caisses populaires pourrait dire que dans ces
cas-là la caisse ne prêtera pas à quelqu'un qui veut se
bâtir à une distance qui est moins que la distance
réglementaire ou on va être en infraction.
M. D'Amours: Absolument! Ça, c'est
déjà...
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: II me reste quelques minutes, M. le
Président. Vous parlez dans votre mémoire, comme l'a
souligné mon collègue de La Prairie, de la gestion
intégrée des déchets, mais vous ne vous prononcez pas sur
la pertinence ou pas de soumettre cette opération environnementale
à la procédure actuelle. J'aimerais vous entendre
là-dessus et je pense que c'est intéressant que Me Coderre se
soit prononcé sur le fonds qui existe en ce moment, le fonds de
recherche en environnement. Quand vous dites que le gouvernement devrait mettre
plus d'argent, on a déjà un fonds en recherche environnementale
qui commence à peine à être vraiment utilisé, parce
que la première année qu'il a été mis sur pied il
n'a pas été utilisé, mais le gouvernement est très
sensible à ça, je fonds existe déjà. Ne pensez-vous
pas qu'on devrait soumettre les procédés d'élimination des
déchets domestiques à la procédure
d'évaluation?
M. D'Amours: En ce qui concerne les sites d'enfouissement, oui,
je pense qu'il faut les soumettre à cette procédure
d'évaluation, mais, quant à la décision gouvernementale de
faire la promotion de la collecte sélective, je pense qu'il faut passer
à l'action, et rapidement.
Mme Pelchat: Mais je pense que ça, c'est fait. On a
déjà adopté notre politique de gestion
intégrée des déchets. Ça, c'est fait.
M. D'Amours: Oui, mais il y a encore beaucoup de... On a
créé RECYC-Québec avec un pouvoir de taxation...
Mme Pelchat: On a créé RECYC-Québec et il y
a Collecte sélective Québec qui existe aussi.
M. D'Amours: Oui, mais avec RECYC-Québec, il y a un
pouvoir de taxation et on s'attend à ce que les décisions de
RECYC-Québec supportent les décisions de Collecte
sélective Québec.
Mme Pelchat: On devrait apprendre bientôt des suggestions
de RECYC-Québec, notamment sur les pneus. Je pense que ça, ce
serait clair. Merci.
M. D'Amours: À cet égard-là, j'ajouterai, M.
le Président, que si, par exemple, RECYC-Québec imposait des
consignes, multipliait la consigne, on irait à l'encontre de la
recommandation que l'on fait ici, parce qu'en multipliant la consigne on est
d'avis qu'avec la collecte sélective et le recyclage des ressources on
n'y arrivera pas.
Mme Pelchat: Vous n'avez pas tort là-dessus, sauf que sur
les pneus comme tels, je pense que la consigne est essentielle et
nécessaire.
M. D'Amours: Ah! on peut difficilement mettre le pneu à la
rue.
Mme Pelchat: On ne parle pas du carton et du plastique, on parle
de la consigne sur les pneus. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Je veux
remercier les représentants de la Confédération des
caisses populaires et d'économie Desjardins. Je suspends les travaux de
la commission pour quelques instants, pour donner le temps à
l'Association des biologistes du Québec de s'approcher de la table
pendant que nos interlocuteurs actuels se retirent.
(Suspension de la séance à 15 h 25)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M. Garon): Nous recevons l'Association des
biologistes du Québec et Mme Louise Champoux, vice-présidente.
Comme vous avez une heure avec la commission, normalement c'est 20 minutes pour
votre exposé de mémoire, 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour l'Opposition.
C'est correct, Mme Champoux, vous pouvez vous présenter
vous-même et les gens qui vous accompagnent.
Association des biologistes du Québec
Mme Champoux (Louise): Merci, M. le Président. D'abord, au
nom de l'Association des biologistes du Québec, je voudrais vous
remercier de nous avoir donné l'opportunité de venir ici
présenter notre mémoire de vive voix. Je vais vous
présenter mon collègue, M. Paul Chénard, qui est le
principal rédacteur du mémoire que nous présentons
aujourd'hui et moi-même, Louise Champoux, la vice-présidente de
l'Association des biologistes du Québec.
On va procéder en faisant un résumé du contenu de
notre mémoire et, par la suite, M. Chénard va élaborer un
peu plus sur les relations entre ce qu'on présente dans notre
mémoire et les questions qui étaient soulevées dans le
document de consultation de la commission.
L'Association des biologistes du Québec est un organisme
représentant de nombreux spécialistes et chercheurs qui oeuvrent
dans le domaine de l'environnement depuis de nombreuses années, voire
avant que la qualité de l'environnement ne soit devenue une
préoccupation générale. Plusieurs de nos membres ont vu
évoluer la procédure québécoise d'évaluation
environnementale et ne demandent pas mieux que de la rendre à la fois
plus exacte et plus proche des attentes de la population.
Les biologistes de notre association estiment qu'une évaluation
environnementale réussie repose à la fois sur un contenu
substantiel, la méthodologie scientifique et un contenant qui s'y
adapte, la procédure.
L'Association pense d'abord que la procédure actuelle contient
des éléments positifs, mais elle en renferme aussi qui sont
perfectibles. Il y a également des lacunes à combler. Nous osons
croire que cette consultation informera suffisamment nos législateurs
pour leur permettre d'améliorer le système à la pleine
mesure des besoins de la société québécoise.
Première partie: Du légalisme à la participation.
La judiciarisation du processus d'évaluation et d'examen environnemental
inquiète les scientifiques que sont les biologistes parce que les
questions de droit et de procédure pourraient facilement éclipser
les questions de fond. Plusieurs cas retentissants, Amoco Cadiz, Love Canal,
Saint-Basile-le-Grand, etc., ont convaincu le public que leur milieu de vie est
menacé par des projets majeurs dans leur localité. L'obligation
de subir impose le droit de savoir.
Le public réclame d'être écouté et
respecté par les experts qui avaient l'habitude de fonctionner à
leur guise jusqu'à maintenant. La commission devra reconnaître que
cette tendance est irréversible et en tenir compte dans ses
recommandations.
La deuxième partie: Les grands principes de l'évaluation
environnementale. L'Association des
biologistes du Québec estime que le but premier et fondamental
d'une évaluation environnementale est d'assurer un développement
économique et en équilibre durable avec le milieu naturel et
humain. Cette démarche repose sur les principes généraux
qui suivent: Premièrement, la globalité. Afin de prédire
si ces effets sont bénéfiques, néfastes et, le cas
échéant, corrigibles, une évaluation environnementale doit
être aussi globale que possible. L'évaluation commence d'abord par
une justification environnementale générale du projet pour se
concentrer ensuite sur les détails de son exécution, le cas
échéant. Par conséquent, l'Association des biologistes du
Québec recommande d'assujettir les politiques et les grandes
orientations de l'État à une évaluation environnementale
publique.
Nous demandons au gouvernement du Québec de pratiquer
systématiquement ce qu'il a déjà accompli par exception
dans le cas des déchets dangereux - la commission Charbon-neau - et pour
sa politique forestière. Cette nouvelle approche devrait se tourner
d'abord vers la politique énergétique. La globalité
suppose ensuite d'assujettir de prime abord tous les projets qui ont un impact
important sur la qualité de l'environnement. C'est ici qu'apparaît
la plus importante lacune de la procédure québécoise
actuelle. L'Association des biologistes du Québec recommande la mise en
vigueur immédiate de tous les paragraphes non-promul-gués de
l'article 2 du règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts
sur l'environnement. Le règlement ignore également certains
projets comme les sites d'enfouissement sanitaire des déchets. L'ABQ
recommande leur ajout dans l'article 2.
Deuxième principe général, la transparence. Cette
transparence se manifeste déjà au dépôt des avis de
projet, mais elle doit s'étendre à l'élaboration de la
directive en consultation. Cette étape détermine les sujets
abordés dans l'étude d'impact. L'Association des biologistes du
Québec recommande une consultation publique obligatoire entre
l'élaboration et la transmission d'une directive en consultation, afin
de pouvoir intégrer les préoccupations légitimes et
raisonnables du public affecté par le projet dans l'étude
d'impact.
Toujours par souci de transparence, l'ABQ recommande que la
procédure québécoise permette au public de connaître
les résultats de l'analyse technique du ministère de
l'Environnement du Québec, préférablement avant le
début des audiences publiques ou, à tout le moins, lors de la
première partie des audiences consacrées à l'information
publique.
Troisième principe général, la prévoyance.
Rien n'empêche un promoteur de consulter le public de son propre chef
pour tenter d'intégrer les préoccupations populaires dans son
projet. Cela ne doit pas se substituer à la procédure officielle,
mais une consultation préalable effi- cace peut éviter une
contestation ouverte et une audience publique formelle, d'où une
procédure plus courte.
Quatrième point, l'apprentissage. L'Association des biologistes
du Québec considère que l'évaluation environnementale est
une discipline qui doit progresser grâce à l'acquisition de
connaissances pertinentes. Il est évident que nos connaissances
progresseraient rapidement si chaque projet était contrôlé
pendant et après sa réalisation pour vérifier l'exactitude
de son évaluation d'impact.
L'ABQ recommande donc, dans un premier temps, que toutes les directives
en consultation contiennent l'obligation de définir un suivi
répondant aux questions et prédictions formulées dans
l'étude d'impact. Les modalités précises seraient
discutées par le MENVIQ dans son avis technique de l'étude
d'impact et abordées lors de l'audience publique du BAPE, le cas
échéant. De plus, les suivis environnementaux devraient
être rendus publics par le BAPE.
Dans un deuxième temps, l'ABQ recommande qu'une synthèse
des suivis environnementaux de projets soit intégrée au bilan
périodique de l'environnement préparé par le MENVIQ
à tous les trois ans.
Dans un troisième temps, l'Association des biologistes du
Québec recommande au ministre de l'Environnement de confier, au besoin,
au BAPE, un mandat d'enquête publique sur les résultats des suivis
environnementaux de secteurs économiques particuliers ou de composantes
environnementales données. La procédure actuelle n'y fait pas
obstacle comme tel, mais il conviendrait de confirmer officiellement ce
rôle particulier dans la loi et ses règlements. Toutes ces
recommandations amèneront un surcroît de travail qu'il faudra
gérer de la façon appropriée.
Cinquième principe général, la souplesse. Compte
tenu des restrictions budgétaires du gouvernement et d'une approche
globale de la problématique, il apparaît nécessaire,
à la fois de consacrer plus de ressources financières et humaines
à l'évaluation environnementale et d'apporter des
assouplissements à la procédure actuelle. L'ABQ recommmande que
les ressources financières et humaines soient réparties parmi
tous les organismes gouvernementaux impliqués dans l'évaluation
environnementale et affectées en priorité à la
synthèse des données et au suivi des projets.
L'ABQ recommande également certains assouplissements à la
procédure actuelle. D'abord, l'ajout d'une étape de
médiation environnementale entre le dépôt d'un avis de
projet et la production de l'étude d'impact. Bien que le nombre de
projets assujettis à la procédure d'évaluation doive
augmenter considérablement, il est raisonnable de penser à
regrouper ces projets selon leur définition ou leurs impacts connus ou
anticipés.
L'ABQ recommande au ministre de l'En-
vironnement d'utiliser les descriptions de projets, les connaissances
acquises sur les impacts et sur les milieux ambiants et les résultats
des suivis environnementaux pour classer au préalable les projets et
normaliser leur évaluation. La préparation des directives en
consultation et des études d'impact serait simplifiée et une
attention particulière pourrait être consacrée aux aspects
distinctes d'un projet particulier lors de toutes les étapes. L'ABQ
recommande que le BAPE soit chargé d'examiner publiquement les
modalités préalables d'évaluation de projets par
catégories que le ministre voudrait promulguer.
Troisième partie, pour une amélioration de la
méthodologie scientifique. Les études d'impacts ont tendance
à se limiter à des descriptions au détriment d'une
prédiction quantitative des impacts. C'est le résultat d'une
approche réductionniste à l'étude du milieu naturel
fondée sur la conviction que l'étude de toutes les composantes
individuelles entraînera nécessairement une compréhension
de l'ensemble. À l'opposé se dresse l'approche empirique qui se
limite à examiner un nombre de variables beaucoup plus restreint, mais
dans le plus grand nombre possible de cas. Elle vise à dégager
des relations prédictives simples et utiles à l'évaluation
environnementale.
Le but de notre propos est de faire comprendre à la commission
que les recommandations formulées dans ce mémoire au sujet de la
synthèse des données, des suivis environnementaux et des
évaluations par catégories amélioreront les chances de
succès de la méthodologie empirique. De plus, l'ABQ recommande
d'impliquer plus étroitement les chercheurs scientifiques dans
l'amélioration des méthodologies d'évaluation par le biais
du fonds de recherche en environnement annoncé par le gouvernement en
1990.
En conclusion, ce mémoire a tenté de jeter les principes
de base d'une procédure d'évaluation environnementale efficace et
de formuler des recommandations spécifiques pour améliorer le
processus québécois. L'Association des biologistes du
Québec réitère que le but premier de toute démarche
est la réconciliation durable du développement économique
et de la qualité de l'environnement. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme Champoux, M.
Chénard, bienvenue à cette commission, au nom du gouvernement du
Québec. Vous nous avez présenté un mémoire fort
attendu. On ne vous cache pas qu'on avait hâte de voir des
spécialistes; vous êtes le premier groupe, hormis les
spécialistes habituels de l'échelle gouvernementale, qui venez
nous donner votre avis. J'aimerais, bien sûr, dans un premier temps, vous
féliciter pour la clarté de votre mémoire. Vous avez su le
sortir ex cathedra et le verbaliser pour que le commun des mortels puisse le
comprendre. Dans vos neuf recommandations, il y a des choses très
intéressantes et vous appportez des choses nouvelles aussi. Je pense que
vous êtes un apport peut-être inespéré à la
commission. En tout cas, on apprécie énormément la
qualité de votre mémoire.
Vous vous référez, dans vos recommandations... À la
recommandation no 1, j'aimerais ça que vous élaboriez un petit
peu votre idée là-dessus: "Assujettir les politiques et grandes
orientations de l'État à une évaluation environnementale
publique." Est-ce que vous voulez expliciter un petit peu là-dessus pour
nous dire jusqu'à quel point vous voyez ça dans vos horizons?
M. Chénard (Paul): Avec plaisir, M. le
député. Le cas le plus concret et le plus d'actualité,
c'est probablement celui de la politique énergétique. En ce
moment, on s'aperçoit que la controverse qui entoure le projet
Grande-Baleine est due en grande partie au fait qu'il manque une tribune au
Québec pour effectuer un débat de fond sur l'énergie.
À ce moment-là, ceux qui veulent faire ce débat-là
doivent profiter de toute tribune qui leur est offerte et, en ce moment, c'est
le projet Grande-Baleine. Avec le résultat, par exemple,
qu'Hydro-Québec sert en ce moment de paratonnerre et s'attire toutes les
foudres. Elle se sent sur la défensive, c'est évident, en partie
et surtout parce que le gouvernement, effectivement, ne veut pas
débattre du fond du problème.
Ça a déjà été fait. Ce qu'on dit dans
le mémoire - et c'est assez clair - c'est qu'on voudrait voir
généraliser des débats sur les grandes orientations
politiques gouvernementales et leurs implications environnementales. Dans le
cas du débat énergétique, par exemple, ce serait semblable
à ce qui se fait en Ontario en ce moment, où le gouvernement de
l'Ontario a mandaté sa Commission d'évaluation environnementale
pour examiner le plan de développement de 25 ans d'Hydro-Ontario, mais
ça sert aussi de débat de fond sur les orientations
énergétiques en Ontario. C'est un débat qui durera
jusqu'à la fin de 1991. Hydro-Ontario sera contre-interrogée par
les experts de 13 groupes différents, je crois, qui seront
présents.
En 1992, l'année entière va être vouée aux
présentations des autres groupes et à leur contre-interrogatoire
par Hydro-Ontario. Et finalement, en 1993, le rapport sera
déposé, c'est-à-dire à peu près quatre ans
après le dépôt du plan de développement des
orientations d'Hydro-Ontario. Ici, au Québec, effectivement, il y a
d'autres dossiers qui pourraient également faire l'objet d'un examen
public sur les conséquences environnementales, entre autres, la
politique de gestion des déchets domestiques et toute la question de la
récupération et du recyclage.
À l'intérieur de cette question-là, sur la question
des déchets bio-médicaux, je crois savoir que le BAPE veut tenir
des audiences sur la cogénération, mais ça, c'est
peut-être un sous-ensemble de la question énergétique
générale. Il y en a d'autres également. On pourrait
débattre de la politique des transports du gouvernement. Il y a toutes
sortes de politiques générales et d'orientations qui ont des
implications environnementales. Et l'avantage de faire un débat de fond
avant de discuter des projets, c'est justement d'épargner aux promoteurs
de projets particuliers d'être élevés comme des cas
d'espèce ou d'être, si vous voulez, les chevaux de Troie dans tout
ce dossier-là. Et je pense que ça augmenterait
énormément l'efficacité des choix environnementaux qui se
font au Québec.
