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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 21 mai 1985 - Vol. 28 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur les horaires de gardes supplémentaires des médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique et la planification de la main-d'oeuvre médicale


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit pour procéder à une consultation particulière sur les sujets suivants: les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes, ainsi que les unités d'enseignement clinique et, deuxièmement, la planification de la main-d'oeuvre médicale. Finalement, nous aborderons plus brièvement la question de la surveillance dans les urgences.

Les membres de la commission sont M. Beaumier (Nicolet), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blouin (Rousseau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M. Gravel (Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Middlemiss (Pontiac), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Paré (Shefford), M. Pratt (Marie-Victorin), M. Sirros (Laurier), M. Chevrette (Joliette), ministre des Affaires sociales, qui est membre de la commission pour la durée de ce mandat qui est de procéder - comme je le disais tout à l'heure - à cette consultation particulière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas de remplacement pour cette séance.

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Je m'excuse, je retourne à la nomenclature des membres de la commission. Mme Dougherty (Jacques-Cartier) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance).

À titre de présidente de la commission des affaires sociales, j'aimerais souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous nos invités. Évidemment, puisqu'il s'agissait d'une consultation particulière, elle a été convoquée sur invitation à la suite d'une consultation de la présidente de la commission, d'un côté, et du ministre des Affaires sociales, de l'autre.

Je voudrais, avant de commencer, donner les règles du jeu. Comme on sait qu'un des objets principaux de la commission ce sont les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes et que ceci a été un peu la raison de l'appel de cette commission, je pense que nous accorderons aux résidents et internes qui sont devant nous... Ils peuvent peut-être bénéficier du fait qu'un autre groupe qui devait être entendu ce matin ne viendra pas. Dans votre cas, vous disposerez d'une heure et demie, comprenant une demi-heure de présentation - à la suite des représentations que vous m'avez faites tout à l'heure - plutôt que vingt minutes, et la période de questions de part et d'autre est de vingt minutes.

Ceci étant dit, avant de vous céder la parole, je pense que le ministre des Affaires sociales voulait ajouter quelques mots. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la FMRIQ, avec qui j'ai eu la chance de discuter pendant quelques heures au cours d'événements qui nous ont peut-être permis de toucher du doigt certains problèmes qui dépassent, dans bien des cas, la compétence même du MAS. Quand on parle des unités d'enseignement clinique, on sait très bien que l'autorité ne relève pas nécessairement exclusivement du MAS. Au contraire, elle relève en grande partie du ministère de l'Enseignement supérieur et des universités.

Également, ça nous aura permis de comprendre peut-être plus à fond le rôle ou la position que peut avoir un résident ou un interne vis-à-vis l'institution hospitalière par rapport, par exemple, au tuteur ou au professeur responsable dans les centres hospitaliers. Je pense que cette commission parlementaire nous permettra précisément de clarifier ces points, de sensibiliser l'opinion publique à ces problèmes, et peut-être de nous mettre sur certaines pistes nous permettant d'apporter des correctifs concrets à ce que peuvent vivre les résidents et internes.

De plus, nous aurons à parler, bien sûr, de contingentement ou de planification des effectifs médicaux, pour utiliser les termes plus précis. Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il y aura un double problème au cours de cette commission. Nous verrons

les résidents nous parler de la façon dont ils voient ça. Nous entendrons la Corporation des médecins et les fédérations médicales traiter de ce problème sous d'autres angles, en plus de l'Association des médecins immigrants qui viendra nous faire valoir, je pense, plusieurs facettes de ce problème que nous pourrons peut-être toucher du doigt. Je me suis permis de rencontrer ce groupe, également. J'ose espérer que tout ce que nous entendrons ici nous permettra, à nous parlementaires, de trouver les solutions qui s'imposent à l'ensemble de ces problèmes. J'ose espérer que cette commission qui a été, bien sûr, dans un premier temps, accordée dans le cadre d'un règlement de relations du travail, puisse s'avérer des plus positives pour l'ensemble des parlementaires et l'ensemble des groupes qui auront à intervenir devant nous.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquou

M. Paradis: Oui, Mme la Présidente. À la suite de ces propos du ministre, je tiendrais à souligner deux faits: nous, de l'Opposition, allons porter spécifiquement attention aux parties de votre mémoire qui touchent les facteurs étiologiques du stres3 ainsi que les effets du stress sur la clientèle que vous desservez.

Comme le ministre l'a indiqué, le ministère des Affaires sociales n'a pas ce qu'on appelle une juridiction complète et absolue. J'aurais souhaité voir à côté du ministre des Affaires sociales ce matin le ministre qui est responsable de l'autre volet du dossier, un peu comme cela s'est produit la semaine dernière, à l'occasion de la consultation sur le projet de loi 37, qui touchait divers aspects des dossiers gouvernementaux. Le ministre de l'Éducation, le ministre des Affaires sociales, les principaux ministres touchés se retrouvaient aux côtés du président du Conseil du trésor.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. le député de Brome-Missisquoi, mais pour résoudre votre problème je dois vous dire que, dans la liste de nos invités -parce que maintenant, avec la réforme parlementaire, les ministres sont convoqués comme témoins au même titre que des citoyens ou des groupes de citoyens - le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie viendra ici, son sous-ministre également, et ils seront entendus comme témoins, de même que la sous-ministre en titre du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. (10 h 15)

M. Paradis: Je vous remercie des éclaircissements, Mme la Présidente. Mais je n'aurais pas aimé simplement les voir ou les entendre comme témoins, mais j'aurais aimé qu'ils entendent également, dans le cas des gens qui sont devant nous, les représentations qui sont faites par des gens qui se sont dérangés pour venir informer et éclairer les parlementaires. C'est beau pour le ministre de l'Enseignement supérieur de venir nous dire ce qu'il en pense, mais il aurait peut-être, comme on a souvent comme politicien, avantage à écouter ceux qui vivent et qui pratiquent chaque jour dans le milieu, de façon à se familiariser davantage avec leurs problèmes et de façon que les décisions ou les interventions qu'on a à faire comme parlementaires soient non seulement le fruit de notre éclairage interne, mais fassent également état de l'éclairage externe que vous nous amenez. Dans le but de vous donner le maximum de temps je limite à ceci mes propos préliminaires.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous pouvons maintenant procéder à l'audition du volumineux mémoire qui est présenté par la Fédération des médecins résidents et internes. M. le président, Dr Larose, je vous saurais gré, avant de procéder è cette présentation, qui ne devrait pas dépasser 30 minutes, de présenter les personnes qui vous accompagnent, pour le Journal des débats, pour que l'on puisse enregistrer tout le personnel.

Fédération des médecins

résidents et internes

M. Larose (Michel): Merci, Mme la Présidente. À mon extrême gauche, le Dr François Turcotte, après lui, Me Jacques Castonguay; dans l'ordre, M. Jean Gouin, le Dr Danièle Marceau, le Dr Richard Marchand, Mme Andrée Allen et Mme Jacqueline Charbonneau. Mme la Présidente, sans plus tarder, je vais commencer.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, mesdemoiselles et messieurs, ici présents à cette commission parlementaire, je désire tout d'abord, en mon nom personnel et au nom de tous les résidents et internes du Québec, exprimer ma profonde gratitude à M. Jean Gouin, directeur général de la fédération, à Mme Andrée Allen, adjointe au directeur général, à Mme Jacqueline Charbonneau, recherchiste à la fédération, à Me Jacques Castonguay, conseiller juridique de la fédération, au Dr Léo Plouffe, résident en génito-obstétrique à l'Université McGill et président du comité des affaires pédagogiques de la fédération, au Dr Danièle Marceau, présidente en hématologie à l'Université Laval, membre de l'exécutif et secrétaire de la fédération, au Dr Richard Marchand, résident en microbiologie à l'Université de Montréal, membre de l'exécutif et trésorier de la fédération.

Sans leur collaboration, le mémoire qui

vous a été remis n'aurait peut-être pas été réalisé, et tous ont participé à sa rédaction. À l'exception du Dr Plouffe, remplacé par le Dr Turcotte, ces personnes sont ici pour représenter la fédération et elles se feront un plaisir de répondre avec moi aux questions qui pourraient être posées par les membres de la commission à la fin de notre exposé.

Par la même occasion, je veux exprimer notre reconnaissance au Dr Roch Bouchard, résident en psychiatrie à l'hôpital de l'Enfant-Jésus à Québec, au Dr Pierre Champagne, spécialiste en urgentologie au centre hospitalier de l'Université Laval à Sainte-Foy, au Dr Pierre Dorion, spécialiste en psychiatrie au centre hospitalier Robert-Giffard à Giffard. Ceux-ci ont bien voulu illustrer certains des sujets qui seront présentés de leur expérience personnelle, afin de démontrer la validité de notre argumentation.

Je tiens également à remercier le ministre des Affaires sociales, M. Guy Chevrette, pour le respect de l'engagement qu'il avait pris face à la Fédération des médecins résidents et internes du Québec de tenir une commission parlementaire sur les sujets pour lesquels, à la fin de la récente négociation, te gouvernement refusait l'arbitrage obligatoire et exécutoire.

À cet effet, la fédération présente donc à cette commission parlementaire, tel que convenu dans une lettre d'entente signée par le ministre et moi-même, les points suivants: les horaires de gardes supplémentaires, les unités d'enseignement clinique, la supervision dans les urgences et la planification des effectifs médicaux.

Avant d'aborder chacun de ces points, je voudrais informer les membres de la commission que ma présentation se veut un résumé du mémoire présenté par la fédération et qu'elle sera entrecoupée par le témoignage de quelques médecins bien au courant des sujets que j'aborderai et qui pourront nous apporter des exemples issus de leur expérience.

Je débuterai donc avec le problème des heures de gardes supplémentaires. Ce problème, amplement rendu public lors des derniers mois, en est un de longue date. Actuellement, la norme maximale reconnue officiellement et acceptée par les résidents et internes est d'une garde aux quatre jours en centre hospitalier et d'une garde aux trois jours en disponibilité à domicile. Cette norme officielle, ratifiée dans la convention collective liant les hôpitaux du Québec et la Fédération des médecins résidents et internes, est cependant loin d'être respectée. En effet, tout au long de leur apprentissage, les médecins résidents et internes sont constamment sollicités à la dépasser et, bien souvent, ils sont même menacés lorsqu'ils refusent de se soumettre à la sollicitation.

Quand on pense que, par la garde, les médecins en formation allègent grandement le fardeau de leurs patrons et que ce sont ces derniers qui évaluent leur stage, il devient évident que ceux-ci sont en conflit d'intérêts et peuvent facilement abuser de leur situation pour convaincre les résidents récalcitrants.

L'argument général invoqué pour justifier ces abus est la valeur pédagogique de la garde. Et, s'il est vrai que la fréquence des gardes expose le jeune médecin à plus grande variété d'expériences cliniques, on peut cependant s'interroger sur la qualité de ces expériences quand on pense au peu de supervision qui est en général associée à celles-ci. En effet, à l'exception des gardes à l'urgence de certains centres hospitaliers, le médecin traitant du patient que voit un résident ou un interne n'est que rarement présent et il dispense en général son enseignement par téléphone. Malheureusement, nous n'avons que trop d'exemples de patrons qui sont offusqués d'être dérangés ou, pire encore, qui ne répondent tout simplement pas aux appels de leurs subordonnés. En outre, si on pense que la répétition de nuits sans sommeil entrave la capacité de rétention d'un individu, ta fédération s'interroge grandement sur la valeur pédagogique de la garde à une fréquence élevée.

Il existe plusieurs mécanismes élaborés au cours de négociations successives qui permettraient aux jeunes médecins de refuser les transgressions à la norme ou, du moins, qui leur accorderaient une compensation en jours de congés supplémentaires. Quand on songe qu'après 24 heures de garde, le résident ou l'interne se voit en général refuser le lendemain pour se reposer et qu'il demeure bien souvent douze heures de plus à l'hôpital, pour un total de 36 heures de présence, il devient ridicule de penser qu'il pourra bénéficier de jours de congés supplémentaires, d'autant plus que, couramment, il a déjà de la difficulté à prendre ses vacances autorisées. Ainsi, il n'existe non seulement aucune compensation ni aucune reconnaissance pour la garde supplémentaire, mais il est de plus impossible d'utiliser les mécanismes prévus sans être menacé directement par les autorités médicales. En effet, aucun de ces mécanismes ne respecte l'anonymat des individus et, même si cela était, sa mise en application serait en général impossible dans un laps de temps correspondant à un stage dans un milieu problématique.

Loin de nous l'idée d'affirmer que tous les résidents et internes sont ainsi lésés et il faut réaliser que l'attitude des patrons de bien des milieux est le plus souvent correcte. Cependant, il ne faut pas non plus minimiser le problème en invoquant le peu de plaintes car, comme nous le démontrons de façon

plus exhaustive dans notre mémoire, la personnalité du jeune médecin le pousse à se dépasser en ignorant ses limites personnelles et à s'identifier à ses aînés qui, en lui rappelant quotidiennement les difficultés qu'ils ont rencontrées alors qu'ils étaient eux-mêmes en formation, le culpabilisent et le dévalorisent.

Enfin, il faut réaliser que la crainte de représailles limite grandement les plaintes. Cette commission, où je désirais faire témoigner quelques résidents contraints à des gardes aux deux jours, est un parfait exemple de la situation puisque aucun des résidents approchés n'a accepté de se prononcer publiquement.

C'est donc pour la problématique que je viens d'exposer que la fédération exige du gouvernement qu'il intervienne pour que: 1° il se fasse un effort réel pour rationaliser le nombre de centres hospitaliers universitaires en tenant compte des effectifs décroissants en résidents et internes; 2° il soit instauré, dans les plus brefs délais, un mécanisme pour rémunérer toute garde excédentaire à la norme, de telle sorte que l'odieux du refus ne soit plus porté par les jeunes médecins, mais par les centres hospitaliers qui devront ainsi assumer les coûts du non-respect de l'entente collective.

Il convient d'ailleurs de remarquer que, tant aux États-Unis que dans certaines provinces canadiennes, des milieux qui ont mis en application ce genre de mécanisme ont vu dénoncer rapidement des situations abusives et y ont mis un terme. N'ayant pu, comme je l'ai déjà dit, persuader les résidents de venir témoigner sur la garde à cette commission, je me permettrai donc, Mme la Présidente, de passer immédiatement au second sujet de mon exposé qui concerne les résidents en enseignement clinique.

Sur ce point, je serai bref, le Dr Roch Bouchard pouvant vous apporter des éclaircissements plus pertinents qu'un long exposé théorique. Néanmoins, avant de lui céder la parole, je tiens à vous informer que des unités d'enseignement clinique existent déjà dans de nombreux centres hospitaliers universitaires, mais que, bien souvent, elles sont non fonctionnelles. Il faut, de plus, noter que le problème est variable d'un milieu universitaire à l'autre et que le but de notre intervention n'est pas de contraindre les facultés de médecine à les implanter, mais bien à les définir.

Enfin, depuis plusieurs années que dure ce débat, lequel a déjà occasionné un débrayage de cinq semaines des résidents et internes de l'Université de Montréal, nous désirons que les centres hospitaliers soient contraints de mettre en application des unités d'enseignement telles qu'elles auront été définies par les milieux universitaires et ce, sans que l'autorité de ces derniers en ce qui a trait à leur définition soit contestée.

En vue de solutionner ce problème qui met en jeu la qualité de la formation médicale, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec propose que: 1° se fasse un effort de rationalisation des centres hospitaliers universitaires en termes d'effectifs; 2° soit adopté un règlement en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux obligeant les centres hospitaliers universitaires à mettre en place des unités d'enseignement clinique; 3° soient améliorés les contrats d'affiliation entre les centres hospitaliers et les facultés de médecine dans le but de permettre une meilleure collaboration; 4° que soient créées des unités géographiques protégées selon les normes prescrites; 5° soit adoptée la rémunération différente pour les médecins oeuvrant dans les centres hospitaliers universitaires.

Je cède maintenant la parole au Dr Bouchard qui pourra vous apporter des éléments complémentaires.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr

Bouchard.

M. Bouchard (Roch): Je suis Roch Bouchard, je suis résident en psychiatrie à l'hôpital de l'Enfant-Jésus à Québec.

Comme le faisait d'abord remarquer M. le ministre, parier des unités d'enseignement me fait me sentir un peu comme un consti-tutionnaliste parce que je sens que la cause est défendable, a du bon sens, mais je pense que c'est pour longtemps aussi, étant donné tous les intervenants.

Laissez-moi vous citer en exemple comment on choisit un stage et comment cela se passe pour les externes. L'ensemble des jeunes étudiants est réuni dans une salle et c'est un tirage au sort qui détermine quand et surtout dans quel établissement se feront les différents stages prévus à la formation. Tous les établissements n'ont pas une réputation égale quant à la qualité des unités d'enseignement, quand ils en ont. Cette assemblée d'étudiants ressemble plus à une assemblée où chacun cherche les moyens d'influencer le hasard afin d'obtenir, au bon endroit et au bon moment, un stage de qualité. Normalement, chaque, étudiant devrait avoir une qualité de stage.

À ce tirage, bien sûr, comme dans tous les lotos, il y a plus de perdants que de gagnants. Cela me rappelle une phrase d'un politicien connu, M. Caouette, qui disait: II faudrait moins de chercheurs qui cherchent que de trouveurs qui trouvent. C'est le cas des stages; c'est de se trouver un bon stage au bon moment et au bon endroit.

Le deuxième exemple qu'on peut donner est probablement celui du comité d'éducation de la corporation, en 1983, qui avait à se pencher sur la demande du DSP de l'hôpital Notre-Dame qui demandait au comité

d'éducation l'autorisation d'envoyer les résidents en chirurgie dans un autre hôpital afin que ceux-ci puissent acquérir l'apprentissage nécessaire à des chirurgies usuelles quotidiennes (cholécystectomie, appendicectomie, etc. ). C'est assez surprenant, dans un hôpital de plus de 1000 lits, qu'on doive envoyer des résidents en psychiatrie dans de petits hôpitaux pour leur montrer la chirurgie usuelle. C'est assez surprenant.

En conclusion, pour être bref, l'unité d'enseignement et sa structure pyramidale est essentielle à l'acquisition harmonieuse de la prise de décision, étape fondamentale dans l'exercice compétent d'une médecine adéquate, économique. Les jeunes médecins ayant cette hiérarchisation de la décision auraient probablement moins de difficultés à aller en périphérie et à se séparer des centres de consultation. Je pense que l'unité d'enseignement est la pierre angulaire essentielle à un bon enseignement de la médecine au Québec. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, M. Bouchard. M. Larose.

M. Larose: Merci, madame. Le sujet que je désire maintenant traiter en est un des plus actualisés puisque, vendredi dernier encore, des représentants de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, de l'Association des hôpitaux du Québec, du Comité des doyens des facultés de médecine et de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec se réunissaient pour discuter des conclusions de la visite que la corporation a effectuée dans les quatre milieux universitaires pour éclaircir la situation de la supervision des internes dans les urgences.

Qu'il me soit permis de mettre au clair une situation qui persiste depuis plusieurs années de par la mauvaise volonté et le manque de responsabilité de certains médecins, heureusement peu nombreux, qui se refusent à assurer la garde de nuit dans les urgences à faible débit parce que la rémunération y est insuffisante.

Quand on prend conscience que, dans les milieux périphériques, des médecins débordés assurent la garde 24 heures sur 24 et ce, sans appui de résidents ou d'internes, il est révoltant de constater que, dans des villes comme Québec ou Montréal, une telle situation se présente.

Il est d'autant plus révoltant que, dans les milieux où cette situation existe, les autorités médicales n'obligent pas les médecins à remplir leur responsabilité en contrepartie des privilèges hospitaliers qui leur sont octroyés, mais exigent des internes qu'ils fassent la garde de nuit à leur place en invoquant l'aspect pédagogique de celle-ci.

La fédération s'indigne d'un prétexte aussi fallacieux et s'interroge sur la valeur formatrice d'une garde sans superviseur dans un endroit où le nombre de patients qui se présentent est insuffisant pour justifier la présence d'un médecin membre du conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier.

Elle s'indigne des propos d'un doyen qui s'interrogeait sur la résistance des internes pour assurer la garde dans une urgence où ils pouvaient dormir une bonne partie de la nuit à cause du peu d'achalandage.

Elle affirme que, si le nombre de patients qui se présentent dans une urgence est insuffisant pour assurer un revenu adéquat à un médecin membre du conseil des médecins et dentistes, ce nombre est également insuffisant pour représenter une valeur réellement contributoire à la formation d'un interne ou d'un résident qui y ferait un stage.

Par le fait même, elle exige que les urgences considérées à faible débit où un médecin membre du conseil des médecins et dentistes n'est pas présent en permanence soient exclues du programme de formation.

Aucune solution alternative comme celle qui consisterait en une structure pyramidale où l'interne serait supervisé par un résident ne saurait être acceptable.

Les résidents, dont on réduit constamment le nombre, ont déjà fort à faire dans leur spécialité respective et, pour ceux qui effectuent des stages dans les urgences, la supervision s'impose au même titre que pour l'interne.

En outre, on ne peut conclure sur ce sujet sans souligner l'aspect juridique de ce problème où un interne, sans permis de pratique et sans être membre du conseil des médecins et dentistes, se voit dans l'obligation de libérer des patients sans qu'ils aient été vus par le médecin traitant. (10 h 30)

Depuis plusieurs années, des opinions juridiques sur cette question se sont succédé et, finalement, l'automne dernier, la Corporation professionnelle des médecins du Québec présentait un document dans lequel elle énonçait clairement qu'un interne ne pouvait être laissé à l'urgence sans la supervision directe d'un médecin membre du conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier. Elle menaçait les centres hospitaliers dissidents de leur retirer son agrément pour les stages à l'urgence non supervisés et les doyens des quatre facultés de médecine étaient cosignataires d'une lettre qu'elle faisait parvenir le 19 octobre 1984 au conseil des médecins et dentistes des centres hospitaliers universitaires.

Malheureusement, il apparaît que la position de la corporation se soit affaiblie sous les pressions et elle semblerait prête à accepter une structure pyramidale recommandée par les universités sous

l'influence des centres hospitaliers et qui risque de régler le problème au détriment des résidents sans atteindre les véritables responsables de la situation.

Telle situation serait inacceptable et la fédération, afin d'éviter qu'encore une fois ses membres soient utilisés pour remplir les tâches les plus ingrates du système de santé québécois, recommande que: soient modifiés les articles 25 et 30 du règlement sur l'organisation et l'administration d'établissements dans le but d'en préciser davantage le contenu; soient repris, dans l'entente collective des résidents et internes ainsi que dans les contrats d'affiliation entre les universités et les centres hospitaliers, les principes énoncés dans la réglementation; soient prises contre ceux qui refuseront d'obtempérer des sanctions, dont le retrait des résidents et internes des salles d'urgence où ils ne sont pas supervisés sur place.

Enfin, dans le but de nous fournir un témoignage qui nous permet d'illustrer par l'expérience vécue la vérité dramatique de cette situation, je cède la parole au Dr Pierre Champagne, du centre hospitalier de l'Université Laval.

M. Champagne (Pierre): Mon nom est Pierre Champagne, patron à l'urgence du centre hospitalier de l'Université Laval depuis trois ans; auparavant, je suis allé chercher une spécialité en médecine d'urgence à l'Université de la Californie du Sud, en Californie. Je suis également en charge de l'enseignement et de la recherche à l'urgence et de l'enseignement aux internes et résidents qui font des stages au centre hospitalier de l'Université Laval, à l'urgence. Je suis impliqué également dans la formation médicale continue dans toute la province en médecine d'urgence, soit lors de congrès ou lors de cours organisés un peu partout.

Je serai bref et précis. À la suite de mon expérience, j'ai pu remarquer deux volets très importants concernant l'interne à l'urgence et également le résident junior. Ce n'est pas par un manque de volonté, mais plutôt par un manque d'expérience que l'interne à l'urgence, la nuit, seul, ne peut fournir aux bénéficiaires un service maximal. Deuxièmement, que ce soit conscient ou inconscient, cet interne laissé à lui-même ou ce résident junior laissé à lui-même vit un stress que je ne saurais décrire, qu'il en soit conscient ou non. Lorsque se présente devant lui un patient, debout ou sur une civière, ou autrement, contrairement à l'enseignement qu'il a pu avoir auparavant dans les unités d'enseignement, que les patients sont dans un lit et ont été vus par le résident, par tout le monde, l'interne est laissé seul devant un patient nouveau et ce stress existe, croyez-moi.

Finalement, à la suite du débat de février dernier, débat chaud avec les internes et les résidents concernant la négociation, j'ai fait une petite expérience personnelle. Étant moi-même de garde régulièrement au CHUL, durant une fin de semaine, soit les vendredi, samedi et dimanche, la nuit, avec trois des meilleurs internes de l'établissement, j'ai passé une espèce de contrat avec eux. Je leur ai dit: Vous voyez le patient de la tête aux pieds; vous faites ce que vous voulez, mais je veux être au courant avant que le patient soit libéré ou avant qu'un geste soit posé. En l'espace de trois nuits, quatre cas qui furent admis étaient sur le point d'être libérés, et des cas sévères, par exemple une hémorragie sous-arachnoïdienne, c'est le genre de patient qui se présente debout, plus précisément un patient d'une trentaine d'années se présente avec une céphalée ou un mal de tête. L'interne l'examine avec la meilleure volonté du monde et il est prêt è le libérer avec un diagnostic de migraine. Ce même interne, si on lui avait parlé auparavant, durant la journée, si on avait discuté des céphalées, vous aurait dit spontanément: C'est une hémorragie sous-arachnoïdienne ou une autre pathologie. Mais, à cause de ce petit niveau de stress, parce que l'interne est laissé à lui-même, seul, souvent ses moyens en sont d'autant diminués. C'est un exemple très précis.

Je peux vous en donner d'autres, entre autres en pédiatrie. Vous savez certainement que le CHUL est un centre de pédiatrie. Un enfant d'un an et demi qui se présente et fait de la température ne fait pas toujours une grippe. Il y a d'autres pathologies à penser. Durant cette fin de semaine, deux enfants se sont présentés avec des pneumonies sévères, qui ont dû être admis, et que l'interne était prêt à libérer. Ce n'est pas un manque de connaissances, mais bien à cause d'un manque d'expérience et d'un stress important.

Je considère donc que l'interne qui est obligé de passer la nuit seul à l'urgence ou est obligé tout simplement de faire une garde devrait recevoir un feed-back théorique, peu importe l'heure du jour, d'un patron d'expérience. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci. Dr Larose.

M. Larose: Merci, madame. Je termine maintenant mon exposé sur ce sujet d'envergure qu'est la planification des effectifs médicaux, mais sur lequel je limiterai néanmoins mon propos. Le Dr Pierre Dorion, bien au courant de certaines conséquences du manque de cohérence dans la planification des effectifs médicaux québécois, prendra ensuite la parole pour nous illustrer, à travers son expérience personnelle, certaines situations paradoxales

qui sont appelées à se multiplier s'il n'y a pas d'intervention rapide du gouvernement.

Cependant, avant de lui céder la parole, je voudrais rappeler à quel point le contingentement du nombre de postes de résidents et internes, au cours des dernières années, est douloureux pour ceux-ci. En effet, alors que les médecins optent de plus en plus pour une amélioration de leur qualité de vie, beaucoup d'entre eux réduisent leur disponibilité au travail et, dans les milieux universitaires, il en résulte une augmentation de la tâche des résidents et internes.

Cet accroissement de leur charge de travail, associé à la réduction de leur nombre, crée une situation où les milieux exigent d'eux une disponibilité grandissante, incompatible avec une qualité de vie personnelle et professionnelle décente, qui nuit à la qualité de leur formation et qui est une injustice flagrante dans un monde médical en voie de redéfinir ses priorités et optant pour la qualité de la vie.

En plus de ces effets néfastes à court terme, la planification aberrante conduit à des situations dramatiques à long terme en omettant certains paramètres essentiels à la bonne évaluation de la situation actuelle et en faussant les prédictions qui en découlent. Ainsi, en plus de la réduction légitime du nombre d'heures de disponibilité des médecins québécois, il faut tenir compte de facteurs tels que la féminisation progressive des effectifs médicaux, l'âge moyen des professionnels de certaines spécialités qui peuvent tomber en pénurie très rapidement, le rythme de production de nouveaux médecins, la formation d'un spécialiste pouvant atteindre jusqu'à dix ans, le vieillissement de la population québécoise, qui est appelée à demander de plus en plus de soins, et les habitudes de consommation médicale de cette même population, qui devrait être éduquée de façon à réduire les situations abusives engendrées par la gratuité apparente des services.

Finalement, fière de sa contribution et de sa réalisation en ce qui a trait à la répartition des effectifs médicaux, consciente que ses recommandations en ce sens ont été écoutées et appréciées, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec propose que soit instaurée dans les plus brefs délais une table de concertation permanente et statutaire relativement à la planification des effectifs médicaux; que soit entrepris, d'ici à septembre 1985, un effort de rationalisation des centres hospitaliers universitaires dans lesquels sont appelés à travailler les médecins résidents et internes; que soient identifiés, dans les plus brefs délais, les besoins en effectifs médicaux exprimés par les spécialités médicales, d'une part, et par les régions, d'autre part; que soient établies des mesures propres à évaluer de façon objective les décisions gouvernementales en matière de planification d'effectifs médicaux. Le Dr Pierre Dorion, psychiatre au centre hospitalier Robert-Giffard, va maintenant nous faire part de son opinion et je conclurai par la suite.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Docteur.

M. Dorion (Pierre): Pierre Dorion.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!

Pardon! Allez!

M. Dorion: Merci. Je suis psychiatre clinicien et enseignant au centre hospitalier Robert-Giffard depuis quinze ans, je suis psychiatre itinérant è Gaspé, une semaine par mois, depuis sept ans. Auparavant, j'étais psychiatre itinérant à Sept-Îles et jusqu'à Blanc-Sablon, de 1974 à 1978. J'ai contribué à la publication en 1976 d'un texte présentant un plan de développement des soins psychiatriques de la région de Sept-îles. En 1977, j'ai participé à un résumé d'une étude de deux ans sur la distribution des soins psychiatriques au Québec et dans la région de Hamilton, Ontario. En 1980, j'ai été envoyé en mission québécoise en Europe, et surtout en France, pour étudier la distribution des soins psychiatriques avec texte remis au gouvernement, texte évidemment mis dans les ordinateurs et disquettes et mis sur les tablettes.

Depuis 1975, nous avons siégé à des comités de notre association concernant la répartition des effectifs médicaux. Nous avions obtenu, dans le temps, par la Fédération des médecins spécialistes du Québec, 1 000 000 $ pour régler ce problème. Faute d'entente avec les multiples paliers d'intervenants médicaux et non médicaux, le million n'a jamais été dépensé. Historiquement, la répartition des effectifs médicaux est devenue par la suite un problème récupéré non seulement par toutes les autres disciplines de la médecine, mais surtout récupéré par tous les intervenants du réseau mécontents de l'augmentation des coûts et de la baisse de la qualité de la médecine au Québec.

Le problème de la répartition des effectifs médicaux est devenu, pour certains, un alibi pour ne pas régler un problème devenu encore plus grave, qui est celui de la pénurie de spécialistes dans certaines disciplines comme la psychiatrie où, demain matin, il faudrait un minimum de 300 psychiatres pour répondre aux besoins standards de la population des villes et de la périphérie. Certes, il manque des médecins dans les régions éloignées, mais on a eu tort de laisser entendre à la population que les seuls coupables de ce manquement et, par extension, peut-être de la prétendue mauvaise répartition des effectifs médicaux n'étaient

que les médecins résidents et internes du Québec. En conséquence, par manque de compréhension de leur part, on leur imposa un décret à la fin de leur formation. A la place, on aurait dû imposer un décret obligeant les universités, les hôpitaux universitaires et la corporation à trouver les formules nécessaires, par exemple le parrainage des centres éloignés.

En se réunissant quelques fois par année avec des confrères psychiatres représentant toutes les régions de la province de Québec, nous avons toujours été étonnés de voir comment la mauvaise planification chronique était responsable de la pénurie des psychiatres dans la province de Québec, pénurie qui, aujourd'hui, se généralise aux autres spécialistes. Le manque de concertation laisse place à l'imagination et à l'improvisation de quelques individus qui réussissent finalement à imposer partiellement leurs vues. Par ailleurs, on sait que certaines mesures uniformisées dans toute la province pénalisent les endroits les plus faibles, la concurrence devenant trop forte ailleurs. Par exemple, les mesures incitatives actuelles du gouvernement n'ont pas revalorisé la Gaspésie. Bien plus, certaines initiatives localement prises comme celles du paiement des moniteurs cliniques qui viendraient travailler à Gaspé après leur formation ont été découragées par des instances gouvernementales alors que, dans les grandes villes, surtout à Montréal, il y a une abondance de moniteurs cliniques payés par les centres hospitaliers ou certains fonds privés.

Il est évident que la présence dans le Québec de moniteurs cliniques est une autre preuve de manque de concertation puisque ces médecins résidents ne font pas partie de la Fédération des médecins résidents et internes et viennent, en conséquence, fausser les données du problème. La situation en est donc rendue à un point où l'on doit engager des médecins étrangers pour venir travailler en périphérie. Pire encore, les centres en pénurie dans les grandes villes engagent présentement des médecins étrangers.

Pour couper court, quelques solutions. De toute urgence, il faut d'abord décontingenter en tenant compte d'une véritable pénurie de certains médecins spécialistes, pénurie qui se généralise avec le temps. Les médecins étrangers en périphérie pourraient être tolérables sur une base temporaire, mais cela devient un non-sens dans les grands centres.

Le décret, tel qu'il existe, est devenu impopulaire et improductif et devrait être abrogé. On sait que, politiquement, il peut être rentable; la déréglementation n'est pas une habitude naturelle des gouvernements. En conséquence, si ce décret existait encore pour quelque temps, il devrait être amélioré et rendu plus attrayant par les deux mesures suivantes. (10 h 45)

La première serait la mise en place d'une importante différence entre les milieux périphériques et les grands centres urbains, surtout par la hausse de la surtarification. La deuxième serait la possibilité pour les jeunes médecins qui accepteraient volontairement ce contrat de séjourner en périphérie un minimum d'un an tout en les exonérant du décret, s'ils veulent revenir en ville. À ce propos, j'ai consulté beaucoup de médecins qui, présentement, ont décidé de rester en ville, faisant leurs trois ans à une tarification diminuée. Si ce projet d'un an avait été possible, ils auraient pu laisser leur famille et aller faire l'année en périphérie.

La rotation des médecins qui séjournent un temps raisonnable dans un endroit demeure, malgré certains inconvénients, le gage d'une médecine de qualité comme en fait foi la rotation obligatoire des médecins résidents et internes dans les hôpitaux en ville.

Sûrement, dans cette abondante rotation, existerait-il des médecins trouvant un intérêt réel à s'installer en permanence dans ces régions.

En dernier, nous ne pouvons que recommander très fortement la mise en place d'un comité permanent de planification des effectifs médicaux réunissant tous les intervenants concernés, y compris la Fédération des médecins résidents et internes, qui a montré, jusqu'ici, son sérieux sur la question à la table de concertation en mai 1984 et par sa collaboration active à trouver des moyens pour répondre à la pénurie des médecins au Québec et à participer à la mise en place d'un comité d'accueil à Gaspé où déjà plusieurs résidents viennent en itinérance donner des services psychiatriques. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, Dr Dorian. Dr Larose.

M. Larose: En conclusion, Mme la Présidente, je pense que la validité de nos opinions sur les sujets présentés à cette commission ne peut être mise en doute et mon intervention ainsi que le mémoire qui a été déposé se veulent la démonstration de ces opinions. Je vous rappellerai que l'objectif original de cette commission était de discuter du problème de la garde et, à cet effet, de démontrer la nécessité, pour la fédération, d'un mécanisme de nature pécuniaire pour dissuader les centres hospitaliers d'abuser de la situation.

Nous sommes donc prêts maintenant à répondre aux questions des membres de la commission et, si vous le voulez bien, je vous redemanderai, par la suite, la parole è la fin de la période.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, M. le Président, Trente minutes pile.

M. Larose: Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier tout d'abord les représentants de la FMRIQ pour leur mémoire. J'aurai des questions à leur poser, j'espère que vous pourrez rappeler à la barre vos spécialistes, parce que je vais commencer à l'inverse de la présentation, je vais commencer par celui qui a traité des effectifs médicaux.

D'abord, je rappellerai que le gouvernement est actuellement en train, par les CRSSS, de procéder au plan d'effectifs médicaux dans l'ensemble des régions du Québec. Au moment où on se parle, il y a quand même six régions, si on considère les Cris comme une région, qui ont répondu à la demande du ministère et soit dit en passant, les six régions qui ont fait connaître leurs besoins en effectifs médicaux sont celles qui sont en demande, c'est-à-dire que ce sont des régions plutôt éloignées qui ont vraiment fait connaître dans les délais prescrits, leur plan d'effectifs médicaux. Il n'en demeure pas moins que, pour les grands centres comme Québec, Montréal et toute la grande région de Montréal, c'est à venir: on n'a pas encore les rapports des effectifs médicaux, instrument de base qui nous permettra par la suite d'établir avec beaucoup plus de certitude quels sont les besoins, les spécialités, pour nous aider à établir des plans d'effectifs globaux au Québec qui tiennent plus compte des réalités.

Ceci dit, j'ai été surpris d'entendre notre témoin nous dire: Présentement, en psychiatrie, par exemple, il y a une pénurie généralisée partout au Québec. J'aimerais qu'on m'explique comment il se fait que 575 psychiatres sur 634 sont cantonnés à Québec et Montréal seulement. Il ne s'agit pas d'être à Blanc-Sablon pour manquer de psychiatres. On en manque à Joliette, qui est à environ 30 minutes d'auto de Montréal. Il y a sûrement des raisons beaucoup plus profondes que celles du nombre et de la répartition. Quels sont vos remarques là-dessus?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr

Dorion.

M. Dorion: C'est une longue histoire. La première notion d'une pénurie de médecins en périphérie nous est venue de la psychiatrie, c'est-à-dire que, dans un style d'approche communautaire, on devait donner des services à toute la population là où elle se trouvait. La première notion de la carence de médecins en périphérie se situe à peu près dans les années soixante-dix. Comme je vous l'ai dit, il y avait des budgets qui ont été votés pour cela, les autres disciplines ont récupéré cette notion.

Le problème est de savoir si, politiquement, on veut une telle forme de médecine plutôt qu'une autre forme de médecine. Évidemment, j'étais à Gaspé et j'ai participé à un comité pour savoir le nombre de médecins que cela prenait. Par exemple, pour les psychiatres, pour que ce soit viable à Gaspé, il faut environ cinq ou six psychiatres et cela veut dire doubler le nombre que cela prend normalement dans les villes. Il faut que ce soit viable de cette façon et, si l'on multiplie ces ratios, c'est évident qu'on en vient à une pénurie de psychiatres. Cela est un choix. Est-ce qu'on choisit de former plus de psychiatres et de les répartir de cette façon? La dernière fois que j'ai pu parler à un autre ministre, à ce moment, la décision politique était, plutôt que de bien meubler les périphéries en spécialistes, d'acheter trois ou quatre jets de plus. Tout cela a tout changé depuis ce temps. Les jets ont été abolis et évidemment les médecins itinérants aussi ont été abolis. On en revient à l'itinérance et à des spécialistes en place. De toute façon, selon certains critères, on est trop, mais, selon d'autres, on n'est pas assez pour les besoins de la population.

M. Chevrette: J'arrive tout juste de Winnipeg. J'ai assisté à une conférence fédérale-provinciale où on nous a déposé toute l'analyse des effectifs médicaux dans tout le Canada, en faisant des projections jusqu'en l'an 2000. Jusqu'à ce temps, on prévoit 9000 médecins de trop au Canada et on peut en prévoir environ 2000 au Québec. Dans le système actuel - on ne se contera pas fleurette - vous savez très bien que ce n'est pas parce qu'il y a des effectifs de trop qu'à la fin de l'année quelqu'un ne fait pas son salaire. Si vous évaluez 2000 médecins en trop en l'an 2000, à 100 000 $ ou à 110 000 $, à 115 000 $ - je ne veux pas entrer dans les chiffres, parce que vous savez que nous sommes en négociation présentement - c'est quand même un coût social extraordinaire, c'est dans les 200 000 000 $ ou dans les 300 000 000 $, si vous oeuvrez en institution, puisqu'on remarque qu'un médecin qui va en institution commande environ la moitié de son salaire en termes de dépenses pour l'État. Cela ne tient pas compte d'un rattrapage possible par rapport à la moyenne canadienne. Je ne veux pas entrer dans le détail des négociations, mais je vous demande, face à cela et face aux besoins criants que nous avons dans les régions marginales ou dites éloignées, ce qu'on fait, carrément. Vous dites: II n'y a pas assez d'incitatifs; 120 % ne donnent pas les fruits escomptés pour un spécialiste et

115 % ne donnent pas les fruits escomptés pour un omnipraticien. Il n'en demeure pas moins qu'on s'en vient aussi avec une prime à l'établissement. Il y a des suggestions qui nous sont faites. Si on avait véritablement des plans d'effectifs médicaux bien connus, si on reliait les budgets directement aux centres hospitaliers qui sont dans le besoin et si le recrutement se faisait pour l'entrée à l'université à partir des centres hospitaliers eux-mêmes, pour s'assurer que cela répond adéquatement aux besoins de la population, comment réagiriez-vous à une telle suggestion?

M. Dorion: D'abord, de façon positive et peut-être que cela ne serait pas assez, je ne le sais pas. Cela fait quinze ans que je m'intéresse au problème. J'ai entendu toutes sortes de solutions. La seule chose que je puisse dire, c'est que c'est peut-être une des premières fois qu'on sent qu'il y a des tables de concertation concernant ces problèmes, mais, encore une fois, dans ce que j'ai lu et ce que j'ai entendu, c'est qu'on définit mal les pénuries dans les régions éloignées. Est-ce qu'une carence en ORL à Gaspé est une pénurie? Il n'y a peut-être pas d'équipement pour un spécialiste comme cela à Gaspé. Cela n'a pas été défini. Il faut commencer par le commencement. Il faut savoir quelle sorte de médecins on veut dans les périphéries. Est-ce que la périphérie a les équipements en place pour les recevoir? La population est là évidemment pour les recevoir, mais est-ce assez? À mon avis, cela commence à être fait. Il faut commencer comme cela si on veut parler de la façon de distribuer ces médecins. En plus, on sait que les universités commencent à s'intéresser aux périphéries. Il y a la corporation, etc.. C'est tout le monde, parce que c'est politiquement à la page; alors, on en parle. Mais cela ne fait que commencer, les tables de concertation. Ce n'est pas sûr que les nouvelles mesures incitatives vont être efficaces. Jusqu'à maintenant, je peux vous dire que, si vous avez préconisé de nouvelles mesures incitatives, nous en avions préconisé de semblables quelques années auparavant. Elles ne sont pas compétitives avec les nôtres à Gaspé. Les nôtres à Gaspé n'ont pas donné trop de résultats. Je pense que les vôtres ne donneront peut-être pas non plus trop de résultats, mais il faut quand même essayer, il faut voir et il faut continuer à travailler afin de trouver des solutions.

M. Chevrette: Maintenant, sur la supervision dans les salles d'urgence, je ne sais pas quel était le spécialiste, mais j'aurais deux questions. Vous parlez de l'importance d'avoir une supervision constante pour pouvoir, sur le plan pédagogique, retirer le maximum chaque fois que se présente un événement, ce qui aurait pour objet, automatiquement, de diminuer le stress, parce que, si on se sent appuyé au plan du diagnostic, non seulement on apprend, mais, on se sent plus sécuritaire dans les gestes à poser, et notre jugement risque moins d'être biaisé dans le mauvais sens du terme. Pourriez-vous me dire comment vous expliquez ce phénomène qu'on demande à un résident et à un interne de passer la nuit seuls? Ce n'est que le matin... Parce qu'on m'a expliqué au cours des négociations que souvent, le matin, entre le professeur, le tuteur, appelons-le comme on le voudra, qui fait la révision des dossiers. Mais, durant la nuit, le résident et l'interne ont été laissés seuls. Est-ce que c'est au palier des universités que les directives manquent de sévérité? Est-ce que c'est au palier du centre hospitalier ou est-ce que c'est purement et simplement laissé à chacun des individus selon son jugement personnel?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr

Champagne.

M. Champagne: Je crois que le premier problème, c'est un manque d'effectifs en médecine d'urgence au Québec. Or, la médecine d'urgence est considérée une spécialité maintenant, et depuis 1971, chez nos amis américains, et c'est une spécialité canadienne depuis près de deux ans, en excluant le Québec. II n'y a personne qui veut venir faire une nuit, qui veut venir travailler de nuit, de minuit à 8 heures, premièrement, avec un salaire moindre que de travailler le jour; on ne s'en cache pas, on gagne notre vie et c'est une façon de la gagner. Faire une nuit, c'est moins payant que de faire un jour, alors que cela devrait être le contraire. Alors, essayez de trouver des effectifs qui vont venir couvrir des nuits dans les salles d'urgence. Je pense que le problème part de là; à ce moment-là, on va aller dans des centres hospitaliers qui n'ont pas d'effectifs, qui prennent des internes pour combler les trous. Certains centres vont vous dire: Bien, on n'a pas assez de patients pour fournir un patron. À ce moment-là, qu'on ferme la salle d'urgence de minuit à 8 heures ou de une heure à 7 heures,, qu'on se concentre sur deux ou trois salles d'urgence dans une cité, je ne parle pas d'une ville, et on transférera les patients après en temps et lieu, mais, dans ces trois ou quatre centres où il y aurait des internes et des patrons, on aurait une médecine d'urgence de qualité.

M. Chevrette: La tentative que l'on fait de lier la surrémunération ou le surpaiement au partage de gardes en urgence, est-ce que cela vous apparaît, en périphérie en tout cas, dans les zones dites désignées, être un moyen d'améliorer les urgences dans ces milieux?

M. Champagne: Indirectement, oui, dans le sens que vous avez beaucoup de médecins des villes qui vont aller faire une nuit ou deux par semaine à Gaspé, à Sept-Îles ou à Matane. Je ne vais pas les nommer toutes.

M. Chevrette: Je comprends qu'on ne règle pas tout le problème de la question des urgences pour les internes et les résidents, mais au niveau des urgences comme telles, dans tout le Québec?

M. Champagne: Indirectement, oui, vous allez couvrir vos nuits, mais, si on recherche comme objectif cette qualité de soins aux bénéficiaires, je pense que l'idée d'amener nos médecins en périphérie est valable, quitte à ce qu'on les y amène pour un an ou pour deux ans. Il s'agira de modifier cela. Vous allez couvrir quand même vos urgences, vous n'aurez pas besoin de payer 120 % ou 125 %, et vous allez avoir quand même cette qualité, au lieu d'avoir un résident qui va faire une nuit toutes les deux ou trois semaines à Sept-îles, aux îles, etc. (11 heures)

M. Chevrette: Présentement, je me suis laissé dire - je vous pose la question, soit à M. Larose, à vous ou aux négociateurs - que le fait de procéder de même, à Montréal, par exemple, où on ne trouve aucune surveillance, aucune supervision, c'est une façon indirecte, pour certains médecins, de faire de l'argent au détriment des internes. Est-ce que c'est vrai?

M. Larose: J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous voulez dire.

M. Chevrette: Vous m'avez affirmé... Je ne dis pas vous, mais, au cours des négociations, il y a eu de nombreuses séances, il y a beaucoup de gens qui ont parlé à beaucoup de monde, et on m'a dit ceci, un certain jour - j'ignore si c'était à une table officielle ou officieuse - Nous, on passe 20, 25 ou 30 patients la nuit dans une salle d'urgence et, le matin, celui qui encaisse, c'est celui qui nous supervise. Il prend l'ensemble des dossiers et en fait le tour. Il n'a siégé aucune minute parce qu'il était couché confortablement chez lui et c'est lui qui encaisse de la RAMQ le résultat des diagnostics ou des soins que nous, nous avons posés durant la nuit.

Je ne peux pas avoir inventé cela; je ne suis pas médecin. J'ai entendu cela de quelqu'un de votre groupe. Pourriez-vous me dire si c'est fondé ou non?

M. Larose: Vous ne l'inventez pas; c'est une réalité, mais ce n'est pas une pratique courante, semble-t-il. Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner et je n'ai jamais pratiqué dans des centres hospitaliers où cela se faisait. Mais j'ai entendu dire probablement de la même façon que vous -que, dans certains milieux de Montréal, des internes qui pratiquaient seuls à l'urgence la nuit voyaient, le matin, leur patron encaisser la tarification correspondant aux actes qu'ils ont posés durant la nuit. Chez certains, il y avait justification qui était faite, parce que les dossiers étaient révisés. Chez d'autres, il n'y a pas de révision du dossier. Cette pratique n'est pas une pratique courante. Cela répond vraiment à des cas particuliers et à des individus, mais c'est une réalité.

M. Chevrette: Merci. Pour ce qui est des gardes, vous savez qu'on a procédé à une nomination; on peut l'officialiser ce matin puisque la personne a accepté. Nous avons nommé le recteur Gérard Bonin, qui est présentement à la retraite, qui sera un peu l'ombudsman des plaintes dans les cas d'abus de gardes ou du non-respect de la clause de convention collective 1314. J'aimerais savoir si, selon votre perspective à vous, ce sera suffisant comme mécanisme ou si vous considérez que, sur le plan des mentalités, vous avez tellement de craintes que peu d'individus, même là, porteront plainte.

M. Larose: Je pense que le mécanisme va être inefficace. Je vais vous expliquer pourquoi. Premièrement, il n'y a effectivement pas beaucoup de plaintes, pour plusieurs raisons. Il y en a une que j'ai énoncée tout à l'heure, que vous pourrez voir de façon plus détaillée dans notre mémoire qui est que les résidents et les internes sont des individus qui, psychologiquement - et c'est une réalité; ils sont choisis pour cela à leur entrée à l'université - ont un besoin de réalisation particulier qui fait qu'ils ont beaucoup de difficulté à refuser une tâche et aussi à admettre leurs faiblesses, au point même qu'ils vont aller à l'encontre de leur propre santé. Cela ne se vit pas uniquement chez les résidents et les internes; cela se vit également chez les médecins en pratique qui travaillent parfois jusqu'à 100 heures par semaine dans certains milieux. C'est une première raison qui fait qu'il n'y a pas de plaintes. C'est une question d'orgueil personnel.

La raison fondamentale, cependant, c'est que les gens ont peur des représailles. Il faut penser que, quand ils portent une plainte, c'est impossible que l'anonymat soit conservé parce qu'on enquête après. Même s'il y avait un ombudsman, il faudrait qu'on aille voir dans les milieux. Ce serait, évidemment, très facile de vérifier qui a porté la plainte.

Souvent, dans certains services, il y a deux ou trois résidents. Ce n'est pas compliqué de savoir qui n'a pas voulu faire ses gardes. Dans la mesure où même l'anonymat pourrait être conservé, où il y aurait suffisamment de résidents pour que

l'anonymat ne soit pas violé, le temps que l'enquête ait lieu et que le résident soil obligé de faire sa garde pour ne pas se dénoncer lui-même - le stage dure, en général, quelques mois - avant que tout soit, terminé, le stage va déjà être fini.

Il faut bien réaliser que le problème de la garde, ce n'est pas le problème de l'ensemble des résidents et des internes. On n'a jamais dit que tous les résidents et les internes étaient contraints, de façon régulière, à des gardes aux deux ou aux trois jours. Il y a un certain nombre de nos membres qui est fluctuant; je vous donne un nombre approximatif qui est 200 ou 300 résidents à la fois, pas toujours les mêmes. Ceux-ci, pendant les périodes de leur formation, subissent un stress qui est trop important et qui correspond à une garde aux deux ou aux trois jours. Moi-même, je l'ai vécu à un certain moment en pédiatrie pendant deux mois et je peux vous assurer que ce n'est pas quelque chose de très facile.

C'est dans cet esprit que, même si les abus ne touchent pas 80 % des gens, c'est peut-être 15 % ou 20 %, quand on parle de prévalence, je pense qu'il faut que des mécanismes soient mis en application. Le mécanisme qu'on vous propose est un mécanisme monétaire dans le sens que,lorsque la norme est dépassée à la garde, c'est-à-dire qu'un individu fait des gardes aux deux ou trois jours, il est rémunéré. À ce moment-là, automatiquement, il n'a pas besoin de porter plainte, quelqu'un quelque part doit sortir de l'argent. Si c'est le centre hospitalier, automatiquement, il sera obligé de prendre des mesures pour ne pas grever son budget. Cela n'a l'air de rien, mais trois ou quatre résidents de garde en même temps en surplus par nuit...

M. Chevrette: M. Larose, vous êtes en train de me dire que, pour faire appliquer un contrat collectif de travail, il faut que la société paie. C'est un peu ça, indirectement. Je ne dis pas que ce ne serait pas efficace, je ne doute pas de l'efficacité, mais, comme ministre responsable, si j'entends bien vos propos, vous me dites: La seule façon de corriger cette aberration qu'on fait subir aux résidents et internes, c'est que la collectivité commence par mettre la main dans son portefeuille et qu'elle paie. Est-ce que vous ne trouvez pas ça aberrant dans un système qu'on dit démocratique correct?

M. Larose: M. le ministre, je comprends une chose, c'est que la société, actuellement, consomme des soins médicaux et que ces soins doivent être dispensés par les médecins» La société paie le prix des médecins qui font ce travail. Dans cette optique, les résidents sont là pour fournir des services, mais ce n'est pas leur orientation première; ils sont là d'abord pour apprendre. Ils fournissent des services parce qu'ils se trouvent à apprendre sur les lieux et que c'est une coïncidence d'événements, si on veut.

Donc, on ne doit pas baser le système de santé sur la présence des résidents et des internes dans les centres hospitaliers, il doit être basé sur la présence des médecins. Les résidents sont là pour apprendre, comme un succédané, si l'hôpital est un centre hospitalier universitaire. Dans cet esprit, je ne veux pas faire porter le fardeau à l'ensemble de la société, mais si effectivement on a besoin de plus de médecins, il faudrait les former et ne pas se décharger sur la Fédération des médecins résidents et internes pour remplir des trous. C'est ça qu'on dit.

On va vous démontrer dans les prochains jours qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes, semble-t-il. On va vous dire qu'il n'y a pratiquement pas de gens qui font des gardes en surplus. Or, si c'est vrai, si, effectivement, comme vont l'affirmer les hôpitaux et les universités, il n'y a pas beaucoup de problèmes, ça ne coûtera pas cher et on va régler ce problème définitivement et rapidement.

