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(Dix heures sept minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales commence sa deuxième session
de consultation qui a comme mandat principal d'examiner les horaires de gardes
supplémentaires effectuées par les médecins
résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement
clinique et également la planification de la main-d'oeuvre
médicale et la surveillance dans les urgences.
Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M.
Blouin (Rousseau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M.
Gravel (Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M.
Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Leduc (Fabre), M. Middlemiss (Pontiac), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Paré (Shefford), M. Pratt (Marie-Victorin), M. Sirros (Laurier). Il y a
des remplacements: M. Bissonnet (Jeanne-Mance) est remplacé par Mme
Dougherty (Jacques-Cartier) et M. Sirros (Laurier) est remplacé par M.
French (Westmount).
Pour commencer, nous allons entendre ce matin l'Association des
hôpitaux du Québec, l'Association des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens du Québec et la Corporation
professionnelle des médecins du Québec.
Je voudrais simplement avertir mes collègues qui n'étaient
pas ici hier que cet après-midi nous siégerons, après les
affaires courantes, sans arrêt jusqu'à 20 heures au moins.
Pardon?
M. French: C'est arrangé?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah, oui, tout cela est
réglé.
D'abord, je veux souhaiter la bienvenue - ce sont des habitués
des commissions parlementaires - è l'Association des hôpitaux du
Québec. Je vais demander au Dr Roy de présenter ses
collègues et, ensuite, de procéder à la
présentation du mémoire, pour laquelle présentation 20
minutes vous sont allouées. Par la suite, les intervenants de chaque
côté auront 20 minutes chacun pour les questions, chacun ne devant
pas excéder 10 minutes à la fois. Comme il n'y aura pas beaucoup
de fois, ce sera peut-être simplement dix minutes. M. le
président.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, M. le ministre
des Affaires sociales, mesdames, messieurs les députés,
permettez-moi d'abord de présenter les membres de l'association.
À mon extrême droite, le Dr Roger Maltais, directeur des services
professionnels à l'hôpital Notre-Dame de Montréal; M.
Pierre Larouche, directeur général du Centre de santé
Sainte-Famille et membre du conseil d'administration de l'AHQ, et M. Normand
Simoneau, directeur général du Centre hospitalier universitaire
de Sherbrooke et membre de l'exécutif du conseil d'administration de
l'AHQ. Â mon extrême gauche, M. Robert Beaulieu, directeur
général du Centre hospitalier de Matane et membre de
l'exécutif du conseil d'administration de l'AHQ, et le Dr Gilles
Lagacé, directeur à la direction de l'Organisation des services
de santé de l'AHQ.
Notre mémoire vous a été envoyé et a
été déposé. Nous considérons qu'il doit
faire partie des minutes de votre commission parce que, aujourd'hui, nous
n'allons faire qu'un résumé de ce mémoire.
Quelques mots d'abord pour vous remercier de l'invitation qui vous a
été spécifiquement transmise de vous rencontrer afin de
vous faire connaître le point de vue de nos membres sur les diverses
questions faisant l'objet de ces séances particulières.
Soulignons notre intérêt. Notre association regroupe en
effet tous les centres hospitaliers du Québec qui se sont vu confier par
l'État le soin de distribuer aux 6 000 000 de Québécois
une variété de services de santé et qui accueillent en
leurs murs une large partie de la main-d'oeuvre médicale du
Québec.
Comme nous avons eu aussi l'occasion de le faire connaître
à plusieurs reprises, ce sont précisément ces centres
hospitaliers et les Québécois qu'ils desservent qui subissent les
contrecoups d'une absence de politique en matière de planification de la
main-d'oeuvre médicale.
L'initiative du gouvernement et du ministre des Affaires sociales ne
peut donc qu'être bien accueillie. D'autre part, il nous faut de plus
mentionner que nous regroupons
aussi tous les centres hospitaliers du Québec à qui il est
reconnu une mission d'enseignement universitaire de la médecine.
Horaires de gardes et, unités d'enseignement clinique. La garde
en centre hospitalier universitaire. Rappelons d'abord que depuis de nombreuses
années l'Association des hôpitaux du Québec a
été impliquée d'une façon ou d'une autre dans les
négociations collectives ayant eu cours avec la Fédération
des médecins internes et résidents du Québec, les centres
hospitaliers se voyant accolés, pour les besoins de la cause, le titre
d'employeur.
Ces négociations ont en effet toujours revêtu un
caractère particulier de par la nature même de la situation, les
résidents et internes étant avant tout des étudiants. Ce
phénomène particulier fait aussi que nombre de distinctions
doivent souvent, être faites entre ce qui revêt un caractère
pédagogique et ce qui est du domaine du service. La question de la garde
comporte donc deux volets. Bien qu'il ne nous revienne pas de statuer sur les
aspects pédagogiques, notre compréhension des choses est que les
obligations de garde découlant des ententes en cours rencontrent
généralement les vues des facultés de médecine.
À moins donc que, de façon particulière, les
universités fassent connaître ou prévoient d'autres
dispositions ou impératifs, les centres hospitaliers que nous
représentons ne voient pas la nécessité d'aller
au-delà de ces exigences.
C'est aussi le cas, en principe, en ce qui concerne les gardes
reliées au service. De l'avis des centres hospitaliers d'enseignement,
les effectifs médicaux y ayant des privilèges sont
généralement en nombre adéquat pour assurer une couverture
continue.
Ces choses étant énoncées, nous ne sommes pas non
plus sans ignorer la longue tradition prévalant, qui fait en sorte que
l'interne et le résident ont compensé l'apport de leurs
maîtres en assumant une présence lors des gardes. Faut-il encore
là nuancer et souligner la nécessité de maintenir dans
l'établissement et en tout temps la présence d'un médecin
ayant statut et privilèges. La qualité du service le
commande.
L'ensemble de ces pratiques, quant à la garde, se comprennent
quoique mises en cause, et nous vivons une période d'ajustement face aux
demandes pressantes d'une augmentation de la qualité de vie de ceux qui
pratiquent ou étudient la médecine.
Comment en arriver à une situation satisfaisante? Il nous
apparaît douteux que l'on puisse apporter une solution définitive
aujourd'hui. Toutefois, telle nous semble être la vraie question. Elle
trouvera probablement sa réponse dans un cadre différent, soit
celui de la négociation. (10 h 15)
Les unités d'enseignement clinique. Le Collège royal des
médecins et chirurgiens du Canada, dans un guide documentaire
publié en décembre 1982, suggère les principaux
paramètres devant présider à l'établissement des
unités d'enseignement clinique. Ceux-ci reconnaissent les points de vue
des hôpitaux d'enseignement et, à notre connaissance, ceux de la
Corporation des médecins du Québec. Les hôpitaux y ont
d'ailleurs tous souscrits dans la mesure de leurs moyens et selon les exigences
des contrats d'affiliation les liant aux universités et aux
facultés de médecine. Il appartient à celles-ci de
déterminer et de faire connaître leurs propres exigences aux
établissements avec lesquels elles se lient et même de
décider si une unité satisfait à leurs conditions.
Référant à une certaine conception de la formation
médicale, des exigences particulières peuvent être mises de
l'avant. D'autre part, il faut bien comprendre que la réalité de
chaque hôpital peut largement affecter toute vision théorique des
choses, toute idéale soit-elle et bien intentionnée.
Avec près de 20 %, et quelque fois plus, de leurs lits
consacrés aux malades chroniques ou de soins prolongés, les
centres hospitaliers d'enseignement universitaire ne peuvent pas toujours
offrir aux internes et résidents l'éventail de tous les cas
pouvant présenter l'intérêt clinique désiré.
Les contraintes financières affectant le personnel et la
disponibilité des lits sont autant de facteurs additionnels avec
lesquels il faut composer. La réalité des divers
aménagements physiques, l'ampleur relative des départements et
services cliniques et des spécialités qu'ils englobent sont aussi
d'autres éléments limitatifs. Voilà pourquoi la
réalité actuelle, au chapitre de l'organisation des unités
d'enseignement, prend autant de formes.
Planification de la main-d'oeuvre médicale. Permettez-nous
maintenant, Mme la Présidente, d'aborder la question de la planification
et de la main-d'oeuvre médicale. Notre message sur ce sujet comporte
deux points majeurs. D'abord, nous vous ferons part de notre réflexion
sur les objectifs que devrait viser une véritable politique de
planification de la main-d'oeuvre médicale et sur la démarche
nécessaire pour y arriver.
Ensuite, nous aborderons une situation très concrète et
malheureusement dramatique, soit celle de la pénurie d'effectifs
médicaux au niveau des établissements des régions
périphériques.
Sachez d'abord que nous sommes extrêmement satisfaits d'assister
à la manifestation d'une volonté gouvernementale d'enfin doter le
Québec de l'outil essentiel que constituera une telle politique.
Les objectifs. Cette planification devra d'abord reposer sur un objectif
clair quant au
niveau visé de fourniture de soins à la population. La
méthode de détermination de cet objectif de soins et de services
devra aller au-delà des ratios couramment utilisés et tenir
très largement compte des besoins identifiés dans le milieu ainsi
que de l'évolution des besoins et des modes de pratique
médicale.
Au-delà de cette analyse, il demeure évident que
l'État devra faire des choix entre ce qui est souhaitable en termes de
quantité d'effectifs et ce qui est économiquement
réalisable.
Cet outil de planification devra aussi être spécifique
quant aux types d'effectifs requis. Ainsi, il devra préciser les
effectifs requis selon les spécialités, en tenant compte des
pénuries dans certaines d'entre elles, notamment l'anesthésie et
la psychiatrie, et de leur répartition très inégale sur le
territoire.
Toujours à ce niveau, la planification devra aussi définir
ces types d'effectifs selon les divers contextes de pratique au Québec,
que ce soit en milieu urbain et universitaire ou en région
périphérique. D'autre part, la planification de la main-d'oeuvre
doit aussi se soucier de l'intégration des médecins immigrants.
D'abord, il faut reconnaître le fait que la réalisation des
objectifs de l'enseignement peut requérir l'apport de
spécialistes étrangers dans des domaines de pointe. Cet apport
doit être rendu plus facilement possible. Quant aux médecins
immigrants arrivés d'eux-mêmes au Québec, tout en tenant
compte de la dimension humaine du problème, il faudrait vraiment
considérer qu'après avoir reçu les compléments de
formation requis, ils puissent jouer un rôle actif et correspondant
à nos besoins au niveau de la pratique active, particulièrement
au niveau des régions périphériques.
D'autre part, il ne serait être question de voir en cela un moyen
à long terme de satisfaire aux besoins de ces régions. Enfin, une
politique de planification de la main-d'oeuvre médicale devra se faire
une priorité d'assurer une répartition équitable de ces
ressources sur le territoire du Québec.
La répartition des effectifs. Cet objectif de répartition
équitable des ressources concerne au plus haut point le fonctionnement
des centres hospitaliers et, à ce titre, permettez-nous de
préciser nos vues sur ce sujet. Rappelons d'abord qu'il y a presque
exactement un an, l'Association des hôpitaux du Québec
déplorait l'inaction dans ce domaine et réclamait du ministre une
action énergique à court terme. Notre demande comportait deux
mesures urgentes de base: exiger des plans d'effectifs médicaux ayant
une portée territoriale et geler par spécialités des
effectifs médicaux admissibles au régime de l'assurance-maladie
dans des régions excédentaires.
Idéalistes et croyant que nous n'étions pas les seuls
à en faire une urgence, nous espérions une action pour le 1er
juillet 1984. L'action ferme attendue s'est transformée en mesure
palliative et incitative. En désespoir de cause, nous y avions
d'ailleurs consenti, le gouvernement et les fédérations ayant
laissé entendre avoir la solution en poche, nous avions toutefois promis
de nous faire réentendre dans un an pour exiger des comptes. Le
résultat, un an après, est que la situation s'aggrave au Heu de
s'améliorer. Comme exemple de ce constat d'échec, selon nos
informations, les régions de l'Outaouais, de
l'Abitibi-Témiscamingue et de la Gaspésie ont moins de ressources
médicales maintenant qu'elles n'en avaient. La commission comprendra,
nous l'espérons, l'urgence de la situation, particulièrement au
niveau de nos besoins en spécialistes.
Le problème est donc constant. Ainsi faute de n'avoir pu agir, ou
plus simplement de n'avoir pas agi au niveau des causes mêmes du
problème, les écarts entre les régions bien pourvues et
les régions en pénurie s'accentuent plutôt que de se
résorber. Les régions périphériques n'arrivent
même pas à retenir les quelques médecins de passage qui
viennent soulager temporairement leur déficit chronique.
Un sondage récent de l'Association des hôpitaux du
Québec auprès de ses membres faisait ressortir un besoin net de
332 médecins additionnels pour les seules régions de la
Côte-Nord, de l'Abitibi-Témiscamingue et du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. De ce nombre, 136 omnipraticiens et 33
psychiatres étaient requis.
De plus, ce même sondage faisait ressortir une facette du
problème qui passe souvent inaperçue, soit celle des
écarts entre établissements ou sous-régions de
régions théoriquement bien pourvues. Ainsi, pour les secteurs des
régions intermédiaires du Saguenay--Lac-Saint-Jean, de
Trois-Rivières, de Laurentides-Lanaudière, de la
Montérégie et de l'Outaouais, il y a un manque de 530
médecins, dont 113 omnipraticiens.
Ces besoins, ce sont les établissements de santé qui sont
les mieux placés pour les poser; ils vivent les problèmes dans
leur fonctionnement et ils connaissent bien les particularités propres
à leur situation. Ils devront donc être au premier plan lors de la
mise en place de solutions.
Limites des mesures palliatives. Sommairement, les mesures palliatives
mises en place jusqu'à maintenant ont toutes en commun d'inciter, de
pallier des situations, de faciliter, mais aucune d'elles n'agit clairement
à fond, au coeur du problème.
Ainsi, les incitatifs financiers et leur contrepartie, les mesures de
désincitation à la pratique en milieu urbain, n'ont pas eu les
effets magiques escomptés. Lorsqu'elles ne sont pas carrément
contournées, elles
peuvent agir comme "faciliteur", mais sans plus.
Les incitatifs financiers ont sûrement une certaine
utilité, mais agir par cette seule voie conduirait vite à une
surenchère inacceptable.
Des mesures comme le jumelage des ressources et l'itinérance, si
elles permettent de procurer des services ponctuels, ne sont en rien une
réponse aux besoins de ressources permanentes sur place. De plus, elles
ont en commun d'accentuer la dépendance des régions
périphériques à l'égard des centres urbains. Quant
à l'itinérance en particulier, lorsque cette mesure commence
à s'ériger en système permanent, par-dessus et
malgré le système officiel de dispensation des soins, et quand ce
système devient, pour les distributeurs de soins urbains, un moyen
avantageux d'étendre leur clientèle tout en compensant pour les
tarifs réduits en régions favorisées, on peut se demander
qui profite de cette mesure palliative.
Il faut bien se comprendre: les régions
périphériques ne veulent pas devenir des succursales des
entreprises urbaines de distribution de soins. La qualité et la
continuité des soins exigent que ces régions aient des ressources
permanentes sur place qui participent à la vie des établissements
et qui s'intègrent aux communautés desservies.
À ces mesures s'ajoutent des efforts de promotion et de
recrutement effectués par les établissements ou regroupements
d'établissements des régions périphériques.
Malgré leurs efforts, on comprendra la difficulté pour eux de
convaincre les candidats dans le contexte actuel.
Enfin, l'élaboration des plans d'effectifs médicaux
apparaît beaucoup plus prometteuse. Cependant, le fait qu'elle puisse
être utilisée comme outil de gestion plus directe des effectifs
explique sans doute ses résultats décevants.
Que faut-il retenir des quelques mesures qui viennent d'être
énumérées? En termes d'efficacité d'abord, elles
semblent toutes avoir en commun, soit à cause de leur caractère
palliatif ou à cause de la façon dont elles sont
appliquées ou contournées, d'être des tentatives
accessoires qui, à la limite, permettent à peine de minimiser le
problème d'effectifs permanents sur place et d'empêcher que
n'éclatent plus souvent des crises nécessitant l'intervention du
ministre.
On se rend bien compte, à la lumière de
l'expérience acquise, que le problème est profond. Le
régime de santé reconnaît toujours fondamentalement le
libre choix du lieu de pratique par le médecin et plusieurs facteurs,
autant au niveau de sa formation initiale, de sa vie professionnelle que de sa
vie sociale l'incitent à choisir la pratique en milieu urbain. La
politique de la planification de la main-d'oeuvre médicale doit briser
ce cercle vicieux et cesser d'agir seulement au niveau des facteurs
secondaires.
Les solutions minimales. Nous proposons trois moyens qui nous semblent
essentiels dans le cadre de cette politique. À l'intérieur de ces
moyens, certaines actions devraient être posées à
très court terme. Le premier moyen est le maintien des mesures
incitatives jusqu'à leur réévaluation et leur
décentralisation. La mise en place de la planification de la
main-d'oeuvre médicale devra, pour les régions
éloignées, permettre une implication maximale des
représentants des établissements visés. Ces
établissements devront, à court terme, avoir clairement une plus
grande marge de manoeuvre financière et opérationnelle aux fins
de recrutement de médecins et de retention de ceux qu'ils ont
recrutés ou qui oeuvrent en pratique privée sur leur
territoire.
De même, comme les établissements de ces régions ont
fait leurs plans d'effectifs médicaux, ils pourraient gérer
eux-mêmes un budget de carence proportionnel à l'écart
entre les ressources qu'on leur reconnaît comme nécessaires et
celles dont ils disposent. Ce budget permettrait d'acheter des services
essentiels, d'autoriser des vacations et de rentabiliser au maximum la gestion
des mesures incitatives.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous pourriez
accélérer un peu parce que vous avez déjà
dépassé un peu vos vingt minutes.
M. Roy (Gérard): D'accord. Si ces établissements
ont pu gérer la crise aussi longtemps et dans de telles conditions, il
leur revient d'en gérer au moins partiellement les solutions.
Notre deuxième proposition concerne la formation. Bien que
certaines mesures gravitant autour de la formation aient été
prises, il nous semble essentiel de questionner cette fois le contenu et le
cadre général de la formation. Même avec l'ajout
éventuel d'une année additionnelle de formation et en
espérant qu'on puisse profiter de cette année pour mieux
préparer les médecins à un cadre de pratique correspondant
à celui des régions périphériques, il demeure
nécessaire de cultiver, dès le début de la formation,
l'idée qu'il est possible de pratiquer une médecine de
qualité et qui soit valorisante en régions
périphériques. Les universités et les centres cliniques
d'enseignement ne doivent pas se limiter à former leur propre
relève. S'il est impossible d'y arriver dans le cadre actuel, c'est
peut-être ce cadre qu'il faudrait examiner. (10 h 30)
Notre dernière proposition concerne les plans d'effectifs. Parmi
les moyens mis en place, l'élaboration et la mise en application
des plans d'effectifs médicaux constituent sans contredit le
moyen le plus direct, à condition qu'ils soient élaborés,
approuvés de façon objective, et surtout appliqués.
Il demeure évident qu'un tel exercice doit reposer sur une
volonté politique et une implication très active et directe du
ministère, cela afin d'assurer que tous ceux qui doivent préparer
et évaluer ces plans d'effectifs le fassent, et cela à l'aide de
règles comparables.
De plus, pour traduire une vision complète des besoins, ces plans
devraient, au niveau régional du moins, inclure aussi les ressources des
autres types d'établissements et de celles qui oeuvrent en pratique
privée. Des plans d'effectifs territoriaux nous apparaissent en effet
comme des prérequis à toute gestion efficace de ces
ressources.
A la suite de leur élaboration, c'est au ministère qu'il
appartiendra de les utiliser de façon très coercitive, au besoin.
Nous insistons cependant pour réclamer que les mesures qui
découleront de ces plans d'effectifs aient la vigueur et le pouvoir de
contrainte suffisants pour donner des résultats. Qu'il s'agisse du gel
des effectifs par spécialité dans les régions bien
pourvues, de mesures liées à l'affiliation d'un nouveau
médecin au régime d'assurance-maladie ou de mesures
prévoyant et rendant possible la gestion d'une masse limite d'effectifs
ou de postes par région, les moyens choisis devront être
suffisamment clairs et directs pour éviter toute
récupération ou tout détournement. Si cette orientation
est retenue par le ministère, le problème des effectifs
médicaux devrait être ainsi réglé à moyen
terme. Si l'on continue de se reposer uniquement sur des palliatifs, nous nous
reverrons très régulièrement en commission
parlementaire.
Nous voudrions, pour conclure, revenir sur certains messages
particuliers. Tout d'abord, il importe de retenir, en regard des
problèmes reliés aux conditions de vie et d'apprentissage de nos
internes et résidents, qu'ils traduisent les importants bouleversements
qui s'enclenchent depuis quelques années en matière de pratique
médicale.
La transition, quoique pressante, nécessitera quand même un
peu de temps. Patrons et étudiants devront accepter certains compromis
en ayant soin de toujours placer comme balises la continuité et la
qualité des services à être rendus à la population.
Cette dernière remarque n'a pas été posée dans le
but d'atténuer la transformation en cours, loin de là. Cet appel
à la reconnaissance des droits des bénéficiaires commande
l'action énergique que le gouvernement doit entreprendre en
matière de planification de la main-d'oeuvre médicale et, en
particulier, quant à sa répartition sur le territoire. Un an
après la table de concertation formée par le
prédécesseur de l'actuel ministre des Affaires sociales, la
situation vécue est généralement pire.
Il est impératif que le gouvernement agisse et que, par la voie
des plans d'effectifs médicaux, il assure lui-même l'atteinte de
l'objectif. Cette volonté politique doit être à la mesure
même de la gravité des situations. D'autre part, la planification
de la main-d'oeuvre, sa répartition sur le territoire, les plans
d'effectifs médicaux ne devraient pas être objets de
négociation.
Tout en excluant de la négociation certaines questions affectant
le droit des citoyens aux services médicaux, le législateur
devrait reconnaître la nécessité de déplacer les
positions actuellement occupées par le gouvernement et les centres
hospitaliers en matière de négociation avec les professionnels de
la santé. Il ne peut être raisonnable de rendre les hôpitaux
responsables de leurs dépenses, de la dispensation des services à
la population et de l'atteinte d'objectifs de santé sans qu'ils n'aient
de voix déterminante en regard de leur main-d'oeuvre médicale ou
autre.
Mme la Présidente, telles sont les principales observations que
nous voulions porter à l'attention de la commission. Les hôpitaux
du Québec souhaitent ardemment être associés aux lendemains
de vos travaux et leur coopération vous est acquise. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. M. le
ministre des Affaires sociales.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais tout
d'abord remercier l'AHQ de ses commentaires sur les deux questions qu'on lui
avait posées.
J'ai quelques questions. Tout d'abord, sur la garde à l'urgence,
j'ai bien compris que vous vous déclarez complètement en faveur
de cette obligation qui est donnée aux centres hospitaliers, l'aimerais,
d'autre part, que vous commentiez la nouvelle d'hier soir - j'ai eu la chance
de m'échapper à temps pour prendre les nouvelles
régionales de Québec. On disait que des hôpitaux sont
récalcitrants et que la corporation des médecins interviendra.
Considérez-vous que c'est une obligation ferme de la part des centres
hospitaliers de se conformer en particulier aux gardes de nuit?
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, quant à
la garde à l'urgence, l'Association des hôpitaux du Québec
est nettement en faveur que, dans les urgences, il y ait de façon
continuelle un médecin ayant droit de pratique et d'exercice à
l'hôpital de façon permanente. C'est une chose dont on a
discuté à maintes et maintes reprises. Si on
exige dans les hôpitaux régionaux de 125 lits un
médecin, à plus forte raison dans les hôpitaux de plus
grande envergure.
M. Chevrette: Si j'ai toujours bien compris les nouvelles hier
soir, il y en avait, dans la région 03, Québec, trois sur un
total de quinze ou onze hôpitaux au niveau national. Quelles sont les
démarches que l'AHQ fait pour assurer que ces centres hospitaliers se
conforment à ces directives ou à ces normes?
M. Roy (Gérard): Disons que l'AHQ, dans ce
contexte-là, ne peut que faire des recommandations très fermes.
Elle n'a pas d'autorité directe sur les établissements, mais on
peut faire des recommandations aux établissements de respecter ces
exigences et tenter de les persuader avec la collaboration de la corporation
des médecins du Québec, et peut-être aussi des
fédérations de médecins, parce que, évidemment, ce
ne sont pas les hôpitaux qui font la garde, ce sont les médecins
qui assurent la garde. Je pense qu'il faut absolument leur collaboration.
M. Chevrette: En ce qui regarde la négociation, je dois
vous donner raison sur la façon dont cela s'est déroulé.
Effectivement, la négociation avec la FMRIQ a exclu, à toutes
fins utiles, les centres hospitaliers de cette négociation et je dois
vous dire que ce n'est pas le régime le plus correct que j'ai vu en ce
sens qu'il y a une foule d'intervenants, y compris les universités, dans
le fond: les centres hospitaliers, le ministère et on se retrouve
à une table de négociation où le ministère doit
supporter toute la pression de la négociation alors que cela pourrait
très bien être partagé avec les centres hospitaliers et les
universités, soit dit en passant, ce qui pourrait être moins
lourd. D'autant plus qu'il y a une aberration dans ce système, à
savoir que, sans avoir l'autorité directe sur les résidents ou
les internes, il n'en demeure pas moins que, pour les horaires de travail, il y
a sûrement une concertation entre le DSP et le professeur ou le
superviseur. Comment verriez-vous votre rôle à cette table de
négociation si, éventuellement, on devait vous faire place?
M. Roy (Gérard): L'AHQ, à cette table de
négociations... Évidemment, les résidents et internes
travaillent dans nos établissements. Il y a une foule d'actes qu'ils
posent qui ont des répercussions sur le fonctionnement de
l'établissement. Alors, nous voudrions, à cette table, être
partenaires pour discuter avec le ministère et les universités de
toutes les conditions de travail de ces résidents et internes. Il est
évident que le quantum salarial est toujours déterminé par
le Conseil du trésor ou le ministère des Affaires sociales, mais
les autres conditions, en ce qui regarde particulièrement les horaires
de travail, cela doit regarder les établissements, puisqu'ils
travaillent dans nos milieux et qu'on a la responsabilité de maintenir
les services et de faire de l'enseignement.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez un rôle à jouer
pour le respect des gardes 1-4, 1-3 ou si c'est vraiment le superviseur qui a
la responsabilité de respecter cette clause du contrat collectif que
nous avons signé avec les résidents et internes?
M. Roy (Gérard): En dernier ressort, nous avons cette
responsabilité, mais il faut tenir compte des gens qui travaillent avec
nous, soit les médecins et les enseignants. Il est sûr que nous
pouvons user de persuasion et de discussion avec les autres intervenants.
D'ailleurs, sur ce sujet, on se demande s'il n'y a pas exagération du
problème parce qu'on a fait un tour d'horizon dans tous les secteurs
universitaires et cela ne se répète qu'à quelques
unités près, quelques cas près. On faisait le tour hier
soir et on se disait, par exemple: Dans plusieurs universités, il n'y a
pas de problème et dans plusieurs hôpitaux il n'y en a pas. Il y a
quelques cas et peut-être sporadiques. Souvent, les internes et
résidents sont consentants à cause de leur enseignement.
Je pense que dans ce contexte nous sommes d'accord avec votre ombudsman
que vous avez mentionné et nous pourrions comptabiliser les cas qui
existent. Étant donné le petit nombre de cas, nous pourrions
trouver une solution ad hoc et ne pas en faire un problème majeur.
M. Chevrette: M. Roy, vous venez d'affirmer qu'en ce qui a trait
à la négociation avec la FMRIQ vous avez un rôle à
jouer et que vous entendez le jouer au niveau de la négociation des
gardes, etc. Comment pouvez-vous concilier cela avec votre première
réponse que vous m'avez donnée selon laquelle vous dites ne pas
avoir de responsabilité quant aux surveillants de ces mêmes types
pour lesquels vous voulez négocier?
M. Roy (Gérard): Voulez-vous répéter votre
question, s'il vous plaît?
M. Chevrette: Je vais reprendre ma question. À une
première question tantôt, vous avez dit: Nous sommes prêts
à appuyer la corporation des médecins parce que, dans le fond, on
n'a pas de responsabilité, on n'a pas d'autorité, sauf une
certaine autorité morale. Dans le cas des résidents et internes,
vous dites: On veut négocier avec le gouvernement. C'est anormal qu'on
ne soit pas à la table pour négocier parce que, après
tout, ils travaillent sous notre gouverne et
on a autorité. Vous avez une autorité pour les
résidents et internes et vous dites ne pas en avoir pour ceux qui les
surveillent et qui jugent les résidents et internes. J'aimerais que vous
conciliez cela.
M. Roy (Gérard): Les résidents et internes sont des
salariés qui sont payés par la Régie de
l'assurance-maladie. mais par une facture que l'hôpital présente
à la régie. Tandis que les médecins ou les enseignants, ce
sont des entrepreneurs indépendants qui travaillent dans l'hôpital
et qui viennent travailler sur des privilèges. Nous n'avons pas toute
l'autorité sur eux; c'est une autorité qui est partagée
avec le Conseil des médecins et dentistes et l'université. Les
lois qui nous régissent actuellement font que l'autorité qu'on a
sur les médecins n'est pas une autorité hiérarchique comme
celle qu'on a sur les internes et résidents. Peut-être que le Dr
Lagacé aurait quelque chose à ajouter.
M. Lagacé (Gilles): Je pense qu'il s'agit de deux niveaux
différents de problèmes. Lorsque le Dr Roy disait tout à
l'heure qu'on n'avait pas de pouvoir coercitif à l'endroit de nos
membres, on se référait spécialement au fait d'obliger un
centre hospitalier à avoir un médecin sur place pour superviser
les internes. C'est là pour nous une exigence de type pédagogique
à laquelle on souscrit comme établissement, de par nos
responsabilités d'établissement de fournir des services, mais,
par contre, il s'agit là de stages qui doivent être
agréés et reconnus comme pouvant être agréés
par la corporation professionnelle. Notre position est de dire que, si les
stages ne satisfont pas aux conditions, ils ne doivent pas être
agréés et on va vivre avec cela comme association.
D'un autre côté, on profite de l'occasion pour vous dire
que, comme association, on est fondamentalement convaincu que tout
hôpital administrant ou disant administrer une salle d'urgence devrait
avoir un médecin en permanence, sur place, dans cet hôpital, pour
fournir les services. (10 h 45)
M. Chevrette: Donc, j'interprète vos propos de la
façon suivante. Vous me direz si je les interprète bien.
J'interprète que tous les centres hospitaliers devraient respecter la
surveillance des résidents et internes, quelle que soit l'heure du jour,
en particulier la nuit et s'il y en a qui ne le font pas, ils ne sont pas
corrects. Comme conseil d'administration, vous avez la même
responsabilité, l'obligation d'assurer la garde ou la surveillance de
nuit comme vous avez autant la responsabilité vis-à-vis des
résidents et internes. Est-ce que je vous interprète bien?
M. Lagacé: Je pense que c'est ce que nous affirmons et que
nous disons à nos membres de respecter.
M. Chevrette: D'accord. Donc, vous n'appuyez pas les
récalcitrants. Je voudrais également parler de la
répartition des effectifs médicaux. Vous y allez è fond de
train en ce qui regarde la répartition régionale en
particulier.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Mme la Présidente, cela va être
très bref. J'ai une seule question, parce que votre mémoire
contient beaucoup d'explications et de réponses à des questions
qu'on aurait pu avoir. La question découle des conclusions de votre
rapport, au bas de la page 42. Vous mentionnez: "La transition est pressante,
elle nécessitera quand même un peu de temps, patrons et
étudiants devront accepter certains compromis en ayant soin de toujours
placer comme balises la continuité et la qualité des services
à être rendus à la population. Cette dernière
remarque n'a pas été posée dans le but d'atténuer
la transformation en cours. Loin de là. Cet appel à la
reconnaissance des droits de bénéficiaires commande l'action
énergique que le gouvernement doit entreprendre en matière de
planification de la main-d'oeuvre médicale et en particulier, quant
à sa répartition sur le territoire. Un an après la table
de concertation initiée par le prédécesseur de l'actuel
ministre des Affaires sociales, la situation vécue est
généralement pire. "
Qu'est-ce qui est arrivé à cette table pour que la
situation devienne pire un an après?
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, je pense que la
situation n'est peut-être pas due à la table de concertation, mais
on constate, dans les faits, que dans certaines régions il y a
diminution des effectifs. Je demanderais peut-être à M. Beaulieu
qu'il nous donne l'exemple de la région de la Gaspésie et,
après cela, M. Larouche de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
M. Beaulieu (Robert): Mme la Présidente, si on prend la
région 01, Gaspésie-9as-Saint-Laurent, de mai 1984 à mai
1985, si on regarde au niveau des omnipraticiens, il y a eu une perte nette de
8 omnipraticiens, soit 18 arrivées, 26 départs. Pour ce qui est
des spécialistes, nous avons eu par contre un gain net de 8
spécialistes dont 7 sont allés dans un seul établissement
qui est l'hôpital régional de Rimouski. Donc, quand on regarde
cela, on voit cela comme une situation pire dans le sens aussi que, de plus en
plus, on se voit assujetti aux inconvénients de la médecine
itinérante, particulièrement pour ce qui est
des spécialistes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Larouche.
M. Larouche (Pierre): En Abitibi-Témiscamingue, je pense,
pour faire une prévision pour septembre 1985, en omnipratique, on va
être en déficit dans 60 % des établissements. Seulement
deux établissements de la région auront un bilan positif
après le recrutement de cet été. Or, il y a plus de
départs à l'été qu'il y a d'arrivées en
Abitibi-Témiscamingue, dans le domaine de l'omnipratique. Quant aux
spécialités, la situation ne s'améliore pas du tout et on
entrevoit, pour l'été qui s'en vient, des problèmes assez
importants en ce qui concerne les spécialistes.
M. Paradis: Ma question visait... L'an passé, il y a quand
même eu une table de concertation qui a été mise sur pied
par le ministre des Affaires sociales. Vous avez dû - parce qu'on
n'était pas là, je fais des suppositions et vous me corrigerez si
ce n'est pas exact comme question ou comme supposition - faire des
représentations au ministre des Affaires sociales, vous avez dû
faire des recommandations. Est-ce que l'ensemble de vos recommandations ou de
vos représentations ont été tablettées? Y en a-t-il
eu qui ont été mises en application et les résultats
escomptés n'ont-ils pas été obtenus?
M. Roy (Gérard): Je vais demander au Dr Lagacé de
répondre.
M. Lagacé: Mme la Présidente, je pense qu'il
faudrait apporter un peu de nuances au sujet du paragraphe qu'il a cité,
parce qu'on dit également beaucoup de choses entourant ce point
particulier. On sait qu'au mois de mai, l'an dernier, il y avait eu une foule
de mesures lesquelles, à la suite de la rencontre, ont été
précisées. Dans notre mémoire, nous disons: Ces mesures
qui ont été précisées à peu près
à l'automne, il est trop tôt pour que nous puissions en
évaluer toute la portée. Nous demandons que ces mesures soient
réévaluées. Ce qu'on vous souligne ici, c'est que
malgré tout, il y a des régions qui nous ont informés -
d'après ce qu'on a pu recueillir comme information -que selon la
situation chez elles, malgré certains effets bénéfiques
à court terme des mesures envisagées, elles n'ont pas
réussi à obtenir les effectifs dont elles avaient besoin et que
dans plusieurs cas, comprenez qu'il s'agit toujours pour certains
établissements d'une très petite marge de manoeuvre. Lorsqu'on a
six spécialistes et qu'on en perd un, cela ne bouleverse pas trop
l'établissement, mais lorsqu'on en a un et qu'il en part un, vous
comprenez que dans certains cas les situations peuvent être
considérées comme pire qu'antérieurement.
M. Paradis: Suivant les données que vous avez recueillies
dans le champ, est-ce que l'itinérance s'est accentuée au cours
de la dernière année dans les régions
périphériques au Québec?
M. Roy (Gérard): On pourrait poser la question à
Pierre.
M. Larouche (Pierre): Je pense que le fait de ne pas augmenter
les spécialités et les spécialistes en régions
périphériques, il est évident que l'itinérance
demeure, continue et se perpétue. Notre crainte, c'est que
l'itinérance s'installe en permanence et ce n'est certainement pas ce
qu'on souhaite dans les régions périphériques. À
notre avis, ce sont des mesures qui sont "en attendant" mais en attendant quoi?
S'il n'y a pas de mesures qui se prennent à moyen et à long
termes qui vont définitivement régler le problème de
pénurie, on a de grandes craintes de s'installer l'itinérance en
permanence.
M. Paradis: Une dernière question peut-être. Lorsque
vous demandez des spécialistes en régions non pas de façon
itinérante, mais de façon permanente, est-ce vos demandes pour
l'ensemble des régions du Québec se limitent aux
spécialistés de base ou si vous parlez également des
superspécialités?
M. Roy (Gérard): C'est sur les spécialités
de base. On ne demande pas dans les régions périphériques
d'avoir de l'ultraspécialisation, on se limite aux 17
spécialités de base.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le
député.
M. le ministre.
M. Chevrette: Vous vouliez parler avant, allez-y.
M. Lagacé: Puis-je me permettre un commentaire additionnel
à la suite de ce que vient de dire le Dr Roy? Vous remarquerez que dans
notre mémoire, nous attachons beaucoup d'importance au fait d'avoir une
suffisance d'effectifs sur un plan régional, c'est-à-dire qu'on
voudrait tenter d'atteindre l'objectif suivant: que chacune des régions
du Québec devienne autonome en termes de services médicaux par
rapport aux 17 spécialités de base habituellement reconnues en
médecine. Nous ne demandons pas que chacun des établissements ait
l'ensemble de ces spécialités, mais en ce qui concerne une
région en complémentarité entre les établissements
que l'on puisse être vraiment autonome et, s'il y a lieu,
d'établir de l'itinérance de l'établir à partir
même des
établissements de la région qui auraient ces
spécialités.
M. Paradis: Mme la Présidente, j'aurais une question sur
cela. Je vous remercie d'une des solutions que vous mettez de l'avant qui est
un peu nouvelle, savoir de donner à l'établissement sa marge de
manoeuvre sur le plan financier à partir de ses effectifs et qu'elle ait
ce contrôle. C'est une idée qui est nouvelle et que vous amenez
dans votre document. Cela semble intéressant et je vous en remercie.
M. Chevrette: Mme la Présidente» je voudrais dire
que je partage entièrement la perception qu'a l'AHQ sur le fait de doter
chacune des régions d'un minimum. Je suis convaincu que cela aura des
incidences très fortes dans les grands centres urbains. On dit souvent
que Montréal déborde de difficultés et on s'est plus ou
moins préoccupé de la périphérie. Il
m'apparaît qu'il faut doter au moins les capitales régionales de
chacune des régions d'un maximum d'équipements
spécialisés et ultraspécialisés pour éviter
le débordement tout le temps vers Montréal ou vers Québec,
cela est clair. Oui, je crois qu'on peut arriver à avoir les
spécialités de base nécessaires à
l'intérieur d'un territoire. D'autant plus que le
phénomène de rétention ne s'explique pas toujours par
l'éloignement. On le sait très bien, c'est souvent à cause
d'équipements désuets, à cause du fait qu'il y a des
hôpitaux qui ne sont nullement fonctionnels. Il y a également de
la vétusté dans certains endroits, ce qui ne contribue pas
nécessairement à attirer d'abord et à retenir en plus;
donc, on fait face à un double problème. Ceci nous a permis - on
aura des effets sans doute là-dessus - de doter d'équipements -
en tout cas, dernièrement, cela n'a pas ses effets parce que cela vient
à peine d'être communiqué aux centres hospitaliers -
d'injecter au moins 5 000 000 $ dans les équipements qui nous avaient
été recommandés par les CRSSS. Bien sûr, l'entente
de la rémunération majorée aura des effets
également.
D'autres incitatifs à ce plan viendront s'ajouter: II y aura 180
boursiers choisis en juin prochain. Il y a 100 primes à
l'établissement qui sont prévues de 10 000 $ non imposables qui
devraient venir également jouer un rôle quelconque, incitatif
quant aux avantages. Il y aura le jumelage qui commence à peine à
se faire entre certains types d'établissements de centres urbains avec
des centres hospitaliers en région. Il y a le ressourcement des
médecins. On a ajouté qu'il doit contribuer à une
incitation plus grande également. Tout cela mis ensemble, les effets
seront probablement plus tangibles dans les mois et les années qui
suivront. C'est évident que, lorsqu'on prévoit un plan
d'incitation additionnelle, on ne voit pas toujours les effets sur le coup,
c'est souvent quelques mois ou quelques années après. Je pense
que cette gamme de moyens dans une conjoncture budgétaire pas trop rose
contribuera quand même à faire quelque chose d'intéressant,
à ajouter quelque chose d'intéressant.
Il y a une question que je voudrais vous poser. C'est sur le paragraphe
suivant de la page 14 de votre résumé. Vous dites: "II est
impératif que le gouvernement agisse et que, par la voie des plans
d'effectifs médicaux, il assure lui-même l'atteinte de l'objectif.
Cette volonté politique doit être à la mesure même de
la gravité des situations. " Vous n'êtes pas sans savoir qu'en
vertu de la loi ce sont les CRSSS qui sont responsables de l'élaboration
des plans d'effectifs médicaux. Tel que libellé, vous semblez
donner la responsabilité au ministère; est-ce que je me
trompe?
M. Lagacé: M. le Président, à ma
connaissance, les conseils régionaux ont la responsabilité de
l'approbation d'un plan élaboré par l'établissement,
c'est-à-dire que l'établissement a la responsabilité
d'élaborer son plan d'effectifs médicaux et de le faire approuver
par le CRSSS.
Lorsqu'on parle de ce paragraphe en ce sens qu'il assure l'atteinte de
l'objectif et qu'on demande qu'il y ait une volonté politique, c'est
plutôt dans la phase de demander que ce soit fait, ce qui est
prévu actuellement. On sait que certaines régions -cela a
commencé, on le dit dans le mémoire: Par les régions en
besoin d'effectifs, en périphérie - ont élaboré
très facilement ces plans d'effectifs parce qu'elles sont en besoin. Par
contre, dans certaines autres régions ont peut concevoir qu'il y ait de
la résistance. On peut concevoir qu'il s'agit là d'une mesure de
base pour être capable d'élaborer une politique de planification
de main-d'oeuvre, donc, faisant état de besoins. On conçoit que
ce soit difficile à faire.
M. Chevrette: Je ne suis pas sûr qu'on se comprend, je vais
vous expliquer pourquoi. La loi est spécifique, ce sont les CRSSS qui
ont la responsabilité pour éviter, précisément, que
ce soit le ministère qui, en fin de compte, arbitre absolument tous les
plans d'effectifs médicaux dans une région. Sinon, entre vous et
moi, chaque centre hospitalier va vouloir avoir ses spécialités
sans programmation ou sans vision globale au plan régional. Il me semble
que la loi est très spécifique là-dessus, elle permet
justement aux gens de se frotter les oreilles dans leur propre milieu et de
nous présenter un portrait correct.
On ne peut pas à la fois vouloir une décentralisation puis
une implication du milieu et, du même souffle, demander au gouvernement
ou au ministère de décider
pour tout. Moi, là-dessus, je ne perçois pas vos
explications comme clarifiant la question Que je vous pose, en tout cas. Il me
semble que c'est clair dans la législation, on a voulu que les CRSSS
jouent un rôle important et qu'on établisse vraiment dans notre
propre milieu, à partir des ressources qu'on a et celles qui manquent,
un genre de plan global pour savoir où l'on va. Où va-t-on placer
les 17 spécialités de base dont vous parliez tantôt, par
exemple, en Gaspésie? Est-ce qu'on va tout cantonner à Rimouski?
Je ne suis pas sûr que les gens ne se frotteront pas les oreilles
solidement devant les gens du CRSSS et vont dire: Écoutez, il y a huit
spécialités de base qui seront à Rimouski, il y en aura
cinq en Gaspésie et il y en aura peut-être une en CLSC dans le
milieu. (11 heures)
On ne sait pas; toutes les possibilités sont bonnes. C'est
à la discussion du milieu qu'on pourra avoir tels types de propositions
et avoir un plan global qui agrée à l'ensemble des intervenants
du milieu et qui donne un minimum de base de services.
M. Roy (Gérard): M. le Président, je pense que pour
donner une réponse à cela, il faudrait faire une espèce de
rétrospective et regarder ce qui s'est passé quand on a
commencé à implanter des plans d'effectifs médicaux. Il y
a certaines régions qui ont fait des plans d'effectifs médicaux
et qui ont tenté de les appliquer. On s'est aperçu que dans ces
régions, ils refusaient des médecins et qu'au lieu de s'en aller
dans les régions périphériques, ils s'en allaient dans une
autre région où il n'y avait pas eu de plan d'effectifs
médicaux de fait. C'est un point.
Alors, il faudrait avoir une loi, peut-être pas une loi, mais un
moyen pour convaincre que les CRSSS de la province fassent leur plan
d'effectifs médicaux et tous les établissements aussi, ce qui n'a
jamais été fait.
M. Chevrette: Je n'ai pas compris le dernier...
M. Roy (Gérard): II faudrait qu'il y ait un moyen pour
inciter tous les CRSSS et tous les établissements afin que tous les
plans d'effectifs médicaux se fassent en même temps dans toute la
province. Deuxièmement, les plans d'effectifs médicaux dans les
établissements, c'est une chose, parce que là, on peut les
empêcher d'aller dans les établissements, mais ils peuvent aussi
aller dans la pratique privée, dans les CLSC, dans les centres
d'accueil, etc., parce que les plans d'effectifs médicaux ne touchent
que les hôpitaux, actuellement.
Aujourd'hui, si on refuse un médecin dans une
spécialité donnée, dans un hôpital, il peut
très bien aller ouvrir son bureau en ville et rester en ville. Alors, ce
plan d'effectifs médicaux, ce plan de main-d'oeuvre n'est que
limité aux hôpitaux et, pour nous, il devrait être
étendu au territoire.
M. Chevrette: Je retiens votre suggestion que je trouve fort
intéressante, en ce qui regarde le plan d'effectifs médicaux qui
doivent toucher l'ensemble des établissements du territoire, les CA, les
CAH, les CLSC, etc. Je retiens cela.
D'autre part, j'aimerais vous entendre me nommer les régions qui
ont refusé des médecins à cause des plans d'effectifs
médicaux.
M. Roy (Gérard): La région de Québec. M.
Chevrette: Québec?
M. Roy (Gérard): On avait, il y a trois ans, fait un plan
d'effectifs...
M. Chevrette: II n'y a même pas de plan d'effectifs.
Comment avez-vous pu l'avoir refusé...
M. Roy (Gérard): Oui, dans la région de
Québec, il y avait un plan d'effectifs médicaux qui a
été fait. Il a été fait, il y a trois ou quatre ans
et tous les hôpitaux avaient établi leur plan. À ce moment,
nous respections cela. Après avoir refusé des médecins...
je peux citer des cas: Un anesthésiste se présente à
l'hôpital Saint-François-d'Assise et, après cela, il a
été accepté à l'hôpital Pierre-Boucher
à Montréal, au lieu de s'en aller en région
périphérique. Ce sont de tels exemples qu'on peut vous
donner.
M. Chevrette: Québec a déposé son plan
d'effectifs?
M. Roy (Gérard): Oui, mais depuis deux ans, parce que dans
d'autres régions, il n'est pas fait, à toutes fins utiles, il est
inopérant. Mais, il y a trois ans, il était fait.
M. Chevrette: J'ai remarqué dans les affirmations que vous
avez faites que vous parlez de l'Outaouais, de l'Abitibi et de la
Gaspésie. C'est vrai qu'il peut y avoir concentration de
spécialistes, par exemple, dans un centre hospitalier; je ne nie pas
cela. Mais il n'y avait pas de baisse de signalée au ministère en
Gaspésie; il n'y avait pas de baisse de signalée en Abitibi, au
moment où on se parle. Il peut y avoir des baisses
appréhendées, mais il n'y pas de baisse de signalée au
ministère.
La question que vous avez posée au député de
Brome-Missisquoi la suivante: La situation actuelle est-elle pire, oui ou non?
La situation est appréhendée, peut-être, mais
au moment où on se parle, il n'y a pas de signalement, ni en
Outaouais, ni en Gaspésie, ni en Abitibi. Il y a, effectivement, des
baisses dans la région de la Montérégie, de la 6-B et de
la 6-C, en particulier; vous avez raison. D'ailleurs, la région la plus
démunie, c'est la Montérégie et, après cela, c'est
Laurentides-Lanaudière, au point de vue d'effectifs, au point de vue
d'équipements, au point de vue de...
M. Paradis: Ce n'est pas pour contredire le ministre, mais j'ai
pris des notes tantôt, lorsque la réponse m'a été
communiquée; je pense que c'était dans la région de la
Gaspésie. On m'avait souligné 18 arrivées et 26
départs chez les omnis. Je ne sais pas si cela a été
signalé à votre ministère, mais je fais juste vous
répéter -je suis intervenu pour cela - les chiffres qui ont
été signalés tantôt.
M. Chevrette: Je sais, mais je parle au point de vue de chiffres
bruts donnés par M. Beaulieu, je crois. Il a dit: II est parti huit
omnis, mais il est arrivé huit spécialistes, si j'ai bien
compris. Donc, huit-huit, cela s'annule. Je ne dis pas que ce sont les
mêmes spécialités et les mêmes établissements
j'ai pris la peine de le dire. Mais au ministère, il n'y a pas eu de
baisse; c'est cela que j'ai voulu signaler.
M. Roy (Gérard): M. le ministre, vous avez raison qu'il
n'y a pas eu de baisse globale, mais il y a eu une répartition
différente qui a fait que certains établissements ont encore des
problèmes majeurs.