M. Maltais: À la page 3 de votre mémoire, à
la partie 2, vous nous indiquez - et ça, je vous reconnais beaucoup de
fantasmes parce que vous êtes des spécialistes reconnus
qualifiés par la population - et vous nous dites: "Les experts avaient
l'habitude de fonctionner à leur guise. " Qu'est-ce que vous voulez dire
par là?
M. Chénard: Les décisions se prennent souvent... En
fait, le mode de décision est souvent ce qu'on appelle en anglais le
"decide and defend syndrome", c'est-à-dire qu'on fixe les
modalités de projets et tout ça parmi les promoteurs, les
experts, etc., et ensuite on présente le projet comme un fait accompli
devant le public. Et là, il y a un débat où une partie se
défend contre l'autre. Peut-être que le meilleur exemple de
ça, c'est toute la question des installations nucléaires, surtout
aux États-Unis. On s'est aperçu que les... Il faut dire aussi que
le système américain, évidemment, est plus litigieux,
alors il se prête peut-être un peu plus à ça qu'ici,
au Québec. Mais la tendance, évidemment, c'est de dire, parmi les
experts: Écoutez, on a été éduqués à
grands frais par la société, on est des experts dans le domaine,
on devrait être capables de statuer sur ce qu'est le bien commun. C'est
une tendance qui est tout à fait naturelle, que je ne reproche pas
tellement aux experts.
Par contre, en matière d'environnement, en matière de
grands débats sociaux, on s'aperçoit que le problème est
d'une telle ampleur et il a tellement de ramifications possibles qu'il faut
qu'il y ait, à un moment donné, une injection de
différents points de vue. Et ça inclut, justement, le point de
vue de l'Individu ou du public lui-même. Comme on le dit dans le
mémoire, "l'obligation de subir impose le droit de savoir" et c'est
évident que le public devra, tôt ou tard, subir les
conséquences des décisions de son gouvernement et des
entrepreneurs.
À ce moment-là, l'idée, c'est d'être
sûrs le plus possible - ça ne peut pas être parfait,
évidemment - qu'on a couvert ces différents angles. Je vais vous
donner un exemple, dans...
Moi, je suis plus familier avec les dossiers de la région de
l'Outaouais parce que j'y habite. Il y a quelques années, on avait
parlé de la construction de l'autoroute Saint-Laurent - Laramée
-McConnel. Il y a une section qui passe à travers la ville de Hull, en
contrebas, un peu comme le boulevard Décarie à Montréal.
(15 h 45)
Je ne sais pas si vous connaissez la ville de Hull ou si vous connaissez
cet endroit-là, mais, effectivement, ça fait une énorme
balafre à travers la ville. J'ai été aux audiences
publiques en environnement et je me suis aperçu, Dieu du ciel, qu'il n'y
avait rien dans l'étude d'impact sur l'environnement qui traitait des
implications possibles sur la qualité de l'air urbain, suite aux
émanations des véhicules automobiles et tout ça. Alors, je
me suis dit: Tous les experts du ministère des Transports, par exemple,
qui traitent de tout ça, n'ont même pas vu cette
conséquence possible qui est extrêmement importante. Et Dieu sait
que, s'il y a un impact environnemental majeur sur le système de
transport urbain, c'est bien dans les questions de qualité de l'air.
À ce moment-là, ça indique que les experts ne peuvent pas
nécessairement apercevoir toutes les facettes d'un projet.
M. Maltais: Mme Champoux, il y a beaucoup d'intervenants qui sont
venus avant vous, particulièrement des gens de l'industrie et même
des groupes écologiques aussi, il faut le reconnaître, qui ont
laissé sous-entendre, mais d'une façon, je pense, bien claire,
que les experts, les grands experts, les super-experts, il y avait juste eux
autres qui se comprenaient et que la masse de la population, comme nous autres,
on ne comprenait rien là-dedans. Entre une super expertise et une
logique naturelle, est-ce qu'il n'y a pas une place quelque part, il n'y a pas
un milieu qu'on doit rencontrer pour que tout le monde puisse se
comprendre?
On a les super-experts d'un bord qui vont décider que, pour les
25 prochaines années, c'est ça, ils vont administrer le bien
public. Moi, comme père de famille, je pense qu'on doit toujours
administrer en bon père de famille dans notre maison, au travers des
enfants. Et je trouve ça bizarre que tout le monde vienne se plaindre.
Je trouve ça bizarre et ça m'inquiète. Ça veut dire
que notre société a un syndrome quelque part, syndrome de
l'expert, du superexpert et que, finalement, les experts avec les experts, la
population n'y comprend rien.
Moi, Je pense que la population a son mot à dire dans ce
développement durable que vous nous indiquez plus loin, que la
population a son mot à dire dans son environnement immédiat. Sans
être des experts, ce sont des citoyens, M. et Mme Tout-le-Monde, qui sont
courtiers d'assurances, qui sont psychiatres, qui sont ex-maires, qui sont
agriculteurs, qui sont ex-ministres, qui ont tous une position quelconque
dans
la vie. Ces gens-là doivent avoir voix au chapitre et avoir un
interlocuteur dont ils vont être capables de comprendre le langage.
Mme Champoux: Absolument. Je pense que c'est absolument
essentiel. Ce n'est peut-être pas toujours facile de faire le lien entre
le discours d'experts, d'essayer de ramener ça à un niveau
où même les différents experts des différentes
sphères d'activité puissent se comprendre entre eux, et aussi que
la population, en général, puisse comprendre de quoi on parle et
quels sont les impacts dont on parle et toutes les facettes des projets qu'on
présente. Souvent, effectivement, c'est présenté d'une
façon tellement complexe que la majorité des gens a de la
misère à saisir. Les études ou les projets sont
présentés d'une façon très compliquée. On
dirait qu'on fait exprès pour que la majorité des gens ne soit
pas capable de suivre de quoi on parle. C'est une erreur. Je pense que si on
veut pouvoir le faire d'une façon harmonieuse, et justement, comme on
dit, essayer de rendre la procédure un peu plus facile et l'assouplir,
c'est important que tout le monde puisse se comprendre. Je pense que c'est un
point important d'essayer de rendre ça plus simple.
M. Maltais: Je veux juste vous conter une petite anecdote pour en
arriver à une deuxième question, et je pense que c'est important.
Pendant la dernière campagne électorale, les BPC se promenaient
sur l'océan et les experts ont dit que ce n'était pas dangereux,
mais ils ont décidé de les envoyer chez nous. Ça
n'était pas dangereux du tout, leurs affaires. Ils ont sorti des
théories à partir d'Einstein en baissant, mais il n'y en a pas un
maudit qui les voulait chez lui. Il n'y a pas un maudit expert au Québec
qui voulait en avoir un baril dans sa cour. Il y avait 200 experts à la
conférence de presse et j'avais 187 conteneurs. Si je leur en avais
donné chacun un, je n'aurais pas perdu 3000 votes de majorité,
mais personne n'en voulait un chez lui.
M. Chénard: Ça, c'est parce que votre
problème n'était pas technique, il était politique.
M. Maltais: Non, non, non. Laissez-moi terminer. Je comprends que
le problème était politique. Je comprends, mais ce que je vous
dis, c'est que les experts ont dit que ce n'était pas dangereux. Mais le
monde n'a pas cru les experts. C'est fini l'heure où le peuple se dit:
L'expert s'est prononcé. Vous vous rappelez, il y a 25 ans, quand on
était au séminaire, le curé disait: C'est noir. Même
si c'était blanc, il fallait dire que c'était noir. Mais
ça, c'est terminé, cette histoire-là. Aujourd'hui, les
gens ne croient plus à cette expertise-là. Ils ont leur mot
à dire. La preuve, comme vous l'avez dit, que c'était un
problème politique: c'est mon gouvernement qui m'envoyait ça et
les gens m'ont réélu pareil. Ils n'ont pas cru l'expert ni le
gouvernement. Ils m'ont cru, par exemple. Entre les deux, ils ont pris le
moindre. Mais ce que je veux dire là-dedans, c'est...
Le Président (M. Garon): ils ont pris le moindre. ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Ils ont pris le moindre.
Le Président (M. Garon): Ils ont pris le moindre des
deux.
M. Maltais: Le moindre des deux maux. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Maltais: Entre les experts et le gouvernement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Entre les experts et le gouvernement, ils ont pris le
moindre des deux maux, ils m'ont repris pour une troisième "shot". Mais
vous êtes des gens professionnellement reconnus. Lorsque vous donnez un
avis, j'imagine que vous le basez sur tout votre savoir. Mais la
majorité des intervenants qui sont venus reprochent à cette
vérité-là qu'une fois que les experts se sont
prononcés, on ne devrait plus avoir le droit de parier environnement au
Québec. J'ai hâte de voir les sous-ministres là-dessus; ils
vont venir la semaine prochaine.
M. Chénard: Je pense qu'il faut reconnaître, tout
d'abord, que la sagesse et la connaissance ne sont pas nécessairement
synonymes. En fait, ça, ça se sait depuis des centaines
d'années. C'est un débat quia...
M. Maltais: Depuis Alexandre le Grand, en tout cas.
M. Chénard: Probablement. Je pensais à quelque
chose d'un peu plus récent, mais enfin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chénard: La deuxième chose, je pense, c'est
qu'évidemment les gens, devant ces problèmes environnementaux,
ont deux outils à leur disposition. Ils ont leurs émotions et ils
ont leur raison. L'émotion est utile parce qu'elle permet de mobiliser
l'attention, d'éveiller les sens. L'important, ce n'est pas
nécessairement de ne pas réagir émotivement, au contraire.
L'important, c'est qu'une fois qu'on a réagi émotivement, que nos
sens sont en éveil, c'est à ce moment-là que la raison
commence à s'enclencher
et qu'on commence à penser d'une façon intelligente. Et
c'est ça qui est nécessaire. Malheureusement, dans plusieurs des
cas du syndrome "pas dans ma cour", ce qui se passe, c'est que le saut ne se
fait pas. "S-a-u-t". Le saut ne se fait pas. Comment effectuer ce
saut-là? Eh bien, c'est là où c'est une question de
communication, c'est une question de confiance entre les autorités, les
institutions et le public. Et la confiance, c'est une des choses les plus
difficiles à gagner. Par contre, c'est une des plus faciles à
perdre.
M. Maltais: Ça va. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, vous féliciter, Mme Champoux et M. Chénard, pour la
qualité de votre présentation. J'aime bien l'énoncé
des grands principes que vous faites avant d'arriver à des
recommandations précises. C'est à se demander si on ne devrait
pas avoir, dans la réglementation, à la section III où on
parle de paramètres, une longue liste de paramètres. Est-ce qu'on
ne devrait pas avoir, justement, une liste beaucoup plus courte, mais un
énoncé de principes? Et les principes que vous énoncez
dans votre propre mémoire, c'est, au fond, des principes qui
présideraient à la sélection de tel ou tel critère
qu'on veut inclure dans la directive. On n'a pas eu beaucoup de mémoires
qui présentaient de grands principes comme ça et moi, en tout
cas, je l'apprécie beaucoup.
Le suivi. Vous accordez, à bon droit, beaucoup d'importance au
suivi et ça aussi... En ça, vous êtes un des rares groupes
qui en parlez de façon détaillée. Notamment, en ce qui
regarde les effets cumulatifs, dans votre esprit... J'ai quelques questions
d'ordre pratique parce que je pense que le principe, moi, je vais plaider pour
qu'on l'inclue dans notre rapport. Il est important qu'il se fasse un suivi,
par le ministère, probablement. Est-ce que ça devrait être
par une nouvelle section au ministère, un nouveau service au
ministère ou par les mêmes personnes qui ont travaillé dans
le dossier, à toutes les étapes? Peut-être qu'il y a une
certaine logique à ce que ce soit cette continuité-là
qu'on voie. Comment vous voyez un peu ce suivi-là? À quelle
fréquence? Aussi, dans votre proposition, ça débouche sur
une publication périodique du ministère qui pourrait se faire
dans quel délai? Dans quel délai cette publication-là se
ferait-elle?
M. Chénard: On a recommandé que les suivis se
fassent pour la raison suivante. C'est que tous ceux qui ont un
entraînement scientifique, une formation scientifique savent que
lorsqu'on émet une hypothèse, qu'on fait une prédiction,
la première chose qu'il faut faire c'est, effectivement, de l'infirmer,
c'est de la vérifier. Alors, ça devrait être le cas
également des études d'impact sur l'environnement. Ce serait une
façon aussi de forcer les études à devenir plus
prédictives, d'essayer d'élaguer certaines questions qui seraient
caduques ou inutiles et de se concentrer sur l'essentiel. Ça ne se fera
pas du jour au lendemain, mais il faut tendre dans cette
direction-là.
On accumule une masse de connaissances dans chaque cas qui pourrait
être utile si elle était utilisée, mais elle ne l'est pas.
On recommence à neuf à chaque fois. On réinvente la roue
constamment. On ne pourra pas avancer dans cette discipline-là sans que
ce soit le cas. Imaginez-vous si les autres sciences, si la physique, la chimie
et la biologie avaient adopté la même stratégie. On en
serait encore aujourd'hui à croire à la génération
spontanée ou aux fluides gravitationnels ou quoi que ce soit. Alors,
c'est essentiel.
Ensuite, comment le faire? Qui devrait le faire? Eh bien, ceux qui
devraient effectuer cette synthèse-là, ce suivi-là, c'est
l'institution qui, effectivement, a le statut, est chargée de voir au
bien commun de l'ensemble de la société, c'est le gouvernement.
On ne s'en sortira pas. On ne peut pas demander à un entrepreneur
d'effectuer des études d'impact des effets cumulatifs en pensant que,
par hasard, à un moment donné, il pourrait y avoir un autre
projet qui pourrait venir acheter ça.
D'ailleurs, c'est une difficulté qui se rencontre en ce moment au
niveau fédéral. Dans le projet de loi C-13 qui remplace le
défunt projet de loi C-78, mais qui n'a pas changé d'une virgule,
semble-t-il, on parle d'effets cumulatifs, mais on ne les définit
même pas dans la loi. À ce moment-là, les bureaucrates
fédéraux qui sont chargés d'essayer d'en arriver à
une définition n'en sont pas capables ou, en tout cas, le champ est
libre. Mais le risque, évidemment, c'est que le législateur, au
bout du compte, dise: Ce n'est pas ça que j'ai voulu dire, et que tout
recommence à zéro. Alors, il faut faire attention.
On a parlé du bilan québécois sur l'état de
l'environnement. On pense que ce serait un endroit idéal où
consigner une synthèse de ces suivis-là pour effectivement
démontrer s'il y a progrès en matière d'environnement,
quels sont les défis et tout ça. Ces bilans sont
déjà là. Il y en a un de publié. J'ignore quand le
prochain va l'être; c'est peut-être en 1992 ou en 1993, je ne suis
pas sûr. Ça dépend de la date de publication du premier et
je ne me souviens pas trop si c'était en 1989 ou 1990. C'est un document
qui pourrait être très utile. C'est un document qui pourrait
à la fois vulgariser les choses pour le grand public et, dans des
annexes techniques plus détaillées, fournir des renseignements
plus précis aux spécialistes. Mais je pense que ce serait une
bonne chose. Il faut que, dans ce domaine-là, on avance. Et la meilleure
façon d'avancer, juste-
ment, c'est de ne pas gaspiller l'occasion qui nous est fournie par
chaque projet de recueillir des données, de vérifier des
études d'impact et de raffiner notre méthodologie. Et c'est
ça qu'on recommande.
M. Lazure: Vous parlez aussi de débats publics sur les
grandes politiques, que ce soit... Vous avez donné comme exemple
l'avenir énergétique et vous avez donné d'autres exemples.
Est-ce que vous voyez ces grands débats publics organisés et
tenus par le Bureau d'audiences publiques, par le BAPE? Oui? Je pense que vous
êtes en bonne compagnie. Plusieurs nous recommandent cette technique et,
moi, je pense qu'elle est essentielle. Mon collègue d'Arthabaska a une
question.
Le Président (M. Garon): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: M. le Président, merci de me donner la parole.