Si, par contre, c'est vraiment un problème majeur, qu'il y a des centaines de résidents - moi-même, je ne suis pas capable d'avoir les chiffres exacts et je suis le président de la fédération - ce sera justement à l'État et aux Québécois de prendre leurs responsabilités, soit de consommer moins de soins médicaux, soit de payer pour. Mais il y a une réalité que nous ne sommes pas prêts à tamponner encore une fois et c'est cette réalité que j'apporte.

M. Chevrette: Que répondez-vous, Dr Larose, à l'argumentation suivante? J'ai rencontré plusieurs médecins qui me disent: Vous devriez faire attention, M. le ministre, à ce que vous accorderez aux résidents et internes parce que vous pourriez vous retrouver avec des jeunes filles et des jeunes hommes qui, parce qu'on a été tellement sévère sur la grille horaire, n'auront pas vécu une gamme de cas suffisamment large pour leur permettre d'avoir une expertise ou une formation adéquate dans leur secteur ou spécialité?

M. Larose: Je vais vous répondre verbalement; je l'ai dit tout à l'heure, c'est écrit dans le mémoire. Premièrement, la garde se fait par supervision, au téléphone. Quelques patrons, parfois, se déplacent s'il y a des complications à l'urgence et des cas problématiques; c'est très rare. Deuxièmement, trop souvent, des patrons ne répondent même pas aux appels qui leur sont communiqués par téléavertisseur. Donc, qu'on ne me parle pas de la valeur pédagogique de la garde.

Quand on parle de l'exposition au nombre de cas, je suis parfaitement d'accord que la fréquence de garde permet l'exposition à des cas qu'on ne verrait pas de jour, si on veut. Ce sont des cas qui arrivent à l'urgence et qu'on observe sur place. Dans les centres hospitaliers, la nuit, il y a des problèmes particuliers qui se présentent, où l'interne ou le résident est confronté avec lui-même, et qu'il doit résoudre éventuellement en communiquant avec un superviseur, s'il est capable d'en trouver un.

Cependant, ce que nous alléguons, c'est que cet apprentissage doit se faire avec une certaine limite. C'est-à-dire qu'à force de ne pas dormir les gens n'apprennent plus rien. Cela, c'est une réalité. Quand on constate qu'actuellement les gens font des gardes de 24 heures, de 17 heures jusqu'à 8 heures le matin, et qu'en général - c'était en général et non pour un cas particulier - ils ne peuvent pas se reposer le lendemain et aller dormir, on assiste à des situations où des résidents en médecine interne, en chirurgie et même dans d'autres spécialités passent 36 heures de suite à l'hôpital. On observe même des situations comme en neurochirurgie où des gens passent 36 heures toutes les 48 heures à l'hôpital pendant les deux années de leur résidence junior. C'est, à mon avis, un non-sens.

M. Chevrette: Je sais que mon temps est écoulé} donc, pour respecter l'alternance, je reviendrai...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. De votre mémoire et de vos remarques, j'ai dégagé trois schèmes d'intervention principaux: les facteurs personnels qui affectent les médecins résidents et internes, les facteurs professionnels et les facteurs pédagogiques. En ce qui a trait aux facteurs personnels, vous résumez dans votre mémoire de quelle façon un être humain, qui est résident et interne, peut être affecté par une surchage de travail. Sur le plan professionnel, vous faites mention de la possibilité d'erreurs de diagnostic; quelqu'un a témoigné tantôt à cet effet. Sur le plan pédagogique, vous nous dites, finalement: On est plus là pour la prestation de services que pour un enrichissement personnel et de l'apprentissage.

Ce qui me surprend - je vous pose un peu bêtement la question - c'est que, tant en ce qui regarde le médecin résident et interne qu'en ce qui concerne le bénéficiaire qui a à recevoir des services de vos membres lorsque vous êtes dans les salles d'urgence ou ailleurs, la seule conclusion que vous tirez est la suivante, que l'on retrouve à la page 34 de votre mémoire: "Le seul mécanisme qui ne soit pas préjudiciable au résident et à l'interne et qui porte par son caractère monétaire une "garantie" d'efficacité est le paiement des gardes excédentaires. Désormais, personne ne peut douter de la nécessité de préserver la norme actuelle comme fréquence de garde maximale. La qualité des soins et de la formation médicale en dépendent. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et instaurer ce mécanisme de contrôle efficace que propose la FMRIQ!" Ce n'est pas une demande monétaire si on lit cela comme cela?

M. Larose: Non, monsieur. Actuellement, dans certains milieux américains, et en particulier en Saskatchewan, on a établi une norme pour la garde. On paie les gardes en excédent, semble-t-il, cela a réglé le problème. Ce n'est pas une demande monétaire, c'est une espèce de caution. C'est-à-dire que, si un individu n'est pas contraint à faire plus de gardes, automatiquement, il n'y a aucun déboursé. Si, effectivement, on est cohérent avec ce qu'on a affirmé et avec ce qu'on a écrit dans la convention collective, automatiquement, il n'y aura pas d'argent à dépenser. On nous a dit que c'était interdit aux centres hospitaliers - c'est écrit dans la convention - de demander plus de gardes que la norme établie. Dans cet esprit, si vraiment l'interdiction vaut, il n'y aura aucune dépense. Tout ce qu'on dit, c'est que l'individu qui est contraint de dépasser la norme, qu'on le paie quand il dépasse la norme. On ne demande même pas le paiement de la garde de base, on vous demande de payer les surplus de telle sorte qu'il n'y ait pas de surplus.

M. Paradis: Votre objectif, si je le comprends bien, c'est qu'il n'y ait pas de surplus. Le centre hospitalier, dans un tel encadrement, pourrait décider, parce qu'il manque de personnel, qu'il manque de ressources, d'utiliser, en deça de la norme, les médecins résidents et internes, et de dire: On va vous payer les surplus. À ce moment-là, les facteurs personnels, le facteur stress, les facteurs pédagogiques demeurent.

M. Larose: Non, monsieur.

M. Paradis: Ce n'est pas parce que vous êtes rémunérés, finalement, que le facteur stress va diminuer. Cela ne vous donnera pas plus d'heures de sommeil.

M. Larose: Monsieur, on ne parle pas de la même chose. D'accord?

M. Paradis: D'accord. C'est pour cela que j'ai posé la question.

M. Larose: Je ne demande pas qu'on soit rémunéré pour avoir le privilège d'en faire plus et de faire de l'argent, ce n'est pas ce que je vous dis. Ce que je vous dis, c'est qu'on ne veut pas en faire plus et on veut que la norme soit respectée. Il est écrit dans la convention que c'est interdit de nous le demander. C'est rien que cela qui est écrit. On n'a qu'à ne pas nous le demander et on n'en fera pas plus. Ce que je vous dis, c'est que cela prend un gars qui est pratiquement malade pour aimer faire des gardes aux deux jours. C'est un non-sens. Qu'on observe la pratique médicale dans son ensemble et pas uniquement les résidents et les internes, on retrouve chez les médecins du Québec et des autres milieux, que ce soit aux États-Unis ou dans les provinces anglophones, le plus haut taux de suicide, le plus haut taux de divorce, la plus courte espérance de vie et tout le bataclan. (11 h 15)

Actuellement, les médecins québécois et ceux d'ailleurs prônent de plus en plus une amélioration de leur qualité de vie. Ils ne veulent plus travailler comme des fous 70 à 100 heures par semaine. Nous aussi, nous voulons être comme cela et nous ne voulons surtout pas que, parce que nos aînés le font, on soit obligé de travailler plus. C'est ce qui se produit actuellement.

M. Paradis: À supposer que l'entente soit respectée et que cela fonctionne comme vous le souhaitez, il y a deux facteurs qui pourraient s'en trouver améliorés: le facteur de stress personnel et le facteur professionnel, la possibilité de poser un diagnostic sans être sous stress, etc., mais le facteur pédagogique demeure. Votre conclusion ne tient pas compte de ce facteur pédagogique. À mon humble point de vue, si le gouvernement disait: Oui, il va y avoir respect intégral, prenez les mesures appropriées, etc., cela réglerait les deux premiers facteurs, mais le troisième, qui est le facteur pédagogique comme tel, je ne vois pas de quelle façon votre conclusion peut y apporter une solution ou une amélioration de ce que vous vivez présentement.

M. Larose: II y a trois éléments. Je vais répondre aux deux premiers et, si vous me le permettez, Mme la Présidente, je vais demander à notre conseiller juridique de répondre au troisième.

Premièrement, le gouvernement a déjà dit oui au respect de la norme. On l'a négocié et on l'a obtenu. Donc, le oui est déjà accordé. Tout ce que l'on demande, c'est le mécanisme pour assurer que cela va fonctionner.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'aspect pédagogique de la garde - je l'ai démontré tantôt et, si cela vous tente de venir dans un hôpital passer une semaine avec nous, vous allez voir ce que c'est que l'aspect pédagogique d'une garde - on est bien d'accord qu'être tout le temps à l'hôpital, 24 heures sur 24, 365 jours par année, cela permet de voir tous les cas qui passent. C'est une réalité, mais à un moment donné il y a une limite que l'on ne veut plus dépasser. C'est vrai que plus tu es là longtemps, plus tu vois du monde, mais à un moment donné cela n'a plus de bon sens. Il faut quand même que tu ailles te laver de temps en temps, que tu prennes le temps de manger, puis il y a des petits besoins naturels qu'il faut satisfaire.

Mme la Présidente, vous m'excuserez si je deviens un peu fâché par cette situation, mais c'est un problème qui nous touche beaucoup et moi-même, j'en ai vécu des gardes comme celles-là.

M. Paradis: Plus précisément, si vous me le permettez, docteur, la question de la supervision comme telle, parce que cela aussi, si l'entente est appliquée, si on lui donne les dents nécessaires, finalement...

M. Larose: Je vais vous donner un exemple.

M. Paradis: D'accord.

M. Larose: Si, la nuit dans un hôpital, alors que je dors depuis dix minutes, une infirmière m'appelle et me dit: II y a un patient qui tousse au 303 C, je me rends au 303 C, j'examine le patient et je découvre qu'il a un épanchement pleural, si je suis au début de ma résidence, j'appelle le résident senior. Le résident senior, s'il ne sait pas ce que c'est, il appelle le patron. S'il sait ce que c'est, le patron ne sera pas dérangé, puis il règle le problème. Il n'a absolument rien appris, il a réglé un problème. Peut-être que quelquefois dans la semaine il va y avoir des problèmes dramatiques et particuliers, mais il n'apprendra rien de nouveau. Ce qu'il apprend, c'est à faire une routine. La routine, qu'il l'apprenne en quatre mois de suite ou que l'on étale les quatre mois sur quatre ans et qu'on lui fasse faire des gardes régulières, il va l'apprendre de toute façon. "Manager" un Infarctus, on peut l'apprendre en étant exposé pendant quatre mois de suite, à toutes les nuits, à des infarctus. On peut l'apprendre aussi en étant exposé le même nombre de nuits, mais réparties sur quatre ans. C'est cela, la situation.

Ce que l'on dit, c'est qu'on est d'accord pour voir le plus de cas possible, mais il faut aussi respecter une chose essentielle. C'est qu'à un moment donné, quand tu ne dors pas, cela ne t'apporte plus rien de voir des cas et aussi que la grande partie du temps attribué à la garde correspond à rendre des services et non pas à apprendre quelque chose. Je serais prêt à

inviter n'importe quel membre de la commission à venir s'asseoir avec nous. On pourrait même vous présenter des journalistes qui l'ont fait. Vous l'avez probablement vu dans les médias d'information, la situation d'apprentissage est à peu près nulle au cours d'une garde.

Si vous me le permettez, je vais laisser la parole à Me Castonguay.

M. Castonguay (Jacques): Ce que je voulais simplement ajouter sur la question que vous avez posée, c'est ceci. Je travaille pour la fédération depuis 1977 et je peux vous dire que la nécessité pédagogique des gardes plus fréquentes, qu'on trouve dans la convention, c'est un problème qui a surgi à partir du moment où on a parlé de contingentement, parce que, assez étrangement, en 1977, quand il n'y avait pas de contingentement, qu'il y avait donc beaucoup plus de résidents, on ne nous a jamais dit que la garde de un sur quatre ou de un sur trois à domicile n'était pas suffisante ou que, s'il fallait faire du un sur deux parfois, cela devenait très impartant. C'est une situation qui n'existait pas, donc on n'en entendait pas parler.

L'autre élément sur la nécessité pédagogique des gardes, c'est que dans la convention terminée depuis 1982, quand on l'avait signée en 1979, il avait été prévu une période de trois ou quatre mois, si je me souviens bien, au début de la convention, qui permettrait aux intervenants du milieu de venir nous voir et de nous justifier des gardes plus fréquentes que celles de un sur quatre et de un sur trois à domicile et que cela pourrait donc permettre d'engager des négociations et parfois donc une norme plus souple pour certaines spécialités. Personne durant cette période de quatre mois n'est venu nous voir pour nous dire: C'est très important dans telle spécialité. Un sur quatre, cela n'a pas de sens. Vous ne verrez pas suffisamment de cas. Personne n'est venu nous voir. De cette façon, la norme a donc été fixée en permanence dans la convention et je vois mal comment on peut nous dire aujourd'hui: Maintenant, ce n'est pas suffisant. Je pense qu'on avait l'occasion de le faire en 1979 et on ne l'a pas fait.

M. Paradis: Une autre question, Mme la Présidente, qui touche la planification de la maîn-d'oeuvre médicale comme telle. On se retrouve en pénurie dans plusieurs spécialités, même dans les centres urbains, comme cela a été mentionné, et de façon plus spécifique dans les régions et encore de façon plus spécifique dans les régions qu'on dit éloignées ou périphériques. Vous avez parlé ou un de vos porte-parole a parlé de l'abolition du contingentement. Est-ce que c'est la mesure que vous proposez?

M. Larose: II y a là plusieurs choses auxquelles il faut penser. Premièrement, il y a la planification générale des effectifs médicaux et, deuxièmement, il y a la répartition de ces effectifs. La planification générale doit se faire dès l'entrée en médecine. Donc, on devrait laisser un marché libre pour les gens qui veulent entrer en spécialité et on est bien d'accord pour limiter le nombre d'entrées en médecine en faculté, il y a une capacité d'accès qui est quand même limitée, mais, quand même, pour les gens qui ont déjà leur formation d'omnipraticien et qui désirent entrer en spécialité, on devrait laisser les choses de façon qu'il y a ait un libre marché dans ce sens-là et qu'on ne se retrouve pas avec une pénurie de spécialistes, comme c'est en train d'être le cas actuellement. On oublie qu'à certaines époques on a formé beaucoup de spécialistes, en particulier dans certaines disciplines, et que cela a été fait sur des cohortes, de telle sorte qu'il y a des spécialités où l'âge moyen est assez élevé et où on risque à un certain moment de se retrouver avec pratiquement la totalité des effectifs qui prennent leur retraite dans un très court laps de temps. Or, il faut penser que, pour reproduire ces spécialistes, cela prend dix ans. On se retrouve alors à une époque qui correspond aux années quarante ou cinquante où on devait importer de l'extérieur nos spécialistes parce qu'on n'était pas capables de les produire nous-mêmes; on a utilisé ces spécialistes pour former nos propres spécialistes et, malheureusement, aujourd'hui, on n'est plus capables de suffire à la demande nous-mêmes. Donc, il faudrait les contingenter à la base pour améliorer la planification générale.

En ce qui concerne la répartition des effectifs, ce qu'on demande, c'est non pas l'abolition du contingentement, mais l'abolition du décret. Le Dr Bergevin, qui est quand même connu, a proposé, à la suite des recommandations qui ont été faites à la table de concertation du 6 mai 1984 sur la répartition des effectifs médicaux, un ensemble de mesures incitatives qui ont été mises en application au cours de l'année et qui sont encore en train d'être mises en application. Lors de cette table de concertation, on avait beaucoup insisté sur l'aspect incitatif d'envoyer des gens en périphérie et non pas sur l'aspect contraignant. On se rappelle que les milieux périphériques eux-mêmes, qui pourtant vivent les problèmes, favorisent les mesures incitatives, tout simplement en alléguant le fait que tu ne peux pas desservir une population quand tu es contraint de le faire. La médecine, cela ne se fait pas sur des automobiles, mais sur du monde et tu ne peux pas traiter un patient que tu hais parce que tu es obligé de vivre à côté de lui et

que tu ne le veux pas. Dans cet esprit, il faut quand même se rendre sur place volontairement et desservir cette population.

Donc, ce qu'on pense, c'est que le décret actuel, par son caractère exclusivement punitif, ne sert à rien et que le terme de trois ans est de beaucoup trop long. Les gens, plutôt que de se plier aux exigences du décret, se disent: Trois ans, c'est trop long. Si j'ai une "job" en ville, je vais la perdre. Si je suis marié, je vais perdre ma femme. Donc, je reste en ville. Par contre, il faudrait utiliser les mécanismes actuels de façon à rendre au moins potentiellement le décret incitatif en prenant en considération qu'effectivement il est là, que c'est un texte de loi, c'est un décret, que c'est très difficile de retirer une parole qui a été donnée d'une certaine façon à la population. Quand on dit: On va prendre tous les moyens possibles, incluant la punition, pour envoyer du monde en périphérie, si, au moins, on disait: Les gens qui font une année en périphérie, un terme d'un an, lorsqu'ils vont revenir, on les exonérera du décret, dans un premier temps, les gens auraient à réfléchir entre les avantages actuels proposés par le Dr Bergevin, plus la surtarification, donc une tarification pour un omnipraticien, par exemple, de 115 % à 70 %. En étant exonérés du décret, un an en périphérie représente 115 % et 100 % et 100 % pour les deux autres années, alors que, pour celui qui ne s'y rend pas, cela représente 70 % pour trois ans. L'objectif de cette mesure était, justement, de créer un écart. Or, l'écart est créé de façon importante la première année et, en plus, la possibilité d'échapper à la périphérie pour les deux autres années augmente l'incitatif et nous permettrait d'envoyer des gens pour une année. Ce qu'on dit, c'est d'envoyer les gens pour une année, et le milieu lui-même devra faire la preuve de sa capacité à garder ces gens. Dans cet esprit, dans un premier temps, on pourrait procéder de cette façon et, dans un deuxième temps, prendre conscience que, lorsque les milieux seront nantis en médecins, on poura réduire le terme de trois ans à deux ans pour ceux qui n'y vont pas et, éventuellement, le réduire à une seule année et peut-être même l'abolir complètement lorsqu'on aura nanti nos milieux périphériques et qu'une routine aura été établie.

En procédant de cette façon, le gouvernement éviterait l'odieux de retirer sa parole et agrémenterait l'odieux subi par les médecins qui ne sont absolument pas favorables à cette mesure d'une possibilité de la faire disparaître à plus ou moins long terme et, en même temps, d'atteindre les objectifs, c'est-à-dire desservir les milieux périphériques.

Ce qu'on dit, c'est: Abolissez le décret.

Si jamais vous nous dites que c'est impossible, qu'il n'y a pas moyen, que c'est coulé dans le béton, au moins, faites en sorte que cette mesure soit incitative, parce que, actuellement, elle ne sert absolument à rien. C'est beaucoup trop long.

M. Paradis: J'aurais une autre question à adresser au Dr Dorion. Dr Dorion, vous avez fait un exposé à partir de notes et vous avez traité des médecins étrangers comme tels. Il y a des choses qui m'ont frappé, mais c'est allé rapidement et je n'ai pas eu le temps de les prendre en note. Est-ce que vous pourriez reprendre cette partie de votre exposé? Vous parliez des médecins étrangers qui pratiquaient en région, etc., par rapport aux centres urbains.

M. Dorion: Oui. J'étais tout simplement en train de dire que, présentement, il y a quand même des besoins manifestés par la population en périphérie, surtout en psychiatrie, où c'est facile de créer les besoins en même temps. Une fois qu'ils sont créés, il faut répondre aux besoins. Alors, plus que par le passé, la nécessité d'avoir des spécialistes devient plus criante dans la perspective où tout le monde, présentement, a conscience de ses droits; pas de ses devoirs, mais de ses droits. II y a donc des urgences qu'on appelle relatives à avoir, en périphérie, des spécialistes en psychiatrie. C'est dans ce contexte qu'il y a eu de l'itinérance, par exemple, à Gaspé, mais qu'à un moment donné cela a cessé. Il y a eu la crise de Gaspé qui a fait la manchette des journaux. Pour éviter de frustrer plus longtemps une population, on est obligé de recourir à des médecins étangers, ce qui se fait présentement. Je pense que, pour des régions éloignées, c'est peut-être pensable d'aller combler l'urgence de cette façon, mais que, dans les villes, ça l'est peut-être moins.

M. Paradis: Si vous me permettez une question additionnelle, Mme la Présidente: Quelle est la différence pour le bénéficiaire entre un médecin étranger qui pratiquerait à Gaspé et un médecin étranger qui pratiquerait à Québec?

M. Dorion: On pourrait trouver d'autres méthodes encore plus incitatives pour permettre à la masse de psychiatres ou de spécialistes qui sont en ville de se déplacer dans les hôpitaux, du moins en périphérie, qui sont en manque de façon temporaire, jusqu'à ce qu'on puisse combler le manque d'effectifs médicaux. Ces moyens incitatifs n'existent pas. On a toujours pensé en termes de régions très éloignées. Mais il ne faut pas oublier qu'ici à Québec, à Robert-Giffard, il y a un manque énorme de psychiatres - on n'a pas pensé à cela -

comme à Louis-Hippolyte-Lafontaine ou à Jean-Talon, dans certains secteurs de Montréal. Encore plus, par exemple, à Lévis ou à Montmagny, où il y a une crise importante de certains effectifs médicaux, on n'a pas pensé à des incitatifs pour cette périphérie en bordure des villes. Ce serait, à ce moment-là, beaucoup plus facile d'en trouver parce que cela ne demande pas des déménagements de familles. Le divorce n'est pas en cause. Le médecin peut partir le matin et revenir le soir. Il y a des facteurs comme ceux-là qui peuvent être considérés. Dans ce contexte, je vois mal comment on pourrait régler immédiatement ce problème en recrutant des médecins étrangers.

(11 h 30)

M. Paradis: Mme la Présidente, vous m'avez indiqué que mon temps était écoulé, mais j'aurais une dernière question si le ministre le permet. D'accord?

Dans une tournée qu'on a effectuée dans la province, on a eu beaucoup de plaintes, autant de la part des médecins généralistes que des spécialistes et des résidents et internes concernant le rôle du conjoint. Les effectifs médicaux sont de plus en plus féminisés, si on peut utiliser cette expression. Mais, d'un côté comme de l'autre de la clôture, on dit que la difficulté pour les régions périphériques éloignées de retenir le médecin ou le résident provient du fait que le rôle du conjoint, soit sur le plan gouvernemental, soit sur le plan de la localité ou de la région, on ne s'en occupe pas, on ne s'y attarde pas. Le conjoint passant 18 heures ou 20 heures seul à la maison six ou sept jours par semaine, cela devient intenable sur le plan conjugal et tous les efforts qui ont été faits, qu'ils soient valables ou pas, tombent à l'eau parce qu'on n'a pas tenu compte de cette possibilité.

M. Larose: En fait, M. le député, il y a différents milieux qui se situent entre deux pôles. Il y a le grand centre urbain où le médecin retrouve tout ce qu'il veut, les activités culturelles, les activités sociales, les activités professionnelles et tout ce qu'il peut désirer, comme la plupart de la population le désire, et il y a le centre très éloigné. On pourrait parler de Frobisher Bay ou de Fort-Chimo, des endroits comme ceux-là, très isolés où, quoi qu'on fasse, on ne retrouvera jamais ce qu'on peut retrouver dans un grand centre. Entre les deux, il y a, évidemment, toute la gamme des villes ou localités où on peut retrouver des situations intermédiaires.

Dans cet esprit, il faut penser qu'on ne peut pas demander à un résident de Gaspé ou de Blanc-Sablon, qui vit là depuis 30 ans, 40 ans, 50 ans ou 70 ans, de venir rester à Québec où il y a des médecins. Il va nous répondre: Écoutez, ma famille est ici, ma "job" est ici, mes enfants sont ici, j'ai toujours vécu ici et j'aime cela. De la même façon, un gars qui vient de Québec, de Trois-Rivières ou de Montréal, c'est assez difficile de lui dire: Va donc t'implanter là-bas jusqu'à la fin de tes jours. Il va répondre la même chose: Ma famille est ici, ma "job" est ici, mes amis sont ici et j'aimerais bien rester ici.

Dans cet esprit, il va falloir réaliser qu'il y a des milieux où on ne pourra jamais établir une permanence médicale, sauf pour certaines exceptions. Cependant, entre cela et une itinérance pure où on a trois ou quatre médecins qui y vont durant le mois et qui coûtent une fortune en frais de déplacement et qui restent deux jours chacun, il y aurait une possibilité d'établir une médecine temporaire. Comme je vous le disais tout à l'heure, on pourrait prendre comme objectif le terme d'une année, qui n'est pas trop pénalisant pour un individu. Il peut laisser sa femme à Québec, à Montréal ou dans un autre centre avec ses enfants et, éventuellement, se déplacer une fois par mois, ce qui coûterait beaucoup moins cher que quatre déplacements. Cet individu serait sur place pendant trois ou quatre semaines dans le mois au lieu d'un total de huit jours.

Nous pensons donc que c'est au milieu de garder les gens. Si un milieu n'est pas capable de retenir son monde, effectivement, les gens ne sont pas intéressés à y rester. On ne peut pas contraindre quelqu'un, de force, à rester à un endroit. On n'est pas en Sibérie, ici, on est au Québec. Je pense qu'en favorisant ce genre de médecine temporaire il y a des gens qui vont rester. Si, dans un milieu, on retient 15 % des médecins, tant mieux; entre 0 % et 15 %, c'est déjà quelque chose. Là, ils ne vont même pas voir parce qu'ils ont peur. Si dans les milieux on retient 50 % des médecins, tant mieux, car, actuellement, on en retient peut-être 10 %. Si dans certains milieux on retient tous les médecins, cela fera ta preuve que ce milieu est comparable à un grand centre. II y a des milieux comme Rimouski, Rouyn-Noranda, et des endroits semblables, où les gens qui s'y rendent restent en général plusieurs années et on a finalement une médecine permanente.

Cependant, l'individu de la ville qui pense partir pour au minimum trois ans a une inquiétude face à son avenir, alors que, s'il se déplace pour une année, automatiquement, il prévoit son retour, il planifie, il prévoit une "job" en revenant. Sa femme peut rester sur place avec ses enfants, il peut se déplacer régulièrement, cela coûte moins cher au système et la population est mieux servie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre.

M. Chevrette: M. Larose, j'ai écouté

avec beaucoup d'attention votre échange avec le député de Brome-Missisquoi. Il m'apparaît qu'il y a des choses qui accrochent un peu. Tout d'abord, la stabilité de la main-d'oeuvre médicale. Vous semblez, par votre proposition d'un an, trouver là le remède à tous les maux. Je pense que, dans nos régions naturelles, il y a des moyens de rétention de personnel ou de gens beaucoup plus par le biais des équipements médicaux, par exemple. On sait très bien qu'on n'a jamais doté nos capitales régionales d'équipement adéquat. Il y a des gens qui veulent exercer d'une façon professionnelle et, s'ils avaient l'équipement nécessaire, ce serait peut-être un meilleur incitatif que la question pécuniaire ou l'obligation de faire un an de stage en dehors de leur milieu dit naturel.

D'autre part, si on laissait aux professions médicales le soin de dresser à elles seules les plans quinquennaux de planification, je ne sais pas comment on se ramasserait en bout de course comme société. Cela m'amène à vous poser deux questions. Tout d'abord, M. Castonguay vient d'affirmer devant nous que les problèmes vécus au niveau des internes ou des résidents remontent à 1977 avec l'avènement du contingentement. J'aimerais qu'il concilie cela avec l'énoncé de son mémoire, en page 4, en haut, qui traite de ce problème à compter de 1965.

M. Castonguay: De quel mémoire parlez-vous?

M. Chevrette: Votre propre mémoire, celui que vous avez déposé.

M. Castonguay: II y en a quatre.

M. Chevrette: Page 4: Heures de travail. Je vous lis votre phrase.

M. Castonguay: Sur la planification?

M. Chevrette: Oui. "En 1965, le nombre d'heures où l'interne ou le résident est tenu d'être présent à l'hôpital varie de 80 à 140 heures. Il est de garde de 24 à 36 heures sur 48 durant la semaine et il demeure en service du samedi matin au lundi soir durant les fins de semaine. " C'est dans votre propre texte. Si le problème était là en 1965, je voudrais savoir quel effet a eu le contingentement en 1977.

M. Castonguay: Ce que je vous ai dit sur le contingentement... D'abord, ce n'est pas en 1977 qu'on a commencé à en entendre parler, c'est en 1979. Cet élément de la valeur pédagogique des gardes, c'est une chose dont on a entendu parler à ce moment-là. Avant cela, personnellement, je n'en avais jamais entendu parler. Tout à coup, en 1979 ou autour de 1979, quand le contingentement a commencé, on a commencé à nous dire qu'il y avait là un aspect pédagogique très important, qu'il fallait qu'il y ait beaucoup de gardes. C'est dans ce contexte qu'en 1980, quand le contrat qui s'est terminé en 1982 a été signé, on nous a convaincus de mettre dans la convention collective qu'on pourrait venir nous voir pour négocier des gardes plus fréquentes, compte tenu, justement, de cet aspect pédagogique. Mais personne n'est venu nous voir, ni le gouvernement, ni les facultés, ni la corporation professionnelle.

M. Larose: Si vous me le permettez, Mme la Présidente, M. Gouin, le directeur général voudrait compléter.

M. Gouin (Jean): En fait, ce que le ministre Chevrette apporte, c'est plutôt un exemple qu'on a donné en 1965 d'une situation donnée. Par contre, si on se réfère à notre quatrième mémoire, à la page 3, on voit très bien la diminution des effectifs, du nombre de médecins résidents et internes depuis 1975-1976. On se souviendra qu'en 1968 la remise en question du contingentement avait été abordée par le gouvernement, prétextant qu'il y avait un surplus d'effectifs médicaux pour l'avenir.

En 1970-1971, si on regarde le tableau de la page 3 de notre quatrième document, on avait 2368 résidents et internes au Québec pour environ 41 centres hospitaliers universitaires. Aujourd'hui, nous en avons 1796, ce qui signifie une baisse effective et réelle de 24 % et, par conséquent, un accroissement de la tâche d'autant.

M. Larose: Mme la Présidente, si vous me le permettez, je compléterais aussi l'argumentation. II faut aussi prendre conscience que depuis 1970 les habitudes de consommation du public ont beaucoup augmenté et, de plus, la population a aussi un peu augmenté. Donc, pendant qu'on réduisait le nombre de résidents et d'internes, la population augmentait et surtout ses habitudes de consommation ont grandement augmenté.

On cite l'exemple que les gens pouvaient passer 80, 100 ou 150 heures par semaine à l'hôpital - je ne me rappelle pas les chiffres exacts - à l'époque. Il faut quand même penser qu'ils étaient peut-être plus longtemps à l'hôpital, mais cela ne veut pas dire qu'ils travaillaient plus à l'hôpital. À l'époque, la médecine était considérée comme une vocation au même titre que la prêtrise et, finalement, les gens consacraient pratiquement tout leur temps à leurs activités académiques. Il y a eu une modification des mentalisés autant au niveau de la population qu'au niveau du monde médical. Je pense que la province de Québec

pourrait faire preuve, pour une fois, de leadership dans ce domaine et permettre aux médecins de vivre au même titre que l'ensemble de la population québécoise.

J'aimerais aussi répondre à la question indirecte que vous avez posée tout à l'heure. Vous avez dit: Est-ce qu'on peut laisser aux médecins le soin de la planification médicale dans un plan quinquennal? On ne vous demande pas de laisser aux médecins le soin de la planification médicale. On vous demande la planification d'un comité permanent qui permette de réunir les différents intervenants tant au niveau universitaire, parce qu'on parle de la formation proprement dite, qu'au niveau de la corporation, puisqu'on parle des soins au public, qu'au niveau du gouvernement, qui paie la note finalement, et qu'au niveau des fédérations de médecins, de la Fédération des médecins résidents en particulier, pour que ces gens-là puissent soumettre leur vision médicale du problème au lieu de laisser entre les mains de fonctionnaires de l'État, qui, finalement, n'ont pas cette compétence et cette expérience, la responsabilité de trancher des débats qui concernent des soins à la population, donc des soins humanitaires, et pas uniquement des questions d'argent.

Vous me disiez qu'on propose une norme miraculeuse d'une année. Ce qu'on vous dit, c'est qu'actuellement les gens vont en périphérie pour voir ce qui se passe et, souvent, ils ne veulent pas y rester. Certains y restent, mais je sais qu'il y aurait beaucoup plus de gens qui iraient voir s'ils savaient que cela fait partie d'un certain plan de carrière. Proposer ce déplacement d'une année sur une base volontaire, ce serait déjà, je pense, un incitatif extrêmement important.

M. Chevrette: Dr Larose, on a beaucoup parlé de la surcharge de travail des résidents et internes qui était liée à la résultante d'un stress. Selon les chiffres de la RAMQ, on remarque qu'il y a 386 résidents sur 1200 qui facturent pour une moyenne de 19 843 $ par année. Les données que nous avons se situent entre juillet 1982 et novembre 1984. C'est une moyenne de 10, 6 heures par semaine. Comment conciliez-vous ces données avec l'affirmation de la surcharge en garde?

M. Larose: J'ai dit tout à l'heure que le problème de garde ne touchait pas nécessairement simultanément 95 % des résidents et des internes. J'ai dit qu'il touche presque la totalité d'entre eux pendant au moins une partie de leur formation et certains pendant toute la durée de leur formation. Qui plus est, dans les jours qui vont venir, d'autres intervenants vont vous démontrer qu'il n'y a pas de problème de garde et ils vont probablement réussir, chiffres à l'appui, parce qu'il n'y a pas de plaintes. Cependant, il y a quand même un pourcentage, peut-être 20 %...

M. Chevrette: Je précise ce que j'ai dit. Les 19 000 $, c'est pour Urgences-santé. Le reste, c'est 6000 $ en moyenne.

M. Larose: D'accord.

M. Chevrette: À Urgences-santé, vous en avez 386, pour une moyenne de 19 000 $.

M. Larose: À supposer qu'il y ait, à un moment donné, entre 10 % et 20 % des résidents en prévalence qui sont surchargés par leur garde, cela n'exclut pas le problème, premièrement. Deuxièmement, cela veut dire qu'il y en a 80 % qui ont peut-être plus de disponibilité. Vous me dites que 300 résidents, cela représente 10 % à 15 % de nos effectifs qui peuvent se permettre de faire du "moonlighting". C'est évident que, dans notre système comme ailleurs, il y en a qui en ont la chance. Je pense à des gens qui oeuvrent dans le domaine de la santé communautaire ou dans d'autres domaines ou qui ont beaucoup moins de garde, beaucoup moins de travail - leur travail, c'est plus une activité académique - et qui rendent des services à la population québécoise, en particulier à titre d'omnipraticiens. Je pense, par exemple, à Urgences-santé - c'est ce que vous nous disiez tout à l'heure - où une grande partie des effectifs, sinon la majorité, est constituée de résidents, qui ne pourrait pas survivre et qui, automatiquement, ne fournirait pas un service très adéquat à la population montréalaise sans la présence de ces résidents. La main-d'oeuvre étudiante, par exemple, des spécialistes en formation qui ont déjà leur permis de pratique, permet actuellement de combler certaines lacunes du système. Non seulement c'est à l'avantage de la population québécoise, mais c'est même aussi à l'avantage de leur formation parce que, dans cet esprit, c'est un peu comme s'ils faisaient des gardes, mais ils sont payés pour le faire.

M. Castonguay: Me permettez-vous d'ajouter ceci, M. le ministre?

M. Chevrette: Oui.

M. Castonguay: À ce sujet, on s'est déjà fait présenter des statistiques un peu analogues aux chiffres de la régie. Je ne vous dis pas que celles que vous nous présentez aujourd'hui ont le même défaut, mais celles qu'on nous a déjà présentées ne tenaient pas compte, semble-t-il, des gens qui avaient aussi abandonné leur résidence en cours de route et qui pratiquaient comme omnipraticiens, évidemment, tout en étant

encore considérés comme des résidents au sens des chiffres de la RAMQ. Alors, cela a pu fausser un peu les données.

M. Chevrette: On dit que les 30 % qu'on vous donne, c'est uniquement pour les résidents qui ont fait une année complète. Cela équivaut à environ 30 %, 386 sur 1200, à moins que je ne sois pas vite en maths.

M. Larose: Sur 1200, c'est environ 30 %. Là encore, vous nous parlez d'une moyenne. Il y a des gens qui font beaucoup plus de "moonlighting". II y a même des résidents, dans des cas particuliers, qui ont chiffré...

M. Chevrette: Mais, à ce moment-là, ce serait terrible.

M. Larose: Cela existe.

M. Chevrette: Ceux qui en font plus et qui se plaignent en plus d'avoir trop de gardes, ils sont arrangés comme un ministre.

M. Larose: M. le ministre.

M. Chevrette: Ils travaillent sept jours par semaine à raison de 19 heures par jour.

M. Larose: Je peux vous dire - c'est un exemple personnel puisqu'on est ici pour témoigner - que personnellement j'en fais du "moonlighting". D'ailleurs, j'ai beaucoup de... (11 h 45)

M. Chevrette: II y en a au moins un qui m'inquiète, parce qu'il a fait 111 000 $.

M. Larose: Bien, allez le voir et demandez-lui.

M. Chevrette: II ne doit donc pas se plaindre de trop de gardes, celui-là, dans les hôpitaux, à 111 000 $.

M. Larose: Mais moi, M. le ministre, je peux vous donner un exemple...

M. Chevrette: Pour votre information, cela varie de 9000 $ à 111 000 $. Donc, ceux qui sont près de 100 000 $, ce ne doit pas être eux qui sont surchargés dans les salles d'urgence ou par les gardes. Ils doivent avoir vraiment du un sur quatre, un sur trois et n'avoir pas grand-chose à faire durant la journée trois et la journée quatre, entre vous et moi. Je veux bien qu'on en mette, mais, à un moment donné, trop c'est trop.

M. Larose: Ce que je ne comprends pas, M. le ministre, c'est comment cet individu peut réussir à passer sa résidence.

M. Chevrette: Pardon?

M. Larose: C'est quand même un cas d'exception que vous me citez. Cela existe. Mais je vais vous citer un cas plus général.

M. Chevrette: Oui, oui. Je suis bien obligé de vous citer des cas d'exception, quand vous témoignez et dites vous-même que ce n'est pas généralisé comme système, mais que cela se fait. C'est la réponse que vous avez donnée tantôt à une de mes questions.

M. Larose: M. le ministre, je vais vous citer un cas plus général.

M. Chevrette: La même chose, je suis obligé de vous dire que ce n'est pas la règle générale. S'il fallait que tous les résidents soient à 111 000 $, je vous avoue que je ne suis pas sûr que j'aurais contribué à une explicitation d'un problème public par une commission parlementaire. Ils ne sont pas trop à plaindre.

M. Larose: M. le ministre, je pense que vous vous arrêtez sur un chiffre qui n'est absolument pas une règle générale...

M. Chevrette: Non. Je l'admets.

M. Larose: D'accord. C'est même un cas excessivement exceptionnel. Je conçois difficilement qu'un individu qui fait 110 000 $ dans l'année soit capable de faire sa résidence en même temps. Il y a un problème quelque part. Effectivement, cela mériterait même une évaluation de la situation.

Indépendamment de cela, les résidents qui font du "moonlighting"... J'en suis un et je ne m'en cache pas. Je peux vous expliquer un cas très particulier. Je fais des gardes. Je fais une garde de fin de semaine complète de trois jours à tous les deux mois. Je fais aussi une garde par semaine. C'est ma fréquence de garde. Je suis en psychiatrie. Une fois par mois, je vais deux jours à Gaspé parce que mon amie est à Gaspé pour une année et elle va revenir ensuite. C'est notre façon à nous de survivre au système. On se déplace chacun à son tour.

Quand je vais à Gaspé, je retire environ 850 $ de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce qui représente 10 000 $ par année. En général, c'est la façon dont les gens procèdent. Ils font quelques gardes à Urgences-santé quand ils sont à Montréal et ils font quelques gardes, s'ils sont en psychiatrie, dans les centres hospitaliers psychiatriques où il n'y a personne pour faire la garde la nuit. Donc, ils rendent un service à la population.

Évidemment, ces chiffres sont assez élevés quand on considère que la rémunération des médecins est beaucoup plus élevée

que celle des résidents. Cela paraît rapidement exhaustif. Quand on pense qu'un médecin peut faire 30 000 $ en trois mois, c'est assez rapidement que les chiffres montent et paraissent précisément très élevés. Quand on pense aussi que les gens qui vont dans les milieux périphériques pas trop éloignés ou même qui vont dans des milieux comme Montréal ont des tarifications particulières, par exemple, cinq vacations pour une garde de 24 heures, évidemment, le montant est assez élevé et apparaît dans vos chiffres comme étant quelque chose d'exorbitant.

Je continue de maintenir que ces gens rendent un service au système, qu'ils ne sont pas la majorité des résidents mais la minorité et que cela n'interfère absolument pas avec le problème de la garde qui peut toucher une autre population de résidents. Il faut aussi se rappeler qu'une résidence dure quatre à cinq ans et qu'un gars qui peut faire du "moonlighting" pendant sa quatrième année peut avoir été, pendant sa première et sa deuxième année, de garde à presque tous les jours.

M. Chevrette: Je conclurai là-dessus, madame. Je sais que vous voulez également prendre la parole. Vous avez opté pour vous syndiquer en vertu du Code du travail, d'avoir le pouvoir de négocier un contrat en bonne et due forme. Vous faites face à un ministère qui n'a pas entière juridiction comme porte-parole parce que vous savez très bien que l'enseignement supérieur relève d'un autre ministre, que les universités ont des chartes et des pouvoirs qui leur sont dévolus par législation.

D'autre part, vous traitez de sujets qui, à mon avis, dépassent un peu beaucoup la notion de conditions de travail comme telles. Je pense qu'il faudrait peut-être s'arrêter très longuement là-dessus, à une autre tribune que celle d'une table de négociation, pour régler ce genre de problème, à mon avis en tout cas. Parce que quand on parle du rôle de formation de l'université et que vous devenez un organisme de revendication, à toutes fins utiles, tout comme une centrale syndicale ou comme un syndicat, et que vous traitez des dimensions ou des paramètres de formation parce que vous êtes à la fois médecins, mais en voie de spécialisation, à ce moment, votre statut de syndiqué vous place, vis-à-vis des autres interlocuteurs, avec un statut de revendicateur autorisé légalement de le faire et vous touchez automatiquement à des modifications éventuelles du législateur qui, lui, a donné des pouvoirs à l'université, qui en a donné aux centres hospitaliers, et il y a au moins deux ministères qui sont impliqués en plus. Ce qui fait une négociation, entre vous et moi, drôlement difficile à comprendre ou à conduire. Il n'en demeure pas moins que je pense entre autres aux gardes. On peut bien marquer dans le contrat collectif un sur trois, un sur quatre. On pourrait bien donner des directives extrêmement sévères aux hôpitaux, dire que c'est un sur quatre, c'est un sur trois et rien d'autre. On pourrait demander à mon collègue de l'Enseignement supérieur de faire de même, d'avoir des directives extrêmement fermées, extrêmement sévères. Moi, j'ai une interrogation derrière cela. Quel serait le fruit ou le résultat d'une formation vraiment correcte? Il me semble qu'il y a beaucoup de place pour du dialogue, de la discussion dans cela autrement que dans le cadre d'une convention collective et je vous demanderais de bien réfléchir à ce point.

C'est quand même sérieux, la formation d'un professionnel, il me semble que le dialogue et le discours doivent être bien au-delà d'un simple échange dans des contrats collectifs ou des contrats de travail comme tels. On est porté à rire bien souvent de la dimension vocation. Mais tout professionnel doit y croire fondamentalement. Je ne dis pas cela pour faire mon grand paternel, mais je pense qu'au niveau de chacune des professions ceux qui émergent, ceux qui se bâtissent une crédibilité le font bien au-delà de la revendication traditionnelle. Il y a un professionnalisme, il me semble, qui 'est le souci premier de quelqu'un qui est en voie de formation. Je pense que ce n'est pas votre faute. Le seul moyen que vous ayez trouvé de faire vos revendications, cela a été l'accréditation en vertu du code. Cela aurait pu être une négociation, une reconnaissance tout comme on reconnaît, par exemple, la Fédération des omnipraticiens purement et simplement par la Loi de la RAMQ, on aurait pu faire une négociation de ce genre. Cela aurait pu être une filiale purement et simplement des deux fédérations, peu importe la structure. Je crains toujours que, lorsqu'on fait ce genre ou ce type de discussion, on oublie la notion de formation intégrale, complète, totale, parce qu'on pourrait verser facilement dans la traditionnelle revendication et oublier l'objectif fondamental et initial. Je voulais vous le dire parce que je crois fondamentalement à cela et trop souvent on l'oublie dans le cadre de nos échanges.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le ministre. J'aimerais vous poser quelques questions.

M. Larose: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Larose: Est-ce que vous me permettez de répondre au ministre, s'il vous plaît? Même si ce n'est pas une question directe, j'ai senti beaucoup de questions dans

son exposé. En tout cas, j'aimerais au moins faire un commentaire. Premièrement, vous nous avez parlé du Code du travail, de la loi dans laquelle on a choisi d'être représentés. Je vous rappelle que cela a pris pratiquement une dizaine d'années avant qu'on réussisse à se faire reconnaître d'une certaine façon et qu'on a demandé pendant des années une reconnaissance officielle du ministère des Affaires sociales. C'est en ultime ressort, si on veut, il y a trois ans, qu'on a voulu se faire accréditer, ce qui a été refusé, et je rappelle également que, pendant trois ans, on a recouru au processus judiciaire contre le gouvernement pour régler ce problème. C'est finalement en désespoir de cause que le gouvernement n'est pas allé en Cour suprême, parce que trois juges d'une cour provinciale ont rendu un jugement unanime nous donnant le droit de nous accréditer, avec le ministre des Affaires sociales comme interlocuteur privilégié. Dans cet esprit, c'est ce pourquoi on a le Code du travail. Jamais la Fédération des médecins résidents et internes du Québec n'a affirmé que c'était le système idéal, mais il n'y en avait pas d'autre qui nous permettait de nous faire représenter.

Deuxièmement, vous nous parlez de l'interférence de l'aspect pédagogique et de l'aspect travail de notre tâche, si on veut. Je vais vous dire qu'il y a plus que cela. Il y a une interférence dans trois domaines. Il y a un côté professionnel avec les responsabilités médicales qu'on a, parce que les patients - on est peut-être supervisé ou soi-disant supervisé - peuvent nous poursuivre comme n'importe quel médecin et on a aussi, quoi qu'on en dise, une vocation qui nous oblige personnellement à nous sentir contraints de les traiter quand ils nous arrivent comme ça, mal en point, ceci au détriment même de notre propre fatigue et notre souci professionnel est garanti par notre présence ici. Ce n'est pas pour rien qu'on est venu vous apporter notre témoignage et nos plaintes.

Il y a aussi l'aspect pédagogique et vous avez raison. Mais jamais on n'a tenté de contraindre les universités à définir les programmes en fonction de ce qu'on veut. Ce qu'on demande, c'est que le ministère des Affaires sociales, qui est officiellement notre employeur, qui est représenté par les hôpitaux, d'accord, assure aux résidents et internes que ces hôpitaux vont respecter par le biais des contrats d'affiliation, qui bien souvent sont, soit dit en passant, assez peu respectés, les exigences universitaires qui doivent être respectées dans les milieux hospitaliers. Donc, on ne demande pas de définir l'aspect pédagogique; ce qu'on veut, c'est que l'aspect travail n'interfère pas avec cela. On travaille parce que, indirectement, on apprend; cela ne doit pas être le contraire. On ne doit pas apprendre parce qu'on travaille.

Finalement, les résidents et les internes ont demandé, par le biais de leur convention collective, un mécanisme qui permette de concilier les trois aspects que je viens d'énoncer. C'est l'appareil obligatoire, exécutoire. Je suis bien conscient que le MA5, le ministère des Affaires sociales, n'a pas entière juridiction sur cet ensemble de domaines et que, depuis quelques années, le ministère de l'Éducation a droit de regard; il y a le Conseil du trésor qui chapeaute tout cela, les universités, la corporation et mettons-en. Cependant, le gouvernement du Québec qui, lorsqu'il se fait élire, assure à la population québécoise qu'il va garantir à tous les citoyens sans exception et incluant les médecins une qualité de vie décente et comparable à celle de son * voisin doit garantir aux résidents et internes la même qualité de vie. Il n'est absolument pas question que, dans un régime comme le nôtre, une classe de population, en nous vantant que plus tard on va avoir des privilèges particuliers, soit astreinte à une tâche qui n'a absolument pas de bon sens. Non seulement, on met en péril la qualité physiologique et psychologique des individus qui font cette tâche, mais en plus on met en jeu leur formation proprement dite. En définitive, c'est l'ensemble de la population qui va être pénalisé pour cela. Les jeunes médecins, lorsqu'ils terminent, s'ils sont déjà sevrés de leur travail et désintéressés, n'auront jamais une qualité médicale au Québec à long terme qui va être efficace. Il faut absolument tenir compte des individus, les respecter et leur permettre au moins un développement harmonieux, non seulement professionnel et pédagogique, mais aussi personnel, parce que nous aussi sommes du monde et on a envie d'être traités comme du monde.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avant de vous poser des questions pour mes collègues, je voudrais simplement faire part du temps qui a été alloué à chacun. Dans le moment, il reste une minute et demie aux ministériels et il reste 24, 5 minutes à l'Opposition.

M. Laplante: En une minute et demie, on ne peut même pas poser une question.

M. Paradis: Cela va être fini...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a le principe de l'alternance pour commencer.

M. Paradis:... si vous ne voulez pas de réponse, c'est...

M. Laplante: C'est correct.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Remarquez bien que nous avons pu profiter d'au moins une demi-heure de plus, compte tenu que ceux qui devaient vous suivre ne sont pas ici ce matin ou ont manifesté le désir de ne pas se présenter. Le document que vous présentez est évidemment très important. Il touche à des points qui rejoignent, dans la mesure où on y apporte des corrections, où on les examine sérieusement, toute la question de la qualité des services médicaux aux bénéficiaires. Je trouve que c'est très vaste comme domaine à examiner, même en si peu de temps.

Si je reprends les uns après les autres, mais très brièvement, dans la première partie, les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les résidents et internes, vous suggérez un mécanisme qui permettrait une rémunération supplémentaire. Si je ne m'abuse c'est bien cela. Peut-être que vous pouvez me donner plus rapidement les pages de vos recommandations là-dessus.

M. Larose: À la fin, madame, vous avez un résumé-La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, oui, je l'ai vu. J'ai relu votre texte aussi.

M. Larose: Est-ce que vous me permettez?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y.

M. Larose: Sur la rémunération supplémentaire, c'est une correction qu'il faudrait apporter, ce n'est pas une rémunération supplémentaire qu'on demande. Que ce soit bien clair: ce n'est pas parce que les gens veulent faire plus de gardes...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Larose: Cette rémunération ne sera jamais équivalente, par exempte, au "moonlighting". Ceux qui ont le temps de faire du "moonlighting", ne feront pas des gardes à l'hôpital, ils vont faire du "moonlighting". On ne demande pas un montant exorbitant ou l'équivalent de ce que gagnerait un médecin qui est en pratique. On demande un équivalent de peut-être 50 % du tarif, mais qu'il y ait un montant attaché à cela. De la sorte, lorsqu'on dépassera, mais uniquement dans ce cas-là, la norme garantie par notre convention et qui oblige les centres hospitaliers à ne pas nous en demander plus, c'est uniquement alors que les hôpitaux ne la respecteront pas qu'ils vont payer. Ce n'est donc pas une rémunération supplémentaire, c'est une espèce de caution.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

En fait, selon ce que vous dites, votre souhait, c'est qu'il n'y ait pas de travail excédentaire.

M. Larose: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, dans le cas où les hôpitaux ne prendraient pas les mesures pour contrer cette possibilité de travail excédentaire, qu'ils soient pénalisés en vous rémunérant à 50 % de...

M. Larose: C'est cela. (12 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Tantôt, j'ai entendu vos commentaires sur l'ombudsman du ministre. Je ne reviens pas là-dessus.

Vous parlez d'un effort de rationalisation des centres hospitaliers universitaires en termes d'effectifs résidents et internes. On sait tous qu'au Québec on a une norme médecins-patients qui est très élevée, ou très basse, selon le point de vue où on se place, où il y a beaucoup de médecins pour la population, où le ratio est élevé. Quand vous parlez d'augmenter les effectifs de résidents et internes et que, tout à l'heure, vous avez parlé des limites qu'a apportées le contingentement, il reste que ceci est quand même partie de...

J'ai des questions sur le contingentement des spécialistes par rapport à la formation des omnipraticiens. Il ne faudrait quand même pas qu'on entre là-dedans, parce que c'est assez complexe. J'ai l'impression que cela s'est peut-être fait d'une façon un peu arbitraire. Il n'y avait peut-être pas de ratio très précis derrière cela, mais, vous autres, d'une façon plus précise, comment voyez-vous cette proportion? Est-ce que c'est par une augmentation des résidents et des internes et, par conséquent, une augmentation de la main-d'oeuvre médicale?

M. Larose: Je vais vous répondre. Il y a deux choses. Premièrement, la tendance naturelle actuelle fait, si je me souviens bien, qu'il y a à peu près 50 % d'omnipraticiens et 50% de spécialistes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 40 % - 60 %, c'était l'objectif...

M. Larose: C'est l'objectif, 40 % -60 %...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Laroseî... mais la tendance naturelle fait qu'actuellement on est à peu près aux alentours de 50 % - 50 %. C'est peut-être 45 % - 55 %...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On

me dit: 48 % - 52 %.

