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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 22 mai 1985 - Vol. 28 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur les horaires de gardes supplémentaires des médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique et la planification de la main-d'oeuvre médicale


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales commence sa deuxième session de consultation qui a comme mandat principal d'examiner les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique et également la planification de la main-d'oeuvre médicale et la surveillance dans les urgences.

Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blouin (Rousseau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M. Gravel (Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Middlemiss (Pontiac), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Paré (Shefford), M. Pratt (Marie-Victorin), M. Sirros (Laurier). Il y a des remplacements: M. Bissonnet (Jeanne-Mance) est remplacé par Mme Dougherty (Jacques-Cartier) et M. Sirros (Laurier) est remplacé par M. French (Westmount).

Pour commencer, nous allons entendre ce matin l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec et la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Je voudrais simplement avertir mes collègues qui n'étaient pas ici hier que cet après-midi nous siégerons, après les affaires courantes, sans arrêt jusqu'à 20 heures au moins. Pardon?

M. French: C'est arrangé?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah, oui, tout cela est réglé.

D'abord, je veux souhaiter la bienvenue - ce sont des habitués des commissions parlementaires - è l'Association des hôpitaux du Québec. Je vais demander au Dr Roy de présenter ses collègues et, ensuite, de procéder à la présentation du mémoire, pour laquelle présentation 20 minutes vous sont allouées. Par la suite, les intervenants de chaque côté auront 20 minutes chacun pour les questions, chacun ne devant pas excéder 10 minutes à la fois. Comme il n'y aura pas beaucoup de fois, ce sera peut-être simplement dix minutes. M. le président.

Association des hôpitaux du Québec

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi d'abord de présenter les membres de l'association. À mon extrême droite, le Dr Roger Maltais, directeur des services professionnels à l'hôpital Notre-Dame de Montréal; M. Pierre Larouche, directeur général du Centre de santé Sainte-Famille et membre du conseil d'administration de l'AHQ, et M. Normand Simoneau, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et membre de l'exécutif du conseil d'administration de l'AHQ. Â mon extrême gauche, M. Robert Beaulieu, directeur général du Centre hospitalier de Matane et membre de l'exécutif du conseil d'administration de l'AHQ, et le Dr Gilles Lagacé, directeur à la direction de l'Organisation des services de santé de l'AHQ.

Notre mémoire vous a été envoyé et a été déposé. Nous considérons qu'il doit faire partie des minutes de votre commission parce que, aujourd'hui, nous n'allons faire qu'un résumé de ce mémoire.

Quelques mots d'abord pour vous remercier de l'invitation qui vous a été spécifiquement transmise de vous rencontrer afin de vous faire connaître le point de vue de nos membres sur les diverses questions faisant l'objet de ces séances particulières.

Soulignons notre intérêt. Notre association regroupe en effet tous les centres hospitaliers du Québec qui se sont vu confier par l'État le soin de distribuer aux 6 000 000 de Québécois une variété de services de santé et qui accueillent en leurs murs une large partie de la main-d'oeuvre médicale du Québec.

Comme nous avons eu aussi l'occasion de le faire connaître à plusieurs reprises, ce sont précisément ces centres hospitaliers et les Québécois qu'ils desservent qui subissent les contrecoups d'une absence de politique en matière de planification de la main-d'oeuvre médicale.

L'initiative du gouvernement et du ministre des Affaires sociales ne peut donc qu'être bien accueillie. D'autre part, il nous faut de plus mentionner que nous regroupons

aussi tous les centres hospitaliers du Québec à qui il est reconnu une mission d'enseignement universitaire de la médecine.

Horaires de gardes et, unités d'enseignement clinique. La garde en centre hospitalier universitaire. Rappelons d'abord que depuis de nombreuses années l'Association des hôpitaux du Québec a été impliquée d'une façon ou d'une autre dans les négociations collectives ayant eu cours avec la Fédération des médecins internes et résidents du Québec, les centres hospitaliers se voyant accolés, pour les besoins de la cause, le titre d'employeur.

Ces négociations ont en effet toujours revêtu un caractère particulier de par la nature même de la situation, les résidents et internes étant avant tout des étudiants. Ce phénomène particulier fait aussi que nombre de distinctions doivent souvent, être faites entre ce qui revêt un caractère pédagogique et ce qui est du domaine du service. La question de la garde comporte donc deux volets. Bien qu'il ne nous revienne pas de statuer sur les aspects pédagogiques, notre compréhension des choses est que les obligations de garde découlant des ententes en cours rencontrent généralement les vues des facultés de médecine.

À moins donc que, de façon particulière, les universités fassent connaître ou prévoient d'autres dispositions ou impératifs, les centres hospitaliers que nous représentons ne voient pas la nécessité d'aller au-delà de ces exigences.

C'est aussi le cas, en principe, en ce qui concerne les gardes reliées au service. De l'avis des centres hospitaliers d'enseignement, les effectifs médicaux y ayant des privilèges sont généralement en nombre adéquat pour assurer une couverture continue.

Ces choses étant énoncées, nous ne sommes pas non plus sans ignorer la longue tradition prévalant, qui fait en sorte que l'interne et le résident ont compensé l'apport de leurs maîtres en assumant une présence lors des gardes. Faut-il encore là nuancer et souligner la nécessité de maintenir dans l'établissement et en tout temps la présence d'un médecin ayant statut et privilèges. La qualité du service le commande.

L'ensemble de ces pratiques, quant à la garde, se comprennent quoique mises en cause, et nous vivons une période d'ajustement face aux demandes pressantes d'une augmentation de la qualité de vie de ceux qui pratiquent ou étudient la médecine.

