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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 22 novembre 1991 - Vol. 31 N° 120

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : La situation de l'habitation au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bradet): Je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Je voudrais vous rappeler le mandat de la commission. Le mandat de la commission, pour cette séance, est de procéder à l'interpellation adressée au ministre des Affaires municipales par le député de Shefford sur le sujet suivant: La situation de l'habitation au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden (Lotbinière) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska), et M. Maltais (Saguenay) est remplacé par M. Maciocia (Viger).

Le Président (M. Bradet): Merci. Je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement de cette séance. Dans un premier temps, l'interpellant, le député de Shefford, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de 5 minutes seront allouées selon les séquences suivantes: un député de l'Opposition officielle, le ministre et un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant la fin, j'accorderai 10 minutes de conclusion au ministre et un temps de réplique égal au député de Shefford. Enfin, je vous rappelle que le débat ne pourra, à moins d'un consentement, dépasser - on a commencé un petit peu en retard - 12 h 10 ou 12 h 12. Alors, sur ce, M. le député de Shefford, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Comme vous l'avez dit, le sujet de l'interpellation, finalement, c'est de montrer le portrait actuel de la situation de l'habitation au Québec, et je voudrais, très rapidement, qu'on regarde les deux volets de l'habitation, c'est-à-dire le logement social et la construction, au moment où on se parle.

Si on y va dans le logement social, je dois dire que la situation n'est pas très rose, alors qu'il y a de plus en plus de gens qui ont de la difficulté à se loger convenablement, à prix abordable, et ce, par les chiffres mêmes de documents que l'on retrouve à la Société d'habitation du Québec. Alors qu'en 1980, 202 000 ménages devaient consacrer plus de 30 % de leurs revenus à se loger, en 1988, nous étions rendus à 300 000. Et si on regarde depuis 1988, avec la crise qu'on a connue, les pertes d'emplois, les fermetures d'entreprises, je dois vous dire que ça doit être largement dépassé. Donc, c'est de 200 000 à plus de 300 000 personnes qui ont de la difficulté à se loger, qui doivent consacrer plus de 30 % de leurs revenus. Pourtant, pendant la même période, en tout cas sur des années, si on regarde la comparaison, alors que le budget de la SHQ était de 228 000 000 $ en 1985, il est de 233 000 000 $ en 1990. Ça veut dire pas d'augmentation; 5 000 000 $ seulement sur autant d'années, sur six années, ce qui est inacceptable! Ce n'est même pas l'indexation. Donc, il y a de plus en plus de besoins, mais pas de plus en plus de moyens. Ça, c'est une réalité, et c'est dommage que ce soit comme ça.

Quand on regarde les intentions gouvernementales, maintenant, que ce soit le règlement qui a été déposé, retiré et redéposé, ou l'intention manifeste du gouvernement qu'on retrouve dans la politique d'harmonisation, je dois vous dire que c'est très inquiétant, parce que, là, on s'apprête, sans discussion, à venir pénaliser à peu près 700 000 personnes, qu'on va couper, pour en rendre 60 000 admissibles, donc à peu près du 1 pour 10. Donc, pour aider 60 000 personnes, on va venir en pénaliser à peu près 700 000; c'est dans la philosophie de la loi 37. C'est exactement ça. Ce n'est pas une politique pour aider les gens mal pris en matière d'habitation, c'est pour récupérer à peu près 50 000 000 $ qui seront retournés au Conseil du trésor. C'est exactement ça qu'on retrouve dans le document sur l'harmonisation. Et c'est telle ment vrai que ce n'est pas signé par le ministre, mais par la Société d'habitation du Québec et le ministre Bourbeau, ministre de la Sécurité du revenu, celui-là même qui parraine la loi 37, qui veut qu'on coupe de plus en plus les gens démunis. Quand on sait ce que ça veut dire!

Il va falloir que le ministre écoute, à un moment donné, quand on dit: Le bien-être social, c'est la misère noire! Ça, c'est un rapport qui vient du gouvernement fédéral, le Conseil national du bien-être social Canada, qui est en train d'en conclure que c'est la misère noire. Et on coupe encore ces gens-là. Quand on regarde d'autres documents - et il faut le dire à un moment donné: Par son approche punitive, Québec ne peut créer que la pauvreté en profondeur. La misère, elle est créée présentement de toutes pièces par des décisions du gouvernement actuel, parce qu'on s'attaque à 700 000 personnes mal prises au Québec: les gens qui n'ont pas d'emploi, les gens qui sont sur l'assurance-

chômage et l'aide sociale, des gens mal pris qu'on ne finit pas finalement d'attaquer en coupant encore davantage dans les revenus. Et le pire dans tout ça, c'est que ça se passe toujours sans débat. Alors que tout le monde en parle, tout le monde demande qu'on puisse échanger là-dessus, qu'on puisse regarder où on s'en va dans un domaine aussi important, on ne réussit jamais à avoir de véritables débats. C'est incroyable! Ça se passe à huis clos, il y a eu des comités de députés à huis clos, il y a des séances à la table de concertation à huis clos. Il n'y a jamais d'échange réel, il n'y a jamais d'opportunité pour les gens intéressés; et ils sont très nombreux. On n'a qu'à regarder les documents qui sont déposés. On n'a qu'à regarder les déclarations qui sont faites pour s'apercevoir comment les gens sont intéressés à participer à ce débat sur l'habitation et comment c'est important pour la société.

D'ailleurs, ce n'est pas seulement en ce qui concerne le volet logement social, aide aux gens à faibles revenus, qu'il faut s'occuper quand on parle d'habitation; il y a aussi le volet construction, et de ce côté-là, c'est la même chose. Les intervenants ne cessent de réclamer et un ministère de l'habitation et une véritable politique de l'habitation, pour qu'on cesse de toujours intervenir à la pièce, qu'on cesse d'intervenir, à un moment donné, à cause d'un besoin urgent, d'une crise, mais qu'on planifie dans un secteur aussi névralgique. Il ne faut pas l'oublier, la construction, c'est un secteur important de base, au niveau d'une relance économique, mais d'un maintien de l'économie aussi. Et pourtant, malheureusement, on ne répond pas positivement à tout ce secteur qui fait travailler des dizaines de milliers de travailleurs sur les chantiers de construction, mais qui fait vivre aussi des milliers et des milliers d'entreprises de construction.

D'ailleurs, je n'aurai qu'à citer des choses de l'APCHQ, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, qui est en congrès juste de l'autre côté de la rue, ici, au Hilton. Eux autres, ils exigent une véritable politique de l'habitation au Québec, avec un ministère propre à ce secteur de l'économie, parce que c'est un secteur de l'économie. Je viens juste de lire la demande du président de l'APCHQ. Ce qui est amusant, c'est qu'au moment où nous, on se parle, ici, de l'autre côté, dans l'édifice de l'autre côté de la rue, l'APCHQ, qui représente des milliers de travailleurs et des centaines et des milliers d'entreprises, ces gens-là sont en train de discuter. De quoi? Ils sont en atelier pour une politique d'habitation au Québec. C'est ça qu'est la réalité. Pendant que nous, ici, on dit: Non, on n'en a pas besoin de politique d'habitation, on a des programmes; de l'autre côté, on dit: On est tannés de vos programmes ponctuels, on veut une véritable politique, et on est en train de discuter dans un atelier, de l'autre côté. J'ai hâte de voir ce que vous allez leur dire, M. le ministre, par rapport à leurs inquiétudes, leurs interrogations. Elles sont grandes, leurs inquiétudes.

On n'a qu'à penser qu'en 1989 la construction était très basse par rapport à l'année 1987, par rapport à l'année 1988. On avait dit: Bien, écoutez, en 1990, ça va aller mieux; on espère que ça va aller mieux. En 1990, on a dit: Ne vous inquiétez pas, c'est la crise, en 1990, mais ça va aller mieux en 1991. En 1991, malgré un taux d'intérêt qui est bas comme on n'a pas vu depuis plus d'une dizaine d'années, malgré Mon taux, mon toit, on va quand même avoir à peu près 11 % à 12 % de moins de constructions que l'an passé. Et l'an prochain, on ne s'attend pas à une grosse augmentation, malgré une reprise annoncée.

Les raisons? Les raisons nous sont encore données par des gens du secteur, l'APCHQ. Je les cite parce que ce sont eux qui ont commenté les derniers, et ils sont très représentatifs du milieu. Ils nous disent: Encore que, si la reprise est légère, en 1992, et même risque d'être compromise, ce sera la faute de la TPS, évidemment du gouvernement fédéral, que vous défendez si bien. Mais ça va être aussi la faute de la réforme Ryan qui entre en vigueur le 1er janvier prochain, où les taxes foncières vont augmenter considérablement à cause du pelletage, dans les municipalités, de la dette. Parce que, finalement, on charge davantage les contribuables, mais pas en diminuant les impôts et les taxes provinciales. On maintient tout ça, mais on va surcharger davantage les municipalités. Donc, un premier coup difficile à assumer par le secteur: les taxes foncières augmentées le 1er janvier 1992 par la réforme Ryan. Les gens le disent et le reconnaissent.

Une autre qui les inquiète considérablement, et c'est l'APCHQ qui le dit; elle craint que la TVQ n'étouffe la reprise des mises en chantier. La TVQ! Ça, effectivement, c'est tellement vrai que votre gouvernement l'a reconnu dernièrement en acceptant de reporter de six mois la TVQ, en sachant que, s'il avait fallu que ça arrive en même temps que l'augmentation des taxes foncières, le 1er janvier, ça n'aurait pas été un ralentissement économique, mais probablement une catastrophe économique, mais on l'a juste reportée à plus tard. Les gens sont très inquiets de ces deux décisions qui sont des décisions du gouvernement actuel, qui fait en sorte de compromettre, finalement, les mises en chantier, la reprise économique, en tout cas, très largement, dans la construction.

Donc, les gens le disent. Leur inquiétude, c'est toutes ces décisions à la hausse de charges pour les propriétaires, pour ceux qui vont se construire. Ça va se traduire, finalement, par une augmentation des coûts de loyer. On s'en reprend encore une fois à ceux que j'ai traités dans le premier volet de l'habitation, c'est-à-dire le

logement social. On vient pénaliser, encore une fois, les locataires qui sont à 75 % à Montréal; des gens qui sont de plus en plus pauvres. Bien là, encore une fois, à cause de l'augmentation de la TVQ, à cause de l'augmentation des taxes foncières, ça va se refléter sur les logements. Donc, les locataires vont devoir encore payer plus cher en 1992. Quand je vous disais, au début de mon intervention, que ceux qui consacrent plus de 30 %, qui ne cessent d'augmenter, vont augmenter encore probablement d'une façon importante en 1992, à cause de deux décisions du gouvernement en face, présentement, et possiblement que ça va se refléter aussi sur les demandes de logements sociaux, alors que le gouvernement ne cesse de couper dans le logement social, je suis sûr d'une chose, et les gens de l'APCHQ ont raison: Ça va favoriser le travail au noir.

Alors, je termine par une question, en demandant au ministre: Étant donne que, de l'autre côté, on est en train d'étudier une politique d'habitation, une véritable politique d'habitation, et que le ministre est invité ce midi à rencontrer ces gens-là, est-ce qu'il va pouvoir leur annoncer la bonne nouvelle, répondre oui à leur demande, qui est enfin une consultation et une véritable politique de l'habitation au Québec, pour qu'on fasse, dans ce domaine-là comme dans les autres domaines où ça peut fonctionner, de la planification? Si c'est vrai pour les individus, c'est vrai pour les entreprises, c'est aussi vrai pour les gouvernements. On va réussir à faire quelque chose le jour où on va parler avec les gens concernés et le jour où on va planifier le développement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, M. le député de Shefford. Je reconnais maintenant le ministre des Affaires municipales et député d'Argenteuil.

Réponse du ministre M. Claude Ryan

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord, au début, situer le problème dans sa juste perspective. J'entendais, à de nombreuses reprises, le député de Shefford, ces derniers mois, évoquer les chiffres mirobolants des unités de construction mises au jour dans les années soixante-dix, dans les années soixante. On peut bien vivre de souvenirs, de nostalgie, mais il faut se situer dans le contexte d'aujourd'hui. Je lisais, dans le document, "Construire pour habiter", qui a été préparé par l'Association des constructeurs d'habitations du Québec, en vue de son congrès qui a lieu aujourd'hui et demain, une considération qui m'est apparue très juste là-dessus. Elle dit: "Le ralentissement prévu dans la croissance démographique à l'échelle des agglomérations urbaines, le vieillissement de la population, vont amener, dans les prochaines années, des modifications substantielles dans l'importance et la nature des activités dans le secteur de l'habitation. Dans cette perspective, la construction de nouvelles unités de logement pourrait voir s'atténuer sa place historique dans le rythme de croissance de l'économie québécoise et, à moins d'une ouverture plus grande à l'immigration, le nombre annuel de mises en chantier est de nature à s'estomper graduellement. Sur la base des projections démographiques actuellement disponibles, il se pourrait très bien que, d'ici l'an 2000, le Québec soit obligé de se contenter de quelque chose comme 35 000 unités d'habitation nouvelles par année, comparativement à plus de 40 000 durant la dernière décennie et plus ou moins 50 000 au cours des années soixante-dix." Là, ce n'est pas moi qui parle, c'est l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. J'espère qu'on ne descendra pas jusqu'à ce point-là et, grâce à l'action du gouvernement cette année, nous allons avoir entre 41 000 et 42 000 nouvelles unités d'habitation produites au Québec, malgré une conjoncture extrêmement difficile.

Le député de Shefford doit savoir que la performance du Québec est de beaucoup plus solide que celle de toutes les autres provinces canadiennes pour l'année 1991, et ce, grâce aux deux programmes du gouvernement: le programme Mon taux, mon toit, qui facilite l'acquisition d'une maison neuve, et le programme AMI, qui facilite l'acquisition d'une maison existante pour des foyers avec des enfants, ce qui permet souvent à d'autres qui vendent ces maisons-là de se porter acquéreurs de maisons neuves en retour. Alors que, dans l'ensemble du Canada, la construction d'unités nouvelles d'habitation accuse une chute de 19,4 %, et que l'Ontario accuse une baisse de 19,2 %, la baisse au Québec sera limitée à 12 %. Peut-être, avec le mouvement très fort d'inscriptions au programme Mon taux, mon toit, qui a suivi l'extension que nous avons accordée jusqu'au 31 mars 1992, le chiffre de 12 % sera-t-il encore légèrement inférieur. Je pense que ça vaudrait la peine de le reconnaître. Il n'y a pas de honte à reconnaître un fait comme celui-là, plutôt que de pérorer de manière purement négative. Je pense qu'il est permis de voir les choses constructives qui se font.

Dans son même mémoire que je viens de citer, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec dit: S'il y a une certaine perte de vitesse de la construction neuve, on peut s'attendre en retour à ce que le secteur de la rénovation et des réparations connaisse un développement plus considérable. Nous savons tous que le parc de logements que nous possédons dans les centres urbains en particulier exige de nombreux efforts de rajeunissement, et ce serait l'une des caractéristiques majeures des années à venir.

Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement? Il a mis sur pied, depuis deux ans, un programme qui est spécialement destiné à la rénovation des immeubles locatifs. Nous participions déjà au programme PARCQ de concert avec le gouvernement fédéral, mais quand le gouvernement fédéral a décidé de laisser tomber le volet locatif du programme PARCQ, nous avons décidé de le reprendre en main et, pour l'année 1991, alors que nous avions libéré des crédits d'à peu près 15 000 000 $ l'année précédente, nous en avons libéré cette année 55 000 000 $, M. le député de Shefford. Voilà de l'action concrète qui précède même les tendances que constatent les organismes engagés dans le secteur de l'habitation.