M. Larose: Donc, c'est l'ordre de grandeur. Cela a été une tendance naturelle. Il semble que, naturellement, les gens tendent vers quelque chose de ce genre-là. Donc, nous, ce qu'on dit: Vous devriez laisser aller le marché libre là-desssus de telle sorte que les ratios s'établissent en fonction des besoins des médecins et de la population, c'est-à-dire des besoins professionnels des gens qui peuvent avoir le goût de faire une spécialité plutôt que l'omnipratique et qui, peut-être ultérieurement même, vont revenir en omntpratique, parce qu'il y a beaucoup de désistements. Deuxièmement, il y a les besoins de la population, car il faut quand même réaliser que, dans plusieurs spécialités actuellement - je pense à la cardiologie, par exemple... L'Association des cardiologues a émis un mémoire il n'y a pas longtemps qui nous démontre clairement qu'il va y avoir une pénurie d'ici à quelques années. La planification doit donc tenir compte des exigences des spécialités. Je ne suis pas sûr que c'est fait actuellement. Je pense que les individus qui sont les plus compétents pour définir les exigences d'une profession, ce sont les gens qui la pratiquent. Donc, pour définir nos effectifs en cardiologie, on devrait aller voir les cardiologues et leur demander comment ils pratiquent et faire une espèce de table ronde avec eux pour discuter de cela, et la même chose pour les spécialistes en neurologie ou en psychiatrie ou en n'importe quoi. Donc, il y a une planification globale qui doit avoir lieu en tenant compte des besoins de la population et de la possibilité de fournir les services par les médecins. Deuxièmement...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous interromps tout de suite. Est-ce que vous avez fait des études comparatives avec le nombre de résidents et internes? On se compare toujours à notre province voisine ou à l'ensemble du Canada. Est-ce qu'on est défavorisés par rapport aux autres provinces?

M. Larose: Je peux vous dire, madame que je n'ai pas de chiffres très précis là-dessus. Est-ce que...

M. Gouin: Tout ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que le Québec, en termes d'effectifs de résidents et internes, est deuxième au Canada. D'ailleurs, l'Ontario a environ une masse de 2300 résidents et internes à peu près. Je me trompe peut-être à 100 près, mais c'est à peu près cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils ont 2 000 000 de plus de population.

M. Gouin: Oui, mais je n'ai pas... C'est peut-être 2 000 000 de plus de population.

Le point qui est important, quand vous parlez d'efforts de rationalisation dans les centres hospitaliers de la masse de résidents et internes, c'est qu'au lieu de saupoudrer les résidents et internes dans différents centres, un par ci, deux par là, trois par là, c'est d'essayer de les regrouper peut-être dans moins de centres hospitaliers, mais au moins permettre à ce moment-là une meilleure formation, ne serait-ce qu'au niveau des unités d'enseignement clinique. Cela va être beaucoup plus facile d'implanter à ce moment-là les unités d'enseignement clinique. Cela va être beaucoup plus facile à ce moment-là de faire respecter la question de la norme au niveau des horaires de garde, etc. Je l'ai dit et je l'ai répété tout à l'heure, en 1970, il n'y avait pa3 de problème. Dans 41 centres, il y avait 2378 résidents et internes. La norme était très bien respectée avec cela. C'est en diminuant le nombre d'effectifs et en gardant le même nombre de centres hospitaliers, c'est clair, qu'on se heurte à des problèmes. C'est dans ce sens-là que le contingentement est problématique pour les résidents et internes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'après vous, c'est une rationalisation aussi du nombre de centres hospitaliers universitaires?

M. Larose: C'est cela, mais pas nécessairement en coupant de façon radicale. Ce qu'il faut penser, c'est qu'il y a des centres hospitaliers universitaires qui sont surspécialisés, si on veut, dans certaines spécialités ou même en urgence. Cela peut être intéressant, d'ailleurs, un hôpital où il n'y a que des omnipraticiens et pas de spécialistes. Ce qu'il faudrait penser, c'est de faire en sorte qu'il y ait un certain nombre de gros centres universitaires où on regroupe la majorité des internes et, dans ces centres, on devrait retrouver des internes et des résidents. On devrait retrouver la majorité, si on veut, des spécialités et la majorité des services, des enseignants et tout ce qui s'associe à l'enseignement médical avec la possibilité de former des gens pour l'enseignement clinique, la possibilité d'avoir des horaires de gardes qui ont du sens. Parallèlement à cela, il peut continuer d'exister des centres universitaires plus restreints où il y ait moins de résidents mais en tenant compte du fait qu'il y a moins de résidents. Dans des milieux où il y a, par exemple, deux résidents en psychiatrie, les gens ne sont pas automatiquement de garde pour tout couvrir. Il font une garde par semaine, comme ils le feraient dans un autre milieu où il y en a plus. Ce qu'il faut éviter, c'est que, dans un milieu, il y ait 4 ou 5 résidents et que ceux-ci soient considérés comme étant dans un milieu où il y en aurait 15 ou 20. Il faut donc

rationaliser et regrouper dans certains grands centres, ce qui n'exige pas automatiquement que tout le reste soit aboli.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En ce qui a trait aux unités d'enseignement clinique, j'ai vu un passage que je ne retrouve pas pour le moment... Oui, c'est dans les annexes 1, 2, 3, 4 de votre deuxième partie, j'imagine; on y voit la liste des unités d'enseignement clinique par spécialité et par hôpital, pour l'Université Laval, l'Université McGill, l'Université de Montréal et probablement l'Université de Sherbrooke. Â votre avis - vraiment à l'oeil, parce qu'il faudrait l'examiner plus en profondeur - il semble que, dans le cas de l'Université de Montréal et celui qui m'a particulièrement frappée, de Cité de la santé, à Laval, qui est reconnu comme un centre universitaire, il n'y a, selon ce que je peux comprendre, du moins dans ces spécialités, aucune unité d'enseignement, si je comprends bien votre tableau.

M. Larose: Non. Il y a trois choses dans ce tableau.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Larose: II y a des endroits où il y a des unités qui sont non fonctionnelles, qui ne fonctionnent pas nécessairement. Il y a des endroits où il n'y en a pas du tout. Il y a aussi des endroits où cela ne s'applique pas, soit qu'il n'y ait pas de résidents qui...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais vous le notez quand cela ne s'applique pas.

M. Larose: Oui, c'est écrit.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est indiqué.

M. Larose: Je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le premier, Cité de la santé, à la page 18 de l'annexe 3...

M. Larose: Si vous le voulez, le Dr Marchand va vous répondre là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Larose: II vient de l'Université de Montréal et il pourrait vous apporter plus de précisions.

M. Marchand (Richard): En fait, dans le cas de Cité de la santé, c'est un nouvel hôpital qui est structuré pour la médecine familiale. Au sens de la médecine familiale, c'est un réseau comme tel et, comme il n'y a pas de pyramide, il n'y a pas de cascade directe d'enseignement. Donc, il n'y a pas d'unité clinique par définition et il n'y a pas de regroupement comme tel par définition. Donc, cela ne correspond pas pour ces spécialités, parce que c'est vu à l'intérieur de la médecine familiale. En fait, c'est ni "oui", ni "non", ni "ne s'applique pas" qui serait le plus véridique pour Cité de la santé. C'est un hôpital particulier...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Prenons Verdun alors.

M. Marchand: C'est la même chose. Ce sont les deux derniers des nouveaux hôpitaux pour l'omnipratique; comme il n'y a pas de cascade d'enseignement, c'est, encore une fois, ni "oui", ni "non", ni "ne s'applique pas". C'est un système différent.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Alors, pouvez-vous me dire d'une façon concrète où manquent ces unités d'enseignement?

M. Marchand: Dans tous les hôpitaux universitaires vrais qui ont la cascade des internes et des résidents, spécialement, par exemple, en obstétrique-gynécologie et en chirurgie. Tout à l'heure, on a donné un exemple. Effectivement, dans l'hôpital francophone le plus important de l'île de Montréal, on a de la difficulté, à cause des problèmes de lits, d'organisation, d'admission par le biais des urgences, à obtenir un éventail de clientèles qui permetttrait une exposition à toutes les pathologies. Ces spécialités sont vraiment démunies au point de vue de la formation dans certains milieux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais c'est l'hôpital qui a la responsabilité de les mettre en place, j'imagine, après "négociation" - entre guillemets - avec les universités.

M. Marchand: Absolument. Et, pour nous, c'est l'exemple typique d'où vient le problème. C'est pour cela, M. Chevrette, qu'on veut inclure cela dans notre convention collective. Ce ne sont pas les universités, ce n'est pas le Collège des médecins qui causent le problème des unités d'enseignement clinique, ce sont les hôpitaux qui, pour des raisons de coûts, souvent, nous disent qu'ils ne peuvent pas regrouper les malades. Ils nous disent: On ne peut pas se permettre de mettre plusieurs résidents et internes ensemble parce que, durant ce temps, il y a d'autres services qui ne seront pas assurés. Le problème, quant aux unités d'enseignement clinique et de la formation et de l'exposition à une clientèle, vient vraiment des structures hospitalières et de l'organisation. L'hôpital nous dit: Désolé, mais je ne peux pas faire entrer un cas

d'arthrite rhumatoïde bien ordinaire pour montrer aux étudiants, parce que je n'ai plus de place; car il y a 40 malades à l'urgence. Ou: Cela coûte trop de regrouper, pour des raisons de structure interne, je ne peux pas. Ou encore, on se fait dire souvent: Écoutez, une unité d'enseignement, cela coûte cher, parce que vous demandez plus d'examens, Or, ce n'est pas nécessairement vrai. Bref, il y a toute une inertie et un problème qui viennent généralement des hôpitaux. C'est pour cela que, comme cela vient des hôpitaux et que l'hôpital est notre employeur, on a toujours essayé de faire rentrer le problème des unités d'enseignement clinique dans notre convention collective justement dans le but d'avoir un palier, un bras de levier afin d'agir sur les hôpitaux, parce que les universités ne le peuvent pas. Souvent, il y a un contrat d'affiliation qui est trop flou et qui ne leur donne aucun bras de levier pour cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Est-ce que madame voulait ajouter quelque chose?

Mme Marceau (Danièle): Oui, sur Cité de la santé et Verdun, c'est justement là un exemple ou cela risque d'être un exemple d'une planification des hôpitaux universitaires qui est difficile. C'est certain que, pour l'obtention de la médecine familiale, il est bon d'aller dans des centres où cela est mené par des omnipraticiens et où il y a une grosse omnipratique. Mais, dans le cadre d'unités d'enseignement de la médecine interne, de la même manière que dans le cadre d'unités d'enseignement de chirurgie, les internes, même ceux qui vont se destiner à l'omnipratique, ont la nécessité d'être avec des résidents qui sont plus élevés qu'eux et qui vont partager leur enseignement, qui vont leur montrer le métier. Dans ce sens, Cité de la santé et Verdun sont des hôpitaux qui, pour la médecine interne, pour la chirurgie, n'ont pas d'unité d'enseignement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord, merci.

Évidemment, il faut faire cela un peu à vol d'oiseau, parce que ce sont quatre grands chapitres et le temps est quand même limité. Sur la question de la supervision des internes dans les urgences, évidemment, je suis sensible à cela parce que c'est à la base de la qualité des soins. Vous avez dit... C'est assez vague, votre affaire. Il y a des hôpitaux où il y en a et d'autres où il n'y en a pas. Avez-vous quelque chose de plus précis? On croirait que vous avez parlé de généralités et puis vous avez tempéré cela un peu en disant: II y a des hôpitaux où cela se fait. Je mets de côté la question du médecin qui venait faire marcher sa castonguette le matin, cela m'intéresse, mais pas à ce moment-ci.

Quant aux mécanismes pour assurer une surveillance, vous proposez de modifier certains articles des règlements. Est-ce que vous croyez que ce sera suffisant et quelle est l'amplitude du problème?

M. Larose: C'est un problème qui était étendu il y a quelques années et qui l'est moins actuellement. Cependant, on rencontre une extrême résistance des milieux fautifs à se plier, si on veut, aux exigences de la corporation. Je vous rappelle, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la corporation a émis un document l'automne dernier, avant Noël, dans lequel elle spécifiait qu'un interne ne pouvait être laissé seul à l'urgence pour deux raisons: un aspect légal et un aspect pédagogique. Ce document est en annexe à notre mémoire et il est à l'intérieur du texte.

À cette époque, une lettre a été envoyée à tous les hôpitaux universitaires, aux CMD, lettre qui a été cosignée par les doyens des quatre facultés de médecine et dans laquelle il était stipulé aux hôpitaux qu'ils devaient se plier à la nouvelle norme, si on veut, et assurer une supervision des internes dans tes urgences. Il existe trois sortes d'urgences par rapport aux internes: il y a des urgences où il n'y en a pas du tout, il y a des urgences où il y en a et où il y a un superviseur 24 heures sur 24 - pas dans le sens qu'il est là durant 24 heures, il y en a peut-être trois qui se succèdent aux huit heures ou deux aux 12 heures, mais il y a quelqu'un - et il y a des urgences où il n'y a pas toujours un superviseur et, la plupart du temps, c'est la nuit qu'il n'y en a pas, dans 99 % des cas. C'est dans ces urgences qu'on retrouve des problèmes et vous en avez la liste à la page 5 du mémoire, dans la partie qui traite de la supervision dans les urgences.

Ces centres hospitaliers étaient plus nombreux au début de l'année; on a fait des pressions très importantes cette année, mais il y en a encore qui résistent. On pense qu'en modifiant le texte de la loi, en le rendant le plus clair possible, cela deviendra tellement illégal de le faire que cela devienne impossible et, à ce moment-là on ne pourrait plus y être contraint sans violer la loi.

Deuxièmement, on pense que l'interne qui est à l'urgence atteint la limite de ses compétences rapidement non seulement parce qu'il est stressé et fatigué, mais aussi parce qu'il a besoin d'une supervision, et même dans le cas où il n'atteint pas la limite de sa compétence, pour parfaire ses connaissances, il a besoin de quelqu'un qui puisse répondre à ses questions, autrement la valeur pédagogique de la garde est vraiment absente. C'est dans cet esprit-là qu'on exige qu'il y ait la présence constante d'un

médecin lorsqu'il y a un interne à l'urgence, ou qu'il n'y ait pas d'interne s'il n'y a pas de médecin. (12 h 15)

Donc, la conclusion s'impose, le Dr Champagne vous l'a dit tout à l'heure, si on n'est pas capable de mettre un omnipraticien, automatiquement, l'urgence ne devrait pas être ouverte. Donc, de deux choses l'une. Les hôpitaux prennent leurs responsabilités. S'ils veulent garder leurs urgences ouvertes, ils s'arrangent pour avoir des omnipraticiens la nuit et, à ce moment-là, ce sera possible d'avoir des internes pour les seconder et il y aura une supervision adéquate; ou encore, si les hôpitaux ne peuvent pas maintenir un omnipraticien la nuit à cause d'une impossibilité, quelle qu'elle soit, à ce moment-là il n'y aura pas d'interne non plus. De toute façon, il n'y aura pas d'interne dans ce genre d'hôpitaux à très court terme.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord.

Il y a une dernière question que je voudrais poser au Dr Dorion. Il m'a un peu tendu la perche en parlant des effectifs médicaux. C'est une question très précise, parce que toute la question des effectifs médicaux a été discutée ici de long en large. Je dois dire qu'on n'a peut-être pas les réponses ou cela ne semble pas facile à régler. Eu égard à la spécialisation en psychiatrie, j'ai l'impression qu'on tourne toujours en rond dans la question de la psychiatrie. On dit: II y en a beaucoup en ville, il n'y en a pas à l'extérieur de la ville. Ils sont centrés à Montréal, ils sont centrés à Québec. À Québec ils vieillissent, paraît-il.

Le ministre vous a interrogé en disant: Est-ce qu'il y a finalement autre chose qu'une question de nombre? Je voudrais vous demander s'il y a eu, dans l'approche psychiatrique ou dans le mode d'intervention des psychiatres, une modification de l'intervention qui corresponde à la réalité et aux besoins d'aujourd'hui, ce qui fait qu'ils pourraient peut-être plus facilement aller dans les régions périphériques ou même des régions éloignées qu'ils ne le font présentement. On a été habitué à un mode d'intervention traditionnel, vous savez ce que je veux dire. Est-ce qu'il y a eu suffisamment de modifications à l'intérieur de la profession pour provoquer un peu un débordement dans le bon sens d'être accessible à un plus grand nombre de personnes?

M. Dorion: Je pense que la plus grande modification a eu lieu dans les années soixante-dix où la notion de psychiatrie communautaire a été étalée ou établie. C'est à partir de ces notions-là qu'on a pensé que tous les secteurs de population devaient avoir leur psychiatrie locale plutôt que d'envoyer les patients dans les grands hôpitaux psychiatriques et, enfin, que le traitement devait se faire avec la famille.

Vous savez que l'ère de la psychiatrie communautaire est remise en question, compte tenu du rationnement des coûts et des besoins des populations. Ce n'est pas sûr qu'on doive installer des psychiatres à Blanc-Sablon même si on veut faire de la psychiatrie communautaire. C'est quand même à 10D0 milles de Québec. Peut-être qu'une région très bien organisée à Sept-Îles pourrait desservir en itinérance possiblement Blanc-Sablon. Les préceptes de psychiatrie communautaire modifiés pourraient avoir lieu à ce moment-là. Je pense que l'idée de psychiatrie communautaire a peut-être été le moment idéal d'envoyer des psychiatres en périphérie. Le Dr Bédard avait réussi à ce moment-là à envoyer une cinquantaine de psychiatres en périphérie avec des mesures incitatives. Vous savez l'histoire, la psychiatrie a été noyée dans le réseau médical. Il en est résulté aujourd'hui qu'on retrouve seulement 25 psychiatres en périphérie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci. Il ne reste plus de temps. On vient de me donner la somme du côté ministériel. Si la question du député de Westmount est courte, vu qu'il reste quelques secondes, et si les gens sont consentants...

M. Laplante: II nous restait une minute et demie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, on m'avait donné la mauvaise information. Je regrette.

M. French: J'aimerais poser une question en tant que profane. J'aimerais savoir quel est l'impact sur les chiffres de contingentement de médecins résidents et internes de l'entrée, non pas dans ce corps professionnel, mais dans ce groupe de personnes, des médecins qui se préparent à être omnipraticiens pour la pratique familiale? Je pense qu'en 1970-1971, par exemple, ce programme n'existait pas. Est-ce que c'est le cas? Quand ce groupe est-il entré et a commencé à grandir et quel pourcentage de tous les médecins résidents et internes représente-t-il actuellement?

M. Larose: C'est entre 150 et 300. Je n'ai pas le chiffre exact.

M. French: Entre 200 et 300?

Une voix: Cette année, 168.

M. Larose: 168. Ce que je peux vous

dire, c'est qu'il y a une sorte de médecins, mais il y en a qui continuent leur formation pour devenir spécialistes et il y en a qui demeurent omnipraticiens. La médecine familiale n'est pas une spécialité à proprement parler. Les gens qui font de la médecine familiale sont des omnipraticiens, sauf qu'un programme leur a été offert il y a quelques années qui permettait à l'interne qui a fait quatre ans de médecine et qui a son doctorat, ou cinq ans à l'Université de Montréal et qui a son doctorat, de faire une année supplémentaire à son internat, c'est-à-dire qu'après le doctorat on fait normalement une année d'internat et on devient médecin avec un permis de pratique. On a permis à un certain nombre d'entre eux, ceux qui avaient leur permis de pratique, de faire une année supplémentaire pour se perfectionner en médecine familiale. Le programme, d'une certaine façon, est réparti sur deux ans, de telle sorte que les internes en médecine familiale, c'est-à-dire ceux de première année qui sont appelés résidents 1 en médecine familiale, sont un peu comme des internes qui commenceraient directement leur spécialité sans faire d'internat, sauf que ce n'est pas une spécialité. Ils deviennent quand même omnipraticiens, La tendance actuelle fait qu'on demande de plus en plus que les gens prennent deux ans pour devenir omnipraticiens et d'ici quelques années, si ce n'est pas l'an prochain, c'est fort possible, sinon probable, que tous ceux qui vont en omnipratique prendront deux ans. Cela veut dire, comme on l'avait souligné l'an dernier, que c'est possible qu'à un moment donné on ait - ce sera l'impact réel - un certain nombre d'omnipraticiens qui ne sortent pas sur le marché une année parce qu'il y en a plus qui restent dans le système pour cette année-là. C'est afin de pallier la situation, peut-être à la suite de nos recommandations. D'ailleurs, le ministère de l'Éducation, l'an passé, a accepté une cinquantaine de résidents en médecine familiale de plus. Ce que nous recommandions, c'est qu'il augmente ce nombre progressivement de telle sorte qu'à un moment donné, d'ici à quelques années, tout le monde passe par la médecine familiale ou un programme qui s'appelle la formation à l'omnipratique.

Seulement pour terminer, le terme "médecine familiale" va probablement vous être ramené lors des débats des prochains jours dans le sens qu'aux États-Unis c'est une spécialité qui dure quatre ans. Ici, au Québec» on voudrait appeler cela programme de formation à l'omnipratique ou quelque chose du genre pour éclaircir la situation.

M. Laplante: Je...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute!

M. Chevrette: Patrice, allez-y! Je ne veux pas arrêter le député de Bourassa, qui a une question.

M. Laplante: Seulement une question. Dr Larose, Mme la présidente vous parlait tout à l'heure des conditions de travail par rapport à l'Ontario. Vous n'avez pas tout à fait répondu là-dessus. Comment comparez-vous le régime canadien face au Québec, le travail que vous faites dans les hôpitaux, et ce qui se fait aux États-Unis, tant en rémunération que pour les conditions de travail?

M. Larose: En fait, si vous parlez de la rémunération, on est nettement, par rapport à l'Ontario, qui est une province comparable au Québec - en tout cas le Québec se veut une province comparable à l'Ontario rémunéré en deçà. En fait, on nous paie actuellement le prix qui y était payé il y a un an et demi et ce, malgré qu'on vient de terminer une négociation.

En ce qui concerne le travail, je pense - malheureusement, je ne suis jamais allé en Ontario - que les conditions dans ce milieu se comparent un peu à celles de McGill, c'est-à-dire que la façon de voir les choses des milieux anglophones est un peu différente de celle des milieux francophones. Les unités d'enseignement sont, en général, mieux structurées et plus fonctionnelles. Donc, dans ces milieux, où souvent on retrouve plus de gardes, il semble que, malgré tout, la charge ne soit pas toujours aussi forte que dans nos milieux.

Cependant, il faut réaliser que la CAIR, qui est la Canadian Association of Interns and Residents - vous excuserez mon anglais - prône actuellement et de plus en plus une norme qui soit celle que nous préconisons nous-mêmes, c'est-à-dire une garde aux quatre jours en centre hospitalier et une garde aux trois jours à domicile, sur le principe que, de plus en plus, les médecins veulent avoir une vie qui est décente. Dans cet esprit, on pense que, pour une fois, le Québec pourrait faire preuve de leadership dans le sens qu'il pourrait respecter cette qualité de vie et qu'on pourrait peut-être être la première province canadienne qui, pour une fois, respecte ce que nous demandons.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Quinze secondes, M. le ministre?

M. Chevrette: Je voudrais remercier les résidents et internes de leur témoignage. Je sais qu'ils assisteront à l'ensemble des témoignages d'ici jeudi soir. J'aurais beaucoup aimé réviser certains autres aspects, entre autres, lorsque vous dressez une liste d'hôpitaux qui ne se sont pas prévalus de l'amendement, par exemple, pour la garde. Vous donnez exactement ceux qui

n'ont pas adhéré au plan après l'amendement de sorte que cela donne un mauvais portrait de l'impact même de cet amendement, Vous avez déniché ceux qui ne fonctionnaient pas. Vous n'avez pas parlé de ceux qui fonctionnaient, de sorte qu'on aurait pu échanger énormément longtemps sur différents aspects de votre mémoire, qui est très volumineux. Au cours des trois jours, nous pourrons sans doute y faire des allusions pour obtenir d'autres réponses d'autres groupes également.

Il y a un dernier point, vite, Mme la Présidente. J'ose croire que, lorsque vous parlez de la féminisation de la profession médicale, c'est sans aucun souci de sexisme que vous le faites, puisque la façon dont c'est exprimé bien souvent, c'est comme si, parce qu'il entrait des femmes dans la profession, la profession diminuait. Je pense qu'il ne faut pas le voir sous cet angle, mais beaucoup sur l'égalité des sexes.

M. Larose: Est-ce que vous me permettez de répondre à cela?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je remercie le ministre d'avoir fait l'intervention. Oui.

M. Larose: Deux choses. Premièrement, en ce qui concerne le choix des urgences, j'ai dit tout à l'heure, et je me souviens très bien, qu'il y avait eu une légère amélioration de la situation. Effectivement, ce n'est pas dans tous les milieux qu'il y a des problèmes, mais c'est dans certains milieux, sauf qu'on fait beaucoup de pressions, cela s'améliore, et on ne devrait pas, je pense, devoir faire autant de pressions de façon permanente. Cela devrait se régler d'une façon définitive. Deuxièmement, en ce qui concerne le sexisme, je n'ai absolument rien contre le fait qu'il y ait des femmes en médecine, au contraire. Cependant, ce que je veux souligner, c'est que, dans les perspectives du contingentement, surtout à long terme, c'est que les femmes, et c'est tout à leur honneur, ont des enfants et dans cet esprit veulent en général s'en occuper; donc, leur temps de pratique est moindre que celui d'un médecin de sexe masculin.

Dans cet esprit, on peut donc penser que, si on produit 1800 médecins de sexe masculin et 1800 médecins dont la moitié sont des femmes, la totalité des heures pratiquées par après ne sera pas nécessairement la même parce que les femmes se consacrent à leurs enfants et restent plus longtemps à la maison. C'est une tendance naturelle. Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, un instant.

M. Larose: Excusez-moi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi voulait ajouter un petit mot.

M. Paradis: Strictement des mots de remerciement à votre fédération. On remercie également ceux et celles qui ont participé à mettre ensemble les données qui sont contenues dans votre mémoire, le Dr Larose, le Dr Marceau, le Dr Richard, le Dr Plouffe, Me Castonguay, M. Jean Gouin, Mme Andrée Allen et Mme Jocelyne Charbonneau. On remercie également ceux et celles qui ont osé venir témoigner d'expériences devant la commission parlementaire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président.

M. Larose: Je me permettrais de rappeler que cette commission a été convoquée à la suite d'une promesse du ministre des Affaires sociales pour débattre certains problèmes propres aux résidents et internes et à cet effet, bien que ce ne soit pas une coutume, je vous demanderais, si vous le voulez bien, l'autorisation de reprendre la parole jeudi, à la toute fin des interventions, pour clore les débats.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sur cette question, qui serait un précédent, vous pouvez vous imaginer la ronde dans laquelle on entrerait, chacun voulant répliquer à celui qui l'a précédé; j'en causerai avec mes collègues, mais je ne m'engage pas à ce moment-ci à vous accorder ce qui serait d'une certaine façon un privilège, mais on verra en temps et lieu. Ce n'est pas une procédure normale. Je vous remercie.

M. Chevrette: On pourra vous aider. Il y a d'heureux précédents, madame, qu'il faudrait peut-être créer en cette Chambre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!

Si vous êtes de connivence avec le ministre, c'est une autre affaire. Entre-temps, je désire vous remercier pour votre mémoire et remercier aussi toutes les personnes qui vous accompagnaient. Nous suspendons les travaux jusqu'après la période des affaires courantes à l'Assemblée nationale. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 15 h 7)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission des affaires sociales poursuit ses travaux relatifs à la consultation particulière sur les objets suivants: les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes ainsi que les unités

d'enseignement clinique; deuxièmement, la planification de la main-d'oeuvre médicale; finalement, la surveillance dans les urgences. Tel que convenu, nous entendrons, cet après-midi, les doyens des facultés de médecine du Québec dans un premier temps. À ma connaissance, la seule université qui a demandé de présenter immédiatement après un mémoire, c'est l'Université McGill. Nous entendrons ses représentants immédiatement après et, par la suite, nous procéderons à la période des questions. Si vous voulez vous présenter, ainsi que les membres de l'équipe qui vous entoure, pour le Journal des débats.

Université McGill, Université de Sherbrooke,

Université de Montréal et Université Laval

M. Rochon (Jean): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vais d'abord vous présenter les représentants des quatre facultés de médecine en commençant par l'extrême droite - sans aucune association dans ma pensée: le Dr Barkun, vice-doyen à la Faculté de médecine de l'Université McGill, le Dr Richard Cruess, doyen de la Faculté de médecine de l'Université McGill et, à sa gauche, le Dr Hugh Scott, vice-doyen à la Faculté de médecine de l'Université McGill. Suivent le Dr Guy Lamarche, vice-doyen à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et, à ma droite, le Dr Yvon Gauthier, qui est le doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal. Je suis moi-même Jean Rochon, doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval; à ma gauche, le Dr Gilles Pigeon, doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, le Dr Guy Saucier, vice-doyen de la Faculté de médecine à Laval, Jean-Pierre Bouchard, vice-doyen à la Faculté de médecine de l'Université Laval et M. Philippe Bernard, qui est de la CREPUQ. Comme le comité des doyens est un comité qui travaille en étroite collaboration avec le comité des vice-recteurs académiques et la CREPUQ, nous avons demandé à M. Bernard, qui nous a suivis sur ce dossier, d'être présent avec nous et cela explique un peu pourquoi ce matin la CREPUQ nous a avisés qu'elle ne se présentait pas vu qu'on pense être les porte-parole qui ont assez d'informations pour renseigner la commission sur ce dossier à ce moment.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci. Si vous voulez procéder, je vais vous rappeler simplement les règles, au cas où vous étiez absent ce matin. Vous avez une période de 20 minutes pour votre présentation et ensuite l'Opposition et le côté ministériel se partagent le temps des questions. J'aurai une suggestion à faire cet après-midi. Alors, si vous voulez procéder, Dr Rochon.

M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. Si cela agrée à la commission, nous pensions vous présenter d'abord d'emblée les deux mémoires, si vous voulez: le mémoire des quatre facultés de médecine et le mémoire qui a été préparé plus spécifiquement par l'Université McGill, vu que c'est une des précisions sur une des questions qui sont soulevées dans notre mémoire mais pas...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On en avait convenu tantôt.

M. Rochon: Est-ce qu'on peut comprendre que les 20 minutes sont pour la présentation générale, 15 à 20 minutes, et qu'il y aura 5 à 10 minutes additionnelles ou si vous voulez qu'on essaie de tout englober en 20 minutes?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Prenez vos 20 minutes pour votre présentation générale, je pense que c'est un minimum, et après cela...

M. Rochon: II y aurait 5 à 10 minutes additionnelles qui pourront nous être accordées pour la présentation spécifique du mémoire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Rochon: On devrait pouvoir faire cela à l'intérieur de ce temps.

Sans aller dans les détails du bref mémoire que nous vous avons soumis, vous nous permettrez de rappeler peut-être en guise d'introduction - cela peut être intéressant de le souligner dans le débat qui nous intéresse - que les facultés de médecine sont, bien sûr, au premier titre très préoccupées et intéressées par la formation de médecins omnipraticiens, de médecins de famille et de médecins spécialistes, mais que, comme organisations et comme facultés universitaires, elles ont une mission qui dépasse cet objectif, même si c'est pour elles un objectif important, et elles sont aussi très impliquées dans ia formation de chercheurs dans différents domaines. Elles sont aussi très impliquées dans la recherche elle-même, autant ia recherche fondamentale que la recherche appliquée et la recherche clinique. Les facultés de médecine, comme organisations, par la voie de leurs membres ont beaucoup d'activités de consultations qu'on appelle parfois dans le jargon universitaire des services à ia collectivité parce que, par nature, elles possèdent des ressources et des compétences dans des domaines particuliers. C'est vraiment dans cet esprit de notre mission assez complexe

que nous nous présentons devant la commission sans défendre aucune position préconçue quant à la formation médicale. Les facultés de médecine ont déjà eu l'occasion de dire et de témoigner, je pense, qu'elles n'ont pas plus que n'importe qui l'intérêt ou l'intention de produire trop de médecins, qu'elles ne voudraient pas en produire pas assez et qu'elles sont très motivées à participer, à discuter ouvertement avec toutes les parties en cause des objectifs qu'on veut poursuivre dans ce domaine.

En guise d'introduction aussi, je voudrais simplement rappeler que les facultés de médecine sont un peu au carrefour, qu'on le veuille ou non, d'interactions entre plusieurs intervenants dans ce domaine, que ce soient les centres hospitaliers et les autres établissements du réseau des affaires sociales, les autres composantes, les autorités de l'université, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, les ministères, les fédérations qui représentent autant les internes, les résidents que les différents groupes de professeurs. Notre marge de manoeuvre se définit vraiment en concertation et notre habitude de travail est vraiment celle de concertation avec les différents intervenants parce qu'autrement on n'a pas de moyens d'agir de façon isolée.

Ceci étant dit, je vais me permettre de vous faire quelques commentaires pour souligner, peut-être, la trame et les points les plus importants que nous avons voulu souligner dans notre mémoire en ce qui regarde d'abord les effectifs médicaux. Nous aurons quelques mots par la suite sur les gardes de façon générale et plus spécifiquement les gardes des internes dans les urgences et, finalement, quelques mots sur les unités d'enseignement clinique. (15 h 15)

En ce qui concerne les effectifs médicaux, les facultés de médecine ont déjà pris une position très nette là-dessus. Il y a plusieurs années, on avait dit que nous reconnaissions que, dans la structure, l'organisation d'un système de santé comme celui qui existe au Québec et de façon générale au Canada, il y a un besoin d'une planification et d'un certain contrôle du nombre total des effectifs médicaux parce que les mécanismes qu'on appelle les mécanismes du marché qui jouent pour garder un certain équilibre dans la plupart des professions et des métiers ne s'exercent pas pleinement aussi facilement dans ce domaine. Nous avons déjà, d'ailleurs, manifesté notre volonté, nous avions déjà de nous-mêmes pris la décision de faire une certaine diminution d'effectifs, il y a quelques années, soit en 1983, ce qui nous a amenés plus souvent à discuter, à faire des représentations et à ne pas être toujours d'accord sur la façon dont on procédait. C'était vraiment beaucoup plus sur la manière de décider et d'appliquer les décisions que sur l'objectif général qui était poursuivi.

Nous avons toujours cru et nous croyons encore que le système dans lequel on a essayé de fonctionner au cours des quelques dernières années est surtout beaucoup trop rigide, se rappelant qu'on partait d'une solution de départ qui était relativement en équilibre par rapport aux objectifs visés et proposés dans la politique gouvernementale. Il y avait un nombre d'admissions, dans les facultés de médecine, d'environ 600, plus ou moins 15 ou 20, à chaque année, c'est-à-dire à peu près 600 admissions qui produisaient à peu près autant de diplômés, plus ou moins une vingtaine, selon l'attrition qui se faisait en cours de route et, comme je viens de le souligner, il y avait déjà un accord de principe, une décision prise par les universités d'entreprendre une diminution de ce nombre pour mieux contrôler le nombre total des médecins.

En ce qui regarde la formation des internes et des résidents, qui est la partie des postgradués du système et qui dépend, quant à son nombre total, évidemment, du nombre de ceux qui passent dans le premier cycle de médecine, même avant la diminution, on avait un système qui avait toujours été en équilibre - les intervenants de ce matin ont rappelé des chiffres précis à ce sujet - entre 2000 et 2100. Cela n'a jamais été un système qui a même manifesté de risquer de pousser plus loin que cela. À l'intérieur de ces quelque 2100 postes au maximum, il y avait, de toute façon, une limite intégrée de ce nombre d'environ 15 % du contingent québécois qui étaient des postes qui pouvaient être offerts à des non-nord-arnéricaîns, pour prendre l'expression la plus générale.

Finalement, il faut rappeler que le système était relativement en équilibre, parce qu'à la suite de l'instauration de l'assurance-santé il s'était très rapidement fait une orientation de choix de carrière spontané des diplômés des facultés de médecine qui, bon an, mal an, d'une année à l'autre, faisait qu'on retrouvait entre 60 % et 70 % des diplômés qui choisissaient une orientation vers l'omnipratique ou la médecine familiale.

Notre position de départ, c'est qu'étant d'accord avec une planification, étant d'accord avec les objectifs proposés on pense qu'on vit dans un système beaucoup trop rigide qui présente certains inconvénients dont on pourra parler, sans modifier vraiment ou assurer plus qu'on atteigne l'objectif. Ce qu'il faudrait plus, on pense - c'est peut-être un point à retenir pour en discuter - que c'est beaucoup plus un système de contrôle dans le sens d'un système d'information et de surveillance de l'évolution des cohortes et de l'orientation des cohortes qu'un système

de contrôle rigide à l'entrée qui pense pouvoir, six, sept, dix ou douze ans à l'avance, contrôler ce qui va arriver en termes de nombre de médecins, de répartition entre les spécialités et, encore moins, de répartition géographique.

Un autre point. En plus de ce problème d'un contrôle très rigide qui ne laisse pas de marge de manoeuvre et qui ne garantit pas, de toute façon, les objectifs qu'on vise, on pense que c'est important de tenir compte, dans toutes les mesures qu'on prendra à l'avenir, d'un point très particulier, soit les échanges des diplômés du Québec avec le Québec et l'extérieur, le Canada, les États-Unis et les autres pays. Dans certains cas -il faut dire qu'il s'est fait beaucoup de progrès de ce côté-là - quand il s'agit de pays avec lesquels le Québec a des ententes de coopération, c'est assez facile, l'entente prévoit des créneaux qui définissent assez bien la situation.

Dans le cas des États-Unis et du Canada, on a vraiment une frontière ouverte, et d'autres mécanismes plus souples d'équilibre permettraient de contrôler une réciprocité sur des cycles de trois à cinq ans plutôt qu'un contrôle trop rigide, chaque année, du nombre de Québécois qui vont à l'extérieur du Québec, ailleurs au Canada et aux États-Unis, par rapport au nombre d'Américains et de Canadiens qui viennent au Québec. Je pense que le mémoire qui vous sera présenté par le doyen Cruess précisera encore plus cette problématique parce que c'est surtout à McGill que les candidats anglophones du reste du Canada et des États-Unis viennent en général.

Le deuxième aspect qu'on veut souligner en rapport avec la planification des effectifs en plus de la rigidité du système actuel est celui que les prévisions qui sont faites. Même sur le plan national - on n'a pas vu la dernière version du rapport qui a été présenté à Winnipeg, on a vu une version antérieure des études fédérales-provinciales -II nous semble qu'on travaille beaucoup trop encore avec des chiffres absolus. On compte le nombre de médecins et le nombre d'habitants dans une population. C'est évident qu'il faut en tenir compte, mais je pense que - je vais être très bref là-dessus, quitte à y revenir en discussion - partout où on parle de planification des effectifs, entre autres dans le domaine de la santé, on a de beaucoup dépassé ce stade, et on peut et on doit être beaucoup plus précis.

Ce matin, on a fait allusion - et d'autres intervenants vont sûrement y faire allusion aussi - qu'on peut maintenant beaucoup plus mesurer le nombre de services produits par les médecins et les besoins requis par la population. Parlant de services produits par les médecins, il faut tenir compte de la démographie du corps médical en termes d'âge et de sexe. On sait maintenant, par certaines études, que ça veut dire une production du nombre de services différente selon le "mix" de composition des médecins au Québec. L'encadrement organisationnel de la pratique médicale est très important aussi en termes de qualité et de types d'actes qui sont produits. On peut de plus en plus en tenir compte si on fait une planification d'effectifs.

Quand on regarde du côté de la population, il faut se rappeler que, si la population augmente très peu en pourcentage par rapport à l'augmentation des médecins, de l'ordre de quelques pourcents, la population des gens de 65 ans et plus augmente très rapidement, de l'ordre de 14 % ou 15 % et 70 % ou à peu près - je vous donne des ordres de grandeur - de la consommation médicale viennent de ce groupe-là de la population. Alors, quand on prend des gros chiffres comme cela, macro, et que l'on dit: Les docteurs augmentent beaucoup trop par rapport à l'augmentation de la population, cela n'a pas de bon sens, on reconnaît qu'il peut y avoir là un problème. Ce sont des chiffres qui signalent un problème, mais on ne peut pas trouver la solution en travaillant avec des chiffres aussi macroscopiques. C'est le deuxième point sur lequel on veut insister beaucoup, que toute approche devrait être beaucoup plus raffinée. On suggère dans notre mémoire de travailler - on ne prétend pas l'avoir inventé -beaucoup plus avec un concept de réservoir où on peut tenir compte de la structure démographique, des moyennes d'âge des populations médicales pour prévoir le nombre de services qu'on peut escompter obtenir de cette cohorte médicale à mesure qu'elle évolue de façon dynamique dans cinq ans, dans dix ans et dans quinze ans.

Donc, ces deux principaux points sont nos remarques, la question d'un régime flexible et des prévisions plus raffinées qui devront être développées. Évidemment, on va répéter ce que d'autres ont dits On est bien conscients que cela ne peut se faire par aucune des parties en cause seule, aucun des ministères, les facultés de médecine pas plus que la corporation et les fédérations; on est pris. Je pense que le ministre à la fin, ce matin, a eu des remarques intéressantes en ce sens-là, pour trouver un moyen de se concerter et de travailler ensemble; autrement, on n'y arrivera pas et, si on ne trouve pas ce moyen-là et que n'importe laquelle des parties fasse quelque chose, cela risque peu de donner des résultats satisfaisants.

Quelques autres remarques en ce qui regarde les effectifs médicaux. Une fois qu'on aura un système de planification qui permet mieux de surveiller l'évolution, tout contrôle - et cela je pense qu'il faut le dire, on devra en parler - qui pourra se placer sur

le nombre total des médecins, en plus de contrôler le nombre d'admissions dans les facultés de médecine, devra nécessairement contrôler très rigoureusement l'équilibre d'émigration et d'immigration.

On est conscients qu'il y a des situations difficiles et qu'il y a des problèmes épineux de ce côté-là, mais on ne peut pas penser exercer un contrôle du système à un endroit et laisser le nombre total de médecins pouvant augmenter par d'autres voies d'entrée sur lesquelles il n'y a aucun contrôle. Alors, il faudra s'intéresser beaucoup plus en détail à cette question.

Deux points pour terminer nos remarques sur la question des effectifs médicaux. Quand on parle de médecins et de main-d'oeuvre médicale et qu'on associe dans le même discours le recrutement des médecins qui sont employés par les universités, on fait là une erreur assez grave qui n'aide aucune des causes, qui n'aide pas la cause de la planification du nombre de médecins dont on a besoin et qui n'aide surtout pas la cause des universités.

Quant au recrutement fait par les facultés de médecine - et là aussi le mémoire présenté par le doyen Cruess y reviendra de façon plus précise; McGill n'est pas exclusivement concernée par ce problème, mais en termes de quantité peut-être plus - les quatre facultés de médecine doivent, pour différentes raisons, comme toute faculté dans un campus universitaire, recruter certains types de compétences parfois à l'extérieur du Québec ou du Canada ou du continent nord-américain: c'est un recrutement de main-d'oeuvre universitaire et non pas de main-d'oeuvre médicale. Ces gens sont recrutés pour l'enseignement et la recherche et te nombre et le genre d'actes médicaux qu'ils vont faire sont, en général, peu significatifs en termes d'impact sur la main-d'oeuvre médicale. On prétend et on suggère donc que c'est là une question qu'il faudra vraiment distinguer et discuter dans son propre contexte plutôt que de l'impliquer dans une discussion où les paramètres ne s'appliquent pas vraiment.

Finalement, en terminant nos commentaires sur la question des effectifs médicaux, on voudrait quand même souligner qu'il semble qu'il y a une bonne partie de la logique qu'on nous a toujours présentée pour fixer les nombres totaux, les répartitions, qui était beaucoup trop ancrée, comme on l'a compris en tout cas, dans une problématique de contrôle des coûts. On reconnaît que le nombre de médecins, évidemment, affecte les coûts dans les systèmes de santé. Ce n'est pas cela qu'on nie. Maintenant, ce n'est pas que le nombre, c'est aussi l'évolution de la pratique médicale et on a beaucoup de signes que cette évolution va dans un sens qui, nécessairement, n'entraîne pas une augmentation de coûts de façon linéraire comme les projections établies sur l'évolution des profils de pratique dans le passé peuvent permettre de le penser. C'est aussi un contrôle qui, si on l'applique de façon trop radicale et sans un bon système de surveillance et assez de flexibilité... De toute façon, en termes d'effets sur les coûts, il ne pourra commencer à porter des effets que dans six, sept ou huit ans et n'aura pas vraiment d'impact avant douze à quinze ans. À ce moment, on sera dans un contexte démographique et de problèmes de santé complètement différent de sorte qu'on applique une solution qui ne peut pas, à elle seule, faire beaucoup pour aider le problème. Elle doit donc être intégrée à une approche beaucoup plus vaste.

Je m'arrête là-dessus pour ce qui est de nos commentaires. J'espère qu'ils expliquent un peu et font ressortir certains points de nos représentations sur la question des effectifs médicaux.

Très brièvement sur les gardes. Les doyens ont déjà pris position là-dessus publiquement par la voix du doyen de la Falcuté de médecine de l'Université de Montréal, le Dr Gauthier, qui avait pris position au nom de l'Université de Montréal, mais après avoir consulté, s'être concerté avec ses collègues. Nous pouvons aujourd'hui réaffirmer que les facultés de médecine sont entièrement d'accord que, règle générale, une fréquence de la garde aux quatre jours est, sur le plan pédagogique, ce qui nous semble raisonnable et utile pour le fonctionnement des programmes et pour les objectifs pédagogiques des programmes, reconnaissant par contre que, pour certains programmes et pendant certaines périodes de ces programmes, il peut y avoir nécessité ou au moins utilité qu'une fréquence de garde soit plus grande et qu'on peut identifier et déterminer ces programmes.

En ce qui a trait à la responsabilité au moment des gardes, on voudrait souligner, et ce n'est peut-être pas ressorti assez clairement dans notre discussion de ce matin, qu'il faut très bien distinguer que, quand on parle d'un interne qui est de garde, par rapport à un résident, on parle de deux individus complètement différents. L'interne est dans une situation où il doit être très encadré, parce qu'il en est vraiment à ses premières expériences cliniques, où il apprend à prendre de l'autonomie alors que le résident, en termes d'objectifs pédagogiques, doit acquérir une marge de manoeuvre de plus en plus grande à mesure qu'il progresse dans son programme. On ne peut pas s'attendre qu'un résident soit encadré de façon aussi serrée qu'un interne, ce ne serait pas pédagogiquement normal, c'est voulu par le système et c'est voulu en général, je pense, par les résidents, qu'ils aient la possibilité de prendre des décisions avant que le médecin responsable puisse intervenir.

(15 h 30)

Si on applique notre position plus spécifiquement à la situation des urgences, nous sommes aussi d'avis que les internes - et là on parle strictement des internes de la façon dont le problème a été présenté - doivent être encadrés, à notre avis, de deux façons: dans tous les cas par un médecin responsable de l'urgence, qui doit être un médecin professionnellement accepté par le corps médical de l'hôpital, par le conseil des médecins et dentistes, de sorte qu'on ait là un barème qui peut juger du niveau de compétence et d'expérience et de la qualité de la pratique que fait l'hôpital par rapport aux types de problèmes qui se font à l'urgence, et que ce soit une personne aussi, si c'est un médecin responsable, pédagogiquement acceptable et accepté par les responsables du programme universitaire,

Ce médecin peut être, à notre avis, soit présent physiquement lui-même à l'urgence tout le temps, sur place, ou qu'il soit responsable de l'urgence en travaillant avec un système pyramidal de résidents et d'internes, mais un système qui soit spécifique pour l'urgence. Sur ce, au besoin, on pourra y revenir si cela demande des explications.

En concluant là-dessus, nous sommes d'accord qu'il y a là un problème important qui doit être réglé. Il nous semble, si nous ne sommes pas mal informés, que présentement le problème est assez circonscrit à un certain nombre d'endroits qui ne sont plus tellement nombreux et que, aussi, selon les informations qu'on possède, des voies de solution semblent s'amorcer à un rythme important et qu'il y a déjà eu une bonne concertation entre les parties. On espère qu'on ne se leurre pas et qu'on n'est pas trop naïfs dans les circonstances.

Finalement, très rapidement, les unités d'enseignement clinique. Là aussi les doyens reconnaissent que les unités d'enseignement clinique sont un moyen important et privilégié pour la formation des internes et des résidents. Pour nous, c'est vraiment un moyen qui est très important, mais cela reste un moyen. Il faut surtout se rappeler -quand on n'a pas vécu dans le milieu hospitalier - que le concept d'unité de l'enseignement clinique est important à cause de ses caractéristiques. On veut dire par unité d'enseignement clinique qu'on définit une quantité et une qualité de pathologie qui se présentent dans un temps déterminé et qui peuvent permettre d'atteindre les objectifs d'un programme. Et on retrouve, à l'intérieur de ce qu'on appelle l'unité, la pyramide d'externes, d'internes et de résidents qui est si importante dans la dynamique de la formation clinique des médecins et qui a, en fin de compte, un médecin responsable de l'unité. C'est cela une unité d'enseignement clinique. Quand le concept a été proposé pour la première fois il y a maintenant 15 ou 20 ans, on pouvait le définir de façon très précise en termes de nombre de lits et de structures très physiques. Ce qui est important, ce sont vraiment les caractéristiques plus que la structure matérielle de l'unité. Pour nous, cela veut dire que ce qui est important, c'est un programme qui a des objectifs très clairs qui a des activités pédagogiques bien définies et qui a une formule d'encadrement et des moyens d'évaluation bien définis aussi. La plupart du temps, cela peut se réaliser dans une unité d'enseignement clinique, mais ce n'est pas exclusif et il peut y avoir des situations où, pour différentes raisons, d'autres modèles d'organisation d'enseignement peuvent être aussi satisfaisants. En fait, en continuant sur cela, ce qu'on veut dire, c'est que le concept d'unité d'enseignement clinique s'est élargi et qu'il y a actuellement des situations qui, à première vue, ne sont peut-être pas facilement identifiables matériellement mais, si on regarde vraiment - et c'est ce qu'on doit regarder - les mécanismes de fonctionnement d'un programme en milieu clinique, on y retrouve le concept de l'unité. Il peut y avoir encore là des situations où on ne le retrouve pas et qui doivent être améliorées. Je pense qu'on n'aura jamais un système parfait mais on est d'accord pour travailler dans ce sens.

Mme la Présidente, mesdames et messieurs de la commission, je vais limiter mes remarques à ce niveau pour ces trois points. Si vous le voulez, je vais laisser la parole à mon collègue, le Dr Cruess, pour qu'il puisse présenter plus spéficiquement le mémoire que l'Université McGill a préparé sur les éléments qui regardent les médecins étrangers.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Dr Rochon. Est-ce que le Dr Cruess veut procéder?

M. Cruess (Richard): Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, la Faculté de médecine de l'Université McGill, dans un bref exposé entend souligner certajns détails de son mémoire écrit à la commission parlementaire. Il se trouve à l'intérieur du mémoire écrit certaines informations sur lesquelles nous aimerions attirer l'attention de la commission lors de ses délibérations.

Nous croyons fermement que la Faculté de médecine de l'Université McGill représente un atout précieux pour le Québec. Elle a été la première faculté de médecine canadienne et, à travers son histoire, a servi de ressource non seulement au Québec mais au Canada et à l'étranger.

Trois domaines de la formation de main-d'oeuvre médicale nous semblent très

importants: l'enseignement médical, la formation postdoctorale et le recrutement adéquat des membres de la faculté. Nous essaierons ici de décrire nos inquiétudes en ce qui concerne chacun de ces domaines.

À travers son histoire, la Faculté de médecine de l'Université McGill a activement poursuivi l'objectif de diversifier son corps étudiant. Nous avons donc mélangé les Québécois francophones et anglophones, les autres Canadiens, les Américains et les étudiants étrangers. La proportion de chacune de ces composantes varie d'année en année selon les circonstances. Lorsque notre faculté dépendait entièrement de fonds privés, on y retrouvait beaucoup d'Américains et un nombre significatif de Canadiens. Avec la participation grandissante du gouvernement québécois dans le financement du processus éducationnel et pendant que les besoins du Québec en termes de main-d'oeuvre devenaient plus aigus, le nombre d'étudiants québécois augmentait.

Nous sommes d'8vis que nous avons bien servi chacun de nos groupes d'étudiants et nous aimerions souligner que de grands avantages éducationnels peuvent être retirés d'un corps étudiant aussi varié. En effet, les étudiants n'apprennent pas seulement de leurs professeurs mais bien les uns des autres. Nous croyons offrir aux étudiants une chance unique d'étudier avec des gens provenant de divers milieux sans toutefois quitter le Québec. Nous exhortons la commission à ne prendre aucune décision pouvant affecter la possibilité qui nous a été accordée de choisir un groupe raisonnable d'étudiants étrangers qualifiés. Nous demandons donc le maintien des politiques passées puisqu'elles ont toujours bien servi la population du Québec.

La deuxième question que nous aborderons concerne la formation postdoctorale. Les effets globaux de la politique de contingentement ont déjà été présentés dans le mémoire conjoint soumis par les quatre facultés de médecine. Toutefois, nous devons ajouter que certains aspects de cette politique ont durement touché les programmes de formation postdoctotale de la Faculté de médecine de l'Université McGill en particulier. La distribution des postes alloués par les universités s'est effectuée de façon rationnelle. Par conséquent, chaque faculté s'est vu attribuer un nombre adéquat de postes d'internat pour ses propres diplômés. Chaque faculté s'est également vu octroyer des postes de formation en médecine familiale d'une façon assez généreuse. Cependant, la difficulté principale réside au niveau des entrées en spécialité. On a accordé à chaque faculté un nombre de postes correspondant à 40 % de ses gradués, auquel s'ajoute un petit nombre pour tenir compte des désistements. Parce qu'elles se voient confrontées à une diminution majeure des postes ordinairement utilisés, les quatre universités ont entrepris d'accorder la priorité aux diplômés des facultés québécoises de médecine. Cette décision a essentiellement éliminé, premièrement, les Américains qui, traditionnellement, ont suivi leur formation postdoctorale à l'Université McGill et qui représentaient un nombre significatif mais raisonnable.

Deuxièmement, concernant les Canadiens des autres provinces, des statistiques fournies par {'American Medical

Association indiquent que, d'après la dernière année soumise à son étude, on trouvait 105 diplômés québécois occupant des postes rémunérés aux États-Unis. Durant la dernière année académique, le gouvernement a alloué dix postes pour les Américians non inclus dans le contingentement. On nous a laissé entendre que le nombre de postes qui sera alloué permettra è ces individus de terminer leur formation spécialisée.

Considérant que la formation post-doctorale dure entre trois et cinq ans, nous devrions retrouver environ 40 Américains en formation spécialisée au Québec en comparaison avec les 100 diplômés québécois présentement aux États-Unis. Nous aimerions suggérer que 10 entrées additionnelles en spécialité soient accordées pour les candidats Américains de façon à rendre l'échange plus équitable.