Comment en arriver à une situation satisfaisante? Il nous apparaît douteux que l'on puisse apporter une solution définitive aujourd'hui. Toutefois, telle nous semble être la vraie question. Elle trouvera probablement sa réponse dans un cadre différent, soit celui de la négociation. (10 h 15)

Les unités d'enseignement clinique. Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, dans un guide documentaire publié en décembre 1982, suggère les principaux paramètres devant présider à l'établissement des unités d'enseignement clinique. Ceux-ci reconnaissent les points de vue des hôpitaux d'enseignement et, à notre connaissance, ceux de la Corporation des médecins du Québec. Les hôpitaux y ont d'ailleurs tous souscrits dans la mesure de leurs moyens et selon les exigences des contrats d'affiliation les liant aux universités et aux facultés de médecine. Il appartient à celles-ci de déterminer et de faire connaître leurs propres exigences aux établissements avec lesquels elles se lient et même de décider si une unité satisfait à leurs conditions.

Référant à une certaine conception de la formation médicale, des exigences particulières peuvent être mises de l'avant. D'autre part, il faut bien comprendre que la réalité de chaque hôpital peut largement affecter toute vision théorique des choses, toute idéale soit-elle et bien intentionnée.

Avec près de 20 %, et quelque fois plus, de leurs lits consacrés aux malades chroniques ou de soins prolongés, les centres hospitaliers d'enseignement universitaire ne peuvent pas toujours offrir aux internes et résidents l'éventail de tous les cas pouvant présenter l'intérêt clinique désiré. Les contraintes financières affectant le personnel et la disponibilité des lits sont autant de facteurs additionnels avec lesquels il faut composer. La réalité des divers aménagements physiques, l'ampleur relative des départements et services cliniques et des spécialités qu'ils englobent sont aussi d'autres éléments limitatifs. Voilà pourquoi la réalité actuelle, au chapitre de l'organisation des unités d'enseignement, prend autant de formes.

Planification de la main-d'oeuvre médicale. Permettez-nous maintenant, Mme la Présidente, d'aborder la question de la planification et de la main-d'oeuvre médicale. Notre message sur ce sujet comporte deux points majeurs. D'abord, nous vous ferons part de notre réflexion sur les objectifs que devrait viser une véritable politique de planification de la main-d'oeuvre médicale et sur la démarche nécessaire pour y arriver.

Ensuite, nous aborderons une situation très concrète et malheureusement dramatique, soit celle de la pénurie d'effectifs médicaux au niveau des établissements des régions périphériques.

Sachez d'abord que nous sommes extrêmement satisfaits d'assister à la manifestation d'une volonté gouvernementale d'enfin doter le Québec de l'outil essentiel que constituera une telle politique.

Les objectifs. Cette planification devra d'abord reposer sur un objectif clair quant au

niveau visé de fourniture de soins à la population. La méthode de détermination de cet objectif de soins et de services devra aller au-delà des ratios couramment utilisés et tenir très largement compte des besoins identifiés dans le milieu ainsi que de l'évolution des besoins et des modes de pratique médicale.

Au-delà de cette analyse, il demeure évident que l'État devra faire des choix entre ce qui est souhaitable en termes de quantité d'effectifs et ce qui est économiquement réalisable.

Cet outil de planification devra aussi être spécifique quant aux types d'effectifs requis. Ainsi, il devra préciser les effectifs requis selon les spécialités, en tenant compte des pénuries dans certaines d'entre elles, notamment l'anesthésie et la psychiatrie, et de leur répartition très inégale sur le territoire.

Toujours à ce niveau, la planification devra aussi définir ces types d'effectifs selon les divers contextes de pratique au Québec, que ce soit en milieu urbain et universitaire ou en région périphérique. D'autre part, la planification de la main-d'oeuvre doit aussi se soucier de l'intégration des médecins immigrants. D'abord, il faut reconnaître le fait que la réalisation des objectifs de l'enseignement peut requérir l'apport de spécialistes étrangers dans des domaines de pointe. Cet apport doit être rendu plus facilement possible. Quant aux médecins immigrants arrivés d'eux-mêmes au Québec, tout en tenant compte de la dimension humaine du problème, il faudrait vraiment considérer qu'après avoir reçu les compléments de formation requis, ils puissent jouer un rôle actif et correspondant à nos besoins au niveau de la pratique active, particulièrement au niveau des régions périphériques.

D'autre part, il ne serait être question de voir en cela un moyen à long terme de satisfaire aux besoins de ces régions. Enfin, une politique de planification de la main-d'oeuvre médicale devra se faire une priorité d'assurer une répartition équitable de ces ressources sur le territoire du Québec.

La répartition des effectifs. Cet objectif de répartition équitable des ressources concerne au plus haut point le fonctionnement des centres hospitaliers et, à ce titre, permettez-nous de préciser nos vues sur ce sujet. Rappelons d'abord qu'il y a presque exactement un an, l'Association des hôpitaux du Québec déplorait l'inaction dans ce domaine et réclamait du ministre une action énergique à court terme. Notre demande comportait deux mesures urgentes de base: exiger des plans d'effectifs médicaux ayant une portée territoriale et geler par spécialités des effectifs médicaux admissibles au régime de l'assurance-maladie dans des régions excédentaires.

Idéalistes et croyant que nous n'étions pas les seuls à en faire une urgence, nous espérions une action pour le 1er juillet 1984. L'action ferme attendue s'est transformée en mesure palliative et incitative. En désespoir de cause, nous y avions d'ailleurs consenti, le gouvernement et les fédérations ayant laissé entendre avoir la solution en poche, nous avions toutefois promis de nous faire réentendre dans un an pour exiger des comptes. Le résultat, un an après, est que la situation s'aggrave au Heu de s'améliorer. Comme exemple de ce constat d'échec, selon nos informations, les régions de l'Outaouais, de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Gaspésie ont moins de ressources médicales maintenant qu'elles n'en avaient. La commission comprendra, nous l'espérons, l'urgence de la situation, particulièrement au niveau de nos besoins en spécialistes.

Le problème est donc constant. Ainsi faute de n'avoir pu agir, ou plus simplement de n'avoir pas agi au niveau des causes mêmes du problème, les écarts entre les régions bien pourvues et les régions en pénurie s'accentuent plutôt que de se résorber. Les régions périphériques n'arrivent même pas à retenir les quelques médecins de passage qui viennent soulager temporairement leur déficit chronique.