Le député de Shefford laissait entendre tantôt que les crédits mis à la disposition de la Société d'habitation du Québec auraient diminué. Je ne sais pas où il puise ses renseignements. Je serais très intéressé à connaître les données dont il dispose à ce sujet, mais ce que je sais, moi, c'est que les prévisions budgétaires de la Société, les crédits mis à sa disposition en 1989-1990 étaient de 416 000 000 $; en 1990-1991, de 433 000 000 $; et en 1991-1992, 543 000 000 $ en tout. Cette année, évidemment, il faut compter la part fédérale qui est de 221 000 000 $, mais la part du gouvernement du Québec est de 322 000 000 $. Vous savez, comme moi, le programme Mon taux, mon toit, nous le finançons entièrement à Québec. Il en va de même du programme PRIL Le programme PARCQ - en plus de notre contribution qui vient faire contrepartie à celle du gouvernement fédéral - nous avons injecté cette année 8 000 000 $ de plus pour favoriser la réalisation de projets reliés au programme PARCQ dans les régions rurales du Québec. Ce sont des mesures qui sont extrêmement importantes en matière d'habitation sociale. (10 h 30)

Nous avions annoncé l'an dernier 600 unités nouvelles d'habitation dans le secteur des organismes privés sans but lucratif. Or, en réalité, il y en aura eu près de 1200: 886, à même le programme OSBL proprement dit, organismes sans but lucratif, et 209 à même le programme qui est parrainé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais dont la gestion est de plus en plus assumée par la Société d'habitation du Québec. Ce sont des chiffres qui parlent par eux-mêmes.

Je prenais connaissance, en lisant le rapport de la Société d'habitation du Québec pour l'année 1990, que nous aurons le plaisir de déposer en Chambre avant longtemps des données générales pour l'année 1990. La Société est venue en aide directement à quelque 176 000 ménages au cours de la seule année 1990, et ceci ne tient pas compte des ménages qui ont bénéficié du remboursement d'impôts fonciers. Il y a plus de 150 000 ménages qui ont bénéficié du remboursement d'impôts fonciers. Nous sommes à examiner. Le député sonne l'alarme à ce sujet-là. Mais, nous autres, nous regardons les choses d'une manière constructive dans une recherche d'équilibre. Il voudrait laisser croire que nous voulons enlever de l'argent au secteur de la population qui a besoin d'être soutenu en matière d'habitation. Nous disons que nous voulons plutôt rechercher une distribution plus équitable des ressources publiques qui sont engagées dans ce secteur. En vertu des programmes actuels, il y a des ménages qui vont bénéficier de subvention directe ou indirecte pouvant aller jusqu'à au-delà de 500 $, tandis qu'il y en a d'autres qui doivent se contenter de 16 $ par mois. Je pense bien que personne va considérer que c'est équitable si l'on sait que de très nombreux ménages, qui ne sont pas dans des HLM ou dans des logements construits et gérés par des organismes sans but lucratif, ont des problèmes tout aussi urgents et doivent les régler à même leur seule initiative en recourant aux ressources du marché privé. Nous voulons que l'affectation des ressources dans ce secteur se fasse d'une façon plus équilibrée. Nous poursuivons des travaux de recherche, actuellement, et lorsque nous aurons terminé les travaux, nous serons très heureux d'en faire l'objet d'une discussion publique.

Il pourra arriver, M. le Président, que, des programmes étant remis en cause parce qu'ils auront terminé leur course, nous soyons appelés à réexaminer certaines orientations de la politique gouvernementale. Mais vouloir laisser entendre, comme le député de Shefford le répète sans cesse, qu'il n'y a pas de politique gouvernementale en matière d'habitation, parce qu'il n'a pas vu un document qui s'appelle "Politique" avec un "p" majuscule et des lettres majuscules, je lui dirais: Regardez donc l'ensemble des programmes du gouvernement, vérifiez les secteurs de la société auxquels ces programmes bénéficient - tant les programmes qui visent l'habitation dans son volet social que les programmes visant l'habitation dans son volet économique - et vous conviendrez avec moi que le gouvernement a bel et bien des orientations qui se traduisent dans des programmes efficaces et qu'on ne passe pas entre les deux par le beau mot de politique à grand terme, au singulier. Ça, ça ne nous empêche pas de fonctionner. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises et je préférerai toujours, infiniment, des programmes précis, fonctionnels, réalistes, efficaces, à des grandes déclarations théoriques qui conduisent souvent à produire beaucoup plus de brume que de résultats véritables.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. J'aimerais vous faire remarquer que nous en sommes à la période d'interventions de cinq minutes de chaque côté des débats. Je reconnais donc le député de Shefford.

Argumentation M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Je vais revenir où j'ai pris mes chiffres: dans le rapport annuel de la Société d'habitation du Québec. Et quand le ministre met des chiffres un peu plus importants, c'est qu'il additionne les chiffres fédéraux. Moi, je parle de l'intention et de la participation du gouvernement québécois, et c'est là qu'on prouve nos intérêts et notre intention d'aider des gens. Ce n'est pas en calculant ce que les autres font, c'est en prenant ce qu'on veut.

Quand le ministre se compare avec le reste du Canada, par rapport à la construction, il faudrait dire que c'est vrai qu'il y a eu une diminution de 7549 en Ontario cette année, par rapport à l'année passée, et 6270 au Québec. Donc, c'est un peu plus en Ontario: 1000 logements de moins, donc, qui se sont construits. Mais qu'est-ce qui est prévu pour l'an prochain? Alors qu'au Québec, on pense en faire 2400 de plus, en Ontario, on pense en faire 18 000 de plus aussi. Ça, c'est les chiffres de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Il faut dire que, dans les prévisions, ce n'est pas beaucoup plus encourageant, beaucoup plus optimiste en Ontario que ce ne l'est au Québec avec tout ce que vous dites. Et l'APCHQ le dit pourquoi: à cause des mesures que, nous, on est en train de prendre ici, que ce soit l'impôt foncier ou la TVQ qu'on va ajouter. Moi, je reviens à la question sur laquelle vous avez conclu, en disant que vous préférez des bons programmes à une politique. Moi, je vais vous dire: Des bons programmes vont découler d'une politique et ce n'est pas - comment dirais-je ça? - des nuages, ce n'est pas du placotage, une politique, parce que si c'était ça, vous seriez le seul à le penser au Québec.

Vous citez souvent, et vous dites que je cite souvent le FRAPRU, qui veut une politique. D'ailleurs, il en a déposé une. Je pense qu'à un moment donné il faut regarder ce que les gens font. Les regroupements de comités de logement et associations de locataires en ont déposé une, politique. Ils ont fait leurs devoirs. La ville de Montréal a déposé une politique, ça fait déjà quelques années. Ils n'ont pas pensé qu'ils avaient perdu du temps. Ils ont planifié le développement en fonction des besoins de leur population.

Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, qui a pris la peine de se pencher sur un secteur très précis, qui est l'habitation, le logement et les communautés culturelles; ils ont pris la peine avec des recommandations, des suggestions. Eux autres aussi ils aimeraient ça être consultés, faire valoir leur point de vue, agir avec les familles en habitation. Le Conseil de la famille trouve que vous vous en allez avec des politiques antifamiliales. Il aimerait ça se faire entendre s'il y avait une consultation; il aimerait ça qu'on planifie un peu le développement. On a le droit de consulter.

Nous, nous l'avions fait notre consultation: "Se loger au Québec". Malheureusement, c'a tombé à l'eau comme le ministère est tombé à l'eau en 1985. Mais les gens sont intéressés; ils font des mémoires, ils font des déclarations, ils se penchent, ils réfléchissent. Malheureusement, ça ne donne rien. Le Conseil du patronat du Québec, sa première suggestion pour la création d'emplois en cette période difficile, c'est un régime d'épargne rénovation-construction. Le Conseil du patronat du Québec aimerait ça, lui aussi, qu'il y ait une consultation sur l'habitation. Il a des suggestions concrètes à faire. Il est intéressé.

L'APCHQ qui fait des mémoires parce qu'elle est inquiète par rapport à la loi 145, par rapport à la fiscalité, par rapport à ce qu'on appelle communément la réforme Ryan; elle aussi elle a fait un mémoire. Elle a des suggestions parce qu'elle est inquiète et elle le dit là-dedans. Je pourrais la citer, sauf que je ne voudrais pas non plus citer trop trop, parce que je n'aurai pas le temps d'aller trop loin. Mais ce qu'on dit, ici, c'est qu'il y a des décisions gouvernementales qui vont amener, finalement, une réduction de la construction ou qui vont ralentir ce qu'on espère comme augmentation de mises en chantier au cours de l'an prochain. Je vous le répète: Les gens, de l'autre côté, sont en train de discuter d'une politique. Est-ce que vous êtes en train de dire que ces gens-là sont des pelleteux de nuages, que ces gens-là, dans une salle, dans un atelier, l'autre côté, sont aussi bien d'éteindre les lumières, puis de s'en aller au bar et de prendre une bière; parce que, de toute façon, parler d'une politique de l'habitation, c'est perdre du temps, c'est de charrier, de pelleter des nuages, ou si c'est sérieux? Moi, je pense que c'est sérieux, et c'est ce qu'ils vont vous demander ce midi: une réponse par rapport à une véritable politique.

Si vous dites que les programmes sont bons, je vais vous dire que c'est mieux d'avoir ces programmes-là que de ne pas en avoir. Il y en a déjà eu des meilleurs. Il pourrait y en avoir encore des meilleurs. On va certainement avoir besoin de programmes ponctuels tout au cours des années, à mon avis, parce que les situations changent. On prévoit une reprise, et, là, on ne prévoit pas de reprise... Donc, il faut s'ajuster. Mais si on avait une politique globale avec des montants connus, avec des orientations précises, ce serait favorable. Je ne comprends pas qu'on soit contre la planification. C'est contre nature, même, de ne pas planifier. Quand on veut juste bâtir une maison, ça nous prend un plan. On veut bâtir une société: il ne faut pas avoir d'objectifs! On veut maintenant s'occuper d'habitation comme étant un secteur névralgique,

fondamental et important, et on ne veut pas de politique! On se contente de programmes à la pièce, ponctuels, conjoncturels, qui arrivent, à un moment donné, en fonction d'un problème. Je pense qu'il faut planifier. Et si on planifie, ça voudra dire qu'on aura de meilleurs résultats et, probablement, en bout de ligne, une meilleure collaboration des intervenants, qui nous amènera peut-être des résultats plus positifs et des économies d'échelle.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre, vous avez la parole pour cinq minutes.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Est-ce que c'est à un député ou à moi? Ah oui! très bien. Encore une fois, sur ce point-là, j'écoute le député de Shefford parler d'habitation depuis déjà un an et jamais je ne l'ai entendu faire une critique sérieuse du programme PRIL, par exemple. Je ne sais pas; quand on arrive à l'action concrète, j'ai l'impression qu'il perd contact avec le sol. On a un programme, là, qui est très important, qui demanderait à être amélioré à bien des points de vue, qui n'est pas parfait; jamais je n'ai entendu une critique objective du député de Shefford sur le programme PRIL.

Nous avons, cette année, le programme Mon taux, mon toit. Nous l'avons annoncé au début de l'année. Nous l'avons amélioré à plusieurs reprises pendant l'année pour tenir compte des représentations qui nous avaient été faites. Je n'ai souvenance d'aucune représentation qui m'ait jamais été faite par le député de Shefford sur le programme Mon taux, mon toit. Nous avons le programme AMI, qui a été l'objet d'une réorientation au cours de l'année par suite de la mise sur pied du programme Mon taux, mon toit. Jamais je n'ai entendu parler de la moindre réaction du député de Shefford, à ce sujet, pour aider le gouvernement à préciser son action dans ce secteur-là. Nous avons injecté des fonds additionnels dans le programme PARCQ. Le député de Shefford ne s'intéresse pas à ça. Tout ce qui l'intéresse: le mot "politique". Le mot "politique", il revient avec ça continuellement, machinalement. Je ne pense pas qu'on puisse progresser de cette manière.

Il peut arriver que les programmes du gouvernement traduisent des orientations discutables. Nous sommes prêts à nous laisser interpeller là-dessus. Nous sommes prêts à répondre honnêtement. Si ces programmes-là ne sont pas bons, qu'on nous le dise. À travers tout le Canada, on a dit, cette année, que les initiatives du gouvernement du Québec, en matière d'habitation, sont les plus originales et les plus intéressantes de tout le pays. Il n'y a que le député de Shefford qui ne s'en serait pas aperçu. Je ne prétends pas que ce soit la perfection, encore une fois, mais je vous dis: Partons de ce qui se fait pour l'améliorer, pour ajouter des éléments, s'il en manque, mais ne prétendons pas que nous partons de zéro, ne prétendons pas qu'il n'existe rien; c'est absolument faux, c'est contraire à la réalité la plus élémentaire. Le député de Shefford essayait de laisser entendre tantôt que les initiatives du gouvernement du Québec traduisent surtout des programmes qui seraient financés par le gouvernement fédéral. C'est absolument faux, c'est absolument faux. Le gouvernement fédérai est engagé dans le secteur de l'habitation depuis le dernier conflit mondial: ça fait 50 ans. Ses interventions ont pris des formes diverses, mais c'est nous qui avons obtenu ça, en 1986, que tous tes programmes au financement desquels le gouvernement fédéral contribue, soient gérés par le Québec, par la Société d'habitation du Québec. Nous avons obtenu cette année que la part du Québec dans l'ensemble des budgets fédéraux, qui était de 21 % l'an dernier, passe à environ 24 %. Sur le programme principal, qui concerne surtout le gros des populations urbaines, notre part va passer de 22 % à 26,5 %, et elle va passer peut-être encore un peu plus l'an prochain. C'est nous qui administrons tout ça et, nonobstant ces augmentations, sur les 543 000 000 $, je voudrais que le député note ces chiffres - il ne semble pas en avoir pris connaissance - qui sont attribués à la Société d'habitation du Québec: cette année, pour son activité, il y en a 322 000 000 $, c'est-à-dire plus de 60 %, qui sont fournis par le gouvernement du Québec à même ses revenus propres. Or, voilà une contribution qui mérite d'être signalée.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant, pour cinq minutes, le député de Nicolet-Yamaska.

M. Maurice Richard

M. Richard: Merci, M. le Président. Je désire vous faire part des principales interventions gouvernementales en faveur de la famille au Québec et dans le secteur particulier d'activité qu'est le logement. Depuis le milieu des années quatre-vingt, la perspective familiale s'inscrit véritablement dans les décisions et les actions de l'État. En effet, le gouvernement du Québec intervient, et de plus en plus, en faveur de la famille par différentes mesures, dont plusieurs touchent le domaine, évidemment, de l'habitation.

Au départ, j'aimerais souligner que le gouvernement du Québec a opéré un virage significatif au profit des familles en matière de logements sociaux. À titre d'exemple, entre 1986 et 1990, près de 60 % des nouvelles unités de logement subventionnées ont été réservées aux familles II est de l'intention du gouvernement de continuer d'y accorder effectivement la priorité.

Vous me permettrez de souligner également l'initiative prise en 1990, M. le Président, dans le cadre du Programme de logement sans but lucratif privé qui a permis d'introduire un nouveau volet expérimental appelé "Familles avec services". C'est ainsi que 12 projets d'habitation totalisant 196 unités destinées a des familles avec enfants ont été retenus. Il est intéressant de souligner que ces projets, en plus des logements habituels de deux, trois ou quatre chambres à coucher, comprennent des services d'entraide comme des cuisines collectives qui permettent aux ménages de réaliser des économies et d'avoir une meilleure alimentation; aussi, des ateliers de supervision des devoirs et des leçons des écoliers, des échanges de services de garde d'enfants, etc. Tous ces services qui doivent s'autofinancer contribuent à encourager chez les familles une prise en charge collective de leurs problèmes en plus de créer un environnement stimulant qui favorise leur intérêt et, évidemment, leur participation.