M. Chevrette: D'où l'importance pour les CRSSS, avec la
participation des centres hospitaliers et du réseau de faire des plans
d'effectifs médicaux au plus vite. Au moment où on met des
incitatifs, on lance les comités de recrutement dans le décor.
Présentement, c'est évident que si on avait les plans d'effectifs
médicaux, ce serait beaucoup mieux, parce que la prime à
l'établissement pourrait servir en fonction des plans d'effectifs
médicaux. Les bourses pourraient servir en fonction des plans
d'effectifs médicaux.
La commande est passée au CRSSS. Quand j'ai réglé
le cas de Dolbeau en février, mars - je ne m'en souviens plus, c'est
peut-être avant les fêtes, je ne sais pas, le temps passe vite dans
ça...
M. Paradis: II l'a réglé!
M. Chevrette: Pourquoi hésitait-on à donner des
réponses précises sur le nombre de médecins ou les primes
à donner? Très précisément parce qu'il n'existait
pas de plan d'effectifs médicaux. C'est une clé indispensable si
on veut planifier correctement, si on veut doter chacune de nos régions
d'effectifs de base nécessaires.
Que vous me disiez qu'il y a des problèmes majeurs, je dirais:
Oui; on ne le nie pas, et on ne l'a jamais nié. Mais que, dans un
même souffle, dans vos paragraphes, vous dites que c'est pire, je trouve
que vous y allez un peu fort. D'ailleurs, est-ce que j'ai bien compris votre
acolyte de gauche qui a dit tantôt qu'il vaudrait peut-être nuancer
le paragraphe?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce qui a
été dit.
M. Chevrette: C'est ce qui a été dit?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À peu
près.
M. Chevrette: Donc, on avait bien compris.
M. Lagacé: Mme la Présidente, dans mon esprit, il
fallait la nuancer parce que nous avons bien précisé que notre
étude n'avait pas été exhaustive pour comprendre
l'ensemble. Ce que j'ai dit, selon les informations qu'on avait de ces trois
régions, c'est que la situation nous apparaissait pire. Pour qualifier
le pire, il faudrait peut-être descendre au niveau de certaines
spécialités très précises dans certaines
régions.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier
infiniment... Il y a des suggestions fort intéressantes dont on tiendra
sans doute compte, en particulier sur les plans d'effectifs médicaux.
Nous comptons sur votre appui concernant les gardes à l'urgence. Je
pense qu'on peut améliorer, même si les besoins sont
illimités et les ressources très limitées, notre situation
globalement. Je vous remercie infiniment de votre témoignage.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
J'aurais seulement quelques questions à vous poser; je vais
essayer de le faire le plus brièvement possible. Ce qui me frappe dans
votre mémoire, c'est que, après plusieurs années - je vous
ai entendus, j'ai entendu les fédérations, etc. - j'ai
l'impression qu'on est un peu toujours au même point. Je vais vous donner
quelques exemples. Je ne peux pas m'empêcher de me rappeler, au moment
où ma collègue de Jacques-Cartier et moi, exactement en
décembre 1981, lors de l'étude de la loi 27, avions fait le tour
de la fameuse question des médecins en régions
éloignées et que des mesures avaient été
adoptées... je me rappelle, à ce moment-là, le fameux
rapport Landry. Finalement, on est rendu en 1985, bientôt on sera en
décembre 1985, c'est quatre ans plus tard, et j'ai
l'impression qu'on tourne en rond.
Un autre exemple qui me frappe, dans le domaine, comme quoi on se redit
un peu les mêmes choses et on n'a pas l'impression que ça bouge.
À ce moment-là, peut-être avant ou en d'autres occasions,
à plusieurs reprises, il a été question de la
responsabilité - malheureusement, on ne leur en a pas parlé hier
- des universités d'innover - enfin, c'est un grand mot - dans le sens
de sensibiliser leurs étudiants à des stages en région.
Vous reprenez cette idée aujourd'hui, et ce n'est pas la première
fois, d'ailleurs. Finalement, vous dites - il faudrait que je retrouve toutes
les pages - que les universités ne se sont pas souciées de
ça. Mais cela, ce n'est pas une chose nouvelle, et je ne comprends pas
pourquoi... Ce n'est quand même pas très malin; on ne peut
peut-être pas trouver les mécanismes, mais on peut essayer de
sensibiliser les étudiants à la possibilité d'aller en
région, et même de prévoir des stages en région. Je
ne comprends pas que ces choses ne débloquent pas parce qu'on ne demande
même pas de solution. La solution est là et personne ne semble
capable de la mettre en pratique.
Il y a deux questions plus précises. En page 15 de votre grand
mémoire évidemment, vous faites un peu comme les
spécialistes, hier - vous dites qu'il peut commencer par planifier la
main-d'oeuvre. Ils nous disaient hier qui planifie et comment. Enfin, tout cela
était bien articulé. Vous reprenez la même chose en faisant
valoir qu'il faut planifier sur dix ans, etc. Vous dites en page 15: "Si l'on
prend en considération les expériences vécues ailleurs,
notamment aux États-Unis, on doit se questionner sérieusement sur
la pertinence de maintenir un contingentement au niveau du partage entre
omnipraticiens et spécialistes, au moyen de la formation. " Il faudrait
que vous précisiez un peu ce point. Cette question a quand même
fait l'objet de débat assez long, hier.
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, la question du
partage entre omnipraticiens et spécialistes va dans un sens où
on doit planifier la main-d'oeuvre médicale au moyen des effectifs
médicaux. Si on va dans chaque établissement en planifiant les
besoins d'effectifs médicaux tant spécialistes qu'omnipraticiens
et si on compile cela globalement dans la province, on pourra avoir une
répartition qui s'approche de la réalité des besoins
d'omnipraticiens et de spécialistes. C'est pour cela qu'actuellement, on
ne dit pas que c'est 40, 48, 52 ou 60, on dit: Faisons tous les plans
d'effectifs médicaux, et la compilation de cela va probablement nous
donner une idée exacte du besoin en médecins
généralistes et en médecins spécialistes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je vous comprends
bien, pour vous autres, il n'y a pas de chiffres magiques...
M. Roy (Gérard): Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... c'est vraiment
à partir de la détermination des effectifs médicaux par
établissement...
M. Roy (Gérard): Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ou des besoins qu'on
pourrait établir cette fameuse norme quelle qu'elle soit, celle à
laquelle on arriverait.
M. Roy (Gérard): C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
En page 17, vous parlez, compte tenu du développement de la
technologie et des degrés de sophistication, des techniques
diagnostiques et thérapeutiques, d'allonger la formation médicale
d'un an. Je voudrais vous poser une question. D'abord, allonger la formation
médicale d'un an, cela coûte cher. Deuxièmement, est-ce
parce que vous avez l'impression que la formation médicale est moins
longue au Québec qu'ailleurs ou encore qu'elle commence trop tôt
comparativement aux autres provinces ou aux pays comparables?
M. Roy (Gérard): Ce qu'on demande surtout, c'est
d'améliorer la formation de l'omnipraticien qui va aller travailler en
périphérie ou en ville. Le gars qui va travailler en
périphérie est souvent avec moins de spécialistes que
celui qui travaille en régions urbaines. Â ce moment, pour lui,
cela demande plus de formation, plus de préparation parce qu'il devient
presque un multispécialiste lorsqu'il est en régions
périphériques. C'est pour cela, pour donner de meilleurs soins
à la population. Le médecin qui se trouve seul dans une
région périphérique va souvent avoir affaire à
plusieurs sortes de malades, ce qui touche à plusieurs
spécialités et, en première ligne, il devra donner ces
soins. C'est pour cette raison que, pour nous de l'Association des
hôpitaux, il faudrait que le gars qui va en pratique
générale ou en omnipratique soit mieux préparé
qu'actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Votre
recommandation va dans le même sens que celle de la
Fédération des omnipraticiens - c'est cela - elle nous a fait la
même recommandation. D'accord.
En page 16, à la question des médecins immigrants, vous
faites le point sur ceux qui viennent contribuer à la recherche,
à l'enseignement, etc., et vous abordez ceux
qui sont arrivés d'eux-mêmes au Québec. Au 3e
paragraphe: "Le caractère particulier de la situation devrait autoriser
l'État à conditionner l'accession à la pratique
professionnelle à une pratique limitée aux régions mal
pourvues. " Sur cela, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas une solution
à long terme indéfiniment. Pouvez-vous nous parler de
l'expérience... Il y a deux ans et peut-être même l'an
dernier, on a dit aux gens: Vous pourrez aller pratiquer en régions
éloignées. Mais peut-être qu'ils ne sont pas rendus en
régions éloignées. Quelle est votre expérience avec
les médecins immigrants qui sont allés en régions
éloignées, du point de vue de l'adaptation, du point de vue de la
qualité des services et de toutes les autres dimensions de leur
pratique. (11 h 15)
M. Roy (Gérard): Je vais demander à M. Pierre
Larouche qui a vécu cette expérience de nous en parler.
M. Larouche (Pierre): Voici l'expérience qu'on a
vécue en Abitibi-Témiscamingue avec des médecins
étrangers, particulièrement spécialisés. Sur 45
spécialistes dans toute la région, on dénombre quinze
médecins étrangers. Si on ne les avait pas, on aurait un
problème encore bien plus marqué que ce que l'on a aujourd'hui.
Ils font de la très bonne médecine et on est très
satisfait de leurs services. Il peut y avoir dans certains cas des
problèmes d'adaptation, mais je pense qu'on est dans une région
où on vient à bout de s'entendre assez bien. Pardon?
Une voix:... hospitalière.
M. Larouche (Pierre):... hospitalière, oui, pour les
futurs médecins.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Compte tenu du
temps, je vais terminer mes questions. Il reste...
M. Chevrette: Je n'aurais qu'un correctif à apporter, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Chevrette: Non pas un correctif, mais un ajout. Vous avez
parlé du stage en région. Le ministère investit 2 400 000
$ par an et les projets commencent à entrer effectivement au
ministère. C'est un autre nouveau programme pour essayer d'inciter des
gens à y aller.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais je dois vous dire,
M. le ministre, que cela fait au moins cinq ans qu'on en parle.
M. Chevrette: Ce n'est pas si mal; là, vous avez une
réponse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est vrai.
M. Chevrette: Vous ne pourrez pas dire que c'est toujours pareil,
vous en avez une.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Roy (Gérard): Quant au stage, Mme la Présidente.
Quel stage... ?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, on vous
pose une question: Quel stage?
M. Chevrette: Excusez-moi. M. Roy (Gérard): Quel
stage?
M. Chevrette: Le stage, je vais demander au Dr Bergevin, si vous
le permettez, qu'il explique l'ensemble de la programmation.
M. Roy (Gérard): D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'ensemble, cela va
peut-être être un peu long.
M. Chevrette: Ah, des réponses de qualité à
des questions d'envergure.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Bergevin (Yves): Quant au stage touchant l'ensemble
médical, cela peut être un stage d'immersion, comme à
l'Université de Montréal, en première année; cela
peut être un stage d'emploi d'été, durant les années
précliniques; cela peut être un stage au préexternat ou
à l'externat; un stage en médecine familiale, soit dans la
première ou dans la deuxième année de formation; ou
encore, dans quelques centres régionaux, un stage en
spécialité.
Nous sommes en collaboration étroite avec les
établissements et les conseils régionaux des régions et
avec les universités et la corporation afin de développer ces
stages et de s'assurer que l'encadrement pédagogique soit de haute
qualité. Nous avons déjà reçu un bon nombre de
projets. Il y en a déjà qui sont en marche. On sait qu'il y a une
unité de médecine de famille à Gaspé. Il y en a en
Abitibi. Dans la majorité des villes, il y a des stages et nous voulons
encourager cela dans les autres régions et dans les autres
communautés.
Nous travaillons à l'heure actuelle avec les
établissements à parachever ces projets. Les sommes d'argent sont
prévues pour le transport et le logement des étudiants, des
stagiaires et des professeurs, ainsi que la
rémunération des professeurs en région. Les
rencontres se font régulièrement avec les doyens afin de voir
l'évolution de la situation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Bon...
M. Chevrette: 11 y a déjà des centres hospitaliers
qui travaillent d'arrache-pied pour en bâtir des plans de stages.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste trois minutes
à Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne les effectifs
médicaux dans les régions et les régions
périphériques, c'est évident que les mesures
établies par la loi 27 et plus récemment ne sont pas suffisantes.
J'ai une idée qui est tout à fait différente et j'aimerais
avoir votre réaction. Je me demande si on a examiné la
possibilité d'établir un programme selon lequel le gouvernement
offrirait un "package deal" en échange d'un engagement de la part des
jeunes médecins de trois ou quatre années de service
peut-être dans les régions éloignées. Par exemple,
ce "package" pourrait inclure que les frais de scolarité et leur
formation médicale seraient payés par le gouvernement.
Deuxièmement, certains avantages fiscaux pour compenser leurs pertes de
revenus pendant ces trois ou quatre ans, l'opportunité de sortir de la
région, deux, trois ou quatre fois par année pour des stages
à des fins de perfectionnement, parce que c'est un des problèmes
et tout le monde est conscient du manque de contact avec les grands centres et
peut-être naturellement une garantie de remplacement pendant ces stages.
Tout cela en échange d'un engagement ferme de trois ou quatre
années de service dans les régions éloignées,
planifié par le gouvernement en consultation avec les hôpitaux
dans chaque région pour assurer une distribution efficace des
compétences de ces médecins.
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, la
députée de Jacques-Cartier énumère une série
de... un "package deal", comme elle dit, que nous avons déjà
envisagé et, lors de notre dernier mémoire l'an dernier, on en
avait parlé. Avec un "package deal", je pense qu'on serait d'accord, ce
serait peut-être un incitatif de plus qui pourrait permettre d'enrichir
des régions périphériques de médecins et avec une
garantie que quand un médecin va passer trois, quatre ou cinq ans de
garantie, il pourra avoir une place après ces cinq ans, c'est une chose
dont on avait parlé et dont on serait très favorable.
Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais demander au ministre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous
êtes rappelé à l'ordre.
Mme Dougherty: J'ai proposé une espèce de "package
deal"...
M. Chevrette: On est en train justement de formuler des
réponses sur l'ensemble du "package".
Mme Dougherty: Apparemment, les hôpitaux étaient
favorables à l'idée. Est-ce que c'est vous qui l'avez
proposée?
M. Roy (Gérard): Dans notre mémoire l'an dernier,
on avait parlé de quelque chose comme cela, qui n'était
peut-être pas exactement comme cela, mais qui ressemblait à cela
et sur lequel on était totalement d'accord.
M. Chevrette: Pour ce qui est des frais de scolarité, on
va les prendre un par un, il y a le système de bourse qui existe. Sur
les avantages fiscaux pour perte de revenu, là où je comprends
mal, il y a une prime à l'établissement qui existe à
compter du 1er juin, mais perte de revenu... Quelle perte de revenu a un
médecin en régions éloignées par rapport à
un médecin à Montréal? Je ne vois pas tellement la perte
de revenu. Au contraire, s'il est sous le régime des 70 % à
Montréal, vous pourriez me dire qu'il y a une perte de revenu pour les
gens dans les régions par rapport aux régions
éloignées.
Pour ce qui est de la possibilité de sortie en cours
d'année, cela entre en vigueur le 1er juin prochain à raison de
20 jours par année, ce qu'on appelle le ressourcement, quatre sorties de
cinq jours. Pour ce qui est du programme de remplacement, on a instauré
un régime de dépannage présentement qui fonctionne assez
bien dans plusieurs régions.
Mme Dougherty: Le point, c'est qu'il faut avoir un engagement
parce que c'est l'incertitude qui laisse les régions dans l'état
ou elles sont. Il faut créer un "package" en échange de
l'engagement de la part du jeune médecin.
M. Chevrette: Peut-être que vous pouvez affirmer avec force
que c'est cela, mais nous, les intervenants, tout le monde criait après
des mesures incitatives et sur une base volontaire. On a répondu
à ce que la très grande majorité des intervenants
demandaient. Je m'excuse de vous répondre cela, mais c'était au
moins une réalité. Je pense que, avoir su que vous poseriez la
question, on l'aurait posé à chacun des groupes. C'était
effectivement sur une base volontaire et que ce soit des mesures
incitatives et non coercitives.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le
Dr Lagacé voulait ajouter quelques mots.
M. Lagacé: Oui, Mme la Présidente. J'aimerais dire
que oui, on est d'accord avec les mesures du type incitatif qui sont
proposées ou qui sont déjà en vigueur. J'aimerais, pour
être conséquent avec notre présentation, souligner que ce
qu'on demanderait, c'est que ces mesures soient gérées en
région et par les établissements au lieu de les gérer au
niveau central.
M. Chevrette: Je peux vous dire là-dessus, M.
Lagacé, qu'on a eu des suggestions fort intéressantes qu'on est
en train de regarder. Effectivement, il y a des personnes qui sont venues me
rencontrer à Montréal et qui me disent: Au lieu de laisser
décider cela par des comités, si vous placiez en région un
budget qui permettrait à ces gens de partir avec de l'argent en poche
pour attirer le client, ce serait peut-être plus intéressant. Je
ne l'écarte pas, on est en train d'évaluer la portée de
cela pour voir comment on pourrait concrétiser cela. C'est heureux comme
suggestion. Cela a déjà été fait, on le regarde
présentement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie,
messieurs de l'Association des hôpitaux du Québec et à la
prochaine.
M. Roy (Gérard): Nous vous remercions, Mme la
Présidente, ainsi que les membres de la commission des affaires
sociales. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous invitons
immédiatement l'Association des conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens du Québec. Dr Bois?
M. Bois (Marc-A. ): Oui, c'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Présentez vos
collègues et vous pouvez procéder à la lecture. Les
règles sont les mêmes que pour les autres groupes.
Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens du Québec
M. Bois: D'accord. Mme la Présidente, M. le ministre,
membres de la commission, j'aimerais vous présenter mes accompagnateurs.
À mon extrême droite, le Dr Raymond Larouche de Québec, le
Dr Dollard Bergeron également de Québec et le Dr Marc Desrochers
de la région de Lanaudière. Compte tenu que notre mémoire
est court, je vais faire la lecture intégrale.
C'est avec plaisir que l'Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens du Québec vous soumet son mémoire
relativement aux deux sujets précipités qui sont à l'ordre
du jour.
Il nous apparaît opportun et important de souligner que
l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec est une association qui regroupe dans un libre choix la
majorité des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec. Fondée en 1947, notre association se veut l'unique
porte-parole des CMDP. Elle a comme objectifs principaux de sauvegarder les
prérogatives de ces derniers et de leur fournir l'aide nécessaire
pour assumer leurs responsabilités telles que définies dans la
Loi sur les services de santé et les services sociaux du
Québec.
Je pense qu'il est également opportun de rappeler les
responsabilités d'un conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens dans un centre hospitalier pour bien nous situer dans le
contexte.
Le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens est responsable
envers le conseil d'administration, conformément aux normes
déterminées par règlement du contrôle et de
l'appréciation des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques
posés dans l'établissement; du maintien de la compétence
des médecins, dentistes et pharmaciens qui exercent dans
l'établissement; de faire les recommandations nécessaires afin
que les services médicaux, dentaires et pharmaceutiques soient
distribués de façon appropriée; de faire des
recommandations sur l'organisation scientifique et technique dans
l'établissement; de donner son avis sur les règles de soins
médicaux et dentaires, sur les services pharmaceutiques ainsi que sur
les règles d'utilisation des ressources élaborées par un
chef de département clinique; d'établir les modalités d'un
système de garde permanent dans l'établissement.
Dans l'exercice de ses fonctions, le conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens tient compte de la nécessité de rendre
des services adéquats aux bénéficiaires, de l'organisation
de l'établissement et des ressources dont dispose cet
établissement. Le conseil d'administration de l'association est
formé de 25 membres élus répartis dans les diverses
régions administratives du Québec.
De plus, l'association a participé à la formation
d'assemblées régionales de conseils de médecins, dentistes
et pharmaciens dont l'objectif principal est de favoriser une concertation
régionale des CMDP sur des dossiers aussi importants que ceux de la
complémentarité ou de la régionalisation des services de
santé, de la fusion d'établissements, de la répartition
d'effectifs médicaux, etc. Ces associations régionales de
conseils de médecins, dentistes et pharmaciens sont de plus en plus des
interlocuteurs privilégiés auprès des conseils
régionaux. Je pense que ces quelques remarques nous situent un
peu mieux dans le contexte de la discussion.
J'aborde les heures de garde supplémentaires effectuées
par les médecins résidents et internes. Il faut continuer
à considérer les heures de garde comme partie intégrante
de la formation du futur praticien de la médecine, qu'il soit
omnipraticien ou spécialiste. Son travail, au lendemain d'une garde,
sera parfois difficile, mais cela n'implique pas nécessairement une
qualité moindre de soins dispensés. Il faudrait cependant
considérer d'une façon particulière les lendemains de
gardes très occupées ainsi que les périodes
immédiates pré-examens. (11 h 30)
Ce qui est essentiel â notre point de vue, c'est de s'assurer que
les activités pendant les heures de garde répondent au contenu
pédagogigue du programme de formation du futur médecin ou du
spécialiste.
Lorsqu'un centre hospitalier doit couvrir des heures de garde
supplémentaires à celles convenues, celles-ci pourraient
être assumées par des omnipraticiens, des médecins en
recyclage ou en ressourcement dans une spécialité donnée -
à la condition que leur statut et leurs privilèges puissent le
permettre - ou par les résidents et internes du centre selon certaines
modalités à être convenues.
Quant aux unités d'enseignement clinique, nous nous
référons aux principales caractéristiques d'une
unité d'enseignement clinique telle que recommandée par
l'Association des facultés de médecine déjà en 1966
et je cite:
Le regroupement géographique des malades, du médecin
responsable de l'unité et des étudiants qui tentent de
réaliser une masse critique et favorable è l'apprentissage;
L'organisation pyramidale de la prise de responsabilités de sorte
que chacun ait des fonctions correspondant à son niveau de formation et
à sa compétence;
L'organisation de l'enseignement centrée autour de la solution
des problèmes des malades de l'unité associée à la
prise en charge exemplaire des malades;
L'organisation d'une consultation pour malades ambulatoires
reliée à l'unité afin d'offrir à l'étudiant
une situation d'apprentissage pour la continuité des soins;
Les conditions favorables à la recherche clinique et à
l'évaluation de nouvelles thérapeutiques.
Par ailleurs, le Conseil des universités, en vue d'assurer la
qualité de la formation des médecins spécialistes,
recommandait dès 1980: que la formation des futurs médecins
spécialistes soit concentrée dans les unités
d'enseignement clinique, ou dans d'autres milieux de formation répondant
aux mêmes objectifs d'enseignement, où il existe une masse
critique qui garantira la qualité des milieux de formation.
De telles unités ont toujours existé, semble-t-il,
à l'Université McGill et sont de plus en plus présentes
dans les autres universités, en particulier à l'Université
Laval.
Donc, un ensemble de prérequis pour le maintien d'une
unité d'enseignement clinique idéale: des objectifs bien
définis avec un programme prédéterminé; un "patron"
reconnu compétent, disponible et intéressé; une pyramide
de résidents-internes-externes, un budget protégé.
Cela veut dire que la performance coût-soins peut être
acceptable et différente dans une unité d'enseignement clinique
par rapport à d'autres unités dans le même centre
hospitalier. On est plutôt enclin à comparer deux unités
d'enseignement clinique entre elles plutôt qu'une unité
d'enseignement clinique avec une unité qui est aux soins courants dans
un centre hospitalier.
Des lits et pathologies dits "protégés": Ce que l'on veut
dire, c'est que comme il y a une certaine délimitation
géographique, il existe un programme prédéterminé
des objectifs. Évidemment, pour que l'unité fonctionne bien, il
faut que ce soit possible géographiquement. Il faut que le
résident senior puisse avoir la possibilité de
sélectionner les patients qui y sont admis, soit électivement ou
en urgence dans l'unité, et qu'il puisse en contrôler
l'entrée et la sortie afin que le programme d'enseignement puisse
être réalisé. Un programme d'enseignement comprend
évidemment un ensemble de pathologies ou de situations cliniques compte
tenu de la discipline qui est étudiée.
La présence de ces unités favorise également une
meilleure qualité de soins, un enseignement de haute qualité et
la réalisation de projets de recherche clinique.
Cependant, nous croyons que tout programme de formation devrait inclure
la possibilité pour un interne ou pour un résident de faire des
stages dans des centres hospitaliers en région, stages qui devraient
être reconnus non seulement par les universités et la Corporation
des médecins du Québec mais aussi par le collège
royal.
La planification de la main-d'oeuvre médicale: L'objectif
principal d'une planification de la main-d'oeuvre médicale est de
rendre accessibles à tout citoyen des services de santé continus
répondant è ses besoins. Il est rapporté que 10 % environ
de la population n'aurait pas un accès facile encore aujourd'hui
è des soins malgré la gratuité.
Par ailleurs, il ne semble pas que l'augmentation du nombre absolu de
médecins, plus particulièrement des omnipraticiens, ait
apporté une solution au problème par déversement. C'est la
théorie de "spillover", en ce sens qu'on fait des médecins, puis
on finit par rejoindre
l'extrême périphérie. Par contre, le contingentement
des résidences en spécialités apporte déjà
une autre dimension à ce problème, à savoir celui de
l'accessibilité à des soins spécialisés, non
seulement en régions intermédiaires - j'appelle "régions
intermédiaires" celles de Chicoutimi, de Rimouski - mais
également en régions urbaines.
Une planification de la main-d'oeuvre médicale doit donc tenir
compte de ces constats.
Nous avons participé en 1984, sur invitation du ministère,
à une table de concertation sur les mesures à prendre afin de
mieux répartir géographiquement les effectifs
médicaux.
Certaines mesures incitatives ont été reconnues et ont eu
une certaine influence positive sur le recrutement dans les régions en
pénurie d'effectifs, et également, espérons-le, sur la
rétention des médecins au niveau de ces régions.
La possibilité pour les internes et les résidents de faire
des stages en régions qui seraient reconnus dans leur formation, peut
les sensibiliser et possiblement les influencer dans leur décision
d'exercer dans une région en pénurie d'effectifs.
Une formation plus polyvalente pour certains spécialistes, dont
par exemple la chirurgie générale, serait mieux adaptée
aux services devant être rendus en régions. Il en serait de
même pour la formation en médecine familiale.
Par ailleurs, la détermination d'un excès ou d'une
pénurie d'effectifs apparaît beaucoup plus complexe qu'il ne
semble à prime abord. Je pourrais par exemple citer l'association dont
je suis membre, les cardiologues. On peut parler d'une pénurie de 50 ou
60, alors que le ministère peut considérer une pénurie
inférieure. C'est juste pour montrer comment cela peut être
difficile de situer une pénurie, un excès ou un quantum
adéquat. Il faut tenir compte, selon les régions, des
caractéristiques de la population qui demande des services et des
effectifs médicaux qui les rendent. Chaque conseil régional,
à notre point de vue, devrait planifier, en concertation avec l'ensemble
des CMDP de la région concernée, les besoins actuels et futurs en
effectifs médicaux à partir des plans soumis par chaque
établissement de la région.
Pour atteindre l'objectif régional, il sera donc
nécessaire à notre point de vue que des postes additionnels de
résidence en spécialités soient ouverts
sélectivement à ceux qui désirent pratiquer dans les
régions en pénurie.
Il faut également responsabiliser les centres hospitaliers mieux
pourvus en services spécialisés à complémentariser
les établissements moins bien nantis. Cela peut être
facilité également par une planification régionale,
interrégionale ou même intrarégionale des effectifs et des
services médicaux, c'est-à-dire qu'on peut parler en termes d'une
région administrative comme le Bas-Saint-LaurentGaspésie,
région 01, mais on peut réaliser volontiers - comme nous
étions justement le conseil d'administration à Rimouski, pas plus
tard que samedi dernier -que c'est même sous-régional et
même presque au niveau de certaines communautés. Vous pouvez avoir
une région où son problème d'effectifs a été
résolu en partie, amélioré, par toutes les mesures qui ont
été mises en place par le gouvernement, etc., et à
côté, on peut avoir une communauté qui est une
communauté à risques, qui voit ses effectifs ayant tendance
à diminuer. C'est-à-dire qu'on peut parler de façon
globale d'une région, mais il faut penser beaucoup plus en termes de
sous-régions et disséquer, si on peut parler ainsi. Je pense que
les établissements par le plan des effectifs, l'association ou la
concertation régionale des CMDP avec les conseils régionaux
concernés pourraient probablement arriver à une meilleure
planification des demandes et l'ensemble ferait le quantum provincial.
Dans tout cet exercice de la planification de la main-d'oeuvre
médicale, il ne faut pas oublier qu'au-delà de l'objectif
principal de rendre accessibles à tout citoyen les services de
santé, nous devons tenir compte également des besoins pour les
fins de l'enseignement et de la recherche clinique afin de pouvoir maintenir
une qualité optimale de la médecine québécoise,
c'est-à-dire qu'il faut penser que les médecins, même en
régions bien nanties, leur âge moyen peut s'élever, il faut
suivre la médecine de pointe, il faut faire le renouveau de nos
effectifs nous autres mêmes. Cela nécessite évidemment,
également, une technologie de pointe ainsi que des budgets
appropriés. Nul besoin d'insister sur le retard technologique actuel,
d'une part, et, d'autre part, sur la vétusté de beaucoup
d'équipements, résultat direct d'une
sous-budgétisation.
Il serait regrettable que le problème d'accessibilité
à des soins médicaux soit solutionné par la venue de
médecins immigrants ou de moniteurs. Il faudrait plutôt faciliter
l'installation des médecins formés dans nos facultés, en
poursuivant la recherche de moyens incitatifs additionnels et en
améliorant la qualité de vie du professionnel et de sa famille,
afin de rendre plus invitante et plus acceptable la pratique médicale en
régions en pénurie d'effectifs. Nous croyons que ces diverses
mesures pourraient ainsi faciliter la rétention des effectifs dans ces
régions.
Enfin, les besoins en termes de médecines omnipraticiens ou
spécialistes doivent être évalués
périodiquement; et la mise en place d'une table de concertation
permanente entre tous les intervenants concernés par ce dossier
donnerait un élément de dynamisme à cette planification
à moyen et long termes de la main-d'oeuvre médicale.
Si vous me permettez, je peux vous faire le libellé du sommaire,
ni plus ni moins, de quelques points soulevés dans ce bref
mémoire: Considérer la garde comme partie intégrante de la
formation; s'assurer du contenu pédagogique de la garde;
déterminer certaines modalités par entente pour les heures de
garde supplémentaires; tenir compte des prérequis
nécessaires pour le maintien d'une unité d'enseignement clinique;
inclure dans tout programme de formation des stages reconnus dans les centres
hospitaliers en régions.
Quant à la planification de la main-d'oeuvre médicale:
Tenir compte des erreurs du passé dans la planification de la
main-d'oeuvre médicale; influencer, si possible, les internes et
résidents dans leur décision par des stages en régions;
modifier les programmes afin de donner une formation plus polyvalente aux
médecins; réviser les critères de détermination en
besoins d'effectifs médicaux pour tenir compte des
réalités régionales et sous-régionales; ouvrir des
postes additionnels de résidence en spécialités
sélectivement à ceux qui désirent pratiquer en
régions; responsabiliser à la complémentarité les
établissements mieux pourvus en services spécialisés;
tenir compte de l'accessibilité aux services de santé ainsi que
des besoins de l'enseignement et de la recherche clinique dans la planification
de la main-d'oeuvre médicale; allouer les budgets appropriés afin
de maintenir une technologie de pointe et de procéder au remplacement
des équipements désuets; poursuivre la recherche de moyens
incitatifs additionnels et améliorer la qualité de vie du
professionnel et de sa famille en régions en pénurie d'effectifs;
mettre en place une table de concertation permanente en vue d'une planification
dynamique des effectifs médicaux ainsi que des besoins de la
population.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Bois. M. le
ministre des Affaires sociales.
M. Chevrette: Attendez une seconde, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste neuf minutes et
demie.
M. Chevrette: Merci, messieurs. J'ai lu le point 6° de la
page 2 de votre mémoire, qui se lit comme suit: "D'établir les
modalités d'un système de garde permanent dans
l'établissement. " C'est donc la responsabilité directe, si on se
fie au texte de loi, du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens.
C'était un des points, je dirais, cruciaux sur lequel on voulait avoir
concrètement votre point de vue.
Dans vos recommandations, vous y allez d'une façon très
vague en disant qu'il faut tenir compte du contenu pédagogique.
J'aimerais savoir si c'est là votre responsabilité directe, si
vous percevez cette responsabilité en fonction des contrats collectifs
de travail - l'objet de la commission, c'est le problème qui a
confronté la FMRIQ avec le ministère - si vous jugez que le
contenu de l'entente au niveau des gardes est incompatible avec la
responsabilité qui vous est dévolue par la loi et avec l'objectif
que vous vous fixez, à savoir le contenu pédagogique?
M. Bois: Quant au contenu pédagogique, évidemment,
il n'est pas de notre ressort de l'établir. Je pense que ça fait
partie du programme de formation et, à ce moment-là, la
corporation professionnelle, c'est de son ressort d'établir aussi le
contenu pédagogique adéquat pour une bonne qualité de
formation des médecins. Cela appartient aux universités,
évidemment, concernant l'accréditation pour le collège
royal, de déterminer le contenu pédagogique qui peut servir
à la formation du futur médecin praticien ou
spécialiste.
Par contre, souvent, les remarques que nous pouvons avoir, c'est que le
contenu d'une garde n'est pas toujours pédagogique, si on peut parler
ainsi, dans le cadre du programme, en ce sens qu'il y a beaucoup de petites
choses qu'on peut demander sur une garde qui ne font pas partie directement du
contenu pédagogique. Ce qu'on veut soulever, c'est que les intervenants
directement impliqués avec le contenu d'un programme puissent un peu
décanter sur une garde ce qui appartient vraiment au contenu
pédagogique.
Il faut se rappeler qu'une garde, c'est un excellent moyen, surtout pour
certaines spécialités, d'apprendre sa spécialité.
Il ne faut pas toujours apprendre sa spécialité quand on en a
quatre ou cinq autour de nous. Je pense que pour un résident, un
interne, apprendre à traiter un oedème aigu en pleine nuit, c'est
souvent plus valable pour lui. Cela n'exclut pas le jour, mais c'est valable
pour lui de le faire. Je ne pense pas qu'un résident ou un interne se
plaigne d'avoir eu à traiter, une nuit, avec l'aide ou la supervision de
son senior, soit un oedème aigu, soit un coma, etc. (11 h 45)
Le problème des heures de garde, à un moment donné,
c'est le lendemain de la garde. On peut avoir des gardes plus tranquilles,
comme on dit dans le milieu, et on peut avoir des gardes fort occupées,
au
point d'être vraiment fatigué le lendemain. C'est
peut-être dans ce sens que la fédération des
médecins et résidents en est venue à une entente de
délimiter un quantum du côté des gardes. On ne serait pas
contre, de toute façon, si une garde correspond bien au contenu
pédagogique, surtout dans certaines spécialités, comme la
cardiologie, etc., qui est peut-être différente d'autres
spécialités comme la dermatologie, l'anatomo-pathologie. On ne
serait pas contre que certaines heures supplémentaires soit même
faites, par les résidents et internes à l'intérieur
même d'un centre hospitalier.
Il y a d'autres ressources aussi pour la garde. Quand on parle de la
garde, c'est souvent la garde de première ligne. II peut toujours y
avoir d'autres genres sur appel, mais, sur place, la garde de première
ligne doit être faite par un médecin diplômé. Dans
cette garde de première ligne, il y a aussi d'autres ressources qu'on
peut concevoir dans certains centres hospitaliers, surtout depuis qu'un
département de médecine générale existe dans chaque
centre hospitalier, si je ne m'abuse, à l'exception de quelques centres
spécialisés. Il y a des omnipraticiens qui se font même une
spécialité de faire du travail de garde, et à ce
moment-là... Oui, pardon?
M. Chevrette: Me permettez-vous d'être plus
précis?
M. Bois: Oui.
M. Chevrette: Nous avons signé un contrat collectif avec
les résidents et internes. Vous avez, en vertu de la loi, la
responsabilité d'établir les modalités d'un système
de garde permanent dans l'établissement.
M. Bois: Oui.
M. Chevrette: Les résidents et internes nous disent qu'un
1-4, 1-3, c'est suffisant, c'est déjà passablement lourd. Vous
avez à organiser concrètement dans un centre hospitalier -
prenons-en un - une garde permanente. Vous n'avez pas suffisamment de
résidents et internes pour le faire, qu'est-ce que vous faites pour
répondre à l'obligation qui vous est dévolue par la loi
et, en même temps, au respect - parce que c'est une autre obligation - de
la convention de la FMRIQ?
M. Bois: Remarquez bien que si l'urgence est ouverte, c'est parce
qu'il y a quelqu'un pour recevoir les gens.
M. Chevrette: Sauf la nuit, dans onze établissements, si
j'ai bien compris.
M. Bois: Oui, je le sais, mais les malades sont toujours
là, je veux dire....
M. Chevrette: Non, mais j'écoutais les nouvelles hier
soir.
M. Bois: Ah bon! On a parlé de deux ressources possibles.
Évidemment, il y a toujours la ressource que le résident ou
l'interne accepte de faire des heures supplémentaires, moyennant une
modalité que je n'ai pas à discuter, mais qui pourrait être
convenue. En fin de compte, c'est une convention entre nous...
M. Chevrette: Mais c'est prévu, c'est la compensation en
temps.
M. Bois: Deuxièmement, il y a aussi les omnipraticiens qui
peuvent faire des gardes. D'ailleurs, il y a beaucoup de centres hospitaliers
qui ont un service de première ligne fait par les omnipraticiens. Ils en
font même pour plusieurs une spécialisation. Cela veut dire que la
première ligne peut facilement être... Cela arrive, c'est plus
difficile dans un centre hospitalier, comme dans une institution où on
n'a pas de département de médecine générale, par
exemple un institut plus spécialisé, c'est peut-être plus
difficile d'assurer la garde. Si on assure un service de garde permanent, un
certain nombre de gardes sont évidemment assurées par les
résidents. S'il y en a moins, il y en a moins d'assurées, c'est
fait par les internes sous supervision.
Deuxièmement, il peut y avoir les praticiens
généraux et, troisièmement, si on maintient quand
même le système de garde, il y a le spécialiste
lui-même qui peut faire des gardes. Évidemment, il faut qu'il y
ait quelqu'un sur place.
M. Bergeron (Dollard): Pour renchérir, M. le ministre, il
est reconnu que l'association sait bien qu'un des rôles importants des
conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, c'est justement
d'assurer ce système de garde permanent. Mais ce système de garde
permanent ne signifie pas la présence d'un médecin à
l'hôpital. Tous les départements et tous les services ont un
système de garde permanent soit sur place ou sur appel. Là
où les problèmes sont survenus justement, c'est dans les
hôpitaux périphériques; je veux revenir un peu plus loin
à la question des internes qui ne sont pas supervisés dans
quelques établissements où, par exemple, le médecin n'est
pas présent à l'urgence, mettons de minuit à 8 heures.
Cela s'est d'abord créé dans les hôpitaux de faible
urgence, dans les centres hospitaliers en région de faible urgence. Il a
fallu, à un moment donné, offrir une rémunération
différente pour que quelqu'un accepte de coucher à
l'hôpital. Le CMD établissait un système de garde. Il avait
une liste de garde, mais le médecin était sur appel.
L'infirmière appelait le
médecin qui se levait et allait répondre à
l'urgence de son hôpital quand il y avait une urgence. Pour
améliorer cela, dans des régions, des rémunérations
différentes ont été acceptées, par exemple, par
vacation pour les urgences à faible débit. Mais ce
problème existe aussi dans les centres urbains pour les hôpitaux
dont les urgences sont à faible débit. Dans un des hôpitaux
mentionnés hier pour la région 03, c'est mon hôpital,
l'hôpital Laval, et, à minuit, à 1 heure ou à 1 h
30, si c'est tranquille, l'omnipraticien qui surveille l'interne quitte et s'en
va chez lui. Mais il reste de garde sur appel. Il peut revenir au besoin ou,
au-dessus de la pyramide de l'interne, il y a les résidents en
cardiologie, les résidents en médecine interne et les
résidents en pneumologie. Alors, autrement dit, il n'y a à peu
près pas de cas où l'interne serait obligé de faire appel
à l'omnipraticien qui est rendu couché chez lui à cause du
faible débit de l'urgence. Je sais que c'est un problème. On a
essayé de le régler. On fait des pressions auprès du
département de médecine générale qui est
responsable d'assurer ce système de garde à l'urgence, mais on se
fait répondre: Tant que je vais coucher ici pour voir un ou deux cas
dans la nuit, salut, il m'appellera et je viendrai. Le système de garde
est établi, mais il est sur appel. Puis, il existe la pyramide des
autres résidents à l'intérieur de l'hôpital pour les
superspécialités et, à ce moment-là souvent,
l'urgence qui s'en vient chez nous - ce n'est pas expliquer une situation
particulière - c'est une urgence respiratoire ou en cardiologie et, il y
a déjà des résidents et, au-dessus, toutes les
spécialités ont un système de garde sur appel aussi.
Alors, cela peut peut-être donner un peu d'explication, et je
pense que la solution serait de songer peut-être aussi à offrir
à cet omnipraticien à qui on demande de coucher à
l'hôpital et qui ne va recevoir à peu près aucune
rémunération pour cela, peut-être offrir ce que l'on a
offert dans certaines régions pour garder des gens à l'urgence la
nuit dans ces régions. C'est sûr que l'on comprend bien que les
internes se plaignent et font des pressions au niveau de notre comité
d'enseignement qu'ils ne sont pas supervisés, mais tous les cas qui ont
été vus la nuit sont révisés par l'omnipraticien
qui entre à l'urgence à 8 heures le matin, sont discutés,
et certains malades reviennent aussi pour des contrôles. Mais je l'admets
que cela existe dans trois hôpitaux de la région de Québec.
La solution n'a pas encore été trouvée à cause du
faible débit entre minuit et 8 heures de ces urgences. Cela n'existe pas
au CHUL ou à l'hôpital de l'Enfant-Jésus qui assurent
à peu près 80 % des urgences du Québec
métropolitain.
M. Chevrette: À la page 8 de votre mémoire il y a
une phrase en haut que je ne comprends pas. Elle est compréhensible au
point de vue français, mais j'aimerais savoir les dessous de cela. Il
serait regrettable que le problème d'accessibilité à des
soins médicaux soit résolu par la venue de médecins
immigrants ou de moniteurs. Premièrement, pourquoi, et qu'est-ce que
vous voyez de mieux?
M. Bois: C'est sûr qu'il y a un mouvement de la population
médicale, il y en a qui partent et il y en a qui veulent venir
travailler ici. Je pense qu'on n'a rien contre les médecins immigrants,
il ne faudrait pas interpréter cela comme cela, on n'a rien contre les
moniteurs qui se sont avérés, dans plusieurs endroits, de bonnes
ressources même dans des endroits éloignés, et j'en connais
personnellement.
Par contre, dans le contexte d'un contingentement qui pourrait se faire
sentir, avec le temps, de plus en plus pesant, si on peut parler ainsi, sur le
renouveau des effectifs, il faudrait bien, à un moment donné,
concevoir que d'autres ressources devraient venir faire le travail par
spécialisation ou en omnipratique.
M. Chevrette: Me permettez-vous juste une petite remarque? C'est
parce qu'au niveau des moniteurs, il y en a 300 au Québec dont 99 sont
du Canada, 58 du Québec, 33 des autres provinces, 22 des
États-Unis et 179 d'autres pays. Donc, les moniteurs, ce sont quand
même des gens qui ont le statut d'équivalent à un interne
ou à un résident, si on parle d'équivalence de statut.
M. Bois: Oui.
M. Chevrette: Sauf qu'ils n'entrent pas, bien sûr, dans les
effectifs devant déboucher sur le marché du travail
québécois. Cela constitue une ressource à court terme qui
peut être assez intéressante. La question des immigrants, c'est de
150 à 200 sur une liste d'appel. Est-ce que vous voulez dire,
concrètement, que c'est un palliatif è court terme mais que ce ne
devrait pas exister, ou si vous vous en prenez au statut? J'ai bien compris
pour les immigrants vous ne vous en prenez pas au statut, cela a
été clair, mais j'aimerais vous entendre sur les moniteurs.
M. Bois: II y en a qui viennent, on les appelle des moniteurs de
recherche clinique. En général, ils peuvent venir avec un statut
de résident, mais ils viennent souvent avec un statut de moniteur en
recherche clinique. Ils font certaines tâches cliniques. Ils peuvent
faire des stages en complémentarité, par exemple, avec une
technique un peu spéciale. Plus particulièrement dans le centre
hospitalier où je suis, on en a toujours
régulièrement plusieurs.
Évidemment, c'est normal de penser que le moniteur,
éventuellement, pourrait être intéressé à
demeurer au Québec, surtout si le système est différent et
lui plaît davantage par rapport à son pays d'origine, surtout s'il
prend épouse ou époux au Québec. Il peut prendre son
statut d'immigrant, éventuellement. Il peut devenir une excellente
ressource à court terme, bien entendu.
Mais si on parle, par exemple, de permettre plus de possibilités
pour des postes en résidence, etc., il faut penser tout de même
qu'un médecin ne se fait pas en deux ans ou en quatre ans et un
spécialiste non plus. Automatiquement, on tombe dans le moyen terme. Si,
actuellement, une certaine planification ne permettait pas d'ouvrir un certain
nombre de postes alors que nos effectifs en "spécialité" - entre
guillemets -deviennent plus âgés ou peut-être qu'on en vient
à une espèce de pénurie relative, à ce moment, si
on ne pense pas à moyen ou à long terme, il va falloir
automatiquement faire appel de plus en plus à une telle ressource. Mais
je ne voudrais pas qu'on interprète cela comme si j'étais contre
la venue de moniteurs. Au contraire, j'en connais, des moniteurs, qui sont
retournés dans leur pays et qui sont revenus dans un deuxième
temps. Il y en a qui sont demeurés et ils sont d'excellentes ressources
dans des régions intermédiaires, que je connais très bien.
(12 heures)
À court terme, je pense qu'on ne peut pas être contre les
moyens de permettre l'accessibilité aux soins de première ligne
aux citoyens plus en périphérie et de seconde ligne à des
niveaux intermédiaires ou pas. On ne peut pas être contre cela
à court terme, mais on voit plutôt cela dans une dimension de
court ou moyen terme. Je ne sais pas si cela répond à...
M. Chevrette: Oui, en sachant tout de même - vous le savez
pertinemment qu'actuellement tout le monde travaille avec des
méthodologies et des données différentes. On a pu s'en
rendre compte hier, quand on a parlé de l'évaluation des
effectifs médicaux.
M. Bois: C'est cela.
M. Chevrette: Je crois que c'est M. Jean Rochon, de
l'Université Laval, qui nous disait: Si vous n'excluez pas les
chercheurs, cela peut fausser le nombre de médecins nécessaires
en fin de compte. On a entendu également les omnipraticiens et les
spécialistes nous donner des versions différentes. J'aurais une
question là-dessus? Que pensez-vous de la politique ou de l'objectif qui
était d'atteindre 60 % d'omnipraticiens et 40 % de
spécialistes?
M. Bois: II faudrait peut-être se demander comment on
concilie cela avec ceux qui disent qu'il y a un surplus de médecins. Il
est paradoxal de dire qu'il y a un surplus de médecins et, en même
temps, une pénurie dans l'accessibilité dans plusieurs endroits
de ressources. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que si, en
régions très périphériques, on pense surtout
à des soins de première ligne, ces soins sont assumés par
les omnipraticiens en général ou ceux qui sont en médecine
familiale. Si, d'une part, on dit qu'il y a un surplus et, d'autre part, on ne
peut pas suffisamment combler les déficits qui peuvent exister dans
certaines régions, je...
M. Chevrette: C'est une question de répartition. Ce n'est
pas nécessairement paradoxal. Vous pourriez avoir un surplus de
médecins et avoir carrément des lacunes très graves sur la
Côte-Nord...
M. Bois: Oui.
M. Chevrette:... et en Abitibi et cela n'a rien à voir
avec les effectifs. Vous pourriez avoir des spécialités qui ne
veuillent que se concentrer dans les gros centres urbains. Il pourrait y avoir
un surplus de médecins là-bas quand même.
M. Bois: Oui.
M. Chevrette: Deuxièmement, si je vous pose les 60 % - 40
%, c'est à cause du fait suivant. On parle de
"désinstitutionnalisation", on parle de services à domicile
accrus, on parle d'améliorer les services communautaires en CLSC. On
parle de plusieurs autres soins de première ligne à donner et on
dit que, pour réaliser cela, il nous faut plus d'omnipraticiens et moins
de spécialistes. C'est vrai que cela pourrait être dangereux de se
retrouver avec des régions sans spécialistes, surtout si on
baisse globalement le nombre de spécialistes et qu'il y a concentration.
Est-ce paradoxal, d'autre part, de dire qu'il pourrait y avoir surplus tout en
visant cet objectif? Je ne le crois pas.
M. Desrochers (Marc): M. le ministre, on s'est interrogé
à quelques reprises sur ce rapport, à savoir que 60 % - 40 %,
c'est un chiffre idéalisé. Son origine exacte et jusqu'à
quel point cela peut répondre à un idéal dans
l'expérience, c'est déjà un point d'interrogation.
Deuxièmement, c'est l'impact de ce résultat
souhaité...
M. Chevrette:... un peu plus près parce qu'on a de la
difficulté...
M. Desrochers:... c'est-à-dire d'avoir 60 % de
généralistes et 40 % de
spécialistes. On s'est aussi interrogé pour savoir si cela
va apporter ia disponibilité que vous voulez offrir. Encore là,
un déversement - comme on en a parlé - de
généralistes n'ira pas nécessairement en CLSC parce qu'il
y a des postes de disponibles, encore moins en soins à domicile et ainsi
de suite.