Un sondage récent de l'Association des hôpitaux du Québec auprès de ses membres faisait ressortir un besoin net de 332 médecins additionnels pour les seules régions de la Côte-Nord, de l'Abitibi-Témiscamingue et du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. De ce nombre, 136 omnipraticiens et 33 psychiatres étaient requis.

De plus, ce même sondage faisait ressortir une facette du problème qui passe souvent inaperçue, soit celle des écarts entre établissements ou sous-régions de régions théoriquement bien pourvues. Ainsi, pour les secteurs des régions intermédiaires du Saguenay--Lac-Saint-Jean, de Trois-Rivières, de Laurentides-Lanaudière, de la Montérégie et de l'Outaouais, il y a un manque de 530 médecins, dont 113 omnipraticiens.

Ces besoins, ce sont les établissements de santé qui sont les mieux placés pour les poser; ils vivent les problèmes dans leur fonctionnement et ils connaissent bien les particularités propres à leur situation. Ils devront donc être au premier plan lors de la mise en place de solutions.

Limites des mesures palliatives. Sommairement, les mesures palliatives mises en place jusqu'à maintenant ont toutes en commun d'inciter, de pallier des situations, de faciliter, mais aucune d'elles n'agit clairement à fond, au coeur du problème.

Ainsi, les incitatifs financiers et leur contrepartie, les mesures de désincitation à la pratique en milieu urbain, n'ont pas eu les effets magiques escomptés. Lorsqu'elles ne sont pas carrément contournées, elles

peuvent agir comme "faciliteur", mais sans plus.

Les incitatifs financiers ont sûrement une certaine utilité, mais agir par cette seule voie conduirait vite à une surenchère inacceptable.

Des mesures comme le jumelage des ressources et l'itinérance, si elles permettent de procurer des services ponctuels, ne sont en rien une réponse aux besoins de ressources permanentes sur place. De plus, elles ont en commun d'accentuer la dépendance des régions périphériques à l'égard des centres urbains. Quant à l'itinérance en particulier, lorsque cette mesure commence à s'ériger en système permanent, par-dessus et malgré le système officiel de dispensation des soins, et quand ce système devient, pour les distributeurs de soins urbains, un moyen avantageux d'étendre leur clientèle tout en compensant pour les tarifs réduits en régions favorisées, on peut se demander qui profite de cette mesure palliative.

Il faut bien se comprendre: les régions périphériques ne veulent pas devenir des succursales des entreprises urbaines de distribution de soins. La qualité et la continuité des soins exigent que ces régions aient des ressources permanentes sur place qui participent à la vie des établissements et qui s'intègrent aux communautés desservies.

À ces mesures s'ajoutent des efforts de promotion et de recrutement effectués par les établissements ou regroupements d'établissements des régions périphériques. Malgré leurs efforts, on comprendra la difficulté pour eux de convaincre les candidats dans le contexte actuel.

Enfin, l'élaboration des plans d'effectifs médicaux apparaît beaucoup plus prometteuse. Cependant, le fait qu'elle puisse être utilisée comme outil de gestion plus directe des effectifs explique sans doute ses résultats décevants.

Que faut-il retenir des quelques mesures qui viennent d'être énumérées? En termes d'efficacité d'abord, elles semblent toutes avoir en commun, soit à cause de leur caractère palliatif ou à cause de la façon dont elles sont appliquées ou contournées, d'être des tentatives accessoires qui, à la limite, permettent à peine de minimiser le problème d'effectifs permanents sur place et d'empêcher que n'éclatent plus souvent des crises nécessitant l'intervention du ministre.

On se rend bien compte, à la lumière de l'expérience acquise, que le problème est profond. Le régime de santé reconnaît toujours fondamentalement le libre choix du lieu de pratique par le médecin et plusieurs facteurs, autant au niveau de sa formation initiale, de sa vie professionnelle que de sa vie sociale l'incitent à choisir la pratique en milieu urbain. La politique de la planification de la main-d'oeuvre médicale doit briser ce cercle vicieux et cesser d'agir seulement au niveau des facteurs secondaires.

Les solutions minimales. Nous proposons trois moyens qui nous semblent essentiels dans le cadre de cette politique. À l'intérieur de ces moyens, certaines actions devraient être posées à très court terme. Le premier moyen est le maintien des mesures incitatives jusqu'à leur réévaluation et leur décentralisation. La mise en place de la planification de la main-d'oeuvre médicale devra, pour les régions éloignées, permettre une implication maximale des représentants des établissements visés. Ces établissements devront, à court terme, avoir clairement une plus grande marge de manoeuvre financière et opérationnelle aux fins de recrutement de médecins et de retention de ceux qu'ils ont recrutés ou qui oeuvrent en pratique privée sur leur territoire.

De même, comme les établissements de ces régions ont fait leurs plans d'effectifs médicaux, ils pourraient gérer eux-mêmes un budget de carence proportionnel à l'écart entre les ressources qu'on leur reconnaît comme nécessaires et celles dont ils disposent. Ce budget permettrait d'acheter des services essentiels, d'autoriser des vacations et de rentabiliser au maximum la gestion des mesures incitatives.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous pourriez accélérer un peu parce que vous avez déjà dépassé un peu vos vingt minutes.

M. Roy (Gérard): D'accord. Si ces établissements ont pu gérer la crise aussi longtemps et dans de telles conditions, il leur revient d'en gérer au moins partiellement les solutions.

Notre deuxième proposition concerne la formation. Bien que certaines mesures gravitant autour de la formation aient été prises, il nous semble essentiel de questionner cette fois le contenu et le cadre général de la formation. Même avec l'ajout éventuel d'une année additionnelle de formation et en espérant qu'on puisse profiter de cette année pour mieux préparer les médecins à un cadre de pratique correspondant à celui des régions périphériques, il demeure nécessaire de cultiver, dès le début de la formation, l'idée qu'il est possible de pratiquer une médecine de qualité et qui soit valorisante en régions périphériques. Les universités et les centres cliniques d'enseignement ne doivent pas se limiter à former leur propre relève. S'il est impossible d'y arriver dans le cadre actuel, c'est peut-être ce cadre qu'il faudrait examiner. (10 h 30)

Notre dernière proposition concerne les plans d'effectifs. Parmi les moyens mis en place, l'élaboration et la mise en application

des plans d'effectifs médicaux constituent sans contredit le moyen le plus direct, à condition qu'ils soient élaborés, approuvés de façon objective, et surtout appliqués.