Encore plus important est le fait qu'en date du 1er juillet 1985, cette année, et ce, pour la première fois de notre histoire, aucune diplômé canadien d'une province autre que le Québec n'entreprendra sa formation postdoctorale au sein des programmes de McGill. Toutes les entrées en spécialité allouées à la Faculté de médecine de l'Université McGill sont comblées par les diplômés québécois; 19 de nos 72 postes ont été distribués à des étudiants provenant des autres facultés québécoises. On retrouve présentement 218 diplômés québécois occupant des postes rémunérés dans les autres provinces, tandis que seulement 151 Canadiens des autres provinces sont en formation au Québec. Ce nombre s'abaissera presque à zéro, à moins qu'on ne permette aux diplômés des autres provinces d'occuper des postes d'entrée en spécialité au Québec.

Le maintien de cette politique peut éventuellement éliminer les Québécois des programmes des autres provinces. Nous croyons fermement qu'aucune région géographique ne peut se permettre de voir l'accès à la meilleure formation disponible, où qu'elle puisse se trouver, refusé à ses citoyens. Nous suggérons donc fortement la mise sur pied d'un quota spécifique permettant aux Canadiens de suivre leur formation spécialisée dans les différentes facultés québécoises. Nous aimerions indiquer que 50 postes d'entrée en spécialité menant éventuellement à la mobilisation de

150 à 200 postes jusqu'à ce que ces candidats finissent leur formation seraient appropriés et constitueraient un échange raisonnable.

De plus, il est à noter qu'une interprétation très stricte de la définition d'entrée en spécialité a découragé les Canadiens des autres programmes canadiens de suivre leur formation dans une sous-spécialité durant habituellement une ou deux années. Dans les excellents programmes que l'on trouve présentement au Québec, ces individus auraient logiquement dû être comptés comme des entrées en spécialité au début de leur formation ailleurs, par exemple, en médecine interne, et, lors de leur venue au Québec, pour poursuivre leur formation en cardiologie ou en endocrinologie, ils ne devraient pas être identifiés comme de vraies entrées.

Le dernier point que nous nous apprêtons à souligner touche les sérieuses conséquences de l'impossibilité pour la Faculté de médecine de l'Université McGill d'avoir accès au marché mondial pour le recrutement de son corps professoral. Je crois que le document des quatre doyens est assez clair à ce sujet. Durant les dix dernières années, la Faculté de médecine de l'Université McGill a connu plusieurs changements d'orientation. Nos membres facultaires travaillent avec ardeur à résoudre les problèmes de la dispensation des soins de santé au Québec, souvent de concert avec le ministère des Affaires sociales. Nous avons la ferme intention de continuer dans ce sens, mais nous sommes convaincus qu'il va des meilleurs intérêts du Québec de reconnaître le rôle que joue la Faculté de médecine de l'Université McGill de par les liens qu'elle entretient avec le reste du Canada, les États-Unis et l'étranger.

Nous recommandons donc, premièrement, de permettre à la Faculté de médecine de l'Université McGill de maintenir la variété de son corps estudiantin; deuxièmement, d'augmenter à 20 les entrées en spécialité pour les Américains de façon à rendre l'échange plus équitable; troisièmement, d'allouer 50 postes d'entrée en spécialité aux quatre facultés de médecine pour les Canadiens des autres provinces, afin de corriger la situation d'inégalité croissant rapidement; quatrièmement, de redéfinir les entrées en spécialité de façon à permettre aux autres Canadiens de venir au Québec pour leur formation sous-spécialisée sans être considérés comme de vraies entrées et, finalement, de ne pas empêcher la faculté de médecine de recruter hors les frontières canadiennes lorsqu'un candidat qualifié n'est pas disponible pour un poste universitaire. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci beaucoup, Je proposerais à mes collègues que nous procédions à dix minutes de chaque côté pour éviter que, comme ce matin, il ne reste plus de temps en bout de liste. Allez-y, M. le ministre. (15 h 45)

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier tout d'abord la conférence des doyens pour son témoignage. Je vais aller directement aux questions parce que je sais qu'on en a un bon nombre à passer.

Ma première question s'adresserait à M. Rochon. Je voudrais savoir quels sont les efforts qui ont été déployés par les universités pour s'assurer d'une meilleure distribution entre les spécialités. Je pense que vous admettrez que, dans certaines spécialités, on en a trop; dans d'autres, quand on parle d'anesthésistes, par exemple, on sait qu'on en manque. Quels sont les efforts concrets qui ont été déployés par les universités pour en arriver à une meilleure répartition?

M. Rochon: En ce qui concerne les spécialités, il y a deux types d'efforts, concrètement, qu'on a pu faire. Il y en a un qui dépassait le strict aspect de la planification du nombre d'effectifs, mais rejoignait l'amélioration de la qualité des programmes, qui s'est appelé l'opération de rationalisation des programmes de formation spécialisée.

Tout cela a commencé par une étude et un avis du Conseil des universités, il y a maintenant quatre ou cinq ans, je pense, qui ont été suivis, après entente avec le ministère de l'Éducation, à l'époque, par une étude plus approfondie, plus spécifique sur le terrain faite par les facultés de médecine et la corporation. Présentement, avec la corporation, on est à mettre en pratique les recommandations qui nous ont amenés à concentrer la formation dans les programmes, à concentrer certains programmes qui connaissaient un éparpillement trop grand, compte tenu du nombre de candidats qui pouvaient être formés.

La deuxième mesure a été plus, dans le fonctionnement actuel du système, appliquée et applicable au niveau de chaque faculté de médecine et par la régie interne de chaque faculté de médecine. Là, nous avons vraiment tenté de répondre le plus possible, compte tenu des informations que l'on possédait, de la validité que l'on pouvait accorder aux données de pénuries ou d'excédents dans certaines spécialités ou autres, et compte tenu de la volonté exprimée par le gouvernement d'accorder un plus grand nombre de postes aux programmes où il semblait y avoir pénurie.

Maintenant, au besoin, je laisserai mes collègues préciser si j'oublie d'autres éléments. Je pense qu'il y a deux principaux moyens. Ce qu'il faudrait bien reconnaître,

c'est que pour les facultés de médecine - et c'est pour cela qu'on a voulu dire, dans notre présentation, qu'on a souvent des marges de manoeuvre assez serrées - avec un contingentement très fixe et très rigide, une fois les postes distribués pour ce qui est des facultés de médecine et qu'on commence à les répartir dans les programmes de spécialité, la marge de manoeuvre est très petite et, surtout, ce n'est pas facile, quand on sait comment fonctionnent les programmes, les effectifs sur le terrain, de faire des changements brusques. Mais, à titre d'exemple, pour les deux programmes qui ont été le plus mis en lumière dans les dernières années, soit la psychiatrie et l'anesthéste-réanimation, à l'intérieur de quelques années, on n'a pas pu, d'un coup sec, en un an, comme on nous le demandait, parce que cela n'était pas faisable dans le contexte où on fonctionne, mais, en quelques années, on a pu remplir ces programmes à pleine capacité, compte tenu de ce qui pouvait être encadré.

On pense que, graduellement, les données sont de plus en plus fiables et il y a de plus en plus accord, consensus entre les parties concernées qu'il y a vraiment un déficit ici et vraiment un excédent dans l'autre place. On va être capable de se réajuster de plus en plus. C'est pour cela que dans notre intervention on disait: Plus la planification qui va se faire provincialement sera en concertation et plus elle sera raffinée, compte tenu des spécialités des régions, plus on va avoir, nous aussi, une base politique à l'interne, si vous voulez, pour faire les réallocations. Mais tout cela, dans un système trop rigide et trop limité, va toujours être plus difficile et les réponses vont être plus difficiles à être primes.

Je ne sais pas si je réponds à votre question. Il y a peut-être de mes collègues qui voudraient souligner d'autres aspects.

M. Chevrette: J'aurais une sous-question, pour permettre aussi à vos collègues... Vous dites que vous oeuvrez dans un cadre plutôt serré, plutôt difficile. Vous faites allusion, je suppose, au rapport Scott.

M. Rochon: Le groupe de travail qui a fait le premier travail pour les universités, c'est cela.

M. Chevrette: Boni Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est! Quelles sont les mesures concrètes, maintenant, que vous êtes sur le point d'appliquer? Pouvez-vous nous donner des exemples très concrets et nous dire, par exemple: À compter de l'an prochain, voici ce que nous allons faire pour assurer une meilleure répartition?

M. Rochon: Pour quelles spécialités? M. Chevrette: Prenons l'anesthésie, par exemple.

M. Rochon: L'anesthésie et la psychiatrie; ce sont les deux seules...

M. Chevrette: Une entente, oui.

M. Rochon:... où il y a eu un accord assez partagé qu'il fallait... Je pense que, è quelques unités près, les programmes des quatre facultés de médecine sont remplis à pleine capacité. On ne peut pas en prendre plus. On a convenu qu'on continuerait de maintenir ce rythme de production jusqu'à ce qu'on puisse prévoir que les besoins seront remplis, en espérant qu'on va s'entendre pour commencer à diminuer assez vite pour ne pas créer de surplus. C'est peut-être plus cela le danger dans ces deux domaines pendant quelques années, parce qu'une fois que c'est parti...

M. Chevrette: Donnez-moi donc un exemple où il serait important qu'on fasse la même chose qu'en anesthésie.

M. Rochon: Pour les autres, je n'ai pas ma boule de cristal. Malheureusement, la nôtre n'est pas meilleure que la vôtre. Nous avons reçu, nous aussi, le rapport qui a été présenté par l'Association des cardiologues. On a entendu différentes opinions et différentes critiques là-dessus. On a commencé à discuter avec l'Association des cardiologues. On est bien prêt à le faire à mesure qu'on aura identifié une spécialité où il y a des besoins plus grands.

Si je vais dans le sens de votre question, je dirais qu'avec le peu de données qu'on a actuellement on serait plus porté, tenant compte des discussions qu'on a actuellement là-dessus, à regarder de plus près d'abord les spécialités plus générales que les plus pointues. Qu'on parle de médecine interne ou générale, les internistes peuvent sûrement faire face à beaucoup de problèmes non seulement en région éloignée, mais même dans des centres autour de la périphérie. Il y en aussi dans le domaine de la pédiatrie, dans des spécialités nouvelles comme la gériatrie, qui peut être une orientation plus spécifique de la médecine interne. On est peut-être plus sensibilisé là-dessus, mais on n'a pas toujours les données qui nous permettraient de bouger autant qu'on le voudrait. À mesure qu'il y a des spécialités plus pointues, où on peut démontrer qu'on peut prévoir des déficiences... Je ne les ai pas de mémoire. Je sais qu'il y a eu des données de la corporation, il n'y a pas longtemps, concernant les moyennes d'âge des spécialités, surtout celles qui ont des moyennes d'âge de plus de 45 ans. Par le concept de réservoir qu'on essaie d'amener dans notre mémoire, on pense pouvoir

facilement, dans les prochains mois et dans la prochaine année, de plus en plus identifier des spécialités où on est relativement sûr qu'il y a un déficit et où on peut aller. Mais, encore là, il faut vraiment comprendre... Vous connaissez cela, je pense, autant sinon mieux que nous autres: dans le milieu dans lequel on fonctionne, ce ne sont pas des bateaux qu'on peut revirer de côté très rapidement. Cela ne prendra pas dix ans, mais cela va prendre deux ou trois ans avant de vraiment préparer un virage plutôt que quelques mois.

M. Chevrette: Monsieur voulait ajouter?

M. Lamarche (Guy): Oui, je voudrais souligner que le rapport dont a fait mention le doyen Rochon, c'est le rapport COCERAP. Il a été distribué au ministère de l'Éducation avant qu'il ne change de nom. Ce rapport propose une rationalisation assez précise, la création d'un programme réseau, par exemple. Dans certains programmes où il y a peu de résidents, on propose des programmes réseau, un seul programme pour la province entière qui puiserait dans les pointes d'excellence de chacune des quatre facultés. On propose des programmes associés de deux facultés; par exemple, Laval et McGill ou Sherbrooke et Montréal. On propose aussi, dans presque chacun des programmes, une diminution des milieux de formation. Il en a été question ce matin; vous l'avez mentionné vous-même. Cela a été proposé dans ce rapport conjoint des facultés et de la corporation. Nous avons déjà commencé è rationaliser ces programmes. Nous avons des réunions fréquentes. Il est probable qu'à partir de 1986, déjà, certains de ces programmes auront été adoptés.

M. Rochon: C'est toujours le même rapport. Le rapport Scott est devenu le rapport COCERAP après avoir été adopté.

M. Chevrette: Mais vous parlez beaucoup du problème. C'est difficile d'avoir des mesures concrètes. Vous dites qu'en anesthésie, d'accord, c'est rempli, qu'il n'y a pas de problème; qu'il faut se surveiller, que c'est un problème inverse. Quel est le problème fondamental qui fait que c'est aussi complexe, aussi difficile de toucher du doigt les véritables problèmes pour y adapter les meilleures solutions? Ce serait quoi?

M. Rochon: II y en a beaucoup qui sont les mêmes, je pense, que les problèmes de planification dans tout domaine de la main-d'oeuvre humaine, dans un secteur où le cycle de formation est assez long. Je pense que c'est essentiellement cela le problème. Pour former un médecin, cela prend cinq ou six ans. Pour former un spécialiste, cela prend quatre ou cinq ans de plus. On les forme pour des besoins spécifiques, pour une population qui évolue aussi. Ce que l'on fait aujourd'hui, comme je le disais tout à l'heure, va avoir un effet qui va commencer à se faire sentir pour des médecins en omnipratique ou en médecine familiale dans six ou sept ans et qui va commencer è se faire sentir dans une douzaine d'années pour les spécialistes. Le cycle, une fois commencé, les unités de formation mises en place, les effectifs organisés, les hôpitaux qui ont monté des unités d'enseignement, les étudiants inscrits dans des programmes... Alors, une fois qu'on a rempli un programme, c'est vraiment un train qu'on a lancé et, la minute où on décide de l'arrêter, il va marcher encore pendant quatre ou cinq ans avec le même "output", avant de commencer à produire autre chose. Alors, c'est lourd par nature. Les besoins sont difficiles à prévoir parce qu'en plus les modalités, les modes et les styles de pratique évoluent beaucoup, en plus des changements de la population. Alors, il y a un tas de paramètres dans l'équation qui bougent. On peut toujours faire des prévisions, mais cela nous donne des prévisions... Tous les spécialistes avec qui j'ai discuté et qui travaillaient dans les domaines de la main-d'oeuvre, non seulement médicale, mais en général, ont toujours dit que la première caractéristique d'une bonne prévision, c'est qu'elle ne va pas se réaliser. On le sait bien, parce qu'on postule que rien ne va changer, que rien de ce qui est vital ne va changer. On dit: Si cela ne change pas, on va être là, mais on sait qu'il y a quelque chose qui va changer. Et, nous, on est dans un monde, surtout depuis les deux dernières décennies, qui a changé beaucoup et qui a l'air de s'annoncer pour changer encore pas mal sous plusieurs variantes. Alors, c'est tout cela qui rend cela difficile. C'est simple de comprendre pourquoi c'est difficile, mais c'est complexe de comprendre comment on peut venir à bout de contrôler cela.

M. Chevrette: Est-ce que dans chaque faculté, présentement, les postes prévus pour l'anesthésie et la psychiatrie sont comblés par des résidents dans ces deux spécialités?

M. Rochon: Par des résidents, nécessairement, oui.

M. Chevrette: Vous n'avez pas d'autres groupes d'individus, par exemple...

M. Rochon: Qu'on appelle, par exemple, les moniteurs.

M. Chevrette: Je savais que vous viendriez à le sortir vous-même; j'hésitais délibérément.

M. Rochon: J'ai failli prendre plaisir à

vous laisser aller plus longtemps. M. Chevrette: Je l'aurais dit.

M. Rochon: Oui, je le sais. Ce sont essentiellement des résidents. Il y a quelques personnes qui ont été, comptées, mais ce ne sont pas des moniteurs secrets. Il y a eu une ou deux ententes qui existent entre des centres hospitaliers et des universités; je peux parler de celle que je connais le mieux, qui existe entre Laval et Robert-Giffard, entente qui a été faite très officiellement, très ouvertement entre les deux conseils d'administration, le conseil d'administration de l'hôpital et le conseil exécutif de l'université, et qui a été déposée. Vous le voyez, copie conforme au ministère. Par contre, ces quelques individus qui font partie, qu'on a ajoutés dans le contingent, ont accepté des obligations particulières pour pouvoir faire leur spécialité, par exemple, certaines orientations en psychiatrie lourde et certains types d'établissements où ils vont aller. Mais, de mémoire, je peux vous dire qu'on parle de deux, trois individus; trois, je pense, à Laval. Il y en a peut-être d'autres dans une autre entente dont on parlait. L'essentiel, ce sont des résidents.

M. Chevrette: Vous dites que c'est difficile d'avoir des données précises. Vous nous dites également qu'on s'y prend ordinairement à tous les niveaux. Vous ne visez pas nécessairement le gouvernement, mais tous ceux qui se permettent de faire des statistiques, si j'ai bien compris, devraient déduire le nombre d'enseignants, le nombre de médecins recherchistes, etc.

Il y a des choses que je concilie mal avec vos propos, parce qu'il y a un bon nombre d'enseignants, déclarés enseignants, qui reçoivent égalemen de la RAMQ 120 000 $ par année. Comment voulez-vous qu'on n'en tienne pas compte au niveau des statistiques?

M. Rochon: Absolument. Je pense que vous pouvez et devez en tenir compte. Quand j'ai dit cela, je me référais à un contexte très particulier du recrutement de certains types de professeurs qui sont demandés par les universités, des gens qui ne viennent pas du Québec. En général, ces individus sont recrutés pour des charges complètes d'enseignement et/ou de recherche, et ils ont une activité clinique assez réduite et contrôlée. Mon commentaire concernait spécifiquement ce groupe.

Maintenant, pour les enseignants dans les facultés de médecine, par ailleurs, les enseignants québécois, professeurs réguliers, il y a une variabilité assez grande de statuts et de niveaux de régime d'emploi à ces universités. Tous n'ont pas un régime temps plein et tous les professeurs adjoints, par exemple, ne sont pas nécessairement employés à temps plein par l'université. Alors, pour vraiment analyser la situation, il faudrait avoir non seulement ce qu'ils reçoivent de la régie, mais ce qu'ils gagnent vraiment à l'université.

M. Chevrette: Je sais que mes dix minutes sont terminées. Je pourrai revenir tout de suite après sur la garde, j'aurai des questions. Je vais respecter les règles de Mme la Présidente. (16 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aurais quelques questions à vous poser. C'est un problème qui a été soulevé à la fois par les doyens et par l'Université McGilI. C'est celui du recrutement des professeurs - appelons-les hors Québec, pour les fins de la discussion - qui sont des gens qui se consacrent à la recherche, à un enseignement particulier, et ainsi de suite. Vous l'avez expliqué et, après cela, l'Université McGill a dit: Cela a été bien expliqué par les doyens. Vous parlez, par exemple, de difficultés, de lenteur. En fait, vous souhaiteriez - je pense que je l'ai ici: "Les barrières au recrutement professoral, déjà très nombreuses - c'est en page 9 de votre mémoire - et difficiles à traverser, ne devraient pas être augmentées par les autorités de l'Immigration. " Apparemment, vous en avez du côté de l'Immigration, Mais quels sont les autres types de difficultés que vous avez dans le recrutement de ces professeurs qui ont des charges d'enseignement et de recherche?

M. Rochon: On ne vise personne en particulier et tout le monde en général quand on dit cela. D'ailleurs, on a eu des rencontres avec nos collègues, les officiers des ministères, pour discuter de cela. Ce qu'on a compris, c'est que c'est un système où il y a tellement d'intervenants et pas de mécanisme prévu où on peut se parler au bon moment que les dossiers ne finissent pas par sortir. Comme c'est vu, plutôt qu'une main-d'oeuvre universitaire, donc, système d'éducation, comme de la main-d'oeuvre médicale, quand les dossiers arrivent au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, on fait, je pense, si j'ai bien compris le système, une référence automatique au ministère des Affaires sociales qui, lui, a comme première réaction de dire non jusqu'à preuve du contraire.

Maintenant, avant que le dossier ne fasse le tour et nous revienne, il peut s'être passé pas mal de mois. Alors, quand une université entreprend de recruter quelqu'un, d'abord, bien souvent, c'est un recrutement par lequel on a cherché un candidat en général québécois et canadien. Le processus est en marche depuis longtemps. Il y a une personne qui a été rencontrée et qui est

venue. Sans que cela ne soit vraiment engagé et contresigné, pour qu'on demande que la personne puisse venir, les démarches sont déjà faites depuis longtemps. On recommence le processus de convaincre le ministère des Affaires sociales de refaire l'avis à l'Immigration et, avant que l'Immigration nous ramène le dossier, cela peut prendre un temps terrible et, avec tout cela, on ne sait plus sur le bureau de qui est rendu le dossier. Alors, cela peut prendre trois, quatre, cinq ou six mois. Si l'été passe a travers cela ou une période un peu prolongée ou n'importe quoi, vous pouvez vous imaginer que très vite plusieurs mois passent. C'est cela en gros. Ce n'est pas nécessairement qu'il y a un blocage systématique, mais le système donne très peu de résultats et ne permet pas aux gens de se parler au préalable et au bon moment. C'est comme cela que je l'ai perçu. Je pense que je vais laisser mon collègue de McGill qui, peut-être plus souvent, en plus grande fréquence, a des dossiers à présenter...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous aimeriez ajouter...

M. Rochon:... réajuster au besoin là-dessus.

M. Cruess: Jusqu'à l'été passé, c'était facile. Il y avait beaucoup de choses à faire, mais nous n'avions pas de difficulté avec cela. Mais, depuis l'été passé, nous avons eu beaucoup de problèmes. Il est nécessaire de faire beaucoup d'appels téléphoniques et de faire des pressions pour obtenir la permission du ministère des Affaires sociales d'obtenir le dossier à l'Immigration. Nous avons perdu un candidat de la Belgique qui ne veut plus attendre encore quelques mois.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un processus qui peut prendre combien de temps, tout cela?

M. Cruess: Le processus de recrutement est très long. Au niveau de l'université, avec les avertissements et les choses comme cela, cela peut prendre entre six mois et un an. Mais, après que nous avons notifié le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, et le ministère des Affaires sociales, c'est deux, trois, quatre ou cinq mois de plus, pour une étape. Il y a beaucoup d'autres étapes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que l'université dans son processus, cela peut vouloir dire, si je vous ai bien compris, entre six et douze mois, et qu'après cela ça peut être quatre ou cinq mois supplémentaires. Est-ce que, du moment que vous envisagez de recruter quelqu'un à l'étranger, vous en faites immédiatement part au ministère des Affaires sociales ou si vous attendez que - appelons-là ainsi - la première étape...

M. Cruess: Non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... soit complétée avant de faire la deuxième, ce qui, peut-être, allonge les choses indûment?

M. Cruess: Après une rencontre avec les représentants des Affaires sociales, maintenant, il y a un processus: nous écrivons immédiatement au responsable du ministère, avec tout le dossier, pour lui dire que nous sommes en train de l'envoyer à l'Immigration.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, peut-être que le ministre pourra nous éclairer plus tard. Ce n'est pas très clair - quand je dis vous, cela peut être n'importe laquelle université - si c'est vous qui étiez lents dans votre premier processus ou si c'est le ministère des Affaires sociales. Je ne sais si le ministre voudrait donner des explications là-dessus pour que ce soit clair, parce que je sais que c'est un problème qui est dans le paysage.

M. Chevrette: Je pense que monsieur a véritablement admis qu'à la suite d'une rencontre entre nos hauts fonctionnaires et les représentants de la faculté il a été convenu que, dorénavant, au lieu d'arriver après tout le processus de l'immigration, etc., on puisse cheminer parallèlement, parce qu'on arrivait avec un dossier qu'on n'avait jamais traité et il fallait donner une réponse parce que cela urgeait. L'assentiment de la personne, c'était quelques jours, quelques semaines à peine, et on n'avait pas pu traiter le dossier. Si on pouvait cheminer en même temps que les autres ministères, les réponses pourraient être beaucoup plus rapides. On en a réglé un - en tout cas, c'est mercredi que ta réponse sera officielle - pour un DSP, par exemple, pour l'Hôpital juif de Montréal. Dès qu'on a été mis au courant... Ce n'était pas nécessairement un cas d'acceptation de médecin immigrant comme tel, c'était plutôt dans le cadre d'une spécialité. Après entrevue, on jugeait que c'était une compétence, quelqu'un qu'il fallait aller chercher absolument, et on l'a traité en priorité. Il reste que nous aussi on doit faire nos investigations et tout. Comme il a été convenu, je pense qu'on pourra, du côté des Affaires sociales, mener les dossiers beaucoup plus rondement avec la nouvelle procédure.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela semble vous satisfaire, cette... M. le député de Westmount.

M. French: Mme la Présidente, je vous remercie. Je pense qu'il reste une ambiguïté ou qu'une série de questions devraient être posées. La première parmi ces questions est la suivante: Est-ce que les universités ou les facultés de médecine ont abusé en voulant faire venir quelqu'un au Québec pour une raison autre que les besoins d'enseignement de l'institution? Cela aussi a été affirmé dans certains contextes - j'ai eu trois, quatre discussions là-dessus - et je pense que c'est au ministère de l'Immigration où on a soulevé la possibilité que tel ait été le cas dans quelques cas précis. Ce serait valable que les doyens et le ministère se prononcent là-dessus puisque, si oui, cela justifierait le genre de tri qui se fait actuellement, tri un peu laborieux à mon sens, mais peut-être nécessaire s'il y a eu abus. Si, par contre, il n'y a pas eu de tels abus, il me semble difficile de justifier des études et des enquêtes qui durent plus de deux ou trois semaines. Il me semble difficile d'expliquer que cela prenne quatre mois d'étude pour refaire l'évaluation qui a déjà été faite de bonne foi - selon l'hypothèse qu'il n'y a pas eu d'abus - par une institution médicale au Québec. J'ai échangé des propos longuement avec le ministre là-dessus et je continue à croire que, s'il n'y a pas eu d'abus - je n'affirme pas qu'il n'y en a pas eu - il n'y a pas lieu que, quelque part dans la machine des Affaires sociales, il y ait une espèce de "Monday morning quarterbacking" sur les décisions des gens qui sont les seuls responsables et les seuls qualifiés pour faire l'évaluation de ce dont ils ont besoin comme main-d'oeuvre médicale dans le domaine de la recherche et de l'enseignement, ce qui n'est pas, encore une fois, la même chose que de trouver un anesthésiste pour un hôpital à Gaspé ou dans une région périphérique. Ce sont deux démarches complètement différentes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le ministre voulait...

M. Chevrette: Ce n'est pas une question d'abus, c'est une question d'effort préliminaire qui doit être fait pour, à compétences égales, choisir le résident. C'est cela qui est l'esprit fondamental. S'il n'y a pas eu d'appels d'offres ou d'ouverture de postes ici même au Québec, c'est clair que la décision, c'est non d'abord au ministère des Affaires sociales. On dit: D'abord...

M. French: Combien de cas de ce genre avez-vous trouvés?

M. Chevrette:... faites l'effort et ensuite on jugera devant les résultats. Il y a eu des exemples qui ont été reconnus. C'est vrai que cela prend un certain temps. On ne doit pas cacher cela, les délais sont toujours trop longs. On sait cela. Mais il reste que c'est ce qu'on demande comme preuve, au départ. Pas seulement pour l'enseignement, même pour des fonctions spécifiques comme des recherchistes ou encore un DSP, comme ce fut le cas la semaine dernière. C'est un fait qu'on demande cela. N'importe quel pays, n'importe quelle province fait cela. D'abord, regarder si les compétences locales correspondent, sinon on n'a pas à se priver des "top notch" pour pouvoir dispenser le savoir. On est entièrement d'accord. C'est la discussion qu'on a eue tous les deux en commission parlementaire sur les crédits. On a demandé aux universités que, dorénavant, pour ces cas spécifiques, pour qu'on puisse cheminer en même temps que les autres, on ait le dossier au tout départ. C'est cela qu'on dit.

M. French: Mme la Présidente, est-ce que le ministre serait prêt à donner un temps optimal? Est-ce raisonnable de s'attendre à une réponse dans un mois? Est-ce raisonnable comme cible? De toute évidence, vous ne réussissez pas actuellement à atteindre cette échéance - je dis "vous", mais je veux dire les écoles et vous - d'une façon ou d'une autre, cela ne marche pas comme cela devrait marcher, il me semble.

M. Chevrette: On a demandé aux gens des universités de nous envoyer les cas dès le départ, même pas quand ils les envoient à l'Immigration. On est allés plus loin que cela. On a dit: Quand vous entreprenez les démarches, faites-le-nous savoir, pour que cela aille plus vite. On ne peut pas être plus réceptifs que cela. Je ne sais pas ce que le député veut de plus. Il me semble que...

M. French: Ce que je veux, c'est plus d'appels...

M. Chevrette:... c'est beaucoup. À supposer que McGill a besoin d'un enseignant je prends l'exemple de McGill, mais j'aurais pu en prendre un autre - d'un grand cardiologue et qu'ils l'ont déniché. Les intéressés entreprennent les démarches pour aller le chercher. Nous disons: Avant même d'aller à l'Immigration, envoyez-le-nous. Nous ne traînerons pas, dans la mesure du possible, soyez assurés de cela. Ce qui arrivait comme procédure antérieure, c'est que tout le monde s'était branché et cela nous arrivait sur la table et on disait au ministre des Affaires sociales: Qu'est-ce que tu attends pour te prononcer? Tu es toujours en retard! Bien oui! Mais il est toujours le dernier à être mis au courant et c'est lui qui doit donner l'accord final. Ce serait un peu normal qu'il chemine en même temps que les autres. C'est cela. On ne se chicanera pas là-dessus. Le monsieur de l'Université McGill vient de nous dire qu'il

avait convenu avec nos hauts fonctionnaires de cette démarche. S'il y a harmonie, n'allumez pas de feu, on s'entend.

M. French: Oui. Sauf que c'est moi-même qui serai pris pour aller voir le ministre dans trois, quatre, cinq ou six mois si cela marche comme cela a marché depuis un an.

M. Chevrette: De toute façon, vous n'auriez pas besoin de cela pour venir me voir, voua viendriez quand même.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le

Dr Rochon voudrait ajouter quelque chose.

M. Rochon: J'aurais quelques commentaires à faire là-dessus. D'abord, le Dr Gauthier.

M. Gauthier (Yvon): Je voudrais dire que je ne pense pas qu'on ait commis d'abus à l'Université de Montréal, justement. En fait, on a sans doute été beaucoup moins impliqués que nos collègues de McGill dans des situations comme celle-ci. En fait, c'est vraiment la dernière chose que l'on fait que de regarder à l'extérieur. Mais, au cours des derniers mois, je peux dire que cela a été extrêmement compliqué. J'apprends, aujourd'hui, qu'il faut avertir le ministère des Affaires sociales à peu près en même temps que l'on fait, si on peut dire, nos démarches vis-à-vis des professeurs de l'extérieur. Remarquez bien que ce sont des situations très complexes là aussi. Cela peut être des gens qui sont ici depuis un an ou deux à titre de professeur invité et dont la compétence et l'expertise nous apparaissent absolument essentiels. C'est à ce moment-là qu'on fait la demande. Souvent, ce sont des gens qui ont des décisions rapides à prendre parce qu'ils ont - s'ils sont aussi compétents - des postes dans une université, que ce soit en France, en Angleterre ou ailleurs, Il y a toute une série de... C'est là qu'on touche du doigt combien il est important... Je suis bien d'accord qu'on le dise au plus grand nombre de gens possible. En tout cas, au cours des mois, cela a été très compliqué. J'espère que les choses seront beaucoup plus faciles, parce que je peux assurer que, de notre côté, c'est vraiment la sorte de démarche qu'on fait en dernier ressort. Je suis tout à fait d'accord. C'est vraiment la position de la faculté, à savoir qu'il faut essayer de trouver ici les compétences et les utiliser au maximum. Mais, dans certains cas, il faut aller à l'extérieur.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Rochon, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Rochon: Je me permets d'insister très brièvement, en présumant que ce mécanisme nouveau...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous venez de faire une grande annonce, M. le ministre n'avait pas l'air au courant.

M. Rochon: Cela n'avait peut-être pas fait le tour, parce que nous n'étions pas tous à la rencontre, mais nous avons présumé... Cela montre clairement que la communication passe mal quand il y a beaucoup de gens intégrés là-dedans. Mais c'est relativement récent, et on peut présumer que le système va faire ses preuves, qu'il va améliorer. (16 h 15)

II y a un autre élément qu'il ne faudrait pas oublier en ce faisant, par exemple. Il y a une question de synchronisation dans le temps; cela va aider un peu si on fait chevaucher les processus. Il y a les critères qu'on utilise et qu'on regarde; il faudrait faire attention aussi à cela, parce que souvent on s'est fait poser des questions, où on est amené, à l'intérieur des ministères, à dire: Un autre cardiologue. Combien a-t-on de cardiologues? Un autre dans la région de Montréal, combien en a-ton là? Avons-nous réellement besoin d'un cardilogue à Montréal, alors qu'il n'y en a pas à tel endroit? Quand on amorce ce genre de discussion - c'est cela qu'on essayait de dire - ce n'est pas du tout la bonne discussion pour le recrutement, on veut recruter quelqu'un pour faire de la recherche ou de l'enseignement dans tel domaine, à McGill, à Montréal, à Laval ou à Sherbrooke. Alors, que ce soit un autre dans une spécialité qu'on a en surplus, cela n'a rien à voir, parce qu'on ne l'envoie pas sur le terrain pour pratiquer. Cela va être très important aussi, autrement on va avoir réglé un peu le chevauchement, mais on va juste se chicaner plus longtemps, parce qu'on va commencer plus vite. On va se chicaner pareil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce genre de discussion, on l'a eu lors de l'étude des crédits, où justement le ministre et les membres de l'Opposition discutaient à des niveaux différents; l'un qui était de l'ordre des ressources à l'ensemble des citoyens, si on veut...

M. Rochon: Médical...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... médical...

M. Rochon:... par rapport au...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... et l'autre, des ressources de niveau universitaire, d'enseignement et de recherche. Est-ce que vous avez autre chose? On est

aussi bien de clore.

M. Chevrette: Non, mais je vaudrais... C'est quand même un sujet extrêmement important et c'est vrai qu'il crée des problèmes. Voici pourquoi le ministère des Affaires sociales a un mot à dire qui est très important. Je prends un exemple, qui m'est raconté, à Sherbrooke, où on veut un spécialiste. Mais on sait très bien que, si on prend tel spécialiste, cela veut dire qu'on implante tel service ou telle spécialité à tel centre hospitalier. Il faut prendre la décision, parce que c'est nous qui allons le payer en fin de compte: Est-ce qu'en Estrie, ou à Sherbrooke plus précisément, on a les moyens de, ou on doit, ou on peut se permettre cela? Cela fait partie d'une analyse qui n'est pas nécessairement sur la compétence de l'individu, qui n'est pas reliée du tout à la compétence professionnelle de la personne, mais on est obligé d'en tenir compte, qui que ce soit au poste de ministre des Affaires sociales. C'est une complexité face à ce problème. Une université n'a peut-être pas nécessairement l'occasion d'y songer, parce que c'est un autre secteur, c'est le secteur de la formation. Il y a la question des soins, des services directs à la population. Et, par rapport à la capacité de payer, à un moment donné, il faut que tu te poses une question. Je voulais juste vous démontrer un peu plus la complexité de cela.

Mes propos sont sur deux autres sujets.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien là, on est un peu tout...

M. Chevrette: J'ai remarqué cela, c'est pourquoi je vous ai laissé aller, je trouvais que cela allait bien, je ne suis pas intervenu.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais...

M. Chevrette: Je me disais: Quand viendra mon tour, je ne serai pas achalé du tout, ils vont me laisser aller pendant quinze minutes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... la raison pour laquelle on a, enfin, à tort ou à raison...

M. Chevrette: Non, d'accord, ce...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai permis cet échange de vues, parce qu'il y avait un problème qui avait besoin d'être creusé. Vous avez voulu intervenir, ainsi que le député de Westmount.

M. Chevrette: Oui, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Alors, si vous me donnez... Il me reste quatre minutes.

M. Chevrette: Je ne suis pas un gars de grief, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Bon! M. Chevrette: Je suis un médiateur-né.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. L'autre question touche - il y en a plusieurs, mais je reviendrai si j'ai la chance, plus tard - les unités d'enseignement clinique. Ce matin - je ne sais pas si quelques-uns parmi vous étaient ici, je voudrais être bien sûre d'avoir bien compris votre version et la version, peut-être qu'elle concorde... Des résidents et des internes, ce matin, ont déploré que cela pouvait être inégal - ils n'ont peut-être pas dit que c'était très inégal - d'un centre hospitalier à l'autre. Alors qu'à des endroits, c'était bien organisé, à d'autres, il n'en existait pas et tout...

De votre réponse, c'est-à-dire la façon dont vous avez abordé le problème, cet après-midi - ce n'était probablement pas une réponse que vous vouliez donner à la fédération - j'ai cru comprendre que peut-être ils avaient - c'est là que je voudrais que vous me corrigiez - une conception trop, je ne sais pas si on peut le dire, monolithique de ce qu'est une unité d'enseignement clinique, alors que, d'après vous, il y aurait différents modèles et qu'ils ne sont pas nécessairement les mêmes d'un endroit à l'autre. Alors, c'est l'impression que j'ai eue, mais je peux me tromper. Je voudrais que vous m'éclairiez là-dessus.

M. Rochon: Brièvement car je laisserai peut-être la parole à mes collègues de Montréal, vu qu'on a donné des exemples dans la région de Montréal ce matin; cela permettra peut-être d'être encore plus spécifique en répondant à votre question. Premièrement, je n'ai vraiment pas voulu interpréter au-delà de ce qu'ont dit, ce matin, les représentants de la Fédération des médecins résidents et internes, mais j'ai voulu rappeler - je présume qu'ils sont d'accord avec cela - que l'unité d'enseignement clinique, toute importante qu'elle soit et étant un moyen privilégié d'organisation de l'enseignement, n'est pas le seul moyen et que l'objectif ne peut pas être de ne faire l'enseignement que dans l'unité d'enseignement clinique. Il y a certains types de programmes, certaines parties de programmes qui peuvent se réaliser, compte tenu des circonstances, peut-être pas mieux, mais peut-être au moins aussi bien que dans une unité très formelle.

Alors, c'est dans ce sens qu'on dit que, nous, on est d'accord sur un concept où on dit qu'une unité, cela correspond à un

programme bien identifié, qui a ses objectifs, des activités pédagogiques bien définies, un encadrement défini, une population de patients ou un éventail de types de patients qui, en nombre et en qualité de problèmes qu'ils présentent, permet d'atteindre les objectifs du programme. Si les médecins internes et résidents veulent des unités cliniques définies telles qu'il y a 15 ans ou 20 ans, on leur dit: Nous, notre concept est plus large. Je ne pense pas que ce soit cela qu'ils veulent dire.

Cela dit, il y a peut-être, dans certains milieux, je dirais même qu'il y a sûrement, de temps en temps, des unités qui fonctionnent moins bien. Il faut réaliser que c'est complexe la fonctionnalité, cela implique une très grande collaboration des ressources et une très grande collaboration entre l'université et l'hôpital en question. Cela se fait par la voie de départements, de services. C'est un système très décentralisé. Cela veut dire, par exemple, de regrouper des patients. Le concept classique de l'unité, c'est de regrouper au moins 15 lits et cela peut aller jusqu'à 30 lits dans un même type de département ou même de service, de les regrouper au même endroit physique de l'hôpital. Cela veut dire une salle pour les résidents, cela veut dire une bibliothèque, cela veut dire de l'audiovisuel. Le concept idéal, c'est vraiment une classe ou un laboratoire qu'on installe, si vous voulez, une clinique dans un endroit.

Parfois, c'est sûr qu'il y a des hôpitaux qui ont de la difficulté à réaliser cela parce qu'ils ont d'autres contraintes, ils ont d'autres exigences et ce n'est pas toujours facile de maintenir la fonctionnalité. Alors, il peut y avoir les deux situations. Il y a peut-être des situations où on pense qu'il y a un autre moyen que l'unité. L'enseignement clinique est aussi bon dans telle circonstance et peut-être qu'ils ne sont pas d'accord. Là, c'est une discussion plutôt sur le concept. Il y a peut-être des situations où on serait d'accord avec eux que ce n'est pas satisfaisant, mais il y a des problèmes matériels de différentes natures qui font qu'on a de la misère à y arriver, vous voyez.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Compte tenu - vous venez d'y faire allusion - des exigences que certains hôpitaux ont concernant les urgences, concernant le nombre de malades chroniques, etc., il est peut-être plus difficile d'organiser ces unités d'enseignement clinique et eux, si je ne m'abuse, ont fait la suggestion qu'il y ait une rationalisation des hôpitaux universitaires. Je ne veux mal interpréter personne, mais peut-être qu'il y en a trop et que, finalement, on ne donne pas aux étudiants - enfin, aux résidents et internes -les outils nécessaires auxquels ils sont en droit de s'attendre au moment où ils sont en spécialité ou ailleurs où ils font leur internat. Quelle est votre réaction là-dessus?

M. Rochon: Sur cet aspect de la question, on est d'accord. Je ne sais pas si on pense aux mêmes exemples ou aux mêmes endroits que les internes et résidents pouvaient avoir à l'esprit ce matin, mais on est entièrement d'accord qu'il y a une rationalisation à faire. On n'est pas seulement d'accord, on est en train de la faire.

Le rapport Scott, qui est devenu le rapport COCERAP et qui est en pratique actuellement, est en train de se réaliser. Il a été déposé dans les ministères, il a dû y avoir une copie à votre ministère.

M. Chevrette: Quand?

M. Rochon: Sûrement; autrement, c'est un oubli impardonnable.

M. Chevrette: La communication n'est pas bonne là non plus. Je ne l'ai pas encore.

M. Rochon: Mais le ministère de l'Éducation l'a.

M. Chevrette: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pourriez peut-être envoyer une copie aux membres de la commission.

M. Rochon: Si c'est plus facile qu'on vous en envoie une copie que le ministère de l'Éducation, on va vous en envoyer une copie. Alors, ce rapport est déposé. Il est en voie de réalisation actuellement et cela va, dans certains cas, sûrement améliorer. Est-ce qu'il y a d'autres situations en plus, ailleurs, qui n'ont pas été identifiées? Je ne le pense pas. Il y a vraiment des programmes qui vont devenir des programmes réseaux, comme le disait le Dr Lamarche, qui vont s'associer dans toute la province et on va concentrer les clientèles étudiantes. Peut-être qu'il y aurait des façons plus spécifiques. Je vais demander au Dr Lamarche de...

M. Lamarche: Le rapport a été déposé au ministère de l'Éducation en février 1984. Maintenant, pour ce qui est de l'unité d'enseignement clinique, je pense qu'il faut bien comprendre que c'est une méthode pédagogique qui ne fonctionne que si certaines conditions sont remplies. La première condition, c'est d'avoir une pyramide d'enseignement. On mentionnait, ce matin, la Cité de la santé, à Laval. À Verdun, il n'y a pas d'unité d'enseignement clinique. C'est sûr, il ne peut pas y avoir d'unité d'enseignement clinique; il n'y a que des programmes de résidence en médecine familiale. Quand le résident en médecine

familiale va faire trois mois de médecine interne à la Cité de la santé, il n'y a pas de résident en médecine interne, il n'y a pas de pyramide et il n'y en aura pas.

Ce concept d'unité doit répondre à des conditions très précises. D'ailleurs, dans certaines facultés, comme on le mentionne dans notre rapport, à Toronto, à Queen's, c'est disparu de leur vocabulaire. J'ai fait un relevé autour des douze facultés autres que celles du Québec et, dans certaines d'entre elles, on dit: On ne parle plus d'enseignement clinique. Les unités d'enseignement clinique étaient celles où étaient regroupés les malades qu'on appelait ceux de l'assistance publique à ce moment-là. Lorsque l'assurance-maladie a été mise en application, tous les malades ont été potentiellement des malades utiles à la formation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci. M. le ministre, si vous voulez y aller, ou un de vos collègues.

M. Chevrette: J'ai au moins deux autres questions assez importantes à poser. Tout d'abord, concernant les gardes, vous m'avez dit tantôt, M. Rochon, que vous aviez circonscrit le problème et que vous auriez bientôt les solutions. Quel était le problème des gardes? Quel est le type de solution?

M. Rochon: Parlez-vous du problème des gardes en général ou, plus spécifiquement, des internes dans les urgences?

M. Chevrette: Des internes et -résidents.

M. Rochon: Des internes dans les urgences?

M. Chevrette: Exactement.

M. Rochon: II y a eu une réunion pas plus tard que vendredi dernier à la corporation, convoquée par la corporation, où étaient présents les représentants de la Fédération des médecins internes et résidents et des facultés de médecine. Deux des doyens étaient là, et les autres facultés étaient représentées par leur vice-doyen. Il y avait aussi un représentant des hôpitaux d'enseignement de l'AHQ. C'était le même groupe qui s'était réuni trois ou quatre mois auparavant vers la fin des négociations pour faire le point. La corporation pourra peut-être vous en parler encore plus en détail. Le même groupe s'est entendu, lors de la première réunion, il y a trois ou quatre mois, pour que chacun des hôpitaux indentifiés sur la liste des récalcitrants - ou peu importe la qualification qu'on veut lui donner - soit visité. Ceux-ci ont été visités par la corporation qui, à chaque endroit, était accompagnée par l'université locale. La corporation a préparé des recommandations. On a discuté de cela vendredi passé. Selon le rapport - je n'étais pas là personnellement -on avait circonscrit les endroits où il restait encore des problèmes; on avait identifié le type de problèmes qui restaient dans chaque hôpital et on avait convenu que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, des moyens seraient pris pour que cela entre dans l'ordre ou que, si cela n'entrait pas dans l'ordre, effectivement, des stages ne seraient pas reconnus.

M. Chevrette: Quelles sont vos réactions face aux allégations des résidents et internes en ce sens que, s'il y avait une plus grande concentration, par exemple, en diminuant le nombre d'hôpitaux... Je vais donner un exemple. Au lieu d'avoir des résidents en cardiologie dans quinze hôpitaux, s'il y en avait dans sept, est-ce que ce ne serait pas là une façon d'alléger la tâche des résidents?

M. Rochon: Je ne suis pas sûr d'avoir compris la même chose que vous. Je les ai entendus discuter de cela. On parle surtout du problème de la tâche pour les internes. Les résidents - encore là, on a une entreprise de rationalisation qui se fait; ce n'est pas parfait partout - surtout dans des domaines de spécialité, de surspécialité, comme en cardiologie, sont en général assez concentrés. Les problèmes dans les urgences, où l'encadrement pouvait ne pas être satisfaisant pour les internes, ne concernaient pas surtout les résidents, mais beaucoup plus les internes et à un niveau moins spécialisé de la formation pour ce qui est des stages à l'urgence. Je ne pense pas que ce soit le regroupement des résidents qui règle nécessairement ce problème. Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre question. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un rapport...

M. Chevrette: Ou bien c'est moi qui ai mal compris, mais on insistait fortement sur les concentrations de spécialités, en diminuant le nombre de centres hospitaliers qui avaient ces types de... On parlait de 41 centres hospitaliers. On nous a dit: Nous ne voulons pas nécessairement enlever les 41 centres. Tout en les maintenant, y aurait-il possibilité de concentrer certaines spécialités dans certains au lieu de les éparpiller? C'est ainsi que j'avais compris les allégations de la FMRIQ.

M. Rochon: C'est cela. En général, elles sont concentrées. Le COCERAP concentre encore plus les domaines qui peuvent l'être. Il ne faut pas oublier que beaucoup de centres hospitaliers plus généraux où vont des étudiants, surtout au

niveau peu spécialisé, au niveau de l'internat, par exemple, offrent des possibilités de stages qui atteignent beaucoup plus les objectifs d'un programme qu'un hôpital universitaire surspécialisé qui peut avoir une clientèle beaucoup trop restreinte, trop pointue dans différents domaines. Ce n'est pas un équilibre facile à garder, mais c'est sûr que, de façon général, on est d'accord avec le principe que, si, dans un centre hospitalier, un stage ne peut pas se réaliser dans des conditions qui permettent une qualité pédagogique, on trouve un moyen de régler le problème. Après un temps raisonnable, si on n'y arrive pas... (16 h 30)

M. Chevrette: Quelles seraient vos réactions, comme doyen?

M. Rochon: Â quoi?

M. Chevrettes Si on décidait d'une concentration plus forte que celle qui existe?

M. Rochon: De quelle concentration? Des internes?

M. Chevrette: Oui.

M. Rochon: Je pense que, si on décidait d'une concentration plus forte des internes, on pourrait créer des problèmes qui vont à l'encontre de ce qu'on veut faire par la formation des internes. Une bonne partie des internes se forme pour des programmes en médecine familiale. En général, la tendance est beaucoup plus qu'ils aient une formation le plus possible en dehors des centres hospitaliers, que ce soit avec des groupes de médecins en pratique qu'avec des CLSC ou tout genre d'établissement, parce que la profession qu'ils vont pratiquer, ils vont la pratiquer en bonne partie en dehors du centre hospitalier. II faut voir la différence. Pour les résidents, il y a un mouvement vers une rationalisation et un regroupement. Cela ne se fait pas toujours parfaitement, mais la tendance est là-dessus. Pour les internes, pédagogiquement, la tendance est plutôt vers un déploiement, mais pas nécessairement en créant des hôpitaux universitaires partout. C'est souvent beaucoup des ententes qui sont faites, des réseaux qui se développent autour d'un centre hospitalier majeur, autour d'une unité de médecine familiale.

Quant aux endroits éloignés, le programme qu'a lançé le ministère commence à s'articuler là-dessus, il y a des stages. Alors, pour l'internat, l'approche générale est plutôt vers un élargissement de l'éventail des expériences avec tout ce que cela nous pose de difficultés et de problèmes de maintenir un bon encadrement pédagogique. C'est sûr que, quelquefois, on a des difficultés.

M. Chevrette: L'autre question qui n'a pas été traitée ou presque pas jusqu'à maintenant, c'est le fameux comité de sélection pour l'acceptation de médecins immigrants. Il est bien évident que vous n'avez pas en main les mémoires, mais nous avons eu la chance de les avoir un peu avant. Demain, je crois qu'il y aura un témoignage des médecins immigrants devant nous. Jeudi? Jeudi matin, je crois qu'il y aura un mémoire de déposé dans lequel ils s'en prennent beaucoup à votre mode de sélection disant que ce n'est pas sérieux. Ils en mettent beaucoup plus dans les rencontres qu'on peut avoir que dans le mémoire. Ce que j'ai entendu lors de mes rencontres avec eux, c'est qu'ils ont beaucoup de récriminations sur le manque de sérieux de vos sélections. Dix minutes d'interview pour juger de la compétence professionnelle d'un médecin immigrant, ils ne prennent pas cela au sérieux, surtout si après cinq minutes de dialogue on demande à quelqu'un s'il parle français et que cela fait cinq minutes qu'il jase en français; cela doit être assez frustrant, quelle que soit ton origine, de te faire dire cela. De toute façon, je vais leur faire répéter ce qu'ils m'ont dit dans une rencontre, c'est clair. Je ne dis pas cela parce que je l'invente, parce qu'on me l'a dit à mon propre bureau de Montréal. C'est un premier grief.

Le deuxième grief est beaucoup plus sérieux. Ils nous disent qu'ils peuvent nous faire la preuve que, quand on regarde ta liste des candidats à être reçus, comme par enchantement, il n'y a à peu près aucun refus pour les candidats français et beaucoup de refus pour les Pakistanais, les Égyptiens et les Haïtiens. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus parce que cela est sérieux comme accusation portée dans un régime démocratique. Deuxièmement, si tel était le cas, je pense qu'on se devrait comme gouvernement, comme Assemblée nationale, de prendre des dispositions pour que ces choses-là ne se répètent pas.

Vous passez avant eux, donc je n'ai pas d'autre choix que de vous poser la question, parce que vous l'auriez entendu de leur propre bouche. J'aimerais vous entendre sur ces deux sujets bien précis qui, à mon avis, sont quand même lourds de conséquences.

M. Rochon: D'accord. Je peux sûrement vous donner une réponse et une information là-dessus. Il faut réaliser qu'on est dans un contexte très... Je veux vraiment dire cela en préambule, c'est complexe, ce n'est pas facile. On est très conscient, dans les facultés de médecine...

M. Chevrette: J'ai oublié, je m'excuse, M. Rochon...

M. Rochon: Oui, allez-y.

M. Chevrette: II y a un autre aspect, qu'ils m'ont dit, qui allait plus loin. Je pense que c'est écrit dans leur mémoire. Vous avez choisi pour deux ans, à part cela, la dernière fois. Il y en a qui n'ont même pas terminé et ils sont sûrs d'être acceptés, alors que certains sont sur les listes d'attente depuis cinq ans. Troisième question.

M. Rochon: D'abord, un préambule important. On a quand même eu un certain nombre de communications, on a même rencontré des gens des facultés, des représentants des médecins diplômés hors Québec et on est conscient qu'il y a des situations personnelles et individuelles qui sont tragiques et on sympathise vraiment avec cela. Je veux vraiment dire cela avant, parce que, quand on prend le chapeau d'un administrateur pour essayer de régler une situation difficile, cela peut ne pas être évident qu'on tient compte de cela, mais on en est conscient.

Deuxièmement, au sens très large du terme, politiquement, c'est très difficile. On l'a dit dans notre mémoire, on est dans un contexte où on contrôle le nombre de médecins au Québec, où on contrôle le nombre d'admissions dans les facultés de médecine. On contrôle le nombre d'orientations dans les programmes de spécialités, le nombre de ceux qui vont vers les spécialités. Pendant ce temps-là - et cela est vrai dans tout le Canada - l'entrée de la main-d'oeuvre médicale par la voie de l'immigration est importante. Elle est importante et se maintient. Il y en avait 150 sur la liste de la corporation, il y a trois ou quatre ans. On en a admis 30 par année depuis quatre ans. Il y en a 200 ou un peu plus de 200 maintenant. Il y a donc une entrée importante de sujets dans un pays qui veut contrôler - parce qu'il dit qu'il y a trop de médecins. C'est le premier problème au plan macro.