Quant à la formation, quand on parle d'une seconde année
et d'étendre pas seulement les connaissances et les champs
d'activité auxquels est soumis le futur généraliste, je
pense que c'est à ce titre-là que le complément de
formation peut avoir sa place. Mais sur le rapport 60 % - 40 %, à part
d'être une valeur actuarielle pour l'ensemble du Québec pour des
rapports entre deux fédérations, je me demande quelle valeur cela
aura sur le terrain quand, dans une région ou dans un
établissement, on tentera d'en faire une norme. Il est presque
improbable de penser que, dans certains établissements, le rapport ne
sera pas de 80 spécialistes pour 20 omnipraticiens et, dans d'autres
régions, que ce ne sera pas l'inverse, 80 % de
généralistes pour une minorité de 20 % de
spécialistes. Cela dépend beaucoup du champ d'activité, de
la limite au type de soins qui vont être donnés, è
l'étalement de la région ou au genre de
spécificité. Donc une norme globale comme celle-là ne
devrait pas être un carcan, mais devrait être le résultat
mathématique d'un ensemble d'individualités. Ainsi, pour un
institut de cardiologie, on va peut-être avoir 99 % de
spécialistes et, 1 % de généralistes et dans un centre
hospitalier de longue durée, on peut avoir l'inverse, 99 % de
généralistes. Au total, vous estimez qu'il va y avoir une
pondération comme celle-là qui va s'établir et que le
résultat prévu va être de 60-40. Si c'est à titre de
résultat et que vous l'utilisez comme une prévision, cela peut
avoir sa valeur. Si vous l'utilisez comme un objectif, à nos yeux, pour
les gens qui pratiquent dans des établissements ou dans des
régions, ce n'est pas prévisible comme un idéal, et on en
connaît moins que vous l'impact. Est-ce que cela va changer beaucoup la
limite de la pratique entre la spécialité et l'omnipratique?
Est-ce que, quand il y a de moins en moins de spécialistes, il y a de
plus en plus de généralistes qui deviennent des
minispécialistes.
M. Chevrette: Avez-vous compris qu'on visait 60-40 par
établissement?
M. Desrochers: Non.
M. Chevrette: J'espère.
M. Desrochers: Mais au moins par région sinon pour le
Québec.
M. Chevrette: On parle toujours avec une vision plus globale.
C'était 60-40 en fonction d'objectifs bien précis. Selon nous, on
a plus de chances de répondre aux objectifs de soins de première
ligne avec 60-40 qu'avec l'inverse, ne croyez-vous pas?
M. Desrochers: Oui. Encore là, tout dépend des
modalités qu'on appliquera dans chacune des régions et, encore
là, quand on établit, à partir de ce rapport, la
production annuelle des facultés, on risque effectivement de ne pas
savoir ce qu'on produit, à savoir où on va les diriger au point
de vue des régions, où on va les diriger au point de vue des
champs d'activité, et on ne pourra pas se limiter à cette seule
norme.
M. Chevrette: C'est une forme de contingentement quand on
autorise X étudiants annuellement. J'ai terminé, Mme la
Présidente? Ne me grondez pas, c'est ma dernière phrase.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre sous-ministre
venait vous en souffler encore.
M. Chevrette: C'est son droit le plus strict, il est
engagé pour cela. Je disais que nous tenons compte des manques dans
certaines spécialités. La preuve, c'est qu'en psychiatrie et en
anesthésie vous savez qu'on permet des nombres additionnels compte tenu
du manque. Il y a des possibilités d'une façon intelligente
d'atteindre cet équilibre sans être paradoxal, je pense.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui monsieur.
M. Chevrette: Là, je vais être obligé de
m'arrêter. Ne suscitez pas de question...
M. Larouche (Raymond): Je voulais ajouter un mot sur les
statistiques. J'ai toujours été séduit par les
statistiques parce que je connais peu de choses, je suppose, et encore
davantage séduit par toutes les conclusions qu'on en tire puisque vous
divisez les gens en deux camps, on le sait.
En ce qui regarde les effectifs médicaux, on arrivera a peu de
chose si on continue à jouer avec les chiffres et si on ne les
décentralise pas, si mon terme est bon. Ce qu'il faut savoir, c'est que,
dans la région du Lac-Saint-Jean, par exemple, il faut combien de
spécialistes par généraliste? C'est un petit coin que je
connais assez bien pour avoir failli y perdre ma vie - cela n'y paraît
pas - mais le fait est qu'on se retrouve dans certaines villes là-bas
où vous avez 25 à 30 omnipraticiens et où il n'y a
personne qui oeuvre en médecine interne, en cardiologie. Et les
spécialités d'urgence, c'est la médecine d'aujourd'hui; au
départ, c'est une médecine d'urgence. Alors vous tombez
dans une situation absolument paradoxale et quasiment absurde où
vous avez beaucoup de gens qui repèrent beaucoup de maladies, mais le
nombre de gens qui, par ailleurs, sont capables d'apporter l'aide
définitive aussi bien aux praticiens qu'aux malades est
déficient. Là, on sort un peu des statistiques
générales qui sont toujours à mon sens un peu dangereuses.
Qu'on refasse dans chaque région éloignée l'exercice
d'établir un prorata de ce qu'il y a comme internistes, comme
cardiologues, comme médecins d'urgence, au départ. On ne peut pas
s'attendre à avoir un endocrinologue à Sept-Îles, je ne le
crois pas; il n'y en a même pas à Chicoutimi avec tout
l'équipement qui est installé là. C'est pour cela que cela
me porte à regarder cela un peu comme futile - avec tout le respect que
je vous dois - disons l'application de statistiques générales.
Montréal n'est pas Québec, Québec n'est pas
Montréal, Sherbrooke n'est pas Montréal et le Lac-Saint-Jean,
etc., et si on continue comme cela, on en a pour longtemps. La solution, il va
falloir qu'on la trouve sur le terrain, j'en suis sûr, avec des
intervenants locaux, comme des gens l'ont déjà
mentionné.
M. Chevrette: Êtes-vous d'accord avec les plans d'effectifs
médicaux régionaux?
M. Desrochers: Mais avec des barèmes établis. Qu'on
ne nous serve plus les statistiques qu'il faut 60 % par exemple - je sais que
vous n'avez pas dit cela - de spécialistes dans l'ensemble de la
province -vous m'avez dit que ce n'était pas cela -mais ce jeu
s'applique facilement et on descend en statistiques et on arrive à des
choses qui sont carrément inapplicables, qui ne le seront jamais et qui,
malheureusement, mette en danger notre système médical à
l'heure actuelle. Ceux qui ont connu le système de
non-accessibilité du vieillard qui vient vous quêter une
consultation et qui n'a pas 5 $. Si vous prenez son 5 $, c'est le tabac de sa
pipe, c'est tout ce qui lui reste comme joie, souvent. Ceux qui ont connu ce
système-là, ils sont contents du système qui existe
à l'heure actuelle, bien sûr. Nous autres, on pense qu'on est en
danger de le perdre un petit peu par, j'oserais dire, le jeu des chiffres.
M. Chevrette: Je peux vous dire une chose, c'est que les plans
d'effectifs médicaux vont nous aider peut-être à oublier
précisément les statistiques au niveau national puis à
penser plutôt en fonction des régions. C'est un des rôles
qui est dévolu aux CRSSS précisément pour que ce soit dans
le milieu que se fasse cette analyse, et cela nous permettra probablement de
réviser nos approches là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci de votre sagesse. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Oui, j'ai deux questions ou deux séries de
questions parce qu'on commence avec une question et on finit en série,
parfois. À la page 6 de votre mémoire, au premier paragraphe de
votre chapitre intitulé: Planification de la main-d'oeuvre
médicale, vous indiquez que: "L'objectif principal d'une planification
de la main-d'oeuvre médicale est de rendre accessibles à tout
citoyen des services de santé continus répondant à ses
besoins. Il est rapporté que 10 % environ de la population n'aurait pas
accès facilement à des soins malgré la gratuité des
services de santé. " Vous comprendrez que les mots "II est
rapporté" m'amènent à une question. Quelle est la source
d'information ou les sources d'information qui établissent ces 10 %?
Pourquoi 10 %, pourquoi pas 5 %, 15 %?
M. Bergeron: On parle d'une évaluation globale de la
consommation des services essentiels au Québec. C'est un chiffre que nos
administrateurs ont mentionné samedi dernier lors de notre conseil
d'administration à Rimouski. Dans la région de l'Abitibi, cela
dépasserait de beaucoup 10 %. On évalue, par exemple, que la
région de l'Abitibi-Témiscamingue serait en perte d'un montant
global de 12 000 000 $ en services de santé qu'elle ne consommerait pas,
qu'elle ne peut pas consommer parce qu'elle ne les a pas.
Samedi dernier, nous étions réunis au Centre hospitalier
régional de Rimouski, on faisait le tour de toute la péninsule et
quand, dans une région comme celle du Bas-Saint-Laurent, la
région 01, on nous raconte que la région a un manque de
rétention des services médicaux de 25 %, cela veut dire qu'on a
25 % des gens de cette région qui s'en vont ailleurs pour avoir des
services médicaux. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas les services
médicaux, ils n'ont pas les effectifs médicaux, ils n'ont pas la
technologie, ils attendent sur des listes d'attente trop longues, alors ils
vont recevoir leurs soins médicaux ailleurs. Il y a plus de 75 % de
rétention dans cette région. Dans la région du
SaguenayLac-Saint-Jean, il y a une légère
amélioration, selon le Dr Savard qui est président de notre
assemblée régionale. Il ne faut pas oublier aussi que, lorsque
les gens quittent la région 01 et qu'ils viennent prendre des services
de santé ailleurs, cela coûte deux ou trois fois plus cher.
Pour la région 09, la région de la Basse-Côte-Nord,
te Dr Archambault, qui est notre administrateur à Sept-îles nous a
mentionné que cela avait coûté au-delà de 3 000 000
$ en transport de malades qui viennent pour des visites à Québec,
à
Montréal, etc., les billets d'avion payés, etc, On pense
nous autres que c'est dans les régions qu'on va trouver les structures
qu'il faut. C'est pour cela que, dans notre association ici, on a formé
nos associations régionales de conseils de médecins et dentistes.
On a rencontré les gens de la conférence des CRSSS. On s'entend
bien pour essayer de planifier régionalement les besoins, et, quand une
région aura planifié ses besoins en demandes, après cela
on sera capable de faire une offre. Combien cela prend de spécialistes?
Combien cela prend d'omnipraticiens?
Les CLSC dans les régions périphériques jouent un
rôle qui est important mais, pour les CLSC dans les centres urbains, on
charrie. Il y a deux ans, on avait soutenu, lors d'un congrès que ce
serait le temps que le gouvernement nous fasse un ministère de la
Santé et qu'on sache ce qui se rattache au social et ce qui concerne la
santé. On a coupé 300 000 000 $ dans nos budgets des
hôpitaux en retirant cela de la santé pour le placer où, on
ne le sait pas. On veut terminer le réseau des CLSC. Je n'ai absolument
rien contre les CLSC. En régions, les médecins sont allés
pratiquer dans les CLSC, c'est devenu la porte d'entrée des services de
santé, mais pas dans les centres urbains.
Je me rappelle le congrès de la Fédération des
CLSC, il y a deux ans à Québec, sur 18 ateliers, il y avait un
atelier qui concernait la médecine. On parlait de goutte de lait, des
chambreurs, des assistés sociaux, des ci et des ça. Ils font du
social mais je voudrais savoir ce qu'on leur donne pour faire le social et ce
qu'on est venu chercher dans notre technologie, dans nos établissements
qui sont vétustes, en coupant nos budgets de 300 000 000 $ au cours des
dernières années. (12 h 15)
C'est encore en revenant dans une région, avec les CRSSS, avec
les assemblées régionales des CMDP, qu'on va être capable
de connaître les besoins d'une région; après cela, on va
faire l'offre. À ce moment, on sera capable de déterminer tout
cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse de vous
interrompre, mais le temps court et le ministre voulait juste revenir et vous
reviendrez après. Continuez et il reviendra. Allez-y.
M. Paradis: C'est juste parce qu'il vient de revenir et il faut
que je parte, également, pour la même raison.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: La deuxième question aux séries de
questions touche la page 9 dans votre sommaire des recommandations:
Planification de la main-d'oeuvre médicale. Tenir compte des erreurs du
passé dans la planification de la main-d'oeuvre médicale. Je ne
vous demanderai pas de les lister toutes, mais quelles sont les plus
importantes erreurs qui ont été commises pour que personne
d'autre ne les commette à l'avenir, selon votre organisme?
Remarquez que, tantôt, il y en a une qui a été
soulignée à partir des statistiques globales. On tente d'imposer
cela dans les régions et de repartir de la base pour remonter vers le
haut; j'ai saisi celle-là, mais est-ce qu'il y en a d'autres?
M. Bois: J'aimerais, dans un premier temps, mentionner que, quand
j'ai fait la lecture, j'ai dû tenir compte du passé, parce que je
ne pense pas qu'on puisse parler d'erreur. Si on dit, par exemple, qu'on va
augmenter le nombre de médecins et, qu'on va essayer de régler le
problème et, en l'augmentant par des versements, on ne le règle
pas, c'est un constat; cela n'est pas forcément une erreur, à mon
point de vue. C'est simplement une solution qui n'a peut-être pas
donné ce à quoi on s'attendait.
C'est la même chose si on parle d'un contingentement et qu'on
s'aperçoit que cela amène peut-être...
M. Chevrette: Voulez-vous parler un peu moins fort que nous; on
ne s'entend plus fumer.
M. Bois: Si on parle, par exemple, du contingentement dans les
spécialités et qu'on réalise que cela commence à
nous donner des problèmes d'effectifs, c'est un constat. Je ne pense que
ce soit... Le terme "erreur", je pense, il est très fort, d'ailleurs, et
c'est pour cela qu'on l'a enlevé. Je pense que ce sont des constats; ce
sont des solutions qui n'ont pas donné ce qu'on attendait ou, alors, on
s'interroge sur les solutions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je me vois dans
l'obligation de reprendre les propos de M. Bergeron, parce que je vous avoue
que, quand on fait l'analyse du cadre budgétaire au ministère,
là où on a le moins de contrôle possible, c'est dans le
domaine de la santé. Il faut quand même se dire les choses telles
qu'elles sont. On a malheureusement - je le dis comme je le pense - fait en
sorte que la population ait comme seul et unique réflexe
l'institution.
Moi, personnellement, je déplore ce fait. Si on avait
habitué les gens collectivement, notre société, à
se prévaloir de ressources plus légères, autres, beaucoup
moins coûteuses, beaucoup moins
dispendieuses, nous n'aurions probablement pas à faire face
à des interrogations majeures, avec les crises budgétaires que
l'on traverse, y compris dans le domaine de la santé.
Vouloir dissocier santé et services sociaux m'apparaît une
erreur monumentale, parce qu'il y a une complémentarité
indispensable, si on veut avoir une société qui ne soit pas
dépendante de l'institution. Je vous avoue personnellement que je
diverge complètement d'opinions et j'en aurais pour une heure à
faire un discours là-dessus, mais je ne voulais pas laisser passer
l'occasion que vous m'avez offerte de rectifier cela comme tir de population et
comme perception de population, comme perception gouvernementale, on ne peut
pas envisager...
On ferait peut-être plaisir politiquement à du monde de
scinder mais, collectivement, on s'en irait droit dans un cul-de-sac. Si on
n'est pas capable de regarder les complémentarités des deux
dimensions, je vous avoue très honnêtement qu'on a une très
courte vue de ce que sont les services de santé et les services sociaux
dans une collectivité et, surtout, la part importante du budget que cela
vient gruger. Quand c'est tout près de 30 % d'un budget et qu'on sait
très bien que des soins de santé, c'est illimité,
ça n'a pas de limite, on habitue même les gens à avoir
comme réflexe l'institution d'abord. Il y a des gens qui y contribuent.
Vous décrochez le récepteur de votre appareil
téléphonique à 17 h 30 et vous entendez: Ceci est un
message enregistré. Si vous avez des maux de tête ou des
problèmes, allez donc à l'urgence. Après ça, tout
le monde dit: Bien oui, l'urgence est encombrée. Et, là, on est
surpris que ça coûte des fortunes, socialement, parce qu'on n'a
pas cette ressource légère, précisément, pour venir
en aide aux gens, pour les habituer à avoir cette perception de prise en
main d'une collectivité qui n'est pas un tant soit peu dépendante
de l'institution. Je vous avoue que ça m'horripile.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais continuer, ce
n'est pas souvent qu'on voit l'Opposition et le gouvernement sur la même
longueur d'onde. Je comprends mal la réaction de M. Bergeron quand on
sait que notre population est vieillissante et qu'on va se retrouver, pas en
l'an 2050, on l'est déjà, en 1990-1995 ou en l'an 2000 avec une
population qui va atteindre probablement 13 % ou 14 % de personnes de 65 ans et
plus et une augmentation considérable des 80 ans et plus. Si on doit
regarder le vieillissement uniquement dans une perspective de santé, je
vous assure que, d'abord, je pense que vous ne tiendrez pas compte des besoins
réels des gens et ça va vous coûter une fortune, ce sera de
l'argent jeté, il n'y aura plus de limite.
Retourner à une division de la santé et des services
sociaux, on retourne avant le rapport Castonguay. Le rapport Castonguay,
malgré qu'il ait été difficile d'application, je pense
qu'il n'y a pas tellement de gens qui souhaitent qu'on retourne à cette
vision absolument étroite de la santé qui serait strictement
reliée à des facteurs biologiques sans tenir compte d'autres
facteurs. Je pense que ce n'est vraiment pas ça que vous avez voulu
dire.
M. Bergeron: Je n'ai pas dit qu'on devait nier ces rapports, pas
du tout.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste que c'est
ça, quand on dit qu'il faut diviser la santé et les services
sociaux. Je vous ferai remarquer qu'il y a à peu près 600
établissements sur 800 qui sont des établissements de services
sociaux parce que les centres d'hébergement, tout ce qui est ressources,
en fin de compte, pour les mésadaptés, pour les personnes
vieillissantes, etc., ce sont les institutions des services sociaux. Je
comprends mal. En tout cas, je vais arrêter ici, j'ai une question plus
précise à vous poser; si vous voulez réagir, vous
réagirez, mais je pense que ce serait dangereux de s'en aller dans une
orientation comme celle-là.
Une seule question. Quand vous parlez des lits protégés,
vous avez d'abord, dans les unités d'enseignement, le regroupement
géographique des malades. Je pense que ça rejoint cette
idée. L'Association des hôpitaux en a parlé tout à
l'heure. Il faut quand même une masse critique pour permettre un
enseignement qui soit adéquat. Ceci a suscité passablement de
problèmes compte tenu, aussi, des urgences et des lits qu'on gardait
pour l'enseignement.
Est-ce qu'on est arrivé, aujourd'hui - ça s'est
discuté dans les dernières années - à un meilleur
équilibre qui permette en même temps de répondre aux
problèmes d'urgence et, d'un autre côté, d'assurer la
qualité de l'enseignement ou si vous êtes encore dans une
situation où la qualité de l'enseignement devient de plus en plus
difficile, compte tenu du manque de lits qu'on appelle protégés?
Je pense qu'on se comprend.
M. Larouche (Raymond): Je pourrais dire un mot sur les
unités d'enseignement parce que j'ai été mêlé
de près à l'organisation des unités d'enseignement
à Québec, et je vais citer Québec, mais on pourra
extrapoler ailleurs. C'est difficile, mais ce n'est pas impossible. A
Québec, ça a été réussi. Je peux vous nommer
au moins quatre hôpitaux qui sont maintenant organisés en
unités d'enseignement uniquement.
Cela a été difficile pour plusieurs raisons.
Évidemment, il fallait contenter tout le monde: les médecins, les
spécialités,
satisfaire aux besoins des patients aussi. On a réussi, ici,
à l'heure actuelle, dans la ville de Québec, à fonctionner
avec des unités d'enseignement, ce que les Anglais nous ont appris,
"teaching units". Il y a une mentalité qui s'est formée du
côté des médecins et j'oserais dire qu'il y a une
mentalité qui s'est formée "surtout du côté des
administrateurs, car c'est eux qui avaient des problèmes pour
reiocaliser les patients, pour attribuer des ressources de façon
privilégiée aux unités d'enseignement en rapport avec le
contrat d'affiliation. Alors, en cours de route, il y a eu des
difficultés quasi insurmontables, mais de toute façon, elles ont
été vaincues.
Les difficultés actuelles, je ne veux pas faire la longue
histoire de cela; naturellement, il y a des lits protégés. Ils
sont relativement protégés. Quand on dit qu'il faut les
protéger contre l'urgence, moi, comme clinicien, cela me fait toujours
sourire, parce que je continue à dire que les étudiants qui
sortent, vont traiter des urgences jour et nuit s'ils sont bons. S'ils ne sont
pas bons, ils vont soigner autre chose. Mais les vrais qui se forment une
clientèle, ce sont eux qui vont être demandés. Donc, ils
doivent l'apprendre aussi dans les unités d'enseignement et d'une
façon bien ordonnée-La difficulté naît donc en
partie du côté du nombre des urgences, il y a un choix à
faire. La difficulté vient plus de la présence des chroniques et
des patients à long séjour qui ont un intérêt
didactique. Évidemment, après quinze jours que vous avez
regardé les mêmes tics, etc., il y a moins à apprendre que
chez un nouveau patient. Encore est-il qu'il y a des unités qui en
gardent un ou deux, ne serait-ce que pour enseigner les bonnes manières
aux étudiants, si j'ose dire.
Donc, on a réussi à les bâtir avec le concours des
étudiants, des résidents qui sont entrés dans le jeu, des
administrateurs qui ont dû déranger beaucoup de monde pour y
parvenir et aussi aller chercher des ressources financières pour
mobiliser et "disponibiliser" les gens qui ne font que cela ou à peu
près. Alors, cela s'est bâti ainsi et je dois vous dire qu'on
évalue chaque année ce mode de pédagogie et actuellement
cela a été jugé comme étant fort respectable. Je
compare les unités d'enseignement à des sortes de gymnase
où les gens vont s'entraîner à leur vie future.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je
pense que notre temps est écoulé. Je veux vous remercier, Dr
Bois, ainsi que vos collègues.
Je vais inviter le prochain groupe, qui est la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, à se
présenter. Merci beaucoup.
Bonjour, Dr Roy. Cela nous fait plaisir de vous voir, ainsi que vos
collègues.
M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, pendant que j'ouvre
ma malle, il faudrait peut-être vérifier avec vous jusqu'à
quelle heure la commission siège.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 20 minutes de
présentation et, après, nous aviserons.
M. Roy (Augustin): Parce que je n'aime pas trop être
obligé d'interrompre une présentation en plein milieu de...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Normalement nous
arrêtons à 13 heures.
M. Roy (Augustin): À 13 heures, d'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais j'aimerais que vous
essayiez de faire le même effort que vos prédécesseurs.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, M. le ministre,
mesdames et messieurs les membres de la commission, il me fait plaisir de
participer à cette commission parlementaire et, au tout début, je
voudrais présenter mes collègues. À l'extrême
gauche, le Dr François Laramée, adjoint à la direction
générale, le Dr André Lapierre, secrétaire
général adjoint; à ma droite immédiate, Mlle
Colette Assaly, responsable de toute la question des admissions de pratique de
médecine, admissions en spécialité des internes et
résidents, y compris les moniteurs, le Dr Michel Bérard,
directeur du service des études médicales de la corporation et
votre humble serviteur, Augustin Roy, président de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec.
Nous vous remercions de nous avoir invités à cette
commission parlementaire, même si nous avons été un peu
surpris au début du fait que le ministre ait convoqué la
commission durant ses pourparlers avec les internes et les résidents,
mais le ministre étant un bon négociateur, nous avons compris un
peu les raisons de cette convocation, même si les sujets concernant
surtout les gardes et les unités d'enseignement clinique sont
plutôt du domaine universitaire. Nous croyons qu'il est peut-être
de bonne guerre que le public soit un peu au courant de ce qui se passe et il
est légitime que le gouvernement, de temps en temps, fasse un exercice
de démocratie. (12 h 30)
En ce qui concerne les effectifs médicaux, nous aurions
aimé que le gouvernement ait un document de travail à
nous présenter, ait des données additionnelles à
nous donner avant de nous convoquer de nouveau à un autre exercice,
parce qu'on pourra faire ces échanges de vues, ces exercices très
fréquemment. Malheureusement, on vient chacun exprimer nos points de vue
qui semblent concorder considérablement avec ce qui a été
dit à la table de concertation du mois de mai, l'année
dernière, avec l'ex-ministre des Affaires sociales.
J'en profite avant de passer la parole à un de mes
collègues, le Dr Lapierre en particulier, sur la question des gardes et
des unités d'enseignement clinique, pour dire au ministre qu'il me
paraît un homme très raisonnable, il me paraît avoir un
jugement excellent et j'aime beaucoup ses observations sur le plan humain et
humanitaire. En conclusion, les propos que je reçois du milieu me
semblent assez excellents, bien que des directeurs d'hôpitaux puissent
être vexés de certains articles journalistiques, mais il est de
bonne guerre de provoquer les gens.
Les propos que j'aurai moi aussi à tenir dans ma
présentation sur les effectifs médicaux ne visent aucunement le
ministre puisqu'il est nouvellement en fonction et, évidemment, sont
l'objet des politiques prises par certains de ses prédécesseurs
qui ont fait des erreurs monumentales. Donc, que le ministre ne monte pas sur
ses grands chevaux et qu'il ne se sente pas visé lui-même parce
que tout ce qui sera dit sera fait dans l'intérêt de la
communauté. Dr Lapierre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce déjà
de la provocation?
Une voix: Si c'est de la provocation, c'est de bonne guerre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Allez.
M. Lapierre (André): Pour nous, les résidents et
les internes font l'objet de préoccupations de la corporation au
même titre que tous ses autres membres. Ce sont des membres encore en
formation. C'est pourquoi nous avons voulu les intégrer aux structures
de la corporation spécialement mandatée pour étudier les
problèmes de formation. C'est ainsi qu'ils participent aux
activités du comité des études médicales où
sont discutées les questions reliées aux études pré
et postdoctorales. Ils sont également membres du conseil de formation en
médecine qui regroupe des représentants des doyens des quatre
facultés, des associations d'étudiants, de la
Fédération des médecins résidents et internes et de
la corporation. Ce conseil constitue une table de discussion et de concertation
sur des questions d'ordre médical. Enfin, de concert avec le
comité des doyens, des rencontres ponctuelles ont été
organisées avec la Fédération des résidents et
internes pour étudier la question de la surveillance des internes au
cours de leur stage.
Cela dit, je voudrais parler des horaires de garde. Pour la corporation,
la garde est une fonction qui est... Je m'en tiens au mémoire et vous
pouvez me suivre en partant de la page 2, au bas de la page où on parle
des horaires de garde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
M. Lapierre: Pour la corporation, la garde est une fonction qui
est dévolue aux résidents et aux internes dans le cadre de leur
engagement dans un établissement. Puisqu'elle est primordialement une
situation d'apprentissage, la garde se doit de reposer sur des principes
applicables à toute forme d'apprentissage et de remplir les conditions
suivantes: permettre l'exposition à des situations variées,
favoriser la répétition des situations, créer des
situations d'autoapprentissage, permettre une approche en première ligne
de problèmes encore non différenciés, permettre de faire
l'apprentissage de la fatigue et du stress qui sont courants dans l'exercice
médical. En bas de page: De cette situation d'apprentissage
découlent les services que les résidents et les internes rendent
aux patients à l'hôpital. Ces services ne doivent pas être
l'objectif de la garde; ils en sont une conséquence évidente.
Parmi les conditions essentielles pour faire de cette situation
d'apprentissage une expérience éducative valable, il y a celle de
déterminer les objectifs que l'interne et le résident doivent
atteindre. Les personnes qui ont pour mandat d'agir comme tuteur de cette
expérience éducative doivent jouer à l'égard de
l'interne et du résident leur double rôle d'enseignant, de
superviseur et de médecin traitant.
La corporation a publié un document sur l'internat dans lequel
elle spécifie les objectifs de l'internat. Vous les avez en page 4, qui
sont de développer son aptitude à établir une relation
avec des patients, à procéder à des examens
médicaux, à requérir des examens diagnostiques, à
participer aux consultations entre médecins, à effectuer diverses
techniques diagnostiques, à établir un diagnostic, à
effectuer certains traitements et ordonnances, à faire la relance des
patients, à assurer des soins continus et à proposer des mesures
préventives. L'autre objectif est de développer son jugement
clinique et son esprit de décision.
Et je me reporte à la page 6. Ce document de la corporation
portait sur l'internat. Nous disons qu'il y a peu de choses à changer
pour qu'il s'applique égale-
ment aux résidents. Les seules variantes à apporter le
seraient au paragraphe où l'on traite des objectifs, car les objectifs,
pour chacune des spécialités, sont des objectifs plus
spécifiques qui leur sont propres.
Alors, ces prémisses étant exposées, la
première question que l'on peut se poser au sujet de la garde concerne
sa fréquence. Y a-t-il, de fait, une fréquence idéale?
C'est surtout au cours de la dernière décennie que cette question
a commencé à être posée au Canada et en
Amérique du Nord. Au Québec, cela date de près de deux
décennies, alors que les parties en présence, le MAS et la
Fédération des résidents et internes du Québec,
réussissaient, depuis ce temps, à s'entendre sur une
fréquence acceptable.
Antérieurement, l'habitude consacrée dans le milieu
médical était que, plus on faisait de la garde, plus on avait de
chances d'être exposé à une variété de
problèmes et, partant, de faire un bon apprentissage. Le modèle
qui était proposé était celui du médecin presque
exclusivement consacré à son travail professionnel. À
l'image de la société dans laquelle ils évoluent, les
résidents et les internes se posent des questions sur leur
qualité de vie et n'acceptent plus le modèle
précité.
À la page 7. Le bon sens veut toutefois que la garde, pour
être d'une fréquence acceptable, tienne compte de certains
facteurs, comme un repos compensateur. La garde doit permettre au
résident ou à l'interne de profiter des cas qu'il est
appelé à voir pour se former. La garde doit être un
complément utile au programme qu'il suit et au stage qu'il effectue.
Cela dit, on peut se poser des questions sur le concept de gardes
supplémentaires, et, pour nous, ce concept peut difficilement être
autre chose que la garde qui est en surplus du nombre fixé par la
convention qui est intervenue entre le ministre et la
fédération.
Ici interviennent inévitablement les effets, d'une part, de
l'augmentation au cours des dix dernières années du nombre de
centres d'apprentissage et, d'autre part, la réduction du nombre de
postes de résidences consécutive au contingentement.
De plus, comme on le dit à la page 8, tout calcul fait des divers
types de congés prévus, l'interne et le résident peuvent
aussi jouir de près de deux mois d'inactivité
hospitalière. Il s'agît là encore d'un
élément qui vient compliquer le fardeau de la garde pour ceux qui
restent. Il ne faudrait pas non plus fermer les yeux sur certains états
de faits, même si d'aucuns se plaignent de la fréquence des
gardes, il s'en trouve d'autres qui trouvent le temps d'exercer en dehors de
leur cadre de formation, et ici nous parlons du "moonlighting".
Là-dessus, nous voulons ajouter que la corporation n'a jamais
favorisé le "moonlighting", mais que la loi 27 l'a reconnu
explicitement. Certains des résidents ne cachent pas
l'intérêt qu'ils auraient pour des gardes supplémentaires
payées en surplus, nonobstant les arguments d'ordre pédagogique
fréquemment mentionnés.
Un dernier commentaire pour dire que certains hôpitaux peuvent
avoir tendance à oublier que les internes et résidents sont des
médecins en formation.
Voilà ce que nous avions à dire au sujet de la garde. Sur
la question de l'unité d'enseignement clinique, nous avons cru utile de
reproduire, dans notre mémoire, un extrait d'un document de la
corporation sur les critères d'agrément des programmes de
formation postdoctorale. Il se retrouve aux pages 9 et 10 du mémoire.
Nous y définissons l'unité d'enseignement et nous
précisons sur objectifs.
Permettez-moi d'insister sur le fait qu'il s'agit d'un concept
destiné à définir une structure de formation qui a eu une
certaine vogue au milieu des années soixante. Les conditions qui
prévalent dans les hôpitaux du Québec et du Canada depuis
l'avènement de l'assurance-maladie ont forcé les organismes
d'agrément à beaucoup d'assouplissement dans
l'interprétation de ce concept.
Depuis quatre à cinq ans, les hôpitaux d'enseignement
vivent quotidiennement toute une série de contraintes dont nous
mentionnons certaines causes aux pages 12 et 13: Telles la réduction du
nombre du résidents, les restrictions budgétaires, l'augmentation
des malades chroniques, l'admission dans les hôpitaux qui se fait presque
uniquement par la salle d'urgence. Alors, à propos des unités
d'enseignement clinique, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec garde donc une position souple.
En guise de conclusion sur ces deux sujets, les horaires de garde et les
unités d'enseignement, nous tenons à souligner à cette
commission l'inquiétude que nous éprouvons de voir s'introduire
dans des conventions négociées des sujets ou des questions de
nature pédagogique. Nous sommes d'avis qu'il est important qu'on garde
au sujet relié à la formation, comme la situation de
l'apprentissage ou des structures de formation, leur caractère purement
pédagogique et qu'on n'en fasse pas l'objet de négociation.
M. Roy (Augustin): Passons maintenant à la question
très complexe des effectifs médicaux au Québec ou
plutôt de leur planification.
En 1972, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, avec la collaboration - c'est à la page 13 - de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec et du département
d'administration de la santé de l'Université de Montréal,
décidait de mettre sur pied un fichier permanent de ses
membres qui permettrait de faire périodiquement: 1) Une mise
à jour de la répartition des effectifs médicaux dans la
province et d'en suivre l'évolution. 2) Des prévisions plus ou
moins à long terme sur l'évolution de ces effectifs.
J'en profite pour déplorer l'absence de M. André-Pierre
Contandriopoulos qui devait être avec nous ce matin, mais qui a dû
s'excuser pour des raisons personnelles.
Depuis cette date, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec publie à tous les deux ans un document qui trace le
portrait de l'état des effectifs médicaux au Québec et
présente une évolution pour les quatre prochaines années.
Le prochain document sera publié à l'automne prochain. S'il y
avait eu une collaboration depuis les dix dernières années entre
la Corporation professionnelle des médecins du Québec et le
ministère, on aurait sûrement évité beaucoup de
dédoublements et de dépenses inutiles, surtout quand je vois tous
les talents de fonctionnaires ici autour de la table. Il y en a qui ne sont pas
présents qui, depuis des dizaines d'années, travaillent à
la compilation de données d'effectifs médicaux au Québec y
compris ceux du ministère de l'Éducation et ceux du
ministère des Affaires sociales. S'il y avait eu une collaboration et
une articulation, on aurait de meilleures données et de meilleures
politiques.
La première étude, en 1973, a permis à la
Corporation professionnelle des médecins du Québec d'attirer
l'attention sur le fait que les effectifs médicaux croissaient beaucoup
plus rapidement que la population. Elle identifiait que le problème des
effectifs n'en était pas un de nombre, mais de répartition. Elle
indiquait que les régions de Québec, de Montréal et des
Cantons de l'Est étaient favorisées par rapport aux autres
régions et qu'elles le demeureraient à moins que des mesures
correctrices y soient apportées en 1973.
La seconde étude, en 1975, permettait d'identifier les points
suivants: 1) Un attrait plus marqué pour la médecine
générale chez les diplômés du Québec; 2) Une
entrée importante de médecins étrangers en médecine
générale, à la suite de la disparation de l'exigence de la
citoyenneté canadienne; 3) La perspective d'une féminisation de
la profession. À cet effet, on notait particulièrement que les
femmes se concentraient dans les régions métropolitaines et que
leur taux de participation était moins élevé que celui des
hommes.
La troisième étude, en 1977, notait encore une
augmentation des omnipraticiens et une répartition
améliorée de ceux-ci dans les diverses régions
sociosanitaires du Québec par rapport aux années
antérieures. L'étude permettait de prévoir une
augmentation de 12, 75 % des spécialistes de 1976 à 1980.
Elle prévoyait aussi que les disparités régionales
subsisteraient même dans les spécialités dites
courantes.
La quatrième étude, en 1979, a permis de constater et de
prévoir encore une féminisation importante du corps
médical, une augmentation du nombre d'ornnipraticiens pouvant atteindre
50 % aux environs de 1982, une amélioration du rapport
population-médecins, une amélioration de la répartition
des omnipraticiens entre les régions sociosanitaires suffisantes pour
affirmer que, globalement, il n'y aurait plus de pénurie majeure
d'omnipraticiens.
Par contre, cette étude indiquait de façon explicite qu'il
fallait prévoir une diminution importante dans le taux de croissance des
effectifs médicaux spécialisés du Québec, ce qui
s'est produit, que le rapport population-spécialistes resterait presque
constant de 1978 à 1982 et se détériorerait dans certaines
régions - ce qui est vrai - et que la répartition
régionale des spécialistes ne s'améliorerait pas. (12 h
45)
L'étude attirait également l'attention sur la croissance
du nombre de médecins qui décidaient d'exercer hors
Québec; première alarme à ce sujet.
La cinquième étude, en 1981, en plus de constater et de
prévoir encore une augmentation du nombre des omnipraticiens et une
amélioration de leur répartition entre les régions
sociosanitaires, signalait un rajeunissement de l'âge moyen des
omnipraticiens et un début de vieillissement de celui des
spécialistes. L'étude mettait alors l'accent sur la diminution
importante du taux de croissance des effectifs médicaux
spécialisés; elle indiquait que ce taux devenait presque nul ou
même négatif dans certaines spécialités et que, dans
certaines régions, il y avait une détérioration dans les
rapports population/spécialistes. Elle signalait enfin la diminution
importante des anglophones et le nombre important de médecins qui
abandonnaient leur droit d'exercice au Québec.
La sixième étude, en 1983, la dernière à ce
jour, mais qui sera suivie d'une autre bientôt, confirmait toutes les
données antérieurement citées et prévoyait pour
1986: que les omnipraticiens seraient plus nombreux que les spécialistes
pour la première fois depuis les années cinquante; que la
structure par âge irait en vieillissant chez les spécialistes et
en rajeunissant chez les omnipraticiens; que l'importance du nombre de femmes
médecins irait en s'accentuant surtout dans les grands centres urbains;
que les omnipraticiens semblaient répondre aux mesures instaurées
pour assurer une meilleure répartition géographique des
effectifs, par contre, les spécialistes semblaient beaucoup moins
sensibles à ces mesures.
Quelles mesures le gouvernement a-t-il
pris concernant l'évolution des effectifs médicaux depuis
sept ans? Premièrement, l'instauration de bourses aux étudiants
qui a donné certains résultats en incitant certains
étudiants à aller s'installer dans les régions.
Malheureusement ces gens ne font qu'aller et venir, mais c'est encore mieux que
rien-Deuxième mesure: Contingentement. C'est la mesure la plus
discutable. Le contingentement avait comme objectif de limiter la croissance du
nombre des médecins à cause des coûts en
général, à cause des coûts qu'engendrent les
médecins en pratique et du volume de services qu'ils
génèrent; d'atteindre une proportion de 60 % d'omnipraticiens et
de 40 % de spécialistes; d'obtenir une meilleure adéquation entre
le nombre d'internes et de résidents formés au Québec et
le nombre de nouveaux praticiens pour le Québec. Cela vient d'un
document du ministère à l'époque.
Pour réaliser ces objectifs, le gouvernement a imposé:
premièrement, une limitation du nombre total d'internes et de
résidents; deuxièmement, une limitation du nombre
d'entrées en spécialités, grave erreur à
l'époque et qui a été dénoncée;
troisièmement, une limitation du nombre de médecins
diplômés de faculté de médecine
étrangère.
La corporation ne s'est pas opposée è une limitation de la
croissance globale des effectifs médicaux; au contraire, elle a
demandé une limitation du nombre d'admissions dans les facultés
de médecine, donc, à l'entrée du système
plutôt que d'exercer des contractions à la sortie de ce
système. Cela a été la grave erreur faite en 1979, 1980 et
1981. Une telle orientation allait dans le sens des données
publiées par la corporation.
Par contre, la corporation s'est vivement opposée aux
modalités d'application de cette politique du ministère des"
Affaires sociales sur les effectifs médicaux bien avant qu'elle ne soit
adoptée de façon définitive et imposée par
décret gouvernemental. Les principales raisons alors invoquées se
résument comme suit:
Premièrement, la base du calcul des prévisions d'effectifs
médicaux du MAS ne comportait pas tous les éléments qui
auraient permis de l'accepter.
Deuxièmement, l'acceptation du contingentement tel
qu'appliqué globalement lui apparaissait contraire à
l'expectative de l'évolution des effectifs médicaux.
Troisièmement, les répercussions à long terme d'un
tel contingentement sur les besoins de la population n'avaient pas
été évaluées.
Quatrièmement, l'objectif de parvenir à long terme
à une proportion d'omnipraticiens/spécialistes de 60-40
apparaissait découler d'une décision arbitraire. Aucune
démonstration de la valeur de ce rapport 60-40 n'a été
faite par le ministère des Affaires sociales et il ne semble pas y avoir
d'étude sérieuse pour le démontrer. L'objectif visé
n'était pas d'adapter l'offre de services médicaux aux besoins de
santé de la population mais de freiner la hausse des coûts du
système de soins. Il semblait plutôt basé sur le fait que
la rémunération d'un omnipraticien est inférieure à
celle d'un spécialiste et qu'il génère moins de
coûts. La corporation a alors avisé le ministère que, par
son objectif de 60-40, il ne ferait qu'accélérer inutilement une
tendance déjà bien amorcée à opter pour
l'omnipratique, tendance démontrée par les données de la
corporation et qui se continue et qui aurait continué sans
l'intervention du gouvernement.
Un rapport 60-40 exige que la population consulte en première
ligne les omnipraticiens et réserve les effectifs
spécialisés pour les soins secondaires et tertiaires. Cela, on ne
l'a jamais dit parce qu'il aurait fallu à ce moment, si on avait
été logique, changer notre système de santé,
inciter la population et dire vraiment à la population:
Dorénavant, n'allez plus voir les spécialistes directement; allez
voir les omnipraticiens directement et, lorsque vous voudrez voir un
spécialiste, il devra agir comme consultant, passer par un omnipraticien
et, à ce moment, pratiquement en arriver à la situation qu'on a
dans d'autres pays quand on a des spécialistes dans les hôpitaux
et les omnipraticiens dans les cabinets privés. Donc, un chambardement
radical de notre système de distribution des soins de santé, ce
qui n'a jamais été dit, ce qui, évidemment, n'a pas
été fait et ce qui est contraire à nos moeurs.
Dans le contexte des habitudes médicales de l'Amérique du
Nord, l'attitude de la population ne changera pas facilement. Pour amener la
population à utiliser les omnipraticiens en première ligne, il
eût été plus efficace et positif de favoriser une formation
plus adéquate de ces derniers pour remplir leurs fonctions. C'est ce que
visait le règlement de la corporation sur les conditions et
modalités d'émission des permis d'exercice que le gouvernement
refuse ou n'a pas encore adopté depuis dix ans.
Nous avons un règlement pour régulariser la formation des
omnipraticiens en les obligeant d'avoir un programme spécifique de deux
ans en omnipratique pour pouvoir dorénavant exercer au Québec,
dans l'intérêt de la population. Ce règlement traîne
entre le Conseil des universités et le ministre responsable de l'Office
des professions depuis dix ans. C'est un scandale; c'est une vraie honte et on
nous envoie de Charybde en Scylla et si l'on avait eu une volonté
politique de faire quelque chose, le problème aurait été
réglé rapidement, dans l'intérêt de
l'amélioration et de la qualité des soins à la population
et l'on aurait incité
les jeunes médecins à aller dans les régions
éloignées, parce qu'une des raisons que les jeunes nous donnent,
c'est qu'ils ne sont pas prêts à aller dans les régions
éloignées en finissant leur année d'internat, ceux qui
continuent à le faire.
Cinquièmement, compte tenu que ces données indiquaient
que, selon les lois du marché, on se dirigeait vers cet objectif de
60-40, la corporation a demandé au ministère des Affaires
sociales de s'inquiéter davantage du déficit à court terme
des effectifs médicaux dans certaines spécialités. Or, le
ministère, par le contingentement, imposait, au contraire, une
limitation du nombre d'entrées en spécialité, sans en
protéger aucune, ce que faisait la corporation avant le décret de
1981, parce que nous contrôlions la distribution des cartes de stage et
nous favorisions d'abord les spécialités en déficit et
surtout pour les médecins qui nous indiquaient devoir aller pratiquer
dans des régions en pénurie.
Mais, maintenant qu'on nous a évincés du système et
qu'on a laissé ce choix aux facultés de médecine, on ne
peut plus faire l'arbitrage et on ne peut plus favoriser des
spécialités en déficit par rapport à d'autres.
L'état actuel des effectifs spécialisés au
Québec démontre que ces prévisions de la corporation
étaient justes. Ainsi, on se retrouve aujourd'hui avec un rapport
à peu près de 50-50, mais aussi avec des pénuries
inquiétantes dans plusieurs spécialités, notamment, la
psychiatrie, l'anesthésie, la radiologie diagnostique, la cardiologie,
la chirurgie orthopédique. On peut prévoir des difficultés
à court terme dans d'autres spécialités comme la chirurgie
générale et la médecine interne.
Les facultés de médecine se voient même dans
l'obligation de recruter un certain nombre de professeurs à
l'étranger. Vous n'en avez pas parlé tellement hier
après-midi et je ne comprends pas que vous n'ayez pas posé la
question d'une façon plus précise aux facultés de
médecine. Je trouve épouvantable qu'on soit obligé
régulièrement d'aller recruter des professeurs à
l'étranger, alors qu'on forme des médecins en quantité au
Québec et au Canada. Je pourrai développer davantage à la
période des questions.
À la suite de toutes ces démarches et devant la
résistance de la corporation à adhérer à la
politique de contingentement du gouvernement, la corporation s'est vue
évincée du mécanisme d'application de cette politique.
Nous devenions trop malcommodes pour les gens du ministère des Affaires
sociales à l'époque. J'ai des cahiers épais de
correspondance entre le ministère et moi-même dans les
années 1979, 1980 et 1981, avec le ministre et le sous-ministre et
certains de ses adjoints sur la question du contingentement des effectifs
médicaux.
À ce moment, on n'a pas eu l'audace, évidemment, de nous
évincer en 1980, parce que c'était l'année du
référendum; vous vous en souvenez très bien.
L'année 1980-1981 était une année d'élection et
vous vous en souvenez encore très bien. On a eu la prudence du serpent;
alors, on a reculé. Mais, après l'élection de 1981 et,
surtout, dans les circonstances que vous connaissez tous de votre humble
serviteur, on s'est empressé de dire: On va lui régler son cas
une fois pour toutes.
Or, vous n'avez pas réglé le cas de votre serviteur, mais
vous avez fait un tort épouvantable aux internes et aux résidents
et à la population du Québec. Ce n'est pas moi que vous avez
visé, c'est la population du Québec par le biais des services
à rendre. Vous avez mis la CREPUQ à la place de la corporation
pour faire l'arbitrage, un organisme universitaire, que les doyens ont
encensé hier et dont nous avons corrigé les erreurs au tout
début, que nous avons formé, qui fait un travail raisonnable
maintenant; mais les universités ont oublié de remercier la
corporation pour tout le travail qu'elle a fait et qu'elle continue de faire
pour corriger beaucoup de leurs erreurs.
Troisièmement, la loi 27 et les décrets sur la
rémunération différenciée que vous connaissez tous
très bien. Deux ans après l'application de ces décrets, le
ministère des Affaires sociales procédait à une
évaluation de leur impact. Pour être complet et plus instructif,
ce travail aurait dû considérer les départs hors de la
province.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, Dr Roy.
J'étais vraiment prête à vous donner dix minutes de plus,
mais il vous en reste seulement cinq.
M. Roy (Augustin): II m'en reste à peu près cinq,
mais vous en avez donné pas mal aux doyens, hier. Je me sens jaloux.
Vous en avez donné pas mal à d'autres aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):...
M. Roy (Augustin): Ce ne sera pas trop long. On aurait dû
considérer les départs de la province. Hier, on a posé la
question sur les départs. J'espère qu'on va la reposer parce que
les bonnes réponses n'ont pas été données. Les
départs des médecins du Québec, c'est un problème
qui est la cause de beaucoup des situations difficiles qu'on vit
aujourd'hui.
En résumé, l'impact des mesures incitatives et
désincitatives a été positif chez les omnipraticiens, mais
non chez les spécialistes; de toute façon, c'est ce qui serait
arrivé parce qu'avec le nombre d'omnipraticiens qu'on forme ils ne
peuvent pas faire autrement qu'aller ailleurs que dans les grands centres.
Plusieurs autres effets de l'application de ces décrets ont
été constatés par la corporation. Il y a eu des
départs de jeunes médecins vers l'extérieur du
Québec; c'est bon qu'on le sache. Certains médecins admissibles
aux examens de spécialité et qui ne désiraient pas aller
en région ont décidé de ne pas se soumettre à ces
examens parce qu'il leur apparaissait préférable de demeurer
omnipraticiens avec une rémunération de 100 % que de devenir
spécialiste avec une rémunération à 70 %.
Certains résidents ont prolongé leur formation
spécialisée pour être admissibles à des postes de
professeurs et être rémunérés à 100 % dans
les hôpitaux universitaires. Certains groupes de médecins des
régions urbaines, plutôt que de recruter de jeunes médecins
à 70 % pour combler des postes vacants, recrutaient des médecins
qui exerçaient déjà dans les centres
périphériques et qui étaient
rémunérés à 100 %. Cela a contribué à
créer une pénurie dans les hôpitaux de ces
régions.
Un certain nombre de médecins qui exerçaient dans des
hôpitaux situés dans des régions éloignées,
mais non désignées, se sont déplacés pour exercer
dans la région voisine qui, elle, était désignée.