Il demeure évident qu'un tel exercice doit reposer sur une volonté politique et une implication très active et directe du ministère, cela afin d'assurer que tous ceux qui doivent préparer et évaluer ces plans d'effectifs le fassent, et cela à l'aide de règles comparables.

De plus, pour traduire une vision complète des besoins, ces plans devraient, au niveau régional du moins, inclure aussi les ressources des autres types d'établissements et de celles qui oeuvrent en pratique privée. Des plans d'effectifs territoriaux nous apparaissent en effet comme des prérequis à toute gestion efficace de ces ressources.

A la suite de leur élaboration, c'est au ministère qu'il appartiendra de les utiliser de façon très coercitive, au besoin. Nous insistons cependant pour réclamer que les mesures qui découleront de ces plans d'effectifs aient la vigueur et le pouvoir de contrainte suffisants pour donner des résultats. Qu'il s'agisse du gel des effectifs par spécialité dans les régions bien pourvues, de mesures liées à l'affiliation d'un nouveau médecin au régime d'assurance-maladie ou de mesures prévoyant et rendant possible la gestion d'une masse limite d'effectifs ou de postes par région, les moyens choisis devront être suffisamment clairs et directs pour éviter toute récupération ou tout détournement. Si cette orientation est retenue par le ministère, le problème des effectifs médicaux devrait être ainsi réglé à moyen terme. Si l'on continue de se reposer uniquement sur des palliatifs, nous nous reverrons très régulièrement en commission parlementaire.

Nous voudrions, pour conclure, revenir sur certains messages particuliers. Tout d'abord, il importe de retenir, en regard des problèmes reliés aux conditions de vie et d'apprentissage de nos internes et résidents, qu'ils traduisent les importants bouleversements qui s'enclenchent depuis quelques années en matière de pratique médicale.

La transition, quoique pressante, nécessitera quand même un peu de temps. Patrons et étudiants devront accepter certains compromis en ayant soin de toujours placer comme balises la continuité et la qualité des services à être rendus à la population. Cette dernière remarque n'a pas été posée dans le but d'atténuer la transformation en cours, loin de là. Cet appel à la reconnaissance des droits des bénéficiaires commande l'action énergique que le gouvernement doit entreprendre en matière de planification de la main-d'oeuvre médicale et, en particulier, quant à sa répartition sur le territoire. Un an après la table de concertation formée par le prédécesseur de l'actuel ministre des Affaires sociales, la situation vécue est généralement pire.

Il est impératif que le gouvernement agisse et que, par la voie des plans d'effectifs médicaux, il assure lui-même l'atteinte de l'objectif. Cette volonté politique doit être à la mesure même de la gravité des situations. D'autre part, la planification de la main-d'oeuvre, sa répartition sur le territoire, les plans d'effectifs médicaux ne devraient pas être objets de négociation.

Tout en excluant de la négociation certaines questions affectant le droit des citoyens aux services médicaux, le législateur devrait reconnaître la nécessité de déplacer les positions actuellement occupées par le gouvernement et les centres hospitaliers en matière de négociation avec les professionnels de la santé. Il ne peut être raisonnable de rendre les hôpitaux responsables de leurs dépenses, de la dispensation des services à la population et de l'atteinte d'objectifs de santé sans qu'ils n'aient de voix déterminante en regard de leur main-d'oeuvre médicale ou autre.

Mme la Présidente, telles sont les principales observations que nous voulions porter à l'attention de la commission. Les hôpitaux du Québec souhaitent ardemment être associés aux lendemains de vos travaux et leur coopération vous est acquise. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais tout d'abord remercier l'AHQ de ses commentaires sur les deux questions qu'on lui avait posées.

J'ai quelques questions. Tout d'abord, sur la garde à l'urgence, j'ai bien compris que vous vous déclarez complètement en faveur de cette obligation qui est donnée aux centres hospitaliers, l'aimerais, d'autre part, que vous commentiez la nouvelle d'hier soir - j'ai eu la chance de m'échapper à temps pour prendre les nouvelles régionales de Québec. On disait que des hôpitaux sont récalcitrants et que la corporation des médecins interviendra. Considérez-vous que c'est une obligation ferme de la part des centres hospitaliers de se conformer en particulier aux gardes de nuit?

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, quant à la garde à l'urgence, l'Association des hôpitaux du Québec est nettement en faveur que, dans les urgences, il y ait de façon continuelle un médecin ayant droit de pratique et d'exercice à l'hôpital de façon permanente. C'est une chose dont on a discuté à maintes et maintes reprises. Si on

exige dans les hôpitaux régionaux de 125 lits un médecin, à plus forte raison dans les hôpitaux de plus grande envergure.

M. Chevrette: Si j'ai toujours bien compris les nouvelles hier soir, il y en avait, dans la région 03, Québec, trois sur un total de quinze ou onze hôpitaux au niveau national. Quelles sont les démarches que l'AHQ fait pour assurer que ces centres hospitaliers se conforment à ces directives ou à ces normes?

M. Roy (Gérard): Disons que l'AHQ, dans ce contexte-là, ne peut que faire des recommandations très fermes. Elle n'a pas d'autorité directe sur les établissements, mais on peut faire des recommandations aux établissements de respecter ces exigences et tenter de les persuader avec la collaboration de la corporation des médecins du Québec, et peut-être aussi des fédérations de médecins, parce que, évidemment, ce ne sont pas les hôpitaux qui font la garde, ce sont les médecins qui assurent la garde. Je pense qu'il faut absolument leur collaboration.