Quand on arrive au comité de sélection dans ce contexte, on nous a évidemment dit parfois qu'il devrait y avoir plus un système - excusez l'expression - "first come, first served". On s'inscrit sur la liste, quand on arrive au pays, et, au fur et à mesure qu'il y a de la place, on va finir par entrer. D'abord, les représentants des médecins immigrants s'en sont surtout pris au gouvernement quant au nombre de places qui n'était pas assez élevé. On devait en ajouter 20, 50... Bon! On est revenu à 30 maintenant. On ne s'en prend plus au nombre de places, maintenant, on s'en prend au comité de sélection et, après cela, on va descendre jusqu'au bout. On est maintenant rendu au comité de sélection. Évidemment, les facultés de médecine font la sélection pour ce programme, de la même façon qu'on fait la sélection dans tous nos programmes dans les facultés de médecine. Et c'est la façon de procéder en général dans tous les programmes dans les universités où il y a une analyse selon les critères qu'on a choisis: la qualité du dossier, complété ou pas par une entrevue plus ou moins longue avec un candidat, selon le complément d'information nécessaire, compte tenu du dossier qu'on avait. Les candidats sont admis sur la base de la qualité de leur dossier, compte tenu des objectifs du programme qui est, dans ce cas-là, un programme d'accueil en vue d'un internat rotatoire pour former des gens pour faire de l'omnipratique au Québec. On a toujours refusé d'avoir un genre de sélection du style "first come, first served". On procède par des comités de sélection qui analysent la qualité des dossiers. On fait exactement de la même façon, avec le même type de critères, le même type de sélection que pour l'ensemble des programmes, encore une fois. Cette année, on est même allé bien plus loin. Le comité conjoint des quatre facultés de médecine qui a fait la sélection était composé de quatre vice-doyens qui avaient une bonne expérience et une bonne vision de l'ensemble et du fonctionnement de ce genre de mécanisme. Il y en a parmi ceux-là qui sont devant vous actuellement. S'il y a des cas spécifiques dont on veut parler, ils peuvent donner des exemples plus concrets, au besoin, dans notre discussion. On avait des seniors qui s'occupaient du comité. C'est le premier point. À notre avis, si la sélection doit se faire sur une autre base que sur la qualité de dossier, ce n'est plus une sélection dans les programmes universitaires, c'est un autre organisme qui doit s'en occuper et qui s'occupera peut-être de faire le programme d'accueil aussi, après.

À propos de la discrimination, je voudrais soulever deux points à ce sujet. Nous avons des chiffres nous aussi et nous pouvons démontrer que les groupes que nous acceptons chaque année représentent un éventail de gens qui viennent de différentes parties du monde. Il n'y a donc pas de discrimination systématique. Maintenant, encore là, il n'y a pas de système parfait. Que des individus n'aient pas trouvé justice selon ce système qu'on essaie d'appliquer de la façon la plus correcte possible, en toute équité, c'est bien possible. S'il y en a qui pensent - et j'ai déjà fait cette réponse à des représentants de l'Association des médecins hors Québec - qu'il y a eu discrimination, il peut y avoir examen de leur dossier, et s'ils pensent qu'on ne leur donne pas droit, je pense qu'on est dans une société démocratique, il y a tous les moyens pour que quelqu'un fasse valoir ses droits. Il y a bien d'autres étapes avant d'arriver à l'Assemblée nationale pour faire reconnaître et réparer une erreur qui pourrait avoir eu lieu.

Ma réponse à ces deux points est qu'on

pense qu'on a un système qui a sa logique, on ne prétend pas qu'il est parfait. S'il y a des erreurs, nous sommes prêts è les réparer. En fin de compte, le choix a été fait pour deux ans - pour répondre à la question qui a été posée - on n'a pas pensé mal faire. C'est le groupe des cinq ans qui a été ajouté. Quand on nous a annoncé qu'il fallait en prendre 50, ce n'est pas le moment, c'est un peu tard pour réussir à les prendre pour l'année. On s'est dit que cela pourrait peut-être changer l'an prochain. Quant à faire l'examen des dossiers, choisissons donc tout de suite - c'était l'automne passé - les 50 premiers qui vont entrer et ceux qui viendront les remplacer aussitôt que la place va être libre, dans douze mois, de sorte qu'on pourra refaire, en 1986, une autre sélection et qu'on va, à ce moment-là, éviter des retards pour ces gens. Cela a été fait juste pour améliorer l'efficacité du système.

S'il y a des gens - là, je suis obligé de répondre avec un "si", parce que je ne connais pas le détail des dossiers - qui auraient été acceptés là-dedans alors qu'ils n'auraient pas encore rempli toutes les conditions, d'abord il faudrait vraiment qu'on nous le démontre. Ce qui est peut-être arrivé dans le passé, c'est que, s'il manquait une condition à un candidat et que c'était une simple technicité, qu'il avait passé, par exemple, l'examen de qualification et que les résultats n'étaient pas rentrés, que tout le reste de l'évaluation du dossier était parfaitement justifié, je sais que, dans le passé, il y a des candidats qui ont été acceptés sous condition que, lorsque le résultat des examens arriverait, ce soit vraiment bon, vu que tout le reste du dossier était parfait. Sinon, c'était de pénaliser d'un an cette personne, qui avait un très bon dossier par ailleurs, parce que la synchronisation de l'étape de sélection et de l'arrivée de la note de l'examen n'était pas faite.

Alors, il peut y avoir des situations comme celles-là, où, pour des détails, on ne veut pas pénaliser un étudiant. Mais Il n'y a pas d'étudiants, à ma connaissance, qui ont été admis en faisant des exceptions ou un traitement de faveur. Ceci dit, c'est bien sûr qu'avec un système qui regarde la qualité des candidats un candidat se présentant pour la première fois peut être admis, alors qu'un candidat qui se présente pour la troisième ou la quatrième fois peut ne pas être admis. Il n'y a pas de rapport entre le nombre de fois où on se présente et les critères de sélection.

M. Chevrette: Mme la Présidente, j'aurais aimé questionner un peu plus l'Université McGill, qui vit à peu près les mêmes problèmes, comme université anglophone, que vivront probablement les universités de l'Ontario. On s'est interrogé, à

Winnipeg, les ministres de la Santé, sur le surplus de main-d'oeuvre médicale; cela représente un problème, parce que, effectivement, les universités de l'Ontario forment beaucoup de médecins; c'est la même chose pour les provinces maritimes et pour certaines provinces de l'Ouest.

On n'a pris aucune orientation, aucune décision en ce qui regarde ce dossier statistique, à toutes fins utiles. On a décidé, dans un premier temps, de le diffuser auprès des groupes intéressés pour, d'abord, avoir les remarques pertinents et pour que l'on puisse, ensuite, faire une discussion peut-être plus correcte, plus rationnelle, plus intelligente à partir de ce rapport, lequel sera discuté par les corporations, par les fédérations, par les universités. Vous devriez recevoir très prochainement ce rapport qui a été publié. Je ne me souviens jamais du nom de celui qui l'a publié. On pourra, par la suite, je pense bien, se réinterroger là-dessus. Pour nous, cela reste quand même un problème majeur, parce que nos projections, d'ici l'an 2000, c'est qu'on aura, je crois, 2000 médecins de trop par rapport au ratio population-médecin, selon la méthodologie qu'on prendra, bien sûr, puisque M. Rochon me fait signe... Mes chercheurs, je suppose, et les autres catégories.

Cela devient un problème qu'on ne peut ignorer, c'est évident, d'autant plus que si d'autres provinces canadiennes déclarent un surplus médical et mettent un cran d'arrêt, si on formait d'autres étudiants d'autres provinces, on pourrait se retrouver avec un phénomène où on les forme et on les garde, ce qui aurait pour effet d'accumuler les surplus. Je ne veux pas énerver plus qu'il faut, mais ce sont des situations théoriques auxquelles on pourrait avoir à faire face si on se fie, en tout cas, aux propos des ministres des autres provinces canadiennes.

Pour le moment, je pense bien que vous pourrez analyser le rapport, faire vos remarques et nous les acheminer pour qu'on puisse véritablement avoir votre "feed-back", vos réactions à cela. Est-ce que la méthodologie est bonne ou pas bonne? J'aimerais qu'on le sache au ministère, afin que l'on puisse vraiment, par la suite, faire la discussion la plus intelligente possible avec vous.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Madame... Vous voulez répondre? Allez-y, Dr

Lamarche.

(16 h 45)

M. Lamarche: Je voudrais intervenir sur la question des médecins étrangers. Je suis le président de ce comité de sélection et j'ai été particulièrement visé de toutes sortes de façons, verbales et écrites; j'ai été accusé de discrimination, de racisme et de tout ce que vous voulez. Le comité de sélection accomplit un devoir; c'est qu'il choisit, à

travers un réservoir de 150 ou de 200 candidats, ceux qu'il considère les meilleurs pour servir la population du Québec. Il n'y a pas de discrimination. Vous avez dit tantôt que tous les Français étaient admis. En réalité, sur les 80 qui ont été admis, il y avait trois Français. Le plus grand nombre d'admis, sur les 80, c'étaient des Vietnamiens. Il y avait 14 %, je pense, de Vietnamiens et 8 % de Haïtiens. Il n'y a pas eu de discrimination. Quand on a 30 postes, par exemple, pour 120 ou 150 candidats, si on en refuse 120, cela ne veut pas dire qu'ils sont incompétents, cela veut dire que ceux qu'on a choisis nous sont apparus de meilleure qualité pour servir la population du Québec.

Pour ce qui est des entrevues que certains qualifient de ridicules et de courte durée, il est évident que, si un candidat se présente pour la sixième fois à une entrevue, tout ce qu'on lui demande c'est: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans votre dossier? Avez-vous suivi des cours? Avez-vous fait une maîtrise? Quelle sorte de travail avez-vous fait? Est-ce que vous avez fait du recyclage? C'est ce qu'on demande mais, si la réponse est négative, l'entrevue ne peut pas durer une heure. Certaines entrevues sont très longues et d'autres sont courtes, je l'admets; mais il n'y a strictement aucune discrimination de la part des quatre citoyens qui siègent à ce comité de sélection.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je suis très heureuse que vous ayez situé le problème de la main-d'oeuvre dans une optique beaucoup plus large que le simple calcul du nombre de médecins acceptés ou tolérés par le gouvernement, afin de contrôler le coût des services de santé. C'est évident qu'il y a une relation entre le nombre de médecins et le coût de notre système. Il semble que tout le monde accepte qu'il y ait une certaine limite. Ce qui est plus important et qui est souligné par vos mémoires, c'est que le problème de la main-d'oeuvre est beaucoup plus large que cela. Si on songe au problème, non pas du nombre mais de la qualité des services, il faut reconnaître d'abord que la médecine fait partie d'une vaste activité scientifique qui est internationale ou mondiale. Naturellement, pour encourager l'excellence et pour maintenir une certaine qualité des services, il faut encourager l'échange des idées et l'échange des personnels sur le plan mondial.

Il semble qu'il faut aussi reconnaître la nécessité d'appuyer cette activité médicale par un système scientifique qui n'est pas strictement le personnel médical, mais les ingénieurs et les scientifiques de toutes sortes qui sont responsables dans une grande mesure des progrès dans le domaine médical. Ma première question traite du problème des obstacles. Nous avons mentionné, par exemple, les délais de l'approbation de la part du gouvernement du personnel qu'on veut attirer ici. Faut-il encourager ces échanges? Est-ce que vous avez d'autres suggestions sur le plan des incitatifs qu'il faut établir pour encourager la venue de la main-d'oeuvre d'ailleurs, et je ne parle pas uniquement du Canada? Quelles sont les conditions qu'il faut placer en priorité? Quels sont les autres obstacles? Quelles sont les mesures positives qu'il faut mettre en place pour encourager la venue de ce personnel?

M. Rochon: Vous parlez sutout de l'engagement de professeurs ou de chercheurs ou du recrutement d'étudiants gradués ou de résidents en formation spécialisée, parce que ce sont deux situations complètement différentes. Vous voulez parler surtout des professeurs.

Mme Dougherty: Je parle principalement des médecins déjà formés.

M. Rochon: D'accord. Engagés comme professeurs?

Mme Dougherty: Oui, des leaders, des...

M. Rochon: Je peux peut-être demander à mon collègue, le Dr Cruess, qui connaît cette situation beaucoup mieux, de répondre à votre question.

M. Cruess: Je ne peux pas répondre directement à cette question, mais je peux suggérer quelque chose. Il y a vraiment deux solitudes entre le ministre et les doyens. En Ontario, par exemple, il y a des rencontres régulières entre les sous-ministres et une autre rencontre régulière entre les doyens et le ministre avec un ordre du jour, et toutes ces choses sont discutées d'une façon très ouverte.

Nous n'avons pas eu de rencontre avec le ministre des Affaires sociales depuis, je crois, deux ans et nous avons eu beaucoup de problèmes majeurs. Peut-être que des choses comme cela pourraient être réglées d'une autre façon que par une commission parlementaire.

Mme Dougherty: Merci. L'autre côté de la médaille, du même problème. Il semble que l'émigration de nos médecins formés, jeunes ou vieux, accélère. C'était toujours encouragé, mais il semble que l'émigration accélère d'une façon assez grave. Donc, on subit une espèce de "brain drain" qui est grave pour notre avenir médical, je crois. Je ne sais pas si j'ai raison mais, si je n'ai pas raison, je n'aurai pas de réponse à ma

question. La question est: Est-ce que vous avez fait une analyse des raisons de ces départs? Est-ce qu'il y a un effort pour se documenter? Il y a toutes sortes d'opinions, de rumeurs qui circulent. Alors, tout le monde va au Texas où les salaires, les possibilités de recherche sont meilleurs. Est-ce que vous avez fait des analyses? Plus particulièrement, est-ce que les 30 % de réduction des salaires des jeunes médecins jouent fortement dans ces départs?

M. Gauthier (Yvon): À ma connaissance, nous n'avons pas de données qui soient fiables sur toute cette question, c'est-à-dire combien, véritablement, il y a de médecins et, en particulier, de professeurs, c'est-à-dire de gens d'une expertise considérable, qui sont partis. Peut-être que, du côté de McGilI, on pourrait répondre jusqu'à quel point certains ont pu partir, mais de notre côté, du côté francophone, je ne pense pas que la situation soit importante.

Il y a, évidemment, des facteurs de rémunération qui jouent dans un certain nombre de domaines. On a parlé beaucoup d'orthopédistes qui sont allés s'installer aux États-Unis, semble-t-il, recrutés, à ma connaissance, non pas tellement par des milieux universitaires, mais simplement parce que, en ce qui touche la rémunération, il y a une situation qui est beaucoup plus agréable, beaucoup plus facile qu'ici. A ma connaissance, il n'y a pas de données importantes et de données fiables sur toute cette question.

Mme Dougherty: Et sur les 30 %, est-ce que vous avez de meilleures données, les 30 % de pénalité?

M. Lamarche: Une étude récente a été faite par l'Association des facultés de médecine du Canada. Elle a été publiée il y a quelques mois. La rétention, au Québec, des diplômés québécois est de 99 % alors qu'elle est de 97 % en Ontario. Donc, il n'y a pas de migration importante. Les 30 %, c'est un moyen très négatif de tenter de retenir les gens. Comme les gens sont payés à l'acte, on fait plus d'actes pour rattraper les 30 %. Alors, il y a beaucoup de jeunes médecins qui préfèrent rester dans un centre et poser plus d'actes que de s'en aller et être payés à 100 %, 110 % ou 115 %. Je ne pense pas que les 30 % de réduction aient eu un effet appréciable sur la migration ou sur l'installation en régions éloignées.

Mme Dougherty: I wonder if Dr Cruess could answer those questions. McGill may have a different perspective, I do not know, on the question. Dr Cruess, has McGill done a study on the reasons for what I thought was an accelerating departure - but, apparently, you are saying it really is not - and how important is the 30 % penalty in the first... ? How many years? Is it three years extendable by the Government, if they want to? Four years? Three?

M. Rochon: Three.

Mme Dougherty: Three years. In your view, have you got any analysis or is there any sort of objective information about that?

M. Cruess: Non, je veux peut-être que le Dr Scott donne son impression comme vice-doyen à la formation doctorale.

M. Scott (Hugh): Je pense qu'il y a deux sortes de monde. Premièrement, ce sont les jeunes étoiles de l'avenir un peu. Pour les autres, il existe déjà la possibilité parce qu'ils peuvent être nommés professeur adjoint. À cet égard, ils sont exempts des 30 %. Donc, pour garder ce monde, il y a déjà des moyens. Je pense que c'est le groupe... On veut garder tous les médecins, c'est sur. Mais, si on parle de notre avenir du côté universitaire, il y a déjà un moyen. Pour les autres, je pense que cela soulève une situation qu'on veut souligner dans un autre sens. Cela veut dire que beaucoup de ces "départs" - entre guillemets - sont des retours chez eux de gens d'autres provinces. On a mis beaucoup l'accent dans notre mémoire sur le fait que, dans un sens, on va avoir toujours cette image d'un exode parce que ce sont des gens de l'Alberta, de la Colombie britannique qui sont formés ici. Par exemple, en médecine interne, à un moment donné, je me souviens d'une réunion des chefs de département canadien, où il y en avait dix parmi les seize qui avaient été formés au Québec. Donc, dans un sens, on peut dire que c'est un exode de huit ou une chose comme cela. Mais ce n'était pas le cas, c'était seulement parce qu'il y a toujours cette tradition de former les gens ici. C'est l'aspect qu'on a peur de perdre et, comme le doyen l'a signalé dans le mémoire, en juillet prochain, ce sera un vrai désastre si on ne peut inscrire, sauf dans les deux programmes favorisés - cela veut dire anesthésie et psychiatrie - aucune entrée d'autres provinces canadiennes. Donc, l'exode, c'est beaucoup plus personnel. Je me souviens que dans certains autres domaines où, sans les "opportunités" qui sont disponibles ici... Si quelqu'un est formé dans un domaine comme la chirurgie cardiaque, s'il n'y a pas de poste de disponible, il faut qu'il s'en aille. Mais je pense que ce n'est pas le contexte spécifique. C'est beaucoup plus variable, individuel.

Mme Dougherty: Merci.

M. Cruess: Et, parlant comme ancien chirugien orthopédiste, ce n'est pas juste

l'argent.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Dougherty: J'ai pris mes dix minutes, je crois?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui... Bon, d'accord.

Je voudrais revenir sur la question des médecins étrangers, des médecins immigrants. Évidemment, si nous revenons à la charge, comme vous l'avez mentionné, Dr Rochon, c'est que c'est un problème profondément humain. C'est aussi un problème au sujet duquel il nous est fait de nombreuses représentations depuis maintenant la troisième année, si je ne m'abuse. Voici une question précise que je voudrais poser. Est-ce que vous avez, cette année, alors que vous avez fait le choix des années 1985-1986 et 1986-1987, admis des médecins qui ont sont arrivés au pays en 1984 et 1985? Si oui, il est évident que plus on va vers les années à venir, plus on laisse de côté des gens qui sont ici depuis peut-être 1979, 1980, 1981 ou 1982. Je voudrais savoir s'il y a des gens qui sont arrivés cette année et qui sont acceptés à l'internat l'an prochain. (17 heures)

M. Rochon: Je ne saurais trop vous dire. Je n'ai pas d'information. Peut-être que, de mémoire, le Dr Lamarche, président du comité, ou le Dr Saucier, qui était aussi au comité, pourrait vous donner une impression là-dessus. Nous pourrons vérifier par la suite et vous le dire. Je ne sais pas si vous vous rappelez...

M. Lamarche: C'est possible qu'il y en ait quelques-uns mais, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, le premier critère, avec un nombre restreint d'admissions possibles, est de choisir ceux qu'on pense les plus compétents pour servir la population québécoise. Si on avait 140 postes, on pourrait les accepter tous et évaluer les 140 en même temps pendant un an et garder ceux qui auraient démontré leur compétence. Mais on est pris avec un programme d'accueil qui peut durer entre une semaine et six mois. Pendant ce programme d'accueil, il y en a qui ont été exclus, par les années passées, parce qu'ils n'ont pas démontré leur compétence. Alors, notre objectif est, ayant pris un chiffre qui nous est donné par le gouvernement, de combler ce nombre de postes à l'intérieur d'un réservoir qui peut aller jusqu'à 200. Je vous le répète, si vous pensez qu'on devrait avoir des critères d'ancienneté de demandes, en médecine il y a des gens qui font des demandes pour entrer en première année depuis... Il y en a qui ont fait huit, neuf ou dix demandes, année après année. Ils ont toujours été refusés, mais ils persistent à faire des demandes, année après année. Évidemment, les diplômés du collège qui viennent de finir au mois de mai précédent sont admis et ceux qui ont fait un BSc, qui ont parfois fait une maîtrise, qui ont répété des demandes d'admission pendant six ou sept ans, c'est un collégien qui a la place parce que les critères d'admission sont d'abord la qualité.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je comprends cela, Dr Lamarche. Mais je me dis que le problème était considérable il y a un an ou deux. Je sais que vous n'avez pas eu de directives disant: On va régler le problème. Je ne suis pas censée faire de politique mais, que ce soit le gouvernement du moment ou l'autre côté, il aurait peut-être fallu prendre des mesures et dire: On va régler le problème jusqu'en 1983 et le régler pour l'avenir aussi. L'affaire est que c'est difficile pour ces gens. Vous ne les avez pas éliminés sur la base de leur dire qu'ils sont incompétents. Ils ont tous, apparemment, un diplôme en médecine. Ils ont tous leur certificat... Comment appelez-vous cela?

M. Rochon: Un examen de qualification de connaissances minimales.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils l'ont tous eu. Ce n'est donc pas sur cette base. Vous avez ensuite les six mois d'accueil.

M. Rochon: La sélection se fait pour être admis au programme d'accueil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Rochon: Juste avant le programme d'accueil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Après cela, vous avez le programme d'accueil où vous avez le loisir, j'imagine que cela aussi se fait objectivement... Vous avez d'ailleurs dit qu'il y en a qui ont été exclus parce qu'ils ne pouvaient probablement pas satisfaire aux standards, ou ils n'avaient pas la compétence, enfin, quelles que soient les raisons. Mais vous comprendrez que c'est difficile pour des gens qui sont en attente. Je comprends que vous faites la comparaison avec ceux qui entrent en médecine. Mais ceux qui entrent en médecine n'ont pas investi cinq ans d'études en médecine et ils ont le loisir d'aller dans une autre faculté. Je sais que c'est difficile pour eux également. Là, vous avez des gens qui ont un diplôme en médecine, qui sont ici depuis 1979 et on ne leur a rien dit. Non seulement vous, mais on a convoqué des gens de l'Immigration, on a convoqué des gens du

ministère de l'Éducation. Ce n'est pas une décision qui appartient uniquement au recteur de l'université ou aux doyens de faculté de médecine. Je pense que le gouvernement a aussi une part de responsabilité. Je trouve que, si on veut régler un problème, il va falloir mettre une limite quelque part. La limite ne semble être mise par personne...

M. Rochon: Non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... puisque vous me dites que vous avez peut-être admis des gens qui sont arrivés seulement cette année alors qu'il en restait 101 sur la liste d'attente il y a deux ans et on se retrouve aujourd'hui avec 155.

M. Rochon: Oui. Et moi, cela fait six ans que je suis doyen, madame, et chaque année depuis six ans je reprends exactement les mêmes conversations et on se dit exactement les mêmes choses. Il y a une chose sûre. Tant qu'il n'y aura pas un arrêt complet, total, au niveau de l'immigration ou une immigration contrôlée, si on veut faire quelque chose de ce côté-là, tant que cela ne sera pas fait, il n'y a pas de solution. On a dit exactement ce que vous dites là il y a cinq ans. En même temps, on a dit au ministère: Avec le contingent qui baisse, ces gens-là n'ont plus de place. Le doyen de McGill a très bien expliqué ce qui est arrivé, on est parti de 2100, on est baissé à 1800; on a essayé de baisser plus bas que cela. C'était clair que ceux qui sortaient les premiers, c'étaient les étrangers; les diplômés des facultés de médecine du Québec prenaient toutes les places. On a convenu... Le ministère accordait 30 postes, il y en avait une centaine sur la liste. Dans trois ans, cela va être fini, ces gens vont tous être intégrés. Trois ans, c'était admissible, c'était acceptable pour tout le monde. Trois ans après, on en a pris durant trois ans, maintenant quatre ans, il y en a encore plus sur la liste.

Le début de la solution - on l'a déjà dit - c'est le contrôle sûr, absolu et rigide en ce qui concerne l'immigration. Tant qu'il n'y aura pas cela, il n'y aura pas de solution. Ou on décide qu'on fait des mesures de discrimination positive pour des médecins qui arrivent de l'étranger, qui sont médecins et, étant médecins, on reconnaît que, même si on en a trop, même si on contingente l'entrée en médecine des Québécois à leur endroit on fait une mesure de discrimination positive. Si c'est cela qu'on fait, on fait cela, c'est une autre chose. Tout ce qu'on dit, c'est que, actuellement, on applique les mêmes critères, les mêmes règles à eux qu'à tout le monde et on ne voit pas sur quelle base d'équité individuelle et sociale on pourrait procéder autrement. Le problème, il était là il y a cinq ans. Il y en a plus, là. Si les autres décisions ne sont pas prises, il va y en avoir encore 300 et 400 dans cinq ans, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, vous avez probablement raison. Vous avez choisi certains critères, je n'ai pas à les discuter. Mais il reste qu'on a laissé la situation s'aggraver. En 1983 ou 1984, l'an dernier, je pense, le Dr Laurin était encore ministre, il a dit: On va en débloquer 30 de plus.

M. Rochon: 20 de plus pour un an.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 20 de plus et pour aller en régions éloignées.

M. Rochon: La condition de régions éloignées s'imposait, à partir de ce moment-là, à tous ceux qui seraient admis au programme d'accueil, pas seulement à ces 20.

Une voix: Même les Canadiens.

M. Rochon: Donc, les 50 plus les 30 autres qui ont été pris...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. M. Rochon:... peu importe, tout...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Mais cela était dans un effort de régler le problème qui...

M. Rochon: Sauf que c'était une mesure complètement...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... existait depuis 1983, qui avait atteint une acuité en 1984. Là, on est rendu en 1985, on accepte du monde qui arrive en 1985. Quelque part, il y a quelque chose qui ne marche pas.

M. Rochon: Oui, madame, et il en entre encore dans la province, pendant ce temps-là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. M. Rochon: Bon.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, je...

M. Rochon: Oui, mais c'est là le problème.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Rochon: Et 20 postes de plus quand il y en a 150 qui attendent...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Rochon:... c'est vraiment la goutte d'eau dans l'océan.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai un cas précis devant moi qui, probablement, ne touche pas l'Université de Montréal. Je sais que souvent les hôpitaux accordent des permis... Je vais le lire, c'est en anglais: "This is to advise you that you have been granted an observationship at the Montreal General Hospital from April 15th 1985 to June 30th 1985. " Qu'est-ce que cela veut dire, alors que ces gens attendent depuis quatre ans un certificat, pas un certificat, un internat rotatoire? Dans le fond, on entretient une espèce d'espoir qui m'apparaît de plus en plus illusoire au fur et à mesure que les années passent; par contre, on continue de leur accorder des permis, comment appelez-vous cela, d'observateur ou je ne sais trop. Je me dis que ce monde peut bien se sentir misérable au bout de cinq ans.

M. Rochon: Je n'en doute pas. Je pense que le Dr Barkun pourrait peut-être...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien, je m'excuse parce que...

M. Rochon:... éclairer notre sujet.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

J'avais vu que le Dr Barkun était là, mais c'est celui que j'ai devant moi. II y en a d'autres; je peux vous en montrer d'autres provenant d'autres hôpitaux. Celui-là, cela fait trois ans que je l'ai dans mon bureau. Si vous pensez que les députés règlent cela plus vite que vous autres!

M. Barkun (Harvey): Mme la Présidente, le terme "observateur" veut dire exactement ce que cela veut dire: observateur. Comme le Dr Lamarche l'a dit, les vice-doyens passent les dossiers en revue. Une des questions qu'ils posent à ces médecins immigrants, c'est: Qu'est-ce qui est changé depuis l'année dernière? Qu'est-ce que vous avez fait pour vous recycler, etc. ? Quelqu'un peut dire: J'ai été observateur pendant un, deux ou trois mois. Mais cela veut dire simplement observateur. Cela ne donne pas l'avantage à une personne par rapport à une autre, pas du tout. Cela ne donne nullement le droit d'entrer dans le programme d'accueil, encore moins de faire l'internat.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela me semble fort évident, Dr Barkun, que c'est cela qui leur arrive. Cela ne leur donne aucun droit à quoi que ce soit. Mais, d'année en année, on permet à des médecins étrangers - peut-être sont-ils plus heureux comme cela parce qu'ils conservent un certain espoir, et l'humain vit d'espoir... Il reste qu'à un moment donné je trouve que cela crée des problèmes qui n'ont plus de solution,

M. Barkun: Mme la Présidente, si je peux me permettre, lorsque le ministère a augmenté le nombre pour le programme d'accueil, les universités les ont remplis. J'ai l'impression que, si le ministère veut bien augmenter le nombre encore plusieurs fois et limiter l'immigration complètement, on arrivera quand même au terme de ce problème. Mais jusqu'au temps... Mais on nous dit: Vous ne pouvez qu'en prendre 50. Comment voulez-vous qu'on en prenne 150? On ne peut pas. On n'en prend que 50, basé sur les critères dont ont parlé M. le doyen Rochon et le vice-doyen M. Lamarche.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, je pense que la solution ne sera pas uniquement à vous. Nous, on peut simplement prendre votre parole et je suis bien prête à la prendre s'il n'y a pas de discrimination. 11 y a une chose certaine, c'est que, au fur et à mesure qu'on entrait dans les années qui suivaient, après 1983, on augmentait le problème. Là, je comprends difficilement - je vous le dis bien honnêtement - que vous ayez... Il y a bien des fois où vous devez en utiliser, de l'initiative, beaucoup de fois, d'ailleurs. Je ne peux pas croire qu'à ce moment-ci vous vous soyez engagés avec des gens qui sont arrivés en 1985 alors qu'on en avait au moins 125 qui étaient là depuis... Peut-être que, là-dedans, il y avait des incompétents, je vous le concède, ce qui n'aurait pas dû être. Sur la base de vos critères objectifs, alors, là, j'ai de la difficulté à vous réfuter mais il reste qu'on a seulement augmenté le problème et qu'on a frustré davantage ceux qui étaient sur la liste d'attente depuis 1980.

M. Rochon: Écoutez, je pense qu'on peut discuter de cela encore longtemps. On a même proposé d'envisager pouvoir dire à des candidats que le niveau de leur dossier, comparativement au niveau de la cohorte de ceux qui posent leur candidature, niveau qui se maintient, faisait qu'après deux ou trois fois qu'ils s'étaient présentés ils n'avaient pas de chance. Encore là, c'est dans un système qui juge de la qualité du dossier en fonction de critères. On a eu des avis juridiques qui ont été pris tout de suite et on nous a dit: Devant toute commission, il faut qu'ils puissent tenter leur chance même si, effectivement, elle est très mince.

Il faut prendre les problèmes l'un après l'autre. Premièrement, si vous voulez vraiment arriver à régler cela, trouvez d'abord un moyen de contrôler l'entrée au

pays, absolument. Tant que ce n'est pas fait, on ne fait, effectivement, que grossir le problème. Il n'a pas fini de grossir: qu'on voie seulement ce qui arrive et ce qui s'est passé depuis cinq ans.

Deuxièmement, avant de nous amener sur un terrain où on aurait des critères d'entrée différents dans un programme comme cela, il faudrait vraiment regarder les conséquences. Je vous le dis, on ne défend pas d'intérêts; on est vraiment pris comme vous pour essayer de faire plaisir à tout le monde et à notre père en même temps mais on ne peut pas faire autrement -je n'ai pas l'impression qu'on fait de la discrimination en faisant cela - que de regarder ce que l'on fait quand on fait les entrées en médecine. Ceux qui se présentent et qui seraient bons mais qui sont en bas de la force de la cohorte, à chaque année, ils sont en bas de la force de la cohorte; cela fait partie du système.

M. Chevrette: II y a quelque chose que je ne comprends pas. Si on ferme la valve complètement, il y en a 150 sur la liste, il n'en entre plus un. Si je suis exactement te raisonnement du Dr Lamarche, est-ce que vous feriez des recommandations pour les 150...

M. Rochon: Quand on a commencé le système...

M. Chevrette:... selon un rythme dans le temps?

M. Rochon: Je vais vous dire ce qu'on a dit. C'est cela qu'on a essayé de faire quand on a commencé ce système-là.

M. Chevrette: Oui, mais vous allez voir où je m'en vais après.

M. Rochon: Bien, allez-y.

M. Chevrette: C'était une première question, cela.

M. Rochon: La première à cela...

M. Chevrette: Est-ce que c'est oui à cela?

M. Rochon: À quoi? À ce qu'on soit prêts à laisser passer les 150 si la valve est complètement fermée?

M. Chevrette: Oui.

M. Rochon: Je peux vous dire - on ne s'est pas consulté là-dessus - qu'il y a trois ou quatre ans on avait dit oui et c'est cela qu'on pensait qu'on viendrait à bout de faire.

M. Chevrette: Donc, les 150...

M. Rochon: Vous pouvez toujours présumer qu'on dirait peut-être encore oui.

M. Chevrette:... sont d'une compétence minimale admissible?

M. Rochon: C'est-à-dire que ces gens-là ont...

M. Chevrette: J'ai bien dit: compétence minimale admissible.

M. Rochon:... rempli les conditions d'admissibilité au programme d'accueil. Si c'est cela que vous voulez dire par conditions minimales admissibles, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sur cela, d'accord.

M. Chevrette: En tout cas, jusque-là, ils disent oui. Cela va. Vous me dites que, dans votre grande logique, vous êtes prêts, il faut fermer le robinet. Dans cette même logique, s'il y a une compétence minimale acceptable, quelle logique vous empêche de tenir compte du fait qu'il y a des individus qui sont en droit de s'attendre à entrer et que vous ne les recevez pas tout de suite et que vous recevez plutôt des nouveaux qui, eux, savent qu'on veut fermer le robinet? Vous ne me suivez pas? Je vais m'expliquer.

M. Rochon: Non, je suis mal. C'est la toute dernière partie que j'ai mal suivie...

M. Chevrette: Je vais recommencer.

M. Rochon:... "eux, savent qu'on veut fermer le robinet. " Ils ont appris cela où? (17 h 15)

M. Chevrette: Vous me dites être très compréhensif vis-à-vis de ceux qui sont sur la liste. Vous reconnaissez qu'ils ont une compétence minimale acceptable. D'accord? Vous me dites qu'il y a une seule solution, c'est de fermer le robinet. Comment se fait-il, à ce moment-là, que vous ne "priorisez" pas dans votre acceptation ces 150 qui ont la compétence minimale acceptable?

M. Rochon: Parce que le robinet n'est pas fermé. Lorsqu'on a commencé... Supposons que votre système fonctionne; on l'a essayé. On dit: II y en a 150. Prenons ceux-là, ce sera fini après. Il y en aura peut-être dix ou douze de plus, mais ce sera autour de cela. On dit: Qui commençons-nous par prendre? Ou on les prend purement au hasard, et il y aura tous ceux-là, mais que ceux-là. On aurait bien pu prendre les noms au hasard, 30 chaque année. On dit: On va procéder et, comme on est habitué de faire la sélection, on va prendre ceux qui ont les meilleurs dossiers et ils vont passer les premiers, mais ils vont tous passer. Tous

ceux qui sont minimalement acceptables, on va se rendre à eux. Mais ce n'est pas cela qui se passe.

M. Chevrette: Mais, par le passé, vous reconnaissiez...

M. Rochon: Chaque année, lorsqu'on recommence, il y en a de nouveaux qui sont rentrés. Comme on a amorcé le système en sélectionnant sur la base de la qualité du dossier et qu'il en rentre toujours dans le système, on ne se rend pas au bout. C'est à cause de cela que je vous dis: Fermez d'abord la valve. Tant que la valve n'aura pas été fermée, on ne s'en sortira pas. Ou bien, on va dire: C'est nous autres qui allons fermer la valve. On va avoir bien de la misère à faire cela. On va dire: Tous ceux qui étaient inscrits en date de tel jour, eux autres, on les passe tous et on ne considère aucun dossier arrivé la veille. Là, vous allez avoir d'autres genres de pressions sur votre bureau, mais elles seront aussi grandes. Il n'y a pas de moyen de s'en sortir tant que la valve ne sera pas fermée. Je pense que la réponse à votre question est claire.

M. Blank:... parce que le Canada et le Québec sont...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank:... en accord avec la convention des réfugiés des Nations Unies. Cela veut dire que des médecins réfugiés arriveront même si on ferme la porte à l'immigration légale, dans un sens. Le réfugié arrivera ici. Je pense que, dans les 150, il y a au moins un tiers qui sont des réfugiés.

M. Rochon: On veut accepter les réfugiés et les intégrer dans notre société en tant que médecins, ingénieurs, avocats, architectes et gens de tous métiers. Si, comme gouvernement, vous voulez donner à tous les réfugiés qui entrent sur notre territoire le même métier, et aux mêmes conditions, qu'ils avaient dans leur pays, faites-le, mais faites-le pour tout le monde.

M. Blank: S'ils sont compétents, oui.

M. Rochon: Et s'il y a une place. S'ils sont compétents, oui, mais, comme pour un Québécois, s'il y a de la place pour lui. On est dans un système où il y a plus de gens qui veulent rentrer qu'il y a des places de disponibles. Ne cherchez pas ailleurs, le problème est là. Personne ne veut fermer la porte à ces gens-là. On est bien prêt à leur faire une place aussi, mais il n'y a pas de place pour tout le monde.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le

Dr Cruess voulait réagir sur le même sujet. Après cela, M. le ministre.

M. Cruess: II y a une solution très simple si on veut former tous les candidats, c'est nécessaire de donner 150 postes. Cela va régler le problème.

M. French: Quel pourcentage va passer à travers si vous utilisez les mêmes standards?

M. Cruess: La moitié. M. French: La moitié. M. Cruess: Probablement.

M. Rochon: II faudra vérifier les statistiques d'avant, mais...

M. French: Mais les statistiques d'avant ne sont pas pertinentes, parce que vous avez maintenant dans les 150 le réservoir des refusés des années antérieures.

M. Rochon: Ah oui! peut-être. M. French: C'est vous qui dites...

M. Rochon: On pourrait avoir au moins un indice...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre! À l'ordre, M. le député de Westmountl Dr Cruess, après, le ministre.

M. Cruess: Les quatre doyens ont beaucoup de problèmes avec un système qui n'est pas basé sur l'excellence. Le système est maintenant basé sur l'examen de dossiers. On essaie de choisir le meilleur candidat. S'il y a 20, 30 ou 50 postes, nous avons des problèmes.

M. Chevrette: Mais il y a un dilemme, Mme la Présidente, dont je voudrais vous faire part ici. Il faudrait quand même être conscient des répercussions de nos gestes. Premièrement, si on ferme le robinet, cela veut donc dire que cela peut être au détriment de la compétence ou de l'excellence, parce que, si on suivait le raisonnement en se disant qu'on prend toujours les meilleurs qui s'ajoutent à tour de rôle chaque année, il ne tiendrait plus en ce qui concerne l'excellence. On dirait: On va vers la qualité minimale.

Deuxièmement, si on ne ferme pas le robinet, on va continuer avec le même système et on risque d'accroître le nombre de mécontents et de frustrés annuellement. C'est évident. Donc, il n'y a pas trois solutions, il y en a deux: ou bien on continue avec le même système, sachant ce qu'il est avec toutes les frustrations que cela peut

occasionner sur le plan humain, ou bien on prend le taureau par les cornes et on dit... D'ailleurs, on ne sera sûrement pas les seuls à le faire, il y a d'autres provinces canadiennes qui sont sans doute sur le point de le faire. En tout cas, mes discussions à Winnipeg la semaine dernière m'ont démontré qu'on s'achemine vers cela. On ferme carrément le robinet et on dit comment on éponge le surplus sur X temps par rapport à ce qu'il y a, mais entre-temps il faudrait qu'il y ait une cohérence au niveau national et, quand je dis national, c'est canadien. C'est qu'on ne continue pas à accroître le nombre d'immigrants médecins. On aura toujours le problème des réfugiés d'une façon sporadique. Cela, c'est clair, je pense bien. Ce ne sont pas tous des réfugiés, il y a aussi des immigrants qui, soit par alliance ou par d'autres moyens, sont entrés au Québec ou au Canada. Il faut regarder les faits tels qu'ils sont. Donc, on verra à faire connaître notre décision dans ce sens. Mais, effectivement, vous avez raison de dire qu'il faut mettre un point final à ce problème qui est croissant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Chevrette: Non. J'en aurais d'autres pour les résidents et internes. On a effleuré certains sujets. Je suis aussi bien d'y aller; on a le temps?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a jusqu'à 18 heures. Il y a trois autres personnes qui veulent parler. Alors, vous avez dix minutes. On va essayer de se "rediscipliner" aux dix minutes, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, maïs je vous ferais remarquer que j'ai laissé aller cela deux ou trois fois de suite de votre côté et je n'ai pas dit un mot.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non.

Une voix: Pas dix minutes chacun, par exemple.

M. Chevrette: Pas dix minutes chacun. Vous n'aviez même pas demandé la parole et vous l'avez prise. Il n'y a pas de problème. C'est de l'indiscipline à son compte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous avez un droit de parole de dix minutes.

M. Chevrette: Une dernière remarque sur les immigrants, avant de revenir aux résidents et internes. Si on donnait le mandat d'évaluer carrément la compétence de l'ensemble et qu'il y ait un rapport du comité de sélection de donné, est-ce que ce ne serait pas là, une façon d'arrêter de créer de faux espoirs d'année en année pour un certain nombre dont la compétence ne serait pas reconnue? Est-ce que vous accepteriez un tel mandat plutôt que de laisser trois ans ou quatre ans, selon la décision qu'on prendrait? On ferme le robinet et on donne trois ans pour éponger ces surplus. Est-ce que vous accepteriez le mandat de nous donner l'heure juste et le score net, comme disent les anglophones, sur la compétence des gens pour qu'on arrête de leur donner de fausses illusions pour certains?

M. Rochon: Quand on a commencé le système il y a trois ou quatre ans, c'est ce mandat qu'on a pris et on l'a fait, pas en examinant seulement ce dossier, parce que je vais essayer de vous expliquer comment ce n'est pas facile d'en arriver à ce score net sur un dossier pour une décision importante comme cela pour un individu. Cela a été le but de ce qu'on a appelé le programme d'accueil. Bien souvent, surtout dans le cas de réfugiés, vu les conditions dans lesquelles les gens partent et arrivent dans un autre pays, mais même souvent dans' le cas d'immigrants, on a des dossiers sur lesquels c'est très difficile de se prononcer au-delà des conditions d'admissibilité à un programme. Ce ne sont pas les mêmes types de stage, ce n'est pas le même genre d'évaluation, ce n'est pas le même genre de notation. On n'a pas de système d'équivalence dans bien des cas et il peut y avoir pas mal de difficultés quand des gens qui ont eu toute une carrière dans un domaine demandent un droit de pratique au Québec. Cela veut dire que dans leur nouveau pays d'accueil, au Québec, ils se réorientent complètement dans une autre carrière qui est de l'omnipratique, dans un contexte différent.

Le programme d'accueil visait cela, c'est-à-dire que le scénario était le suivant: On ferme le robinet, on est sûr qu'on le contrôle, et les 150 personnes qui sont là-dedans, qui ont répondu à des critères d'admissibilité au programme, elles sont là et elles vont toutes passer les unes après les autres. Le programme d'accueil est là pour leur permettre de compléter leur adaptation dans le système, de finir de se familiariser avec le fonctionnement des hôpitaux nord-américains, de type québécois, avec ta pharmacopée et tout le reste et permettre de les évaluer quant à leur compétence. En fin de compte, dans les règles de jeu, c'est dit explicitement: Si quelqu'un n'est vraiment pas compétent - et c'est arrivé dans certains cas avec des examens cliniques - on peut vraiment rendre un jugement en toute équité.

Mais ne te faire que sur des dossiers comme cela, à cause de la nature de ces dossiers dans bien des cas, c'est ce qui n'est pas faisable. Alors, c'est le but de toute l'opération du programme d'accueil qu'on pensait qui serait une opération sur trois ou quatre ans et qui serait finie après.

Alors, on revient vraiment... C'est un retour à la case de départ. Il n'y a vraiment pas d'autres moyens de s'y prendre, mais on est après le faire et on est encore prêt à continuer cela. Le fait que le problème grossisse, ne nous demandez pas de faire plus ou autrement. Même si on bouge de notre position, on va juste empirer les choses, je pense, dans ce contexte.

M. Chevrette: Pour revenir aux résidents et internes, est-ce qu'il y a une structure permanente de collaboration entre la FMRIQ et la conférence des doyens?

M. Rochon: Une structure permanente de collaboration. Il y a différents niveaux de communication et de collaboration. Il y a eu - cela ne fonctionne pas depuis un bout de temps et je ne suis pas sûr que cela ait été beaucoup efficace - ce qu'on a appelé le Comité conjoint de formation médicale où les différentes instances étaient représentées. Plus sur une base ad hoc mais, à chaque fois que d'un côté ou de l'autre on en a exprimé le désir, je pense que l'autre partie a répondu de façon positive et il y a eu des rencontres, au moins trois ou quatre que je me rappelle, sur des dossiers bien particuliers il y a eu au moins cela - avec les représentants de la fédération et le comité des doyens.

Il y a au niveau local de chaque université... Beaucoup de problèmes s'arrêtent plus à un niveau local parce que les conditions ne sont pas nécessairement les mêmes d'une faculté à l'autre ou d'un programme à l'autre. Au niveau local, facultaire, départemental et des services hospitaliers, il y a des collaborations. Je pense que cela doit être comme cela dans toute la province. Je sais que, pour la région de Québec, dans chaque hôpital l'association locale affiliée à la fédération a un représentant qui travaille avec le coordonnateur ou qui a toutes les possibilités d'être en relation avec le coordonnateur de l'enseignement, lequel coordonnateur est relié au vice-doyen. Il peut venir voir le vice-doyen, le directeur de département ou le doyen n'importe quand.

Alors, à ma connaissance, il y a beaucoup de niveaux de communication dans le système.

M. Barkun: Aussi par le truchement du comité des études médicales de la Corporation des médecins où siègent les quatre vice-doyens - d'ailleurs, c'est un comité qui est présidé par un vice-doyen - la FMRIQ siège avec deux observateurs. Passez-moi l'expression mais, quand même, ils ne se gênent jamais pour faire valoir leur point de vue. On discute beaucoup de choses qui ont été discutées ce matin. Ce sont à peu près six à huit rencontres par an.

M. Chevrette: Mais le mécanisme de collaboration que vous avez avec les centres hospitaliers universitaires? Il doit y avoir des directives qui sont transmises de la part des facultés aux centres hospitaliers pour les attitudes, les règlements, le respect, par exemple, d'un contrat collectif signé avec la FMRIQ. Je suppose que les universités demandent à leurs professeurs de respecter ces conventions collectives de travail. Automatiquement, il doit y avoir des rencontres avec les autorités des CH pour expliciter les nouveaux arrangements, les nouvelles conventions, les nouveaux contrats de travail. Est-ce que c'est permanent, c'est fréquent, c'est soutenu? Vous devez en avoir, des griefs. On ne doit pas avoir seulement une menace de grève aux trois ans pour venir à bout d'en parler, de ces relations. Quel type de relations soutenez-vous là-dessus? Avec le statut syndical, cela change, bien sûr. Le statut de syndiqué change un peu l'approche que vous pouviez avoir. vis-à-vis d'une structure bona fide, sans reconnaissance juridique. Est-ce que vous avez mis sur pied des mécanismes vous assurant qu'il se crée un dialogue, compte tenu de cette nouvelle conjoncture ou cette nouvelle reconnaissance juridique?

M. Gauthier (Yvon): Je voudrais dire là-dessus, M. le ministre, qu'à tous les niveaux les résidents sont entendus quand ils veulent bien se faire entendre. Ce que je remarque personnellement, c'est que, quand arrive la négociation entre la fédération des médecins résidents et le ministère des Affaires sociales, négociation à laquelle, semble-t-il, l'AHQ est partie jusqu'à un certain point... Je pense qu'il y a vraiment quelque chose qui n'est pas correct dans tout cela parce qu'une grande partie... Et je pense que c'est ce qui fait qu'on se retrouve, entre autres sujets d'intérêt, ici. C'est qu'il y a un certain nombre de ces questions qui nous concernent beaucoup et auxquelles nous sommes très intéressés. Mais nous n'avons eu aucunement la possibilité d'en discuter avec les résidents et avec la fédération des médecins résidents, sauf la question des gardes, la question de l'encadrement des internes au niveau des gardes. Je dois dire que cela a été discuté avec la corporation, comme le doyen Rochon l'a dit tout à l'heure. Mais, sur la question des unités d'enseignement clinique, je vous avouerai que, en tout cas, il nous semble que, dans le domaine de la négociation, on devrait être présent.

On a chez nous à Montréal une structure, le comité des coordonnateurs de l'enseignement, composé de représentants de la faculté dans chacun des hôpitaux affiliés; c'est le personnage chez qui tout problème qui concerne l'enseignement et les relations entre l'hôpital et l'enseignement doit aller. Cette structure a demandé officiellement à la faculté, au doyen, récemment d'être présente à la négociation entre les résidents et le ministère à l'avenir, parce que cette situation n'a plus de sens. Encore une fois, ce que je veux dire, c'est qu'il me semble qu'il devrait y avoir quelque chose dans ce domaine en plus, évidemment, de tout ce qui existe déjà de possibilités de discuter des problèmes à mesure qu'ils se développent. Je pense qu'on est très présents là. Mais, assez souvent, comme chez les étudiants en médecine chez nous, on dirait que les structures qui existent ne sont pas nécessairement bien utilisées, pour toutes sortes de raisons. (17 h 30)

M. Chevrette: Mais, le fait, pour un étudiant, d'être jugé précisément par celui qui lui donne les directives d'être, par exemple, deux soirs de suite en garde, est-ce que ce n'est pas donner raison aux membres de la FMRIQ qui disent: Comment voulez-vous qu'on se plaigne? Comment voulez-vous qu'on discute? Comment voulez-vous qu'on dépose un grief contre celui qui va nous juger et qui va sanctionner notre diplôme en bout de course? N'avez-vous pas prévu de votre côté un mécanisme permettant à l'étudiant, au niveau de l'institution qu'est l'université, un genre de recours qui ne le placerait pas en état de vulnérabilité devant son pair qui le juge?

M. Rochon: Je pense qu'il existe, sous des formes différentes, mais cela revient au même type d'organisation, des comités de programmes, des directeurs de département à l'université, des responsables de programmes à l'hôpital et des chefs de service ou de département au niveau de l'hôpital qui ont un mandat et une responsabilité très claire d'appliquer un programme qui existe. Il y a même plus que cela. Â la limite, je pense que la plupart des universités ont - je sais que c'est le cas à Laval - un ombudsman universitaire qui peut recevoir une plainte d'un étudiant. La mécanique est là.

Par contre, ce que les résidents disent est exact. Je pense qu'il y a là quelque chose - vous avez employé l'expression "la pression de son père" ou quelque chose du genre qu'on ne peut pas facilement changer. Les cas auxquels ils pensent doivent exister davantage chez les résidents de troisième ou quatrième année, qui sont un peu, vis-à-vis de leur ou de quelques patrons, dans la même situation qu'on peut avoir connue ailleurs aussi de l'étudiant qui fait un PhD dans un laboratoire avec son patron. Évidemment, à un moment donné, la véritable relation, le véritable rapport de forces est entre deux individus, sur le terrain. Il n'est pas au niveau des associations locales ou provinciales. C'est le problème. Il peut y avoir des abus. ' Je pense qu'ils ont dit ce matin que ce n'est pas généralisé. Il peut y en avoir. C'est bien sûr que si l'étudiant lui-même juge...

M. Chevrette:... nuancé ce matin qu'il y a à peu près deux ou trois mois.

M. Rochon: C'est cela. S'il y a des abus qui sont à un point où il y a injustice, il y a inéquité, il existe - je pense bien que les internes et les résidents ne nieraient pas cela - des mécanismes où ils peuvent, devant le comité de programmes, le directeur du département et, au besoin, devant l'ombudsman universitaire, faire valoir leur cas et être protégés. Il y a donc des balises qui existent où un patron ne peut pas profiter et abuser, de quelque façon que ce soit, d'un étudiant gradué. Mais ce type de relation ne peut pas ne pas être à ce niveau de formation que ce soit pour un PhD ou pour quelqu'un qui termine sa spécialité. S'il y a des situations où le patron charrie un peu, que ce n'est pas odieux au point de pouvoir se plaindre et que l'étudiant décide d'accepter, c'est un peu le problème que certains fils ont avec leur père aussi et ils ne vont pas nécessairement voir la police.

M. Chevrette: Vous avez peut-être eu l'occasion, tout comme moi, de regarder un vidéo, je pense que c'est à Radio-Canada, un montage où on suivait un résident pendant 24 ou 48 heures. Il avait les yeux tristes, la mine abattue, c'est le cas de le dire! On me dit souvent que les gens qui les jugent leur disent ceci: Écoutez. On est passés par là. Tu passes par là. Fais ta "job"! Même si ce n'est pas généralisé, il n'en demeure pas moins que ce qui m'a toujours surpris, ce qui me préoccupait dans cette approche des résidents internes, c'était qu'on a voté une loi dans ce Parlement pour la sécurité et la santé au travail pour les salariés qui travaillent sur de la machinerie, de l'équipement et on disait que c'était dangereux. Imaginez-vous ce que c'est pour des personnes qui jouent sur l'humain, toute l'importance de votre collaboration, à vous et aux directions des centres hospitaliers, aussi, auprès de ces jeunes! On joue sur l'humain, à plus forte raison doit-on avoir un souci encore plus grand, il me semble, de non-abus. On parle longuement de stress et de tension dans le mémoire. Il me semble qu'on a des efforts à faire de part et d'autre là-dessus, ministères, universités, centres hospitaliers, bien au-delà, comme je le disais ce matin, de conventions collectives

de travail; cela concerne beaucoup plus la mentalité, l'esprit, l'approche qu'on peut avoir. Ce sont des relations humaines beaucoup plus que des relations du travail; j'appelle cela comme cela dans mon jargon. Je pense que les universités ont un grand rôle à jouer dans cela, vous ici, auprès des médecins responsables qui sont formateurs.

C'est un peu ce que je voulais vous dire. J'escompte que vous me ferez parvenir dans les meilleurs délais le rapport qui émane de la corporation et des universités en ce qui regarde l'organisation universitaire.

M. Rochon: Si cela a des chances de vous parvenir plus vite par nous que par le ministère de l'Éducation, on va sûrement faire cela, monsieur.

M. Chevrette: C'est exactement pourquoi je vous le demande. Je pourrais vous dire aussi, en terminant - ce sera ma dernière intervention, j'ai pris tout mon temps - qu'il me fera plaisir de réactiver les rencontres entre doyens et le ministère des Affaires sociales.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Westmount.