En fait, c'était un "free-for-all" constant. L'application de ces
décrets, à cause de son absence d'impact sur la
répartition des médecins spécialistes et à cause de
ces effets secondaires non désirés, a bouleversé
l'équité de la répartition des effectifs médicaux
déjà rendue précaire par l'application du
contingentement.
D'autres mesures incitatives. Depuis, nous assistons à une
multiplication ou à un renchérissement de ces mesures; il y en a
énormément qui ont été
décrétées. C'est la conséquence d'une
compétition entre les régions ou entre les hôpitaux, ce
sont des mesures qui sont parfois contradictoires avec certains objectifs
énoncés. Il y a plusieurs millions, il y a 27 000 000 $ qui ont
été décrétés comme mesure incitative par le
gouvernement, 27 000 000 $ qui sont venus je ne sais d'où. Dans les
contraintes budgétaires difficiles que le gouvernement vit, on a
réussi à trouver 27 000 000 $ dont on me dit que 18 000 000 $
vont à l'achat d'équipements - les hôpitaux me disent
qu'ils ont accès à beaucoup d'équipements de ce temps-ci -
et le reste va à l'achat de services médicaux, quel que soit le
prix. Je vais vous donner des exemples, si vous me le demandez.
Voici quelques exemples de ces mesures. Le jumelage d'hôpitaux
entraîne une multiplication des sites d'apprentissage alors qu'on assiste
à une réduction du nombre de postes d'interne et de
résident imposée par le même ministère. Il faut
rappeler que la présente commission parlementaire a été
convoquée pour discuter, entre autres, des horaires de garde. Si on
diminue le nombre d'internes et de résidents dans un hôpital de
Montréal pour les envoyer à Blanc-Sablon ou à Fort-Chimo -
ce sont des exemples exacts - à ce moment-là, ça fait plus
de garde pour les médecins qui restent dans les hôpitaux de
Montréal et ça noie, ça disperse l'enseignement
médical, et généralement, ce n'est pas toujours
souhaitable. Si les universités en sont rendues à faire
ça, c'est à cause des budgets que le ministère des
Affaires sociales donne à ces hôpitaux et aux universités
pour en faire des centres d'enseignement.
Alors que le ministère des Affaires sociales impose une
limitation de l'admission des médecins étrangers, les
représentants de ce même ministère et de certaines
régions tentent de recruter des médecins étrangers pour
combler le déficit en effectifs médicaux. De plus, le
ministère des Affaires intergouvernementales dispose de bourses de plus
de 1 000 000 $ pour faciliter les échanges et favoriser la venue de
médecins étrangers qui, très souvent, après leur
stage, décident de demeurer au Québec.
Non seulement on réclame des médecins étrangers,
mais on va les chercher à l'extérieur avec des bourses du
ministère de l'Education et du ministère des Affaires
intergouvernementales, et ensuite on est surpris que certains de ces
médecins restent au Québec et demandent leur visa d'immigrant. On
va les chercher au Mexique, au Venezuela, en Colombie, au Pérou,
ailleurs dans le monde, et ensuite on se scandalise parce qu'ils restent au
Québec. En plus, on nous demande d'aller chercher des médecins
étrangers pour les régions éloignées, pour
lesquelles j'ai beaucoup de sympathie, alors que nos propres
Québécois ne peuvent plus entrer en spécialité
comme ils le voudraient. Je pourrais en donner des exemples. (13 heures)
Nous constatons qu'il existe aussi des ententes particulières
pour certaines spécialités qui, pour fins de dépannage,
sont acceptées par les hôpitaux, les fédérations de
médecins et le ministère des Affaires sociales. Ces ententes, qui
ont comme objectif de combler un besoin dans l'attente de recrutement
d'effectifs médicaux appropriés, favorisent une médecine
itinérante et peuvent s'avérer un obstacle au recrutement de la
ressource recherchée. On en a fait état hier: la médecine
itinérante peut être bonne à certains moments, mais elle
peut être extrêmement néfaste à d'autres moments. On
a ajouté les frais de déménagement, des prîmes
d'éloignement et d'isolement, des remboursements de certains nombres de
sorties par année, des paiements de ressourcement. À la
période des questions, si vous me le demandez, je vous lirai un petit
feuillet que certains hôpitaux passent pour recruter des médecins.
Je n'ai pas le
temps de le lire, mais je vous le lirai pour vous dérider. C'est
drôle et c'est à pleurer également.
Alors, la planification de la main-d'oeuvre médicale, je suis
obligé de passer par-dessus cette partie qui avait été
préparée par M. Contandriopoulos, mais qui vous montre que la
planification avait été mal faite. La planification est une
question complexe qui ne peut être réglée que par
l'application de formules magiques, telles que les rapports
médecins-population. Elle devrait consister à déterminer
la quantité et le type de main-d'oeuvre requis à l'avenir pour
répondre aux besoins de la société, à adapter le
système de formation pour lui permettre d'offrir la main-d'oeuvre
requise et à prévoir des mécanismes systématiques
et continus d'évaluation de l'adéquation entre l'offre de
main-d'oeuvre et la demande.
Dans ces conditions, l'absence d'une planification cohérente de
la main-d'oeuvre médicale peut entraîner des inefficacités
considérables. Les excédents de main-d'oeuvre entraîneront
de façon presque automatique un accroissement de dépenses sans
pour autant améliorer la santé de la population. Et je suis
complètement d'accord avec le ministre quand il en parle. Mais, par
ailleurs, les pénuries de main-d'oeuvre médicale sont encore plus
problématiques parce qu'elles peuvent avoir des effets négatifs
sur la santé de la population.
Il est clair que la planification de la main-d'oeuvre médicale ne
peut être la seule responsabilité du ministère des Affaires
sociales. Il faut que cela soit une préoccupation, non seulement de
l'ensemble du gouvernement, mais aussi des principaux intervenants du domaine
de la santé. Il faut une articulation et une cohésion au
gouvernement entre le ministère des Affaires intergouvernementales qui
est dans le champ, le ministère de l'Immigration que vous convoquez
demain et pour qui j'ai beaucoup de messages à faire, le
ministère de l'Education et le gouvernement fédéral, parce
qu'il y a une mobilité de médecins dans tout le Canada. Il faut
une collaboration de tout ce monde.
En terminant, je vais vous lire une partie de l'éditorial que
j'ai écrit l'année dernière dans le bulletin de la
corporation, où je dis: II est clair qu'une politique globale des
effectifs médicaux s'impose d'urgence. Il faut mettre un frein - et
j'écrivais cela l'année dernière - à l'immigration
inconsidérée de nouveaux médecins, sans fermer totalement
les frontières pour les chercheurs et les compétences
particulières, en établissant une réglementation
raisonnable connue de tous les intéressés, tout en réglant
une fois pour toutes la situation de ceux déjà en place. Il faut
revoir la question des admissions dans nos facultés de médecine
et en réviser les critères et les conditions de façon
à bien choisir le type de médecins dont notre
société a besoin. Il faut repenser tout le mécanisme de
répartition des médecins. Il faut aussi changer le climat
d'insatisfaction généralisée qui prévaut chez les
médecins, de façon à les garder au Québec et
même à récupérer un certain nombre de ceux qui ont
quitté.
Si ceux qui ont quitté revenaient, il n'y aurait plus de
problème. On aurait même un problème de surplus à ce
moment-là. Il faut aussi corriger les iniquités les plus
flagrantes dans notre système de rémunération. Il faut
reconsidérer les décrets découlant de la loi 27. Il faut
réviser la politique de contingentement des futurs spécialistes,
reconnaître que l'objectif d'un ratio 60-40 omnipraticiens et
spécialistes est une erreur et aussi rendre obligatoire dans les plus
brefs délais un programme de formation spécifique en omnipratique
avant l'obtention du permis d'exercice.
Que le gouvernement en profite pour mettre tous les documents qu'il a
sur la table. Je sais qu'il y a au Conseil du trésor une brique grosse
comme cela sur les effectifs médicaux qui n'a jamais été
mise à la disposition de qui que ce soit, sauf les gens du gouvernement.
Je voudrais que cette brique soit rendue publique. Elle sert à
différentes études, mats jamais on n'a pu avoir le document
exact. Il serait temps que le gouvernement collabore et mette ces chiffres sur
la table.
La Corporation professionnelle des médecins du Québec
serait heureuse de collaborer à tout projet qui permettrait
d'établir une politique de main-d'oeuvre médicale au
Québec, dans l'intérêt de la population
québécoise. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, M. le
président. C'est pas mal, 36 minutes. On a bien fait cela.
M. Roy (Augustin): Vous êtes bien gentille.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, je pense qu'on va
devoir ajourner sine die jusqu'à ce qu'on ait un autre ordre de la
Chambre. Nous reprendrons la période des questions immédiatement
après les affaires courantes et j'espère que ce sera vers 15
heures.
Une voix: À 16 heures.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, pas vers 15 heures,
vers 16 heures, parce que la période des questions est à 15
heures. Vous avez raison. Vous connaissez mieux les us et coutumes que moi.
Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
(Reprise à 16 h 8)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission des
affaires sociales poursuit ses travaux relatifs à la consultation
particulière, premièrement, sur les horaires de gardes
supplémentaires effectuées par les médecins
résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement
clinique; deuxièmement, sur la planification de la main-d'oeuvre
médicale et, troisièmement, sur la surveillance dans les
urgences.
Alors, nous avions entendu, ce matin, le mémoire de la
Corporation professionnelle des médecins du Québec et nous
étions maintenant rendus à la période des questions. M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. J'aurais beaucoup
de commentaires. D'autre part, j'ai beaucoup de questions et le fait qu'il y
ait eu une interruption, cela permet de passer pardessus les commentaires, en
grande partie. Je vais peut-être poser plutôt mes questions et
garder le sourire.
Une voix: C'est bien, M. le ministre.
M. Chevrette: II y a quelques petits points que je voudrais
cependant soulever et qui ne m'apparaissent pas justes dans les
allégations de M. Roy. C'est surtout à titre d'information. Vous
avez avancé qu'il y avait 27 000 000 $ en équipement, si ma
mémoire est fidèle, je le cite de mémoire, c'était
14 QOQ 000 $ au niveau de l'excellence des établissements dont 7 000 000
$ pour l'équipement et 7 000 000 $ pour le fonctionnement. Donc, en
termes d'équipement, c'est 7 000 000 $ et non pas 27 000 000 $.
M. Roy (Augustin): 18 000 000 $.
M. Chevrette: C'est juste pour rectifier certains...
M. Roy (Augustin): Un budget global de 27 000 000 $.
M. Chevrette: De 27 000 000 $, mais pour l'équipement
spécifique. Le reste, je pourrais vous donner toute la nomenclature.
Cela monte à 25 020 000 $. 11 y a révision du découpage
territorial, jumelage, amélioration des ressources, primes
d'installation. Dans les 27 000 000 $, tout cela en fait partie. Mais dans
l'excellence des établissements où il y a de l'équipement,
c'est environ 50 % de 14 000 000 $, donc 7 000 000 $.
Vous avez également affirmé qu'on ne tenait pas compte
dans nos statistiques du vieillissement de la population, de la
féminisation et de la progression de la population, de l'augmentation de
la population. On en a tenu compte et tantôt je donnerai les chiffres
autant pour les spécialistes que pour les omnipraticiens.
Je vais m'en tenir plutôt aux questions parce que vous avez quand
même annoncé vos couleurs sur plusieurs points. J'aimerais avoir
plus de détails et plus de clarification sur certains points de votre
mémoire.
Tout d'abord, parlons du sujet pour lequel on est réuni et qui
nous a réunis. Vous avez bien fait de souligner que cette commission
avait été convoquée dans le cadre d'un règlement de
négociation. C'est un fait, il n'y a pas de cachette là-dedans.
Vous savez que, si c'était toujours un moyen de règlement, on
pourrait en convoquer encore. Dans le cas des internes, la question est la
suivante: Est-ce que le médecin tuteur doit toujours accompagner
l'interne? Dans votre texte, ce n'est pas très explicite. On se demande
si vous soutenez que le tuteur doit toujours être avec l'interne ou doit
toujours être près. Dans votre texte - je ne sais pas trop si
c'est à la page 6 - vous laissez percevoir cette notion de
présence continuelle. J'aimerais avoir vos commentaires à ce
sujet, d'autant plus que vous avez collaboré, je crois, avec la FMR1Q et
les universités pour trouver des solutions ou un cheminement sur
cela.
M. Roy (Augustin): Le Dr Laramée va répondre
è cette question.
M. Laramée (François): Le rôle de
médecin tuteur est un rôle qui n'est pas nécessairement un
rôle d'accompagnant pour tous les gestes que pose l'interne. L'interne a
une certaine latitude dans les gestes qu'il pose et le rôle du
médecin tuteur est de procéder, en temps opportun, au terme du
travail de l'interne, à une révision du travail qu'il a fait.
Cette révision peut se faire de façon très formelle ou de
façon très informelle. Quand on parle d'un état progressif
dans la supervision des internes et des résidents, cette progression
doit tenir compte de la compétence acquise par l'interne ou par le
résident. Mais, si on s'en tient strictement au rôle de l'interne
- parce que c'est peut-être dans ce sens que vous posez votre question -
pour l'interne, il n'y a pas de doute que la supervision doit être plus
constante, mais pas nécessairement toujours directe. Il n'y a pas
toujours quelqu'un derrière l'interne, Ce n'est pas ce que cela
signifie. Il faut permettre à J'interne de poser des gestes mais, avant
qu'on règle le sort du malade, il y a une révision qui est faite
avec un médecin.
M. Chevrette: Donc, c'est le dossier qui doit être vu et
non pas le bénéficiaire.
M. Laramée: Pas nécessairement.
M. Chevrette: Prenez la page 5, l'avant dernier paragraphe de
votre page: "Le médecin qui est désigné par la
faculté et l'hôpital comme tuteur de l'interne doit, à
l'égard du patient, assumer la responsabilité de médecin
traitant et, à l'égard de l'interne, celle d'enseignant et de
superviseur. " C'est è partir de cette phrase que je vous demandais
d'interpréter si c'était une présence continuelle ou si,
encore, pour le bénéficiaire lui-même, il faut absolument
que le tuteur ait vu le bénéficiaire ou si c'est la
révision des dossiers à la fin des examens?
M. Lapierre: Quand on parle de la présence du
médecin, la présence du médecin doit se faire sentir avant
qu'une décision soit prise quant au diagnostic et quant au traitement du
malade. Je ne sais pas si la réponse vous satisfait.
M. Chevrette: Maintenant, vous dites à la page 7...
M. Lapierre: En ce qui concerne la surveillance des internes, M.
le ministre, Mme la Présidente, si vous me permettez je peux faire un
tour d'horizon en deux temps, trois mouvements. Il y a deux ans, è la
corporation, à la suite d'information selon laquelle les internes ne
recevaient pas la surveillance suffisante, nous avons fait une visite d'un
échantillonnage, d'un certain nombre d'hôpitaux d'enseignement.
Nous avons constaté certaines déficiences dans plusieurs des
hôpitaux visités. À la suite de cette visite, nous avons
préparé un document sur l'internat, dont vous avez reçu
copie par le biais de la Fédération des médecins
résidents et internes du Québec. Ce document sur l'internat
portait sur l'aspect pédagogique et l'aspect réglementaire du
stage de l'internat. On dit, dans ce document, que l'interne ne doit pas seul
prendre des responsabilités quant au diagnostic et quant au traitement.
Je pense qu'encore là, cela répond à votre question. Le
patron doit jouer un rôle de surveillant, mais il doit aussi jouer son
rôle de médecin traitant, c'est-à-dire qu'il doit corriger
l'interne et faire les corrections nécessaires au dossier en ce qui
concerne le diagnostic et le traitement du malade. (16 h 15)
À la suite de ce document diffusé dans les hôpitaux
d'enseignement, le document de la corporation, qui avait été
approuvé par les doyens, nous avons reçu une plainte de la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec, à savoir que dans douze hôpitaux, le document ne
serait pas appliqué adéquatement. Alors, il y a eu une rencontre
entre la Fédération des médecins résidents et
internes du Québec, les doyens, la corporation et le comité des
hôpitaux d'enseignement de l'Association des hôpitaux du
Québec.
Nous avons, à la suite de cette rencontre, procédé
à une seconde visite. Cette fois-ci, nous avons visité treize
hôpitaux, parce qu'il y en a un autre qui s'est ajouté, visite qui
a dû être reportée de quelques semaines vu les
négociations en cours avec les internes et les résidents. Nous
avons appris par la suite que le problème de la surveillance
était sur votre table.
Par rapport à la visite d'il y a deux ans, nous avons
constaté une grande amélioration dans l'ensemble des
hôpitaux pour ce qui est du jour et du soir. Il restait le
problème de la surveillance dans les salles d'urgence la nuit. Nous
avons constaté que la majorité des hôpitaux s'oriente, dans
le moment, vers une couverture des salles d'urgence 24 heures par jour, 7 jours
par semaine, par un omnipraticien, sauf dans quelques grands hôpitaux
où il y a des pyramides qui fonctionnent.
À notre avis, dans le moment, il y a 3 hôpitaux sur 30 -
entre 30 et 35 hôpitaux d'enseignement - qui ne seront probablement pas
en mesure de satisfaire la politique de la corporation d'ici, je dirais, le 1er
juillet. Lors de la dernière réunion du comité
administratif de la corporation, qui a eu lieu il y a quinze jours, celui-ci a
recommandé que les hôpitaux qui, au 1er juillet 1985 -c'est la
date d'entrée en fonction des nouveaux internes - ne seront pas en
mesure d'assurer la nuit, à la salle d'urgence, soit la présence
d'un médecin du personnel médical de l'hôpital ou la
présence d'une pyramide spécifique pour la salle d'urgence,
c'est-à-dire un interne, un résident et un patron, patron qui
serait chargé de la surveillance de l'ensemble de la salle d'urgence
pour ce quart de travail - en fait, que la salle d'urgence devienne, en soi,
une unité d'enseignement clinique, si vous voulez - que ces
hôpitaux, qui ne seraient pas capables de remplir l'une ou l'autre de ces
conditions, soustraient les internes de la garde pour cette période. Les
hôpitaux, qui ne seraient pas capables de respecter l'une ou l'autre de
ces conditions, devraient alors retirer les internes pour ce quart de travail,
parce que le reste du temps, le jour et le soir, dans beaucoup de ces
hôpitaux, les internes sont satisfaits de leur stage.
Le fait de retirer les internes, bien sûr, va remettre à
l'hôpital le soin de décider si on ferme la salle d'urgence ou si
on met du personnel pour la faire fonctionner. Si l'hôpital décide
de mettre du personnel pour la faire fonctionner, évidemment, on pourra
réinstaller les listes de garde d'internes. Le seul moyen de contrainte
que nous avons, à la corporation, c'est que les hôpitaux, qui ne
respecteraient pas la recommandation du comité administratif, devraient
alors recevoir une visite pour voir si l'entente doit être maintenue.
Cette recommandation a été acceptée par tous les
intervenants lors d'une réunion, vendredi dernier, entre les
représentants de la fédération des internes et
résidents, le comité des doyens, la corporation et le
comité des hôpitaux d'enseignement de l'Association des
hôpitaux du Québec. Nous avons été un peu
étonnés hier de voir que la fédération des internes
laissait entendre qu'elle n'acceptait pas la pyramide spécifique pour la
salle d'urgence, qu'elle n'acceptait que la présence d'un
médecin. C'est une vue différente de celle qui nous a
été donnée vendredi dernier.
Autre constatation qu'on a faite qui est en aparté, si vous
voulez, de ce rapport. Nous avons constaté que les internes et
résidents n'utilisent pas toujours les mécanismes qui existent
dans le milieu pour porter leurs plaintes, c'est-à-dire les
comités à l'intérieur des hôpitaux prévus
dans la conventions, les doyens. La Fédération des internes peut
toujours s'adresser aux doyens et à la corporation pour porter plainte.
Nos actions, depuis deux ans, en ce qui concerne la surveillance des internes
dénotent qu'on est capable de s'occuper d'un problème qui nous
est soumis.
M. Chevrette: Je vois que vous aviez anticipé la question
et que vous étiez bien préparés pour y répondre. On
va essayer de faire un peu plus vite cependant parce que j'en ai beaucoup et je
sais qu'il y a beaucoup de questions. À la page 7, vous dites que les CH
sont les mieux placés pour les cédules de garde, alors que tous
les autres intervenants nous ont dit que c'était plutôt le tuteur.
J'aimerais savoir pourquoi vous voyez le CH et non pas le tuteur comme
responsable.
M. Laramée: Je pense, M. le ministre, que vous avez
déjà donné un élément de réponse ce
matin quand vous avez posé la question à l'Association des
conseils de médecins et dentistes sur le rôle du conseil des
médecins et dentistes dans la planification de la garde. C'est le
rôle du conseil des médecins et dentistes de déterminer la
garde qui doit être faite. Je crois que la structure a déjà
été prévue dans la loi. 11 est prévu que c'est le
conseil des médecins, c'est sa responsabilité de voir à ce
qu'il y ait dans un centre hospitalier une garde effective. Le conseil des
médecins et dentistes est donc celui qui, à notre sens, est le
mieux placé pour discuter de ces questions. Il est surprenant de voir
qu'on doive toujours faire appel à des organismes extrahospitaliers pour
régler des problèmes qui sont intrahospitaliers dans certains
cas. Beaucoup de choses ont été prévues pour que les
problèmes se règlent à l'intérieur des
institutions. Il est surprenant de voir combien il y a peu de ces
mécanismes mis en vigueur pour tenter de solutionner les
problèmes. On remonte toujours à la maison mère.
M. Chevrette: Peut-être à cause de la façon
dont c'est libellé. Vous vous rappellerez que pour les groupes de
l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec, au point no 6 de leur loi, il est précisé qu'ils
avaient la responsabilité; mais tel que c'est libellé ici, ce
sont les CH, donc les conseils d'administration via le DG et pas
nécessairement les conseils des médecins et dentistes. C'est pour
cela que... C'est peut-être purement une question de formulation. Pour
vous autres, c'est la même chose.
M. Lapierre: Pour nous, M. le ministre, le conseil
d'administration, c'est l'autorité suprême dans
l'hôpital.
M. Chevrette: D'accord.
M. Lapierre: C'est sa responsabilité de voir à ce
que tout fonctionne selon la loi. En ce qui concerne le respect de la garde
à trois ou quatre - en fait, on entend poser ces questions depuis hier -
pour nous l'hôpital est lié par la convention. La loi confie au
CMD la responsabilité d'établir les modalités de garde. Il
y a un coordonnateur de l'enseignement dans presque tous les hôpitaux
d'enseignement qui peut voir à ce que les clauses soient
respectées. Il y a aussi un DSP qui est là aussi, il y a les
chefs de département. On peut recourir aux mécanismes
prévus dans la convention. On peut recourir encore une fois à la
corporation. Le Dr Desjardins vous disait hier qu'il était prêt
à collaborer avec l'ombudsman. Alors il me semble que cela fait beaucoup
de mécanismes pour s'assurer du respect d'une clause de convention.
M. Chevrette: Dans un autre domaine, la corporation
favorise-t-elle la concentration des centres d'apprentissage pour les
spécialités et pour l'omnipratique?
M. Roy (Augustin): Dr Bérard.
M. Bérard (Michel): M. le ministre, quand on fait
référence à la nouvelle formation en médecine
générale, il faut réaliser qu'actuellement on n'a pas
beaucoup de dispositifs dans les hôpitaux spécialisés pour
faire face à ce genre de formation. Donc, il va falloir songer à
étendre le réseau à des centres d'apprentissage qui
peuvent être soit des hôpitaux périphériques ou
même en région, mais en faisant attention à ce que
l'encadrement soit préservé, les CLSC et les centres d'accueil.
Donc, on peut voir une certaine expansion nécessaire pour un bon
apprentissage à un type particulier de formation qui va être
très près de ce que le
futur omnipraticien aura à faire plus tard. Actuellement, il faut
réaliser que ce sont des hôpitaux
superspécialisést ou spécialisés dans
lesquels ils fontionnement, en général. Il faut les garder aussi
pour la formation de l'omnipratique, pour ce qui est des disciplines
spécialisées. Mais, pour ce qui est de l'entrevue, les cliniques
externes, le suivi aux malades, la relance, on pense que cela va être
beaucoup mieux fait en dehors de ces centres-là.
M. Roy (Augustin): En fait, il faut distinguer la médecine
générale ou l'ancien internat et la médecine
spécialisée. Pour la médecine générale, il
faut décentraliser, il faut aller vers des ressources qui n'ont pas
été exploitées jusqu'à maintenant, des
hôpitaux régionaux. Il ne faudrait peut-être pas aller au
diable Vauvert, jusqu'à Blanc-Sablon comme on voudrait qu'on le fasse,
mais quand même, aller vers l'extérieur pour donner
l'apprentissage de la médecine qui se pratique en dehors des grands
centres aux nouveaux omnipraticiens. Actuellement, le ministère, par le
biais de ses octrois aux universités pour développer les centres
d'enseignement de la médecine générale, l'omnipratique,
encourage les régions éloignées, très
éloignées, Les Escoumins, Blanc-5ablon, Kuujjuaq, au diable
Vauvert. Il ne faudrait peut-être pas exagérer parce qu'il y a
beaucoup d'autres centres qui pourraient donner un excellent enseignement.
Pour ce qui est de la médecine spécialisée et
surtout ultraspécialisée dans les petites
spécialités, cela devrait être plus centralisé. Il
devrait y avoir moins de programmes, des programmes-réseaux. C'est vers
cela qu'on s'oriente. Les doyens en ont parlé hier après-midi.
C'est lent comme solution. Cela prend plus de temps, à mon goût,
que cela devrait en prendre, mais c'est difficile de bardasser les
universités, c'est difficile à faire bouger. Les professeurs ont
des traditions. Il y a l'autonomie en ligne de compte. Mats, à mon avis,
il devrait y avoir beaucoup de petits programmes dans les
spécialités qui devraient être fermés. Mais, quand
vous parlez de fermer un programme en gastro-entérologie ou en
hématologie, par exemple, sans viser personne, à Sherbrooke ou
à Laval, évidemment, vous faites grimper un paquet de monde dans
les rideaux. Il y a des gens qui ont des intérêts à
préserver. Mais, pour un bon enseignement de la médecine, il faut
une rationalisation des programmes. Cela commence à se faire. Il y a eu
des études de faites à la corporation. Il y a eu une étude
au Conseil des universités. Il y a ce qu'on appelle le projet COCERAP.
Cela bouge, peut-être trop lentement. Il faudrait peut-être
être capable de lui donner un coup de pouce un peu plus rapide, mais vous
comprenez que, là comme dans d'autres domaines, il y a beaucoup
d'intérêts en jeu.
M. Chevrette: Merci. La réduction...
M. Lapierre: Le COCERAP, M. le ministre, si vous me permettez,
c'est un organisme qui regroupe corporations et doyens des facultés de
médecine. Ensemble, on a fait une étude, à la suite de
l'avis du Conseil des universités, de l'ensemble des programmes. Les
recommandations qui en sont sorties sont que pour certains programmes, ils
doivent continuer, pour d'autres, ils doivent s'associer et pour d'autres, il
ne doit y avoir qu'un seul programme pour toute la province, qu'on appelle un
programme-réseau, c'est-à-dire que les trois ou les quatres
facultés vont s'associer pour élaborer ou maintenir un programme.
Alors, cette rationalisation est en marche dans le moment et les vice-doyens
ont commencé à l'appliquer.
M. Chevrette: Une question que le Dr Roy attend depuis longtemps
parce qu'il m'en a parlé hier soir, on en a reparlé ce matin.
Vous avez parlé de la réduction du nombre de postes de
résident et je voudrais vous demander pourquoi vous ne considérez
pas que le nombre de moniteurs ajoutés au nombre de résidents
équivaut à peu près à la situation qu'on avait
antérieurement? Je sais que vous en avez long à me dire.
J'écoute.
M. Roy (Augustin): Alors, vidons donc la question des moniteurs
et posons-la donc clairement. Dites-moi donc: Que se passe-t-il en ce qui
concerne les moniteurs?
M. Chevrette: C'est cela.
M. Roy (Augustin): C'est cela. Je suis préparé.
M. Chevrette: Allez-y.
M. Roy (Augustin): Les moniteurs ont toujours existé. Leur
nombre, jusqu'il y a à peu près quatre ou cinq ans,
c'est-à-dire jusqu'avant le contingentement et le fameux décret
rigide et très difficilement applicable, était d'environ 140; et
la plupart de ces moniteurs étaient à l'Université McGill.
C'étaient des médecins qui venaient passer une année
additionnelle de formation, une année de recherche, dans le cadre de
leur formation générale. Des Américains, des gens d'autres
pays, quelques Canadiens et quelques Québécois. Cela a toujours
existé, pour à peu près 140 postes. (16 h 30)
Soudain, le nombre de moniteurs a augmenté. L'année de
l'application brutale du décret, les universités ont
été prises au dépourvu parce qu'elles avaient fait signer
des contrats d'internat ou de résidence à des médecins
qu'elles ne pouvaient plus accepter. Alors, elles ont voulu honorer leurs
engage-
ments et elles ont exceptionnellement pris, à ce
moment-là, une quarantaine ou une soixantaine de médecins
additionnels, par le biais des moniteurs cliniques, pour régler la
situation, espérant que les négociations avec le gouvernement
amèneraient des changements. Ce qui n'a pas été le
cas.
Il y a ensuite l'historique des gens qui sont, traditionnellement,
moniteurs. Il y a dans cela les gens des forces armées, qui ont toujours
été considérés comme des moniteurs, II y en a qui
ont des bourses de fonds de recherche divers, comme le Shriners' Hospital,
l'Institut de cardiologie. Ce matin, le Dr Bois témoignait ici. Je peux
vous dire que l'institut de cardiologie de Montréal ne pourrait pas
fonctionner si ce n'était des dix ou douze moniteurs cliniques qu'ils
ont à l'heure actuelle. L'Institut de recherche clinique, le Fonds de
recherche en santé du Québec, l'hôpital Royal Victoria, le
fonds Meakins, le fonds du General, la Fondation Leucan contre la
leucémie, l'Institut neurologique. Ensuite, il y a eu des fondations
comme celle des maladies du coeur, l'Institut canadien des aveugles qui
envoient un médecin ici et là dans un domaine bien précis,
financé par eux - il faut dire que les moniteurs ne coûtent rien
au Trésor québécois - l'Association canadienne contre
l'arthrite.
Ensuite, il y a des centres hospitaliers, et c'est relativement nouveau.
Cela m'a fait dresser le peu de cheveux qu'il me reste sur la tête quand
je l'ai appris moi-même. Il y a des centres hospitaliers qui, à
cause de la rigidité du contingentement, à cause du quota
imposé, ont opté pour la voie des moniteurs dans certains
domaines. Je vais vous donner quelques exemples bien précis. On a
parlé hier midi avec les doyens du cas de Robert-Giffard à
Québec, où il y a trois moniteurs en psychiatrie, payés
par l'hôpital, après une entente avec l'hôpital
Robert-Giffard, par contrat, et par contrat également avec
l'Université Laval de Québec. Ces contrats, en bonne et due
forme, dont j'ai copie ici devant moi, stipulent que le médecin - et
cela s'adresse à des Québécois, c'est un peu exceptionnel
- qui reçoit la bourse de moniteur, qui est de 30 000 $ en l'occurrence,
s'engage à retourner pratiquer à l'hôpital Robert-Giffard.
S'il ne respecte pas le contrat, cela implique le remboursement d'un tiers du
salaire versé. On me dit - et les universités l'ont
répété hier - que ce contrat a été
envoyé au ministère des Affaires sociales depuis un certain
temps, plusieurs mois, même un ou deux ans, m'a-ton dit. Ce n'est pas une
nouvelle affaire. Cela date de 1984. C'est la situation de certains
moniteurs.
De plus, en psychiatrie en particulier, une spécialité
où on a des besoins épouvantables, le même
phénomène du contrat de moniteur existe à Montréal
entre l'Université de Montréal et l'hôpital
Rivière-des-Prairies et l'Institut Pinel, parce qu'ils ne peuvent pas
recruter suffisamment de psychiatres. Ils ont trouvé le moyen de donner
des bourses, à même leur budget, avec des contrats à
l'université, soumis à l'approbation du gouvernement, dont ils
n'ont pas eu de réponse. Ils utilisent cette voie pour donner des postes
de moniteur et ils nous demandent de les respecter. J'ai ici un exemple d'un
dossier - parce que tous les dossiers sont pareils - des contrats en bonne et
due forme sont signés entre des hôpitaux et une
université.
J'admets, M. le ministre, que je trouve cela un peu difficile à
accepter. Je trouve cela inconfortable comme position. Mais, d'un autre
côté, je ne vous ai pas entendu hier dénoncer cette
question quand l'université en a parlé. Il faudrait bien savoir
quelle ligne de conduite suivre. Est-ce qu'on doit donner les postes de
moniteur à des Québécois en psychiatrie avec obligation
d'aller pratiquer dans un milieu qui est dépourvu de psychiatre, ou si
on doit prendre l'autre voie qui nous est demandée, d'aller recruter des
psychiatres étrangers? De deux maux, il faut choisir le moindre; nous
avons pensé qu'il était acceptable de donner des postes de
moniteur dans ces conditions bien précises, malgré le fait que
cela contrevienne aux directives du gouvernement. Cela était au vu et au
su de tout le monde.
Il y a aussi des moniteurs qui sont financés par des
départements hospitaliers, en anesthésie par exemple. Il y a des
moniteurs qui sont financés par des provinces: le Nouveau-Brunswick, le
Manitoba, l'Alberta par le biais de l'Alberta Heritage Fund; il y en a qui sont
financés par les universités: l'Université d'Ottawa
finance un certain nombre de moniteurs pour les transferts de salaire, pour des
candidats envoyés dans une autre université. Il y a des boursiers
québécois, des boursiers canadiens et des boursiers
étrangers.
Le nombre total de moniteurs, M. le ministre, en date de vendredi, moins
deux ou trois changements qui sont récents, était de 258. Je l'ai
demandé à mon ordinateur et cela m'a pris dix minutes pour le
sortir. Je sais que vos fonctionnaires ont travaillé pendant deux ans
pour à peu près faire cette liste de moniteurs. Je sais que vos
fonctionnaires m'ont demandé la liste des moniteurs depuis trois ans et
je ne la leur ai pas envoyée, pour la bonne raison qu'on me l'a
demandée par toutes sortes de moyens détournés et que je
n'étais pas assuré de la pureté des intentions de votre
ministère. Remarquez que vous n'étiez pas là à
l'époque.
Le jour où l'on saura exactement où on s'en va, entre le
ministère des Affaires sociales et la corporation, on pourra s'asseoir
à table et faire le décompte des moniteurs. Je
puis vous dire que parmi les 258 moniteurs -il y en avait 265,
effectivement, au 31 décembre - il y en avait 175 qui venaient de
l'étranger, 28 qui venaient des autres provinces du Canada et il y avait
62 Québécois. Dans cela, il y a de vrais moniteurs. Il y a des
gens qui sont là pour une année additionnelle de formation. Il y
en a quelques-uns qui sont une voie additionnelle, parallèle à la
spécialité, j'en conviens. Lorsque j'ai vu l'ampleur du
phénomène, de 140 à 265, lorsque je m'en suis
aperçu, j'ai donné des instructions chez nous, à savoir de
vérifier et d'approuver moi-même - cela me cause quand même
pas mal de travail - chaque demande de moniteur clinique, ce que je revois avec
Mlle Assaly, de façon qu'on ait un dossier complet, qu'on sache
où l'on s'en va. On a établi des directives
particulièrement précises sur ia ligne de conduite à
suivre en ce qui concerne ce genre de moniteur, qui, encore une fois, ne
coûte absolument rien au Trésor québécois. Je dois
vous dire que, en conversation privée, un de vos
prédécesseurs m'avait dit: Ce qui nous importe, ce sont les
postes rémunérés d'interne et de résident, les 1800
postes qu'on paie ou, à un moment donné, les 1720; les autres, ce
n'est pas notre problème.
Evidemment, là, on a changé un peu d'idée en
disant: Bien, s'il y a une voie parallèle d'accès à la
spécialité, cela va peut-être nous coûter plus cher.
Mais, encore là, de deux choses l'une, vous allez me dire, M. le
ministre, est-ce qu'on manque de spécialistes ou non au Québec?
Si on n'en manque pas, on est dans l'erreur. À ce moment-là, on
ne devrait pas avoir de moniteurs, on ne devrait pas importer de
médecins étrangers, on devrait dire: On a assez de
médecins, on n'a pas à se préoccuper de ce
problème. Si on manque de spécialistes, comme c'est le cas, comme
on le prétend et comme on le maintient avec preuve à l'appui,
à ce moment-là, la voie des moniteurs est une voie très
peu coûteuse pour le gouvernement du Québec et n'ajoute rien en ce
qui concerne les nouveaux spécialistes, parce que, de toute
façon, ce sont des gens qui sont déjà en pratique, qui ont
déjà des licences de pratique pour la très grande
proportion, ce qui n'ajoute rien aux coûts du Québec.
Seulement, un cas particulier, c'est celui des étrangers.
Autrefois, les étrangers moniteurs retournaient tous chez eux.
Maintenant, il y a un fait particulier qui joue; c'est qu'on a noté que
parmi quelques moniteurs étrangers, financés par des
universités et par des hôpitaux, un certain nombre d'entre eux,
malgré notre opposition, reçoivent des visas d'immigrants du
ministère de l'Immigration du Québec, non pas du ministère
du Canada. Là, ils peuvent contourner notre politique de contingente-
ment, rentrer dans le système et demander des postes. Ce sont ces gens
qui sont prêts à aller dans des régions
éloignées et ce sont eux qui ont court-circuité le
système, ce à quoi on s'oppose férocement. Mais ce
pourquoi on a des pressions épouvantables. C'est pour cela que je disais
ce matin qu'il va falloir que le ministère des Affaires sociales
articule sa politique avec celle du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
Encore là, vous avez un grand travail à faire parce
qu'à l'Immigration, c'est le "free-for-all": il y a des gens qui entrent
par la vraie porte comme médecin, il y en a qui rentre comme
investisseur pour toutes sortes de raisons, il y en a qui entrent selon les
lois et les règlements, mais il y a aussi des médecins
étrangers qui entrent par la voie de visas spéciaux donnés
de façon discrétionnaire par des ministres du Parti
québécois. J'ai des preuves à l'appui, j'ai des
médecins étrangers, ici, en chômage, qui sont devenus
canadiens et immigrants avec des permissions particulières du
gouvernement et qui, ensuite, viennent se plaindre parce qu'ils ne peuvent pas
trouver de poste au Québec. Ce n'est pas nous qui les avons fait entrer,
M. le ministre, c'est le gouvernement. Une fois que le gouvernement a fait
entrer ces gens-là, en donnant des visas par dessus la tête des
fonctionnaires, souvent, qu'est-ce que vous voulez, on est pris avec, nous. Je
peux vous donner des exemples, des noms, j'ai des dossiers, ici, avec moi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je m'excuse. Je vais
rester très calme, mais j'ai des commentaires à faire concernant
les affirmations qui sont faites, quitte à ce que cela déborde
sur le temps de l'autre; il prendra l'équivalent, si vous êtes
d'accord. C'est sur le même sujet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je suis tout
à fait d'accord pour que vous interveniez. Je voudrais simplement
rappeler aussi qu'on a trois autres groupes qui attendent; alors, on va essayer
de tout concilier cela.
M. Chevrette: Je sais tout cela, ma chère
Présidente, mais c'est important quand même. D'abord, je voudrais
dire au Dr Augustin Roy que mes fonctionnaires ont fait le relevé aussi,
qu'ils n'ont pas pris deux ans et que les chiffres concordent, à
quelques chiffres près. C'est trois ou quatre de différence au
maximum qu'il y a sur les données que vous avez sur les
Québécois; vous avez 62 et j'ai 58. Vous en avez vingt et quelque
dans les autres provinces, on en a 33. Dans les autres pays, c'est la
même chose. Donc, on a passablement les mêmes
données et on n'a pas d'idée vicieuse, malicieuse,
pernicieuse. On s'abstient le plus possible de faire des procès
d'intention, en ce qui nous concerne. Donc, si vous êtes prêts
à collaborer là-dessus, vous pouvez vous ouvrir parce que, de
notre côté, Il n'y en a même pas un qui veut s'en aller en
politique. Il n'y a pas de problème, il ne recherchera même pas de
tribune.
M. Roy (Augustin): C'est parce que, M. le ministre, vous
connaissez le proverbe: Chat échaudé...
M. Chevrette: II ne faut pas charrier, docteur.
M. Roy (Augustin): Non.
M. Chevrette: Nous, on a été calme jusqu'à
maintenant.
M. Roy (Augustin): D'accord. Chat échaudé craint
l'eau froide.
M. Chevrette: Ne faites pas de procès d'intention, ni
à ma machine, ni à personne.
M. Roy (Augustin): C'est ça, c'est parce qu'à un
moment donné, en 1980, le ministère nous demandait de donner des
informations sur des étudiants en médecine, les internes, les
résidents et les moniteurs, et, parmi les informations demandées
- je les ai par écrit - on nous demandait le lieu d'obtention du
diplôme, le lieu de résidence, le lieu des études
collégiales. Lors d'une réunion de la corporation, on nous
demandait même le lieu des études secondaires, des études
primaires pour tenter de vérifier si quelqu'un était un vrai
Québécois ou non, s'il avait fait ses études en
français, en anglais ou en arabe.
M. Chevrette: Vous comprendrez...
M. Roy (Augustin): Cela nous a quand même irrités et
on a été quand même prudents avant de fournir des
informations au gouvernement par la suite.
M. Chevrette: Si vous êtes inquiets par quelle porte
peuvent entrer de nouveaux médecins, nous aussi, cela nous
préoccupe, c'est évident, parce qu'il y en a qui prennent des
détours, on le sait, on est bien conscient de cela et ce n'est pas
facile. J'ai eu une longue conversation avec le ministère de
l'Immigration qui va témoigner demain matin devant nous. Quand on sait
qu'il y a deux paliers pour entrer, il n'y a pas seulement le statut
d'immigrant québécois, il y a aussi le statut d'immigrant
canadien. Vous savez comment cela fonctionne: il y a le statut de
réfugié par rapport au statut d'immigrant et on peut entrer par
alliance ou par d'autres moyens: rapatriement de famille, par exemple. Une fois
qu'ils sont reconnus ici, il y a plusieurs statuts à ce niveau qu'il
faut regarder. J'ose espérer que, demain matin, avec le
témoignage de l'Immigration, nous aurons une possibilité de
régler des cas. Moi, j'espère qu'on pourra régler des cas.
Il y a des cas patents d'individus qui attendent depuis cinq ans
déjà ici. Ils sont en instance d'acceptation et, au rythme
où il y en a eu d'accepté, vous le savez, cela n'a pas
été... Même s'il y a eu une majoration l'an dernier, ce
n'est pas un nombre qui permet d'avoir un long espoir de leur
côté, d'autant plus qu'en tenant pour acquis... Moi, je tiens pour
acquis que la majorité est de bonne foi. S'il y avait des cas
d'exception, des cas précis, je suis prêt à les regarder,
mais à ne pas faire de quelques exceptions une règle
générale pour les gens. C'est de même que je suis
prêt à regarder le dossier, autant des médecins immigrants
que des autres dossiers de moniteurs, par exemple, qui se seraient introduits
et qui veulent passer par la bande par rapport à ceux qui sont de
très bonne foi et qui ont été acceptés
conformément aux règlements, aux lois et aux directives
existantes. Je pense qu'il ne faut pas chercher à
généraliser. C'est juste cela que je voulais dire. (16 h 45)
Vous avez des cas particuliers et vous dites avoir des preuves. Je donne
un exemple. En ce qui concerne les moniteurs, il y en a au moins dix, et pas
plus que cela, qui oeuvrent au vu et au su du ministère selon les
formules que vous avez décrites. S'il y en a plus que cela, on ne les
connaît pas. C'est un maximum de dix qu'on connaît, qui
fonctionnent de telle façon parce qu'il y a eu des autorisations
demandées ou des pourparlers avec le ministère. C'est
évident qu'il y a de la passe dans cela, on le sait. 11 ne faudrait pas
nous prendre pour des naïfs parce qu'on n'a pas tranché avec
rigueur jusqu'à maintenant. On sait très bien qu'il y en a pour
qui c'est le moyen privilégié parce qu'il y a de l'argent de
famille assez important et on réussit à passer surtout par la
bande en se faisant nommer moniteur. On sait cela, mais ce n'est pas plus
déplorable que de compter 30 médecins anesthésistes quand
on forme 20 étudiants par 'année et que c'est un moyen de ne pas
être pénalisé sur les 30 %. Au point de vue de la
gravité face à l'opinion publique, on a cela. Ce n'est pas pire
que de compter 26 médecins en je ne sais pas quelle autre
spécialité - je le dirai tantôt - quand tu formes à
peu près 15 étudiants par année. C'est un moyen de se
dérober au décret dit punitif de 70 %. Il y a des gestes dans le
réseau, et je suis d'accord avec vous... Si vous voulez collaborer avec
moi, vous allez voir que je n'ai rien à cacher en ce qui me
concerne...
Une voix: II n'y en aura pas de collaboration.
M. Chevrette:... et je vous garantis que je suis prêt
à étaler tout au grand jour et les cas de fraude, les cas de
types qui contribuent précisément à faire resserrer des
réglementations et à faire resserrer des lois... La
majorité paie toujours pour ces groupuscules de qui, trop souvent, on
part pour faire des règles générales. Je vous ouvre toute
grande la porte. Amenez-la votre paperasse et je vais vous en passer des tuyaux
moi aussi et, si je suis capable de nettoyer, je vous demanderais de tenir un
bout du balai aussi, par exemple.
M. Roy (Augustin):
J'accepte votre invitation. Moi aussi
je suis prêt à ouvrir, M. le ministre, parce que je partage vos
inquiétudes. Si c'était seulement quelques cas, cela ne nous
énerverait pas, mais moi aussi cela m'inquiète. Quand je vois que
de plus en plus de ces boursiers passent par la porte de côté,
comme les Libanais, par exemple, qui sont venus ici... On ne les paie pas 40
000 $ ou 45 000 $. Je comprends qu'ils ont des problèmes
épouvantables chez eux. Ils font une formation complète et,
là, ils deviennent immigrants. Ils sont devenus immigrants parce que la
politique du ministère de l'Immigration leur a permis de devenir
immigrants, non seulement parce qu'ils se sont mariés, mais il y a eu,
à un moment donné, une ouverture vers le Liban. Mais cela
m'inquiète quand je vois des médecins libanais qui terminent leur
formation et qui sont demandés pour aller dans les régions
éloignées. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas bons que cela
m'inquiète. Cela m'inquiète parce que, pendant ce temps, on a
refusé l'accès à la spécialisation à des
médecins québécois. Encore cette année, on
empêche des médecins du Québec d'entrer en
spécialisation avec la politique de contingentement d'entrées en
spécialisation du ministère. Par ailleurs, on favorise la
spécialisation des étrangers qui vont rester ici et passer outre
à la voie normale. Cela m'inquiète et j'aimerais avoir une
directive du ministère, à savoir ce qu'on fait avec les demandes
de médecins étrangers qui nous sont faites par les régions
éloignées. Vous allez en avoir des demandes à la fin de la
journée à ce sujet, alors que les nôtres ne peuvent pas
entrer dans la même spécialité.
Vous parliez d'anesthésie tout à l'heure. On en forme
beaucoup d'anesthésistes. Ne nous blâmez pas, ce n'est pas nous
qui formons les anesthésistes. On forme énormément
d'anesthésistes et il y a, malgré tout cela, une prétendue
pénurie d'anesthésistes et d'autres personnes en
spécialité. Je dois vous dire que cette année, aux examens
de spécialité qui s'en viennent, ce ne sont pas tous des gens qui
vont terminer. Il y a 570 candidats en spécialité; c'est plus
qu'il n'y en a jamais eu, M. le ministre, et il y en a toujours de grandes
quantités d'année en année.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a très peu de ces gens
qui restent au Québec. Je me demande ce qui se passe. Où est-ce
que ces gens s'en vont? On parle de pénurie de psychiatres. Cela a
été mentionné hier. Pourquoi manque-t-on de psychiatres?
Qu'est-ce qu'ils font les psychiatres du Québec? Où est-ce qu'ils
s'en vont? II se produit quelque chose que j'aide la misère
à expliquer parce qu'on n'en a jamais tant formé qu'à
l'heure actuelle. Pourquoi des psychiatres québécois s'en
vont-ils pratiquer la médecine à Ottawa, de l'autre
côté de la frontière, et pourquoi certains s'en vont-ils
pratiquer à Edmunston au lieu de rester...
M. Chevrette: Vous pourriez vous poser une question beaucoup plus
près de vous: Pourquoi sont-ils cantonnés exclusivement à
Montréal et à Québec: 575 plus 634, et que les
régions dites périphériques n'en ont même pas
à une demi-heure, et c'est le cas de Joliette? On peut régler le
sort du monde ici. On va regarder à l'intérieur les
problèmes qu'on a aussi sur la mobilité de la main-d'oeuvre
médicale. On le sait, cela.