D'autre part, en matière d'accession à la propriété, le gouvernement du Québec a créé, en mai 1988, le programme d'Aide à la mise de fonds, communément appelé, comme M. le ministre le soulignait tout à l'heure, AMI, dans le but d'aider les familles ayant au moins un enfant à compléter la mise de fonds requise lors de l'achat d'une première résidence, qu'elle soit neuve ou existante déjà. (10 h 45)

Comme vous le savez, M. le Président, pour bon nombre de jeunes ménages avec des enfants, l'absence de fonds initiaux requis par les institutions financières au moment de la transaction, ça constitue effectivement, dans bien des cas, l'obstacle majeur à l'achat d'une première propriété. C'est bien souvent la présence même des charges familiales qui empêche ces ménages d'accumuler les sommes nécessaires. En garantissant, pour une période de cinq ans, un prêt additionnel au prêt hypothécaire et en payant les intérêts sur ce prêt durant la même période, le gouvernement du Québec aide, et aide de façon significative, les familles admissibles à compléter cette mise de fonds, souvent excessivement difficile à amasser. d'ailleurs, depuis l'entrée en vigueur de ce programme, la société d'habitation du québec a reçu près de 50 000 demandes, et 45 000 certificats de prêt ont été autorisés, dont la valeur s'élève, en moyenne, chacun, à 5500 $. on peut donc qualifier de succès remarquable ce programme qui a nécessité, jusqu'à maintenant, des engagements financiers de l'ordre de 225 000 000 $. c'est d'ailleurs devant le succès remporté par ce programme que notre gouvernement a décidé d'en prolonger la durée jusqu'au 31 mars 1992 et d'y apporter, effectivement, des améliorations susceptibles de le rendre encore plus accessible, et ce, à un plus grand nombre de familles.

Les changements ont consisté, entre autres, à rendre admissible au programme des demandes portant sur les logements faisant partie d'une coopérative d'habitation - ce qui n'était pas le cas avant - et à porter la date d'acquisition et d'occupation de la résidence au 15 juillet 1992. Signalons que ces modifications avaient été précédées par d'autres changements en ce qui concerne le coût maximum d'admissibilité des propriétés. En effet, le coût, incluant les terrains et les infrastructures, a été porté, dans un premier temps, de 95 000 $, M. le Président, à 100 000 $ et, dans un deuxième temps, de 100 000 $ à 110 000 $. Par ces gestes, notre gouvernement démontre sa volonté de continuer à aider les familles et à accéder le plus rapidement possible à la propriété, tout en harmonisant ses actions aux autres mesures d'aide à l'habitation annoncées au début de l'année pour la relance de notre économie. je pense ici, entre autres, m. le président, à la création du programme de relance de construction domiciliaire que nous appelons mon taux, mon toit. en offrant des formules de financement avantageuses aux acheteurs de maisons neuves construites en 1991, ce programme sera profitable pour un bon nombre de familles au québec. mon taux, mon toit vient d'être prolongé, ce qui permettra d'étendre son accès a un plus grand nombre de familles. les personnes admissibles ont maintenant jusqu'au 31 mars pour acquérir et occuper leur nouvelle propriété.

M. le Président, toutes ces actions témoignent, il va sans dire, de la volonté du gouvernement du Québec de continuer à soutenir la famille, cellule de base de la société, et de lui redonner la place primordiale qui lui revient. L'ensemble des mesures gouvernementales concernant le logement de la famille répond à un désir bien légitime, pour la grande majorité des familles québécoises, d'accéder à la propriété et de s'offrir des logements à prix abordable et surtout adaptés à leurs besoins. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska. M. le député de Shefford, vous avez maintenant la parole.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, très rapidement. Pour répondre à ce que le ministre disait tantôt, qu'on n'intervient jamais sur des programmes, je vais juste lui rappeler que dès qu'AMI a été déposé, on est intervenus pour demander que la valeur maximale soit augmentée pour des régions. Je me rappelle qu'on a fait une bataille là-dessus, et ça a pris un certain temps avant que le ministre finisse par répondre positivement aux nombreuses demandes qui venaient, non seulement de l'Opposition, mais des milieux, et d'être intervenu à plusieurs occasions pour demander que l'engage-

ment de 1985, Logirente à 55 ans, soit respecté. Non seulement il n'a pas été respecté, mais il est abandonné. J'ai même collaboré avec votre prédécesseur - on a même manifesté ensemble, on est intervenus en conférence de presse, on a fait des sorties ensemble - pour dénoncer la coupure unilatérale d'Ottawa dans le volet locatif du programme PARCQ. Donc, toutes les fois que c'est utile. Sauf que ça ne nous empêchera pas de dénoncer les choses qui méritent d'être corrigées ou les dangers qui nous menacent.

C'est pour ça que ça m'amène maintenant sur la fameuse politique d'harmonisation des mesures d'aide à l'habitation, dans la perspective d'une couverture plus équitable du besoin logement: le document qui circule présentement, et qui est certainement l'orientation que semble vouloir se donner le gouvernement, puisque c'est en discussion entre la Société d'habitation du Québec, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Et là, je dois vous dire: On a raison d'être inquiets, parce que l'harmonisation a voulu dire, depuis le début de la loi 37: coupures chez les plus démunis, coupures dans le logement. Finalement, on a pénalisé les plus démunis de la société. On a toujours pensé juste à récupérer des fonds, non pas dans un esprit d'aide aux gens mal pris, mais pour une récupération, pour obéir aux ordres qui nous viennent, finalement, ou du ministre des Finances ou du président du Conseil du trésor.

Donc, là-dessus, quand on le lit et quand on regarde où ça s'en va, bien, c'est que Québec s'apprête à couper 55 000 000 $ aux mal logés. Donc, si on voulait seulement essayer de prendre l'argent actuel pour le redistribuer de façon différente ou plus équitable, on pourrait probablement dénoncer en disant que ce n'est pas de ça qu'on a besoin. Ce n'est pas de pénaliser ceux qui sont déjà pauvres pour en aider d'autres, mais c'est d'en mettre davantage. S'il y a plus de pauvres, ça veut dire qu'on a besoin de plus d'argent pour les aider. Mais ce serait déjà un moindre mal, une question d'équité, un partage différent d'un montant, mais ce qui est proposé là-dedans, ce n'est pas drôle, c'est triste à brailler quand on arrive à la fin de certains paragraphes. On nous dit - et j'aimerais ça tomber sur un, ça ne doit pas être difficile - justement, page 36, au hasard: Une économie annuelle récurrente de plus de 35 000 000 $, ça, c'est une des mesures. Je prendrais une autre page: Une économie annuelle récurrente de l'ordre de 60 000 000 $. Alors, ce que ça fait ce document-là, c'est comment on peut faire en faisant accroire aux gens qu'on va être plus équitable, en faisant accroire qu'on va aider un peu plus de gens par l'annonce du programme allocations-logement qui va s'étendre à plus de personnes, qu'on va aider plus de monde et qu'on va être plus généreux quand l'objectif et la conclusion, finalement, ça va être une économie de 55 000 000 $ à 60 000 000 $. Non, on va repartager. Ça veut dire qu'on va en enlever à certaines personnes pour le donner à d'autres et, en plus, on va en enlever tellement plus à certaines personnes, et à tellement de personnes, près de 700 000 personnes, qu'on va se ramasser avec une économie de 55 000 000 $ à 60 000 000 $ pour le gouvernement.

Quand on dit, de l'autre côté, qu'on veut aider davantage, qu'on veut en aider plus de gens, mais qu'en même temps on coupe par coups de 55 000 000 $, 60 000 000 $, ça ne tient plus, le discours, et c'est ça qu'on veut dire! J'écoutais mon collègue, juste avant moi, le député de Nicolet-Yamaska. Oui, c'est beau de prendre des cas précis, sauf qu'avec des choses comme ça, on veut en faire moins. Quand on cite des cas de 12 projets-pilotes pour un gouvernement, je dois vous dire, c'est peut-être là qu'on a besoin d'une politique. Ce n'est pas des projets-pilotes et des cas particuliers dont on a besoin, c'est de projets qui sont disponibles à l'échelle du Québec pour les gens qui en ont besoin.

Effectivement, et le ministre avait raison tantôt en disant que ça change: la population se modifie, la population vieillit et il y a des problèmes de dénatalité. Il y a des nouveaux Québécois qui arrivent dans la région de Montréal avec des mentalités différentes. L'espace est différent. On veut ou on veut moins d'étalement. On doit se conformer aux nouvelles réalités socio-économiques et de société qu'on est en train de vivre. Il faut se conformer à ça, il faut s'adapter à ça. Donc, ça prend peut-être des appartements plus petits, ça prend peut-être maintenant de l'argent investi pour condenser davantage les populations dans les centres-villes. Oui, il va falloir modifier certains comportements, mais ça, on va le faire en autant qu'on va discuter avec les intervenants. Moi, ce que je veux savoir du ministre, question un peu plus précise en espérant qu'on va pouvoir savoir où on va un peu. M. le ministre, est-ce que vous allez accepter qu'il y ait consultation là-dessus? Parce que, là, ça touche trop de monde: ça touche les personnes âgées auxquelles on veut couper le retour d'impôt foncier, ça touche les gens qu'on veut couper à la baisse pour donner à d'autres, ça risque de toucher les revenus de 700 000 Québécois. Est-ce qu'on peut s'attendre qu'il y ait une consultation là-dessus avant qu'on mette en application certaines mesures? J'aimerais savoir: Est-ce qu'il est de l'intention du ministre qu'il y ait des mesures qui soient prises très rapidement? Je pose la question. Si c'est non, je vais être bien content. Est-ce que c'est possible, par exemple, que le test logement soit en application dès janvier 1992 et que les modifications au retour d'impôt foncier soient en application lors du prochain budget, avril 1992?

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le

député. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Claude Ryan

M. Ryan: J'ai déjà indiqué à maintes reprises, M. le Président, que le document auquel fait allusion le député de Shefford est un document de travail, pour l'instant, qui est à l'intérieur du gouvernement et qui fait l'objet d'étude dans les ministères concernés, qui n'engage pas du tout la politique gouvernementale. Dans ce document, on traite de nombreux sujets, de très nombreux sujets. On traite au moins d'une quinzaine de programmes différents. Quand le gouvernement aura complété l'étude qu'il poursuit, aura arrêté certaines orientations, c'est évident qu'il les fera connaître du grand public et que ces orientations pourront être l'objet de discussions. Même si le gouvernement ne voulait pas, à ce moment-là, le régime démocratique dans lequel nous vivons fera en sorte qu'il y aura débat. Le débat peut se faire dès maintenant. Il n'y a personne qui a de contrôle là-dessus. Nous, du gouvernement, n'en voulons surtout pas. Mais tant que le gouvernement n'a pas arrêté ses orientations, il ne peut pas être question qu'il lance un débat comme ça, dont on ne saurait pas du tout où est-ce qu'il s'en va. La loi essentielle d'un débat parrainé par un gouvernement, c'est que le gouvernement indique un certain nombre d'intentions sur la base desquelles on va discuter. On n'est pas pour prendre le mot "logement" et dire: On engage un débat, que tout le monde vienne au forum et on engage le débat. Ce serait complètement irresponsable de la part d'un gouvernement; et cela se fait à l'année longue, sans que le gouvernement ait à s'en mêler. Mais, si le gouvernement veut un débat, il lui appartient, d'abord, de définir un certain nombre d'orientations sur la base desquelles il doit engager la discussion. Et c'est ce que nous ferons, c'est évident.

Maintenant, dans l'ensemble des sujets dont il est question dans le document cité par le député de Shefford, il y en a certains qui sont d'ordre strictement budgétaire. Le ministre des Finances n'a pas coutume de tenir de consultations publiques sur le discours du budget qu'il prononce a chaque année. Ce discours, par nature, est préparé sous la seule responsabilité du ministre des Finances, qui consulte ses collègues dans la mesure où il l'estime nécessaire; il n'est pas tenu de les consulter sur tous les éléments du budget. Il livre son budget à la population. Le budget est soumis à l'Assemblée nationale pour discussion et, après débat à l'Assemblée nationale, pour lequel des règles précises sont inscrites dans nos statuts, là, le gouvernement, l'Assemblée nationale adopte le budget et les mesures peuvent être mises en vigueur. Nous suivrons le même processus dans les questions qui relèvent de l'ordre budgétaire, celles qui relèvent de la compétence propre du ministre de l'Habitation, et nous verrons la forme la plus opportune de dévoiler publiquement les décisions qui seront prises.

Je donne un exemple plus récent. Quand nous avons arrêté le programme Mon taux, mon toit, en vertu duquel chaque ménage qui veut accéder à une propriété neuve, à un logement neuf, peut compter sur une aide financière du gouvernement, qui peut même dépasser 5000 $ pour l'achat d'une maison, nous n'avons pas tenu de débat public là-dessus pendant trois mois pour savoir ce que nous allions faire. C'était notre responsabilité d'examiner la situation, de vérifier les moyens dont dispose le gouvernement et de mettre sur pied un programme précis à ce moment-là. Mais, quand nous avons préparé le programme, nous nous sommes inspirés des représentations qui nous avaient été soumises par les milieux concernés.

Nous lisons avec beaucoup d'attention tous les documents auxquels a fait allusion le député de Shefford; nous les étudions et nous en retenons tout ce qui peut être utile pour le meilleur service du bien général par le moyen des programmes du gouvernement. Alors, je ne pense pas que, de ce point de vue, il y ait lieu de sonner l'alarme dans la maison. S'il fallait que, chaque fois qu'un document m'est remis par un fonctionnaire ou un groupe de fonctionnaires, j'aille le lancer sur la place publique et dire: On ouvre le débat là-dessus, ce serait une véritable abdication de ma responsabilité. Il y a certains documents qui doivent demeurer des instruments de travail pour le gouvernement dans la préparation des décisions qu'on attend légitimement de lui. Qu'un document coule à l'occasion - celui-ci, je ne sais pas exactement laquelle des versions est entre les mains du député de Shefford ou du FRAPRU - moi, ça ne me dérange aucunement, ça ne me dérange aucunement; ça fait partie du débat. Le député peut faire des affirmations. Je le félicite même d'en avoir obtenu une copie et je l'assure que je ne ferai jamais d'enquête sur ce genre de coulage. Mais, je vous dis: Ne me commandez pas mon agenda. C'est moi qui vais déterminer l'agenda du gouvernement en matière d'habitation, et nous déterminerons le moment où nous ferons connaître les orientations qui pourront donner lieu à un débat explicite sur les intentions clairement énoncées par le gouvernement.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je suis heureux de participer à ce débat sur un des secteurs clés de notre économie, c'est-à-dire l'habitation, et de vous entretenir plus spécifiquement du programme d'aide à la construction

domiciliaire, Mon taux, mon toit. Vous vous souviendrez, M. le Président, que ce programme, lancé en janvier 1991, fait partie des mesures mises de l'avant par le gouvernement du Québec pour stimuler l'économie québécoise. En instaurant le programme Mon taux, mon toit, le gouvernement du Québec a démontré sa volonté de tout mettre en oeuvre pour soutenir l'industrie de la construction et accroître les mises en chantier, en 1991 principalement. Pour ce faire, le gouvernement du Québec offre aux acheteurs d'une habitation construite en 1991 des options de financement plus qu'intéressantes, soit sous forme d'un taux d'intérêt hypothécaire de 8,5 % pour une durée de trois ans, ou sous forme de subvention en capital égale à 4,5 % du coût d'acquisition, jusqu'à concurrence de 5000 $. (11 heures)

Comme vous le savez, M. le Président, la construction domiciliaire offre un potentiel élevé de création d'emplois: des emplois directs sur les chantiers et d'autres, indirects, reliés à l'industrie forestière, à la fabrication des matériaux ou, encore, à l'achat des différents biens et services. Il s'agit également d'un secteur dont les répercussions se font sentir rapidement, qui rejoint toutes les régions du Québec et dont les retombées sont, en grande partie, locales.

