Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures sept minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales se réunit pour
procéder à une consultation particulière sur les sujets
suivants: les horaires de gardes supplémentaires effectuées par
les médecins résidents et internes, ainsi que les unités
d'enseignement clinique et, deuxièmement, la planification de la
main-d'oeuvre médicale. Finalement, nous aborderons plus
brièvement la question de la surveillance dans les urgences.
Les membres de la commission sont M. Beaumier (Nicolet), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M.
Blouin (Rousseau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M.
Gravel (Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M.
Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Leduc (Fabre), M. Middlemiss (Pontiac), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Paré (Shefford), M. Pratt (Marie-Victorin), M. Sirros (Laurier), M.
Chevrette (Joliette), ministre des Affaires sociales, qui est membre de la
commission pour la durée de ce mandat qui est de procéder - comme
je le disais tout à l'heure - à cette consultation
particulière.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas
de remplacement pour cette séance.
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Je m'excuse, je retourne
à la nomenclature des membres de la commission. Mme Dougherty
(Jacques-Cartier) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance).
À titre de présidente de la commission des affaires
sociales, j'aimerais souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous nos
invités. Évidemment, puisqu'il s'agissait d'une consultation
particulière, elle a été convoquée sur invitation
à la suite d'une consultation de la présidente de la commission,
d'un côté, et du ministre des Affaires sociales, de l'autre.
Je voudrais, avant de commencer, donner les règles du jeu. Comme
on sait qu'un des objets principaux de la commission ce sont les horaires de
gardes supplémentaires effectuées par les médecins
résidents et internes et que ceci a été un peu la raison
de l'appel de cette commission, je pense que nous accorderons aux
résidents et internes qui sont devant nous... Ils peuvent
peut-être bénéficier du fait qu'un autre groupe qui devait
être entendu ce matin ne viendra pas. Dans votre cas, vous disposerez
d'une heure et demie, comprenant une demi-heure de présentation -
à la suite des représentations que vous m'avez faites tout
à l'heure - plutôt que vingt minutes, et la période de
questions de part et d'autre est de vingt minutes.
Ceci étant dit, avant de vous céder la parole, je pense
que le ministre des Affaires sociales voulait ajouter quelques mots. M. le
ministre.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
souhaiter la bienvenue aux représentants de la FMRIQ, avec qui j'ai eu
la chance de discuter pendant quelques heures au cours
d'événements qui nous ont peut-être permis de toucher du
doigt certains problèmes qui dépassent, dans bien des cas, la
compétence même du MAS. Quand on parle des unités
d'enseignement clinique, on sait très bien que l'autorité ne
relève pas nécessairement exclusivement du MAS. Au contraire,
elle relève en grande partie du ministère de l'Enseignement
supérieur et des universités.
Également, ça nous aura permis de comprendre
peut-être plus à fond le rôle ou la position que peut avoir
un résident ou un interne vis-à-vis l'institution
hospitalière par rapport, par exemple, au tuteur ou au professeur
responsable dans les centres hospitaliers. Je pense que cette commission
parlementaire nous permettra précisément de clarifier ces points,
de sensibiliser l'opinion publique à ces problèmes, et
peut-être de nous mettre sur certaines pistes nous permettant d'apporter
des correctifs concrets à ce que peuvent vivre les résidents et
internes.
De plus, nous aurons à parler, bien sûr, de contingentement
ou de planification des effectifs médicaux, pour utiliser les termes
plus précis. Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il y
aura un double problème au cours de cette commission. Nous verrons
les résidents nous parler de la façon dont ils voient
ça. Nous entendrons la Corporation des médecins et les
fédérations médicales traiter de ce problème sous
d'autres angles, en plus de l'Association des médecins immigrants qui
viendra nous faire valoir, je pense, plusieurs facettes de ce problème
que nous pourrons peut-être toucher du doigt. Je me suis permis de
rencontrer ce groupe, également. J'ose espérer que tout ce que
nous entendrons ici nous permettra, à nous parlementaires, de trouver
les solutions qui s'imposent à l'ensemble de ces problèmes. J'ose
espérer que cette commission qui a été, bien sûr,
dans un premier temps, accordée dans le cadre d'un règlement de
relations du travail, puisse s'avérer des plus positives pour l'ensemble
des parlementaires et l'ensemble des groupes qui auront à intervenir
devant nous.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, M. le ministre. M. le député de
Brome-Missisquou
M. Paradis: Oui, Mme la Présidente. À la suite de
ces propos du ministre, je tiendrais à souligner deux faits: nous, de
l'Opposition, allons porter spécifiquement attention aux parties de
votre mémoire qui touchent les facteurs étiologiques du stres3
ainsi que les effets du stress sur la clientèle que vous desservez.
Comme le ministre l'a indiqué, le ministère des Affaires
sociales n'a pas ce qu'on appelle une juridiction complète et absolue.
J'aurais souhaité voir à côté du ministre des
Affaires sociales ce matin le ministre qui est responsable de l'autre volet du
dossier, un peu comme cela s'est produit la semaine dernière, à
l'occasion de la consultation sur le projet de loi 37, qui touchait divers
aspects des dossiers gouvernementaux. Le ministre de l'Éducation, le
ministre des Affaires sociales, les principaux ministres touchés se
retrouvaient aux côtés du président du Conseil du
trésor.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. le
député de Brome-Missisquoi, mais pour résoudre votre
problème je dois vous dire que, dans la liste de nos invités
-parce que maintenant, avec la réforme parlementaire, les ministres sont
convoqués comme témoins au même titre que des citoyens ou
des groupes de citoyens - le ministre de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie viendra ici, son sous-ministre également,
et ils seront entendus comme témoins, de même que la sous-ministre
en titre du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration. (10 h 15)
M. Paradis: Je vous remercie des éclaircissements, Mme la
Présidente. Mais je n'aurais pas aimé simplement les voir ou les
entendre comme témoins, mais j'aurais aimé qu'ils entendent
également, dans le cas des gens qui sont devant nous, les
représentations qui sont faites par des gens qui se sont
dérangés pour venir informer et éclairer les
parlementaires. C'est beau pour le ministre de l'Enseignement supérieur
de venir nous dire ce qu'il en pense, mais il aurait peut-être, comme on
a souvent comme politicien, avantage à écouter ceux qui vivent et
qui pratiquent chaque jour dans le milieu, de façon à se
familiariser davantage avec leurs problèmes et de façon que les
décisions ou les interventions qu'on a à faire comme
parlementaires soient non seulement le fruit de notre éclairage interne,
mais fassent également état de l'éclairage externe que
vous nous amenez. Dans le but de vous donner le maximum de temps je limite
à ceci mes propos préliminaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous pouvons maintenant
procéder à l'audition du volumineux mémoire qui est
présenté par la Fédération des médecins
résidents et internes. M. le président, Dr Larose, je vous
saurais gré, avant de procéder è cette
présentation, qui ne devrait pas dépasser 30 minutes, de
présenter les personnes qui vous accompagnent, pour le Journal des
débats, pour que l'on puisse enregistrer tout le personnel.
Fédération des médecins
résidents et internes
M. Larose (Michel): Merci, Mme la Présidente. À mon
extrême gauche, le Dr François Turcotte, après lui, Me
Jacques Castonguay; dans l'ordre, M. Jean Gouin, le Dr Danièle Marceau,
le Dr Richard Marchand, Mme Andrée Allen et Mme Jacqueline Charbonneau.
Mme la Présidente, sans plus tarder, je vais commencer.
Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, mesdemoiselles et
messieurs, ici présents à cette commission parlementaire, je
désire tout d'abord, en mon nom personnel et au nom de tous les
résidents et internes du Québec, exprimer ma profonde gratitude
à M. Jean Gouin, directeur général de la
fédération, à Mme Andrée Allen, adjointe au
directeur général, à Mme Jacqueline Charbonneau,
recherchiste à la fédération, à Me Jacques
Castonguay, conseiller juridique de la fédération, au Dr
Léo Plouffe, résident en génito-obstétrique
à l'Université McGill et président du comité des
affaires pédagogiques de la fédération, au Dr
Danièle Marceau, présidente en hématologie à
l'Université Laval, membre de l'exécutif et secrétaire de
la fédération, au Dr Richard Marchand, résident en
microbiologie à l'Université de Montréal, membre de
l'exécutif et trésorier de la fédération.
Sans leur collaboration, le mémoire qui
vous a été remis n'aurait peut-être pas
été réalisé, et tous ont participé à
sa rédaction. À l'exception du Dr Plouffe, remplacé par le
Dr Turcotte, ces personnes sont ici pour représenter la
fédération et elles se feront un plaisir de répondre avec
moi aux questions qui pourraient être posées par les membres de la
commission à la fin de notre exposé.
Par la même occasion, je veux exprimer notre reconnaissance au Dr
Roch Bouchard, résident en psychiatrie à l'hôpital de
l'Enfant-Jésus à Québec, au Dr Pierre Champagne,
spécialiste en urgentologie au centre hospitalier de l'Université
Laval à Sainte-Foy, au Dr Pierre Dorion, spécialiste en
psychiatrie au centre hospitalier Robert-Giffard à Giffard. Ceux-ci ont
bien voulu illustrer certains des sujets qui seront présentés de
leur expérience personnelle, afin de démontrer la validité
de notre argumentation.
Je tiens également à remercier le ministre des Affaires
sociales, M. Guy Chevrette, pour le respect de l'engagement qu'il avait pris
face à la Fédération des médecins résidents
et internes du Québec de tenir une commission parlementaire sur les
sujets pour lesquels, à la fin de la récente négociation,
te gouvernement refusait l'arbitrage obligatoire et exécutoire.
À cet effet, la fédération présente donc
à cette commission parlementaire, tel que convenu dans une lettre
d'entente signée par le ministre et moi-même, les points suivants:
les horaires de gardes supplémentaires, les unités d'enseignement
clinique, la supervision dans les urgences et la planification des effectifs
médicaux.
Avant d'aborder chacun de ces points, je voudrais informer les membres
de la commission que ma présentation se veut un résumé du
mémoire présenté par la fédération et
qu'elle sera entrecoupée par le témoignage de quelques
médecins bien au courant des sujets que j'aborderai et qui pourront nous
apporter des exemples issus de leur expérience.
Je débuterai donc avec le problème des heures de gardes
supplémentaires. Ce problème, amplement rendu public lors des
derniers mois, en est un de longue date. Actuellement, la norme maximale
reconnue officiellement et acceptée par les résidents et internes
est d'une garde aux quatre jours en centre hospitalier et d'une garde aux trois
jours en disponibilité à domicile. Cette norme officielle,
ratifiée dans la convention collective liant les hôpitaux du
Québec et la Fédération des médecins
résidents et internes, est cependant loin d'être respectée.
En effet, tout au long de leur apprentissage, les médecins
résidents et internes sont constamment sollicités à la
dépasser et, bien souvent, ils sont même menacés lorsqu'ils
refusent de se soumettre à la sollicitation.
Quand on pense que, par la garde, les médecins en formation
allègent grandement le fardeau de leurs patrons et que ce sont ces
derniers qui évaluent leur stage, il devient évident que ceux-ci
sont en conflit d'intérêts et peuvent facilement abuser de leur
situation pour convaincre les résidents récalcitrants.
L'argument général invoqué pour justifier ces abus
est la valeur pédagogique de la garde. Et, s'il est vrai que la
fréquence des gardes expose le jeune médecin à plus grande
variété d'expériences cliniques, on peut cependant
s'interroger sur la qualité de ces expériences quand on pense au
peu de supervision qui est en général associée à
celles-ci. En effet, à l'exception des gardes à l'urgence de
certains centres hospitaliers, le médecin traitant du patient que voit
un résident ou un interne n'est que rarement présent et il
dispense en général son enseignement par téléphone.
Malheureusement, nous n'avons que trop d'exemples de patrons qui sont
offusqués d'être dérangés ou, pire encore, qui ne
répondent tout simplement pas aux appels de leurs subordonnés. En
outre, si on pense que la répétition de nuits sans sommeil
entrave la capacité de rétention d'un individu, ta
fédération s'interroge grandement sur la valeur
pédagogique de la garde à une fréquence
élevée.
Il existe plusieurs mécanismes élaborés au cours de
négociations successives qui permettraient aux jeunes médecins de
refuser les transgressions à la norme ou, du moins, qui leur
accorderaient une compensation en jours de congés
supplémentaires. Quand on songe qu'après 24 heures de garde, le
résident ou l'interne se voit en général refuser le
lendemain pour se reposer et qu'il demeure bien souvent douze heures de plus
à l'hôpital, pour un total de 36 heures de présence, il
devient ridicule de penser qu'il pourra bénéficier de jours de
congés supplémentaires, d'autant plus que, couramment, il a
déjà de la difficulté à prendre ses vacances
autorisées. Ainsi, il n'existe non seulement aucune compensation ni
aucune reconnaissance pour la garde supplémentaire, mais il est de plus
impossible d'utiliser les mécanismes prévus sans être
menacé directement par les autorités médicales. En effet,
aucun de ces mécanismes ne respecte l'anonymat des individus et,
même si cela était, sa mise en application serait en
général impossible dans un laps de temps correspondant à
un stage dans un milieu problématique.
Loin de nous l'idée d'affirmer que tous les résidents et
internes sont ainsi lésés et il faut réaliser que
l'attitude des patrons de bien des milieux est le plus souvent correcte.
Cependant, il ne faut pas non plus minimiser le problème en invoquant le
peu de plaintes car, comme nous le démontrons de façon
plus exhaustive dans notre mémoire, la personnalité du
jeune médecin le pousse à se dépasser en ignorant ses
limites personnelles et à s'identifier à ses aînés
qui, en lui rappelant quotidiennement les difficultés qu'ils ont
rencontrées alors qu'ils étaient eux-mêmes en formation, le
culpabilisent et le dévalorisent.
Enfin, il faut réaliser que la crainte de représailles
limite grandement les plaintes. Cette commission, où je désirais
faire témoigner quelques résidents contraints à des gardes
aux deux jours, est un parfait exemple de la situation puisque aucun des
résidents approchés n'a accepté de se prononcer
publiquement.
C'est donc pour la problématique que je viens d'exposer que la
fédération exige du gouvernement qu'il intervienne pour que:
1° il se fasse un effort réel pour rationaliser le nombre de centres
hospitaliers universitaires en tenant compte des effectifs décroissants
en résidents et internes; 2° il soit instauré, dans les plus
brefs délais, un mécanisme pour rémunérer toute
garde excédentaire à la norme, de telle sorte que l'odieux du
refus ne soit plus porté par les jeunes médecins, mais par les
centres hospitaliers qui devront ainsi assumer les coûts du non-respect
de l'entente collective.
Il convient d'ailleurs de remarquer que, tant aux États-Unis que
dans certaines provinces canadiennes, des milieux qui ont mis en application ce
genre de mécanisme ont vu dénoncer rapidement des situations
abusives et y ont mis un terme. N'ayant pu, comme je l'ai déjà
dit, persuader les résidents de venir témoigner sur la garde
à cette commission, je me permettrai donc, Mme la Présidente, de
passer immédiatement au second sujet de mon exposé qui concerne
les résidents en enseignement clinique.
Sur ce point, je serai bref, le Dr Roch Bouchard pouvant vous apporter
des éclaircissements plus pertinents qu'un long exposé
théorique. Néanmoins, avant de lui céder la parole, je
tiens à vous informer que des unités d'enseignement clinique
existent déjà dans de nombreux centres hospitaliers
universitaires, mais que, bien souvent, elles sont non fonctionnelles. Il faut,
de plus, noter que le problème est variable d'un milieu universitaire
à l'autre et que le but de notre intervention n'est pas de contraindre
les facultés de médecine à les implanter, mais bien
à les définir.
Enfin, depuis plusieurs années que dure ce débat, lequel a
déjà occasionné un débrayage de cinq semaines des
résidents et internes de l'Université de Montréal, nous
désirons que les centres hospitaliers soient contraints de mettre en
application des unités d'enseignement telles qu'elles auront
été définies par les milieux universitaires et ce, sans
que l'autorité de ces derniers en ce qui a trait à leur
définition soit contestée.
En vue de solutionner ce problème qui met en jeu la
qualité de la formation médicale, la Fédération des
médecins résidents et internes du Québec propose que:
1° se fasse un effort de rationalisation des centres hospitaliers
universitaires en termes d'effectifs; 2° soit adopté un
règlement en vertu de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux obligeant les centres hospitaliers universitaires à
mettre en place des unités d'enseignement clinique; 3° soient
améliorés les contrats d'affiliation entre les centres
hospitaliers et les facultés de médecine dans le but de permettre
une meilleure collaboration; 4° que soient créées des
unités géographiques protégées selon les normes
prescrites; 5° soit adoptée la rémunération
différente pour les médecins oeuvrant dans les centres
hospitaliers universitaires.
Je cède maintenant la parole au Dr Bouchard qui pourra vous
apporter des éléments complémentaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr
Bouchard.
M. Bouchard (Roch): Je suis Roch Bouchard, je suis
résident en psychiatrie à l'hôpital de
l'Enfant-Jésus à Québec.
Comme le faisait d'abord remarquer M. le ministre, parier des
unités d'enseignement me fait me sentir un peu comme un
consti-tutionnaliste parce que je sens que la cause est défendable, a du
bon sens, mais je pense que c'est pour longtemps aussi, étant
donné tous les intervenants.
Laissez-moi vous citer en exemple comment on choisit un stage et comment
cela se passe pour les externes. L'ensemble des jeunes étudiants est
réuni dans une salle et c'est un tirage au sort qui détermine
quand et surtout dans quel établissement se feront les différents
stages prévus à la formation. Tous les établissements
n'ont pas une réputation égale quant à la qualité
des unités d'enseignement, quand ils en ont. Cette assemblée
d'étudiants ressemble plus à une assemblée où
chacun cherche les moyens d'influencer le hasard afin d'obtenir, au bon endroit
et au bon moment, un stage de qualité. Normalement, chaque,
étudiant devrait avoir une qualité de stage.
À ce tirage, bien sûr, comme dans tous les lotos, il y a
plus de perdants que de gagnants. Cela me rappelle une phrase d'un politicien
connu, M. Caouette, qui disait: II faudrait moins de chercheurs qui cherchent
que de trouveurs qui trouvent. C'est le cas des stages; c'est de se trouver un
bon stage au bon moment et au bon endroit.
Le deuxième exemple qu'on peut donner est probablement celui du
comité d'éducation de la corporation, en 1983, qui avait à
se pencher sur la demande du DSP de l'hôpital Notre-Dame qui demandait au
comité
d'éducation l'autorisation d'envoyer les résidents en
chirurgie dans un autre hôpital afin que ceux-ci puissent acquérir
l'apprentissage nécessaire à des chirurgies usuelles quotidiennes
(cholécystectomie, appendicectomie, etc. ). C'est assez surprenant, dans
un hôpital de plus de 1000 lits, qu'on doive envoyer des résidents
en psychiatrie dans de petits hôpitaux pour leur montrer la chirurgie
usuelle. C'est assez surprenant.
En conclusion, pour être bref, l'unité d'enseignement et sa
structure pyramidale est essentielle à l'acquisition harmonieuse de la
prise de décision, étape fondamentale dans l'exercice
compétent d'une médecine adéquate, économique. Les
jeunes médecins ayant cette hiérarchisation de la décision
auraient probablement moins de difficultés à aller en
périphérie et à se séparer des centres de
consultation. Je pense que l'unité d'enseignement est la pierre
angulaire essentielle à un bon enseignement de la médecine au
Québec. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, M. Bouchard. M. Larose.
M. Larose: Merci, madame. Le sujet que je désire
maintenant traiter en est un des plus actualisés puisque, vendredi
dernier encore, des représentants de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, de l'Association des hôpitaux du
Québec, du Comité des doyens des facultés de
médecine et de la Fédération des médecins
résidents et internes du Québec se réunissaient pour
discuter des conclusions de la visite que la corporation a effectuée
dans les quatre milieux universitaires pour éclaircir la situation de la
supervision des internes dans les urgences.
Qu'il me soit permis de mettre au clair une situation qui persiste
depuis plusieurs années de par la mauvaise volonté et le manque
de responsabilité de certains médecins, heureusement peu
nombreux, qui se refusent à assurer la garde de nuit dans les urgences
à faible débit parce que la rémunération y est
insuffisante.
Quand on prend conscience que, dans les milieux
périphériques, des médecins débordés
assurent la garde 24 heures sur 24 et ce, sans appui de résidents ou
d'internes, il est révoltant de constater que, dans des villes comme
Québec ou Montréal, une telle situation se présente.
Il est d'autant plus révoltant que, dans les milieux où
cette situation existe, les autorités médicales n'obligent pas
les médecins à remplir leur responsabilité en contrepartie
des privilèges hospitaliers qui leur sont octroyés, mais exigent
des internes qu'ils fassent la garde de nuit à leur place en invoquant
l'aspect pédagogique de celle-ci.
La fédération s'indigne d'un prétexte aussi
fallacieux et s'interroge sur la valeur formatrice d'une garde sans superviseur
dans un endroit où le nombre de patients qui se présentent est
insuffisant pour justifier la présence d'un médecin membre du
conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier.
Elle s'indigne des propos d'un doyen qui s'interrogeait sur la
résistance des internes pour assurer la garde dans une urgence où
ils pouvaient dormir une bonne partie de la nuit à cause du peu
d'achalandage.
Elle affirme que, si le nombre de patients qui se présentent dans
une urgence est insuffisant pour assurer un revenu adéquat à un
médecin membre du conseil des médecins et dentistes, ce nombre
est également insuffisant pour représenter une valeur
réellement contributoire à la formation d'un interne ou d'un
résident qui y ferait un stage.
Par le fait même, elle exige que les urgences
considérées à faible débit où un
médecin membre du conseil des médecins et dentistes n'est pas
présent en permanence soient exclues du programme de formation.
Aucune solution alternative comme celle qui consisterait en une
structure pyramidale où l'interne serait supervisé par un
résident ne saurait être acceptable.
Les résidents, dont on réduit constamment le nombre, ont
déjà fort à faire dans leur spécialité
respective et, pour ceux qui effectuent des stages dans les urgences, la
supervision s'impose au même titre que pour l'interne.
En outre, on ne peut conclure sur ce sujet sans souligner l'aspect
juridique de ce problème où un interne, sans permis de pratique
et sans être membre du conseil des médecins et dentistes, se voit
dans l'obligation de libérer des patients sans qu'ils aient
été vus par le médecin traitant. (10 h 30)
Depuis plusieurs années, des opinions juridiques sur cette
question se sont succédé et, finalement, l'automne dernier, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec
présentait un document dans lequel elle énonçait
clairement qu'un interne ne pouvait être laissé à l'urgence
sans la supervision directe d'un médecin membre du conseil des
médecins et dentistes du centre hospitalier. Elle menaçait les
centres hospitaliers dissidents de leur retirer son agrément pour les
stages à l'urgence non supervisés et les doyens des quatre
facultés de médecine étaient cosignataires d'une lettre
qu'elle faisait parvenir le 19 octobre 1984 au conseil des médecins et
dentistes des centres hospitaliers universitaires.
Malheureusement, il apparaît que la position de la corporation se
soit affaiblie sous les pressions et elle semblerait prête à
accepter une structure pyramidale recommandée par les universités
sous
l'influence des centres hospitaliers et qui risque de régler le
problème au détriment des résidents sans atteindre les
véritables responsables de la situation.
Telle situation serait inacceptable et la fédération, afin
d'éviter qu'encore une fois ses membres soient utilisés pour
remplir les tâches les plus ingrates du système de santé
québécois, recommande que: soient modifiés les articles 25
et 30 du règlement sur l'organisation et l'administration
d'établissements dans le but d'en préciser davantage le contenu;
soient repris, dans l'entente collective des résidents et internes ainsi
que dans les contrats d'affiliation entre les universités et les centres
hospitaliers, les principes énoncés dans la
réglementation; soient prises contre ceux qui refuseront
d'obtempérer des sanctions, dont le retrait des résidents et
internes des salles d'urgence où ils ne sont pas supervisés sur
place.
Enfin, dans le but de nous fournir un témoignage qui nous permet
d'illustrer par l'expérience vécue la vérité
dramatique de cette situation, je cède la parole au Dr Pierre Champagne,
du centre hospitalier de l'Université Laval.
M. Champagne (Pierre): Mon nom est Pierre Champagne, patron
à l'urgence du centre hospitalier de l'Université Laval depuis
trois ans; auparavant, je suis allé chercher une
spécialité en médecine d'urgence à
l'Université de la Californie du Sud, en Californie. Je suis
également en charge de l'enseignement et de la recherche à
l'urgence et de l'enseignement aux internes et résidents qui font des
stages au centre hospitalier de l'Université Laval, à l'urgence.
Je suis impliqué également dans la formation médicale
continue dans toute la province en médecine d'urgence, soit lors de
congrès ou lors de cours organisés un peu partout.
Je serai bref et précis. À la suite de mon
expérience, j'ai pu remarquer deux volets très importants
concernant l'interne à l'urgence et également le résident
junior. Ce n'est pas par un manque de volonté, mais plutôt par un
manque d'expérience que l'interne à l'urgence, la nuit, seul, ne
peut fournir aux bénéficiaires un service maximal.
Deuxièmement, que ce soit conscient ou inconscient, cet interne
laissé à lui-même ou ce résident junior
laissé à lui-même vit un stress que je ne saurais
décrire, qu'il en soit conscient ou non. Lorsque se présente
devant lui un patient, debout ou sur une civière, ou autrement,
contrairement à l'enseignement qu'il a pu avoir auparavant dans les
unités d'enseignement, que les patients sont dans un lit et ont
été vus par le résident, par tout le monde, l'interne est
laissé seul devant un patient nouveau et ce stress existe,
croyez-moi.
Finalement, à la suite du débat de février dernier,
débat chaud avec les internes et les résidents concernant la
négociation, j'ai fait une petite expérience personnelle.
Étant moi-même de garde régulièrement au CHUL,
durant une fin de semaine, soit les vendredi, samedi et dimanche, la nuit, avec
trois des meilleurs internes de l'établissement, j'ai passé une
espèce de contrat avec eux. Je leur ai dit: Vous voyez le patient de la
tête aux pieds; vous faites ce que vous voulez, mais je veux être
au courant avant que le patient soit libéré ou avant qu'un geste
soit posé. En l'espace de trois nuits, quatre cas qui furent admis
étaient sur le point d'être libérés, et des cas
sévères, par exemple une hémorragie
sous-arachnoïdienne, c'est le genre de patient qui se présente
debout, plus précisément un patient d'une trentaine
d'années se présente avec une céphalée ou un mal de
tête. L'interne l'examine avec la meilleure volonté du monde et il
est prêt è le libérer avec un diagnostic de migraine. Ce
même interne, si on lui avait parlé auparavant, durant la
journée, si on avait discuté des céphalées, vous
aurait dit spontanément: C'est une hémorragie
sous-arachnoïdienne ou une autre pathologie. Mais, à cause de ce
petit niveau de stress, parce que l'interne est laissé à
lui-même, seul, souvent ses moyens en sont d'autant diminués.
C'est un exemple très précis.
Je peux vous en donner d'autres, entre autres en pédiatrie. Vous
savez certainement que le CHUL est un centre de pédiatrie. Un enfant
d'un an et demi qui se présente et fait de la température ne fait
pas toujours une grippe. Il y a d'autres pathologies à penser. Durant
cette fin de semaine, deux enfants se sont présentés avec des
pneumonies sévères, qui ont dû être admis, et que
l'interne était prêt à libérer. Ce n'est pas un
manque de connaissances, mais bien à cause d'un manque
d'expérience et d'un stress important.
Je considère donc que l'interne qui est obligé de passer
la nuit seul à l'urgence ou est obligé tout simplement de faire
une garde devrait recevoir un feed-back théorique, peu importe l'heure
du jour, d'un patron d'expérience. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci. Dr Larose.
M. Larose: Merci, madame. Je termine maintenant mon exposé
sur ce sujet d'envergure qu'est la planification des effectifs médicaux,
mais sur lequel je limiterai néanmoins mon propos. Le Dr Pierre Dorion,
bien au courant de certaines conséquences du manque de cohérence
dans la planification des effectifs médicaux québécois,
prendra ensuite la parole pour nous illustrer, à travers son
expérience personnelle, certaines situations paradoxales
qui sont appelées à se multiplier s'il n'y a pas
d'intervention rapide du gouvernement.
Cependant, avant de lui céder la parole, je voudrais rappeler
à quel point le contingentement du nombre de postes de résidents
et internes, au cours des dernières années, est douloureux pour
ceux-ci. En effet, alors que les médecins optent de plus en plus pour
une amélioration de leur qualité de vie, beaucoup d'entre eux
réduisent leur disponibilité au travail et, dans les milieux
universitaires, il en résulte une augmentation de la tâche des
résidents et internes.
Cet accroissement de leur charge de travail, associé à la
réduction de leur nombre, crée une situation où les
milieux exigent d'eux une disponibilité grandissante, incompatible avec
une qualité de vie personnelle et professionnelle décente, qui
nuit à la qualité de leur formation et qui est une injustice
flagrante dans un monde médical en voie de redéfinir ses
priorités et optant pour la qualité de la vie.
En plus de ces effets néfastes à court terme, la
planification aberrante conduit à des situations dramatiques à
long terme en omettant certains paramètres essentiels à la bonne
évaluation de la situation actuelle et en faussant les
prédictions qui en découlent. Ainsi, en plus de la
réduction légitime du nombre d'heures de disponibilité des
médecins québécois, il faut tenir compte de facteurs tels
que la féminisation progressive des effectifs médicaux,
l'âge moyen des professionnels de certaines spécialités qui
peuvent tomber en pénurie très rapidement, le rythme de
production de nouveaux médecins, la formation d'un spécialiste
pouvant atteindre jusqu'à dix ans, le vieillissement de la population
québécoise, qui est appelée à demander de plus en
plus de soins, et les habitudes de consommation médicale de cette
même population, qui devrait être éduquée de
façon à réduire les situations abusives engendrées
par la gratuité apparente des services.
Finalement, fière de sa contribution et de sa réalisation
en ce qui a trait à la répartition des effectifs médicaux,
consciente que ses recommandations en ce sens ont été
écoutées et appréciées, la Fédération
des médecins résidents et internes du Québec propose que
soit instaurée dans les plus brefs délais une table de
concertation permanente et statutaire relativement à la planification
des effectifs médicaux; que soit entrepris, d'ici à septembre
1985, un effort de rationalisation des centres hospitaliers universitaires dans
lesquels sont appelés à travailler les médecins
résidents et internes; que soient identifiés, dans les plus brefs
délais, les besoins en effectifs médicaux exprimés par les
spécialités médicales, d'une part, et par les
régions, d'autre part; que soient établies des mesures propres
à évaluer de façon objective les décisions
gouvernementales en matière de planification d'effectifs
médicaux. Le Dr Pierre Dorion, psychiatre au centre hospitalier
Robert-Giffard, va maintenant nous faire part de son opinion et je conclurai
par la suite.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Docteur.
M. Dorion (Pierre): Pierre Dorion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!
Pardon! Allez!
M. Dorion: Merci. Je suis psychiatre clinicien et enseignant au
centre hospitalier Robert-Giffard depuis quinze ans, je suis psychiatre
itinérant è Gaspé, une semaine par mois, depuis sept ans.
Auparavant, j'étais psychiatre itinérant à Sept-Îles
et jusqu'à Blanc-Sablon, de 1974 à 1978. J'ai contribué
à la publication en 1976 d'un texte présentant un plan de
développement des soins psychiatriques de la région de
Sept-îles. En 1977, j'ai participé à un
résumé d'une étude de deux ans sur la distribution des
soins psychiatriques au Québec et dans la région de Hamilton,
Ontario. En 1980, j'ai été envoyé en mission
québécoise en Europe, et surtout en France, pour étudier
la distribution des soins psychiatriques avec texte remis au gouvernement,
texte évidemment mis dans les ordinateurs et disquettes et mis sur les
tablettes.
Depuis 1975, nous avons siégé à des comités
de notre association concernant la répartition des effectifs
médicaux. Nous avions obtenu, dans le temps, par la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, 1 000 000 $ pour régler ce problème. Faute
d'entente avec les multiples paliers d'intervenants médicaux et non
médicaux, le million n'a jamais été dépensé.
Historiquement, la répartition des effectifs médicaux est devenue
par la suite un problème récupéré non seulement par
toutes les autres disciplines de la médecine, mais surtout
récupéré par tous les intervenants du réseau
mécontents de l'augmentation des coûts et de la baisse de la
qualité de la médecine au Québec.
Le problème de la répartition des effectifs
médicaux est devenu, pour certains, un alibi pour ne pas régler
un problème devenu encore plus grave, qui est celui de la pénurie
de spécialistes dans certaines disciplines comme la psychiatrie
où, demain matin, il faudrait un minimum de 300 psychiatres pour
répondre aux besoins standards de la population des villes et de la
périphérie. Certes, il manque des médecins dans les
régions éloignées, mais on a eu tort de laisser entendre
à la population que les seuls coupables de ce manquement et, par
extension, peut-être de la prétendue mauvaise répartition
des effectifs médicaux n'étaient
que les médecins résidents et internes du Québec.
En conséquence, par manque de compréhension de leur part, on leur
imposa un décret à la fin de leur formation. A la place, on
aurait dû imposer un décret obligeant les universités, les
hôpitaux universitaires et la corporation à trouver les formules
nécessaires, par exemple le parrainage des centres
éloignés.
En se réunissant quelques fois par année avec des
confrères psychiatres représentant toutes les régions de
la province de Québec, nous avons toujours été
étonnés de voir comment la mauvaise planification chronique
était responsable de la pénurie des psychiatres dans la province
de Québec, pénurie qui, aujourd'hui, se généralise
aux autres spécialistes. Le manque de concertation laisse place à
l'imagination et à l'improvisation de quelques individus qui
réussissent finalement à imposer partiellement leurs vues. Par
ailleurs, on sait que certaines mesures uniformisées dans toute la
province pénalisent les endroits les plus faibles, la concurrence
devenant trop forte ailleurs. Par exemple, les mesures incitatives actuelles du
gouvernement n'ont pas revalorisé la Gaspésie. Bien plus,
certaines initiatives localement prises comme celles du paiement des moniteurs
cliniques qui viendraient travailler à Gaspé après leur
formation ont été découragées par des instances
gouvernementales alors que, dans les grandes villes, surtout à
Montréal, il y a une abondance de moniteurs cliniques payés par
les centres hospitaliers ou certains fonds privés.
Il est évident que la présence dans le Québec de
moniteurs cliniques est une autre preuve de manque de concertation puisque ces
médecins résidents ne font pas partie de la
Fédération des médecins résidents et internes et
viennent, en conséquence, fausser les données du problème.
La situation en est donc rendue à un point où l'on doit engager
des médecins étrangers pour venir travailler en
périphérie. Pire encore, les centres en pénurie dans les
grandes villes engagent présentement des médecins
étrangers.
Pour couper court, quelques solutions. De toute urgence, il faut d'abord
décontingenter en tenant compte d'une véritable pénurie de
certains médecins spécialistes, pénurie qui se
généralise avec le temps. Les médecins étrangers en
périphérie pourraient être tolérables sur une base
temporaire, mais cela devient un non-sens dans les grands centres.
Le décret, tel qu'il existe, est devenu impopulaire et
improductif et devrait être abrogé. On sait que, politiquement, il
peut être rentable; la déréglementation n'est pas une
habitude naturelle des gouvernements. En conséquence, si ce
décret existait encore pour quelque temps, il devrait être
amélioré et rendu plus attrayant par les deux mesures suivantes.
(10 h 45)
La première serait la mise en place d'une importante
différence entre les milieux périphériques et les grands
centres urbains, surtout par la hausse de la surtarification. La
deuxième serait la possibilité pour les jeunes médecins
qui accepteraient volontairement ce contrat de séjourner en
périphérie un minimum d'un an tout en les exonérant du
décret, s'ils veulent revenir en ville. À ce propos, j'ai
consulté beaucoup de médecins qui, présentement, ont
décidé de rester en ville, faisant leurs trois ans à une
tarification diminuée. Si ce projet d'un an avait été
possible, ils auraient pu laisser leur famille et aller faire l'année en
périphérie.
La rotation des médecins qui séjournent un temps
raisonnable dans un endroit demeure, malgré certains
inconvénients, le gage d'une médecine de qualité comme en
fait foi la rotation obligatoire des médecins résidents et
internes dans les hôpitaux en ville.
Sûrement, dans cette abondante rotation, existerait-il des
médecins trouvant un intérêt réel à
s'installer en permanence dans ces régions.
En dernier, nous ne pouvons que recommander très fortement la
mise en place d'un comité permanent de planification des effectifs
médicaux réunissant tous les intervenants concernés, y
compris la Fédération des médecins résidents et
internes, qui a montré, jusqu'ici, son sérieux sur la question
à la table de concertation en mai 1984 et par sa collaboration active
à trouver des moyens pour répondre à la pénurie des
médecins au Québec et à participer à la mise en
place d'un comité d'accueil à Gaspé où
déjà plusieurs résidents viennent en itinérance
donner des services psychiatriques. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, Dr Dorian. Dr Larose.
M. Larose: En conclusion, Mme la Présidente, je pense que
la validité de nos opinions sur les sujets présentés
à cette commission ne peut être mise en doute et mon intervention
ainsi que le mémoire qui a été déposé se
veulent la démonstration de ces opinions. Je vous rappellerai que
l'objectif original de cette commission était de discuter du
problème de la garde et, à cet effet, de démontrer la
nécessité, pour la fédération, d'un
mécanisme de nature pécuniaire pour dissuader les centres
hospitaliers d'abuser de la situation.
Nous sommes donc prêts maintenant à répondre aux
questions des membres de la commission et, si vous le voulez bien, je vous
redemanderai, par la suite, la parole è la fin de la période.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, M. le Président, Trente minutes pile.
M. Larose: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier
tout d'abord les représentants de la FMRIQ pour leur mémoire.
J'aurai des questions à leur poser, j'espère que vous pourrez
rappeler à la barre vos spécialistes, parce que je vais commencer
à l'inverse de la présentation, je vais commencer par celui qui a
traité des effectifs médicaux.
D'abord, je rappellerai que le gouvernement est actuellement en train,
par les CRSSS, de procéder au plan d'effectifs médicaux dans
l'ensemble des régions du Québec. Au moment où on se
parle, il y a quand même six régions, si on considère les
Cris comme une région, qui ont répondu à la demande du
ministère et soit dit en passant, les six régions qui ont fait
connaître leurs besoins en effectifs médicaux sont celles qui sont
en demande, c'est-à-dire que ce sont des régions plutôt
éloignées qui ont vraiment fait connaître dans les
délais prescrits, leur plan d'effectifs médicaux. Il n'en demeure
pas moins que, pour les grands centres comme Québec, Montréal et
toute la grande région de Montréal, c'est à venir: on n'a
pas encore les rapports des effectifs médicaux, instrument de base qui
nous permettra par la suite d'établir avec beaucoup plus de certitude
quels sont les besoins, les spécialités, pour nous aider à
établir des plans d'effectifs globaux au Québec qui tiennent plus
compte des réalités.
Ceci dit, j'ai été surpris d'entendre notre témoin
nous dire: Présentement, en psychiatrie, par exemple, il y a une
pénurie généralisée partout au Québec.
J'aimerais qu'on m'explique comment il se fait que 575 psychiatres sur 634 sont
cantonnés à Québec et Montréal seulement. Il ne
s'agit pas d'être à Blanc-Sablon pour manquer de psychiatres. On
en manque à Joliette, qui est à environ 30 minutes d'auto de
Montréal. Il y a sûrement des raisons beaucoup plus profondes que
celles du nombre et de la répartition. Quels sont vos remarques
là-dessus?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr
Dorion.
M. Dorion: C'est une longue histoire. La première notion
d'une pénurie de médecins en périphérie nous est
venue de la psychiatrie, c'est-à-dire que, dans un style d'approche
communautaire, on devait donner des services à toute la population
là où elle se trouvait. La première notion de la carence
de médecins en périphérie se situe à peu
près dans les années soixante-dix. Comme je vous l'ai dit, il y
avait des budgets qui ont été votés pour cela, les autres
disciplines ont récupéré cette notion.
Le problème est de savoir si, politiquement, on veut une telle
forme de médecine plutôt qu'une autre forme de médecine.
Évidemment, j'étais à Gaspé et j'ai
participé à un comité pour savoir le nombre de
médecins que cela prenait. Par exemple, pour les psychiatres, pour que
ce soit viable à Gaspé, il faut environ cinq ou six psychiatres
et cela veut dire doubler le nombre que cela prend normalement dans les villes.
Il faut que ce soit viable de cette façon et, si l'on multiplie ces
ratios, c'est évident qu'on en vient à une pénurie de
psychiatres. Cela est un choix. Est-ce qu'on choisit de former plus de
psychiatres et de les répartir de cette façon? La dernière
fois que j'ai pu parler à un autre ministre, à ce moment, la
décision politique était, plutôt que de bien meubler les
périphéries en spécialistes, d'acheter trois ou quatre
jets de plus. Tout cela a tout changé depuis ce temps. Les jets ont
été abolis et évidemment les médecins
itinérants aussi ont été abolis. On en revient à
l'itinérance et à des spécialistes en place. De toute
façon, selon certains critères, on est trop, mais, selon
d'autres, on n'est pas assez pour les besoins de la population.
M. Chevrette: J'arrive tout juste de Winnipeg. J'ai
assisté à une conférence
fédérale-provinciale où on nous a déposé
toute l'analyse des effectifs médicaux dans tout le Canada, en faisant
des projections jusqu'en l'an 2000. Jusqu'à ce temps, on prévoit
9000 médecins de trop au Canada et on peut en prévoir environ
2000 au Québec. Dans le système actuel - on ne se contera pas
fleurette - vous savez très bien que ce n'est pas parce qu'il y a des
effectifs de trop qu'à la fin de l'année quelqu'un ne fait pas
son salaire. Si vous évaluez 2000 médecins en trop en l'an 2000,
à 100 000 $ ou à 110 000 $, à 115 000 $ - je ne veux pas
entrer dans les chiffres, parce que vous savez que nous sommes en
négociation présentement - c'est quand même un coût
social extraordinaire, c'est dans les 200 000 000 $ ou dans les 300 000 000 $,
si vous oeuvrez en institution, puisqu'on remarque qu'un médecin qui va
en institution commande environ la moitié de son salaire en termes de
dépenses pour l'État. Cela ne tient pas compte d'un rattrapage
possible par rapport à la moyenne canadienne. Je ne veux pas entrer dans
le détail des négociations, mais je vous demande, face à
cela et face aux besoins criants que nous avons dans les régions
marginales ou dites éloignées, ce qu'on fait, carrément.
Vous dites: II n'y a pas assez d'incitatifs; 120 % ne donnent pas les fruits
escomptés pour un spécialiste et
115 % ne donnent pas les fruits escomptés pour un omnipraticien.
Il n'en demeure pas moins qu'on s'en vient aussi avec une prime à
l'établissement. Il y a des suggestions qui nous sont faites. Si on
avait véritablement des plans d'effectifs médicaux bien connus,
si on reliait les budgets directement aux centres hospitaliers qui sont dans le
besoin et si le recrutement se faisait pour l'entrée à
l'université à partir des centres hospitaliers eux-mêmes,
pour s'assurer que cela répond adéquatement aux besoins de la
population, comment réagiriez-vous à une telle suggestion?
M. Dorion: D'abord, de façon positive et peut-être
que cela ne serait pas assez, je ne le sais pas. Cela fait quinze ans que je
m'intéresse au problème. J'ai entendu toutes sortes de solutions.
La seule chose que je puisse dire, c'est que c'est peut-être une des
premières fois qu'on sent qu'il y a des tables de concertation
concernant ces problèmes, mais, encore une fois, dans ce que j'ai lu et
ce que j'ai entendu, c'est qu'on définit mal les pénuries dans
les régions éloignées. Est-ce qu'une carence en ORL
à Gaspé est une pénurie? Il n'y a peut-être pas
d'équipement pour un spécialiste comme cela à
Gaspé. Cela n'a pas été défini. Il faut commencer
par le commencement. Il faut savoir quelle sorte de médecins on veut
dans les périphéries. Est-ce que la périphérie a
les équipements en place pour les recevoir? La population est là
évidemment pour les recevoir, mais est-ce assez? À mon avis, cela
commence à être fait. Il faut commencer comme cela si on veut
parler de la façon de distribuer ces médecins. En plus, on sait
que les universités commencent à s'intéresser aux
périphéries. Il y a la corporation, etc.. C'est tout le monde,
parce que c'est politiquement à la page; alors, on en parle. Mais cela
ne fait que commencer, les tables de concertation. Ce n'est pas sûr que
les nouvelles mesures incitatives vont être efficaces. Jusqu'à
maintenant, je peux vous dire que, si vous avez préconisé de
nouvelles mesures incitatives, nous en avions préconisé de
semblables quelques années auparavant. Elles ne sont pas
compétitives avec les nôtres à Gaspé. Les
nôtres à Gaspé n'ont pas donné trop de
résultats. Je pense que les vôtres ne donneront peut-être
pas non plus trop de résultats, mais il faut quand même essayer,
il faut voir et il faut continuer à travailler afin de trouver des
solutions.
M. Chevrette: Maintenant, sur la supervision dans les salles
d'urgence, je ne sais pas quel était le spécialiste, mais
j'aurais deux questions. Vous parlez de l'importance d'avoir une supervision
constante pour pouvoir, sur le plan pédagogique, retirer le maximum
chaque fois que se présente un événement, ce qui aurait
pour objet, automatiquement, de diminuer le stress, parce que, si on se sent
appuyé au plan du diagnostic, non seulement on apprend, mais, on se sent
plus sécuritaire dans les gestes à poser, et notre jugement
risque moins d'être biaisé dans le mauvais sens du terme.
Pourriez-vous me dire comment vous expliquez ce phénomène qu'on
demande à un résident et à un interne de passer la nuit
seuls? Ce n'est que le matin... Parce qu'on m'a expliqué au cours des
négociations que souvent, le matin, entre le professeur, le tuteur,
appelons-le comme on le voudra, qui fait la révision des dossiers. Mais,
durant la nuit, le résident et l'interne ont été
laissés seuls. Est-ce que c'est au palier des universités que les
directives manquent de sévérité? Est-ce que c'est au
palier du centre hospitalier ou est-ce que c'est purement et simplement
laissé à chacun des individus selon son jugement personnel?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr
Champagne.
M. Champagne: Je crois que le premier problème, c'est un
manque d'effectifs en médecine d'urgence au Québec. Or, la
médecine d'urgence est considérée une
spécialité maintenant, et depuis 1971, chez nos amis
américains, et c'est une spécialité canadienne depuis
près de deux ans, en excluant le Québec. II n'y a personne qui
veut venir faire une nuit, qui veut venir travailler de nuit, de minuit
à 8 heures, premièrement, avec un salaire moindre que de
travailler le jour; on ne s'en cache pas, on gagne notre vie et c'est une
façon de la gagner. Faire une nuit, c'est moins payant que de faire un
jour, alors que cela devrait être le contraire. Alors, essayez de trouver
des effectifs qui vont venir couvrir des nuits dans les salles d'urgence. Je
pense que le problème part de là; à ce moment-là,
on va aller dans des centres hospitaliers qui n'ont pas d'effectifs, qui
prennent des internes pour combler les trous. Certains centres vont vous dire:
Bien, on n'a pas assez de patients pour fournir un patron. À ce
moment-là, qu'on ferme la salle d'urgence de minuit à 8 heures ou
de une heure à 7 heures,, qu'on se concentre sur deux ou trois salles
d'urgence dans une cité, je ne parle pas d'une ville, et on
transférera les patients après en temps et lieu, mais, dans ces
trois ou quatre centres où il y aurait des internes et des patrons, on
aurait une médecine d'urgence de qualité.
M. Chevrette: La tentative que l'on fait de lier la
surrémunération ou le surpaiement au partage de gardes en
urgence, est-ce que cela vous apparaît, en périphérie en
tout cas, dans les zones dites désignées, être un moyen
d'améliorer les urgences dans ces milieux?
M. Champagne: Indirectement, oui, dans le sens que vous avez
beaucoup de médecins des villes qui vont aller faire une nuit ou deux
par semaine à Gaspé, à Sept-Îles ou à Matane.
Je ne vais pas les nommer toutes.
M. Chevrette: Je comprends qu'on ne règle pas tout le
problème de la question des urgences pour les internes et les
résidents, mais au niveau des urgences comme telles, dans tout le
Québec?
M. Champagne: Indirectement, oui, vous allez couvrir vos nuits,
mais, si on recherche comme objectif cette qualité de soins aux
bénéficiaires, je pense que l'idée d'amener nos
médecins en périphérie est valable, quitte à ce
qu'on les y amène pour un an ou pour deux ans. Il s'agira de modifier
cela. Vous allez couvrir quand même vos urgences, vous n'aurez pas besoin
de payer 120 % ou 125 %, et vous allez avoir quand même cette
qualité, au lieu d'avoir un résident qui va faire une nuit toutes
les deux ou trois semaines à Sept-îles, aux îles, etc. (11
heures)
M. Chevrette: Présentement, je me suis laissé dire
- je vous pose la question, soit à M. Larose, à vous ou aux
négociateurs - que le fait de procéder de même, à
Montréal, par exemple, où on ne trouve aucune surveillance,
aucune supervision, c'est une façon indirecte, pour certains
médecins, de faire de l'argent au détriment des internes. Est-ce
que c'est vrai?
M. Larose: J'aimerais que vous précisiez un peu ce que
vous voulez dire.
M. Chevrette: Vous m'avez affirmé... Je ne dis pas vous,
mais, au cours des négociations, il y a eu de nombreuses séances,
il y a beaucoup de gens qui ont parlé à beaucoup de monde, et on
m'a dit ceci, un certain jour - j'ignore si c'était à une table
officielle ou officieuse - Nous, on passe 20, 25 ou 30 patients la nuit dans
une salle d'urgence et, le matin, celui qui encaisse, c'est celui qui nous
supervise. Il prend l'ensemble des dossiers et en fait le tour. Il n'a
siégé aucune minute parce qu'il était couché
confortablement chez lui et c'est lui qui encaisse de la RAMQ le
résultat des diagnostics ou des soins que nous, nous avons posés
durant la nuit.
Je ne peux pas avoir inventé cela; je ne suis pas médecin.
J'ai entendu cela de quelqu'un de votre groupe. Pourriez-vous me dire si c'est
fondé ou non?
M. Larose: Vous ne l'inventez pas; c'est une
réalité, mais ce n'est pas une pratique courante, semble-t-il. Je
n'ai pas d'exemple précis à vous donner et je n'ai jamais
pratiqué dans des centres hospitaliers où cela se faisait. Mais
j'ai entendu dire probablement de la même façon que vous -que,
dans certains milieux de Montréal, des internes qui pratiquaient seuls
à l'urgence la nuit voyaient, le matin, leur patron encaisser la
tarification correspondant aux actes qu'ils ont posés durant la nuit.
Chez certains, il y avait justification qui était faite, parce que les
dossiers étaient révisés. Chez d'autres, il n'y a pas de
révision du dossier. Cette pratique n'est pas une pratique courante.
Cela répond vraiment à des cas particuliers et à des
individus, mais c'est une réalité.
M. Chevrette: Merci. Pour ce qui est des gardes, vous savez qu'on
a procédé à une nomination; on peut l'officialiser ce
matin puisque la personne a accepté. Nous avons nommé le recteur
Gérard Bonin, qui est présentement à la retraite, qui sera
un peu l'ombudsman des plaintes dans les cas d'abus de gardes ou du non-respect
de la clause de convention collective 1314. J'aimerais savoir si, selon votre
perspective à vous, ce sera suffisant comme mécanisme ou si vous
considérez que, sur le plan des mentalités, vous avez tellement
de craintes que peu d'individus, même là, porteront plainte.
M. Larose: Je pense que le mécanisme va être
inefficace. Je vais vous expliquer pourquoi. Premièrement, il n'y a
effectivement pas beaucoup de plaintes, pour plusieurs raisons. Il y en a une
que j'ai énoncée tout à l'heure, que vous pourrez voir de
façon plus détaillée dans notre mémoire qui est que
les résidents et les internes sont des individus qui, psychologiquement
- et c'est une réalité; ils sont choisis pour cela à leur
entrée à l'université - ont un besoin de
réalisation particulier qui fait qu'ils ont beaucoup de
difficulté à refuser une tâche et aussi à admettre
leurs faiblesses, au point même qu'ils vont aller à l'encontre de
leur propre santé. Cela ne se vit pas uniquement chez les
résidents et les internes; cela se vit également chez les
médecins en pratique qui travaillent parfois jusqu'à 100 heures
par semaine dans certains milieux. C'est une première raison qui fait
qu'il n'y a pas de plaintes. C'est une question d'orgueil personnel.
La raison fondamentale, cependant, c'est que les gens ont peur des
représailles. Il faut penser que, quand ils portent une plainte, c'est
impossible que l'anonymat soit conservé parce qu'on enquête
après. Même s'il y avait un ombudsman, il faudrait qu'on aille
voir dans les milieux. Ce serait, évidemment, très facile de
vérifier qui a porté la plainte.
Souvent, dans certains services, il y a deux ou trois résidents.
Ce n'est pas compliqué de savoir qui n'a pas voulu faire ses gardes.
Dans la mesure où même l'anonymat pourrait être
conservé, où il y aurait suffisamment de résidents pour
que
l'anonymat ne soit pas violé, le temps que l'enquête ait
lieu et que le résident soil obligé de faire sa garde pour ne pas
se dénoncer lui-même - le stage dure, en général,
quelques mois - avant que tout soit, terminé, le stage va
déjà être fini.
Il faut bien réaliser que le problème de la garde, ce
n'est pas le problème de l'ensemble des résidents et des
internes. On n'a jamais dit que tous les résidents et les internes
étaient contraints, de façon régulière, à
des gardes aux deux ou aux trois jours. Il y a un certain nombre de nos membres
qui est fluctuant; je vous donne un nombre approximatif qui est 200 ou 300
résidents à la fois, pas toujours les mêmes. Ceux-ci,
pendant les périodes de leur formation, subissent un stress qui est trop
important et qui correspond à une garde aux deux ou aux trois jours.
Moi-même, je l'ai vécu à un certain moment en
pédiatrie pendant deux mois et je peux vous assurer que ce n'est pas
quelque chose de très facile.
C'est dans cet esprit que, même si les abus ne touchent pas 80 %
des gens, c'est peut-être 15 % ou 20 %, quand on parle de
prévalence, je pense qu'il faut que des mécanismes soient mis en
application. Le mécanisme qu'on vous propose est un mécanisme
monétaire dans le sens que,lorsque la norme est
dépassée à la garde, c'est-à-dire qu'un individu
fait des gardes aux deux ou trois jours, il est rémunéré.
À ce moment-là, automatiquement, il n'a pas besoin de porter
plainte, quelqu'un quelque part doit sortir de l'argent. Si c'est le centre
hospitalier, automatiquement, il sera obligé de prendre des mesures pour
ne pas grever son budget. Cela n'a l'air de rien, mais trois ou quatre
résidents de garde en même temps en surplus par nuit...
M. Chevrette: M. Larose, vous êtes en train de me dire que,
pour faire appliquer un contrat collectif de travail, il faut que la
société paie. C'est un peu ça, indirectement. Je ne dis
pas que ce ne serait pas efficace, je ne doute pas de l'efficacité,
mais, comme ministre responsable, si j'entends bien vos propos, vous me dites:
La seule façon de corriger cette aberration qu'on fait subir aux
résidents et internes, c'est que la collectivité commence par
mettre la main dans son portefeuille et qu'elle paie. Est-ce que vous ne
trouvez pas ça aberrant dans un système qu'on dit
démocratique correct?
M. Larose: M. le ministre, je comprends une chose, c'est que la
société, actuellement, consomme des soins médicaux et que
ces soins doivent être dispensés par les médecins» La
société paie le prix des médecins qui font ce travail.
Dans cette optique, les résidents sont là pour fournir des
services, mais ce n'est pas leur orientation première; ils sont
là d'abord pour apprendre. Ils fournissent des services parce qu'ils se
trouvent à apprendre sur les lieux et que c'est une coïncidence
d'événements, si on veut.
Donc, on ne doit pas baser le système de santé sur la
présence des résidents et des internes dans les centres
hospitaliers, il doit être basé sur la présence des
médecins. Les résidents sont là pour apprendre, comme un
succédané, si l'hôpital est un centre hospitalier
universitaire. Dans cet esprit, je ne veux pas faire porter le fardeau à
l'ensemble de la société, mais si effectivement on a besoin de
plus de médecins, il faudrait les former et ne pas se décharger
sur la Fédération des médecins résidents et
internes pour remplir des trous. C'est ça qu'on dit.
On va vous démontrer dans les prochains jours qu'il n'y a pas
beaucoup de problèmes, semble-t-il. On va vous dire qu'il n'y a
pratiquement pas de gens qui font des gardes en surplus. Or, si c'est vrai, si,
effectivement, comme vont l'affirmer les hôpitaux et les
universités, il n'y a pas beaucoup de problèmes, ça ne
coûtera pas cher et on va régler ce problème
définitivement et rapidement.