Il y a un autre aspect dont je voulais vous parler. Cela a l'air
plutôt simple de parler de l'immigration et de demander une directive du
MAS. Vous savez très bien, Dr Augustin Roy, depuis le nombre
d'années que vous êtes président de cette corporation, que
l'immigration ne se contrôle pas par le ministère des Affaires
sociales. On a l'odieux dans le contexte actuel, et je vais vous l'expliquer,
de trancher ultimement en refusant un individu qui a été
accepté. Quand j'assiste à une conférence
fédérale-provinciale à Winnipeg et que les gouvernements
des dix provinces, représentés par les ministres de la
santé, sont assis ensemble et disent tous: On s'en va vers un surplus
anticipé très grave en l'an 2000, là, tu te tournes vers
le ministre fédéral et tu lui dis: Oui, mais qu'allez-vous faire
pour freiner l'entrée? Un coup qu'un type a reçu son statut
d'immigrant, qu'il est légalement reçu, vous essaierez contre la
Charte des droits et libertés de la personne d'empêcher un
individu de devenir médecin. La Cour suprême renverserait
même n'importe quelle décision du gouvernement
fédéral. Vous demandez au ministre des Affaires sociales de
trancher quelque chose que le gouvernement fédéral ne peut
même pas trancher, et c'est lui qui a le contrôle. Je ne me prends
pas pour le bon Dieu en taxi ni pour un autre dans cela. Je ne fais qu'oeuvrer
dans le cadre des juridictions dans lesquelles on m'a placé et je fais
mon possible à partir de cela. Je reconnais le côté humain
des
médecins immigrants qui vont témoigner demain matin. Je
vais leur demander de me raconter exactement ce qu'ils m'ont raconté
lors de notre rencontre. S'il peut y avoir des témoignages assez
touchants pour démontrer qu'on doit être au moins objectif, je
souhaite que ce soit exactement ce qu'ils m'ont conté. Cela pourra
ouvrir les yeux à du monde. Quand tu acceptes des gens, que tu leur
reconnais un statut, il faut au moins que tu leur permettes d'oeuvrer dans le
cadre des juridictions qui sont propres au Québec. C'est ma
perception.
M. Roy (Augustin): Je dois dire, M. le ministre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je regrette, mais, si on
veut entendre les autres groupes, je vais devoir donner la parole...
M. Roy (Augustin): Peut-être...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... quitte à ce
que vous reveniez, au député de Westmount.
M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, seulement pour
terminer...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Roy (Augustin): Je n'ai pas touché la question des
médecins immigrants étrangers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On va y revenir
tantôt, Dr Roy.
M. Roy (Augustin): L'immigration, c'est à part. J'attire
votre attention sur ce fait qui est extrêmement important et pour une
articulation entre le ministère des Affaires sociales, le
ministère de l'Éducation, le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration et même le
ministère des Affaires intergouvernementales parce que la voie est
là. Avec les accords Cullen-Couture, c'est le Québec qui
contrôle l'immigration au Québec. On est quand même
chanceux, à cause de notre particularité au Québec de
peuple distinct qui parle français, de ne pas avoir tous les
problèmes des autres provinces avec les anglophones qui viennent
d'ailleurs. On est protégé d'une certaine façon, mais il y
a aussi un problème national. Un médecin qui a le droit de
pratiquer au Québec a généralement le droit de pratiquer
à Toronto, et vice versa.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, Dr Roy. M. le député de Westmount.
M. French: Merci, Mme la Présidente. Je vais poser une
question qui est inclusive parce que je sais que je vais être par la
suite...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui est quoi?
M. French:... qui est très inclusive, c'est-à-dire
une question qui comprend tous les volets dont je voudrais traiter puisque je
ne suis pas sûr que... Je sais que le Dr Roy est tellement informé
sur le problème que cela risque d'être long. Avec mes dix minutes,
je n'aurai pas la chance de revenir.
Ma question touche l'émigration des médecins formés
au Québec. Vous avez fait référence à au moins deux
reprises dans le mémoire, ainsi que dans ce que vous avez dit cet
après-midi, Dr Roy, qu'il y a peut-être un mouvement important des
médecins formés au Québec vers l'extérieur du
Québec en permanence, c'est-à-dire vers les États-Unis ou
vers le reste du Canada, je présume. Je voudrais d'abord vous dire
qu'hier on s'est fait dire qu'en effet il y avait un roulement à peu
près normal dans ce sens-là, c'est-à-dire que certains
partaient et que d'autres entraient. Vous ne semblez pas d'accord avec cela,
d'après le mémoire. Je voudrais vous demander si c'est le cas. Si
oui, c'est-à-dire s'il y a une saignée ou une perte de
médecins formés au Québec vers l'extérieur,
pourquoi ce genre de mouvement existe-t-il?
M. Roy (Augustin): C'est une question très importante, M.
le député de Westmount. Il y a effectivement un grand mouvement
de médecins du Québec vers l'extérieur, et c'est à
déplorer. Le vrai problème de la pénurie des
spécialistes - j'espère que M. le ministre comprend et M. le
sous-ministre également -et je ne parle pas des omnipraticiens, c'est le
départ d'un très grand nombre de spécialistes du
Québec. Si tous les spécialistes partis du Québec
revenaient, le problème serait résolu du jour au lendemain; et
même, il y en aurait trop pour les besoins du Québec.
Il part encore - je pense toujours d'année en année que
cela va diminuer - de 250 à 260 médecins du Québec; c'est
le dernier chiffre de 1984...
M. French: Est-ce que c'est net?
M. Roy (Augustin): Pardon?
M. French: Est-ce que c'est net, ce...
M. Roy (Augustin): C'est net. Ce ne sont pas des médecins
décédés, ce ne sont pas des médecins qui ont pris
leur retraite; ce sont des médecins en santé, en bonne et due
forme, des jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui
décident d'aller s'installer ailleurs qu'au Québec.
M. French: Alors qu'il n'y en a pas
d'autres de même niveau professionnel qui viennent au
Québec pour contrebalancer.
M. Roy (Augustin): Très peu. Le phénomène
contraire est rare. Les départs de médecins du Québec:
l'année dernière, à peu près 260; en 1983, 273; en
1982, 242; en 1981, je pense que les gens espéraient des jours meilleurs
qui ne se sont pas matérialisés: 193; en 1980, 194; en 1979, 227;
l'année catastrophique, cela a été 336 en 1978; en 1977,
179; en 1976, 122; et là, cela a toujours été à peu
près 100... C'est un phénomène nouveau depuis
l'assurance-maladie. Cela a commencé vers les années
soixante-dix. Autrefois, il y avait à peu près une quarantaine de
médecins qui quittaient le Québec, surtout des anglophones, en
général, très peu de francophones. Maintenant, c'est
presque moitié-moitié, francophones et anglophones, et
spécialistes omnipraticiens, c'est la même chose. Autrefois, on
recevait des médecins du reste du Canada et des Etats-Unis, mais,
maintenant, on reçoit très peu de médecins d'ailleurs. Au
cours de l'année qui vient de se terminer, dans les statistiques de
l'année 1984-1985, nous avons donné zéro permis de
pratique à des médecins gradués des États-Unis et
27 à des médecins gradués d'autres provinces, alors
qu'autrefois nous donnions toujours une trentaine de diplômes à
des médecins américains. Les médecins américains ne
veulent plus venir au Québec. Qu'est-ce que vous voulez? Ils ne sont
plus intéressés, ils ne sont plus attirés et c'est une des
raisons des difficultés du recrutement de professeurs à
l'Université McGill. Nous avons encore un certain nombre de Canadiens
qui demandent un permis temporaire, en vertu de la loi 101, pour un an ou deux
ans, pendant leurs études de spécialité, mais c'est
passager, c'est temporaire, parce qu'ils retournent chez eux après. Nous
avons une perte nette et sérieuse de médecins.
Nous en fabriquons tellement, nous en formons tellement: 650, 670 et
plus, que le problème est amoindri énormément, mais c'est
un gaspillage éhonté de ressources humaines que de
préparer tant de médecins pour en perdre autant. Il y en a qui
partent immédiatement après leur formation en médecine; il
y en a d'autres qui partent immédiatement après leur
spécialité. Cela coûte très cher à la
société parce qu'on ne peut pas garder nos médecins ici;
on ne peut pas les attacher, ils peuvent faire ce qu'ils veulent.
Il y en a qui partent pour toutes sortes de raisons. Autrefois, on est
parti un peu, au début, pour la question de la loi 101, mais ce n'est
plus vrai. On part pour des questions socio-économiques en
général et un peu pour la question d'argent pour les
États-Unis, évidemment. C'est surtout la question du climat
hospitalier, de l'équipement dans les hôpitaux, du fonctionnement
de nos hôpitaux, de la difficulté d'admettre des malades dans les
hôpitaux et de ia difficulté d'opérer les patients pour les
chirurgiens. Ce sont toutes sortes de facteurs qui font que beaucoup de
médecins partent, en plus des décrets de la loi 27 en ce qui
concerne les jeunes. Beaucoup de jeunes médecins ont été
chassés du Québec à cause du décret de la loi 27 et
on les comprend facilement parce que ce décret a été une
erreur monumentale, on ne le dira jamais assez. Vous gagneriez beaucoup de
plumes, M. le ministre, en réparant les erreurs de votre
prédécesseur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Une autre question,
M. le député de Westmount.
M. French: Je retiens qu'il y a une perte nette importante de
médecins formés au Québec. Cependant, l'impact sur la
santé des Québécois est amoindri par le fait que nous
produisons trop ou, en tout cas, un nombre relativement élevé de
médecins, ici, au Québec. Cependant, il y a un gaspillage de
ressources occasionné par ces départs et ce gaspillage ou cette
perte a été aggravée par certaines politiques
gouvernementales. (17 heures)
M. Roy (Augustin): Absolument. C'est pour cela que je m'interroge
énormément, lorsque je vois les régions tenter de recruter
des médecins étrangers, dépenser des centaines de milliers
de dollars annuellement. Vous pourrez le faire dire à la région
du Nord-Ouest du Québec. Elle dépense 300 000 $ par année
à des fins de recrutement seulement. La même chose est vraie pour
d'autres régions. C'est un gaspillage éhonté de nos
ressources pour recruter des médecins d'année en année,
alors qu'on en a une couple de centaines, 250 qui partent du Québec et
on ne fait rien pour les retenir. Il y a évidemment toutes sortes de
méthodes à envisager. Mais les vrais moyens ne sont pas
discutés et n'ont pas été envisagés jusqu'à
présent, du moins n'ont pas été utilisés d'une
manière sérieuse.
M. French: Mme la Présidente, une courte question qui
touche un autre problème, soit les horaires de gardes
supplémentaires. Les résidents et internes nous ont dit hier que,
par suite de la diminution relativement rapide du nombre de postes à
l'internat et aux résidences dans les hôpitaux
québécois, il y a eu aggravation d'une situation qui s'apparente
à de l'exploitation parfois, mais pas systématiquement; donc, le
problème du surmenage, des heures de travail impossibles, etc. Ma
question se pose de la façon suivante. Si j'ai bien compris ce que
disaient l'Université McGill et le Conseil des doyens, c'était
surtout dans les hôpitaux de langue anglaise, dans le réseau de
McGill,
donc, que cette réduction a eu lieu. C'est beaucoup plus
dramatique sur dix ans, la différence de postes d'internat et de
résidence dans les hôpitaux du réseau de McGill que dans
les hôpitaux de Laval, Sherbrooke et Montréal. Je ne sais pas si
c'est le cas, mais c'est ce que j'ai compris du Conseil...
M. Roy (Augustin): Vous avez parfaitement raison, M. le
député. Je ne partage évidemment pas la vision
apocalyptique des internes et des résidents quant aux heures de travail
phénoménales qu'ils ont à faire. C'est vrai pour les
internes. Les internes travaillent très fort. Très fort.
L'année d'internat est très dure. C'est assez vrai un peu
partout. C'est plus vrai à McGill qu'ailleurs parce que c'est
inégal d'un hôpital à un autre et d'une faculté
à une autre. Pour ce qui est des résidents, il y a des
spécialités où il y a très peu de travail la nuit,
très peu de gardes. On parle de la pathologie, de ta dermatologie
où il y a très peu de gardes. 11 y en a d'autres où il y a
beaucoup de gardes. Il y en a toujours eu beaucoup. Cela vous a
été dit. C'est bien sûr que celui qui va en neurochirurgie
et celui qui s'en va en chirurgie générale doit s'attendre
à être de garde souvent. Cela fait partie de sa formation. En plus
de cela, vous avez parfaitement raison de dire que la politique de
contingentement a frappé McGill, parce que McGill avait
traditionnellement, avant 1970, de 950 à 1000 internes et
résidents. Cela a baissé à peu près à 600.
Les autres facultés en ont plus maintenant qu'elles n'en avaient avant.
Donc, normalement, on devrait avoir un meilleur partage des tâches. Elles
n'ont pas été touchées par la politique de
contingentement. Elles ont même gagné certains postes. C'est
McGill qui en a perdu. Alors, c'est vrai qu'à McGill le travail est
beaucoup plus fort. Il y a beaucoup plus de gardes, mais c'est moins vrai
ailleurs, même si cela peut être vrai dans certaines
spécialités particulières.
M. French: Cependant, compte tenu de tout cela, je suis
frappé par le fait que, si j'ai bien compris, et encore une fois il se
peut que je me trompe, ce n'étaient pas les résidents et internes
du réseau de McGill qui ont créé les problèmes
qu'on a connus depuis trois ou quatre mois. Est-ce que j'ai raison ou non? Je
ne sais pas, mais j'avais l'impression que c'étaient principalement les
réseaux de Laval et de Montréal principalement.
M. Roy (Augustin): On doit respecter une association comme la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec qui est formée de quatre associations. C'est sûr que
c'est à elle qu'il aurait fallu demander qui se plaignait le plus. J'ai
des doutes. J'ai une opinion, mais j'aimerais mieux que la réponse
vienne des intéressés eux-mêmes parce que je sais
d'où viennent les plaintes, mais je le sais par personne
interposée et, comme c'est du ouï-dire, je
préférerais donner la chance à d'autres de vous
répondre sur cela.
M. French: Je comprends que vous ne soyez pas la personne... Mon
problème, c'est que j'ai appris, après que les résidents
et internes ont comparu, que c'était surtout le réseau anglophone
qui avait subi là perte nette de postes, mais enfin...
M. Chevrette: Ils veulent revenir.
M. French: Oui, ils veulent revenir. Je vais leur poser la
question à la fin de la séance.
M. Lapierre: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?
M. Lapierre: Lorsqu'on a fait des visites dans les hôpitaux
d'enseignement, que ce soit dans le milieu anglophone ou francophone, à
Montréal, Québec ou
Sherbrooke, nos visites ne nous ont pas permis de constater que les
internes de McGill se plaignaient plus que les internes de Québec ou de
Montréal.
M. French: C'est le genre de réponse que je cherchais,
merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa, très très court, vu que...
M. Laplante: Vous êtes très gentille, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne me devez
rien.
M. Laplante: La question que je voudrais poser, c'est au
président de la corporation et non au politicien. Je voudrais avoir une
réponse claire et nette.
M. French: Vous ne le reconnaîtrez même pas.
M. Laplante: Sur le rapport 60-40 dans le domaine de la
gériatrie, est-ce que la corporation favorise la création d'une
spécialité ou considère-t-elle qu'il s'agit d'un champ de
pratique régulier des omnipraticiens? J'aimerais que vous vous
prononciez là-dessus.
M. Roy (Augustin): Répétez donc. Sur la question de
60-40...
M. Laplante: Je vais vous la reposer.
M. Roy (Augustin): Posez bien la question qui a été
posée.
M. Laplante: La question que je vous pose, c'est, dans le domaine
de la gériatrie. Est-ce que la corporation favorise la création
d'une spécialité ou considère-t-elle qu'il s'agit d'un
champ de pratique régulier des omniprattciens?
M. Roy (Augustin): Alors, je dois dire d'abord que cela n'a rien
à voir avec la question du 60-40...
M. Laplante: Non, mais cela entre...
M. Roy (Augustin): C'est seulement la question...
M. Laplante: Excusez, c'est parce que vous préconisez 60
omni et 40...
Une voix: On ne le préconise pas.
M. Roy (Augustin): Ce n'est pas nous, M. le député.
C'est nous qui avons combattu la politique du ministère. Evidemment, je
vois les gens sourire. C'est la politique du ministère que nous avons
combattue.
M. Laplante: Oubliez-le, le 60-40, s'il ne fait pas votre
affaire, si j'ai erré là-dessus, mais répondez à
mon autre question.
M. Roy (Augustin): C'est cela. Je dois vous dire que nous avons
créé, il n'y a pas tellement longtemps, la
spécialité de gériatrie au niveau de la corporation. Nous
avons acheminé notre demande à l'Office des professions pour
approbation et publication à la Gazette officielle. Nous espérons
que cela va cheminer rapidement. Mais, malheureusement, nous avons toujours les
mêmes doléances vis-à-vis de l'Office des professions,
c'est un processus extrêmement lent. Le moindre amendement à un
règlement prend...
M. Laplante: Répandez à la question que je vous
pose. Je vous ai posé une question...
M. Roy (Augustin):... sans exagération, un an et demi,
deux ans.
M. Laplante:... simple.
M. Roy (Augustin): Mais nous avons...
M. Laplante: Est-ce que la corporation elle-même favorise
cela ou si...
M. Roy (Augustin): Oui,je vous ai dit que...
M. Laplante:... vous préférez que cela soit
laissé aux omnipraticiens?
M. Roy (Augustin): Je vous ai dit que nous le favorisons parce
que nous avons créé la spécialité de
gériatrie, ce qui ne veut pas dire que les omnipraticiens ne peuvent pas
s'occuper des personnes âgées. Nous pensons qu'il faut des
consultants, des gens pour s'occuper des soins de troisième ligne pour
les personnes âgées. Cela prend un certain nombre de
gériatres, peut-être 75 dans la province, une centaine au grand
maximum, qui vont donner peut-être 5 % des soins en gériatrie ou
10 % au maximum, le reste étant donné par des omnipraticiens pour
la première et deuxième ligne. Nous pensons qu'il est important,
comme dans les autres provinces, comme ailleurs aux États-Unis et
ailleurs dans le monde... Il va falloir des spécialistes pour les
personnes âgées pour s'occuper de leurs problèmes
particuliers. Nous espérons que le gouvernement va donner suite à
notre demande de former une spécialité de gériatrie.
M. Laplante: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président,
j'aimerais vous poser une question. Peut-être que vous n'avez 'pas la
réponse. Depuis plusieurs jours, on entend constamment parler... et vous
l'avez évoqué vous-même tout à l'heure quand vous
avez dit: Les gens quittent pour différentes raisons. Vous mentionniez,
entre autres, la question du manque d'équipement dans les
hôpitaux. Est-ce que vous avez des chiffres précis? J'aurais
peut-être dû le demander à l'Association des hôpitaux
du Québec, mais je pourrai toujours le lui demander un autre jour.
Est-ce que vous avez des... C'est parce que tout le monde dit cela. Je ne parle
pas des immeubles eux-mêmes, je parle vraiment de l'équipement
technologique. Est-ce que vous avez un ordre de grandeur de ce que peut
représenter le manque d'équipement?
M. Roy (Augustin): Non, c'est en dehors du champ de notre
préoccupation...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De votre
compétence.
M. Roy (Augustin):... de notre mandat. Nous entendons les
doléances à gauche et à droite. Il ne faudrait pas
exagérer, d'un autre côté. Il y a certainement de
l'équipement nouveau à donner, de l'amélioration dans de
l'équipement ancien qu'il faut remplacer. D'ailleurs, le ministre a dit
tout à l'heure qu'il y avait 7 000 000 $ dans les 27 000 000 $ qui
étaient attribués à de l'équipement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour
les régions éloignées.
M. Roy (Augustin):... pour les hôpitaux dans les
régions éloignées. Alors, on me dit justement que,
lorsqu'on veut recruter un ophtalmologiste, un oto-rhino-laryngologiste, on lui
achète de l'équipement. Il y en a qui veulent renouveler leur
équipement de radiologie. Évidemment, il y a beaucoup d'argent
qui devrait être investi, d'après ce qu'on dit, dans
l'équipement, mais on n'a pas fait de relevé particulier. Il ne
faudrait pas non plus exagérer en disant que nos hôpitaux sont
complètement démodés et dépassés. On n'a
peut-être pas tous les équipements à la dernière
mode, mais on a quand même les équipements qui permettent de
fonctionner convenablement. Cela serait beaucoup mieux s'il y avait dans
certains hôpitaux, particulièrement ceux de troisième ligne
et universitaires, de l'équipement très sophistiqué, au
niveau, par exemple, de la résonance magnétique, du laser, de la
l'arthroscopie, qui pourrait aider à diminuer le temps d'hospitalisation
des malades, faciliter le roulement et renvoyer les gens sur le marché
du travail.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voici ma deuxième
question. Ce matin, le ministre faisait allusion aux trois hôpitaux de la
région de Québec - il ne s'agit pas de les identifier - et j'ai
aussi entendu cette nouvelle. On faisait état d'une déclaration
que la corporation aurait faite selon laquelle vous auriez dit qu'il fallait
qu'ils rentrent dans le rang d'ici au mois de juillet. Évidemment, vous
faites un suivi, vous autres, du point de vue de la pratique professionnelle,
de la qualité et de la surveillance qui est donnée aux
résidents et internes dans les hôpitaux. Quelles sont les suites?
Comment procédez-vous? Est-ce que vous faites un rapport, avec
recommandations aux centres hospitaliers? Est-ce qu'on y donne suite? Comment
se fait-il qu'on se retrouve avec onze, dont vous connaissez apparemment
l'existence, onze ou trois, peu importe? Quelle est la procédure
habituelle qui est suivie?
M. Lapierre: En fait, madame, les hôpitaux n'ont pas
été avisés encore. La réunion entre les doyens et
la Fédération des internes a eu lieu vendredi dernier. Il y a eu
une décision de prise par l'exécutif la semaine dernière
et le rapport va se faire comme ceci: quand on a fait notre visite,
c'était pour recueillir des données. Nous allons faire parvenir
à chacun des hôpitaux concernés la liste des constatations
que, nous, on a faites lors de la visite.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À quel moment a eu
lieu cette visite?
M. Lapierre: Au mois d'avril.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Alors, c'est tout récent.
M. Lapierre: Cela s'est fait durant tout le mois d'avril.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous faites
cela sur une base régulière?
M. Lapierre: Non, pas de façon régulière.
Pour ce sujet-là, c'étaient des visites ponctuelles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À cause de la
commission...
M. Lapierre: À cause d'une plainte de la
fédération des internes et résidents.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord.
M. Lapierre: Nous allons faire parvenir à chacun des
hôpitaux concernés les constatations que nous avons faites. Nous
allons envoyer copie de ces constatations aux doyens concernés,
c'est-à-dire que, s'il s'agit d'un hôpital de Québec, copie
sera envoyée au doyen de Laval; s'il s'agit d'un hôpital de
McGîll, copie sera envoyée au doyen de la faculté de
médecine de McGîll. Par la suite, dès que nous allons
revenir à la corporation, nous allons faire ces rapports aux
hôpitaux et, en même temps, nous allons leur faire connaître
la décision de la corporation qui est appuyée par le
comité des doyens et la fédération des internes et
résidents.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le passé,
quand vous faisiez ce type de recommandation, supposons que c'est arrivé
il y a deux ans, il y a des suites qui sont...
M. Lapierre: Nous vérifions l'application.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Lapierre: En fait, toute personne peut porter plainte à
la corporation et il y a toujours une vérification, mais, lorsqu'on
envoie des avis comme cela, bien sûr qu'on exerce un suivi pour voir
jusqu'à quel point c'est appliqué.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière
question...
M. Lapierre: Maintenant, là-dessus, madame, je voudrais
dire que, depuis deux ans qu'on a commencé à s'occuper de ce
sujet-là, il y a eu une amélioration
importante et, comme je vous l'ai mentionné tout à
l'heure, dans le réseau des 30 à 35 hôpitaux, il n'y aura
probablement que trois hôpitaux qui auront de la difficulté
à respecter cette recommandation d'ici au 1er juillet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière
question va porter sur les médecins immigrants. On l'oublie
peut-être, étant donné que la plus grande partie de la
discussion porte sur le probème des résidents et internes, et sur
la question des effectifs médicaux, mais il ne faut pas oublier qu'un
des éléments déclencheurs de l'objet de la commission ou
de la consultation sur les effectifs médicaux a été
relié au point de départ à la question des médecins
immigrants.
J'ai souvent des échanges de vues brefs, je dois dire, avec le
président de la corporation sur les problèmes des médecins
immigrants qui sont ici depuis X années. Ce que je veux bien comprendre,
Dr Roy, c'est que ces gens-là m'arrivent, enfin ceux dont je suis saisie
du dossier, en me disant: J'ai obtenu de la corporation... Comment appelez-vous
cela?
M. Roy (Augustin): L'admissibilité à
l'internat.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ça,
l'admissibilité à l'internat. Alors, évidemment, vous,
vous remplissez la fonction qui vous est dévolue en leur accordant ce -
je ne sais pas si c'est un certificat qu'on accorde - appelons-le certificat
pour les fins de la cause. Après cela, pour eux, cela correspond
à une possibilité d'être admis et ils ne le sont pas
après deux, trois, quatre ou cinq ans. (17 h 15)
Je comprends votre point de vue de donner priorité aux
Québécois qui ne peuvent même pas avoir accès
à une spécialité, mais là il s'agit de
l'accès à l'internat, et non à la spécialisation.
Est-ce que je dois comprendre qu'à l'égard - j'aurais
souhaité qu'en 1984 on ferme le robinet dans la mesure où il peut
se fermer; là, on est rendu presque en 1986 et le robinet a
continué de couler - de ceux qui sont ici, vous aurez une attitude
sympathique qui permettrait de régler un problème, lequel va
aller en s'accentuant si on ne prend aucune mesure, ou si, au contraire, vous
avez des restrictions à les envoyer en régions
éloignées ou ailleurs? Quel est votre point de vue
là-dessus?
M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, tout à
l'heure, quand on a parlé d'immigration, particulièrement de
l'immigration de moniteurs cliniques, on parlait de médecins qui
n'étaient pas ici et qu'on allait recruter, que des hôpitaux ou
des régions allaient recruter dans les pays étrangers pour les
amener ici et leur donner le statut d'immigrants, alors que, sur place, on a
des immigrants à qui on dit qu'ils ne peuvent pas pratiquer. Alors, il y
a une incohérence dans le système; c'est cette incohérence
que je veux démontrer et vous faire comprendre. Cela n'a pas d'allure
qu'on aille chercher des médecins à l'extérieur, à
moins de conditions particulières, alors qu'on en a déjà
sur place et qu'on les laisse dans leur misère. Alors, il faut trouver
une solution pour ceux qui sont déjà ici comme immigrants bona
fide. Sauf qu'il est bien évident qu'on ne peut pas accueillir les
médecins du monde entier au moment où on se dirige vers un
surplus de médecins et au moment où il y a des surplus de
médecins dans bien des pays du monde, y compris la France où il y
a de 25 000 à 30 000 médecins de trop. C'est pour cela qu'il est
facile de recruter des médecins en France, en Belgique, en Italie -
nommez-moi les pays du monde - où il y a pratiquement partout des
surplus de médecins. Je ne voudrais pas qu'au Québec on en
arrive, ni le ministre ne le voudrait, à cette situation où on
aurait de 3000 à 5000 médecins de trop. Cela coûte
très cher à la société et c'est un fardeau social
insupportable. Donc, il faut planifier, il faut prévoir.
Ceci dit, il faut, d'après moi, arrêter l'immigration.
C'est cela que j'ai écrit l'année dernière et c'est ce que
je vous ai dit, ce matin, en conclusion de mon mémoire: il faut mettre
un frein à l'immigration des médecins, il faut la stopper. C'est
bien clair que, comme le ministre l'a dit, il y a des règles pour
l'immigration. Il y a des familles qui veulent se réunir. Il y a des
conjoints qui s'ajoutent. Il y a des lois qui permettent ce genre
d'immigration, mais il faudrait avoir une politique gouvernementale claire et
connue de tout le monde, disant: Écoutez, c'est bien dommage, on ne vous
empêche pas de vous marier avec un Québécois ou une
Québécoise, mais, si vous le faites et que vous êtes
médecin, ne vous attendez pas à pratiquer la médecine au
Québec. Il faudrait le dire à l'avance. C'est cela qu'il faut
faire. Je dis cela depuis quatre ou cinq ans et je semble prêcher dans le
désert, parce que le problème, qui n'était pas si grave il
y a cinq, six ans, va s'aggravant. Il y a deux ans, on avait 100 cas;
l'année dernière, on en avait 160. 11 s'en est ajouté
depuis ce temps et il continue de s'en ajouter.
Alors, il faut établir une politique claire et nette tout de
suite, identifier ceux qui sont sur place et qui répondent à nos
critères et leur dire: On va vous donner la possibilité de vous
qualifier pour pratiquer la médecine - parce qu'il y en a
peut-être un certain nombre qui ne pourront pas le faire -
on va au moins vous donner la chance de te faire. Si vous vous
qualifiez, vous allez pouvoir exercer votre profession comme tous les
médecins, mais on va fermer la porte, sauf à des cas
exceptionnels, aux autres qui voudraient entrer. Là, on va régler
le problème. On en a parlé hier avec les doyens. C'est bien
sûr qu'il y a des gens qui attendent depuis quatre, cinq ou six ans et
qui deviennent moins bons après ce temps-là. C'est bien sûr
qu'il y en a qui arrivent un mois ou deux avant le procédé de
sélection, qui sont de jeunes médecins tout frais émoulus
de l'université, qui parlent bien français, qui se
présentent très bien, qui donnent une très bonne
impression aux interviewers des facultés, mais qui ont la
préférence parce que, dans tout choix, on fait une certaine
discrimination, qui n'est pas nécessairement mauvaise. En fait, on
choisit parce qu'on a 30 postes à choisir parmi 160 candidats.
Il reste que, dans cela, il y a aussi le problème des
Québécois dont il va falloir s'occuper. Il va falloir s'occuper
des problèmes des Québécois qui vont étudier
à l'extérieur. Quand ils reviendront ici, qu'est-ce qu'on va
faire avec eux? En 1980, je sais qu'au ministère il y avait un projet de
politique qui disait que, dorénavant, après 1981 - j'ai encore le
projet dans mes poches - on ne vous donnera pas la permission de revenir
pratiquer au Québec. C'est cela qu'on a dit, mais, sur le plan
constitutionnel, cela va probablement être compliqué. Il reste
qu'il y a un problème important à solutionner et il va falloir le
faire le plus rapidement possible.
D'un autre côté, cela m'inquiète quand je vois que
l'année dernière, sans en parier à personne, votre
prédécesseur a adopté un décret pour 20 postes
additionnels créant une obligation, pour les médecins
étrangers, d'aller passer trois ans dans les régions
éloignées sous peine d'être pénalisés de 50
000 $ par année; donc, 150 000 $ pour les trois ans. Cette obligation,
maintenant, d'aller dans les régions éloignées s'applique
dorénavant à tous les autres médecins étrangers. On
fait signer une feuille, un engagement par le biais du ministère selon
quoi l'individu, avant de commencer son internat, doit aller dans ces
régions éloignées. Je me demande, et c'est important, Mme
la Présidente, si une politique semblable n'est pas de la
discrimination, si ce ne sont pas deux poids, deux mesures que d'obliger les
médecins étrangers à aller trois ans dans les
régions éloignées, alors que les médecins
québécois ne sont pas obligés de le faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Roy (Augustin): Si ce n'est pas de la discrimination,
j'aimerais qu'on m'explique ce que c'est.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là-dessus, vous
posez un problème, Dr Roy, qui n'est probablement pas sans fondement,
mais tout ce que je peux vous dire, c'est que cela a été fait en
consultation avec l'Association des médecins étrangers. Ils se
sont regroupés en association et ils étaient consentants. Enfin,
je ne veux pas entrer dans le fond du problème...
M. Roy (Augustin): Ce qu'on m'a dit, c'est que les 20
étaient consentants, pas les autres, et les Québécois qui
vont en Europe, qui, cette année, vont être obligés de
faire trois ans dans les régions éloignées, n'ont pas
été consultés, alors que les Québécois qui
ont été acceptés l'année dernière n'ont pas
à faire les trois ans.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Enfin, c'est comme ceux qui, avant, allaient dans les régions
éloignées et n'étaient pas pénalisés et
maintenant ils sont pénalisés.
C'est un autre type de débat dans lequel je ne veux pas entrer.
Je vous remercie, Dr
Roy. M. le ministre.
M. Chevrette: Mme la Présidente, j'aurais quelques
commentaires. Tout d'abord, il y a une affirmation dans le mémoire selon
laquelle vous accusez le MAS de ne pas avoir donné suite à un
rapport d'une commission d'étude concernant la formation de deux ans
pour les omnipraticiens.
M. Roy (Augustin): Pas le MAS.
M. Chevrette: Non, j'espère, parce que c'est ce que
j'avais compris. C'est pour cela que je voulais le préciser. Vous savez
qu'actuellement le MAS l'a accepté depuis deux ans; c'est un avis du
Conseil des universités qu'on attend. D'autre part, je voudrais rappeler
que c'était le rapport Scott qui avait mis en question et remis en
question ce...
M. Lapierre: Ce qu'on veut faire ressortir par cela, M. le
ministre, c'est davantage l'incohérence du système,
c'est-à-dire que le rapport 60-40 préconisé par le MAS
veut former plus d'omnipraticiens; par contre, on leur refuse une formation. Le
refus de la formation ne vient pas du MAS, il vient d'un blocage de l'Office
des professions et du ministre responsable de l'Office des professions.
M. Chevrette: Maintenant, je voudrais parler de l'exode des
médecins québécois. Un n'a vraiment pas les mêmes
statistiques. Dr Roy, vous affirmez avec beaucoup d'emphase que les
médecins spécialistes, nos jeunes spécialistes que nous
formons quittent le
Québec et, une des causes les plus importantes, vous dites que
c'est le décret punitif. En 1981, au moment où le décret a
été adopté, il est parti 33 spécialistes, ce qui
représentait 17 % de la cohorte; en 1982, l'année de
l'application du décret punitif, 15, 8 %, une baisse de 29 individus; en
1983, toujours avec le décret punitif, 12, 1 % de la cohorte, 21
individus. Qu'on ne vienne pas affirmer ici que c'est le décret punitif
qui fait que les médecins spécialistes sortent du
Québec.
Deuxièmement, vous dites qu'au Québec c'est effrayant, on
perd tous nos jeunes. C'est la province la moins touchée du Canada,
selon les statistiques. Il me semble que vous-même avez affirmé
cela dans L'Actualité. Comment se fait-il que vous grossissiez le
problème aujourd'hui alors que dans une entrevue vous étiez sur
la même longueur d'onde que le ministre actuel quant à la
migration des médecins du Québec? Je suis surpris de voir que ce
que je lis dans un journal; vous dites le contraire ici. Il y a quelque chose
qui accroche.
Troisièmement, sur les moniteurs...
M. Roy (Augustin): Est-ce qu'on pourrait répondre au
décret tout de suite?
M. Chevrette: Oui, mais je vous prierais de ramasser un petit peu
parce que vous répondez longuement.
M Roy (Augustin): Juste le décret... Vous avez
certainement mal compris parce que j'ai donné plusieurs causes; j'en ai
donné sept ou huit et, la dernière que j'ai donnée, c'est
le décret de la loi 27. Je n'ai pas dit que c'était la plus
importante, je n'ai pas donné de chiffres. J'ai dit que c'était
une des raisons et j'ai dit que l'année dernière il en est parti
à peu près 260. C'est une des causes, avec plusieurs autres,
évidemment.
Qu'on retienne un certain nombre de médecins, c'est bien normal,
et le Québec en a toujours retenu traditionnellement plus que les autres
provinces à cause de sa particularité francophone. Comme je vous
le dis, avant 1970, il n'y avait pratiquement pas de départs de
médecins du Québec; c'est un phénomène relativement
nouveau. Ceux qui partaient, c'étaient des anglophones et des
allophones. Maintenant, c'est autant de francophones que d'anglophones et
d'allophones; cela, c'est nouveau, par ailleurs. C'est sûr que le nombre
250 m'inquiète. Evidemment, il n'est peut-être pas si gros sur
675, mais pourquoi préparer tant de médecins si on en perd
presque le tiers?
M. Chevrette: Ce n'est pas le tiers, c'est 12 %.
M. Roy (Augustin): Oui, mais cela, c'est seulement pour le
décret, mais il y a d'autres raisons. Il y en a qui partent parce qu'il
n'y a pas d'équipement.
M. Chevrette: Ce n'est pas pour le décret, c'est ce qui
part annuellement. Je m'excuse! Il ne faut pas en mettre, là! Je ne sais
pas où vous puisez vos statistiques, mais il y a des limites.
M. Roy (Augustin): Vous interprétez mal vos statistiques,
M. le ministre.
M. Chevrette: Écoutez, je comprends qu'on n'est pas les
seuls à avoir la science infuse. J'ai dit, au chapitre des
spécialités, qu'il sortait 12 % de la cohorte.
M. Lapierre: M. le ministre, vous dites qu'il y en a 21 qui sont
partis en 1981; nous, on en a 200...
M. Chevrette: En 1983.
M. Lapierre: En 1983, on en a combien?
M. Roy (Augustin): On en a 260.
M. Lapierre: 260; il y a une marge entre les chiffres.
M. Roy (Augustin): II y a quelque chose qui ne va pas dans vos
statistiques, M. le ministre.
M. Chevrette: Quand on parle des jeunes finissants...
M. Roy (Augustin): Mais je parle de tous les médecins du
Québec, moi. Je n'ai jamais parlé d'un groupe seulement.
M. Chevrette: Vous avez affirmé, avec beaucoup d'emphase,
que les jeunes qu'on formait quittaient.
M. Roy (Augustin): Oui, il y en a.
M. Chevrette: Donc, on vous a sorti les jeunes finissants, on a
vérifié les chiffres par rapport à ce que vous avanciez et
on dit: Cela n'a pas d'allure. Deuxièmement, si c'était l'effet
du décret punitif...
M. Roy (Augustin): Je vous parle des rapports en
général.
M. Chevrette: Si c'était l'effet du décret punitif,
comment expliqueriez-vous qu'on émigrerait vers les Etats-Unis
plutôt que d'émigrer dans certaines régions
périphériques où on manque de médecins et qui ne
sont pas touchées par le décret punitif? C'est grossir vraiment
les choses.
M. Roy (Augustin): Écoutez, je pense...
M. Chevrette: À mon point de vue, en tout cas.
M. Roy (Augustin):... qu'on peut faire dire n'importe quoi
à des chiffres. Je vous donne des chiffres globaux du départ de
tous les médecins du Québec, quels que soient leur êge,
leur formation, leur langue et leur religion. Il en est parti 273 en 1983: des
Anglais, des Français, des Hongrois, de toutes les sortes, des
omnipraticiens et des spécialistes qui viennent de Montréal, de
Québec ou d'autres régions. Je n'ai pas fait de distinction entre
les catégories. C'est facile à articuler, je les ai dossier par
dossier.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): N'en ouvrez pas trop
grand.
M. Chevrette: Combien sont revenus?
M. Lapierre: M. le ministre, avec une collaboration...
M. Chevrette: Excusez-moi, trente secondes. Est-ce que vous avez
des statistiques sur le nombre qui est revenu?
M. Roy (Augustin): Qui est revenu? II en revient, oui, j'ai des
réinscriptions. Toujours à peu près - je ne l'ai pas sur
celui-là, mais dans le dernier - je pense que cette année il y a
eu une cinquantaine ou une quarantaine de réinscriptions.
M. French:... c'est 200 cette année.
M. Roy (Augustin): 249, au mois de novembre.
M. French: Ce n'est pas net, cela. Il y en a qui rentrent, M. le
Président.
M. Roy (Augustin): Ceux qui sont de retour?
M. French: L'émigration nette; c'est ce que j'essaie de
savoir.
M. Roy (Augustin): L'émigration nette, l'entrée.. -
Avez-vous les dernières statistiques?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président,
est-ce qu'on pourrait vous demander de nous envoyer un tableau statistique des
entrées et des sorties, disons, pour 1983-1984?
M. Roy (Augustin): Tout cela est publié dans le rapport
annuel, dans nos rapports d'effectifs médicaux; c'est accessible.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais le dernier qui
est sorti, c'est quelle date?
M. Roy (Augustin): Le dernier, c'est 1983-1984, et 1984-1985 va
être sous presse bientôt. Alors, il n'y a pas de problème.
Si on peut s'asseoir avec le ministère...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, parfait! On peut
s'obstiner longtemps si vous en avez quinze de moins ou quinze de plus, vous
savez.
M. Lapierre: La meilleure façon d'avoir les mêmes
données, c'est de s'asseoir à la même table et de
travailler ensemble.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis bien d'accord
avec vous.
M. Chevrette: Vous savez, il ne faut pas faire de procès
d'intention avant utilisation sur les formules, vous avez raison.
M. Lapierre: II n'y en a pas dans le mémoire.
M. Roy (Augustin): Des départs, ce n'est pas toujours
prévisible. On a perdu, en deux ans, à peu près 35
orthopédistes, ce qui fait que la spécialité qui
était presque en surplus est devenue en déficit ' et des
hôpitaux pas éloignés, des hôpitaux de
Montréal ou de la périphérie de Montréal cherchent
des orthopédistes, des cardiologues. Ce sont des
spécialités en équilibre très instable. (17 h
30)
Actuellement, on recrute pour les régions
éloignées, mais on en a autant besoin de psychiatres, par
exemple, pour des hôpitaux à Québec et à
Montréal. Ce matin, je n'ai pas eu le temps de le dire, mais je voulais
vous faire part des offres que l'on fait pour recruter des psychiatres dans
certaines régions éloignées où on dit: Viens faire
un tour, c'est payant. C'est le mot clé. C'est payant parce que tu vas
rendre un service immense à ta communauté et l'estime de
toi-même va se prolonger jusque dans ton compte de banque. Pars avec un
dépôt, et non avec un emprunt. Une bourse de 25 000 $ si tu
t'engages pour deux ans. Une bourse de 10 000 $ si tu t'engages pour un an. Une
prime d'établissement de 10 000 $ sans impôt,
répétable pendant quatre ans si tu prends goût à la
Gaspésie, dans ce cas, 120 % sur tes revenus de base. Vacation: salariat
ou à l'acte. Vingt jours de ressourcement è chaque année
avec quatre sorties payées jusqu'à Montréal. Plein revenu
pendant sept jours avec forfait de dépenses. Vingt jours accumulables
après quatre ans. Quatre mois sabbatiques, en plus des vacances,
après quatre ans. En plus, le sanatorium Ross facilitera ton
installation et ton logement. Viens faire un tour. - C'est
presque: C'est à ton tour - Appels à frais
virés.
C'est le recrutement dont on a besoin!
M. Chevrette: Je suis heureux que le Dr Roy donne un exemple
poussé à l'extrême. Mais, au moment où on parle
d'engorgement des urgences à Montréal, savez-vous qu'un centre
hospitalier recrute des clients pour l'urgence par des circulaires? On a des
aberrations dans notre système, j'en conviens. Mais il ne faut pas
partir de l'aberration pour parler d'une règle générale.
Écoutez une minute. C'est pareil comme si ce qui se fait là
était une règle générale.
M. Roy (Augustin): C'est la règle générale
pour les régions éloignées, M. le ministre.
M. Chevrette: Entre vous et moi, quand j'ai lu qu'un centre
hospitalier montréalais -et je l'ai montré en Chambre - recrutait
des clients pour sa salle d'urgence quand on pense qu'à Montréal
tout le monde se plaint des urgences, c'est le bout de je ne sais pas quoi.
D'accord? Mais on vit cela. On vit ces aberrations. Notre rôle, autant
à vous qu'à nous, est d'au moins essayer de chercher à
travailler avec les normaux, la normalité des choses, et essayer de les
améliorer. C'est cela qu'on vise. Quand bien même qu'on sortirait
une liste d'aberrations qui pourraient occuper la corporation pendant plusieurs
mois... J'aimerais cela que vous assistiez à des entrevues, par exemple,
chez les médecins immigrants pour voir si c'est vrai qu'il y a de la
discrimination. J'aimerais cela que vous assistiez à certaines
séances de conseil d'administration où on prend une heure et
demie pour discuter de la couleur de la brique plutôt que de s'occuper de
trouver une formule simple, rapide, pour faire un diagnostic médical
à l'urgence. Vous pourrez scruter le rapport du Dr Spitzer, ce matin, et
nous dire s'il y a du bon dans cela, s'il y a du vrai. Vous pourrez
peut-être contribuer grandement à la commission d'étude que
j'ai annoncée et qui sera officialisée très prochainement.
Vous pourrez peut-être nous aider également au contingentement. Je
remarque qu'à la page 26 vous dites ceci: "Bien que difficile, cette
planification demeure indispensable", contrairement à ce que j'ai
entendu de plusieurs groupes, selon lesquels le libre marché devait
prévaloir. Je pense que là-dessus on est sur la même
longueur d'onde.
M. Roy (Augustin): Absolument, M. le ministre.
M. Chevrette: On a vraiment des points en commun. Mais essayons
de s'en tenir, peut-être, aux gestes de la normalité au lieu
d'amplifier à partir d'un petit fait.
M. Roy (Augustin): Je suis complètement d'accord, M. le
ministre. Il faut joindre nos efforts. Nous sommes absolument prêts,
parce qu'il y a des aberrations épouvantables dans le système,
des aberrations que le monde ne connaît pas, que les
députés n'ont pas l'air de connaître, que le commun des
mortels, encore bien moins, n'a pas l'air de connaître. Il y a des
dépenses...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On en connaît plus
que vous ne le croyez.
M. Roy (Augustin): Oui. Je viens vous mettre au courant. Vous
devriez être contente de connaître la vérité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Excusez-moi, Dr Roy. Excusez-moi. À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Roy (Augustin): II se dépense de l'argent, c'est
épouvantable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Le
député de Brome-Missisquoi aura la dernière question, et
vous aurez la dernière réponse, M. le président. Je vous
ferai remarquer que cela fait plus de deux heures que...
M. Roy (Augustin): Moins que les doyensl
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!
II va falloir retourner regarder les livres. Je ne suis pas convaincue
de cela.
Vous avez la parole, M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Ma question au Dr Roy touche les 60-40. Elle ne m'a
pas été inspirée par le député de Bourassa.
Dans toute la question des 60-40, on dénote chez l'ensemble des
intervenants, vous n'êtes pas les seuls à le souligner, qu'on vit
présentement une carence de certaines spécialités un peu
partout au Québec, dans d'autres spécialités dans des
régions plus éloignées ou périphériques. Il
y a toute la question des usagers qui utilisent des médecins
spécialistes comme médecins de première ligne. Il y a
toute la question de l'avenir de notre société... on est en 1985
et tout le monde nous dit qu'on va manquer de spécialistes dans à
peu près l'ensemble des spécialités. Dans le but d'avoir
une approche constructive, je ne veux pas connaître les causes, ce sont
des choses du passé, je suis conscient des avertissements que votre
corporation a donnés au gouvernement dans le passé et qui sont
résumés là-dedans, mais, pour l'avenir, qu'est-ce que vous
recommandez au gouvernement comme approche dans le but d'éviter qu'on se
retrouve devant une situation qui pourrait
être très pénible pour les usagers?
M. Lapierre: Mme Lavoie-Roux, si vous n'avez pas d'objection
à ce que la dernière réponse me vienne.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah oui?
M. Lapierre: En fait, la corporation n'a pas recommandé un
rapport particulier soit 60-40, 55-45, on n'a pas fait de recommandation sur un
rapport particulier. Ce qu'on constate, c'est que le rapport vers lequel on
vise semble nous amener dans un cul-de-sac en ce sens que, dans le moment, on
constate qu'avec un rapport de 50-50 à peu près, on semble, sur
le plan des omnipraticiens, avoir une répartition qui semble être
acceptable et qui va encore s'améliorer. Mais on constate qu'avec ce
rapport de 50-50, on manque de spécialistes. 5i on veut s'en aller comme
ça avec un manque de spécialistes actuellement et se diriger vers
un rapport de 60-40, il faudra d'abord assurer une meilleure formation aux
omnipraticiens pour qu'ils puissent bien faire le travail qu'ils auront
à faire, leur donner au moins deux ans comme notre règlement le
recommande pour une formation spécifique en omnipratique, il va falloir
les distribuer correctement dans toute la province pour répondre
à la première ligne et une partie de la deuxième
ligne.
Il va falloir retirer les spécialistes de la première
ligne, retirer les spécialistes de leur cabinet de consultation et les
retenir dans les hôpitaux pour qu'ils s'en tiennent à des soins
secondaires et tertiaires. Il ne faudra pas accepter qu'un malade consulte
directement un spécialiste sans avoir au préalable
consulté un omnipraticien qui va décider de le diriger vers le
spécialiste ou pas. Pour arriver à cela, il faut modifier le
système de rémunération. Si on se dirige vers un rapport
60-40 et qu'on ne fait pas cela, on s'en va vers une pénurie de
spécialistes.
M. Paradis: Est-ce que le rapport 60-40 est la solution?
M. Lapierre: On marche évidemment à l'encontre du
contexte nord-américain, parce qu'on est dans le contexte
nord-américain où la population a l'habitude de se diriger selon
ce qu'elle désire, vers un omni ou un spécialiste.
M. Roy (Augustin): M. le député, c'est à
cause de ce rapport 60-40 qui est devenu la bible au ministère qu'il
faudrait changer, c'est à cause du contingentement de l'entrée en
spécialité que les régions nous demandent des
médecins étrangers. C'est cela que j'attends du ministre comme
directive. La semaine dernière, à mon comité d'examen des
titres, j'avais 24 demandes de médecins étrangers pour venir au
Québec comme professeur ou pour pratiquer, 24 demandes et cela augmente
à chaque comité. Je me dis: Cela n'a pas d'allure que ce soit
comme cela. Il y a eu des demandes de refusées, il y en a eu de
différées. Je suis extrêmement sympathique aux
problèmes des régions de l'Abitibi-Témiscamingue, de la
Gaspésie, qui manquent de certains spécialistes, qui manquent de
psychiatres, qui manquent de radiologistes, qui manquent
d'anesthésistes, par exemple. Comment trouver la solution? Il y a des
décisions des fois qui sont un peu arbitraires.