De plus, la construction domiciliaire est un secteur de l'économie où chaque dollar dépensé a un effet multiplicateur important sur l'investissement total. Il n'est pas étonnant que le gouvernement ait eu recours à cette mesure pour relancer l'économie en cette période de conjoncture plus difficile.

On dit souvent que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Eh bien, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce programme a atteint son rythme de croisière. En effet, jusqu'à maintenant, la Société d'habitation du Québec a reçu près de 12 400 demandes, et l'on prévoit qu'environ 15 000 ménages québécois bénéficieront de Mon taux, mon toit d'ici la fin du programme.

On se rappellera que les spécialistes avaient prévu une importante baisse des mises en chantier en 1991. Si l'on compare la situation du Québec par rapport à celle de l'ensemble du Canada, on constate que le Québec tire son épingle du jeu de façon plus qu'intéressante. Durant les six premiers mois de l'année, vous constatez au Québec une baisse des mises en chantier beaucoup moins importante que celle enregistrée partout au Canada. Les statistiques relèvent également que, dans tout le Québec, la valeur moyenne des propriétés construites avec l'aide du programme s'élève à 94 500 $, tandis que dans la région de Montréal, elle se situe en moyenne à 106 500 $. C'est donc dire que le plafond maximum, qui s'établit à 150 000 $ dans les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal et à 130 000 $ partout ailleurs au Québec, respecte la réalité du marché.

Quant au financement du programme, le gouvernement du Québec prévoit y injecter, de 1991 à 1995, une centaine de millions de dollars. À cette contribution gouvernementale s'ajoute celle des 25 institutions financières participantes. Le programme dispose également d'une somme de 12 000 000 $ du fonds du programme de relance de la construction domiciliaire Corvée-habitation, auquel avaient contribué, entre 1982 et 1985, les travailleurs et les employés de toute l'industrie de la construction ainsi que le gouvernement du Québec.

Je crois important de souligner ici, M. le Président, l'excellente collaboration des partenaires directement impliqués dans ce programme. Je me réjouis entre autres du fort taux de participation des institutions financières à ce programme. D'autres partenaires mettent également la main à la pâte. Je pense à certaines municipalités qui offrent à leurs contribuables un crédit de taxes en aide pour la construction de leur maison. Toutes ces initiatives contribuent, il va sans dire, à la relance de la construction domiciliaire.

Pour sa part, le gouvernement du Québec tente d'encourager les initiatives du milieu en étant d'abord le plus possible à l'écoute des besoins exprimés et en faisant preuve de souplesse. Ce qui m'amène, M. le Président, à vous parler des améliorations qu'a apportées ce programme et qui ont tenu compte de certaines suggestions du milieu, de même que des pratiques ayant cours chez bon nombre d'entrepreneurs. Parmi les modifications qui allaient rendre le programme encore plus accessible, mentionnons la valeur maximum des propriétés qui est passée de 110 000 $ à 130 000 $ dans l'ensemble des municipalités du Québec, sauf pour les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal, où les plafonds ont été maintenus à 150 000 $.

M. le Président, vous me faites signe que mon temps est quasiment terminé. Je voudrais quand même dire au député de Shefford que nous préférons, aux bons discours et au verbiage, des actions concrètes, des actions responsables pour venir en aide aux plus démunis de la société québécoise. M. le Président, je voudrais rappeler au député de Shefford que la ville de Montréal est très contente des programmes mis de l'avant par le gouvernement du Québec. Elle s'y réfère très souvent et d'une façon très compétente. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Viger. M. le député de Shefford, vous avez la parole.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Juste pour dire que le député oublie la loi 37, qui est venue récupérer des millions sur le dos des plus démunis de la société. C'est ce qu'on est en train de faire avec la politique d'harmonisation. Si la ville de

Montréal a réussi à s'en sortir en matière d'habitation, malgré les problèmes qu'elle a connus - parce que n'oublions pas qu'en septembre de cette année, le taux de constructions annuelles à Montréal était au niveau de la crise de 1982. Il ne faudrait pas oublier ça non plus. Heureusement que le mois d'octobre a été bon, mais ce n'était pas la réalité, mais Montréal a dû combler énormément par rapport au programme québécois, et elle s'est donné, elle, une politique d'habitation; elle sait où elle va.

Je veux revenir à la fameuse politique d'harmonisation. Je ne peux pas accepter la réponse du ministre et laisser faire. Moi, je préfère prévenir que de réagir ensuite en disant: "C'est-u" de valeur que ça arrive! Ce que le ministre est en train de nous dire, c'est un petit peu ça, et il y en a une certaine mesure là-dedans. Il faut sensibiliser la population aux menaces qui l'attendent à des groupes de gens aussi importants, et que ces gens-là se préparent à intervenir. Si le ministre ne veut pas les défendre au Conseil des ministres, il va falloir que les groupes s'organisent pour se défendre eux-mêmes parce que le danger, il est là. Le ministre nous dit lui-même que ce document est à l'étude entre ses collègues, puis que ça va être amené au Conseil des ministres et le ministre des Finances décidera. Bien, si le ministre des Finances décide, on sait ce qui va arriver.

Donc, c'est un peu un cri d'alarme que je veux lancer aux gens concernés, ce matin. On est en train de vouloir aller chercher des millions sur le dos des plus démunis. Le ministre n'a pas le goût de vous défendre au Conseil des ministres, et il dit: Bien, attendez, je ne vous consulterai pas, attendez, vous verrez lors du prochain budget ce qui va arriver. Savez-vous ce qui va arriver si on applique ce qui est là? Bien, je vais vous le dire au moins dans deux, trois domaines précis. Dans le remboursement d'impôts fonciers, ça veut dire que présentement, pour ceux qui sont sur l'aide sociale, les 10 $ par mois par adulte et 1 $ par enfant: abolis. Ça, ça veut dire que ça va toucher 141 000 ménages québécois. On va aller chercher des millions là-dessus. L'abolition du remboursement d'impôt foncier de 100 $ par année, consenti à 160 000 personnes âgées bénéficiant du supplément de revenu garanti. Si ces gens-là profitent du supplément au revenu garanti, c'est parce qu'ils n'ont aucun autre revenu: ils sont pauvres. On va leur enlever les 100 $. Peut-être que 100 $, pour vous, M. le ministre, ce n'est rien et, effectivement, ce n'est pas grand-chose pour ceux qui ont des salaires de députés, mais pour ceux qui ont le supplément au revenu garanti, c'est un bien essentiel qu'on ne peut pas leur enlever; et pourtant, on va aller chercher ça. Et le ministre nous dit: Bien, ne vous inquiétez pas, on va en discuter et vous saurez la réponse lors du discours sur le budget et on ne peut pas en parler avant.

Bien, je m'excuse, on va réagir bien avant, et j'invite les gens de la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or du Québec, et de l'AQDR, l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et des préretraités, à se mobiliser - parce que le danger, il est réel - de prévenir et de faire des pressions - si on ne peut pas en faire sur le ministre de l'Habitation, qu'on en fasse sur le ministre des Finances - pour empêcher que cette mesure ne passe. Ça n'a pas de bon sens, au moment où tout augmente! Et, je l'ai dit tantôt, les loyers vont augmenter pour ces personnes-là, probablement en janvier, à cause de la réforme Ryan. Donc, la TVQ va augmenter leurs dépenses et on va couper leur revenu. Ce n'est pas acceptable et c'est pour ça qu'il faut que les gens se mobilisent, et si le ministre n'a pas l'intention de les défendre, il va falloir que vous vous défendiez vous-mêmes et, moi, je suis prêt à travailler avec vous autres.

LOGIRENTE, encore une fois, pour les personnes âgées: j'espère que les mouvements vont se concerter et vont faire entendre leur voix, parce que, présentement, les gens ont droit à un pourcentage sur ce qui dépasse 30 % du revenu qu'ils consacrent à leur loyer, mais jusqu'à 13 500 $. Ça veut dire que s'ils font au-dessus de 13 000 $, ils ne sont pas éligibles, mais s'ils font en bas, ils ont le droit. Ce qu'on propose à partir de maintenant, ce n'est pas seulement un plafond, mais il y a un plancher et un plafond. Alors, ce qu'on dit maintenant: Bon, ceux qui font 9100 $ de revenus, jusqu'à 13 500 $, ceux-là qui reçoivent maintenant 100 % de la prime, bien, là, vous allez être pénalisés. Ça veut dire qu'à 9100 $ on va commencer à vous couper, et on va vous couper jusqu'à 13 500 $, et à 13 500 $ vous n'aurez plus rien. C'est des millions qu'on va aller récupérer sur LOGIRENTE aux gens qui ont des petits chèques, peut-être, mais des chèques qui sont essentiels pour eux autres. La preuve, c'est quand j'entends les discours des députés d'en face, qui disent: Regardez nos programmes s'ils sont bons! Bien, ils ne sont pas très généreux, mais ils sont là, et ils aident les gens; et je suis prêt à reconnaître que LOGIRENTE, oui, c'est un bon programme. Il pourrait être plus généreux, mais il n'est déjà pas si pire. Au moins, il aide. Mais là, ce qu'on veut faire, c'est le couper, le diminuer pour les gens qu'on aide présentement. Il va falloir arrêter de tenir deux discours: On a des bons programmes et on les maintient, ou bien, non, on dit: Ils sont bons, mais ils vont être moins bons. Il faut au moins avoir l'honnêteté de le dire et de prévenir les gens. Et l'autre, je ne le sais pas, j'espère que le ministre va confirmer que ce n'est pas vrai, mais dans le logement social, il est dit là-dedans qu'on ferait passer le coût du logement de 25 % à 30 % des revenus. J'espère que, M. le ministre, vous allez prendre un engagement de défendre les citoyens qui sont

dans le logement social et de refuser qu'il y ait une augmentation de 25 % à 30 % des revenus qui soient consacrés au logement dans les HLM privés et publics.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre des Affaires municipales, vous avez la parole.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Une chose que je voudrais essayer de faire comprendre au député de Shefford, le plus modérément possible: Quand on parle de politique gouvernementale en matière d'habitation, on touche à toute une série de facteurs qui ne peuvent pas être isolés les uns des autres. Les interventions gouvernementales en matière d'habitation touchent, par exemple, les normes du bâtiment. On a un projet de loi sur le bâtiment, qui est à l'étude à l'Assemblée nationale actuellement, qui relève du ministre du Travail. Il est très important qu'il y ait un contrôle normatif sur la qualité de la construction qui est faite. Ça, c'est fondamental. Il y a toute l'organisation de l'industrie de la construction, tant dans sa partie patronale que dans sa partie syndicale. Et, si le député est moindrement informé de ce qui se passe dans ce secteur-là, il saura que les problèmes découlant de l'organisation syndicale en matière de construction sont très importants. Quand même on voudrait isoler certains éléments, quand arrivent les interventions concrètes, il faut qu'on tienne compte de tout l'ensemble. La politique d'habitation doit tenir en compte également tout ce qui touche le zonage, l'aménagement du territoire, responsabilité qui relève d'abord des municipalités, mais également du gouvernement du Québec.

Ça doit tenir compte des politiques d'aide à la famille du gouvernement. Il y a des politiques d'aide à la famille qui consistent en des paiements directs aux familles, d'autres qui consistent en des adoucissements fiscaux de différentes natures, d'autres qui consistent en des subventions pour le fourniture de biens particuliers, comme l'habitation. La fiscalité des entreprises n'est pas négligeable non plus. On le sait par les représentations que les constructeurs d'habitation nous font. Il faut tenir compte de tout ça.

Par conséquent, je préviens le député de Shefford qu'il ne sert à rien de vouloir faire croire aux gens qu'on peut sortir de sa poche, comme un petit truc, une politique d'habitation aussi simplistement conçue qu'il semble le laisser entendre.

En ce qui touche l'harmonisation, je voudrais qu'on parte d'un premier fait; tant qu'on ne part pas des faits, c'est bien difficile de s'entendre. Est-il vrai ou non qu'il existe des très grands écarts dans les programmes actuels de soutien au logement et les avantages qu'ils procurent à leurs destinataires? Si vous habitez une habitation qui a été confiée à la gestion d'un organisme sans but lucratif, et qui a été construite cette année, la subvention de fonctionnement qui sera accordée pour l'unité d'habitation sera de combien, M. Arsenault? 640 $?

M. Arsenault (Jean-Paul): À peu près, c'est 600 $ ou 500 $.

M. Ryan: Ça va être au-delà de 600 $ pour l'habitation qui vient d'être construite. Évidemment, la subvention diminuera au fil des années. C'est 600 $. Une personne qui est sur l'aide sociale, et qui doit être admissible à l'allocation logement, qui est ajoutée par le gouvernement à l'aide sociale, le montant de l'allocation moyenne est de combien? À peu près 45 $?

M. Arsenault: 45 $.

M. Ryan: 45 $ par mois. Il peut arriver que cette personne soit logée, et il arrive très souvent qu'elle soit logée dans un logement beaucoup moins confortable, beaucoup plus difficile a vivre que celui dans lequel vivent les personnes qui sont inscrites aux HLM, ou aux organismes sans but lucratif. Je n'en veux pas... Je ne veux pas dresser d'opposition entre les deux, bien au contraire. Mais je dis: Que le gouvernement, sur l'ensemble des sommes qu'il consacre à l'habitation sociale, veuille se poser des questions, c'est normal.

Quand nous avons institué le remboursement d'impôt foncier, c'était évidemment une mesure qui avait un double objectif: d'abord, venir en aide aux personnes âgées - on a commencé comme ça - ensuite, venir en aide aux familles, favoriser le maintien de la propriété, inciter les gens à s'orienter de ce côté-là parce qu'il y avait certaines mesures. Mais on ne peut pas dire que ce soit des choses immuables, qui sont inscrites dans la pierre, auxquelles on ne devrait jamais toucher. Toutes les mesures fiscales sont des mesures qui sont sujettes à évoluer. Il peut arriver que, pendant une période, les gouvernements mettent l'accent sur certaines formes de fiscalité, qu'à d'autres périodes, ils mettent l'accent sur des formes différentes. Aujourd'hui, par exemple, après avoir cru pendant une génération que l'impôt sur le revenu était la manière la plus sûre d'assurer, de procurer une juste distribution des charges, on s'est aperçus que les riches échappaient par toutes sortes de moyens à l'impôt sur le revenu, et que des gens qui avaient des millions de revenu par année ne payaient aucun impôt.

On s'est dit: On va aller les chercher sur leurs achats de biens et de services. C'est sûr que les riches s'achètent des habits qui coûtent plus cher. Ils s'achètent toutes sortes de biens, toutes sortes d'avantages qui coûtent beaucoup plus cher. On a dit: On va les taxer directement

là-dessus. C'est l'origine de la TPS et de la TVQ, et je pense que, dans l'ensemble, c'est une tendance qui est très générale à travers le monde occidental, et que, dans la même perspective, on va y faire un examen.