M. Chevrette: En ce qui regarde la négociation, je dois vous donner raison sur la façon dont cela s'est déroulé. Effectivement, la négociation avec la FMRIQ a exclu, à toutes fins utiles, les centres hospitaliers de cette négociation et je dois vous dire que ce n'est pas le régime le plus correct que j'ai vu en ce sens qu'il y a une foule d'intervenants, y compris les universités, dans le fond: les centres hospitaliers, le ministère et on se retrouve à une table de négociation où le ministère doit supporter toute la pression de la négociation alors que cela pourrait très bien être partagé avec les centres hospitaliers et les universités, soit dit en passant, ce qui pourrait être moins lourd. D'autant plus qu'il y a une aberration dans ce système, à savoir que, sans avoir l'autorité directe sur les résidents ou les internes, il n'en demeure pas moins que, pour les horaires de travail, il y a sûrement une concertation entre le DSP et le professeur ou le superviseur. Comment verriez-vous votre rôle à cette table de négociation si, éventuellement, on devait vous faire place?

M. Roy (Gérard): L'AHQ, à cette table de négociations... Évidemment, les résidents et internes travaillent dans nos établissements. Il y a une foule d'actes qu'ils posent qui ont des répercussions sur le fonctionnement de l'établissement. Alors, nous voudrions, à cette table, être partenaires pour discuter avec le ministère et les universités de toutes les conditions de travail de ces résidents et internes. Il est évident que le quantum salarial est toujours déterminé par le Conseil du trésor ou le ministère des Affaires sociales, mais les autres conditions, en ce qui regarde particulièrement les horaires de travail, cela doit regarder les établissements, puisqu'ils travaillent dans nos milieux et qu'on a la responsabilité de maintenir les services et de faire de l'enseignement.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez un rôle à jouer pour le respect des gardes 1-4, 1-3 ou si c'est vraiment le superviseur qui a la responsabilité de respecter cette clause du contrat collectif que nous avons signé avec les résidents et internes?

M. Roy (Gérard): En dernier ressort, nous avons cette responsabilité, mais il faut tenir compte des gens qui travaillent avec nous, soit les médecins et les enseignants. Il est sûr que nous pouvons user de persuasion et de discussion avec les autres intervenants. D'ailleurs, sur ce sujet, on se demande s'il n'y a pas exagération du problème parce qu'on a fait un tour d'horizon dans tous les secteurs universitaires et cela ne se répète qu'à quelques unités près, quelques cas près. On faisait le tour hier soir et on se disait, par exemple: Dans plusieurs universités, il n'y a pas de problème et dans plusieurs hôpitaux il n'y en a pas. Il y a quelques cas et peut-être sporadiques. Souvent, les internes et résidents sont consentants à cause de leur enseignement.

Je pense que dans ce contexte nous sommes d'accord avec votre ombudsman que vous avez mentionné et nous pourrions comptabiliser les cas qui existent. Étant donné le petit nombre de cas, nous pourrions trouver une solution ad hoc et ne pas en faire un problème majeur.

M. Chevrette: M. Roy, vous venez d'affirmer qu'en ce qui a trait à la négociation avec la FMRIQ vous avez un rôle à jouer et que vous entendez le jouer au niveau de la négociation des gardes, etc. Comment pouvez-vous concilier cela avec votre première réponse que vous m'avez donnée selon laquelle vous dites ne pas avoir de responsabilité quant aux surveillants de ces mêmes types pour lesquels vous voulez négocier?

M. Roy (Gérard): Voulez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?

M. Chevrette: Je vais reprendre ma question. À une première question tantôt, vous avez dit: Nous sommes prêts à appuyer la corporation des médecins parce que, dans le fond, on n'a pas de responsabilité, on n'a pas d'autorité, sauf une certaine autorité morale. Dans le cas des résidents et internes, vous dites: On veut négocier avec le gouvernement. C'est anormal qu'on ne soit pas à la table pour négocier parce que, après tout, ils travaillent sous notre gouverne et

on a autorité. Vous avez une autorité pour les résidents et internes et vous dites ne pas en avoir pour ceux qui les surveillent et qui jugent les résidents et internes. J'aimerais que vous conciliez cela.

M. Roy (Gérard): Les résidents et internes sont des salariés qui sont payés par la Régie de l'assurance-maladie. mais par une facture que l'hôpital présente à la régie. Tandis que les médecins ou les enseignants, ce sont des entrepreneurs indépendants qui travaillent dans l'hôpital et qui viennent travailler sur des privilèges. Nous n'avons pas toute l'autorité sur eux; c'est une autorité qui est partagée avec le Conseil des médecins et dentistes et l'université. Les lois qui nous régissent actuellement font que l'autorité qu'on a sur les médecins n'est pas une autorité hiérarchique comme celle qu'on a sur les internes et résidents. Peut-être que le Dr Lagacé aurait quelque chose à ajouter.

M. Lagacé (Gilles): Je pense qu'il s'agit de deux niveaux différents de problèmes. Lorsque le Dr Roy disait tout à l'heure qu'on n'avait pas de pouvoir coercitif à l'endroit de nos membres, on se référait spécialement au fait d'obliger un centre hospitalier à avoir un médecin sur place pour superviser les internes. C'est là pour nous une exigence de type pédagogique à laquelle on souscrit comme établissement, de par nos responsabilités d'établissement de fournir des services, mais, par contre, il s'agit là de stages qui doivent être agréés et reconnus comme pouvant être agréés par la corporation professionnelle. Notre position est de dire que, si les stages ne satisfont pas aux conditions, ils ne doivent pas être agréés et on va vivre avec cela comme association.

D'un autre côté, on profite de l'occasion pour vous dire que, comme association, on est fondamentalement convaincu que tout hôpital administrant ou disant administrer une salle d'urgence devrait avoir un médecin en permanence, sur place, dans cet hôpital, pour fournir les services. (10 h 45)

M. Chevrette: Donc, j'interprète vos propos de la façon suivante. Vous me direz si je les interprète bien. J'interprète que tous les centres hospitaliers devraient respecter la surveillance des résidents et internes, quelle que soit l'heure du jour, en particulier la nuit et s'il y en a qui ne le font pas, ils ne sont pas corrects. Comme conseil d'administration, vous avez la même responsabilité, l'obligation d'assurer la garde ou la surveillance de nuit comme vous avez autant la responsabilité vis-à-vis des résidents et internes. Est-ce que je vous interprète bien?