Pourquoi est-ce qu'on accepte un psychiatre à Lévis? Parce
qu'on en a déjà accepté des psychiatres étrangers
à Lévis. Entre parenthèses, à Lévis, il y a
encore une aberration. Le psychiatre étranger qui va à
Lévis est payé è 100 % de ses honoraires, mais, quand il
pratique à Québec, il est à 70 %; parce que le Dr
Dominique Bédard était un ami du Dr Laurin, il a réussi
à faire adopter un amendement au décret pour faire en sorte
qu'à Lévis, le psychiatre soit payé à 100 %, mais,
de l'autre côté du pont, à Québec, il est
payé à 70 %. Des aberrations comme cela, il y en a plein le
système. Qu'est-ce que je vais faire, moi, avec les médecins des
régions éloignées qui veulent aller pratiquer là et
pour lesquels on demande des postes? Est-ce que je vais dire oui, alors que le
ministère contingente l'entrée en spécialité pour
nos propres Canadiens, nos propres Québécois? Est-ce que je vais
dire oui, alors qu'on contingente l'entrée de nos médecins
à la faculté de médecine?
Il y a là des décisions importantes et urgentes à
prendre. Je me dis: On serait d'accord, nous, à la corporation, M. le
ministre, pour donner des permis, et je vais clore sur cela - temporaires ou
restrictifs à des médecins étrangers, mais temporaires sur
une base d'un, deux ou trois ans, de façon à permettre la
formation de spécialistes québécois pour aller dans ces
régions, éventuellement. Mais ce n'est pas la demande qu'on nous
fait. On nous fait des demandes pour des médecins immigrants, qui vont
devenir Canadiens, qui vont s'installer ici ad vitam aeternam. C'est à
quoi on se refuse jusqu'à présent, parce qu'on a affaire à
des médecins de 30 ans, qui vont encombrer nos postes, qui vont prendre
la place de nos Québécois pour la vie et qui vont nous
créer des problèmes épouvantables tantôt.
Je pense qu'il est urgent qu'on s'en rende compte et qu'on articule nos
positions ensemble avec l'Immigration, avec l'Éducation, avec les
Affaires intergouvernementales, afin qu'on en arrive à une solution
commune, réaliste et raisonnable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Alors, on vous remercie, Dr Roy, ainsi que ceux qui vous accompagnent.
Si vous vouiez, je peux vous donner le nombre de minutes pour vous comparer aux
universités.
M. Roy (Augustin): Merci, Mme la Présidente, M. le
ministre et MM. les députés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela nous a fait plaisir
et c'est toujours mouvementé, quand on a votre visite.
M. Roy (Augustin): Nous avons essayé de vous
éclairer, il y a encore beaucoup de choses à dire, mais tout ce
qu'on dit, c'est dans l'intérêt de la communauté
québécoise. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Merci beaucoup.
Le prochain groupe, c'est la Fédération des centres locaux de
services communautaires du Québec.
À l'ordre, s'il vous plaît! M. Sénéchal, si
vous voulez présenter vos deux collègues, M. Bélanger et
M. Perras. Vous ne me croirez peut-être pas, mais vous avez 20 minutes
pour présenter votre mémoire, 20 minutes de questions du
côté du gouvernement et du côté de l'Opposition.
Alors, vous pouvez procéder immédiatement.
Fédération des centres locaux de
services communautaires du Québec
M. Sénéchal (Marcel): Alors, Mme la
Présidente, MM. les députés, nous allons traiter
strictement de la seconde question qu'aborde la commission, soit la question de
la planification des effectifs médicaux, ce qui est une question
importante pour les CLSC. D'abord, je m'excuse de vous avoir fait parvenir le
mémoire seulement cet après-midi, mais des contraintes d'ordre
matériel et humain ne nous ont pas permis de vous le présenter
avant aujourd'hui.
Un mot sur les effectifs médicaux et la pratique médicale
en CLSC. De fait, sont inclus les 12 CLSC dont la création a
été récemment annoncée. On compte maintenant, au
Québec, 136 CLSC sur les 166 qui seraient nécessaires pour
couvrir l'ensemble du territoire. Les 136 CLSC existants rejoignent, au moins
théoriquement dans le cas des nouveaux, environ 70 % de l'ensemble de ta
population.
Les CLSC qui étaient en fonction en janvier 1985 avaient à
leur emploi 532 médecins. Comme on peut le constater, une très
forte proportion de ces médecins, 94 % en fait, sont
rémunérés à honoraires fixes ou à vacation.
Il s'agit là d'une première caractéristique importante de
la pratique médicale en CLSC, sur laquelle nous reviendrons, d'ailleurs,
un peu plus loin.
Ces 532 médecins oeuvrant en CLSC représentent quelque 8 %
de l'ensemble des 6694 médecins omnipraticiens qu'on devrait compter au
Québec en 1985-1986, selon les projections de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec. Il y a eu, à cet
égard, une progression constante. Par exemple, en 1978, les 221
médecins oeuvrant en CLSC représentaient 4, 7 % du nombre total
d'omnipraticiens qu'on comptait à cette date au Québec.
Cette présence des médecins de CLSC varie cependant
beaucoup d'une région à une autre, comme on peut le constater.
Cette présence est plus marquée en Gaspésie, 22, 5 % de
tous les omnipraticiens travaillant en CLSC, sur la Côte-Nord, dans
l'Outaouais et en Montérégie. Elle est relativement plus faible
dans la région de Montréal, 5, 5 %, qui regroupe à elle
seule 37 % de tous les omnipraticiens du Québec. (17 h 45)
Le parachèvement du réseau des CLSC dans les
régions où il est encore incomplet devrait faire augmenter la
présence relative des médecins pratiquant en CLSC. On peut
escompter en effet qu'à ce moment entre 15 % et 20 % de tous les
omnipraticiens du Québec oeuvreront en CLSC. Depuis 1978, le quart
environ des nouveaux effectifs d'omnipraticiens qui se sont ajoutés au
Québec se sont retrouvés en CLSC.
L'augmentation du nombre d'omnipraticiens au Québec au cours des
dernières années - 610 omnipraticiens de plus de 1979 à
1982 - jointe à la mise en oeuvre des différentes mesures
gouvernementales, a permis une amélioration du ratio
population-médecin-omnipraticien dans toutes les régions du
Quebec. Cela, cependant, a à peine ralenti le mouvement de concentration
des effectifs d'omnipraticiens dans la région de Montréal
puisque, de 1979 à 1982, 30 % des effectifs supplémentaires se
sont concentrés dans la région de Montréal. Il y a donc un
problème important de concentration de la profession médicale
à Montréal et cela, même chez les omnipraticiens.
Notre analyse des données nous amène, à cet
égard, à deux constatations supplémentaires. La
première, c'est que, dans la région même de
Montréal, les nouveaux effectifs d'omnipraticiens tendent à se
concentrer là où il y a déjà le plus de
médecins. La deuxième constatation, c'est qu'en dehors des
régions les plus urbanisées et en dehors des grands centres
urbains, la présence de médecins omnipraticiens en CLSC constitue
un facteur déterminant de l'amélioration de
l'accessibilité aux services médicaux.
Comme on peut le voir au tableau 4, l'accessibilité aux services
des omnipraticiens s'est améliorée de près de 10 % de 1979
à 1982. Or, le tiers, soit 36 % de cette
amélioration, est imputable à l'augmentation du nombre de
médecins pratiquant en CLSC. Ce phénomène est surtout
remarquable dans la région 01, où des médecins
déjà installés ont quitté la pratique solo pour la
pratique en CLSC, ainsi que les régions 02, 05, 07 et 09.
On a une autre illustration de l'importance des CLSC en matière
d'accessibilité aux services médicaux dans certaines
régions lorsqu'on constate que, sur les territoires des CLSC ruraux
créés avant 1978 et qui ont donc atteint un certain rythme de
croisière, près des deux tiers de tous les omnipraticiens
pratiquant sur ces territoires étaient rattachés au CLSC. Cela
couvre des territoires comme ceux de Lac-Etchemin, Portneuf, Jardin du
Québec ainsi que plusieurs CLSC de la Gaspésie et de l'Outaouais.
Sur ces territoires, il n'y a pas de doute que la présence de CLSC a
largement contribué à l'amélioration de
l'accessibilité à la pratique médicale et que cela a pu
compenser en partie la tendance à la concentration des effectifs en
milieu urbain. Voilà pour les effectifs.
Pour ce qui est de la pratique comme telle, à partir d'un
échantillon de 33 CLSC représentatifs, on peut tenter
d'extrapoler le nombre de personnes rencontrées en CLSC au cours de
l'année budgétaire 1984-1985. L'exercice nous permet de constater
qu'au cours de la dernière année l'ensemble des CLSC aurait
posé 2 200 000 interventions à plus de 650 000 personnes
différentes.
Là-dessus, les médecins des CLSC auraient posé
près de 700 000 interventions ou visites individuelles à 400 000
usagers différents. Les médecins des CLSC auraient donc
rencontré au moins une fois 61 % de toutes les personnes venues aux CLSC
au cours de cette année pour des services individuels. Ces mêmes
médecins auraient posé 31 % de toutes les interventions
individuelles en CLSC.
Cela illustre pleinement l'importance des services médicaux comme
porte d'entrée aux CLSC pour l'ensemble des services qui y sont
distribués.
Quant à l'organisation de la pratique médicale en CLSC,
règle générale, la pratique des médecins en CLSC se
répartit à peu près équitablement entre la pratique
dite curative et la pratique dite préventive.
La pratique curative consiste surtout en consultations médicales
sur rendez-vous, sans rendez-vous ou d'urgence. Cela répond à un
besoin de la population, mais en même temps cela permet aussi au CLSC de
se faire connaître et de faire connaître ses autres programmes,
notamment ceux à caractère préventif. Le curatif sert
donc, à certains égards, à établir la
crédibilité du CLSC.
Cette organisation des services curatifs médicaux en CLSC se
reflète de la façon suivante: Sur les 107 CLSC en
opération et comptabilisés dans l'enquête, 49 CLSC avaient
un service d'urgence en plus des consultations médicales. Les 58 autres
n'avaient que les consultations médicales. Les 49 qui ont une urgence en
ont une accessible 24 heures par jour dans 26 cas. Cette urgence est
assurée par une garde sur place à 10 endroits. Ailleurs, on
compte plutôt sur un mode de disponibilité des
médecins.
Ces données traduisent les efforts des CLSC, compte tenu des
ressources dont ils disposent pour rendre leurs services médicaux
accessibles à la population.
Quant à l'action préventive des médecins oeuvrant
en CLSC, elle se traduit de la façon suivante: le médecin agit
comme personne ressource au niveau du contenu de la programmation; il agit
comme intervenant direct dans le cadre des programmes de prévention:
notamment, il réalise les examens médicaux nécessaires
dans les programmes comme la périnatalité, le contrôle des
naissances, la santé et la sécurité du travail; il
contribue à élargir la pratique des autres intervenants dans le
cadre des équipes multidisciplinaires, il apporte une plus grande
cohérence dans son message à livrer et il contribue à
asseoir la crédibilité des équipes d'intervention.
Voilà pour le rôle des médecins en ce qui concerne les
activités préventives.
En plus de constituer un secteur important parce que l'activité
médicale constitue, comme on le dit, une porte d'entrée
très importante pour les CLSC, ce que nous développons dans la
deuxième partie du premier chapitre, c'est qu'il doit exister dans les
CLSC un secteur témoin qui fait référence à la
pratique médicale privée. Je passe rapidement là-dessus
pour aborder deux problèmes spécifiques, soit la question du
recrutement des médecins et la question de leur formation.
Sur la question du recrutement des médecins, la
fédération a déjà eu l'occasion de faire
connaître son point de vue sur la question le printemps dernier, lors de
la table de concertation qui s'est tenue sur cette question. Nous devons vous
dire à cet égard que le problème n'est pas encore
réglé. Plusieurs CLSC ou centres de santé sont encore aux
prises avec de sérieux problèmes de recrutement. Nos
administrateurs en région éloignée doivent encore
continuer à dépenser des énergies folles en recrutement et
cela, au détriment des autres activités.
Le problème fondamental de la disponibilité des ressources
médicales en région éloignée n'en est pas un de
nombre, cela a souventefois été dit, mais de répartition
régionale. Nous avons vu aussi, précédemment, qu'à
l'intérieur même de la région de Montréal les
effectifs médicaux sont aussi mal répartis et que la situation ne
va pas en s'améliorant.
Compte tenu du fait que la tendance des omnipraticiens à se
concentrer dans les grandes régions urbaines continue, même si
elle a connu un léger ralentissement, il nous semble inévitable
qu'on en vienne d'ici à quelques années à une forme de
contingentement du nombre de médecins qui seront autorisés
à pratiquer dans une région donnée.
Nous proposons, pour notre part, une forme de contingentement
modulé qui limiterait le nombre de nouveaux médecins
autorisés à pratiquer sur le terriroire de Montréal, mais
qui permettrait un nombre de postes de médecins là où ils
sont nécessaires. On pourrait aussi tenir compte, dans cette forme de
contingentement, des besoins dans les centres hospitaliers de courte
durée. Nous pensons surtout aux urgences, à
Urgences-santé, aux CLSC, puisque c'est à Montréal qu'il
en manque le plus et qu'ils auront besoin de médecins salariés
pour actualiser leurs programmes de santé et donner les services
courants requis, aux sous-territoires mal desservis et à certains
établissements sous-développés, comme les centres
d'accueil et d'hébergement.
Une telle mesure pourrait, de plus, être mise en place
progressivement et être annoncée suffisamment d'avance pour
permettre è tous de s'y faire à l'avance.
Nous vous soulignons aussi le cas particulier de la santé et de
la sécurité au travail, où il y a même - bien
sûr, le phénomène est encore plus réel en
région éloignée - en région urbaine un
problème. Il est très difficile et souvent impossible de recruter
des médecins qui ont une formation en santé et
sécurité du travail et c'est là, quand même, un
programme important de prévention, dans notre société.
Quant à la formation des médecins, nous proposons une
amélioration du curriculum et nous déplorons le peu de place qui
est fait actuellement à la prévention et aux autres aspects non
médicaux de la santé dans la formation actuelle des
médecins. Nous déplorons aussi le peu de préparation des
nouveaux médecins à travailler en équipe
multidisciplinaire. Or, cela devient de plus en plus fondamental, même
pour ceux d'entre eux qui continueront à s'orienter vers la pratique
privée.
Nous proposons aussi, comme formule pour améliorer cette
formation des médecins, des CLSC universitaires. On pourrait aussi
atteindre en partie cet objectif en multipliant les occasions de stages des
étudiants en médecine dans les CLSC au cours de leur formation.
Cela contribuerait certes à mieux les familiariser avec la
réalité des CL5C, de même qu'avec plusieurs aspects de la
pratique médicale en santé communautaire.
Déjà, certains ont développé de tels liens
de formation avec les universités. C'est le cas, notamment, de CLSC
comme Lac-
Etchemin, Arthur-Caux et Portneuf, à Québec, et des CLSC
Métro et Saint-Hubert, dans la région de Montréal. C'est
là, à notre avis, une pratique qu'il faudrait largement
étendre et cela, d'autant plus qu'elle peut contribuer à
faciliter le recrutement et avoir des répercussions favorables sur
l'ensemble du CLSC. Cela pourrait aussi contribuer à vaincre la
méconnaissance que les médecins de pratique privée ont des
CLSC, de leur fonctionnement et de leurs services.
Le contexte sera d'autant plus favorable si, comme on le propose, la
résidence en médecine familiale doit être étendue
à deux ans. Il faudra alors doubler les endroits de stage.
Déjà, à cet égard, la faculté de
médecine de Laval s'est engagée à ce que tous ses futurs
diplômés en médecine familiale aient fait au moins un stage
en CLSC.
Pour rendre cette opération possible, il faudra donner aux CLSC
les moyens financiers requis pour rendre possibles ces opérations de
formation.
Enfin, ce que nous souhaitons, c'est également qu'on incorpore
dans la formation des médecins une formation en gérontologie et
je passe là-dessus rapidement.
Il y a finalement un dernier problème, en guise de conclusion,
que nous voudrions soumettre à cette commission, c'est le
problème de l'accessibilité des CLSC.
En termes d'accessibilité, nous avons vu qu'en milieu rural la
présence des CLSC joue un rôle déterminant dans la mesure
où le CLSC a atteint un niveau de maturité et de ressources
suffisant. Cela se traduit notamment par des efforts pour rendre les services
d'urgence plus accessibles selon les besoins.
En milieu urbain, cependant, surtout à Montréal, les CLSC
ont pris plus de temps à identifier le créneau qui leur
permettrait d'assumer plus entièrement leur vocation en termes
d'accessibilité. Une récente rencontre des directeurs
généraux de la région de Montréal a permis,
à cet égard, de dégager des pistes
intéressantes.
Une première est le problème majeur à
Montréal en termes d'accessibilité, celui des urgences. C'est le
problème qui revient régulièrement et qui monopolise toute
l'attention. Ce n'est pas en développant les urgences ambulatoires dans
les CLSC qu'on pourrait régler le problème. Le problème se
situe à un autre niveau: les civières encombrent les corridors
parce qu'il manque de lits disponibles aux étages supérieurs. On
ne sait pas quoi faire avec les patients, avec les malades mentaux, avec les
malades chroniques, les personnes âgées.
Il ne faudrait pas non plus attendre des miracles, en matière
d'urgence, d'une ressource qui n'a à sa disposition que 5 % des
médecins omnipraticiens de l'île de Montréal et cela,
d'autant plus que la pratique médicale a Montréal s'est
largement
réoganisée su sein de polycliniques qui peuvent
déjà assumer une partie substantielle des urgences ambulatoires
mineures.
Il faut aussi garder à l'esprit qu'il n'existe actuellement que
18 CLSC à Montréal sur les 39 qui seraient requis. Les CLSC
existants ne desservent que 43 % de la population. Les nouveaux CLSC
annoncés vont certes améliorer la situation, mais ils ne sont pas
encore tellement opérationnels.
Dans ce contexte, les CLSC de la région de Montréal ont
convenu des priorités suivantes:
Premièrement, à très court terme, augmenter
l'accessibilité téléphonique de tous les CLSC;
Deuxièmement, d'ici à décembre 1985,
développer une accessibilité téléphonique 24 heures
par jour et 7 jours par semaine avec une équipe volante d'intervention
disponible le soir et la nuit pour les cas à domicile;
Troisièmement, assumer une permanence pleine et entière en
termes de maintien à domicile afin notamment d'accélérer
le retour à domicile des patients des centres hospitaliers de courte
durée avec toute la garantie de service requise. Cela aurait notamment
comme impact de réduire l'engorgement des urgences. Ces services
pourraient aussi s'étendre à des formes d'hospitalisation hors
les murs, comme certaines expériences actuellement tentées au
Nouveau-Brunswick et aux États-Unis le laissent entendre.
J'ajouterais, pour terminer, que, pour réaliser ces deux
dernières priorités, il va sans dire qu'un ajout de ressources
est absolument nécessaire. Les CLSC de la région de
Montréal pensent qu'ils peuvent réaliser la première
priorité à même les moyens actuels, mais il faudra un ajout
de ressources pour réaliser les deux dernières priorités
que je viens de mentionner. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Vous
avez fait cela avec une célérité exemplaire. M. le
ministre.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je voudrais
remercier la Fédération des CLSC. J'ai quelques questions,
d'abord sur le contingentement modulé. Je voudrais savoir si vous ne
considérez pas qu'actuellement -les mesures incitatrices, quand
même, portent d'assez bons résultats en ce qui regarde les
omnipraticiens - on pourrait attendre quelques années, avec les ajouts
qui se feront à cette liste déjà assez imposante de
mesures incitatrices, avant de prendre des mesures coercitives?
Une voix: M. Bélanger va répondre.
M. Bélanger (Jean-Pierre): Il faudrait évaluer
l'effet des mesures qui sont en place maintenant. Quand on a consulté
les gens de nos milieux, ils me semblaient plutôt, je dirais, sceptiques
à l'égard des effets à long terme qu'auraient les mesures
incitatrices. Dans notre esprit, cela était assez clair qu'il fallait
envisager, à moyen terme, je veux dire, une certaine forme de
contingentement. Maintenant, si le contingentement dont on parle n'est pas un
contingentement universel, dur et fermé, c'est une forme de
contingentement qui permet des aménagements, en termes de satisfaction
de besoins d'effectifs médicaux qu'il resterait quand même
à satisfaire dans les grands centres urbains.
M. Chevrette: Ma deuxième question porte sur les plans
d'effectifs médicaux. Hier je ne me souviens pas quel groupe,
malheureusement - il y a un groupe qui a témoigné devant nous et
qui nous disait: Les plans d'effectifs médicaux préparés
par les CRSSS devraient comprendre également les CLSC, les centres
d'accueil, les centres d'accueil et d'hébergement. Est-ce que vous
souscrivez à ce commentaire qui a été fait, je pense, soit
par le groupe des universités ou celui des médecins
spécialistes? (18 heures)
M. Sénéchal: De fait, oui, si on revient, en tout
cas, à ce qu'on propose comme formule, ce qu'on appelle le
contingentement modulé, cela présuppose effectivement qu'il y a
des contingentements établis dans différents secteurs, donc une
espèce de contingentement universel, et nous sommes d'accord.
M. Chevrette: Est-ce que, jusqu'à présent, vous
avez participé au plan des effectifs médicaux?
M. Sénéchal: Non.
M. Perras (Denis): Dans deux régions, oui.
M. Sénéchal: Dans deux régions? Est-ce que
vous pouvez répondre, M. Perras?
M. Perras: Dans deux régions éloignées,
à ma connaissance, dans la région 01 et dans la région 08,
où les CLSC ont déposé des plans d'effectifs
médicaux.
M. Chevrette: Mais vous ne voyez aucune objection à ce
qu'on demande aux CRSSS d'en tenir compte.
M. Sénéchal: Non, sauf qu'il faudrait trouver aussi
des moyens. Il y a des problèmes pratiques dans la mise en application
des plans d'effectifs. Cela existe pour les centres hospitaliers, mais...
M. Chevrette: Déjà, dans l'élaboration,
si vous y participez, au moins, on n'échappera plus...
M. Sénéchal: Oui. Ce que je veux dire, c'est
qu'à toutes fins utiles, c'est un peu théorique, les plans
d'effectifs, et il faudrait trouver les moyens pour que cela s'applique. On
serait d'accord pour qu'on établisse aussi des quotas, si on veut, pour
les CLSC.
M. Chevrette: Vous parlez de la difficulté de recruter des
médecins spécialisés en santé du travail. Est-ce
que vous voyez tout d'abord une formation plus particulière directement
à l'université? Quelle en est la cause?
M. Sénéchal: On le dit dans notre mémoire,
il n'y en a pas. Il n'y apas de médecins qui ont...
M. Chevrette: Je sais, mais j'aimerais vous entendre parler de la
formation spécifique que vous aimeriez voir donner à ces
médecins, soit par l'ajout d'une année de spécialisation,
comme on le demande, par exemple, en gériatrie.
M. Sénéchal: Ce qu'on dit, c'est qu'on ne remet pas
en question la formation qui est actuellement donnée. Il existe un
certificat en santé du travail que les médecins peuvent
obtenir.
M. Chevrette: Comment expliquez-vous ce peu
d'intérêt?
M. Sénéchal: Le problème qu'on a, ce n'est
pas un problème de manque de formation. Il ne porte pas sur la formation
comme telle. Il y a peu de médecins qui ont suivi cette formation. Il y
a peu de médecins qui sont intéressés à la
santé du travail.
M. Chevrette: À cause de la loi qui a été
adoptée, je crois, en 1979 ou 1980, comment expliquez-vous ce peu
d'intérêt?
M. Bélanger: II y a à la base un problème
d'information. Les étudiants en médecine sont mal informés
de la loi.Donc, avant de prendre la décision de suivre un
certificat de formation dans un domaine, cela suppose, au préalable,
qu'on sache un peu ce que sera l'implication éventuelle du
médecin, ultérieurement. C'est un mouvement qui est lent à
amorcer, parce que c'est un milieu de pratique qui est relativement
particulier. On pense que si on arrive à susciter une masse suffisante
de médecins dans ce secteur, la dynamique va faire en sorte qu'il y en a
d'autres qui vont être attirés par la suite.
M. Chevrette: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais vous
remercier. J'ai trouvé intéressantes les statistiques que vous
avez au début quant à la répartition même à
l'intérieur d'un grand centre urbain comme Montréal où,
finalement, il semblerait qu'il y ait une concentration de médecins dans
des endroits donnés. À votre point de vue, j'imagine que ce que
vous laissez entendre, cela peut même se refléter sur
l'accessibilité à des services médicaux plus près
de chez soi, alors qu'ordinairement on s'imagine que c'est seulement dans les
régions éloignées que le problème est
soulevé.
J'ai une autre question. Quand vous avez préparé ce
mémoire, est-ce que des médecins ont participé à
l'élaboration du mémoire?
M. Bélanger: IIaurait pu y en avoir. On n'a
malheureusement pas eu le temps. Je pense que c'est une question de temps et
non pas de manque de volonté de la part de la
fédération.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La raison pour laquelle
je vous dis cela, c'est que, souvent, on entend - enfin, souvent, il ne
faudrait pas faire comme tout le monde qui affirme un paquet de choses - des
reproches de la part des médecins, à savoir que, parfois...
D'ailleurs on l'a déjà vu; je pense que M. Sénéchal
s'en souviendra au moment de la loi 27, quand des médecins des CLSC sont
venus faire une espèce de plaidoyer en faveur des médecins en
disant qu'ils se sentaient - je cite de mémoire, évidemment - un
peu mis à part dans les CLSC. C'est pour cela que je trouve
étonnant que, dans un document qui les concerne quand même
directement, pour les raisons que vous nous donnez et que j'accepte fort bien,
ils ne soient pas impliqués. Je pense que vous prêtez flanc
à cette difficulté que, parfois, les médecins semblent
éprouver, à tort ou à raison, à s'intégrer
dans les CLSC. Enfin, c'est une remarque générale, mais je dois
vous dire que je trouve cela un peu étonnant.
M. Sénéchal: Si vous me le permettez, Mme la
Présidente, là-dessus, je pense que vous faites
référence à la position de l'association des
médecins des CLSL. à l'occasion du règlement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.
M. Sénéchal: Ce que je veux dire là-dessus,
c'est qu'il reste que le climat, je pense, s'est beaucoup
amélioré dans les CLSC. Notre habitude, quand nous
préparons des mémoires, est justement de faire
référence aux intervenants et aux coordonnateurs des CLSC qui
viennent
travailler à l'intérieur de groupes ad hoc pour
préparer des mémoires. De ce temps, nous nous promenons de
commission en commission et de comité de consultation en comité
de consultation; il faudrait être à temps plein
là-dessus.
Effectivement, on n'a pas eu le temps, pour la préparation de ce
mémoire, de créer un comité de ce genre. Il a fallu se
fier plutôt à des positions qui avaient été
discutées auparavant, dans d'autres groupes, et pour d'autres fins afin
d'élaborer ce mémoire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Maintenant, en page 27... Non, à la suite de cette
première question, vous dites qu'en région éloignée
il y a encore des problèmes de recrutement de médecins
omnipraticiens qui probablement s'apparentent au recrutement des
médecins en général en région
éloignée; cela, je le comprends. Vous indiquez - je ne peux vous
citer la page, vous allez le replacer immédiatement - qu'il y a aussi ce
problème de recrutement des médecins en CLSC même dans les
milieux urbains. Est-ce que vous avez une explication à cela?
M. Bélanger: En milieu urbain, c'est moins un
problème de recrutement qu'un manque de CLSC. Quand on parle de la
région de Montréal, par exemple, où une partie
substantielle des CLSC n'ont pas été créés,
évidemment, les CLSC qui n'existent pas ne peuvent pas engager de
médecin.
Maintenant, à la fédération, on reçoit
régulièrement des offres d'emploi de la part de médecins
qu'on fait circuler dans les régions. Ce n'est pas un manque... S'il
y avait vraiment un problème en termes d'intérêt des
médecins à l'égard des CLSC, il n'y aurait pas cette
demande qui circule.
Pour ce qui est des régions qui ne sont pas trop
éloignées de Montréal évidemment, c'est un
problème différent qui se pose dans les régions
éloignées - je pense à Laurentides-Lanaudière ou
à la Montérégie, actuellement, on a beaucoup plus de
demandes d'emploi de la part de médecins qui seraient
intéressés à travailler dans un CLSC qu'on a de postes
disponibles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Alors, c'est dans ce sens qu'était votre remarque en ce
qui concerne les centres urbains. En haut de la page 27, vous indiquez: "Nous
croyons fermement que la pratique médicale salariée en CLSC doit
constituer progressivement un secteur témoin significatif. " Vous
terminez en disant: "À ce niveau, la pratique médicale
salariée en CLSC pourrait avoir un impact qualitatif
bénéfique sur l'ensemble de la pratique médicale au
Québec. " J'aimerais que vous développiez un peu ce point de
vue.
M. Bélanger: Concrètement, des gens nous ont
rapporté des expériences concrètes qui se sont
passées dans leur milieu comme, par exemple, après l'installation
d'un CLSC dans un village où il y avait déjà une clinique,
les gens ont commencé à comparer le type de soins qu'ils
pouvaient recevoir dans un et l'autre des établissements. Je pense, par
exemple, à des choses comme des suivis de grossesse pour les femmes
enceintes. Les femmes qui sont allées aux deux endroits ont pu comparer
et, après, poser des questions aux médecins de pratique
privée pour constater, après quelques années, que les
médecins de pratique privée finissaient par appliquer les
mêmes modèles d'intervention que ceux qui étaient à
salaire au CLSC.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mats quand vous
parlez de la pratique médicale salariée vous m'avez
expliqué que, du fait que la pratique médicale soit
salariée, elle se fait d'une façon différente.
M. Bélanger: Elle se fait d'une façon
différente. Cela a été démontré par des
études qu'on n'explique pas en détail dans notre mémoire,
mais qu'on cite, des études qui ont été faites et qui ont
comparé ce que faisaient les médecins à salaire par
rapport au type de pratique qu'avaient les médecins payés
à l'acte. Il a été démontré que les
médecins à salaire avait une qualité de pratique
généralement supérieure à celle des médecins
payés à l'acte, notamment, en termes de qualité du
diagnostic, de qualité des prescriptions, mais aussi en termes du nombre
d'actes préventifs associés qui peuvent être posés
lors d'une consultation médicale. On cite notamment à cet effet
les études de Marc Renault, de l'Université de Montréal,
mais aussi de Renaldo Batista, de l'Université McGill.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Je ne retrouve pas la page exacte, je l'ai lue en même
temps que vous, quand vous parlez des problèmes d'urgence - je pense que
c'est à la page 28 - où vous indiquez qu'ils ne pourraient
être résolus uniquement par les CLSC, parce que vous n'auriez
jamais suffisamment de médecins è Montréal pour
répondre aux demandes d'urgence - ce n'est pas à la page 28 -
vous faites allusion aux services à domicile en disant... Si vous
retrouvez la page, j'aimerais le lire textuellement.
M. Bélanger: À la page 28, je crois. La
Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?
M. Sénéchal: Non, 29. En termes de
priorités, en termes de problèmes, non. C'est probablement
à la page 29.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ce n'est pas
cela.
M. Sénéchal: Non?
La Présidente (Mme La voie-Roux): Je vais vous le donner
de mémoire. Vous dites qu'il faudrait que les services à domicile
puissent fonctionner à plein - ce n'est pas exactement ce que vous avez
dit, mais c'est dans le même sens - en autant qu'on leur donne la chance
de fonctionner à plein. Je pense que ce serait un moyen de
répondre aux urgences. Ma question pratique et concrète est
celle-ci: Est-ce que vous avez fait une évaluation, à la
fédération, des ressources qui seraient nécessaires
justement pour permettre aux services à domicile -l'expression est de
moi - de fonctionner vraiment à pleine maturité ou à fond
et d'avoir cet effet bénéfique, finalement?Quelles
sont les ressources? Dans le moment, il y a 84 000 000 $ à la
disposition des services à domicile. Il y a 4 000 000 $ qui ne vont pas
chez vous, mats à des organismes bénévoles. Disons, grosso
modo, que c'est 80 000 000 $. Qu'est-ce que cela prendrait pour arriver
à cette maturité dont vous parlez, pour permettre cette
détente au niveau des services d'urgence et des services médicaux
en général? Je pense que vous faisiez probablement allusion
davantage à la région de Montréal.
M. Bélanger: C'est une opération qu'on est en train
de faire actuellement, qui prendra évidemment quelques mois. 80 000 000
$ pour le maintien à domicile, ça semble toujours gros, mais il
faut mettre cela en rapport avec les besoins aussi de la population; 80 000 000
$, c'est le chiffre du budget protégé officiel donné par
le ministère. Les consultations qu'on fait auprès des CLSC nous
disent, surtout quand c'est un CLSC sur un territoire où il y a beaucoup
de personnes âgées, que le CLSC doit ajouter de 15 % à 20 %
de son propre budget au maintien des services à domicile, donc, pris en
composante générale du budget du CLSC parce que la pression de la
demande est trop forte.
Si on en vient maintenant au problème particulier de
Montréal, les CLSC de la région nous disent constater une
pression de la demande de maintien à domicile tellement forte qu'ils
arrivent à peine à suffire et qu'ils doivent devenir de plus en
plus sélectifs dans les cas qui sont choisis. C'est un des
problèmes. Quand un CLSC est amené à couper le nombre
d'heures de services par semaine à des personnes âgées, par
exemple, qui vivent à domicile, on n'est pas exactement dans la bonne
direction si on pense, à un moment donné, qu'un système de
maintien à domicile peut avoir un impact sur le non-hébergement
des personnes.
C'est une opération d'évaluation qu'on est en train de
faire actuellement, à plusieurs volets, à la fois en termes
qualitatifs, c'est-a-dire du type de ressources qui seraient nécessaires
- il n'y a peut-être pas seulement des infirmières et des
auxiliaires familiales qui seraient nécessaires; il y a peut-être
aussi beaucoup d'autres types de ressources - et aussi en termes de volume pour
essayer d'évaluer effectivement ce que cela prendrait.
Dans l'ensemble, les CLSC sont extrêmement conscients que c'est
l'une de leurs responsabilités majeures et ils essaient de trouver des
moyens de l'assumer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment-ci,
vous n'avez pas l'évaluation.
M. Bélanger: Onne l'a pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Je vous remercie.
M. Laplante: Je suis heureux d'apprendre que vous voulez faire
ouvrir des CLSC 24 heures sur 24. C'est dans votre projection pour
Montréal, si j'ai bien compris.
M. Sénéchal: Oui.
M. Laplante: Croyez-vous que si les citoyens vont moins dans les
CLSC que dans les urgences actuellement, ou dans les cliniques privées,
c'est à cause de cela, c'est-à-dire que les gens ne connaissent
pas assez les heures d'ouverture ou les services offerts dans les CLSC
M. Sénéchal: II y a d'autres
phénomènes qui jouent. Il faut toujours se rappeler qu'il n'y a
pas de CLSC partout. À Montréal, c'est 18 ou 19 CLSC sur les 39
qui doivent exister; c'est 43 % de la population qui est desservie par les
CLSC. À Québec, c'est un CLSC, 30 000 de population sur 165 000
personnes desservies par un CLSC. Donc, cela joue.
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de voir ou
d'élaborer un système de services qui tiendrait compte du fait
que les CLSC doivent exister mais qu'ils n'existent pas. C'est un peu
difficile. (18 h 15)
M. Laplante: Ce que que je regarde surtout chez nous, au CLSC
Montréal-Nord qui couvre à peu près 125 000 de population,
ce qui est énorme pour un CLSC... Quand on connaît l'état
de l'hôpital Fleury, où l'urgence est fermée... Je pense
qu'un jour sur deux on doit communiquer les heures de fermeture de l'urgence
qui est bondée. Ils font ce qu'ils peuvent. Vous avez aussi Maisonneuve
d'un côté et Sacré-Coeur complètement de l'autre
bout. Si on faisait
de ce CLSC une espèce d'urgence pour tous les petits cas,
croyez-vous sincèrement - je ne sais pas si vous avez fait une
étude - que cela contribuerait à décongestionner les
urgences de Sacré-Coeur, Fleury et Maisonneuve?
M. Bélanger: Est-ce que l'urgence de Fleury est
congestionnée par des cas mineurs?
M. Laplante: Malheureusement, elle est surtout
congestionnée par des cas psychiatriques, des drogués et des
personnes âgées, des cas chroniques.
M. Bélanger: II y a à peine un mois, on a
réuni tous les directeurs généraux de CLSC de la
région de Montréal ou les responsables des équipes de
secteur là où il n'y a pas de CLSC, justement pour regarder cette
question. On a invité les directeurs d'hôpitaux, on a
invité des médecins responsables de système d'urgence, on
a invité à peu près tous ceux qui pouvaient être
concernés en termes de personnes: des médecins, des
représentants d'associations de médecins de Montréal, le
directeur général du CRSSS, les spécialistes de la
question pour évaluer avec eux cette question. Pour reprendre à
peu près les termes d'un directeur d'hôpital, on nous a dit: Ne
vous embarquez surtout pas dans la distribution d'urgences mineures car vous
allez nous faire une certaine forme de concurrence à ce niveau. Il
considérait que ce qui lui permettait d'avoir un nombre suffisant de
médecins pour répondre aux besoins de son urgence, c'est qu'il y
avait un assez grand nombre d'urgences mineures; donc, le médecin
pouvait générer un niveau de revenu suffisant qui lui permettait
de s'occuper en même temps des cas lourds.
Maintenant, c'est sûr qu'il est possible dans un CLSC de
développer des urgences ambulatoires; il y a au moins un CLSC qui le
fait, celui de Châteauguay, qui a un volume d'urgences mineures
ambulatoires d'à peu près 45 000 cas par année, ce qui se
compare à peu près au volume d'un hôpital comme celui de
Verdun qui, lui, a à peu près 49 000 ou 50 000 cas par
année. Maintenant, le même CLSC se posait des questions quant
à son avenir car on est en train d'installer un hôpital sur son
territoire qui aura lui aussi une urgence. C'est un peu le même
phénomène qui se pose: le CLSC serait en mesure, dans ce cas,
d'assumer les urgences mineures, mais il y a des cas qui nécessitent une
hospitalisation et ce n'est nettement pas la vocation d'un CLSC d'hospitaliser
des cas urgents ou des malades chroniques pour de longues périodes.
Donc, les mêmes spécialistes qu'on avait ramassés
nous ont dit: Le problème majeur est un problème de congestion
dans l'hôpital. Il y a d'ailleurs, dans le Devoir d'aujourd'hui, les
résultats préliminaires d'une étude qui démontrent
aussi que ce n'est pas seulement le nombre de personnes âgées ou
de malades chroniques qui pose des problèmes, mais c'est peut-être
aussi lié au mode de fonctionnement à l'intérieur
même de l'hôpital. Ce que tout le monde nous a dit - tous
étaient unanimes là-dessus - c'est: Rendez au moins vos services
à domicile accessibles 24 heures par jour, sept jours par semaine, parce
que pour accepter de demeurer à domicile, pour que des familles
acceptent de garder des malades chroniques plus longtemps, elles demandent une
espèce de garantie de service, une garantie d'accessibilité. Cela
faisait l'unanimité chez les directeurs de CLSC, c'est même devenu
leur objectif dans la région de Montréal d'arriver à
offrir cela.
Maintenant, les services de maintien à domicile, dans la
majorité des CLSC actuellement, sont accessibles au-delà de la
période de 9 heures à 17 heures, à condition que la
demande soit rentrée à 17 heures. C'est cela qu'on veut changer,
d'abord quant à l'accessibilité téléphonique, pour
au moins connaître les demandes et, après, articuler les
ressources qui permettront d'être plus mobile et plus souple dans la
distribution de ces services.
M. Laplante: Je pense à une concentration de personnes
âgées. Si je regarde chez nous, dans les édifices de 20
étages, on a environ 10 000 personnes âgées qui s'y logent.
Que penseriez-vous d'une décentralisation du personnel ou, eu moins,
d'avoir un bureau de services dans ces grosses bâtisses qui contiennent
parfois 400 ou 450 personnes? J'ai un exemple à l'esprit où de 30
à 40 cas auraient besoin de services à domicile pour les
maintenir chez eux; ils se cherchent actuellement une place en centre d'accueil
alors qu'en réalité, ce n'est pas leur place. Ils peuvent encore
vivre dans ces logements. S'il y avait une décentralisation des
effectifs, s'il existait un endroit dans cet immeuble, que les
propriétaires ne demanderaient pas mieux que de fournir gratuitement,
est-ce que cela aiderait?
M. Bélanger: II faudra peut-être un jour en arriver
là, mais il y aurait peut-être un problème qu'il faudrait
régler auparavant parce qu'on parle de conciergeries à but
lucratif pour personnes âgées. Ce sont aussi les
propriétaires qui ont attiré leur clientèle en
garantissant, dans plusieurs cas, un certain niveau de services, que ce soit la
présence d'une ou deux infirmières. Je pense qu'il serait
possible d'arriver à des ententes ou des contrats qui
définiraient relativement bien la part de responsabilité de
chacun là-dedans. Je connais au moins un cas où cela
se fait relativement bien, c'est-à-dire que l'administrateur ou
le propriétaire de la bâtisse accepte de fournir certains types de
services et un certain volume, et le CLSC complète. C'est même
l'infirmière engagée par le propriétaire qui appelle le
CLSC quand elle juge que les cas sont du ressort du CLSC. Je pense qu'il y a
des choses comme celles-là auxquelles il faudra en arriver.
M. Laplante: Je ne peux pas être tout à fait
d'accord avec vous là-dessus, parce que si ces cas n'existaient pas
là ils seraient ailleurs. Ils seraient dans leur petite maison
unifamiliale, dans des duplex ou dans des triplex. Actuellement, on a la chance
de les desservir en groupe, indépendamment des services que le
propriétaire pourrait offrir à ce moment-là. Ils seraient
quand même à notre charge, soit dans un CLSC ou ailleurs.
M. Bélanger: Je pense que c'est plus une question de
nuance. Je ne dis surtout pas que les CLSC ne doivent pas y aller avec leurs
services de maintien à domicile. Ce que je dis, c'est que, quand un
propriétaire s'est engagé à quelque chose et que c'est
dans le bail, il faut aussi lui faire respecter ses engagements.
Évidemment, engager du personnel infirmier, cela représente des
coûts et cela réduit la marge de profits. Il y a beaucoup
d'endroits où les ententes sont tout à fait cordiales entre les
deux parties.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai une dernière
question. Je vais peut-être me faire dire que j'enfreins le
règlement, mais comme il ne reste plus de questions...
Une voix:... il ne vous le dira pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez le droit.
Une voix:... M. le député de Westmount.
M. French: Sûrement.
M. Chevrette: Cela ne me forcerait pas à le faire non
plus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une question qui
me tracasse depuis longtemps. Comme il ne reste plus de questions et qu'on a
encore cinq minutes, je me permets de vous la poser. Il y a une situation qui
m'inquiète depuis longtemps. Évidemment, en soi, ce n'est pas
cela le problème, mais on a dit: On va compléter le réseau
des CLSC. Alors, de 80 qu'on avait il y a une couple d'années, on est
rendu à 130 et, éventuellement, on va se rendre à 150.
C'est parfait. Je trouve qu'on emprunte toujours la formule la plus
dispendieuse pour l'établissement des CLSC. Je vais vous dire cela d'une
façon concrète.
C'est l'exemple d'un CLSC que je ne vous nommerai pas parce que je ne
veux pas le faire sauter, surtout que cela touche des collègues
libéraux; ils ne sont pas ici, mais en tout cas... On dit qu'il y a un
CLSC qui devrait être... On est peut-être sur le point de
l'accorder; il faudrait le demander au ministre. Dans ce milieu, il y a un
petit centre hospitalier dans une municipalité d'environ 8000 à
9000 âmes qui, en fait, donne des services de première ligne parce
qu'il est situé pas très loin d'une ville où il y a au
moins trois hôpitaux universitaires, etc., et ce n'est pas
Montréal. Quand il y a quelque chose de plus compliqué, on les
envoie là-bas. Derrière ce petit hôpital, il y a un centre
d'accueil. Pourquoi, à partir de ce petit centre hospitalier, d'abord
plutôt que de louer des espaces à côté ou même
construire, plutôt que d'acheter de l'équipement de radiologie, de
laboratoire, enfin tout cela... On va se trouver à avoir en
parallèle deux établissements avec des équipements
semblables qui, à toutes fins utiles, au plan médical du moins,
puisque c'est de cela qu'on parle, rendent à première vue des
services de première ligne de même type. On pourrait y ajouter les
services à domicile dont on a besoin, etc. À partir de ce noyau,
qui est quand même relativement considérable pour une petite ville
comme celle-là, on pourrait continuer de développer une
philosophie des CLSC.
On sent toujours beaucoup de résistance de la part des CLSC
à s'éloigner de la formule plus traditionnelle. Enfin, elle n'est
pas tellement traditionnelle puisque cela fait seulement à peu
près quinze ans, mais on a beaucoup d'hésitation à
s'éloigner des sentiers battus dans ce sens-là. Je pense que cela
permettrait de réaliser des économies considérables et je
ne suis pas certaine non plus que, pris globalement dans ce genre de complexe,
on ne rendrait pas de meilleurs services et on ne serait pas plus efficaces
auprès des bénéficiaires. J'aimerais savoir quelles sont
vos résistances à l'endroit d'une approche qui ne se situerait
peut-être pas, au point de vue de l'organisation, strictement dans la
ligne des CLSC, du moins celle qu'on connaît présentement?
M. Bélanger: Ce dont vous parlez a existé pendant
plusieurs années. À l'époque, on appelait cela les CHCLSC.
Ils ont à peu près tous pété les uns après
les autres, comme s'il y avait une espèce de forme
d'incompatibilité entre la mission d'un petit hôpital
régional et celle que le CLSC se devait de développer.
L'évaluation qui en a été faite à ce moment,
c'était que le cadre de l'hôpital ne permettait pas et rendait
beaucoup plus difficile le développement de
ce qu'on peut appeler la vocation spécifique CLSC, qui n'a pas
qu'à recevoir des gens qui ont des problèmes de santé sur
une base ambulatoire, mais qui doit aussi appliquer des programmes de
santé préventive, des programmes d'intervention communautaire,
etc. Après l'évaluation qui en a été faite à
l'époque par le ministère, le ministère a
décidé que ce n'était pas la solution à proposer.
Il a élaboré à ce moment, il a reconnu ces centres sous le
nom de centres de santé, qui continuent d'ailleurs à exister,
où il a cherché à accentuer l'aspect vocation
communautaire. Pour le reste, il a préféré créer
des institutions autonomes pour leur permettre justement de développer
et d'affirmer leur personnalité.
Inversement et curieusement, pourrait-on dire, lorsque c'est le CLSC qui
intègre un autre genre d'institution, on n'a pas nécessairement
constaté les mêmes problèmes parce qu'on sait qu'il y a un
certain nombre de CLSC qui ont pris en charge la mise en place de centres
d'accueil d'hébergement. Cela se fait notamment à
Montréal. Il y a quelques CLSC qui ont intégré aussi des
CHSP. Au niveau des économies, il y a une expérience qui a
été tentée, c'est celle du CLSC de la Vallée
où, sur le même territoire, il y avait un centre d'accueil
d'hébergement, un petit hôpital et un CLSC, et où il y a eu
une entente pour justement faire des économies de coûts et revenir
à peu près essentiellement à ce qu'on aurait eu si on
avait eu une seule administration, une entente de services entre trois
établissements qui restaient cependant juridiquement autonomes.
L'entente avait pour but de mettre en commun des services, notamment, la
direction générale, la comptabilité, etc. Il y a eu une
évaluation qui en a été faite. Cette évaluation
conclut à de petites économies réelles, mais à cet
égard, après avoir regardé attentivement l'étude en
question, pour notre part, on doute qu'il y ait eu effectivement des
économies réelles, étant donné que la base de
comparaison avec d'autres types d'établissements n'était pas
nécessairement adéquate. Pour ma part, je ne suis pas convaincu
qu'il y a des économies à faire à long terme en amalgamant
des organismes ou des établissements qui sont à vocation
très distincte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là, vous faites
référence strictement aux économies administratives,
c'est-à-dire une administration commune. Je vais plus loin que cela.
Quand vous êtes sous le même toit, cela coûte moins cher que
sous deux toits. Quand les mêmes équipements médicaux
peuvent servir à deux fins, une série d'équipements
médicaux, à comparer à deux, c'est moins dispendieux,
parce que quand ça devient désuet vous en avez un qui va
peut-être être à remplacer, qui va s'user plus vite - je
suis prête à l'admettre - que deux... Ce que vous notiez au
début, les difficultés qui ont eu lieu, je les comprends:
c'était le début de l'élaboration des CLSC et on
voulait... Je pense que chacun était dans un cadre beaucoup plus rigide.
On est devant une réalité qui est... Le peu de
disponibilité financière, dans le fond, on le sait, tout le monde
le sent, tout le monde a eu ses coupures et il ne faut pas penser que demain
cela va être des milliards qui vont couler non plus.
Il y a une réalité qui fait qu'avec le vieillissement cela
coûte plus cher, etc. Moi, je me dis: II faut trouver moyen
d'économiser. Dans votre mémoire, vous disiez: En 1978, il y
avait 35 % des gens qui connaissaient les CLSC. En 1984, il y en a 85 % qui les
connaissent. Il y a eu une évolution aussi - et j'imagine que ce n'est
pas juste dans la population, à l'intérieur des
établissements - à l'endroit des CLSC. À ce moment-ci, on
serait peut-être plus prêt à faire ce genre d'amalgamation
qui, finalement, serait au bénéfice des
bénéficiaires. En tout cas... (18 h 30)
M. Bélanger: J'aimerais juste ajouter que je crois, je
suis convaincu qu'il y a des économies possibles dans la mesure
où on développe la collaboration entre les établissements
et cela, beaucoup plus qu'en amalgamant sous un même toit ou une
même administration des établissements à vocations
différentes. Des exemples de collaboration interétablissements
qui permettent des économies de fonds et qui desservent mieux la
population, on en a sur la rive sud de Montréal où les CLSC font
les prélèvements d'analyse pour les examens demandés par
les médecins et les envoient analyser au centre hospitalier. Chaque CLSC
ne s'est pas équipé de toute la batterie qu'il fallait pour faire
les analyses, mais ils ont convenu d'un mode de collaboration avec
l'hôpital qui fait en sorte que c'est le CLSC qui est le plus près
du lieu de résidence des gens qui recueille les échantillons et
qui les achemine à l'hôpital, ce qui évite d'ailleurs un
problème d'engorgement de la salle d'analyse de l'hôpital
responsable.