Encore une fois, à partir d'un document qui est un instrument de travail présenté à des ministres par des fonctionnaires, sur lequel les ministres ne se sont aucunement prononcés, n'ont soumis aucune espèce de recommandation au gouvernement. Ils sont encore au stade de l'étude; c'est très normal. Et, je pense que le député de Shefford pèche par malhonnêteté intellectuelle quand il laisse entendre que ce sont des politiques que le gouvernement essaie de faire passer sournoisement. Ce n'est pas le cas.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Rimouski.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je suis particulièrement heureux de prendre part à ce débat portant sur l'habitation. J'ai choisi, aujourd'hui, d'aborder le sujet sous l'angle de notre population âgée, parce qu'il s'agit là d'un domaine qui nous tient tous à coeur, et pour lequel le gouvernement est intervenu d'une manière, je dirais, exemplaire.

On doit souligner, tout d'abord, le poids relatif de cette clientèle, laquelle va en augmentant au sein de notre population. Qu'il suffise de se rappeler qu'à l'heure actuelle, au Québec, 10 % de la population est âgée de 65 ans et plus et que cette proportion sera doublée d'ici 15 ans, pour atteindre le chiffre de 1 000 000 de personnes, dont plus de 40 % seront âgées de 75 ans et plus. Voilà des chiffres qui sont très significatifs, M. le Président.

Cette situation est vécue différemment par cette clientèle selon qu'elle soit ou non en perte d'autonomie. C'est pourquoi on doit mettre en place des services susceptibles de prolonger leur autonomie. Un autre élément qui caractérise cette clientèle est sa situation financière fragile, bien qu'elle se soit améliorée grandement au cours de la dernière décennie. On peut, avec fierté, comme société, constater l'élimination de la misère chez les personnes âgées au cours des dernières années. Effectivement, la majorité des personnes âgées, même si elles vivent encore dans des conditions parfois vulnérables, se voient assurer un minimum vital nécessaire pour finir leurs jours avec dignité. Comme exemple, ne citons que le fait que la pension de la sécurité de la vieillesse assure à nos aînés un revenu supérieur de 39 % aux prestations de la sécurité du revenu, soit 777 $ par rapport à 558 $.

Voyons maintenant, M. le Président, quelles sont les actions menées par le gouvernement dans le domaine de l'habitation. D'abord, j'aime- rais préciser que le gouvernement du Québec vient en aide a plus de 42 % de la population âgée et locataire du Québec. La première intervention du gouvernement du Québec consiste à offrir un logement à loyer modique à nos aînés et aux familles dans le besoin. Cette intervention majeure, M. le Président, rejoint près de 56 000 ménages, dont 60 %, soit 33 600 ménages, sont des personnes âgées. La clientèle des personnes âgées bénéficie également de quelque 6000 logements subventionnés, gérés par des organismes sans but lucratif. De plus, environ 3000 ménages âgés sont directement concernés par le programme de supplément au loyer. Ainsi, c'est plus de 42 000 ménages qui sont aidés de façon substantielle et qui ne consacrent, conséquem-ment, que 25 % de leurs revenus pour se loger.

Une autre intervention, M. le Président, touche les ménages bénéficiant du programme LOGIRENTE, qui rejoint près de 43 000 ménages de 60 ans et plus, à faible revenu, en leur accordant une subvention moyenne de 700 $ par année. Le gouvernement vient, d'ailleurs, d'indexer les paramètres de ce programme afin qu'ils atteignent un nombre plus grand de ménages âgés. Le gouvernement du Québec accorde, par diverses interventions, une très grande importance aux personnes âgées. Au cours des dernières années, nous avons supporté la réalisation de plus de 806 unités de logement destinées à des personnes âgées en perte d'autonomie et habitant une coopérative ou un organisme à but non lucratif, le tout conduisant à la réalisation de 40 projets mettant à la disposition de leur président des services de base, services alimentaires et sociosanitaires, susceptibles de prolonger leur autonomie. Nous nous apprêtons à ajouter 200 nouvelles unités à ce projet. (11 h 15)

La Société d'habitation du Québec a également entrepris d'adapter les normes de construction de ces logements destinés aux aînés. De plus, elle a amorcé, en collaboration avec les offices municipaux d'habitation du Québec, la planification de projets types de logements destinés à une clientèle en perte d'autonomie. Cinq projets sont en voie de réalisation, à Laval, Québec, Saint-Henri-de-Lévis, Saint-Prime et Saint-Hyacinthe. Une autre expérience-pilote se poursuit toujours, M. le Président, soit la formule de pavillon-jardin. Le pavillon-jardin est une petite maison fabriquée en usine et transportée par route. Elle est conçue pour être érigée sur le terrain de la résidence d'enfants ou de proches parents d'un ménage âgé. Cette expérience se poursuit dans quatre municipalités au Québec. Elle est suivie de très près afin de mesurer l'impact réel sur la clientèle et ses possibilités de développement futur.

Enfin, M. le Président, la pièce majeure de notre intervention auprès de la clientèle âgée consiste à la conclusion prochaine d'une entente-cadre visant à dispenser des services à nos aînés

qui vivent en HLM. Cette entente est le fruit de travaux conjoints de la Société d'habitation du Québec et du ministère de la Santé et des Services sociaux. L'objectif est de prolonger l'autonomie de nos aînés vivant en HLM.

M. le Président, la population âgée a trop souvent été considérée comme un tout et une multitude homogène ou comme un problème à résoudre. C'est dans un esprit tout à fait contraire que nous orientons aujourd'hui nos efforts. Nous aurons besoin, au cours de la prochaine décennie, de notre créativité et de celle de notre population âgée pour trouver des solutions appropriées au vieillissement de la population dans le respect de la dignité et de l'autonomie des aînés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Rimouski. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Très rapidement, pour dire au ministre que le document sur lequel je suis en train de traiter, c'est un document sur lequel il a reconnu lui-même que nous sommes en train de discuter et qui vient de la Société d'habitation du Québec et de son collègue, le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Donc, ce n'est pas des choses tirées en l'air; c'est des choses qui sont en discussion présentement. Et si on est si prévenants et si inquiets, c'est parce qu'on ne voudrait pas que les gens de l'habitation se fassent passer une réforme Ryan comme vous avez agi avec les municipalités. Et on ne voudrait surtout pas se faire passer un autre règlement, comme on s'est fait passer au niveau des HLM, alors que ça a été déposé sans prépublication. Je dois vous dire qu'il faut être un peu prévenant quand on a vécu des cas sans discussion, sans préparation, et finalement mis devant le fait accompli. Il y a trop de gens concernés pour que nous, on ne prévienne pas les gens et qu'on ne dénonce pas ce qui risque de s'en venir, parce que c'est un mandat de récupérer de l'argent, ça. C'est clair et net. Ce n'est pas d'aider plus de gens, ce n'est pas de mettre plus d'argent pour aider le logement social; c'est de récupérer des sous. C'est le mandat qui a été donné par le président du Conseil du trésor. Je comprends que vous ayez une job terrible à faire: récupérer sur du pauvre monde 60 000 000 $, c'est quelque chose, c'est de la misère. Sauf que, nous, on n'est pas d'accord avec ça et on va le dire.

Et en parlant des HLM: les HLM, malheureusement, il y a diminution depuis 1985 des HLM par rapport aux constructions. Si, en 1985, il y en avait 2378 unités publiques qui étaient faites, bon, on est passés à 1586, 1287. 1988, tant mieux ça a augmenté un peu: 1500. Et 1400, donc, en 1990, on était en bas de 1500. Donc, diminution, alors que les besoins augmentent, mais on diminue les HLM. On compense aussi par les HLM privées, sans but lucratif, mais ce n'est pas suffisant et le nombre diminue aussi s'il y a eu une augmentation au cours de certaines années. Mais dans les HLM comme telles, il y a aussi deux menaces qui s'en viennent, qui ne sont pas nécessairement des menaces, mais des écrits qui nous montrent l'orientation que vous êtes en train de prendre: la première, c'est au niveau de la politique d'harmonisation. ...des choses qui sont incluses là-dedans, qu'il faut sensibiliser les gens pour faire en sorte que s'il n'y a pas d'autres discussions possibles, qu'on en ait une ici, ce matin, en me faisant le porte-parole de ces gens-là pour dénoncer les dangers qu'il y a là-dedans et pour ne pas que ça s'applique.

La hausse de 25 % à 30 % des revenus. J'y reviens parce que je n'ai pas eu encore depuis tantôt d'engagement comme quoi le ministre était pour s'objecter. Faire passer l'effort ou le montant consenti pour le logement à 25 % du revenu et monter ça à 30 %, je ne suis pas d'accord avec ça et je le dis. C'est contenu là-dedans en toutes lettres en disant que ça va permettre une économie de 15 000 000 $. Donc, ça n'a pas de bon sens et c'est pour ça que je le dénonce.

L'autre affaire, toujours dans les HLM, maintenant. Dans le document, ce que l'on recommande, c'est de prendre en considération les allocations familiales et les crédits d'impôt pour enfants à charge pour l'établissement de la part du loyer que doit assumer le chef de ménage. Imaginez-vous! Alors que ça n'a jamais été pris en considération, à partir de maintenant, on va prendre en considération les crédits d'impôt pour enfants et les allocations familiales. J'écoutais tantôt un de mes collègues - je ne me souviens pas lequel - qui disait: On "a-tu" une belle politique familiale? On "va-tu" aider les familles? Pensez-vous que c'est en agissant comme ça: donner d'une main et reprendre de l'autre, qu'on va aider les familles? Ça n'a pas de bon sens! Les allocations familiales, c'est fait pour aider les jeunes et surtout ces gens-là qui sont dans des HLM, qui en ont besoin. On sait combien ça coûte des enfants, déjà, dans les HLM. Et on le sait, à Montréal, ce sont surtout des gens qui vivent dans des HLM. On est obligés de les nourrir dans les écoles, et là, on va couper encore davantage. Va-t-on attendre que les enfants meurent de faim pour se rendre compte qu'on est dans la mauvaise direction par rapport aux gens qui sont pauvres dans la société? Quand on dit: L'augmentation de 25 % à 30 % des revenus consacrés au logement, c'est une augmentation de loyer de 35 $ par mois. Ça non plus, ce n'est pas beaucoup pour nous autres, à l'Assemblée nationale. Mais les gens qui sont dans les HLM, les 35 $, plus le remboursement d'impôt foncier qu'on veut toucher, plus

maintenant les allocations familiales et le crédit d'impôt, je dois vous dire, là, on va les égorger complètement. Ça n'a pas de bon sens!

L'autre facette, maintenant, qui les attend dans le coin - et celle-là, elle est officielle, elle est plus certaine que l'autre, maintenant - c'est le règlement de sélection dans les HLM. À preuve, on a voté hier, en deuxième lecture, la loi 189 qui permet d'aller de l'avant, où maintenant, bien, on va encore diviser les familles en faisant payer par les enfants d'âge majeur une partie du logement. On ne fait même pas ça dans le secteur privé. Dans le secteur privé, quand on loue un logement, c'est tant pour la famille, peu importe le nombre d'enfants. Maintenant, parce qu'ils sont dans un HLM, plus ils vont avoir d'enfants, plus ils vont payer cher. Ça, c'est une mesure antifamiliale qui avait même été dénoncée par le Protecteur du citoyen, en disant que c'est antifamilial et que ce n'est pas correct. Ça n'a pas l'air de vous toucher, de l'autre côté, et je trouve ça malheureux. Mais pourquoi le ministre, qui dit qu'il accepte une gradation, qui est un moindre mal, mais qui est un mal pareil - que ce soit un moindre mal ou un mal, c'est un mal pareil; il accepte une gradation, c'est quelque chose - mais pourquoi il n'accepte pas aussi les autres demandes de pétitionnaires qui demandaient qu'il y ait gradation, mais qui demandaient aussi que le loyer soit pris sur le revenu réel et, en même temps, qu'on tienne compte du revenu net des travailleurs, si on veut que les travailleurs aient le droit aussi à du logement social?

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre des Affaires municipales, vous avez la parole.

M. Claude Ryan

M. Ryan: On va parler un petit peu du règlement sur les conditions de location dans les HLM, vu que le député de Shefford semble s'y intéresser de manière particulière. Sur les intentions du gouvernement concernant ce règlement-là, il n'y a pas de mystère: nous l'avons prépublié l'été dernier dans la Gazette officielle du Québec, tout le monde l'a eu. Je n'ai jamais reçu une lettre du député de Shefford à ce sujet-là, à ma connaissance. Le projet de règlement que nous avons publié l'été dernier, le FRAPRU s'y est intéressé, beaucoup d'organismes regroupant des personnes qui vivent dans des HLM s'y sont intéressés. Tous ceux qui ont voulu me voir à ce sujet-là, pour me faire part de leurs opinions, ont eu la chance de me rencontrer, de me donner leurs réactions; nous les avons écoutés, nous en avons tenu compte.

Je ne me souviens pas, peut-être que mes souvenirs sont déficients de ce côté-là, le député pourra me corriger. Est-ce que le député s'est prononcé clairement sur le principe de la participation plus substantielle du deuxième adulte dans la famille au coût du logement, en particulier s'il s'agit d'une personne âgée de 18 à 25 ans, qui touche le plein montant de l'allocation sociale? Je n'ai jamais entendu une prise de position claire du député de Shefford là-dessus. Est-il pour ou s'il est contre la mesure d'équité que nous proposons dans ce projet de règlement? Je lui pose la question. J'aimerais que ce soit clair une fois pour toutes. S'il est pour, à ce moment-là, on peut discuter des modalités. Une des modalités qui nous a été proposée par les organismes regroupant les locataires de ces maisons, c'est la gradation de la contribution, qu'on gradue la contribution suivant que la personne est âgée de 18 à 20 ans, ou de 21 à 24 ans.

Dans le projet de loi que nous avons adopté hier en commission, nous donnons au gouvernement le pouvoir d'établir ces catégories par règlement, sans que ce soit susceptible d'être considéré comme une violation des dispositions des chartes de droits qui interdisent les catégories ou les classifications, à moins qu'elles ne soient justifiées par des motifs raisonnables. Nous voulons améliorer ceci en même temps que nous appelons à la responsabilité. L'appel à la responsabilité s'adresse à tous les secteurs de la société, sans aucune exception. Je pense que c'est ça qu'il y a de plus fondamental dans le Québec d'aujourd'hui, beaucoup plus que les appels à ceci et à cela, c'est l'appel à la responsabilité de chacun. Qu'il ne vienne pas chercher dans le Trésor public ce dont il n'a pas besoin, et, deuxièmement, que les responsabilités qui lui incombent, il les assume pleinement et totalement. Alors, voilà en ce qui touche le projet de règlement. Il me semble que ce point-là est bien simple. (11 h 30)

Le député s'interrogeait sur les 30 %. Est-ce qu'on va demander que soient pris en compte 25 % ou 30 % des revenus? Il sait très bien, s'il a lu le règlement, dont l'adoption définitive a été retardée par cet amendement législatif qui est à l'examen actuellement, il sait très bien que c'est 25 % qui est marqué dans le règlement. Pourquoi ne m'a-t-il pas écrit pour me dire: Bien, je suis content, vous avez choisi 25 %. Je n'ai jamais entendu parler des réactions de sa part là-dessus. Puis dans le règlement que nous avons publié l'été dernier, en juin, c'est 25 % qui est marqué. Vous n'êtes pas content?

Une voix:...

M. Ryan: Pardon? On vous parle des actes du gouvernement. Vous, vous parlez de papiers de fonctionnaires. Nous autres, nous vous parlons des actes concrets du gouvernement. Je ne méprise pas les fonctionnaires. Ils ont le droit de soumettre des hypothèses à leur ministre; c'est leur devoir de le faire. Est-ce qu'on va les empêcher de réfléchir librement? Je pense que

vous allez répondre non. Si on les laisse réfléchir librement, est-ce que ça ne veut pas dire, en même temps, que ça n'engage pas nécessairement le gouvernement? Vous allez répondre non, également. Une fois que vous avez répondu non à ces deux parties de l'alternative, qu'est-ce qu'il reste au raisonnement? Des frayeurs, des craintes qu'on agite à gauche et à droite, sans fondement dans la chose.