Vous êtes l'Association des biologistes du Québec, donc vous
représentez cette association. Depuis ce matin, et la semaine
dernière aussi, on parle souvent de grands travaux, d'études sur
les impacts des grands travaux. J'aimerais ça connaître votre
opinion sur des petits travaux. Un phénomène que plusieurs
municipalités, plusieurs contribuables vivent, c'est le
phénomène d'érosion de nos rivières. Depuis un
certain nombre d'années, à cause des règlements, on ne
peut plus - je dis "on" - nettoyer les rivières ou les recreuser. Les
lits des rivières sont pleins. On regarde ça. Si on circule sur
les rivières, on voit ça, les rivières sont pleines de
gravier ou d'autre chose. Et aussitôt qu'il vient une pluie un peu forte,
du fait qu'il n'y a pas de place pour que l'eau descende, automatiquement, elle
sort. Le lit est déjà plein. Et ça crée un
phénomène d'érosion tout à fait exceptionnel qui
nuit à l'environnement parce que, très souvent, elle mange les
terres voisines. Il y a même des bâtisses qui sont trop proches qui
versent dans les rivières, etc. Mais on invoque la réglementation
qui, de mémoire... Je pense que si tu fais des travaux pour plus que 900
pieds... Je peux me tromper, mais dans un projet, à plus de 900 pieds
d'une rivière, il faut que tu fasses une étude des impacts
environnementaux.
J'ai vu à plusieurs endroits que pour 4000 $ à 5000 $ tu
aurais corrigé ce phénomène d'érosion puis que
ça aurait coûté 15 000 $ à 20 000 $ pour faire une
étude des impacts environnementaux. Donc, où se situe la limite?
J'aimerais ça vous entendre parler là-dessus. Où se situe
la limite? On invoque souvent le fait que ce sont des poissons dans l'eau. J'ai
vu des études qui disent qu'il y a du poisson blanc puis des nymphes
puis des poissons qui n'ont aucune valeur dans ça. En tout cas, je suis
un pêcheur. Je ne veux pas parler contre la protection mais,
anciennement, quand les gens les nettoyaient, les rivières, l'eau, elle
gardait son cours et il y avait des poissons dans la rivière.
Aujourd'hui, on protège ça à toute épreuve et,
à chaque année, il faut remettre des poissons dans la
rivière parce qu'il n'y en a pas de poissons. J'aimerais ça vous
entendre parler un peu là-dessus. C'est quoi qui est... (16 heures)
M. Chénard: Ça dépend de ce que vous voulez
dire par nettoyage. Il y a nettoyage et nettoyage. De votre point de vue, le
nettoyage d'une rivière ce n'est peut-être pas
nécessairement ce qui constitue la santé ou la nature biologique
même du milieu. C'est un petit peu comme dire: À quoi ça
sert d'avoir une rivière qui méandre quand ça serait
tellement plus simple de la corriger et de l'envoyer tout droit pour qu'on
puisse bien mesurer le débit, qu'on puisse bien distribuer son cours un
peu partout et qu'on puisse arranger l'irrigation et tout ça? Il faut
arrêter de penser que, bon, automatiquement, si la nature fait les choses
de cette façon-là, ça ne nous convient pas, on corrige la
nature.
Deuxièmement, vous demandez où se situe la limite entre
l'évaluation des impacts et tout ça. Il faut dire que dans
l'exemple que vous donnez, où on pourrait s'en tirer à bien
meilleur compte si on faisait la mesure de correction sans passer par une
étude d'impact qui retarderait les choses, eh bien, ça, c'est le
genre de chose qui pourrait facilement être accommodé dans une
consultation préalable à une étude d'impact entre un
promoteur et les autorités locales ou le public ou quoi que ce soit. Je
pense qu'il y aurait moyen de mettre au point des méthodes assez simples
de correction, des mesures de mitigation qui pourraient être
appliquées et qui ont fait leurs preuves.
Ça revient à dire qu'effectivement, si vous regardez les
différents problèmes d'érosion dans l'ensemble du
Québec, vous trouvez certaines constantes entre ces
problèmes-là. Vous trouvez certains cas qui ont réussi,
certaines mesures qui ont réussi, certaines autres pas. Vous apprenez de
ces choses-là et vous les appliquez. Mais en l'absence d'une
volonté de reconnaître le problème immédiatement, de
le corriger immédiatement, la seule façon d'amener ce changement
de mentalité là, effectivement, c'est d'entraîner les
promoteurs et ceux qui veulent travailler dans des études
environnementales pour tenter de faire leur éducation, leur
sensibilisation ou peut-être même de décourager le projet
à cause de la lourdeur administrative que ça impose.
Mais je pense qu'il est essentiel, effectivement, de ne pas voir
automatiquement... d'abord d'essayer de réparer les pots cassés
mais surtout de prévenir. Et ça, on ne remplacera jamais
ça. Mieux vaut prévenir que guérir. Si vous voulez imposer
la redémonstration ad nauseam de quelque chose à chaque fois,
libre à vous de le faire, mais c'est inefficace.
M. Baril: Non, mais ça...
Mme Champoux: II faut voir que ie processus de remplissage et
d'érosion des cours d'eau, c'est un processus naturel, sauf qu'il a
peut-être été amplifié beaucoup par
différentes activités humaines qu'on a faites depuis toujours,
qui ont fait que, maintenant, selon la façon dont on a utilisé le
territoire, il y a beaucoup plus d'érosion qui se fait, donc le lit des
rivières est rempli de façon exagérée et ça
cause des problèmes d'inondation, des choses comme ça. Mais comme
mon collègue le dit, il existe certaines mesures d'atténuation
qui peuvent être prises. Évidemment, ça ne se fait pas du
jour au lendemain mais, en protégeant mieux les rives et en faisant
attention à la façon dont on développe le long des cours
d'eau, on diminue les problèmes d'érosion et, par
conséquent, de comblement des rivières, etc.
M. Baril: Vous avez raison. La pratique humaine a apporté
des ennuis à l'environnement. Mais je dirais qu'avant, justement, la
pratique humaine était consciente d'avoir dérangé, je vais
dire, l'écoulement normal des eaux et l'humain intervenait à des
endroits bien précis pour corriger les erreurs que lui-même avait
faites plus tôt. Mais là, aujourd'hui, à cause qu'on fait
des erreurs sur l'aménagement des berges ou des activités qu'on
fait contre, ça nuit aux cours d'eau mais là, on n'intervient
pas, et c'est nous autres qui avons dérangé le cours d'eau.
Là, on n'intervient pas ou ça prend, comme je l'ai dit, je le
répète, une étude de 20 000 $, 25 000 $ pour, bien des
fois, tasser un tas de gravelle qu'il y a dans le milieu de la rivière;
l'eau arrive dessus, frappe dessus et elle mange la terre à
côté. Ça, c'est la responsabilité de l'humain,
à cause de ses activités, qui a fait en sorte qu'il y a eu une
accumulation de gravier ou de sable, d'agrégats, en tout cas, au milieu
de la rivière.
Mais est-ce qu'à chaque fois, dépendamment de l'ampleur
des travaux... Mais quand c'est des travaux très ponctuels qu'il
faudrait faire, est-ce que, selon vous, il faut maintenir encore toutes les
études d'impact sur des travaux bien précis? Je ne dis pas que tu
repars d'une place à l'autre, tu recreuses la rivière sur 25
milles de long ou 5 milles, ce n'est pas ça, mais des travaux bien
ponctuels pour corriger des anomalies ou les défauts que ça
cause.
Mme Champoux: C'est peut-être... M. Chénard: On
a...
Mme Champoux: Excuse. C'est peut-être un exemple où
il y aurait lieu d'assouplir la procédure en essayant d'établir
des directives plus globales pour un certain ensemble de problèmes ou de
projets, en commençant par effectuer une évaluation des
études antérieures du même genre qui ont été
effectuées et en sortir des règles générales qui
peuvent s'appliquer aux prochaines pour qu'on ne soit pas toujours
obligés de recommencer, comme on le disait tout à l'heure.
M. Chénard: Quand vous parlez du milieu naturel et de
vous, il ne faut pas oublier que vous aussi vous faites partie du milieu
naturel. On a trop tendance, dans notre discours, à divorcer de notre
milieu naturel. Et on pense qu'on peut le faire parce que, effectivement, on a
mis au point un tas de technologies, de techniques et tout ça pour
créer son propre petit univers. Comme cet édifice ici, par
exemple, c'est un petit univers qu'on a créé, c'est vrai; mais il
ne faut pas oublier que tout ce que ça fait, ça nous recule un
petit peu du milieu naturel, mais ça ne nous enlève pas
complètement. À ce moment-là, il faut que vous voyiez le
problème comme étant celui de rétablir un équilibre
entre vous et le milieu naturel.
J'abonde dans le même sens que ma collègue au sujet de la
souplesse. C'est vrai qu'il y aurait moyen d'adapter les procédures
d'évaluation et surtout les méthodes d'évaluation à
l'ampleur des projets. C'est tout à fait vrai. Mais pour ce faire, il
faut avoir un système qui accumule les données qu'il faut, qu'il
n'ait pas peur d'utiliser les cas d'espèce qui grandissent
là-dessus. Si votre système ne s'améliore pas en y allant,
on retombe dans ce que vous dites, il faut toujours recommencer à neuf
tout le temps. D'ailleurs, dans notre mémoire, on parle entre autres des
évaluations de projets par catégories. Les évaluations
préalables par catégories, c'est ça, le sens de cette
recommandation-là. C'est d'utiliser... Il y a des ressemblances entre
toutes sortes de projets. Il y a des ressemblances également entre les
milieux où ils ont cours. Il est très logique de supposer qu'il y
aurait des ressemblances au niveau des impacts également. Mais il faut
s'équiper pour le savoir, il faut être capable d'effectuer les
généralisations qu'il faut. Il faut être capable de se
concentrer sur les cas d'espèce également.
Mais des projets, par exemple, de réaménagement des
berges, ça pourrait très bien tomber dans une des
catégories dont on fait mention. Les dragages, ça pourrait tomber
là-dedans aussi. Si vous examinez le rapport Lacoste, vous vous
apercevez que la grande majorité des projets sont des projets de ce
type-là: dragage, infrastructures routières, des choses comme
ça. Il y a des ressemblances, il y a des différences. Il s'agit
d'effectuer les généralisations qu'il faut et d'adapter notre
procédure et nos méthodes d'évaluation à ce genre
de choses là. À ce moment-là, on commence à
diminuer les ennuis dont vous nous faites part.
M. Baril: Merci.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie
les représentants de l'Association des biologistes du
Québec, Mme Champoux et M. Chénard. Je suspends quelques instants
les travaux de la commission pour permettre au nouvel intervenant, le Mouvement
d'opposition à l'incinération, de s'approcher de la table des
délibérations.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Garon): Mme Majeau, vous avez une
demi-heure à votre disposition pour faire valoir votre point de vue,
c'est-à-dire que, normalement, les intervenants prennent 10 minutes, le
parti ministériel 10 minutes et l'Opposition 10 minutes pour questionner
sur votre mémoire et l'exposé verbal que vous faites devant la
commission.
Mouvement d'opposition à
l'incinération
M. Bettez (Maurice): Mon nom est Maurice Bettez. Le Mouvement
d'opposition à l'incinération est un organisme à but non
lucratif dont l'objectif est de promouvoir la défense de l'environnement
en donnant de l'information sur une meilleure gestion des déchets
dangereux et domestiques, en bannissant toute forme d'incinération de
cesdits déchets. Il s'agit du même mouvement qui a lutté
contre le projet d'incinération des déchets chez Ciment
Saint-Laurent à Joliette, mais qui a élargi son mandat d'action
à l'ensemble des projets d'incinération des déchets au
Québec.
Au niveau des équipements, suite à d'importantes
recherches et consultations auprès d'organismes environnementaux
reconnus, nous sommes convaincus que les seuls équipements
nécessaires à la gestion des déchets pouvant être
approuvés ou cautionnés par le gouvernement du Québec
devraient servir exclusivement les programmes de réduction à la
source, de réutilisation et de recyclage. En définitive, des
équipements qui respecteraient la séquence des 3 R mise de
l'avant par la commission Brundtland et que le ministère de
l'Environnement du Québec prétend promouvoir.
Bannir l'incinération, pourquoi? Quant à la valorisation
énergétique, dernier volet théorique de la politique du
ministère de l'Environnement du Québec en matière de
gestion des déchets, il s'agit en fait d'incinération.
Incinérer des déchets dangereux ou domestiques n'est qu'un moyen
pour les cimenteries d'économiser sur leur facture de carburant. Par
l'incinération, le ministère de l'Environnement du Québec
tente de se débarrasser de l'épineux problème des
déchets et le gouvernement du Québec voit, par
l'incinération des déchets en cimenterie, l'occasion de
s'approvisionner en ciment à bon marché en vue des
mégaprojets hydroélectriques. L'incinéra- tion doit
être bannie pour les trois raisons suivantes, au regard des impacts sur
l'environnement.
Premièrement, la valorisation énergétique versus
les 3 R. La valorisation énergétique est incompatible avec la
séquence de la réduction à la source, la
réutilisation et le recyclage. Et au dire même de la commission
Charbonneau, la valorisation énergétique n'est pas du recyclage.
L'incinération des déchets est un moyen facile
d'élimination des déchets qui encourage leur production au
détriment de la réduction à la source.
L'incinération décourage tous les efforts de
réutilisation, le cas des huiles usées en est un vif exemple. Le
ministère de l'Environnement du Québec, en autorisant le
brûlage des huiles usées en cimenterie, nuit directement au
reraffinage de ces huiles par une usine déjà existante
située à Breslau en Ontario, qui a la capacité de
reraffiner toutes les huiles usées de l'Ontario, toutes les huiles
usées du Québec et des Maritimes. Pourquoi le MENVIQ opte-t-il
pour l'incinération alors qu'il prône prioritairement la
réutilisation? L'incinération annule tout projet de recyclage car
tout ce qui se brûle est recyclable: papier, plastique, pneus, huile au
BPC y compris.
Deuxièmement, l'incinération et la dispersion des
substances toxiques dans l'environnement. Dans la nature, rien ne se perd, rien
ne se crée, rien ne disparaît, tout se transforme. Par ailleurs,
il est impossible de brûler les métaux. En incinérant des
déchets dangereux et domestiques, on favorise la dispersion
incontrôlable et irrémédiable des substances toxiques dans
l'environnement. Ainsi, les métaux lourds et les produits de combustion
incomplète tels les dioxines et furannes, scientifiquement
prouvés cancérigènes, contamineraient l'air, le sol et
l'eau.
Dispersion via les émanations atmosphériques. Selon les
études récentes, américaines et canadiennes, les
cheminées des incinérateurs et les cimenteries brûlant des
déchets crachent annuellement des tonnes de substances toxiques,
transformant en dépotoir aérien l'air que l'on respire. De plus,
il est prouvé que les métaux lourds sont neurotoxiques,
particulièrement pour les enfants.
Dispersion via les cendres. Plus on tente de capter les contaminants au
niveau des cheminées d'incinérateurs, plus ceux-ci se retrouvent
en concentration accrue dans les cendres de combustion, dès lors plus
toxiques. L'incinération transforme les déchets, dangereux ou
non, en cendres toxiques dont il faudrait disposer comme d'un déchet
dangereux à l'instar de certains États américains.
Actuellement, des cendres toxiques d'incinération de déchets sont
épandues à des fins de terrassement dans l'est de
Montréal.
Dispersion via le ciment. Le procédé cimentier incorpore
les cendres toxiques produi-
tes par la combustion des déchets à la poudre de ciment,
dès lors contaminée. Celle-ci, manipulée par les
travailleurs de la construction et le grand public, sera dispersée sur
tout le territoire du Québec par toute structure nécessitant
l'utilisation du ciment: maison, puits d'eau potable ou école.
Conséquemment, le sol et la nappe phréatique seraient
menacés de contamination par les métaux lourds et autres produits
toxiques par le brûlage en cimenterie de déchets contenant des
organo-chlorés, BPC, huiles usées et solvants; il y a formation
d'acide chlorhydri-que qui est absorbé en partie par l'alcalinité
du ciment. La diminution conséquente de l'alcalinité du ciment en
augmente la résistance, selon les énoncés du rapport
annuel de Ciment Saint-Laurent Canada, Holderbank, Suisse, et en fait un
matériau de choix pour la construction de barrages
hydroélectriques. Les rivières harnachées du Grand-Nord
québécois pour la réalisation des mégaprojets
hydroélectriques et les cours d'eau et lacs qui côtoient les
routes empruntées pour le transport de la poudre de ciment
n'échapperaient pas au risque de contamination.
Dispersion via les engrais chimiques. D'autre part, Ciment Saint-Laurent
de Joliette recueille actuellement dans les cheminées les résidus
de combustion: chaux, potasse et soufre qui sont vendus à titre
d'engrais à l'industrie agricole. Selon le résultat de tests
faits par le Fonds de défense de l'environnement sur les cendres
volatiles des incinérateurs aux États-Unis, 100 % des cendres
volatiles étaient toxiques par le plomb et le cadmium, et parfois les
deux, et ce, dans une très large mesure. Les cendres volatiles toxiques
dans une cimenterie brûlant des déchets se retrouveraient de
façon préférentielle dans les résidus captés
au niveau des cheminées. Dans l'éventualité où l'on
continuerait à utiliser ces résidus comme engrais, il est
évident que la nappe phréatique, les terres agricoles et les
denrées alimentaires produites seraient contaminées.
L'incinération est un gaspillage d'énergie.