Si, par contre, c'est vraiment un problème majeur, qu'il y a des
centaines de résidents - moi-même, je ne suis pas capable d'avoir
les chiffres exacts et je suis le président de la
fédération - ce sera justement à l'État et aux
Québécois de prendre leurs responsabilités, soit de
consommer moins de soins médicaux, soit de payer pour. Mais il y a une
réalité que nous ne sommes pas prêts à tamponner
encore une fois et c'est cette réalité que j'apporte.
M. Chevrette: Que répondez-vous, Dr Larose, à
l'argumentation suivante? J'ai rencontré plusieurs médecins qui
me disent: Vous devriez faire attention, M. le ministre, à ce que vous
accorderez aux résidents et internes parce que vous pourriez vous
retrouver avec des jeunes filles et des jeunes hommes qui, parce qu'on a
été tellement sévère sur la grille horaire,
n'auront pas vécu une gamme de cas suffisamment large pour leur
permettre d'avoir une expertise ou une formation adéquate dans leur
secteur ou spécialité?
M. Larose: Je vais vous répondre verbalement; je l'ai dit
tout à l'heure, c'est écrit dans le mémoire.
Premièrement, la garde se fait par supervision, au
téléphone. Quelques patrons, parfois, se déplacent s'il y
a des complications à l'urgence et des cas problématiques; c'est
très rare. Deuxièmement, trop souvent, des patrons ne
répondent même pas aux appels qui leur sont communiqués par
téléavertisseur. Donc, qu'on ne me parle pas de la valeur
pédagogique de la garde.
Quand on parle de l'exposition au nombre de cas, je suis parfaitement
d'accord que la fréquence de garde permet l'exposition à des cas
qu'on ne verrait pas de jour, si on veut. Ce sont des cas qui arrivent à
l'urgence et qu'on observe sur place. Dans les centres hospitaliers, la nuit,
il y a des problèmes particuliers qui se présentent, où
l'interne ou le résident est confronté avec lui-même, et
qu'il doit résoudre éventuellement en communiquant avec un
superviseur, s'il est capable d'en trouver un.
Cependant, ce que nous alléguons, c'est que cet apprentissage
doit se faire avec une certaine limite. C'est-à-dire qu'à force
de ne pas dormir les gens n'apprennent plus rien. Cela, c'est une
réalité. Quand on constate qu'actuellement les gens font des
gardes de 24 heures, de 17 heures jusqu'à 8 heures le matin, et qu'en
général - c'était en général et non pour un
cas particulier - ils ne peuvent pas se reposer le lendemain et aller dormir,
on assiste à des situations où des résidents en
médecine interne, en chirurgie et même dans d'autres
spécialités passent 36 heures de suite à l'hôpital.
On observe même des situations comme en neurochirurgie où des gens
passent 36 heures toutes les 48 heures à l'hôpital pendant les
deux années de leur résidence junior. C'est, à mon avis,
un non-sens.
M. Chevrette: Je sais que mon temps est écoulé}
donc, pour respecter l'alternance, je reviendrai...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. De votre
mémoire et de vos remarques, j'ai dégagé trois
schèmes d'intervention principaux: les facteurs personnels qui affectent
les médecins résidents et internes, les facteurs professionnels
et les facteurs pédagogiques. En ce qui a trait aux facteurs personnels,
vous résumez dans votre mémoire de quelle façon un
être humain, qui est résident et interne, peut être
affecté par une surchage de travail. Sur le plan professionnel, vous
faites mention de la possibilité d'erreurs de diagnostic; quelqu'un a
témoigné tantôt à cet effet. Sur le plan
pédagogique, vous nous dites, finalement: On est plus là pour la
prestation de services que pour un enrichissement personnel et de
l'apprentissage.
Ce qui me surprend - je vous pose un peu bêtement la question -
c'est que, tant en ce qui regarde le médecin résident et interne
qu'en ce qui concerne le bénéficiaire qui a à recevoir des
services de vos membres lorsque vous êtes dans les salles d'urgence ou
ailleurs, la seule conclusion que vous tirez est la suivante, que l'on retrouve
à la page 34 de votre mémoire: "Le seul mécanisme qui ne
soit pas préjudiciable au résident et à l'interne et qui
porte par son caractère monétaire une "garantie"
d'efficacité est le paiement des gardes excédentaires.
Désormais, personne ne peut douter de la nécessité de
préserver la norme actuelle comme fréquence de garde maximale. La
qualité des soins et de la formation médicale en
dépendent. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et
instaurer ce mécanisme de contrôle efficace que propose la FMRIQ!"
Ce n'est pas une demande monétaire si on lit cela comme cela?
M. Larose: Non, monsieur. Actuellement, dans certains milieux
américains, et en particulier en Saskatchewan, on a établi une
norme pour la garde. On paie les gardes en excédent, semble-t-il, cela a
réglé le problème. Ce n'est pas une demande
monétaire, c'est une espèce de caution. C'est-à-dire que,
si un individu n'est pas contraint à faire plus de gardes,
automatiquement, il n'y a aucun déboursé. Si, effectivement, on
est cohérent avec ce qu'on a affirmé et avec ce qu'on a
écrit dans la convention collective, automatiquement, il n'y aura pas
d'argent à dépenser. On nous a dit que c'était interdit
aux centres hospitaliers - c'est écrit dans la convention - de demander
plus de gardes que la norme établie. Dans cet esprit, si vraiment
l'interdiction vaut, il n'y aura aucune dépense. Tout ce qu'on dit,
c'est que l'individu qui est contraint de dépasser la norme, qu'on le
paie quand il dépasse la norme. On ne demande même pas le paiement
de la garde de base, on vous demande de payer les surplus de telle sorte qu'il
n'y ait pas de surplus.
M. Paradis: Votre objectif, si je le comprends bien, c'est qu'il
n'y ait pas de surplus. Le centre hospitalier, dans un tel encadrement,
pourrait décider, parce qu'il manque de personnel, qu'il manque de
ressources, d'utiliser, en deça de la norme, les médecins
résidents et internes, et de dire: On va vous payer les surplus.
À ce moment-là, les facteurs personnels, le facteur stress, les
facteurs pédagogiques demeurent.
M. Larose: Non, monsieur.
M. Paradis: Ce n'est pas parce que vous êtes
rémunérés, finalement, que le facteur stress va diminuer.
Cela ne vous donnera pas plus d'heures de sommeil.
M. Larose: Monsieur, on ne parle pas de la même chose.
D'accord?
M. Paradis: D'accord. C'est pour cela que j'ai posé la
question.
M. Larose: Je ne demande pas qu'on soit
rémunéré pour avoir le privilège d'en faire plus et
de faire de l'argent, ce n'est pas ce que je vous dis. Ce que je vous dis,
c'est qu'on ne veut pas en faire plus et on veut que la norme soit
respectée. Il est écrit dans la convention que c'est interdit de
nous le demander. C'est rien que cela qui est écrit. On n'a qu'à
ne pas nous le demander et on n'en fera pas plus. Ce que je vous dis, c'est que
cela prend un gars qui est pratiquement malade pour aimer faire des gardes aux
deux jours. C'est un non-sens. Qu'on observe la pratique médicale dans
son ensemble et pas uniquement les résidents et les internes, on
retrouve chez les médecins du Québec et des autres milieux, que
ce soit aux États-Unis ou dans les provinces anglophones, le plus haut
taux de suicide, le plus haut taux de divorce, la plus courte espérance
de vie et tout le bataclan. (11 h 15)
Actuellement, les médecins québécois et ceux
d'ailleurs prônent de plus en plus une amélioration de leur
qualité de vie. Ils ne veulent plus travailler comme des fous 70
à 100 heures par semaine. Nous aussi, nous voulons être comme cela
et nous ne voulons surtout pas que, parce que nos aînés le font,
on soit obligé de travailler plus. C'est ce qui se produit
actuellement.
M. Paradis: À supposer que l'entente soit respectée
et que cela fonctionne comme vous le souhaitez, il y a deux facteurs qui
pourraient s'en trouver améliorés: le facteur de stress personnel
et le facteur professionnel, la possibilité de poser un diagnostic sans
être sous stress, etc., mais le facteur pédagogique demeure. Votre
conclusion ne tient pas compte de ce facteur pédagogique. À mon
humble point de vue, si le gouvernement disait: Oui, il va y avoir respect
intégral, prenez les mesures appropriées, etc., cela
réglerait les deux premiers facteurs, mais le troisième, qui est
le facteur pédagogique comme tel, je ne vois pas de quelle façon
votre conclusion peut y apporter une solution ou une amélioration de ce
que vous vivez présentement.
M. Larose: II y a trois éléments. Je vais
répondre aux deux premiers et, si vous me le permettez, Mme la
Présidente, je vais demander à notre conseiller juridique de
répondre au troisième.
Premièrement, le gouvernement a déjà dit oui au
respect de la norme. On l'a négocié et on l'a obtenu. Donc, le
oui est déjà accordé. Tout ce que l'on demande, c'est le
mécanisme pour assurer que cela va fonctionner.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'aspect pédagogique de
la garde - je l'ai démontré tantôt et, si cela vous tente
de venir dans un hôpital passer une semaine avec nous, vous allez voir ce
que c'est que l'aspect pédagogique d'une garde - on est bien d'accord
qu'être tout le temps à l'hôpital, 24 heures sur 24, 365
jours par année, cela permet de voir tous les cas qui passent. C'est une
réalité, mais à un moment donné il y a une limite
que l'on ne veut plus dépasser. C'est vrai que plus tu es là
longtemps, plus tu vois du monde, mais à un moment donné cela n'a
plus de bon sens. Il faut quand même que tu ailles te laver de temps en
temps, que tu prennes le temps de manger, puis il y a des petits besoins
naturels qu'il faut satisfaire.
Mme la Présidente, vous m'excuserez si je deviens un peu
fâché par cette situation, mais c'est un problème qui nous
touche beaucoup et moi-même, j'en ai vécu des gardes comme
celles-là.
M. Paradis: Plus précisément, si vous me le
permettez, docteur, la question de la supervision comme telle, parce que cela
aussi, si l'entente est appliquée, si on lui donne les dents
nécessaires, finalement...
M. Larose: Je vais vous donner un exemple.
M. Paradis: D'accord.
M. Larose: Si, la nuit dans un hôpital, alors que je dors
depuis dix minutes, une infirmière m'appelle et me dit: II y a un
patient qui tousse au 303 C, je me rends au 303 C, j'examine le patient et je
découvre qu'il a un épanchement pleural, si je suis au
début de ma résidence, j'appelle le résident senior. Le
résident senior, s'il ne sait pas ce que c'est, il appelle le patron.
S'il sait ce que c'est, le patron ne sera pas dérangé, puis il
règle le problème. Il n'a absolument rien appris, il a
réglé un problème. Peut-être que quelquefois dans la
semaine il va y avoir des problèmes dramatiques et particuliers, mais il
n'apprendra rien de nouveau. Ce qu'il apprend, c'est à faire une
routine. La routine, qu'il l'apprenne en quatre mois de suite ou que l'on
étale les quatre mois sur quatre ans et qu'on lui fasse faire des gardes
régulières, il va l'apprendre de toute façon. "Manager" un
Infarctus, on peut l'apprendre en étant exposé pendant quatre
mois de suite, à toutes les nuits, à des infarctus. On peut
l'apprendre aussi en étant exposé le même nombre de nuits,
mais réparties sur quatre ans. C'est cela, la situation.
Ce que l'on dit, c'est qu'on est d'accord pour voir le plus de cas
possible, mais il faut aussi respecter une chose essentielle. C'est qu'à
un moment donné, quand tu ne dors pas, cela ne t'apporte plus rien de
voir des cas et aussi que la grande partie du temps attribué à la
garde correspond à rendre des services et non pas à apprendre
quelque chose. Je serais prêt à
inviter n'importe quel membre de la commission à venir s'asseoir
avec nous. On pourrait même vous présenter des journalistes qui
l'ont fait. Vous l'avez probablement vu dans les médias d'information,
la situation d'apprentissage est à peu près nulle au cours d'une
garde.
Si vous me le permettez, je vais laisser la parole à Me
Castonguay.
M. Castonguay (Jacques): Ce que je voulais simplement ajouter sur
la question que vous avez posée, c'est ceci. Je travaille pour la
fédération depuis 1977 et je peux vous dire que la
nécessité pédagogique des gardes plus fréquentes,
qu'on trouve dans la convention, c'est un problème qui a surgi à
partir du moment où on a parlé de contingentement, parce que,
assez étrangement, en 1977, quand il n'y avait pas de contingentement,
qu'il y avait donc beaucoup plus de résidents, on ne nous a jamais dit
que la garde de un sur quatre ou de un sur trois à domicile
n'était pas suffisante ou que, s'il fallait faire du un sur deux
parfois, cela devenait très impartant. C'est une situation qui
n'existait pas, donc on n'en entendait pas parler.
L'autre élément sur la nécessité
pédagogique des gardes, c'est que dans la convention terminée
depuis 1982, quand on l'avait signée en 1979, il avait été
prévu une période de trois ou quatre mois, si je me souviens
bien, au début de la convention, qui permettrait aux intervenants du
milieu de venir nous voir et de nous justifier des gardes plus
fréquentes que celles de un sur quatre et de un sur trois à
domicile et que cela pourrait donc permettre d'engager des négociations
et parfois donc une norme plus souple pour certaines spécialités.
Personne durant cette période de quatre mois n'est venu nous voir pour
nous dire: C'est très important dans telle spécialité. Un
sur quatre, cela n'a pas de sens. Vous ne verrez pas suffisamment de cas.
Personne n'est venu nous voir. De cette façon, la norme a donc
été fixée en permanence dans la convention et je vois mal
comment on peut nous dire aujourd'hui: Maintenant, ce n'est pas suffisant. Je
pense qu'on avait l'occasion de le faire en 1979 et on ne l'a pas fait.
M. Paradis: Une autre question, Mme la Présidente, qui
touche la planification de la maîn-d'oeuvre médicale comme telle.
On se retrouve en pénurie dans plusieurs spécialités,
même dans les centres urbains, comme cela a été
mentionné, et de façon plus spécifique dans les
régions et encore de façon plus spécifique dans les
régions qu'on dit éloignées ou
périphériques. Vous avez parlé ou un de vos porte-parole a
parlé de l'abolition du contingentement. Est-ce que c'est la mesure que
vous proposez?
M. Larose: II y a là plusieurs choses auxquelles il faut
penser. Premièrement, il y a la planification générale des
effectifs médicaux et, deuxièmement, il y a la répartition
de ces effectifs. La planification générale doit se faire
dès l'entrée en médecine. Donc, on devrait laisser un
marché libre pour les gens qui veulent entrer en
spécialité et on est bien d'accord pour limiter le nombre
d'entrées en médecine en faculté, il y a une
capacité d'accès qui est quand même limitée, mais,
quand même, pour les gens qui ont déjà leur formation
d'omnipraticien et qui désirent entrer en spécialité, on
devrait laisser les choses de façon qu'il y a ait un libre marché
dans ce sens-là et qu'on ne se retrouve pas avec une pénurie de
spécialistes, comme c'est en train d'être le cas actuellement. On
oublie qu'à certaines époques on a formé beaucoup de
spécialistes, en particulier dans certaines disciplines, et que cela a
été fait sur des cohortes, de telle sorte qu'il y a des
spécialités où l'âge moyen est assez
élevé et où on risque à un certain moment de se
retrouver avec pratiquement la totalité des effectifs qui prennent leur
retraite dans un très court laps de temps. Or, il faut penser que, pour
reproduire ces spécialistes, cela prend dix ans. On se retrouve alors
à une époque qui correspond aux années quarante ou
cinquante où on devait importer de l'extérieur nos
spécialistes parce qu'on n'était pas capables de les produire
nous-mêmes; on a utilisé ces spécialistes pour former nos
propres spécialistes et, malheureusement, aujourd'hui, on n'est plus
capables de suffire à la demande nous-mêmes. Donc, il faudrait les
contingenter à la base pour améliorer la planification
générale.
En ce qui concerne la répartition des effectifs, ce qu'on
demande, c'est non pas l'abolition du contingentement, mais l'abolition du
décret. Le Dr Bergevin, qui est quand même connu, a
proposé, à la suite des recommandations qui ont été
faites à la table de concertation du 6 mai 1984 sur la
répartition des effectifs médicaux, un ensemble de mesures
incitatives qui ont été mises en application au cours de
l'année et qui sont encore en train d'être mises en application.
Lors de cette table de concertation, on avait beaucoup insisté sur
l'aspect incitatif d'envoyer des gens en périphérie et non pas
sur l'aspect contraignant. On se rappelle que les milieux
périphériques eux-mêmes, qui pourtant vivent les
problèmes, favorisent les mesures incitatives, tout simplement en
alléguant le fait que tu ne peux pas desservir une population quand tu
es contraint de le faire. La médecine, cela ne se fait pas sur des
automobiles, mais sur du monde et tu ne peux pas traiter un patient que tu hais
parce que tu es obligé de vivre à côté de lui et
que tu ne le veux pas. Dans cet esprit, il faut quand même se
rendre sur place volontairement et desservir cette population.
Donc, ce qu'on pense, c'est que le décret actuel, par son
caractère exclusivement punitif, ne sert à rien et que le terme
de trois ans est de beaucoup trop long. Les gens, plutôt que de se plier
aux exigences du décret, se disent: Trois ans, c'est trop long. Si j'ai
une "job" en ville, je vais la perdre. Si je suis marié, je vais perdre
ma femme. Donc, je reste en ville. Par contre, il faudrait utiliser les
mécanismes actuels de façon à rendre au moins
potentiellement le décret incitatif en prenant en considération
qu'effectivement il est là, que c'est un texte de loi, c'est un
décret, que c'est très difficile de retirer une parole qui a
été donnée d'une certaine façon à la
population. Quand on dit: On va prendre tous les moyens possibles, incluant la
punition, pour envoyer du monde en périphérie, si, au moins, on
disait: Les gens qui font une année en périphérie, un
terme d'un an, lorsqu'ils vont revenir, on les exonérera du
décret, dans un premier temps, les gens auraient à
réfléchir entre les avantages actuels proposés par le Dr
Bergevin, plus la surtarification, donc une tarification pour un omnipraticien,
par exemple, de 115 % à 70 %. En étant exonérés du
décret, un an en périphérie représente 115 % et 100
% et 100 % pour les deux autres années, alors que, pour celui qui ne s'y
rend pas, cela représente 70 % pour trois ans. L'objectif de cette
mesure était, justement, de créer un écart. Or,
l'écart est créé de façon importante la
première année et, en plus, la possibilité
d'échapper à la périphérie pour les deux autres
années augmente l'incitatif et nous permettrait d'envoyer des gens pour
une année. Ce qu'on dit, c'est d'envoyer les gens pour une année,
et le milieu lui-même devra faire la preuve de sa capacité
à garder ces gens. Dans cet esprit, dans un premier temps, on pourrait
procéder de cette façon et, dans un deuxième temps,
prendre conscience que, lorsque les milieux seront nantis en médecins,
on poura réduire le terme de trois ans à deux ans pour ceux qui
n'y vont pas et, éventuellement, le réduire à une seule
année et peut-être même l'abolir complètement
lorsqu'on aura nanti nos milieux périphériques et qu'une routine
aura été établie.
En procédant de cette façon, le gouvernement
éviterait l'odieux de retirer sa parole et agrémenterait l'odieux
subi par les médecins qui ne sont absolument pas favorables à
cette mesure d'une possibilité de la faire disparaître à
plus ou moins long terme et, en même temps, d'atteindre les objectifs,
c'est-à-dire desservir les milieux périphériques.
Ce qu'on dit, c'est: Abolissez le décret.
Si jamais vous nous dites que c'est impossible, qu'il n'y a pas moyen,
que c'est coulé dans le béton, au moins, faites en sorte que
cette mesure soit incitative, parce que, actuellement, elle ne sert absolument
à rien. C'est beaucoup trop long.
M. Paradis: J'aurais une autre question à adresser au Dr
Dorion. Dr Dorion, vous avez fait un exposé à partir de notes et
vous avez traité des médecins étrangers comme tels. Il y a
des choses qui m'ont frappé, mais c'est allé rapidement et je
n'ai pas eu le temps de les prendre en note. Est-ce que vous pourriez reprendre
cette partie de votre exposé? Vous parliez des médecins
étrangers qui pratiquaient en région, etc., par rapport aux
centres urbains.
M. Dorion: Oui. J'étais tout simplement en train de dire
que, présentement, il y a quand même des besoins manifestés
par la population en périphérie, surtout en psychiatrie,
où c'est facile de créer les besoins en même temps. Une
fois qu'ils sont créés, il faut répondre aux besoins.
Alors, plus que par le passé, la nécessité d'avoir des
spécialistes devient plus criante dans la perspective où tout le
monde, présentement, a conscience de ses droits; pas de ses devoirs,
mais de ses droits. II y a donc des urgences qu'on appelle relatives à
avoir, en périphérie, des spécialistes en psychiatrie.
C'est dans ce contexte qu'il y a eu de l'itinérance, par exemple,
à Gaspé, mais qu'à un moment donné cela a
cessé. Il y a eu la crise de Gaspé qui a fait la manchette des
journaux. Pour éviter de frustrer plus longtemps une population, on est
obligé de recourir à des médecins étangers, ce qui
se fait présentement. Je pense que, pour des régions
éloignées, c'est peut-être pensable d'aller combler
l'urgence de cette façon, mais que, dans les villes, ça l'est
peut-être moins.
M. Paradis: Si vous me permettez une question additionnelle, Mme
la Présidente: Quelle est la différence pour le
bénéficiaire entre un médecin étranger qui
pratiquerait à Gaspé et un médecin étranger qui
pratiquerait à Québec?
M. Dorion: On pourrait trouver d'autres méthodes encore
plus incitatives pour permettre à la masse de psychiatres ou de
spécialistes qui sont en ville de se déplacer dans les
hôpitaux, du moins en périphérie, qui sont en manque de
façon temporaire, jusqu'à ce qu'on puisse combler le manque
d'effectifs médicaux. Ces moyens incitatifs n'existent pas. On a
toujours pensé en termes de régions très
éloignées. Mais il ne faut pas oublier qu'ici à
Québec, à Robert-Giffard, il y a un manque énorme de
psychiatres - on n'a pas pensé à cela -
comme à Louis-Hippolyte-Lafontaine ou à Jean-Talon, dans
certains secteurs de Montréal. Encore plus, par exemple, à
Lévis ou à Montmagny, où il y a une crise importante de
certains effectifs médicaux, on n'a pas pensé à des
incitatifs pour cette périphérie en bordure des villes. Ce
serait, à ce moment-là, beaucoup plus facile d'en trouver parce
que cela ne demande pas des déménagements de familles. Le divorce
n'est pas en cause. Le médecin peut partir le matin et revenir le soir.
Il y a des facteurs comme ceux-là qui peuvent être
considérés. Dans ce contexte, je vois mal comment on pourrait
régler immédiatement ce problème en recrutant des
médecins étrangers.
(11 h 30)
M. Paradis: Mme la Présidente, vous m'avez indiqué
que mon temps était écoulé, mais j'aurais une
dernière question si le ministre le permet. D'accord?
Dans une tournée qu'on a effectuée dans la province, on a
eu beaucoup de plaintes, autant de la part des médecins
généralistes que des spécialistes et des résidents
et internes concernant le rôle du conjoint. Les effectifs médicaux
sont de plus en plus féminisés, si on peut utiliser cette
expression. Mais, d'un côté comme de l'autre de la clôture,
on dit que la difficulté pour les régions
périphériques éloignées de retenir le
médecin ou le résident provient du fait que le rôle du
conjoint, soit sur le plan gouvernemental, soit sur le plan de la
localité ou de la région, on ne s'en occupe pas, on ne s'y
attarde pas. Le conjoint passant 18 heures ou 20 heures seul à la maison
six ou sept jours par semaine, cela devient intenable sur le plan conjugal et
tous les efforts qui ont été faits, qu'ils soient valables ou
pas, tombent à l'eau parce qu'on n'a pas tenu compte de cette
possibilité.
M. Larose: En fait, M. le député, il y a
différents milieux qui se situent entre deux pôles. Il y a le
grand centre urbain où le médecin retrouve tout ce qu'il veut,
les activités culturelles, les activités sociales, les
activités professionnelles et tout ce qu'il peut désirer, comme
la plupart de la population le désire, et il y a le centre très
éloigné. On pourrait parler de Frobisher Bay ou de Fort-Chimo,
des endroits comme ceux-là, très isolés où, quoi
qu'on fasse, on ne retrouvera jamais ce qu'on peut retrouver dans un grand
centre. Entre les deux, il y a, évidemment, toute la gamme des villes ou
localités où on peut retrouver des situations
intermédiaires.
Dans cet esprit, il faut penser qu'on ne peut pas demander à un
résident de Gaspé ou de Blanc-Sablon, qui vit là depuis 30
ans, 40 ans, 50 ans ou 70 ans, de venir rester à Québec où
il y a des médecins. Il va nous répondre: Écoutez, ma
famille est ici, ma "job" est ici, mes enfants sont ici, j'ai toujours
vécu ici et j'aime cela. De la même façon, un gars qui
vient de Québec, de Trois-Rivières ou de Montréal, c'est
assez difficile de lui dire: Va donc t'implanter là-bas jusqu'à
la fin de tes jours. Il va répondre la même chose: Ma famille est
ici, ma "job" est ici, mes amis sont ici et j'aimerais bien rester ici.
Dans cet esprit, il va falloir réaliser qu'il y a des milieux
où on ne pourra jamais établir une permanence médicale,
sauf pour certaines exceptions. Cependant, entre cela et une itinérance
pure où on a trois ou quatre médecins qui y vont durant le mois
et qui coûtent une fortune en frais de déplacement et qui restent
deux jours chacun, il y aurait une possibilité d'établir une
médecine temporaire. Comme je vous le disais tout à l'heure, on
pourrait prendre comme objectif le terme d'une année, qui n'est pas trop
pénalisant pour un individu. Il peut laisser sa femme à
Québec, à Montréal ou dans un autre centre avec ses
enfants et, éventuellement, se déplacer une fois par mois, ce qui
coûterait beaucoup moins cher que quatre déplacements. Cet
individu serait sur place pendant trois ou quatre semaines dans le mois au lieu
d'un total de huit jours.
Nous pensons donc que c'est au milieu de garder les gens. Si un milieu
n'est pas capable de retenir son monde, effectivement, les gens ne sont pas
intéressés à y rester. On ne peut pas contraindre
quelqu'un, de force, à rester à un endroit. On n'est pas en
Sibérie, ici, on est au Québec. Je pense qu'en favorisant ce
genre de médecine temporaire il y a des gens qui vont rester. Si, dans
un milieu, on retient 15 % des médecins, tant mieux; entre 0 % et 15 %,
c'est déjà quelque chose. Là, ils ne vont même pas
voir parce qu'ils ont peur. Si dans les milieux on retient 50 % des
médecins, tant mieux, car, actuellement, on en retient peut-être
10 %. Si dans certains milieux on retient tous les médecins, cela fera
ta preuve que ce milieu est comparable à un grand centre. II y a des
milieux comme Rimouski, Rouyn-Noranda, et des endroits semblables, où
les gens qui s'y rendent restent en général plusieurs
années et on a finalement une médecine permanente.
Cependant, l'individu de la ville qui pense partir pour au minimum trois
ans a une inquiétude face à son avenir, alors que, s'il se
déplace pour une année, automatiquement, il prévoit son
retour, il planifie, il prévoit une "job" en revenant. Sa femme peut
rester sur place avec ses enfants, il peut se déplacer
régulièrement, cela coûte moins cher au système et
la population est mieux servie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre.
M. Chevrette: M. Larose, j'ai écouté
avec beaucoup d'attention votre échange avec le
député de Brome-Missisquoi. Il m'apparaît qu'il y a des
choses qui accrochent un peu. Tout d'abord, la stabilité de la
main-d'oeuvre médicale. Vous semblez, par votre proposition d'un an,
trouver là le remède à tous les maux. Je pense que, dans
nos régions naturelles, il y a des moyens de rétention de
personnel ou de gens beaucoup plus par le biais des équipements
médicaux, par exemple. On sait très bien qu'on n'a jamais
doté nos capitales régionales d'équipement adéquat.
Il y a des gens qui veulent exercer d'une façon professionnelle et,
s'ils avaient l'équipement nécessaire, ce serait peut-être
un meilleur incitatif que la question pécuniaire ou l'obligation de
faire un an de stage en dehors de leur milieu dit naturel.
D'autre part, si on laissait aux professions médicales le soin de
dresser à elles seules les plans quinquennaux de planification, je ne
sais pas comment on se ramasserait en bout de course comme
société. Cela m'amène à vous poser deux questions.
Tout d'abord, M. Castonguay vient d'affirmer devant nous que les
problèmes vécus au niveau des internes ou des résidents
remontent à 1977 avec l'avènement du contingentement. J'aimerais
qu'il concilie cela avec l'énoncé de son mémoire, en page
4, en haut, qui traite de ce problème à compter de 1965.
M. Castonguay: De quel mémoire parlez-vous?
M. Chevrette: Votre propre mémoire, celui que vous avez
déposé.
M. Castonguay: II y en a quatre.
M. Chevrette: Page 4: Heures de travail. Je vous lis votre
phrase.
M. Castonguay: Sur la planification?
M. Chevrette: Oui. "En 1965, le nombre d'heures où
l'interne ou le résident est tenu d'être présent à
l'hôpital varie de 80 à 140 heures. Il est de garde de 24 à
36 heures sur 48 durant la semaine et il demeure en service du samedi matin au
lundi soir durant les fins de semaine. " C'est dans votre propre texte. Si le
problème était là en 1965, je voudrais savoir quel effet a
eu le contingentement en 1977.
M. Castonguay: Ce que je vous ai dit sur le contingentement...
D'abord, ce n'est pas en 1977 qu'on a commencé à en entendre
parler, c'est en 1979. Cet élément de la valeur
pédagogique des gardes, c'est une chose dont on a entendu parler
à ce moment-là. Avant cela, personnellement, je n'en avais jamais
entendu parler. Tout à coup, en 1979 ou autour de 1979, quand le
contingentement a commencé, on a commencé à nous dire
qu'il y avait là un aspect pédagogique très important,
qu'il fallait qu'il y ait beaucoup de gardes. C'est dans ce contexte qu'en
1980, quand le contrat qui s'est terminé en 1982 a été
signé, on nous a convaincus de mettre dans la convention collective
qu'on pourrait venir nous voir pour négocier des gardes plus
fréquentes, compte tenu, justement, de cet aspect pédagogique.
Mais personne n'est venu nous voir, ni le gouvernement, ni les facultés,
ni la corporation professionnelle.
M. Larose: Si vous me le permettez, Mme la Présidente, M.
Gouin, le directeur général voudrait compléter.
M. Gouin (Jean): En fait, ce que le ministre Chevrette apporte,
c'est plutôt un exemple qu'on a donné en 1965 d'une situation
donnée. Par contre, si on se réfère à notre
quatrième mémoire, à la page 3, on voit très bien
la diminution des effectifs, du nombre de médecins résidents et
internes depuis 1975-1976. On se souviendra qu'en 1968 la remise en question du
contingentement avait été abordée par le gouvernement,
prétextant qu'il y avait un surplus d'effectifs médicaux pour
l'avenir.
En 1970-1971, si on regarde le tableau de la page 3 de notre
quatrième document, on avait 2368 résidents et internes au
Québec pour environ 41 centres hospitaliers universitaires. Aujourd'hui,
nous en avons 1796, ce qui signifie une baisse effective et réelle de 24
% et, par conséquent, un accroissement de la tâche d'autant.
M. Larose: Mme la Présidente, si vous me le permettez, je
compléterais aussi l'argumentation. II faut aussi prendre conscience que
depuis 1970 les habitudes de consommation du public ont beaucoup
augmenté et, de plus, la population a aussi un peu augmenté.
Donc, pendant qu'on réduisait le nombre de résidents et
d'internes, la population augmentait et surtout ses habitudes de consommation
ont grandement augmenté.
On cite l'exemple que les gens pouvaient passer 80, 100 ou 150 heures
par semaine à l'hôpital - je ne me rappelle pas les chiffres
exacts - à l'époque. Il faut quand même penser qu'ils
étaient peut-être plus longtemps à l'hôpital, mais
cela ne veut pas dire qu'ils travaillaient plus à l'hôpital.
À l'époque, la médecine était
considérée comme une vocation au même titre que la
prêtrise et, finalement, les gens consacraient pratiquement tout leur
temps à leurs activités académiques. Il y a eu une
modification des mentalisés autant au niveau de la population qu'au
niveau du monde médical. Je pense que la province de Québec
pourrait faire preuve, pour une fois, de leadership dans ce domaine et
permettre aux médecins de vivre au même titre que l'ensemble de la
population québécoise.
J'aimerais aussi répondre à la question indirecte que vous
avez posée tout à l'heure. Vous avez dit: Est-ce qu'on peut
laisser aux médecins le soin de la planification médicale dans un
plan quinquennal? On ne vous demande pas de laisser aux médecins le soin
de la planification médicale. On vous demande la planification d'un
comité permanent qui permette de réunir les différents
intervenants tant au niveau universitaire, parce qu'on parle de la formation
proprement dite, qu'au niveau de la corporation, puisqu'on parle des soins au
public, qu'au niveau du gouvernement, qui paie la note finalement, et qu'au
niveau des fédérations de médecins, de la
Fédération des médecins résidents en particulier,
pour que ces gens-là puissent soumettre leur vision médicale du
problème au lieu de laisser entre les mains de fonctionnaires de
l'État, qui, finalement, n'ont pas cette compétence et cette
expérience, la responsabilité de trancher des débats qui
concernent des soins à la population, donc des soins humanitaires, et
pas uniquement des questions d'argent.
Vous me disiez qu'on propose une norme miraculeuse d'une année.
Ce qu'on vous dit, c'est qu'actuellement les gens vont en
périphérie pour voir ce qui se passe et, souvent, ils ne veulent
pas y rester. Certains y restent, mais je sais qu'il y aurait beaucoup plus de
gens qui iraient voir s'ils savaient que cela fait partie d'un certain plan de
carrière. Proposer ce déplacement d'une année sur une base
volontaire, ce serait déjà, je pense, un incitatif
extrêmement important.
M. Chevrette: Dr Larose, on a beaucoup parlé de la
surcharge de travail des résidents et internes qui était
liée à la résultante d'un stress. Selon les chiffres de la
RAMQ, on remarque qu'il y a 386 résidents sur 1200 qui facturent pour
une moyenne de 19 843 $ par année. Les données que nous avons se
situent entre juillet 1982 et novembre 1984. C'est une moyenne de 10, 6 heures
par semaine. Comment conciliez-vous ces données avec l'affirmation de la
surcharge en garde?
M. Larose: J'ai dit tout à l'heure que le problème
de garde ne touchait pas nécessairement simultanément 95 % des
résidents et des internes. J'ai dit qu'il touche presque la
totalité d'entre eux pendant au moins une partie de leur formation et
certains pendant toute la durée de leur formation. Qui plus est, dans
les jours qui vont venir, d'autres intervenants vont vous démontrer
qu'il n'y a pas de problème de garde et ils vont probablement
réussir, chiffres à l'appui, parce qu'il n'y a pas de plaintes.
Cependant, il y a quand même un pourcentage, peut-être 20 %...
M. Chevrette: Je précise ce que j'ai dit. Les 19 000 $,
c'est pour Urgences-santé. Le reste, c'est 6000 $ en moyenne.
M. Larose: D'accord.
M. Chevrette: À Urgences-santé, vous en avez 386,
pour une moyenne de 19 000 $.
M. Larose: À supposer qu'il y ait, à un moment
donné, entre 10 % et 20 % des résidents en prévalence qui
sont surchargés par leur garde, cela n'exclut pas le problème,
premièrement. Deuxièmement, cela veut dire qu'il y en a 80 % qui
ont peut-être plus de disponibilité. Vous me dites que 300
résidents, cela représente 10 % à 15 % de nos effectifs
qui peuvent se permettre de faire du "moonlighting". C'est évident que,
dans notre système comme ailleurs, il y en a qui en ont la chance. Je
pense à des gens qui oeuvrent dans le domaine de la santé
communautaire ou dans d'autres domaines ou qui ont beaucoup moins de garde,
beaucoup moins de travail - leur travail, c'est plus une activité
académique - et qui rendent des services à la population
québécoise, en particulier à titre d'omnipraticiens. Je
pense, par exemple, à Urgences-santé - c'est ce que vous nous
disiez tout à l'heure - où une grande partie des effectifs, sinon
la majorité, est constituée de résidents, qui ne pourrait
pas survivre et qui, automatiquement, ne fournirait pas un service très
adéquat à la population montréalaise sans la
présence de ces résidents. La main-d'oeuvre étudiante, par
exemple, des spécialistes en formation qui ont déjà leur
permis de pratique, permet actuellement de combler certaines lacunes du
système. Non seulement c'est à l'avantage de la population
québécoise, mais c'est même aussi à l'avantage de
leur formation parce que, dans cet esprit, c'est un peu comme s'ils faisaient
des gardes, mais ils sont payés pour le faire.
M. Castonguay: Me permettez-vous d'ajouter ceci, M. le
ministre?
M. Chevrette: Oui.
M. Castonguay: À ce sujet, on s'est déjà
fait présenter des statistiques un peu analogues aux chiffres de la
régie. Je ne vous dis pas que celles que vous nous présentez
aujourd'hui ont le même défaut, mais celles qu'on nous a
déjà présentées ne tenaient pas compte,
semble-t-il, des gens qui avaient aussi abandonné leur résidence
en cours de route et qui pratiquaient comme omnipraticiens, évidemment,
tout en étant
encore considérés comme des résidents au sens des
chiffres de la RAMQ. Alors, cela a pu fausser un peu les données.
M. Chevrette: On dit que les 30 % qu'on vous donne, c'est
uniquement pour les résidents qui ont fait une année
complète. Cela équivaut à environ 30 %, 386 sur 1200,
à moins que je ne sois pas vite en maths.
M. Larose: Sur 1200, c'est environ 30 %. Là encore, vous
nous parlez d'une moyenne. Il y a des gens qui font beaucoup plus de
"moonlighting". II y a même des résidents, dans des cas
particuliers, qui ont chiffré...
M. Chevrette: Mais, à ce moment-là, ce serait
terrible.
M. Larose: Cela existe.
M. Chevrette: Ceux qui en font plus et qui se plaignent en plus
d'avoir trop de gardes, ils sont arrangés comme un ministre.
M. Larose: M. le ministre.
M. Chevrette: Ils travaillent sept jours par semaine à
raison de 19 heures par jour.
M. Larose: Je peux vous dire - c'est un exemple personnel
puisqu'on est ici pour témoigner - que personnellement j'en fais du
"moonlighting". D'ailleurs, j'ai beaucoup de... (11 h 45)
M. Chevrette: II y en a au moins un qui m'inquiète, parce
qu'il a fait 111 000 $.
M. Larose: Bien, allez le voir et demandez-lui.
M. Chevrette: II ne doit donc pas se plaindre de trop de gardes,
celui-là, dans les hôpitaux, à 111 000 $.
M. Larose: Mais moi, M. le ministre, je peux vous donner un
exemple...
M. Chevrette: Pour votre information, cela varie de 9000 $
à 111 000 $. Donc, ceux qui sont près de 100 000 $, ce ne doit
pas être eux qui sont surchargés dans les salles d'urgence ou par
les gardes. Ils doivent avoir vraiment du un sur quatre, un sur trois et
n'avoir pas grand-chose à faire durant la journée trois et la
journée quatre, entre vous et moi. Je veux bien qu'on en mette, mais,
à un moment donné, trop c'est trop.
M. Larose: Ce que je ne comprends pas, M. le ministre, c'est
comment cet individu peut réussir à passer sa
résidence.
M. Chevrette: Pardon?
M. Larose: C'est quand même un cas d'exception que vous me
citez. Cela existe. Mais je vais vous citer un cas plus
général.
M. Chevrette: Oui, oui. Je suis bien obligé de vous citer
des cas d'exception, quand vous témoignez et dites vous-même que
ce n'est pas généralisé comme système, mais que
cela se fait. C'est la réponse que vous avez donnée tantôt
à une de mes questions.
M. Larose: M. le ministre, je vais vous citer un cas plus
général.
M. Chevrette: La même chose, je suis obligé de vous
dire que ce n'est pas la règle générale. S'il fallait que
tous les résidents soient à 111 000 $, je vous avoue que je ne
suis pas sûr que j'aurais contribué à une explicitation
d'un problème public par une commission parlementaire. Ils ne sont pas
trop à plaindre.
M. Larose: M. le ministre, je pense que vous vous arrêtez
sur un chiffre qui n'est absolument pas une règle
générale...
M. Chevrette: Non. Je l'admets.
M. Larose: D'accord. C'est même un cas excessivement
exceptionnel. Je conçois difficilement qu'un individu qui fait 110 000 $
dans l'année soit capable de faire sa résidence en même
temps. Il y a un problème quelque part. Effectivement, cela
mériterait même une évaluation de la situation.
Indépendamment de cela, les résidents qui font du
"moonlighting"... J'en suis un et je ne m'en cache pas. Je peux vous expliquer
un cas très particulier. Je fais des gardes. Je fais une garde de fin de
semaine complète de trois jours à tous les deux mois. Je fais
aussi une garde par semaine. C'est ma fréquence de garde. Je suis en
psychiatrie. Une fois par mois, je vais deux jours à Gaspé parce
que mon amie est à Gaspé pour une année et elle va revenir
ensuite. C'est notre façon à nous de survivre au système.
On se déplace chacun à son tour.
Quand je vais à Gaspé, je retire environ 850 $ de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce qui représente
10 000 $ par année. En général, c'est la façon dont
les gens procèdent. Ils font quelques gardes à
Urgences-santé quand ils sont à Montréal et ils font
quelques gardes, s'ils sont en psychiatrie, dans les centres hospitaliers
psychiatriques où il n'y a personne pour faire la garde la nuit. Donc,
ils rendent un service à la population.
Évidemment, ces chiffres sont assez élevés quand on
considère que la rémunération des médecins est
beaucoup plus élevée
que celle des résidents. Cela paraît rapidement exhaustif.
Quand on pense qu'un médecin peut faire 30 000 $ en trois mois, c'est
assez rapidement que les chiffres montent et paraissent
précisément très élevés. Quand on pense
aussi que les gens qui vont dans les milieux périphériques pas
trop éloignés ou même qui vont dans des milieux comme
Montréal ont des tarifications particulières, par exemple, cinq
vacations pour une garde de 24 heures, évidemment, le montant est assez
élevé et apparaît dans vos chiffres comme étant
quelque chose d'exorbitant.
Je continue de maintenir que ces gens rendent un service au
système, qu'ils ne sont pas la majorité des résidents mais
la minorité et que cela n'interfère absolument pas avec le
problème de la garde qui peut toucher une autre population de
résidents. Il faut aussi se rappeler qu'une résidence dure quatre
à cinq ans et qu'un gars qui peut faire du "moonlighting" pendant sa
quatrième année peut avoir été, pendant sa
première et sa deuxième année, de garde à presque
tous les jours.
M. Chevrette: Je conclurai là-dessus, madame. Je sais que
vous voulez également prendre la parole. Vous avez opté pour vous
syndiquer en vertu du Code du travail, d'avoir le pouvoir de négocier un
contrat en bonne et due forme. Vous faites face à un ministère
qui n'a pas entière juridiction comme porte-parole parce que vous savez
très bien que l'enseignement supérieur relève d'un autre
ministre, que les universités ont des chartes et des pouvoirs qui leur
sont dévolus par législation.
D'autre part, vous traitez de sujets qui, à mon avis,
dépassent un peu beaucoup la notion de conditions de travail comme
telles. Je pense qu'il faudrait peut-être s'arrêter très
longuement là-dessus, à une autre tribune que celle d'une table
de négociation, pour régler ce genre de problème, à
mon avis en tout cas. Parce que quand on parle du rôle de formation de
l'université et que vous devenez un organisme de revendication, à
toutes fins utiles, tout comme une centrale syndicale ou comme un syndicat, et
que vous traitez des dimensions ou des paramètres de formation parce que
vous êtes à la fois médecins, mais en voie de
spécialisation, à ce moment, votre statut de syndiqué vous
place, vis-à-vis des autres interlocuteurs, avec un statut de
revendicateur autorisé légalement de le faire et vous touchez
automatiquement à des modifications éventuelles du
législateur qui, lui, a donné des pouvoirs à
l'université, qui en a donné aux centres hospitaliers, et il y a
au moins deux ministères qui sont impliqués en plus. Ce qui fait
une négociation, entre vous et moi, drôlement difficile à
comprendre ou à conduire. Il n'en demeure pas moins que je pense entre
autres aux gardes. On peut bien marquer dans le contrat collectif un sur trois,
un sur quatre. On pourrait bien donner des directives extrêmement
sévères aux hôpitaux, dire que c'est un sur quatre, c'est
un sur trois et rien d'autre. On pourrait demander à mon collègue
de l'Enseignement supérieur de faire de même, d'avoir des
directives extrêmement fermées, extrêmement
sévères. Moi, j'ai une interrogation derrière cela. Quel
serait le fruit ou le résultat d'une formation vraiment correcte? Il me
semble qu'il y a beaucoup de place pour du dialogue, de la discussion dans cela
autrement que dans le cadre d'une convention collective et je vous demanderais
de bien réfléchir à ce point.
C'est quand même sérieux, la formation d'un professionnel,
il me semble que le dialogue et le discours doivent être bien
au-delà d'un simple échange dans des contrats collectifs ou des
contrats de travail comme tels. On est porté à rire bien souvent
de la dimension vocation. Mais tout professionnel doit y croire
fondamentalement. Je ne dis pas cela pour faire mon grand paternel, mais je
pense qu'au niveau de chacune des professions ceux qui émergent, ceux
qui se bâtissent une crédibilité le font bien
au-delà de la revendication traditionnelle. Il y a un professionnalisme,
il me semble, qui 'est le souci premier de quelqu'un qui est en voie de
formation. Je pense que ce n'est pas votre faute. Le seul moyen que vous ayez
trouvé de faire vos revendications, cela a été
l'accréditation en vertu du code. Cela aurait pu être une
négociation, une reconnaissance tout comme on reconnaît, par
exemple, la Fédération des omnipraticiens purement et simplement
par la Loi de la RAMQ, on aurait pu faire une négociation de ce genre.
Cela aurait pu être une filiale purement et simplement des deux
fédérations, peu importe la structure. Je crains toujours que,
lorsqu'on fait ce genre ou ce type de discussion, on oublie la notion de
formation intégrale, complète, totale, parce qu'on pourrait
verser facilement dans la traditionnelle revendication et oublier l'objectif
fondamental et initial. Je voulais vous le dire parce que je crois
fondamentalement à cela et trop souvent on l'oublie dans le cadre de nos
échanges.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le ministre.
J'aimerais vous poser quelques questions.
M. Larose: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Larose: Est-ce que vous me permettez de répondre au
ministre, s'il vous plaît? Même si ce n'est pas une question
directe, j'ai senti beaucoup de questions dans
son exposé. En tout cas, j'aimerais au moins faire un
commentaire. Premièrement, vous nous avez parlé du Code du
travail, de la loi dans laquelle on a choisi d'être
représentés. Je vous rappelle que cela a pris pratiquement une
dizaine d'années avant qu'on réussisse à se faire
reconnaître d'une certaine façon et qu'on a demandé pendant
des années une reconnaissance officielle du ministère des
Affaires sociales. C'est en ultime ressort, si on veut, il y a trois ans, qu'on
a voulu se faire accréditer, ce qui a été refusé,
et je rappelle également que, pendant trois ans, on a recouru au
processus judiciaire contre le gouvernement pour régler ce
problème. C'est finalement en désespoir de cause que le
gouvernement n'est pas allé en Cour suprême, parce que trois juges
d'une cour provinciale ont rendu un jugement unanime nous donnant le droit de
nous accréditer, avec le ministre des Affaires sociales comme
interlocuteur privilégié. Dans cet esprit, c'est ce pourquoi on a
le Code du travail. Jamais la Fédération des médecins
résidents et internes du Québec n'a affirmé que
c'était le système idéal, mais il n'y en avait pas d'autre
qui nous permettait de nous faire représenter.
Deuxièmement, vous nous parlez de l'interférence de
l'aspect pédagogique et de l'aspect travail de notre tâche, si on
veut. Je vais vous dire qu'il y a plus que cela. Il y a une interférence
dans trois domaines. Il y a un côté professionnel avec les
responsabilités médicales qu'on a, parce que les patients - on
est peut-être supervisé ou soi-disant supervisé - peuvent
nous poursuivre comme n'importe quel médecin et on a aussi, quoi qu'on
en dise, une vocation qui nous oblige personnellement à nous sentir
contraints de les traiter quand ils nous arrivent comme ça, mal en
point, ceci au détriment même de notre propre fatigue et notre
souci professionnel est garanti par notre présence ici. Ce n'est pas
pour rien qu'on est venu vous apporter notre témoignage et nos
plaintes.
Il y a aussi l'aspect pédagogique et vous avez raison. Mais
jamais on n'a tenté de contraindre les universités à
définir les programmes en fonction de ce qu'on veut. Ce qu'on demande,
c'est que le ministère des Affaires sociales, qui est officiellement
notre employeur, qui est représenté par les hôpitaux,
d'accord, assure aux résidents et internes que ces hôpitaux vont
respecter par le biais des contrats d'affiliation, qui bien souvent sont, soit
dit en passant, assez peu respectés, les exigences universitaires qui
doivent être respectées dans les milieux hospitaliers. Donc, on ne
demande pas de définir l'aspect pédagogique; ce qu'on veut, c'est
que l'aspect travail n'interfère pas avec cela. On travaille parce que,
indirectement, on apprend; cela ne doit pas être le contraire. On ne doit
pas apprendre parce qu'on travaille.
Finalement, les résidents et les internes ont demandé, par
le biais de leur convention collective, un mécanisme qui permette de
concilier les trois aspects que je viens d'énoncer. C'est l'appareil
obligatoire, exécutoire. Je suis bien conscient que le MA5, le
ministère des Affaires sociales, n'a pas entière juridiction sur
cet ensemble de domaines et que, depuis quelques années, le
ministère de l'Éducation a droit de regard; il y a le Conseil du
trésor qui chapeaute tout cela, les universités, la corporation
et mettons-en. Cependant, le gouvernement du Québec qui, lorsqu'il se
fait élire, assure à la population québécoise qu'il
va garantir à tous les citoyens sans exception et incluant les
médecins une qualité de vie décente et comparable à
celle de son * voisin doit garantir aux résidents et internes la
même qualité de vie. Il n'est absolument pas question que, dans un
régime comme le nôtre, une classe de population, en nous vantant
que plus tard on va avoir des privilèges particuliers, soit astreinte
à une tâche qui n'a absolument pas de bon sens. Non seulement, on
met en péril la qualité physiologique et psychologique des
individus qui font cette tâche, mais en plus on met en jeu leur formation
proprement dite. En définitive, c'est l'ensemble de la population qui va
être pénalisé pour cela. Les jeunes médecins,
lorsqu'ils terminent, s'ils sont déjà sevrés de leur
travail et désintéressés, n'auront jamais une
qualité médicale au Québec à long terme qui va
être efficace. Il faut absolument tenir compte des individus, les
respecter et leur permettre au moins un développement harmonieux, non
seulement professionnel et pédagogique, mais aussi personnel, parce que
nous aussi sommes du monde et on a envie d'être traités comme du
monde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avant de vous poser des
questions pour mes collègues, je voudrais simplement faire part du temps
qui a été alloué à chacun. Dans le moment, il reste
une minute et demie aux ministériels et il reste 24, 5 minutes à
l'Opposition.
M. Laplante: En une minute et demie, on ne peut même pas
poser une question.
M. Paradis: Cela va être fini...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a le principe de
l'alternance pour commencer.
M. Paradis:... si vous ne voulez pas de réponse,
c'est...
M. Laplante: C'est correct.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Remarquez bien que nous avons pu profiter d'au moins une demi-heure de
plus, compte tenu que ceux qui devaient vous suivre ne sont pas ici ce matin ou
ont manifesté le désir de ne pas se présenter. Le document
que vous présentez est évidemment très important. Il
touche à des points qui rejoignent, dans la mesure où on y
apporte des corrections, où on les examine sérieusement, toute la
question de la qualité des services médicaux aux
bénéficiaires. Je trouve que c'est très vaste comme
domaine à examiner, même en si peu de temps.
Si je reprends les uns après les autres, mais très
brièvement, dans la première partie, les horaires de gardes
supplémentaires effectuées par les résidents et internes,
vous suggérez un mécanisme qui permettrait une
rémunération supplémentaire. Si je ne m'abuse c'est bien
cela. Peut-être que vous pouvez me donner plus rapidement les pages de
vos recommandations là-dessus.
M. Larose: À la fin, madame, vous avez un
résumé-La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, oui,
je l'ai vu. J'ai relu votre texte aussi.
M. Larose: Est-ce que vous me permettez?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y.
M. Larose: Sur la rémunération
supplémentaire, c'est une correction qu'il faudrait apporter, ce n'est
pas une rémunération supplémentaire qu'on demande. Que ce
soit bien clair: ce n'est pas parce que les gens veulent faire plus de
gardes...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Larose: Cette rémunération ne sera jamais
équivalente, par exempte, au "moonlighting". Ceux qui ont le temps de
faire du "moonlighting", ne feront pas des gardes à l'hôpital, ils
vont faire du "moonlighting". On ne demande pas un montant exorbitant ou
l'équivalent de ce que gagnerait un médecin qui est en pratique.
On demande un équivalent de peut-être 50 % du tarif, mais qu'il y
ait un montant attaché à cela. De la sorte, lorsqu'on
dépassera, mais uniquement dans ce cas-là, la norme garantie par
notre convention et qui oblige les centres hospitaliers à ne pas nous en
demander plus, c'est uniquement alors que les hôpitaux ne la respecteront
pas qu'ils vont payer. Ce n'est donc pas une rémunération
supplémentaire, c'est une espèce de caution.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
En fait, selon ce que vous dites, votre souhait, c'est qu'il n'y ait pas
de travail excédentaire.
M. Larose: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, dans le cas
où les hôpitaux ne prendraient pas les mesures pour contrer cette
possibilité de travail excédentaire, qu'ils soient
pénalisés en vous rémunérant à 50 %
de...
M. Larose: C'est cela. (12 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Tantôt, j'ai entendu vos commentaires sur l'ombudsman du ministre.
Je ne reviens pas là-dessus.
Vous parlez d'un effort de rationalisation des centres hospitaliers
universitaires en termes d'effectifs résidents et internes. On sait tous
qu'au Québec on a une norme médecins-patients qui est très
élevée, ou très basse, selon le point de vue où on
se place, où il y a beaucoup de médecins pour la population,
où le ratio est élevé. Quand vous parlez d'augmenter les
effectifs de résidents et internes et que, tout à l'heure, vous
avez parlé des limites qu'a apportées le contingentement, il
reste que ceci est quand même partie de...
J'ai des questions sur le contingentement des spécialistes par
rapport à la formation des omnipraticiens. Il ne faudrait quand
même pas qu'on entre là-dedans, parce que c'est assez complexe.
J'ai l'impression que cela s'est peut-être fait d'une façon un peu
arbitraire. Il n'y avait peut-être pas de ratio très précis
derrière cela, mais, vous autres, d'une façon plus
précise, comment voyez-vous cette proportion? Est-ce que c'est par une
augmentation des résidents et des internes et, par conséquent,
une augmentation de la main-d'oeuvre médicale?
M. Larose: Je vais vous répondre. Il y a deux choses.
Premièrement, la tendance naturelle actuelle fait, si je me souviens
bien, qu'il y a à peu près 50 % d'omnipraticiens et 50% de
spécialistes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 40 % - 60 %,
c'était l'objectif...
M. Larose: C'est l'objectif, 40 % -60 %...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Laroseî... mais la tendance naturelle fait
qu'actuellement on est à peu près aux alentours de 50 % - 50 %.
C'est peut-être 45 % - 55 %...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On
me dit: 48 % - 52 %.