C'est beaucoup plus par des exemples comme cela qu'on arrive à
améliorer le fonctionnement du système et à faire des
économies qu'en forçant des fusions parce que, quand on regarde
le niveau d'équipement nécessaire dans un CLSC, ce n'est pas
énorme, finalement. C'est beaucoup plus une question d'effectifs
humains. Que vous en ayez 20 dans deux établissements distincts
plutôt que 40 dans un, cela reste quand même 40 personnes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que cela
prendrait une discussion plus
longue que cela. Je ne vous ai pas convaincu et vous ne m'avez pas
convaincue non plus.
M. Sénéchal: Quand vous dites, Mme la
Présidente, qu'il y a évolution, il faut bien reconnaître
que cette évolution est très fragile. Quand on se
réfère aux difficultés qu'on a éprouvées
dans le dossier des transferts CSS-CLSC, quand on se réfère aux
dernières déclarations du président... Si vous me
permettez...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais
c'étaient des chicanes de chapelle.
M. Sénéchal: Oui, mais...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et entre les
établissements eux-mêmes...
M. Sénéchal: Oui, c'est ce que je dis, ce n'est pas
fini. Quand on se réfère aussi à la dernière
déclaration du président de l'Association des hôpitaux,
à savoir qu'il faut évaluer le système et qu'il faut bien
reconnaître que les CLSC n'ont pas joué leur rôle au plan de
l'accessibilité, il faut se demander s'il y a eu évolution mais
cela me...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai en tête, par
exemple, un ancien directeur de CLSC qui est actuellement directeur d'un
hôpital. Comme il y en a plusieurs, vous ne pourrez pas l'identifier.
Qu'est-ce qui l'empêcherait, à partir de son établissement,
de développer des services de CLSC ou des services qui ne sont
peut-être pas toute la gamme ordinairement offerte dans un CLSC en
région éloignée... On y reviendra une autre fois. Merci
beaucoup.
Nous invitons maintenant le Comité régional de recrutement
et de rétention des effectifs médicaux en
Abitibi-Témiscamingue. Je regrette, ce sont les centres d'accueil?
Une voix:...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais si vous avez
tout fait cela dans la même journée, vous pouvez vous compter
heureux parce que, des fois, cela prend deux jours. Cela ne sera pas
long...
M. Thibault, bonjour. Si vous voulez présenter vos
collègues.
Comité régional de recrutement
et
de rétention des effectifs
médicaux
en Abitibi-Témiscamingue
M. Gotten (Jean): Pardon, madame, M. Thibault, qui est
président du comité, n'a malheureusement pu venir. Il m'a
demandé de le remplacer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes
monsieur?
M. Gotten: Jean Cotten, président du CRSSS 08. J'aimerais
vous présenter, en commençant à l'extrême droite, M.
Pierre Lajoie, qui est le secrétaire du CRRREMAT, M. Normand
Laliberté, directeur général du Centre hospitalier
Rouyn-Noranda, M. André Bianki, DSP au Centre hospitalier Rouyn-Noranda
et, à mon extrême gauche, M. Joseph Tsa-Tsa, directeur
général du Centre hospitalier Saint-François de La Sarre,
M. Alain Brisset, DSP au CH Saint-Sauveur de Val-d'Or et M. Reginald Grenier,
directeur général du Centre hospitalier Saint-Sauveur de
Val-d'Or.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire.
M. Cotten: Je vous remercie. Le Comité régional de
recrutement et de rétention des effectifs médicaux en
Abitibi-Témiscemingue remercie les membres de la commission
parlementaire de l'occasion qui lui est donnée de présenter son
point de vue sur la répartition géographique des
médecins.
Créé au cours d'une crise majeure d'effectifs
médicaux en Abitibi-Témiscamingue, le CRRREMAT est un
regroupement de citoyens et de représentants des établissements
ayant pour mandat général de faciliter le recrutement et
l'accueil des nouveaux médecins en Abitibi-Témiscamingue. Ses
principales activités sont les suivantes: promotion de la participation
de la communauté aux démarches de recrutement et d'accueil des
médecins; promotion de la région et des possibilités de
pratique auprès des médecins susceptibles de s'installer en
Abitibi-Témiscamingue; organisation et coordination des visites des
médecins dans les établissements; recommandation aux instances
concernées sur toute mesure pouvant favoriser une répartition
géographique équitable des médecins. 5ur la base de notre
expérience concrète en matière de recrutement, nous
désirons présenter une analyse de la problématique de
répartition géographique des médecins, une critique
positive des mesures actuelles de répartition et, surtout, des
propositions concrètes visant à assurer une accessibilité
équitable aux services médicaux dans les régions plus
défavorisées à cet égard.
Avec l'adoption de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et l'instauration d'un régime universel
d'assurance-maladie, tous les Québécois devraient,
indépendamment de leur condition sociale ou de leur lieu de
résidence, avoir un accès équitable aux services
sociosanitaires. Cette réforme du système de soins a
réglé, en grande partie, l'inéquité attribuable
au
statut socio-économique des individus, mais elle a atteint des
résultats beaucoup moins probants en termes d'accessibilité
géographique aux services.
Dans une certaine mesure, la réforme du système de soins
est à l'origine même des disparités régionales. En
transformant les habitudes de consommation des Québécois, elle a
également modifié les comportements des médecins. Pour les
besoins de cet exposé, nous retiendrons trois conséquences
majeures de la réforme du système de soins sur l'équilibre
du marché médical. Ces trois conséquences
résultent, à des degrés divers, de la mixité du
système de soins (régime public et pratique privée).
Premièrement, l'amélioration de l'accessibilité
économique aux services médicaux est à l'origine d'un
accroissement de la demande des services médicaux et, par
conséquent, d'un changement du profil de pratique des médecins
qui ne suffisaient plus à la demande. Deuxièmement, les
médecins ne sont plus soumis aux lois traditionnelles du marché
dans le choix de leur lieu d'exercice. Troisièmement, l'instauration
d'un régime public est à l'origine de la constitution de
syndicats de médecins qui négocient centralement les conditions
de pratique de leurs membres dont la majorité sont installés dans
les régions centrales.
À mesure que s'installait ce nouvel équilibre du
marché, on assistait à une transformation importante des modes de
pratique médicale au Québec. La formation médicale, le
travail en équipe et l'utilisation de techniques diagnostiques et
thérapeutiques plus sophistiquées favorisent grandement la
concentration des médecins. Cette concentration des médecins
s'est effectuée, bien sûr, è l'intérieur de chacune
des régions, mais c'est principalement la répartition
interrégionale des médecins qui a été
affectée. Au fil des ans, là situation relative des
régions périphériques s'est
détériorée à un point tel que plusieurs
établissements ou régions n'avaient plus les ressources requises
pour assurer un niveau adéquat de services médicaux à la
population.
Compte tenu des difficultés énormes de recrutement et de
rétention des médecins, les établissements des
régions périphériques ont fait appel, temporairement en
principe, à des médecins itinérants pour assurer les
services plus spécialisés. Le recours aux spécialistes
itinérants a permis de colmater certaines brèches dans le
système mais pose, à long terme, plus de problèmes qu'il
n'en résout. Outre le manque de continuité des services, la
présence d'itinérants constitue, dans certains cas, une entrave
au recrutement de permanents.
Avec la détérioration de la situation dans les
régions périphériques, l'augmentation de leur
dépendance à l'égard des régions centrales et
l'essoufflement des équipes en place, ce qui devait arriver arriva. Au
début des années quatre-vingt, une crise majeure d'effectifs
médicaux éclate dans les régions
périphériques, dont l'épisode le plus connu est le
débrayage des équipes médicales dans certains
établissements. Le temps était venu d'agir, autant au niveau
régional qu'au niveau provincial.
Considérant que la pénurie de médecins dans les
régions constitue un problème de santé publique, le
ministre des Affaires sociales présente dans un bill omnibus une
série de mesures législatives visant à favoriser une
meilleure répartition des médecins. Au nombre de ces mesures, il
faut noter l'obligation faite à tous les centres hospitaliers de
préparer un plan d'organisation clinique, la possibilité de taux
de rémunération différents selon les régions, la
possibilité de négocier des ententes particulières dans
certains établissements ou parties d'établissement, le jumelage
inter-établisssements, les congés de perfectionnement, etc.
Le ministre a donc opté pour une série de mesures
contraignantes pour les établissements et incitatrices (ou
désincitatrices) pour les professionnels de la santé.
Dans ce nouveau contexte, le CRSSSAT et les établisseements de
l'Abitibi-Témiscamingue ont procédé avec diligence
à la préparation de plans d'effectifs médicaux et, en
concertation étroite avec le CRRREMAT, lancé une campagne
intensive de promotion de la région et de recrutement des
médecins.
Compte tenu de l'impact des mesures de répartition, de la
nouveauté et de l'intensité des moyens adoptés par la
région, cette campagne intensive a porté ses fruits. En deux ans,
l'effectif net a augmenté de plus de 40 médecins, pour la plupart
omnipraticiens. Pour les spécialistes, les mesures n'ont pas produit les
résultats attendus et l'effectif net s'est tout au plus stabilisé
durant la même période.
Cependant, l'impact de ces mesures a été de courte
durée et la situation tend à se détériorer à
nouveau dans les régions périphériques, qui ne parviennent
pas à attirer et retenir les médecins., À titre d'exemple,
nous pouvons mentionner la campagne de recrutement amorcée en avril
dernier et s'adressant à tous les médecins
intéressés à pratiquer en Abitibi-Témiscamingue.
Sur près de 200 candidatures reçues, on peut compter sur les
doigts d'une seule main celles qui proviennent de médecins ayant
reçu une formation complète au Québec.
Compte tenu de la persistance du problème de répartition
géographique des médecins et pour faire suite à une table
de concertation tenue en mai 1984, le ministre a annoncé un nouveau
train de mesures
incitatrices, soit: soutien aux comités de recrutement et
d'accueit des médecins; nouveau mode de rémunération dans
les ugences è faible débit; primes d'installation pour les
médecins qui vont s'établir dans les régions en
pénurie; programme de bourses en résidence pour les
médecins qui s'engagent à offrir des services en régions
désignées; augmentation du nombre de bourses pour les
étudiants en médecine qui s'engagent à pratiquer en
régions désignées, avec possibilité de
remboursement; augmentation des jours de formation continue; rehaussement des
équipements et des budgets dans les établissements des
régions désignées.
Au moment où nous écrivons ce mémoire, nous ne
pouvons évaluer l'impact de ces nouvelles mesures, dont plusieurs font
toujours l'objet, six mois après leur annonce, de négociations
entre le MAS et les fédérations de médecins. Nous nous
interrogeons d'ailleurs sur la pertinence de négocier de telles mesures
avec les fédérations, dont la majorité des membres
résident dans les régions centrales. Cela nous amène au
coeur du problème: la négociation des mesures de
répartition et la centralisation de leur application. Nous allons
exposer brièvement les effets de cette pratique sur les principales
mesures de répartition.
Analyse des principales mesures de répartition. Avant de proposer
des nouveaux moyens de répartition, il convient d'examiner ce qui est
advenu des principales mesures de répartition mises de l'avant par le
ministère des Affaires sociales.
Depuis l'adoption de la loi 27, les centres hospitaliers sont tenus de
produire un plan d'organisation clinique, prévoyant le nombre de
médecins et dentistes pouvant exercer leur profession dans chacun des
départements et services. Comme on devait s'y attendre, les
établissements et les CRSSS des régions
périphériques ont été les premiers à
produire de tels plans, qui démontrent l'état de pauvreté
qui les caractérise.
Dans les régions centrales et en excédent de
médecins, où l'adoption de tels plans devait avoir un effet
contraignant sur le niveau de ressources, le processus d'élaboration et
d'adoption de ces plans est beaucoup moins avancé. Ce retard peut
s'expliquer en partie par les délais d'adoption des nouveaux
règlements, les limites de mandat confié aux CRSSS, qui n'ont pas
à approuver les plans d'effectifs médicaux des autres
catégories d'établissements, et la complexité de
l'organisation médicale dans ces régions. Il n'en demeure pas
moins qu'on met la pédale douce et que les effets de cette mesure sur la
répartition des médecins se font attendre.
La rémunération différenciée est, de toutes
les mesures en vigueur, celle qui devrait avoir le plus d'influence sur la
répartition géographique des médecins. Comme elle affecte
directement la répartition des enveloppes globales de
rémunération, cette mesure est combattue par les
fédérations, qui sont parvenues à en réduire les
effets. Ce détournement s'est effectué d'abord par la
négociation d'une structure tarifaire qui désavantage les
spécialistes des régions périphériques, qui ont un
profil de pratique plus lourd.
Par ailleurs, les spécialistes des régions centrales qui
desservent les régions désignées sur une base
itinérante ont également droit à la
rémunération majorée, en plus du remboursement des frais
de transport et des frais de subsistance. Tout est en place pour une
récupération complète du système. C'est un secret
de polichinelle que la Fédération des médecins
spécialistes entend faire annuler le décret sur la
rémunération différenciée en organisant la desserte
des régions périphériques sur la base de
l'itinérance. Les établissements des régions
périphériques reçoivent actuellement des propositions qui
vont en ce sens et qui limiteraient pour plusieurs années le recrutement
dans certaines spécialités. (18 h 45)
Dans les cas où la santé publique le justifie, la loi 27
permet la conclusion d'ententes particulières avec les professionnels de
la santé pour assurer une couverture médicale adéquate.
Cette mesure pourrait, si les établissements avaient une marge de
manoeuvre suffisante, permettre d'adopter un mode de rémunération
plus adéquat dans certains cas. Malheureusement, cette mesure est
liée à l'approbation des fédérations et des
associations de médecins qui, pour les raisons indiquées plus
haut, ne favorisent pas la conclusion de telles ententes qui affectent la
répartition de l'enveloppe globale.
Concernant les bourses aux étudiants en médecine, ce
programme, selon lequel les étudiants en médecine peuvent obtenir
des bourses de formation en retour d'un engagement à pratiquer dans des
localités désignées, est la plus ancienne et
jusqu'à maintenant la plus efficace des mesures de répartition.
Elle était également celle qui avait le caractère le plus
coercitif parce que les médecins ne pouvaient résilier leur
engagement. On a reconnu l'efficacité de cette mesure en doublant le
nombre de bourses, mais on en a limité l'impact en permettant aux
médecins de se désengager en remettant les bourses reçues.
Nous considérons qu'il s'agit là d'un recul majeur du
ministère des Affaires sociales.
En ce moment, nous ne pouvons évaluer l'impact des autres mesures
de répartition annoncées par le ministre des Affaires sociales.
En principe, l'octroi de bourses en résidence et de primes
d'installation devrait
favoriser la permanence des services médicaux dans les
régions défavorisées. À la lumière de ce
qu'il est advenu aux autres mesures, nous regrettons que la répartition
de ces nouveaux "incitatifs" fasse l'objet de négociations avec les
fédérations de médecins qui n'ont jamais
véritablement reconnu les besoins des régions
périphériques.
J'aimerais faire ici un aparté pour souligner l'exception faite
d'une plus grande ouverture de la part de la Fédération des
médecins omnipraticiens.
À titre d'intervenant dans le dossier de recrutement des
médecins, le CRRREMAT dénonce la récupération
actuelle des principales mesures de répartition et propose une approche
plus contraignante, s'appuyant sur les objectifs mêmes de la
réforme du système de soins.
L'objectif d'accessibilité, qui constitue le fondement de la
réforme des Affaires sociales, est remis en cause par la mixité
du système de soins et par le processus de négociation qui en
découle. À défaut d'une étatisation plus
poussée du système, le ministre doit décréter que
l'accessibilité équitable aux services médicaux n'est pas
négociable. En conséquence, on devrait retirer du processus de
négociation avec les fédérations toutes les mesures qui
ont une incidence directe ou indirecte sur la répartition
géographique des médecins.
La régionalisation est le deuxième objectif majeur de la
réforme des Affaires sociales. Malgré la décentralisation
de plusieurs mandats de planification, de programmation et de coordination des
services, les conseils régionaux et les établissements n'ont pas
les leviers requis pour assurer une couverture adéquate des services
médicaux. La centralisation de l'application des mesures de
répartition constitue une entrave réelle è la solution de
problèmes particuliers dans les régions
périphériques. En conséquence, si on décentralise
le mandat de planification des services de santé, il faut
également donner aux régions les moyens requis pour assumer cette
responsabilité.
Finalement, nous avons souligné la transformation des modes de
pratique médicale depuis l'avènement de la réforme du
système de soins. L'enseignement universitaire s'est modelé
à ces nouveaux modes de pratique qui favorisent la concentration des
ressources médicales. Considérant l'impact de la formation
reçue sur le choix du lieu de pratique des médecins, il faudra
adapter la formation universitaire aux besoins de toute les régions et
non seulement des régions centrales.
Sur la base des principes que nous venons d'énoncer, une mesure
parviendrait à elle seule à résoudre la
problématique de la mauvaise répartition des médecins au
Québec: il s'agit du contingentement à l'entrée du cours
de médecine. Comme cette mesure aurait un effet à long terme,
nous présenterons par la suite une série de moyens qui devraient
être adoptés à très court terme.
Considérant les résultats du libre choix du lieu de
pratique pour les médecins, nous croyons qu'il faut adopter des mesures
contraignantes quant à la répartition des médecins. Pour
éviter toute discrimination, nous proposons que l'admission en
médecine soit conditionnelle à l'obligation de rendre des
services dans une région prédéterminée.
Pour être admissibles à un programme de formation, les
candidats sélectionnés par les universités devraient
obtenir un poste en omnipratique ou en spécialité dans une
région donnée. Ces postes seraient déterminés sur
la base des plans régionaux d'effectifs médicaux et seraient
alloués en retour d'un engagement è pratiquer pour un certain
nombre d'années dans ces régions.
L'instauration d'un tel système de contingentement permettrait
également aux universités d'adapter leurs programmes de formation
aux besoins spécifiques de chaque groupe d'étudiants.
Avec l'adoption d'une telle mesure, le ministère des Affaires
sociales pourrait éliminer progressivement les programmes de bourses et
de primes d'installation et utiliser les budgets épargnés pour
consolider la structure d'accueil des nouveaux médecins dans les
établissements. On sortirait ainsi du cercle vicieux de l'acquisition
d'équipements par rapport à l'arrivée de nouveaux
médecins.
Malgré ses avantages à long terme, cette mesure n'aura pas
d'effet immédiat sur la répartition des médecins. Il faut
donc envisager d'autres mesures à court et à moyen terme.
À court et à moyen terme, le MAS doit modifier les
règles du jeu en ce qui a trait à l'application des mesures de
répartition et donner aux régions des moyens accrus pour
améliorer l'accessibilité aux services médicaux. Nous
proposons les mesures suivantes. 1° Élargissement du mandat des
CRSSS en matière de planification des ressources médicales. Nous
avons signalé plus haut les limites de l'article 70 de la loi en
matière de planification médicale globale. Le mandat
d'approbation des plans d'effectifs médicaux devrait couvrir l'ensemble
des établissements et des ressources médicales de chacune des
régions. Cette planification globale est d'ailleurs essentielle à
la mise en place de la mesure que nous proposons a long terme. 2°
L'allocation de cartes rémunérées d'internat et de
résidence aux régions. Toujours dans le cadre de la mise en place
d'une mesure de contingentement à l'admission, nous proposons
l'allocation aux régions d'un certain nombre de cartes
rémunérées en internat et en résidence.
À court terme, une telle mesure permettrait de compléter la
formation de plusieurs médecins, formés à
l'étranger, qui s'engageraient en retour à assurer un certain
nombre d'années de service en Abitibi-Témiscamingue. À
moyen terme, elle permettrait le recrutement de candidats qui se dirigent en
spécialité aux mêmes conditions. 3° La gestion
régionale des mesures incitatrices. Considérant les limites d'une
gestion centralisée des mesures de répartition
géographique, nous recommandons que l'ensemble des mesures incitatrices
au recrutement et à la rétention des effectifs médicaux
soit géré par les conseils régionaux. Nous croyons qu'une
gestion efficace de ces mesures doit s'appuyer sur les particularités
régionales et locales, qui ne peuvent être
considérées adéquatement dans un processus central de
négociation.
Nous signalons également que les nouvelles mesures de
répartition, qui s'appliquent généralement aux nouveaux
médecins» peuvent être perçues négativement
par les équipes en place. Il y aurait lieu d'ajouter certaines mesures
de rétention à l'intention des médecins qui sont
déjà installés dans les régions
périphériques. 4° La constitution d'enveloppes
régionales de rémunération en spécialité.
Nous avons signalé les contraintes à la conclusion d'ententes
particulières pour la rémunération en
spécialité. Afin de contourner cette difficulté, nous
proposons la constitution de banques régionales de vacations en
spécialité, gérées par les conseils
régionaux. Ces vacations seraient allouées aux
établissements en fonction du nombre de médecins en place et du
volume d'activité. Cette mesure assurerait une marge de manoeuvre
suffisante aux établissements pour conclure des ententes de
rémunération adaptées à leur situation.
En conclusion, à la lumière de révolution du
réseau des affaires sociales et de notre expérience
concrète, nous avons proposé des principes et des mesures qui,
selon nous, assureraient une accessibilité équitable aux services
médicaux.
Nous espérons que ces orientations, partagées par
l'ensemble des intervenants du réseau des affaires sociales en
Abitibi-Témiscamingue, le seront également par les membres de la
commission parlementaire et le gouvernement.
Nous vous remercions de nous avoir permis de présenter notre
point de vue sur cette problématique et les membres qui m'accompagnent
se feront un plaisir de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je dois
vous dire que, quand j'ai eu votre appel, je trouvais que c'était fort
à point puisque, dans les faits, il n'y avait pas vraiment d'organisme
d'une région éloignée comme telle qui venait
présenter la situation des effectifs médicaux en région
éloignée. Vous êtes les seuls à l'avoir
demandé, ce qui nous a facilité la tâche pour accepter.
M. le ministre.
M. Chevrette: Oui. Je voudrais les remercier de ce
mémoire. Je pense qu'il y a des idées fort intéressantes.
Il y a des jugements complètement différents de ceux que nous
avons entendus jusqu'à maintenant, d'ailleurs. C'est peut-être le
fait que vous soyez directement du milieu. Vous arrivez avec le
témoignage du milieu qui fait que cela détonne un peu par rapport
à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, même si on parlait
de grands problèmes qui touchaient les problèmes que vous
soulignez. Il n'en demeure pas moins qu'à mon avis vous touchez du doigt
plus "réalistement" des choses et vous avez des suggestions qui sont
peut-être plus révolutionnaires que ce que j'ai entendu
jusqu'à maintenant, qui vont de la persuasion jusqu'à la
coercition.
C'est un peu différent comme approche. Je dois vous dire qu'il y
a plusieurs principes que je partage d'emblée, entre autres, le fait de
doter chacune des régions d'équipement. Je vous avoue que cela
fait au moins quatre mois ou cinq mois que je me promène dans le
décor et que je ne me gêne pas pour dire qu'on devrait doter nos
régions d'un minimum d'équipement, un minimum de
spécialité. Cela ne veut pas dire à un seul endroit
à l'intérieur d'une région. Cela veut dire, par exemple,
à l'intérieur d'une région, qu'on puisse retrouver un peu
cette gamme d'accessibilité qui permettrait une certaine
équité dans les services. Je suis parfaitement en accord avec
votre approche, votre perception. Bien sûr, j'ai des questions. Est-ce
que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère contre les
fédérations médicales? Je vais vous demander des exemples
concrets qui prouvent que les gestes des fédérations
médicales ont annihilé les effets recherchés par les
moyens incitateurs que nous avons mis sur pied. Est-ce que vous auriez des
exemples concrets à nous donner?
M. Cotten: M. Bianki va répondre à cette
question.
M. Bianki (André): D'accord, il y a des exemples bien
pratiques. On pourrait peut-être parler des spécialistes volants.
Vous savez qu'existent dans à peu près toutes les régions
périphériques des spécialistes qui viennent
périodiquement prodiguer des soins à la population. Cette
volance, d'accord, ne coûte rien en fait aux spécialistes,
c'est-à-dire que les spécialistes sont nourris, logés et
transportés et ont en plus la rémunération de 120 %. Or,
ce qui est en train de
s'organiser dans le fond, c'est une systématisation de la
volance, c'est-à-dire des équipes qui grossissent dans les grands
centres pour envoyer des volants dans les régions
périphériques. Ces volants donnent des services qui sont plus
ponctuels. Il y a une absence de continuité dans les soins; ils ne
participent pas aux activités médico-administratives et à
l'organisation scientifique des établissements de sorte que ce qui est
en train de se produire, c'est que les spécialistes volants vont
bientôt occuper toute la place dans la périphérie et vont
finalement empêcher le recrutement. Ce qui va arriver, c'est que les
équipes vont grossir dans les grands centres. La volance va être
de plus en plus continue, mais les services qui vont être donnés
en périphérie vont être plus ou moins adéquats.
M. Chevrette: Vous dites que "c'est pas un secret de polichinelle
- j'ai lu cela quelque part, à la page 6 - que la
Fédération des médecins spécialistes entend faire
annuler le décret sur la rémunération
différenciée en organisant la desserte des régions
périphériques sur la base de l'itinérance". Est-ce que
vous avez entendu officiellement cela comme demande?
M. Bianki: Ce n'est pas officiel, mais c'est une façon
d'agir. Dans le fond, ils disent qu'il n'est pas possible pour les
régions périphériques de recruter en
spécialité et que la meilleure façon d'avoir des services,
c'est la volance. D'accord? Mais en organisant une volance trop
systématique, les gens, au lieu de venir s'installer en région,
vont plutôt joindre des équipes de volants et vont venir
périodiquement nous donner des services du lundi matin au vendredi soir,
mais ils ne seront jamais sur place. Dans leur façon d'agir, notamment,
cela va jusqu'à la proposition de certains contrats qui disent à
peu près ceci: Nous allons vous desservir pendant cinq ans, par exemple,
mais pendant ces cinq années -et là je parle de volants - vous ne
recruterez pas.
M. Chevrette: Vous manifestez une inquiétude à
savoir que cela prend bien du temps à négocier après qu'on
a eu l'annonce d'une mesure incitatrice. Pour votre information, c'est
signé par la FMOQ, le paraphe de la FM5Q est fait, à ce qu'on me
dit, et il manquerait la signature du ministre. Apportez-la moi dès
l'instant et je la signe. De ce côté, je pense que vous aviez un
bon nombre d'inquiétudes. La suspense qui existait n'existera plus parce
que c'est signé pour un bon nombre de mesures. (19 heures)
Je veux y aller par étapes. Vous dites que la
rémunération différenciée est, de toutes les
mesures en vigueur, celle qui devrait avoir le plus d'influence sur la
répartition géographique des médecins, etc. Vous dites que
par la négociation d'une structure tarifaire qui désavantage les
spécialistes des régions périphériques qui ont un
profil de pratique plus lourd... Pouvez-vous me donner un exemple de cela?
M. Bianki: Je peux vous donner l'exemple de mes pédiatres.
J'ai quatre pédiatres qui pratiquent exclusivement en
établissement. Ils ont donc une rémunération
d'établissement et ils n'ont pas le temps d'avoir une pratique dans un
bureau en ville. Je peux également vous donner l'exemple d'un chirurgien
de fin de carrière qui fait de l'assistance opératoire. Je pense
que vous connaissez les tarifs pour l'assistance opératoire. Lorsqu'on
parle à la Fédération des médecins
spécialistes d'augmenter ta tarification pour l'assistance
opératoire, elle ne veut pas en entendre parler. Dans les régions
centrales, l'assistance opératoire est assurée par les
médecins résidents, mais en périphérie cela prend
des médecins pour faire de l'assistance opératoire et ils sont
obligés de le faire à des tarifs qui sont ridicules, dans le
fond.
Donc, à cause du déficit en effectifs, les médecins
en périphérie sont. obligés de faire des tâches que
les médecins dans les régions mieux nanties ne sont pas
obligés de faire et la tarification n'est pas adéquate dans ces
cas-là.
M. Chevrette: Vous contestez avec énergie le fait que les
ententes particulières soient soumises à l'approbation des
fédérations, ce qui vous fait déborder sur une
recommandation, si j'ai bien compris, à l'effet de soustraire les
ententes particulières du champ de négociation. Est-ce que je
vous ai bien interprété jusque là?
M. Bianki: Oui.
M. Chevrette: Quand vous parlez d'ententes particulières,
parlez-vous d'une entente très particulière dans le cas d'un ou
deux spécialistes ou si vous parlez d'ententes particulières au
niveau d'un centre hospitalier comme tel?
M. Bianki: Non, c'est plus large que cela parce que, pour une
entente très particulière, je pense que cela va prendre, de toute
façon, l'approbation de la FM5Q. Je ne pense pas qu'aucun
spécialiste voudra s'embarquer dans une entente très
particulière. Par exemple, si on parle de rémunération
à salaire ou à vacation pour un chirurgien dans une région
très périphérique, je ne pense pas que le chirurgien
voudra s'embarquer là-dedans. Nous parlons des ententes
particulières plus larges pour
l'ensemble de la région.
M. Chevrette: Si je partais du principe que dès qu'on
reconnaît à un groupe le pouvoir de négocier quelle que
soit l'assise juridique, que ce soit par la loi de la RAMQ, que ce soit par le
Code du travail, etc., - il est vrai que normalement on doit conclure des
ententes ponctuelles en cours d'application quand on a des problèmes -
il n'en demeure pas moins que pour des cas particuliers, vous savez
pertinemment que nous avons un pouvoir discrétionnaire en ce qui regarde
la loi du ministère où le ministre peut, pour des raisons de
santé publique, décréter certaines choses. Je vous donne
cela comme information. J'ai failli l'utiliser d'ailleurs dans le cas de
Mégantic-Compton, la semaine dernière. Si on n'avait pas conclu
une entente à court terme, je l'aurais utilisé parce que j'avais
fait faire l'analyse au contentieux et si on n'avait pas eu d'entente
particulière, si on n'avait pas eu d'entente avec la FMSQ, on aurait
dû l'utiliser. Cela était clair. Cela existe toujours comme
pouvoir dans la loi du ministère.
C'est bien sûr qu'il ne faut pas y recourir constamment parce que
cela fait fi du jeu normal des négociations, mais comme ministre
responsable je vous certifie que je ne bloquerai pas une région et que
je ne bloquerai pas un centre hospitalier pendant des heures, des semaines et
des mois parce qu'on ne s'entend pas sur une négociation, surtout quand
on sait que les individus touchés accepteraient l'entente
particulière. Il faut être capable de se dire cela très
candidement et très franchement, sinon, où s'en va-t-on?
Si on blâme un simple syndiqué de ne pas remplir ses
devoirs parce que la santé publique est en cause dans une
négociation des secteurs public et parapublic, on ne permettra pas plus
d'extravagance ou d'exagération chez les professionnels de la
santé, c'est clair. Je pense qu'on doit être capable de se dire
cela sans agressivité, mais d'une façon précise.
Vous avez parlé - et, chaque fois, cela me frappe, vous mettez
toujours un bémol sur le fait que c'est relier l'insuccès des
mesures incitatrices... Je suis heureux, d'ailleurs, que vous les connaissiez
toutes. Cela prouve une chose: il y en a eu quelques-unes, en tout cas. Ceux
qui me disent depuis deux ans que rien n'est fait pourraient lire votre
mémoire. C'est encourageant, au moins de ce côté-là.
Mais il y a toujours un bémol de votre part. Vous dites que c'est
toujours en péril à cause de l'attitude des négociations.
Est-ce que c'est parce que vous vivez cela, que vous faites des constats
réels ou si c'est parce que vous avez entendu dire cela?
M. Brisset (Alain): Tout à l'heure, on parlait de contrats
généraux avec les spécialistes. Ce qu'on vit à la
base, c'est une crainte, une espèce de médium de façon
individuelle. Chaque fois qu'on veut recruter un spécialiste, un
résident 5, il y a toujours cette crainte. On nous a même dit de
façon textuelle qu'il ne fallait jamais dire aux patrons à
Montréal que les résidents 4 négociaient des ententes pour
travailler en Abitibi parce qu'ils avaient réellement peur de se faire
couler aux examens. Je me suis fait dire cela à deux ou trois reprises.
On parlait tout à l'heure d'un contrat. II y a un contrat qui est
véhiculé actuellement en Abitibi-Témiscamingue, un contrat
présenté par le président d'un groupe de radiologistes
fort puissant qui tente d'offrir une espèce de service global à
l'Abitibi. Au même moment, il y a deux spécialistes qui
négociaient chez nous pour s'établir en région. Il y en a
un qui était résident 5, qui devait avoir sa réponse de la
corporation le 16 mai. Quand le radiologiste a su qu'il y avait - je parle du
président du groupe - un résident qui devait venir s'implanter
chez nous, il nous a dit: Je veux avoir une réponse concernant la
signature du contrat le 15. Quant au deuxième radiologiste, il a
été approché par ce même résident pour faire
partie de son groupe. Donc, ce qui nous pendait au bout du nez en Abitibi,
c'était une espèce de eartel, un monopole. Dans le contrat, ils
nous imposaient un quasi-droit de veto sur la gestion des ressources au niveau
de ce service. Alors, ce qui est véhiculé... Évidemment,
hormis le contrat, on n'a jamais eu de preuve écrite qu'il y avait un
contrôle trop important des fédérations sur la gestion des
effectifs en Abitibi. Évidemment, on n'irait pas jusqu'à le dire
non plus dans les journaux sauf que, de façon tangible, quotidiennement,
il y a toujours une crainte des résidents et des patrons établis
de venir s'établir de peur de se faire "ostraciser" par les
fédérations.
M. Chevrette: À ce stade-ci de votre témoignagne,
je vous conseillerais de demander à Mme la Présidente la
protection naturelle par rapport à ce que vous dites pour ne pas que les
paroles que vous venez de dire soient retenues contre vous dans aucune cour,
autre que celle-ci. On pourrait se servir de cela contre vous si on ne demande
pas la protection de la cour. Ordinairement, dans une commission
d'enquête ou une commission parlementaire, c'est à peu près
le même statut. J'ai fait partie d'une commission d'enquête et,
ici, à l'Assemblée nationale, depuis huit ans, on s'en est servi
à quelques reprises en disant au témoin: Pour ce que vous venez
de dire, nous vous accordons la protection et toutes les paroles que vous avez
dites ne peuvent être retenues contre vous à aucun autre palier.
Je vous conseille de le demander à
Mme la Présidente avant que je fasse des commentaires, parce que
moi, j'ai l'immunité parlementaire.
M. Brisset: Mme la Présidente, j'aimerais vous demander la
protection de la commission pour les faits que j'établis. Je voulais
noter que l'intervention qu'on apporte aujourd'hui est strictement dans
l'intérêt du public. On tente d'amener aux gens de chez nous, en
Abitibi, des soins de qualité qui sont en rapport avec
l'idéologie fondée par tous les intervenants tels que M.
Castonguay au niveau de la réforme. Si on n'intervient pas pour redonner
aux régions périphériques un mandat plus large, plus
intense, quant à la gestion des ressources, on va avoir beaucoup de
difficulté, à long terme, à gérer ces ressources et
à contrer les mesures qui sont en contradiction avec toute cette
idéologie qui avait été fondée à
l'époque.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Brisset, je pense que la commission est consentante à vous
accorder cette protection et que votre témoignage ne pourra être
utilisé par d'autres contre vous, à d'autres niveaux ou à
d'autres paliers. Si vous voulez continuer, à moins que le ministre ne
veuille répondre à ce moment-ci?
M. Chevrette: Est-ce que vous aviez autre chose à
ajouter?
M. Brisset: Non, cela va.
M. Chevrette: D'accord. Mme la Présidente.
M. Bianki: En fait, ce que je pourrais ajouter - Alain a eu un
peu plus de courage que moi - c'est que ce contrat dont vous parliez tout
à l'heure, tout ce qu'il voulait traduire, c'est effectivement des
pressions. Ce n'est pas uniquement une impression vague. Ce sont des pressions
qu'on a contre l'installation de spécialistes dans la région.
M. Chevrette: D'abord, vous me permettrez de vous
féliciter pour votre courage. Si j'ai un conseil à vous donner,
quand vous serez coincés, s'il y en a qui veulent vous coincer, rendez
donc tout public. Vous allez voir que les jars du huis clos s'écrasent
ordinairement en public. C'est la meilleure protection, bien souvent, qu'on est
obligé d'avoir avec certains individus. C'est la même chose dans
certaines enquêtes qu'on est obligé de faire présentement.
La seule façon de protéger les personnes qui viennent se confier
parce qu'elles en ont ras le bol, c'est de l'officialiser. Si jamais il y avait
des problèmes, vous pouvez compter à 175 % sur ma collaboration.
Certaines choses se font et d'autres ne se font pas. En 1985, quand on
prêche la vertu, il faut commencer par l'exercer. C'est clair? Il y en a
qui ne sont pas cohérents avec leurs principes. Personnellement, pour le
temps qu'il me reste s'il ne m'en reste pas beaucoup je vais tout donner
pendant que je serai là. Si j'en ai pour longtemps, je vais en ajouter
en revenant. C'est clair? Cela est inadmissible dans un système. Tout le
monde se gave de beaux discours en disant qu'on veut une répartition
équitable. Cela est beau dans les discours. On nous fait des sermons
ici, dans les micros qui sont devant vous. On est obligé de tout gober
cela comme du "cash". Quand on sait ce qui se passe concrètement, il y a
des aberrations que, moi, je n'accepte pas et que je n'accepterai jamais. Cela
est clair.
Ce cas précis, je vais l'étudier à part cela. C'est
très précis. S'il faut faire des dénonciations publiques,
je les ferai, car je ne tolérerai pas cela, d'aucune façon.
D'ailleurs, je suis aussi ému que vous. Je ne suis même plus
capable de vous questionner. Je reviendrai après, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais passer à
des questions relativement plus neutres. D'abord, je veux vous remercier pour
votre mémoire. Il est évident que vous n'avez pas réussi,
malgré toutes les mesures incitatrices, tout ce dont on discute depuis
1980 particulièrement, à résoudre les problèmes.
Cela semble être un cercle vicieux et vous recommencez continuellement.
Je voudrais, par contre, examiner avec vous quelques-uns des moyens que vous
mettez de l'avant. D'abord, ma première question, je voudrais l'adresser
au ministre, qui a de l'expérience comme négociateur. Quand on
parle de soustraire de la négociation des fédérations,
dans le fond on parle dans le sens d'une décentralisation -c'est ce que
ces gens-là sont venus nous dire - à certains égards.
M. Chevrette: Non. Je ne crois pas comprendre cela à la
suite de leur intervention. Ce que j'ai compris, c'est qu'ils n'ont pas
d'objection à ce qu'il y ait une négociation normale avec la FMSQ
et la FMOQ. Mais pour des ententes particulières qui risquent de
compromettre la rétention d'un ou de deux spécialistes, ils
disent: Pourquoi ne pas donner l'autorité aux centres hospitaliers de
conclure l'entente particulière sans que cela ne soit soumis à
l'approbation des fédérations? C'est comme cela que je l'ai
interprété.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais n'y a-t-il pas
aussi... En ce qui a trait à la négociation, je suis d'accord que
c'est cela que ça touchait, mais eu égard aux montants d'argent
que peuvent impliquer les mesures incitatrices ou ces choses, est-ce que vous
ne demandez pas que ce soit
appliqué au niveau régional? Ou est-ce que cela l'est
déjà? À un moment donné, vous dites - je ne le
retrouverai pas moi non plus - que, localement, vous êtes mieux
placés pour employer ces mesures incitatrices ou des sommes d'argent qui
seraient mises à votre disposition en vue d'une utilisation qui tienne
davantage compte de vos besoins locaux. Est-ce que je comprends bien quand... ?
Oui? (19 h 15)
M. Grenier (Reginald): Dans les systèmes de bourses - les
boursiers au Québec, ce n'est pas d'hier - vu la façon dont ces
bourses sont négociées par les fédérations avec le
ministère, les régions sont impliquées un peu plus depuis
quelques mois. On s'aperçoit que lorsque le boursier vient
s'établir dans nos régions - cela est une mesure - on est
placé pour savoir où le boursier devrait aller. L'endroit de
pratique a été négocié il y a trois ou quatre ans,
mais quand il arrive pour pratiquer, les endroits ont changé ou les
modalités de pratique ont changé. Là, c'est la
négociation qui se fait avec la FMOQ ou la FMSQ, selon le cas, mais la
FMOQ la plupart du temps. C'est très long et cela ne donne satisfaction
à personne. On a vu des exemples très récents où le
ministre a dû se prononcer sur les choses en
Abitibi-Témiscamingue. Normalement, cela aurait dû se
régler au niveau de la région, sans faire tout le chiard qu'on a
dû faire pour arriver à avoir des boursiers, qui avaient
été prévus, initialement, il y a trois ou quatre ans,
lesquels sont venus avec les moyens du bord. Mais on a été
obligé de s'impliquer et combien de temps a-t-on perdu pour cela, alors
que cela aurait été si facile de trancher, puisque dans telle
région on avait droit à tant de boursiers! On connaissait nos
besoins sans...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, cela va un
peu plus loin que ce que le ministre indiquait comme...
M. Grenier: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... - je ne sais pas s'il
m'écoute -...
M. Grenier: Oui, je pense que oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...
décentralisation.
M. Grenier: Et on voit venir le système de primes, par
exemple.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Grenier: On se dit: Encore des mesures incitatrices.
L'enveloppe des primes devrait être dans les régions et on
pourrait les répartir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va plus loin que
strictement la question des ententes.
Dans les suggestions que vous faites -cela est à court et
à moyen terme - vous parlez de l'admission dans les universités,
qui serait soumise à certaines conditions, par exemple: "Pour être
admissible à un programme de formation, les candidats
sélectionnés par les universités devraient obtenir un
poste en omnipratique ou en spécialité dans une région
donnée. " Est-ce que je saisis ou si je saisis mal, est-ce que vous
voulez dire pour tous les candidats qui seraient admis dans une faculté
de médecine?
M. Bianki: Non, effectivement pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Je comprends mal,
alors.
Une voix: Non.
M. Bianki: II pourrait y avoir une proportion de postes qui
seraient réservés, finalement. On va prendre un nombre
hypothétique de 600 postes disponibles. Il pourrait y avoir, par
exemple, 50 à 100 postes - d'accord? - réservés aux
régions périphériques. Les candidats pourraient postuler,
finalement, ou bien faire une demande en médecine uniquement pour les
postes où il n'y a pas de contraintes à ce niveau ou faire une
demande d'admission et pour les postes non contraints et pour les postes
à contraintes. Finalement, cela pourrait être 100 sur 600, par
exemple, quelque chose du genre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Alors...
M. Bianki: Donc, ce ne sont pas tous les postes, cela ne serait
pas possible.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qui voudrait dire que,
par exemple, les 500 premiers qui seraient admis - disons qu'il y aurait une
faculté de médecine unique, mais cela va s'appliquer dans toutes
les facultés de médecine - n'auraient pas de contraintes, mais
que ces dernières s'exerceraient è l'égard des 50
derniers.
M. Bianki: Cela pourrait être cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être
cela. Bon.
Maintenant, en page 10, sur la question des médecins immigrants,
j'essaie de comprendre aussi l'allocation de cartes
rémunérées en internat et en résidence aux
régions. Vous dites que le fait qu'il y aurait cette allocation de
cartes rémunérées, cela permettrait de compléter la
formation de
plusieurs médecins, formés à l'étranger, qui
s'engageraient en retour à assurer un certain nombre d'années de
service en Abitibi-Témiscamingue.
Dans le fond, je ne saisis pas exactement comment cela fonctionnerait,
comment cela s'articulerait. En même temps, j'ajoute la question du
programme que vous avez lancé, je pense que cela vient de
l'Abitibi-Témiscamingue, où il y avait de grands encarts
publicitaires, à savoir que vous recrutiez dans votre région et
que vous étiez prêts à admettre les médecins
immigrants. À cet égard, je me demandais comment vous auriez pu
vous arranger pour l'internat de ces gens-là. Est-ce vous qui
l'assumeriez? Ou leur donniez-vous un droit de pratique -c'est-à-dire ce
n'est pas vous qui donnez le droit de pratique, c'est la corporation... Toutes
les implications de cette mesure, c'était difficile de les saisir par la
publicité que vous avez faite, sauf que vous vouliez des
médecins.
M. Bianki: D'accord. Dans le fond, notre idée,
c'était de financer des postes d'internes et de résidents.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Bianki: D'accord? De demander à ces gens-là, en
retour, de venir pratiquer en région. Ce qu'on peut dire sur les
médecins étrangers, c'est que si on parle beaucoup du droit des
petits Canadiens français de faire leur cours de médecine, il
faut également penser aux 160 000 habitants
d'Abitibi-Témiscamingue qui n'ont pas de services. À court terme,
ce ne sont pas les petits Canadiens français, semble-t-il, qui vont
réussir à régler notre problème. Peut-être
que s'il y avait un contingentement au début du cours de
médecine, par exemple, on finirait, dans cinq, six ou sept ans, à
avoir des omnipraticiens et, dans dix ans, des spécialistes. Mais,
à brève échéance, par exemple, on risque de se
retrouver, en Abitibi-Témiscamingue, sans radiologiste pendant des mois.
On pourrait peut-être... On connaît un résident
étranger, qui a quand même fait trois années de formation
au Canada, qui pourrait venir faire de la radiologie chez nous. On serait
prêt, finalement, à payer sa carte de résident ou sa carte
d'internat rotatoire et il viendrait, en retour, s'installer chez nous et
travailler, par exemple, pendant trois ans. Il donnerait, en région, des
services à brève échéance, c'est cela qu'on veut
dire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, ce que vous
demandez, est-ce que cela serait qu'on accorde, en sus des postes qui sont
déjà accordés, en sus du contingentement actuel, des
postes supplémentaires qui seraient donnés à ces
personnes?
M. Bianki: Cela pourrait être cela également.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être
cela également ou à l'intérieur...
M. Bianki: Contre l'engagement de pratiquer en région.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Brisset: Cette mesure vise un peu à apporter une
solution à court terme, surtout en psychiatrie, finalement, et en
radiologie. Actuellement, chez nous, à Val-d'Or, il n'y a aucun
psychiatre établi dans la région pour environ 40 000 de
population. Cette stratégie nous permettrait d'aller même sur le
marché européen, en fait, de faire un concours et d'être
capable d'amener des gens qui pourraient offrir un service à court terme
en psychiatrie en Abitibi. On ne prévoit pas, avec les mesures
actuelles, être capable de combler les besoins d'ici cinq ans,
finalement, avec les postes de résidents qui ont été
diminués de moitié.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Maintenant, pour ce qui est de votre encart publicitaire, est-ce que
vous avez eu un nombre important de réponses?
M. Grenier: 200, mais tous de médecins
étrangers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. M. Grenier:
Pas un seul Québécois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pas un seul
Québécois sur les 200.
M. Grenier: Ce qu'on voulait faire, c'est la preuve et on l'a
faite. C'est que les Québécois, actuellement, ne sont pas
intéressés tellement par les régions
périphériques, même avec les quatorze mesures
annoncées dernièrement. Ce n'est pas encore suffisant pour
régler nos problèmes à court terme. Alors, on a fait une
percée dans le monde des médecins étrangers. On savait
bien à quoi on s'attaquait. Ce n'était pas très orthodoxe
ce qu'on a fait, mais on l'a fait quand même. On a la preuve en main
qu'il n'y a pas de médecins québécois qui sont prêts
à s'établir en Abitibi, en tout cas pour les prochaines
années.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais à ce moment,
cela veut dire qu'il faut que vous fassiez ouvrir...
M. Grenier: II faut changer les règles du jeu quelque
part. Là, il y a plusieurs intervenants: les universités...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je me demandais comment
vous aviez pu procéder en dehors de la réalité du
contingentement pour pouvoir dire: Nous, on va vous accueillir, alors que ces
gens se voyaient refuser leur internat rotatoire ici à Montréal
ou dans les centres urbains.
M. Grenier: On était prêt à les payer
à même les budgets des établissements. Je ne sais pas ce
que le ministre aurait fait avec les DG à ce moment, mais...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, il y a deux
personnes qui veulent... J'essais de comprendre. Dans le fond, vous ne pourrez
pas le réaliser, à moins que vous n'ayez d'autres accords quelque
part ailleurs. C'est cela dans le fond?
M. Grenier: Oui, oui, c'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Brisset et M. le directeur général, j'oublie votre
nom...
M. Tsa-Tsa (Joseph): Tsa-Tsa.
M. Brisset: J'aimerais faire une intervention quant aux raisons
qui motivent les médecins, en fait, à ne pas s'établir...
Je ne voudrais pas qu'il y ait un sentiment négatif à
l'égard des jeunes médecins. Je pense, après les
démarches que j'ai faites en recrutement, que le médecin
canadien-français est beaucoup plus attaché sur le plan familial
et culturel à son milieu alors que c'est un peu évident que pour
le médecin qui vient de l'étranger, aller en région, cela
a peut-être un impact personnel moins grand.
Ce que j'ai remarqué, comme incitatif extrêmement
important, actuellement, pour les nouveaux médecins, c'est le milieu
scientifique. J'ai remarqué que les incitatifs financiers peuvent
être même secondaires dans certains cas. On s'est attiré
certains médecins cette année avec l'encadrement universitaire et
la qualité de la médecine -en tout cas, sans prétention -
qui se faisait chez nous.