L'incinération détruit les ressources que sont les huiles
usées, les solvants, les pneus, le papier et les plastiques contenus
dans les déchets. L'énergie récupérée par la
combustion de ces déchets en cimenterie est infime par rapport à
l'énergie qu'il a fallu dépenser pour produire ces biens de
consommation. Il en résulte donc une perte d'énergie globale.
L'incinération est un désastre environnemental
inadmissible qu'il faut bannir de toute urgence. Les populations
informées s'opposent à l'incinération. Les populations se
préoccupent de leur environnement. Elles ont compris que seule une
gestion écologique des déchets peut préserver les
richesses que sont l'eau pure, l'air pur, une terre saine et fertile. Ce n'est
pas par manque d'information que les populations s'opposent aux divers projets
d'incinération, bien au contraire. À titre d'exemple, le 20
août dernier, à Saint-Thomas-de-Joliette, où sont
situés les fours de la cimenterie Saint-Laurent qui projette de
brûler des huiles usées dès cet automne, la population
démontrait de façon fulgurante son opposition en fustigeant avec
des questions bien précises les représentants de Ciment
Saint-Laurent et du ministère de l'Environnement, promoteurs de
l'incinération. Par le fait même, la population corroborait les
conclusions du rapport final de la commission Charbonneau selon lesquelles les
citoyens interviennent à titre d'experts de leur milieu de vie.
Les Lanaudois sont choqués des agissements du ministère de
l'Environnement et particulièrement ceux du sous-ministre, M.
André Marsan, qui prône l'incinération sous le couvert
d'une pseudo-valorisation énergétique et qui n'a même pas
les ressources financières ou humaines pour évaluer, surveiller
les projets d'incinération pour lesquels il émet des permis.
Depuis bientôt trois ans, les citoyens de la région de
Lanaudière, dépourvus de tous moyens financiers, envers et contre
une multinationale étrangère - Holderbank Ciment Saint-Laurent,
Suisse - et leur propre gouvernement - le ministère de l'Environnement -
bloquent les projets d'incinération des déchets, informés
qu'ils sont et convaincus des dangers que comporte l'incinération. La
liste déjà longue des résolutions d'opposition à
l'incinération des déchets des divers organismes officiels et
municipalités, ajoutée à une pétition de
près de 12 000 signatures et à plusieurs manifestations,
démontre la fermeté de l'opposition de la population qui aspire
à une meilleure gestion des déchets.
D'autres exemples à travers le monde démontrent les
désavantages et l'évidence des torts causés à
l'environnement. À titre d'exemple, le ministère de
l'Environnement de . l'Ontario vient de bannir tout nouveau projet
d'incinération de déchets et de rendre inopérant le permis
de Ciment Saint-Laurent de brûler des solvants dans ses fours à
Mississauga.
Conclusion et recommandations. Si le ministère de l'Environnement
du Québec persiste à vouloir incinérer les déchets,
alors il n'est pas digne de ce titre car il contrevient à son mandat,
selon l'article 2 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui
stipule . que: "Le ministère de l'Environnement a pour fonction de
surveiller, de préserver la qualité de l'environnement, de
promouvoir son assainissement, de conseiller le gouvernement, ses
ministères et organismes en vue de prévenir la
détérioration de l'environnement et de protéger les
espèces vivantes et les biens." Quand les intérêts
économiques supplantent les préoccupations environnementales, le
ministère de l'Environnement devient l'ennemi public numéro un
contre lequel les citoyens ont à se battre pour prévenir la
détérioration de l'environnement, protéger leur
santé, leur vie et celle de leurs enfants.
Recommandations du Mouvement d'opposition à
l'incinération. Premièrement, pour toutes les raisons
déjà énoncées, le Mouvement d'opposition à
l'incinération recommande à la commission de l'aménagement
et des équipements d'intervenir auprès du ministère de
l'Environnement en prônant le bannissement de toute forme
d'incinération des déchets, en retirant les permis et en
légiférant pour ne plus en émettre.
Deuxièmement, le Mouvement d'opposition à
l'incinération recommande de plus à cette commission de
conseiller au ministère de l'Environnement d'opter pour une
véritable gestion écologique des déchets.
Je demanderais la permission au président de cette commission de
déposer des documents audiovisuels servant de support au mémoire
et un bref résumé du mémoire qui vous a déjà
été déposé. Les éléments audiovisuels
sont une vidéocassette intitulée "Incinération-Danger"
traduction la plus fidèle possible que nous avons réalisée
de quatre cassettes vidéo et d'une conférence sur les dangers de
l'incinération des déchets toxiques et domestiques; une
vidéocassette intitulée "Les huiles usées" rapportant des
extraits d'une conférence donnée par le Mouvement d'opposition
à l'incinération et organisée par la MRC de D'Autray
où sont situées les installations de Ciment Saint-Laurent. Ce
vidéo se compose aussi d'extraits de conférences du Dr
Gaétan Carrier du Département de santé communautaire
Maisonneuve-Rosemont à Montréal et du Dr Paul Connett du
Département de chimie de l'Université de St. Lawrence Canton,
État de New York. Merci de votre attention.
Le Président (M. Garon): Ça va. Le
secrétaire va prendre les documents que vous avez mentionnés. Il
s'agira de voir comment ça pourra être consulté par les
membres de la commission qui pourront en parler au secrétariat puis...
M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Merci, M. le Président. Combien il nous reste
de temps, M. le Président, s'il vous plaît?
Le Président (M. Garon): II vous reste neuf minutes de
part et d'autre, neuf minutes chacun.
M. Camden: De part et d'autre. Merci beaucoup. J'ai
écouté avec intérêt vos commentaires.
Évidemment, je pense qu'on a été en mesure, au cours des
dernières années, d'être sensibilisés, à tout
le moins fort bien, par les médias d'information et par les gestes qui
ont été posés dans différentes régions au
Québec, dont celle de Lanaudière. Cependant, j'aimerais
peut-être vous poser certaines questions. Afin de nous aider un peu
à progresser dans notre démarche, est-ce que vous pourriez nous
indiquer si vous estimez que tout projet visant à disposer,
éliminer ou traiter les déchets, et incluant les
incinérateurs, devrait être soumis à la procédure
d'évaluation des impacts?
M. Bettez: Au niveau de la gestion des déchets en
général, je crois et nous croyons, au Mouvement d'opposition
à l'incinération, que tout procédé de gestion des
déchets, effectivement, devrait être soumis à une
procédure d'évaluation des impacts environnementaux et cela, au
début même, avant même que le projet soit presque plus
qu'élaboré, pour ne pas que les populations se retrouvent devant
des faits accomplis.
En ce qui a trait à l'incinération, devant les dangers que
cela comporte... Des audiences publiques ou des études d'impact en vue
de l'incinération de ces déchets, devant les dangers et devant
aussi le gaspillage que cela comporte, les recommandations du Mouvement
d'opposition seraient vraiment le bannissement de tout type
d'incinération. Alors, on voit mal... Quand on voit notre voisin,
l'Ontario, qui bannit ces projets d'incinération là, et si la
population, comme elle le démontre partout au Québec, est contre
les projets d'incinération, on se demande vraiment pourquoi on devrait
avoir des études d'impact . sur des projets dont personne ne veut et sur
des projets que d'autres gouvernements bannissent à cause des dangers et
du gaspillage que cela inclut.
M. Camden: Je vous remercie. Quand vous dites, évidemment,
que personne n'en veut, je suis obligé de nuancer un peu parce qu'il
nous arrive d'entendre des propos qui ne convergent pas nécessairement
vers les vôtres, auxquels, je dois vous indiquer, on ne souscrit pas
nécessairement, ni peut-être totalement aux vôtres, mais il
y a quand même des aspects tout à fait intéressants que
vous nous soulignez.
J'aimerais aussi peut-être que vous nous indiquiez si, par
exemple, on pourrait considérer d'envisager des études des
impacts génériques sur l'incinération pour se faire, une
fois pour toutes, une idée sur ce mode de disposition. Je vous entendais
tout à l'heure évoquer le fait que la récupération
et le recyclage sont un peu l'avenue par excellence pour disposer et
réussir à recycler l'ensemble des ordures et des déchets
de notre société. Mais il m'apparaft, au contact d'autres
groupes, qu'il y a des éléments qui sont parfois un petit peu
plus difficilement récupérables, dont la valeur, dans notre
système de libre entreprise, a été moins
démontrée, où les produits qui en ressortent ne sont
peut-être pas d'une qualité hors de tout doute. Est-ce que, dans
ce cas-là, il ne vous apparaît pas justifié que, dans le
cadre d'études génériques, on puisse se faire une
idée un peu plus globale et juste de l'ensemble de la situation,
études auxquelles, évidemment, des gens et des groupes comme le
vôtre pourraient prendre part?
M. Bettez: Vous parlez des 3 R. Mais dans
les 3 R, le premier des 3 R est la réduction à la source.
Vous me dites qu'il y a d'autres groupes qui disent qu'il y a probablement des
déchets qu'on a de la difficulté à recycler et à
gérer. Par le fait même d'encourager l'incinération de ces
déchets, on ne fait que promouvoir la production de ces déchets
difficiles à gérer. Si l'élimination des déchets
est abolie au niveau de l'incinération, les déchets difficiles,
entre guillemets, à gérer ne devront plus, à ce
moment-là, dans une société qui se veut écologique,
être produits. La bonne gestion des déchets commence par une bonne
réduction à la source. Si on facilite l'élimination des
déchets dangereux - exemple de déchets qui peuvent être
difficiles à gérer - à ce moment, on ne fait que
promouvoir la production de ces déchets. Si les industries ne sont pas
capables de recycler les déchets qu'elles produisent ou les
déchets, en bout de ligne, d'utilisation par la société,
à ce moment, elles ne devraient pas avoir le droit de les produire.
M. Camden: Mais, vous savez, je pense que ça pose un
problème qui déborde tout à fait les limites du
Québec puisque, évidemment, on ne produit pas l'ensemble des
produits qu'on peut retrouver sur notre marché. Il y a des composantes
de certains. produits qui sont fabriquées à l'extérieur du
Québec ou sur la scène canadienne ou, enfin, la scène
internationale. Évidemment, ils ne sont pas produits ici, mais ils ne
sont qu'une composante à l'intérieur d'un produit qui est mis en
marché, qui entre comme composante ici, au Canada, ou qui entre comme
composante à l'extérieur du Canada ou du Québec. Comment
arrivez-vous à articuler tout ça, à ce moment-là,
et à arbitrer un tel débat?
M. Bettez: Le problème de ces déchets-là...
Encore une fois, si on les incinère, il ne se fera jamais de recherche
pour trouver comment les gérer mieux, premièrement.
Deuxièmement, on n'a pas besoin de l'importation des biens de
consommation pour avoir des problèmes de déchets venus
d'ailleurs. Actuellement, le gouvernement du Québec, via le
ministère de l'Environnement, a donné des permis d'importation de
déchets, et ce, de façon très large. On ne parle pas
d'importation de biens de consommation à des fins d'utilisation dans
notre société, on parle d'importation de déchets
industriels et de déchets domestiques à différentes
compagnies dont une s'appelle la Philipp Environmental, propriété
de Ciment Saint-Laurent.
Si on encourage les compagnies au brûlage des déchets de
l'étranger, effectivement, on va se retrouver avec des problèmes
ici. On ne parle pas que des problèmes à l'intérieur des
produits de consommation finis, comme vous le disiez, mais bien d'importation
de déchets, et c'est ce vers quoi on s'aligne. Le problème qu'on
a actuellement à envisager avec le ministère de l'Environnement
et la promotion du brûlage en cimenterie... Cet automne, Ciment
Saint-Laurent veut brûler, à Joliette, entre 100 000 et 200 000
litres d'huiles usées par jour. On voit très bien que, si les
quatre cimenteries au Québec s'équipent pour faire une telle
gestion des huiles usées, on n'aura pas assez d'huiles usées pour
fournir les cimenteries. On va tuer les usines de recyclage déjà
existantes au Canada parce que, actuellement, Ciment Saint-Laurent, entre
autres à Mississauga, brûle de ces huiles usées et que
Ciment Saint-Laurent, ici même à Québec, à Beauport,
brûle des huiles usées. Cette compagnie-là de recyclage des
huiles usées, de reraffinage est obligée d'importer 45 % de son
stock de production, en vue de la production, des États-Unis. Donc, on
encourage de deux manières l'importation des déchets si on les
brûle parce qu'il y a des usines pour qui c'est la matière
première, et elles vont être obligées de l'importer si on
brûle ces déchets-là.
À partir du moment où une ressource - parce que les
déchets, ce sont des ressources - à partir du moment où on
détruit ces ressources, on empêche toute recherche à ce
niveau-là. Si les industriels sont pris avec un problème de
déchets, ils ont été assez brillants pour le produire, ce
produit de consommation là, ils devraient être assez brillants
pour s'en occuper au point de vue de la gestion et de recycler ces
produits-là. (16 h 30)
M. Camden: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à Mme Majeau et à M. Bettez.
Je pense que votre prise de position qui, de prime abord, peut paraître
catégorique, rigide, absolue, au fur et à mesure qu'on regarde ce
qui se fait ailleurs, pas seulement en Ontario, mais dans certains pays
d'Europe, on pourrait être porté à croire que vous
êtes des précurseurs, finalement. Moi, je pense que vous avez
raison de dire que le fait de brûler des déchets empêche la
population de se sensibiliser, de se préoccuper des 3 R. Ça,
c'est bien clair.
Le fait de brûler des déchets, qu'ils soient domestiques,
dans le sens accepté, ou que ce soit des huiles usées, que ce
soit des pneus, ça nous donne bonne conscience, ça rassure les
élus. Le problème est réglé, bon, mais ça
nous empêche de progresser dans la voie du recyclage, dans la voie de la
réduction, dans la voie de la réutilisation. Ça, je suis
convaincu de ça, moi. Maintenant, est-ce que du jour au lendemain on
doit faire comme certains pays l'ont fait, l'Ontario l'a fait, et interdire
toute incinération à venir. En Ontario, ce qu'ils ont fait, c'est
toute incinéra-
tion à venir. Il faut faire attention.
M. Bettez: Ils pensent retirer les projets
d'incinération.
M. Lazure: Bon, parlons donc juste d'interdiction
d'incinération à venir. Je suspends la réponse à ma
question pour le moment. Je connais la vôtre, votre réponse. Mais
je dis que, comme commission, c'est un bel exemple où il faut absolument
que la consultation du public se fasse dès le dépôt de
l'avis du projet. Là, il va y avoir des audiences publiques à
Montréal, sur IHe de Montréal, c'est-à-dire, sur le projet
de construction d'incinérateurs dans l'est de Montréal, la
Régie intermunicipale. Ces audiences vont se tenir dans quatre, cinq,
six mois, alors que ça fait quoi, un an, un an et demi, deux ans,
qu'à toutes fins pratiques le projet est accepté.
On arrive en bout de ligne avec les audiences publiques. Je n'ai pas
tous les détails du contrat avec Foster Wheeler, mais j'ai l'impression
que les dés sont pipés. Ça, c'est dommage parce que
ça dévalorise le processus de consultation publique. Ça
donne raison aux gens qui, comme vous, disent: C'est une farce, les audiences
publiques. Heureusement, ce n'est pas toujours une farce, heureusement. Vous
n'avez pas raison de dire que c'est toujours une farce là-dessus parce
qu'il y a des cas où c'a été utile.
Mais, là, on a un fichu de problème. Les élus ont
un énorme problème, et je pense qu'il faut absolument qu'il y ait
des audiences publiques, non pas juste sur un projet comme celui de la
Régie intermunicipale, mais - excusez, M. le Président, mais j'ai
de la misère à retenir le fil de mon intervention - des audiences
publiques sur le phénomène généralisé, le
principe de disposer. Comment on dispose des huiles usées? Comment on
dispose des pneus? Ça existe en Ontario. Ça existe, des audiences
publiques sectorielles. D'autres groupes nous en ont fait la recommandation que
le BAPE tienne des audiences génériques parce que c'est une
question à laquelle les élus devront répondre, mais ils
devront y répondre après avoir entendu la population
là-dessus.
Vous avez raison aussi de dire que la population, elle est rendue plus
loin que les élus, à bien des égards. Moi, je partage cet
avis-là. Les élus, on est en arrière de la population, on
est loin, on est moins avancés qu'une grande portion de la population
sur la sensibilisation aux choses qu'il faut faire puis ne pas faire en
matière d'environnement. Je vous donnerai l'exemple du million de
personnes qui s'est rendu voter en Allemagne contre l'incinération.
Maintenant, je pense qu'il faut le tenir, le débat public. Moi,
je ne suis pas de votre avis qu'il faut... D'abord, de toute façon,
c'est un coup d'épée dans l'eau. Moi, je suis certain que le
gouvernement ne le fera pas, même si on le lui recommandait, à
savoir d'interdire toute nouvelle incinération du jour au lendemain. Je
suis sûr que le gouvernement ne le fera pas. Maintenant, au lieu
de...