M. Larose: Donc, c'est l'ordre de grandeur. Cela a
été une tendance naturelle. Il semble que, naturellement, les
gens tendent vers quelque chose de ce genre-là. Donc, nous, ce qu'on
dit: Vous devriez laisser aller le marché libre là-desssus de
telle sorte que les ratios s'établissent en fonction des besoins des
médecins et de la population, c'est-à-dire des besoins
professionnels des gens qui peuvent avoir le goût de faire une
spécialité plutôt que l'omnipratique et qui,
peut-être ultérieurement même, vont revenir en omntpratique,
parce qu'il y a beaucoup de désistements. Deuxièmement, il y a
les besoins de la population, car il faut quand même réaliser que,
dans plusieurs spécialités actuellement - je pense à la
cardiologie, par exemple... L'Association des cardiologues a émis un
mémoire il n'y a pas longtemps qui nous démontre clairement qu'il
va y avoir une pénurie d'ici à quelques années. La
planification doit donc tenir compte des exigences des
spécialités. Je ne suis pas sûr que c'est fait
actuellement. Je pense que les individus qui sont les plus compétents
pour définir les exigences d'une profession, ce sont les gens qui la
pratiquent. Donc, pour définir nos effectifs en cardiologie, on devrait
aller voir les cardiologues et leur demander comment ils pratiquent et faire
une espèce de table ronde avec eux pour discuter de cela, et la
même chose pour les spécialistes en neurologie ou en psychiatrie
ou en n'importe quoi. Donc, il y a une planification globale qui doit avoir
lieu en tenant compte des besoins de la population et de la possibilité
de fournir les services par les médecins. Deuxièmement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous interromps tout
de suite. Est-ce que vous avez fait des études comparatives avec le
nombre de résidents et internes? On se compare toujours à notre
province voisine ou à l'ensemble du Canada. Est-ce qu'on est
défavorisés par rapport aux autres provinces?
M. Larose: Je peux vous dire, madame que je n'ai pas de chiffres
très précis là-dessus. Est-ce que...
M. Gouin: Tout ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que le
Québec, en termes d'effectifs de résidents et internes, est
deuxième au Canada. D'ailleurs, l'Ontario a environ une masse de 2300
résidents et internes à peu près. Je me trompe
peut-être à 100 près, mais c'est à peu près
cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils ont 2 000 000 de plus
de population.
M. Gouin: Oui, mais je n'ai pas... C'est peut-être 2 000
000 de plus de population.
Le point qui est important, quand vous parlez d'efforts de
rationalisation dans les centres hospitaliers de la masse de résidents
et internes, c'est qu'au lieu de saupoudrer les résidents et internes
dans différents centres, un par ci, deux par là, trois par
là, c'est d'essayer de les regrouper peut-être dans moins de
centres hospitaliers, mais au moins permettre à ce moment-là une
meilleure formation, ne serait-ce qu'au niveau des unités d'enseignement
clinique. Cela va être beaucoup plus facile d'implanter à ce
moment-là les unités d'enseignement clinique. Cela va être
beaucoup plus facile à ce moment-là de faire respecter la
question de la norme au niveau des horaires de garde, etc. Je l'ai dit et je
l'ai répété tout à l'heure, en 1970, il n'y avait
pa3 de problème. Dans 41 centres, il y avait 2378 résidents et
internes. La norme était très bien respectée avec cela.
C'est en diminuant le nombre d'effectifs et en gardant le même nombre de
centres hospitaliers, c'est clair, qu'on se heurte à des
problèmes. C'est dans ce sens-là que le contingentement est
problématique pour les résidents et internes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'après vous, c'est une rationalisation aussi du nombre de
centres hospitaliers universitaires?
M. Larose: C'est cela, mais pas nécessairement en coupant
de façon radicale. Ce qu'il faut penser, c'est qu'il y a des centres
hospitaliers universitaires qui sont surspécialisés, si on veut,
dans certaines spécialités ou même en urgence. Cela peut
être intéressant, d'ailleurs, un hôpital où il n'y a
que des omnipraticiens et pas de spécialistes. Ce qu'il faudrait penser,
c'est de faire en sorte qu'il y ait un certain nombre de gros centres
universitaires où on regroupe la majorité des internes et, dans
ces centres, on devrait retrouver des internes et des résidents. On
devrait retrouver la majorité, si on veut, des spécialités
et la majorité des services, des enseignants et tout ce qui s'associe
à l'enseignement médical avec la possibilité de former des
gens pour l'enseignement clinique, la possibilité d'avoir des horaires
de gardes qui ont du sens. Parallèlement à cela, il peut
continuer d'exister des centres universitaires plus restreints où il y
ait moins de résidents mais en tenant compte du fait qu'il y a moins de
résidents. Dans des milieux où il y a, par exemple, deux
résidents en psychiatrie, les gens ne sont pas automatiquement de garde
pour tout couvrir. Il font une garde par semaine, comme ils le feraient dans un
autre milieu où il y en a plus. Ce qu'il faut éviter, c'est que,
dans un milieu, il y ait 4 ou 5 résidents et que ceux-ci soient
considérés comme étant dans un milieu où il y en
aurait 15 ou 20. Il faut donc
rationaliser et regrouper dans certains grands centres, ce qui n'exige
pas automatiquement que tout le reste soit aboli.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En ce qui a trait aux
unités d'enseignement clinique, j'ai vu un passage que je ne retrouve
pas pour le moment... Oui, c'est dans les annexes 1, 2, 3, 4 de votre
deuxième partie, j'imagine; on y voit la liste des unités
d'enseignement clinique par spécialité et par hôpital, pour
l'Université Laval, l'Université McGill, l'Université de
Montréal et probablement l'Université de Sherbrooke. Â
votre avis - vraiment à l'oeil, parce qu'il faudrait l'examiner plus en
profondeur - il semble que, dans le cas de l'Université de
Montréal et celui qui m'a particulièrement frappée, de
Cité de la santé, à Laval, qui est reconnu comme un centre
universitaire, il n'y a, selon ce que je peux comprendre, du moins dans ces
spécialités, aucune unité d'enseignement, si je comprends
bien votre tableau.
M. Larose: Non. Il y a trois choses dans ce tableau.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Larose: II y a des endroits où il y a des unités
qui sont non fonctionnelles, qui ne fonctionnent pas nécessairement. Il
y a des endroits où il n'y en a pas du tout. Il y a aussi des endroits
où cela ne s'applique pas, soit qu'il n'y ait pas de résidents
qui...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais vous le notez quand
cela ne s'applique pas.
M. Larose: Oui, c'est écrit.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est
indiqué.
M. Larose: Je vais céder la parole à...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le premier, Cité
de la santé, à la page 18 de l'annexe 3...
M. Larose: Si vous le voulez, le Dr Marchand va vous
répondre là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Larose: II vient de l'Université de Montréal et
il pourrait vous apporter plus de précisions.
M. Marchand (Richard): En fait, dans le cas de Cité de la
santé, c'est un nouvel hôpital qui est structuré pour la
médecine familiale. Au sens de la médecine familiale, c'est un
réseau comme tel et, comme il n'y a pas de pyramide, il n'y a pas de
cascade directe d'enseignement. Donc, il n'y a pas d'unité clinique par
définition et il n'y a pas de regroupement comme tel par
définition. Donc, cela ne correspond pas pour ces
spécialités, parce que c'est vu à l'intérieur de la
médecine familiale. En fait, c'est ni "oui", ni "non", ni "ne s'applique
pas" qui serait le plus véridique pour Cité de la santé.
C'est un hôpital particulier...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Prenons Verdun
alors.
M. Marchand: C'est la même chose. Ce sont les deux derniers
des nouveaux hôpitaux pour l'omnipratique; comme il n'y a pas de cascade
d'enseignement, c'est, encore une fois, ni "oui", ni "non", ni "ne s'applique
pas". C'est un système différent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Alors, pouvez-vous me dire d'une façon concrète où
manquent ces unités d'enseignement?
M. Marchand: Dans tous les hôpitaux universitaires vrais
qui ont la cascade des internes et des résidents, spécialement,
par exemple, en obstétrique-gynécologie et en chirurgie. Tout
à l'heure, on a donné un exemple. Effectivement, dans
l'hôpital francophone le plus important de l'île de
Montréal, on a de la difficulté, à cause des
problèmes de lits, d'organisation, d'admission par le biais des
urgences, à obtenir un éventail de clientèles qui
permetttrait une exposition à toutes les pathologies. Ces
spécialités sont vraiment démunies au point de vue de la
formation dans certains milieux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais c'est
l'hôpital qui a la responsabilité de les mettre en place,
j'imagine, après "négociation" - entre guillemets - avec les
universités.
M. Marchand: Absolument. Et, pour nous, c'est l'exemple typique
d'où vient le problème. C'est pour cela, M. Chevrette, qu'on veut
inclure cela dans notre convention collective. Ce ne sont pas les
universités, ce n'est pas le Collège des médecins qui
causent le problème des unités d'enseignement clinique, ce sont
les hôpitaux qui, pour des raisons de coûts, souvent, nous disent
qu'ils ne peuvent pas regrouper les malades. Ils nous disent: On ne peut pas se
permettre de mettre plusieurs résidents et internes ensemble parce que,
durant ce temps, il y a d'autres services qui ne seront pas assurés. Le
problème, quant aux unités d'enseignement clinique et de la
formation et de l'exposition à une clientèle, vient vraiment des
structures hospitalières et de l'organisation. L'hôpital nous dit:
Désolé, mais je ne peux pas faire entrer un cas
d'arthrite rhumatoïde bien ordinaire pour montrer aux
étudiants, parce que je n'ai plus de place; car il y a 40 malades
à l'urgence. Ou: Cela coûte trop de regrouper, pour des raisons de
structure interne, je ne peux pas. Ou encore, on se fait dire souvent:
Écoutez, une unité d'enseignement, cela coûte cher, parce
que vous demandez plus d'examens, Or, ce n'est pas nécessairement vrai.
Bref, il y a toute une inertie et un problème qui viennent
généralement des hôpitaux. C'est pour cela que, comme cela
vient des hôpitaux et que l'hôpital est notre employeur, on a
toujours essayé de faire rentrer le problème des unités
d'enseignement clinique dans notre convention collective justement dans le but
d'avoir un palier, un bras de levier afin d'agir sur les hôpitaux, parce
que les universités ne le peuvent pas. Souvent, il y a un contrat
d'affiliation qui est trop flou et qui ne leur donne aucun bras de levier pour
cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Est-ce que madame voulait ajouter quelque chose?
Mme Marceau (Danièle): Oui, sur Cité de la
santé et Verdun, c'est justement là un exemple ou cela risque
d'être un exemple d'une planification des hôpitaux universitaires
qui est difficile. C'est certain que, pour l'obtention de la médecine
familiale, il est bon d'aller dans des centres où cela est mené
par des omnipraticiens et où il y a une grosse omnipratique. Mais, dans
le cadre d'unités d'enseignement de la médecine interne, de la
même manière que dans le cadre d'unités d'enseignement de
chirurgie, les internes, même ceux qui vont se destiner à
l'omnipratique, ont la nécessité d'être avec des
résidents qui sont plus élevés qu'eux et qui vont partager
leur enseignement, qui vont leur montrer le métier. Dans ce sens,
Cité de la santé et Verdun sont des hôpitaux qui, pour la
médecine interne, pour la chirurgie, n'ont pas d'unité
d'enseignement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord, merci.
Évidemment, il faut faire cela un peu à vol d'oiseau,
parce que ce sont quatre grands chapitres et le temps est quand même
limité. Sur la question de la supervision des internes dans les
urgences, évidemment, je suis sensible à cela parce que c'est
à la base de la qualité des soins. Vous avez dit... C'est assez
vague, votre affaire. Il y a des hôpitaux où il y en a et d'autres
où il n'y en a pas. Avez-vous quelque chose de plus précis? On
croirait que vous avez parlé de généralités et puis
vous avez tempéré cela un peu en disant: II y a des
hôpitaux où cela se fait. Je mets de côté la question
du médecin qui venait faire marcher sa castonguette le matin, cela
m'intéresse, mais pas à ce moment-ci.
Quant aux mécanismes pour assurer une surveillance, vous proposez
de modifier certains articles des règlements. Est-ce que vous croyez que
ce sera suffisant et quelle est l'amplitude du problème?
M. Larose: C'est un problème qui était
étendu il y a quelques années et qui l'est moins actuellement.
Cependant, on rencontre une extrême résistance des milieux fautifs
à se plier, si on veut, aux exigences de la corporation. Je vous
rappelle, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la corporation a
émis un document l'automne dernier, avant Noël, dans lequel elle
spécifiait qu'un interne ne pouvait être laissé seul
à l'urgence pour deux raisons: un aspect légal et un aspect
pédagogique. Ce document est en annexe à notre mémoire et
il est à l'intérieur du texte.
À cette époque, une lettre a été
envoyée à tous les hôpitaux universitaires, aux CMD, lettre
qui a été cosignée par les doyens des quatre
facultés de médecine et dans laquelle il était
stipulé aux hôpitaux qu'ils devaient se plier à la nouvelle
norme, si on veut, et assurer une supervision des internes dans tes urgences.
Il existe trois sortes d'urgences par rapport aux internes: il y a des urgences
où il n'y en a pas du tout, il y a des urgences où il y en a et
où il y a un superviseur 24 heures sur 24 - pas dans le sens qu'il est
là durant 24 heures, il y en a peut-être trois qui se
succèdent aux huit heures ou deux aux 12 heures, mais il y a quelqu'un -
et il y a des urgences où il n'y a pas toujours un superviseur et, la
plupart du temps, c'est la nuit qu'il n'y en a pas, dans 99 % des cas. C'est
dans ces urgences qu'on retrouve des problèmes et vous en avez la liste
à la page 5 du mémoire, dans la partie qui traite de la
supervision dans les urgences.
Ces centres hospitaliers étaient plus nombreux au début de
l'année; on a fait des pressions très importantes cette
année, mais il y en a encore qui résistent. On pense qu'en
modifiant le texte de la loi, en le rendant le plus clair possible, cela
deviendra tellement illégal de le faire que cela devienne impossible et,
à ce moment-là on ne pourrait plus y être contraint sans
violer la loi.
Deuxièmement, on pense que l'interne qui est à l'urgence
atteint la limite de ses compétences rapidement non seulement parce
qu'il est stressé et fatigué, mais aussi parce qu'il a besoin
d'une supervision, et même dans le cas où il n'atteint pas la
limite de sa compétence, pour parfaire ses connaissances, il a besoin de
quelqu'un qui puisse répondre à ses questions, autrement la
valeur pédagogique de la garde est vraiment absente. C'est dans cet
esprit-là qu'on exige qu'il y ait la présence constante d'un
médecin lorsqu'il y a un interne à l'urgence, ou qu'il n'y
ait pas d'interne s'il n'y a pas de médecin. (12 h 15)
Donc, la conclusion s'impose, le Dr Champagne vous l'a dit tout à
l'heure, si on n'est pas capable de mettre un omnipraticien, automatiquement,
l'urgence ne devrait pas être ouverte. Donc, de deux choses l'une. Les
hôpitaux prennent leurs responsabilités. S'ils veulent garder
leurs urgences ouvertes, ils s'arrangent pour avoir des omnipraticiens la nuit
et, à ce moment-là, ce sera possible d'avoir des internes pour
les seconder et il y aura une supervision adéquate; ou encore, si les
hôpitaux ne peuvent pas maintenir un omnipraticien la nuit à cause
d'une impossibilité, quelle qu'elle soit, à ce moment-là
il n'y aura pas d'interne non plus. De toute façon, il n'y aura pas
d'interne dans ce genre d'hôpitaux à très court terme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord.
Il y a une dernière question que je voudrais poser au Dr Dorion.
Il m'a un peu tendu la perche en parlant des effectifs médicaux. C'est
une question très précise, parce que toute la question des
effectifs médicaux a été discutée ici de long en
large. Je dois dire qu'on n'a peut-être pas les réponses ou cela
ne semble pas facile à régler. Eu égard à la
spécialisation en psychiatrie, j'ai l'impression qu'on tourne toujours
en rond dans la question de la psychiatrie. On dit: II y en a beaucoup en
ville, il n'y en a pas à l'extérieur de la ville. Ils sont
centrés à Montréal, ils sont centrés à
Québec. À Québec ils vieillissent, paraît-il.
Le ministre vous a interrogé en disant: Est-ce qu'il y a
finalement autre chose qu'une question de nombre? Je voudrais vous demander
s'il y a eu, dans l'approche psychiatrique ou dans le mode d'intervention des
psychiatres, une modification de l'intervention qui corresponde à la
réalité et aux besoins d'aujourd'hui, ce qui fait qu'ils
pourraient peut-être plus facilement aller dans les régions
périphériques ou même des régions
éloignées qu'ils ne le font présentement. On a
été habitué à un mode d'intervention traditionnel,
vous savez ce que je veux dire. Est-ce qu'il y a eu suffisamment de
modifications à l'intérieur de la profession pour provoquer un
peu un débordement dans le bon sens d'être accessible à un
plus grand nombre de personnes?
M. Dorion: Je pense que la plus grande modification a eu lieu
dans les années soixante-dix où la notion de psychiatrie
communautaire a été étalée ou établie. C'est
à partir de ces notions-là qu'on a pensé que tous les
secteurs de population devaient avoir leur psychiatrie locale plutôt que
d'envoyer les patients dans les grands hôpitaux psychiatriques et, enfin,
que le traitement devait se faire avec la famille.
Vous savez que l'ère de la psychiatrie communautaire est remise
en question, compte tenu du rationnement des coûts et des besoins des
populations. Ce n'est pas sûr qu'on doive installer des psychiatres
à Blanc-Sablon même si on veut faire de la psychiatrie
communautaire. C'est quand même à 10D0 milles de Québec.
Peut-être qu'une région très bien organisée à
Sept-Îles pourrait desservir en itinérance possiblement
Blanc-Sablon. Les préceptes de psychiatrie communautaire modifiés
pourraient avoir lieu à ce moment-là. Je pense que l'idée
de psychiatrie communautaire a peut-être été le moment
idéal d'envoyer des psychiatres en périphérie. Le Dr
Bédard avait réussi à ce moment-là à envoyer
une cinquantaine de psychiatres en périphérie avec des mesures
incitatives. Vous savez l'histoire, la psychiatrie a été
noyée dans le réseau médical. Il en est
résulté aujourd'hui qu'on retrouve seulement 25 psychiatres en
périphérie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci. Il ne reste plus de temps. On vient de me donner la somme du
côté ministériel. Si la question du député de
Westmount est courte, vu qu'il reste quelques secondes, et si les gens sont
consentants...
M. Laplante: II nous restait une minute et demie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, on m'avait
donné la mauvaise information. Je regrette.
M. French: J'aimerais poser une question en tant que profane.
J'aimerais savoir quel est l'impact sur les chiffres de contingentement de
médecins résidents et internes de l'entrée, non pas dans
ce corps professionnel, mais dans ce groupe de personnes, des médecins
qui se préparent à être omnipraticiens pour la pratique
familiale? Je pense qu'en 1970-1971, par exemple, ce programme n'existait pas.
Est-ce que c'est le cas? Quand ce groupe est-il entré et a
commencé à grandir et quel pourcentage de tous les
médecins résidents et internes représente-t-il
actuellement?
M. Larose: C'est entre 150 et 300. Je n'ai pas le chiffre
exact.
M. French: Entre 200 et 300?
Une voix: Cette année, 168.
M. Larose: 168. Ce que je peux vous
dire, c'est qu'il y a une sorte de médecins, mais il y en a qui
continuent leur formation pour devenir spécialistes et il y en a qui
demeurent omnipraticiens. La médecine familiale n'est pas une
spécialité à proprement parler. Les gens qui font de la
médecine familiale sont des omnipraticiens, sauf qu'un programme leur a
été offert il y a quelques années qui permettait à
l'interne qui a fait quatre ans de médecine et qui a son doctorat, ou
cinq ans à l'Université de Montréal et qui a son doctorat,
de faire une année supplémentaire à son internat,
c'est-à-dire qu'après le doctorat on fait normalement une
année d'internat et on devient médecin avec un permis de
pratique. On a permis à un certain nombre d'entre eux, ceux qui avaient
leur permis de pratique, de faire une année supplémentaire pour
se perfectionner en médecine familiale. Le programme, d'une certaine
façon, est réparti sur deux ans, de telle sorte que les internes
en médecine familiale, c'est-à-dire ceux de première
année qui sont appelés résidents 1 en médecine
familiale, sont un peu comme des internes qui commenceraient directement leur
spécialité sans faire d'internat, sauf que ce n'est pas une
spécialité. Ils deviennent quand même omnipraticiens, La
tendance actuelle fait qu'on demande de plus en plus que les gens prennent deux
ans pour devenir omnipraticiens et d'ici quelques années, si ce n'est
pas l'an prochain, c'est fort possible, sinon probable, que tous ceux qui vont
en omnipratique prendront deux ans. Cela veut dire, comme on l'avait
souligné l'an dernier, que c'est possible qu'à un moment
donné on ait - ce sera l'impact réel - un certain nombre
d'omnipraticiens qui ne sortent pas sur le marché une année parce
qu'il y en a plus qui restent dans le système pour cette
année-là. C'est afin de pallier la situation, peut-être
à la suite de nos recommandations. D'ailleurs, le ministère de
l'Éducation, l'an passé, a accepté une cinquantaine de
résidents en médecine familiale de plus. Ce que nous
recommandions, c'est qu'il augmente ce nombre progressivement de telle sorte
qu'à un moment donné, d'ici à quelques années, tout
le monde passe par la médecine familiale ou un programme qui s'appelle
la formation à l'omnipratique.
Seulement pour terminer, le terme "médecine familiale" va
probablement vous être ramené lors des débats des prochains
jours dans le sens qu'aux États-Unis c'est une spécialité
qui dure quatre ans. Ici, au Québec» on voudrait appeler cela
programme de formation à l'omnipratique ou quelque chose du genre pour
éclaircir la situation.
M. Laplante: Je...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute!
M. Chevrette: Patrice, allez-y! Je ne veux pas arrêter le
député de Bourassa, qui a une question.
M. Laplante: Seulement une question. Dr Larose, Mme la
présidente vous parlait tout à l'heure des conditions de travail
par rapport à l'Ontario. Vous n'avez pas tout à fait
répondu là-dessus. Comment comparez-vous le régime
canadien face au Québec, le travail que vous faites dans les
hôpitaux, et ce qui se fait aux États-Unis, tant en
rémunération que pour les conditions de travail?
M. Larose: En fait, si vous parlez de la
rémunération, on est nettement, par rapport à l'Ontario,
qui est une province comparable au Québec - en tout cas le Québec
se veut une province comparable à l'Ontario
rémunéré en deçà. En fait, on nous paie
actuellement le prix qui y était payé il y a un an et demi et ce,
malgré qu'on vient de terminer une négociation.
En ce qui concerne le travail, je pense - malheureusement, je ne suis
jamais allé en Ontario - que les conditions dans ce milieu se comparent
un peu à celles de McGill, c'est-à-dire que la façon de
voir les choses des milieux anglophones est un peu différente de celle
des milieux francophones. Les unités d'enseignement sont, en
général, mieux structurées et plus fonctionnelles. Donc,
dans ces milieux, où souvent on retrouve plus de gardes, il semble que,
malgré tout, la charge ne soit pas toujours aussi forte que dans nos
milieux.
Cependant, il faut réaliser que la CAIR, qui est la Canadian
Association of Interns and Residents - vous excuserez mon anglais - prône
actuellement et de plus en plus une norme qui soit celle que nous
préconisons nous-mêmes, c'est-à-dire une garde aux quatre
jours en centre hospitalier et une garde aux trois jours à domicile, sur
le principe que, de plus en plus, les médecins veulent avoir une vie qui
est décente. Dans cet esprit, on pense que, pour une fois, le
Québec pourrait faire preuve de leadership dans le sens qu'il pourrait
respecter cette qualité de vie et qu'on pourrait peut-être
être la première province canadienne qui, pour une fois, respecte
ce que nous demandons.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Quinze secondes, M. le ministre?
M. Chevrette: Je voudrais remercier les résidents et
internes de leur témoignage. Je sais qu'ils assisteront à
l'ensemble des témoignages d'ici jeudi soir. J'aurais beaucoup
aimé réviser certains autres aspects, entre autres, lorsque vous
dressez une liste d'hôpitaux qui ne se sont pas prévalus de
l'amendement, par exemple, pour la garde. Vous donnez exactement ceux qui
n'ont pas adhéré au plan après l'amendement de
sorte que cela donne un mauvais portrait de l'impact même de cet
amendement, Vous avez déniché ceux qui ne fonctionnaient pas.
Vous n'avez pas parlé de ceux qui fonctionnaient, de sorte qu'on aurait
pu échanger énormément longtemps sur différents
aspects de votre mémoire, qui est très volumineux. Au cours des
trois jours, nous pourrons sans doute y faire des allusions pour obtenir
d'autres réponses d'autres groupes également.
Il y a un dernier point, vite, Mme la Présidente. J'ose croire
que, lorsque vous parlez de la féminisation de la profession
médicale, c'est sans aucun souci de sexisme que vous le faites, puisque
la façon dont c'est exprimé bien souvent, c'est comme si, parce
qu'il entrait des femmes dans la profession, la profession diminuait. Je pense
qu'il ne faut pas le voir sous cet angle, mais beaucoup sur
l'égalité des sexes.
M. Larose: Est-ce que vous me permettez de répondre
à cela?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je remercie le ministre
d'avoir fait l'intervention. Oui.
M. Larose: Deux choses. Premièrement, en ce qui concerne
le choix des urgences, j'ai dit tout à l'heure, et je me souviens
très bien, qu'il y avait eu une légère amélioration
de la situation. Effectivement, ce n'est pas dans tous les milieux qu'il y a
des problèmes, mais c'est dans certains milieux, sauf qu'on fait
beaucoup de pressions, cela s'améliore, et on ne devrait pas, je pense,
devoir faire autant de pressions de façon permanente. Cela devrait se
régler d'une façon définitive. Deuxièmement, en ce
qui concerne le sexisme, je n'ai absolument rien contre le fait qu'il y ait des
femmes en médecine, au contraire. Cependant, ce que je veux souligner,
c'est que, dans les perspectives du contingentement, surtout à long
terme, c'est que les femmes, et c'est tout à leur honneur, ont des
enfants et dans cet esprit veulent en général s'en occuper; donc,
leur temps de pratique est moindre que celui d'un médecin de sexe
masculin.
Dans cet esprit, on peut donc penser que, si on produit 1800
médecins de sexe masculin et 1800 médecins dont la moitié
sont des femmes, la totalité des heures pratiquées par
après ne sera pas nécessairement la même parce que les
femmes se consacrent à leurs enfants et restent plus longtemps à
la maison. C'est une tendance naturelle. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, un instant.
M. Larose: Excusez-moi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi voulait ajouter un petit mot.
M. Paradis: Strictement des mots de remerciement à votre
fédération. On remercie également ceux et celles qui ont
participé à mettre ensemble les données qui sont contenues
dans votre mémoire, le Dr Larose, le Dr Marceau, le Dr Richard, le Dr
Plouffe, Me Castonguay, M. Jean Gouin, Mme Andrée Allen et Mme Jocelyne
Charbonneau. On remercie également ceux et celles qui ont osé
venir témoigner d'expériences devant la commission
parlementaire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
président.
M. Larose: Je me permettrais de rappeler que cette commission a
été convoquée à la suite d'une promesse du ministre
des Affaires sociales pour débattre certains problèmes propres
aux résidents et internes et à cet effet, bien que ce ne soit pas
une coutume, je vous demanderais, si vous le voulez bien, l'autorisation de
reprendre la parole jeudi, à la toute fin des interventions, pour clore
les débats.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sur cette question, qui
serait un précédent, vous pouvez vous imaginer la ronde dans
laquelle on entrerait, chacun voulant répliquer à celui qui l'a
précédé; j'en causerai avec mes collègues, mais je
ne m'engage pas à ce moment-ci à vous accorder ce qui serait
d'une certaine façon un privilège, mais on verra en temps et
lieu. Ce n'est pas une procédure normale. Je vous remercie.
M. Chevrette: On pourra vous aider. Il y a d'heureux
précédents, madame, qu'il faudrait peut-être créer
en cette Chambre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!
Si vous êtes de connivence avec le ministre, c'est une autre
affaire. Entre-temps, je désire vous remercier pour votre mémoire
et remercier aussi toutes les personnes qui vous accompagnaient. Nous
suspendons les travaux jusqu'après la période des affaires
courantes à l'Assemblée nationale. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 15 h 7)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission des
affaires sociales poursuit ses travaux relatifs à la consultation
particulière sur les objets suivants: les horaires de gardes
supplémentaires effectuées par les médecins
résidents et internes ainsi que les unités
d'enseignement clinique; deuxièmement, la planification de la
main-d'oeuvre médicale; finalement, la surveillance dans les urgences.
Tel que convenu, nous entendrons, cet après-midi, les doyens des
facultés de médecine du Québec dans un premier temps.
À ma connaissance, la seule université qui a demandé de
présenter immédiatement après un mémoire, c'est
l'Université McGill. Nous entendrons ses représentants
immédiatement après et, par la suite, nous procéderons
à la période des questions. Si vous voulez vous présenter,
ainsi que les membres de l'équipe qui vous entoure, pour le Journal des
débats.
Université McGill, Université de
Sherbrooke,
Université de Montréal et
Université Laval
M. Rochon (Jean): Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vais d'abord
vous présenter les représentants des quatre facultés de
médecine en commençant par l'extrême droite - sans aucune
association dans ma pensée: le Dr Barkun, vice-doyen à la
Faculté de médecine de l'Université McGill, le Dr Richard
Cruess, doyen de la Faculté de médecine de l'Université
McGill et, à sa gauche, le Dr Hugh Scott, vice-doyen à la
Faculté de médecine de l'Université McGill. Suivent le Dr
Guy Lamarche, vice-doyen à la Faculté de médecine de
l'Université de Montréal et, à ma droite, le Dr Yvon
Gauthier, qui est le doyen de la Faculté de médecine de
l'Université de Montréal. Je suis moi-même Jean Rochon,
doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval;
à ma gauche, le Dr Gilles Pigeon, doyen de la Faculté de
médecine de l'Université de Sherbrooke, le Dr Guy Saucier,
vice-doyen de la Faculté de médecine à Laval, Jean-Pierre
Bouchard, vice-doyen à la Faculté de médecine de
l'Université Laval et M. Philippe Bernard, qui est de la CREPUQ. Comme
le comité des doyens est un comité qui travaille en
étroite collaboration avec le comité des vice-recteurs
académiques et la CREPUQ, nous avons demandé à M. Bernard,
qui nous a suivis sur ce dossier, d'être présent avec nous et cela
explique un peu pourquoi ce matin la CREPUQ nous a avisés qu'elle ne se
présentait pas vu qu'on pense être les porte-parole qui ont assez
d'informations pour renseigner la commission sur ce dossier à ce
moment.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci. Si vous voulez procéder, je vais vous rappeler simplement
les règles, au cas où vous étiez absent ce matin. Vous
avez une période de 20 minutes pour votre présentation et ensuite
l'Opposition et le côté ministériel se partagent le temps
des questions. J'aurai une suggestion à faire cet après-midi.
Alors, si vous voulez procéder, Dr Rochon.
M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. Si cela agrée
à la commission, nous pensions vous présenter d'abord
d'emblée les deux mémoires, si vous voulez: le mémoire des
quatre facultés de médecine et le mémoire qui a
été préparé plus spécifiquement par
l'Université McGill, vu que c'est une des précisions sur une des
questions qui sont soulevées dans notre mémoire mais pas...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On en avait convenu
tantôt.
M. Rochon: Est-ce qu'on peut comprendre que les 20 minutes sont
pour la présentation générale, 15 à 20 minutes, et
qu'il y aura 5 à 10 minutes additionnelles ou si vous voulez qu'on
essaie de tout englober en 20 minutes?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Prenez vos 20 minutes pour votre présentation
générale, je pense que c'est un minimum, et après
cela...
M. Rochon: II y aurait 5 à 10 minutes additionnelles qui
pourront nous être accordées pour la présentation
spécifique du mémoire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Rochon: On devrait pouvoir faire cela à
l'intérieur de ce temps.
Sans aller dans les détails du bref mémoire que nous vous
avons soumis, vous nous permettrez de rappeler peut-être en guise
d'introduction - cela peut être intéressant de le souligner dans
le débat qui nous intéresse - que les facultés de
médecine sont, bien sûr, au premier titre très
préoccupées et intéressées par la formation de
médecins omnipraticiens, de médecins de famille et de
médecins spécialistes, mais que, comme organisations et comme
facultés universitaires, elles ont une mission qui dépasse cet
objectif, même si c'est pour elles un objectif important, et elles sont
aussi très impliquées dans ia formation de chercheurs dans
différents domaines. Elles sont aussi très impliquées dans
la recherche elle-même, autant ia recherche fondamentale que la recherche
appliquée et la recherche clinique. Les facultés de
médecine, comme organisations, par la voie de leurs membres ont beaucoup
d'activités de consultations qu'on appelle parfois dans le jargon
universitaire des services à ia collectivité parce que, par
nature, elles possèdent des ressources et des compétences dans
des domaines particuliers. C'est vraiment dans cet esprit de notre mission
assez complexe
que nous nous présentons devant la commission sans
défendre aucune position préconçue quant à la
formation médicale. Les facultés de médecine ont
déjà eu l'occasion de dire et de témoigner, je pense,
qu'elles n'ont pas plus que n'importe qui l'intérêt ou l'intention
de produire trop de médecins, qu'elles ne voudraient pas en produire pas
assez et qu'elles sont très motivées à participer,
à discuter ouvertement avec toutes les parties en cause des objectifs
qu'on veut poursuivre dans ce domaine.
En guise d'introduction aussi, je voudrais simplement rappeler que les
facultés de médecine sont un peu au carrefour, qu'on le veuille
ou non, d'interactions entre plusieurs intervenants dans ce domaine, que ce
soient les centres hospitaliers et les autres établissements du
réseau des affaires sociales, les autres composantes, les
autorités de l'université, la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, les ministères, les
fédérations qui représentent autant les internes, les
résidents que les différents groupes de professeurs. Notre marge
de manoeuvre se définit vraiment en concertation et notre habitude de
travail est vraiment celle de concertation avec les différents
intervenants parce qu'autrement on n'a pas de moyens d'agir de façon
isolée.
Ceci étant dit, je vais me permettre de vous faire quelques
commentaires pour souligner, peut-être, la trame et les points les plus
importants que nous avons voulu souligner dans notre mémoire en ce qui
regarde d'abord les effectifs médicaux. Nous aurons quelques mots par la
suite sur les gardes de façon générale et plus
spécifiquement les gardes des internes dans les urgences et, finalement,
quelques mots sur les unités d'enseignement clinique. (15 h 15)
En ce qui concerne les effectifs médicaux, les facultés de
médecine ont déjà pris une position très nette
là-dessus. Il y a plusieurs années, on avait dit que nous
reconnaissions que, dans la structure, l'organisation d'un système de
santé comme celui qui existe au Québec et de façon
générale au Canada, il y a un besoin d'une planification et d'un
certain contrôle du nombre total des effectifs médicaux parce que
les mécanismes qu'on appelle les mécanismes du marché qui
jouent pour garder un certain équilibre dans la plupart des professions
et des métiers ne s'exercent pas pleinement aussi facilement dans ce
domaine. Nous avons déjà, d'ailleurs, manifesté notre
volonté, nous avions déjà de nous-mêmes pris la
décision de faire une certaine diminution d'effectifs, il y a quelques
années, soit en 1983, ce qui nous a amenés plus souvent à
discuter, à faire des représentations et à ne pas
être toujours d'accord sur la façon dont on procédait.
C'était vraiment beaucoup plus sur la manière de décider
et d'appliquer les décisions que sur l'objectif général
qui était poursuivi.
Nous avons toujours cru et nous croyons encore que le système
dans lequel on a essayé de fonctionner au cours des quelques
dernières années est surtout beaucoup trop rigide, se rappelant
qu'on partait d'une solution de départ qui était relativement en
équilibre par rapport aux objectifs visés et proposés dans
la politique gouvernementale. Il y avait un nombre d'admissions, dans les
facultés de médecine, d'environ 600, plus ou moins 15 ou 20,
à chaque année, c'est-à-dire à peu près 600
admissions qui produisaient à peu près autant de
diplômés, plus ou moins une vingtaine, selon l'attrition qui se
faisait en cours de route et, comme je viens de le souligner, il y avait
déjà un accord de principe, une décision prise par les
universités d'entreprendre une diminution de ce nombre pour mieux
contrôler le nombre total des médecins.
En ce qui regarde la formation des internes et des résidents, qui
est la partie des postgradués du système et qui dépend,
quant à son nombre total, évidemment, du nombre de ceux qui
passent dans le premier cycle de médecine, même avant la
diminution, on avait un système qui avait toujours été en
équilibre - les intervenants de ce matin ont rappelé des chiffres
précis à ce sujet - entre 2000 et 2100. Cela n'a jamais
été un système qui a même manifesté de
risquer de pousser plus loin que cela. À l'intérieur de ces
quelque 2100 postes au maximum, il y avait, de toute façon, une limite
intégrée de ce nombre d'environ 15 % du contingent
québécois qui étaient des postes qui pouvaient être
offerts à des non-nord-arnéricaîns, pour prendre
l'expression la plus générale.
Finalement, il faut rappeler que le système était
relativement en équilibre, parce qu'à la suite de l'instauration
de l'assurance-santé il s'était très rapidement fait une
orientation de choix de carrière spontané des
diplômés des facultés de médecine qui, bon an, mal
an, d'une année à l'autre, faisait qu'on retrouvait entre 60 % et
70 % des diplômés qui choisissaient une orientation vers
l'omnipratique ou la médecine familiale.
Notre position de départ, c'est qu'étant d'accord avec une
planification, étant d'accord avec les objectifs proposés on
pense qu'on vit dans un système beaucoup trop rigide qui présente
certains inconvénients dont on pourra parler, sans modifier vraiment ou
assurer plus qu'on atteigne l'objectif. Ce qu'il faudrait plus, on pense -
c'est peut-être un point à retenir pour en discuter - que c'est
beaucoup plus un système de contrôle dans le sens d'un
système d'information et de surveillance de l'évolution des
cohortes et de l'orientation des cohortes qu'un système
de contrôle rigide à l'entrée qui pense pouvoir,
six, sept, dix ou douze ans à l'avance, contrôler ce qui va
arriver en termes de nombre de médecins, de répartition entre les
spécialités et, encore moins, de répartition
géographique.
Un autre point. En plus de ce problème d'un contrôle
très rigide qui ne laisse pas de marge de manoeuvre et qui ne garantit
pas, de toute façon, les objectifs qu'on vise, on pense que c'est
important de tenir compte, dans toutes les mesures qu'on prendra à
l'avenir, d'un point très particulier, soit les échanges des
diplômés du Québec avec le Québec et
l'extérieur, le Canada, les États-Unis et les autres pays. Dans
certains cas -il faut dire qu'il s'est fait beaucoup de progrès de ce
côté-là - quand il s'agit de pays avec lesquels le
Québec a des ententes de coopération, c'est assez facile,
l'entente prévoit des créneaux qui définissent assez bien
la situation.
Dans le cas des États-Unis et du Canada, on a vraiment une
frontière ouverte, et d'autres mécanismes plus souples
d'équilibre permettraient de contrôler une
réciprocité sur des cycles de trois à cinq ans
plutôt qu'un contrôle trop rigide, chaque année, du nombre
de Québécois qui vont à l'extérieur du
Québec, ailleurs au Canada et aux États-Unis, par rapport au
nombre d'Américains et de Canadiens qui viennent au Québec. Je
pense que le mémoire qui vous sera présenté par le doyen
Cruess précisera encore plus cette problématique parce que c'est
surtout à McGill que les candidats anglophones du reste du Canada et des
États-Unis viennent en général.
Le deuxième aspect qu'on veut souligner en rapport avec la
planification des effectifs en plus de la rigidité du système
actuel est celui que les prévisions qui sont faites. Même sur le
plan national - on n'a pas vu la dernière version du rapport qui a
été présenté à Winnipeg, on a vu une version
antérieure des études fédérales-provinciales -II
nous semble qu'on travaille beaucoup trop encore avec des chiffres absolus. On
compte le nombre de médecins et le nombre d'habitants dans une
population. C'est évident qu'il faut en tenir compte, mais je pense que
- je vais être très bref là-dessus, quitte à y
revenir en discussion - partout où on parle de planification des
effectifs, entre autres dans le domaine de la santé, on a de beaucoup
dépassé ce stade, et on peut et on doit être beaucoup plus
précis.
Ce matin, on a fait allusion - et d'autres intervenants vont
sûrement y faire allusion aussi - qu'on peut maintenant beaucoup plus
mesurer le nombre de services produits par les médecins et les besoins
requis par la population. Parlant de services produits par les médecins,
il faut tenir compte de la démographie du corps médical en termes
d'âge et de sexe. On sait maintenant, par certaines études, que
ça veut dire une production du nombre de services différente
selon le "mix" de composition des médecins au Québec.
L'encadrement organisationnel de la pratique médicale est très
important aussi en termes de qualité et de types d'actes qui sont
produits. On peut de plus en plus en tenir compte si on fait une planification
d'effectifs.
Quand on regarde du côté de la population, il faut se
rappeler que, si la population augmente très peu en pourcentage par
rapport à l'augmentation des médecins, de l'ordre de quelques
pourcents, la population des gens de 65 ans et plus augmente très
rapidement, de l'ordre de 14 % ou 15 % et 70 % ou à peu près - je
vous donne des ordres de grandeur - de la consommation médicale viennent
de ce groupe-là de la population. Alors, quand on prend des gros
chiffres comme cela, macro, et que l'on dit: Les docteurs augmentent beaucoup
trop par rapport à l'augmentation de la population, cela n'a pas de bon
sens, on reconnaît qu'il peut y avoir là un problème. Ce
sont des chiffres qui signalent un problème, mais on ne peut pas trouver
la solution en travaillant avec des chiffres aussi macroscopiques. C'est le
deuxième point sur lequel on veut insister beaucoup, que toute approche
devrait être beaucoup plus raffinée. On suggère dans notre
mémoire de travailler - on ne prétend pas l'avoir inventé
-beaucoup plus avec un concept de réservoir où on peut tenir
compte de la structure démographique, des moyennes d'âge des
populations médicales pour prévoir le nombre de services qu'on
peut escompter obtenir de cette cohorte médicale à mesure qu'elle
évolue de façon dynamique dans cinq ans, dans dix ans et dans
quinze ans.
Donc, ces deux principaux points sont nos remarques, la question d'un
régime flexible et des prévisions plus raffinées qui
devront être développées. Évidemment, on va
répéter ce que d'autres ont dits On est bien conscients que cela
ne peut se faire par aucune des parties en cause seule, aucun des
ministères, les facultés de médecine pas plus que la
corporation et les fédérations; on est pris. Je pense que le
ministre à la fin, ce matin, a eu des remarques intéressantes en
ce sens-là, pour trouver un moyen de se concerter et de travailler
ensemble; autrement, on n'y arrivera pas et, si on ne trouve pas ce
moyen-là et que n'importe laquelle des parties fasse quelque chose, cela
risque peu de donner des résultats satisfaisants.
Quelques autres remarques en ce qui regarde les effectifs
médicaux. Une fois qu'on aura un système de planification qui
permet mieux de surveiller l'évolution, tout contrôle - et cela je
pense qu'il faut le dire, on devra en parler - qui pourra se placer sur
le nombre total des médecins, en plus de contrôler le
nombre d'admissions dans les facultés de médecine, devra
nécessairement contrôler très rigoureusement
l'équilibre d'émigration et d'immigration.
On est conscients qu'il y a des situations difficiles et qu'il y a des
problèmes épineux de ce côté-là, mais on ne
peut pas penser exercer un contrôle du système à un endroit
et laisser le nombre total de médecins pouvant augmenter par d'autres
voies d'entrée sur lesquelles il n'y a aucun contrôle. Alors, il
faudra s'intéresser beaucoup plus en détail à cette
question.
Deux points pour terminer nos remarques sur la question des effectifs
médicaux. Quand on parle de médecins et de main-d'oeuvre
médicale et qu'on associe dans le même discours le recrutement des
médecins qui sont employés par les universités, on fait
là une erreur assez grave qui n'aide aucune des causes, qui n'aide pas
la cause de la planification du nombre de médecins dont on a besoin et
qui n'aide surtout pas la cause des universités.
Quant au recrutement fait par les facultés de médecine -
et là aussi le mémoire présenté par le doyen Cruess
y reviendra de façon plus précise; McGill n'est pas exclusivement
concernée par ce problème, mais en termes de quantité
peut-être plus - les quatre facultés de médecine doivent,
pour différentes raisons, comme toute faculté dans un campus
universitaire, recruter certains types de compétences parfois à
l'extérieur du Québec ou du Canada ou du continent
nord-américain: c'est un recrutement de main-d'oeuvre universitaire et
non pas de main-d'oeuvre médicale. Ces gens sont recrutés pour
l'enseignement et la recherche et te nombre et le genre d'actes médicaux
qu'ils vont faire sont, en général, peu significatifs en termes
d'impact sur la main-d'oeuvre médicale. On prétend et on
suggère donc que c'est là une question qu'il faudra vraiment
distinguer et discuter dans son propre contexte plutôt que de l'impliquer
dans une discussion où les paramètres ne s'appliquent pas
vraiment.
Finalement, en terminant nos commentaires sur la question des effectifs
médicaux, on voudrait quand même souligner qu'il semble qu'il y a
une bonne partie de la logique qu'on nous a toujours présentée
pour fixer les nombres totaux, les répartitions, qui était
beaucoup trop ancrée, comme on l'a compris en tout cas, dans une
problématique de contrôle des coûts. On reconnaît que
le nombre de médecins, évidemment, affecte les coûts dans
les systèmes de santé. Ce n'est pas cela qu'on nie. Maintenant,
ce n'est pas que le nombre, c'est aussi l'évolution de la pratique
médicale et on a beaucoup de signes que cette évolution va dans
un sens qui, nécessairement, n'entraîne pas une augmentation de
coûts de façon linéraire comme les projections
établies sur l'évolution des profils de pratique dans le
passé peuvent permettre de le penser. C'est aussi un contrôle qui,
si on l'applique de façon trop radicale et sans un bon système de
surveillance et assez de flexibilité... De toute façon, en termes
d'effets sur les coûts, il ne pourra commencer à porter des effets
que dans six, sept ou huit ans et n'aura pas vraiment d'impact avant douze
à quinze ans. À ce moment, on sera dans un contexte
démographique et de problèmes de santé complètement
différent de sorte qu'on applique une solution qui ne peut pas, à
elle seule, faire beaucoup pour aider le problème. Elle doit donc
être intégrée à une approche beaucoup plus
vaste.
Je m'arrête là-dessus pour ce qui est de nos commentaires.
J'espère qu'ils expliquent un peu et font ressortir certains points de
nos représentations sur la question des effectifs médicaux.
Très brièvement sur les gardes. Les doyens ont
déjà pris position là-dessus publiquement par la voix du
doyen de la Falcuté de médecine de l'Université de
Montréal, le Dr Gauthier, qui avait pris position au nom de
l'Université de Montréal, mais après avoir
consulté, s'être concerté avec ses collègues. Nous
pouvons aujourd'hui réaffirmer que les facultés de
médecine sont entièrement d'accord que, règle
générale, une fréquence de la garde aux quatre jours est,
sur le plan pédagogique, ce qui nous semble raisonnable et utile pour le
fonctionnement des programmes et pour les objectifs pédagogiques des
programmes, reconnaissant par contre que, pour certains programmes et pendant
certaines périodes de ces programmes, il peut y avoir
nécessité ou au moins utilité qu'une fréquence de
garde soit plus grande et qu'on peut identifier et déterminer ces
programmes.
En ce qui a trait à la responsabilité au moment des
gardes, on voudrait souligner, et ce n'est peut-être pas ressorti assez
clairement dans notre discussion de ce matin, qu'il faut très bien
distinguer que, quand on parle d'un interne qui est de garde, par rapport
à un résident, on parle de deux individus complètement
différents. L'interne est dans une situation où il doit
être très encadré, parce qu'il en est vraiment à ses
premières expériences cliniques, où il apprend à
prendre de l'autonomie alors que le résident, en termes d'objectifs
pédagogiques, doit acquérir une marge de manoeuvre de plus en
plus grande à mesure qu'il progresse dans son programme. On ne peut pas
s'attendre qu'un résident soit encadré de façon aussi
serrée qu'un interne, ce ne serait pas pédagogiquement normal,
c'est voulu par le système et c'est voulu en général, je
pense, par les résidents, qu'ils aient la possibilité de prendre
des décisions avant que le médecin responsable puisse
intervenir.
(15 h 30)
Si on applique notre position plus spécifiquement à la
situation des urgences, nous sommes aussi d'avis que les internes - et
là on parle strictement des internes de la façon dont le
problème a été présenté - doivent être
encadrés, à notre avis, de deux façons: dans tous les cas
par un médecin responsable de l'urgence, qui doit être un
médecin professionnellement accepté par le corps médical
de l'hôpital, par le conseil des médecins et dentistes, de sorte
qu'on ait là un barème qui peut juger du niveau de
compétence et d'expérience et de la qualité de la pratique
que fait l'hôpital par rapport aux types de problèmes qui se font
à l'urgence, et que ce soit une personne aussi, si c'est un
médecin responsable, pédagogiquement acceptable et accepté
par les responsables du programme universitaire,
Ce médecin peut être, à notre avis, soit
présent physiquement lui-même à l'urgence tout le temps,
sur place, ou qu'il soit responsable de l'urgence en travaillant avec un
système pyramidal de résidents et d'internes, mais un
système qui soit spécifique pour l'urgence. Sur ce, au besoin, on
pourra y revenir si cela demande des explications.
En concluant là-dessus, nous sommes d'accord qu'il y a là
un problème important qui doit être réglé. Il nous
semble, si nous ne sommes pas mal informés, que présentement le
problème est assez circonscrit à un certain nombre d'endroits qui
ne sont plus tellement nombreux et que, aussi, selon les informations qu'on
possède, des voies de solution semblent s'amorcer à un rythme
important et qu'il y a déjà eu une bonne concertation entre les
parties. On espère qu'on ne se leurre pas et qu'on n'est pas trop
naïfs dans les circonstances.
Finalement, très rapidement, les unités d'enseignement
clinique. Là aussi les doyens reconnaissent que les unités
d'enseignement clinique sont un moyen important et privilégié
pour la formation des internes et des résidents. Pour nous, c'est
vraiment un moyen qui est très important, mais cela reste un moyen. Il
faut surtout se rappeler -quand on n'a pas vécu dans le milieu
hospitalier - que le concept d'unité de l'enseignement clinique est
important à cause de ses caractéristiques. On veut dire par
unité d'enseignement clinique qu'on définit une quantité
et une qualité de pathologie qui se présentent dans un temps
déterminé et qui peuvent permettre d'atteindre les objectifs d'un
programme. Et on retrouve, à l'intérieur de ce qu'on appelle
l'unité, la pyramide d'externes, d'internes et de résidents qui
est si importante dans la dynamique de la formation clinique des
médecins et qui a, en fin de compte, un médecin responsable de
l'unité. C'est cela une unité d'enseignement clinique. Quand le
concept a été proposé pour la première fois il y a
maintenant 15 ou 20 ans, on pouvait le définir de façon
très précise en termes de nombre de lits et de structures
très physiques. Ce qui est important, ce sont vraiment les
caractéristiques plus que la structure matérielle de
l'unité. Pour nous, cela veut dire que ce qui est important, c'est un
programme qui a des objectifs très clairs qui a des activités
pédagogiques bien définies et qui a une formule d'encadrement et
des moyens d'évaluation bien définis aussi. La plupart du temps,
cela peut se réaliser dans une unité d'enseignement clinique,
mais ce n'est pas exclusif et il peut y avoir des situations où, pour
différentes raisons, d'autres modèles d'organisation
d'enseignement peuvent être aussi satisfaisants. En fait, en continuant
sur cela, ce qu'on veut dire, c'est que le concept d'unité
d'enseignement clinique s'est élargi et qu'il y a actuellement des
situations qui, à première vue, ne sont peut-être pas
facilement identifiables matériellement mais, si on regarde vraiment -
et c'est ce qu'on doit regarder - les mécanismes de fonctionnement d'un
programme en milieu clinique, on y retrouve le concept de l'unité. Il
peut y avoir encore là des situations où on ne le retrouve pas et
qui doivent être améliorées. Je pense qu'on n'aura jamais
un système parfait mais on est d'accord pour travailler dans ce
sens.
Mme la Présidente, mesdames et messieurs de la commission, je
vais limiter mes remarques à ce niveau pour ces trois points. Si vous le
voulez, je vais laisser la parole à mon collègue, le Dr Cruess,
pour qu'il puisse présenter plus spéficiquement le mémoire
que l'Université McGill a préparé sur les
éléments qui regardent les médecins étrangers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Dr
Rochon. Est-ce que le Dr Cruess veut procéder?
M. Cruess (Richard): Mme la Présidente, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, la Faculté de
médecine de l'Université McGill, dans un bref exposé
entend souligner certajns détails de son mémoire écrit
à la commission parlementaire. Il se trouve à l'intérieur
du mémoire écrit certaines informations sur lesquelles nous
aimerions attirer l'attention de la commission lors de ses
délibérations.
Nous croyons fermement que la Faculté de médecine de
l'Université McGill représente un atout précieux pour le
Québec. Elle a été la première faculté de
médecine canadienne et, à travers son histoire, a servi de
ressource non seulement au Québec mais au Canada et à
l'étranger.
Trois domaines de la formation de main-d'oeuvre médicale nous
semblent très
importants: l'enseignement médical, la formation postdoctorale et
le recrutement adéquat des membres de la faculté. Nous essaierons
ici de décrire nos inquiétudes en ce qui concerne chacun de ces
domaines.
À travers son histoire, la Faculté de médecine de
l'Université McGill a activement poursuivi l'objectif de diversifier son
corps étudiant. Nous avons donc mélangé les
Québécois francophones et anglophones, les autres Canadiens, les
Américains et les étudiants étrangers. La proportion de
chacune de ces composantes varie d'année en année selon les
circonstances. Lorsque notre faculté dépendait entièrement
de fonds privés, on y retrouvait beaucoup d'Américains et un
nombre significatif de Canadiens. Avec la participation grandissante du
gouvernement québécois dans le financement du processus
éducationnel et pendant que les besoins du Québec en termes de
main-d'oeuvre devenaient plus aigus, le nombre d'étudiants
québécois augmentait.
Nous sommes d'8vis que nous avons bien servi chacun de nos groupes
d'étudiants et nous aimerions souligner que de grands avantages
éducationnels peuvent être retirés d'un corps
étudiant aussi varié. En effet, les étudiants n'apprennent
pas seulement de leurs professeurs mais bien les uns des autres. Nous croyons
offrir aux étudiants une chance unique d'étudier avec des gens
provenant de divers milieux sans toutefois quitter le Québec. Nous
exhortons la commission à ne prendre aucune décision pouvant
affecter la possibilité qui nous a été accordée de
choisir un groupe raisonnable d'étudiants étrangers
qualifiés. Nous demandons donc le maintien des politiques passées
puisqu'elles ont toujours bien servi la population du Québec.
La deuxième question que nous aborderons concerne la formation
postdoctorale. Les effets globaux de la politique de contingentement ont
déjà été présentés dans le
mémoire conjoint soumis par les quatre facultés de
médecine. Toutefois, nous devons ajouter que certains aspects de cette
politique ont durement touché les programmes de formation postdoctotale
de la Faculté de médecine de l'Université McGill en
particulier. La distribution des postes alloués par les
universités s'est effectuée de façon rationnelle. Par
conséquent, chaque faculté s'est vu attribuer un nombre
adéquat de postes d'internat pour ses propres diplômés.
Chaque faculté s'est également vu octroyer des postes de
formation en médecine familiale d'une façon assez
généreuse. Cependant, la difficulté principale
réside au niveau des entrées en spécialité. On a
accordé à chaque faculté un nombre de postes correspondant
à 40 % de ses gradués, auquel s'ajoute un petit nombre pour tenir
compte des désistements. Parce qu'elles se voient confrontées
à une diminution majeure des postes ordinairement utilisés, les
quatre universités ont entrepris d'accorder la priorité aux
diplômés des facultés québécoises de
médecine. Cette décision a essentiellement éliminé,
premièrement, les Américains qui, traditionnellement, ont suivi
leur formation postdoctorale à l'Université McGill et qui
représentaient un nombre significatif mais raisonnable.
Deuxièmement, concernant les Canadiens des autres provinces, des
statistiques fournies par {'American Medical
Association indiquent que, d'après la dernière
année soumise à son étude, on trouvait 105
diplômés québécois occupant des postes
rémunérés aux États-Unis. Durant la dernière
année académique, le gouvernement a alloué dix postes pour
les Américians non inclus dans le contingentement. On nous a
laissé entendre que le nombre de postes qui sera alloué permettra
è ces individus de terminer leur formation
spécialisée.
Considérant que la formation post-doctorale dure entre trois et
cinq ans, nous devrions retrouver environ 40 Américains en formation
spécialisée au Québec en comparaison avec les 100
diplômés québécois présentement aux
États-Unis. Nous aimerions suggérer que 10 entrées
additionnelles en spécialité soient accordées pour les
candidats Américains de façon à rendre l'échange
plus équitable.
Encore plus important est le fait qu'en date du 1er juillet 1985, cette
année, et ce, pour la première fois de notre histoire, aucune
diplômé canadien d'une province autre que le Québec
n'entreprendra sa formation postdoctorale au sein des programmes de McGill.