M. Lagacé: Je pense que c'est ce que nous affirmons et que nous disons à nos membres de respecter.

M. Chevrette: D'accord. Donc, vous n'appuyez pas les récalcitrants. Je voudrais également parler de la répartition des effectifs médicaux. Vous y allez è fond de train en ce qui regarde la répartition régionale en particulier.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Mme la Présidente, cela va être très bref. J'ai une seule question, parce que votre mémoire contient beaucoup d'explications et de réponses à des questions qu'on aurait pu avoir. La question découle des conclusions de votre rapport, au bas de la page 42. Vous mentionnez: "La transition est pressante, elle nécessitera quand même un peu de temps, patrons et étudiants devront accepter certains compromis en ayant soin de toujours placer comme balises la continuité et la qualité des services à être rendus à la population. Cette dernière remarque n'a pas été posée dans le but d'atténuer la transformation en cours. Loin de là. Cet appel à la reconnaissance des droits de bénéficiaires commande l'action énergique que le gouvernement doit entreprendre en matière de planification de la main-d'oeuvre médicale et en particulier, quant à sa répartition sur le territoire. Un an après la table de concertation initiée par le prédécesseur de l'actuel ministre des Affaires sociales, la situation vécue est généralement pire. "

Qu'est-ce qui est arrivé à cette table pour que la situation devienne pire un an après?

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, je pense que la situation n'est peut-être pas due à la table de concertation, mais on constate, dans les faits, que dans certaines régions il y a diminution des effectifs. Je demanderais peut-être à M. Beaulieu qu'il nous donne l'exemple de la région de la Gaspésie et, après cela, M. Larouche de la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Beaulieu (Robert): Mme la Présidente, si on prend la région 01, Gaspésie-9as-Saint-Laurent, de mai 1984 à mai 1985, si on regarde au niveau des omnipraticiens, il y a eu une perte nette de 8 omnipraticiens, soit 18 arrivées, 26 départs. Pour ce qui est des spécialistes, nous avons eu par contre un gain net de 8 spécialistes dont 7 sont allés dans un seul établissement qui est l'hôpital régional de Rimouski. Donc, quand on regarde cela, on voit cela comme une situation pire dans le sens aussi que, de plus en plus, on se voit assujetti aux inconvénients de la médecine itinérante, particulièrement pour ce qui est

des spécialistes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Larouche.

M. Larouche (Pierre): En Abitibi-Témiscamingue, je pense, pour faire une prévision pour septembre 1985, en omnipratique, on va être en déficit dans 60 % des établissements. Seulement deux établissements de la région auront un bilan positif après le recrutement de cet été. Or, il y a plus de départs à l'été qu'il y a d'arrivées en Abitibi-Témiscamingue, dans le domaine de l'omnipratique. Quant aux spécialités, la situation ne s'améliore pas du tout et on entrevoit, pour l'été qui s'en vient, des problèmes assez importants en ce qui concerne les spécialistes.

M. Paradis: Ma question visait... L'an passé, il y a quand même eu une table de concertation qui a été mise sur pied par le ministre des Affaires sociales. Vous avez dû - parce qu'on n'était pas là, je fais des suppositions et vous me corrigerez si ce n'est pas exact comme question ou comme supposition - faire des représentations au ministre des Affaires sociales, vous avez dû faire des recommandations. Est-ce que l'ensemble de vos recommandations ou de vos représentations ont été tablettées? Y en a-t-il eu qui ont été mises en application et les résultats escomptés n'ont-ils pas été obtenus?

M. Roy (Gérard): Je vais demander au Dr Lagacé de répondre.

M. Lagacé: Mme la Présidente, je pense qu'il faudrait apporter un peu de nuances au sujet du paragraphe qu'il a cité, parce qu'on dit également beaucoup de choses entourant ce point particulier. On sait qu'au mois de mai, l'an dernier, il y avait eu une foule de mesures lesquelles, à la suite de la rencontre, ont été précisées. Dans notre mémoire, nous disons: Ces mesures qui ont été précisées à peu près à l'automne, il est trop tôt pour que nous puissions en évaluer toute la portée. Nous demandons que ces mesures soient réévaluées. Ce qu'on vous souligne ici, c'est que malgré tout, il y a des régions qui nous ont informés - d'après ce qu'on a pu recueillir comme information -que selon la situation chez elles, malgré certains effets bénéfiques à court terme des mesures envisagées, elles n'ont pas réussi à obtenir les effectifs dont elles avaient besoin et que dans plusieurs cas, comprenez qu'il s'agit toujours pour certains établissements d'une très petite marge de manoeuvre. Lorsqu'on a six spécialistes et qu'on en perd un, cela ne bouleverse pas trop l'établissement, mais lorsqu'on en a un et qu'il en part un, vous comprenez que dans certains cas les situations peuvent être considérées comme pire qu'antérieurement.

M. Paradis: Suivant les données que vous avez recueillies dans le champ, est-ce que l'itinérance s'est accentuée au cours de la dernière année dans les régions périphériques au Québec?

M. Roy (Gérard): On pourrait poser la question à Pierre.

M. Larouche (Pierre): Je pense que le fait de ne pas augmenter les spécialités et les spécialistes en régions périphériques, il est évident que l'itinérance demeure, continue et se perpétue. Notre crainte, c'est que l'itinérance s'installe en permanence et ce n'est certainement pas ce qu'on souhaite dans les régions périphériques. À notre avis, ce sont des mesures qui sont "en attendant" mais en attendant quoi? S'il n'y a pas de mesures qui se prennent à moyen et à long termes qui vont définitivement régler le problème de pénurie, on a de grandes craintes de s'installer l'itinérance en permanence.

M. Paradis: Une dernière question peut-être. Lorsque vous demandez des spécialistes en régions non pas de façon itinérante, mais de façon permanente, est-ce vos demandes pour l'ensemble des régions du Québec se limitent aux spécialistés de base ou si vous parlez également des superspécialités?