Moi, j'aime mieux une approche plus réaliste qui dirait au
gouvernement: II faut absolument que, dans les mois qui viennent, vous teniez
une grande consultation publique sur ce qu'on doit faire avec ces
matières-là ou encore... Il y a deux approches possibles, ou une
grande audience publique sur l'incinération en tant que telle, que ce
soit les déchets domestiques, que ce soit les déchets dits
dangereux ou les déchets qui ne sont ni domestiques ni dangereux, comme
les pneus, comme les huiles usées qui n'ont pas plus que tel pourcentage
de matière.
Donc, moi, je trouve que votre contribution au débat, elle est
importante. Votre action dans la région de Joliette, elle est bien
connue, elle est bien organisée, elle a été efficace pour
les fins que vous poursuiviez. Je pense que les élus n'ont plus le droit
de se laisser ballotter par des mouvements d'opposition qui sont obligés
de s'organiser comme ça du jour au lendemain. Il faut que le
gouvernement prenne le taureau pas les cornes, prenne le problème de
front avec le concours de la régie intermunicipale parce que la
régie intermunicipale s'est avancée très très loin
dans ses dépenses avec son projet.
Moi, j'ai bien hâte de voir quand les audiences vont commencer,
cet hiver, dans l'est de Montréal, comment ça va barder. Je ne
suis pas sûr qu'ils vont pouvoir le passer, leur projet, quand les gens
de l'est de Montréal vont se faire dire: Bien, vous savez, on va
brûler dans l'est tous les déchets qui viennent de tout l'ouest de
Montréal, par exemple.
J'ai quelques questions. Je voudrais peut-être vous entendre
réagir sur le principe d'un débat public, ce qu'on appelle une
étude générique, qui pourrait être tenu par le BAPE
sur la question de l'incinération en tant que telle, ou encore sur la
question: Comment on dispose des huiles usées et des pneus? Avez-vous
une réaction à ça?
M. Bettez: C'est toujours mieux, je crois, au niveau de la
population, d'avoir une consultation que d'être devant un fait accompli
comme on est pris chez nous et ici à Beauport avec des permis qui ont
été autorisés à des industries sans audiences
publiques. C'était supposément des huiles usées, et l'on
considère que c'est dangereux à 51 p. p. m. de BPC puis que ce
n'est pas dangereux à 50 p.p.m. de BPC.
On est, par contre, très sceptiques face aux pouvoirs du Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement. On a eu des exemples assez flagrants
récemment, avec Soligaz. Même si on était assujettis
à des audiences publiques et même si le Bureau d'audiences
publiques prenait des décisions, si le sous-ministre chargé du
dossier veut faire le cas, il semble que ça, on y
va quand même. Je veux dire,, au niveau du projet
d'incinération des déchets, quand c'est le sous-ministre, M.
Marsan, qui se présente devant les journalistes pour annoncer le plan
d'action du ministère de l'Environnement de brûler des
déchets dangereux en cimenterie, le 5 juin dernier, et qu'on voit que,
le même jour, Ciment St-Laurent demande un permis de construction
à la municipalité de Saint-Thomas pour ériger son
entrepôt d'huiles usées, on comprend très bien certaines
coïncidences.
On n'est pas à ce point aveugles, et on est très
sceptiques face aux audiences publiques, telles qu'elles sont actuellement. Il
faudrait que le Bureau d'audiences publiques ait des dents, pas seulement des
recommandations à faire, qu'il puisse empêcher des projets de
tomber sur la table, des investissements et des ententes, comme vous le
soulignez, que ce soit avec Foster Wheeler ou avec Ciment Saint-Laurent. Si les
institutions publiques ont le pouvoir de s'entendre avec des entreprises
privées alors même que les audiences publiques ne sont pas faites,
on est toujours mis, de toute façon, que ce soit avec ou sans audiences
publiques, devant des faits accomplis. Je pense qu'il peut y avoir de la
consultation publique et on est pour la consultation publique parce que nous,
on sait que plus les gens sont renseignés, plus les gens vont s'opposer
à l'incinération des déchets.
M. Lazure: Oui, malheureusement, le temps est
écoulé. Je veux remercier les représentants du groupe
d'opposition à l'incinération pour leur contribution.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, je
suspends les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps de
changer d'interlocuteur et de permettre à l'Association pour la
conservation du mont Pinacle de s'approcher de la table des
délibérations.
(Suspension de la séance à 16 h 40),
(Reprise à 16 h 42)
Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le président du groupe, je vous invite à prendre la
parole et à présenter les gens qui vous accompagnent. Vous ' avez
une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes normalement pour la
présentation de votre mémoire, 10 minutes pour le parti
ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. À vous,
la parole.
Association pour la conservation du mont
Pinacle
M. Coté (Guy L): M. le Président, c'est
moi-même, Guy Coté, qui vais faire la présenta- tion.
À mon extrême gauche, il y a M. Richard Sommer qui est notre
président, qui est un Américain naturalisé citoyen
canadien, qui vit maintenant dans les Cantons de l'Est, qui est garde-chasse,
poète, auxiliaire du service de la faune et professeur de
littérature anglaise. À côté de lui, il y a M.
Jacques Prescott qui est le président sortant de la
Fédération canadienne de la nature et une personnalité
bien connue dans le domaine de la sauvegarde des espèces menacées
et de la conservation de la faune. À ma droite, Mme Denise Proulx qui
est présidente du Centre local des Basses-Laurentides, qui est
effectivement un genre de conseil régional. Mme Proulx a tout vu, tout
entendu de ce qui se passe du côté des projets
récréo-touristiques non seulement dans les Basses-Laurentides,
mais dans les Hautes-Laurentides.
Alors, nous sommes très honorés d'être reçus
ici. Nous représentons l'Association pour la conservation du mont
Pinacle qui est un groupe de citoyens d'environ 800 membres. Le mont Pinacle
est situé en Estrie, non loin de Sutton. Pardon?
M. Lazure: Dans quel comté?
M. Coté: Dans le comté de Brome-Missisquoi.
M. Maltais: Je m'excuse, juste pour le débat, vu qu'on a
enclenché là-dessus, vous avez dit 800 membres, pas tous de
Frelighsburg?
M. Coté: Ah non! Pas du tout. Pas du tout.
M. Maltais: II y en a combien de Frelighsburg?
M. Coté: De Frelighsburg? Oh! Environ 300 d'une
municipalité de 1000.
M. Maltais: Merci. O. K.
M. Coté: Bien que notre premier souci soit le sort du mont
Pinacle, nous pensons que le vide juridique actuel dans la procédure est
un obstacle insurmontable à une décision éclairée
dans ce dossier. C'est pourquoi nous nous sommes lancés dans
l'arène nationale, d'ailleurs notre délégation en fait
foi.
Nous souhaitons que l'article 2 du Règlement sur
l'évaluation et l'examen des impacts soit amendé de sorte
à inclure les projets récréo-touristiques d'envergure.
Nous souhaitons aussi que soient inclus les projets de construction
destinés à l'habitation ou au commerce susceptibles de
créer de nouveaux centres urbanisés ou semi-urbanisés en
milieu rural, notamment, bien sûr, tout projet de création ou
d'agrandissement de golf ou de centre de ski alpin.
Notre mémoire est une étude de cas, celui du mont Pinacle.
Nous pensons que sa lecture en vaut la peine, mais on n'est pas ici pour
défendre ce massif en particulier. Notre expérience
concrète depuis quatre ans et demi peut possiblement être utile
à la commission.
Une montagne, c'est comme une éponge: l'humus conserve l'eau qui
s'écoule lentement. Quelles sont les conséquences d'une
modification de cet équilibre écologique? Les effets peuvent
être cumulatifs, la crue printanière devenant source
d'érosion, non seulement en raison du déboisement, mais aussi de
la fabrication massive de neige artificielle, de l'implantation de centaines
d'habitations sur les flancs.
Dans le mémoire, nous évoquons au moyen d'études
préliminaires certaines difficultés pour le mont Pinacle, mais il
s'agit d'un cas parmi d'autres. Nous insistons beaucoup sur le caractère
irréversible du genre de changements que constituent ces projets.
Personne, au Québec, n'a vu et ne verra une communauté urbaine
devenir une communauté rurale.
Lors de mes études en Angleterre, en 1947, j'ai observé la
réponse des Britanniques face à l'étalement urbain de
Londres qui menaçait alors d'étendre indéfiniment ses
tentacules dans le contexte de la reprise économique
d'après-guerre. Furent alors créés les
célèbres "green belts". Je ne les propose pas pour le
Québec, mais je vous dit que l'étalement urbain, qui est un
phénomène irréversible, n'est pas adéquatement
planifié ici, à l'échelle nationale, et qu'il s'agit d'une
erreur stratégique.
Notre mémoire insiste aussi sur les aspects non biophysiques des
changements de vocation dans les milieux ruraux. L'article 3 du
règlement mentionne, d'ailleurs, la plupart de ces composantes non
biophysiques qui sous-tendent la notion de qualité dans l'environnement.
Je n'ai pas à insister sur le fait que le débat sur le sort du
Grand-Nord québécois concerne tout autant celui de ses
communautés humaines que celui de la dégradation
écologique du milieu. Les impacts sur les personnes, sur leur
santé, sur le tissu de leurs relations, sur leurs aspirations
légitimes sont, certes, difficilement quantifiables, mais le
législateur a sagement prévu leur évaluation.
Comprenez-moi bien, nous ne sommes pas contre les projets
récréo-touristiques, loin de là. Le loisir est une
activité humaine légitime. Faire du ski et jouer au golf sont
deux des plaisirs de l'existence, mais il est indispensable d'examiner
publiquement les projets récréo-touristiques dont le
Québec est, d'ailleurs, assez bien doté, de proposer des
modifications à ceux qui font problème, de suggérer de
localiser ailleurs ceux qui présentent des inconvénients
sérieux, et d'autoriser les autres sur la base d'un certain
équilibre entre conservation de la nature et développement
durable. Pour ce faire, il faut rendre possible un débat de
qualité.
La procédure du BAPE, même si en 10 ans, 43 projets
seulement ont été examinés, a été une base,
à notre avis, indispensable pour aider le Québec à sortir
de la noirceur environnementale. Si vous proposiez d'élargir le recours
à la procédure, peut-être en la simplifiant et en la
régionalisant même pour les projets plus modestes, cela ne fera
qu'augmenter la portée pédagogique des principes de la
stratégie mondiale auxquels le gouvernement a souscrit.
Le développement du Québec reste basé sur
l'exploitation de nos ressources primaires: la forêt, l'industrie
minière, la production hydroélectrique, l'agriculture et les
grands espaces naturels dont la qualité est le fondement même de
notre industrie touristique, laquelle s'appuie de moins en moins sur
l'élément purement folklorique d'un Québec en voie de
profonde modernisation.
Nous vous incitons, M. le Président, MM. et Mmes membres de la
commission, à évaluer le potentiel économique de nos
espaces naturels dans une perspective à long terme. Ce n'est pas vrai
qu'une montagne qui ne rapporte rien à personne ne vaut rien. Une
montagne est un bien précieux pour tous les citoyens et non seulement
pour ceux qui habitent dans son pourtour ou qui sont électeurs dans la
municipalité dans laquelle elle est située. L'absence de
discussion préalable et publique sur le sort des espaces naturels ou
publics au Québec est, à notre avis, une entrave à la
démocratie. Cependant, toute discussion doit avoir un terme. Des
autorisations doivent éventuellement être données pour des
projets précis et quelquefois refusées. À notre avis,
l'autorité formulant la décision doit être impartiale et
dénuée de tout intérêt. Cette autorité
devrait être le BAPE.
À la fin du mémoire et dans notre supplément
également, nous évoquons l'expérience du Vermont qui -
c'est un petit État, le douzième de la population du
Québec - depuis 1971, a fait un effort remarquable pour protéger
ses espaces verts tout en favorisant le développement économique.
Ces procédures ne sont pas parfaites, mais nous vous incitons à
les examiner dans un esprit d'ouverture, et aussi sur comment ils se financent.
La grande majorité du financement de leur BAPE provient, pas de
licences, mais de frais qui sont exigés des promoteurs.
Un mot sur les appuis reçus d'organismes nationaux sous forme de
lettres adressées par leurs présidents au ministre de
l'Environnement. Vous verrez qu'il y a des associations environnementales, the
World Wildlife Fund, la Société linnéenne du
Québec, l'Union québécoise pour la conservation de la
nature, les conseils régionaux en environnement. Il y a des associations
professionnelles, les biologistes que vous venez d'entendre, l'Ordre des
médecins vétérinaires, celui des agronomes, des
associations communautaires, Les cercles de fermières, la
Fédération des associations de consommateurs. De forts appuis
nous sont venus de l'Union des producteurs
agricoles. Je ne sais pas si vous les avez reçus - mais j'ai vu
leur mémoire et ils parlent de la même chose - des grandes
centrales syndicales, les trois, la FTQ, la CSN, la CEQ et, enfin, de la
Fédération des caisses populaires Desjardins dont vous avez
entendu le mémoire aujourd'hui et dont une partie des recommandations,
c'est d'ouvrir la procédure à un plus grand nombre de projets. 30
lettres en tout venues appuyer notre demande.
Mme Proulx qui a observé, pendant des années, le
développement dans les Laurentides, M. Prescott, pour qui l'observation
de la nature est un objectif qui dépasse les frontières du
Québec, M. Sommer et moi-même, on répondra à vos
questions avec grand plaisir. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
souhaiter, mesdames, messieurs, la bienvenue à la commission. Nous avons
lu attentivement votre mémoire. Vous ne comprenez pas, je pense?
M. Coté: J'ai un peu de difficulté de l'ouïe.
Mais, si vous parlez un petit peu plus fort...
M. Maltais: Je vais recommencer, vous allez voir que j'ai de la
voix.
M. Coté: Je fais mon possible.
M. Maltais: Je voudrais, en premier lieu, vous souhaiter la
bienvenue. Madame, messieurs du comité du mont Pinacle, bienvenue
à la commission. J'ai lu attentivement votre mémoire et votre
mémoire, bien sûr, fait état d'un cas patent auquel vous
avez été confronté depuis quelques années.
Remarquez bien que vous n'êtes pas nécessairement les seuls
au Québec. Je pense, par exemple, aux gens du mont Edouard qui ne
voulaient pas d'étude environnementale, qui voulaient une subvention au
plus sacrant pour avoir du ski. dans la montagne. Le député de
Dubuc, je me souviens, qui est membre de la commission - aujourd'hui, il est
absent - pourrait vous le confirmer' Les gens ne voulaient pas trop de retard.
Ils voulaient bien plus une pente de ski qu'une étude d'impact.
On retrouve l'inverse chez vous et vous avez le drojt de le demander.
Vous avez le droit de le faire et je pense que c'est tout à l'honneur
des citoyens de se responsabiliser vis-à-vis de la protection d'un site
qui apparaît écologique, qui est en banlieue ou, en tout cas, en
périphérie d'une ville comme Montréal. Je suis tout
à fait d'accord avec le genre d'action que vous posez parce que vous y
croyez.
Dans la vie, lorsqu'on pose un geste et des actions et qu'on engage des
sommes d'argent, c'est parce qu'on y croit. Si vous n'y croyiez pas, vous ne
seriez pas ici aujourd'hui, et vous n'auriez pas écrit un mémoire
et un dossier aussi étoffé avec tous les appuis que vous avez
reçus, quoique les appuis me laissent toujours sceptique.
Dans la liste de vos appuis, vous avez indiqué la
Société linnéenne du Québec. Je ne sais pas si vous
la connaissez bien, mais moi, je la connais bien, la Société
linnéenne. Dans mon comté, l'an passé, on a
été obligés de prendre presque des procédures
judiciaires pour les éloigner des baleines parce qu'ils étaient
en train de les détruire. Alors, chez vous, ils vont vanter
l'écologie des perdrix, des renards et de ces choses-là, mais ils
étaient en train de détruire mon industrie touristique, chez
nous. Alors, voyez-vous, quand ils donnent leur appui... Si, un jour, j'avais
le privilège de les avoir comme témoins, si le bon Dieu
m'accordait ce privilège, je ne suis pas sûr qu'ils vous
donneraient une lettre d'appui le lendemain qu'ils sortiraient d'ici.
Croyez-moi, quand je décide de passer le hache-viande, je le passe, mais
ce n'est pas votre cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Vous avez parlé de soumettre les
évaluations touristiques aux études du BAPE, à leur
assujettissement. Vous êtes les premiers, je pense, à le demander.
Mon collègue de La Prairie me corrigera, mais je ne pense pas qu'on ait
d'autres mémoires qui aient demandé des
récréo-touristiques.
M. Lazure: II y en a un ou deux autres. M. Maltais: Un ou
deux autres, bon. M. Lazure: Oui. L'UQCN...
M. Maltais: Avez-vous un exemple, au Québec? Oui, l'UQCN,
ça va de soi.