Toutes les entrées en spécialité allouées à
la Faculté de médecine de l'Université McGill sont
comblées par les diplômés québécois; 19 de
nos 72 postes ont été distribués à des
étudiants provenant des autres facultés
québécoises. On retrouve présentement 218
diplômés québécois occupant des postes
rémunérés dans les autres provinces, tandis que seulement
151 Canadiens des autres provinces sont en formation au Québec. Ce
nombre s'abaissera presque à zéro, à moins qu'on ne
permette aux diplômés des autres provinces d'occuper des postes
d'entrée en spécialité au Québec.
Le maintien de cette politique peut éventuellement
éliminer les Québécois des programmes des autres
provinces. Nous croyons fermement qu'aucune région géographique
ne peut se permettre de voir l'accès à la meilleure formation
disponible, où qu'elle puisse se trouver, refusé à ses
citoyens. Nous suggérons donc fortement la mise sur pied d'un quota
spécifique permettant aux Canadiens de suivre leur formation
spécialisée dans les différentes facultés
québécoises. Nous aimerions indiquer que 50 postes
d'entrée en spécialité menant éventuellement
à la mobilisation de
150 à 200 postes jusqu'à ce que ces candidats finissent
leur formation seraient appropriés et constitueraient un échange
raisonnable.
De plus, il est à noter qu'une interprétation très
stricte de la définition d'entrée en spécialité a
découragé les Canadiens des autres programmes canadiens de suivre
leur formation dans une sous-spécialité durant habituellement une
ou deux années. Dans les excellents programmes que l'on trouve
présentement au Québec, ces individus auraient logiquement
dû être comptés comme des entrées en
spécialité au début de leur formation ailleurs, par
exemple, en médecine interne, et, lors de leur venue au Québec,
pour poursuivre leur formation en cardiologie ou en endocrinologie, ils ne
devraient pas être identifiés comme de vraies entrées.
Le dernier point que nous nous apprêtons à souligner touche
les sérieuses conséquences de l'impossibilité pour la
Faculté de médecine de l'Université McGill d'avoir
accès au marché mondial pour le recrutement de son corps
professoral. Je crois que le document des quatre doyens est assez clair
à ce sujet. Durant les dix dernières années, la
Faculté de médecine de l'Université McGill a connu
plusieurs changements d'orientation. Nos membres facultaires travaillent avec
ardeur à résoudre les problèmes de la dispensation des
soins de santé au Québec, souvent de concert avec le
ministère des Affaires sociales. Nous avons la ferme intention de
continuer dans ce sens, mais nous sommes convaincus qu'il va des meilleurs
intérêts du Québec de reconnaître le rôle que
joue la Faculté de médecine de l'Université McGill de par
les liens qu'elle entretient avec le reste du Canada, les États-Unis et
l'étranger.
Nous recommandons donc, premièrement, de permettre à la
Faculté de médecine de l'Université McGill de maintenir la
variété de son corps estudiantin; deuxièmement,
d'augmenter à 20 les entrées en spécialité pour les
Américains de façon à rendre l'échange plus
équitable; troisièmement, d'allouer 50 postes d'entrée en
spécialité aux quatre facultés de médecine pour les
Canadiens des autres provinces, afin de corriger la situation
d'inégalité croissant rapidement; quatrièmement, de
redéfinir les entrées en spécialité de façon
à permettre aux autres Canadiens de venir au Québec pour leur
formation sous-spécialisée sans être
considérés comme de vraies entrées et, finalement, de ne
pas empêcher la faculté de médecine de recruter hors les
frontières canadiennes lorsqu'un candidat qualifié n'est pas
disponible pour un poste universitaire. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci beaucoup, Je proposerais à mes collègues que nous
procédions à dix minutes de chaque côté pour
éviter que, comme ce matin, il ne reste plus de temps en bout de liste.
Allez-y, M. le ministre. (15 h 45)
M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier
tout d'abord la conférence des doyens pour son témoignage. Je
vais aller directement aux questions parce que je sais qu'on en a un bon nombre
à passer.
Ma première question s'adresserait à M. Rochon. Je
voudrais savoir quels sont les efforts qui ont été
déployés par les universités pour s'assurer d'une
meilleure distribution entre les spécialités. Je pense que vous
admettrez que, dans certaines spécialités, on en a trop; dans
d'autres, quand on parle d'anesthésistes, par exemple, on sait qu'on en
manque. Quels sont les efforts concrets qui ont été
déployés par les universités pour en arriver à une
meilleure répartition?
M. Rochon: En ce qui concerne les spécialités, il y
a deux types d'efforts, concrètement, qu'on a pu faire. Il y en a un qui
dépassait le strict aspect de la planification du nombre d'effectifs,
mais rejoignait l'amélioration de la qualité des programmes, qui
s'est appelé l'opération de rationalisation des programmes de
formation spécialisée.
Tout cela a commencé par une étude et un avis du Conseil
des universités, il y a maintenant quatre ou cinq ans, je pense, qui ont
été suivis, après entente avec le ministère de
l'Éducation, à l'époque, par une étude plus
approfondie, plus spécifique sur le terrain faite par les
facultés de médecine et la corporation. Présentement, avec
la corporation, on est à mettre en pratique les recommandations qui nous
ont amenés à concentrer la formation dans les programmes,
à concentrer certains programmes qui connaissaient un
éparpillement trop grand, compte tenu du nombre de candidats qui
pouvaient être formés.
La deuxième mesure a été plus, dans le
fonctionnement actuel du système, appliquée et applicable au
niveau de chaque faculté de médecine et par la régie
interne de chaque faculté de médecine. Là, nous avons
vraiment tenté de répondre le plus possible, compte tenu des
informations que l'on possédait, de la validité que l'on pouvait
accorder aux données de pénuries ou d'excédents dans
certaines spécialités ou autres, et compte tenu de la
volonté exprimée par le gouvernement d'accorder un plus grand
nombre de postes aux programmes où il semblait y avoir
pénurie.
Maintenant, au besoin, je laisserai mes collègues préciser
si j'oublie d'autres éléments. Je pense qu'il y a deux principaux
moyens. Ce qu'il faudrait bien reconnaître,
c'est que pour les facultés de médecine - et c'est pour
cela qu'on a voulu dire, dans notre présentation, qu'on a souvent des
marges de manoeuvre assez serrées - avec un contingentement très
fixe et très rigide, une fois les postes distribués pour ce qui
est des facultés de médecine et qu'on commence à les
répartir dans les programmes de spécialité, la marge de
manoeuvre est très petite et, surtout, ce n'est pas facile, quand on
sait comment fonctionnent les programmes, les effectifs sur le terrain, de
faire des changements brusques. Mais, à titre d'exemple, pour les deux
programmes qui ont été le plus mis en lumière dans les
dernières années, soit la psychiatrie et
l'anesthéste-réanimation, à l'intérieur de quelques
années, on n'a pas pu, d'un coup sec, en un an, comme on nous le
demandait, parce que cela n'était pas faisable dans le contexte
où on fonctionne, mais, en quelques années, on a pu remplir ces
programmes à pleine capacité, compte tenu de ce qui pouvait
être encadré.
On pense que, graduellement, les données sont de plus en plus
fiables et il y a de plus en plus accord, consensus entre les parties
concernées qu'il y a vraiment un déficit ici et vraiment un
excédent dans l'autre place. On va être capable de se
réajuster de plus en plus. C'est pour cela que dans notre intervention
on disait: Plus la planification qui va se faire provincialement sera en
concertation et plus elle sera raffinée, compte tenu des
spécialités des régions, plus on va avoir, nous aussi, une
base politique à l'interne, si vous voulez, pour faire les
réallocations. Mais tout cela, dans un système trop rigide et
trop limité, va toujours être plus difficile et les
réponses vont être plus difficiles à être primes.
Je ne sais pas si je réponds à votre question. Il y a
peut-être de mes collègues qui voudraient souligner d'autres
aspects.
M. Chevrette: J'aurais une sous-question, pour permettre aussi
à vos collègues... Vous dites que vous oeuvrez dans un cadre
plutôt serré, plutôt difficile. Vous faites allusion, je
suppose, au rapport Scott.
M. Rochon: Le groupe de travail qui a fait le premier travail
pour les universités, c'est cela.
M. Chevrette: Boni Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est!
Quelles sont les mesures concrètes, maintenant, que vous êtes sur
le point d'appliquer? Pouvez-vous nous donner des exemples très concrets
et nous dire, par exemple: À compter de l'an prochain, voici ce que nous
allons faire pour assurer une meilleure répartition?
M. Rochon: Pour quelles spécialités? M.
Chevrette: Prenons l'anesthésie, par exemple.
M. Rochon: L'anesthésie et la psychiatrie; ce sont les
deux seules...
M. Chevrette: Une entente, oui.
M. Rochon:... où il y a eu un accord assez partagé
qu'il fallait... Je pense que, è quelques unités près, les
programmes des quatre facultés de médecine sont remplis à
pleine capacité. On ne peut pas en prendre plus. On a convenu qu'on
continuerait de maintenir ce rythme de production jusqu'à ce qu'on
puisse prévoir que les besoins seront remplis, en espérant qu'on
va s'entendre pour commencer à diminuer assez vite pour ne pas
créer de surplus. C'est peut-être plus cela le danger dans ces
deux domaines pendant quelques années, parce qu'une fois que c'est
parti...
M. Chevrette: Donnez-moi donc un exemple où il serait
important qu'on fasse la même chose qu'en anesthésie.
M. Rochon: Pour les autres, je n'ai pas ma boule de cristal.
Malheureusement, la nôtre n'est pas meilleure que la vôtre. Nous
avons reçu, nous aussi, le rapport qui a été
présenté par l'Association des cardiologues. On a entendu
différentes opinions et différentes critiques là-dessus.
On a commencé à discuter avec l'Association des cardiologues. On
est bien prêt à le faire à mesure qu'on aura
identifié une spécialité où il y a des besoins plus
grands.
Si je vais dans le sens de votre question, je dirais qu'avec le peu de
données qu'on a actuellement on serait plus porté, tenant compte
des discussions qu'on a actuellement là-dessus, à regarder de
plus près d'abord les spécialités plus
générales que les plus pointues. Qu'on parle de médecine
interne ou générale, les internistes peuvent sûrement faire
face à beaucoup de problèmes non seulement en région
éloignée, mais même dans des centres autour de la
périphérie. Il y en aussi dans le domaine de la pédiatrie,
dans des spécialités nouvelles comme la gériatrie, qui
peut être une orientation plus spécifique de la médecine
interne. On est peut-être plus sensibilisé là-dessus, mais
on n'a pas toujours les données qui nous permettraient de bouger autant
qu'on le voudrait. À mesure qu'il y a des spécialités plus
pointues, où on peut démontrer qu'on peut prévoir des
déficiences... Je ne les ai pas de mémoire. Je sais qu'il y a eu
des données de la corporation, il n'y a pas longtemps, concernant les
moyennes d'âge des spécialités, surtout celles qui ont des
moyennes d'âge de plus de 45 ans. Par le concept de réservoir
qu'on essaie d'amener dans notre mémoire, on pense pouvoir
facilement, dans les prochains mois et dans la prochaine année,
de plus en plus identifier des spécialités où on est
relativement sûr qu'il y a un déficit et où on peut aller.
Mais, encore là, il faut vraiment comprendre... Vous connaissez cela, je
pense, autant sinon mieux que nous autres: dans le milieu dans lequel on
fonctionne, ce ne sont pas des bateaux qu'on peut revirer de côté
très rapidement. Cela ne prendra pas dix ans, mais cela va prendre deux
ou trois ans avant de vraiment préparer un virage plutôt que
quelques mois.
M. Chevrette: Monsieur voulait ajouter?
M. Lamarche (Guy): Oui, je voudrais souligner que le rapport dont
a fait mention le doyen Rochon, c'est le rapport COCERAP. Il a
été distribué au ministère de l'Éducation
avant qu'il ne change de nom. Ce rapport propose une rationalisation assez
précise, la création d'un programme réseau, par exemple.
Dans certains programmes où il y a peu de résidents, on propose
des programmes réseau, un seul programme pour la province entière
qui puiserait dans les pointes d'excellence de chacune des quatre
facultés. On propose des programmes associés de deux
facultés; par exemple, Laval et McGill ou Sherbrooke et Montréal.
On propose aussi, dans presque chacun des programmes, une diminution des
milieux de formation. Il en a été question ce matin; vous l'avez
mentionné vous-même. Cela a été proposé dans
ce rapport conjoint des facultés et de la corporation. Nous avons
déjà commencé è rationaliser ces programmes. Nous
avons des réunions fréquentes. Il est probable qu'à partir
de 1986, déjà, certains de ces programmes auront
été adoptés.
M. Rochon: C'est toujours le même rapport. Le rapport Scott
est devenu le rapport COCERAP après avoir été
adopté.
M. Chevrette: Mais vous parlez beaucoup du problème. C'est
difficile d'avoir des mesures concrètes. Vous dites qu'en
anesthésie, d'accord, c'est rempli, qu'il n'y a pas de problème;
qu'il faut se surveiller, que c'est un problème inverse. Quel est le
problème fondamental qui fait que c'est aussi complexe, aussi difficile
de toucher du doigt les véritables problèmes pour y adapter les
meilleures solutions? Ce serait quoi?
M. Rochon: II y en a beaucoup qui sont les mêmes, je pense,
que les problèmes de planification dans tout domaine de la main-d'oeuvre
humaine, dans un secteur où le cycle de formation est assez long. Je
pense que c'est essentiellement cela le problème. Pour former un
médecin, cela prend cinq ou six ans. Pour former un spécialiste,
cela prend quatre ou cinq ans de plus. On les forme pour des besoins
spécifiques, pour une population qui évolue aussi. Ce que l'on
fait aujourd'hui, comme je le disais tout à l'heure, va avoir un effet
qui va commencer à se faire sentir pour des médecins en
omnipratique ou en médecine familiale dans six ou sept ans et qui va
commencer è se faire sentir dans une douzaine d'années pour les
spécialistes. Le cycle, une fois commencé, les unités de
formation mises en place, les effectifs organisés, les hôpitaux
qui ont monté des unités d'enseignement, les étudiants
inscrits dans des programmes... Alors, une fois qu'on a rempli un programme,
c'est vraiment un train qu'on a lancé et, la minute où on
décide de l'arrêter, il va marcher encore pendant quatre ou cinq
ans avec le même "output", avant de commencer à produire autre
chose. Alors, c'est lourd par nature. Les besoins sont difficiles à
prévoir parce qu'en plus les modalités, les modes et les styles
de pratique évoluent beaucoup, en plus des changements de la population.
Alors, il y a un tas de paramètres dans l'équation qui bougent.
On peut toujours faire des prévisions, mais cela nous donne des
prévisions... Tous les spécialistes avec qui j'ai discuté
et qui travaillaient dans les domaines de la main-d'oeuvre, non seulement
médicale, mais en général, ont toujours dit que la
première caractéristique d'une bonne prévision, c'est
qu'elle ne va pas se réaliser. On le sait bien, parce qu'on postule que
rien ne va changer, que rien de ce qui est vital ne va changer. On dit: Si cela
ne change pas, on va être là, mais on sait qu'il y a quelque chose
qui va changer. Et, nous, on est dans un monde, surtout depuis les deux
dernières décennies, qui a changé beaucoup et qui a l'air
de s'annoncer pour changer encore pas mal sous plusieurs variantes. Alors,
c'est tout cela qui rend cela difficile. C'est simple de comprendre pourquoi
c'est difficile, mais c'est complexe de comprendre comment on peut venir
à bout de contrôler cela.
M. Chevrette: Est-ce que dans chaque faculté,
présentement, les postes prévus pour l'anesthésie et la
psychiatrie sont comblés par des résidents dans ces deux
spécialités?
M. Rochon: Par des résidents, nécessairement,
oui.
M. Chevrette: Vous n'avez pas d'autres groupes d'individus, par
exemple...
M. Rochon: Qu'on appelle, par exemple, les moniteurs.
M. Chevrette: Je savais que vous viendriez à le sortir
vous-même; j'hésitais délibérément.
M. Rochon: J'ai failli prendre plaisir à
vous laisser aller plus longtemps. M. Chevrette: Je l'aurais
dit.
M. Rochon: Oui, je le sais. Ce sont essentiellement des
résidents. Il y a quelques personnes qui ont été,
comptées, mais ce ne sont pas des moniteurs secrets. Il y a eu une ou
deux ententes qui existent entre des centres hospitaliers et des
universités; je peux parler de celle que je connais le mieux, qui existe
entre Laval et Robert-Giffard, entente qui a été faite
très officiellement, très ouvertement entre les deux conseils
d'administration, le conseil d'administration de l'hôpital et le conseil
exécutif de l'université, et qui a été
déposée. Vous le voyez, copie conforme au ministère. Par
contre, ces quelques individus qui font partie, qu'on a ajoutés dans le
contingent, ont accepté des obligations particulières pour
pouvoir faire leur spécialité, par exemple, certaines
orientations en psychiatrie lourde et certains types d'établissements
où ils vont aller. Mais, de mémoire, je peux vous dire qu'on
parle de deux, trois individus; trois, je pense, à Laval. Il y en a
peut-être d'autres dans une autre entente dont on parlait. L'essentiel,
ce sont des résidents.
M. Chevrette: Vous dites que c'est difficile d'avoir des
données précises. Vous nous dites également qu'on s'y
prend ordinairement à tous les niveaux. Vous ne visez pas
nécessairement le gouvernement, mais tous ceux qui se permettent de
faire des statistiques, si j'ai bien compris, devraient déduire le
nombre d'enseignants, le nombre de médecins recherchistes, etc.
Il y a des choses que je concilie mal avec vos propos, parce qu'il y a
un bon nombre d'enseignants, déclarés enseignants, qui
reçoivent égalemen de la RAMQ 120 000 $ par année. Comment
voulez-vous qu'on n'en tienne pas compte au niveau des statistiques?
M. Rochon: Absolument. Je pense que vous pouvez et devez en tenir
compte. Quand j'ai dit cela, je me référais à un contexte
très particulier du recrutement de certains types de professeurs qui
sont demandés par les universités, des gens qui ne viennent pas
du Québec. En général, ces individus sont recrutés
pour des charges complètes d'enseignement et/ou de recherche, et ils ont
une activité clinique assez réduite et contrôlée.
Mon commentaire concernait spécifiquement ce groupe.
Maintenant, pour les enseignants dans les facultés de
médecine, par ailleurs, les enseignants québécois,
professeurs réguliers, il y a une variabilité assez grande de
statuts et de niveaux de régime d'emploi à ces
universités. Tous n'ont pas un régime temps plein et tous les
professeurs adjoints, par exemple, ne sont pas nécessairement
employés à temps plein par l'université. Alors, pour
vraiment analyser la situation, il faudrait avoir non seulement ce qu'ils
reçoivent de la régie, mais ce qu'ils gagnent vraiment à
l'université.
M. Chevrette: Je sais que mes dix minutes sont terminées.
Je pourrai revenir tout de suite après sur la garde, j'aurai des
questions. Je vais respecter les règles de Mme la Présidente. (16
heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aurais quelques
questions à vous poser. C'est un problème qui a été
soulevé à la fois par les doyens et par l'Université
McGilI. C'est celui du recrutement des professeurs - appelons-les hors
Québec, pour les fins de la discussion - qui sont des gens qui se
consacrent à la recherche, à un enseignement particulier, et
ainsi de suite. Vous l'avez expliqué et, après cela,
l'Université McGill a dit: Cela a été bien expliqué
par les doyens. Vous parlez, par exemple, de difficultés, de lenteur. En
fait, vous souhaiteriez - je pense que je l'ai ici: "Les barrières au
recrutement professoral, déjà très nombreuses - c'est en
page 9 de votre mémoire - et difficiles à traverser, ne devraient
pas être augmentées par les autorités de l'Immigration. "
Apparemment, vous en avez du côté de l'Immigration, Mais quels
sont les autres types de difficultés que vous avez dans le recrutement
de ces professeurs qui ont des charges d'enseignement et de recherche?
M. Rochon: On ne vise personne en particulier et tout le monde en
général quand on dit cela. D'ailleurs, on a eu des rencontres
avec nos collègues, les officiers des ministères, pour discuter
de cela. Ce qu'on a compris, c'est que c'est un système où il y a
tellement d'intervenants et pas de mécanisme prévu où on
peut se parler au bon moment que les dossiers ne finissent pas par sortir.
Comme c'est vu, plutôt qu'une main-d'oeuvre universitaire, donc,
système d'éducation, comme de la main-d'oeuvre médicale,
quand les dossiers arrivent au ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, on fait, je pense, si j'ai bien compris le
système, une référence automatique au ministère des
Affaires sociales qui, lui, a comme première réaction de dire non
jusqu'à preuve du contraire.
Maintenant, avant que le dossier ne fasse le tour et nous revienne, il
peut s'être passé pas mal de mois. Alors, quand une
université entreprend de recruter quelqu'un, d'abord, bien souvent,
c'est un recrutement par lequel on a cherché un candidat en
général québécois et canadien. Le processus est en
marche depuis longtemps. Il y a une personne qui a été
rencontrée et qui est
venue. Sans que cela ne soit vraiment engagé et
contresigné, pour qu'on demande que la personne puisse venir, les
démarches sont déjà faites depuis longtemps. On recommence
le processus de convaincre le ministère des Affaires sociales de refaire
l'avis à l'Immigration et, avant que l'Immigration nous ramène le
dossier, cela peut prendre un temps terrible et, avec tout cela, on ne sait
plus sur le bureau de qui est rendu le dossier. Alors, cela peut prendre trois,
quatre, cinq ou six mois. Si l'été passe a travers cela ou une
période un peu prolongée ou n'importe quoi, vous pouvez vous
imaginer que très vite plusieurs mois passent. C'est cela en gros. Ce
n'est pas nécessairement qu'il y a un blocage systématique, mais
le système donne très peu de résultats et ne permet pas
aux gens de se parler au préalable et au bon moment. C'est comme cela
que je l'ai perçu. Je pense que je vais laisser mon collègue de
McGill qui, peut-être plus souvent, en plus grande fréquence, a
des dossiers à présenter...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous aimeriez
ajouter...
M. Rochon:... réajuster au besoin là-dessus.
M. Cruess: Jusqu'à l'été passé,
c'était facile. Il y avait beaucoup de choses à faire, mais nous
n'avions pas de difficulté avec cela. Mais, depuis l'été
passé, nous avons eu beaucoup de problèmes. Il est
nécessaire de faire beaucoup d'appels téléphoniques et de
faire des pressions pour obtenir la permission du ministère des Affaires
sociales d'obtenir le dossier à l'Immigration. Nous avons perdu un
candidat de la Belgique qui ne veut plus attendre encore quelques mois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un processus qui
peut prendre combien de temps, tout cela?
M. Cruess: Le processus de recrutement est très long. Au
niveau de l'université, avec les avertissements et les choses comme
cela, cela peut prendre entre six mois et un an. Mais, après que nous
avons notifié le ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration, et le ministère des Affaires sociales, c'est deux,
trois, quatre ou cinq mois de plus, pour une étape. Il y a beaucoup
d'autres étapes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que
l'université dans son processus, cela peut vouloir dire, si je vous ai
bien compris, entre six et douze mois, et qu'après cela ça peut
être quatre ou cinq mois supplémentaires. Est-ce que, du moment
que vous envisagez de recruter quelqu'un à l'étranger, vous en
faites immédiatement part au ministère des Affaires sociales ou
si vous attendez que - appelons-là ainsi - la première
étape...
M. Cruess: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... soit
complétée avant de faire la deuxième, ce qui,
peut-être, allonge les choses indûment?
M. Cruess: Après une rencontre avec les
représentants des Affaires sociales, maintenant, il y a un processus:
nous écrivons immédiatement au responsable du ministère,
avec tout le dossier, pour lui dire que nous sommes en train de l'envoyer
à l'Immigration.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas,
peut-être que le ministre pourra nous éclairer plus tard. Ce n'est
pas très clair - quand je dis vous, cela peut être n'importe
laquelle université - si c'est vous qui étiez lents dans votre
premier processus ou si c'est le ministère des Affaires sociales. Je ne
sais si le ministre voudrait donner des explications là-dessus pour que
ce soit clair, parce que je sais que c'est un problème qui est dans le
paysage.
M. Chevrette: Je pense que monsieur a véritablement admis
qu'à la suite d'une rencontre entre nos hauts fonctionnaires et les
représentants de la faculté il a été convenu que,
dorénavant, au lieu d'arriver après tout le processus de
l'immigration, etc., on puisse cheminer parallèlement, parce qu'on
arrivait avec un dossier qu'on n'avait jamais traité et il fallait
donner une réponse parce que cela urgeait. L'assentiment de la personne,
c'était quelques jours, quelques semaines à peine, et on n'avait
pas pu traiter le dossier. Si on pouvait cheminer en même temps que les
autres ministères, les réponses pourraient être beaucoup
plus rapides. On en a réglé un - en tout cas, c'est mercredi que
ta réponse sera officielle - pour un DSP, par exemple, pour
l'Hôpital juif de Montréal. Dès qu'on a été
mis au courant... Ce n'était pas nécessairement un cas
d'acceptation de médecin immigrant comme tel, c'était
plutôt dans le cadre d'une spécialité. Après
entrevue, on jugeait que c'était une compétence, quelqu'un qu'il
fallait aller chercher absolument, et on l'a traité en priorité.
Il reste que nous aussi on doit faire nos investigations et tout. Comme il a
été convenu, je pense qu'on pourra, du côté des
Affaires sociales, mener les dossiers beaucoup plus rondement avec la nouvelle
procédure.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela semble vous
satisfaire, cette... M. le député de Westmount.
M. French: Mme la Présidente, je vous remercie. Je pense
qu'il reste une ambiguïté ou qu'une série de questions
devraient être posées. La première parmi ces questions est
la suivante: Est-ce que les universités ou les facultés de
médecine ont abusé en voulant faire venir quelqu'un au
Québec pour une raison autre que les besoins d'enseignement de
l'institution? Cela aussi a été affirmé dans certains
contextes - j'ai eu trois, quatre discussions là-dessus - et je pense
que c'est au ministère de l'Immigration où on a soulevé la
possibilité que tel ait été le cas dans quelques cas
précis. Ce serait valable que les doyens et le ministère se
prononcent là-dessus puisque, si oui, cela justifierait le genre de tri
qui se fait actuellement, tri un peu laborieux à mon sens, mais
peut-être nécessaire s'il y a eu abus. Si, par contre, il n'y a
pas eu de tels abus, il me semble difficile de justifier des études et
des enquêtes qui durent plus de deux ou trois semaines. Il me semble
difficile d'expliquer que cela prenne quatre mois d'étude pour refaire
l'évaluation qui a déjà été faite de bonne
foi - selon l'hypothèse qu'il n'y a pas eu d'abus - par une institution
médicale au Québec. J'ai échangé des propos
longuement avec le ministre là-dessus et je continue à croire
que, s'il n'y a pas eu d'abus - je n'affirme pas qu'il n'y en a pas eu - il n'y
a pas lieu que, quelque part dans la machine des Affaires sociales, il y ait
une espèce de "Monday morning quarterbacking" sur les décisions
des gens qui sont les seuls responsables et les seuls qualifiés pour
faire l'évaluation de ce dont ils ont besoin comme main-d'oeuvre
médicale dans le domaine de la recherche et de l'enseignement, ce qui
n'est pas, encore une fois, la même chose que de trouver un
anesthésiste pour un hôpital à Gaspé ou dans une
région périphérique. Ce sont deux démarches
complètement différentes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le ministre
voulait...
M. Chevrette: Ce n'est pas une question d'abus, c'est une
question d'effort préliminaire qui doit être fait pour, à
compétences égales, choisir le résident. C'est cela qui
est l'esprit fondamental. S'il n'y a pas eu d'appels d'offres ou d'ouverture de
postes ici même au Québec, c'est clair que la décision,
c'est non d'abord au ministère des Affaires sociales. On dit:
D'abord...
M. French: Combien de cas de ce genre avez-vous
trouvés?
M. Chevrette:... faites l'effort et ensuite on jugera devant les
résultats. Il y a eu des exemples qui ont été reconnus.
C'est vrai que cela prend un certain temps. On ne doit pas cacher cela, les
délais sont toujours trop longs. On sait cela. Mais il reste que c'est
ce qu'on demande comme preuve, au départ. Pas seulement pour
l'enseignement, même pour des fonctions spécifiques comme des
recherchistes ou encore un DSP, comme ce fut le cas la semaine dernière.
C'est un fait qu'on demande cela. N'importe quel pays, n'importe quelle
province fait cela. D'abord, regarder si les compétences locales
correspondent, sinon on n'a pas à se priver des "top notch" pour pouvoir
dispenser le savoir. On est entièrement d'accord. C'est la discussion
qu'on a eue tous les deux en commission parlementaire sur les crédits.
On a demandé aux universités que, dorénavant, pour ces cas
spécifiques, pour qu'on puisse cheminer en même temps que les
autres, on ait le dossier au tout départ. C'est cela qu'on dit.
M. French: Mme la Présidente, est-ce que le ministre
serait prêt à donner un temps optimal? Est-ce raisonnable de
s'attendre à une réponse dans un mois? Est-ce raisonnable comme
cible? De toute évidence, vous ne réussissez pas actuellement
à atteindre cette échéance - je dis "vous", mais je veux
dire les écoles et vous - d'une façon ou d'une autre, cela ne
marche pas comme cela devrait marcher, il me semble.
M. Chevrette: On a demandé aux gens des universités
de nous envoyer les cas dès le départ, même pas quand ils
les envoient à l'Immigration. On est allés plus loin que cela. On
a dit: Quand vous entreprenez les démarches, faites-le-nous savoir, pour
que cela aille plus vite. On ne peut pas être plus réceptifs que
cela. Je ne sais pas ce que le député veut de plus. Il me semble
que...
M. French: Ce que je veux, c'est plus d'appels...
M. Chevrette:... c'est beaucoup. À supposer que McGill a
besoin d'un enseignant je prends l'exemple de McGill, mais j'aurais pu en
prendre un autre - d'un grand cardiologue et qu'ils l'ont
déniché. Les intéressés entreprennent les
démarches pour aller le chercher. Nous disons: Avant même d'aller
à l'Immigration, envoyez-le-nous. Nous ne traînerons pas, dans la
mesure du possible, soyez assurés de cela. Ce qui arrivait comme
procédure antérieure, c'est que tout le monde s'était
branché et cela nous arrivait sur la table et on disait au ministre des
Affaires sociales: Qu'est-ce que tu attends pour te prononcer? Tu es toujours
en retard! Bien oui! Mais il est toujours le dernier à être mis au
courant et c'est lui qui doit donner l'accord final. Ce serait un peu normal
qu'il chemine en même temps que les autres. C'est cela. On ne se
chicanera pas là-dessus. Le monsieur de l'Université McGill vient
de nous dire qu'il
avait convenu avec nos hauts fonctionnaires de cette démarche.
S'il y a harmonie, n'allumez pas de feu, on s'entend.
M. French: Oui. Sauf que c'est moi-même qui serai pris pour
aller voir le ministre dans trois, quatre, cinq ou six mois si cela marche
comme cela a marché depuis un an.
M. Chevrette: De toute façon, vous n'auriez pas besoin de
cela pour venir me voir, voua viendriez quand même.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le
Dr Rochon voudrait ajouter quelque chose.
M. Rochon: J'aurais quelques commentaires à faire
là-dessus. D'abord, le Dr Gauthier.
M. Gauthier (Yvon): Je voudrais dire que je ne pense pas qu'on
ait commis d'abus à l'Université de Montréal, justement.
En fait, on a sans doute été beaucoup moins impliqués que
nos collègues de McGill dans des situations comme celle-ci. En fait,
c'est vraiment la dernière chose que l'on fait que de regarder à
l'extérieur. Mais, au cours des derniers mois, je peux dire que cela a
été extrêmement compliqué. J'apprends, aujourd'hui,
qu'il faut avertir le ministère des Affaires sociales à peu
près en même temps que l'on fait, si on peut dire, nos
démarches vis-à-vis des professeurs de l'extérieur.
Remarquez bien que ce sont des situations très complexes là
aussi. Cela peut être des gens qui sont ici depuis un an ou deux à
titre de professeur invité et dont la compétence et l'expertise
nous apparaissent absolument essentiels. C'est à ce moment-là
qu'on fait la demande. Souvent, ce sont des gens qui ont des décisions
rapides à prendre parce qu'ils ont - s'ils sont aussi compétents
- des postes dans une université, que ce soit en France, en Angleterre
ou ailleurs, Il y a toute une série de... C'est là qu'on touche
du doigt combien il est important... Je suis bien d'accord qu'on le dise au
plus grand nombre de gens possible. En tout cas, au cours des mois, cela a
été très compliqué. J'espère que les choses
seront beaucoup plus faciles, parce que je peux assurer que, de notre
côté, c'est vraiment la sorte de démarche qu'on fait en
dernier ressort. Je suis tout à fait d'accord. C'est vraiment la
position de la faculté, à savoir qu'il faut essayer de trouver
ici les compétences et les utiliser au maximum. Mais, dans certains cas,
il faut aller à l'extérieur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Rochon, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Rochon: Je me permets d'insister très
brièvement, en présumant que ce mécanisme nouveau...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous venez de faire une
grande annonce, M. le ministre n'avait pas l'air au courant.
M. Rochon: Cela n'avait peut-être pas fait le tour, parce
que nous n'étions pas tous à la rencontre, mais nous avons
présumé... Cela montre clairement que la communication passe mal
quand il y a beaucoup de gens intégrés là-dedans. Mais
c'est relativement récent, et on peut présumer que le
système va faire ses preuves, qu'il va améliorer. (16 h 15)
II y a un autre élément qu'il ne faudrait pas oublier en
ce faisant, par exemple. Il y a une question de synchronisation dans le temps;
cela va aider un peu si on fait chevaucher les processus. Il y a les
critères qu'on utilise et qu'on regarde; il faudrait faire attention
aussi à cela, parce que souvent on s'est fait poser des questions,
où on est amené, à l'intérieur des
ministères, à dire: Un autre cardiologue. Combien a-t-on de
cardiologues? Un autre dans la région de Montréal, combien en
a-ton là? Avons-nous réellement besoin d'un cardilogue à
Montréal, alors qu'il n'y en a pas à tel endroit? Quand on amorce
ce genre de discussion - c'est cela qu'on essayait de dire - ce n'est pas du
tout la bonne discussion pour le recrutement, on veut recruter quelqu'un pour
faire de la recherche ou de l'enseignement dans tel domaine, à McGill,
à Montréal, à Laval ou à Sherbrooke. Alors, que ce
soit un autre dans une spécialité qu'on a en surplus, cela n'a
rien à voir, parce qu'on ne l'envoie pas sur le terrain pour pratiquer.
Cela va être très important aussi, autrement on va avoir
réglé un peu le chevauchement, mais on va juste se chicaner plus
longtemps, parce qu'on va commencer plus vite. On va se chicaner pareil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce genre de discussion,
on l'a eu lors de l'étude des crédits, où justement le
ministre et les membres de l'Opposition discutaient à des niveaux
différents; l'un qui était de l'ordre des ressources à
l'ensemble des citoyens, si on veut...
M. Rochon: Médical...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... médical...
M. Rochon:... par rapport au...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... et l'autre, des
ressources de niveau universitaire, d'enseignement et de recherche. Est-ce que
vous avez autre chose? On est
aussi bien de clore.
M. Chevrette: Non, mais je vaudrais... C'est quand même un
sujet extrêmement important et c'est vrai qu'il crée des
problèmes. Voici pourquoi le ministère des Affaires sociales a un
mot à dire qui est très important. Je prends un exemple, qui
m'est raconté, à Sherbrooke, où on veut un
spécialiste. Mais on sait très bien que, si on prend tel
spécialiste, cela veut dire qu'on implante tel service ou telle
spécialité à tel centre hospitalier. Il faut prendre la
décision, parce que c'est nous qui allons le payer en fin de compte:
Est-ce qu'en Estrie, ou à Sherbrooke plus précisément, on
a les moyens de, ou on doit, ou on peut se permettre cela? Cela fait partie
d'une analyse qui n'est pas nécessairement sur la compétence de
l'individu, qui n'est pas reliée du tout à la compétence
professionnelle de la personne, mais on est obligé d'en tenir compte,
qui que ce soit au poste de ministre des Affaires sociales. C'est une
complexité face à ce problème. Une université n'a
peut-être pas nécessairement l'occasion d'y songer, parce que
c'est un autre secteur, c'est le secteur de la formation. Il y a la question
des soins, des services directs à la population. Et, par rapport
à la capacité de payer, à un moment donné, il faut
que tu te poses une question. Je voulais juste vous démontrer un peu
plus la complexité de cela.
Mes propos sont sur deux autres sujets.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien là, on est un
peu tout...
M. Chevrette: J'ai remarqué cela, c'est pourquoi je vous
ai laissé aller, je trouvais que cela allait bien, je ne suis pas
intervenu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais...
M. Chevrette: Je me disais: Quand viendra mon tour, je ne serai
pas achalé du tout, ils vont me laisser aller pendant quinze
minutes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... la raison pour
laquelle on a, enfin, à tort ou à raison...
M. Chevrette: Non, d'accord, ce...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai permis cet
échange de vues, parce qu'il y avait un problème qui avait besoin
d'être creusé. Vous avez voulu intervenir, ainsi que le
député de Westmount.
M. Chevrette: Oui, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Alors, si vous me donnez... Il me reste quatre minutes.
M. Chevrette: Je ne suis pas un gars de grief, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Bon! M. Chevrette:
Je suis un médiateur-né.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. L'autre
question touche - il y en a plusieurs, mais je reviendrai si j'ai la chance,
plus tard - les unités d'enseignement clinique. Ce matin - je ne sais
pas si quelques-uns parmi vous étaient ici, je voudrais être bien
sûre d'avoir bien compris votre version et la version, peut-être
qu'elle concorde... Des résidents et des internes, ce matin, ont
déploré que cela pouvait être inégal - ils n'ont
peut-être pas dit que c'était très inégal - d'un
centre hospitalier à l'autre. Alors qu'à des endroits,
c'était bien organisé, à d'autres, il n'en existait pas et
tout...
De votre réponse, c'est-à-dire la façon dont vous
avez abordé le problème, cet après-midi - ce
n'était probablement pas une réponse que vous vouliez donner
à la fédération - j'ai cru comprendre que peut-être
ils avaient - c'est là que je voudrais que vous me corrigiez - une
conception trop, je ne sais pas si on peut le dire, monolithique de ce qu'est
une unité d'enseignement clinique, alors que, d'après vous, il y
aurait différents modèles et qu'ils ne sont pas
nécessairement les mêmes d'un endroit à l'autre. Alors,
c'est l'impression que j'ai eue, mais je peux me tromper. Je voudrais que vous
m'éclairiez là-dessus.
M. Rochon: Brièvement car je laisserai peut-être la
parole à mes collègues de Montréal, vu qu'on a
donné des exemples dans la région de Montréal ce matin;
cela permettra peut-être d'être encore plus spécifique en
répondant à votre question. Premièrement, je n'ai vraiment
pas voulu interpréter au-delà de ce qu'ont dit, ce matin, les
représentants de la Fédération des médecins
résidents et internes, mais j'ai voulu rappeler - je présume
qu'ils sont d'accord avec cela - que l'unité d'enseignement clinique,
toute importante qu'elle soit et étant un moyen privilégié
d'organisation de l'enseignement, n'est pas le seul moyen et que l'objectif ne
peut pas être de ne faire l'enseignement que dans l'unité
d'enseignement clinique. Il y a certains types de programmes, certaines parties
de programmes qui peuvent se réaliser, compte tenu des circonstances,
peut-être pas mieux, mais peut-être au moins aussi bien que dans
une unité très formelle.
Alors, c'est dans ce sens qu'on dit que, nous, on est d'accord sur un
concept où on dit qu'une unité, cela correspond à un
programme bien identifié, qui a ses objectifs, des
activités pédagogiques bien définies, un encadrement
défini, une population de patients ou un éventail de types de
patients qui, en nombre et en qualité de problèmes qu'ils
présentent, permet d'atteindre les objectifs du programme. Si les
médecins internes et résidents veulent des unités
cliniques définies telles qu'il y a 15 ans ou 20 ans, on leur dit: Nous,
notre concept est plus large. Je ne pense pas que ce soit cela qu'ils veulent
dire.
Cela dit, il y a peut-être, dans certains milieux, je dirais
même qu'il y a sûrement, de temps en temps, des unités qui
fonctionnent moins bien. Il faut réaliser que c'est complexe la
fonctionnalité, cela implique une très grande collaboration des
ressources et une très grande collaboration entre l'université et
l'hôpital en question. Cela se fait par la voie de départements,
de services. C'est un système très décentralisé.
Cela veut dire, par exemple, de regrouper des patients. Le concept classique de
l'unité, c'est de regrouper au moins 15 lits et cela peut aller
jusqu'à 30 lits dans un même type de département ou
même de service, de les regrouper au même endroit physique de
l'hôpital. Cela veut dire une salle pour les résidents, cela veut
dire une bibliothèque, cela veut dire de l'audiovisuel. Le concept
idéal, c'est vraiment une classe ou un laboratoire qu'on installe, si
vous voulez, une clinique dans un endroit.
Parfois, c'est sûr qu'il y a des hôpitaux qui ont de la
difficulté à réaliser cela parce qu'ils ont d'autres
contraintes, ils ont d'autres exigences et ce n'est pas toujours facile de
maintenir la fonctionnalité. Alors, il peut y avoir les deux situations.
Il y a peut-être des situations où on pense qu'il y a un autre
moyen que l'unité. L'enseignement clinique est aussi bon dans telle
circonstance et peut-être qu'ils ne sont pas d'accord. Là, c'est
une discussion plutôt sur le concept. Il y a peut-être des
situations où on serait d'accord avec eux que ce n'est pas satisfaisant,
mais il y a des problèmes matériels de différentes natures
qui font qu'on a de la misère à y arriver, vous voyez.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Compte tenu - vous venez d'y faire allusion - des exigences que certains
hôpitaux ont concernant les urgences, concernant le nombre de malades
chroniques, etc., il est peut-être plus difficile d'organiser ces
unités d'enseignement clinique et eux, si je ne m'abuse, ont fait la
suggestion qu'il y ait une rationalisation des hôpitaux universitaires.
Je ne veux mal interpréter personne, mais peut-être qu'il y en a
trop et que, finalement, on ne donne pas aux étudiants - enfin, aux
résidents et internes -les outils nécessaires auxquels ils sont
en droit de s'attendre au moment où ils sont en spécialité
ou ailleurs où ils font leur internat. Quelle est votre réaction
là-dessus?
M. Rochon: Sur cet aspect de la question, on est d'accord. Je ne
sais pas si on pense aux mêmes exemples ou aux mêmes endroits que
les internes et résidents pouvaient avoir à l'esprit ce matin,
mais on est entièrement d'accord qu'il y a une rationalisation à
faire. On n'est pas seulement d'accord, on est en train de la faire.
Le rapport Scott, qui est devenu le rapport COCERAP et qui est en
pratique actuellement, est en train de se réaliser. Il a
été déposé dans les ministères, il a
dû y avoir une copie à votre ministère.
M. Chevrette: Quand?
M. Rochon: Sûrement; autrement, c'est un oubli
impardonnable.
M. Chevrette: La communication n'est pas bonne là non
plus. Je ne l'ai pas encore.
M. Rochon: Mais le ministère de l'Éducation
l'a.
M. Chevrette: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pourriez
peut-être envoyer une copie aux membres de la commission.
M. Rochon: Si c'est plus facile qu'on vous en envoie une copie
que le ministère de l'Éducation, on va vous en envoyer une copie.
Alors, ce rapport est déposé. Il est en voie de
réalisation actuellement et cela va, dans certains cas, sûrement
améliorer. Est-ce qu'il y a d'autres situations en plus, ailleurs, qui
n'ont pas été identifiées? Je ne le pense pas. Il y a
vraiment des programmes qui vont devenir des programmes réseaux, comme
le disait le Dr Lamarche, qui vont s'associer dans toute la province et on va
concentrer les clientèles étudiantes. Peut-être qu'il y
aurait des façons plus spécifiques. Je vais demander au Dr
Lamarche de...
M. Lamarche: Le rapport a été déposé
au ministère de l'Éducation en février 1984. Maintenant,
pour ce qui est de l'unité d'enseignement clinique, je pense qu'il faut
bien comprendre que c'est une méthode pédagogique qui ne
fonctionne que si certaines conditions sont remplies. La première
condition, c'est d'avoir une pyramide d'enseignement. On mentionnait, ce matin,
la Cité de la santé, à Laval. À Verdun, il n'y a
pas d'unité d'enseignement clinique. C'est sûr, il ne peut pas y
avoir d'unité d'enseignement clinique; il n'y a que des programmes de
résidence en médecine familiale. Quand le résident en
médecine
familiale va faire trois mois de médecine interne à la
Cité de la santé, il n'y a pas de résident en
médecine interne, il n'y a pas de pyramide et il n'y en aura pas.
Ce concept d'unité doit répondre à des conditions
très précises. D'ailleurs, dans certaines facultés, comme
on le mentionne dans notre rapport, à Toronto, à Queen's, c'est
disparu de leur vocabulaire. J'ai fait un relevé autour des douze
facultés autres que celles du Québec et, dans certaines d'entre
elles, on dit: On ne parle plus d'enseignement clinique. Les unités
d'enseignement clinique étaient celles où étaient
regroupés les malades qu'on appelait ceux de l'assistance publique
à ce moment-là. Lorsque l'assurance-maladie a été
mise en application, tous les malades ont été potentiellement des
malades utiles à la formation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci. M. le ministre, si vous voulez y aller, ou un de vos
collègues.
M. Chevrette: J'ai au moins deux autres questions assez
importantes à poser. Tout d'abord, concernant les gardes, vous m'avez
dit tantôt, M. Rochon, que vous aviez circonscrit le problème et
que vous auriez bientôt les solutions. Quel était le
problème des gardes? Quel est le type de solution?
M. Rochon: Parlez-vous du problème des gardes en
général ou, plus spécifiquement, des internes dans les
urgences?
M. Chevrette: Des internes et -résidents.
M. Rochon: Des internes dans les urgences?
M. Chevrette: Exactement.
M. Rochon: II y a eu une réunion pas plus tard que
vendredi dernier à la corporation, convoquée par la corporation,
où étaient présents les représentants de la
Fédération des médecins internes et résidents et
des facultés de médecine. Deux des doyens étaient
là, et les autres facultés étaient
représentées par leur vice-doyen. Il y avait aussi un
représentant des hôpitaux d'enseignement de l'AHQ. C'était
le même groupe qui s'était réuni trois ou quatre mois
auparavant vers la fin des négociations pour faire le point. La
corporation pourra peut-être vous en parler encore plus en détail.
Le même groupe s'est entendu, lors de la première réunion,
il y a trois ou quatre mois, pour que chacun des hôpitaux
indentifiés sur la liste des récalcitrants - ou peu importe la
qualification qu'on veut lui donner - soit visité. Ceux-ci ont
été visités par la corporation qui, à chaque
endroit, était accompagnée par l'université locale. La
corporation a préparé des recommandations. On a discuté de
cela vendredi passé. Selon le rapport - je n'étais pas là
personnellement -on avait circonscrit les endroits où il restait encore
des problèmes; on avait identifié le type de problèmes qui
restaient dans chaque hôpital et on avait convenu que, dans les
prochaines semaines et les prochains mois, des moyens seraient pris pour que
cela entre dans l'ordre ou que, si cela n'entrait pas dans l'ordre,
effectivement, des stages ne seraient pas reconnus.
M. Chevrette: Quelles sont vos réactions face aux
allégations des résidents et internes en ce sens que, s'il y
avait une plus grande concentration, par exemple, en diminuant le nombre
d'hôpitaux... Je vais donner un exemple. Au lieu d'avoir des
résidents en cardiologie dans quinze hôpitaux, s'il y en avait
dans sept, est-ce que ce ne serait pas là une façon
d'alléger la tâche des résidents?
M. Rochon: Je ne suis pas sûr d'avoir compris la même
chose que vous. Je les ai entendus discuter de cela. On parle surtout du
problème de la tâche pour les internes. Les résidents -
encore là, on a une entreprise de rationalisation qui se fait; ce n'est
pas parfait partout - surtout dans des domaines de spécialité, de
surspécialité, comme en cardiologie, sont en
général assez concentrés. Les problèmes dans les
urgences, où l'encadrement pouvait ne pas être satisfaisant pour
les internes, ne concernaient pas surtout les résidents, mais beaucoup
plus les internes et à un niveau moins spécialisé de la
formation pour ce qui est des stages à l'urgence. Je ne pense pas que ce
soit le regroupement des résidents qui règle
nécessairement ce problème. Je ne sais pas si j'ai bien saisi
votre question. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un rapport...
M. Chevrette: Ou bien c'est moi qui ai mal compris, mais on
insistait fortement sur les concentrations de spécialités, en
diminuant le nombre de centres hospitaliers qui avaient ces types de... On
parlait de 41 centres hospitaliers. On nous a dit: Nous ne voulons pas
nécessairement enlever les 41 centres. Tout en les maintenant, y
aurait-il possibilité de concentrer certaines spécialités
dans certains au lieu de les éparpiller? C'est ainsi que j'avais compris
les allégations de la FMRIQ.
M. Rochon: C'est cela. En général, elles sont
concentrées. Le COCERAP concentre encore plus les domaines qui peuvent
l'être. Il ne faut pas oublier que beaucoup de centres hospitaliers plus
généraux où vont des étudiants, surtout au
niveau peu spécialisé, au niveau de l'internat, par
exemple, offrent des possibilités de stages qui atteignent beaucoup plus
les objectifs d'un programme qu'un hôpital universitaire
surspécialisé qui peut avoir une clientèle beaucoup trop
restreinte, trop pointue dans différents domaines. Ce n'est pas un
équilibre facile à garder, mais c'est sûr que, de
façon général, on est d'accord avec le principe que, si,
dans un centre hospitalier, un stage ne peut pas se réaliser dans des
conditions qui permettent une qualité pédagogique, on trouve un
moyen de régler le problème. Après un temps raisonnable,
si on n'y arrive pas... (16 h 30)
M. Chevrette: Quelles seraient vos réactions, comme
doyen?
M. Rochon: Â quoi?
M. Chevrettes Si on décidait d'une concentration plus forte que
celle qui existe?
M. Rochon: De quelle concentration? Des internes?
M. Chevrette: Oui.
M. Rochon: Je pense que, si on décidait d'une
concentration plus forte des internes, on pourrait créer des
problèmes qui vont à l'encontre de ce qu'on veut faire par la
formation des internes. Une bonne partie des internes se forme pour des
programmes en médecine familiale. En général, la tendance
est beaucoup plus qu'ils aient une formation le plus possible en dehors des
centres hospitaliers, que ce soit avec des groupes de médecins en
pratique qu'avec des CLSC ou tout genre d'établissement, parce que la
profession qu'ils vont pratiquer, ils vont la pratiquer en bonne partie en
dehors du centre hospitalier. II faut voir la différence. Pour les
résidents, il y a un mouvement vers une rationalisation et un
regroupement. Cela ne se fait pas toujours parfaitement, mais la tendance est
là-dessus. Pour les internes, pédagogiquement, la tendance est
plutôt vers un déploiement, mais pas nécessairement en
créant des hôpitaux universitaires partout. C'est souvent beaucoup
des ententes qui sont faites, des réseaux qui se développent
autour d'un centre hospitalier majeur, autour d'une unité de
médecine familiale.
Quant aux endroits éloignés, le programme qu'a
lançé le ministère commence à s'articuler
là-dessus, il y a des stages. Alors, pour l'internat, l'approche
générale est plutôt vers un élargissement de
l'éventail des expériences avec tout ce que cela nous pose de
difficultés et de problèmes de maintenir un bon encadrement
pédagogique. C'est sûr que, quelquefois, on a des
difficultés.
M. Chevrette: L'autre question qui n'a pas été
traitée ou presque pas jusqu'à maintenant, c'est le fameux
comité de sélection pour l'acceptation de médecins
immigrants. Il est bien évident que vous n'avez pas en main les
mémoires, mais nous avons eu la chance de les avoir un peu avant.
Demain, je crois qu'il y aura un témoignage des médecins
immigrants devant nous. Jeudi? Jeudi matin, je crois qu'il y aura un
mémoire de déposé dans lequel ils s'en prennent beaucoup
à votre mode de sélection disant que ce n'est pas sérieux.
Ils en mettent beaucoup plus dans les rencontres qu'on peut avoir que dans le
mémoire. Ce que j'ai entendu lors de mes rencontres avec eux, c'est
qu'ils ont beaucoup de récriminations sur le manque de sérieux de
vos sélections. Dix minutes d'interview pour juger de la
compétence professionnelle d'un médecin immigrant, ils ne
prennent pas cela au sérieux, surtout si après cinq minutes de
dialogue on demande à quelqu'un s'il parle français et que cela
fait cinq minutes qu'il jase en français; cela doit être assez
frustrant, quelle que soit ton origine, de te faire dire cela. De toute
façon, je vais leur faire répéter ce qu'ils m'ont dit dans
une rencontre, c'est clair. Je ne dis pas cela parce que je l'invente, parce
qu'on me l'a dit à mon propre bureau de Montréal. C'est un
premier grief.
Le deuxième grief est beaucoup plus sérieux. Ils nous
disent qu'ils peuvent nous faire la preuve que, quand on regarde ta liste des
candidats à être reçus, comme par enchantement, il n'y a
à peu près aucun refus pour les candidats français et
beaucoup de refus pour les Pakistanais, les Égyptiens et les
Haïtiens. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus parce que
cela est sérieux comme accusation portée dans un régime
démocratique. Deuxièmement, si tel était le cas, je pense
qu'on se devrait comme gouvernement, comme Assemblée nationale, de
prendre des dispositions pour que ces choses-là ne se
répètent pas.
Vous passez avant eux, donc je n'ai pas d'autre choix que de vous poser
la question, parce que vous l'auriez entendu de leur propre bouche. J'aimerais
vous entendre sur ces deux sujets bien précis qui, à mon avis,
sont quand même lourds de conséquences.
M. Rochon: D'accord. Je peux sûrement vous donner une
réponse et une information là-dessus. Il faut réaliser
qu'on est dans un contexte très... Je veux vraiment dire cela en
préambule, c'est complexe, ce n'est pas facile. On est très
conscient, dans les facultés de médecine...
M. Chevrette: J'ai oublié, je m'excuse, M. Rochon...
M. Rochon: Oui, allez-y.
M. Chevrette: II y a un autre aspect, qu'ils m'ont dit, qui
allait plus loin. Je pense que c'est écrit dans leur mémoire.
Vous avez choisi pour deux ans, à part cela, la dernière fois. Il
y en a qui n'ont même pas terminé et ils sont sûrs
d'être acceptés, alors que certains sont sur les listes d'attente
depuis cinq ans. Troisième question.
M. Rochon: D'abord, un préambule important. On a quand
même eu un certain nombre de communications, on a même
rencontré des gens des facultés, des représentants des
médecins diplômés hors Québec et on est conscient
qu'il y a des situations personnelles et individuelles qui sont tragiques et on
sympathise vraiment avec cela. Je veux vraiment dire cela avant, parce que,
quand on prend le chapeau d'un administrateur pour essayer de régler une
situation difficile, cela peut ne pas être évident qu'on tient
compte de cela, mais on en est conscient.
Deuxièmement, au sens très large du terme, politiquement,
c'est très difficile. On l'a dit dans notre mémoire, on est dans
un contexte où on contrôle le nombre de médecins au
Québec, où on contrôle le nombre d'admissions dans les
facultés de médecine. On contrôle le nombre d'orientations
dans les programmes de spécialités, le nombre de ceux qui vont
vers les spécialités. Pendant ce temps-là - et cela est
vrai dans tout le Canada - l'entrée de la main-d'oeuvre médicale
par la voie de l'immigration est importante. Elle est importante et se
maintient. Il y en avait 150 sur la liste de la corporation, il y a trois ou
quatre ans. On en a admis 30 par année depuis quatre ans. Il y en a 200
ou un peu plus de 200 maintenant. Il y a donc une entrée importante de
sujets dans un pays qui veut contrôler - parce qu'il dit qu'il y a trop
de médecins. C'est le premier problème au plan macro.