M. Roy (Gérard): C'est sur les spécialités de base. On ne demande pas dans les régions périphériques d'avoir de l'ultraspécialisation, on se limite aux 17 spécialités de base.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le député.

M. le ministre.

M. Chevrette: Vous vouliez parler avant, allez-y.

M. Lagacé: Puis-je me permettre un commentaire additionnel à la suite de ce que vient de dire le Dr Roy? Vous remarquerez que dans notre mémoire, nous attachons beaucoup d'importance au fait d'avoir une suffisance d'effectifs sur un plan régional, c'est-à-dire qu'on voudrait tenter d'atteindre l'objectif suivant: que chacune des régions du Québec devienne autonome en termes de services médicaux par rapport aux 17 spécialités de base habituellement reconnues en médecine. Nous ne demandons pas que chacun des établissements ait l'ensemble de ces spécialités, mais en ce qui concerne une région en complémentarité entre les établissements que l'on puisse être vraiment autonome et, s'il y a lieu, d'établir de l'itinérance de l'établir à partir même des

établissements de la région qui auraient ces spécialités.

M. Paradis: Mme la Présidente, j'aurais une question sur cela. Je vous remercie d'une des solutions que vous mettez de l'avant qui est un peu nouvelle, savoir de donner à l'établissement sa marge de manoeuvre sur le plan financier à partir de ses effectifs et qu'elle ait ce contrôle. C'est une idée qui est nouvelle et que vous amenez dans votre document. Cela semble intéressant et je vous en remercie.

M. Chevrette: Mme la Présidente» je voudrais dire que je partage entièrement la perception qu'a l'AHQ sur le fait de doter chacune des régions d'un minimum. Je suis convaincu que cela aura des incidences très fortes dans les grands centres urbains. On dit souvent que Montréal déborde de difficultés et on s'est plus ou moins préoccupé de la périphérie. Il m'apparaît qu'il faut doter au moins les capitales régionales de chacune des régions d'un maximum d'équipements spécialisés et ultraspécialisés pour éviter le débordement tout le temps vers Montréal ou vers Québec, cela est clair. Oui, je crois qu'on peut arriver à avoir les spécialités de base nécessaires à l'intérieur d'un territoire. D'autant plus que le phénomène de rétention ne s'explique pas toujours par l'éloignement. On le sait très bien, c'est souvent à cause d'équipements désuets, à cause du fait qu'il y a des hôpitaux qui ne sont nullement fonctionnels. Il y a également de la vétusté dans certains endroits, ce qui ne contribue pas nécessairement à attirer d'abord et à retenir en plus; donc, on fait face à un double problème. Ceci nous a permis - on aura des effets sans doute là-dessus - de doter d'équipements - en tout cas, dernièrement, cela n'a pas ses effets parce que cela vient à peine d'être communiqué aux centres hospitaliers - d'injecter au moins 5 000 000 $ dans les équipements qui nous avaient été recommandés par les CRSSS. Bien sûr, l'entente de la rémunération majorée aura des effets également.

D'autres incitatifs à ce plan viendront s'ajouter: II y aura 180 boursiers choisis en juin prochain. Il y a 100 primes à l'établissement qui sont prévues de 10 000 $ non imposables qui devraient venir également jouer un rôle quelconque, incitatif quant aux avantages. Il y aura le jumelage qui commence à peine à se faire entre certains types d'établissements de centres urbains avec des centres hospitaliers en région. Il y a le ressourcement des médecins. On a ajouté qu'il doit contribuer à une incitation plus grande également. Tout cela mis ensemble, les effets seront probablement plus tangibles dans les mois et les années qui suivront. C'est évident que, lorsqu'on prévoit un plan d'incitation additionnelle, on ne voit pas toujours les effets sur le coup, c'est souvent quelques mois ou quelques années après. Je pense que cette gamme de moyens dans une conjoncture budgétaire pas trop rose contribuera quand même à faire quelque chose d'intéressant, à ajouter quelque chose d'intéressant.

Il y a une question que je voudrais vous poser. C'est sur le paragraphe suivant de la page 14 de votre résumé. Vous dites: "II est impératif que le gouvernement agisse et que, par la voie des plans d'effectifs médicaux, il assure lui-même l'atteinte de l'objectif. Cette volonté politique doit être à la mesure même de la gravité des situations. " Vous n'êtes pas sans savoir qu'en vertu de la loi ce sont les CRSSS qui sont responsables de l'élaboration des plans d'effectifs médicaux. Tel que libellé, vous semblez donner la responsabilité au ministère; est-ce que je me trompe?

M. Lagacé: M. le Président, à ma connaissance, les conseils régionaux ont la responsabilité de l'approbation d'un plan élaboré par l'établissement, c'est-à-dire que l'établissement a la responsabilité d'élaborer son plan d'effectifs médicaux et de le faire approuver par le CRSSS.

Lorsqu'on parle de ce paragraphe en ce sens qu'il assure l'atteinte de l'objectif et qu'on demande qu'il y ait une volonté politique, c'est plutôt dans la phase de demander que ce soit fait, ce qui est prévu actuellement. On sait que certaines régions -cela a commencé, on le dit dans le mémoire: Par les régions en besoin d'effectifs, en périphérie - ont élaboré très facilement ces plans d'effectifs parce qu'elles sont en besoin. Par contre, dans certaines autres régions ont peut concevoir qu'il y ait de la résistance. On peut concevoir qu'il s'agit là d'une mesure de base pour être capable d'élaborer une politique de planification de main-d'oeuvre, donc, faisant état de besoins. On conçoit que ce soit difficile à faire.

M. Chevrette: Je ne suis pas sûr qu'on se comprend, je vais vous expliquer pourquoi. La loi est spécifique, ce sont les CRSSS qui ont la responsabilité pour éviter, précisément, que ce soit le ministère qui, en fin de compte, arbitre absolument tous les plans d'effectifs médicaux dans une région. Sinon, entre vous et moi, chaque centre hospitalier va vouloir avoir ses spécialités sans programmation ou sans vision globale au plan régional. Il me semble que la loi est très spécifique là-dessus, elle permet justement aux gens de se frotter les oreilles dans leur propre milieu et de nous présenter un portrait correct.