M. Lazure: M. Nicolet, aujourd'hui-Une voix: L'UPA aussi.
M. Lazure: ...l'UMRCQ.
M. Maltais: Oui, d'accord. En dehors du mont Pinacle, avez-vous
des exemples au sujet desquels la population aurait été
frustrée de ne pas avoir eu d'audiences publiques sur des projets
récréo-touristiques? De mémoire? C'est parce que je n'en
ai pas de mémoire.
M. Coté: Oui.
M. Maltais: Je voudrais savoir si c'est unique.
M. Coté: Je crois, M. Maltais, que la
question que vous posez est posée en fonction des populations
locales et, à ce moment-là, les intérêts sectoriels
des populations locales peuvent varier beaucoup. Notre mémoire porte sur
l'intérêt public, non pas seulement l'intérêt des
populations locales dont certains propriétaires pourraient favoriser un
développement touristique pour des fins économiques, ils vont
lotir leurs terrains, d'autres, pour des raisons contraires, en raison de leurs
orientations écologiques... Notre mémoire porte sur les effets
cumulatifs et la gestion des espaces naturels. À ce moment-là,
la..
M. Maltais: Je m'excuse. Regardez... M. Coté:
...conviction... M. Maltais: Oui.
M. Coté: ...la participation de la population locale est
indispensable à l'intérieur d'une procédure beaucoup plus
globale que celle-là.
M. Maltais: Vous devez comprendre que nous, à la
commission, notre mandat, c'est de recevoir des suggestions bien
précises pour qu'on puisse faire des recommandations à
l'Assemblée nationale. Dans vos lettres d'appui, par exemple, je n'ai
pas vu... Je ne sais pas, moi. Je n'ai pas vu la montagne de Jonquière
donner un appui, eux qui ont vécu le même trouble. C'est ça
que j'aurais voulu avoir, une référence. Est-ce qu'il y a
d'autres endroits, au Québec, où, dans le même genre de
projets, il y a eu dans le milieu québécois des protestations?
Des groupements comme vous autres qui ont fait opposition, comme vous le faites
présentement, juste à titre de référence.
Mme Proulx (Denise): Je pourrais vous donner un exemple.
Une voix: Mme Proulx.
Mme Proulx: Je pourrais vous donner un exemple en ce qui concerne
les Basses-Laurentides. Nous, le Centre local d'écologie, on est un
groupe régional et tout récemment... Je pourrais vous parler d'un
projet de développement de golf dans la zone inondable du village de
Saint-Joseph-du-Lac qui est une région pomicole, qui est
également l'une des dernières grandes zones inondables du lac des
Deux Montagnes. Il y a le parc de récréation d'Oka, le parc
Paul-Sauvé, que vous connaissez bien...
M. Maltais: Très bien, oui. (17 heures)
Mme Proulx: ...qui est juste à côté. Pour ce
projet de développement de golf, nous, on a demandé incessamment,
avec beaucoup d'insistance, des études environnementales parce que,
à notre avis, il a des impacts directs sur la qualité du lac des
Deux Montagnes. Il faut savoir également que le lac des Deux Montagnes
alimente en eau potable, sur la rive nord de Montréal, juste dans la MRC
de Deux-Montagnes, au moins 50 000 personnes. Alors, quel sera l'impact de la
destruction de cette zone inondable qu! passe dans le terrain de golf sur la
qualité de l'eau potable des gens? Ça, on ne le sait pas encore.
Quel sera l'impact de la destruction de cette zone inondable-là sur le
tampon qu'elle fait dans la région pomicole de la montagne de
Saint-Joseph-du-Lac? On sait que c'est une région à forte
densité d'utilisation de produits chimiques? Ce sont toutes des
données que des études environnementales nous auraient permis de
savoir aujourd'hui et de prévoir l'avenir.
Alors, là, il va y avoir un terrain de golf, mais on ne saura pas
finalement comment se préparer à envisager les impacts que
ça aura dans quelques années.
M. Maltais: Moi, je vous pose la question. Regardez, je vais vous
donner un exemple. Dans mon comté, j'ai à peu près 30 % de
toutes les pourvoiries au Québec. Si, demain matin, une pourvoirie
demande un agrandissement - c'est un projet socio-récréatif - je
ne suis pas sûr que mes pourvoyeurs et je ne suis pas sûr que mes
concitoyens, parce qu'une pourvoirie c'est une source d'emplois, ce n'est pas
tous les gens de la Côte-Nord qui ont une pourvoirie. Ce n'est pas tout
eux autres, non plus, qui vont pêcher, chasser autour des lacs. Les trois
quarts, 80 % des clients, sont des gens de Montréal, de Québec,
des différentes régions, de Sherbrooke et tout ça.
Alors, je me pose la question, si, par exemple, on étendait la
procédure d'assujettissement d'évaluation aux projets
récréo-touristiques, s'il ne faudrait pas y aller sur une
certaine spécificité au lieu d'y aller "at large". Je vous pose
la question.
M. Coté: Je suis allé observer un peu comment le
Vermont fait les choses parce que si nous étions au Vermont et qu'il y
avait une pourvoirie qui devait être entre, elle devrait passer par cette
évaluation. Il y a une très grande différence entre ce
qu'ils font là-bas et ce que nous faisons ici. En 10 ans, on a fait 43
études d'impact avec audiences publiques. On part en Cadillac, chaque
fois.
C'est sûr que si on étend la procédure
d'évaluation à des projets récréo-touristiques, des
projets de construction domiciliaire, il va y en avoir beaucoup. La question,
donc, n'est pas de regarder le BAPE comme il est à l'heure actuelle,
mais comme il pourrait devenir. Nous vous suggérons, par exemple, de
régionaliser la procédure. Au Vermont, on a deux sortes de
projets. On a les amendements mineurs, mais qui
sont examinés tout de même parce qu'il s'agit d'effets
cumulatifs. Les procédures sont très rapides: 75 % de toutes les
demandes sont traitées en l'espace de 120 jours, à partir du
moment de leur réception jusqu'au moment de la décision.
Alors, je vous répondrais, M., Maltais, que dans une
procédure environnementale où le BAPE serait un peu plus
régionalisé et un peu simplifié pour les projets plus
modestes, l'évaluation des projets récréo-touristiques
pour lesquels il peut y avoir un petit projet dans un petit village peut avoir
un impact très considérable, n'est-ce pas? C'est de
ceux-là qu'il s'agit.
M. Maltais: Je vous remercie, mon temps étant
terminé.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter
à M. Sommer, le président, bienvenue à notre commission et
à ses collègues, M. Coté, Mme Proulx et M. Prescott, et
les féliciter non seulement pour leur présentation, mais aussi
leur détermination, leur patience, leur endurance. L'Opposition n'a
jamais caché l'appui que nous avons manifesté au départ
à ce groupe qui veut préserver le mont Pinacle. Je demanderais,
M. le Président, peut-être à mon collègue
d'Arthabaska de faire une mise au point sur la remarque du mont Edouard. Il est
bien au courant du dossier.
M. Baril: Oui, M. le Président, si ma mémoire est
bonne, le député de Saguenay a comparé
l'aménagement ou le développement du mont Edouard pour
établir une piste de ski et a fait la comparaison avec le mont Pinacle.
Si ma mémoire est bonne, le mont Edouard c'était l'ensemble de la
population, la grande majorité de la population qui voulait le
développement de cette pente de ski tandis que pour le mont Pinacle, ce
sont des promoteurs qui veulent le développement du mont Pinacle.
Donc, la différence est grande, et je pense que la comparaison du
député de Saguenay à cet effet-là... il n'a pas
pris le bon dossier.
M. Maltais: Non, je m'excuse, M. le Président. Tout
simplement, ce sur quoi j'ai insisté, c'est que pour le mont Edouard ils
n'ont pas eu d'étude d'impact, ils n'en voulaient pas. L'ensemble de la
population voulait une piste de ski tandis qu'eux autres, il y en a 300 qui
sont contre, je présume qu'il y en a 600 qui sont pour. Puis, l'ensemble
de la population ne veut pas de subvention, elle veut une étude
d'impact. C'est ça que j'ai bien compris de votre dossier.
Voilà.
M. Lazure: En tout cas, M. le Président, je pense que
quand il s'agit d'un projet récréo-touristique ou
d'aménagement urbain qui va apporter un changement majeur au lieu en
question, le projet récréo-touristique, en l'occurrence, puis
domiciliaire, il va apporter un changement extraordinaire sur ce qu'a
été, jusqu'ici, le mont Pinacle. Ce sera un changement
irréversible tandis que, dans le cas de l'agrandissement d'une
pourvoirie, si tout le monde est d'accord pour l'agrandir et que ça ne
vient pas briser le lieu, ça ne vient pas perturber l'environnement du
tout, je pense que ce n'est pas tout à fait comparable.
Mais je viens à l'importance, au Québec... en partant de
ce cas particulier, je pense qu'on peut tirer des leçons plus
générales. Au Québec, je regardais encore des chiffres
récemment, des chiffres justement du Fonds mondial pour la nature. Le
Fonds mondial pour la nature a fait le recensement des espaces naturels qui
sont préservés, officiellement conservés dans les
différentes provinces du Canada. Le pourcentage au Québec est
infiniment plus petit que partout ailleurs au Canada, beaucoup plus petit:
c'est 0,03 % de nos espaces tandis qu'ailleurs, c'est 0,2... 5 %, ça va
jusqu'à... 5 %.
M. le Président, il faut que, comme commission, on s'arrête
à ce problème des espaces préservés. Quelqu'un
pariait du patrimoine bâti ou non bâti, le patrimoine naturel. Il y
a du patrimoine qui est construit, qui n'est pas construit. Mais, tous les
gouvernements au Québec, on a peut-être trop négligé
ce secteur de la vie quotidienne qui rend l'environnement plus agréable
et plus sain. Je sais aussi que le... Tantôt, le député de
Saguenay posait la question: Qui est-ce qui vous a appuyés? Est-ce qu'il
y a d'autres mémoires qui demandent la même chose? Il y a eu
l'UQCN et le président de l'UMRCQ se disait d'accord ce matin. Mais, en
plus, il y a eu le Conseil consultatif de l'environnement, un organisme
relié au ministère de l'Environnement qui, dans le cas du mont
Pinacle, a dit au ministre: Oui, on devrait soumettre ce projet-là
à des audiences publiques parce que ça vient perturber et puis
ça divise la population aussi.
C'est sûr que s'il y avait des audiences publiques, on aurait, de
façon encore plus claire, la division de la population, mais on
confierait à un organisme qui a une crédibilité dans notre
société, c'est-à-dire le BAPE qui a bonne
crédibilité... on lui confierait le rôle d'animateur de
cette grande consultation et le soin d'essayer, dans un rapport, de consigner
ce qui paraît être le consensus.
Mais, M. le Président, je pense que ce qu'on disait tantôt
au sujet du mémoire du groupe Desjardins concernant
l'imprévoyance de promoteurs qui viennent construire des habitations
proches d'usines déjà installées... Le groupe Desjardins
disait à ce moment-là: Oui, c'est vrai, ça prendrait des
audiences publiques quand il s'agit d'aménagement urbain ou rural, quand
il
s'agit d'un développement - surtout en milieu rural -
domiciliaire qui va venir changer complètement la nature de cet
environnement. Alors, je ne pense pas que les gens du mont Pinacle sont un
exemple isolé. C'est une belle histoire de cas qui vient
concrétiser un problème qu'on retrouve un peu partout et je peux
simplement leur dire qu'ils ont raison.
La recommandation qu'ils font est très claire. Ils disent: que
l'article 6.3 de la loi soit utilisé par le ministre de l'Environnement
et qu'à ce moment-là cet article amène des audiences
publiques dans le cas du mont Pinacle.
M. Coté: Peut-être que M. Prescott pourrait rajouter
des commentaires à la suite de M. Lazure.
M. Prescott (Jacques): Oui, l'avantage de faire des audiences
publiques sur des développements de cette nature, des
développements récréo-touristiques, c'est justement
d'avoir une petite idée des impacts à court, moyen et long terme
qu'un tel développement pourrait avoir sur l'environnement.
Peut-être que les gens du mont Edouard se mordront les pouces dans
quelques décennies quand ils auront des problèmes
d'approvisionnement d'eau potable, d'érosion excessive des lieux ou
d'évacuation des déchets, par exemple. Mais, ça aura
été leur choix et dans quelques années, c'est les
générations futures de ce coin-là qui vont en
souffrir.
Ce que nous proposons simplement, c'est que nous donnons une assurance
aux citoyens que tout endroit où il y aura un développement
touristique ou récréo-touristique qui peut avoir un impact, un
développement d'une certaine importance, on le soumet à un
processus d'étude d'impact payé par le promoteur. Puis,
éventuellement, si quelqu'un le réclame, on ira en audiences
publiques. On dit: Comme ça va multiplier les audiences publiques, on
aurait donc un processus beaucoup plus souple d'audiences publiques
régionalisées éventuellement.
Ce qu'il faut se rappeler, c'est que le processus d'audiences publiques
voit à ceux qui n'oseraient pas se prononcer. Alors, chanceux si tout le
monde a voté pour le même député dans un même
comté et s'ils ont tous voté pour le même projet, mais
l'unanimité ça n'arrive pas toujours. Puis, justement, la
démocratie demande qu'il y ait débat sur les questions qui
intéressent les populations. Donc, c'est une des raisons importantes.
Nous croyons que la démocratie peut être en jeu, dans une certaine
mesure, lorsqu'on décide sans consulter la population.
Deuxièmement, c'est qu'en étendant le processus d'étude
d'impact et d'audiences publiques à des projets d'autre nature,
ça permet aux gens de mieux saisir l'importance de protéger leur
environnement et de faire leur part, personnellement.
Un golf, par exemple. Tout le monde s'imagine qu'un golf c'est vert,
qu'il n'y a pas de problème. Je vous rappellerai que c'est un nid
à pesticides et à herbicides et que la Fédération
canadienne de la nature, actuellement, est en train d'élaborer un
protocole d'entente avec l'Association des golfs du Canada pour les aider
à se nettoyer parce que c'est un nid à pollution incroyable.
Alors, dans les centres de ski, je ne dirais pas qu'on utilise autant
d'herbicides, mais on en utilise aussi. Puis, je dirais simplement que c'est
une ouverture d'esprit que nous demandons au gouvernement que d'assujettir des
projets d'autre nature que ceux qui sont déjà assujettis. Il y a
des projets de nature industrielle qui ne sont pas assujettis aux audiences
publiques et il y a des projets récréo-touristiques d'envergure.
Une pourvoirie, vous pensez peut-être que ça n'a aucun impact sur
l'environnement? Régulièrement, le MLCP doit fermer des
pourvoiries parce qu'il y a surexploitation. On n'est pas en mesure de
contrôler tout ce qui se passe dans les pour-voiries du Québec,
c'est évident.
Dans certains cas, la simple construction d'une route dans un nouveau
territoire, sans étude d'impact, ça peut amener une coupure
nette, un changement complet de l'écosystème et la disparition
graduelle d'un grand nombre d'espèces animales. Éventuellement,
votre pour-voirie ne vaut plus rien après un certain temps parce qu'on a
carrément décidé de l'agrandir dans un mauvais coin et
d'ouvrir des chemins dans ce coin-là, alors que ça servait, ni
plus ni moins, que de pépinière à animaux ce
coin-là.
Le Président (M. Garon): On vous remercie. Le temps est
fini. Il me reste à remercier les interlocuteurs d'être venus nous
rencontrer. Maintenant, je suspends les travaux de la commission pour quelques
instants, le temps de changer d'interlocuteurs, et d'inviter M. Luc Michaud,
économiste-conseil de Logiciels experts Itée, à
s'approcher de la table des délibérations.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Garon): Vous avez une demi-heure,
c'est-à-dire que normalement vous avez 10 minutes pour présenter
votre exposé, 10 minutes au parti ministériel, 10 minutes
à l'Opposition. C'est à vous, la parole.
M. Luc Michaud
M. Michaud (Luc): Je vous remercie de m'avoir convoqué
pour présenter mon mémoire. Avant de procéder à la
présentation proprement dite de son contenu, je vais d'abord me
présenter. Je suis un économiste de profession. J'ai obtenu un
bac et une maîtrise de l'Université de
Montréal en 1974 et un doctorat de l'Université de
Montpellier en 1979 ou 1980.
Depuis 18 ans, j'oeuvre dans le domaine des études
économiques et, depuis cette époque-là également,
dans le domaine de l'environnement et des études économiques que
l'on fait autour de ces questions. J'ai réalisé des études
sur des projets comme le projet Archipel, sur les pluies acides, un dossier qui
a été utilisé lors des négociations entre le Canada
et les États-Unis au sujet du traité portant sur la
réduction des émissions de polluants. J'ai également
réalisé une étude pour le compte de la commission
Charbon-neau sur l'utilisation des redevances dans le domaine de
l'environnement. J'ai réalisé de nombreuses études
économiques sur les ressources récréatives dans la
société, tels les parcs, les pistes cyclables, dont une, il y a
deux ans, sur un projet de piste cyclable autour du lac Saint-Jean. Je suis
à réaliser, en ce moment, encore des études dans le
domaine de l'environnement, en particulier, au sujet de la pêche au
saumon dans la rivière Moisie. Alors, ça, ça conclut un
peu la présentation de qui je suis, de la firme avec laquelle je
travaille depuis 18 ans.