J'ajoute une chose, cependant, en ce qui touche les 25 %. Vous savez très bien qu'en plus il y a la charge des frais d'électricité. Quand vous tenez compte de ça, ça va peut-être chercher 27 %, 28 %. Alors, la marge n'est pas grosse, là. Je ne pense pas qu'il y ait matière à croisade. Il y a beaucoup d'autres manières. Il y a beaucoup d'autres manières dont les gens peuvent être assistés. Encore une fois, l'intention qui a été annoncée par le gouvernement dans le règlement publié l'été dernier - à l'été de 1991, non pas de 1990 ou de 1989 - demeure celle qui était définie dans ce projet de règlement. Je crois qu'au lieu, encore une fois, de se perdre dans des hypothèses stérilement négatives, nous aurions tout intérêt à nous asseoir, à examiner concrètement. Comme, là, le projet de règlement est sur la table depuis six mois, il n'est pas encore adopté définitivement par le gouvernement. Je dis au député de Shefford: S'il y a des points précis dans ce projet de règlement qui ne font point votre affaire, dites-le-nous pendant qu'il est temps, nous serons heureux de considérer vos représentations avec toute l'attention qu'elles méritent. Je le répète: En ce qui touche l'harmonisation, un devoir d'équité impose au gouvernement l'examen de ce sujet. Nous l'avons entrepris. Nous allons le pousser à bien. Quand nous l'aurons terminé au niveau ministériel, à ce moment-là, nous ferons d'abord rapport à nos collègues du gouvernement, nous consulterons les députés; ensuite, nous ferons part à l'opinion publique des orientations qui pourront être retenues par le gouvernement pour discussion. Même, encore une fois, je l'ai dit au début: Si le gouvernement ne voulait pas qu'elles soient discutées, elles le seront quand même. Ça, c'est le processus démocratique, je pense, comme il doit fonctionner.

Le Président (M. Bradet): Je vous remercie, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je profite encore de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous entretenir de la Régie du logement. La Régie du logement a comme rôle non seulement de trancher les litiges, mais aussi d'informer les citoyens de leurs droits et leurs obligations, et de promouvoir l'entente entre les parties à un bail. Elle est également chargée, par sa loi constitutive, de veiller au respect d'un certain nombre de mesures visant à assurer la conservation des logements.

M. le Président, au cours des dernières années, la Régie a dû remettre en question la priorité qu'elle a toujours accordée aux règlements juridiques des conflits qui lui sont soumis. Elle s'est vue obligée de reconnaître que la solution juridique, si elle règle un problème ponctuel, crée trop souvent, du même coup, des tensions peu propices à la poursuite des relations harmonieuses entre les parties. Devant cet état de choses, la Régie s'est donné des nouvelles orientations. Elle entend d'abord responsabiliser les parties à un bail de façon à ce qu'elles prennent en main la responsabilité de leurs rapports plutôt que de s'en remettre toujours à l'État. Elle veut également permettre aux parties de choisir, entre plusieurs voies de solution, celle qui fait le mieux leur affaire. La Régie devient ainsi plus qu'un tribunal. Elle devient un véritable organisme d'aide aux intervenants oeuvrant dans le secteur de la location. C'est ainsi qu'on a vu se développer et prendre de plus en plus d'importance des services tels que l'information, la conciliation et la médiation. Ces services, chacun à sa façon, permettent de prévenir les conflits ou, si la chose est impossible, d'aboutir tout au moins à une entente à l'amiable. Des efforts ont donc été déployés pour améliorer les services à la clientèle. À cet égard, rappelons que le nombre d'employés dédiés au service direct au public a évolué de 210 à 217 postes réguliers de 1989 à 1991.

Autre exemple. Prenons le délai moyen d'obtention d'une décision dans les causes relatives au fait que le locataire fait défaut de payer son loyer. En 1988, les parties en cause devaient attendre 86 jours en moyenne, alors qu'en 1990 ce délai était porté à 64 jours. Fait encore plus encourageant, si la tendance se maintient pour la présente année, le délai moyen pour ce genre de cause devrait être ramené à 57 jours. Amélioration considérable, également, au niveau des causes visant à faire fixer les loyers. Alors que les auditions de ces causes pouvaient s'échelonner du mois d'août à mars, pendant les années antérieures à 1989, ces délais ont continuellement été réduits de 1989 à 1991. De sorte que, cette année, on aura terminé les auditions le 30 novembre, dans tous les bureaux, sauf un, où elles se termineront le 15 décembre.

Bien sûr, il reste d'autres questions à régler. D'abord et avant tout, l'accessibilité au service des renseignements téléphoniques. On connaît le problème, majeur, particulièrement à Montréal. Les préposés ont à faire face quotidiennement à une avalanche d'appels des citoyens sans pouvoir nécessairement y répondre adéquatement. Afin de contrer cette lacune, la Régie compte apporter une solution à ce problème en prenant des mesures concrètes, telles l'installation d'un système de réponse vocale et l'augmen-

tation des effectifs durant la période de pointe. Un autre volet de l'activité de la Régie, qu'il est important de signaler ici, concerne les intervenants du milieu. La Régie, au cours des derniers temps, s'est efforcée de développer, par le biais d'un projet-pilote présentement en cours, un programme de formation qui permettra aux intervenants travaillant auprès des clientèles plus difficiles à rejoindre - tels les immigrants - de donner des renseignements, de nature d'abord préventive, susceptibles de les aider.

En terminant, M. le Président, je voudrais aborder la question importante de la méthode de fixation de loyer, appliquée depuis déjà une quinzaine d'années par la Régie. Cette méthode est actuellement en réévaluation systématique afin de s'assurer, d'une part, qu'elle atteigne toujours les objectifs que le gouvernement lui a fixés; qu'elle soit, d'autre part, plus transparente et plus facile à comprendre et à expliquer; et, finalement, de tenir compte de certaines critiques que son application commençait à susciter dans le milieu. Les résultats de cette analyse seront connus au cours des prochains mois, et le gouvernement se fera alors un devoir de se pencher sur les propositions qui lui seront soumises afin d'apporter les améliorations qui s'imposent.

Voici, M. le Président, l'essentiel du message que je voulais vous livrer concernant le rôle et l'importance de la présence de la Régie du logement dans le secteur de l'habitation au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Viger. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, mais très rapidement, pour dire au ministre que je lui enverrai un communiqué que j'ai émis au mois d'août concernant ma prise de position par rapport au règlement. Il va voir que j'ai pris position et que je suis très clairement identifié contre le fait de faire payer les enfants dans les HLM. Donc, je pourrai vous envoyer copie du communiqué. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième: Dans tout ce que dit le ministre, il finit par conclure qu'effectivement le document d'harmonisation est très sérieux. Et il l'a même confirmé en disant qu'il est en train d'effectuer son cheminement et qu'on fera la consultation au moment où le gouvernement décidera qu'il va l'amener. Je l'ai écrit, là, il dit: Nous aurions tout intérêt à nous asseoir pour en discuter. Moi, ce que je demande, c'est de le faire avec tous les intervenants. Ça touche trop de monde, c'est trop global pour qu'on s'assoit juste tous les deux là-dessus. C'est ça, mon message, que j'essaie de vous passer depuis tantôt, spécialement que vous venez de confirmer que ce dossier-là va aboutir probablement bientôt. Et ce qu'il y a là-dedans, ce n'est pas pris en l'air; non seulement ce n'est pas pris en l'air, et vous le savez très bien, c'est un mandat que vous avez eu du Conseil des ministres, qui est daté du 13 décembre 1990. Donc, c'est un mandat que vous avez eu. C'est un dossier qui est sérieux. On ne parle pas en l'air; on parie de choses à venir.

Juste un petit commentaire sur la Régie du logement. Effectivement, les gens qui sont là font un très bon travail. Sauf que, moi, je me rappelle, quand on a voté la loi 87, qui permettait la conversion des logements locatifs en copropriétés, qu'il y avait un engagement ferme qui avait été pris par le ministre d'alors: Que la Régie du logement pourrait être plus ouverte, plus disponible, plus accessible, avoir à l'intérieur des guichets uniques, des guichets pour aider davantage les personnes âgées, aider davantage les nouveaux Québécois qui arrivent, aider les gens qui risquent d'être touchés par des conversions. Qu'est-ce qui est arrivé à la place? Fermeture de bureaux, coupures de budget, et puis là, bien, maintenant, de moins en moins accessibles parce que, alors que c'était gratuit, on a commencé par imposer des frais de 25 $, et là, tout dernièrement, il y a quelques jours, on est rendus à 35 $. On va se rendre jusqu'où? Je dois vous dire que la gratuité et l'accessibilité, c'est de moins en moins disponible pour les citoyens.

Et maintenant, le sujet que je voudrais traiter très rapidement, parce que j'ai seulement quelques minutes, c'est les coopératives; les coopératives, encore une fois, on se ramasse à un désengagement de l'État. D'ailleurs, c'est reconnu par les journaux, par les associations elles-mêmes, ce matin, alors qu'on dit qu'il y a 21 000 logements touchés par les coopératives. Et c'est important. Quand le ministre parie de responsabilisation, en "v'Ià-tu" une belle formule de responsabiliser les gens, de les rendre propriétaires collectivement, et, en même temps, de les sécuriser en période de crise économique, puisqu'il y a des fonds de sécurité d'occupation dans les coopératives. Mais, malheureusement, on est obligés de reconnaître qu'il y a un désengagement incroyable et inacceptable par rapport à ce qu'on a déjà eu.

Premièrement, le gouvernement a décidé de couper dans le financement des groupes de ressources techniques, qui sont essentielles si on veut promouvoir et aider les coopératives. Donc, les subventions, maintenant, sont le quart de ce qu'elles étaient en 1986. Donc, on aide moins les gens. Mais, au niveau des coopératives comme telles, alors qu'il y a eu, au cours des six dernières années, une moyenne de 685 unités par année, avant 1985 la moyenne était entre 2000 et 2500 par année, quand on prend les volets provincial et fédéral. Donc, ça veut dire qu'on

en a de moins en moins, alors que c'est très utile. C'est une formule qui est demandée, qui est souhaitable, qui responsabilise les gens, qui coûte moins cher à l'État et qui permet à des gens d'être propriétaires collectivement, quand ils ne peuvent pas l'être individuellement, et s'occuper de leur affaire. On devrait, à mon avis, favoriser ça. Pourtant, ce n'est pas ça.

Et quand on a aboli le volet 2 - en plus de diminuer l'aide aux groupes de ressources techniques - quand on a aboli LOGIPOP, volet 2, l'aide aux coopératives, il y avait comme un engagement qui avait été pris par rapport à un des nombreux prédécesseurs du ministre actuel, qui disait: Amenez-nous une proposition concrète et on sera prêts à remettre sur la table un programme pour favoriser les coopératives d'habitation. Et pourtant, ça a été fait. Les gens se sont assis, les gens ont souvent fait des recommandations. D'ailleurs, j'ai un document, ici, un rapport conjoint du groupe de travail Société d'habitation du Québec et Confédération québécoise des coopératives d'habitation, daté d'octobre 1989. Il n'y a pas eu de suite. On n'a toujours pas de programme, et là, cette semaine, les groupes ont déposé une nouvelle proposition. Est-ce qu'on croit suffisamment aux coopératives pour enfin amener un nouveau programme et donner une suite à la demande qui a été faite de façon conjointe par la Confédération québécoise des coopératives d'habitation et l'Association des groupes techniques du Québec, qui a été déposée cette semaine - dont vous avez certainement pris connaissance, puisque, moi, j'en ai eu connaissance du communiqué et de ce qu'on retrouve dans la presse?

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant M. le ministre des Affaires municipales.

M. Claude Ryan

M. Ryan: À propos des coopératives, j'ai eu l'occasion de les rencontrer il y a un certain temps et je leur ai fait voir certaines difficultés que soulèvent leurs propositions. La politique du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois, depuis quelques années, consiste à favoriser, en matière de logement social, les milieux les plus défavorisés, ceux qui sont en situation qu'on appelle "de besoins impérieux". Or, une coopérative, par définition, regroupe le plus souvent des gens de toute situation, de toute catégorie. Il y a des gens qui auront une situation financière très difficile, d'autres qui ont une situation convenable. Et le principe de non-discrimination, qui préside au fonctionnement d'une coopérative, rend difficile que l'on puisse accepter des programmes émanant de coopératives où l'on retrouve des gens de différentes conditions sociales. Ça, il y a un problème à résoudre, de ce point de vue là, qui n'est pas facile.

On peut dire, en contrepartie, que les politiques actuelles des gouvernements en matière de logement social tendent peut-être à ghet-toïser, dans une certaine manière, la pauvreté, à regrouper ensemble dans des milieux coupés des autres des gens qui ont une condition financière plus difficile. Il y a un problème de ce côté-là, qui est sérieux, que, personnellement, j'examine avec intérêt, mais il n'est pas facile de trouver la voie qui nous permettra de passer entre les deux.

Quand nous avons fait le programme Mon taux, mon toit, nous avons prévu, de manière explicite, que ce programme était accessible aux coopératives à titre d'entreprises engagées dans le secteur de l'habitation; et des coopératives qui se sont prévalues du programme Mon taux, mon toit ont exprimé leur satisfaction de ce que ce programme leur était accessible. Rien ne s'oppose à ce que des programmes que l'on destine à l'ensemble de la population soient applicables en particulier, ou accessibles en particulier, à des organisations coopératives. Dans la mesure où une association coopérative se qualifie à titre d'organisme sans but lucratif, elle peut avoir accès aux programmes destinés à ces organismes; et dans les projets que nous avons retenus l'an dernier, il y avait plusieurs projets parrainés par des coopératives. Il n'y a pas d'antinomie là-dedans, mais ces coopératives répondaient à la définition de besoins impérieux qui doit être retenue pour l'acceptation d'un programme. (11 h 45)

Depuis quelques années, depuis 1986, il y a quand même eu un bon nombre d'unités d'habitation construites par des coopératives. Il ne faudrait pas qu'on aille s'imaginer qu'il ne s'est rien fait de ce côté. D'après des renseignements que l'on me donne, il s'est construit, depuis 1986, 6085 unités sous la responsabilité de coopératives d'habitation, dont 1385 ont été financées par le gouvernement du Québec en grande partie, et 4700 surtout par le fédéral. Le fédéral a maintenu un programme pour les coopératives, alors que nous autres, en raison de l'application rigoureuse que nous faisons du concept de besoins impérieux, avons trouvé cet exercice plus difficile. Mais, encore une fois, la porte est ouverte.

J'ai été moi-même, M. le Président, président d'une coopérative d'habitation. Je pense l'avoir déjà rappelé au député de Shefford. Je l'ai été pendant plusieurs années. Nous avons construit de très nombreuses unités, mais nous les construisions pour des ménages de petite classe moyenne. C'est ça qui est la vraie clientèle d'une coopérative, neuf fois sur dix. Nous n'avions pas besoin de programmes spéciaux d'aide. Il y avait les programmes de garantie de prêt de la Société centrale d'hypothèques et de logement, à l'époque. C'était avant la Société d'habitation du Québec, M. le Président, et ces

programmes marchaient très bien, pour les besoins de l'époque. Il existe encore aujourd'hui de nombreux constructeurs qui vont agir en se prévalant des facilités de crédit que leur procurent les institutions financières, et tout, et je ne pense pas que ce soit un objectif essentiel que tout projet, en matière d'habitation, doive toujours être accolé d'une aide gouvernementale. Si on peut réaliser un bon nombre de projets, sans être obligés de recourir à cette aide, je pense que c'est beaucoup plus sain pour l'industrie de l'habitation. Alors, je ne vois pas matière à croisade dans ceci; il y a matière à étude. Et j'assure mes collègues qui sont présents ici, et nos concitoyens, que nous apprécions le travail accompli par les groupes de ressources techniques qui fournissent des conseils d'experts à des organismes bénévoles voulant construire des unités d'habitation, ou préparer des projets en vue de les soumettre à l'approbation de la Société d'habitation du Québec et du ministre.