Quand on arrive au comité de sélection dans ce contexte,
on nous a évidemment dit parfois qu'il devrait y avoir plus un
système - excusez l'expression - "first come, first served". On
s'inscrit sur la liste, quand on arrive au pays, et, au fur et à mesure
qu'il y a de la place, on va finir par entrer. D'abord, les
représentants des médecins immigrants s'en sont surtout pris au
gouvernement quant au nombre de places qui n'était pas assez
élevé. On devait en ajouter 20, 50... Bon! On est revenu à
30 maintenant. On ne s'en prend plus au nombre de places, maintenant, on s'en
prend au comité de sélection et, après cela, on va
descendre jusqu'au bout. On est maintenant rendu au comité de
sélection. Évidemment, les facultés de médecine
font la sélection pour ce programme, de la même façon qu'on
fait la sélection dans tous nos programmes dans les facultés de
médecine. Et c'est la façon de procéder en
général dans tous les programmes dans les universités
où il y a une analyse selon les critères qu'on a choisis: la
qualité du dossier, complété ou pas par une entrevue plus
ou moins longue avec un candidat, selon le complément d'information
nécessaire, compte tenu du dossier qu'on avait. Les candidats sont admis
sur la base de la qualité de leur dossier, compte tenu des objectifs du
programme qui est, dans ce cas-là, un programme d'accueil en vue d'un
internat rotatoire pour former des gens pour faire de l'omnipratique au
Québec. On a toujours refusé d'avoir un genre de sélection
du style "first come, first served". On procède par des comités
de sélection qui analysent la qualité des dossiers. On fait
exactement de la même façon, avec le même type de
critères, le même type de sélection que pour l'ensemble des
programmes, encore une fois. Cette année, on est même allé
bien plus loin. Le comité conjoint des quatre facultés de
médecine qui a fait la sélection était composé de
quatre vice-doyens qui avaient une bonne expérience et une bonne vision
de l'ensemble et du fonctionnement de ce genre de mécanisme. Il y en a
parmi ceux-là qui sont devant vous actuellement. S'il y a des cas
spécifiques dont on veut parler, ils peuvent donner des exemples plus
concrets, au besoin, dans notre discussion. On avait des seniors qui
s'occupaient du comité. C'est le premier point. À notre avis, si
la sélection doit se faire sur une autre base que sur la qualité
de dossier, ce n'est plus une sélection dans les programmes
universitaires, c'est un autre organisme qui doit s'en occuper et qui
s'occupera peut-être de faire le programme d'accueil aussi,
après.
À propos de la discrimination, je voudrais soulever deux points
à ce sujet. Nous avons des chiffres nous aussi et nous pouvons
démontrer que les groupes que nous acceptons chaque année
représentent un éventail de gens qui viennent de
différentes parties du monde. Il n'y a donc pas de discrimination
systématique. Maintenant, encore là, il n'y a pas de
système parfait. Que des individus n'aient pas trouvé justice
selon ce système qu'on essaie d'appliquer de la façon la plus
correcte possible, en toute équité, c'est bien possible. S'il
y en a qui pensent - et j'ai déjà fait cette réponse
à des représentants de l'Association des médecins hors
Québec - qu'il y a eu discrimination, il peut y avoir examen de leur
dossier, et s'ils pensent qu'on ne leur donne pas droit, je pense qu'on est
dans une société démocratique, il y a tous les moyens pour
que quelqu'un fasse valoir ses droits. Il y a bien d'autres étapes avant
d'arriver à l'Assemblée nationale pour faire reconnaître et
réparer une erreur qui pourrait avoir eu lieu.
Ma réponse à ces deux points est qu'on
pense qu'on a un système qui a sa logique, on ne prétend
pas qu'il est parfait. S'il y a des erreurs, nous sommes prêts è
les réparer. En fin de compte, le choix a été fait pour
deux ans - pour répondre à la question qui a été
posée - on n'a pas pensé mal faire. C'est le groupe des cinq ans
qui a été ajouté. Quand on nous a annoncé qu'il
fallait en prendre 50, ce n'est pas le moment, c'est un peu tard pour
réussir à les prendre pour l'année. On s'est dit que cela
pourrait peut-être changer l'an prochain. Quant à faire l'examen
des dossiers, choisissons donc tout de suite - c'était l'automne
passé - les 50 premiers qui vont entrer et ceux qui viendront les
remplacer aussitôt que la place va être libre, dans douze mois, de
sorte qu'on pourra refaire, en 1986, une autre sélection et qu'on va,
à ce moment-là, éviter des retards pour ces gens. Cela a
été fait juste pour améliorer l'efficacité du
système.
S'il y a des gens - là, je suis obligé de répondre
avec un "si", parce que je ne connais pas le détail des dossiers - qui
auraient été acceptés là-dedans alors qu'ils
n'auraient pas encore rempli toutes les conditions, d'abord il faudrait
vraiment qu'on nous le démontre. Ce qui est peut-être
arrivé dans le passé, c'est que, s'il manquait une condition
à un candidat et que c'était une simple technicité, qu'il
avait passé, par exemple, l'examen de qualification et que les
résultats n'étaient pas rentrés, que tout le reste de
l'évaluation du dossier était parfaitement justifié, je
sais que, dans le passé, il y a des candidats qui ont été
acceptés sous condition que, lorsque le résultat des examens
arriverait, ce soit vraiment bon, vu que tout le reste du dossier était
parfait. Sinon, c'était de pénaliser d'un an cette personne, qui
avait un très bon dossier par ailleurs, parce que la synchronisation de
l'étape de sélection et de l'arrivée de la note de
l'examen n'était pas faite.
Alors, il peut y avoir des situations comme celles-là, où,
pour des détails, on ne veut pas pénaliser un étudiant.
Mais Il n'y a pas d'étudiants, à ma connaissance, qui ont
été admis en faisant des exceptions ou un traitement de faveur.
Ceci dit, c'est bien sûr qu'avec un système qui regarde la
qualité des candidats un candidat se présentant pour la
première fois peut être admis, alors qu'un candidat qui se
présente pour la troisième ou la quatrième fois peut ne
pas être admis. Il n'y a pas de rapport entre le nombre de fois où
on se présente et les critères de sélection.
M. Chevrette: Mme la Présidente, j'aurais aimé
questionner un peu plus l'Université McGill, qui vit à peu
près les mêmes problèmes, comme université
anglophone, que vivront probablement les universités de l'Ontario. On
s'est interrogé, à
Winnipeg, les ministres de la Santé, sur le surplus de
main-d'oeuvre médicale; cela représente un problème, parce
que, effectivement, les universités de l'Ontario forment beaucoup de
médecins; c'est la même chose pour les provinces maritimes et pour
certaines provinces de l'Ouest.
On n'a pris aucune orientation, aucune décision en ce qui regarde
ce dossier statistique, à toutes fins utiles. On a décidé,
dans un premier temps, de le diffuser auprès des groupes
intéressés pour, d'abord, avoir les remarques pertinents et pour
que l'on puisse, ensuite, faire une discussion peut-être plus correcte,
plus rationnelle, plus intelligente à partir de ce rapport, lequel sera
discuté par les corporations, par les fédérations, par les
universités. Vous devriez recevoir très prochainement ce rapport
qui a été publié. Je ne me souviens jamais du nom de celui
qui l'a publié. On pourra, par la suite, je pense bien, se
réinterroger là-dessus. Pour nous, cela reste quand même un
problème majeur, parce que nos projections, d'ici l'an 2000, c'est qu'on
aura, je crois, 2000 médecins de trop par rapport au ratio
population-médecin, selon la méthodologie qu'on prendra, bien
sûr, puisque M. Rochon me fait signe... Mes chercheurs, je suppose, et
les autres catégories.
Cela devient un problème qu'on ne peut ignorer, c'est
évident, d'autant plus que si d'autres provinces canadiennes
déclarent un surplus médical et mettent un cran d'arrêt, si
on formait d'autres étudiants d'autres provinces, on pourrait se
retrouver avec un phénomène où on les forme et on les
garde, ce qui aurait pour effet d'accumuler les surplus. Je ne veux pas
énerver plus qu'il faut, mais ce sont des situations théoriques
auxquelles on pourrait avoir à faire face si on se fie, en tout cas, aux
propos des ministres des autres provinces canadiennes.
Pour le moment, je pense bien que vous pourrez analyser le rapport,
faire vos remarques et nous les acheminer pour qu'on puisse
véritablement avoir votre "feed-back", vos réactions à
cela. Est-ce que la méthodologie est bonne ou pas bonne? J'aimerais
qu'on le sache au ministère, afin que l'on puisse vraiment, par la
suite, faire la discussion la plus intelligente possible avec vous.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Madame... Vous voulez répondre? Allez-y, Dr
Lamarche.
(16 h 45)
M. Lamarche: Je voudrais intervenir sur la question des
médecins étrangers. Je suis le président de ce
comité de sélection et j'ai été
particulièrement visé de toutes sortes de façons, verbales
et écrites; j'ai été accusé de discrimination, de
racisme et de tout ce que vous voulez. Le comité de sélection
accomplit un devoir; c'est qu'il choisit, à
travers un réservoir de 150 ou de 200 candidats, ceux qu'il
considère les meilleurs pour servir la population du Québec. Il
n'y a pas de discrimination. Vous avez dit tantôt que tous les
Français étaient admis. En réalité, sur les 80 qui
ont été admis, il y avait trois Français. Le plus grand
nombre d'admis, sur les 80, c'étaient des Vietnamiens. Il y avait 14 %,
je pense, de Vietnamiens et 8 % de Haïtiens. Il n'y a pas eu de
discrimination. Quand on a 30 postes, par exemple, pour 120 ou 150 candidats,
si on en refuse 120, cela ne veut pas dire qu'ils sont incompétents,
cela veut dire que ceux qu'on a choisis nous sont apparus de meilleure
qualité pour servir la population du Québec.
Pour ce qui est des entrevues que certains qualifient de ridicules et de
courte durée, il est évident que, si un candidat se
présente pour la sixième fois à une entrevue, tout ce
qu'on lui demande c'est: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans votre dossier?
Avez-vous suivi des cours? Avez-vous fait une maîtrise? Quelle sorte de
travail avez-vous fait? Est-ce que vous avez fait du recyclage? C'est ce qu'on
demande mais, si la réponse est négative, l'entrevue ne peut pas
durer une heure. Certaines entrevues sont très longues et d'autres sont
courtes, je l'admets; mais il n'y a strictement aucune discrimination de la
part des quatre citoyens qui siègent à ce comité de
sélection.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je suis très heureuse que vous ayez
situé le problème de la main-d'oeuvre dans une optique beaucoup
plus large que le simple calcul du nombre de médecins acceptés ou
tolérés par le gouvernement, afin de contrôler le
coût des services de santé. C'est évident qu'il y a une
relation entre le nombre de médecins et le coût de notre
système. Il semble que tout le monde accepte qu'il y ait une certaine
limite. Ce qui est plus important et qui est souligné par vos
mémoires, c'est que le problème de la main-d'oeuvre est beaucoup
plus large que cela. Si on songe au problème, non pas du nombre mais de
la qualité des services, il faut reconnaître d'abord que la
médecine fait partie d'une vaste activité scientifique qui est
internationale ou mondiale. Naturellement, pour encourager l'excellence et pour
maintenir une certaine qualité des services, il faut encourager
l'échange des idées et l'échange des personnels sur le
plan mondial.
Il semble qu'il faut aussi reconnaître la nécessité
d'appuyer cette activité médicale par un système
scientifique qui n'est pas strictement le personnel médical, mais les
ingénieurs et les scientifiques de toutes sortes qui sont responsables
dans une grande mesure des progrès dans le domaine médical. Ma
première question traite du problème des obstacles. Nous avons
mentionné, par exemple, les délais de l'approbation de la part du
gouvernement du personnel qu'on veut attirer ici. Faut-il encourager ces
échanges? Est-ce que vous avez d'autres suggestions sur le plan des
incitatifs qu'il faut établir pour encourager la venue de la
main-d'oeuvre d'ailleurs, et je ne parle pas uniquement du Canada? Quelles sont
les conditions qu'il faut placer en priorité? Quels sont les autres
obstacles? Quelles sont les mesures positives qu'il faut mettre en place pour
encourager la venue de ce personnel?
M. Rochon: Vous parlez sutout de l'engagement de professeurs ou
de chercheurs ou du recrutement d'étudiants gradués ou de
résidents en formation spécialisée, parce que ce sont deux
situations complètement différentes. Vous voulez parler surtout
des professeurs.
Mme Dougherty: Je parle principalement des médecins
déjà formés.
M. Rochon: D'accord. Engagés comme professeurs?
Mme Dougherty: Oui, des leaders, des...
M. Rochon: Je peux peut-être demander à mon
collègue, le Dr Cruess, qui connaît cette situation beaucoup
mieux, de répondre à votre question.
M. Cruess: Je ne peux pas répondre directement à
cette question, mais je peux suggérer quelque chose. Il y a vraiment
deux solitudes entre le ministre et les doyens. En Ontario, par exemple, il y a
des rencontres régulières entre les sous-ministres et une autre
rencontre régulière entre les doyens et le ministre avec un ordre
du jour, et toutes ces choses sont discutées d'une façon
très ouverte.
Nous n'avons pas eu de rencontre avec le ministre des Affaires sociales
depuis, je crois, deux ans et nous avons eu beaucoup de problèmes
majeurs. Peut-être que des choses comme cela pourraient être
réglées d'une autre façon que par une commission
parlementaire.
Mme Dougherty: Merci. L'autre côté de la
médaille, du même problème. Il semble que
l'émigration de nos médecins formés, jeunes ou vieux,
accélère. C'était toujours encouragé, mais il
semble que l'émigration accélère d'une façon assez
grave. Donc, on subit une espèce de "brain drain" qui est grave pour
notre avenir médical, je crois. Je ne sais pas si j'ai raison mais, si
je n'ai pas raison, je n'aurai pas de réponse à ma
question. La question est: Est-ce que vous avez fait une analyse des
raisons de ces départs? Est-ce qu'il y a un effort pour se documenter?
Il y a toutes sortes d'opinions, de rumeurs qui circulent. Alors, tout le monde
va au Texas où les salaires, les possibilités de recherche sont
meilleurs. Est-ce que vous avez fait des analyses? Plus
particulièrement, est-ce que les 30 % de réduction des salaires
des jeunes médecins jouent fortement dans ces départs?
M. Gauthier (Yvon): À ma connaissance, nous n'avons pas de
données qui soient fiables sur toute cette question, c'est-à-dire
combien, véritablement, il y a de médecins et, en particulier, de
professeurs, c'est-à-dire de gens d'une expertise considérable,
qui sont partis. Peut-être que, du côté de McGilI, on
pourrait répondre jusqu'à quel point certains ont pu partir, mais
de notre côté, du côté francophone, je ne pense pas
que la situation soit importante.
Il y a, évidemment, des facteurs de rémunération
qui jouent dans un certain nombre de domaines. On a parlé beaucoup
d'orthopédistes qui sont allés s'installer aux États-Unis,
semble-t-il, recrutés, à ma connaissance, non pas tellement par
des milieux universitaires, mais simplement parce que, en ce qui touche la
rémunération, il y a une situation qui est beaucoup plus
agréable, beaucoup plus facile qu'ici. A ma connaissance, il n'y a pas
de données importantes et de données fiables sur toute cette
question.
Mme Dougherty: Et sur les 30 %, est-ce que vous avez de
meilleures données, les 30 % de pénalité?
M. Lamarche: Une étude récente a été
faite par l'Association des facultés de médecine du Canada. Elle
a été publiée il y a quelques mois. La rétention,
au Québec, des diplômés québécois est de 99 %
alors qu'elle est de 97 % en Ontario. Donc, il n'y a pas de migration
importante. Les 30 %, c'est un moyen très négatif de tenter de
retenir les gens. Comme les gens sont payés à l'acte, on fait
plus d'actes pour rattraper les 30 %. Alors, il y a beaucoup de jeunes
médecins qui préfèrent rester dans un centre et poser plus
d'actes que de s'en aller et être payés à 100 %, 110 % ou
115 %. Je ne pense pas que les 30 % de réduction aient eu un effet
appréciable sur la migration ou sur l'installation en régions
éloignées.
Mme Dougherty: I wonder if Dr Cruess could answer those
questions. McGill may have a different perspective, I do not know, on the
question. Dr Cruess, has McGill done a study on the reasons for what I thought
was an accelerating departure - but, apparently, you are saying it really is
not - and how important is the 30 % penalty in the first... ? How many years?
Is it three years extendable by the Government, if they want to? Four years?
Three?
M. Rochon: Three.
Mme Dougherty: Three years. In your view, have you got any
analysis or is there any sort of objective information about that?
M. Cruess: Non, je veux peut-être que le Dr Scott donne son
impression comme vice-doyen à la formation doctorale.
M. Scott (Hugh): Je pense qu'il y a deux sortes de monde.
Premièrement, ce sont les jeunes étoiles de l'avenir un peu. Pour
les autres, il existe déjà la possibilité parce qu'ils
peuvent être nommés professeur adjoint. À cet égard,
ils sont exempts des 30 %. Donc, pour garder ce monde, il y a
déjà des moyens. Je pense que c'est le groupe... On veut garder
tous les médecins, c'est sur. Mais, si on parle de notre avenir du
côté universitaire, il y a déjà un moyen. Pour les
autres, je pense que cela soulève une situation qu'on veut souligner
dans un autre sens. Cela veut dire que beaucoup de ces "départs" - entre
guillemets - sont des retours chez eux de gens d'autres provinces. On a mis
beaucoup l'accent dans notre mémoire sur le fait que, dans un sens, on
va avoir toujours cette image d'un exode parce que ce sont des gens de
l'Alberta, de la Colombie britannique qui sont formés ici. Par exemple,
en médecine interne, à un moment donné, je me souviens
d'une réunion des chefs de département canadien, où il y
en avait dix parmi les seize qui avaient été formés au
Québec. Donc, dans un sens, on peut dire que c'est un exode de huit ou
une chose comme cela. Mais ce n'était pas le cas, c'était
seulement parce qu'il y a toujours cette tradition de former les gens ici.
C'est l'aspect qu'on a peur de perdre et, comme le doyen l'a signalé
dans le mémoire, en juillet prochain, ce sera un vrai désastre si
on ne peut inscrire, sauf dans les deux programmes favorisés - cela veut
dire anesthésie et psychiatrie - aucune entrée d'autres provinces
canadiennes. Donc, l'exode, c'est beaucoup plus personnel. Je me souviens que
dans certains autres domaines où, sans les "opportunités" qui
sont disponibles ici... Si quelqu'un est formé dans un domaine comme la
chirurgie cardiaque, s'il n'y a pas de poste de disponible, il faut qu'il s'en
aille. Mais je pense que ce n'est pas le contexte spécifique. C'est
beaucoup plus variable, individuel.
Mme Dougherty: Merci.
M. Cruess: Et, parlant comme ancien chirugien
orthopédiste, ce n'est pas juste
l'argent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Dougherty: J'ai pris mes dix minutes, je crois?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui... Bon, d'accord.
Je voudrais revenir sur la question des médecins
étrangers, des médecins immigrants. Évidemment, si nous
revenons à la charge, comme vous l'avez mentionné, Dr Rochon,
c'est que c'est un problème profondément humain. C'est aussi un
problème au sujet duquel il nous est fait de nombreuses
représentations depuis maintenant la troisième année, si
je ne m'abuse. Voici une question précise que je voudrais poser. Est-ce
que vous avez, cette année, alors que vous avez fait le choix des
années 1985-1986 et 1986-1987, admis des médecins qui ont sont
arrivés au pays en 1984 et 1985? Si oui, il est évident que plus
on va vers les années à venir, plus on laisse de
côté des gens qui sont ici depuis peut-être 1979, 1980, 1981
ou 1982. Je voudrais savoir s'il y a des gens qui sont arrivés cette
année et qui sont acceptés à l'internat l'an prochain. (17
heures)
M. Rochon: Je ne saurais trop vous dire. Je n'ai pas
d'information. Peut-être que, de mémoire, le Dr Lamarche,
président du comité, ou le Dr Saucier, qui était aussi au
comité, pourrait vous donner une impression là-dessus. Nous
pourrons vérifier par la suite et vous le dire. Je ne sais pas si vous
vous rappelez...
M. Lamarche: C'est possible qu'il y en ait quelques-uns mais,
comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, le premier
critère, avec un nombre restreint d'admissions possibles, est de choisir
ceux qu'on pense les plus compétents pour servir la population
québécoise. Si on avait 140 postes, on pourrait les accepter tous
et évaluer les 140 en même temps pendant un an et garder ceux qui
auraient démontré leur compétence. Mais on est pris avec
un programme d'accueil qui peut durer entre une semaine et six mois. Pendant ce
programme d'accueil, il y en a qui ont été exclus, par les
années passées, parce qu'ils n'ont pas démontré
leur compétence. Alors, notre objectif est, ayant pris un chiffre qui
nous est donné par le gouvernement, de combler ce nombre de postes
à l'intérieur d'un réservoir qui peut aller jusqu'à
200. Je vous le répète, si vous pensez qu'on devrait avoir des
critères d'ancienneté de demandes, en médecine il y a des
gens qui font des demandes pour entrer en première année
depuis... Il y en a qui ont fait huit, neuf ou dix demandes, année
après année. Ils ont toujours été refusés,
mais ils persistent à faire des demandes, année après
année. Évidemment, les diplômés du collège
qui viennent de finir au mois de mai précédent sont admis et ceux
qui ont fait un BSc, qui ont parfois fait une maîtrise, qui ont
répété des demandes d'admission pendant six ou sept ans,
c'est un collégien qui a la place parce que les critères
d'admission sont d'abord la qualité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je comprends cela, Dr
Lamarche. Mais je me dis que le problème était
considérable il y a un an ou deux. Je sais que vous n'avez pas eu de
directives disant: On va régler le problème. Je ne suis pas
censée faire de politique mais, que ce soit le gouvernement du moment ou
l'autre côté, il aurait peut-être fallu prendre des mesures
et dire: On va régler le problème jusqu'en 1983 et le
régler pour l'avenir aussi. L'affaire est que c'est difficile pour ces
gens. Vous ne les avez pas éliminés sur la base de leur dire
qu'ils sont incompétents. Ils ont tous, apparemment, un diplôme en
médecine. Ils ont tous leur certificat... Comment appelez-vous cela?
M. Rochon: Un examen de qualification de connaissances
minimales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils l'ont tous eu. Ce
n'est donc pas sur cette base. Vous avez ensuite les six mois d'accueil.
M. Rochon: La sélection se fait pour être admis au
programme d'accueil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Rochon: Juste avant le programme d'accueil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Après cela, vous avez le programme d'accueil où vous avez
le loisir, j'imagine que cela aussi se fait objectivement... Vous avez
d'ailleurs dit qu'il y en a qui ont été exclus parce qu'ils ne
pouvaient probablement pas satisfaire aux standards, ou ils n'avaient pas la
compétence, enfin, quelles que soient les raisons. Mais vous comprendrez
que c'est difficile pour des gens qui sont en attente. Je comprends que vous
faites la comparaison avec ceux qui entrent en médecine. Mais ceux qui
entrent en médecine n'ont pas investi cinq ans d'études en
médecine et ils ont le loisir d'aller dans une autre faculté. Je
sais que c'est difficile pour eux également. Là, vous avez des
gens qui ont un diplôme en médecine, qui sont ici depuis 1979 et
on ne leur a rien dit. Non seulement vous, mais on a convoqué des gens
de l'Immigration, on a convoqué des gens du
ministère de l'Éducation. Ce n'est pas une décision
qui appartient uniquement au recteur de l'université ou aux doyens de
faculté de médecine. Je pense que le gouvernement a aussi une
part de responsabilité. Je trouve que, si on veut régler un
problème, il va falloir mettre une limite quelque part. La limite ne
semble être mise par personne...
M. Rochon: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... puisque vous me dites
que vous avez peut-être admis des gens qui sont arrivés seulement
cette année alors qu'il en restait 101 sur la liste d'attente il y a
deux ans et on se retrouve aujourd'hui avec 155.
M. Rochon: Oui. Et moi, cela fait six ans que je suis doyen,
madame, et chaque année depuis six ans je reprends exactement les
mêmes conversations et on se dit exactement les mêmes choses. Il y
a une chose sûre. Tant qu'il n'y aura pas un arrêt complet, total,
au niveau de l'immigration ou une immigration contrôlée, si on
veut faire quelque chose de ce côté-là, tant que cela ne
sera pas fait, il n'y a pas de solution. On a dit exactement ce que vous dites
là il y a cinq ans. En même temps, on a dit au ministère:
Avec le contingent qui baisse, ces gens-là n'ont plus de place. Le doyen
de McGill a très bien expliqué ce qui est arrivé, on est
parti de 2100, on est baissé à 1800; on a essayé de
baisser plus bas que cela. C'était clair que ceux qui sortaient les
premiers, c'étaient les étrangers; les diplômés des
facultés de médecine du Québec prenaient toutes les
places. On a convenu... Le ministère accordait 30 postes, il y en avait
une centaine sur la liste. Dans trois ans, cela va être fini, ces gens
vont tous être intégrés. Trois ans, c'était
admissible, c'était acceptable pour tout le monde. Trois ans
après, on en a pris durant trois ans, maintenant quatre ans, il y en a
encore plus sur la liste.
Le début de la solution - on l'a déjà dit - c'est
le contrôle sûr, absolu et rigide en ce qui concerne l'immigration.
Tant qu'il n'y aura pas cela, il n'y aura pas de solution. Ou on décide
qu'on fait des mesures de discrimination positive pour des médecins qui
arrivent de l'étranger, qui sont médecins et, étant
médecins, on reconnaît que, même si on en a trop, même
si on contingente l'entrée en médecine des
Québécois à leur endroit on fait une mesure de
discrimination positive. Si c'est cela qu'on fait, on fait cela, c'est une
autre chose. Tout ce qu'on dit, c'est que, actuellement, on applique les
mêmes critères, les mêmes règles à eux
qu'à tout le monde et on ne voit pas sur quelle base
d'équité individuelle et sociale on pourrait procéder
autrement. Le problème, il était là il y a cinq ans. Il y
en a plus, là. Si les autres décisions ne sont pas prises, il va
y en avoir encore 300 et 400 dans cinq ans, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, vous avez
probablement raison. Vous avez choisi certains critères, je n'ai pas
à les discuter. Mais il reste qu'on a laissé la situation
s'aggraver. En 1983 ou 1984, l'an dernier, je pense, le Dr Laurin était
encore ministre, il a dit: On va en débloquer 30 de plus.
M. Rochon: 20 de plus pour un an.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 20 de plus et pour aller
en régions éloignées.
M. Rochon: La condition de régions éloignées
s'imposait, à partir de ce moment-là, à tous ceux qui
seraient admis au programme d'accueil, pas seulement à ces 20.
Une voix: Même les Canadiens.
M. Rochon: Donc, les 50 plus les 30 autres qui ont
été pris...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. M. Rochon:...
peu importe, tout...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Mais cela
était dans un effort de régler le problème qui...
M. Rochon: Sauf que c'était une mesure
complètement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... existait depuis 1983,
qui avait atteint une acuité en 1984. Là, on est rendu en 1985,
on accepte du monde qui arrive en 1985. Quelque part, il y a quelque chose qui
ne marche pas.
M. Rochon: Oui, madame, et il en entre encore dans la province,
pendant ce temps-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. M. Rochon:
Bon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, je...
M. Rochon: Oui, mais c'est là le problème.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Rochon: Et 20 postes de plus quand il y en a 150 qui
attendent...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Rochon:... c'est vraiment la goutte d'eau dans
l'océan.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai un cas précis
devant moi qui, probablement, ne touche pas l'Université de
Montréal. Je sais que souvent les hôpitaux accordent des permis...
Je vais le lire, c'est en anglais: "This is to advise you that you have been
granted an observationship at the Montreal General Hospital from April 15th
1985 to June 30th 1985. " Qu'est-ce que cela veut dire, alors que ces gens
attendent depuis quatre ans un certificat, pas un certificat, un internat
rotatoire? Dans le fond, on entretient une espèce d'espoir qui
m'apparaît de plus en plus illusoire au fur et à mesure que les
années passent; par contre, on continue de leur accorder des permis,
comment appelez-vous cela, d'observateur ou je ne sais trop. Je me dis que ce
monde peut bien se sentir misérable au bout de cinq ans.
M. Rochon: Je n'en doute pas. Je pense que le Dr Barkun pourrait
peut-être...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien, je m'excuse parce
que...
M. Rochon:... éclairer notre sujet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
J'avais vu que le Dr Barkun était là, mais c'est celui que
j'ai devant moi. II y en a d'autres; je peux vous en montrer d'autres provenant
d'autres hôpitaux. Celui-là, cela fait trois ans que je l'ai dans
mon bureau. Si vous pensez que les députés règlent cela
plus vite que vous autres!
M. Barkun (Harvey): Mme la Présidente, le terme
"observateur" veut dire exactement ce que cela veut dire: observateur. Comme le
Dr Lamarche l'a dit, les vice-doyens passent les dossiers en revue. Une des
questions qu'ils posent à ces médecins immigrants, c'est:
Qu'est-ce qui est changé depuis l'année dernière?
Qu'est-ce que vous avez fait pour vous recycler, etc. ? Quelqu'un peut dire:
J'ai été observateur pendant un, deux ou trois mois. Mais cela
veut dire simplement observateur. Cela ne donne pas l'avantage à une
personne par rapport à une autre, pas du tout. Cela ne donne nullement
le droit d'entrer dans le programme d'accueil, encore moins de faire
l'internat.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis tout à
fait d'accord avec vous. Cela me semble fort évident, Dr Barkun, que
c'est cela qui leur arrive. Cela ne leur donne aucun droit à quoi que ce
soit. Mais, d'année en année, on permet à des
médecins étrangers - peut-être sont-ils plus heureux comme
cela parce qu'ils conservent un certain espoir, et l'humain vit d'espoir... Il
reste qu'à un moment donné je trouve que cela crée des
problèmes qui n'ont plus de solution,
M. Barkun: Mme la Présidente, si je peux me permettre,
lorsque le ministère a augmenté le nombre pour le programme
d'accueil, les universités les ont remplis. J'ai l'impression que, si le
ministère veut bien augmenter le nombre encore plusieurs fois et limiter
l'immigration complètement, on arrivera quand même au terme de ce
problème. Mais jusqu'au temps... Mais on nous dit: Vous ne pouvez qu'en
prendre 50. Comment voulez-vous qu'on en prenne 150? On ne peut pas. On n'en
prend que 50, basé sur les critères dont ont parlé M. le
doyen Rochon et le vice-doyen M. Lamarche.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, je pense que
la solution ne sera pas uniquement à vous. Nous, on peut simplement
prendre votre parole et je suis bien prête à la prendre s'il n'y a
pas de discrimination. 11 y a une chose certaine, c'est que, au fur et à
mesure qu'on entrait dans les années qui suivaient, après 1983,
on augmentait le problème. Là, je comprends difficilement - je
vous le dis bien honnêtement - que vous ayez... Il y a bien des fois
où vous devez en utiliser, de l'initiative, beaucoup de fois,
d'ailleurs. Je ne peux pas croire qu'à ce moment-ci vous vous soyez
engagés avec des gens qui sont arrivés en 1985 alors qu'on en
avait au moins 125 qui étaient là depuis... Peut-être que,
là-dedans, il y avait des incompétents, je vous le
concède, ce qui n'aurait pas dû être. Sur la base de vos
critères objectifs, alors, là, j'ai de la difficulté
à vous réfuter mais il reste qu'on a seulement augmenté le
problème et qu'on a frustré davantage ceux qui étaient sur
la liste d'attente depuis 1980.
M. Rochon: Écoutez, je pense qu'on peut discuter de cela
encore longtemps. On a même proposé d'envisager pouvoir dire
à des candidats que le niveau de leur dossier, comparativement au niveau
de la cohorte de ceux qui posent leur candidature, niveau qui se maintient,
faisait qu'après deux ou trois fois qu'ils s'étaient
présentés ils n'avaient pas de chance. Encore là, c'est
dans un système qui juge de la qualité du dossier en fonction de
critères. On a eu des avis juridiques qui ont été pris
tout de suite et on nous a dit: Devant toute commission, il faut qu'ils
puissent tenter leur chance même si, effectivement, elle est très
mince.
Il faut prendre les problèmes l'un après l'autre.
Premièrement, si vous voulez vraiment arriver à régler
cela, trouvez d'abord un moyen de contrôler l'entrée au
pays, absolument. Tant que ce n'est pas fait, on ne fait, effectivement,
que grossir le problème. Il n'a pas fini de grossir: qu'on voie
seulement ce qui arrive et ce qui s'est passé depuis cinq ans.
Deuxièmement, avant de nous amener sur un terrain où on
aurait des critères d'entrée différents dans un programme
comme cela, il faudrait vraiment regarder les conséquences. Je vous le
dis, on ne défend pas d'intérêts; on est vraiment pris
comme vous pour essayer de faire plaisir à tout le monde et à
notre père en même temps mais on ne peut pas faire autrement -je
n'ai pas l'impression qu'on fait de la discrimination en faisant cela - que de
regarder ce que l'on fait quand on fait les entrées en médecine.
Ceux qui se présentent et qui seraient bons mais qui sont en bas de la
force de la cohorte, à chaque année, ils sont en bas de la force
de la cohorte; cela fait partie du système.
M. Chevrette: II y a quelque chose que je ne comprends pas. Si on
ferme la valve complètement, il y en a 150 sur la liste, il n'en entre
plus un. Si je suis exactement te raisonnement du Dr Lamarche, est-ce que vous
feriez des recommandations pour les 150...
M. Rochon: Quand on a commencé le système...
M. Chevrette:... selon un rythme dans le temps?
M. Rochon: Je vais vous dire ce qu'on a dit. C'est cela qu'on a
essayé de faire quand on a commencé ce
système-là.
M. Chevrette: Oui, mais vous allez voir où je m'en vais
après.
M. Rochon: Bien, allez-y.
M. Chevrette: C'était une première question,
cela.
M. Rochon: La première à cela...
M. Chevrette: Est-ce que c'est oui à cela?
M. Rochon: À quoi? À ce qu'on soit prêts
à laisser passer les 150 si la valve est complètement
fermée?
M. Chevrette: Oui.
M. Rochon: Je peux vous dire - on ne s'est pas consulté
là-dessus - qu'il y a trois ou quatre ans on avait dit oui et c'est cela
qu'on pensait qu'on viendrait à bout de faire.
M. Chevrette: Donc, les 150...
M. Rochon: Vous pouvez toujours présumer qu'on dirait
peut-être encore oui.
M. Chevrette:... sont d'une compétence minimale
admissible?
M. Rochon: C'est-à-dire que ces gens-là ont...
M. Chevrette: J'ai bien dit: compétence minimale
admissible.
M. Rochon:... rempli les conditions d'admissibilité au
programme d'accueil. Si c'est cela que vous voulez dire par conditions
minimales admissibles, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sur cela, d'accord.
M. Chevrette: En tout cas, jusque-là, ils disent oui. Cela
va. Vous me dites que, dans votre grande logique, vous êtes prêts,
il faut fermer le robinet. Dans cette même logique, s'il y a une
compétence minimale acceptable, quelle logique vous empêche de
tenir compte du fait qu'il y a des individus qui sont en droit de s'attendre
à entrer et que vous ne les recevez pas tout de suite et que vous
recevez plutôt des nouveaux qui, eux, savent qu'on veut fermer le
robinet? Vous ne me suivez pas? Je vais m'expliquer.
M. Rochon: Non, je suis mal. C'est la toute dernière
partie que j'ai mal suivie...
M. Chevrette: Je vais recommencer.
M. Rochon:... "eux, savent qu'on veut fermer le robinet. " Ils
ont appris cela où? (17 h 15)
M. Chevrette: Vous me dites être très
compréhensif vis-à-vis de ceux qui sont sur la liste. Vous
reconnaissez qu'ils ont une compétence minimale acceptable. D'accord?
Vous me dites qu'il y a une seule solution, c'est de fermer le robinet. Comment
se fait-il, à ce moment-là, que vous ne "priorisez" pas dans
votre acceptation ces 150 qui ont la compétence minimale acceptable?
M. Rochon: Parce que le robinet n'est pas fermé. Lorsqu'on
a commencé... Supposons que votre système fonctionne; on l'a
essayé. On dit: II y en a 150. Prenons ceux-là, ce sera fini
après. Il y en aura peut-être dix ou douze de plus, mais ce sera
autour de cela. On dit: Qui commençons-nous par prendre? Ou on les prend
purement au hasard, et il y aura tous ceux-là, mais que ceux-là.
On aurait bien pu prendre les noms au hasard, 30 chaque année. On dit:
On va procéder et, comme on est habitué de faire la
sélection, on va prendre ceux qui ont les meilleurs dossiers et ils vont
passer les premiers, mais ils vont tous passer. Tous
ceux qui sont minimalement acceptables, on va se rendre à eux.
Mais ce n'est pas cela qui se passe.
M. Chevrette: Mais, par le passé, vous
reconnaissiez...
M. Rochon: Chaque année, lorsqu'on recommence, il y en a
de nouveaux qui sont rentrés. Comme on a amorcé le système
en sélectionnant sur la base de la qualité du dossier et qu'il en
rentre toujours dans le système, on ne se rend pas au bout. C'est
à cause de cela que je vous dis: Fermez d'abord la valve. Tant que la
valve n'aura pas été fermée, on ne s'en sortira pas. Ou
bien, on va dire: C'est nous autres qui allons fermer la valve. On va avoir
bien de la misère à faire cela. On va dire: Tous ceux qui
étaient inscrits en date de tel jour, eux autres, on les passe tous et
on ne considère aucun dossier arrivé la veille. Là, vous
allez avoir d'autres genres de pressions sur votre bureau, mais elles seront
aussi grandes. Il n'y a pas de moyen de s'en sortir tant que la valve ne sera
pas fermée. Je pense que la réponse à votre question est
claire.
M. Blank:... parce que le Canada et le Québec sont...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank:... en accord avec la convention des
réfugiés des Nations Unies. Cela veut dire que des
médecins réfugiés arriveront même si on ferme la
porte à l'immigration légale, dans un sens. Le
réfugié arrivera ici. Je pense que, dans les 150, il y a au moins
un tiers qui sont des réfugiés.
M. Rochon: On veut accepter les réfugiés et les
intégrer dans notre société en tant que médecins,
ingénieurs, avocats, architectes et gens de tous métiers. Si,
comme gouvernement, vous voulez donner à tous les réfugiés
qui entrent sur notre territoire le même métier, et aux
mêmes conditions, qu'ils avaient dans leur pays, faites-le, mais
faites-le pour tout le monde.
M. Blank: S'ils sont compétents, oui.
M. Rochon: Et s'il y a une place. S'ils sont compétents,
oui, mais, comme pour un Québécois, s'il y a de la place pour
lui. On est dans un système où il y a plus de gens qui veulent
rentrer qu'il y a des places de disponibles. Ne cherchez pas ailleurs, le
problème est là. Personne ne veut fermer la porte à ces
gens-là. On est bien prêt à leur faire une place aussi,
mais il n'y a pas de place pour tout le monde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le
Dr Cruess voulait réagir sur le même sujet. Après
cela, M. le ministre.
M. Cruess: II y a une solution très simple si on veut
former tous les candidats, c'est nécessaire de donner 150 postes. Cela
va régler le problème.
M. French: Quel pourcentage va passer à travers si vous
utilisez les mêmes standards?
M. Cruess: La moitié. M. French: La moitié.
M. Cruess: Probablement.
M. Rochon: II faudra vérifier les statistiques d'avant,
mais...
M. French: Mais les statistiques d'avant ne sont pas pertinentes,
parce que vous avez maintenant dans les 150 le réservoir des
refusés des années antérieures.
M. Rochon: Ah oui! peut-être. M. French: C'est vous
qui dites...
M. Rochon: On pourrait avoir au moins un indice...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre!
À l'ordre, M. le député de Westmountl Dr Cruess,
après, le ministre.
M. Cruess: Les quatre doyens ont beaucoup de problèmes
avec un système qui n'est pas basé sur l'excellence. Le
système est maintenant basé sur l'examen de dossiers. On essaie
de choisir le meilleur candidat. S'il y a 20, 30 ou 50 postes, nous avons des
problèmes.
M. Chevrette: Mais il y a un dilemme, Mme la Présidente,
dont je voudrais vous faire part ici. Il faudrait quand même être
conscient des répercussions de nos gestes. Premièrement, si on
ferme le robinet, cela veut donc dire que cela peut être au
détriment de la compétence ou de l'excellence, parce que, si on
suivait le raisonnement en se disant qu'on prend toujours les meilleurs qui
s'ajoutent à tour de rôle chaque année, il ne tiendrait
plus en ce qui concerne l'excellence. On dirait: On va vers la qualité
minimale.
Deuxièmement, si on ne ferme pas le robinet, on va continuer avec
le même système et on risque d'accroître le nombre de
mécontents et de frustrés annuellement. C'est évident.
Donc, il n'y a pas trois solutions, il y en a deux: ou bien on continue avec le
même système, sachant ce qu'il est avec toutes les frustrations
que cela peut
occasionner sur le plan humain, ou bien on prend le taureau par les
cornes et on dit... D'ailleurs, on ne sera sûrement pas les seuls
à le faire, il y a d'autres provinces canadiennes qui sont sans doute
sur le point de le faire. En tout cas, mes discussions à Winnipeg la
semaine dernière m'ont démontré qu'on s'achemine vers
cela. On ferme carrément le robinet et on dit comment on éponge
le surplus sur X temps par rapport à ce qu'il y a, mais entre-temps il
faudrait qu'il y ait une cohérence au niveau national et, quand je dis
national, c'est canadien. C'est qu'on ne continue pas à accroître
le nombre d'immigrants médecins. On aura toujours le problème des
réfugiés d'une façon sporadique. Cela, c'est clair, je
pense bien. Ce ne sont pas tous des réfugiés, il y a aussi des
immigrants qui, soit par alliance ou par d'autres moyens, sont entrés au
Québec ou au Canada. Il faut regarder les faits tels qu'ils sont. Donc,
on verra à faire connaître notre décision dans ce sens.
Mais, effectivement, vous avez raison de dire qu'il faut mettre un point final
à ce problème qui est croissant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez
d'autres questions, M. le ministre?
M. Chevrette: Non. J'en aurais d'autres pour les résidents
et internes. On a effleuré certains sujets. Je suis aussi bien d'y
aller; on a le temps?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a jusqu'à 18
heures. Il y a trois autres personnes qui veulent parler. Alors, vous avez dix
minutes. On va essayer de se "rediscipliner" aux dix minutes, M. le
ministre.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, maïs je vous
ferais remarquer que j'ai laissé aller cela deux ou trois fois de suite
de votre côté et je n'ai pas dit un mot.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non.
Une voix: Pas dix minutes chacun, par exemple.
M. Chevrette: Pas dix minutes chacun. Vous n'aviez même pas
demandé la parole et vous l'avez prise. Il n'y a pas de problème.
C'est de l'indiscipline à son compte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous avez
un droit de parole de dix minutes.
M. Chevrette: Une dernière remarque sur les immigrants,
avant de revenir aux résidents et internes. Si on donnait le mandat
d'évaluer carrément la compétence de l'ensemble et qu'il y
ait un rapport du comité de sélection de donné, est-ce que
ce ne serait pas là, une façon d'arrêter de créer de
faux espoirs d'année en année pour un certain nombre dont la
compétence ne serait pas reconnue? Est-ce que vous accepteriez un tel
mandat plutôt que de laisser trois ans ou quatre ans, selon la
décision qu'on prendrait? On ferme le robinet et on donne trois ans pour
éponger ces surplus. Est-ce que vous accepteriez le mandat de nous
donner l'heure juste et le score net, comme disent les anglophones, sur la
compétence des gens pour qu'on arrête de leur donner de fausses
illusions pour certains?
M. Rochon: Quand on a commencé le système il y a
trois ou quatre ans, c'est ce mandat qu'on a pris et on l'a fait, pas en
examinant seulement ce dossier, parce que je vais essayer de vous expliquer
comment ce n'est pas facile d'en arriver à ce score net sur un dossier
pour une décision importante comme cela pour un individu. Cela a
été le but de ce qu'on a appelé le programme d'accueil.
Bien souvent, surtout dans le cas de réfugiés, vu les conditions
dans lesquelles les gens partent et arrivent dans un autre pays, mais
même souvent dans' le cas d'immigrants, on a des dossiers sur lesquels
c'est très difficile de se prononcer au-delà des conditions
d'admissibilité à un programme. Ce ne sont pas les mêmes
types de stage, ce n'est pas le même genre d'évaluation, ce n'est
pas le même genre de notation. On n'a pas de système
d'équivalence dans bien des cas et il peut y avoir pas mal de
difficultés quand des gens qui ont eu toute une carrière dans un
domaine demandent un droit de pratique au Québec. Cela veut dire que
dans leur nouveau pays d'accueil, au Québec, ils se réorientent
complètement dans une autre carrière qui est de l'omnipratique,
dans un contexte différent.
Le programme d'accueil visait cela, c'est-à-dire que le
scénario était le suivant: On ferme le robinet, on est sûr
qu'on le contrôle, et les 150 personnes qui sont là-dedans, qui
ont répondu à des critères d'admissibilité au
programme, elles sont là et elles vont toutes passer les unes
après les autres. Le programme d'accueil est là pour leur
permettre de compléter leur adaptation dans le système, de finir
de se familiariser avec le fonctionnement des hôpitaux
nord-américains, de type québécois, avec ta
pharmacopée et tout le reste et permettre de les évaluer quant
à leur compétence. En fin de compte, dans les règles de
jeu, c'est dit explicitement: Si quelqu'un n'est vraiment pas compétent
- et c'est arrivé dans certains cas avec des examens cliniques - on peut
vraiment rendre un jugement en toute équité.
Mais ne te faire que sur des dossiers comme cela, à cause de la
nature de ces dossiers dans bien des cas, c'est ce qui n'est pas faisable.
Alors, c'est le but de toute l'opération du programme d'accueil qu'on
pensait qui serait une opération sur trois ou quatre ans et qui serait
finie après.
Alors, on revient vraiment... C'est un retour à la case de
départ. Il n'y a vraiment pas d'autres moyens de s'y prendre, mais on
est après le faire et on est encore prêt à continuer cela.
Le fait que le problème grossisse, ne nous demandez pas de faire plus ou
autrement. Même si on bouge de notre position, on va juste empirer les
choses, je pense, dans ce contexte.
M. Chevrette: Pour revenir aux résidents et internes,
est-ce qu'il y a une structure permanente de collaboration entre la FMRIQ et la
conférence des doyens?
M. Rochon: Une structure permanente de collaboration. Il y a
différents niveaux de communication et de collaboration. Il y a eu -
cela ne fonctionne pas depuis un bout de temps et je ne suis pas sûr que
cela ait été beaucoup efficace - ce qu'on a appelé le
Comité conjoint de formation médicale où les
différentes instances étaient représentées. Plus
sur une base ad hoc mais, à chaque fois que d'un côté ou de
l'autre on en a exprimé le désir, je pense que l'autre partie a
répondu de façon positive et il y a eu des rencontres, au moins
trois ou quatre que je me rappelle, sur des dossiers bien particuliers il y a
eu au moins cela - avec les représentants de la fédération
et le comité des doyens.
Il y a au niveau local de chaque université... Beaucoup de
problèmes s'arrêtent plus à un niveau local parce que les
conditions ne sont pas nécessairement les mêmes d'une
faculté à l'autre ou d'un programme à l'autre. Au niveau
local, facultaire, départemental et des services hospitaliers, il y a
des collaborations. Je pense que cela doit être comme cela dans toute la
province. Je sais que, pour la région de Québec, dans chaque
hôpital l'association locale affiliée à la
fédération a un représentant qui travaille avec le
coordonnateur ou qui a toutes les possibilités d'être en relation
avec le coordonnateur de l'enseignement, lequel coordonnateur est relié
au vice-doyen. Il peut venir voir le vice-doyen, le directeur de
département ou le doyen n'importe quand.
Alors, à ma connaissance, il y a beaucoup de niveaux de
communication dans le système.
M. Barkun: Aussi par le truchement du comité des
études médicales de la Corporation des médecins où
siègent les quatre vice-doyens - d'ailleurs, c'est un comité qui
est présidé par un vice-doyen - la FMRIQ siège avec deux
observateurs. Passez-moi l'expression mais, quand même, ils ne se
gênent jamais pour faire valoir leur point de vue. On discute beaucoup de
choses qui ont été discutées ce matin. Ce sont à
peu près six à huit rencontres par an.
M. Chevrette: Mais le mécanisme de collaboration que vous
avez avec les centres hospitaliers universitaires? Il doit y avoir des
directives qui sont transmises de la part des facultés aux centres
hospitaliers pour les attitudes, les règlements, le respect, par
exemple, d'un contrat collectif signé avec la FMRIQ. Je suppose que les
universités demandent à leurs professeurs de respecter ces
conventions collectives de travail. Automatiquement, il doit y avoir des
rencontres avec les autorités des CH pour expliciter les nouveaux
arrangements, les nouvelles conventions, les nouveaux contrats de travail.
Est-ce que c'est permanent, c'est fréquent, c'est soutenu? Vous devez en
avoir, des griefs. On ne doit pas avoir seulement une menace de grève
aux trois ans pour venir à bout d'en parler, de ces relations. Quel type
de relations soutenez-vous là-dessus? Avec le statut syndical, cela
change, bien sûr. Le statut de syndiqué change un peu l'approche
que vous pouviez avoir. vis-à-vis d'une structure bona fide, sans
reconnaissance juridique. Est-ce que vous avez mis sur pied des
mécanismes vous assurant qu'il se crée un dialogue, compte tenu
de cette nouvelle conjoncture ou cette nouvelle reconnaissance juridique?
M. Gauthier (Yvon): Je voudrais dire là-dessus, M. le
ministre, qu'à tous les niveaux les résidents sont entendus quand
ils veulent bien se faire entendre. Ce que je remarque personnellement, c'est
que, quand arrive la négociation entre la fédération des
médecins résidents et le ministère des Affaires sociales,
négociation à laquelle, semble-t-il, l'AHQ est partie
jusqu'à un certain point... Je pense qu'il y a vraiment quelque chose
qui n'est pas correct dans tout cela parce qu'une grande partie... Et je pense
que c'est ce qui fait qu'on se retrouve, entre autres sujets
d'intérêt, ici. C'est qu'il y a un certain nombre de ces questions
qui nous concernent beaucoup et auxquelles nous sommes très
intéressés. Mais nous n'avons eu aucunement la possibilité
d'en discuter avec les résidents et avec la fédération des
médecins résidents, sauf la question des gardes, la question de
l'encadrement des internes au niveau des gardes. Je dois dire que cela a
été discuté avec la corporation, comme le doyen Rochon l'a
dit tout à l'heure. Mais, sur la question des unités
d'enseignement clinique, je vous avouerai que, en tout cas, il nous semble que,
dans le domaine de la négociation, on devrait être
présent.
On a chez nous à Montréal une structure, le comité
des coordonnateurs de l'enseignement, composé de représentants de
la faculté dans chacun des hôpitaux affiliés; c'est le
personnage chez qui tout problème qui concerne l'enseignement et les
relations entre l'hôpital et l'enseignement doit aller. Cette structure a
demandé officiellement à la faculté, au doyen,
récemment d'être présente à la négociation
entre les résidents et le ministère à l'avenir, parce que
cette situation n'a plus de sens. Encore une fois, ce que je veux dire, c'est
qu'il me semble qu'il devrait y avoir quelque chose dans ce domaine en plus,
évidemment, de tout ce qui existe déjà de
possibilités de discuter des problèmes à mesure qu'ils se
développent. Je pense qu'on est très présents là.
Mais, assez souvent, comme chez les étudiants en médecine chez
nous, on dirait que les structures qui existent ne sont pas
nécessairement bien utilisées, pour toutes sortes de raisons. (17
h 30)
M. Chevrette: Mais, le fait, pour un étudiant,
d'être jugé précisément par celui qui lui donne les
directives d'être, par exemple, deux soirs de suite en garde, est-ce que
ce n'est pas donner raison aux membres de la FMRIQ qui disent: Comment
voulez-vous qu'on se plaigne? Comment voulez-vous qu'on discute? Comment
voulez-vous qu'on dépose un grief contre celui qui va nous juger et qui
va sanctionner notre diplôme en bout de course? N'avez-vous pas
prévu de votre côté un mécanisme permettant à
l'étudiant, au niveau de l'institution qu'est l'université, un
genre de recours qui ne le placerait pas en état de
vulnérabilité devant son pair qui le juge?
M. Rochon: Je pense qu'il existe, sous des formes
différentes, mais cela revient au même type d'organisation, des
comités de programmes, des directeurs de département à
l'université, des responsables de programmes à l'hôpital et
des chefs de service ou de département au niveau de l'hôpital qui
ont un mandat et une responsabilité très claire d'appliquer un
programme qui existe. Il y a même plus que cela. Â la limite, je
pense que la plupart des universités ont - je sais que c'est le cas
à Laval - un ombudsman universitaire qui peut recevoir une plainte d'un
étudiant. La mécanique est là.
Par contre, ce que les résidents disent est exact. Je pense qu'il
y a là quelque chose - vous avez employé l'expression "la
pression de son père" ou quelque chose du genre qu'on ne peut pas
facilement changer. Les cas auxquels ils pensent doivent exister davantage chez
les résidents de troisième ou quatrième année, qui
sont un peu, vis-à-vis de leur ou de quelques patrons, dans la
même situation qu'on peut avoir connue ailleurs aussi de
l'étudiant qui fait un PhD dans un laboratoire avec son patron.
Évidemment, à un moment donné, la véritable
relation, le véritable rapport de forces est entre deux individus, sur
le terrain. Il n'est pas au niveau des associations locales ou provinciales.
C'est le problème. Il peut y avoir des abus. ' Je pense qu'ils ont dit
ce matin que ce n'est pas généralisé. Il peut y en avoir.
C'est bien sûr que si l'étudiant lui-même juge...
M. Chevrette:... nuancé ce matin qu'il y a à peu
près deux ou trois mois.
M. Rochon: C'est cela. S'il y a des abus qui sont à un
point où il y a injustice, il y a inéquité, il existe - je
pense bien que les internes et les résidents ne nieraient pas cela - des
mécanismes où ils peuvent, devant le comité de programmes,
le directeur du département et, au besoin, devant l'ombudsman
universitaire, faire valoir leur cas et être protégés. Il y
a donc des balises qui existent où un patron ne peut pas profiter et
abuser, de quelque façon que ce soit, d'un étudiant
gradué. Mais ce type de relation ne peut pas ne pas être à
ce niveau de formation que ce soit pour un PhD ou pour quelqu'un qui termine sa
spécialité. S'il y a des situations où le patron charrie
un peu, que ce n'est pas odieux au point de pouvoir se plaindre et que
l'étudiant décide d'accepter, c'est un peu le problème que
certains fils ont avec leur père aussi et ils ne vont pas
nécessairement voir la police.
M. Chevrette: Vous avez peut-être eu l'occasion, tout comme
moi, de regarder un vidéo, je pense que c'est à Radio-Canada, un
montage où on suivait un résident pendant 24 ou 48 heures. Il
avait les yeux tristes, la mine abattue, c'est le cas de le dire! On me dit
souvent que les gens qui les jugent leur disent ceci: Écoutez. On est
passés par là. Tu passes par là. Fais ta "job"! Même
si ce n'est pas généralisé, il n'en demeure pas moins que
ce qui m'a toujours surpris, ce qui me préoccupait dans cette approche
des résidents internes, c'était qu'on a voté une loi dans
ce Parlement pour la sécurité et la santé au travail pour
les salariés qui travaillent sur de la machinerie, de
l'équipement et on disait que c'était dangereux. Imaginez-vous ce
que c'est pour des personnes qui jouent sur l'humain, toute l'importance de
votre collaboration, à vous et aux directions des centres hospitaliers,
aussi, auprès de ces jeunes! On joue sur l'humain, à plus forte
raison doit-on avoir un souci encore plus grand, il me semble, de non-abus. On
parle longuement de stress et de tension dans le mémoire. Il me semble
qu'on a des efforts à faire de part et d'autre là-dessus,
ministères, universités, centres hospitaliers, bien
au-delà, comme je le disais ce matin, de conventions collectives
de travail; cela concerne beaucoup plus la mentalité, l'esprit,
l'approche qu'on peut avoir. Ce sont des relations humaines beaucoup plus que
des relations du travail; j'appelle cela comme cela dans mon jargon. Je pense
que les universités ont un grand rôle à jouer dans cela,
vous ici, auprès des médecins responsables qui sont
formateurs.
C'est un peu ce que je voulais vous dire. J'escompte que vous me ferez
parvenir dans les meilleurs délais le rapport qui émane de la
corporation et des universités en ce qui regarde l'organisation
universitaire.
M. Rochon: Si cela a des chances de vous parvenir plus vite par
nous que par le ministère de l'Éducation, on va sûrement
faire cela, monsieur.
M. Chevrette: C'est exactement pourquoi je vous le demande. Je
pourrais vous dire aussi, en terminant - ce sera ma dernière
intervention, j'ai pris tout mon temps - qu'il me fera plaisir de
réactiver les rencontres entre doyens et le ministère des
Affaires sociales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Westmount.
M. French: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir
aux questions des échanges Québec-Canada et
Québec-États-Unis. Je ne suis pas sûr que j'ai bien compris
le ministre, qui semblait dire qu'à cause des nouvelles données
qui sont sorties à Winnipeg sur la question des relations
d'éducation postdoctorale, Québec-Canada et
Québec-États-Unis, il voudrait remettre cette question... Je ne
suis pas sûr si j'ai bien compris ce qu'il voulait dire.