Le but de ce mémoire, c'est de présenter les
méthodes d'évaluation qui sont utilisées dans le domaine
de l'environnement. Je vais parler plus de cette question des méthodes
d'évaluation que de la procédure d'évaluation comme telle.
Le but de mon mémoire est de recommander que l'on utilise de
façon plus systématique l'analyse avantages-coûts pour
aider les décideurs et les promoteurs dans le domaine des
décisions à prendre quant à différents projets
industriels et à l'utilisation qu'on fait des ressources de
l'environnement.
Alors, je vais d'abord présenter rapidement ce que c'est que
l'analyse avantages-coûts. Ceux qui ont lu mon mémoire ont
peut-être remarqué qu'il n'y avait pas beaucoup d'explications
à ce sujet. Je vais essayer de l'expliquer rapidement.
L'analyse avantages-coûts, c'est la comptabilité
économique pour les décideurs publics. C'est, si on veut,
l'équivalent de ce qui est la comptabilité ou les principes
comptables généralement reconnus pour les entreprises. On
retrouve quelque chose de similaire pour les décideurs publics, qui
s'appelle l'analyse avantages-coûts. L'analyse avantages-coûts vise
à identifier et à mesurer tous les avantages et tous les
coûts reliés à des décisions publiques. Parmi ces
avantages et ces coûts, on va, évidemment, compter les biens
marchands, matériels, échangés sur des marchés
comme, par exemple, la production d'électricité, mais on doit
aussi tenir compte de la valeur des ressources non marchandes,
c'est-à-dire les ressources qui ont une utilité, qui rendent un
service aux gens, mais sans pour autant que les gens doivent
nécessairement payer pour les obtenir. On peut penser, par exemple, au
plaisir qu'un pêcheur retire du fait d'exercer la pêche
récréative sur le bord d'une rivière à accès
gratuit. Ce n'est pas parce que l'accès est gratuit que la ressource et
son activité ne valent rien pour le pêcheur.
Donc, l'analyse avantages-coûts vise à obtenir le plus de
renseignements possible, le plus de mesures en valeur monétaire de ces
différents éléments qui font partie d'un dossier dans le
domaine de l'environnement. La difficulté de cette méthode vient
justement du fait qu'on doit établir la valeur des biens non marchands
dont certains sont peut-être un peu plus difficiles à mesurer que
les biens échangés sur les marchés. Vous avez, par
exemple, le loisir que je viens de mentionner, mais il y en a des plus collants
comme, par exemple, la santé. Combien ça vaut le risque à
la vie humaine ou à la santé? Ça, c'est des
problèmes plus difficiles. Les problèmes patrimoniaux aussi,
combien ça vaut un élément du patrimoine?
Il y a des problèmes encore plus délicats comme les
éléments culturels. On peut penser, par exemple, à la
culture crie. Qu'est-ce que ça peut bien valoir la culture crie?
Malgré ces difficultés-là qui sont réelles, il n'y
a pas véritablement d'alternative. Il faut passer à travers la
démarche, il faut prendre le temps d'appliquer les méthodes
scientifiques de plus en plus reconnues dans ce secteur-là pour tenter
d'obtenir des mesures de ces éléments. On n'aura peut-être
pas toujours du succès, mais dans bien des cas, les mesures qu'on va
obtenir sont suffisantes pour donner un éclairage relativement rapide
sur une certaine question.
Si, par exemple, on prend le cas d'une rivière à saumon
qui est en concurrence, si on veut, avec un barrage hydroélectrique, les
saumons et l'électricité, on peut se poser la question:
Finalement, combien on est prêt à sacrifier de saumon pour combien
de mégawatts, et vice-versa. La question n'est pas de savoir si le
saumon, c'est plus important que l'électricité. Ça, on ne
peut jamais obtenir des réponses à ce genre de question-là
parce que l'analyse avantages-coûts n'essaie pas d'établir des
valeurs absolues, mais bien des valeurs relatives.
La question est de savoir: Dans un projet en particulier, il y a combien
de saumons d'impliqués, il y a combien de pêcheurs, et il y a
combien de mégawatts? On fait un rapport entre les deux. On tente
d'établir la valeur et dans bien des cas, on va s'apercevoir que la
décision est facile à prendre et rapide parce qu'il y a une
claire disproportion entre un élément par rapport à un
autre. Alors, je ne peux pas présumer lequel dans le cas d'une
rivière à saumon. Mais dans beaucoup de cas, on s'aperçoit
que la. décision est facile à prendre.
Alors, il y a des cas où l'analyse avantages-coûts est
moins à l'aise et d'autres fois où elle est plus à l'aise.
Mais, pour tous les cas où elle est plus à l'aise, elle aide
véritablement le décideur à se démarquer et
à faire la différence entre les points qui sont majeurs et les
points
qui sont mineurs.
Alors, pour résumer un peu ce que je perçois comme
avantages de l'adoption plus systématique de cette mesure-là,
c'est une méthode qui favorise la recherche de la solution optimale.
C'est qu'on essaie, avec cette méthode-là, de faire des choses
telles que ça va augmenter la richesse collective. On va utiliser de
l'argent jusqu'à temps que ça produise des biens et des services
qui valent, pour la population, au moins l'argent qu'on met dedans. Alors,
ça favorise la recherche de cette solution-là.
Un autre avantage, c'est que ça permet d'établir la
justification d'un projet. On peut comparer... Dans une évaluation, on
peut mesurer la valeur de la création d'emplois et la valeur des
ressources naturelles qu'on doit mobiliser. On peut comparer si, sur une base
nette, le projet dans son ensemble est justifié ou pas, ce que les
méthodes autres ne permettent pas de faire parce qu'elles expriment les
bénéfices, d'un côté, en dollars et, de l'autre
côté, pas en dollars, en une autre mesure que sont des
éléments de l'environnement.
Donc, en mettant tout ça en dollars, on peut calculer la
justification. Un autre avantage, c'est qu'il existe des fondements
scientifiques de la théorie micro-économique pour l'analyse
avantages-coûts qui font que les promoteurs peuvent évaluer
d'avance, finalement... Avant de présenter un projet, on peut prendre
les principes reconnus de cette analyse, puis faire un travail d'analyse
avantages-coûts, et on peut voir si le projet est acceptable pour
l'ensemble des membres de la société.
Alors, ça permettrait aux promoteurs de voir d'avance, de jauger
l'importance des impacts de leurs projets sur l'ensemble de la
société. Ce serait bon pour eux. En plus, étant
donné qu'on a des fondements scientifiques de cette nature, ces
fondements sont partagés par beaucoup d'économistes partout
à travers le monde. Ça fait que des personnes complètement
extérieures à un dossier en particulier peuvent valider les
calculs qui sont faits.
Je pense, par exemple, à Grande-Baleine où on a beaucoup
de misère à convaincre des gens des États-Unis que c'est
bon. Mais, si on avait une analyse avantages-coûts faite selon les
règles de l'art que des économistes américains sont
capables de répéter puis d'en arriver aux mêmes
conclusions, ça nous aiderait beaucoup à établir qu'on a
fait nos devoirs correctement en suivant les règles de l'art
universellement reconnues dans ce domaine-là.
Ce sont les principaux avantages. Un avantage au niveau de
l'organisation, c'est que de nombreux dossiers deviennent évidents
à partir d'une analyse avantages-coûts et peuvent se régler
directement au plan administratif avec des négociations entre des
fonctionnaires et des industriels. Dans plusieurs cas, c'est évident.
Donc, ça pourrait alléger la procédure des audiences et
les procédures impliquant des niveaux de décision plus
élevés en permettant de faire le tri entre les choses qui sont
relativement triviales puis les dossiers qui, évidemment, sont
peut-être plus complexes et qui vont continuer à devoir être
réglés à un niveau plus élevé.
Alors, les avantages, c'est peut-être ça. Les limites, il y
en a. Il ne faut pas se les cacher, sauf que les limites de l'analyse
avantages-coûts sont relativement claires et connues de la part des
économistes. On a des difficultés, il y a des secteurs où
c'est moins bon que d'autres. Mais, ces limites-là ne doivent pas
empêcher qu'on mette toute la méthode au panier. Je dirais... je
vais reprendre ce que je disais au début. C'est une méthode qui
est pour le décideur public ce que la comptabilité est pour les
entrepreneurs. Il n'y a pas un entrepreneur que je connais qui se fie à
ses états comptables pour ouvrir et fermer des départements dans
sa compagnie. Ce n'est pas comme ça qu'on le fait.
Par contre, je ne connais aucun entrepreneur, non plus, qui gère
sa compagnie sans évaluer les conséquences financières des
décisions qu'il prend. Alors, ce n'est pas une recette miracle, pas du
tout. Ça ne prétend pas l'être et ça n'a jamais
prétendu l'être, mais c'est un élément essentiel
dans les dossiers du domaine de l'environnement.
C'est pour ça que je crois qu'au Québec, c'est le temps
d'agir dans ce secteur-là, et ce serait dans l'intérêt
général, je crois, que l'on ait recours de façon
officielle et plus systématique à ce genre de
méthode-là. Ce sont des méthodes qui sont
recommandées par l'OCDE, par exemple, qui recommande à ses
pays-membres de les suivre. J'ai un document à ce sujet que je peux
déposer à la commission si vous le jugez bon. C'est une
méthode qui est obligatoire.
Le Président (M. Garon): ...déposer, M. le
secrétaire.
M. Michaud: Ce document s'appelle "L'évaluation
monétaire des avantages des politiques de l'environnement". C'est une
méthode qui est obligatoire aux États-Unis depuis les toutes
premières années de l'administration Reagan et j'ai hâte,
comme économiste, qu'on utilise cette méthode-là de plus
en plus. Je pense que ça pourrait éclairer et aider beaucoup les
décideurs dans leur travail. Ça complète mon
exposé.
Le Président (M. Garon): Merci, M. Mi-chaud. M. le
député de Saguenay... Oh! Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Vous avez une affection particulière, M. le
Président, pour le député de Saguenay.
Le Président (M. Garon): Non, non, je n'ai
pas de...
Mme Pelchat: Ça va. Merci, M. le Président, vous
êtes bien gentil.
Le Président (M. Garon): Vous savez qu'un homme
distingué n'a pas de sentiment...
Mme Pelchat: Oh! Mon Dieu!
Le Président (M. Garon): ...quand II préside.
Mme Pelchat: Ah! quand il préside! Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: J'en prends bonne note, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Merci, M. Michaud.
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre commission et vous
remercier d'avoir soumis un mémoire. Vous indiquez que... L'analyse
avantages-coûts dont vous faites état dans votre mémoire
nous semble un petit peu au-dessus de ce qu'on vous a demandé, en ce
sens qu'on vous a demandé dans le fond un commentaire sur la
procédure d'évaluation des impacts environnementaux telle qu'on
la connaît en ce moment, sur la pertinence d'élargir les projets
qui sont soumis à cette procédure.
Vous nous amenez, j'ai l'impression, en tout cas, une nouvelle
philosophie sur la façon dont on devrait aborder les questions
d'évaluation environnementale, si je comprends bien.
Indépendamment de... quelle que soit la procédure, on devrait
maintenant y aller avec une évaluation
coûts-bénéfices, avantages-coûts, si je vous ai bien
compris.
M. Michaud: Oui, je pense que le Québec, au niveau des
procédures d'évaluation des impacts - j'ai déjà
été membre de commissions du BAPE et j'ai travaillé sur de
très nombreux dossiers, soit pour le gouvernement, soit pour des
promoteurs privés - je crois qu'au niveau des procédures, on
n'est pas tellement à plaindre ou en retard sur la majorité des
pays que je connais. Je vais régulièrement en Europe et aux
États-Unis où je rencontre des gens du "EPA", des
collègues à moi dans ce secteur-là, et je trouve
même qu'à certains égards on est assez en avance pour
certains aspects des procédures.
Là où je trouve qu'on a un retard, ce n'est pas sur la
procédure, c'est sur le fond, c'est sur les méthodes qu'on va
utiliser pour déterminer si les impacts sur l'environnement de tel et
tel projet sont tellement élevés que ça vaut la peine de
bloquer le projet, de le remettre en cause ou d'obliger le promoteur à
faire telle ou telle chose. On n'a pas de barème, on n'a pas de
critère clair pour faire ça, ce qui fait que les promoteurs
industriels s'en plaignent et disent: Écoutez, nous, on a une
idée, mais on ne sait pas ce qui va en arriver tant qu'on n'aura pas
passé à travers tout le processus. Si on disait: On va se... pas
se fier, mais on va en partie s'appuyer sur des analyses avantages-coûts,
les promoteurs pourraient faire ces études-là au tout
début de leurs projets, puis voir, deviner d'avance, quelles pourraient
être les décisions...
Mme Pelchat: La seule chose, toutes choses étant
égales, par ailleurs...
M. Michaud: Ah! vous êtes économiste.
Mme Pelchat: Non, mais, pour moi, ça peut être bien
important un projet. Pour vous, c'est peut-être moins important. Quand
vous dites, à la page 2: "Dans tout ce débat, rarement se
deman-de-t-on si le coût de la protection de tel ou tel aspect de
l'environnement est justifié compte tenu de la valeur économique
et sociale de ce que l'on veut protéger". Je peux vous dire que les gens
du mont Pinacle qui étaient ici avant vous, c'est la chose la plus
importante à protéger...
M. Michaud: C'est vrai.
Mme Pelchat: ...indépendamment qu'on leur fasse la
démonstration qu'économiquement, ou que même du point de
vue environnemental, ce n'est pas important, pour eux, ça va rester que
c'est important et que ça mérite d'être
protégé. Alors, cette méthode-là, je ne sais pas
dans quelle mesure on peut l'appliquer quand il s'agit de mesurer, de
quantifier l'amélioration de la qualité de vie d'un citoyen. Je
ne sais pas comment on peut quantifier ça.
M. Michaud: C'est ça.
Mme Pelchat: Ce sont des concepts qui sont, en tout cas, assez
abstraits et qu'un économiste, aussi bien outillé qu'il puisse
l'être, pourrait difficilement quantifier.
M. Michaud: Bien, vous me permettrez d'être un petit peu en
désaccord avec vous à ce sujet.
Mme Pelchat: Tout est permis ici. M. Michaud: Je pense que
depuis...
Mme Pelchat: Tout est permis ici, M. Michaud. Allez-y.
M. Michaud: ...une vingtaine d'années, les méthodes
d'étude d'impact, d'économie dans
l'environnement ont fait des progrès substantiels sous
l'impulsion de T'Executive Order" 12 291 aux États-Unis, qui a rendu
ça obligatoire pour tous les projets dans lesquels le gouvernement
fédéral est impliqué et également toutes les
réglementations.
Depuis ce temps-là, il s'est réalisé plusieurs
centaines d'études avantages-coûts aux États-Unis et en
Europe qui ont permis de régler beaucoup des problèmes
méthodologiques, justement, pour établir ce que c'est la valeur
d'un élément de la qualité de vie. Autrement dit:
qu'est-ce que c'est le consentement à payer par la société
pour préserver ou créer tel ou tel élément de la
qualité de vie? Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je
peux vous dire que sur le plan technique, maintenant, on ne nage plus en plein
inconnu. On a, au contraire, mis au point des méthodes qui, maintenant,
reçoivent l'assentiment de la majorité des économistes. Je
ne dis pas tout le monde. Les méthodes sont toujours perfectibles, mais
on a atteint des niveaux de précision avec ces méthodes-là
qui font, qu'aujourd'hui, on peut les intégrer dans les prises de
décision publiques.
Mme Pelchat: Pourriez-vous me donner un exemple d'un projet
où on aurait peut-être dû adopter cette analyse-là et
peut-être qu'on n'aurait pas procédé à la
protection?
M. Michaud: Je vais vous donner un exemple que j'ai
moi-même vécu en me promenant en hélicoptère
au-dessus d'un tracé de ligne de transport d'électricité.
C'est un petit exemple. Là, on suivait le tracé et, à un
moment donné, il y avait une espèce de terre agricole plus ou
moins coincée dans une forêt qui n'était pas du tout plate,
en pente, vallonnée, qui était à l'état de
pâturage. La personne qui s'occupait du tracé avec moi
m'expliquait comment ils avaient tenu compte de l'impact sur l'agriculture
parce qu'ils avaient déplacé le pylône qui était
prévu normalement pour être en plein milieu de ce
terrain-là juste dans la forêt, à côté, et que
ça, c'avait coûté un pylône d'angle de
déplacement, soit une dépense supplémentaire d'un quart de
million de dollars.