Je pense qu'actuellement, chez les jeunes médecins, la
qualité des équipements qu'on a et qu'on pourrait avoir en
surplus, les projets de jumelage avec des universités des centres
urbains qui améliorent la qualité de la médecine, c'est un
facteur extrêmement important, à mon avis, et qu'il faudrait
peut-être développer à long terme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. M. Tsa-Tsa.
M. Tsa-Tsa: C'est simplement, Mme la Présidente, pour dire
ceci. Si nous sommes venus ici, c'est pour vous présenter, devant la
commission, quasiment un ultime recours. Quand vous nous demandez ce que nous
allons faire ici et maintenant, je pense que les recommandations que nous
faisons dans notre mémoire sont là devant la commission et devant
le gouvernement. Je ne pense pas, comme région, que nous puissions aller
au-delà des règles, au-delà des lois établies.
Nous avons un certain nombre de médecins étrangers qui ont
répondu à notre demande. On vous a dit 200. Il y a une
première évaluation qui a été faite. Il y a un
premier refus que nous avons enregistré récemment pour une
spécialité. À partir de là, nous attendons.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'avez pas pu
procéder plus loin. D'accord. J'ai complété.
M. Chevrette: Vous avez été, je crois, la
première région à produire le plan d'effectif
médical. C'est clair, ce n'est pas tout entré au moment où
on se parle, mais cela nous servira sans doute, pour le contingentement,
à avoir un portrait plus global des besoins dans l'ensemble du
Québec. J'entrevois pour vous d'énormes difficultés. Je
prends l'exemple des fameuses cartes pour l'entrée ou l'accès
à l'université cela va jusque-là. C'est tout le principe
de la liberté qui est mis en cause. Vous n'êtes pas sans savoir
que cela présuppose des pourparlers assez longs, pour ne pas dire ardus.
Je regarde le doyen de la faculté de médecine de Laval et je suis
convaincu que cela susciterait, si c'était une mesure radicale,
énormément de débats dans notre collectivité. Il
faudrait au moins préalablement avoir soumis ce genre de mesure à
une certaine forme de débat public si on ne veut pas se ramasser avec un
problème généralisé au Québec.
D'autre part, il y a certaines mesures que, personnellement, je suis
prêt à regarder, à étudier et à gratter et,
au besoin, je suis prêt à rencontrer à la fois la
corporation des médecins, les universités et les
fédérations pour voir s'il n'y a pas lieu, effectivement, de vous
donner plus d'outils que vous n'en avez présentement pour vraiment avoir
la possibilité d'attirer chez vous un nombre plus important de
médecins. C'est clair et je vous comprends. Dans les quatorze mesures
qui sont connues présentement, il y en a certaines qu'on étudie
pour les régionaliser davantage, en tout cas. Par rapport aux
recommandations que vous faites, je suis prêt à en regarder deux,
trois, à l'oeil, qui pourraient fort probablement se
réaliser.
D'autre part, il y en a qui font partie carrément de la
négociation. Il s'agirait de
voir jusqu'à quel point, lors d'une négociation, on
pourrait les régionaliser. C'est possible quand même qu'on puisse
laisser au milieu, à la suite d'une entente avec les
fédérations médicales, le soin d'administrer certaines de
ces mesures qui pourraient vous permettre, à ce moment-là, comme
équipe de recruteurs, d'avoir des outils en main. Je suis prêt
à regarder cela d'une façon plus spécifique.
Il y a une chose qui m'a donné un petit frisson à la
lecture, c'est que - ce n'est sûrement pas ce que vous voulez dire mais
je vais dire quand même ce que j'ai lu -vous dites: Vous avez maintenant
majoré les traitements, il faudrait peut-être penser maintenant
à introduire un supplément additionnel pour ceux qui sont en
place. Je suis convaincu que vous ne voulez pas me dire de tomber dans le
cercle vicieux: augmentez l'un, l'autre va crier, vous allez l'augmenter,
réaugmentez l'un, l'autre va crier, vous allez l'augmenter; etc. Je suis
convaincu que ce n'est pas cela que vous voulez dire. J'aimerais que vous soyez
plus explicite parce que, selon le libellé, on pourrait se retrouver
dans une situation où on annule complètement l'incitatif de la
rémunération. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous voulez
dire ou que vous me donniez un exemple de ce que devrait être...
M. Laliberté (Normand): M. le ministre, malheureusement,
si on l'a indiqué là, c'est une toute petite phrase, vous l'avez
détaillée et je pense que le message est clair.
M. Chevrette: Oui, mais c'est important de la noter parce
que...
M. Laliberté: C'est très important, effectivement.
C'est pour vous signaler qu'effectivement on a des demandes
régulièrement de la part de médecins spécialistes
et de médecins omnipraticiens, même qui sont arrivés
récemment, afin de savoir... Il y a toutes les mesures qui ont
été mises en place, il y a les primes qui sont maintenant
disponibles - primes d'installation, etc. - qui sont quand même
alléchantes. Qu'est-ce qui arrive à ceux qui sont là?
Évidemment, on nous pose le problème. La question est
soulevée régulièrement. Il est certain que cela nous cause
quelques soucis quand, par exemple, dans certaines spécialités,
on est en équilibre extrêmement instable et fragile. Par exemple,
en gynécologie, où on offre des services très importants,
actuellement, et où on doit les dispenser avec un gynécologue, le
second étant absent pour plusieurs semaines, on est coincé. Je
pose seulement l'hypothèse que si ce médecin nous disait:
Écoutez, il y a des mesures pour les nouveaux, si on ne me donne pas
certains incitatifs pour me retenir, qu'est-ce que je fais? On est placé
constamment devant ce dilemme-là et on veut vous le signaler. (19 h
30)
M. Chevrette: Je voudrais vous signaler ceci. C'est
peut-être de l'incompréhension de ma part mais, que je sache,
l'ensemble des mesures s'applique à tout le monde, à l'exception
de la prime d'établissement. C'est pour cela que j'ai de la
difficulté à comprendre ce qu'ils veulent de plus.
M. Brisset; J'aimerais peut-être apporter... Je vais
récupérer le même sujet que j'avais défendu tout
à l'heure, c'est que... Je vais vous donner un exemple. Chez nous, on a
recruté un spécialiste en anesthésie qui, à mon
sens, est d'une grande qualité. Dans nos salles d'anesthésie.
à Val-d'Or, les respirateurs datent d'au-delà 15 à 20 ans
et marchent avec des systèmes de pression. Il n'arrive pas, dans les cas
de malades souffrant d'obésité, d'emphysème ou de
bronchite chronique, à assurer un volume constant. C'est en fonction de
la pression. C'est un système dépassé. Je sais qu'à
McGill on a des appareils de type volumétrique dans toutes les salles
d'anesthésie. Chez nous, nous n'en avons aucun. Quand on parle
d'incitatifs, je défends le régime d'incitatifs d'ordre
scientifique. C'est un exemple. C'est sûr que l'anesthésiste qui
vient chez nous, qui travaille avec des équipements de qualité,
cela demeure pour moi un incitatif d'une grande importance. On tente
d'établir une salle d'ophtalmologie chez nous. Là aussi, si on
établit un encadrement technique et stimulant pour le
spécialiste, à mon sens, il n'y a aucun incitatif financier qui
va arriver à côté de cela. Je pense que c'est d'une
importance primordiale, la qualité de la médecine et du contexte
scientifique en région éloignée.
M. Chevrette: Cette année, vous avez quand même eu
une bonne part du gâteau au niveau régional en équipement.
Vous avez aussi eu tout l'équipement de l'hôpital de la
Baie-James... le surplus, je veux dire. Vous avez quand même
été, par rapport à certaines régions,
là-dessus, si on parle d'équipement - je vous dis que ce n'est
pas le Pérou, c'est cela que je vous dis - assez choyés.
M. Brisset: Sauf que cette année - je vais vous donner un
exemple - on a été obligé de refuser un cas de
sclérose en plaques chez nous parce qu'on n'avait pas un type d'appareil
qui coûte environ 20 000 $. C'est sûr que cela paraît
peut-être en principe lourd à transporter, mais dans les faits,
quotidiennement, nous sommes en retard par rapport aux grands centres urbains.
Cela est extrêmement important
pour attirer nos spécialistes et les garder.
M. Bianki: Je dois vous rendre quand même justice, M. le
ministre. Effectivement, cette année, notamment au Centre hospitalier de
Rouyn-Noranda, il est entré énormément
d'équipement. Je voudrais simplement attirer votre attention sur quelque
chose, M. le ministre. Si vous pensez que vous ne pouvez pas donner
d'incitatifs aux médecins qui sont déjà installés
en région, il faudrait au moins leur enlever l'idée suivante:
Pourquoi ne deviendrais-je pas un médecin volant, parce que cela ne me
donne rien de plus d'être en région? Il faudrait au moins, parce
que cela n'est même pas hypothétique... J'ai un spécialiste
en médecine interne qui commence à me dire: Écoute,
André, moi je veux bien m'installer à Rouyn et donner une
très bonne couverture, mais je ne vois pas pourquoi je ne deviendrais
pas un volant parce que j'aurais tous les avantages de vivre à
Montréal et je n'aurais aucun des désavantages de vivre à
Rouyn.
M. Chevrette: En d'autres mots, il ne faut pas que
l'équipe volante devienne plus payante que la résidente.
M. Bianki: C'est ce qui se produit actuellement. Finalement,
venir à Rouyn-Noranda pour un volant, cela coûte une heure
d'avion. Pour une heure d'avion, il est nourri et logé.
M. Chevrette: Je vais regarder cela. De prime abord, il faudrait
qu'on me fasse la preuve et la démonstration que c'est plus payant parce
que je ne suis pas certain, non plus, de l'allégation que vous faites.
J'ai regardé des chiffres dernièrement et il me semble que ce
n'est pas plus payant un médecin qui a la prime d'établissement,
qui a la rémunération majorée. Je vais regarder cela.
C'est possible que... On ne prétend pas avoir la vérité
absolue, non plus, on va regarder cela.
M. Maltais (Roger): Sans que cela soit plus payant, il y a quand
même certains avantages, il y a les mêmes avantages au niveau de la
rémunération. Disons que pour un spécialiste, il a les 120
% de la même façon que s'il était sur place à Rouyn,
mais il n'a pas les inconvénients, comme résident en
région éloignée, d'assumer des coûts un peu plus
élevés, souvent afférents à la région
éloignée. Il n'a pas l'inconvénient de participer aux
activités médico- administratives, de participer à
l'évaluation médicale, de participer aux comités
médicaux, de s'impliquer dans le développement d'une
organisation, de faire des gardes de fin de semaine et tout ce genre de choses
qui sont afférentes à la pratique de la médecine. Ce sont
des gens qui arrivent le dimanche soir, par exemple, en radiologie, et qui
repartent le vendredi soir. La fin de semaine, comme on dit, on se
débrouille avec nos troubles. Cela pose énormément
d'inconvénients aux omnipraticiens qui font de l'urgence de ne pas avoir
de radiologiste les fins de semaine, même s'ils sont là durant la
semaine. Mais cela ne les empêche pas, durant la semaine, de lire les
films qui ont été faits en fin de semaine.
M. Chevrette: Je pense que votre message est compris. Je vous
remercie infiniment de vous être déplacés pour nous
sensibiliser. Soyez assurés que ce n'est pas tombé dans l'oreille
de sourds.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci beaucoup. Bon voyage de retour.
M. Bordeleau: Ce n'est pas pour ce soir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non. Ils vont finir
par retourner.
M. Chevrette: Vendredi matin, 7 h 5.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous sommes rendus au
dernier groupe.
Une voix: Ils avaient nolisé un avion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils avaient nolisé
un avion, ce n'était pas triste.
L'Association des centres d'accueil du Québec. Je voudrais d'une
certaine façon vous remercier de nous avoir signalé l'oubli dont
nous nous étions rendus coupables. On avait vraiment tenté de
dresser la liste complète. C'est peut-être parce que, la
dernière fois qu'on a discuté des effectifs médicaux en
centres d'accueil, c'était au moment de la loi 27 et des
règlements de la loi 27 et j'avais oublié qu'il y en avait.
M. Dallaire, je vais vous demander de présenter vos
collègues.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Dallaire (Marcellin): Mme la Présidente, M. le
ministre, messieurs les députés, à mon extrême
gauche, Dr Yvette Lajeunesse, qui est aux centres d'accueil
Émilie-Gamelin et Armand-Lavergne, de Montréal; à ma
gauche immédiate, M. Jean Quintal, conseiller aux affaires
professionnelles de l'Association des centres d'accueil du Québec;
à ma droite, M. Pierre Cloutier, directeur général de
l'Association des centres d'accueil du Québec; à mon
extrême droite, M. Jean-Marie Girard, directeur général du
centre d'accueil Beaumanoir de Chicoutimi et membre du
conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Dallaire, je vais vous
demander, compte tenu que vous avez quand même un mémoire assez
dense, de le résumer si possible en 20 minutes.
M. Dallaire: Je vais tenter de piger un peu dans le
mémoire...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Dallaire:... à partir des idées que nous osons
juger les plus importantes, quitte à répondre en termes
d'éclaircissements aux questions des membres de la commission.
On peut peut-être nous situer tout de suite en disant que
l'association est un cadre d'établissements comprenant 384
établissements. Cela situe tout de même un cadre important. Le
cadre le plus important, c'est 80 000 personnes en difficulté dans le
Québec - c'est peut-être l'impression qu'on veut laisser - donc un
besoin assez spécial et spécifique en soins médicaux. Cela
représente actuellement près de 1000 médecins qui, d'une
façon ou d'une autre et suivant un système ou l'autre, pratiquent
en centres d'accueil et en centres d'accueil et d'hébergement, dont, au
mois de mars dernier, seulement 19 étaient des salariés. Cela
vous situe dans une gamme de pratique médicale qui a encore besoin de
réajustement.
Notre mémoire vise à donner un éclairage
supplémentaire quant à la planification à
considérer pour les enfants, les adolescents, les adultes et les
personnes âgées des centres d'accueil pour que ces personnes
reçoivent les soins médicaux requis par leur état en
quantité et en qualité suffisantes.
Nous faisons état des problèmes éprouvés
relativement à l'accessibilité et à la continuité
des services médicaux en rapport avec les objectifs poursuivis en
centres de réadaptation et en centres d'hébergement. Certains de
ces problèmes sont communs aux deux types d'établissements. C'est
le cas, notamment, de la disponibilité des services médicaux
spécialisés, du manque d'adhésion du médecin aux
valeurs et aux objectifs d'intervention de l'établissement, de la
rareté des activités préventives ainsi que du manque de
connaissances pertinentes des problématiques particulières aux
centres d'accueil.
D'autres éléments sont plus spécifiques à
l'une ou l'autre des catégories d'établissement
considérées. Dans le secteur de la réadaptation, les
services de médecine générale disponibles dans les CLSC,
les centres hospitaliers, les cliniques ou les cabinets privés
répondent assez bien aux besoins des clientèles capables d'y
avoir accès dans une démarche de normalisation et
d'intégration sociale. Pour la clientèle plus captive et
dépendante, l'accessibilité aux services médicaux
généraux est parfois limitée à la
disponibilité du ou des médecins qui sont rattachés
à l'établissement.
De plus, les médecins que le centre réussit à
recruter intègrent difficilement dans leur pratique les attitudes et
comportements compatibles avec l'approche préconisée
auprès d'une clientèle donnée. De même, parce qu'ils
ne sont pas bien préparés pour ce type de travail
d'équipe, ils sont peu impliqués dans l'élaboration et
l'articulation du plan d'intervention multidisciplinaire du
bénéficiaire qui est sous leurs soins.
En raison d'une charge de travail peu flexible et d'un horaire
fixé généralement en termes de rentabilité, les
activités médico-administratives et préventives n'occupent
que peu de place comparativement aux activités curatives. La
présence du médecin et le type d'intervention qu'il
réalise sont fortement conditionnés par un mode de
rémunération peu adapté aux conditions de pratique en
centre de réadaptation.
Dans le secteur de l'hébergement, la nouvelle
réglementation régissant l'organisation médicale est peu
appliquée en raison d'un problème aigu de recrutement d'effectifs
médicaux. Dans ce contexte, les établissements éprouvent
de sérieuses difficultés à nommer un médecin
responsable et encore plus à créer un service médical ou
un conseil de médecins, dentistes et pharmaciens qui leur permette en
outre d'appliquer le décret sur la délégation des actes
médicaux.
Ainsi, peu de médecins omnipraticiens sont vraiment
intéressés par ce champ de pratique, notamment en raison de la
clientèle très âgée et fortement
détériorée physiquement ou mentalement. Ceux qui, par
choix ou non, acceptent d'y consacrer leur carrière se voient souvent
défavorisés sur plusieurs plans, soit la
rémunération, les possibilités de formation, recherche ou
enseignement sur place ainsi que le peu de rayonnement de ce type
d'établissement sur la profession médicale.
D'autres problèmes caractérisent la dispensation des
services médicaux en centre d'hébergement en raison surtout du
peu de place accordé aux activités médico-administratives.
D'une part, la difficulté pour le médecin de faire corps avec
l'équipe multidisciplinaire et d'ajuster ses interventions au plan
d'intervention et aux objectifs poursuivis par l'établissement; d'autre
part, le réflexe spontané de donner à la pratique en
centre d'hébergement un caractère de pratique en cabinet
privé. Même si le système de rémunération
explique, pour une bonne part, ces
difficultés, l'absence d'un plan rationnel de répartition
d'effectifs médicaux constitue un autre élément pouvant
justifier cet état de fait.
Si on tente de résumer rapidement pour le bénéfice
de la commission et pour activer un peu le débat, on pourrait rappeler
les points principaux qui, selon nous, doivent être pris en
considération pour la planification des effectifs médicaux. Dans
le secteur de l'hébergement: Premièrement, l'augmentation du
nombre de bénéficiaires en perte d'autonomie sévère
amène un accroissement substantiel des besoins en services
médicaux, mais tout en rendant plus difficile le maintien d'une
"démédicalisation" du milieu.
Deuxièmement, même si la demande est très forte de
la part des centres d'hébergement, plus de médecins manifestent
un intérêt marqué pour ce champ de pratique et ceux qui le
font se voient défavorisés sur plusieurs plans, ce qui
enlève à l'établissement un potentiel d'attraction
indéniable.
Troisièmement, les facteurs qui donnent au centre
d'hébergement un caractère de lieu de pratique de deuxième
ordre sont: le système de rémunération inadéquat,
le peu de place accordé aux activités
médico-administratives ou préventives dans un mode de
rémunération qui le permet, l'impossibilité pour le
médecin de trouver sur place les conditions favorables à la
formation, l'enseignement et la recherche et la difficulté de
développer des méthodes d'intervention innovatrices en raison des
possibilités limitées d'accessibilité au plus important
dispensateur de connaissances dans le domaine de la
géronto-gériatrie. (19 h 45)
Quatrièmement, la difficulté pour le médecin de
faire corps avec l'équipe multidisciplinaire et d'ajuster ses
interventions en fonction du plan d'intervention et des objectifs de
l'établissement.
Cinquièmement, le réflexe parfois involontaire de donner
à la pratique en centre d'hébergement un caractère
correspondant è la pratique en cabinet privé, ce qui
défavorise le développement d'un véritable sentiment
d'appartenance.
Il faudrait ajouter à ceci le fait que la pratique
médicale est différente en milieu de centre d'hébergement.
Pour nous donner des exemples de cette spécificité et de cette
différence, je demanderais à ce moment-ci au Dr Yvette Lajeunesse
de nous parler de cette différence de la pratique médicale en
centre d'hébergement.
Dr Lajeunesse.
Mme Lajeunesse (Yvette): Par mon expérience, j'ai pu
constater qu'il y a effectivement des différences. Je suis passée
de la pratique de bureau à un travail en centre d'accueil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourriez-vous parler plus
fort, s'il vous plaît?
Mme Lajeunesse: Je m'excuse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est votre micro,
excusez-moi.
Mme Lajeunesse: J'ai pu constater, depuis que je travaille en
centre d'accueil, qu'il y a des différences entre le travail de la
pratique privée, en bureau, et le travail au centre d'accueil. J'ai
dû procéder à des réajustements quant à la
formation parce que, quand on travaille en centre d'accueil, il faut tenir
compte de certains problèmes propres à la personne
âgée mais surtout à la personne âgée en perte
d'autonomie, ce qui est différent des personnes âgées que
l'on recontre dans nos bureaux.
Quelques exemples de ces différences. Certaines
présentations cliniques sont très différentes. Par
exemple, une personne confuse qui devient subitement plus confuse, c'est rare
que l'on rencontre cela en bureau. Il ne faut pas nécessairement se dire
que c'est dû à sa confusion, que c'est sa maladie qui s'aggrave.
Bien souvent, ce peut être une pathologie aussi traitable qu'une
pneumonie, malgré l'absence des signes classiques qu'on nous a
enseignés à l'université et dans les hôpitaux,
c'est-à-dire de la température et de la toux. Le seul
symptôme que la patiente va avoir, c'est de la confusion. La même
chose en ce qui concerne les traitements, les médicaments; les doses de
médicaments ne sont pas celles qu'on nous a apprises chez les adultes.
Il faut que ce soit vraiment ajusté aux personnes
âgées.
Enfin, il y a également des notions de prévention qu'on
nous a enseignées qui changent un peu au niveau des personnes
âgées de centre d'accueil. La prévention peut être en
rapport avec les chutes, avec les plaies de lit, avec la confusion et non plus
en rapport avec le tabagisme et les autres choses que nous côtoyons dans
une pratique privée.
J'ai également dû apprendre à travailler en
équipe multidisciplinaire parce qu'en centre d'accueil on peut
retrouver, par exemple, une personne qui fait une paralysie. La
récupération de cette personne, même à 80 ans, est
possible pour autant que les traitements sont entrepris tôt et de
façon concertée.
Enfin, j'ai été obligée de modifier la base
même de mon approche aux patients. En bureau privé, j'ai un
patient devant moi et cela implique nécessairement un acte
médical. En centre d'accueil, des patients me sont assignés et
cela n'implique pas nécessairement, chaque fois que je me rends
au centre d'accueil, qu'un acte médical est posé. Ce peut
être d'autres types d'actes qui peuvent être des appels à la
famille, des appels aux intervenants de l'extérieur, des appels à
la curatelle et ces actes sont aussi importants pour le patient qu'un acte
purement curatif.
J'ai également appris à me batailler pour faire
reconnaître que les personnes âgées avaient les mêmes
droits à des services médicaux de qualité. Encore hier,
j'ai dû me battre pour cela. On voulait transférer un patient
à l'urgence et le service d'urgence nous refusait en disant:
Écoutez! c'est une personne âgée, vous connaissez la
situation. En été, on coupe des lits; alors, on désire
garder nos lits pour d'autres types de personnes. Je pense que les personnes
âgées ont le droit aux mêmes soins que les personnes
d'autres groupes d'âge.
M. Dallaire: Je me permets de continuer, Mme la
Présidente. C'étaient des exemples pratiques et il n'y a rien
comme des exemples pratiques pour nous situer dans une problématique de
la différence dans la pratique médicale en centre d'accueil
d'hébergement.
Dans le secteur de la réadaptation: Premièrement, les
services de médecine générale répondent bien aux
besoins des clientèles capables d'y avoir accès dans une
démarche qui s'inscrit dans un objectif de normalisation et de
réintégration sociale.
Deuxièmement, pour la clientèle dont l'autonomie n'est pas
suffisante, les services de médecine générale sont
ordinairement dispensés par un médecin attaché à
l'établissement mais dans les limites et les temps de la
disponibilité du médecin.
Troisièmement, les services médicaux
spécialisés sont nettement insuffisants autant pour les
clientèles autonomes que pour celle qui l'est moins et ce, dans les
proportions qui varient selon les régions et selon la perception que se
fait le spécialiste du bénéficiaire à traiter.
Quatrièmement, les professionnels médicaux en
général ont beaucoup de difficultés à
intégrer dans leurs attitudes et comportements la philosophie
d'intervention qui est spécifique à une clientèle.
Cinquièmement, les professionnels médicaux s'impliquent
très peu dans l'élaboration et l'articulation du plan
d'intervention du bénéficiaire qui est sous leurs soins.
Sixièmement, les activités médico-administratives
et préventives n'occupent pas la place qu'elles devraient dans
l'ensemble des activités du médecin.
Septièmement, le système de rémunération en
centre d'accueil est à repenser.
Quelques pistes de solutions: Comme il a déjà
été suggéré, les centres d'accueil, les centres
d'accueil d'hébergement et de réadaptation doivent définir
présentement à leur façon les besoins médicaux et
aimeraient que ces besoins soient intégrés à la
démarche du CRSSS pour l'élaboration du plan d'effectifs
médicaux prévoyant une répartition adéquate des
médecins spécialistes et omnipraticiens affectés à
la dispensation des services médicaux auprès des
bénéficiaires des centres d'accueil de leur territoire. Une
première suggestion.
Cependant, pour l'établissement de cette répartition, il
faudrait d'abord que des instruments de mesure soient mis au point afin
d'identifier avec précision les effectifs requis et que les
établissements puissent ainsi fournir un état de leurs besoins
réels à partir d'une évaluation de leur
clientèle.
Pour assurer une rémunération véritablement
adaptée aux conditions de pratique en centre d'accueil et favoriser un
meilleur recrutement des médecins, particulièrement en zones
éloignées des grands centres, nous croyons que le système
actuel de rémunération se doit d'être modifié. Par
ailleurs, il serait pertinent que toute nouvelle forme de traitement soit
suffisamment souple pour tenir compte des caractéristiques de chaque
établissement et laisser aux gestionnaires une certaine marge de
manoeuvre sur la composante médico-administrative.
Enfin, pour faciliter la préparation des médecins
désireux d'orienter leur carrière vers la pratique en centre de
réadaptation ou en centre d'hébergement, il conviendrait de
rendre plus simples les mécanismes de reconnaissance de certains centres
d'accueil comme établissements affiliés à une institution
d'enseignement. Cette démarche aurait ainsi pour effet d'accroître
le rayonnement des centres d'accueil et elle contribuerait à en faire
des lieux de pratique de premier ordre.
Nous sommes conscients, Mme la Présidente, que d'autres solutions
pourraient s'ajouter à celles que nous proposons ici et nous sommes
prêts à participer activement à toute recherche d'avenues
pouvant conduire à une amélioration sensible de la situation
présente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
M. le ministre.
M. Chevrette: Je voudrais remercier les gens des centres
d'accueil. J'aurais quatre ou cinq questions. Vous dites dans votre
mémoire qu'il y a des difficultés à voir un
spécialiste - presque au début - et vous revenez à la
réadaptation en ajoutant ceci: Lorsqu'on a un patient retardé
mentalement, les reports sur la liste se font de plus en plus grands. D'abord,
est-ce que c'est généralisé? Deuxièmement, est-ce
que c'est
pour l'ensemble de la clientèle pour ce qui est de la
deuxième partie, en réadaptation ou si c'est vraiment
exclusivement pour les patients retardés mentalement? Troisième
question, en quoi attribuez-vous les difficultés de voir un
spécialiste?
M. Dallaire: Pour les spécialistes, prenons
peut-être un premier exemple dans le cas de centres d'accueil pour
personnes avec une déficience intellectuelle. Il pourrait arriver une
intervention à caractère spécialisé tout à
coup quand la demande se fait pressante - et je pense qu'on pourrait avoir des
faits là-dessus - et on va peut-être laisser attendre un peu plus
longtemps une personne à cause, peut-être, d'un
préjugé que je ne peux pas juger. Elle sera plus longtemps sur la
liste d'attente et d'autres personnes qui sont ce qu'on appelle
généralement normales passeront avant pour une intervention
à caractère spécialisé et élective. Je pense
qu'on pourrait citer des exemples là-dessus.
C'est peut-être un peu moins évident, mais on nous
présente des choses similaires avec des personnes âgées
où on va dire: La personne étant assez vieille, à l'heure
actuelle, on peut peut-être retarder un peu l'intervention. Si le docteur
veut, compléter là-dessus, je pense que c'est ça, ta
situation. C'est une attitude plus qu'une liste de cas qui pourrait se faire
importante. On peut présenter aussi des cas de spécialistes qui
sont plus difficilement disponibles et dans les centres d'accueil pour
mésadaptés socio-affectifs je crois que ce sont surtout les
psychiatres qui sont plus difficilement disponibles dans ces centres
d'accueil.
M. Cloutier (Pierre): Les références,
effectivement, en psychiatrie, dans les cas, par exemple, de
mésadaptation sociale et, à l'occasion, de certains
handicapés mentaux où les diagnostics sont complexes, etc., cela
manque énormément. Il y a les centres d'accueil
d'assistance-maternité aussi qui ont à l'occasion des besoins de
recours aux spécialistes en psychiatrie et où on retrouve
exactement les mêmes problématiques pour pouvoir avoir
accès à ces consultations, ce qui très souvent retarde
aussi la capacité des équipes d'intervention de pouvoir commencer
un travail adéquat, d'avoir l'ensemble des informations
nécessaires pour qu'on sache alentour de quel problème on
travaille plus spécifiquement.
M. Chevrette: Une autre question. Vous dites que les
médecins ont peu ou pas d'intérêt à aller travailler
dans les centres d'accueil. Vous faites une allusion au mode de
rémunération un peu plus loin. Est-ce que ce serait une des
causes majeures? Si oui, quel type de rémunération? Avec les
projets que nous avons conclus avec la FMOQ, est- ce que vous croyez que ce
n'est pas de nature à améliorer cela?
M. Dallaire: Peut-être que je répondrais à la
première partie. C'est un des facteurs, la rémunération,
mais l'autre facteur également, ce que l'on constate
généralement et que l'on entend fréquemment, c'est que
c'est un peu moins intéressant de pratiquer dans un centre d'accueil
parce que la situation de la personne est relativement stable, les chances de
ce qu'on pourrait appeler une guérison sont peut-être un peu moins
grandes. C'est plutôt la prévention, de l'entretien, du maintien
et du développement des qualités de vie. C'est un facteur ou
c'est un secteur qui est relativement nouveau. En ce qui a trait à la
rémunération, M. Cloutier.
M. Cloutier: Une chose assez surprenante, M. Chevrette, pour
répondre à votre question: par exemple, en centre d'accueil
d'hébergement, l'acte médical est rémunéré
de 12 % ou 14 % moins qu'en centre hospitalier de soins prolongés. C'est
exactement la même clientèle ou à peu près. Je ne
sais pas scientifiquement d'où cela vient. C'est peut-être vrai
historiquement, les bases, que ça avait des nuances. Je pense
qu'aujourd'hui c'est une réalité qu'il faudrait revoir. La
distinction entre le cabinet privé et la pratique en
établissement est encore là. C'est une forme d'incitatif à
tout le moins qu'on peut qualifier. Dès le départ, l'incitation
à intéresser des futurs professionnels dans ce genre de
clientèle existe très peu. C'est très récent que
dans les universités on commence à se préoccuper de cette
dimension de la population vieillissante, par exemple. Je suis loin
d'être sûr qu'on attaque le problème avec suffisamment
d'agressivité en termes de formation, en termes de sensibilisation, de
stages que les jeunes médecins peuvent faire en formation dans les
centres d'accueil.
Par exemple, de pouvoir être affilié à un centre
universitaire pour la formation des jeunes médecins et pour les stages,
ce seraient des façons de pouvoir en intéresser un certain nombre
d'entre eux. C'est un certain nombre de facteurs cumulatifs qui font en sorte
que la pratique devient une pratique de deuxième ordre. (20 heures)
L'autre dimension - et peut-être que le Dr Lajeunesse peut ajouter
quelque chose là-dessus - c'est qu'en établissement du genre
centre d'accueil, la perception des médecins, c'est de voir une
série de clients, d'être pris entre le bureau privé et
l'hôpital, et il faut que je passe au centre d'accueil parce que j'ai
aussi mes vieux patients à aller voir là. Ils ont une moyenne
d'âge de 82 ans, on ne fera pas de hautes performances médicales
et on ne passe pas à la télévision parce
qu'on a soigné une personne âgée, vous savez. C'est
mieux de transplanter des coeurs. Vos chances sont plus grandes, en tout cas.
Dans ce sens-là, les médecins pratiquent de façon solo en
centre d'accueil et de façon très individuelle. On ne
réussit pas à créer un "noyau de discussions
scientifiques" - entre guillemets - autour de la problématique
spécifique que la gérontogériatrie apporte. Dans ce
sens-là, c'est vu comme une pratique de second ordre. Vous voyez aussi
souvent des médecins qui veulent changer leur forme de pratique - en
préretraite, par exemple - qui, pour changer de clientèle, vont
commencer à s'intéresser à la pratique en centre
d'accueil. Cela fait globalement une médecine de second ordre et la
tendance de vraiment développer un intérêt professionnel
autour de ce genre de clientèle n'est pas présente globalement
dans la société des médecins en ce moment.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Cloutier, j'aimerais vous poser une question; vous pourrez
peut-être me rafraîchir la mémoire. Les règlements de
la loi 27 ou peut-être la loi 27 elle-même - cela commence à
faire loin - ne prévoyaient-ils pas - ce n'était
évidemment pas un conseil de médecins et dentistes à
l'intérieur des centres d'accueil - un bureau médical? Est-ce que
cela est en marche? Vous dites que les médecins ont moins de motivation.
On avait senti à ce moment-là des tensions entre le personnel des
centres d'accueil et les médecins parce que, souvent - je pense que le
Dr Lajeunesse l'a mentionné, c'est-à-dire qu'elle l'a
présenté sous une autre forme - la conception des soins
n'était pas la même. D'abord, ma première question - il me
semble que c'était "bureau médical" qu'on devait l'appeler, si ma
mémoire est bonne - est-ce qu'il est en place et est-ce que cela a
permis d'apporter une meilleure cohésion ou un certain sentiment
d'appartenance au personnel médical? La deuxième partie: Est-ce
que ces tensions se sont atténuées? C'est ce que je voulais vous
demander.
M. Cloutier: Pour la deuxième partie -et j'ai
demandé à M. Quintal de vous donner l'information pour la
première partie -effectivement, on commence à pouvoir
sensibiliser les médecins à une autre forme pour aborder la
question. Je pense que le travail qui est fait en ce moment sur le terrain va
faire en sorte qu'on va diminuer les tensions dont vous parlez. La conception
des médecins qui pratiquent auprès des personnes
âgées est relativement différente. On utilise le mot
"démédicalisation" dans notre mémoire en parlant des
médecins. C'est un peu spécial, mais c'est à bon escient
qu'on le fait. Il n'est pas dans les intentions du réseau des centres
d'accueil québécois de transférer le modèle
hospitalier, curatif, avec les mêmes conceptions du rôle du
médecin dans ce genre d'équipe de travail, dans les
hôpitaux, dans les centres d'accueil. L'approche bio-psycho-sociale, cela
a peut-être l'air théorique quand on prononce le mot, mais, en
pratique, on veut vraiment tenir compte de l'ensemble des besoins des gens. On
veut que le médecin s'intéresse à ces dimensions. Dans ce
sens-là, je pense que, progressivement, il y a moyen de diminuer les
tensions et certains travaux, notamment de l'association, du ministère,
par exemple, sur le projet pilote dont on parle, des colloques qu'on
fait...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être
encore un facteur qui fasse que l'attraction, même si elle n'est pas
grande au point de départ, soit diminuée parce que cela oblige
à une forme de recyclage, si je puis dire, de la pratique
médicale.
M. Cloutier: C'est une nouvelle... Le témoignage du Dr
Lajeunesse était le plus important. Elle disait: Cela m'a obligée
à voir les choses différemment en termes de pratique de
médecin. Cela est une source de tension quand le modèle
hospitalier, par exemple, est importé dans les centres d'accueil et
d'hébergement à peu près tel quel. Cela pose un certain
nombre de problèmes parce que les autres participants de l'équipe
de santé ne voient pas tout à fait les choses de la même
façon, mais le temps joue pour nous dans ce sens-là, je pense,
malgré l'alourdissement de la clientèle. Cela est notre grande
crainte, parce que le nombre d'interventions des médecins va croissant,
c'est bien certain, et leur nécessité, à
l'intérieur de nos équipes de travail, est de plus en plus
importante.
M. Chevrette: Vous vivez les mêmes problèmes dans
les milieux externes, si j'ai bien compris votre mémoire. Exactement de
la même nature?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais avoir ma
réponse sur le bureau médical, après.
M. Dallaire: Si on prend les centres de jour pour personnes
âgées...
M. Chevrette: Excusez, j'ai interrompu madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais avoir ma
réponse sur le bureau médical.
M. Chevrette: Elle est présidente, imaginez-vous qu'il ne
faut pas faire cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II
faut dire qu'on fait cela d'une façon un peu informelle, la
période des questions. Sur le bureau médical?
M. Quintal (Jean): Oui. Au moment où on a fait une
enquête, en mars 1984, c'est-à-dire avant l'entrée en
vigueur de la nouvelle réglementation, le 1er octobre 1984, nous avions
interrogé les établissements. Sur 146 établissements qui
avaient répondu, il y en avait 50, soit 34 %, qui avaient un
médecin responsable et, possiblement - ce n'était pas
demandé officiellement - on présumait qu'il y avait au moins un
médecin responsable qui était en fonctions à ce
moment-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quant à la
réglementation, maintenant...
M. Cloutier: Je me permets d'ajouter qu'on a encore un certain
nombre de discussions avec le ministère des Affaires sociales quant
à l'application de la réglementation en question et qu'il y a des
documents-guides qui doivent paraître bientôt, dont on discute le
contenu depuis un certain temps, qui vont faire en sorte qu'on devrait pouvoir
ajouter au chiffre qu'on vous donne. Depuis octobre 1984, qui était la
date d'application, la situation s'est légèrement
améliorée, mais pas d'une façon très
significative.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que ce
n'était pas une obligation qu'il y ait cette structure à
l'intérieur du centre d'accueil?
M. Cloutier: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est dans la loi.
M. Cloutier: Ce n'est pas une obligation au sens... Il y a
différentes options qui sont données aux centres d'accueil...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Cloutier:... le conseil des médecins et dentistes,
etc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, oui.
M. Cloutier: Les gens peuvent choisir la date d'application de
ces choses. C'est un certain nombre de choix possible, mais les gens n'ont pas
encore assimilé complètement ce que veulent dire les
contenus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, normalement, il
devrait y avoir une structure quelconque qui se mette en place au niveau
médical.
M. Quintal: Le minimum étant un médecin
responsable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. D'accord.
Une voix: C'est l'évolution.
M. Girard (Jean-Marie): Ce qu'on peut vous dire là-dessus,
c'est que certaines régions n'ont même pas les médecins
nécessaires pour constituer l'équipe, parce que le choix qu'ils
font, c'est de venir uniquement à l'acte. Alors, ils ne sont pas
intéressés, en aucune façon, parce que leur
clientèle au bureau ou à l'hôpital est tellement forte...
Ils viennent nous voir, mais c'est par regorgement. Alors, ils vont faire un
choix, c'est-à-dire de venir une fois par mois ou une journée
dans la semaine pour passer peut-être les 50 bénéficiaires,
sauf qu'ils n'ont pas le goût d'aller plus loin et même, je peux
vous dire que dans la région 02 il n'y a pas un seul médecin qui
est responsable attitré. J'en avais un et il a donné sa
démission hier.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'êtes pas
chanceux.
M. Girard: On n'est pas chanceux. Au niveau de la formation des
comités, la difficulté que nous avons, c'est que les
médecins ne sont pas intéressés à y participer;
là, toute la question qui nous est posée et qu'on pose ici dans
notre mémoire est la suivante: Quelle sera la forme que cela devra
prendre en termes de souplesse? Est-ce que ce sera à vacation? Est-ce
que ce sera au salariat"? En fait, l'établissement veut vraiment avoir
la capacité de choisir le moyen qui lui sera le plus utile.
En ce qui concerne les centres de jour et les externes, le
problème s'amplifie davantage, parce qu'en réalité, si on
n'en a pas pour les résidents, en ce qui concerne les externes, souvent,
les médecins pensent que, parce que le client fait affaires avec le
centre d'accueil, tous les problèmes sont réglés. Souvent,
le médecin va se décharger de cette responsabilité en
tenant pour acquis que le centre d'accueil a pris sous sa responsabilité
la personne âgée à l'externe. Donc, pour nous, le
problème est encore plus grand, parce qu'on a à desservir aussi
cette population.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: En tenant pour acquis, à la suite des
suggestions qui ont été émises par votre groupe et par
d'autres qui ont comparu devant cette commission, que votre cas va être
calculé dans ce qu'on appelle l'établissement des effectifs
médicaux sur
une base régionale, en tenant pour acquis qu'on vous donne
raison, en vous disant qu'en ce qui concerne les médecins
généralistes le temps joue, pour utiliser votre expression, en
votre faveur, il m'apparaît, suivant une des conclusions qu'on retrouve
à la page 20 de votre mémoire et qui parle des services
médicaux spécialisés, et suivant d'autres
témoignages qu'on a recueillis au cours de cette commission
parlementaire, que sur le plan des spécialistes, non seulement le temps
ne joue pas en votre faveur, mais le temps joue en votre défaveur et
cela risque de s'aggraver. Le problème que vous vivez
présentement, de quelle façon percevez-vous cela?
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre les autres
mémoires, la question des 60 %-40 %, du contingentement en ce qui
concerne les spécialistes, etc. Est-ce que vous avez des recommandations
à nous faire ou si ce que je viens de vous dire ne vous apparaît
pas comme un problème?
M. Dallaire: C'est le même problème,
c'est-à-dire qu'il est extrêmement difficile d'avoir un
spécialiste pour une intervention, disons, au centre d'accueil. C'est
presque impensable. Donc, c'est le transport vers le centre
spécialisé au départ. La consultation sur place, ce n'est
pas pensable comme premier point.
Deuxièmement, le spécialiste n'est pas si facilement
accessible que cela, surtout si on prend l'exemple des personnes avec un
handicap intellectuel. On va les mettre sur la liste et on va les laisser
attendre; ils peuvent attendre assez longtemps. Ce n'est pas facile non plus
d'obtenir une intervention, disons, une chirurgie corrective. Tout à
coup, on va dire: Cela dépend, etc. La chirurgie corrective n'arrivera
pas à moins qu'il y ait de bonnes pressions du groupe du centre
d'accueil pour définir que cette chirurgie est importante pour le
développement de la personne. Non, on est dans la même situation
que celle que vous mentionnez. Ce n'est pas plus facile
présentement.
M. Paradis: Maintenant, sans faire la lecture, dans les
paragraphes quatre, cinq ou six, en des termes tellement bien dits, vous
reflétez une situation que vous semblez vivre, c'est-à-dire cette
absence d'intérêt, si je peux utiliser ce terme,
multidisciplinaire de l'ensemble des médecins, que ce soient les
médecins spécialistes ou les médecins omnipraticiens.
Disons qu'au point de vue de la fréquence de l'acte, le temps
joue en votre faveur avec des effectifs mieux répartis, etc., mais sur
cette question de l'attitude multidisciplinaire du corps médical, est-ce
que vous avez l'impression qu'il y a des progrès qui s'effectuent et qui
sont quantifiables de mois en mois dans les expériences que vous
vivez?
M. Cloutier: De mois en mois, vous savez, la plus grande
qualité c'est d'être jeune dans ce genre de dossier, ce qui est de
moins en moins mon cas. Le fait que le nombre de personnes âgées
va devenir un problème très crucial - et on en parlait
récemment à cette même place au sujet des relations du
travail et des négociations - va faire en sorte que le système
médical et de santé social va lui-même être
confronté à la situation. Cela, c'est une marche de
non-retour.
Dans ce sens, le nombre de médecins quotidiennement
confrontés à des problèmes de personnes âgées
va faire en sorte qu'ils vont devoir se préoccuper de cela davantage. Je
pense que le constat qu'ils vont faire, obligatoirement, c'est celui que le Dr
Lajeunesse a fait peut-être dix ans avant les autres, c'est de constater
que les personnes âgées, notamment en centre d'accueil, mais aussi
comme personnes âgées, ne se traitent pas totalement comme
l'ensemble de la population. Il y a des besoins spécifiques et il y a
des façons particulières d'intervenir.
La notion d'équipe multidisciplinaire, pour ce qui est des
centres d'accueil, c'est une volonté ferme que cela puisse s'installer,
et du côté de l'association c'est une idée qu'on
défend et qu'on continue de promouvoir. Je pense que les gens qui vont
venir y travailler vont devoir regarder cela de près. Juste le papier
qui s'appelle chez nous le "plan d'intervention" oblige un certain nombre de
personnes à s'asseoir alentour des tables, donc des
médecins...
M. Paradis: Mais sur le plan de la formation - parce qu'il faut
toujours remonter à la source - ce qui se produit dans le système
universitaire - les contacts que vous avez ou que vous n'avez pas, je ne sais
pas, avec le milieu universitaire - vous permet-il de percevoir sur le plan de
la formation du médecin comme tel une amélioration dans cette
direction?
M. Dallaire: Ce sont pratiquement les premiers cours qui
commencent à se donner. Docteur, je vais vous laisser... (20 h 15)
Mme Lajeunesse: Oui, Il y a effectivement une
amélioration, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les hôpitaux.
Dans certains hôpitaux où on a des unités de
gériatrie, actuellement je pense que le stage est volontaire, mais je
crois qu'il va devenir obligatoire. Alors, à ce moment, je pense que les
médecins, en ayant une approche beaucoup plus globale, vont
réaliser que la médecine gériatrique ce n'est pas une
médecine d'adultes habituelle. Ils vont répondre, à ce
moment-là beaucoup mieux.
M. Paradis: Est-ce que je peux conclure en disant que sur le plan
de l'omnipraticien et même de celui qui se spécialise en
gériatrie - si on peut utiliser cette expression parce que c'est un
contentieux qui n'est pas encore réglé, en gériatrie -
l'avenir semble prometteur? Sur le plan des spécialistes il semble y
avoir des carences?
Mme Lajeunesse: Oui.
M. Cloutier: Dans la mesure où on va sensibiliser
dès le départ les jeunes médecins à l'importance de
la clientèle à laquelle ils vont avoir à répondre
tantôt... Cela représente presque 20 % au moins des clients qu'ils
vont voir à leur bureau; c'est 10 % de la population, mais c'est au
moins le double de visites de la moyenne des autres. Cela veut dire que, une
fois sur cinq, ils vont être confrontés à ces
problèmes. J'ai l'impression qu'ils vont devoir s'y
intéresser.
Je veux vous citer deux autres choses. La première, c'est qu'on a
fait un colloque au mois d'octobre sur la pratique médicale en centre
d'accueil et il y avait 110 médecins qui travaillent en centre d'accueil
à ce colloque parmi 350, 400 personnes qui y ont assisté. Pour
moi, c'est le genre de choses qui, je pense, nous permettent d'entrevoir que
les gens commencent à s'intéresser à cela.
Par contre, négativement, je dois vous dire que les milieux
universitaires, étant donné la situation presque intellectuelle
des centres... il n'y a pas beaucoup de grands spécialistes en centre
d'accueil et d'hébergement notamment, il n'y a pas de grands docteurs
pour préparer des projets de recherche. À peu près tous
les projets de recherche - ce n'est pas à peu près, c'est tous
les projets de recherche - présentés par un centre d'accueil
ordinaire - du vrai monde qui fait de l'ouvrage sur le terrain, et j'ai des
exemples à vous donner en liste, sériés -sont
refusés parce que ce n'est pas signé par un Ph. D. de telle
place, et que les recherches on se distribue cela entre nous. Bien sûr,
on n'est pas dans ce circuit parce que nous sommes avec des
préposés aux bénéficiaires, des infirmières
et des auxiliaires qui font du travail sur le terrain.
En termes d'intérêt scientifique et de faire en sorte que
les facultés de médecine et autres développent des
perspectives sur ce genre de choses, je vous dis: Là-dessus, je suis
beaucoup trop vieux pour pouvoir voir comment on va en sortir. On ne l'a pas,
l'affaire. C'est une dimension qui n'est pas sans signification. On est dans
des milieux de professionnels, d'intellectuels qui s'intéressent
à la dimension scientifique. On n'en fait pas de recherche en centre
d'accueil; on en fait peut-être dans quelques cercles universitaires mais
cela n'atterrit pas chez nous, on n'est pas connecté là-dessus et
les pistes, en ce moment, ne sont pas établies pour que cela puisse se
faire; cela, c'est grave. Excusez-moi.
M. Paradis: Pas d'excuse, il n'y a pas d'offense.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux dire à
l'ACAQ que je trouve son approche intéressante, sur le plan des
effectifs médicaux. Je partage votre point de vue. Je trouve
intéressant, également, la perspective de faire en sorte que les
centres d'accueil puissent être affiliés à certains centres
universitaires. On pourra en parler plus longuement si l'occasion nous est
donnée prochainement. Je trouve intéressant cette perspective
d'ouverture et de faire en sorte d'humaniser les soins dans les centre
d'accueil. Je voudrais vous féliciter, vous avez fait cela comme une
équipe multidisciplinaire. Je voudrais également souhaiter bonne
chance au président; il va faire un excellent directeur
d'hôpitaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui devient directeur
d'hôpital?
M. Chevrette: M. Dallaire. Une voix: Quel
hôpital?
M. Chevrette: À Saint-Georges de Beauce.
M. Paradis: Brome-Missisquoi va perdre un autre actif.
M. Dallaire: On pourra négocier tout à l'heure.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup
et je pense que vous avez été obligés aussi de produire
cela assez rapidement, compte tenu du fait que la communication ne s'est pas
faite dès le début.
M. Cloutier: C'est heureux, c'était une longue fin de
semaine.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela a l'air qu'on a tous
eu le même sort. Merci beaucoup et à bientôt.
M. Dallaire: On vous remercie beaucoup, Mme la Présidente
et messieurs de la commission. Et je pense que, là-dessus, pour nous,
c'est encore un sujet de recherche et on participera certainement à
toutes les démarches qui continueront dans ce domaine.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien. Nous
ajournons les travaux de la commission à demain, 23 mai, à 10
heures.
(Fin de la séance à 20 h 20)