M. Chevrette: Ce que j'ai dit, c'est que l'ensemble des
ministres, compte tenu des informations que chacun possédait dans sa
propre province, avant de prendre position sur un rapport consolidé, on
préférait le remettre à chacun de nos groupes
intéressés dans nos propres provinces, à savoir les
corporations médicales, les universités, et même en faire
une analyse au ministère avant de se prononcer sur ce rapport; d'autant
plus, que nous prévoyons une rencontre - je crois que c'est en septembre
-interprovinciale, qui aura lieu en Ontario, à Toronto. Â ce
moment-là, on pourra le regarder à nouveau.
M. French: Tout simplement, je voudrais dire, Mme la
Présidente, que je trouve la situation un peu inquiétante, dans
ce sens que, si j'ai bien compris - encore une fois, je suis prêt
à être informé autrement - actuellement il y a plus de
Québécois, et de façon très significative, qui
étudient aux États-Unis que d'étudiants provenant
d'écoles de médecine américaines qui étudient ici -
on parle toujours du postdoctorat - au Québec; deuxièmement,
qu'à un moindre degré à peu près la même
relation existe entre les autres provinces du Canada et le Québec. Je
trouve cela un peu inquiétant. Je ne sais pas si ma version des faits
est véridique. Mais il me semble que le Québec, ayant des
richesses énormes dans le domaine de l'éducation médicale,
devrait au moins tenir sa part du fardeau éducatif du bassin de
médecins en Amérique du Nord.
M. Chevrette: On n'a rien de très précis
là-dessus, pas assez pour se prononcer ex cathedra. Je peux vous dire
qu'on n'est pas les seuls, d'autre part, à nous interroger très
sérieusement. Si je me fie, en tout cas, sur l'attitude des ministres de
la Santé des autres provinces, en Ontario ils ont les mêmes
craintes que McGill peut avoir ici, parce que ce sont eux qui forment la
majorité des médecins pour certaines autres provinces. C'est bien
évident, les universités on n'en crée pas
spontanément du jour au lendemain là où il n'y en a pas.
On utilise donc celles qui sont à notre disposition. Ils ont aussi des
craintes d'actions radicales, dire: Demain matin, on arrête tout. Ils ont
pour leur dire: À quoi aura-t-on à faire face le lendemain
matin?
C'est pour cela qu'on n'a pas pris de position radicale, rapide, parce
qu'il n'est pas certain que toutes les données, comme le disait M.
Rochon au tout début de son exposé, sont faites à partir
d'une même méthodologie et à partir des mêmes
critères d'évaluation. Cela est important.
Par contre, il se charrie tellement de mythes. À un moment
donné, tu apprends que le Québec se vide de médecins. Ce
n'est pas vrai. Quand on se compare avec l'Ontario, on dit: II en sort
même moins d'ici que de l'Ontario. Tout le monde charrie son bout de
rumeur et cela fait qu'on crée des ballounes en collectivité; on
fait face à des questions bien souvent et on se dit: Pourquoi c'est
parti? D'où cela sort? On fait des enquêtes, des analyses, des
sondages et on se rend compte que tout est grossi ou multiplié par dix
quand ce n'est pas par cent. Donc, on vous dit tout de suite qu'on n'est pas
sûr de nous. On aime mieux affirmer qu'on n'est pas sûr de nous
dans ce domaine, et prendre le temps de le vérifier correctement. Il y a
des impacts extrêmement lourds autant pour nos universités
peut-être que pour nos centres hospitaliers et tout le secteur de la
santé, au Québec. Si on ne s'interroge pas à court terme
et si c'est vrai que la tendance va vers un surplus assez inquiétant
vers l'an 2000, c'est tout le système qui y goûtera, vous le savez
autant que moi. Donc, on doit s'interroger, mais on ne doit pas prendre des
décisions hâtives qui auraient pour effet de pénaliser
d'autres secteurs très importants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le Dr Cruess voulait
intervenir là-dessus.
M. Cruess: Ou point de vue de McGill, ce n'est pas une crainte,
c'est la réalité, à partir du 1er juillet. Je suis certain
que je peux parler pour les quatre doyens, nous sommes certains, absolument
certains que le système d'entrée en spécialité est
trop serré pour la province de Québec. Ce n'est pas seulement
l'élimination des Américains et des Canadiens, les nombres ne
sont pas corrects.
M. French; Oui, Mme la Présidente, ce qu'a dit le ministre
m'inquiète parce que cela indique qu'il a mal compris ce que j'ai
compris de ce que les doyens ont dit, et surtout de ce que le doyen de McCill a
dit. 11 dit: Vous avez déjà - peut-être pas
expressément - par les règles de répartition et les
contrôles de contingentement qui existent déjà, pris
position. Non seulement avez-vous déjà pris position mais vous
avez pris une position radicale, même très radicale, dans le
contexte nord-américain. De toutes les universités, j'avoue que
ce que j'ai compris c'est que c'est McGill qui fait, peut-être par ordre
de grandeur, les frais, par rapport aux autres universités, de tout
cela. Résultat: il n'y a pas de Canadiens de l'extérieur du
Québec qui viennent ici étudier comme résidents, cette
année, alors qu'il y a toujours beaucoup de Québécois qui
vont dans le sens inverse. Également, dans le domaine des
échanges avec les États-Unis, il y a une centaine de
Québécois à l'extérieur et une dizaine
d'Américains ici. Il y a une centaine de Québécois
à l'extérieur, pas tous anglophones incidemment. Alors, c'est
cela, vous avez déjà pris position. Je ne dis pas que vous l'avez
fait expressément. Tout ce que je dis, c'est que j'aimerais au moins
croire qu'on comprend tous les deux ce qu'on vient d'entendre, parce que c'est
cela que je viens d'entendre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Rochon.
M. Rochon: Là-dessus, indépendemment des chiffres
et de ce dont on peut convenir, il faut vraiment qu'on se comprenne clairement.
On ne peut pas attendre de la même façon que les autres provinces
parce que...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute, là,
pour que le ministre entende bien votre explication.
M. Rochon: Je veux vraiment entériner cela, et vraiment
dégager quelles seraient les conclusions de tout autre examen, mais
notre situation est très différente de celle des autres provinces
parce qu'il y a deux décisions qu'on a prises, qu'on a appliquées
- et on a eu l'occasion de le dire - en ne prenant pas toujours des
consultations et en n'écoutant pas toujours ceux qui donnaient des avis,
mais on l'a fait: depuis trois ans, on a diminué de l'ordre de 17 %
à 18 % les entrées à la faculté de médecine.
Ce qu'ils proposent pour l'ensemble du Canada, on l'a fait. C'est fini. Avec
l'admission de l'an prochain, on va avoir diminué de 18 %. Alors, si on
s'était un peu trompé, il ne faudrait pas attendre deux, trois
ans pour commencer à se réajuster. Pour l'entrée en
spécialité, le contingent est effectivement, à notre avis,
trop serré. Il n'y a pas une autre province qui contrôle un
contingent serré comme celui-là. On peut se tromper, on ne
réussira peut-être pas à faire la démonstration,
quoique, avec nos collègues de CREPUQ, on a un dossier qui commence
à s'étoffer. Tout ce qu'on dit, c'est que même avec
l'objectif actuel du AO %, 60 %...
M. Chevrette: Dr Rochon.
M. Rochon:... l'entrée n'est pas satisfaisante. Je
voudrais vous dire, là-dessus: n'attendons pas qu'il y ait une entente
dans le Canada, si c'est cela qui est le message. C'est sûr qu'au
Québec il va falloir bouger avant, parce qu'on a déjà
commencé.
M. Chevrette: Non, mais...
M. Rochon: On est le leader encore, au Canada,
là-dessus.
M. Chevrette: Pourriez-vous répondre à cette
question-ci?
M. Rochon: Je vais essayer, M. le ministre.
M. Chevrette: Le nombre de moniteurs ajouté au nombre
permis représente plus que ce qu'il y avait avant, vrai ou faux?
M. Rochon: Le nombre de moniteurs, ce n'est pas
nécessairement un problème relié à cela. Il
faudrait voir qui sont les moniteurs. Il y a une bonne partie des moniteurs
qu'on a et qu'il faudra continuer à avoir, si c'est cela que sont les
moniteurs. Ce sont des étudiants des États-Unis, d'ailleurs au
Canada ou de n'importe où, qui viennent comme étudiants
postgradués et qui retournent. On peut vérifier les
données pour voir s'ils retournent ou non. Si les moniteurs
étaient ou sont - je ne pense pas que ce soit le cas - une voie
parallèle détournée pour défaire un objectif de
politique de planification, là vous auriez raison. Notre
prétention, c'est que ce n'est pas le problème. On peut se
tromper, mais qu'on la regarde, la situation.
M. Chevrette: Vous ferez certaines vérifications
là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que...
M. Rochon: On en a fait, et il faudrait que vous en fassiez de
votre côté aussi.
M. Chevrette: On en reparlera.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les gens de la CREPUQ,
vous n'avez pas quelque chose à ajouter là-dessus? Non? Ah!
M. Rochon: II y a une chose que je peux dire concernant la
CREPUQ. Si on peut prendre 30 secondes pour se vanter ou pour vanter la CREPUQ
là-dessus, on pense que le système de gestion du contingent
interne des résidents qui a été monté, qui est
géré par la CREPUQ et dans lequel M. Philippe Bernard s'est
impliqué, est très efficace. On l'a démontré, il
est très accessible. En tout temps, les gens de tous les
ministères ont pu venir; on a passé des journées à
regarder avec eux et à sortir... La seule chose qu'on n'a jamais voulu
sortir de là, c'est la même règle qu'on applique aussi
à l'université, ce sont des listes nominatives comme des dossiers
d'étudiants ou des choses du genre. Tout le reste, cela a toujours
été disponible. C'est un système qui est efficace, qui est
là, et ils contrôlent le système. Alors, la CREPUQ est un
intervenant important sur le plan de la logistique. On a les moyens pour faire
des pas importants rapidement, je pense, collectivement. (17 h 45)
M. Bernard (Philippe): Je préférais que le doyen
Rochon dise cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. French: II est donc important, encore une fois, je pense, de
souligner que le Québec ne fait pas sa part dans l'effort collectif
d'éducation au niveau postdoctoral dans le contexte continental. Il tire
plus de bénéfices qu'il n'en donne dans la formation en tout cas,
à moins qu'il y ait d'autres chiffres que j'attends de voir. Je suis
prêt à les voir, mais ce qu'on vient de se faire dire, c'est cela,
déjà. Donc, il ne s'agit pas, de la part du ministre, de nous
dire: Écoutez, on ne prendra pas de décision hâtive, ne
vous en faites pas! Au contraire, les décisions sont déjà
prises. Je ne dis pas qu'elles étaient hâtives, mais elles ont eu
un effet qui est nettement, à mon sens, d'après les
renseignements qu'on a pu avoir et d'après le son de cloche qu'on vient
d'avoir, défavorable à l'image du Québec ou aux
responsabilités du Québec. Lorsqu'on sait qu'on a des
institutions, dans la domaine de l'éducation médicale,
extraordinaires, dont on peut être très fier, il me semble que ce
serait très dommage, lorsqu'on a tellement à donner, qu'on se
prive et qu'on prive les autres de cette possibilité de
contribution.
M. Chevrette: Cependant, que diriez-vous, M. le
député de Westmount, à des étudiants qui
viendraient d'une province qui a décidé qu'elle avait trop de
médecins et qu'il n'en rentrerait plus un? C'est ce dont on m'informe
ici. Quelle serait votre réaction, comme ministre responsable?
M. French: Mais ce sont déjà des décisions
que le Québec a prises. C'est ce que le Québec a dit.
M. Chevrette: Une certaine décision. On n'a pas
fermé la porte à tout le monde. Je peux vous dire que j'ai
entendu de la bouche d'autres ministres, sur le plan canadien, la semaine
dernière, qu'ils comptent tout fermer.
M. French: Alors, c'est le classique comportement...
M. Chevrette: Â ce moment, on va former pour les
autres...
M. French:... protectionniste.
M. Chevrette:... et il n'y aura pas de débouchés
pour eux autres...
M. French: Oui, c'est cela.
M. Chevrette:... et c'est nous qui allons absorber le
surplus.
M. French: Là, on va constiper le système
complètement.
M. Chevrette: Que diront les fédérations
médicales après, avec un surplus, et qu'est-ce qui arrivera
lorsqu'il y aura un déséquilibre financier dans le domaine de la
santé au point que ce soit inquiétant?
M. French: Le ministre nous dit, effectivement...
M. Chevrette: Cela l'est déjà assez, je trouve.
M. French: Maintenant, c'est clair: Le ministre donne l'exemple
aux autres ministres; il adopte une position protectionniste et la
défense de sa position protectionniste c'est qu'éventuellement
tous les autres vont faire la même chose. Il me semble que c'est
exactement l'inverse. C'est ce que vous avez fait et c'est ce que vous nous
dites.
M. Chevrette: On n'a pas assisté à la même
réunion.
M. French: Ici, aujourd'hui, on vient de se faire dire que les
règles sont trop serrées.
M. Chevrette: Bien sûr que les universités vont nous
dire que les règles sont trop serrées. C'est évident. Et
vous allez entendre d'autres sons de cloche demain; d'autres qui vont dire
qu'on devrait serrer un petit peu plus, et que c'est un danger d'arriver
à l'an 2000 avec 2000 médecins de trop, pour les coûts du
système; cela n'aura pas de bon sens.
M. French: Alors, comment se fait-il...
M. Chevrette: C'est clair qu'on va se faire dire cela. C'est
normal, les intérêts ne sont pas uniques dans cette salle, et
c'est cela qui est heureux. On entend des sons de cloche divergents.
M. French: Est-ce que le ministre nie la légitimité
des chiffres qui ont été avancés? Est-ce qu'il croit que
ce n'est pas le cas que plus de Québécois étudient
à l'extérieur du Québec par une marge d'à peu
près cinq, six ou dix fois qu'il y a de non-Québécois qui
étudient ici? Est-ce qu'il croit que ces chiffres ne sont pas
véridiques?
M. Chevrette: Pour ce qui est des données, on affirme tous
des chiffres à un moment donné; mais je serais prêt
à lancer l'invitation aux universités afin de faire une
démarche conjointe pour avoir les vrais chiffres, les plus
précis, à partir d'une même méthodologie, de sorte
qu'on ne parlerait pas, chacun de son côté, de choses
peut-être divergentes dans les faits parce qu'on ne se base pas sur la
même méthodologie. Je suis prêt à faire cela pour
qu'on parle le même langage.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais quand
même poser une question au ministre. Dans l'hypothèse où
les autres provinces adopteraient un comportement identique et que, finalement,
du point de vue de la médecine, on serait tous très
cloisonnés, puisque cela serait à partir, d'après ce que
vous venez de nous dire, d'échanges avec les ministres de la
Santé des autres provinces, est-ce qu'il n'y aurait quand même pas
lieu de trouver des mécanismes qui permettent d'assurer une
espèce de compénétration ou d'échanges à
l'intérieur de certaines balises? Je trouverais cela vraiment
très malheureux qu'on s'achemine vers quelque chose d'absolument
fermé avec tout ce qui est extérieur au Québec, comme les
autres provinces le feraient vis-à-vis de nous, ou ainsi de suite.
Est-ce que cette possibilité a été examinée?
M. Chevrette: Oui, cela a été examiné et
c'est pour cela qu'on n'a pas pris de décision; car il y en a qui
étaient prêts, quasiment, à prendre des décisions
sur le champ. Quand le Nouveau-Brunswick...
M. Rochon: De diminuer encore plus les admissions?
M. Chevrette: Par exemple, quand le Nouveau-Brunswick nous dit
qu'il est très heureux des échanges qu'il a avec
l'Université Laval, que c'était la source...
M. Rochon: Entre autres,
M. Chevrette:... avec Montréal et Laval il a surtout
insisté sur Laval, je ne sais pas pourquoi...
M. Rochon: Bien, c'est plus proche quand ils arrivent...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce que j'allais
dire, c'est plus près.
M. Chevrette: C'est peut-être plus proche en termes de
distance. Non, je pense qu'il y a beaucoup d'appréhensions au niveau
canadien, c'est évident. L'Ontario - je l'ai dit tantôt, je crois
que c'est aux messieurs de McGill - est très inquiète. On observe
généralement un surplus de médecins à peu
près partout, présentement. Sauf qu'il y a une province qui va
nous dire, je ne sais pas si c'est la Saskatchewan: On a trop d'omnipraticiens,
il nous manque des spécialistes. Ou une autre va dire: On a trop de
spécialistes, il nous manque des omnipraticiens. Cela diverge d'une
province à une autre. Mais les statistiques... D'abord, l'ensemble des
ministres n'était pas au courant du rapport et ne voulait pas se
prononcer à partir de rapports sur des orientations sans faire
vérifier la véracité de ces données par les groupes
intéressés, lesquels ont nécessairement des données
peut-être assez précises aussi. Je ne sais pas si c'est dans le
mémoire de M. Rochon mais, si on se fie sur les envois postaux, on peut
se ramasser avec X milliers de médecins, mais ce n'est pas
nécessairement le nombre de médecins actifs. Si on se fie, par
exemple, qu'à partir de telle année on n'a pas tenu compte des
retraités qui sont quand même sur une liste d'envoi de tel
ministère... Est-ce que le fédéral a de bonnes
statistiques? Est-ce que la Corporation des médecins du Québec,
qui envoie ces données à l'ensemble, a vraiment les bonnes
données? Vous mettez même en doute, si j'ai bien compris, la liste
de la RAMQ.
M. Rochon: On dit plutôt que c'est peut-être
là qu'il y a le meilleur contrôle.
M. Chevrette: Donc, on a au moins des
données de base sur lesquelles on va être d'accord. On va
faire une démarche conjointe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Or
Rochon.
M. Rochon: Là-dessus, il y a une chose que le ministre a
dite et que je ne peux pas laisser passer sans repréciser certaines
choses. Qu'à la conférence fédérale-provinciale qui
a eu lieu à Winnipeg on ait eu l'impression que partout il y a un
surplus et que tout le monde le dise, là c'est le contraire de ce que le
ministre décrivait tout à l'heure, où des gens viennent
dire des choses différentes, parce que non seulement ils ont des
intérêts mais des perceptions et des informations
différentes. Là, c'était tout du monde qui croyait la
même chose, c'était le même club. C'est sûr qu'on
disait tous la même chose.
En-dessous de cela - je voudrais le rappeler à M. le ministre et
au ministère, je pense que c'est important qu'ils le réalisent
l'étude fédérale-provinciale, qui a été
d'abord vue par les sous-ministres, est basée sur une étude faite
par un groupe de fonctionnaires... Les 21 et 22 décembre, j'ai eu
l'occasion, comme président de l'Association des facultés de
médecine du Canada, d'envoyer une lettre à tous les ministres de
la Santé ou leur équivalent au Canada, y compris vous-même,
où on résumait les conclusions d'une première analyse
faite par l'Association des facultés de médecine du Canada,
où il y a probablement une des meilleures banques de données sur
l'évolution des cohortes en formation et où il y a une
équipe de recherche qui est habituée à travailler avec ces
données. On ne disait pas que tout n'était pas correct dans
l'étude fédérale, mais on a pu, en faisant simplement une
analyse de sensibilité critique des paramètres qu'on a
utilisés et des postulats qui étaients faits, démontrer
que certains postulats peuvent être légèrement
différents et que, sur le type de cohortes sur lesquelles on travaille,
dans 15 ou 20 ans cela peut faire plusieurs milliers de différence
à la fin. On a essayé de démontrer cela et on a dit que,
à partir de là, notre prétention, c'est qu'il faut
s'asseoir et faire bien attention à cela. Car, au début, un
degré ce n'est pas grand; mais, loin là-bas, cela peut être
très considérable.
Alors, on ne prétend pas que l'étude est
complètement mauvaise, mais ce qu'on dit, c'est que les conclusions qui
en sont sorties sont loin d'être aussi claires, aussi sûres et
aussi fermes. Cela était en décembre. Alors, on est toujours
disponibles et on attend toujours. Mais on pense que le prochain pas, il est
vraiment à faire et on ne part pas de zéro là-dedans.
M. Chevrette: C'est exactement à cause de commentaires du
genre qu'on a arrêté.
M. Rochon: C'est cela. Alors, il faut arrêter de dire qu'on
est sûr qu'il y a trop de médecins, qu'il faut trouver un moyen de
contrôler cela. Il y a peut-être trop de médecins. Il y en a
peut-être trop, actuellement; mais ce n'est pas sûr qu'il y en a
trop pour l'an 2000, avec les différences. C'est comme cela qu'il faut
poser la question, parce que les effets de ce qu'on fait aujourd'hui vont
être produits dans l'an 2000. Là, les conditions vont être
différentes. Alors, il y a un ajustement à faire. Je pense qu'on
va tous être bien contents si, à la conférence des
ministres, le message a passé. Si les inquiétudes qu'il y a en
Ontario, à savoir d'examiner un peu la situation, transpirent su
Québec et qu'on fasse ce qu'on aurait peut-être dû faire il
y a trois ans avant de prendre nos décisions, il n'est pas encore trop
tard. Mais, encore une fois, n'oublions pas que les décisions que
l'Ontario hésite à prendre, on les a prises.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon.
M. Rochon: II faudra examiner un peu plus vite...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse. M. le
député de Westmount, très brièvement.
M. French: Très brièvement, je vaudrais demander au
ministre, si son souci est de limiter le nombre de médecins pratiquants
au Québec sur le plan de la carrière, pourquoi il ne permettrait
pas, ne créerait pas un permis éducatif qui durerait les cinq ans
de résidence pour s'appliquer, par exemple, aux 40 Américains
dont on a besoin pour égaliser le fardeau mutuel, ou la même chose
pour les Canadiens. C'est-à-dîre que vous leur permettez de venir
ici bénéficier de nos professeurs de médecine, de nos
hôpitaux enseignants, sans leur donner aucun engagement. Et, à la
fin de cinq ans, car ils ont signé un engagement dès le
début, ils partent à ce moment. Je ne sais pas si cela
réglerait le cas, mais il me semble que c'est important que le
Québec prenne ses responsabilités par rapport aux autres.
D'autant plus que moi, personnellement, je dois dire que, pour ma paroisse, je
trouve cela triste que c'est McGill qui paye les frais, surtout et avant tout,
selon un ordre de magnitude par rapport aux autres.
Je trouve cela tragique. Je n'ai pas envie que tout le monde vienne ici
pratiquer, ce n'est pas cela mon objectif. Mon objectif, c'est au moins de
permettre qu'on fasse autant pour les autres qu'ils font pour nous. Est-ce que
le ministre serait intéressé à
étudier cette possibilité?
M. Chevrette: Je pourrais regarder cela, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors oui, Dr Gauthier,
vous allez avoir le mot de la fin.
M. Gauthier (Yvon): Je veux juste dire que je pense que c'est une
suggestion extrêmement intéressante, parce que sans doute un des
grands dangers de tout ce qui se passe actuellement et depuis quelques
années, c'est que tout le problème des coûts et des
effectifs médicaux a des retombées au niveau de l'enseignement,
au niveau de la formation et au niveau des échanges scientifiques entre
pays, entre les États-Unis et le reste du Canada et nous, et entre
l'Europe et nous, entre la France et nous. Vous savez, ce n'est pas seulement
du côté américain, du côté anglophone que cela
se passe, parce que c'est vrai qu'il y a un danger que tous les gens... Vous
savez, nous demeurons une terre d'accueil qui est vraiment très
recherchée.
C'est clair que tous les gens qui viennent étudier ici un an,
deux ans veulent y rester. Comme facultés, nous sommes très aux
prises avec ce problème. Et je disais tout à l'heure que nous
demeurons sur nos gardes et nous devons le demeurer parce que, si nous ne
faisons pas attention, tous les gens qui viennent étudier ici vont
vouloir y rester. Ce n'est pas cela qu'on veut, c'est sûr. Mais il faut
que l'on trouve des moyens de conserver des échanges importants comme
ceux qu'on a connus, parce que nous sommes tous allés nous former soit
en France, soit aux États-Unis, soit dans le reste du Canada. Et il faut
que nos jeunes puissent continuer d'y aller et que nous continuions de recevoir
beaucoup d'étudiants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, écoutez il ne
nous reste plus qu'à vous remercier. Cela a été un
échange vif mais, j'en suis convaincue, profitable. Je voudrais
remercier au nom de la commission les doyens des facultés de
médecine du Québec et l'Université McGill, qui avait un
mémoire particulier.
Je pense que nous allons simplement suspendre nos travaux jusqu'à
20 heures ce soir. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 12)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales poursuit ses
consultations particulières sur la planification des effectifs
médicaux, sur les horaires de gardes supplémentaires
effectuées par les médecins résidents et internes, ainsi
que les unités d'enseignement clinique et la surveillance dans les
urgences. J'invite les représentants de la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec à venir s'asseoir.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
Bonsoir, M. le président. Je vous invite à
présenter vos collègues pour les fins du Journal des
débats. Vous avez vingt minutes pour présenter votre
mémoire. L'Opposition et le parti ministériel auront vingt
minutes pour poser des questions, compte tenu que nous avons deux groupes et
qu'il nous était difficile d'avoir votre présence, sauf le soir,
pour des raisons que nous comprenions fort bien. Alors, parfait, Dr.
Richer!
M. Richer (Clément): Merci, Mme la Présidente.
Bonsoir, Mme la députée et MM. les députés de la
commission.
Les membres qui m'accompagnent sont, à partir de mon
extrême droite, le Dr Jean Rodrigue, le Dr Serge Lauzière, le Dr
Daniel Drolet, le Dr Gilles Des Rosiers, Me François Chapados, le Dr
Georges Boileau et Me Ginette Primeau.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous procédez
immédiatement, oui.
M. Richer: Mme la Présidente, ce que nous avons choisi de
faire, étant donné le peu de temps dont nous disposions, est
peut-être de passer à vol d'oiseau la première partie de
notre mémoire qui concerne les unités d'enseignement et les
horaires de gardes, quitte à prendre un peu plus de temps pour le
thème de la planification des effectifs médicaux.
Ce que je souhaite faire ressortir dans les premiers sujets est que
depuis 1967 la Fédération des médecins omnipraticiens, qui
est une discipline médicale distincte des disciplines
spécialisées, souhaite qu'il y ait un programme de formation
spécifique en omnipratique, après les années
d'étude en médecine, pour conduire au permis de pratique en
omnipratique. On se rend compte maintenant, plus de quinze ans après,
que la plupart des groupes commencent à parler le même langage et
on espère que ce dossier suivra une bonne voie.
Quant aux unités d'enseignement clinique elles-mêmes, au
fond, pour nous autres, il s'agit d'une notion de continuation de
l'école à l'hôpital, ou au cabinet privé ou en CLSC.
Ce que j'ajouterai par rapport à mes collègues qui sont
intervenus antérieurement à notre groupe è la commission
parlementaire, c'est que, pour nous, l'unité d'enseignement clinique est
une
unité de formation pour des omnipraticiens et qui peut être
située autant dans un établissement du réseau, soit
à l'hôpital, soit dans un CLSC, que dans un cabinet privé
hors réseau. Au fond, le but de l'unité d'enseignement clinique
est que les futurs omnipraticiens fassent face è une pratique
médicale avec laquelle ils pourront être confrontés plus
tard. Donc, c'est vraiment une unité d'apprentissage, de
complément d'apprentissage qui peut être située autant
à l'hôpital que dans les cabinets privés.
Quant aux horaires supplémentaires de gardes, je pense qu'on va
redire un peu ce que les groupes antérieurs ont dit: la garde est une
activité pédagogique. Quant à nous, pour former des
médecins omnipraticiens - si on parle de la garde en omnipratique - on
considère qu'en général une période de garde par
quatre jours, c'est satisfaisant, cela répond aux critères et aux
exigences pédagogiques. Il y a peut-être des exceptions, une entre
autres, pour l'omnipratique: c'est l'unité obstétrique qui
pourrait exiger des gardes d'une façon plus capricieuse, si on veut.
Cela serait difficile même avec une garde par trois jours. D'ailleurs, on
n'y arriverait peut-être pas avec une garde par deux jours, même
par jour. Je pense que c'est un système de garde un peu différent
auquel il faudrait penser pour exposer les futurs médecins qui feront de
l'obstétrique à des cas variables et variés en
obstétrique.
Quant à la planification des effectifs médicaux, c'est un
thème qui couvre de multiples réalités. La
détermination globale des effectifs, la composition de ceux-ci, la
proportion entre les médecins omnipraticiens et les médecins
spécialistes et, enfin, la répartition géographique de ces
effectifs sur le territoire font l'objet de nos discussions.
Tout d'abord, le thème de la détermination globale des
effectifs médicaux. Actuellement, tous les pays industrialisés
assistent en matière de démographie médicale à une
véritable explosion. Autre constante, ce phénomène a
connu, ces dernières années, une croissance quasi exponentielle.
À titre d'exemple, évoquons le témoignage du Dr Jacques
Beaupère, président de la Confédération des
syndicats médicaux français. Alors qu'en 1966 les
universités françaises formaient annuellement 3500
médecins omnipraticiens et spécialistes, ce nombre atteignait
annuellement en 1982 quelque 10 000 médecins. Par décret
adopté en 1983, le gouvernement français a cru devoir
réduire à 5000 le nombre des médecins formés
annuellement.
Le Québec ne fait aucunement exception à ce
phénomène. La première décision majeure qui
s'impose est donc celle, ici comme ailleurs, de réduire, de limiter et
de contrôler le nombre total des effectifs médicaux.
À l'initiative des ministères de l'Éducation et des
Affaires sociales, les autorités gouvernementales ont
décidé en 1983 de demander formellement aux universités
québécoises de réduire d'ici 1985- 1986 le nombre des
admissions en faculté de médecine de 105 postes, dont 35 postes
pour l'année universitaire 1983-1984 et ainsi de suite pour les deux
années universitaires subséquentes.
Commentant l'importance des effectifs médicaux au Québec,
l'ex-ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, précisait
ce qui suit: "Au Québec, le nombre de médecins augmente six fois
plus rapidement que l'ensemble de la population; de 8912 en 1975, le nombre
total de médecins s'élève à 12 000 en 1983 et
devrait atteindre, selon les prévisions, environ 16 900 en l'an 2000.
"
Traitant de la réduction précitée des admissions en
faculté de médecine, M. Johnson ajoutait: "II nous faut aussi
constater que, malgré les efforts de contingentement, le Québec
admet toujours plus d'étudiants en faculté de médecine par
rapport à sa population que partout ailleurs en Amérique du Nord.
"
Des remarques qui précèdent, la fédération
retient sans plus l'ordre de grandeur des problèmes que posera au
Québec, sauf correctifs appropriés, le phénomène de
l'explosion de la démographie médicale. Relativement à
cette question, se fondant d'ailleurs sur certaines études et
données traitant de l'évolution de la démographie
médicale au Québec, la fédération croit devoir
dresser certains constats et formuler des demandes bien précises: 1. La
décision gouvernementale ayant pour objet la réduction des
admissions en faculté de médecine, à raison de 35 par
année pour les années universitaires 1983, 1984 et 1985, est une
mesure à laquelle la fédération souscrit pleinement. 2.
Cette mesure s'inspirant, selon elle, du réalisme le plus
élémentaire, la fédération tient pour acquis le
maintien intégral de cette mesure pour l'année 1985-1986. 3. Bien
au fait de la valeur du précédent que constitue l'adoption de
cette mesure, la fédération doit néanmoins, en termes
d'avenir, souligner la portée à la fois insuffisante et
forcément incomplète de la décision alors
arrêtée.
A. Par portée insuffisante de la réduction
effectuée, la fédération signifie et propose que celle-ci,
pour les trois années visées, aurait dû être de
l'ordre d'au moins 10 % des admissions en faculté de médecine et
non de 5 %, tel qu'annoncé. 5. Pour les années universitaires
1986, 1987 et 1988, la fédération propose donc, pour chacune de
ces années, une réduction de 10 % des admissions en
faculté de médecine.
6. Par portée forcément incomplète de la
réduction actuellement en vigueur, la fédération signifie
enfin qu'en matière de démographie médicale les
décisions gouvernementales appropriées concernant les admissions
en faculté de médecine n'auront plein effet que si ces politiques
s'articulent sur d'autres politiques qui, en matière d'immigration de
médecins étrangers et de leur admission à la pratique de
la médecine au Québec, tiennent réellement compte des
défis que pose et posera ici l'évolution de la démographie
médicale.
Telles sont les remarques que la fédération entendait
soumettre à la commission en regard de la question de la
détermination globale des effectifs médicaux. Encore là,
la fédération précise-t-elle de nouveau que les
propositions en la matière contenues au présent mémoire
sont, à ses yeux, autant de mesures conservatoires qui s'inscrivent dans
une optique à court terme et qui devraient, dans les meilleurs
délais, faire l'objet de décisions gouvernementales
appropriées.
Quant à la composition des effectifs médicaux, il y a deux
réalités bien distinctes selon la fédération. D'une
part, il y a celle de la proportion entre omnipraticiens et spécialistes
et, d'autre part, également, celle de la répartition des postes
disponibles en résidence.
Le traitement adéquat de la proportion entre les médecins
omnipraticiens et les médecins spécialistes présuppose -
il importe de le réitérer - le contrôle de la
détermination globale des effectifs médicaux. Quant à cet
aspect de la question, le présent mémoire a déjà
fait mention du rôle primordial qui incombe aux intervenants
gouvernementaux, ministère de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie et ministère des Affaires sociales.
La poursuite d'un objectif de répartition optimale entre
omnipraticiens et spécialistes présuppose également que
soit maintenu le contingentement du nombre total de postes disponibles en
résidence. Encore là, la fédération souligne, en
cette matière, l'importance des rôles qui échoient
respectivement au ministère de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie ainsi qu'au ministère des Affaires
sociales.
La fédération incite d'ailleurs les autorités
gouvernementales à poursuivre les efforts déjà
amorcés en vue d'en arriver au Québec à une proportion
optimale entre médecins omnipraticiens et médecins
spécialistes.
Il y a quelques années, le gouvernement du Québec optait
pour des objectifs de répartition visant à établir, d'ici
quelques années, une proportion omnipraticiens-spécialistes de
60-40, celle qui prévaut actuellement se situant aux environs de 50-50,
plus précisément de 49, 4 omnipraticiens pour 50, 6
spécialistes.
Quelle est précisément la répartition optimale? La
fédération, pour sa part, n'hésite pas à affirmer
que celle-ci se situe quelque part autour de 55 % à 60 %
d'onrtnipraticiens et 40 % à 45 % de spécialistes. Ces
données reflètent d'ailleurs, en matière de composition
des effectifs médicaux, la réalité canadienne. Sans renier
les normes d'excellence qu'il poursuit, le Québec n'a aucune raison de
conserver au Canada le plus bas ratio médecins
omnipraticiens-population.
De la décision gouvernementale visant à accentuer au
Québec la proportion de médecins omnipraticiens, la
fédération retient avant tout que cette décision traduit,
à sa façon, des objectifs auxquels la fédération ne
peut que souscrire, à savoir: l'importance et la place que doit occuper
une médecine de première ligne qui soit présente, forte et
accessible sur tout le territoire du Québec; l'importance et la place
que doit occuper une médecine spécialisée de haute
qualité, également présente, forte et accessible sur tout
le territoire du Québec; enfin, la nécessité qu'il y a
d'articuler et d'harmoniser les rôles, à la fois distincts et
complémentaires, qui incombent respectivement aux médecins
omnipraticiens et aux confrères spécialistes.
La médecine voulant répondre aux besoins de la population,
on ne saurait nier l'existence de certains facteurs ni leur évolution
parmi lesquels: féminisation des effectifs médicaux;
médecine ambulatoire et hospitalière; médecine curative et
préventive; création de nouveaux champs d'activité et
réponse à de nouveaux besoins; santé communautaire,
santé et sécurité du travail, personne âgée,
programmes de maintien à domicile; apparition de nouvelles technologies;
immigration et émigration; aspirations à une meilleure
qualité de vie; etc. Pour la fédération, il s'agit
là de réalités qui ne sauraient justifier soit un
relâchement dans le contingentement global des effectifs médicaux,
soit une politique de laisser-aller dans la poursuite et le maintien des
objectifs de répartition optimale médecins
omnipraticiens/médecins spécialistes.
Enfin, pour clore la question de la composition des effectifs
médicaux, ajoutons deux remarques qui ne sont pas
étrangères à cette notion de répartition optimale.
La fédération entend poursuivre et intensifier les efforts
qu'elle consacre, depuis plus de 15 ans, à la formation continue du
médecin omnipraticien. Parallèlement, elle entend maintenir ses
politiques qui ont pour objet la défense de l'omnivalence du permis de
pratique, principe qui pour elle a force intangible.
Elle poursuivra également les efforts entrepris, depuis plus de
15 ans, ayant pour objet, au niveau de la formation universitaire, la
reconnaissance de la spécificité de la discipline que constitue
l'omnipratique, spécificité qui n'exclut pas un complément
de formation.
Enfin, la fédération combattra avec énergie toute
tentative, par voie conventionnelle ou autrement, ayant pour effet un gel,
sinon une réduction, des fonctions de l'omnipraticien au Québec,
au niveau de l'organisation, de l'administration et du fonctionnement des
établissements du réseau des Affaires sociales, CHCD compris.
Quant à la répartition des postes disponibles de
résidence, la fédération constate que la situation
actuelle consacre le rôle primordial qui, à titres divers, incombe
soit aux différentes facultés de médecine, soit à
la Corporation professionnelle des médecins du Québec.
D'une part, la fédération reconnaît d'emblée
la nécessaire autonomie qui doit être reconnue aux instances
universitaires qui ont pour mission première la formation des
médecins québécois. D'autre part, la
fédération est aussi consciente du râle primordial et
autonome qui, en ce qui concerne la reconnaissance des instances de formation
et le contrôle de la qualité de la formation, doit incomber
à la Corporation professionnelle des médecins du
Québec.
Ce rôle essentiel de la corporation trouve d'ailleurs sa
consécration dans les pouvoirs qu'a cet organisme de contrôler
tant l'émission du permis de pratique que l'octroi d'un certificat de
spécialité, ce dernier pouvoir jouxtant en outre celui
d'établir, le cas échéant, certaines
spécialités médicales nouvelles.
La fédération propose donc, dans les meilleurs
délais, un examen de la composition des effectifs médicaux,
lequel ne saurait être efficacement mené qu'avec la participation
active des deux principaux intervenants gouvernementaux, le ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie ainsi que
le ministère des Affaires sociales et l'ensemble des autres intervenants
visés directement.
D'ici l'établissement des orientations qui s'imposent, la
fédération soumet à l'attention de cette commission deux
recommandations bien précises: premièrement, pour ce qui est du
contingentement du nombre de postes disponibles en résidence, la
fédération propose le maintien des politiques gouvernementales
actuelles: deuxièmement, pour ce qui est des mesures visant à
favoriser la résidence en certaines spécialités dites en
pénurie d'effectifs, la fédération propose
également le maintien des politiques gouvernementales actuelles en ce
qui concerne la détermination des postes de résidents, politiques
qui tiennent d'ailleurs compte de certaines pénuries: par exemple, pour
l'année 1985-1986, priorité accordée à
l'anesthésie et à la psychiatrie, respectivement jusqu'à
concurrence de 30 et 35 postes, à même les 268 entrées
autorisées en spécialité.
Répartition géographique des effectifs médicaux. Le
MAS et la FMOQ ont convenu récemment d'une entente ayant pour objet la
détermination des mesures incitatives applicables aux médecins
omnipraticiens travaillant en territoires désignés, selon
l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, comme étant
Insuffisamment pourvus de professionnels de la santé. La
négociation de cette entente s'est doublée d'une consultation
privilégiée entre le ministère et la
fédération, consultation qui a été positive et qui
avait pour objet la désignation de certains nouveaux territoires.
L'entente récemment conclue ainsi que la consultation
privilégiée alors tenue font que le MAS et la FMOQ ont, par le
biais des échanges constructifs alors intervenus, liquidé
ensemble un contentieux - mesures incitatives - dont les origines remontaient
jusqu'aux années 1972-1973. Dans ce contexte, la
fédération rappelle qu'elle a demandé à plusieurs
reprises au ministre des Affaires sociales le retrait des mesures punitives
contenues au décret 1292-82.
En conclusion, Mme la Présidente, la fédération
remercie les membres de cette commission de l'attention qu'ils ont
apportée à l'étude des recommandations contenues au
présent mémoire. La même remarque s'adresse au ministre des
Affaires sociales qui, par son action, a permis la tenue de la présente
commission parlementaire et, par là, l'amorce du débat de
questions qui, étant donné leur ampleur et leur importance,
requéraient d'être examinées publiquement par l'ensemble
des intervenants visés. (20 h 30),
En terminant, la fédération réitère son
souhait de voir certaines des questions traitées soumises à un
réexamen auquel participerait, cette fois, l'ensemble des principaux
intervenants gouvernementaux avec la participation, cela va de soi, de tous les
autres intervenants directement concernés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. M. le
ministre.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier le Dr Richer et son équipe pour leurs différentes
opinions sur les sujets sur lesquels nous les consultions.
Tout d'abord, je suis content de pouvoir observer que, grosso modo ou
dans l'ensemble en tout cas, vous acceptez ou partagez les politiques actuelles
gouvernementales. Cependant, il y a des points précis sur lesquels
j'aimerais questionner, entre autres
sur la répartition géographique et sur la surveillance
dans les urgences. Je vais commencer par ce dernier point.
Est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord... C'est
parce que j'écoutais les représentants des universités,
cet après-midi, nous dire: En ce qui concerne la garde de nuit pour les
internes, oui; mais, pour les résidents, c'était plus ou moins
obligatoire puiqu'ils étaient déjà des omnipraticiens
formés, etc. Quelles sont vos réactions face à cette
allégation?
M. Richer: Disons qu'on ne peut pas être en
désaccord avec le fait qu'il y ait quelqu'un qui soit appelé
à devenir médecin traitant, si vous voulez, au moment où
il y a des patients qui se présentent dans une urgence, que ce soit le
jour ou la nuit. Donc, si j'avais à répondre par un mot à
votre question, ce serait oui. On est d'accord qu'il y ait un médecin
qui soit présent ou responsable de la garde, particulièrement
quand c'est un interne. Il est sûr que tout ceci doit être
modulé quand c'est un résident, et surtout plus il évolue
dans la résidence.
M. Chevrette: Maintenant, dans votre mémoire, vous vous
dites en accord avec les effectifs, tout en voulant que les objectifs
gouvernementaux ou ministériels vers les 60-40 s'appliquent.
Actuellement, je crois que nous en sommes aux alentours de 48-52, et vous vous
basez sur les statistiques du Canada. Est-ce que, actuellement, on ne rejoint
pas certaines provinces dans la conjoncture actuelle? À combien se
situe-ton en bas de la moyenne canadienne?
M. Richer: C'est difficile à évaluer correctement.
Quand vous dites 48-52, M. le ministre, vous dîtes 48 quoi et 52
quoi?
M. Chevrette: C'est 52 spécialistes et 48
omnipraticiens.
M. Richer: Ah bon!
M. Chevrette: Ou 48, 5-51, 5.
M. Richer: D'accord. C'est pas mal conforme à ce que l'on
a; c'est autour de 50-50, effectivement. Il est sûr qu'actuellement la
proportion canadienne d'omnipraticiens par rapport aux spécialistes,
c'est autour de ce qu'on recommande qu'il soit appliqué ici au
Québec. C'est plus autour de 55-45 en termes d'effectifs
généraux.
Si on regarde ailleurs, c'est souvent ce qui se produit. J'exclus les
États-Unis de ma comparaison; c'est évidemment une question tout
à fait à part, puisqu'il n'y a pratiquement pas de
médecine générale qui se fait aux États-Unis. Mais,
dans les pays qui sont structurés un peu comme nous, c'est un peu cette
proportion. C'est la raison pour laquelle nous suggérons ce ratio entre
les médecins omnipraticiens et les médecins
spécialistes.
M. Chevrette: Pour toucher un autre cas - je sais qu'il faut
aller vite, parce qu'on a une heure par groupe - en quoi l'abolition du
règlement punitif améliorerait-il la répartition
géographique? Vous appelez cela un décret punitif, dans votre
langage.
M. Richer: II en punit quelques-uns. Je vais vous donner quelques
exemples.
M. Chevrette: Oui, mais on pourra s'en parler plus à fond.
Je me suis fait faire des chiffres sur la punition. Je pourrai peut-être
vous dire qu'il y en a qui ont trouvé moyen de la contourner.
M. Richer: Cela se peut. C'est fait pour cela, d'ailleurs.
M. Chevrette: Ah! Il y a de ces phrases qu'on échappe des
fois et qu'on regrette longtemps.
M. Richer: Oui?
M. Chevrette: Je me souviens du président de la FTQ...
M. Richer: La dernière fois que je l'ai dite,
c'était au collège, et c'est vrai que je l'ai
regrettée.
M. Chevrette:... qui avait dit, en pleine commission Cliche: Pas
vu, pas poigné, pas coupable. Cela l'a suivi longtemps.
M. Richer: Le décret qu'on appelle punitif pour les
médecins ornnipratriciens exerce des effets qui sont, pour nous,
néfastes à deux endroits particulièrement, pour vous
donner des exemples. Dans les centres hospitaliers qui sont dans les
régions juste autour de Montréal, comme
Laurentides-Lanaudière et Saint-Michel-des-Saints - un endroit que vous
connaissez bien, je pense, M. le ministre-La Présidente (Mme
Lavoie-Roux)î À Joliette surtout.
M. Richer:... on a des...
M. Chevrette: Non, non, il parle de Saint-Michel-des-Saints;
c'est dans le comté d'Albert... de M. Houde, de Berthier.
M. Richer: Le problème ne s'est jamais posé
jusqu'à maintenant parce que le médecin qui est là a
continué à pratiquer. Il n'était pas visé par le
décret parce que
c'était un médecin plus âgé. Maintenant, s'il
prend sa retraite, il faut qu'il soit remplacé par un médecin
plus jeune; enfin, par quelqu'un d'autre. Si c'est un médecin qui sort
de l'université, pendant trois ans, il sera visé par le
décret, pas pour sa pratique en Cabinet, on en convient - il sera
payé à 100 % au cabinet, parce que c'est une région en
dehors de Montréal, en périphérie de Montréal -
mais il sera rémunéré à 70 % de l'échelle
tarifaire pour sa pratique en établissement. Or, les pratiques sont
assez lourdes en établissement dans des régions comme
celles-là. Cela pose un problème pour cette région et
d'autres qui sont similaires, comme La Minerve, La Macaza.
Deuxièmement, cela pose un problème pour le CCUS à
Montréal. On a eu des ennuis au CCUS, vous le savez, il y a environ un
an; je parle d'ennuis médicaux. Les résidents qui sont en
formation actuellement - donc, ce n'est pas dans leur profil de carrière
définitive, ils sont encore aux études - sont tous payés,
sans exception, à 100 % quand ils travaillent au CCUS. Or, les
omnîpraticiens, qui commencent leur pratique, qui ont leur permis de
pratique, pendant les trois premières années - cela peut
être dans leur profil de carrière, c'est un choix qu'ils font -
sont payés à 70 % de leurs honoraires au CCUS. Cela nous cause
des ennuis sérieux à tel point que la majorité des
médecins travaillant au CCUS ne sont pas des médecins
omnipraticiens. C'est moi qui suis responsable de faire respecter l'entente
avec le ministre. Cela me cause des ennuis, cela m'en a causé il y a un
peu plus d'un an. Actuellement, on vient â bout de boucler la boucle,
mais c'est un endroit qui est très difficile â faire fonctionner
avec le décret à cause de ces anomalies.
M. Chevrette: Il me semble vous avoir entendu, Dr Richer - je ne
suis pas sûr, vous me corrigerez si ce n'est pas le cas - il me semble,
dis-je, vous avoir entendu dire qu'on faisait même de l'argent avec ce
décret dit punitif, comme vous l'appelez. Maintenez-vous toujours
cela?
M. Richer: J'aimerais que vous me citiez, M. Chevrette.
M. Chevrette: Je ne suis pas capable de vous citer, c'est du
verbal.
M. Richer: Ah!
M. Chevrette: Mais j'ai la décence de vous dire d'abord:
II me semble que. Vous n'avez jamais affirmé cela?
M. Richer: On a des chiffres qui pourraient laisser croire cela,
mais je n'ai jamais affirmé cela publiquement. Je vous en ai
peut-être parlé, c'est possible, cela se peut, mais je n'ai fait
aucune allusion publique à ce dossier.
M. Chevrette: Je suis heureux que vous le disiez, parce que nous
avons fait faire les relevés de cela. Il y en a plusieurs qui pensaient
que cela pouvait être rentable pour l'État ou pour le
ministère d'imposer ce décret punitif. J'ai fait relever le
décret en 1982, au moment où cela a été
adopté par le gouvernement, et l'objectif du décret était
précisément que cela fasse les frais. Au 31 décembre 1984,
exclusivement sur les 115 % en ce qui regarde les omnîpraticiens,
c'était un déficit de 367 457 $, et cela ne comprenait pas les
primes d'installation, etc. C'est donc plus que cela.
M. Richer: C'est sur deux ans, M. Chevrette.
M. Chevrette: Oui, c'est de 1982 au 31 décembre 1984.
M. Richer: J'aimerais avoir ces mêmes chiffres après
trois ans, parce que le décret dure trois ans et il y a un effet
additif.
M. Chevrette: On prétend qu'on ne pourra pas toucher un
sou d'autant plus que dans les 357 000 $ il n'y a pas de primes. On
prétend que cela va prendre plus que ce que vous aviez peut-être
escompté vous-mêmes. Il y a peut-être des causes dont on
pourra discuter plus à fond, de toute façon. Il y a des raisons
à cela que vous expliquez de votre côté, surtout dans les
régions dites de centres universitaires où certains
réussissent à se faire nommer enseignants pour ne pas être
pénalisés par le décret punitif. On pourra donc en
discuter plus à fond.
Il y a une autre chose dont je voudrais vous parler, par rapport aux
plaintes formulées. Vous étiez ici ce matin pour écouter
la FMRIQ. Vous avez entendu, tout comme moi, ses doléances en ce qui
regarde les gardes. Vous vous êtes prononcés en faveur du un sur
quatre et du un sur trois tantôt, dans votre exposé. Quels sont
les moyens que vous envisageriez, vous, les omnipraticiens, pour que le respect
de cette convention collective puisse être effectif? Vous savez toutes
les récriminations qu'on a selon lesquelles il est odieux de faire un
grief, parce que celui qui me fait un rapport est celui contre qui je devrai
déposer un grief; donc, je suis mal placé. J'ai même
proposé un ombudsman, tel qu'on s'est entendu, à la table des
négociations. Déjà, il y a du scepticisme vis-à-vis
du rôle que pourrait jouer éventuellement ce personnage. Est-ce
que vous avez pensé à des moyens concrets comme
fédération pour faire en sorte que le respect de ce contrat
collectif
de travail soit vraiment effectif?
M. Richer: Je ne pense pas que cela puisse être
réglé par une entente, M. le ministre. Je pense que les endroits
où les médecins ne sont pas présents - les médecins
omnipraticiens qui font de la garde à l'urgence, parce que je pense que
c'est de ceux-là dont on parle précisément pour ce qui
nous concerne - sont assez restreints d'abord, d'après ce que j'ai
compris de l'intervention du doyen de l'Université Laval, M. Rochon.
Deuxièmement, je pense qu'on ne peut pas, par une entente, forcer la
garde, mais la réglementation dans les CMD, bien sûr, et c'est le
reflet, si vous voulez, de la réglementation de la loi, c'est une
décision locale que nous encourageons. Nous encourageons la
présence sur place. Nous l'avons déjà
démontré en négociant une rémunération
adéquate, que nous considérions adéquate dans les
circonstances, pour la présence sur place dans les urgences des
médecins omnipraticiens la nuit, au Québec. Alors, disons que
c'est une politique que nous favorisons. Nous ignorons comment la forcer par
entente. Vis-à-vis des omnipraticiens, ce n'est pas un sujet de litige
qui s'applique dans plusieurs hôpitaux. Je pense qu'il y en a juste
quelques-uns; c'est vraiment compté sur les doigts d'une main.
M. Chevrette: J'ai deux petites questions. Je ne voudrais pas que
vous sursautiez. Je vais poser la même question à votre
collègue de la Fédération des médecins
spécialistes tantôt. On parle de planification de main-d'oeuvre,
de difficultés, etc., d'avoir les ressources dans certains milieux. Ne
croyez-vous pas qu'une certaine quantité d'actes posés par les
omnipraticiens pourraient être posés par du personnel infirmier?
Deuxième question, ne croyez-vous pas que certains actes posés
par des spécialistes pourraient l'être par des omnipraticiens?
M. Richer: Oui, on peut descendre d'une coche comme cela
jusqu'à...
M. Chevrette: Oui, exact.
M. Richer:... la fin de la ligne. C'est un fait, et c'est toute
la question de la délégation des actes. Je pense qu'on doit avoir
la médecine de la qualité qu'on est prêt è assumer.
Je pense qu'un travail de médecin doit être fait, en principe, par
un médecin. Il y a des actes délégués, et on en
délègue plusieurs particulièrement dans les
établissements quand on est présent sur place. Mais je ne
croirais pas, par exemple, qu'il soit utile dans notre système
d'installer des infirmières dans un cabinet privé et de les payer
à l'acte, comme on en parle de temps en temps en Amérique du
Nord. Je pense que cela serait difficile à supporter pour le
système, pour la qualité et pour les coûts.
M. Chevrette: C'est fort habile comme réponse, mais, entre
vous et moi, vous répondez plus ou moins. Est-ce qu'il y a des gestes
concrets... Si ce n'étaient pas des juridictions de corporations,
lesquelles juridictions, je le comprends, comme corporation, comme
fédération, vous êtes obligés de défendre,
c'est normal... Je dirais que ce n'est pas normal qu'un groupe ne se
défende pas. Mais, dans un système aussi dispendieux que le
nôtre, est-ce qu'il n'y a pas des gestes, des actes mineurs qui
pourraient être délégués comme vous l'avez dit - on
pourrait continuer la liste - mais qui auraient avantage, pour le consommateur,
pour le Québécois qui paie des impôts, à être
délégués? (20 h 45)
M. Richer: Quand on veut essayer de trouver des moyens
d'épargner de l'argent dans le système, on vise les
professionnels de la santé. On regarde, on analyse cela. C'est une
position que j'estime...
M. Chevrette: La CSN n'a jamais dit cela.
M. Richer: C'est raisonnable, sauf qu'il faut bien se rappeler
que dans tout le budget les professionnels de la santé, cela touche 20 %
de l'ensemble du budget. Il y a peut-être des économies plus
rationnelles qui pourraient être faites sur 80 % de 6 000 000 000 $
plutôt que sur 20 % de 1 500 000 000 $, somme qui est dispensée
à peu près à tous les médecins. Ceci dit, c'est
sûr qu'on peut toujours vouloir diminuer par une politique la
qualité de la médecine, mais je ne pense pas que ce soit à
notre avantage comme citoyens d'accepter qu'il y ait une
délégation comme cela, si vous voulez, de cheminer du haut de
l'escalier vers le bas.
M. Chevrette: Est-ce que vous jugez que la
délégation entre omnipraticiens et spécialistes pourrait
affecter la qualité?
M. Richer: II faudrait préciser. - Il y a beaucoup
d'omnipraticiens qui font de l'obstétrique, de la psychiatrie - je pense
à mon voisin de droite. Cce problème ne se pose pas beaucoup
entre les omnipraticiens et les spécialistes; chacun fait son travail.
L'omnipraticten, sa fonction, surtout, c'est de la médecine de
première ligne, si vous voulez, de faire le premier contact et d'avoir
des confrères spécialisés qui peuvent donner le support
pour la médecine de deuxième ligne et, bien sûr, de
troisième ligne - et on parle de quatrième ligne; c'est comme le
quatrième âge, il en sort un par décennie. Le
problème ne se pose pas entre
les médecins, à mon sens.
M. Chevrette: D'accord, je prendrai les cinq dernières
minutes. Je préfère alterner tout de suite.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Alors, M. le député de Brome-Missisquoi, vous
avez dix minutes.
M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. Dr Richer, à
la première page, dans l'introduction de votre mémoire, vous
mentionnez, au dernier paragraphe: "De son côté, le thème
de la planification des effectifs médicaux pose d'emblée le
problème de la détermination globale des effectifs
médicaux, celui de leur composition proportion entre omnipraticiens et
spécialistes - au même titre d'ailleurs que celui de la
répartition géographique des mêmes effectifs. "
Si on s'imprègne du mémoire, vous êtes en faveur du
contingentement au niveau de l'université. Vous recommandez même
une baisse des admissions en faculté et vous appuyez le ratio existant
actuellement entre les omnipraticiens et les spécialistes. Vous demandez
même qu'on reprenne une proportion plus favorable en faveur des
omnipraticiens, etc.