Mais moi, comme économiste, les bras m'en sont tombés
parce que j'ai dit: Ça, c'est formidable, mais c'est une espèce
de sacrifice qu'on fait à l'autel des valeurs environnementales, mais ce
n'est pas une décision rationnelle qu'on vient de prendre là. Il
n'y a pas de gloire a en tirer. Alors, si on avait mesuré le vrai
impact, la perte de productivité, l'inconvénient, même la
perte de la valeur de la maison occasionnée par la proximité de
la ligne, si on avait tout mis ça ensemble, jamais on ne serait
arrivé à 250 000 $. Mais si on l'avait fait, cet
exercice-là, c'aurait été simple.
Un autre exemple de cette chose-là, comment on peut mesurer
ça. Je vais vous en donner un plus difficile encore: la vie humaine.
C'est quoi la valeur d'une vie humaine? C'est évident que pour tout le
monde à qui vous dites ça, c'est infini, la valeur de la vie de
chacun de nous. C'est vrai, mais d'un autre côté, la
société, partout, dans toutes ses actions... On peut constater
que la société et ses membres acceptent des risques de
mortalité en échange de certains bénéfices dont des
bénéfices économiques. Ça, on peut mesurer
ça. Ils ont fait de très nombreuses études aux
États-Unis pour montrer que, dans certains secteurs, on dépensait
7 000 000 $, 8 000 000 $, 10 000 000 $ pour réduire les risques de
mortalité d'une mort sur l'ensemble des publics visés.
Aujourd'hui même, j'écoutais à la radio, en venant,
qu'il y a des gens qui ont fait des études sur l'amiante, qui ont
déterminé que les risques de l'amiante, aux États-Unis,
étaient comparables à ceux du radon ou même
inférieurs à ceux de la fumée de cigarette pour les
non-fumeurs, par exemple. Ce sont de très petites quantités.
Quand on mesure ça en termes de quantité et que, là, on se
pose la question: Mais, jusqu'à combien la société
est-elle prête à aller pour réduire les risques de
mortalité, il faut qu'on se pose la question: Jusqu'à combien de
millions de dollars on est capable d'aller? Alors, on est capable, à un
moment donné, devant un projet industriel qui pollue, qui occasionne un
risque pour la santé, on est capable de mettre en balance le risque pour
la santé et la valeur des emplois créés. Ça, c'est
un cas difficile, difficile à gérer à tous égards,
mais ça se fait quand même. C'est quoi qu'on a comme alternative?
L'alternative, c'est de dire: On ne mesure pas ça, c'est difficile, on
ne le fait pas. Donc, on ne se renseigne pas. On ne le saura jamais,
finalement, si on est dedans ou si on n'est pas dedans.
Un autre exemple, les usines de traitement des eaux, où on a dit:
II faut nettoyer les eaux. On l'a fait. On a commencé par les grosses,
mais là, on est rendu qu'on veut construire des usines qui coûtent
des centaines de milliers, des millions de dollars pour des tout petits bleds,
pour des rivières qui sont toutes propres à peu de choses
près, qui ne seraient pas beaucoup polluées. Mais là, on
ne sait plus trop si les bénéfices valent la peine de ces
choses-là. Pourquoi est-ce qu'on ne mesure pas? On sait ce que ça
vaut de l'eau propre.
Mme Pelchat: Mais concrètement, comment on pourrait
appliquer votre méthode au ministère de l'Environnement? (17 h
45)
M. Michaud: Bien, ça ne serait pas compliqué.
Ça serait de demander ou de... pas d'exiger, mais de demander ou de
recommander aux promoteurs, de même qu'au ministère de
l'Environnement, de baser leurs évaluations sur des analyses
avantages-coûts. Là, ça implique d'utiliser des
spécialistes qui oeuvrent dans ce
secteur-là. Mais des économistes qui connaissent
ça, il y en a plein. Je veux dire, ce sont des cours quasiment
obligatoires à l'université pour un économiste. Ce n'est
pas difficile à faire. Le ministère de l'Environnement,
lui-même, dans une étude qu'il vient de faire faire, qui est toute
fraîche, l'étude recommande d'utiliser cette
méthode-là. Je ne veux pas mentionner des choses que...
Mme Pelchat: J'aimerais juste savoir le nom de l'étude
dont vous...
M. Michaud: Je vais mentionner le nom de l'étude.
"Mémoire sur la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement".
Mme Pelchat: Qui est l'auteur? M. Michaud: C'est le groupe
Tecsult. Mme Pelchat: Merci. M. Michaud: Dans ça...
Mme Pelchat: Est-ce que vous accepteriez de déposer une
copie de cette étude?
M. Michaud: Pas vraiment, parce que ce n'est pas moi qui l'ai
faite. J'en ai juste quelques morceaux de "fax". Mais, en vous donnant le
titre, je crois que Tecsult... Est-ce qu'il sont venus, Tecsult, ou s'ils
doivent venir?
Mme Pelchat: Ils sont venus, oui.
M. Michaud: Ils sont déjà venus. Ils n'ont pas
déposé ça?
Mme Pelchat: Non, ils ne nous en ont pas parlé.
M. Michaud: En tout cas, vous pouvez le demander au... C'est
marqué "Commission de l'aménagement et des équipements,
Assemblée nationale".
Mme Pelchat: Ah! bien, c'est ici.
Une voix: C'est leur mémoire.
Mme Pelchat: Ah! c'est leur mémoire, ça.
M. Michaud: Ah! non, ça, c'est leur mémoire. O.K.
Excusez-moi, je vous donne le mauvais titre, alors. O.K., c'est un autre. Vous
avez bien raison. Ministère de l'Environnement du Québec,
Direction des évaluations environnementales et le titre, c'est: "Analyse
critique des directives produites à la Direction des évaluations
environnementales".
Mme Pelchat: Mme la Présidente, je fais motion pour que la
commission de l'aménagement et des équipements demande cette
étude-là, s'il vous plaît.
M. Michaud: En tout cas, ce sont d'autres économistes qui
travaillent dans le même secteur et qui en viennent à la
même conclusion que moi, à savoir que ce type d'approche
méthodologique devrait avoir une place importante, je ne dis pas la
seule. Souvent, on dénigre l'analyse avantages-coûts en disant:
Ça ne répond pas à tout. Non, d'accord. Mais ça
devrait avoir une place importante dans les procédures d'analyse
d'impact sur l'environnement.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M Michaud. M.
le député de Jonquière, vous avez 9 minutes.
M. Dufour: Je voudrais vous souhaiter la bienvenue puis, en
même temps, vous remercier de l'apport que vous apportez par votre
mémoire à cette commission. Première réaction par
rapport à ce dépôt, c'est que c'est évident que vous
êtes le premier qui ait apporté cet angle-là concernant .
les avantages-coûts des projets. Ça peut nous mettre un certain
nombre de questions, mais ce n'est pas là-dessus que je vais aller. Ce
serait plutôt de vous demander: Est-ce que vous avez déjà
fait de la politique, vous?
M. Michaud: Non!
M. Dufour: Non, bon. Donc, à ce moment-là...
M. Michaud: Jamais!
M. Dufour: ...je vais vous poser la question: La ligne
Nicolet-Radisson, est-ce que vous avez, par hasard, regardé ça
comme une possibilité, les avantages-coûts par rapport à
ça?
M. Michaud: Oui.
M. Dufour: Je ne suis pas un économiste, mais je vais vous
dire que si c'est juste les avantages-coûts, j'ai une petite
idée.
M. Michaud: Moi, j'ai fait Nicolet-des
Cantons-Nouvelle-Angleterre. Ce n'est pas le même tracé?
M. Dufour: Oui, c'est ça.
M. Michaud: C'est celle-là? Oui?
M. Dufour: Oui, c'est ça.
M. Michaud: J'ai fait une analyse critique de... À
l'époque, je travaillais pour le BAPE, au Bureau d'audiences publiques,
où j'ai rédigé une partie du rapport du BAPE sur cette
question-là.
J'ai fait une analyse, à l'époque, des tracés
comparatifs puis je me suis posé la question. Je me suis demandé:
Qu'est-ce que ça aurait pu donner si on avait procédé
à une analyse avantages-coûts? Malheureusement, je n'ai pas eu les
ressources ni le temps pour la faire, l'analyse avantages-coûts, mais
j'ai quand même trouvé des choses étranges dans les
méthodes qui ont été utilisées à
l'époque, et je les ai écrites à ce moment-là dans
mon rapport.
La chose étrange que j'ai trouvée, par exemple,
c'était la méthode... Vous avez une espèce de
méthode de classement hiérarchique des impacts, compte tenu des
impacts humains, des impacts sur l'agriculture, la forêt, etc. J'ai
reproduit leur méthode et je me suis rendu compte que si, par malheur,
il avait fallu qu'il y ait une maison de plus sur le tracé qui avait
été retenu, ça aurait obligé obligatoirement, en
vertu de cette méthode-là, de retenir un tracé alternatif
qui était beaucoup plus long et qui coûtait 31 000 000 $ de plus
à réaliser que celui qui avait été
recommandé.
Alors, la méthode de comparaison m'a semblé faible... pas
faible, mais dangereuse même, parce qu'elle aurait pu amener à
dépenser 31 000 000 $ pour sauver l'impact sur une maison. Moi, comme
économiste, je sais que ça n'a pas de sens. Ce n'est pas comme
ça qu'on va protéger l'environnement. Protéger
l'environnement, ce n'est pas ça que ça veut dire. Ça veut
dire: utiliser rationnellement les ressources de l'environnement. Ça ne
veut pas dire gaspiller de l'argent pour l'environnement.
En tout cas, je ne sais pas si ça répond à votre
question.
M. Dufour: En partie. Par contre, vous comprendrez que, moi, je
considère, par exemple, que si vous faites des comparaisons, puis que
vous avantagez une méthode plutôt qu'une autre parce qu'il y a
tout l'avantage des coûts, vous remettez un peu en cause, par exemple, la
qualité des promoteurs de projets. Le promoteur d'un projet, est-ce
qu'il ne doit pas faire ce travail-là automatiquement? C'est clair qu'il
y en a beaucoup de promoteurs qui font faillite au bout de trois mois, mais les
gens qui vont risquer des montants d'argent pour un projet, en principe et en
pratique, je ne vois pas pourquoi ils ne la mettent pas publique leur
étude. Mais, s'ils n'ont pas fait l'analyse des avantages et des
coûts, je me demande ce qu'ils font dans cette
galère-là.
M. Michaud: II font l'analyse des avantages et des coûts en
ce qui les concerne. Un promoteur, par exemple, n'a pas à se
préoccuper nécessairement de l'impact qu'il peut avoir sur ses
voisins. S'il n'est pas légalement tenu de payer ses voisins, il ne s'en
occupe pas. Par contre, l'analyse avantages-coûts, elle, va en tenir
compte. Par exemple, l'impact visuel d'une ligne sur une région de
villégiature, ça existe et ça peut avoir des
conséquences. Il faut en tenir compte à un moment donné,
mais ça doit être équilibré, pas à n'importe
quel prix. Ça vaut quelque chose de préserver la vocation, mais
à un moment donné, il faut dire: Si c'est juste un petit lac dans
une région où il y en a 450, puis que ça coûte 30
000 000 $ pour déplacer la ligne pour protéger trois chalets,
là, à un moment donné, on va se rendre compte que
ça n'a pas de sens et on va faire autre chose, on va déplacer la
région. C'est ça, c'est d'essayer de mettre dans un plateau ce
que ça coûte, puis les avantages, combien ça vaut en
dollars des deux côtés.
M. Dufour: Mais, si c'est ce que vous dites, pourquoi
consulte-t-on les citoyens? Les citoyens n'ont plus d'affaire là-dedans.
Vous les évacuez là.
M. Michaud: Ah! c'est très important de consulter les
citoyens, parce que...
M. Dufour: Bien, on n'en tient pas compte.
M. Michaud: Ça, ça donne juste un portrait, disons,
un peu technocratique, si on veut, ou un peu froid de la chose, mais c'est
important de l'avoir. C'est important également que les citoyens soient
impliqués. Aussi, si vous n'avez pas des citoyens pour, à un
moment donné, remettre en cause ces choses-là et dire: Est-ce que
ça a été bien fait cette étude-là? Eh bien,
là, vous ouvrez la porte à n'importe quel abus ou à des
études mal faites et jamais personne pour les contester. Alors, ce
garde-fou est important pour les projets majeurs, mais dans bien des cas...
M. Dufour: Mais je suppose que les coûts sont trop
élevés par rapport aux avantages. O.K.?
M. Michaud: Oui.
M. Dufour: Les coûts sont trop élevés. Le
monde dit non pareil, on fait quoi? C'est là que tout à l'heure
je vous ai demandé: Avez-vous fait de la politique? La politique, je le
dis de temps en temps, a des raisons que la raison ignore.
M. Michaud: Je sais. C'est la même chose dans une
compagnie. J'ai une compagnie, on dirige du personnel et, à un moment
donné, on a des décisions à prendre et ce n'est pas
seulement des questions de gros sous: il faut garder l'harmonie, il faut que
l'équipe fonctionne bien. Il y a toutes sortes de facteurs autres que
strictement la question des gros sous qui entrent en jeu. Mais, j'ai besoin de
mon comptable pour me dire où j'en suis et qu'est-ce qui va se passer
avec tel projet. C'est très important. Tout a son rôle à
jouer.
C'est la même chose aux États-Unis où les
gouvernements n'abdiquent pas leur droit de regard et leur pouvoir de
décider en faveur d'une mécanique d'évaluation quelconque.
Mais, ils disent aux promoteurs: C'est en partie là-dessus qu'on va se
baser, on va regarder ça sous cet angle-là. Alors, les
promoteurs, s'ils sont assez gros, ils vont dire: On va la faire d'avance
l'analyse avantagés-coûts. Comme ça, on va savoir dans quoi
on s'embarque avec le gouvernement. Tout le monde connaît les
règles du jeu.
Les règles de l'analyse avantages-coûts sont connues, sont
apprises à l'université, tout le monde les connaît.
Ça aide à favoriser la recherche d'une solution. C'est entendu
que si vous dites, par exemple, qu'on va perdre une rivière à
brochets, les pêcheurs de la rivière à brochets, si vous ne
les compensez pas en argent pour cette perte-là, ils vont se plaindre,
et à juste titre. Mais, la question de la compensation c'est une chose,
et la question de l'équilibre dans les décisions, c'en est une
autre. Si vous compensez les gens adéquatement, ça rend les
affaires plus faciles.
Je pense, par exemple, à toute la question de l'Importance
donnée à l'agriculture pour les lignes de transport. Quand
j'avais fait cette étude-là, les compensations qu'on offrait aux
agriculteurs étaient très limitées, juste un petit
périmètre et la perte de production agricole sur ça, c'est
tout. Ce n'était pas grand-chose, mais on ne donnait rien pour
l'encombrement, les difficultés, la présence permanente. Alors,
on ne donnait pas assez du côté de la compensation; ce qui fait
que les gens se plaignaient amèrement. Vous aviez donc un sentiment que
les gens se faisaient léser par ça. Ça, c'est vrai, mais
il faut reconnaître ça, et l'analyse avantages-coûts peut
aider à établir le juste montant de la compensation. Ça
peut servir à ça aussi.
M. Dufour: Mais, selon l'expérience que j'ai, quand vous
allez sur les terrains de quelqu'un, ça ne prend pas une étude
d'économiste pour savoir, la personne, ce qu'elle va demander. Les
coûts, ils sont assez élevés, règle
générale.
M. Michaud: Oui, oui!
M. Dufour: II y a toujours la procédure d'expropriation
qui, en principe et en pratique, donne plus que ce que la personne offre,
règle générale, ça aussi. Oui, je comprends que
c'est une méthode que vous proposez. Mais, qui est habilité,
à part des économistes comme vous, pour faire ces
études-là?
M. Michaud: Des économistes.
M. Dufour: Des économistes.
M. Michaud: Ça vient de s'éteindre et c'est bien
dommage. C'est comme la comptabilité. Si vous n'avez pas suivi de cours
de comptabilité, moi, je ne mettrais pas mes affaires dans les mains de
quelqu'un comme ça. Au moins, un cours quelconque. Des
économistes, au Québec, il y en a 1500. Vous avez l'embarras du
choix.
M. Dufour: II paraît qu'on en a deux: un qui est premier
ministre et un autre qui est aspirant premier ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour: Ils font partie de votre groupe.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors sur ça,
les travaux de la...
M. Dufour: Là-dessus, je voudrais, Mme la
Présidente, vous remercier. Je pense que ça donne un
éclairage différent et, d'ici à la fin de nos travaux, on
aura sûrement l'occasion de mijoter un peu ces questions-là. On
verra bien ce que ça pourra faire. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Jonquière. Alors, M. Michaud, nous vous
remercions de votre participation. La commission ajourne ses travaux au mardi
1er octobre, à 14 heures. Alors, bonne soirée tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 56)