Nous sommes très heureux du travail qu'accomplissent en général les groupes de ressources techniques, et le soutien financier qui leur a été accordé pour la présente année est de près de 1 000 000 $: 983 700 $. C'est beaucoup d'argent quand même dans un paysage - et je le dirai tantôt en conclusion - où les horizons sont plus arides que ce que voudrait laisser entendre la rhétorique trop facile du député de Shefford.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski}: Oui. M. le Président, permettez-moi de vous entretenir plus précisément des actions gouvernementales en matière de rénovation résidentielle et d'adaptation de domiciles pour les personnes handicapées. J'aimerais tout d'abord mentionner, M. le Président, qu'on évalue présentement à 100 000, sur un parc immobilier d'environ 2 500 000 logements, soit 4 %, le nombre de logements nécessitant des réparations majeures qui sont occupés par des ménages n'ayant pas de revenus suffisants pour faire face aux coûts additionnels qui seraient entraînés par la rénovation de leurs logements.

Comme le parc de logements du Québec vieillit à un rythme qui va en s'accélérant, la proportion de logements qui nécessitent des réparations majeures ira aussi en augmentant. J'ajouterai, M. le Président, que sans aucune aide financière directe à la rénovation résidentielle de la part des gouvernements, les ménages à faible revenu ne pourraient rénover leurs logements ou encore subir les augmentations de loyers conséquentes à la rénovation.

En effet, M. le Président, il s'avère impos- sible pour plusieurs ménages d'améliorer leurs conditions de logements sans consacrer une part substantielle de leur revenu pour les loger. L'importance de la rénovation résidentielle réside aussi dans le fait qu'elle entraîne des retombées économiques importantes pour l'industrie de la construction, ce qui, dans une période de faible reprise économique, n'est pas une considération négligeable.

Comme vous le savez, M. le Président, le gouvernement du Québec offre différentes formes d'aide à la rénovation domiciliaire. Avec la signature de l'entente-cadre Canada-Québec sur l'habitation sociale, en octobre 1986, le gouvernement du Québec s'associait avec le gouvernement fédéral pour implanter le programme d'aide à la restauration Canada-Québec, appelé communément le programme PARCQ. Ce programme favorise la rénovation de logements détériorés, occupés par des ménages qui devraient consacrer une part trop importante de leurs revenus pour occuper un logement convenable, et s'adressait, jusqu'en avril 1989, autant aux logements occupés par son propriétaire qu'aux logements loués. Mais en avril 1989, le fédéral diminuait de façon draconienne son implication financière dans le volet locatif du PARCQ, et dans le cadre de la programmation 1990, il s'en retirait complètement, ne continuant à participer qu'à la restauration des logements occupés par leurs propriétaires.

Devant le refus du fédéral de reconsidérer sa position à cet égard, et malgré les pressions répétées du gouvernement du Québec et de ses partenaires, municipalités, et municipalités régionales de comté, le gouvernement du Québec mettait en vigueur, en juin 1990, le programme de rénovation d'immeubles locatifs, qu'on désigne familièrement sous le sigle PRIL Le gouvernement exprimait ainsi clairement, M. le Président, sa volonté de poursuivre son intervention face à l'urgence du problème de la détérioration de logements locatifs occupés par des ménages à faible revenu. En effet, ce programme est entièrement financé par le Québec.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, les programmes PARCQ, pour propriétaires occupants, et PRIL, pour logements locatifs, obtiennent d'excellents résultats. En effet, le PARCQ, de 1986 à 1990, si on exclut le volet accessibilité, a permis la rénovation de 39 400 logements. L'aide financière totale accordée durant cette période a été de 210 700 000 $, et le coût des travaux de rénovation engendré a été de l'ordre de 303 200 000 $. Pour l'année 1991, un montant de 26 200 000 $ a été alloué à PARCQ, ce qui devrait permettre la rénovation de 6150 logements. Le gouvernement du Québec a, de plus, ajouté, pour l'année 1991-1992, un budget supplémentaire de 8 800 000 $ pour la rénovation de logements destinés aux propriétaires occupants en milieu rural.

En ce qui concerne le programme PRIL, le

gouvernement du Québec a injecté 15 000 000 $ pour l'année financière 1990-1991. Ce montant a permis la rénovation de 2363 logements. En 1991-1992, le PRIL est devenu l'un des véhicules d'intervention du gouvernement pour relancer l'économie. À cet effet, il a investi 55 000 000 $. Cela favorisera la rénovation d'environ 9500 logements et entraînera la réalisation de travaux d'une valeur de 90 000 000 $. Le tout permettra la création de 1500 emplois.

En terminant, M. le Président, j'ajouterai que toutes ces initiatives gouvernementales répondent à un besoin social fondamental qui est de donner aux personnes les plus démunies, ou à celles qui ont un handicap physique, les moyens de s'offrir un lieu de vie convenable et adapté à leurs besoins. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, M. le député de Rimouski. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je pense que la porte est ouverte. Je vais aller là-dessus, parce que mon collègue a parlé un peu de l'entente fédérale-provinciale en matière de logement social. Effectivement, l'entente fédérale-provinciale a été signée en 1986 et on a vu, en cours de route, à un certain moment donné, de façon unilatérale, sans avis, le gouvernement fédéral décider de se retirer du volet locatif du programme PARCQ. Malheureusement, ça touchait qui? Le Québec, étant donné que c'est ici qu'on retrouve la plus grande proportion de locataires. Donc, c'était directement destiné à pénaliser le Québec, et c'est à ce moment-là qu'il y avait eu, effectivement, un front commun de monté, dans le but de dénoncer, mais d'essayer de récupérer et de faire changer d'idée au gouvernement fédéral pour ramener le volet locatif, pour ne pas pénaliser le Québec plus que les autres provinces et pour respecter son engagement. On a vu que ça ne valait pas cher, la signature du fédéral. Et, à ce moment-là, le député disait tantôt: Le ministère, avec les maires, les MRC. Je dois vous dire que j'y étals aussi, et avec plaisir à part ça! C'était vraiment une concertation totale des Québécois par rapport à cette dénonciation. Malheureusement, dans cette entente, quand on regarde les chiffres, à cause de la façon dont c'était payé, en tenant compte des unités et non pas des montants, ça veut dire que le Québec a été très pénalisé. Juste à regarder les années: alors que le Québec recevait, en 1986, 24,1 % des dépenses fédérales, en 1987, nous n'étions plus qu'à 21 %; en 1988, 19,9 %; en 1989, 17,8 %; en 1990, 21 %. Alors que durant la même période, l'Ontario, la province voisine, passait de 32,4 % à 36 %. Donc, pendant que nous, on baissait dans les montants qui nous étaient consacrés, l'On- tario allait en chercher davantage, alors qu'elle était plus riche. Et quand on parle de pourcentage, ça ne dit peut-être pas grand-chose aux gens, mais il ne faut pas oublier que quand on parle de pourcentage, on parle en termes de centaines de millions de dollars. Donc, quand on n'en a pas, nous, on perd des dizaines de millions de dollars. C'est des montants très importants qu'on a perdus dans le développement du logement social au Québec.

Hier, le ministre nous disait que, heureusement, on est remontés en 1991 à 26,5 %. Je dois dire tant mieux qu'on ait maintenant un pourcentage plus important, même si on sait qu'au niveau canadien, on a 29 % des ménages ayant besoin d'aide au logement. Donc, si on tient compte des budgets, normalement, il faudrait avoir notre part par rapport au besoin dans le programme. Mais qu'on ait 26,5 %, c'est mieux que ce qu'on avait, j'en conviens, sauf que, malheureusement, ça arrive au même moment où le gouvernement décide que dans son plan quinquennal 1991-1995, il va y avoir une diminution annuelle de 15 % dans les budgets. On a beau avoir plus en pourcentage, on arrive à un moment où le gouvernement décide que, lui, c'est des budgets décroissants. Ça veut dire qu'il faut s'attendre à avoir moins d'argent, malgré un pourcentage plus élevé. Il va falloir que quelqu'un paie, et ça va être encore la clientèle visée par ceux qu'on aurait pu aider si on avait eu un budget plus important.

Première question que je poserais au ministre: Est-ce qu'il a déjà pris des mesures, ou des discussions avec le ministre, pour essayer de faire changer cette décision? Parce que s'il y a quelqu'un qui devrait être sensible, c'est le gouvernement fédéral, aussi. Il a juste à regarder comment ses primes de toutes sortes augmentent par rapport aux assistés sociaux, par rapport à l'assurance-chômage, et tout ça; il s'apercevra que la misère étant plus grande et que le logement étant essentiel au Canada: Est-ce qu'il n'y a pas des mesures ou des échanges qui ont eu lieu jusqu'à maintenant pour faire en sorte de faire changer cette décision de diminution de budget de 15 % pour les cinq prochaines années et, en même temps, de faire changer le mode de paiement, lo mode de répartition qui fait en sorte qu'on devrait en avoir davantage?

L'autre affaire: Est-ce que le ministre, qui a pris connaissance, comme tout le monde, évidemment, des propositions constitutionnelles - entre autres, le rapport Allaire qui veut que ce soit un domaine strictement québécois - de la nouvelle proposition constitutionnelle, qui reconnaît que le domaine de l'habitation est de juridiction strictement provinciale - donc, un transfert net - est-ce que le ministre a pris des mesures, est-ce que le ministre a déjà eu des discussions sur ça, est-ce que le ministre a entrepris des démarches quelconques pour s'assurer qu'on ne soit pas pénalisés, qu'on est

prêts à prendre la totalité de cette juridiction, et surtout s'assurer que tous les fonds, notre part équitable des fonds, sera d'abord transférée au Québec? Et lui, est-ce qu'il est prêt à prendre l'engagement - parce que les municipalités sont inquiètes - que la totalité des fonds récupérés sera consacrée à l'habitation?

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre, je tiens à vous faire remarquer que nous sommes en conclusion et qu'il vous reste 10 minutes pour conclure.

Conclusions M. Claude Ryan

M. Ryan: Très bien. Je pense bien qu'on ne doit pas perdre de vue, au moment de conclure ce débat, M. le Président, les aspects éminemment positifs qui se dégagent de l'intervention du gouvernement dans le secteur de l'habitation, au cours de l'année 1991. Je le rappelle parce que le député de Shefford a de la difficulté à s'en souvenir. Le programme Mon taux, mon toit, qui procure une assistance financière appréciable aux ménages qui veulent devenir propriétaires de leurs logements, a produit des résultats très encourageants, malgré une conjoncture économique extrêmement difficile en 1991. Et lorsque nous aurons terminé le bilan des demandes d'inscription qui auront été jugées acceptables au cours de l'année 1991, nous arriverons à une somme totale d'au-delà de 100 000 000 $ en engagement du gouvernement pour faciliter l'accession de foyers ou de ménages à la propriété de leur domicile. (12 heures)

En plus, nous avons maintenu en 1991 le programme AMI, qui aura permis, cette année, peut-être à plus de 12 000 foyers où l'on a des enfants en âge de fréquenter l'école, ou les institutions d'enseignement, d'avoir accès à l'achat d'une maison déjà existante. Je n'ai pas le montant exact d'engagement financier que ceci peut comporter, mais c'est un montant qui dépassera sans doute les 60 000 000 $. Pour la rénovation d'habitations, autant en milieu urbain qu'en milieu rural, le gouvernement a libéré cette année des crédits autour de 100 000 000 $, dont 55 000 000 $ uniquement pour le programme PRIL; une quarantaine de millions pour le programme PARCQ. Le programme PRIL vise des logements déjà existants destinés à des locataires de condition modeste; le programme PARCQ s'adresse à des personnes qui sont propriétaires de leur habitation, mais qui ont des revenus modestes. Voilà quelques exemples de l'action éminemment bienfaisante du gouvernement dans le secteur de l'habitation.

Je signale, à titre d'illustration, que le député de Shefford tient parfois un langage différent, selon qu'il est dans cette Chambre ou dans son comté. On a porté à mon attention, récemment, un communiqué ou une déclaration du député de Shefford dans lequel il se vantait d'avoir déjà réalisé à mi-terme, à mi-mandat, la grande majorité de ses engagements électoraux, y compris ceux qu'il avait contractés dans le secteur de l'habitation. Il se souvient très bien qu'il avait fait des représentations auprès de moi en ce qui touche...

Je pense que c'est la coopérative Demers. L'an dernier, nous avons retenu ce projet dans la liste des projets d'organismes sans but lucratif que nous avons acceptés pour la programmation 1991. Ceci prouve que nous attribuons les projets sans considération de partisanerie, en les jugeant au mérite, dans toute la mesure où la sagesse humaine est capable de le faire. Le député s'en est vanté amplement dans sa déclaration à ses électeurs dans le comté de Shefford, mais en Chambre, ici, il n'a jamais parié de ça. Il n'a jamais parié de ça. Moi, il ne m'a jamais écrit à ce sujet-là. Il présente ça dans Shefford comme si c'était lui qui avait obtenu ça. Mais, je regrette, c'est une décision qui a été prise par le gouvernement; j'en suis très heureux, et nous considérerons avec la même ouverture les projets qui nous seront soumis cette année. Je voudrais qu'on dise les choses avec un minimum d'équité, quant à les dire.

Je signale en plus que, dans le domaine des habitations à loyer modique, nous avons écrit aux municipalités cette année. Nous avons écrit à un grand nombre de municipalités pour leur faire part du programme. Savez-vous qu'il y en a un très grand nombre qui ne se sont pas prévalues de l'invitation qui leur était faite de soumettre des projets, parce que, aujourd'hui, il y a un nombre croissant d'esprits qui se disent que, l'habitation publique, ce n'est peut-être pas la seule voie ou la voie principale qu'on doive emprunter. Nous autres, nous soutenons qu'il faut maintenir un minimum d'unités de logement dans le secteur public. Il faut continuer de construire chaque année un certain nombre de logements publics. Mais nous ne pouvons pas prétendre que ce soit une priorité de même nature que celle qui a pu exister à d'autres époques; pas parce qu'il y aurait moins de pauvres aujourd'hui, pas parce que le gouvernement s'intéresserait moins à la pauvreté, mais parce qu'on est de plus en plus nombreux à considérer que l'aide aux personnes qui ont besoin de logement est peut-être plus importante que l'implication directe du gouvernement dans la construction d'habitations. C'est pour ça que les programmes d'harmonisation, dont nous avons parié ensemble, sont extrêmement pertinents. Nous poursuivrons les démarches de ce côté, dans l'esprit d'ouverture et de responsabilité dont j'ai essayé de parier depuis le début.