Je ne suis pas spécialiste comme vous pouvez l'être mais,
lorsqu'on se promène dans le champ, on se rend compte
spécialement en région, au Québec - que ce qui manque, ce
sont des spécialistes. Il en manque de façon dramatique et
quotidienne. On se rend compte que, pour ce qui est des médecins,
même dans les centres urbains, on se plaint de pénurie dans
certains cas. J'essaie de concilier cela avec la réalité qu'on
retrouve dans le champ et je me dis: Finalement, c'est un mémoire qui
vise à protéger - je suis peut-être drastique en le disant
- le gâteau, ta proportion du budget de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec qui va aux omnipraticiens qui sont
actuellement en pratique, qui veut interdire aux jeunes d'y accéder et
qui prétend nous dire - aux parlementaires - que tout va bien dans le
champ. Je trouve cela complètement je vous le dis à
première vue contradictoire avec d'autres mémoires qu'on a eus,
qui nous ont dit - même les médecins résidents et internes
- de décontingenter, de donner la possibilité aux jeunes
d'entrer, de garder les meilleurs, etc.
Je trouve cela nettement protectionniste, à première vue.
Je me place toujours, quand je vous pose la question, dans les souliers de
l'usager du service qui se trouve à Montréal, à
Québec, en région, soit à Joliette ou dans
Brome-Missisquoi, qui n'est pas tellement éloigné des grands
centres, comme ceux et celles qui se trouvent en régions plus
éloignées des grands centres, et je me dis: Si on en a
suffisamment, qu'est-ce que cela veut dire qu'on reçoive tant de
plaintes? Le ministre en reçoit, j'en reçois, tout le monde en
reçoit. Est-ce que c'est un mémoire qui est branché sur la
réalité québécoise? S'il est branché sur la
réalité québécoise, à partir de quelles
études d'effectifs médicaux est-il basé? De quand datent
ces études et quelles sont leurs bases ou leurs sources?
M. Richer: Je vais essayer de répondre à tout cela,
M. Paradis. D'abord, je vais vous dire une chose, c'est que je ne me sens pas
obligé de parler, quand je viens parler à l'Assemblée
nationale, sur ce que les autres ont écrit. Je me sens assez libre, dans
ma province, pour dire ce que j'ai à dire. Ce que j'avais à vous
dire, c'est cela; je le pense et on a essayé de le faire comme cela.
Maintenant...
M. Paradis: Maintenant, les problèmes.
M. Richer:... on va essayer de rendre cela clair. Quand vous
dites que notre mémoire est protectionniste, ce sont des mots que vous
employez, qui ont certainement leur valeur, mais on n'a rien à gagner
comme individus là-dedans, mais plutôt l'ensemble des
médecins omnipraticiens et spécialistes.
Ce n'est pas un mémoire individuel qui protège une chose
en particulier. Il faut regarder un peu historiquement. Si on recule dans le
temps, il y avait une proportion d'omnipraticiens beaucoup plus
élevée que celle de spécialistes et personne ne trouvait
qu'il était protectionniste de s'en aller vers une autre proportion, de
sorte que l'histoire a amené cela. Il y a eu un courant de
spécialisation, au début des années soixante, où 90
%... Quand j'ai terminé mon cours de médecine, M. Paradis, nous
étions 102 ou 103; 15 médecins s'en allaient en omnipratique et
87 dans la médecine spécialisée, ce qui fait qu'on
produisait, à l'Université de Montréal, en 1959, environ
85 % de médecins spécialistes.
Je ne prétends pas que vous dites que c'est le bon ratio, mais il
fallait se réajuster sur une réponse aux besoins de la
population. C'est un peu dans ce sens que notre mémoire soumet les
chiffres. Ce sont des études que nous avons faites. On ne prétend
pas connaître le ratio idéal. On vous dit qu'il devrait se situer
autour de 55 à 60. Ce pourrait même être 53 et personne ne
mourrait. On vous dit que c'est autour de. C'est ce que je pense. Vous me
demandez de vous dire ce que je pense et je vous le dis. Il ne faut pas me
reprocher en même temps que ce ne soit pas la même chose que les
autres. Je me fous de cela. On veut savoir ce que l'on a dans les tripes?
Alors, on le dit.
M. Paradis: Je vous poserai une question, et c'est pour cela que
je dis qu'il me semble protectionniste. Les médecins qu'on rencontre
dans les régions, lorsqu'on visite les centres hospitaliers, les
médecins de pratique générale nous disent: Ce qu'il nous
faut, c'est de l'équipement de base. On a également traité
de l'équipement spécialisé pas de
l'ultraspécialisé, mais de l'équipement
spécialisé - et on a une carence incroyable à ce niveau.
Je ne retrouve pas d'éléments comme cela.
Des médecins nous disent: Sur le plan de la
rémunération, on ne se compare pas à nos collègues
des autres provinces canadiennes et, en plus de cela, on subit le plus haut
taux d'imposition. Alors, lorsqu'on a additionné les deux, il nous en
reste moins. Il y a même des médecins qui, face à
l'ensemble de la situation qu'ils vivent, et des omnipraticiens, qui se disent,
à un moment donné: Est-ce que je pratique à temps plein ou
si je ne fais pas autre chose pour - je ne trouve pas la citation, mais je vais
citer à peu près comme je me le rappelle dans votre
mémoire - avoir une qualité de vie qui permette de bien
vivre?
Je ne retrouve pas cela dans votre mémoire. Ce que je retrouve,
c'est que le gouvernement fait bien cela, que le contingentement est bon, qu'il
devrait aller encore un peu plus loin, proportion omnipraticiens et
spécialistes. Je me dis: Si tout cela est vrai, les plaintes qu'on
reçoit du champ et les situations dont on est témoin dans
l'ensemble des régions du Québec, ce sont des gens qui
s'inventent des romans et des histoires.
Je suis confronté à deux versions et je vous donne le
micro pour que vous défendiez votre version. Est-ce que vous retrouvez
dans les régions l'équipement de base suffisant? Comment se
fait-il qu'on ait encore de la carence dans les centres hospitaliers
régionaux et qu'on ait de la difficulté à y attirer des
omnipraticiens?
M. Chevrette: Question de privilège, Mme la
Présidente.
M. Paradis: Privilège?
M. Chevrette: Oui, de règlement.
M. Paradis: Quel article, Mme la Présidente?
J'insiste.
M. Chevrette: Le numéro que vous voudrez qui vous
déclarerait "hors d'ordre". Est-ce correct? On a fait venir du
monde...
M. Paradis: Mme la Présidente, selon une directive du
président, celui qui invoque une question de règlement doit vous
soumettre l'article en vertu duquel il intervient...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
i
M. Paradis:... et mes propos étaient complètement
parlementaires.
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
règlement pour que vous rappeliez...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, M. le
ministre...
M. Paradis: Non, excusez, M. le ministre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez, M. le
ministre.
M. Chevrette: Je vais vous demander une directive.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. M. Chevrette: Vous
êtes présidente?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Normalement, vous
êtes censé invoquer le...
M. Chevrette: Les numéros par coeur, vous comprendrez que
j'ai assez de problèmes sans chercher les numéros. Ce que je veux
vous dire, c'est que je trouve inconcevable, Mme la Présidente... Une
directive.
M. Paradis: Mme la Présidente, j'insiste. S'il s'agit
d'une directive, cela va.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Alors, quelle
directive voulez-vous avoir?
M. Chevrette: Elle va accrocher un numéro à ma
directive.
M. Paradis: Mme la Présidente, ce n'est pas la même
chose, je m'excuse. Le ministre...
M. Chevrette: Question de directive, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, allez-y pour
votre...
M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux savoir s'il est
exact que, lorsqu'on fait venir des témoins à une commission
parlementaire pour traiter de sujets spécifiques et qu'on pose des
questions sur tout autre sujet que ceux spécifiques à la
commission, cela peut être antiréglementaire, oui ou non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous me
laisserez vous dire,
à cet égard, que j'ai fait suffisamment de commissions
parlementaires pour savoir qu'il est très difficile - on parle quand
même encore de problèmes de pratique de la médecine - de
tenir les gens absolument à l'intérieur de l'objet du
débat. Je ne peux pas dire que le député de
Brome-Missisquoi va absolument è l'encontre du règlement, il
parle de la médecine, de la manière dont la médecine peut
s'effectuer. Vous savez, à ce compte-là, je serais obligée
d'arrêter bien du monde et il n'y aurait pas grand-monde qui
fonctionnerait en commission parlementaire. Je ne pense pas qu'il aille
à l'encontre du règlement, dans le sens où il parle d'un
tout autre sujet.
M. Paradis: Mme la Présidente, sur la demande de
directive, je tiendrais à souligner au ministre qu'il ne s'agit
pas de témoins, qu'il s'agit d'invités; s'il s'agissait de
témoins, on appliquerait les règles à ceux à qui
les règles seraient applicables et cela deviendrait beaucoup plus
sévère.
Deuxièmement, lorsqu'on parle de la question des
équipements, je souligne tout simplement au ministre que, lorsqu'on
parle d'effectifs médicaux et de leur répartition en
région, lorsque quelqu'un a suivi un cours universitaire, qu'il a
été entraîné sur de l'équipement moderne,
etc., et qu'on l'invite à aller pratiquer en région, s'il ne
retrouve pas cet équipement moderne en région, cela a un effet
dissuasif. Je demande simplement au président de la
fédération des omnipraticiens, je sais que la question vous
gêne...
M. Chevrette: Absolument pas!
M. Paradis: Cela, vous pouvez le dire comme tel, c'est quelque
chose d'autre. Je demande au président...
M. Chevrette: Je peux vous dire que, si nous avions le temps, je
laisserais le président de la fédération faire le job
comme il faut, comme on dit en bon québécois. Ce n'est pas cela
qui me gêne mais dans le mandat, on les fait venir et on leur dit de
préparer leurs horaires de gardes supplémentaires
effectuées par les médecins résidents et internes, ainsi
que les unités d'enseignement clinique et, ensuite, on parle de la
planification de la main-d'oeuvre médicale. Si vous êtes rendus
sur les équipements en région...
M. Paradis: Mme la Présidente, sur la demande de
directive, je dirais que je m'inspire du paragraphe ou du chapitre introductif
du mémoire qui nous est présenté, où la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
dit: "Au même titre d'ailleurs que celui de la répartition
géographique des mêmes effectifs. " Je suis en plein milieu de la
cible. Je comprends que le ministre ne veuille pas en parler...
M. Chevrette: Mme la Présidente, j'ai compris que cela
serait plus court de le laisser aller. J'ai compris qu'il avait tort.
M. Richer: Je peux essayer de répondre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Allez-y, M. le
président.
M. Richer: J'allais vous dire, M. Paradis, qu'il est sûr
qu'on a préparé un mémoire sur le sujet pour lequel on a
été convoqué par le Secrétariat des commissions, on
n'a pas préparé un mémoire, mais on est tout prêt
à vous en faire un, sur les conditions d'exercice de la médecine
au Québec. Cela, si vous le voulez, on va vous en faire un, et vous nous
convoquerez en commission parlementaire et on viendra vous en parler.
Mais, là, vous m'avez demandé de parler de cela et je vous
en parle. Cependant, à la page 20, quand je vous donne les facteurs et
leur évolution, je vous parle bien de l'apparition de nouvelles
technologies. Tout le monde, on est pour la vertu; c'est bien sûr qu'il
manque.. Le parc technologique, comme on dit, a vieilli un petit peu; il
faudrait le rénover, on n'en disconvient pas. On ne disconvient pas non
plus qu'il manque de spécialistes dans certains endroits et dans
certaines spécialités, bien sûr, et il manque aussi
d'omnipraticiens dans certains endroits. Ce que l'on dit, c'est que la
globalité des effectifs pourrait nous permettre sans doute de
régler ces pénuries ponctuelles et, avec les mesures incitatrices
que le ministre a mises de l'avant, si vous voulez, il y a deux ans - et il y a
quelques mois, il a regroupé ces mesures - pour nous, les
médecins omnipraticiens, puisque je parle en leur nom, cela aura pour
effet sans doute d'atténuer étrangement le problème de
pénurie aiguë qu'on vit depuis une dizaine d'années, en
termes de distribution, de répartition géographique de
médecins omnipraticiens.
M. Paradis: Si je vous suis bien, Dr Richer - et vous l'avez bien
souligné - on manque d'omnipraticiens dans certaines régions.
Vous insistez dans votre mémoire sur le maintien des contingentements
à l'admission universitaire, vous recommandez même une diminution
et, à la page 16 de votre mémoire, vous parlez des
médecins immigrants, etc.
J'ai de la misère à concevoir une situation où des
citoyens et des citoyennes du Québec n'auraient pas accès
à un omnipraticien et où une fédération de
médecins viendrait témoigner devant la
commission parlementaire en nous disant, comme parlementaires, comme
décideurs - le ministre est aux prises avec les mêmes
problèmes sur le plan de la conception idéologique: On en a
suffisamment ou trop, et on manque ailleurs. C'est une question de
répartition mais, malgré les efforts qui ont été
faits par le gouvernement actuel, malgré ces efforts, cela ne
réussit pas à amener dans les régions les gens que vous
représentez. Je pourrais avoir comme réaction bien simple de
dire: Qu'on en diplôme davantage et les gens se répartiront;
lorsqu'ils s'apercevront que la clientèle est surexploitée dans
un endroit, ils iront rendre des services dans d'autres endroits où la
population en a besoin. (21 heures)
M. Richer: Je pense que c'est un peu cela qui a été
fait. Quand on est passé d'un taux d'admission... Quand on était
350 étudiants en médecine et qu'on est passé à 600,
c'est probablement comme cela que la société a réagi.
Nous, on vous dit: N'en formez pas plus qu'il n'en faut pour une
société. Sinon, cela va être dangereux pour l'ensemble de
la société è tous les points de vue. Vous me dites que,
peut-être, on pourrait augmenter la formation pour pallier une
pénurie ponctuelle. Je pense qu'il y a d'autres moyens de pallier une
pénurie. Quand vous me parlez des régions, je détermine
cela encore beaucoup plus que vous. Ce sont des petits endroits dans des
régions où j'admets qu'il y a une pénurie de
médecins omnipraticiens. Mais il faut analyser les retombées des
dernières ententes sur une période de quelques mois pour voir
comment cela va se régler.
M. Paradis: Mais s'agit-il vraiment d'une pénurie
ponctuelle, telle que vous l'exprimez, ou s'il s'agit d'une pénurie
chronique?
M. Richer: Non, je pense qu'il s'agit d'une pénurie
ponctuelle dans certains endroits.
M. Paradis: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Entendez-vous? M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: J'aurais seulement une question à poser. Dr
Richer, je voudrais, parler de la décentralisation de l'acte
médical. Lorsque le ministre vous a proposé tout à l'heure
de descendre d'un cran l'infirmière et de descendre le
spécialiste d'un cran vers l'omnipraticien, vous avez rejeté la
proposition concernant l'infirmière, mais vous avez accroché tout
de suite pour prendre plus de responsabilités à la place du
spécialiste. Ce qu'on ressent dans les urgences, actuellement... Je
pourrais vous parier de trois cas, mais je ne parlerai que d'un cas
spécifique. On sent dans les urgences que l'omnipraticien veut
réellement prendre la place du spécialiste. Quelqu'un a subi un
accident à un oeil et, même s'il a demandé le
spécialiste, constatant la gravité, l'omnipraticien a fait la
sourde oreille. Trois jours après, le même patient perdait
quasiment son oeil. Il a été hospitalisé dix jours et a
été sous soins médicaux durant un an et demi seulement
pour cela. Je ne sais pas dans quel champ vous seriez prêts à
prendre des charges de spécialistes mais, nous, on sent que c'est une
barrière pour les patients entre le spécialiste et
l'omnipraticien. La transparence, pour nous, il n'y a pas...
M. Richer: C'est dommage que vous sentiez cela comme cela, parce
que ce n'est pas comme cela. Quand vous dites qu'on veut prendre les champs de
pratique des spécialistes, ce n'est pas cela du tout. On veut tout
simplement occuper nos champs de pratique, c'est-à-dire la
médecine de première ligne.
Le cas que vous me relatez, j'en ai bien conscience, c'est un cas de
qualité de l'acte médical qui devrait être
référé à la corporation. Je ne nie pas que des.
médecins omnipraticiens et spécialistes, malheureusement, peuvent
poser des actes de mauvaise qualité à certains moments. Tout le
monde le reconnaît. Mais cela ne veut pas dire qu'on va changer notre
discours pour l'ensemble. Moi, je prétends que la médecine de
première ligne, dans les urgences, doit être faite par des
médecins omnipraticiens avec le soutien, bien sûr, des
médecins spécialistes. Moi, j'en ai fait pendant 20 ans et tout
le monde n'est pas parti avec un oeil en moins à l'urgence où
j'étais, qui était l'une des grosses salles d'urgence de
Montréal. Je ne suis pas plus doué qu'un autre. J'ai fait ce que
je pensais devoir faire, mais j'avais le soutien, bien sûr, que je
demandais. Si quelqu'un avait une poutre de fer dans l'oeil, je demandais mon
confrère ophtalmologiste et j'étais content qu'il ne soit pas
loin. Je pense que c'est fait comme cela.
Par ailleurs, quand l'autre patient après celui de la poutre dans
l'oeil arrivait avec un serrement, une crise cardiaque peut-être,
c'était probablement mieux que ce soit moi que l'ophtalmologiste qui le
traite aussi. C'est tout ce qu'on dit. On demande aux omnipraticiens d'avoir
une année de plus d'études. C'est rare qu'une corporation
professionnelle doive faire cela: ajouter une année à sa
formation pour être plus compétent pour faire de la
médecine générale. Ce qu'on dit, c'est qu'on va pouvoir
livrer la médecine générale, c'est de la médecine
de première ligne. La première ligne, cela veut dire le premier
contact,
celui qui voit le premier le malade. Je pense que cela doit être
l'omnipraticien. Il va juger de l'état général - il est
quand même bien placé pour l'évaluer - et il va demander un
spécialiste en consultation, le cas échéant. Je pense que
la médecine devrait idéalement être pratiquée comme
cela.
Ceci dit, je conçois que, malgré tout cela, il va
probablement y avoir des erreurs par rapport à ce mode de
fonctionnement. Bon. J'aimerais qu'il y en ait le moins possible, c'est bien
sûr, mais je pense qu'il faut vivre avec cela. C'est le risque de notre
système.
M. Laplante: Je n'irai pas plus loin, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président,
d'abord, je voudrais simplement vous dire, au point de départ, que dans
votre introduction et dans votre conclusion vous souhaitez que le
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie soit mis è contribution. Je dois vous dire qu'il est
invité, comme témoin, à venir à cette commission
parce que cela nous semblait important dans la détermination des
effectifs.
En ce qui a trait à la répartition entre
spécialistes et omnipraticiens, il y a une chose certaine, c'est qu'il
fallait qu'il y ait un meilleur équilibre qui soit rétabli,
compte tenu de ce qu'on a connu dans les dernières années.
Maintenant, je n'ai pas encore eu de réponse de qui que ce soit, pas
plus de vous que des universités et des autres, à savoir quel
était l'équilibre idéal. Un jour, quelqu'un a
suggéré 40-60; je n'ai jamais su exactement pourquoi. Ce serait
l'inverse et je ne saurais pas davantage pourquoi. Je ne vous en fais pas
reproche. Je veux juste vous dire que, cet après-midi, les
universités ont été, je pense, assez fermes à nous
dire qu'on s'en allait vers une pénurie de spécialistes. Je pense
qu'on nous a bien dit cela cet après-midi, si on ne faisait pas une
meilleure planification. Mais, enfin, c'est un autre point de vue.
Il y a une question pratique que je voudrais vous poser. Quand vous
parlez du contingentement des étudiants dans les facultés de
médecine, je pense que tout le monde reconnaît qu'il faut qu'il y
ait un frein mis à la formation des médecins. Je pense que
là-dessus il n'y a pas de... Quelle est la nature du frein? Pendant
combien de temps? Cela peut causer d'autres débats, mais c'est une
question d'ordre pratique. Quand vous dites, dans vos recommandations à
la page 15, que les coupures de 5 % sur les années 1984-1985 vous
semblent insuffisantes et que pour les trois années â venir ce
contingentement ou ces coupures devraient être de l'ordre d'au moins 10
%, est-ce que vous avez examiné quelles seraient les
répercussions de ceci sur, par exemple, l'Université de
Sherbrooke, qui a une population moindre dans sa faculté de
médecine? J'imagine que, pour qu'une faculté de médecine
puisse fonctionner, il faut quand même qu'un nombre minimal
d'étudiants y soient inscrits. Alors, je voulais juste vous demander si
vous aviez examiné cela.
M. Richer: Non. Remarquez que nous y avons pensé. Il y a
un seuil critique en deçà duquel vous ne pouvez pas aller...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Richer:... pour qu'une faculté de médecine
fonctionne. Nous sommes bien conscients de cela, mais nous avons voulu
répondre à cela dans sa globalité, si vous voulez, quitte
à analyser. Cela ne veut pas dire de diminuer de 10 % partout. La raison
pour laquelle on suggère une diminution, malgré tout cela, c'est
è cause d'un ensemble de facteurs qui se produisent, si vous voulez,
qu'on peut analyser. On regarde le taux d'admission, ici au Québec, par
million d'habitants. Cela, c'est assez fixe dans le monde. On peut se fier
à ce chiffre, si vous voulez, parce que c'est une analyse qui est
objective. Le taux d'admission par million d'habitants au Québec,
actuellement, en 1982-1983, est encore de 97, 9 étudiants. Donc, 97, 9
Québécois par million de Québécois rentrent en
faculté de médecine.
Aux États-Unis, alors qu'il y a 525 000 docteurs actuellement et
qu'on dit qu'on a un surplus d'effectifs et qu'on va prendre des mesures
draconiennes - peut-être pas les nôtres, c'est un système
différent -on va tout simplement augmenter les frais, ce sera les
"tuition fees", à 35 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $. Ils vont se
raréfier là aussi. Mais le taux d'admission par million
d'habitants, actuellement, aux États-Unis, c'est de 75, 4 et le taux
ailleurs au Canada, à l'exclusion du Québec, est de 68, 9. Quand
on regarde la France, elle vient de prendre des mesures drastiques,
draconiennes dont on vous a parlé. Elle a réduit ses taux
d'admission, par décret, à 90, 9 maintenant et, nous, on est
encore à 97, 9 et on dit qu'on a encore, probablement, 10 % de trop. On
ne dit pas de diminuer de 10 % cumulatif par année pour que cela fasse
30 % éventuellement, on parle de 10 % pendant trois ans. On verra bien
après cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous voulez dire 10 % sur
les trois années, mais pas 10 % par année pendant trois ans.
M. Richer: Au lieu d'admettre 500 étudiants
québécois en médecine, on suggérerait d'en admettre
450 pendant trois ans. Pendant ce temps, on vous dit:
Procédons à une analyse objective avec les intervenants
intéressés, si vous voulez, qui peuvent être
impliqués et essayons de trouver le chiffre optimal de
répartition entre les deux, dans les territoires géographiques,
etc. Mais c'est uniquement en vertu de choses qui sont faites ailleurs. On ne
sera pas pire qu'aux États-Unis, je pense bien, et on ne sera pas pire
qu'ailleurs au Canada. On est les plus nombreux partout. On a le championnat de
cela partout. Peut-être que notre système veut cela...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Richer: Mais je vous dis qu'il n'y a peut-être pas de
danger è diminuer de 10 %. On va être encore plus
élevé que le restant du Canada et on va être encore plus
élevé que les États-Unis. Donc, on ne devrait pas manquer
de docteurs. Théoriquement, on n'est pas plus maladif, que je sache.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question, compte tenu du temps. Comme vous insistez sur le fait qu'on devrait
réduire les admissions dans les écoles de médecine et
qu'on a déjà une main-d'oeuvre abondante, si je me
réfère à votre ratio de 97 par 1 000 000 d'habitants,
comparativement à 68 ou 90 ou je ne sais trop ailleurs, est-ce que vous
vous êtes penché sur le problème des médecins
immigrants qui veulent obtenir, d'abord, une possibilité d'internat
rotatoire et, éventuellement, pratiquer la médecine? Il s'agit,
grosso modo - on nous dit qu'il y a une partie qui, après les six mois
d'accueil, pourrait être éliminée, je ne sais pas dans quel
ordre, qui pourrait être assez importante quand même... Mais il
reste que cela pourrait peut-être vouloir dire une intégration
totale dans trois ans ou de mettre dans la pratique de 75 à 80
médecins, ceux qui termineraient. Est-ce que vous avez
réfléchi à ce problème?
M. Richer: Oui. C'est un problème délicat. Mais on
se dit que, de toute évidence, si on se dirige vers un surplus de
médecins, il faut être logique quelque part et il faut fermer la
valve. Nous autres, on recommanderait qu'on cesse de recevoir des
médecins immigrants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous parle toujours en
fonction de ceux qui sont ici.
M. Richer: C'est cela. Là, je vous donne une position
ferme par rapport à une philosophie, si vous voulez, par rapport
à ceux qui ne sont pas encore arrivés. Pour ceux qui sont ici, on
dit: Bien sûr, faisons ce qu'il faut pour régler. Mais un peu
comme le disait M. Rochon, cet après-midi, fermons la valve et regardons
le nombre qu'il y a à régler; on peut s'asseoir et le
régler. On favorise bien sûr ceux qui ont la qualité de
médecin et qui sont entrés ici à cause... Ils ont eu la
possibilité de venir, ils ont la compétence, qu'ils soient
intégrés au système; bien sûr, ils devraient
être intégrés. Je pense que c'est injuste de faire attendre
quelqu'un trois, quatre, cinq, six ans avant qu'il puisse pratiquer sa
profession.
Par ailleurs, on sait qu'on se dirige vers un surplus, enfin, c'est ce
qu'on prétend. On dit, à ce moment-là: II est bien
sûr que, si on admet 30, 40, 100 ou 200 nouveaux médecins par
année dans la province, il va y avoir 30, 40 à 150
étudiants québécois qui ne pourront pas faire de cours de
médecine. Cela aussi va être un problème politique,
probablement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. M. le
ministre des Affaires sociales.
M. Chevrette: M. Richer, j'aurais une question à vous
poser. J'ai pris information. Est-ce que les résidents qui ont leur
permis de pratique depuis moins de trois ans ne sont pas payés à
70 % et ceux qui ont leur permis depuis plus de trois ans sont payés
à 100 %, dans le cas du CCUS? C'est ce que vous avez semblé
affirmer au départ, ou on vous a mal interprété; j'ai
essayé de clarifier cela.
M. Richer: Écoutez, on va le vérifier; j'accepte de
prendre une chance de me tromper. Je pense que les résidents, sans
égard à l'année d'obtention de leur permis de pratique,
sont payés à 100 %. C'est quand ils deviennent
spécialistes, que, là, ils ont leurs trois ans à faire
à 70 %. Je ne veux pas qu'ils soient pénalisés deux fois.
Je ne dis pas de payer les résidents à 70 %, je dis de payer les
omnipraticiens à 100 % dans le système. Il ne faut pas
oublier.
M. Chevrette: On le vérifiera, de toute façon.
M. Richer: D'accord.
M. Chevrette: Ce n'est pas l'information que j'ai, pour le
moment.
M. Richer: D'accord. On va sûrement vérifier.
M. Chevrette: On n'est pas pour s'obstiner ici sur un
détail. Oui, madame, j'ai une autre question; c'est la suivante: Quand
vous parlez d'effectifs médicaux en trop, est-ce que vous avez vos
propres chiffres à l'interne, vos propres statistiques?
M. Richer: On a une banque de
données. Pour ce qui regarde, évidemment, les
médecins, les omnipraticiens et leur répartition, qui est assez
fidèle, assez précise, on a les données combinées
de la régie et de notre fichier central. Cela nous donne une idée
fort précise de cette image. Cela ne nous donne pas, cependant, un
ratio, une idée de la totalité des effectifs. On ne dit pas qu'on
est en surplus, actuellement, on dit qu'on se dirige nettement vers un surplus.
Par une simple déduction mathématique, si on augmente sept fois
plus vite que la population... Qu'on soit aujourd'hui en surplus ou dans quinze
ans, on va y arriver à coup sûr, à la vitesse où les
médecins augmentent par rapport à la population. Alors, on se dit
qu'il est peut-être temps de penser tout de suite qu'on se dirige vers
cela, parce que c'est long à régler par après.
M. Chevrette: Selon les statistiques qu'on a au ministère,
vous seriez, effectivement, en surplus présentement, de l'ordre de 565,
pour un ratio de 1 médecin par 1069 habitants. Est-ce que cela
correspond un peu aux vôtres? (21 h 15)
M. Richer: Oui. Je pense que, pour les ratios, cela doit
correspondre, c'est assez mathématique. Mais il faut tenir compte
d'autres choses que le ratio, par exemple, pour déterminer le besoin
d'omnipraticiens: les champs d'activité, la féminisation de la
pratique médicale et les nouvelles valeurs des médecins plus
jeunes, le vieillissement. Les médecins omnipraticiens sont encore
jeunes, en moyenne, parce que l'afflux massif des médecins en
omnipratique est assez récent, de sorte que cela a eu pour effet de
rajeunir la masse des médecins omnipraticiens. Cela a pour effet de
rendre l'âge moyen des omnipraticiens au Québec autour de 40 ou 41
ans. Je pense qu'il y a un ensemble de facteurs autres que le ratio dont il
faut tenir compte pour déterminer le besoin de médecins par
rapport à la population; c'en est cependant un.
M. Chevrette: Compte tenu de l'heure, je voudrais vous remercier
de votre franc-parler, même si cela ne plaît pas au
député de Brome-Missisquoi. Je voudrais vous dire que j'ai assez
bien apprécié votre collaboration dans l'établissement des
zones désignées et les ententes qu'on a pu conclure qui,
espérons-le - il faut toucher du bois -auront des conséquences
heureuses sur la répartition régionale, entre autres. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un instant, s'il vous
plaît! Comme on a déjà dépassé de quelques
minutes, le député de Brome-Missisquoi peut prendre trois ou
quatre minutes pour une autre question ou des commentaires.
M. Paradis: Deux questions qui sont certainement dans le sujet,
une qui va certainement être antiréglementaire et les
remerciements. Dr Richer, la première concerne l'affirmation ou la
suggestion que vous faites à la page 17 de votre mémoire: "La
poursuite d'un objectif de répartition optimale entre omnipraticiens et
spécialistes présuppose également que soit maintenu le
contingentement du nombre total de postes disponibles en résidence. " Vu
le manque de spécialistes dans certaines catégories - je sais
qu'il y a des clauses spéciales en psychiatrie, entre autres, et en
anesthésie, mais il en manque dans d'autres domaines un peu partout au
Québec - comment peut-on soutenir un contingentement à ce
niveau-là au moment où on se parle?
M. Richer: On admet que le contingentement doit exister. On dit
pourquoi et on dit aussi que le gouvernement fait bien d'avoir des
adoucissements dans le contingent quand il y a des spécialités
où il en manque, comme en anesthésie et en psychiatrie. De
quelles autres spécialités voulez-vous parler?
M. Paradis: Selon les centres hospitaliers concernés, en
pédiatrie entre autres, en orthopédie. On peut à peu
près toutes les nommer, selon le centre hospitalier. Surtout en
région, vous allez retrouver des carences, des lacunes.
M. Richer: C'est peut-être plus un problème de
répartition qu'un problème d'effectif global. C'est tout cela
qu'on essaie de vous dire dans le mémoire. Peut-être qu'on n'a pas
raison, remarquez. Même si on formait 10 000 médecins
l'année prochaine, s'il y en a 9900 qui restent à
Montréal, à Québec et à Sherbrooke, il va en rester
seulement 100 pour aller ailleurs et il va en manquer quand même. Je ne
dis pas que le problème de la mauvaise répartition est
réglé. On ne prétend pas cela. Il est
atténué et il va s'atténuer encore davantage, je pense
bien, avec les mesures incitatrices. Mais, quant au problème des
effectifs globaux, sauf exception, il y a bien sûr des
spécialités, on le reconnaît, où il manque de
médecins. C'est clair. Mais on dit que, globalement, le nombre, le
"numeros clausus", comme disent les Français, est peut-être
correct. Mais regardons aussi la répartition à l'intérieur
de cet éventail entre les différentes spécialités,
d'une part, et entre l'ensemble des spécialités et l'ensemble des
omnipraticiens, d'autre part.
M. Paradis: Je ne veux pas tomber avec vous dans le fond du
problème. On me dit qu'à certains endroits on va régler
les carences les plus apparentes en formant des équipes volantes, etc. -
on en reparlera tantôt - mais avec les pools qui se forment
vous êtes plus au courant que je ne peux l'être.
Ma deuxième question porte sur les "urgentologues". Il y a de vos
membres, des médecins omnipraticiens, qui demandent une formation plus
poussée dans ce sens, qui désirent fonctionner strictement au
niveau des services d'urgence et qui demandent à être reconnus
comme "urgentologues". Quelle est votre position à ce sujet?
M. Richer: On ne fera pas une chicane de mots, si vous le
voulez. C'est là aussi un objet assez particulier. C'est
l'émergence d'une nouvelle spécialité. La
Fédération des médecins omnipraticiens ne croit pas qu'une
spécialité comme l'"urgentologie" devrait exister. Elle n'a pas
sa raison d'être. Cela ne signifie cependant pas que l'ensemble des
médecins ne devrait pas être mieux formé; c'est ce qu'on
préconise depuis quinze ans, particulièrement en urgence, pendant
cette période de résidence. On encourage, à part cela,
n'importe quel médecin omnipraticien à parfaire sa formation dans
la discipline qu'il veut, y compris l'urgence. Cela peut être la
toxicologie, cela peut être la pédiatrie. Il peut la parfaire.
Mais on ne croit pas que cela devrait être coiffé d'une
spécialité parce que c'est un champ d'exercice. Ce n'est pas pour
défendre des champs, c'est parce qu'on se demande, M. Paradis, comment
on pourrait faire pour être spécialiste en urgence quand on a une
poutre dans l'oeil qui arrive, tout de suite après un cas de coeur et,
ensuite, une fracture de la hanche et, après, un mal de ventre. Comment
peut-on, par définition, avoir un spécialiste en urgence qui va
régler ta multitude de champs- d'activité? Est-ce que cela va
être le spécialiste en urgence qui va venir régler le cas
d'un infarctus du myocarde, qui va être en arythmie cardiaque ou si cela
va être le cardiologue? On va avoir un autre problème et c'est un
problème sérieux, sans compter la pénurie fictive qu'on va
créer; évidemment, si vous formez des spécialistes en
urgence, il va y en avoir 30 dans 5 ans, 40 ou 50, peut-être, je ne sais
pas trop. Cela va créer une autre pénurie. Donc, je pense... Il y
a 3300 médecins omnipraticiens dans le Québec, soit dit en
passant, qui font de l'urgence de première ligne dans les
hôpitaux. Alors, on ne parle pas de personne, on parle de 3000
médecins. Donc, on y contribue, à l'urgence. C'est notre champ
d'exercice et on le fait.
Alors, on se dit: Augmentons les qualifications de ces 3000 personnes et
la population va recevoir des services d'une qualité nettement
améliorée, bien sûr.
M. Paradis: La troisième remarque va à l'encontre
du règlement, je l'indique immédiatement avant que le ministre
Johnson... Ah! Excusez, le ministre...
M. Chevrette: Avec le passé que M. Johnson a, vous pouvez
vous tromper.
M. Paradis: Parce qu'il s'est trompé souvent?
M. Chevrette: Vous pouvez vous tromper de nom, il n'y a pas de
problème.
M. Paradis: La troisième...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais vous faire
remarquer que...
M. Paradis:... le temps est écoulé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... je vous ai
déjà donné cinq minutes supplémentaires.
M. Paradis: Dans les notes de remerciements, on reçoit
également de la part des omnipraticiens des remarques soulignant qu'ils
aimeraient être plus impliqués dans le processus
décisionnel des centres hospitaliers, entre autres. Lorsqu'on parle
d'effectif, il y a des gens qui, soit dans le milieu d'une carrière ou
vers la fin d'une carrière, souhaiteraient mettre à contribution
leur acquis, leurs connaissances, autant médicales qu'administratives,
et participer aux décisions du centre hospitalier comme tel. Je tenais
simplement à vous le souligner. Vous en êtes sans doute averti et
je tiendrais à vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre,
on est réceptif è ce genre de suggestions de la part de vos
membres.
Pour le mémoire que vous avez présenté, pour la
franchise avec laquelle vous avez comparu, et non témoigné, je
vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors M. le
président de la Fédération des médecins
omnipatriciens, je désire vous remercier, ainsi que tous vos
collègues, de votre collaboration. Merci.
M. Richer: Merci, Mme la Présidente.
Fédération des
médecins spécialistes du
Québec
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous entendrons
maintenant la Fédération des médecins spécialistes
du Québec.
Bonsoir, M. le président. Je vais vous demander d'identifier vos
collègues et vous pouvez ensuite procéder à la
présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes et le temps
alloué sera identique à celui qui a été
alloué à la Fédération des médecins
omnipraticiens. Nous regrettons que vos occupations vous aient
empêché de venir le jour, que nous ayons été
obligés de vous regrouper et peut-être, par le fait même,
d'écourter un peu les échanges que,
normalement, nous aurions pu avoir.
M. Desjardins (Paul): Merci, Mme la Présidente. A ma
gauche, le Dr Pierre Gauthier, membre du conseil d'administration de notre
fédération, pédiatre pratiquant à Sept-Îles;
à côté de lui, le Dr Jean-Marie Albert, le directeur des
affaires professionnelles de notre fédération, et, à
côté, le Dr Raymond Thériault, oto-rhino-laryngologiste,
vice-président de notre fédération. A ma droite, M. Jean
Harvey, consultant spécialisé dans ce domaine, à
côté, le Dr Jacques Cantin, professeur agrégé
à l'Université de Montréal et chirugien
général à l'Hôtel-Dieu, et le Dr François
Couture, qui est cardiologue et vies-président de notre
fédération.
Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, je tiens à vous remercier de l'invitation que
vous nous avez fait parvenir, fournissant à notre
fédération la chance de présenter son point de vue sur la
formation du futur praticien de la médecine et le problème global
des effectifs médicaux au Québec.
Vous nous avez demandé de traiter de deux sujets et c'est ce que
nous avons l'intention de faire. Nous vous sommes reconnaissants de pouvoir
faire ainsi état de ce problème, des plus sérieux, qui
affecte la société québécoise à l'heure
actuelle, c'est-à-dire la qualité des services médicaux
qui lui sont fournis. Nous aurons l'occasion de vous démontrer que la
pénurie actuelle affectant les médecins spécialistes n'est
que la pointe de l'iceberg, que la situation présente,
fréquemment décriée comme étant inacceptable et
intolérable, n'est que le début d'une détérioration
de l'accessibilité à des services médicaux
dispensés par les médecins spécialistes. Nous vous
démontrerons que les erreurs passées du gouvernement du
Québec, de même que la lenteur actuelle à y remédier
par des prises de décision, feront en sorte que la situation devrait se
dégrader davantage avant que nous puissions espérer une
amélioration que tous prétendent, aujourd'hui, souhaiter.
Mme la Présidente, si le gouvernement du Québec
désire maintenir le choix de société
nord-américaine, eu égard à la dispensation des services
médicaux, il serait urgent pour cette commission parlementaire de
procéder dans les plus brefs délais à la mise en action
des recommandations qui se dégageront durant ces audiences.
Le premier sujet à traiter, ce sont les heures de garde et les
unités d'enseignement clinique. Il est important de considérer
l'internat et la résidence dans une perspective de formation. Le futur
praticien, tant omnipraticien que spécialiste, est placé en
situation d'apprentissage dans des conditions similaires à celles de
l'exercice auquel il se destine. Il doit donc développer les
habiletés techniques et intellectuelles qui lui permettront de poser les
divers actes médicaux requis par l'état du patient.
Exprimé d'une autre façon, le futur praticien devra,
premièrement, développer ses aptitudes et, deuxièmement,
former son jugement clinique et son esprit de décision afin
d'être, au terme de sa période de formation, capable d'exercer
seul.
Qu'il me soit permis de resituer le rôle de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec face à la formation
des futurs praticiens de la médecine. La corporation est l'organisme
habilité par les lois du Québec à procéder, sur une
base régulière, aux visites d'agrément des
établissements, leur reconnaissant ainsi le rôle
pédagogique qu'ils ont à jouer. Cet agrément va encore
plus loin visant le nombre de programmes, le contenu des programmes, le nombre
de futurs praticiens admissibles dans chacun de ces programmes. En
résumé, la responsabilité d'une formation de
qualité appartient à la Corporation professionnelle des
médecins du Québec.
Quant au rôle des facultés de médecine, je pense que
vous en avez entendu suffisamment parler cet après-midi, je me
permettrai de passer par-dessus cette section.
Les unités d'enseignement clinique et les heures de gardes. C'est
dans ce contexte que s'élaborent les programmes de formation du futur
praticien, que se structurent, le cas échéant, les unités
d'enseignement clinique et que s'établissent les charges de travail
incluant les heures de gardes appropriées. L'existence, de même
que le fonctionnement des unités cliniques à travers les diverses
facultés de médecine québécoises relèvent du
professeur titulaire de la chaire du département clinique
concerné, du vice-doyen aux études médicales et de
l'agrément de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec.
Par ailleurs, il est évident qu'il existe des différences
dans le nombre d'heures de gardes exigibles d'un programme de formation
à un autre. Certains disciplines, comme la dermatologie,
l'anatomo-pathologie, l'allergie, ne nécessitent pas autant d'heures de
gardes que la cardiologie, l'obstétrique-gynécologie,
l'orthopédie ou l'anesthésie-réanimation.
Les différences entre disciplines dans les charges de travail et,
notamment, dans les heures de gardes existeront tout au long de la
carrière professionnelle du futur praticien. La décision de se
spécialiser, le choix de la discipline et le lieu d'exercice sont des
choix individuels. Le futur praticien les prend en toute connaissance de cause
des exigences spécifiques de sa profession.
En conclusion, la Fédération des médecins
spécialistes prétend que tout ce qui a trait à la
formation du futur praticien de
la médecine, notamment l'existence et la structure
opérationnelle des unités d'enseignement clinique et la charge de
travail, y compris la fréquence des gardes, constitue le contenu
pédagogique du programme et doit, de ce fait, relever du professeur
titulaire de la chaire du département clinique approprié, du
vice-doyen aux études médicales et de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec. À ce niveau, la
participation des résidents et internes serait souhaitable.
Dans ce domaine, le ministre des Affaires sociales n'a que deux
rôles à jouer: exprimer aux autorités compétentes
qu'il a créées et reconnues - comprenant la corporation et les
universités - les attentes de la population vis-à-vis de la
formation médicale et veiller à régler les principaux
problèmes qui affectent les centres hospitaliers d'enseignement, soit,
premièrement, le budget de ces centres, deuxièmement, le nombre
de lits dits "ouverts" de ces centres et, troisièmement,
l'équipement. (21 h 30)
Plus spécifiquement afin d'améliorer le fonctionnement des
centres hospitaliers affiliés à une faculté de
médecine québécoise, le ministre devrait:
Premièrement, allouer un budget adéquat aux centres
hospitaliers affiliés. Cette mesure aurait pour effet de maintenir un
plus grand nombre de lits "ouverts", donc disponibles pour l'enseignement et
les soins de courte durée aux malades admis. En corollaire, le directeur
général ne se verrait pas forcé de fermer des lits pour
équilibrer son budget.
Deuxièmement, voir à l'ouverture d'un nombre
adéquat de lits de soins prolongés disponibles pour
l'enseignement et les soins prolongés aux malades admis. Cette mesure
aurait, par ailleurs, pour effet de libérer un certain nombre de lits de
soins de courte durée.
Troisièmement, fournir aux centres hospitaliers les
équipements dont ils ont besoin pour accomplir leur mission. Ceci
comprend l'acquisition de nouvel équipement de même que le
renouvellement de l'équipement désuet. Cette mesure aurait pour
effet de maintenir la médecine québécoise aux niveaux
canadien et américain en faisant bénéficier les malades du
progrès technologique.
Le contenu pédagogique de la formation du futur praticien de la
médecine s'avère si important pour la qualité de la
dispensation des services médicaux aux citoyens du Québec qu'il
ne doit pas faire partie du champ de la négociation, ni de
décisions unilatérales du ministre des Affaires sociales.
Deuxième section, la planification de la main-d'oeuvre
médicale. Comme introduction, nous avons constaté, Mme la
Présidente, que, compte tenu des besoins actuels et prévisibles
de la population du Québec, la composition de la main-d'oeuvre
médicale est loin d'être idéale; que la situation se
détériore; que cette détérioration est
aggravée plutôt que corrigée par les politiques du
ministère des Affaires sociales; que les actions du ministère des
Affaires sociales sont basées sur des analyses grossières de
réalités qui n'ont plus cours et sur l'utilisation myope de
normes dépassées et que les organismes, groupements et
associations qui seraient le plus susceptible d'enrichir la démarche du
ministre des Affaires sociales et la faire coller è la
réalité québécoise sont exclus du processus de
planification.
Nous espérons que la commission parlementaire des affaires
sociales tiendra compte des recommandations de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec. Si les correctifs
suggérés étaient adoptés à brève
échéance, nombre de tensions qui existent actuellement dans le
système de dispensation des services médicaux
disparaîtraient.
Dans la section sur la théorie, nous traiterons du besoin d'une
planification de la main-d'oeuvre médicale, des principes de base de
cette planification - comment, par qui - et de la dynamique de la
situation.
Le besoin de planifier. Pour des raisons sur lesquelles nous ne nous
attarderons pas, puisque les orientations en jeu sont, à notre avis,
irréversibles, les forces du marché ne président plus
à l'affectation des ressources médicales au Québec.
L'élimination, par l'État, des forces du marché sans la
provision d'un mécanisme alternatif de recherche dynamique de
l'équilibre a ouvert la porte à la création et à
l'alternance aléatoire de situations de surplus et de pénurie de
ressources.
La planification dont nous souhaitons la mise en place est un exercice
concerté et éclairé de prospective, visant à
assurer que les décisions sur les grandes orientations du système
de santé québécois ne soient plus prises sur la seule base
des conditions existant aujourd'hui, mais plutôt sur celles qui
prévaudront au moment où l'impact de ces décisions
commencera à se faire sentir.
La planification forcera souvent des choix de société qui
pourront impliquer un arbitrage entre le bien-être actuel et le
bien-être futur. Malheureusement, notre expérience nous indique
que de telles prises de position font reculer bien des gouvernements, puisque
des attitudes ne peuvent satisfaire tout le monde. Elles nécessitent
aussi une perspective à long terme qui excède la durée
normale du mandat d'un gouvernement.
Comment planifier? De façon plus spécifique, ce que nous
souhaitons, c'est que, compte tenu de la longue durée du cycle de
formation d'un médecin spécialiste, soit une
dizaine d'années, la décision quant au nombre
d'étudiants en médecine à admettre en 1986 soit prise sur
la base du nombre de médecins additionnels requis en 1995, en tenant
compte du nombre prévisible de médecins à ce
moment»
Pourtant, au moment où nous écrivons ces lignes, des
décisions sont prises qui détermineront le nombre et le genre de
médecins spécialistes qui s'ajouteront aux effectifs en place en
1995, sur la base de l'analyse de données dites pancanadiennes datant de
1972. Il y a là un léger décalage de 23 ans entre le
moment où les données servant de base à la prise de
décision ont été cueillies et le moment où les
conséquences de la décision, soit la certification de nouveaux
médecins, se feront sentir.
Même s'il est évident que tout doit être tenté
pour corriger de telles aberrations, l'ampleur et la complexité de
l'exercice de planification, qui seul peut corriger cette situation, ont de
quoi faire hésiter les plus téméraires. La
problématique tient à deux éléments: la dynamique
de l'offre et de la demande des services médicaux est des plus
évolutives et des plus "turbulentes". Deuxièmement, dans ce
contexte, la tâche de prévoir l'évolution de la situation,
d'ici un, deux ou trois ans, est un défi de taille. Malheureusement, les
efforts présents de planification ne portent qu'au niveau de l'admission
actuelle aux études en médecine. Or, toute décision de
planification doit être basée sur les effectifs additionnels
requis dans dix ans. L'horizon de la planification doit être d'au moins
dix ans. La nécessité de cet exercice devient évidente
lorsque l'on considère les conséquences de ne pas le faire, soit
s'en remettre à l'arbitraire, à l'improvisation et aux
expédients.
Qui doit planifier? Il va sans dire que l'élaboration de tout
projet de planification demeure un exercice académique et inutile tant
qu'il n'est pas mis en oeuvre. La meilleure façon de s'assurer de
l'acceptation de tels plans par toutes les parties concernées est de les
impliquer dès le départ. Il serait illusoire d'espérer que
des projets élaborés centralement, sans consultation ni
concertation, reçoivent l'aval de tous. Autant nous souhaitons la tenue
d'un tel exercice, autant nous désirons y être associés
étroitement en tant que partenaires.
Dans une lettre récente que j'adressais au ministre des Affaires
sociales, nous lui soumettions la liste des principaux partenaires dans cet
exercice. De plus, j'ai fréquemment fait état que la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec souhaite participer à tout exercice de planification
fédérale-provinciale.
La planification dynamique. Le suivi systématique de
l'évolution de la situation est un élément clé de
toute planification à long terme. Seul un tel suivi peut permettre de
détecter rapidement les écarts entre les prévisions et la
réalité et de corriger le tout en temps opportun. Le
modèle s'améliorera alors avec l'usage et l'expérience
acquise.
Si l'on ne devait dénoncer qu'une seule faille des études
antérieures dans ce domaine, ce serait leur caractère statique.
L'appareil bureaucratique a tendance à considérer les
résultantes des travaux effectués comme des normes absolues et
immuables que l'on utilise à toutes les sauces, sans tenir compte de
leur portée ou de leurs limites.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Desjardins, il vous reste cinq minutes et, comme il vous reste encore
à peu près la moitié, je ne sais s'il y aurait moyen de
résumer un petit peu ou de sauter quelques paragraphes qui sont
nécessaires, j'en suis convaincue, mais...
M. Desjardins: Très bien. La gestion des effectifs
médicaux. Les pierres angulaires de la politique du ministère.
Nous tentons, dans cette section, de démontrer que le rapport 40/60 est
une hypothèse qui n'est pas prouvée et nous nous demandons
d'où, cela vient. Deuxièmement, nous remettons en question le
surplus présumé de médecins spécialistes en
dénonçant certaines des études du ministère des
Affaires sociales pour montrer que le surplus présumé de 820
médecins est effectivement un déficit de 150 médecins
spécialistes.
À la page 14, nous abordons ce que nous croyons être une
approche myope de cette question, c'est-à-dire des décisions
à court terme, suivies d'une autre décision à court terme.
On pourrait regarder le paragraphe du milieu qui dit: Certains diront qu'il est
impossible pour le gouvernement de considérer l'horizon au-delà
de la prochaine élection, qu'il n'est influencé que par des
considérations de gains politiques à brève
échéance et que son seul intérêt dans la
planification, c'est d'en parler et d'avoir l'air de s'y intéresser
pendant qu'il "règle" ses problèmes à court terme avec les
expédients que l'on connaît, se gardant de ne jamais se commettre
sérieusement dans un exercice dont il ne connaît pas d'avance les
conclusions.
Nous ne sommes évidemment pas de ceux-là, mais nous
commençons à avoir hâte de clore le chapitre de
l'échange des mémoires pour, finalement, passer à
l'action. Nous sommes suffisamment documentés sur le besoin de
planification, tout comme sur les effets des pluies acides, pour que nous
puissions procéder rapidement.
Section 4. Certaines actions qui ne peuvent attendre. Ici, nous
reprenons la formation médicale et le rapport
omnipraticiens-spécialistes. Premièrement, la population
du Québec vieillit. Vous avez un graphique au haut de la page 15; ce
sont des données démographiques du gouvernement du Québec.
Je pense que c'est un fait. On peut passer par-dessus le fait et aller à
la section Les médecins spécialistes du Québec
vieillissent et, encore là, vous avez un graphique au haut de la page 17
qui illustre l'écart entre les omnipraticiens et les spécialistes
qui, en 1976, était de 4, 71 %; en 1982, il est de 7, 21 %.
J'ai passé rapidement, mais je me dois de souligner quant
à la population vieillissante que le besoin et la demande de services
médicaux spécialisés sont accrus. C'est ce qu'on essaie de
démontrer au bas de la page 15, au deuxième diagramme, où
il y a une augmentation en pourcentage des besoins de la population dans
certains services médicaux.
La profession médicale dans son ensemble se féminise.
À cet effet, encore à la page de gauche, j'ai tenté de
reproduire deux graphiques pour illustrer ce que nous entendons quand on dit
que les profils de pratique sont différents. D'abord, sur les heures de
travail par semaine et, ensuite, sur le nombre de patients vus.
Le bas de la page 18 reprend la notion de qualité de vie. C'est
quelque chose qui a été discuté durant une bonne partie de
la journée. Nous aussi, nous prétendons que ce
phénomène frappe et les hommes et les femmes.
À la page 19, on reprend la statistique que M. le ministre a
mentionnée tout à l'heure. C'est 52/48, mais c'est 52
omnipraticiens et 48 spécialistes.
Nous arrivons donc à la recommandation de la page 20: Que le
rapport omnipraticiens-spécialistes soit gelé au niveau actuel
jusqu'à ce que des études -contemporaines
québécoises et faisant appel à toutes les banques de
données et tous les outils modernes de prévision disponibles
-jettent une nouvelle lumière sur la situation. Qu'en conséquence
le plan de contingentement des postes de résidence soit annulé,
permettant ainsi de maintenir au niveau actuel le rapport
omnipraticiens-spécialistes.
Section 4. 2. Répartition régionale des effectifs. Nous
faisons état du besoin d'une meilleure répartition
régionale et nous concluons cette section, à la page 22, en
suggérant que nous recommandions, en plus de l'abolition du
contingentement des postes de résidence, l'abandon des mesures punitives
et la recherche, en concertation avec la Fédération des
médecins spécialistes, de toute mesure visant
l'amélioration de la répartition régionale des effectifs
médicaux.
Suit une section qui, j'espère, n'est pas hors contexte et qui
concerne l'équipement où on tente de préciser
l'évolution technologique de ces dernières années et
l'humanisation des soins par l'utilisation de cette nouvelle technologie.
Je me permets de me rendre à la page 24 où la
recommandation suivante est faite: Que le gouvernement du Québec mette
à la disposition de la population les équipements requis pour
leur permettre de bénéficier de toutes les possibilités
offertes par la science médicale moderne.
Je me suis permis d'ajouter une citation qui n'est pas dans le texte.
Elle vient d'"Objectif Santé", le rapport du comité
d'étude sur la promotion de la santé du Conseil des affaires
sociales et de la famille, août 1984. On y dit: "L'importance du
financement public place le système de soins, et notamment tout le
secteur hospitalier, dans une situation de forte dépendance
vis-à-vis de la conjoncture politico-économique.
L'équipement du secteur hospitalier risque d'être davantage le
fruit de l'évolution des contraintes budgétaires du gouvernement
que d'une réelle évaluation des besoins et de son
efficacité à y répondre. " (21 h 45)
En résumé, la décision gouvernementale du milieu
des années soixante-dix de renverser la proportion
omnipraticiens-spécialistes comporte, à moyen et à long
termes, de multiples retombées dont l'impact sur la qualité de la
médecine est clairement négatif. Or, c'est autour de la
médecine spécialisée que la médecine moderne
s'articule et se développe. Ainsi, le contingentement des
résidents pose-t-il des problèmes quasi insurmontables au plan de
la formation universitaire si l'on veut maintenir des programmes
adéquats de résidence dispensés par un corps professoral
de qualité. D'une façon générale, à la suite
de ces politiques, les effectifs médicaux spécialisés sont
maintenant menacés de vieillissement et leur relève est nettement
insuffisante, alors que les besoins et les attentes de la population
grandissent et requièrent des soins de plus en plus nombreux et de plus
en plus spécialisés.
Il y aurait lieu de retirer le Décret sur la
rémunération différente pour lea médecins durant
leurs premières années d'exercice de leur
spécialité dans le cadre du régime. Ce décret, de
nature punitive, n'a pas donné les effets escomptés. Au
contraire, il a eu sur le moral des effectifs médicaux une influence
profondément démobilisante.
Quant à l'allocation des équipements requis, le ministre
des Affaires sociales s'engageait, en août 1982, à apporter sa
meilleure collaboration. Notons qu'une politique d'ajout de main-d'oeuvre en
région doit être assortie d'une politique d'allocation des
équipements, faute de quoi elle est nécessairement vouée
à l'échec.