M. French: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir aux questions des échanges Québec-Canada et Québec-États-Unis. Je ne suis pas sûr que j'ai bien compris le ministre, qui semblait dire qu'à cause des nouvelles données qui sont sorties à Winnipeg sur la question des relations d'éducation postdoctorale, Québec-Canada et Québec-États-Unis, il voudrait remettre cette question... Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris ce qu'il voulait dire.

M. Chevrette: Ce que j'ai dit, c'est que l'ensemble des ministres, compte tenu des informations que chacun possédait dans sa propre province, avant de prendre position sur un rapport consolidé, on préférait le remettre à chacun de nos groupes intéressés dans nos propres provinces, à savoir les corporations médicales, les universités, et même en faire une analyse au ministère avant de se prononcer sur ce rapport; d'autant plus, que nous prévoyons une rencontre - je crois que c'est en septembre -interprovinciale, qui aura lieu en Ontario, à Toronto. Â ce moment-là, on pourra le regarder à nouveau.

M. French: Tout simplement, je voudrais dire, Mme la Présidente, que je trouve la situation un peu inquiétante, dans ce sens que, si j'ai bien compris - encore une fois, je suis prêt à être informé autrement - actuellement il y a plus de Québécois, et de façon très significative, qui étudient aux États-Unis que d'étudiants provenant d'écoles de médecine américaines qui étudient ici - on parle toujours du postdoctorat - au Québec; deuxièmement, qu'à un moindre degré à peu près la même relation existe entre les autres provinces du Canada et le Québec. Je trouve cela un peu inquiétant. Je ne sais pas si ma version des faits est véridique. Mais il me semble que le Québec, ayant des richesses énormes dans le domaine de l'éducation médicale, devrait au moins tenir sa part du fardeau éducatif du bassin de médecins en Amérique du Nord.

M. Chevrette: On n'a rien de très précis là-dessus, pas assez pour se prononcer ex cathedra. Je peux vous dire qu'on n'est pas les seuls, d'autre part, à nous interroger très sérieusement. Si je me fie, en tout cas, sur l'attitude des ministres de la Santé des autres provinces, en Ontario ils ont les mêmes craintes que McGill peut avoir ici, parce que ce sont eux qui forment la majorité des médecins pour certaines autres provinces. C'est bien évident, les universités on n'en crée pas spontanément du jour au lendemain là où il n'y en a pas. On utilise donc celles qui sont à notre disposition. Ils ont aussi des craintes d'actions radicales, dire: Demain matin, on arrête tout. Ils ont pour leur dire: À quoi aura-t-on à faire face le lendemain matin?

C'est pour cela qu'on n'a pas pris de position radicale, rapide, parce qu'il n'est pas certain que toutes les données, comme le disait M. Rochon au tout début de son exposé, sont faites à partir d'une même méthodologie et à partir des mêmes critères d'évaluation. Cela est important.

Par contre, il se charrie tellement de mythes. À un moment donné, tu apprends que le Québec se vide de médecins. Ce n'est pas vrai. Quand on se compare avec l'Ontario, on dit: II en sort même moins d'ici que de l'Ontario. Tout le monde charrie son bout de rumeur et cela fait qu'on crée des ballounes en collectivité; on fait face à des questions bien souvent et on se dit: Pourquoi c'est parti? D'où cela sort? On fait des enquêtes, des analyses, des sondages et on se rend compte que tout est grossi ou multiplié par dix quand ce n'est pas par cent. Donc, on vous dit tout de suite qu'on n'est pas sûr de nous. On aime mieux affirmer qu'on n'est pas sûr de nous dans ce domaine, et prendre le temps de le vérifier correctement. Il y a des impacts extrêmement lourds autant pour nos universités peut-être que pour nos centres hospitaliers et tout le secteur de la santé, au Québec. Si on ne s'interroge pas à court terme et si c'est vrai que la tendance va vers un surplus assez inquiétant vers l'an 2000, c'est tout le système qui y goûtera, vous le savez autant que moi. Donc, on doit s'interroger, mais on ne doit pas prendre des décisions hâtives qui auraient pour effet de pénaliser d'autres secteurs très importants.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le Dr Cruess voulait intervenir là-dessus.

M. Cruess: Ou point de vue de McGill, ce n'est pas une crainte, c'est la réalité, à partir du 1er juillet. Je suis certain que je peux parler pour les quatre doyens, nous sommes certains, absolument certains que le système d'entrée en spécialité est trop serré pour la province de Québec. Ce n'est pas seulement l'élimination des Américains et des Canadiens, les nombres ne sont pas corrects.

M. French; Oui, Mme la Présidente, ce qu'a dit le ministre m'inquiète parce que cela indique qu'il a mal compris ce que j'ai compris de ce que les doyens ont dit, et surtout de ce que le doyen de McCill a dit. 11 dit: Vous avez déjà - peut-être pas expressément - par les règles de répartition et les contrôles de contingentement qui existent déjà, pris position. Non seulement avez-vous déjà pris position mais vous avez pris une position radicale, même très radicale, dans le contexte nord-américain. De toutes les universités, j'avoue que ce que j'ai compris c'est que c'est McGill qui fait, peut-être par ordre de grandeur, les frais, par rapport aux autres universités, de tout cela. Résultat: il n'y a pas de Canadiens de l'extérieur du Québec qui viennent ici étudier comme résidents, cette année, alors qu'il y a toujours beaucoup de Québécois qui vont dans le sens inverse. Également, dans le domaine des échanges avec les États-Unis, il y a une centaine de Québécois à l'extérieur et une dizaine d'Américains ici. Il y a une centaine de Québécois à l'extérieur, pas tous anglophones incidemment. Alors, c'est cela, vous avez déjà pris position. Je ne dis pas que vous l'avez fait expressément. Tout ce que je dis, c'est que j'aimerais au moins croire qu'on comprend tous les deux ce qu'on vient d'entendre, parce que c'est cela que je viens d'entendre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Rochon.

M. Rochon: Là-dessus, indépendemment des chiffres et de ce dont on peut convenir, il faut vraiment qu'on se comprenne clairement. On ne peut pas attendre de la même façon que les autres provinces parce que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute, là, pour que le ministre entende bien votre explication.

M. Rochon: Je veux vraiment entériner cela, et vraiment dégager quelles seraient les conclusions de tout autre examen, mais notre situation est très différente de celle des autres provinces parce qu'il y a deux décisions qu'on a prises, qu'on a appliquées - et on a eu l'occasion de le dire - en ne prenant pas toujours des consultations et en n'écoutant pas toujours ceux qui donnaient des avis, mais on l'a fait: depuis trois ans, on a diminué de l'ordre de 17 % à 18 % les entrées à la faculté de médecine. Ce qu'ils proposent pour l'ensemble du Canada, on l'a fait. C'est fini. Avec l'admission de l'an prochain, on va avoir diminué de 18 %. Alors, si on s'était un peu trompé, il ne faudrait pas attendre deux, trois ans pour commencer à se réajuster. Pour l'entrée en spécialité, le contingent est effectivement, à notre avis, trop serré. Il n'y a pas une autre province qui contrôle un contingent serré comme celui-là. On peut se tromper, on ne réussira peut-être pas à faire la démonstration, quoique, avec nos collègues de CREPUQ, on a un dossier qui commence à s'étoffer. Tout ce qu'on dit, c'est que même avec l'objectif actuel du AO %, 60 %...

M. Chevrette: Dr Rochon.

M. Rochon:... l'entrée n'est pas satisfaisante. Je voudrais vous dire, là-dessus: n'attendons pas qu'il y ait une entente dans le Canada, si c'est cela qui est le message. C'est sûr qu'au Québec il va falloir bouger avant, parce qu'on a déjà commencé.

M. Chevrette: Non, mais...

M. Rochon: On est le leader encore, au Canada, là-dessus.

M. Chevrette: Pourriez-vous répondre à cette question-ci?

M. Rochon: Je vais essayer, M. le ministre.

M. Chevrette: Le nombre de moniteurs ajouté au nombre permis représente plus que ce qu'il y avait avant, vrai ou faux?

M. Rochon: Le nombre de moniteurs, ce n'est pas nécessairement un problème relié à cela. Il faudrait voir qui sont les moniteurs. Il y a une bonne partie des moniteurs qu'on a et qu'il faudra continuer à avoir, si c'est cela que sont les moniteurs. Ce sont des étudiants des États-Unis, d'ailleurs au Canada ou de n'importe où, qui viennent comme étudiants postgradués et qui retournent. On peut vérifier les données pour voir s'ils retournent ou non. Si les moniteurs étaient ou sont - je ne pense pas que ce soit le cas - une voie parallèle détournée pour défaire un objectif de politique de planification, là vous auriez raison. Notre prétention, c'est que ce n'est pas le problème. On peut se tromper, mais qu'on la regarde, la situation.

M. Chevrette: Vous ferez certaines vérifications là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que...

M. Rochon: On en a fait, et il faudrait que vous en fassiez de votre côté aussi.

M. Chevrette: On en reparlera.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les gens de la CREPUQ, vous n'avez pas quelque chose à ajouter là-dessus? Non? Ah!

M. Rochon: II y a une chose que je peux dire concernant la CREPUQ. Si on peut prendre 30 secondes pour se vanter ou pour vanter la CREPUQ là-dessus, on pense que le système de gestion du contingent interne des résidents qui a été monté, qui est géré par la CREPUQ et dans lequel M. Philippe Bernard s'est impliqué, est très efficace. On l'a démontré, il est très accessible. En tout temps, les gens de tous les ministères ont pu venir; on a passé des journées à regarder avec eux et à sortir... La seule chose qu'on n'a jamais voulu sortir de là, c'est la même règle qu'on applique aussi à l'université, ce sont des listes nominatives comme des dossiers d'étudiants ou des choses du genre. Tout le reste, cela a toujours été disponible. C'est un système qui est efficace, qui est là, et ils contrôlent le système. Alors, la CREPUQ est un intervenant important sur le plan de la logistique. On a les moyens pour faire des pas importants rapidement, je pense, collectivement. (17 h 45)

M. Bernard (Philippe): Je préférais que le doyen Rochon dise cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. French: II est donc important, encore une fois, je pense, de souligner que le Québec ne fait pas sa part dans l'effort collectif d'éducation au niveau postdoctoral dans le contexte continental. Il tire plus de bénéfices qu'il n'en donne dans la formation en tout cas, à moins qu'il y ait d'autres chiffres que j'attends de voir. Je suis prêt à les voir, mais ce qu'on vient de se faire dire, c'est cela, déjà. Donc, il ne s'agit pas, de la part du ministre, de nous dire: Écoutez, on ne prendra pas de décision hâtive, ne vous en faites pas! Au contraire, les décisions sont déjà prises. Je ne dis pas qu'elles étaient hâtives, mais elles ont eu un effet qui est nettement, à mon sens, d'après les renseignements qu'on a pu avoir et d'après le son de cloche qu'on vient d'avoir, défavorable à l'image du Québec ou aux responsabilités du Québec. Lorsqu'on sait qu'on a des institutions, dans la domaine de l'éducation médicale, extraordinaires, dont on peut être très fier, il me semble que ce serait très dommage, lorsqu'on a tellement à donner, qu'on se prive et qu'on prive les autres de cette possibilité de contribution.

M. Chevrette: Cependant, que diriez-vous, M. le député de Westmount, à des étudiants qui viendraient d'une province qui a décidé qu'elle avait trop de médecins et qu'il n'en rentrerait plus un? C'est ce dont on m'informe ici. Quelle serait votre réaction, comme ministre responsable?

M. French: Mais ce sont déjà des décisions que le Québec a prises. C'est ce que le Québec a dit.

M. Chevrette: Une certaine décision. On n'a pas fermé la porte à tout le monde. Je peux vous dire que j'ai entendu de la bouche d'autres ministres, sur le plan canadien, la semaine dernière, qu'ils comptent tout fermer.

M. French: Alors, c'est le classique comportement...

M. Chevrette: Â ce moment, on va former pour les autres...

M. French:... protectionniste.

M. Chevrette:... et il n'y aura pas de débouchés pour eux autres...

M. French: Oui, c'est cela.

M. Chevrette:... et c'est nous qui allons absorber le surplus.

M. French: Là, on va constiper le système complètement.

M. Chevrette: Que diront les fédérations médicales après, avec un surplus, et qu'est-ce qui arrivera lorsqu'il y aura un déséquilibre financier dans le domaine de la santé au point que ce soit inquiétant?

M. French: Le ministre nous dit, effectivement...

M. Chevrette: Cela l'est déjà assez, je trouve.

M. French: Maintenant, c'est clair: Le ministre donne l'exemple aux autres ministres; il adopte une position protectionniste et la défense de sa position protectionniste c'est qu'éventuellement tous les autres vont faire la même chose. Il me semble que c'est exactement l'inverse. C'est ce que vous avez fait et c'est ce que vous nous dites.

M. Chevrette: On n'a pas assisté à la même réunion.

M. French: Ici, aujourd'hui, on vient de se faire dire que les règles sont trop serrées.

M. Chevrette: Bien sûr que les universités vont nous dire que les règles sont trop serrées. C'est évident. Et vous allez entendre d'autres sons de cloche demain; d'autres qui vont dire qu'on devrait serrer un petit peu plus, et que c'est un danger d'arriver à l'an 2000 avec 2000 médecins de trop, pour les coûts du système; cela n'aura pas de bon sens.

M. French: Alors, comment se fait-il...

M. Chevrette: C'est clair qu'on va se faire dire cela. C'est normal, les intérêts ne sont pas uniques dans cette salle, et c'est cela qui est heureux. On entend des sons de cloche divergents.

M. French: Est-ce que le ministre nie la légitimité des chiffres qui ont été avancés? Est-ce qu'il croit que ce n'est pas le cas que plus de Québécois étudient à l'extérieur du Québec par une marge d'à peu près cinq, six ou dix fois qu'il y a de non-Québécois qui étudient ici? Est-ce qu'il croit que ces chiffres ne sont pas véridiques?

M. Chevrette: Pour ce qui est des données, on affirme tous des chiffres à un moment donné; mais je serais prêt à lancer l'invitation aux universités afin de faire une démarche conjointe pour avoir les vrais chiffres, les plus précis, à partir d'une même méthodologie, de sorte qu'on ne parlerait pas, chacun de son côté, de choses peut-être divergentes dans les faits parce qu'on ne se base pas sur la même méthodologie. Je suis prêt à faire cela pour qu'on parle le même langage.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais quand même poser une question au ministre. Dans l'hypothèse où les autres provinces adopteraient un comportement identique et que, finalement, du point de vue de la médecine, on serait tous très cloisonnés, puisque cela serait à partir, d'après ce que vous venez de nous dire, d'échanges avec les ministres de la Santé des autres provinces, est-ce qu'il n'y aurait quand même pas lieu de trouver des mécanismes qui permettent d'assurer une espèce de compénétration ou d'échanges à l'intérieur de certaines balises? Je trouverais cela vraiment très malheureux qu'on s'achemine vers quelque chose d'absolument fermé avec tout ce qui est extérieur au Québec, comme les autres provinces le feraient vis-à-vis de nous, ou ainsi de suite. Est-ce que cette possibilité a été examinée?

M. Chevrette: Oui, cela a été examiné et c'est pour cela qu'on n'a pas pris de décision; car il y en a qui étaient prêts, quasiment, à prendre des décisions sur le champ. Quand le Nouveau-Brunswick...

M. Rochon: De diminuer encore plus les admissions?

M. Chevrette: Par exemple, quand le Nouveau-Brunswick nous dit qu'il est très heureux des échanges qu'il a avec l'Université Laval, que c'était la source...

M. Rochon: Entre autres,

M. Chevrette:... avec Montréal et Laval il a surtout insisté sur Laval, je ne sais pas pourquoi...

M. Rochon: Bien, c'est plus proche quand ils arrivent...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce que j'allais dire, c'est plus près.

M. Chevrette: C'est peut-être plus proche en termes de distance. Non, je pense qu'il y a beaucoup d'appréhensions au niveau canadien, c'est évident. L'Ontario - je l'ai dit tantôt, je crois que c'est aux messieurs de McGill - est très inquiète. On observe généralement un surplus de médecins à peu près partout, présentement. Sauf qu'il y a une province qui va nous dire, je ne sais pas si c'est la Saskatchewan: On a trop d'omnipraticiens, il nous manque des spécialistes. Ou une autre va dire: On a trop de spécialistes, il nous manque des omnipraticiens. Cela diverge d'une province à une autre. Mais les statistiques... D'abord, l'ensemble des ministres n'était pas au courant du rapport et ne voulait pas se prononcer à partir de rapports sur des orientations sans faire vérifier la véracité de ces données par les groupes intéressés, lesquels ont nécessairement des données peut-être assez précises aussi. Je ne sais pas si c'est dans le mémoire de M. Rochon mais, si on se fie sur les envois postaux, on peut se ramasser avec X milliers de médecins, mais ce n'est pas nécessairement le nombre de médecins actifs. Si on se fie, par exemple, qu'à partir de telle année on n'a pas tenu compte des retraités qui sont quand même sur une liste d'envoi de tel ministère... Est-ce que le fédéral a de bonnes statistiques? Est-ce que la Corporation des médecins du Québec, qui envoie ces données à l'ensemble, a vraiment les bonnes données? Vous mettez même en doute, si j'ai bien compris, la liste de la RAMQ.

M. Rochon: On dit plutôt que c'est peut-être là qu'il y a le meilleur contrôle.

M. Chevrette: Donc, on a au moins des

données de base sur lesquelles on va être d'accord. On va faire une démarche conjointe.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Or

Rochon.

M. Rochon: Là-dessus, il y a une chose que le ministre a dite et que je ne peux pas laisser passer sans repréciser certaines choses. Qu'à la conférence fédérale-provinciale qui a eu lieu à Winnipeg on ait eu l'impression que partout il y a un surplus et que tout le monde le dise, là c'est le contraire de ce que le ministre décrivait tout à l'heure, où des gens viennent dire des choses différentes, parce que non seulement ils ont des intérêts mais des perceptions et des informations différentes. Là, c'était tout du monde qui croyait la même chose, c'était le même club. C'est sûr qu'on disait tous la même chose.

En-dessous de cela - je voudrais le rappeler à M. le ministre et au ministère, je pense que c'est important qu'ils le réalisent l'étude fédérale-provinciale, qui a été d'abord vue par les sous-ministres, est basée sur une étude faite par un groupe de fonctionnaires... Les 21 et 22 décembre, j'ai eu l'occasion, comme président de l'Association des facultés de médecine du Canada, d'envoyer une lettre à tous les ministres de la Santé ou leur équivalent au Canada, y compris vous-même, où on résumait les conclusions d'une première analyse faite par l'Association des facultés de médecine du Canada, où il y a probablement une des meilleures banques de données sur l'évolution des cohortes en formation et où il y a une équipe de recherche qui est habituée à travailler avec ces données. On ne disait pas que tout n'était pas correct dans l'étude fédérale, mais on a pu, en faisant simplement une analyse de sensibilité critique des paramètres qu'on a utilisés et des postulats qui étaients faits, démontrer que certains postulats peuvent être légèrement différents et que, sur le type de cohortes sur lesquelles on travaille, dans 15 ou 20 ans cela peut faire plusieurs milliers de différence à la fin. On a essayé de démontrer cela et on a dit que, à partir de là, notre prétention, c'est qu'il faut s'asseoir et faire bien attention à cela. Car, au début, un degré ce n'est pas grand; mais, loin là-bas, cela peut être très considérable.

Alors, on ne prétend pas que l'étude est complètement mauvaise, mais ce qu'on dit, c'est que les conclusions qui en sont sorties sont loin d'être aussi claires, aussi sûres et aussi fermes. Cela était en décembre. Alors, on est toujours disponibles et on attend toujours. Mais on pense que le prochain pas, il est vraiment à faire et on ne part pas de zéro là-dedans.

M. Chevrette: C'est exactement à cause de commentaires du genre qu'on a arrêté.

M. Rochon: C'est cela. Alors, il faut arrêter de dire qu'on est sûr qu'il y a trop de médecins, qu'il faut trouver un moyen de contrôler cela. Il y a peut-être trop de médecins. Il y en a peut-être trop, actuellement; mais ce n'est pas sûr qu'il y en a trop pour l'an 2000, avec les différences. C'est comme cela qu'il faut poser la question, parce que les effets de ce qu'on fait aujourd'hui vont être produits dans l'an 2000. Là, les conditions vont être différentes. Alors, il y a un ajustement à faire. Je pense qu'on va tous être bien contents si, à la conférence des ministres, le message a passé. Si les inquiétudes qu'il y a en Ontario, à savoir d'examiner un peu la situation, transpirent su Québec et qu'on fasse ce qu'on aurait peut-être dû faire il y a trois ans avant de prendre nos décisions, il n'est pas encore trop tard. Mais, encore une fois, n'oublions pas que les décisions que l'Ontario hésite à prendre, on les a prises.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon.

M. Rochon: II faudra examiner un peu plus vite... •

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse. M. le député de Westmount, très brièvement.

M. French: Très brièvement, je vaudrais demander au ministre, si son souci est de limiter le nombre de médecins pratiquants au Québec sur le plan de la carrière, pourquoi il ne permettrait pas, ne créerait pas un permis éducatif qui durerait les cinq ans de résidence pour s'appliquer, par exemple, aux 40 Américains dont on a besoin pour égaliser le fardeau mutuel, ou la même chose pour les Canadiens. C'est-à-dîre que vous leur permettez de venir ici bénéficier de nos professeurs de médecine, de nos hôpitaux enseignants, sans leur donner aucun engagement. Et, à la fin de cinq ans, car ils ont signé un engagement dès le début, ils partent à ce moment. Je ne sais pas si cela réglerait le cas, mais il me semble que c'est important que le Québec prenne ses responsabilités par rapport aux autres. D'autant plus que moi, personnellement, je dois dire que, pour ma paroisse, je trouve cela triste que c'est McGill qui paye les frais, surtout et avant tout, selon un ordre de magnitude par rapport aux autres.

Je trouve cela tragique. Je n'ai pas envie que tout le monde vienne ici pratiquer, ce n'est pas cela mon objectif. Mon objectif, c'est au moins de permettre qu'on fasse autant pour les autres qu'ils font pour nous. Est-ce que le ministre serait intéressé à

étudier cette possibilité?

M. Chevrette: Je pourrais regarder cela, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors oui, Dr Gauthier, vous allez avoir le mot de la fin.

M. Gauthier (Yvon): Je veux juste dire que je pense que c'est une suggestion extrêmement intéressante, parce que sans doute un des grands dangers de tout ce qui se passe actuellement et depuis quelques années, c'est que tout le problème des coûts et des effectifs médicaux a des retombées au niveau de l'enseignement, au niveau de la formation et au niveau des échanges scientifiques entre pays, entre les États-Unis et le reste du Canada et nous, et entre l'Europe et nous, entre la France et nous. Vous savez, ce n'est pas seulement du côté américain, du côté anglophone que cela se passe, parce que c'est vrai qu'il y a un danger que tous les gens... Vous savez, nous demeurons une terre d'accueil qui est vraiment très recherchée.

C'est clair que tous les gens qui viennent étudier ici un an, deux ans veulent y rester. Comme facultés, nous sommes très aux prises avec ce problème. Et je disais tout à l'heure que nous demeurons sur nos gardes et nous devons le demeurer parce que, si nous ne faisons pas attention, tous les gens qui viennent étudier ici vont vouloir y rester. Ce n'est pas cela qu'on veut, c'est sûr. Mais il faut que l'on trouve des moyens de conserver des échanges importants comme ceux qu'on a connus, parce que nous sommes tous allés nous former soit en France, soit aux États-Unis, soit dans le reste du Canada. Et il faut que nos jeunes puissent continuer d'y aller et que nous continuions de recevoir beaucoup d'étudiants.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, écoutez il ne nous reste plus qu'à vous remercier. Cela a été un échange vif mais, j'en suis convaincue, profitable. Je voudrais remercier au nom de la commission les doyens des facultés de médecine du Québec et l'Université McGill, qui avait un mémoire particulier.

Je pense que nous allons simplement suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 12)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales poursuit ses consultations particulières sur la planification des effectifs médicaux, sur les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes, ainsi que les unités d'enseignement clinique et la surveillance dans les urgences. J'invite les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec à venir s'asseoir.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

Bonsoir, M. le président. Je vous invite à présenter vos collègues pour les fins du Journal des débats. Vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire. L'Opposition et le parti ministériel auront vingt minutes pour poser des questions, compte tenu que nous avons deux groupes et qu'il nous était difficile d'avoir votre présence, sauf le soir, pour des raisons que nous comprenions fort bien. Alors, parfait, Dr. Richer!

M. Richer (Clément): Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme la députée et MM. les députés de la commission.

Les membres qui m'accompagnent sont, à partir de mon extrême droite, le Dr Jean Rodrigue, le Dr Serge Lauzière, le Dr Daniel Drolet, le Dr Gilles Des Rosiers, Me François Chapados, le Dr Georges Boileau et Me Ginette Primeau.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous procédez immédiatement, oui.

M. Richer: Mme la Présidente, ce que nous avons choisi de faire, étant donné le peu de temps dont nous disposions, est peut-être de passer à vol d'oiseau la première partie de notre mémoire qui concerne les unités d'enseignement et les horaires de gardes, quitte à prendre un peu plus de temps pour le thème de la planification des effectifs médicaux.

Ce que je souhaite faire ressortir dans les premiers sujets est que depuis 1967 la Fédération des médecins omnipraticiens, qui est une discipline médicale distincte des disciplines spécialisées, souhaite qu'il y ait un programme de formation spécifique en omnipratique, après les années d'étude en médecine, pour conduire au permis de pratique en omnipratique. On se rend compte maintenant, plus de quinze ans après, que la plupart des groupes commencent à parler le même langage et on espère que ce dossier suivra une bonne voie.

Quant aux unités d'enseignement clinique elles-mêmes, au fond, pour nous autres, il s'agit d'une notion de continuation de l'école à l'hôpital, ou au cabinet privé ou en CLSC. Ce que j'ajouterai par rapport à mes collègues qui sont intervenus antérieurement à notre groupe è la commission parlementaire, c'est que, pour nous, l'unité d'enseignement clinique est une

unité de formation pour des omnipraticiens et qui peut être située autant dans un établissement du réseau, soit à l'hôpital, soit dans un CLSC, que dans un cabinet privé hors réseau. Au fond, le but de l'unité d'enseignement clinique est que les futurs omnipraticiens fassent face è une pratique médicale avec laquelle ils pourront être confrontés plus tard. Donc, c'est vraiment une unité d'apprentissage, de complément d'apprentissage qui peut être située autant à l'hôpital que dans les cabinets privés.

Quant aux horaires supplémentaires de gardes, je pense qu'on va redire un peu ce que les groupes antérieurs ont dit: la garde est une activité pédagogique. Quant à nous, pour former des médecins omnipraticiens - si on parle de la garde en omnipratique - on considère qu'en général une période de garde par quatre jours, c'est satisfaisant, cela répond aux critères et aux exigences pédagogiques. Il y a peut-être des exceptions, une entre autres, pour l'omnipratique: c'est l'unité obstétrique qui pourrait exiger des gardes d'une façon plus capricieuse, si on veut. Cela serait difficile même avec une garde par trois jours. D'ailleurs, on n'y arriverait peut-être pas avec une garde par deux jours, même par jour. Je pense que c'est un système de garde un peu différent auquel il faudrait penser pour exposer les futurs médecins qui feront de l'obstétrique à des cas variables et variés en obstétrique.

Quant à la planification des effectifs médicaux, c'est un thème qui couvre de multiples réalités. La détermination globale des effectifs, la composition de ceux-ci, la proportion entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes et, enfin, la répartition géographique de ces effectifs sur le territoire font l'objet de nos discussions.

Tout d'abord, le thème de la détermination globale des effectifs médicaux. Actuellement, tous les pays industrialisés assistent en matière de démographie médicale à une véritable explosion. Autre constante, ce phénomène a connu, ces dernières années, une croissance quasi exponentielle. À titre d'exemple, évoquons le témoignage du Dr Jacques Beaupère, président de la Confédération des syndicats médicaux français. Alors qu'en 1966 les universités françaises formaient annuellement 3500 médecins omnipraticiens et spécialistes, ce nombre atteignait annuellement en 1982 quelque 10 000 médecins. Par décret adopté en 1983, le gouvernement français a cru devoir réduire à 5000 le nombre des médecins formés annuellement.

Le Québec ne fait aucunement exception à ce phénomène. La première décision majeure qui s'impose est donc celle, ici comme ailleurs, de réduire, de limiter et de contrôler le nombre total des effectifs médicaux.

À l'initiative des ministères de l'Éducation et des Affaires sociales, les autorités gouvernementales ont décidé en 1983 de demander formellement aux universités québécoises de réduire d'ici 1985- 1986 le nombre des admissions en faculté de médecine de 105 postes, dont 35 postes pour l'année universitaire 1983-1984 et ainsi de suite pour les deux années universitaires subséquentes.

Commentant l'importance des effectifs médicaux au Québec, l'ex-ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, précisait ce qui suit: "Au Québec, le nombre de médecins augmente six fois plus rapidement que l'ensemble de la population; de 8912 en 1975, le nombre total de médecins s'élève à 12 000 en 1983 et devrait atteindre, selon les prévisions, environ 16 900 en l'an 2000. "

Traitant de la réduction précitée des admissions en faculté de médecine, M. Johnson ajoutait: "II nous faut aussi constater que, malgré les efforts de contingentement, le Québec admet toujours plus d'étudiants en faculté de médecine par rapport à sa population que partout ailleurs en Amérique du Nord. "

Des remarques qui précèdent, la fédération retient sans plus l'ordre de grandeur des problèmes que posera au Québec, sauf correctifs appropriés, le phénomène de l'explosion de la démographie médicale. Relativement à cette question, se fondant d'ailleurs sur certaines études et données traitant de l'évolution de la démographie médicale au Québec, la fédération croit devoir dresser certains constats et formuler des demandes bien précises: 1. La décision gouvernementale ayant pour objet la réduction des admissions en faculté de médecine, à raison de 35 par année pour les années universitaires 1983, 1984 et 1985, est une mesure à laquelle la fédération souscrit pleinement. 2. Cette mesure s'inspirant, selon elle, du réalisme le plus élémentaire, la fédération tient pour acquis le maintien intégral de cette mesure pour l'année 1985-1986. 3. Bien au fait de la valeur du précédent que constitue l'adoption de cette mesure, la fédération doit néanmoins, en termes d'avenir, souligner la portée à la fois insuffisante et forcément incomplète de la décision alors arrêtée.

A. Par portée insuffisante de la réduction effectuée, la fédération signifie et propose que celle-ci, pour les trois années visées, aurait dû être de l'ordre d'au moins 10 % des admissions en faculté de médecine et non de 5 %, tel qu'annoncé. 5. Pour les années universitaires 1986, 1987 et 1988, la fédération propose donc, pour chacune de ces années, une réduction de 10 % des admissions en faculté de médecine.

6. Par portée forcément incomplète de la réduction actuellement en vigueur, la fédération signifie enfin qu'en matière de démographie médicale les décisions gouvernementales appropriées concernant les admissions en faculté de médecine n'auront plein effet que si ces politiques s'articulent sur d'autres politiques qui, en matière d'immigration de médecins étrangers et de leur admission à la pratique de la médecine au Québec, tiennent réellement compte des défis que pose et posera ici l'évolution de la démographie médicale.

Telles sont les remarques que la fédération entendait soumettre à la commission en regard de la question de la détermination globale des effectifs médicaux. Encore là, la fédération précise-t-elle de nouveau que les propositions en la matière contenues au présent mémoire sont, à ses yeux, autant de mesures conservatoires qui s'inscrivent dans une optique à court terme et qui devraient, dans les meilleurs délais, faire l'objet de décisions gouvernementales appropriées.

Quant à la composition des effectifs médicaux, il y a deux réalités bien distinctes selon la fédération. D'une part, il y a celle de la proportion entre omnipraticiens et spécialistes et, d'autre part, également, celle de la répartition des postes disponibles en résidence.

Le traitement adéquat de la proportion entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes présuppose - il importe de le réitérer - le contrôle de la détermination globale des effectifs médicaux. Quant à cet aspect de la question, le présent mémoire a déjà fait mention du rôle primordial qui incombe aux intervenants gouvernementaux, ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie et ministère des Affaires sociales.

La poursuite d'un objectif de répartition optimale entre omnipraticiens et spécialistes présuppose également que soit maintenu le contingentement du nombre total de postes disponibles en résidence. Encore là, la fédération souligne, en cette matière, l'importance des rôles qui échoient respectivement au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie ainsi qu'au ministère des Affaires sociales.

La fédération incite d'ailleurs les autorités gouvernementales à poursuivre les efforts déjà amorcés en vue d'en arriver au Québec à une proportion optimale entre médecins omnipraticiens et médecins spécialistes.

Il y a quelques années, le gouvernement du Québec optait pour des objectifs de répartition visant à établir, d'ici quelques années, une proportion omnipraticiens-spécialistes de 60-40, celle qui prévaut actuellement se situant aux environs de 50-50, plus précisément de 49, 4 omnipraticiens pour 50, 6 spécialistes.

Quelle est précisément la répartition optimale? La fédération, pour sa part, n'hésite pas à affirmer que celle-ci se situe quelque part autour de 55 % à 60 % d'onrtnipraticiens et 40 % à 45 % de spécialistes. Ces données reflètent d'ailleurs, en matière de composition des effectifs médicaux, la réalité canadienne. Sans renier les normes d'excellence qu'il poursuit, le Québec n'a aucune raison de conserver au Canada le plus bas ratio médecins omnipraticiens-population.

De la décision gouvernementale visant à accentuer au Québec la proportion de médecins omnipraticiens, la fédération retient avant tout que cette décision traduit, à sa façon, des objectifs auxquels la fédération ne peut que souscrire, à savoir: l'importance et la place que doit occuper une médecine de première ligne qui soit présente, forte et accessible sur tout le territoire du Québec; l'importance et la place que doit occuper une médecine spécialisée de haute qualité, également présente, forte et accessible sur tout le territoire du Québec; enfin, la nécessité qu'il y a d'articuler et d'harmoniser les rôles, à la fois distincts et complémentaires, qui incombent respectivement aux médecins omnipraticiens et aux confrères spécialistes.

La médecine voulant répondre aux besoins de la population, on ne saurait nier l'existence de certains facteurs ni leur évolution parmi lesquels: féminisation des effectifs médicaux; médecine ambulatoire et hospitalière; médecine curative et préventive; création de nouveaux champs d'activité et réponse à de nouveaux besoins; santé communautaire, santé et sécurité du travail, personne âgée, programmes de maintien à domicile; apparition de nouvelles technologies; immigration et émigration; aspirations à une meilleure qualité de vie; etc. Pour la fédération, il s'agit là de réalités qui ne sauraient justifier soit un relâchement dans le contingentement global des effectifs médicaux, soit une politique de laisser-aller dans la poursuite et le maintien des objectifs de répartition optimale médecins omnipraticiens/médecins spécialistes.

Enfin, pour clore la question de la composition des effectifs médicaux, ajoutons deux remarques qui ne sont pas étrangères à cette notion de répartition optimale. La fédération entend poursuivre et intensifier les efforts qu'elle consacre, depuis plus de 15 ans, à la formation continue du médecin omnipraticien. Parallèlement, elle entend maintenir ses politiques qui ont pour objet la défense de l'omnivalence du permis de pratique, principe qui pour elle a force intangible.

Elle poursuivra également les efforts entrepris, depuis plus de 15 ans, ayant pour objet, au niveau de la formation universitaire, la reconnaissance de la spécificité de la discipline que constitue l'omnipratique, spécificité qui n'exclut pas un complément de formation.

Enfin, la fédération combattra avec énergie toute tentative, par voie conventionnelle ou autrement, ayant pour effet un gel, sinon une réduction, des fonctions de l'omnipraticien au Québec, au niveau de l'organisation, de l'administration et du fonctionnement des établissements du réseau des Affaires sociales, CHCD compris.

Quant à la répartition des postes disponibles de résidence, la fédération constate que la situation actuelle consacre le rôle primordial qui, à titres divers, incombe soit aux différentes facultés de médecine, soit à la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

D'une part, la fédération reconnaît d'emblée la nécessaire autonomie qui doit être reconnue aux instances universitaires qui ont pour mission première la formation des médecins québécois. D'autre part, la fédération est aussi consciente du râle primordial et autonome qui, en ce qui concerne la reconnaissance des instances de formation et le contrôle de la qualité de la formation, doit incomber à la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Ce rôle essentiel de la corporation trouve d'ailleurs sa consécration dans les pouvoirs qu'a cet organisme de contrôler tant l'émission du permis de pratique que l'octroi d'un certificat de spécialité, ce dernier pouvoir jouxtant en outre celui d'établir, le cas échéant, certaines spécialités médicales nouvelles.

La fédération propose donc, dans les meilleurs délais, un examen de la composition des effectifs médicaux, lequel ne saurait être efficacement mené qu'avec la participation active des deux principaux intervenants gouvernementaux, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie ainsi que le ministère des Affaires sociales et l'ensemble des autres intervenants visés directement.

D'ici l'établissement des orientations qui s'imposent, la fédération soumet à l'attention de cette commission deux recommandations bien précises: premièrement, pour ce qui est du contingentement du nombre de postes disponibles en résidence, la fédération propose le maintien des politiques gouvernementales actuelles: deuxièmement, pour ce qui est des mesures visant à favoriser la résidence en certaines spécialités dites en pénurie d'effectifs, la fédération propose également le maintien des politiques gouvernementales actuelles en ce qui concerne la détermination des postes de résidents, politiques qui tiennent d'ailleurs compte de certaines pénuries: par exemple, pour l'année 1985-1986, priorité accordée à l'anesthésie et à la psychiatrie, respectivement jusqu'à concurrence de 30 et 35 postes, à même les 268 entrées autorisées en spécialité.

Répartition géographique des effectifs médicaux. Le MAS et la FMOQ ont convenu récemment d'une entente ayant pour objet la détermination des mesures incitatives applicables aux médecins omnipraticiens travaillant en territoires désignés, selon l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, comme étant Insuffisamment pourvus de professionnels de la santé. La négociation de cette entente s'est doublée d'une consultation privilégiée entre le ministère et la fédération, consultation qui a été positive et qui avait pour objet la désignation de certains nouveaux territoires.

L'entente récemment conclue ainsi que la consultation privilégiée alors tenue font que le MAS et la FMOQ ont, par le biais des échanges constructifs alors intervenus, liquidé ensemble un contentieux - mesures incitatives - dont les origines remontaient jusqu'aux années 1972-1973. Dans ce contexte, la fédération rappelle qu'elle a demandé à plusieurs reprises au ministre des Affaires sociales le retrait des mesures punitives contenues au décret 1292-82.

En conclusion, Mme la Présidente, la fédération remercie les membres de cette commission de l'attention qu'ils ont apportée à l'étude des recommandations contenues au présent mémoire. La même remarque s'adresse au ministre des Affaires sociales qui, par son action, a permis la tenue de la présente commission parlementaire et, par là, l'amorce du débat de questions qui, étant donné leur ampleur et leur importance, requéraient d'être examinées publiquement par l'ensemble des intervenants visés. (20 h 30),

En terminant, la fédération réitère son souhait de voir certaines des questions traitées soumises à un réexamen auquel participerait, cette fois, l'ensemble des principaux intervenants gouvernementaux avec la participation, cela va de soi, de tous les autres intervenants directement concernés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier le Dr Richer et son équipe pour leurs différentes opinions sur les sujets sur lesquels nous les consultions.

Tout d'abord, je suis content de pouvoir observer que, grosso modo ou dans l'ensemble en tout cas, vous acceptez ou partagez les politiques actuelles gouvernementales. Cependant, il y a des points précis sur lesquels j'aimerais questionner, entre autres

sur la répartition géographique et sur la surveillance dans les urgences. Je vais commencer par ce dernier point.

Est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord... C'est parce que j'écoutais les représentants des universités, cet après-midi, nous dire: En ce qui concerne la garde de nuit pour les internes, oui; mais, pour les résidents, c'était plus ou moins obligatoire puiqu'ils étaient déjà des omnipraticiens formés, etc. Quelles sont vos réactions face à cette allégation?

M. Richer: Disons qu'on ne peut pas être en désaccord avec le fait qu'il y ait quelqu'un qui soit appelé à devenir médecin traitant, si vous voulez, au moment où il y a des patients qui se présentent dans une urgence, que ce soit le jour ou la nuit. Donc, si j'avais à répondre par un mot à votre question, ce serait oui. On est d'accord qu'il y ait un médecin qui soit présent ou responsable de la garde, particulièrement quand c'est un interne. Il est sûr que tout ceci doit être modulé quand c'est un résident, et surtout plus il évolue dans la résidence.

M. Chevrette: Maintenant, dans votre mémoire, vous vous dites en accord avec les effectifs, tout en voulant que les objectifs gouvernementaux ou ministériels vers les 60-40 s'appliquent. Actuellement, je crois que nous en sommes aux alentours de 48-52, et vous vous basez sur les statistiques du Canada. Est-ce que, actuellement, on ne rejoint pas certaines provinces dans la conjoncture actuelle? À combien se situe-ton en bas de la moyenne canadienne?

M. Richer: C'est difficile à évaluer correctement. Quand vous dites 48-52, M. le ministre, vous dîtes 48 quoi et 52 quoi?

M. Chevrette: C'est 52 spécialistes et 48 omnipraticiens.

M. Richer: Ah bon!

M. Chevrette: Ou 48, 5-51, 5.

M. Richer: D'accord. C'est pas mal conforme à ce que l'on a; c'est autour de 50-50, effectivement. Il est sûr qu'actuellement la proportion canadienne d'omnipraticiens par rapport aux spécialistes, c'est autour de ce qu'on recommande qu'il soit appliqué ici au Québec. C'est plus autour de 55-45 en termes d'effectifs généraux.

Si on regarde ailleurs, c'est souvent ce qui se produit. J'exclus les États-Unis de ma comparaison; c'est évidemment une question tout à fait à part, puisqu'il n'y a pratiquement pas de médecine générale qui se fait aux États-Unis. Mais, dans les pays qui sont structurés un peu comme nous, c'est un peu cette proportion. C'est la raison pour laquelle nous suggérons ce ratio entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes.

M. Chevrette: Pour toucher un autre cas - je sais qu'il faut aller vite, parce qu'on a une heure par groupe - en quoi l'abolition du règlement punitif améliorerait-il la répartition géographique? Vous appelez cela un décret punitif, dans votre langage.

M. Richer: II en punit quelques-uns. Je vais vous donner quelques exemples.

M. Chevrette: Oui, mais on pourra s'en parler plus à fond. Je me suis fait faire des chiffres sur la punition. Je pourrai peut-être vous dire qu'il y en a qui ont trouvé moyen de la contourner.

M. Richer: Cela se peut. C'est fait pour cela, d'ailleurs.

M. Chevrette: Ah! Il y a de ces phrases qu'on échappe des fois et qu'on regrette longtemps.

M. Richer: Oui?

M. Chevrette: Je me souviens du président de la FTQ...

M. Richer: La dernière fois que je l'ai dite, c'était au collège, et c'est vrai que je l'ai regrettée.

M. Chevrette:... qui avait dit, en pleine commission Cliche: Pas vu, pas poigné, pas coupable. Cela l'a suivi longtemps.

M. Richer: Le décret qu'on appelle punitif pour les médecins ornnipratriciens exerce des effets qui sont, pour nous, néfastes à deux endroits particulièrement, pour vous donner des exemples. Dans les centres hospitaliers qui sont dans les régions juste autour de Montréal, comme Laurentides-Lanaudière et Saint-Michel-des-Saints - un endroit que vous connaissez bien, je pense, M. le ministre-La Présidente (Mme Lavoie-Roux)î À Joliette surtout.

M. Richer:... on a des...

M. Chevrette: Non, non, il parle de Saint-Michel-des-Saints; c'est dans le comté d'Albert... de M. Houde, de Berthier.

M. Richer: Le problème ne s'est jamais posé jusqu'à maintenant parce que le médecin qui est là a continué à pratiquer. Il n'était pas visé par le décret parce que

c'était un médecin plus âgé. Maintenant, s'il prend sa retraite, il faut qu'il soit remplacé par un médecin plus jeune; enfin, par quelqu'un d'autre. Si c'est un médecin qui sort de l'université, pendant trois ans, il sera visé par le décret, pas pour sa pratique en Cabinet, on en convient - il sera payé à 100 % au cabinet, parce que c'est une région en dehors de Montréal, en périphérie de Montréal - mais il sera rémunéré à 70 % de l'échelle tarifaire pour sa pratique en établissement. Or, les pratiques sont assez lourdes en établissement dans des régions comme celles-là. Cela pose un problème pour cette région et d'autres qui sont similaires, comme La Minerve, La Macaza.

Deuxièmement, cela pose un problème pour le CCUS à Montréal. On a eu des ennuis au CCUS, vous le savez, il y a environ un an; je parle d'ennuis médicaux. Les résidents qui sont en formation actuellement - donc, ce n'est pas dans leur profil de carrière définitive, ils sont encore aux études - sont tous payés, sans exception, à 100 % quand ils travaillent au CCUS. Or, les omnîpraticiens, qui commencent leur pratique, qui ont leur permis de pratique, pendant les trois premières années - cela peut être dans leur profil de carrière, c'est un choix qu'ils font - sont payés à 70 % de leurs honoraires au CCUS. Cela nous cause des ennuis sérieux à tel point que la majorité des médecins travaillant au CCUS ne sont pas des médecins omnipraticiens. C'est moi qui suis responsable de faire respecter l'entente avec le ministre. Cela me cause des ennuis, cela m'en a causé il y a un peu plus d'un an. Actuellement, on vient â bout de boucler la boucle, mais c'est un endroit qui est très difficile â faire fonctionner avec le décret à cause de ces anomalies.

M. Chevrette: Il me semble vous avoir entendu, Dr Richer - je ne suis pas sûr, vous me corrigerez si ce n'est pas le cas - il me semble, dis-je, vous avoir entendu dire qu'on faisait même de l'argent avec ce décret dit punitif, comme vous l'appelez. Maintenez-vous toujours cela?

M. Richer: J'aimerais que vous me citiez, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je ne suis pas capable de vous citer, c'est du verbal.

M. Richer: Ah!

M. Chevrette: Mais j'ai la décence de vous dire d'abord: II me semble que. Vous n'avez jamais affirmé cela?

M. Richer: On a des chiffres qui pourraient laisser croire cela, mais je n'ai jamais affirmé cela publiquement. Je vous en ai peut-être parlé, c'est possible, cela se peut, mais je n'ai fait aucune allusion publique à ce dossier.

M. Chevrette: Je suis heureux que vous le disiez, parce que nous avons fait faire les relevés de cela. Il y en a plusieurs qui pensaient que cela pouvait être rentable pour l'État ou pour le ministère d'imposer ce décret punitif. J'ai fait relever le décret en 1982, au moment où cela a été adopté par le gouvernement, et l'objectif du décret était précisément que cela fasse les frais. Au 31 décembre 1984, exclusivement sur les 115 % en ce qui regarde les omnîpraticiens, c'était un déficit de 367 457 $, et cela ne comprenait pas les primes d'installation, etc. C'est donc plus que cela.

M. Richer: C'est sur deux ans, M. Chevrette.

M. Chevrette: Oui, c'est de 1982 au 31 décembre 1984.

M. Richer: J'aimerais avoir ces mêmes chiffres après trois ans, parce que le décret dure trois ans et il y a un effet additif.

M. Chevrette: On prétend qu'on ne pourra pas toucher un sou d'autant plus que dans les 357 000 $ il n'y a pas de primes. On prétend que cela va prendre plus que ce que vous aviez peut-être escompté vous-mêmes. Il y a peut-être des causes dont on pourra discuter plus à fond, de toute façon. Il y a des raisons à cela que vous expliquez de votre côté, surtout dans les régions dites de centres universitaires où certains réussissent à se faire nommer enseignants pour ne pas être pénalisés par le décret punitif. On pourra donc en discuter plus à fond.

Il y a une autre chose dont je voudrais vous parler, par rapport aux plaintes formulées. Vous étiez ici ce matin pour écouter la FMRIQ. Vous avez entendu, tout comme moi, ses doléances en ce qui regarde les gardes. Vous vous êtes prononcés en faveur du un sur quatre et du un sur trois tantôt, dans votre exposé. Quels sont les moyens que vous envisageriez, vous, les omnipraticiens, pour que le respect de cette convention collective puisse être effectif? Vous savez toutes les récriminations qu'on a selon lesquelles il est odieux de faire un grief, parce que celui qui me fait un rapport est celui contre qui je devrai déposer un grief; donc, je suis mal placé. J'ai même proposé un ombudsman, tel qu'on s'est entendu, à la table des négociations. Déjà, il y a du scepticisme vis-à-vis du rôle que pourrait jouer éventuellement ce personnage. Est-ce que vous avez pensé à des moyens concrets comme fédération pour faire en sorte que le respect de ce contrat collectif

de travail soit vraiment effectif?

M. Richer: Je ne pense pas que cela puisse être réglé par une entente, M. le ministre. Je pense que les endroits où les médecins ne sont pas présents - les médecins omnipraticiens qui font de la garde à l'urgence, parce que je pense que c'est de ceux-là dont on parle précisément pour ce qui nous concerne - sont assez restreints d'abord, d'après ce que j'ai compris de l'intervention du doyen de l'Université Laval, M. Rochon. Deuxièmement, je pense qu'on ne peut pas, par une entente, forcer la garde, mais la réglementation dans les CMD, bien sûr, et c'est le reflet, si vous voulez, de la réglementation de la loi, c'est une décision locale que nous encourageons. Nous encourageons la présence sur place. Nous l'avons déjà démontré en négociant une rémunération adéquate, que nous considérions adéquate dans les circonstances, pour la présence sur place dans les urgences des médecins omnipraticiens la nuit, au Québec. Alors, disons que c'est une politique que nous favorisons. Nous ignorons comment la forcer par entente. Vis-à-vis des omnipraticiens, ce n'est pas un sujet de litige qui s'applique dans plusieurs hôpitaux. Je pense qu'il y en a juste quelques-uns; c'est vraiment compté sur les doigts d'une main.

M. Chevrette: J'ai deux petites questions. Je ne voudrais pas que vous sursautiez. Je vais poser la même question à votre collègue de la Fédération des médecins spécialistes tantôt. On parle de planification de main-d'oeuvre, de difficultés, etc., d'avoir les ressources dans certains milieux. Ne croyez-vous pas qu'une certaine quantité d'actes posés par les omnipraticiens pourraient être posés par du personnel infirmier? Deuxième question, ne croyez-vous pas que certains actes posés par des spécialistes pourraient l'être par des omnipraticiens?

M. Richer: Oui, on peut descendre d'une coche comme cela jusqu'à...

M. Chevrette: Oui, exact.

M. Richer:... la fin de la ligne. C'est un fait, et c'est toute la question de la délégation des actes. Je pense qu'on doit avoir la médecine de la qualité qu'on est prêt è assumer. Je pense qu'un travail de médecin doit être fait, en principe, par un médecin. Il y a des actes délégués, et on en délègue plusieurs particulièrement dans les établissements quand on est présent sur place. Mais je ne croirais pas, par exemple, qu'il soit utile dans notre système d'installer des infirmières dans un cabinet privé et de les payer à l'acte, comme on en parle de temps en temps en Amérique du Nord. Je pense que cela serait difficile à supporter pour le système, pour la qualité et pour les coûts.

M. Chevrette: C'est fort habile comme réponse, mais, entre vous et moi, vous répondez plus ou moins. Est-ce qu'il y a des gestes concrets... Si ce n'étaient pas des juridictions de corporations, lesquelles juridictions, je le comprends, comme corporation, comme fédération, vous êtes obligés de défendre, c'est normal... Je dirais que ce n'est pas normal qu'un groupe ne se défende pas. Mais, dans un système aussi dispendieux que le nôtre, est-ce qu'il n'y a pas des gestes, des actes mineurs qui pourraient être délégués comme vous l'avez dit - on pourrait continuer la liste - mais qui auraient avantage, pour le consommateur, pour le Québécois qui paie des impôts, à être délégués? (20 h 45)

M. Richer: Quand on veut essayer de trouver des moyens d'épargner de l'argent dans le système, on vise les professionnels de la santé. On regarde, on analyse cela. C'est une position que j'estime...

M. Chevrette: La CSN n'a jamais dit cela.

M. Richer: C'est raisonnable, sauf qu'il faut bien se rappeler que dans tout le budget les professionnels de la santé, cela touche 20 % de l'ensemble du budget. Il y a peut-être des économies plus rationnelles qui pourraient être faites sur 80 % de 6 000 000 000 $ plutôt que sur 20 % de 1 500 000 000 $, somme qui est dispensée à peu près à tous les médecins. Ceci dit, c'est sûr qu'on peut toujours vouloir diminuer par une politique la qualité de la médecine, mais je ne pense pas que ce soit à notre avantage comme citoyens d'accepter qu'il y ait une délégation comme cela, si vous voulez, de cheminer du haut de l'escalier vers le bas.

M. Chevrette: Est-ce que vous jugez que la délégation entre omnipraticiens et spécialistes pourrait affecter la qualité?

M. Richer: II faudrait préciser. - Il y a beaucoup d'omnipraticiens qui font de l'obstétrique, de la psychiatrie - je pense à mon voisin de droite. Cce problème ne se pose pas beaucoup entre les omnipraticiens et les spécialistes; chacun fait son travail. L'omnipraticten, sa fonction, surtout, c'est de la médecine de première ligne, si vous voulez, de faire le premier contact et d'avoir des confrères spécialisés qui peuvent donner le support pour la médecine de deuxième ligne et, bien sûr, de troisième ligne - et on parle de quatrième ligne; c'est comme le quatrième âge, il en sort un par décennie. Le problème ne se pose pas entre

les médecins, à mon sens.

M. Chevrette: D'accord, je prendrai les cinq dernières minutes. Je préfère alterner tout de suite.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Alors, M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez dix minutes.

M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. Dr Richer, à la première page, dans l'introduction de votre mémoire, vous mentionnez, au dernier paragraphe: "De son côté, le thème de la planification des effectifs médicaux pose d'emblée le problème de la détermination globale des effectifs médicaux, celui de leur composition proportion entre omnipraticiens et spécialistes - au même titre d'ailleurs que celui de la répartition géographique des mêmes effectifs. "

Si on s'imprègne du mémoire, vous êtes en faveur du contingentement au niveau de l'université. Vous recommandez même une baisse des admissions en faculté et vous appuyez le ratio existant actuellement entre les omnipraticiens et les spécialistes. Vous demandez même qu'on reprenne une proportion plus favorable en faveur des omnipraticiens, etc.