Je signale que des décisions en matière d'habitation doivent se prendre dans un contexte

de rareté croissante des ressources publiques. Et toute proposition qu'on met de l'avant sans tenir compte de ce facteur doit être jugée comme une proposition irresponsable, déconnectée d'avec la réalité. Je remarque que c'est un aspect auquel le député de Shefford ne fait jamais allusion dans ses interventions. Il devrait pourtant se souvenir que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1986, nous avons hérité d'une situation en matière d'endettement qui prive singulièrement le gouvernement de ressources dont il aurait besoin pour venir en aide de façon encore plus substantielle aux foyers qui en ont besoin. Quand le gouvernement du Parti québécois a pris le pouvoir, en 1976, le fardeau de la dette représentait à peu près 4 % à 5 % des revenus du gouvernement. Actuellement, tout compris, c'est à peu près 16 %. Imaginez la différence! Cette différence-là, en points, vous vous imaginez ce que ça représente sur un budget de 38 000 000 000 $? Dix points, c'est 4 000 000 000 $, que nous n'avons point, parce que le gouvernement, qu'appuyait le député de Shefford, a augmenté l'endettement du Québec à un rythme absolument incroyable. Nous ramons contre le courant depuis ce temps-là. Nous avions réduit singulièrement les déficits pendant cinq années de suite, et, si ça n'avait pas été de la récession très sévère qui a frappé le Québec au cours de la dernière année, comme toute l'Amérique du Nord, d'ailleurs, nous étions résolus à continuer dans la même voie, et nous voulons y revenir le plus tôt possible.

Je dis au député de Shefford, avec toute la conviction dont je suis capable: Je pense que ma réputation d'administrateur public ne remonte pas aux fonctions que j'exerce actuellement dans le secteur de l'habitation. Là où je suis passé, il n'y a pas eu d'affaires de gaspillage, il n'y a pas eu d'affaires de dérèglement des dépenses; je pense que, ça, le député de Shefford en conviendra. Mais je veux dire au député de Shefford que, dans la mesure où nous serons capables d'accepter les contraintes nouvelles d'aujourd'hui... Prenez le gouverneur Cuomo, dans l'État de New York, c'est un esprit progressif, c'est un homme qui est favorable aux perspectives que défend le député de Shefford. Mais qu'est-ce qu'il fait dans son État? Savez-vous que, cette année, il a été obligé de congédier à peu près 10 000 fonctionnaires - pas les garder en sécurité d'emploi, comme nous faisons ici - il a congédié entre 8000 et 10 000 fonctionnaires? là, 11 avait établi un budget très sévère. il s'aperçoit, rendu au mois de novembre, que ce budget-là va être défoncé. il est obligé d'envisager un autre budget. faites le tour de l'amérique, vous allez constater que c'est la même situation à peu près partout. puis, vous autres, vous passez votre temps à recommander qu'on augmente les dépenses dans tous les secteurs. je n'ai pas vu de propositions concrètes, je n'en ai pas entendu où l'on nous dirait: faites attention, on est prêts à vous appuyer.

Je termine par le cas des jeunes assistés sociaux que nous allons inviter à assumer une responsabilité plus grande dans le coût du logement familial lorsque la famille vit dans un HLM. Le député de Shefford a bel et bien confirmé tantôt qu'il s'opposait à cette orientation. Il voudrait, par conséquent, que le jeune qui touche aujourd'hui une allocation - qui peut aller dans certains cas jusqu'à 500 $ par mois, comparativement à 200 $ qu'il touchait avant - il voudrait qu'il retire toute cette allocation-là sans payer une cent de plus pour le logement familial, sans que ce soit tenu en compte quand on calcule le revenu dont dispose la famille pour s'acquitter de sa responsabilité. Je lui demande: Est-ce que c'est vraiment ça qu'il a proposé? Est-ce que c'est vraiment la position qu'il défend? Est-ce qu'il serait en retard sur le FRAPRU qui est venu lui-même reconnaître dans mon bureau, alors qu'il prétendait que je refusais de les recevoir - je les avais déjà reçus au moment où il affirmait cette fausseté - alors que le FRAPRU est venu reconnaître dans mon bureau qu'il acceptait le principe d'une responsabilisation plus grande des jeunes? Mais si on l'accepte, traduisons-le dans les actes concrets, et si les modalités que nous proposons ne sont pas satisfaisantes, qu'on en propose de meilleures. Mais, qu'on ne nous oppose pas un refus pur et simple de voir la réalité et d'accepter cette règle de responsabilité, sans laquelle nous ne réussirons jamais à faire fonctionner de façon équilibrée ce Québec que nous aimons tous, que nous voulons tous voir fort, discipliné et prospère.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Un premier mot en commençant sur la coopérative Demers. Je comprends que le ministre soit très débordé et ne puisse pas se rappeler de tout, sauf que non seulement je lui ai écrit sur cette coopérative, mais on a décidé ensemble qu'on iaurait, au téléphone, parce que j'ai échangé avec lui à quelques reprises pour l'obtenir. Donc, c'est tout à fait le travail normal d'un député. Et si c'est vous qui l'avez accepté, c'est évident! Vous êtes ministre, je ne le suis pas.

Ce que je conclus du débat qu'on vient d'avoir aujourd'hui, c'est qu'effectivement le ministre décide de continuer dans la même ligne que ce qu'on connaît depuis quelques années en ce gouvernement; sans consultation, sans politique, on continue à la pièce. Et il nous a confirmé que le document qui était ici, qu'on appelle "harmonisation", va exactement dans le sens de la loi 37, que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec des discussions internes et qu'à

un moment donné on sera, comme dans la réforme Ryan, dans le même comportement que les municipalités, placés devant un fait accompli. C'est pour ça que notre devoir c'est, au moins, de prévenir les gens et, quand on trouve que ce n'est pas acceptable comme mesure, de mobiliser les gens, de les dénoncer pour essayer de convaincre, sinon le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, le ministre des Finances de ne pas aller dans ce sens-là.

Donc, il confirme que l'étude, c'est un document de travail et que le contexte oblige le gouvernement à couper, et c'est ce qu'on va faire. Donc, on n'aidera pas davantage. D'ailleurs, les chiffres sont très clairs. Le budget consacré à l'habitation, je le disais au début de mon intervention, alors que les ménages dans le besoin augmentent considérablement dans la période difficile qu'on traverse, les budgets ne suivent pas la même pente. De 228 000 000 $ en 1985, on est rendu à 233 000 000 $ en 1990; 5 000 000 $ de plus en cinq ans. Le ministre nous dit: On est rendu à 353 000 000 $ à peu près en 1991. Bien oui, je comprends, c'est ponctuel Mon taux, mon toit, une fois. Est-ce que ça va continuer? Je vous le dis: Je l'espère. Mais si ça ne continue pas, ça aurait été ponctuel pour une année de crise économique comme une mesure de relance qui, à mon avis, n'était même pas probablement suffisante. Donc, oui, il faut considérer les budgets.

Ce que je dénonce, ce que je trouve inacceptable, c'est quand on parle d'équité et de problème financier. Je suis tout à fait conscient qu'on a des problèmes financiers au Québec, sauf que le discours, ici, il n'est pas toujours le même non plus. Moi, je me rappelle des années 1987, 1988, 1989, avant les élections. Votre collègue, le ministre des Finances, qui se levait ici en se pétant les bretelles et en disant: On est en période de vaches grasses, tout va bien, on a assaini les finances publiques, on a réussi à tout replacer les choses. C'était incroyable comment on avait réussi à tout replacer l'économie. Là, maintenant, le déficit de cette année, six ans après la prise du pouvoir, on va atteindre probablement les 4 000 000 000 $. Ce n'était pas ça en 1985. On va atteindre les 4 000 000 000 $ de déficit, probablement, cette année. C'est incroyable après avoir vécu des périodes de vaches grasses, où on a pris des mauvaises décisions qui nous amènent dans la situation actuelle, il ne faut pas oublier ça.

Quand le ministre parle, maintenant, d'équité, le seul problème, c'est que pour lui, son équité, ce n'est pas par rapport aux citoyens dans une société globalement, c'est par rapport à des classes dans la société. Il essaie de faire de l'équité entre les pauvres et les plus pauvres et les moins pauvres, mais pas entre les gens pauvres et les gens riches dans la société. Il n'essaie pas de faire un partage équitable. Il essaie de mettre les gens pauvres dans les HLM en opposition avec les gens pauvres qui ne sont pas dans les HLM.

Ça c'est indécent comme ministre et comme gouvernement. On n'a pas le droit de mettre en rivalité des gens qui sont pauvres parce que ce sont des victimes du système et non pas des coupables du système. J'espère qu'un jour vous allez comprendre ça et que le rôle de l'État, c'est d'aider les plus démunis dans la société, et non pas les accuser et les pénaliser toujours.

Quand vous parliez tantôt que je prends position en faveur des jeunes, en disant qu'il ne faut pas les couper, je comprends. Le ministre dit que le fait de leur couper de l'argent, ça va les responsabiliser. Bien voyons donc! Est-ce que ça responsabilise les gens d'avoir moins de revenus quand on a déjà le minimum? Ce n'est pas les responsabilités qu'on fait quand on les coupe parce qu'il y a du partage du logement, ou parce qu'ils doivent payer une partie du logement dans un HLM?

On ne les responsabilise pas. On les surcharge parce qu'ils n'ont déjà pas assez d'argent. On leur demande de faire des démarches pour se trouver des emplois, de retourner à l'école, de faire des démarches, de tout faire. Mais en même temps on leur dit: Vous n'avez même pas le minimum, vous êtes largement en-dessous du seuil de la pauvreté, mais en même temps, on va vous couper davantage. Non pas parce que vous ne voulez pas travailler. Il n'y a pas d'ouvrage. Le chômage est à 20 % selon le Conseil du patronat du Québec. Ce n'est pas de leur faute s'il n'y en a pas.

Mais on leur dit: Parce que vous demeurez avec vos parents, parce que vous êtes dans un HLM, bien, on va vous couper encore davantage. Et on dit que c'est une politique familiale. C'est des erreurs et c'est ce genre d'erreur qui fait qu'on pénalise des centaines de milliers de citoyens québécois, et c'est ça qui est dangereux. Si on voulait vraiment une fiscalité un peu plus équitable, pourquoi le ministre ne revoit pas les fameux montants non imposables de gain de capital sur les ventes de maison? Ça ce n'est pas seulement le budget de 353 000 000 $ du gouvernement québécois, c'est probablement 10 fois plus qui est sauvé en impôt chez les gens qui sont riches parce que c'est des gens riches qui ont les moyens de faire de la spéculation sur des maisons.

D'en acheter puis d'en revendre, d'en acheter puis d'en revendre sans payer d'impôt sur le profit et ça, c'a quoi comme effet? C'est de la spéculation. Ça fait augmenter le prix des maisons. Ça fait augmenter le prix des loyers. Ça pénalise encore davantage les locataires, les gens démunis, les plus pauvres de la société. Donc, si on veut être équitable, qu'on ne se contente pas de regarder les programmes d'aide en habitation, qui favorisent les plus démunis de la société, qu'on regarde l'ensemble de la fiscalité et

l'ensemble des budgets autant au ministère du Revenu qu'au ministère des Affaires municipales, responsable de l'Habitation.

Ce n'est pas vrai qu'on va comparer les pauvres avec les pauvres, et si l'un est un petit peu moins pauvre que l'autre on va dire, il faut que tu deviennes plus pauvre, on va te couper pour donner à un autre. C'est ça l'équité puis l'harmonisation qu'on est en train de faire. L'harmonisation que je vous demande, regardez donc s'il n'y a pas moyen, aux milliers de gens riches, vous l'avez reconnu vous-même qu'ils ne paient pas d'impôt, s'il n'y aurait pas moyen qu'ils paient de l'impôt ou, à tout le moins, qu'ils n'aient pas le droit de faire autant d'économies sur les profits qu'ils font en étant exemptés d'impôt sur les profits lors de ventes de maisons. C'est des milliards par année. C'est ça qui fait que la spéculation est si forte et que ça augmente les loyers pour les plus pauvres.

Je vous le dis. Vous en demandez des mesures concrètes, des idées, je vous en donne une. Probablement que d'enlever 300 000 000 $ à ces gens-là, sur des profits qu'ils font, ça peut peut-être modérer un petit peu la spéculation, peut-être pas, mais les 300 000 000 $ qu'on va économiser là, ça viendrait doubler le budget annuel total que le ministère consacre à l'habitation. Il me semble que ce serait normal qu'on fasse quelque chose dans ce sens-là. L'équité par rapport aux plus riches, pas l'équité seulement entre pauvres parce que, contrairement à ce qu'on laisse entendre de l'autre côté, par un rapport qui vient du Conseil national du bien-être social et qui est tout récent, le 20 novembre 1991, ça dit que le bien-être social, c'est la misère noire. C'est ça, la réalité. C'est d'eux autres qu'on parle et on dit qu'on veut les couper parce que les enfants restent avec les parents. C'est la misère noire. C'est la réalité lorsqu'on voit comment ces gens-là vivent. N'oubliez pas qu'on a le championnat du suicide dans les provinces canadiennes, du suicide chez les jeunes au Québec. Est-ce que c'est en coupant, encore une fois, le revenu minable qu'on va réussir à sauver ça et qu'on va changer la situation?

Ce n'est pas moi qui le dis, je ne fais que lire L'actualité, octobre 1991. "C'est-u" assez récent pour vous? Octobre 1991, L'actualité: Québec crée la pauvreté. La réforme de l'aide sociale ne produira pas l'effet escompté. Elle va avoir l'effet totalement contraire. Les décisions que vous prenez génèrent de la pauvreté. Quand on investit dans des choses qui sont productives, on amène la production, mais quand on pénalise encore davantage les pauvres... Je ne dis pas si c'était un petit bloc, si c'était un petit groupe de personnes, mais quand c'est rendu des centaines de milliers qu'on pénalise davantage, bien on crée la pauvreté. Et c'est un autre maintenant, c'est quelqu'un de l'Ontario pour qui vous avez beaucoup d'admiration, qui reconnais- sait donc: La réforme de l'aide sociale en Ontario... Si je parle de la réforme de l'aide sociale, c'est que la politique qu'on est en train d'amener en habitation est aussi faite directement par le ministre de l'aide sociale. La preuve, c'est qu'il signe le document. Donc, comme ça va ensemble, bien, il faut citer les deux politiques. La réforme de l'aide sociale vue par un Ontarien, un spécialiste. Il dit: Par son approche punitive, Québec ne peut créer que la pauvreté en profondeur.

Ça veut dire qu'on est en train de faire des erreurs, de faire en sorte qu'il y ait des gens de plus en plus pauvres et qu'on les coupe. Parce qu'il ne faut pas oublier quelque chose, c'est que ces gens-là, l'argent qu'on leur donne, il est réinvesti immédiatement, localement, chez le dépanneur, chez le grossiste, en logement, en n'importe quoi, mais en nécessité. Quand on ne coupe pas les plus gros, ils font quoi? Ils vont acheter des choses à l'extérieur. Ils vont acheter des choses de luxe, produits très souvent qui sont de l'importation ou ils vont aller passer des semaines et des mois dans le Sud et ailleurs. Mais quand on coupe les assistés sociaux, on coupe dans l'argent investi immédiatement, directement au niveau du développement économique régional. Et c'est pour ça que le Québec est en train de créer la pauvreté, en coupant là où on est assuré que ça va être dépensé directement, localement dans des entreprises de chez nous. C'est une erreur, et si vous continuez dans le sens où vous allez, soit dans la réforme de l'habitation ou la réforme de l'aide sociale, on va pouvoir l'écrire encore plus gros: Québec continue à créer la pauvreté.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le député. Il me reste à vous spécifier que la commission a accompli le mandat qui lui était confié ce matin, soit de procéder à l'interpellation adressée au ministre des Affaires municipales par le député de Shefford sur le sujet suivant: La situation de l'habitation au Québec.

Alors, je voudrais vous remercier et remercier les membres de la commission, M. le ministre, M. le critique officiel de l'Opposition en matière d'habitation, et vous dire que j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 12 h 20)

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