En conclusion, nous réitérons notre offre de collaboration
et de coopération au
ministre des Affaires sociales. La population du Québec serait la
principale bénéficiaire d'une planification concertée qui
améliorerait la dispensation des services médicaux de
qualité, non seulement aujourd'hui, mais surtout demain.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Dr
Desjardins. M. le ministre des Affaires sociales.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier également la Fédération des médecins
spécialistes du Québec. Je suis tout de suite disposé, Mme
la Présidente, à un dépassement de l'heure.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous poserez la question
à 22 heures. Paraît-il qu'il faut que cela se fasse aux heures
précises.
M. Chevrette: Je vous le dis tout de suite parce qu'avec le
nombre de questions que j'ai j'ai l'impression que cela peut être plus
long que prévu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Alors, si on proposait, pour le moment, d'aller jusqu'à 22 h
30?
M. Chevrette: Oui, oui, quitte à se reconsulter,
d'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va? De toute
façon, cela nous donne 20 minutes chacun.
M. Chevrette: Tout d'abord, j'aurais quelques commentaires
à faire et, par la suite, des questions à poser. Au ton
général de votre mémoire - j'espère que vous
pourrez réagir à cela - il m'apparait qu'il n'y a pas grand-monde
à avoir raison, sauf vous.
Vous parlez avec énormément de certitude des pourcentages
entre omnipraticiens et spécialistes. C'est peut-être une erreur,
mais il n'en demeure pas moins que, quand la décision a
été prise, elle était basée sur des objectifs bien
précis, par exemple, de désinstitutionnalisation, d'augmentation
de soins à domicile, de services communautaires, de soins de
première ligne en soi. Je vous avoue que le ton sur lequel vous traitez
du problème, je suis surpris que ces dimensions ne préoccupent
pas une fédération comme la vôtre ou plus que cela, en tout
cas, dans une conjoncture où il y a un vieillissement de population.
Deuxièmement, qu'est-ce qui m'amène à dire cela?
C'est une autre raison. Dans votre mémoire, vous affirmez avec beaucoup
de force que, dans le domaine, le ministre, qui incarne quand même un
gouvernement, n'a que deux rôles à jouer: exprimer aux
autorités compétentes qu'il a créées et reconnues
les attentes de la population vis-è-vis de la formation médicale
et veiller à régler les principaux problèmes qui affectent
les centres hospitaliers, tels l'enseignement, le budget, les normes de lits
ouverts et l'équipement. En d'autres mots: Paie et laisse-nous faire, on
est compétent, on sait où on s'en va.
Troisième commentaire, les actions du ministère des
Affaires sociales sont basées sur des analyses grossières de
réalités -rapport population-médecins, rapport
omnipraticiens-spécialistes - qui n'ont plus cours et sur l'utilisation
myope de normes dépassées. On ne tient pas du tout compte
-dites-vous - du facteur population, du facteur vieillissement, du facteur
féminisation.
Eh bien, pour votre information, nous en tenons compte. Dans notre
méthodologie, nous prévoyons, d'ici quinze ans, 420
spécialistes de plus pour ce qui est de l'augmentation de la population;
toujours selon notre méthodologie, nous tenons compte également
du vieillissement de la population, 460 spécialistes de plus; en ce qui
concerne la féminisation, 280 spécialistes de plus. Donc, il y a
beaucoup de... Si on se trompe, si on est myope, si on est aveugle, on a au
moins des normes sur lesquelles on s'appuie pour faire les analyses que l'on
fait. Dans une offre d'aussi grande collaboration, il m'apparaît qu'on
pourrait échanger au moins des informations de base plutôt que de
se taxer de myope, de gens qui ne savent pas où ils vont et qu'on n'a
aucune stratégie ou aucune donnée de base quand on dialogue. Ce
sont mes commentaires.
Question. Concernant les résidents et internes,
j'apprécierais savoir de votre part quels sont les objets qui
resteraient négociables, selon vous, face à une entité
dûment accréditée, légalement
accréditée en fonction du Code du travail. Qu'est-ce qui nous
resterait à discuter avec les résidents et internes, si je suis
votre mémoire?
M. Desjardins: Est-ce que je peux me permettre de répondre
à vos commentaires...
M. Chevrette: Oui, je vous l'ai dit.
M. Desjardins:... avant d'arriver à la question?
M. Chevrette: Certainement.
M. Desjardins: Alors, vous prenez le ton général du
mémoire comme étant "nous avons raison et nous sommes les seuls
à avoir la vérité". Je vous dis que ce n'est pas tout
à fait vrai, M. le ministre. C'est vrai que nous avons ce ton parce
qu'on pense qu'on est en pénurie et qu'on est menacé de
disparaître. À ce moment-là, on se doit de
donner le son de cloche d'un groupe important dans la dispensation des
services médicaux en disant: II y a quelque chose qui ne marche pas, il
y a un danger imminent, et tentons de réagir à cela.
Je vous note que, ce matin, les résidents et les internes vous
ont dit: II faut décontingenter parce qu'il faut former plus de
médecins spécialistes. Je vous note que, cet après-midi,
les universités vous ont dit, d'une façon très claire et
très catégorique, que le nombre de postes contingentés au
Québec était effrayant et qu'il faut l'ouvrir. Et je vous note
que, dans les mémoires que vous avez reçus, la Corporation
professionnelle des médecins va donner ce son de cloche demain. À
ce moment-là, je me dis: Je ne suis pas tout seul de mon gang à
parler comme cela. Le son de cloche que nous émettons comme
fédération, c'est un son de cloche selon lequel beaucoup de gens
ont raison de décrier la pénurie actuelle de médecins
spécialistes et nous tentons de trouver des mécanismes correctifs
le plus rapidement possible. Le danger que nous essayons d'illustrer dans cela,
c'est qu'on parle de tranches de dix ans. Si, aujourd'hui, on prend une
décision, elle sera reflétée en 1995. C'est là que
sont le danger et l'inquiétude.
En ce qui a trait, par exempts - à la page 5 de notre
mémoire - au rôle que le ministre a à jouer, nous avons
tenté, dans cette section, de vous démontrer que le contenu
pédagogique de la formation du futur praticien devrait relever
d'instances qui ont été mises sur pied par le gouvernement du
Québec, mais à qui la responsabilité totale de ce contenu
pédagogique a été confiée. Donc, les
facultés de médecine et la Corporation professionnelle des
médecins sont les organismes qui devraient s'occuper de cette question.
Par ailleurs, vous êtes impliqué en tant que ministre des Affaires
sociales dans l'ensemble de ce problème. Nous avons tenté de
préciser quel est le rôle du ministre. Nous lui avons
attribué les deux rôles que vous avez cités, à
savoir les attentes de la population vis-à-vis de la formation
médicale et, ensuite, trois rôles plus précis, dire que
cela prend plus d'argent pour faire marcher les hôpitaux universitaires,
que cela prend des lits dans les hôpitaux universitaires, que cela prend
des équipements dans les hôpitaux universitaires. Ce sont trois
éléments qui nous apparaissent difficiles dans le contexte
québécois actuel où nous vivons. Je pourrais donner des
exemples, pour aller plus loin; peut-être que ce n'est pas
nécessaire. Si vous en désirez, je peux essayer de vous en donner
tantôt.
M. Chevrette: Allons-y d'une façon plus spécifique
sur un point qui était dans le mandat. Le nombre de gardes - un sur
trois, un sur quatre - vous dites que c'est un contenu pédagogique,
laissé à l'entière liberté du professeur. Est-ce
qu'il n'y a pas danger, précisément parce qu'il est à la
fois celui qui donne une directive de travail et celui qui juge de la
qualité professionnelle, d'abus flagrants, qui ont fait l'objet
d'émissions de télévision, qui ont fait l'objet de
contestations, pratiquement de grèves de la part des résidents et
internes? Est-ce que vraiment ils se sont excités pour rien, ces
jeunes-là, ou s'il y avait un fondement de quelque chose dans leurs
demandes, au point que le ministre intervienne personnellement? Il doit y avoir
quelque chose là. Je suis surpris que, sur un point aussi majeur, vous
vouliez soustraire du champ de négociation... Remarquez bien que le Code
du travail, c'est une loi de l'Assemblée nationale qui a autorisé
du monde à se syndiquer. Je ne dis pas que c'est toujours heureux; j'ai
personnellement fait une intervention en disant - je ne sais pas si vous y
étiez ce matin, c'est aux résidents et internes personnellement
que je disais cela - qu'il fallait placer certains objets au-delà des
conditions de travail. Il n'en demeure pas moins que face à des abus...
Dans n'importe quelle société, ce sont des abus d'un
côté qui amènent un raidissement et, bien souvent, le
balancier ne s'arrête pas et on s'en va de l'autre bord. Je reconnais
cela. Mais de là à aller, dans la conjoncture actuelle,
réclamer que cela relève du tuteur, celui-là même
dont ils ont tellement peur qu'ils ne croient même pas qu'un ombudsman
puisse faire quelque chose... Je disais aux universités, cet
après-midi: II n'y a pas moyen de trouver ensemble un mécanisme
quelconque? Vous affirmez que cela devrait être laissé
complètement au tuteur. J'ai de la difficulté à voir clair
dans tout cela. Ce n'est pas parce que je veux prendre pour la FMRIQ mais, si
on a convoqué une commission parlementaire, c'est pour avoir les
idées de tout le monde et je suis surpris - remarquez bien que je suis
content de savoir comment vous le percevez... Mais quels mécanimes
suggérez-vous au ministre pour aussi donner justice à ces jeunes
qui se préparent à une carrière professionnelle?
M. Desjardins: La première chose qu'on énonce dans
notre mémoire, c'est de dire: Distinguo, il y a des
spécialités où il n'y a pas de problème à
être de garde une journée par semaine ou une journée aux
quatre jours, et la formation de ce futur praticien sera adéquate. Par
ailleurs, nous vous disons: II y a d'autres spécialités où
cela n'est pas vrai. À ce moment-là, il doit y avoir des
mécanismes qui ne relèvent pas du ministre des Affaires sociales,
mais qui vont relever d'une base locale, pas du tuteur qui est celui qui
surveille un médecin, qui dit: Tu fais une garde aujourd'hui, mais de
l'ensemble de la
structure universitaire agréé par la corporation. C'est
là que sont vos mécanismes de balises. Car vous avez
créé, par l'entremise de différentes lois
québécoises, la corporation professionnelle qui a le rôle
de faire les visites d'agrément et de dire: Les programmes sont
bons.
M. Chevrette: Me permettez-vous de vous arrêter? Vous vous
rappellerez qu'à la loi 13, cet automne, au mois de décembre, on
a dû faire un double amendement. La corporation a un rôle sur la
compétence professionnelle. Mais, quand il s'est agi de griefs de
relations du travail, on a dû faire un mécanisme spécial
d'arbitrage. Dès qu'on a affaire à une unité
accréditée syndicalement, je pense qu'on ne peut pas
mêler... Ce n'est pas parce que je ne veux pas que la corporation joue
son rôle; elle a déjà son rôle de par la loi. Dans le
présent cas, ce serait une surcharge de travail, comme grief. Ce n'est
pas une compétence professionnelle qui relèverait de la
corporation. Je pense qu'il ne faut pas mêler les deux mécanismes.
J'aimerais vous entendre à partir de cette distinction juridique qu'on
est bien obligés de faire. C'est une situation de fait qu'on a et c'est
une situation juridique.
M. Desjardins: Je vais demander au Dr Cantin, de
l'Université de Montréal, de vous donner peut-être un
exemple précis et de poursuivre un peu plus loin la discussion.
M. Cantin (Jacques): Je pense, M. le ministre, qu'il faut
regarder aussi la pratique des choses, sans nier sans doute le fait qu'ici ou
là, à un certain moment, il peut y avoir eu des abus ou des
choses pas correctes. La première chose, c'est qu'il faut, je pense,
distinguer la garde générale de la garde de service. Je ne pense
pas qu'il y ait beaucoup d'abus de cette garde aux trois ou quatre jours, ce
qu'on peut appeler la garde générale.
Ce soir - vous me permettrez de parler de Montréal, c'est la
ville et les hôpitaux que je connais le mieux - à
l'Hôtel-Dieu ou à l'hôpital Notre-Dame, l'interne de garde
en chirurgie et l'interne de garde en médecine, ce sont tous des gens
qui sont de garde, en fait, aux trois, quatre, cinq ou six jours. Par contre,
dans tous ces hôpitaux, il y a des dizaines de résidents de garde.
Ce soir, à l'Hôtel-Dieu de Montréal, il y a un
résident de garde en chirurgie cardiaque, un en chirurgie thoracique, un
en chirurgie générale, un en neurologie, un en gynécologie
et ainsi de suite. Tout ce beau monde ne peut pas être de garde aux
quatre jours parce qu'il n'y a pas, dans tous ces services, dans tous ces
hôpitaux, quatre résidents partout. (22 heures)
M. le ministre, il faut réaliser que cela va être la
condition de pratique de plusieurs de ces médecins, quand ils arriveront
dans la vraie vie, quelques années plus tard. Si je prends un milieu que
vous connaissez plus, celui de Joliette, s'ils sont deux chirurgiens
généraux à Joliette, deux cardiologues et deux
gérontologues, ce beau monde sera de garde aux deux soirs durant toute
la vie.
Dans la question des programmes de gardes, il faut distinguer entre
cette garde générale qui, dans l'ensemble, est très bien
respectée, et cette garde de service. Comme le dit notre mémoire,
le choix de se spécialiser est personnel et le choix de la
spécialité est personnel. Vous savez, lorsque vous êtes en
pathologie, vous ne faites pas beaucoup de gardes. Les autopsies d'urgence,
c'est rare. Par contre, si vous avez choisi la cardiologie comme
spécialité, si vous avez choisi ma spécialité, la
chirurgie générale, il faut que vous vous attendiez que ce ne
soit pas une semaine de 35 heures.
Je pense que c'est pratique. Cela n'a rien à voir avec le fait de
ne pas comprendre nos jeunes confrères en formation, mais c'est comment
les choses se passent en pratique.
M. Chevrette: Mais, en admettant au départ que la
majorité de vos collègues, 80 % ou 85 %, vivent dans la
normalité des choses, selon une coutume ou une pratique que je suis
prêt à reconnaître, il n'en demeure pas moins qu'en vertu de
nos lois un groupe légalement constitué peut négocier
précisément des articles en fonction de cas particuliers.
Si je me fie même aux fruits de la négociation, il ne me
semble pas qu'il y aura grand résultat, que ce soit un ombudsman ou une
commission - peut-être que la commission pourra rapprocher les parties et
jouer un rôle important - mais il n'en demeure pas moins que je n'ai pas
eu de grosses suggestions concrètes, à ce jour, sur le
mécanisme qui assurerait à l'individu impliqué un recours
un peu décent, évitant qu'il soit précisément dans
un état où il dit: J'endure. Dans tel hôpital, cela va
très bien. Je jase avec mes collègues avec qui j'étais
à l'université. Leur professeur exige une garde sur quatre ou une
garde sur trois. Pas de problème, tout va bien dans le meilleur des
mondes. Mais, à tel hôpital, tel centre hospitalier, je viens de
me taper 48 heures collées et ils m'obligent à rentrer demain
soir. Imagine-toi!
Quel recours concret a l'invididu? Je n'ai pas de mesure. Je n'ai pas
encore reçu de suggestion. C'est pour cela que j'ai tellement
insisté, parce qu'au niveau des spécialistes vous avez beaucoup
de professeurs dans chacune des spécialités médicales. Ne
serait-ce que pour 5 % ou 10 %, auriez-vous des suggestions
concrètes?
Je ne demande pas mieux que d'en épouser une couple. J'ai
trouvé un ombudsman, car je me disais: Ils veulent l'anonymat, donc, on
va au moins essayer de leur donner l'anonymat. Je trouve cela et, ce matin, il
y a du scepticisme de la part de M. Larose. Il se grattait la tête et
disait: Je ne suis pas sûr que vous ayez fait la trouvaille du
siècle. Moi non plus.
M. Desjardins: M. le ministre, on est prêt â
l'endosser, par exemple. Je ne vous dirai pas que c'est la trouvaille du
siècle, je ne le sais pas, mais c'est tout de même une suggestion
concrète. Pourquoi n'essaierait-on pas cela, pour une période de
temps, et on verra? Si cela règle les problèmes, voilà,
c'est la solution. Si cela ne règle pas les problèmes, il faudra
se repencher pour en trouver d'autres.
Mais j'ai l'impression qu'on est rendu à quelque chose
d'extrêmement marginalisé. Cela pourrait être une
façon de régler la situation. Si vous voulez procéder
à en faire une recommandation, je pense que vous pouvez
considérer que nous allons appuyer la mise sur pied d'une telle
structure et de son fonctionnement et qu'on tentera de l'analyser avec vous, si
vous le désirez, au bout d'un certain temps.
M. Chevrette: À la page - je vais changer de sujet, car je
suppose que cela fait 20 minutes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous en êtes
à 17. Il vous reste trois minutes.
M. Chevrette: Je vais en poser une autre. Après cela, on
alternera.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y aura plus beaucoup
d'alternance après.
M. Chevrette: Pourra-t-on revenir, si on se repose la
question?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, allez-y pour
trois minutes. On décidera du reste après.
M. Chevrette: À la page 8 de votre mémoire, vous
dites ceci: Les forces du marché ne président plus à
l'affectation des ressources médicales au Québec. J'aimerais que
vous m'expliquiez s'il y a des forces du marché en matière de
santé.
M. Harvey (Jean): II s'agit d'indiquer simplement que l'offre et
la demande ne jouent pas directement, sans connotation que ce soit bon ou
mauvais, et il y a nécessité d'un mécanisme de
planification étatique simplement pour souligner ce besoin.
M. Desjardins: Vous savez, M. le ministre, je voudrais
peut-être ajouter un commentaire pour votre bénéfice et
celui des membres de la commission. Cela fait plusieurs années qu'on se
demande comment est-ce qu'on pourrait procéder. Notre
fédération a déjà mis sur pied une
méthodologie de planification que nous avons eu l'occasion de discuter
avec les hauts fonctionnaires de votre ministère et plusieurs autres
intervenants québécois et canadiens en vue de tenter d'en arriver
è un modèle qui serait acceptable â tous et, ensuite,
d'avoir une banque de données qui nous paraîtraient
irréfutables.
Cet après-midi, je vous entendais offrir aux universités
la possibilité que votre ministère et les universités
puissent échanger des données. Nous avons fait cette demande il y
a au moins trois ans, pour ne pas dire quatre ans, et nous serions
extrêmement heureux que vous reteniez le nom de notre
fédération, celle des médecins spécialistes du
Québec, et que vous nous invitiez, le cas échéant,
à une rencontre avec les universités pour discuter des
différentes banques de données qui existent et essayer d'arriver
à une banque de données commune, quitte à les
interpréter différemment, mais au moins d'avoir une banque de
données commune.
Nous serions encore plus intéressés si vous pouviez nous
inviter à discuter d'une méthodologie de planification parce que
là, ce qu'on pense qui se produit, c'est la planification de notre
disparition. C'est très humblement qu'on allègue cela. On ne dit
pas qu'on renverse le monde et qu'on est tout seuls â avoir la bonne
note, mais on voudrait bien participer à ces prises de décision,
tant au niveau canadien... Je vous entendais dire aujourd'hui - je ne peux pas
m'empêcher de revenir là-dessus. Les échanges au niveau
fédéral-provincial, ce sont des échanges extrêmement
importants. Vous faisiez une description, aujourd'hui, des vases communicants.
C'est évident que les vases communicants, cela joue un rôle
primordial dans une planification qui, dans une deuxième étape,
devra être une planification canadienne. Les deux exemples que vous avez
soulevés sont absolument parfaits. On ne peut pas, nous, produire des
médecins et les exporter quand les autres n'en veulent pas et à
l'inverse, on ne veut pas non plus que nos citoyens québécois
aillent se former ailleurs et reviennent ici si on a un surplus éventuel
de médecins.
Je ne suis pas contradictoire avec la pénurie des médecins
spécialistes quand je parle comme cela.
M. Chevrette: J'ai trois autres questions, mais je vais laisser
parler un des vôtres. Je reviendrai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je vais peut-être revenir sur l'amorce qu'a
faite. le ministre concernant la question de l'unité d'enseignement.
 la page 5 de votre mémoire, dans vos conclusions sur ce
chapitre, vous limitez le rôle du ministre à une question de
budget, de nombre de lits ouverts et d'équipement. Présentement -
je ne voudrais pas généraliser, mais c'est un cas assez
général au Québec - sur le plan du fonctionnement normal
d'un centre hospitalier, sans tenir compte de sa vocation d'enseignement ou
d'affilié à une université, on se retrouve avec des
budgets que les directeurs généraux ont de la difficulté
à suivre et, même, certains vont jusqu'à faire des
déficits. Quant au nombre de lits ouverts, on assiste à des
fermetures de lits pour des fins d'équilibre budgétaire et, pour
ce qui est de l'équipement, on a des plaintes, etc. Est-ce que, lorsque
vous parlez aux pages 5 et 6 des trois mesures qui suivent, vous voudriez que
soient réservés, malgré la pénurie existante pour
l'ensemble de la population à l'intérieur de ces centres
hospitaliers dits d'enseignement, une partie du budget, un nombre de lits
prédéterminés ou déterminés ainsi que de
l'équipement nécessaire à l'exercice ou à
l'enseignement?
M. Desjardins: II y a deux volets dans notre mémoire. Vous
me citez le volet sur le contenu pédagogique de la formation du futur
praticien de la médecine et, à ce moment, à
l'intérieur de cette section qui a trait aux unités
d'enseignement clinique, on parle des hôpitaux dits universitaires
affiliés à une faculté de médecine. Un peu plus
loin dans le texte, j'ai l'occasion de parler de l'équipement d'une
façon plus générale. Si vous le voulez, je pourrais aller
jusqu'à dire que les budgets sont nécessaires autant en
région éloignée, désignée,
périphérique que dans les centres universitaires.
Or, dans la section où nous sommes, on parle des centres
hospitaliers universitaires dont la mission, en plus de procurer des soins
à la population, est de former de futurs praticiens de la
médecine. C'est dans ce contexte qu'on dît que le ministre des
Affaires sociales a deux rôles à jouer. Je n'aime pas, M. le
député, votre expression limitative. Ce n'est pas limitatif de
dire que le ministre des Affaires sociales est responsable du budget, du nombre
de lits et de l'équipement. En plus de cela, vous n'avez choisi que la
moitié de ce que j'ai dit, probablement intentionnellement. Je vous
rappellerai qu'à la page 5 de notre texte on dit également que le
ministre a la responsabilité de faire connaître aux
autorités compétentes les attentes de la population
vis-à-vis de la formation médicale. Ce sont les deux rôles
qu'il a et l'un est aussi important que l'autre.
M. Paradis: Compte tenu de votre réponse, plus
spécifiquement dans le cas des hôpitaux dits universitaires,
est-ce que vous verriez - je ne veux pas utiliser l'expression qu'il y ait un
budget consacré spécifiquement à l'enseignement au niveau
du centre hospitalier qui toucherait le nombre de lits ouverts et
l'équipement?
M. Desjardins: Si cela prend une solution quelconque, cela
pourrait en être une. Cela pourrait s'appeler un budget
protégé, eu égard à la mission d'enseignement. Cela
pourrait être cela. Cela éviterait qu'on voie, comme dans le
Soleil du 10 mai, que dans la seule région 03 il y a 16 000 000 $ de
déficit pour les hôpitaux qui sont là, qu'on nomme les
hôpitaux un à un dans la région 03 et qu'on dise que celui
qui a le plus gros déficit est peut-être L'Enfant-Jésus,
suivi des autres l'un après l'autre. Cela éviterait qu'à
l'hôpital Notre-Dame, à Montréal, on soit obligé de
dire que sur 949 lits il y en a 238 qui sont occupés par des malades
chroniques et que 110 de ces malades chroniques occupent des lits pour soins
aigus. Cela veut dire que l'on parle de 949 - cela a l'air d'un gros chiffre,
c'est un gros centre hospitalier - mais on enlève 238 lits d'un
coup.
M. Paradis: La prochaine question traite du deuxième
chapitre de votre mémoire, la planification de la main-d'oeuvre
médicale. Vous mentionnez à la page 7 que, compte tenu des
besoins actuels et prévisibles de la population du Québec, la
composition de la main-d'oeuvre médicale est loin d'être
idéale, que la situation se détériore, etc. Â la
page 9, vous nous dites comment planifier. Je vous cite: "De façon plus
spécifique, ce que nous souhaitons, c'est que, compte tenu de la longue
durée du cycle de formation d'un médecin spécialiste, soit
une dizaine d'années, la décision quant au nombre
d'étudiants en médecine à admettre en 1986 soit prise sur
la base du nombre de médecins additionnels requis en 1995, en tenant
compte du nombre prévisible de médecins à ce
moment-là. "Pourtant, au moment où nous écrivons ces
lignes, des décisions sont prises qui détermineront le nombre et
le genre de médecins spécialistes qui s'ajouteront aux effectifs
en place en 1995, sur la base de l'analyse de données pancanadienne
datant de 1972. Il y a là un léger décalage de 23 ans",
etc.
Je ne sais pas si la question devrait vous être adressée
parce que vous affirmez qu'il y a un décalage de 23 ans entre les
données sur lesquelles on se fie pour admettre les étudiants
à l'université et le moment où ils "gradueront", où
ils seront en mesure d'offrir des services. Cela devrait peut-être
s'adresser au ministre comme tel.
Êtes-vous certain que le ministère n'a pas d'autres
données que celles-là sur lesquelles prévoir les
admissions en faculté pour l'année qui va commencer? Une
planification de main-d'oeuvre sur 23 ans, dans quelque organisation que ce
soit, qu'il s'agisse du ministère des Affaires sociales ou de n'importe
quel autre ministère ou entreprise, devrais-je ajouter, c'est quelque
chose d'aberrant.
M. Harvey: Le ministère évoque différentes
normes dans différents documents. Les normes le plus fréquemment
évoquées sont les ratios population-médecins qui
résultent de l'étude du comité national, Ottawa, 1975,
lequel s'est basé sur les données de 1972. On a, de temps
à autre et suivant les contextes, utilisé des données
ontariennes, des données de la Colombie britannique et autres. Les
normes les plus souvent citées, ce sont celles-là. (22 h 15)
M. Desjardins: La référence, d'ailleurs,
apparaît au bas de la page 12.
M. Paradis: A la page 18, pour rajouter à cet
élément de planification, au haut de la page, vous mentionnez que
les médecins spécialistes du Québec vieillissent pendant
que les omnipraticiens rajeunissent et vous vous référez au
diagramme 3. Non, c'est sorti du texte et je m'en excuse, pour les fins du
Journal des débats, cela a l'air grossier de dire cela, c'est
peut-être parce que le stress est plus difficile dans l'un que dans
l'autre, je ne le sais pas. Mais vous dites que cela ajoute au problème
et que vous prévoyez, comme vous l'avez dit tantôt dans une de vos
remarques, l'extinction comme telle.
Vous favorisez le décontingentement en ce qui concerne les
médecins résidents et internes. Même avec un
décontingentement, en tenant pour acquis les statistiques que vous avez
citées, c'est-à-dire que 5 % des étudiants,
présentement, opteraient pour la spécialisation et 25 % pour la
médecine générale, de quelle façon ce fossé,
qui semble se creuser à chaque jour, va-t-il finir par se combler?
M. Desjardins: C'est bien sûr qu'on a un problème
pour l'année actuelle et on en a un pour l'année prochaine. Mais
il faut, à un moment donné, l'envisager et y apporter un
correctif. Si on décontingente les postes de résidence à
partir de juillet de cette année, comme cela prend quatre ans pour
certaines spécialités, cinq ans pour certaines autres
spécialités, cela voudrait dire que le premier petit
résultat anticipable de cette mesure serait en 1989-1990. Alors, si on
veut décontingenter et donner le temps aux étudiants en
médecine d'orienter leur carrière vers une
spécialité et d'avoir le temps d'y penser et de
réfléchir, si cela prend un, deux ou trois ans additionnels, plus
les quatre à cinq années de formation, les résultats d'une
décision de juillet 1985 seront connus en 1993.
Je vous vois hausser les sourcils. Le danger, c'est de ne rien faire et,
à ce moment-là, en 1993, le problème sera tellement
inouï qu'on va démissionner d'essayer de le corriger. Il ne sera
plus "corrigeable". Alors, il faut commencer quelque part et c'est une
façon bien modeste d'envisager de le commencer.
M. Paradis: Concernant un autre problème qui a, par le
passé, eu l'effet de me faire froncer les sourcils, dans les
régions périphériques et périphériques
éloignées, les gens qui siègent au conseil
d'administration, les directeurs généraux nous parlent de plus en
plus de formation d'équipes volantes de spécialistes et
même d'un modus vivendi qui vont jusqu'à prévenir
l'établissement d'un spécialiste en région
périphérique ou périphérique
éloignée, par le fait que ces équipes volantes
refuseraient les services de spécialistes en région
périphérique et périphérique éloignée
si un spécialiste s'y établissait. Est-ce que vous êtes au
courant dudit problème? Quelles sont les mesures que votre
fédération a prises ou entend prendre pour corriger cette
situation qui, finalement, pénalise les bénéficiaires de
ces centres?
M. Desjardins: Cela fait partie d'un long débat que nous
avons depuis des années, à toutes les tables possibles, incluant
la table de négociation, sur la différence entre
l'établissement, l'itinérance et le jumelage. Ce que vous
soulevez, c'est l'existence des trois façons de fournir des services
médicaux spécialisés dans une région dite
éloignée. Notre fédération préconise les
trois façons de procéder. Dans l'ordre, nous favorisons
l'établissement; lorsque l'établissement n'est pas possible, nous
favorisons le jumelage; lorsque le jumelage n'est pas possible, nous favorisons
l'itinérance. Cela se joue à deux, cela; cela se joue entre le
groupe qui veut être jumelé et le groupe qui est prêt
à jumeler, entre celui qui est prêt à faire de
l'itinérance et le centre hospitalier qui est prêt à
recevoir un itinérant. Il y a un élément de symbiose
là. Le centre hospitalier réalise qu'il a besoin de fournitures
de services médicaux spécialisés et que cela peut se faire
par l'entremise de l'un ou l'autre des trois mécanismes, l'idéal
étant toujours de dire: On a un poste à temps plein. Venez vous
installer en tant que spécialiste en tel domaine et yous allez demeurer
ici. C'est l'idéal. Quand cela n'est pas possible, il y a les deux
autres façons qui peuvent fournir les services à la population.
Le but ultime de cela, c'est qu'il
y ait des services médicaux spécialisés fournis
à la population.
M. Paradis: Oui, je suis d'accord qu'il y ait des services
médicaux spécialisés fournis à la population, mais
également au meilleur coût possible pour les contribuables. Ce que
je vous pose comme problème, c'est le cas de l'établissement qui
fait des efforts sérieux pour amener un spécialiste à
s'établir chez lui et qui, dans l'intervalle, tant que cette action
n'est pas réalisée, a à faire affaires avec des
équipes de spécialistes qu'on appelle communément des
pools. Il y aurait des menaces qu'on me dit - je n'aime pas utiliser le mot,
mettons-le entre guillements - des "menaces" qui seraient faites que, si on
continue dans ce sens-là ou s'il y en a un qui va s'établir,
comme équipe ou comme pool on n'enverra pas en transit des gens pour
l'assister, pour lui alléger la tâche de façon qu'il puisse
vivre convenablement. Vous êtes dans une situation, comme
président d'une fédération, où vous devez
également défendre le membre qui veut aller s'établir et
vos gens qui forment ce genre de pool et qui tentent de crémer le
gâteau, comme on peut dire.
M. Desjardins: Alors, vous avez... D'abord, c'est probablement
une situation particulière que vous décrivez là.
Deuxièmement, vous avez à définir, dans une situation
comme celle-là, quel est le volume d'activités dans la discipline
en question parce que vous n'avez pas précisé cela non plus. Dans
la discipline spécialisée en question, quel est le volume
d'activités? Ce volume d'activités est-il suffisant pour faire
vivre un, deux, trois, quatre, cinq médecins spécialistes dans
cette discipline? Si c'est possible d'en installer un et, ensuite, d'en
établir un deuxième à côté du premier et que
cela répond au problème, peut-être que c'est cela. Si on en
établit un et que cela fait en sorte que tes itinérants n'ont
plus le volume suffisant d'activités, ils ne viendront plus mais ils
vont venir le remplacer, je présume, quand il va prendre ses vacances,
ses congés de ressourcement, des choses comme cela. Le système
continue, mais d'une autre façon. C'est du dépannage ou de la
suppléance, du remplacement pour les vacances et cela existe
déjà pour plusieurs disciplines.
M. Paradis: Vous maintenez que votre fédération met
la priorité, en ordre, sur: établissement, jumelage et
itinérance?
M. Desjardins: C'est ce que nous avons écrit. C'est ce que
nous avons signé dans nos ententes avec le ministre des Affaires
sociales. C'est ce que nous avons respecté depuis la signature. C'est ce
que nous préconisons. C'est ce avec quoi nous avons beaucoup de
difficultés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
J'aimerais vous poser une question, Dr Desjardins. En page 7, vous
faites état des besoins actuels et prévisibles de la population
en ce qui a trait à la composition de la main-d'oeuvre médicale.
Dans le dernier paragraphe, vous dites: "Si les correctifs
suggérés étaient adoptés à brève
échéance, nombre de tensions qui existent actuellement dans le
système de dispensation des services médicaux
disparaîtraient. " Ma première question, quant à cette
incapacité ou, enfin, estimation qui ne vous apparaît pas juste
des besoins en main-d'oeuvre médicale, est celle-ci: Est-ce que,
à ce moment-là, je dois comprendre que vous vous
référez à la distribution des omnipraticiens et des
spécialistes sur laquelle je ne veux pas revenir parce qu'on sait que je
n'ai pas la réponse et que les uns disent 40 et les autres... ? En tout
cas, peu importe. Si vous vous référez à la main-d'oeuvre
médicale prise dans son ensemble... C'est parce que, dans ce
cas-là, il reste que les statistiques qu'on nous donne, en tout cas, et
qui sont sûrement les mêmes que les vôtres indiquent que,
quant au rapport médecins-population... Je comprends qu'il y ait des
nuances à apporter selon que la population est plus âgée,
etc. Mais, il reste que les pays ou les provinces dont on nous a parlé,
où la main-d'oeuvre médicale est moins élevée
qu'ici, il s'agit, pour le moment encore, en tout cas en ce qui a trait au
Canada - sauf pour quelques provinces où on s'approche et où on
va dépasser la moyenne - d'une population qui est moins, vieille
qu'ailleurs si je fais abstraction, évidemment, de Terre-Neuve et d'une
couple d'autres provinces. Alors, je voudrais savoir exactement si vous faites
référence à la main-d'oeuvre prise dans sa
globalité ou strictement à l'équilibre
spécialistes...
M. Desjardins: Je fais référence à la
fourniture des services médicaux par des médecins
spécialistes et aux effets du contingentement des postes sur la
pénurie des spécialistes pour fournir ces services à la
population.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Du point de vue de
la main-d'oeuvre générale médicale, c'est-à-dire du
ratio population-médecins?
M. Desjardins: Je me rallie à ce que le Dr Richer, en tant
que président de la fédération des omnipraticiens, a
mentionné tantôt: Ils sont - les omnipraticiens - juste sur le
bord d'un surplus. J'ai entendu le ministre ajouter que, d'après lui,
ils étaient déjà en surplus. À ce moment-là,
le problème que cela pose, c'est un double
problème, et nombre d'intervenants ont fait des commentaires sur
les admissions en première année de médecine pour
régler une portion du problème. Ce que nous essayons de
suggérer, c'est le décontingentement pour régler l'autre
portion du problème. Là, on retombe dans - cela a
été mentionné préalablement - peut-être une
philosophie de société, c'est un choix de société.
Nous vivons en Amérique du Nord, nous avons des réflexes de
Nord-Américains par opposition à ce que peut être un
réflexe européen ou asiatique. À ce moment-là, les
arguments qui sont apportés, c'est de dire: Un médecin
spécialiste, cela coûte trop cher; on va lui enlever les actes
qu'il pose et on va donner cela à un omnipraticien parce qu'un
omnipraticîen, cela coûte moins cher, et on va épargner.
Dans une phase deux, on va enlever ces actes à un omnipraticien parce
que cela coûte trop cher; on va les confier à un ou à
plusieurs paramédicaux, cela va coûter encore moins cher.
Éventuellement, si on pousse le raisonnement plus loin, si on
réussissait à empêcher et à prévenir la
maladie, on n'aurait plus besoin de docteurs ni de paramédicaux du tout.
C'est le même raisonnement mais poussé à l'absurde.
Je vous dis, sur une note plus sérieuse, qu'à
l'intérieur de cette discussion sur le choix de société,
qu'il soit nord-américain ou québécois, un des
éléments possibles - ce n'est peut-être pas la
révélation de l'année comme l'ombudsman pour les heures de
gardes - c'est la mise sur pied des équipes multidisciplinaires
où le médecin spécialiste a son rôle de
coordonnateur des activités de l'ensemble des intervenants, dans la
situation X, Y ou Z, Le problème de la médecine, s'il n'y en
avait qu'un seul, c'est un problème d'élaboration d'un
diagnostic, d'élaboration d'un plan de traitement et de la
vérification de ce plan de traitement; c'est seulement cela, la
médecine, ces trois choses. On pourrait ajouter également la
prévention de la maladie comme étant la quatrième chose
dont s'occupe la médecine. Si on met cela de côté pour 30
secondes, les trois éléments importants, c'est de poser le
diagnostic, d'élaborer le plan de traitement et d'en vérifier
l'efficacité. À ce moment-là, il y a des parcelles
à l'intérieur de cette sphère d'activité qui
peuvent être déléguées à un ensemble
d'intervenants différents.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord, je vous remercie. J'ai une dernière question - comme
chargée d'appliquer la discipline, il faut que je me discipline
moi-même - et je vous demanderais une réponse brève.
À la page 23: "Cependant, plus que partout ailleurs en Amérique,
c'est au Québec qu'il semble être le plus difficile de rendre
accessibles à la population les plus récents
bénéfices de la nouvelle technologie médicale. " Ma
question est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous indiquer les études
sur lesquelles vous basez ces affirmations? (22 h 30)
M. Desjardins: Je n'ai pas une étude plus qu'une autre
à vous citer, je pense que c'est d'un commun accord que l'ensemble des
établissements dans le réseau des Affaires sociales
prétend ne pas avoir les équipements nécessaires, que le
renouvellement des équipements est difficile, que l'acquisition de
nouvelles pièces d'équipement est également difficile et
que les budgets affectés à cela sont inférieurs aux
budgets qu'on pourrait espérer, ou dont on pense avoir besoin. Je vous
cite le président du conseil des médecins et dentistes...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une minute, s'il vous
plaît; vous dites "semble", je ne l'avais pas noté. Alors, c'est
peut-être plus une impression à la suite des remarques qui vous
sont faites, des observations que...
M. Desjardins: Non, mais c'est mentionné partout, Mme la
Présidente. Je vous cite le président...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais si je vous pose
la question, ce n'est pas pour mettre en doute votre parole, je veux savoir
quelle est l'ampleur de ce problème. C'est pour cela que je vous
demandais si vous aviez des données plus précises, des
études plus précises. C'est vrai que l'on entend couramment que
les sommes qui ont été investies dans l'équipement ont
diminué pendant des années, etc., et sont encore moindres
qu'elles ne devraient être. C'est parce que vous comparez cela à
l'Amérique et je trouvais que cela commençait à devenir
grave. Est-ce que, par exemple, à Terre-Neuve, on est mieux
équipé? Je ne prendrai pas la province la plus pauvre. Est-ce
qu'en Alberta, en Colombie britannique ou en Saskatchewan on est mieux
équipé qu'au Québec?
M. Desjardins: Je ne suis pas capable de vous répondre
d'une façon précise dans des comparaisons de cet ordre, mais je
peux vous dire que le président du Conseil des médecins et
dentistes de l'hôpital Notre-Dame disait qu'ils ont besoin de 16 000 000
$, que leur budget est de 400 000 $. Je peux vous dire que l'Association des
hôpitaux du Québec, par exemple, a fait certaines
déclarations très récentes sur un besoin, entre autres, de
27 000 000 $ pour les centres hospitaliers. Et, à partir de là,
on s'aperçoit qu'on manque d'équipement de pointe pour pratiquer
comme le restant du Canada et comme le restant de l'Amérique du Nord. Je
ne peux pas vous donner une comparaison exacte avec telle province ou telle
autre. Prenez la radiothérapie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela semblait indiquer
ça. C'est évident que c'est de l'équipement désuet,
tout ça, je le sais fort bien.
M. Desjardins: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, comme
c'était rendu la province où c'était probablement le pire,
c'est pour ça que je m'informais.
M. Desjardins: Prenez le secteur de la radiothérapie. Nous
avons énormément de difficulté à avoir, au
Québec, les appareils nécessaires pour le bon fonctionnement d'un
service ou d'un département de radiothérapie à un point
tel que... Je m'étire un peu, mais je pense avoir raison en vous disant
que l'agrément de la radiothérapie à l'Université
de Montréal vient d'être retiré parce que nous n'avons pas
les équipements appropriés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Je vous remercie. Nous avions convenu que nous arrêtions
à 22 h 30 et il est 22 h 37. Si, d'un commun accord, on veut continuer,
j'accorderais dix minutes de ce côté-ci et dix minutes de l'autre.
Cela vous va? Allez-vous avoir assez de dix minutes, M. le ministre?
M. Chevrette: On va essayer, madame. Si ça ne va pas, nous
demanderons un autre consentement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord.
M. Chevrette: 11 y a quelques commentaires que je voudrais faire
à la suite des échanges qui viennent d'avoir lieu. Tout d'abord,
sur le décalage de 23 ans. Je suis surpris qu'on invoque ça
puisque, en ce qui nous concerne, il s'agit des normes recommandées pour
1981 par le comité national, normes qui remontent à 1975, qui
sont révisées en 1985 par le ministère des Affaires
sociales pour tenir compte, notamment, du vieillissement de la population, de
la diminution de l'activité professionnelle des médecins et de
l'effet qu'auront ces facteurs sur les besoins de médecins
spécialistes en 1990, 1995, 2000 et 2011.
Deuxième commentaire...
M. Desjardins: Est-ce que je peux réagir, M. le ministre?
Je vais vous dire ce que le président de la Conférence des doyens
disait cet après-midi: II doit manquer de communication entre nous parce
que ce dossier de 1985, nous ne l'avons pas vu.
M. Chevrette: La révision s'est faite au
ministère.
Deuxièmement, vous avez parlé d'essai de concertation. Je
ne sais pas si... Vous dites, è un endroit dans votre mémoire:
"Les organismes, les groupements, les associations qui seraient le plus
susceptibles d'enrichir la démarche du ministère des Affaires
sociales et la faire coller à la réalité
québécoise sont exclus du processus. " Ce n'est pas parce qu'il
n'y a pas eu de tentative. Plusieurs se rappelleront 1982-1983, le groupe des
cinq où il y a eu véritablement un essai de concertation, pour
dire que ce n'est pas facile quand on parle d'effectifs de votre
côté par rapport aux omnipraticiens et par rapport aux
universités. Il y a eu des tentatives par le passé.
Quant au ratio 60-40, je ne voudrais pas donner l'impression que cela a
été fait en l'air. Vous êtes revenu à plusieurs
reprises. Je vous rappellerai que cette décision a été
prise notamment en fonction des objectifs de désinstitutionnalisation,
des objectifs de soins à domicile en développant davantage les
centres locaux de santé communautaire et, plus récemment, par la
création de départements de médecine
générale dans les centres hospitaliers de courte durée. Il
y avait donc des motifs très sérieux à l'origine de cette
politique gouvernementale. Il ne faudrait pas donner l'impression et laisser
croire que cela a été fait en l'air, des choix de
société asiatique! Je m'excuse, des CLSC, c'est
québécois pure laine et je peux vous dire qu'il y a des pays qui
seraient très heureux d'en avoir pour intensifier les soins de
première ligne et les soins à domicile.
Également, vous dites dans votre mémoire - ce n'est pas
sorti du tout ce soir - que le décret dit punitif, dans votre langage,
rapporte 600 000 $ par année au gouvernement. Pour votre information,
j'ai fait sortir les chiffres. Pour ce qui est de la FMSQ seule - c'est
au-delà de 6 000 000 $ pour les deux - pour votre information, c'est
déficitaire de 4 300 000 $ de 1982 au 31 décembre 1984. Aussi,
ceci pour ajouter: II y en a qui ont trouvé le moyen, entre vous et moi,
de contourner. Le Dr Richer disait: Des règlements, c'est fait pour
cela. Je regardais des statistiques. Entre vous et moi, on a beau contourner,
mais il ne faut pas avoir l'air fou en contournant. Je vous donne un exemple:
En anesthésie, pour former à peu près 20, 21
étudiants par année, 30 professeurs qui ne sont pas
touchés par le décret punitif et je pourrais vous le donner par
spécialité. Il y a des limites aussi. La responsabilité
ultime du ministère des Affaires sociales et du ministre des Affaires
sociales... Même si vous voyez notre juridiction assez limitée, on
a la responsabilité de l'administration des deniers publics en diable
et, si on voit que cela se contourne trop facilement, il faut serrer la vis,
vous le savez; sinon, c'est tout le
domaine de la santé qui en souffrirait. Je pense que vous seriez
d'accord avec moi là-dessus. J'aurais deux questions.
M. Desjardins: M. le ministre, la responsabilité
limitée, c'est au niveau du contenu pédagogique des unités
d'enseignement, des charges de travail et des heures de gardes.
M. Chevrette: Donc, vous êtes d'accord...
M. Desjardins: Je n'ai jamais mentionné que le ministre
des Affaires sociales avait de petites responsabilités dans la
dispensation des soins sur notre territoire québécois. Je
voudrais corriger cela.
Deuxièmement, si vous me permettez deux autres commentaires,
parce que je n'aurai peut-être pas l'occasion de les faire tous
tantôt, votre statistique, elle est sur les effets financiers du
décret punitif. Votre statistique est globale, elle part du jour 1 du
décret qui se situe en mai 1982 et elle vient jusqu'à
actuellement. Vous avez raison, je ne m'obstinerai pas avec vous sur ces
chiffres. Ce que je dis dans notre mémoire, c'est pour l'année
1984. Il y a une récupération de l'ordre de 600 000 $ de la part
de l'État, compte tenu de l'application et du 70 % et du 120 %.
Ce qu'on prévoit, c'est que, quand on va arriver à une
vitesse de croisière, parce que c'est sûr que le jour 1 cela a
coûté 120 % et cela a rapporté 0... Entre le jour 1 et la
période de croisière qui va se situer à la fin des trois
premières années - après, on va être dans une
vitesse de croisière - on prétend que le chiffre va augmenter.
Nos chiffres sont basés sur les rubans magnétiques fournis par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il pourrait y avoir des
erreurs mais ce ne devrait pas Être des erreurs aussi grossières
que cela.
M. Chevrette: Les spécialistes nous disent que le jour est
très loin, dans votre cas, avant que cela fasse le compte.
Jusqu'à maintenant, je vous avoue que ceux qui m'ont
préparé ces papiers ne se sont pas trop trompés parce
qu'on a négocié et leurs chiffres n'ont jamais été
contestés.
M. Desjardins: Je vous dis que je suis d'accord avec vous et avec
vos experts parce que vous arrivez avec une donnée globale. Moi,
j'enlève la première année. J'espère qu'on n'aura
pas l'occasion d'étudier cette affaire sur une période de neuf
années pour dire: On est en vitesse de croisière, on prend un
bloc de trois ans quelque part. J'ose croire qu'on vous fait la
démonstration que le décret n'est pas utile, qu'il ne sert
à rien puisque le but de ce décret, c'était
d'améliorer la répartition des effectifs médicaux
spécialisés en région désignée et cela n'a
pas marché. Si, en plus de cela, il y a un élément
démoralisant en ce qui a trait aux troupes et que vous arriviez dans une
période de temps donné, peut-être courte, à faire de
l'argent sur le dos des nouveaux médecins, on vous suggère
d'envisager de lever le décret et pour toutes ces raisons et non pas
pour une plus qu'une autre.
L'autre commentaire que je veux faire, c'est que le groupe des cinq, je
crois que c'était quelque chose d'utile pour un échange
d'informations. M. le Président, je veux vous faire remarquer que la
disparition du groupe des cinq, c'est la responsabilité du
ministère des Affaires sociales. À l'occasion d'un certain
changement, nous avons demandé le remplacement puisque nous
n'étions que quatre et nous nous sommes fait répondre que
c'était peut-être mieux de laisser les choses comme telles, de la
part du ministère des Affaires sociales. Donc, ce n'est pas les autres
intervenants qui ne voulaient plus coopérer. J'ose croire que, si on
avait pu continuer, on aurait aujourd'hui une banque de données unique
sur laquelle on réussirait à s'entendre et sur laquelle nous
serions d'accord.
M. Chevrette: J'ai deux questions à poser rapidement. Vous
savez qu'on a parlé aujourd'hui de la centralisation de certaines
spécialités à l'intérieur de centres hospitaliers
universitaires. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette suggestion qui nous
est faite par la FMRIQ. Ma deuxième question est pour, peut-être,
répondre un peu à l'ensemble des commentaires. Les
médecins immigrants, vous savez qu'on a posé la question à
peu près à tous les groupes, on en a 150 sur une liste d'attente
et il y a beaucoup de récriminations de leur part allant du favoritisme
au racisme. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qui a été
échangé, par exemple, avec les universités, de fermer le
robinet et programmer sur une période de temps X leur
intégration? Ou, est-ce que vous êtes d'accord avec une autre
formule, sur laquelle j'aimerais vous entendre? J'aurai un bref commentaire par
la suite.
M. Desjardins: À la première question qui a trait
aux programmes de résidence à l'intérieur des
hôpitaux universitaires, il y a quelque chose comme 41 centres
hospitaliers, actuellement, dits universitaires. De ce nombre il y en a
certains qui ne dispensent que des programmes en médecine
générale et en médecine familiale. On a parlé
aujourd'hui de l'exemple de la Cité de la santé de Laval et de
l'hôpital du Christ-Roi à Verdun. Il y en a d'autres qui
dispensent uniquement d'autres sortes... Par exemple, en pédiatrie,
c'est plus centralisé dans les deux hôpitaux pédiatriques
à Montréal, avec les deux
universités montréalaises. Sur la question de diminuer ou
d'augmenter, les commentaires sont en ce sens que chaque centre hospitalier qui
a une affiliation universitaire devrait avoir ou possède un secteur
d'excellence quelconque qui n'est pas partagé avec d'autres centres
identiques qui ont un autre secteur d'excellence. Le but de la formation du
futur praticien de la médecine, c'est de l'exposer le plus possible
à tous ces secteurs, y compris les variations dans les volumes
d'activités qui peuvent exister à l'intérieur de
différents secteurs. Donc, à ce moment il n'y a pas lieu
d'envisager de dire: On va diminuer ou rétrécir le nombre de
centres hospitaliers affiliés à une Faculté de
médecine.
Par ailleurs, il y a un autre phénomène qui intervient
actuellement et qui est en discussion, pour ne pas dire en processus de
réalisation, c'est la notion du réseau à
l'intérieur des quatre facultés, où les facultés
s'entendent entre elles pour dire: Nous, pour dispenser un programme on va se
servir des secteurs d'excellence d'autres facultés que la nôtre et
à ce moment cela pourrait vouloir dire qu'il n'y aurait qu'un seul
centre hospitalier universitaire dans le domaine de cette
spécialité, dans une seule université, et cela pourrait
vouloir dire qu'il y aurait quatre secteurs d'excellence, un dans chacune des
universités, et que les résidents en formation circuleraient
à l'intérieur des quatre facultés pour être
exposés à ces secteurs d'excellence et au volume
d'activités variables à l'intérieur de chacun d'entre eux.
(22 h 45)
Le problème de couper et de dire: On abolit tel programme et on
rétrécit dans un minimum de centres hospitaliers, c'est qu'il y a
des visites d'agrément de la part de la corporation, de la part du
Collège royal, de la part de l'Association des hôpitaux qui
disent: Ce centre hospitalier, il est agréé pour telle chose,
telle chose, telle chose. Si on décide d'abolir cela dans
l'éventualité où l'on voudrait restructurer le contenu
pédagogique, le plan pédagogique, c'est une très grosse
situation et c'est tellement une grosse situation que probablement cela ne se
fera jamais. Il faudrait alors plus se diriger vers des programmes
réseau, si c'est nécessaire et utile, que d'envisager d'abolir
des centres universitaires affiliés qui existent dans le moment.
Sur la deuxième question que vous me posez, c'est évident
que la Fédération des médecins spécialistes du
Québec appuiera la position adoptée par les universités
cet après-midi. Vous ne pouvez pas, M. le ministre, avoir quatre
Facultés de médecine contingentées au Québec et
avoir une cinquième Faculté de médecine non
contingentée, qui s'appelle le restant de' la planète terre, et
d'admettre au Québec sans aucun contingentement qui voudra bien se
présenter ici, alors que vous établissez des normes qu'on a
qualifiées d'extrêmement rigides, trop rigides, et qu'on vous
demande de changer sur le contingentement tant en admission de première
année qu'en admission dans les programmes de spécialité.
Sur le plan de la première étape qui est primordiale, sans
laquelle les autres sont vouées à l'échec et ne sont pas
utiles, vous devez, avec vos différents collègues du
ministère de l'Immigration, où que cela puisse se passer et que
je ne connaisse pas, vous assurer que nous n'aurons pas dans le futur cette
cinquième faculté complètement
décontingentée.
Une autre raison pour envisager de procéder dans ce sens, vous
savez, il y a eu plusieurs écrits canadiens, dont un d'un ancien doyen
de la Faculté de médecine de l'Université McGill selon
lequel nous aurions au Canada un surplus de facultés de médecine
et que nous devrions envisager de fermer certaines Facultés de
médecine. C'est une décision qui est, sur le plan politique,
énorme, mais, avant d'en arriver à cela, vous avez probablement
bien raison d'écouter ce que les universités ont pu dire cet
après-midi et d'envisager un arrêt total au niveau de
l'immigration.
Cela voudrait dire que nous aurions ici - j'ai entendu des chiffres de
l'ordre de 100, 150, 200 - en tout cas, c'est un ordre de grandeur - des
médecins qui devraient obtenir des postes en vue de se qualifier pour
pratiquer la médecine au Québec. La solution qui a
été suggérée il y a quelques années par les
universités et qui se sont dites prêtes à la
suggérer de nouveau, nous endossons cette suggestion d'ouvrir les postes
nécessaires; les universités se chargeront de l'accueil de ces
médecins. La valve étant fermée, le problème ne
sera pas répétitif et ceux qui seront ici se verront, dans la
mesure de leurs capacités, octroyer le permis de pratique pour la
fourniture des services médicaux au Québec.
M. Chevrette: Je vous remercie. J'aurais plusieurs autres sujets,
mais je m'aperçois qu'on a peut-être abusé du temps; je
m'excuse, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre mémoire et
j'ose espérer qu'on aura l'occasion de reprendre certains sujets et de
les approfondir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Voulez-vous dire un mot, M. le député de
Brome-Missisquoi?
M. Paradis: Je remercie la Fédération des
médecins spécialistes du Québec de son mémoire. Je
retiens parmi les suggestions celle qui est contenue à la page 10 de
votre mémoire sous la rubrique: "Qui doit planifier". "Il va sans dire
que l'élaboration
de tout projet de planification demeure un exercice académique et
inutile tant qu'il n'est pas mis en oeuvre. "La meilleure façon de
s1 assurer de l'acceptation de tels plans par toutes les parties
concernées est de les impliquer, dès le départ, dans le
processus de planification. "
Vous mentionnez neuf intervenants dont le ministre des Affaires
sociales, le ministre de l'Éducation ou le ministre de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie, depuis le partage des
fonctions, le Conseil du trésor, la Conférence des recteurs et
principaux des universités du Québec, le Conseil des doyens, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens
du Québec et la Fédération des médecins
spécialistes du Québec. Peut-être y aura-t-il lieu
d'ajouter ceux pour qui on fait tout cela ou celui qui les représente,
le Comité provincial des malades, que dirige M. Brunet, dans une telle
planification.
M. Desjardins: M. le député, la dernière
fois qu'on a suggéré cela, on a fait rire de nous.
M. Paradis: Bah! Que ceux qui ont à rire rient.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais simplement
vous remercier et ajouter que le rapport sur les effectifs médicaux en
cardiologie est reçu comme une annexe au mémoire de la
Fédération des médecins spécialistes et qu'il sera
versé aux archives dans le même sens. Personnellement, j'en ai
pris connaissance. Vous y faites un exposé du problème de la
pénurie des cardiologues et de l'augmentation des troubles cardiaques
avec le vieillissement de la population. Je suis convaincue que le
ministère des Affaires sociales saura en tenir compte et je vous en
remercie.
Merci, Dr Desjardins; merci à tous vos collègues. Nous
ajournons nos travaux jusqu'à mercredi, 10 heures, en rappelant aux
membres de la commission des affaires sociales qu'il y aura une séance
de travail à 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 52)