Je ne suis pas spécialiste comme vous pouvez l'être mais, lorsqu'on se promène dans le champ, on se rend compte spécialement en région, au Québec - que ce qui manque, ce sont des spécialistes. Il en manque de façon dramatique et quotidienne. On se rend compte que, pour ce qui est des médecins, même dans les centres urbains, on se plaint de pénurie dans certains cas. J'essaie de concilier cela avec la réalité qu'on retrouve dans le champ et je me dis: Finalement, c'est un mémoire qui vise à protéger - je suis peut-être drastique en le disant - le gâteau, ta proportion du budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui va aux omnipraticiens qui sont actuellement en pratique, qui veut interdire aux jeunes d'y accéder et qui prétend nous dire - aux parlementaires - que tout va bien dans le champ. Je trouve cela complètement je vous le dis à première vue contradictoire avec d'autres mémoires qu'on a eus, qui nous ont dit - même les médecins résidents et internes - de décontingenter, de donner la possibilité aux jeunes d'entrer, de garder les meilleurs, etc.

Je trouve cela nettement protectionniste, à première vue. Je me place toujours, quand je vous pose la question, dans les souliers de l'usager du service qui se trouve à Montréal, à Québec, en région, soit à Joliette ou dans Brome-Missisquoi, qui n'est pas tellement éloigné des grands centres, comme ceux et celles qui se trouvent en régions plus éloignées des grands centres, et je me dis: Si on en a suffisamment, qu'est-ce que cela veut dire qu'on reçoive tant de plaintes? Le ministre en reçoit, j'en reçois, tout le monde en reçoit. Est-ce que c'est un mémoire qui est branché sur la réalité québécoise? S'il est branché sur la réalité québécoise, à partir de quelles études d'effectifs médicaux est-il basé? De quand datent ces études et quelles sont leurs bases ou leurs sources?

M. Richer: Je vais essayer de répondre à tout cela, M. Paradis. D'abord, je vais vous dire une chose, c'est que je ne me sens pas obligé de parler, quand je viens parler à l'Assemblée nationale, sur ce que les autres ont écrit. Je me sens assez libre, dans ma province, pour dire ce que j'ai à dire. Ce que j'avais à vous dire, c'est cela; je le pense et on a essayé de le faire comme cela. Maintenant...

M. Paradis: Maintenant, les problèmes.

M. Richer:... on va essayer de rendre cela clair. Quand vous dites que notre mémoire est protectionniste, ce sont des mots que vous employez, qui ont certainement leur valeur, mais on n'a rien à gagner comme individus là-dedans, mais plutôt l'ensemble des médecins omnipraticiens et spécialistes.

Ce n'est pas un mémoire individuel qui protège une chose en particulier. Il faut regarder un peu historiquement. Si on recule dans le temps, il y avait une proportion d'omnipraticiens beaucoup plus élevée que celle de spécialistes et personne ne trouvait qu'il était protectionniste de s'en aller vers une autre proportion, de sorte que l'histoire a amené cela. Il y a eu un courant de spécialisation, au début des années soixante, où 90 %... Quand j'ai terminé mon cours de médecine, M. Paradis, nous étions 102 ou 103; 15 médecins s'en allaient en omnipratique et 87 dans la médecine spécialisée, ce qui fait qu'on produisait, à l'Université de Montréal, en 1959, environ 85 % de médecins spécialistes.

Je ne prétends pas que vous dites que c'est le bon ratio, mais il fallait se réajuster sur une réponse aux besoins de la population. C'est un peu dans ce sens que notre mémoire soumet les chiffres. Ce sont des études que nous avons faites. On ne prétend pas connaître le ratio idéal. On vous dit qu'il devrait se situer autour de 55 à 60. Ce pourrait même être 53 et personne ne mourrait. On vous dit que c'est autour de. C'est ce que je pense. Vous me demandez de vous dire ce que je pense et je vous le dis. Il ne faut pas me reprocher en même temps que ce ne soit pas la même chose que les autres. Je me fous de cela. On veut savoir ce que l'on a dans les tripes? Alors, on le dit.

M. Paradis: Je vous poserai une question, et c'est pour cela que je dis qu'il me semble protectionniste. Les médecins qu'on rencontre dans les régions, lorsqu'on visite les centres hospitaliers, les médecins de pratique générale nous disent: Ce qu'il nous faut, c'est de l'équipement de base. On a également traité de l'équipement spécialisé pas de l'ultraspécialisé, mais de l'équipement spécialisé - et on a une carence incroyable à ce niveau. Je ne retrouve pas d'éléments comme cela.

Des médecins nous disent: Sur le plan de la rémunération, on ne se compare pas à nos collègues des autres provinces canadiennes et, en plus de cela, on subit le plus haut taux d'imposition. Alors, lorsqu'on a additionné les deux, il nous en reste moins. Il y a même des médecins qui, face à l'ensemble de la situation qu'ils vivent, et des omnipraticiens, qui se disent, à un moment donné: Est-ce que je pratique à temps plein ou si je ne fais pas autre chose pour - je ne trouve pas la citation, mais je vais citer à peu près comme je me le rappelle dans votre mémoire - avoir une qualité de vie qui permette de bien vivre?

Je ne retrouve pas cela dans votre mémoire. Ce que je retrouve, c'est que le gouvernement fait bien cela, que le contingentement est bon, qu'il devrait aller encore un peu plus loin, proportion omnipraticiens et spécialistes. Je me dis: Si tout cela est vrai, les plaintes qu'on reçoit du champ et les situations dont on est témoin dans l'ensemble des régions du Québec, ce sont des gens qui s'inventent des romans et des histoires.

Je suis confronté à deux versions et je vous donne le micro pour que vous défendiez votre version. Est-ce que vous retrouvez dans les régions l'équipement de base suffisant? Comment se fait-il qu'on ait encore de la carence dans les centres hospitaliers régionaux et qu'on ait de la difficulté à y attirer des omnipraticiens?

M. Chevrette: Question de privilège, Mme la Présidente.

M. Paradis: Privilège?

M. Chevrette: Oui, de règlement.

M. Paradis: Quel article, Mme la Présidente? J'insiste.

M. Chevrette: Le numéro que vous voudrez qui vous déclarerait "hors d'ordre". Est-ce correct? On a fait venir du monde...

M. Paradis: Mme la Présidente, selon une directive du président, celui qui invoque une question de règlement doit vous soumettre l'article en vertu duquel il intervient...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît!

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M. Paradis:... et mes propos étaient complètement parlementaires.

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de règlement pour que vous rappeliez...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, M. le ministre...

M. Paradis: Non, excusez, M. le ministre...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez, M. le ministre.

M. Chevrette: Je vais vous demander une directive.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. M. Chevrette: Vous êtes présidente?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Normalement, vous êtes censé invoquer le...

M. Chevrette: Les numéros par coeur, vous comprendrez que j'ai assez de problèmes sans chercher les numéros. Ce que je veux vous dire, c'est que je trouve inconcevable, Mme la Présidente... Une directive.

M. Paradis: Mme la Présidente, j'insiste. S'il s'agit d'une directive, cela va.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Alors, quelle directive voulez-vous avoir?

M. Chevrette: Elle va accrocher un numéro à ma directive.

M. Paradis: Mme la Présidente, ce n'est pas la même chose, je m'excuse. Le ministre...

M. Chevrette: Question de directive, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, allez-y pour votre...

M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux savoir s'il est exact que, lorsqu'on fait venir des témoins à une commission parlementaire pour traiter de sujets spécifiques et qu'on pose des questions sur tout autre sujet que ceux spécifiques à la commission, cela peut être antiréglementaire, oui ou non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous me laisserez vous dire,

à cet égard, que j'ai fait suffisamment de commissions parlementaires pour savoir qu'il est très difficile - on parle quand même encore de problèmes de pratique de la médecine - de tenir les gens absolument à l'intérieur de l'objet du débat. Je ne peux pas dire que le député de Brome-Missisquoi va absolument è l'encontre du règlement, il parle de la médecine, de la manière dont la médecine peut s'effectuer. Vous savez, à ce compte-là, je serais obligée d'arrêter bien du monde et il n'y aurait pas grand-monde qui fonctionnerait en commission parlementaire. Je ne pense pas qu'il aille à l'encontre du règlement, dans le sens où il parle d'un tout autre sujet.

M. Paradis: Mme la Présidente, sur la demande de directive, je tiendrais à souligner au ministre qu'il ne s'agit pas de témoins, qu'il s'agit d'invités; s'il s'agissait de témoins, on appliquerait les règles à ceux à qui les règles seraient applicables et cela deviendrait beaucoup plus sévère.

Deuxièmement, lorsqu'on parle de la question des équipements, je souligne tout simplement au ministre que, lorsqu'on parle d'effectifs médicaux et de leur répartition en région, lorsque quelqu'un a suivi un cours universitaire, qu'il a été entraîné sur de l'équipement moderne, etc., et qu'on l'invite à aller pratiquer en région, s'il ne retrouve pas cet équipement moderne en région, cela a un effet dissuasif. Je demande simplement au président de la fédération des omnipraticiens, je sais que la question vous gêne...

M. Chevrette: Absolument pas!

M. Paradis: Cela, vous pouvez le dire comme tel, c'est quelque chose d'autre. Je demande au président...

M. Chevrette: Je peux vous dire que, si nous avions le temps, je laisserais le président de la fédération faire le job comme il faut, comme on dit en bon québécois. Ce n'est pas cela qui me gêne mais dans le mandat, on les fait venir et on leur dit de préparer leurs horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes, ainsi que les unités d'enseignement clinique et, ensuite, on parle de la planification de la main-d'oeuvre médicale. Si vous êtes rendus sur les équipements en région...

M. Paradis: Mme la Présidente, sur la demande de directive, je dirais que je m'inspire du paragraphe ou du chapitre introductif du mémoire qui nous est présenté, où la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec dit: "Au même titre d'ailleurs que celui de la répartition géographique des mêmes effectifs. " Je suis en plein milieu de la cible. Je comprends que le ministre ne veuille pas en parler...

M. Chevrette: Mme la Présidente, j'ai compris que cela serait plus court de le laisser aller. J'ai compris qu'il avait tort.

M. Richer: Je peux essayer de répondre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Allez-y, M. le président.

M. Richer: J'allais vous dire, M. Paradis, qu'il est sûr qu'on a préparé un mémoire sur le sujet pour lequel on a été convoqué par le Secrétariat des commissions, on n'a pas préparé un mémoire, mais on est tout prêt à vous en faire un, sur les conditions d'exercice de la médecine au Québec. Cela, si vous le voulez, on va vous en faire un, et vous nous convoquerez en commission parlementaire et on viendra vous en parler.

Mais, là, vous m'avez demandé de parler de cela et je vous en parle. Cependant, à la page 20, quand je vous donne les facteurs et leur évolution, je vous parle bien de l'apparition de nouvelles technologies. Tout le monde, on est pour la vertu; c'est bien sûr qu'il manque.. Le parc technologique, comme on dit, a vieilli un petit peu; il faudrait le rénover, on n'en disconvient pas. On ne disconvient pas non plus qu'il manque de spécialistes dans certains endroits et dans certaines spécialités, bien sûr, et il manque aussi d'omnipraticiens dans certains endroits. Ce que l'on dit, c'est que la globalité des effectifs pourrait nous permettre sans doute de régler ces pénuries ponctuelles et, avec les mesures incitatrices que le ministre a mises de l'avant, si vous voulez, il y a deux ans - et il y a quelques mois, il a regroupé ces mesures - pour nous, les médecins omnipraticiens, puisque je parle en leur nom, cela aura pour effet sans doute d'atténuer étrangement le problème de pénurie aiguë qu'on vit depuis une dizaine d'années, en termes de distribution, de répartition géographique de médecins omnipraticiens.

M. Paradis: Si je vous suis bien, Dr Richer - et vous l'avez bien souligné - on manque d'omnipraticiens dans certaines régions. Vous insistez dans votre mémoire sur le maintien des contingentements à l'admission universitaire, vous recommandez même une diminution et, à la page 16 de votre mémoire, vous parlez des médecins immigrants, etc.

J'ai de la misère à concevoir une situation où des citoyens et des citoyennes du Québec n'auraient pas accès à un omnipraticien et où une fédération de médecins viendrait témoigner devant la

commission parlementaire en nous disant, comme parlementaires, comme décideurs - le ministre est aux prises avec les mêmes problèmes sur le plan de la conception idéologique: On en a suffisamment ou trop, et on manque ailleurs. C'est une question de répartition mais, malgré les efforts qui ont été faits par le gouvernement actuel, malgré ces efforts, cela ne réussit pas à amener dans les régions les gens que vous représentez. Je pourrais avoir comme réaction bien simple de dire: Qu'on en diplôme davantage et les gens se répartiront; lorsqu'ils s'apercevront que la clientèle est surexploitée dans un endroit, ils iront rendre des services dans d'autres endroits où la population en a besoin. (21 heures)

M. Richer: Je pense que c'est un peu cela qui a été fait. Quand on est passé d'un taux d'admission... Quand on était 350 étudiants en médecine et qu'on est passé à 600, c'est probablement comme cela que la société a réagi. Nous, on vous dit: N'en formez pas plus qu'il n'en faut pour une société. Sinon, cela va être dangereux pour l'ensemble de la société è tous les points de vue. Vous me dites que, peut-être, on pourrait augmenter la formation pour pallier une pénurie ponctuelle. Je pense qu'il y a d'autres moyens de pallier une pénurie. Quand vous me parlez des régions, je détermine cela encore beaucoup plus que vous. Ce sont des petits endroits dans des régions où j'admets qu'il y a une pénurie de médecins omnipraticiens. Mais il faut analyser les retombées des dernières ententes sur une période de quelques mois pour voir comment cela va se régler.

M. Paradis: Mais s'agit-il vraiment d'une pénurie ponctuelle, telle que vous l'exprimez, ou s'il s'agit d'une pénurie chronique?

M. Richer: Non, je pense qu'il s'agit d'une pénurie ponctuelle dans certains endroits.

M. Paradis: Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Entendez-vous? M. le député de Bourassa.

M. Laplante: J'aurais seulement une question à poser. Dr Richer, je voudrais, parler de la décentralisation de l'acte médical. Lorsque le ministre vous a proposé tout à l'heure de descendre d'un cran l'infirmière et de descendre le spécialiste d'un cran vers l'omnipraticien, vous avez rejeté la proposition concernant l'infirmière, mais vous avez accroché tout de suite pour prendre plus de responsabilités à la place du spécialiste. Ce qu'on ressent dans les urgences, actuellement... Je pourrais vous parier de trois cas, mais je ne parlerai que d'un cas spécifique. On sent dans les urgences que l'omnipraticien veut réellement prendre la place du spécialiste. Quelqu'un a subi un accident à un oeil et, même s'il a demandé le spécialiste, constatant la gravité, l'omnipraticien a fait la sourde oreille. Trois jours après, le même patient perdait quasiment son oeil. Il a été hospitalisé dix jours et a été sous soins médicaux durant un an et demi seulement pour cela. Je ne sais pas dans quel champ vous seriez prêts à prendre des charges de spécialistes mais, nous, on sent que c'est une barrière pour les patients entre le spécialiste et l'omnipraticien. La transparence, pour nous, il n'y a pas...

M. Richer: C'est dommage que vous sentiez cela comme cela, parce que ce n'est pas comme cela. Quand vous dites qu'on veut prendre les champs de pratique des spécialistes, ce n'est pas cela du tout. On veut tout simplement occuper nos champs de pratique, c'est-à-dire la médecine de première ligne.

Le cas que vous me relatez, j'en ai bien conscience, c'est un cas de qualité de l'acte médical qui devrait être référé à la corporation. Je ne nie pas que des. médecins omnipraticiens et spécialistes, malheureusement, peuvent poser des actes de mauvaise qualité à certains moments. Tout le monde le reconnaît. Mais cela ne veut pas dire qu'on va changer notre discours pour l'ensemble. Moi, je prétends que la médecine de première ligne, dans les urgences, doit être faite par des médecins omnipraticiens avec le soutien, bien sûr, des médecins spécialistes. Moi, j'en ai fait pendant 20 ans et tout le monde n'est pas parti avec un oeil en moins à l'urgence où j'étais, qui était l'une des grosses salles d'urgence de Montréal. Je ne suis pas plus doué qu'un autre. J'ai fait ce que je pensais devoir faire, mais j'avais le soutien, bien sûr, que je demandais. Si quelqu'un avait une poutre de fer dans l'oeil, je demandais mon confrère ophtalmologiste et j'étais content qu'il ne soit pas loin. Je pense que c'est fait comme cela.

Par ailleurs, quand l'autre patient après celui de la poutre dans l'oeil arrivait avec un serrement, une crise cardiaque peut-être, c'était probablement mieux que ce soit moi que l'ophtalmologiste qui le traite aussi. C'est tout ce qu'on dit. On demande aux omnipraticiens d'avoir une année de plus d'études. C'est rare qu'une corporation professionnelle doive faire cela: ajouter une année à sa formation pour être plus compétent pour faire de la médecine générale. Ce qu'on dit, c'est qu'on va pouvoir livrer la médecine générale, c'est de la médecine de première ligne. La première ligne, cela veut dire le premier contact,

celui qui voit le premier le malade. Je pense que cela doit être l'omnipraticien. Il va juger de l'état général - il est quand même bien placé pour l'évaluer - et il va demander un spécialiste en consultation, le cas échéant. Je pense que la médecine devrait idéalement être pratiquée comme cela.

Ceci dit, je conçois que, malgré tout cela, il va probablement y avoir des erreurs par rapport à ce mode de fonctionnement. Bon. J'aimerais qu'il y en ait le moins possible, c'est bien sûr, mais je pense qu'il faut vivre avec cela. C'est le risque de notre système.

M. Laplante: Je n'irai pas plus loin, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président, d'abord, je voudrais simplement vous dire, au point de départ, que dans votre introduction et dans votre conclusion vous souhaitez que le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie soit mis è contribution. Je dois vous dire qu'il est invité, comme témoin, à venir à cette commission parce que cela nous semblait important dans la détermination des effectifs.

En ce qui a trait à la répartition entre spécialistes et omnipraticiens, il y a une chose certaine, c'est qu'il fallait qu'il y ait un meilleur équilibre qui soit rétabli, compte tenu de ce qu'on a connu dans les dernières années. Maintenant, je n'ai pas encore eu de réponse de qui que ce soit, pas plus de vous que des universités et des autres, à savoir quel était l'équilibre idéal. Un jour, quelqu'un a suggéré 40-60; je n'ai jamais su exactement pourquoi. Ce serait l'inverse et je ne saurais pas davantage pourquoi. Je ne vous en fais pas reproche. Je veux juste vous dire que, cet après-midi, les universités ont été, je pense, assez fermes à nous dire qu'on s'en allait vers une pénurie de spécialistes. Je pense qu'on nous a bien dit cela cet après-midi, si on ne faisait pas une meilleure planification. Mais, enfin, c'est un autre point de vue.

Il y a une question pratique que je voudrais vous poser. Quand vous parlez du contingentement des étudiants dans les facultés de médecine, je pense que tout le monde reconnaît qu'il faut qu'il y ait un frein mis à la formation des médecins. Je pense que là-dessus il n'y a pas de... Quelle est la nature du frein? Pendant combien de temps? Cela peut causer d'autres débats, mais c'est une question d'ordre pratique. Quand vous dites, dans vos recommandations à la page 15, que les coupures de 5 % sur les années 1984-1985 vous semblent insuffisantes et que pour les trois années â venir ce contingentement ou ces coupures devraient être de l'ordre d'au moins 10 %, est-ce que vous avez examiné quelles seraient les répercussions de ceci sur, par exemple, l'Université de Sherbrooke, qui a une population moindre dans sa faculté de médecine? J'imagine que, pour qu'une faculté de médecine puisse fonctionner, il faut quand même qu'un nombre minimal d'étudiants y soient inscrits. Alors, je voulais juste vous demander si vous aviez examiné cela.

M. Richer: Non. Remarquez que nous y avons pensé. Il y a un seuil critique en deçà duquel vous ne pouvez pas aller...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Richer:... pour qu'une faculté de médecine fonctionne. Nous sommes bien conscients de cela, mais nous avons voulu répondre à cela dans sa globalité, si vous voulez, quitte à analyser. Cela ne veut pas dire de diminuer de 10 % partout. La raison pour laquelle on suggère une diminution, malgré tout cela, c'est è cause d'un ensemble de facteurs qui se produisent, si vous voulez, qu'on peut analyser. On regarde le taux d'admission, ici au Québec, par million d'habitants. Cela, c'est assez fixe dans le monde. On peut se fier à ce chiffre, si vous voulez, parce que c'est une analyse qui est objective. Le taux d'admission par million d'habitants au Québec, actuellement, en 1982-1983, est encore de 97, 9 étudiants. Donc, 97, 9 Québécois par million de Québécois rentrent en faculté de médecine.

Aux États-Unis, alors qu'il y a 525 000 docteurs actuellement et qu'on dit qu'on a un surplus d'effectifs et qu'on va prendre des mesures draconiennes - peut-être pas les nôtres, c'est un système différent -on va tout simplement augmenter les frais, ce sera les "tuition fees", à 35 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $. Ils vont se raréfier là aussi. Mais le taux d'admission par million d'habitants, actuellement, aux États-Unis, c'est de 75, 4 et le taux ailleurs au Canada, à l'exclusion du Québec, est de 68, 9. Quand on regarde la France, elle vient de prendre des mesures drastiques, draconiennes dont on vous a parlé. Elle a réduit ses taux d'admission, par décret, à 90, 9 maintenant et, nous, on est encore à 97, 9 et on dit qu'on a encore, probablement, 10 % de trop. On ne dit pas de diminuer de 10 % cumulatif par année pour que cela fasse 30 % éventuellement, on parle de 10 % pendant trois ans. On verra bien après cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous voulez dire 10 % sur les trois années, mais pas 10 % par année pendant trois ans.

M. Richer: Au lieu d'admettre 500 étudiants québécois en médecine, on suggérerait d'en admettre 450 pendant trois ans. Pendant ce temps, on vous dit:

Procédons à une analyse objective avec les intervenants intéressés, si vous voulez, qui peuvent être impliqués et essayons de trouver le chiffre optimal de répartition entre les deux, dans les territoires géographiques, etc. Mais c'est uniquement en vertu de choses qui sont faites ailleurs. On ne sera pas pire qu'aux États-Unis, je pense bien, et on ne sera pas pire qu'ailleurs au Canada. On est les plus nombreux partout. On a le championnat de cela partout. Peut-être que notre système veut cela...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Richer: Mais je vous dis qu'il n'y a peut-être pas de danger è diminuer de 10 %. On va être encore plus élevé que le restant du Canada et on va être encore plus élevé que les États-Unis. Donc, on ne devrait pas manquer de docteurs. Théoriquement, on n'est pas plus maladif, que je sache.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière question, compte tenu du temps. Comme vous insistez sur le fait qu'on devrait réduire les admissions dans les écoles de médecine et qu'on a déjà une main-d'oeuvre abondante, si je me réfère à votre ratio de 97 par 1 000 000 d'habitants, comparativement à 68 ou 90 ou je ne sais trop ailleurs, est-ce que vous vous êtes penché sur le problème des médecins immigrants qui veulent obtenir, d'abord, une possibilité d'internat rotatoire et, éventuellement, pratiquer la médecine? Il s'agit, grosso modo - on nous dit qu'il y a une partie qui, après les six mois d'accueil, pourrait être éliminée, je ne sais pas dans quel ordre, qui pourrait être assez importante quand même... Mais il reste que cela pourrait peut-être vouloir dire une intégration totale dans trois ans ou de mettre dans la pratique de 75 à 80 médecins, ceux qui termineraient. Est-ce que vous avez réfléchi à ce problème?

M. Richer: Oui. C'est un problème délicat. Mais on se dit que, de toute évidence, si on se dirige vers un surplus de médecins, il faut être logique quelque part et il faut fermer la valve. Nous autres, on recommanderait qu'on cesse de recevoir des médecins immigrants.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous parle toujours en fonction de ceux qui sont ici.

M. Richer: C'est cela. Là, je vous donne une position ferme par rapport à une philosophie, si vous voulez, par rapport à ceux qui ne sont pas encore arrivés. Pour ceux qui sont ici, on dit: Bien sûr, faisons ce qu'il faut pour régler. Mais un peu comme le disait M. Rochon, cet après-midi, fermons la valve et regardons le nombre qu'il y a à régler; on peut s'asseoir et le régler. On favorise bien sûr ceux qui ont la qualité de médecin et qui sont entrés ici à cause... Ils ont eu la possibilité de venir, ils ont la compétence, qu'ils soient intégrés au système; bien sûr, ils devraient être intégrés. Je pense que c'est injuste de faire attendre quelqu'un trois, quatre, cinq, six ans avant qu'il puisse pratiquer sa profession.

Par ailleurs, on sait qu'on se dirige vers un surplus, enfin, c'est ce qu'on prétend. On dit, à ce moment-là: II est bien sûr que, si on admet 30, 40, 100 ou 200 nouveaux médecins par année dans la province, il va y avoir 30, 40 à 150 étudiants québécois qui ne pourront pas faire de cours de médecine. Cela aussi va être un problème politique, probablement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: M. Richer, j'aurais une question à vous poser. J'ai pris information. Est-ce que les résidents qui ont leur permis de pratique depuis moins de trois ans ne sont pas payés à 70 % et ceux qui ont leur permis depuis plus de trois ans sont payés à 100 %, dans le cas du CCUS? C'est ce que vous avez semblé affirmer au départ, ou on vous a mal interprété; j'ai essayé de clarifier cela.

M. Richer: Écoutez, on va le vérifier; j'accepte de prendre une chance de me tromper. Je pense que les résidents, sans égard à l'année d'obtention de leur permis de pratique, sont payés à 100 %. C'est quand ils deviennent spécialistes, que, là, ils ont leurs trois ans à faire à 70 %. Je ne veux pas qu'ils soient pénalisés deux fois. Je ne dis pas de payer les résidents à 70 %, je dis de payer les omnipraticiens à 100 % dans le système. Il ne faut pas oublier.

M. Chevrette: On le vérifiera, de toute façon.

M. Richer: D'accord.

M. Chevrette: Ce n'est pas l'information que j'ai, pour le moment.

M. Richer: D'accord. On va sûrement vérifier.

M. Chevrette: On n'est pas pour s'obstiner ici sur un détail. Oui, madame, j'ai une autre question; c'est la suivante: Quand vous parlez d'effectifs médicaux en trop, est-ce que vous avez vos propres chiffres à l'interne, vos propres statistiques?

M. Richer: On a une banque de

données. Pour ce qui regarde, évidemment, les médecins, les omnipraticiens et leur répartition, qui est assez fidèle, assez précise, on a les données combinées de la régie et de notre fichier central. Cela nous donne une idée fort précise de cette image. Cela ne nous donne pas, cependant, un ratio, une idée de la totalité des effectifs. On ne dit pas qu'on est en surplus, actuellement, on dit qu'on se dirige nettement vers un surplus. Par une simple déduction mathématique, si on augmente sept fois plus vite que la population... Qu'on soit aujourd'hui en surplus ou dans quinze ans, on va y arriver à coup sûr, à la vitesse où les médecins augmentent par rapport à la population. Alors, on se dit qu'il est peut-être temps de penser tout de suite qu'on se dirige vers cela, parce que c'est long à régler par après.

M. Chevrette: Selon les statistiques qu'on a au ministère, vous seriez, effectivement, en surplus présentement, de l'ordre de 565, pour un ratio de 1 médecin par 1069 habitants. Est-ce que cela correspond un peu aux vôtres? (21 h 15)

M. Richer: Oui. Je pense que, pour les ratios, cela doit correspondre, c'est assez mathématique. Mais il faut tenir compte d'autres choses que le ratio, par exemple, pour déterminer le besoin d'omnipraticiens: les champs d'activité, la féminisation de la pratique médicale et les nouvelles valeurs des médecins plus jeunes, le vieillissement. Les médecins omnipraticiens sont encore jeunes, en moyenne, parce que l'afflux massif des médecins en omnipratique est assez récent, de sorte que cela a eu pour effet de rajeunir la masse des médecins omnipraticiens. Cela a pour effet de rendre l'âge moyen des omnipraticiens au Québec autour de 40 ou 41 ans. Je pense qu'il y a un ensemble de facteurs autres que le ratio dont il faut tenir compte pour déterminer le besoin de médecins par rapport à la population; c'en est cependant un.

M. Chevrette: Compte tenu de l'heure, je voudrais vous remercier de votre franc-parler, même si cela ne plaît pas au député de Brome-Missisquoi. Je voudrais vous dire que j'ai assez bien apprécié votre collaboration dans l'établissement des zones désignées et les ententes qu'on a pu conclure qui, espérons-le - il faut toucher du bois -auront des conséquences heureuses sur la répartition régionale, entre autres. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un instant, s'il vous plaît! Comme on a déjà dépassé de quelques minutes, le député de Brome-Missisquoi peut prendre trois ou quatre minutes pour une autre question ou des commentaires.

M. Paradis: Deux questions qui sont certainement dans le sujet, une qui va certainement être antiréglementaire et les remerciements. Dr Richer, la première concerne l'affirmation ou la suggestion que vous faites à la page 17 de votre mémoire: "La poursuite d'un objectif de répartition optimale entre omnipraticiens et spécialistes présuppose également que soit maintenu le contingentement du nombre total de postes disponibles en résidence. " Vu le manque de spécialistes dans certaines catégories - je sais qu'il y a des clauses spéciales en psychiatrie, entre autres, et en anesthésie, mais il en manque dans d'autres domaines un peu partout au Québec - comment peut-on soutenir un contingentement à ce niveau-là au moment où on se parle?

M. Richer: On admet que le contingentement doit exister. On dit pourquoi et on dit aussi que le gouvernement fait bien d'avoir des adoucissements dans le contingent quand il y a des spécialités où il en manque, comme en anesthésie et en psychiatrie. De quelles autres spécialités voulez-vous parler?

M. Paradis: Selon les centres hospitaliers concernés, en pédiatrie entre autres, en orthopédie. On peut à peu près toutes les nommer, selon le centre hospitalier. Surtout en région, vous allez retrouver des carences, des lacunes.

M. Richer: C'est peut-être plus un problème de répartition qu'un problème d'effectif global. C'est tout cela qu'on essaie de vous dire dans le mémoire. Peut-être qu'on n'a pas raison, remarquez. Même si on formait 10 000 médecins l'année prochaine, s'il y en a 9900 qui restent à Montréal, à Québec et à Sherbrooke, il va en rester seulement 100 pour aller ailleurs et il va en manquer quand même. Je ne dis pas que le problème de la mauvaise répartition est réglé. On ne prétend pas cela. Il est atténué et il va s'atténuer encore davantage, je pense bien, avec les mesures incitatrices. Mais, quant au problème des effectifs globaux, sauf exception, il y a bien sûr des spécialités, on le reconnaît, où il manque de médecins. C'est clair. Mais on dit que, globalement, le nombre, le "numeros clausus", comme disent les Français, est peut-être correct. Mais regardons aussi la répartition à l'intérieur de cet éventail entre les différentes spécialités, d'une part, et entre l'ensemble des spécialités et l'ensemble des omnipraticiens, d'autre part.

M. Paradis: Je ne veux pas tomber avec vous dans le fond du problème. On me dit qu'à certains endroits on va régler les carences les plus apparentes en formant des équipes volantes, etc. - on en reparlera tantôt - mais avec les pools qui se forment

vous êtes plus au courant que je ne peux l'être.

Ma deuxième question porte sur les "urgentologues". Il y a de vos membres, des médecins omnipraticiens, qui demandent une formation plus poussée dans ce sens, qui désirent fonctionner strictement au niveau des services d'urgence et qui demandent à être reconnus comme "urgentologues". Quelle est votre position à ce sujet?

M. Richer: On ne fera pas une chicane de mots, si vous le voulez. C'est là aussi un objet assez particulier. C'est l'émergence d'une nouvelle spécialité. La Fédération des médecins omnipraticiens ne croit pas qu'une spécialité comme l'"urgentologie" devrait exister. Elle n'a pas sa raison d'être. Cela ne signifie cependant pas que l'ensemble des médecins ne devrait pas être mieux formé; c'est ce qu'on préconise depuis quinze ans, particulièrement en urgence, pendant cette période de résidence. On encourage, à part cela, n'importe quel médecin omnipraticien à parfaire sa formation dans la discipline qu'il veut, y compris l'urgence. Cela peut être la toxicologie, cela peut être la pédiatrie. Il peut la parfaire. Mais on ne croit pas que cela devrait être coiffé d'une spécialité parce que c'est un champ d'exercice. Ce n'est pas pour défendre des champs, c'est parce qu'on se demande, M. Paradis, comment on pourrait faire pour être spécialiste en urgence quand on a une poutre dans l'oeil qui arrive, tout de suite après un cas de coeur et, ensuite, une fracture de la hanche et, après, un mal de ventre. Comment peut-on, par définition, avoir un spécialiste en urgence qui va régler ta multitude de champs- d'activité? Est-ce que cela va être le spécialiste en urgence qui va venir régler le cas d'un infarctus du myocarde, qui va être en arythmie cardiaque ou si cela va être le cardiologue? On va avoir un autre problème et c'est un problème sérieux, sans compter la pénurie fictive qu'on va créer; évidemment, si vous formez des spécialistes en urgence, il va y en avoir 30 dans 5 ans, 40 ou 50, peut-être, je ne sais pas trop. Cela va créer une autre pénurie. Donc, je pense... Il y a 3300 médecins omnipraticiens dans le Québec, soit dit en passant, qui font de l'urgence de première ligne dans les hôpitaux. Alors, on ne parle pas de personne, on parle de 3000 médecins. Donc, on y contribue, à l'urgence. C'est notre champ d'exercice et on le fait.

Alors, on se dit: Augmentons les qualifications de ces 3000 personnes et la population va recevoir des services d'une qualité nettement améliorée, bien sûr.

M. Paradis: La troisième remarque va à l'encontre du règlement, je l'indique immédiatement avant que le ministre Johnson... Ah! Excusez, le ministre...

M. Chevrette: Avec le passé que M. Johnson a, vous pouvez vous tromper.

M. Paradis: Parce qu'il s'est trompé souvent?

M. Chevrette: Vous pouvez vous tromper de nom, il n'y a pas de problème.

M. Paradis: La troisième...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais vous faire remarquer que...

M. Paradis:... le temps est écoulé...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... je vous ai déjà donné cinq minutes supplémentaires.

M. Paradis: Dans les notes de remerciements, on reçoit également de la part des omnipraticiens des remarques soulignant qu'ils aimeraient être plus impliqués dans le processus décisionnel des centres hospitaliers, entre autres. Lorsqu'on parle d'effectif, il y a des gens qui, soit dans le milieu d'une carrière ou vers la fin d'une carrière, souhaiteraient mettre à contribution leur acquis, leurs connaissances, autant médicales qu'administratives, et participer aux décisions du centre hospitalier comme tel. Je tenais simplement à vous le souligner. Vous en êtes sans doute averti et je tiendrais à vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, on est réceptif è ce genre de suggestions de la part de vos membres.

Pour le mémoire que vous avez présenté, pour la franchise avec laquelle vous avez comparu, et non témoigné, je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors M. le président de la Fédération des médecins omnipatriciens, je désire vous remercier, ainsi que tous vos collègues, de votre collaboration. Merci.

M. Richer: Merci, Mme la Présidente.

Fédération des

médecins spécialistes du Québec

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous entendrons maintenant la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Bonsoir, M. le président. Je vais vous demander d'identifier vos collègues et vous pouvez ensuite procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes et le temps alloué sera identique à celui qui a été alloué à la Fédération des médecins omnipraticiens. Nous regrettons que vos occupations vous aient empêché de venir le jour, que nous ayons été obligés de vous regrouper et peut-être, par le fait même, d'écourter un peu les échanges que,

normalement, nous aurions pu avoir.

M. Desjardins (Paul): Merci, Mme la Présidente. A ma gauche, le Dr Pierre Gauthier, membre du conseil d'administration de notre fédération, pédiatre pratiquant à Sept-Îles; à côté de lui, le Dr Jean-Marie Albert, le directeur des affaires professionnelles de notre fédération, et, à côté, le Dr Raymond Thériault, oto-rhino-laryngologiste, vice-président de notre fédération. A ma droite, M. Jean Harvey, consultant spécialisé dans ce domaine, à côté, le Dr Jacques Cantin, professeur agrégé à l'Université de Montréal et chirugien général à l'Hôtel-Dieu, et le Dr François Couture, qui est cardiologue et vies-président de notre fédération.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier de l'invitation que vous nous avez fait parvenir, fournissant à notre fédération la chance de présenter son point de vue sur la formation du futur praticien de la médecine et le problème global des effectifs médicaux au Québec.

Vous nous avez demandé de traiter de deux sujets et c'est ce que nous avons l'intention de faire. Nous vous sommes reconnaissants de pouvoir faire ainsi état de ce problème, des plus sérieux, qui affecte la société québécoise à l'heure actuelle, c'est-à-dire la qualité des services médicaux qui lui sont fournis. Nous aurons l'occasion de vous démontrer que la pénurie actuelle affectant les médecins spécialistes n'est que la pointe de l'iceberg, que la situation présente, fréquemment décriée comme étant inacceptable et intolérable, n'est que le début d'une détérioration de l'accessibilité à des services médicaux dispensés par les médecins spécialistes. Nous vous démontrerons que les erreurs passées du gouvernement du Québec, de même que la lenteur actuelle à y remédier par des prises de décision, feront en sorte que la situation devrait se dégrader davantage avant que nous puissions espérer une amélioration que tous prétendent, aujourd'hui, souhaiter.

Mme la Présidente, si le gouvernement du Québec désire maintenir le choix de société nord-américaine, eu égard à la dispensation des services médicaux, il serait urgent pour cette commission parlementaire de procéder dans les plus brefs délais à la mise en action des recommandations qui se dégageront durant ces audiences.

Le premier sujet à traiter, ce sont les heures de garde et les unités d'enseignement clinique. Il est important de considérer l'internat et la résidence dans une perspective de formation. Le futur praticien, tant omnipraticien que spécialiste, est placé en situation d'apprentissage dans des conditions similaires à celles de l'exercice auquel il se destine. Il doit donc développer les habiletés techniques et intellectuelles qui lui permettront de poser les divers actes médicaux requis par l'état du patient. Exprimé d'une autre façon, le futur praticien devra, premièrement, développer ses aptitudes et, deuxièmement, former son jugement clinique et son esprit de décision afin d'être, au terme de sa période de formation, capable d'exercer seul.

Qu'il me soit permis de resituer le rôle de la Corporation professionnelle des médecins du Québec face à la formation des futurs praticiens de la médecine. La corporation est l'organisme habilité par les lois du Québec à procéder, sur une base régulière, aux visites d'agrément des établissements, leur reconnaissant ainsi le rôle pédagogique qu'ils ont à jouer. Cet agrément va encore plus loin visant le nombre de programmes, le contenu des programmes, le nombre de futurs praticiens admissibles dans chacun de ces programmes. En résumé, la responsabilité d'une formation de qualité appartient à la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Quant au rôle des facultés de médecine, je pense que vous en avez entendu suffisamment parler cet après-midi, je me permettrai de passer par-dessus cette section.

Les unités d'enseignement clinique et les heures de gardes. C'est dans ce contexte que s'élaborent les programmes de formation du futur praticien, que se structurent, le cas échéant, les unités d'enseignement clinique et que s'établissent les charges de travail incluant les heures de gardes appropriées. L'existence, de même que le fonctionnement des unités cliniques à travers les diverses facultés de médecine québécoises relèvent du professeur titulaire de la chaire du département clinique concerné, du vice-doyen aux études médicales et de l'agrément de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Par ailleurs, il est évident qu'il existe des différences dans le nombre d'heures de gardes exigibles d'un programme de formation à un autre. Certains disciplines, comme la dermatologie, l'anatomo-pathologie, l'allergie, ne nécessitent pas autant d'heures de gardes que la cardiologie, l'obstétrique-gynécologie, l'orthopédie ou l'anesthésie-réanimation.

Les différences entre disciplines dans les charges de travail et, notamment, dans les heures de gardes existeront tout au long de la carrière professionnelle du futur praticien. La décision de se spécialiser, le choix de la discipline et le lieu d'exercice sont des choix individuels. Le futur praticien les prend en toute connaissance de cause des exigences spécifiques de sa profession.

En conclusion, la Fédération des médecins spécialistes prétend que tout ce qui a trait à la formation du futur praticien de

la médecine, notamment l'existence et la structure opérationnelle des unités d'enseignement clinique et la charge de travail, y compris la fréquence des gardes, constitue le contenu pédagogique du programme et doit, de ce fait, relever du professeur titulaire de la chaire du département clinique approprié, du vice-doyen aux études médicales et de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. À ce niveau, la participation des résidents et internes serait souhaitable.

Dans ce domaine, le ministre des Affaires sociales n'a que deux rôles à jouer: exprimer aux autorités compétentes qu'il a créées et reconnues - comprenant la corporation et les universités - les attentes de la population vis-à-vis de la formation médicale et veiller à régler les principaux problèmes qui affectent les centres hospitaliers d'enseignement, soit, premièrement, le budget de ces centres, deuxièmement, le nombre de lits dits "ouverts" de ces centres et, troisièmement, l'équipement. (21 h 30)

Plus spécifiquement afin d'améliorer le fonctionnement des centres hospitaliers affiliés à une faculté de médecine québécoise, le ministre devrait:

Premièrement, allouer un budget adéquat aux centres hospitaliers affiliés. Cette mesure aurait pour effet de maintenir un plus grand nombre de lits "ouverts", donc disponibles pour l'enseignement et les soins de courte durée aux malades admis. En corollaire, le directeur général ne se verrait pas forcé de fermer des lits pour équilibrer son budget.

Deuxièmement, voir à l'ouverture d'un nombre adéquat de lits de soins prolongés disponibles pour l'enseignement et les soins prolongés aux malades admis. Cette mesure aurait, par ailleurs, pour effet de libérer un certain nombre de lits de soins de courte durée.

Troisièmement, fournir aux centres hospitaliers les équipements dont ils ont besoin pour accomplir leur mission. Ceci comprend l'acquisition de nouvel équipement de même que le renouvellement de l'équipement désuet. Cette mesure aurait pour effet de maintenir la médecine québécoise aux niveaux canadien et américain en faisant bénéficier les malades du progrès technologique.

Le contenu pédagogique de la formation du futur praticien de la médecine s'avère si important pour la qualité de la dispensation des services médicaux aux citoyens du Québec qu'il ne doit pas faire partie du champ de la négociation, ni de décisions unilatérales du ministre des Affaires sociales.

Deuxième section, la planification de la main-d'oeuvre médicale. Comme introduction, nous avons constaté, Mme la Présidente, que, compte tenu des besoins actuels et prévisibles de la population du Québec, la composition de la main-d'oeuvre médicale est loin d'être idéale; que la situation se détériore; que cette détérioration est aggravée plutôt que corrigée par les politiques du ministère des Affaires sociales; que les actions du ministère des Affaires sociales sont basées sur des analyses grossières de réalités qui n'ont plus cours et sur l'utilisation myope de normes dépassées et que les organismes, groupements et associations qui seraient le plus susceptible d'enrichir la démarche du ministre des Affaires sociales et la faire coller è la réalité québécoise sont exclus du processus de planification.

Nous espérons que la commission parlementaire des affaires sociales tiendra compte des recommandations de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Si les correctifs suggérés étaient adoptés à brève échéance, nombre de tensions qui existent actuellement dans le système de dispensation des services médicaux disparaîtraient.

Dans la section sur la théorie, nous traiterons du besoin d'une planification de la main-d'oeuvre médicale, des principes de base de cette planification - comment, par qui - et de la dynamique de la situation.

Le besoin de planifier. Pour des raisons sur lesquelles nous ne nous attarderons pas, puisque les orientations en jeu sont, à notre avis, irréversibles, les forces du marché ne président plus à l'affectation des ressources médicales au Québec. L'élimination, par l'État, des forces du marché sans la provision d'un mécanisme alternatif de recherche dynamique de l'équilibre a ouvert la porte à la création et à l'alternance aléatoire de situations de surplus et de pénurie de ressources.

La planification dont nous souhaitons la mise en place est un exercice concerté et éclairé de prospective, visant à assurer que les décisions sur les grandes orientations du système de santé québécois ne soient plus prises sur la seule base des conditions existant aujourd'hui, mais plutôt sur celles qui prévaudront au moment où l'impact de ces décisions commencera à se faire sentir.

La planification forcera souvent des choix de société qui pourront impliquer un arbitrage entre le bien-être actuel et le bien-être futur. Malheureusement, notre expérience nous indique que de telles prises de position font reculer bien des gouvernements, puisque des attitudes ne peuvent satisfaire tout le monde. Elles nécessitent aussi une perspective à long terme qui excède la durée normale du mandat d'un gouvernement.

Comment planifier? De façon plus spécifique, ce que nous souhaitons, c'est que, compte tenu de la longue durée du cycle de formation d'un médecin spécialiste, soit une

dizaine d'années, la décision quant au nombre d'étudiants en médecine à admettre en 1986 soit prise sur la base du nombre de médecins additionnels requis en 1995, en tenant compte du nombre prévisible de médecins à ce moment»

Pourtant, au moment où nous écrivons ces lignes, des décisions sont prises qui détermineront le nombre et le genre de médecins spécialistes qui s'ajouteront aux effectifs en place en 1995, sur la base de l'analyse de données dites pancanadiennes datant de 1972. Il y a là un léger décalage de 23 ans entre le moment où les données servant de base à la prise de décision ont été cueillies et le moment où les conséquences de la décision, soit la certification de nouveaux médecins, se feront sentir.

Même s'il est évident que tout doit être tenté pour corriger de telles aberrations, l'ampleur et la complexité de l'exercice de planification, qui seul peut corriger cette situation, ont de quoi faire hésiter les plus téméraires. La problématique tient à deux éléments: la dynamique de l'offre et de la demande des services médicaux est des plus évolutives et des plus "turbulentes". Deuxièmement, dans ce contexte, la tâche de prévoir l'évolution de la situation, d'ici un, deux ou trois ans, est un défi de taille. Malheureusement, les efforts présents de planification ne portent qu'au niveau de l'admission actuelle aux études en médecine. Or, toute décision de planification doit être basée sur les effectifs additionnels requis dans dix ans. L'horizon de la planification doit être d'au moins dix ans. La nécessité de cet exercice devient évidente lorsque l'on considère les conséquences de ne pas le faire, soit s'en remettre à l'arbitraire, à l'improvisation et aux expédients.

Qui doit planifier? Il va sans dire que l'élaboration de tout projet de planification demeure un exercice académique et inutile tant qu'il n'est pas mis en oeuvre. La meilleure façon de s'assurer de l'acceptation de tels plans par toutes les parties concernées est de les impliquer dès le départ. Il serait illusoire d'espérer que des projets élaborés centralement, sans consultation ni concertation, reçoivent l'aval de tous. Autant nous souhaitons la tenue d'un tel exercice, autant nous désirons y être associés étroitement en tant que partenaires.

Dans une lettre récente que j'adressais au ministre des Affaires sociales, nous lui soumettions la liste des principaux partenaires dans cet exercice. De plus, j'ai fréquemment fait état que la Fédération des médecins spécialistes du Québec souhaite participer à tout exercice de planification fédérale-provinciale.

La planification dynamique. Le suivi systématique de l'évolution de la situation est un élément clé de toute planification à long terme. Seul un tel suivi peut permettre de détecter rapidement les écarts entre les prévisions et la réalité et de corriger le tout en temps opportun. Le modèle s'améliorera alors avec l'usage et l'expérience acquise.

Si l'on ne devait dénoncer qu'une seule faille des études antérieures dans ce domaine, ce serait leur caractère statique. L'appareil bureaucratique a tendance à considérer les résultantes des travaux effectués comme des normes absolues et immuables que l'on utilise à toutes les sauces, sans tenir compte de leur portée ou de leurs limites.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Desjardins, il vous reste cinq minutes et, comme il vous reste encore à peu près la moitié, je ne sais s'il y aurait moyen de résumer un petit peu ou de sauter quelques paragraphes qui sont nécessaires, j'en suis convaincue, mais...

M. Desjardins: Très bien. La gestion des effectifs médicaux. Les pierres angulaires de la politique du ministère. Nous tentons, dans cette section, de démontrer que le rapport 40/60 est une hypothèse qui n'est pas prouvée et nous nous demandons d'où, cela vient. Deuxièmement, nous remettons en question le surplus présumé de médecins spécialistes en dénonçant certaines des études du ministère des Affaires sociales pour montrer que le surplus présumé de 820 médecins est effectivement un déficit de 150 médecins spécialistes.

À la page 14, nous abordons ce que nous croyons être une approche myope de cette question, c'est-à-dire des décisions à court terme, suivies d'une autre décision à court terme. On pourrait regarder le paragraphe du milieu qui dit: Certains diront qu'il est impossible pour le gouvernement de considérer l'horizon au-delà de la prochaine élection, qu'il n'est influencé que par des considérations de gains politiques à brève échéance et que son seul intérêt dans la planification, c'est d'en parler et d'avoir l'air de s'y intéresser pendant qu'il "règle" ses problèmes à court terme avec les expédients que l'on connaît, se gardant de ne jamais se commettre sérieusement dans un exercice dont il ne connaît pas d'avance les conclusions.

Nous ne sommes évidemment pas de ceux-là, mais nous commençons à avoir hâte de clore le chapitre de l'échange des mémoires pour, finalement, passer à l'action. Nous sommes suffisamment documentés sur le besoin de planification, tout comme sur les effets des pluies acides, pour que nous puissions procéder rapidement.

Section 4. Certaines actions qui ne peuvent attendre. Ici, nous reprenons la formation médicale et le rapport

omnipraticiens-spécialistes. Premièrement, la population du Québec vieillit. Vous avez un graphique au haut de la page 15; ce sont des données démographiques du gouvernement du Québec. Je pense que c'est un fait. On peut passer par-dessus le fait et aller à la section Les médecins spécialistes du Québec vieillissent et, encore là, vous avez un graphique au haut de la page 17 qui illustre l'écart entre les omnipraticiens et les spécialistes qui, en 1976, était de 4, 71 %; en 1982, il est de 7, 21 %.

J'ai passé rapidement, mais je me dois de souligner quant à la population vieillissante que le besoin et la demande de services médicaux spécialisés sont accrus. C'est ce qu'on essaie de démontrer au bas de la page 15, au deuxième diagramme, où il y a une augmentation en pourcentage des besoins de la population dans certains services médicaux.

La profession médicale dans son ensemble se féminise. À cet effet, encore à la page de gauche, j'ai tenté de reproduire deux graphiques pour illustrer ce que nous entendons quand on dit que les profils de pratique sont différents. D'abord, sur les heures de travail par semaine et, ensuite, sur le nombre de patients vus.

Le bas de la page 18 reprend la notion de qualité de vie. C'est quelque chose qui a été discuté durant une bonne partie de la journée. Nous aussi, nous prétendons que ce phénomène frappe et les hommes et les femmes.

À la page 19, on reprend la statistique que M. le ministre a mentionnée tout à l'heure. C'est 52/48, mais c'est 52 omnipraticiens et 48 spécialistes.

Nous arrivons donc à la recommandation de la page 20: Que le rapport omnipraticiens-spécialistes soit gelé au niveau actuel jusqu'à ce que des études -contemporaines québécoises et faisant appel à toutes les banques de données et tous les outils modernes de prévision disponibles -jettent une nouvelle lumière sur la situation. Qu'en conséquence le plan de contingentement des postes de résidence soit annulé, permettant ainsi de maintenir au niveau actuel le rapport omnipraticiens-spécialistes.

Section 4. 2. Répartition régionale des effectifs. Nous faisons état du besoin d'une meilleure répartition régionale et nous concluons cette section, à la page 22, en suggérant que nous recommandions, en plus de l'abolition du contingentement des postes de résidence, l'abandon des mesures punitives et la recherche, en concertation avec la Fédération des médecins spécialistes, de toute mesure visant l'amélioration de la répartition régionale des effectifs médicaux.

Suit une section qui, j'espère, n'est pas hors contexte et qui concerne l'équipement où on tente de préciser l'évolution technologique de ces dernières années et l'humanisation des soins par l'utilisation de cette nouvelle technologie.

Je me permets de me rendre à la page 24 où la recommandation suivante est faite: Que le gouvernement du Québec mette à la disposition de la population les équipements requis pour leur permettre de bénéficier de toutes les possibilités offertes par la science médicale moderne.

Je me suis permis d'ajouter une citation qui n'est pas dans le texte. Elle vient d'"Objectif Santé", le rapport du comité d'étude sur la promotion de la santé du Conseil des affaires sociales et de la famille, août 1984. On y dit: "L'importance du financement public place le système de soins, et notamment tout le secteur hospitalier, dans une situation de forte dépendance vis-à-vis de la conjoncture politico-économique. L'équipement du secteur hospitalier risque d'être davantage le fruit de l'évolution des contraintes budgétaires du gouvernement que d'une réelle évaluation des besoins et de son efficacité à y répondre. " (21 h 45)

En résumé, la décision gouvernementale du milieu des années soixante-dix de renverser la proportion omnipraticiens-spécialistes comporte, à moyen et à long termes, de multiples retombées dont l'impact sur la qualité de la médecine est clairement négatif. Or, c'est autour de la médecine spécialisée que la médecine moderne s'articule et se développe. Ainsi, le contingentement des résidents pose-t-il des problèmes quasi insurmontables au plan de la formation universitaire si l'on veut maintenir des programmes adéquats de résidence dispensés par un corps professoral de qualité. D'une façon générale, à la suite de ces politiques, les effectifs médicaux spécialisés sont maintenant menacés de vieillissement et leur relève est nettement insuffisante, alors que les besoins et les attentes de la population grandissent et requièrent des soins de plus en plus nombreux et de plus en plus spécialisés.

Il y aurait lieu de retirer le Décret sur la rémunération différente pour lea médecins durant leurs premières années d'exercice de leur spécialité dans le cadre du régime. Ce décret, de nature punitive, n'a pas donné les effets escomptés. Au contraire, il a eu sur le moral des effectifs médicaux une influence profondément démobilisante.

Quant à l'allocation des équipements requis, le ministre des Affaires sociales s'engageait, en août 1982, à apporter sa meilleure collaboration. Notons qu'une politique d'ajout de main-d'oeuvre en région doit être assortie d'une politique d'allocation des équipements, faute de quoi elle est nécessairement vouée à l'échec.

En conclusion, nous réitérons notre offre de collaboration et de coopération au

ministre des Affaires sociales. La population du Québec serait la principale bénéficiaire d'une planification concertée qui améliorerait la dispensation des services médicaux de qualité, non seulement aujourd'hui, mais surtout demain.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Dr Desjardins. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier également la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je suis tout de suite disposé, Mme la Présidente, à un dépassement de l'heure.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous poserez la question à 22 heures. Paraît-il qu'il faut que cela se fasse aux heures précises.

M. Chevrette: Je vous le dis tout de suite parce qu'avec le nombre de questions que j'ai j'ai l'impression que cela peut être plus long que prévu.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Alors, si on proposait, pour le moment, d'aller jusqu'à 22 h 30?

M. Chevrette: Oui, oui, quitte à se reconsulter, d'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va? De toute façon, cela nous donne 20 minutes chacun.

M. Chevrette: Tout d'abord, j'aurais quelques commentaires à faire et, par la suite, des questions à poser. Au ton général de votre mémoire - j'espère que vous pourrez réagir à cela - il m'apparait qu'il n'y a pas grand-monde à avoir raison, sauf vous.

Vous parlez avec énormément de certitude des pourcentages entre omnipraticiens et spécialistes. C'est peut-être une erreur, mais il n'en demeure pas moins que, quand la décision a été prise, elle était basée sur des objectifs bien précis, par exemple, de désinstitutionnalisation, d'augmentation de soins à domicile, de services communautaires, de soins de première ligne en soi. Je vous avoue que le ton sur lequel vous traitez du problème, je suis surpris que ces dimensions ne préoccupent pas une fédération comme la vôtre ou plus que cela, en tout cas, dans une conjoncture où il y a un vieillissement de population.

Deuxièmement, qu'est-ce qui m'amène à dire cela? C'est une autre raison. Dans votre mémoire, vous affirmez avec beaucoup de force que, dans le domaine, le ministre, qui incarne quand même un gouvernement, n'a que deux rôles à jouer: exprimer aux autorités compétentes qu'il a créées et reconnues les attentes de la population vis-è-vis de la formation médicale et veiller à régler les principaux problèmes qui affectent les centres hospitaliers, tels l'enseignement, le budget, les normes de lits ouverts et l'équipement. En d'autres mots: Paie et laisse-nous faire, on est compétent, on sait où on s'en va.

Troisième commentaire, les actions du ministère des Affaires sociales sont basées sur des analyses grossières de réalités -rapport population-médecins, rapport omnipraticiens-spécialistes - qui n'ont plus cours et sur l'utilisation myope de normes dépassées. On ne tient pas du tout compte -dites-vous - du facteur population, du facteur vieillissement, du facteur féminisation.

Eh bien, pour votre information, nous en tenons compte. Dans notre méthodologie, nous prévoyons, d'ici quinze ans, 420 spécialistes de plus pour ce qui est de l'augmentation de la population; toujours selon notre méthodologie, nous tenons compte également du vieillissement de la population, 460 spécialistes de plus; en ce qui concerne la féminisation, 280 spécialistes de plus. Donc, il y a beaucoup de... Si on se trompe, si on est myope, si on est aveugle, on a au moins des normes sur lesquelles on s'appuie pour faire les analyses que l'on fait. Dans une offre d'aussi grande collaboration, il m'apparaît qu'on pourrait échanger au moins des informations de base plutôt que de se taxer de myope, de gens qui ne savent pas où ils vont et qu'on n'a aucune stratégie ou aucune donnée de base quand on dialogue. Ce sont mes commentaires.

Question. Concernant les résidents et internes, j'apprécierais savoir de votre part quels sont les objets qui resteraient négociables, selon vous, face à une entité dûment accréditée, légalement accréditée en fonction du Code du travail. Qu'est-ce qui nous resterait à discuter avec les résidents et internes, si je suis votre mémoire?

M. Desjardins: Est-ce que je peux me permettre de répondre à vos commentaires...

M. Chevrette: Oui, je vous l'ai dit.

M. Desjardins:... avant d'arriver à la question?

M. Chevrette: Certainement.

M. Desjardins: Alors, vous prenez le ton général du mémoire comme étant "nous avons raison et nous sommes les seuls à avoir la vérité". Je vous dis que ce n'est pas tout à fait vrai, M. le ministre. C'est vrai que nous avons ce ton parce qu'on pense qu'on est en pénurie et qu'on est menacé de disparaître. À ce moment-là, on se doit de

donner le son de cloche d'un groupe important dans la dispensation des services médicaux en disant: II y a quelque chose qui ne marche pas, il y a un danger imminent, et tentons de réagir à cela.

Je vous note que, ce matin, les résidents et les internes vous ont dit: II faut décontingenter parce qu'il faut former plus de médecins spécialistes. Je vous note que, cet après-midi, les universités vous ont dit, d'une façon très claire et très catégorique, que le nombre de postes contingentés au Québec était effrayant et qu'il faut l'ouvrir. Et je vous note que, dans les mémoires que vous avez reçus, la Corporation professionnelle des médecins va donner ce son de cloche demain. À ce moment-là, je me dis: Je ne suis pas tout seul de mon gang à parler comme cela. Le son de cloche que nous émettons comme fédération, c'est un son de cloche selon lequel beaucoup de gens ont raison de décrier la pénurie actuelle de médecins spécialistes et nous tentons de trouver des mécanismes correctifs le plus rapidement possible. Le danger que nous essayons d'illustrer dans cela, c'est qu'on parle de tranches de dix ans. Si, aujourd'hui, on prend une décision, elle sera reflétée en 1995. C'est là que sont le danger et l'inquiétude.

En ce qui a trait, par exempts - à la page 5 de notre mémoire - au rôle que le ministre a à jouer, nous avons tenté, dans cette section, de vous démontrer que le contenu pédagogique de la formation du futur praticien devrait relever d'instances qui ont été mises sur pied par le gouvernement du Québec, mais à qui la responsabilité totale de ce contenu pédagogique a été confiée. Donc, les facultés de médecine et la Corporation professionnelle des médecins sont les organismes qui devraient s'occuper de cette question. Par ailleurs, vous êtes impliqué en tant que ministre des Affaires sociales dans l'ensemble de ce problème. Nous avons tenté de préciser quel est le rôle du ministre. Nous lui avons attribué les deux rôles que vous avez cités, à savoir les attentes de la population vis-à-vis de la formation médicale et, ensuite, trois rôles plus précis, dire que cela prend plus d'argent pour faire marcher les hôpitaux universitaires, que cela prend des lits dans les hôpitaux universitaires, que cela prend des équipements dans les hôpitaux universitaires. Ce sont trois éléments qui nous apparaissent difficiles dans le contexte québécois actuel où nous vivons. Je pourrais donner des exemples, pour aller plus loin; peut-être que ce n'est pas nécessaire. Si vous en désirez, je peux essayer de vous en donner tantôt.

M. Chevrette: Allons-y d'une façon plus spécifique sur un point qui était dans le mandat. Le nombre de gardes - un sur trois, un sur quatre - vous dites que c'est un contenu pédagogique, laissé à l'entière liberté du professeur. Est-ce qu'il n'y a pas danger, précisément parce qu'il est à la fois celui qui donne une directive de travail et celui qui juge de la qualité professionnelle, d'abus flagrants, qui ont fait l'objet d'émissions de télévision, qui ont fait l'objet de contestations, pratiquement de grèves de la part des résidents et internes? Est-ce que vraiment ils se sont excités pour rien, ces jeunes-là, ou s'il y avait un fondement de quelque chose dans leurs demandes, au point que le ministre intervienne personnellement? Il doit y avoir quelque chose là. Je suis surpris que, sur un point aussi majeur, vous vouliez soustraire du champ de négociation... Remarquez bien que le Code du travail, c'est une loi de l'Assemblée nationale qui a autorisé du monde à se syndiquer. Je ne dis pas que c'est toujours heureux; j'ai personnellement fait une intervention en disant - je ne sais pas si vous y étiez ce matin, c'est aux résidents et internes personnellement que je disais cela - qu'il fallait placer certains objets au-delà des conditions de travail. Il n'en demeure pas moins que face à des abus... Dans n'importe quelle société, ce sont des abus d'un côté qui amènent un raidissement et, bien souvent, le balancier ne s'arrête pas et on s'en va de l'autre bord. Je reconnais cela. Mais de là à aller, dans la conjoncture actuelle, réclamer que cela relève du tuteur, celui-là même dont ils ont tellement peur qu'ils ne croient même pas qu'un ombudsman puisse faire quelque chose... Je disais aux universités, cet après-midi: II n'y a pas moyen de trouver ensemble un mécanisme quelconque? Vous affirmez que cela devrait être laissé complètement au tuteur. J'ai de la difficulté à voir clair dans tout cela. Ce n'est pas parce que je veux prendre pour la FMRIQ mais, si on a convoqué une commission parlementaire, c'est pour avoir les idées de tout le monde et je suis surpris - remarquez bien que je suis content de savoir comment vous le percevez... Mais quels mécanimes suggérez-vous au ministre pour aussi donner justice à ces jeunes qui se préparent à une carrière professionnelle?

M. Desjardins: La première chose qu'on énonce dans notre mémoire, c'est de dire: Distinguo, il y a des spécialités où il n'y a pas de problème à être de garde une journée par semaine ou une journée aux quatre jours, et la formation de ce futur praticien sera adéquate. Par ailleurs, nous vous disons: II y a d'autres spécialités où cela n'est pas vrai. À ce moment-là, il doit y avoir des mécanismes qui ne relèvent pas du ministre des Affaires sociales, mais qui vont relever d'une base locale, pas du tuteur qui est celui qui surveille un médecin, qui dit: Tu fais une garde aujourd'hui, mais de l'ensemble de la

structure universitaire agréé par la corporation. C'est là que sont vos mécanismes de balises. Car vous avez créé, par l'entremise de différentes lois québécoises, la corporation professionnelle qui a le rôle de faire les visites d'agrément et de dire: Les programmes sont bons.

M. Chevrette: Me permettez-vous de vous arrêter? Vous vous rappellerez qu'à la loi 13, cet automne, au mois de décembre, on a dû faire un double amendement. La corporation a un rôle sur la compétence professionnelle. Mais, quand il s'est agi de griefs de relations du travail, on a dû faire un mécanisme spécial d'arbitrage. Dès qu'on a affaire à une unité accréditée syndicalement, je pense qu'on ne peut pas mêler... Ce n'est pas parce que je ne veux pas que la corporation joue son rôle; elle a déjà son rôle de par la loi. Dans le présent cas, ce serait une surcharge de travail, comme grief. Ce n'est pas une compétence professionnelle qui relèverait de la corporation. Je pense qu'il ne faut pas mêler les deux mécanismes. J'aimerais vous entendre à partir de cette distinction juridique qu'on est bien obligés de faire. C'est une situation de fait qu'on a et c'est une situation juridique.

M. Desjardins: Je vais demander au Dr Cantin, de l'Université de Montréal, de vous donner peut-être un exemple précis et de poursuivre un peu plus loin la discussion.

M. Cantin (Jacques): Je pense, M. le ministre, qu'il faut regarder aussi la pratique des choses, sans nier sans doute le fait qu'ici ou là, à un certain moment, il peut y avoir eu des abus ou des choses pas correctes. La première chose, c'est qu'il faut, je pense, distinguer la garde générale de la garde de service. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'abus de cette garde aux trois ou quatre jours, ce qu'on peut appeler la garde générale.

Ce soir - vous me permettrez de parler de Montréal, c'est la ville et les hôpitaux que je connais le mieux - à l'Hôtel-Dieu ou à l'hôpital Notre-Dame, l'interne de garde en chirurgie et l'interne de garde en médecine, ce sont tous des gens qui sont de garde, en fait, aux trois, quatre, cinq ou six jours. Par contre, dans tous ces hôpitaux, il y a des dizaines de résidents de garde. Ce soir, à l'Hôtel-Dieu de Montréal, il y a un résident de garde en chirurgie cardiaque, un en chirurgie thoracique, un en chirurgie générale, un en neurologie, un en gynécologie et ainsi de suite. Tout ce beau monde ne peut pas être de garde aux quatre jours parce qu'il n'y a pas, dans tous ces services, dans tous ces hôpitaux, quatre résidents partout. (22 heures)

M. le ministre, il faut réaliser que cela va être la condition de pratique de plusieurs de ces médecins, quand ils arriveront dans la vraie vie, quelques années plus tard. Si je prends un milieu que vous connaissez plus, celui de Joliette, s'ils sont deux chirurgiens généraux à Joliette, deux cardiologues et deux gérontologues, ce beau monde sera de garde aux deux soirs durant toute la vie.

Dans la question des programmes de gardes, il faut distinguer entre cette garde générale qui, dans l'ensemble, est très bien respectée, et cette garde de service. Comme le dit notre mémoire, le choix de se spécialiser est personnel et le choix de la spécialité est personnel. Vous savez, lorsque vous êtes en pathologie, vous ne faites pas beaucoup de gardes. Les autopsies d'urgence, c'est rare. Par contre, si vous avez choisi la cardiologie comme spécialité, si vous avez choisi ma spécialité, la chirurgie générale, il faut que vous vous attendiez que ce ne soit pas une semaine de 35 heures.

Je pense que c'est pratique. Cela n'a rien à voir avec le fait de ne pas comprendre nos jeunes confrères en formation, mais c'est comment les choses se passent en pratique.

M. Chevrette: Mais, en admettant au départ que la majorité de vos collègues, 80 % ou 85 %, vivent dans la normalité des choses, selon une coutume ou une pratique que je suis prêt à reconnaître, il n'en demeure pas moins qu'en vertu de nos lois un groupe légalement constitué peut négocier précisément des articles en fonction de cas particuliers.

Si je me fie même aux fruits de la négociation, il ne me semble pas qu'il y aura grand résultat, que ce soit un ombudsman ou une commission - peut-être que la commission pourra rapprocher les parties et jouer un rôle important - mais il n'en demeure pas moins que je n'ai pas eu de grosses suggestions concrètes, à ce jour, sur le mécanisme qui assurerait à l'individu impliqué un recours un peu décent, évitant qu'il soit précisément dans un état où il dit: J'endure. Dans tel hôpital, cela va très bien. Je jase avec mes collègues avec qui j'étais à l'université. Leur professeur exige une garde sur quatre ou une garde sur trois. Pas de problème, tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais, à tel hôpital, tel centre hospitalier, je viens de me taper 48 heures collées et ils m'obligent à rentrer demain soir. Imagine-toi!

Quel recours concret a l'invididu? Je n'ai pas de mesure. Je n'ai pas encore reçu de suggestion. C'est pour cela que j'ai tellement insisté, parce qu'au niveau des spécialistes vous avez beaucoup de professeurs dans chacune des spécialités médicales. Ne serait-ce que pour 5 % ou 10 %, auriez-vous des suggestions concrètes?

Je ne demande pas mieux que d'en épouser une couple. J'ai trouvé un ombudsman, car je me disais: Ils veulent l'anonymat, donc, on va au moins essayer de leur donner l'anonymat. Je trouve cela et, ce matin, il y a du scepticisme de la part de M. Larose. Il se grattait la tête et disait: Je ne suis pas sûr que vous ayez fait la trouvaille du siècle. Moi non plus.

M. Desjardins: M. le ministre, on est prêt â l'endosser, par exemple. Je ne vous dirai pas que c'est la trouvaille du siècle, je ne le sais pas, mais c'est tout de même une suggestion concrète. Pourquoi n'essaierait-on pas cela, pour une période de temps, et on verra? Si cela règle les problèmes, voilà, c'est la solution. Si cela ne règle pas les problèmes, il faudra se repencher pour en trouver d'autres.

Mais j'ai l'impression qu'on est rendu à quelque chose d'extrêmement marginalisé. Cela pourrait être une façon de régler la situation. Si vous voulez procéder à en faire une recommandation, je pense que vous pouvez considérer que nous allons appuyer la mise sur pied d'une telle structure et de son fonctionnement et qu'on tentera de l'analyser avec vous, si vous le désirez, au bout d'un certain temps.

M. Chevrette: À la page - je vais changer de sujet, car je suppose que cela fait 20 minutes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous en êtes à 17. Il vous reste trois minutes.

M. Chevrette: Je vais en poser une autre. Après cela, on alternera.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y aura plus beaucoup d'alternance après.

M. Chevrette: Pourra-t-on revenir, si on se repose la question?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, allez-y pour trois minutes. On décidera du reste après.

M. Chevrette: À la page 8 de votre mémoire, vous dites ceci: Les forces du marché ne président plus à l'affectation des ressources médicales au Québec. J'aimerais que vous m'expliquiez s'il y a des forces du marché en matière de santé.

M. Harvey (Jean): II s'agit d'indiquer simplement que l'offre et la demande ne jouent pas directement, sans connotation que ce soit bon ou mauvais, et il y a nécessité d'un mécanisme de planification étatique simplement pour souligner ce besoin.

M. Desjardins: Vous savez, M. le ministre, je voudrais peut-être ajouter un commentaire pour votre bénéfice et celui des membres de la commission. Cela fait plusieurs années qu'on se demande comment est-ce qu'on pourrait procéder. Notre fédération a déjà mis sur pied une méthodologie de planification que nous avons eu l'occasion de discuter avec les hauts fonctionnaires de votre ministère et plusieurs autres intervenants québécois et canadiens en vue de tenter d'en arriver è un modèle qui serait acceptable â tous et, ensuite, d'avoir une banque de données qui nous paraîtraient irréfutables.

Cet après-midi, je vous entendais offrir aux universités la possibilité que votre ministère et les universités puissent échanger des données. Nous avons fait cette demande il y a au moins trois ans, pour ne pas dire quatre ans, et nous serions extrêmement heureux que vous reteniez le nom de notre fédération, celle des médecins spécialistes du Québec, et que vous nous invitiez, le cas échéant, à une rencontre avec les universités pour discuter des différentes banques de données qui existent et essayer d'arriver à une banque de données commune, quitte à les interpréter différemment, mais au moins d'avoir une banque de données commune.

Nous serions encore plus intéressés si vous pouviez nous inviter à discuter d'une méthodologie de planification parce que là, ce qu'on pense qui se produit, c'est la planification de notre disparition. C'est très humblement qu'on allègue cela. On ne dit pas qu'on renverse le monde et qu'on est tout seuls â avoir la bonne note, mais on voudrait bien participer à ces prises de décision, tant au niveau canadien... Je vous entendais dire aujourd'hui - je ne peux pas m'empêcher de revenir là-dessus. Les échanges au niveau fédéral-provincial, ce sont des échanges extrêmement importants. Vous faisiez une description, aujourd'hui, des vases communicants. C'est évident que les vases communicants, cela joue un rôle primordial dans une planification qui, dans une deuxième étape, devra être une planification canadienne. Les deux exemples que vous avez soulevés sont absolument parfaits. On ne peut pas, nous, produire des médecins et les exporter quand les autres n'en veulent pas et à l'inverse, on ne veut pas non plus que nos citoyens québécois aillent se former ailleurs et reviennent ici si on a un surplus éventuel de médecins.

Je ne suis pas contradictoire avec la pénurie des médecins spécialistes quand je parle comme cela.

M. Chevrette: J'ai trois autres questions, mais je vais laisser parler un des vôtres. Je reviendrai.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je vais peut-être revenir sur l'amorce qu'a faite. le ministre concernant la question de l'unité d'enseignement. Â la page 5 de votre mémoire, dans vos conclusions sur ce chapitre, vous limitez le rôle du ministre à une question de budget, de nombre de lits ouverts et d'équipement. Présentement - je ne voudrais pas généraliser, mais c'est un cas assez général au Québec - sur le plan du fonctionnement normal d'un centre hospitalier, sans tenir compte de sa vocation d'enseignement ou d'affilié à une université, on se retrouve avec des budgets que les directeurs généraux ont de la difficulté à suivre et, même, certains vont jusqu'à faire des déficits. Quant au nombre de lits ouverts, on assiste à des fermetures de lits pour des fins d'équilibre budgétaire et, pour ce qui est de l'équipement, on a des plaintes, etc. Est-ce que, lorsque vous parlez aux pages 5 et 6 des trois mesures qui suivent, vous voudriez que soient réservés, malgré la pénurie existante pour l'ensemble de la population à l'intérieur de ces centres hospitaliers dits d'enseignement, une partie du budget, un nombre de lits prédéterminés ou déterminés ainsi que de l'équipement nécessaire à l'exercice ou à l'enseignement?

M. Desjardins: II y a deux volets dans notre mémoire. Vous me citez le volet sur le contenu pédagogique de la formation du futur praticien de la médecine et, à ce moment, à l'intérieur de cette section qui a trait aux unités d'enseignement clinique, on parle des hôpitaux dits universitaires affiliés à une faculté de médecine. Un peu plus loin dans le texte, j'ai l'occasion de parler de l'équipement d'une façon plus générale. Si vous le voulez, je pourrais aller jusqu'à dire que les budgets sont nécessaires autant en région éloignée, désignée, périphérique que dans les centres universitaires.

Or, dans la section où nous sommes, on parle des centres hospitaliers universitaires dont la mission, en plus de procurer des soins à la population, est de former de futurs praticiens de la médecine. C'est dans ce contexte qu'on dît que le ministre des Affaires sociales a deux rôles à jouer. Je n'aime pas, M. le député, votre expression limitative. Ce n'est pas limitatif de dire que le ministre des Affaires sociales est responsable du budget, du nombre de lits et de l'équipement. En plus de cela, vous n'avez choisi que la moitié de ce que j'ai dit, probablement intentionnellement. Je vous rappellerai qu'à la page 5 de notre texte on dit également que le ministre a la responsabilité de faire connaître aux autorités compétentes les attentes de la population vis-à-vis de la formation médicale. Ce sont les deux rôles qu'il a et l'un est aussi important que l'autre.

M. Paradis: Compte tenu de votre réponse, plus spécifiquement dans le cas des hôpitaux dits universitaires, est-ce que vous verriez - je ne veux pas utiliser l'expression qu'il y ait un budget consacré spécifiquement à l'enseignement au niveau du centre hospitalier qui toucherait le nombre de lits ouverts et l'équipement?

M. Desjardins: Si cela prend une solution quelconque, cela pourrait en être une. Cela pourrait s'appeler un budget protégé, eu égard à la mission d'enseignement. Cela pourrait être cela. Cela éviterait qu'on voie, comme dans le Soleil du 10 mai, que dans la seule région 03 il y a 16 000 000 $ de déficit pour les hôpitaux qui sont là, qu'on nomme les hôpitaux un à un dans la région 03 et qu'on dise que celui qui a le plus gros déficit est peut-être L'Enfant-Jésus, suivi des autres l'un après l'autre. Cela éviterait qu'à l'hôpital Notre-Dame, à Montréal, on soit obligé de dire que sur 949 lits il y en a 238 qui sont occupés par des malades chroniques et que 110 de ces malades chroniques occupent des lits pour soins aigus. Cela veut dire que l'on parle de 949 - cela a l'air d'un gros chiffre, c'est un gros centre hospitalier - mais on enlève 238 lits d'un coup.

M. Paradis: La prochaine question traite du deuxième chapitre de votre mémoire, la planification de la main-d'oeuvre médicale. Vous mentionnez à la page 7 que, compte tenu des besoins actuels et prévisibles de la population du Québec, la composition de la main-d'oeuvre médicale est loin d'être idéale, que la situation se détériore, etc. Â la page 9, vous nous dites comment planifier. Je vous cite: "De façon plus spécifique, ce que nous souhaitons, c'est que, compte tenu de la longue durée du cycle de formation d'un médecin spécialiste, soit une dizaine d'années, la décision quant au nombre d'étudiants en médecine à admettre en 1986 soit prise sur la base du nombre de médecins additionnels requis en 1995, en tenant compte du nombre prévisible de médecins à ce moment-là. "Pourtant, au moment où nous écrivons ces lignes, des décisions sont prises qui détermineront le nombre et le genre de médecins spécialistes qui s'ajouteront aux effectifs en place en 1995, sur la base de l'analyse de données pancanadienne datant de 1972. Il y a là un léger décalage de 23 ans", etc.

Je ne sais pas si la question devrait vous être adressée parce que vous affirmez qu'il y a un décalage de 23 ans entre les données sur lesquelles on se fie pour admettre les étudiants à l'université et le moment où ils "gradueront", où ils seront en mesure d'offrir des services. Cela devrait peut-être s'adresser au ministre comme tel.

Êtes-vous certain que le ministère n'a pas d'autres données que celles-là sur lesquelles prévoir les admissions en faculté pour l'année qui va commencer? Une planification de main-d'oeuvre sur 23 ans, dans quelque organisation que ce soit, qu'il s'agisse du ministère des Affaires sociales ou de n'importe quel autre ministère ou entreprise, devrais-je ajouter, c'est quelque chose d'aberrant.

M. Harvey: Le ministère évoque différentes normes dans différents documents. Les normes le plus fréquemment évoquées sont les ratios population-médecins qui résultent de l'étude du comité national, Ottawa, 1975, lequel s'est basé sur les données de 1972. On a, de temps à autre et suivant les contextes, utilisé des données ontariennes, des données de la Colombie britannique et autres. Les normes les plus souvent citées, ce sont celles-là. (22 h 15)

M. Desjardins: La référence, d'ailleurs, apparaît au bas de la page 12.

M. Paradis: A la page 18, pour rajouter à cet élément de planification, au haut de la page, vous mentionnez que les médecins spécialistes du Québec vieillissent pendant que les omnipraticiens rajeunissent et vous vous référez au diagramme 3. Non, c'est sorti du texte et je m'en excuse, pour les fins du Journal des débats, cela a l'air grossier de dire cela, c'est peut-être parce que le stress est plus difficile dans l'un que dans l'autre, je ne le sais pas. Mais vous dites que cela ajoute au problème et que vous prévoyez, comme vous l'avez dit tantôt dans une de vos remarques, l'extinction comme telle.

Vous favorisez le décontingentement en ce qui concerne les médecins résidents et internes. Même avec un décontingentement, en tenant pour acquis les statistiques que vous avez citées, c'est-à-dire que 5 % des étudiants, présentement, opteraient pour la spécialisation et 25 % pour la médecine générale, de quelle façon ce fossé, qui semble se creuser à chaque jour, va-t-il finir par se combler?

M. Desjardins: C'est bien sûr qu'on a un problème pour l'année actuelle et on en a un pour l'année prochaine. Mais il faut, à un moment donné, l'envisager et y apporter un correctif. Si on décontingente les postes de résidence à partir de juillet de cette année, comme cela prend quatre ans pour certaines spécialités, cinq ans pour certaines autres spécialités, cela voudrait dire que le premier petit résultat anticipable de cette mesure serait en 1989-1990. Alors, si on veut décontingenter et donner le temps aux étudiants en médecine d'orienter leur carrière vers une spécialité et d'avoir le temps d'y penser et de réfléchir, si cela prend un, deux ou trois ans additionnels, plus les quatre à cinq années de formation, les résultats d'une décision de juillet 1985 seront connus en 1993.

Je vous vois hausser les sourcils. Le danger, c'est de ne rien faire et, à ce moment-là, en 1993, le problème sera tellement inouï qu'on va démissionner d'essayer de le corriger. Il ne sera plus "corrigeable". Alors, il faut commencer quelque part et c'est une façon bien modeste d'envisager de le commencer.

M. Paradis: Concernant un autre problème qui a, par le passé, eu l'effet de me faire froncer les sourcils, dans les régions périphériques et périphériques éloignées, les gens qui siègent au conseil d'administration, les directeurs généraux nous parlent de plus en plus de formation d'équipes volantes de spécialistes et même d'un modus vivendi qui vont jusqu'à prévenir l'établissement d'un spécialiste en région périphérique ou périphérique éloignée, par le fait que ces équipes volantes refuseraient les services de spécialistes en région périphérique et périphérique éloignée si un spécialiste s'y établissait. Est-ce que vous êtes au courant dudit problème? Quelles sont les mesures que votre fédération a prises ou entend prendre pour corriger cette situation qui, finalement, pénalise les bénéficiaires de ces centres?

M. Desjardins: Cela fait partie d'un long débat que nous avons depuis des années, à toutes les tables possibles, incluant la table de négociation, sur la différence entre l'établissement, l'itinérance et le jumelage. Ce que vous soulevez, c'est l'existence des trois façons de fournir des services médicaux spécialisés dans une région dite éloignée. Notre fédération préconise les trois façons de procéder. Dans l'ordre, nous favorisons l'établissement; lorsque l'établissement n'est pas possible, nous favorisons le jumelage; lorsque le jumelage n'est pas possible, nous favorisons l'itinérance. Cela se joue à deux, cela; cela se joue entre le groupe qui veut être jumelé et le groupe qui est prêt à jumeler, entre celui qui est prêt à faire de l'itinérance et le centre hospitalier qui est prêt à recevoir un itinérant. Il y a un élément de symbiose là. Le centre hospitalier réalise qu'il a besoin de fournitures de services médicaux spécialisés et que cela peut se faire par l'entremise de l'un ou l'autre des trois mécanismes, l'idéal étant toujours de dire: On a un poste à temps plein. Venez vous installer en tant que spécialiste en tel domaine et yous allez demeurer ici. C'est l'idéal. Quand cela n'est pas possible, il y a les deux autres façons qui peuvent fournir les services à la population. Le but ultime de cela, c'est qu'il

y ait des services médicaux spécialisés fournis à la population.

M. Paradis: Oui, je suis d'accord qu'il y ait des services médicaux spécialisés fournis à la population, mais également au meilleur coût possible pour les contribuables. Ce que je vous pose comme problème, c'est le cas de l'établissement qui fait des efforts sérieux pour amener un spécialiste à s'établir chez lui et qui, dans l'intervalle, tant que cette action n'est pas réalisée, a à faire affaires avec des équipes de spécialistes qu'on appelle communément des pools. Il y aurait des menaces qu'on me dit - je n'aime pas utiliser le mot, mettons-le entre guillements - des "menaces" qui seraient faites que, si on continue dans ce sens-là ou s'il y en a un qui va s'établir, comme équipe ou comme pool on n'enverra pas en transit des gens pour l'assister, pour lui alléger la tâche de façon qu'il puisse vivre convenablement. Vous êtes dans une situation, comme président d'une fédération, où vous devez également défendre le membre qui veut aller s'établir et vos gens qui forment ce genre de pool et qui tentent de crémer le gâteau, comme on peut dire.

M. Desjardins: Alors, vous avez... D'abord, c'est probablement une situation particulière que vous décrivez là. Deuxièmement, vous avez à définir, dans une situation comme celle-là, quel est le volume d'activités dans la discipline en question parce que vous n'avez pas précisé cela non plus. Dans la discipline spécialisée en question, quel est le volume d'activités? Ce volume d'activités est-il suffisant pour faire vivre un, deux, trois, quatre, cinq médecins spécialistes dans cette discipline? Si c'est possible d'en installer un et, ensuite, d'en établir un deuxième à côté du premier et que cela répond au problème, peut-être que c'est cela. Si on en établit un et que cela fait en sorte que tes itinérants n'ont plus le volume suffisant d'activités, ils ne viendront plus mais ils vont venir le remplacer, je présume, quand il va prendre ses vacances, ses congés de ressourcement, des choses comme cela. Le système continue, mais d'une autre façon. C'est du dépannage ou de la suppléance, du remplacement pour les vacances et cela existe déjà pour plusieurs disciplines.

M. Paradis: Vous maintenez que votre fédération met la priorité, en ordre, sur: établissement, jumelage et itinérance?

M. Desjardins: C'est ce que nous avons écrit. C'est ce que nous avons signé dans nos ententes avec le ministre des Affaires sociales. C'est ce que nous avons respecté depuis la signature. C'est ce que nous préconisons. C'est ce avec quoi nous avons beaucoup de difficultés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

J'aimerais vous poser une question, Dr Desjardins. En page 7, vous faites état des besoins actuels et prévisibles de la population en ce qui a trait à la composition de la main-d'oeuvre médicale. Dans le dernier paragraphe, vous dites: "Si les correctifs suggérés étaient adoptés à brève échéance, nombre de tensions qui existent actuellement dans le système de dispensation des services médicaux disparaîtraient. " Ma première question, quant à cette incapacité ou, enfin, estimation qui ne vous apparaît pas juste des besoins en main-d'oeuvre médicale, est celle-ci: Est-ce que, à ce moment-là, je dois comprendre que vous vous référez à la distribution des omnipraticiens et des spécialistes sur laquelle je ne veux pas revenir parce qu'on sait que je n'ai pas la réponse et que les uns disent 40 et les autres... ? En tout cas, peu importe. Si vous vous référez à la main-d'oeuvre médicale prise dans son ensemble... C'est parce que, dans ce cas-là, il reste que les statistiques qu'on nous donne, en tout cas, et qui sont sûrement les mêmes que les vôtres indiquent que, quant au rapport médecins-population... Je comprends qu'il y ait des nuances à apporter selon que la population est plus âgée, etc. Mais, il reste que les pays ou les provinces dont on nous a parlé, où la main-d'oeuvre médicale est moins élevée qu'ici, il s'agit, pour le moment encore, en tout cas en ce qui a trait au Canada - sauf pour quelques provinces où on s'approche et où on va dépasser la moyenne - d'une population qui est moins, vieille qu'ailleurs si je fais abstraction, évidemment, de Terre-Neuve et d'une couple d'autres provinces. Alors, je voudrais savoir exactement si vous faites référence à la main-d'oeuvre prise dans sa globalité ou strictement à l'équilibre spécialistes...

M. Desjardins: Je fais référence à la fourniture des services médicaux par des médecins spécialistes et aux effets du contingentement des postes sur la pénurie des spécialistes pour fournir ces services à la population.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Du point de vue de la main-d'oeuvre générale médicale, c'est-à-dire du ratio population-médecins?

M. Desjardins: Je me rallie à ce que le Dr Richer, en tant que président de la fédération des omnipraticiens, a mentionné tantôt: Ils sont - les omnipraticiens - juste sur le bord d'un surplus. J'ai entendu le ministre ajouter que, d'après lui, ils étaient déjà en surplus. À ce moment-là, le problème que cela pose, c'est un double

problème, et nombre d'intervenants ont fait des commentaires sur les admissions en première année de médecine pour régler une portion du problème. Ce que nous essayons de suggérer, c'est le décontingentement pour régler l'autre portion du problème. Là, on retombe dans - cela a été mentionné préalablement - peut-être une philosophie de société, c'est un choix de société. Nous vivons en Amérique du Nord, nous avons des réflexes de Nord-Américains par opposition à ce que peut être un réflexe européen ou asiatique. À ce moment-là, les arguments qui sont apportés, c'est de dire: Un médecin spécialiste, cela coûte trop cher; on va lui enlever les actes qu'il pose et on va donner cela à un omnipraticien parce qu'un omnipraticîen, cela coûte moins cher, et on va épargner. Dans une phase deux, on va enlever ces actes à un omnipraticien parce que cela coûte trop cher; on va les confier à un ou à plusieurs paramédicaux, cela va coûter encore moins cher. Éventuellement, si on pousse le raisonnement plus loin, si on réussissait à empêcher et à prévenir la maladie, on n'aurait plus besoin de docteurs ni de paramédicaux du tout. C'est le même raisonnement mais poussé à l'absurde.

Je vous dis, sur une note plus sérieuse, qu'à l'intérieur de cette discussion sur le choix de société, qu'il soit nord-américain ou québécois, un des éléments possibles - ce n'est peut-être pas la révélation de l'année comme l'ombudsman pour les heures de gardes - c'est la mise sur pied des équipes multidisciplinaires où le médecin spécialiste a son rôle de coordonnateur des activités de l'ensemble des intervenants, dans la situation X, Y ou Z, Le problème de la médecine, s'il n'y en avait qu'un seul, c'est un problème d'élaboration d'un diagnostic, d'élaboration d'un plan de traitement et de la vérification de ce plan de traitement; c'est seulement cela, la médecine, ces trois choses. On pourrait ajouter également la prévention de la maladie comme étant la quatrième chose dont s'occupe la médecine. Si on met cela de côté pour 30 secondes, les trois éléments importants, c'est de poser le diagnostic, d'élaborer le plan de traitement et d'en vérifier l'efficacité. À ce moment-là, il y a des parcelles à l'intérieur de cette sphère d'activité qui peuvent être déléguées à un ensemble d'intervenants différents.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord, je vous remercie. J'ai une dernière question - comme chargée d'appliquer la discipline, il faut que je me discipline moi-même - et je vous demanderais une réponse brève. À la page 23: "Cependant, plus que partout ailleurs en Amérique, c'est au Québec qu'il semble être le plus difficile de rendre accessibles à la population les plus récents bénéfices de la nouvelle technologie médicale. " Ma question est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous indiquer les études sur lesquelles vous basez ces affirmations? (22 h 30)

M. Desjardins: Je n'ai pas une étude plus qu'une autre à vous citer, je pense que c'est d'un commun accord que l'ensemble des établissements dans le réseau des Affaires sociales prétend ne pas avoir les équipements nécessaires, que le renouvellement des équipements est difficile, que l'acquisition de nouvelles pièces d'équipement est également difficile et que les budgets affectés à cela sont inférieurs aux budgets qu'on pourrait espérer, ou dont on pense avoir besoin. Je vous cite le président du conseil des médecins et dentistes...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute, s'il vous plaît; vous dites "semble", je ne l'avais pas noté. Alors, c'est peut-être plus une impression à la suite des remarques qui vous sont faites, des observations que...

M. Desjardins: Non, mais c'est mentionné partout, Mme la Présidente. Je vous cite le président...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais si je vous pose la question, ce n'est pas pour mettre en doute votre parole, je veux savoir quelle est l'ampleur de ce problème. C'est pour cela que je vous demandais si vous aviez des données plus précises, des études plus précises. C'est vrai que l'on entend couramment que les sommes qui ont été investies dans l'équipement ont diminué pendant des années, etc., et sont encore moindres qu'elles ne devraient être. C'est parce que vous comparez cela à l'Amérique et je trouvais que cela commençait à devenir grave. Est-ce que, par exemple, à Terre-Neuve, on est mieux équipé? Je ne prendrai pas la province la plus pauvre. Est-ce qu'en Alberta, en Colombie britannique ou en Saskatchewan on est mieux équipé qu'au Québec?

M. Desjardins: Je ne suis pas capable de vous répondre d'une façon précise dans des comparaisons de cet ordre, mais je peux vous dire que le président du Conseil des médecins et dentistes de l'hôpital Notre-Dame disait qu'ils ont besoin de 16 000 000 $, que leur budget est de 400 000 $. Je peux vous dire que l'Association des hôpitaux du Québec, par exemple, a fait certaines déclarations très récentes sur un besoin, entre autres, de 27 000 000 $ pour les centres hospitaliers. Et, à partir de là, on s'aperçoit qu'on manque d'équipement de pointe pour pratiquer comme le restant du Canada et comme le restant de l'Amérique du Nord. Je ne peux pas vous donner une comparaison exacte avec telle province ou telle autre. Prenez la radiothérapie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela semblait indiquer ça. C'est évident que c'est de l'équipement désuet, tout ça, je le sais fort bien.

M. Desjardins: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, comme c'était rendu la province où c'était probablement le pire, c'est pour ça que je m'informais.

M. Desjardins: Prenez le secteur de la radiothérapie. Nous avons énormément de difficulté à avoir, au Québec, les appareils nécessaires pour le bon fonctionnement d'un service ou d'un département de radiothérapie à un point tel que... Je m'étire un peu, mais je pense avoir raison en vous disant que l'agrément de la radiothérapie à l'Université de Montréal vient d'être retiré parce que nous n'avons pas les équipements appropriés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Je vous remercie. Nous avions convenu que nous arrêtions à 22 h 30 et il est 22 h 37. Si, d'un commun accord, on veut continuer, j'accorderais dix minutes de ce côté-ci et dix minutes de l'autre. Cela vous va? Allez-vous avoir assez de dix minutes, M. le ministre?

M. Chevrette: On va essayer, madame. Si ça ne va pas, nous demanderons un autre consentement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord.

M. Chevrette: 11 y a quelques commentaires que je voudrais faire à la suite des échanges qui viennent d'avoir lieu. Tout d'abord, sur le décalage de 23 ans. Je suis surpris qu'on invoque ça puisque, en ce qui nous concerne, il s'agit des normes recommandées pour 1981 par le comité national, normes qui remontent à 1975, qui sont révisées en 1985 par le ministère des Affaires sociales pour tenir compte, notamment, du vieillissement de la population, de la diminution de l'activité professionnelle des médecins et de l'effet qu'auront ces facteurs sur les besoins de médecins spécialistes en 1990, 1995, 2000 et 2011.

Deuxième commentaire...

M. Desjardins: Est-ce que je peux réagir, M. le ministre? Je vais vous dire ce que le président de la Conférence des doyens disait cet après-midi: II doit manquer de communication entre nous parce que ce dossier de 1985, nous ne l'avons pas vu.

M. Chevrette: La révision s'est faite au ministère.

Deuxièmement, vous avez parlé d'essai de concertation. Je ne sais pas si... Vous dites, è un endroit dans votre mémoire: "Les organismes, les groupements, les associations qui seraient le plus susceptibles d'enrichir la démarche du ministère des Affaires sociales et la faire coller à la réalité québécoise sont exclus du processus. " Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de tentative. Plusieurs se rappelleront 1982-1983, le groupe des cinq où il y a eu véritablement un essai de concertation, pour dire que ce n'est pas facile quand on parle d'effectifs de votre côté par rapport aux omnipraticiens et par rapport aux universités. Il y a eu des tentatives par le passé.

Quant au ratio 60-40, je ne voudrais pas donner l'impression que cela a été fait en l'air. Vous êtes revenu à plusieurs reprises. Je vous rappellerai que cette décision a été prise notamment en fonction des objectifs de désinstitutionnalisation, des objectifs de soins à domicile en développant davantage les centres locaux de santé communautaire et, plus récemment, par la création de départements de médecine générale dans les centres hospitaliers de courte durée. Il y avait donc des motifs très sérieux à l'origine de cette politique gouvernementale. Il ne faudrait pas donner l'impression et laisser croire que cela a été fait en l'air, des choix de société asiatique! Je m'excuse, des CLSC, c'est québécois pure laine et je peux vous dire qu'il y a des pays qui seraient très heureux d'en avoir pour intensifier les soins de première ligne et les soins à domicile.

Également, vous dites dans votre mémoire - ce n'est pas sorti du tout ce soir - que le décret dit punitif, dans votre langage, rapporte 600 000 $ par année au gouvernement. Pour votre information, j'ai fait sortir les chiffres. Pour ce qui est de la FMSQ seule - c'est au-delà de 6 000 000 $ pour les deux - pour votre information, c'est déficitaire de 4 300 000 $ de 1982 au 31 décembre 1984. Aussi, ceci pour ajouter: II y en a qui ont trouvé le moyen, entre vous et moi, de contourner. Le Dr Richer disait: Des règlements, c'est fait pour cela. Je regardais des statistiques. Entre vous et moi, on a beau contourner, mais il ne faut pas avoir l'air fou en contournant. Je vous donne un exemple: En anesthésie, pour former à peu près 20, 21 étudiants par année, 30 professeurs qui ne sont pas touchés par le décret punitif et je pourrais vous le donner par spécialité. Il y a des limites aussi. La responsabilité ultime du ministère des Affaires sociales et du ministre des Affaires sociales... Même si vous voyez notre juridiction assez limitée, on a la responsabilité de l'administration des deniers publics en diable et, si on voit que cela se contourne trop facilement, il faut serrer la vis, vous le savez; sinon, c'est tout le

domaine de la santé qui en souffrirait. Je pense que vous seriez d'accord avec moi là-dessus. J'aurais deux questions.

M. Desjardins: M. le ministre, la responsabilité limitée, c'est au niveau du contenu pédagogique des unités d'enseignement, des charges de travail et des heures de gardes.

M. Chevrette: Donc, vous êtes d'accord...

M. Desjardins: Je n'ai jamais mentionné que le ministre des Affaires sociales avait de petites responsabilités dans la dispensation des soins sur notre territoire québécois. Je voudrais corriger cela.

Deuxièmement, si vous me permettez deux autres commentaires, parce que je n'aurai peut-être pas l'occasion de les faire tous tantôt, votre statistique, elle est sur les effets financiers du décret punitif. Votre statistique est globale, elle part du jour 1 du décret qui se situe en mai 1982 et elle vient jusqu'à actuellement. Vous avez raison, je ne m'obstinerai pas avec vous sur ces chiffres. Ce que je dis dans notre mémoire, c'est pour l'année 1984. Il y a une récupération de l'ordre de 600 000 $ de la part de l'État, compte tenu de l'application et du 70 % et du 120 %.

Ce qu'on prévoit, c'est que, quand on va arriver à une vitesse de croisière, parce que c'est sûr que le jour 1 cela a coûté 120 % et cela a rapporté 0... Entre le jour 1 et la période de croisière qui va se situer à la fin des trois premières années - après, on va être dans une vitesse de croisière - on prétend que le chiffre va augmenter. Nos chiffres sont basés sur les rubans magnétiques fournis par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il pourrait y avoir des erreurs mais ce ne devrait pas Être des erreurs aussi grossières que cela.

M. Chevrette: Les spécialistes nous disent que le jour est très loin, dans votre cas, avant que cela fasse le compte. Jusqu'à maintenant, je vous avoue que ceux qui m'ont préparé ces papiers ne se sont pas trop trompés parce qu'on a négocié et leurs chiffres n'ont jamais été contestés.

M. Desjardins: Je vous dis que je suis d'accord avec vous et avec vos experts parce que vous arrivez avec une donnée globale. Moi, j'enlève la première année. J'espère qu'on n'aura pas l'occasion d'étudier cette affaire sur une période de neuf années pour dire: On est en vitesse de croisière, on prend un bloc de trois ans quelque part. J'ose croire qu'on vous fait la démonstration que le décret n'est pas utile, qu'il ne sert à rien puisque le but de ce décret, c'était d'améliorer la répartition des effectifs médicaux spécialisés en région désignée et cela n'a pas marché. Si, en plus de cela, il y a un élément démoralisant en ce qui a trait aux troupes et que vous arriviez dans une période de temps donné, peut-être courte, à faire de l'argent sur le dos des nouveaux médecins, on vous suggère d'envisager de lever le décret et pour toutes ces raisons et non pas pour une plus qu'une autre.

L'autre commentaire que je veux faire, c'est que le groupe des cinq, je crois que c'était quelque chose d'utile pour un échange d'informations. M. le Président, je veux vous faire remarquer que la disparition du groupe des cinq, c'est la responsabilité du ministère des Affaires sociales. À l'occasion d'un certain changement, nous avons demandé le remplacement puisque nous n'étions que quatre et nous nous sommes fait répondre que c'était peut-être mieux de laisser les choses comme telles, de la part du ministère des Affaires sociales. Donc, ce n'est pas les autres intervenants qui ne voulaient plus coopérer. J'ose croire que, si on avait pu continuer, on aurait aujourd'hui une banque de données unique sur laquelle on réussirait à s'entendre et sur laquelle nous serions d'accord.

M. Chevrette: J'ai deux questions à poser rapidement. Vous savez qu'on a parlé aujourd'hui de la centralisation de certaines spécialités à l'intérieur de centres hospitaliers universitaires. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette suggestion qui nous est faite par la FMRIQ. Ma deuxième question est pour, peut-être, répondre un peu à l'ensemble des commentaires. Les médecins immigrants, vous savez qu'on a posé la question à peu près à tous les groupes, on en a 150 sur une liste d'attente et il y a beaucoup de récriminations de leur part allant du favoritisme au racisme. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qui a été échangé, par exemple, avec les universités, de fermer le robinet et programmer sur une période de temps X leur intégration? Ou, est-ce que vous êtes d'accord avec une autre formule, sur laquelle j'aimerais vous entendre? J'aurai un bref commentaire par la suite.

M. Desjardins: À la première question qui a trait aux programmes de résidence à l'intérieur des hôpitaux universitaires, il y a quelque chose comme 41 centres hospitaliers, actuellement, dits universitaires. De ce nombre il y en a certains qui ne dispensent que des programmes en médecine générale et en médecine familiale. On a parlé aujourd'hui de l'exemple de la Cité de la santé de Laval et de l'hôpital du Christ-Roi à Verdun. Il y en a d'autres qui dispensent uniquement d'autres sortes... Par exemple, en pédiatrie, c'est plus centralisé dans les deux hôpitaux pédiatriques à Montréal, avec les deux

universités montréalaises. Sur la question de diminuer ou d'augmenter, les commentaires sont en ce sens que chaque centre hospitalier qui a une affiliation universitaire devrait avoir ou possède un secteur d'excellence quelconque qui n'est pas partagé avec d'autres centres identiques qui ont un autre secteur d'excellence. Le but de la formation du futur praticien de la médecine, c'est de l'exposer le plus possible à tous ces secteurs, y compris les variations dans les volumes d'activités qui peuvent exister à l'intérieur de différents secteurs. Donc, à ce moment il n'y a pas lieu d'envisager de dire: On va diminuer ou rétrécir le nombre de centres hospitaliers affiliés à une Faculté de médecine.

Par ailleurs, il y a un autre phénomène qui intervient actuellement et qui est en discussion, pour ne pas dire en processus de réalisation, c'est la notion du réseau à l'intérieur des quatre facultés, où les facultés s'entendent entre elles pour dire: Nous, pour dispenser un programme on va se servir des secteurs d'excellence d'autres facultés que la nôtre et à ce moment cela pourrait vouloir dire qu'il n'y aurait qu'un seul centre hospitalier universitaire dans le domaine de cette spécialité, dans une seule université, et cela pourrait vouloir dire qu'il y aurait quatre secteurs d'excellence, un dans chacune des universités, et que les résidents en formation circuleraient à l'intérieur des quatre facultés pour être exposés à ces secteurs d'excellence et au volume d'activités variables à l'intérieur de chacun d'entre eux. (22 h 45)

Le problème de couper et de dire: On abolit tel programme et on rétrécit dans un minimum de centres hospitaliers, c'est qu'il y a des visites d'agrément de la part de la corporation, de la part du Collège royal, de la part de l'Association des hôpitaux qui disent: Ce centre hospitalier, il est agréé pour telle chose, telle chose, telle chose. Si on décide d'abolir cela dans l'éventualité où l'on voudrait restructurer le contenu pédagogique, le plan pédagogique, c'est une très grosse situation et c'est tellement une grosse situation que probablement cela ne se fera jamais. Il faudrait alors plus se diriger vers des programmes réseau, si c'est nécessaire et utile, que d'envisager d'abolir des centres universitaires affiliés qui existent dans le moment.

Sur la deuxième question que vous me posez, c'est évident que la Fédération des médecins spécialistes du Québec appuiera la position adoptée par les universités cet après-midi. Vous ne pouvez pas, M. le ministre, avoir quatre Facultés de médecine contingentées au Québec et avoir une cinquième Faculté de médecine non contingentée, qui s'appelle le restant de' la planète terre, et d'admettre au Québec sans aucun contingentement qui voudra bien se présenter ici, alors que vous établissez des normes qu'on a qualifiées d'extrêmement rigides, trop rigides, et qu'on vous demande de changer sur le contingentement tant en admission de première année qu'en admission dans les programmes de spécialité. Sur le plan de la première étape qui est primordiale, sans laquelle les autres sont vouées à l'échec et ne sont pas utiles, vous devez, avec vos différents collègues du ministère de l'Immigration, où que cela puisse se passer et que je ne connaisse pas, vous assurer que nous n'aurons pas dans le futur cette cinquième faculté complètement décontingentée.

Une autre raison pour envisager de procéder dans ce sens, vous savez, il y a eu plusieurs écrits canadiens, dont un d'un ancien doyen de la Faculté de médecine de l'Université McGill selon lequel nous aurions au Canada un surplus de facultés de médecine et que nous devrions envisager de fermer certaines Facultés de médecine. C'est une décision qui est, sur le plan politique, énorme, mais, avant d'en arriver à cela, vous avez probablement bien raison d'écouter ce que les universités ont pu dire cet après-midi et d'envisager un arrêt total au niveau de l'immigration.

Cela voudrait dire que nous aurions ici - j'ai entendu des chiffres de l'ordre de 100, 150, 200 - en tout cas, c'est un ordre de grandeur - des médecins qui devraient obtenir des postes en vue de se qualifier pour pratiquer la médecine au Québec. La solution qui a été suggérée il y a quelques années par les universités et qui se sont dites prêtes à la suggérer de nouveau, nous endossons cette suggestion d'ouvrir les postes nécessaires; les universités se chargeront de l'accueil de ces médecins. La valve étant fermée, le problème ne sera pas répétitif et ceux qui seront ici se verront, dans la mesure de leurs capacités, octroyer le permis de pratique pour la fourniture des services médicaux au Québec.

M. Chevrette: Je vous remercie. J'aurais plusieurs autres sujets, mais je m'aperçois qu'on a peut-être abusé du temps; je m'excuse, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre mémoire et j'ose espérer qu'on aura l'occasion de reprendre certains sujets et de les approfondir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Voulez-vous dire un mot, M. le député de Brome-Missisquoi?

M. Paradis: Je remercie la Fédération des médecins spécialistes du Québec de son mémoire. Je retiens parmi les suggestions celle qui est contenue à la page 10 de votre mémoire sous la rubrique: "Qui doit planifier". "Il va sans dire que l'élaboration

de tout projet de planification demeure un exercice académique et inutile tant qu'il n'est pas mis en oeuvre. "La meilleure façon de s1 assurer de l'acceptation de tels plans par toutes les parties concernées est de les impliquer, dès le départ, dans le processus de planification. "

Vous mentionnez neuf intervenants dont le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Éducation ou le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, depuis le partage des fonctions, le Conseil du trésor, la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, le Conseil des doyens, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Peut-être y aura-t-il lieu d'ajouter ceux pour qui on fait tout cela ou celui qui les représente, le Comité provincial des malades, que dirige M. Brunet, dans une telle planification.

M. Desjardins: M. le député, la dernière fois qu'on a suggéré cela, on a fait rire de nous.

M. Paradis: Bah! Que ceux qui ont à rire rient.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais simplement vous remercier et ajouter que le rapport sur les effectifs médicaux en cardiologie est reçu comme une annexe au mémoire de la Fédération des médecins spécialistes et qu'il sera versé aux archives dans le même sens. Personnellement, j'en ai pris connaissance. Vous y faites un exposé du problème de la pénurie des cardiologues et de l'augmentation des troubles cardiaques avec le vieillissement de la population. Je suis convaincue que le ministère des Affaires sociales saura en tenir compte et je vous en remercie.

Merci, Dr Desjardins; merci à tous vos collègues. Nous ajournons nos travaux jusqu'à mercredi, 10 heures, en rappelant aux membres de la commission des affaires sociales qu'il y aura une séance de travail à 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 52)

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