On ne peut pas à la fois vouloir une décentralisation puis une implication du milieu et, du même souffle, demander au gouvernement ou au ministère de décider

pour tout. Moi, là-dessus, je ne perçois pas vos explications comme clarifiant la question Que je vous pose, en tout cas. Il me semble que c'est clair dans la législation, on a voulu que les CRSSS jouent un rôle important et qu'on établisse vraiment dans notre propre milieu, à partir des ressources qu'on a et celles qui manquent, un genre de plan global pour savoir où l'on va. Où va-t-on placer les 17 spécialités de base dont vous parliez tantôt, par exemple, en Gaspésie? Est-ce qu'on va tout cantonner à Rimouski? Je ne suis pas sûr que les gens ne se frotteront pas les oreilles solidement devant les gens du CRSSS et vont dire: Écoutez, il y a huit spécialités de base qui seront à Rimouski, il y en aura cinq en Gaspésie et il y en aura peut-être une en CLSC dans le milieu. (11 heures)

On ne sait pas; toutes les possibilités sont bonnes. C'est à la discussion du milieu qu'on pourra avoir tels types de propositions et avoir un plan global qui agrée à l'ensemble des intervenants du milieu et qui donne un minimum de base de services.

M. Roy (Gérard): M. le Président, je pense que pour donner une réponse à cela, il faudrait faire une espèce de rétrospective et regarder ce qui s'est passé quand on a commencé à implanter des plans d'effectifs médicaux. Il y a certaines régions qui ont fait des plans d'effectifs médicaux et qui ont tenté de les appliquer. On s'est aperçu que dans ces régions, ils refusaient des médecins et qu'au lieu de s'en aller dans les régions périphériques, ils s'en allaient dans une autre région où il n'y avait pas eu de plan d'effectifs médicaux de fait. C'est un point.

Alors, il faudrait avoir une loi, peut-être pas une loi, mais un moyen pour convaincre que les CRSSS de la province fassent leur plan d'effectifs médicaux et tous les établissements aussi, ce qui n'a jamais été fait.

M. Chevrette: Je n'ai pas compris le dernier...

M. Roy (Gérard): II faudrait qu'il y ait un moyen pour inciter tous les CRSSS et tous les établissements afin que tous les plans d'effectifs médicaux se fassent en même temps dans toute la province. Deuxièmement, les plans d'effectifs médicaux dans les établissements, c'est une chose, parce que là, on peut les empêcher d'aller dans les établissements, mais ils peuvent aussi aller dans la pratique privée, dans les CLSC, dans les centres d'accueil, etc., parce que les plans d'effectifs médicaux ne touchent que les hôpitaux, actuellement.

Aujourd'hui, si on refuse un médecin dans une spécialité donnée, dans un hôpital, il peut très bien aller ouvrir son bureau en ville et rester en ville. Alors, ce plan d'effectifs médicaux, ce plan de main-d'oeuvre n'est que limité aux hôpitaux et, pour nous, il devrait être étendu au territoire.

M. Chevrette: Je retiens votre suggestion que je trouve fort intéressante, en ce qui regarde le plan d'effectifs médicaux qui doivent toucher l'ensemble des établissements du territoire, les CA, les CAH, les CLSC, etc. Je retiens cela.

D'autre part, j'aimerais vous entendre me nommer les régions qui ont refusé des médecins à cause des plans d'effectifs médicaux.

M. Roy (Gérard): La région de Québec. M. Chevrette: Québec?

M. Roy (Gérard): On avait, il y a trois ans, fait un plan d'effectifs...

M. Chevrette: II n'y a même pas de plan d'effectifs. Comment avez-vous pu l'avoir refusé...

M. Roy (Gérard): Oui, dans la région de Québec, il y avait un plan d'effectifs médicaux qui a été fait. Il a été fait, il y a trois ou quatre ans et tous les hôpitaux avaient établi leur plan. À ce moment, nous respections cela. Après avoir refusé des médecins... je peux citer des cas: Un anesthésiste se présente à l'hôpital Saint-François-d'Assise et, après cela, il a été accepté à l'hôpital Pierre-Boucher à Montréal, au lieu de s'en aller en région périphérique. Ce sont de tels exemples qu'on peut vous donner.

M. Chevrette: Québec a déposé son plan d'effectifs?

M. Roy (Gérard): Oui, mais depuis deux ans, parce que dans d'autres régions, il n'est pas fait, à toutes fins utiles, il est inopérant. Mais, il y a trois ans, il était fait.

M. Chevrette: J'ai remarqué dans les affirmations que vous avez faites que vous parlez de l'Outaouais, de l'Abitibi et de la Gaspésie. C'est vrai qu'il peut y avoir concentration de spécialistes, par exemple, dans un centre hospitalier; je ne nie pas cela. Mais il n'y avait pas de baisse de signalée au ministère en Gaspésie; il n'y avait pas de baisse de signalée en Abitibi, au moment où on se parle. Il peut y avoir des baisses appréhendées, mais il n'y pas de baisse de signalée au ministère.

La question que vous avez posée au député de Brome-Missisquoi la suivante: La situation actuelle est-elle pire, oui ou non? La situation est appréhendée, peut-être, mais

au moment où on se parle, il n'y a pas de signalement, ni en Outaouais, ni en Gaspésie, ni en Abitibi. Il y a, effectivement, des baisses dans la région de la Montérégie, de la 6-B et de la 6-C, en particulier; vous avez raison. D'ailleurs, la région la plus démunie, c'est la Montérégie et, après cela, c'est Laurentides-Lanaudière, au point de vue d'effectifs, au point de vue d'équipements, au point de vue de...

M. Paradis: Ce n'est pas pour contredire le ministre, mais j'ai pris des notes tantôt, lorsque la réponse m'a été communiquée; je pense que c'était dans la région de la Gaspésie. On m'avait souligné 18 arrivées et 26 départs chez les omnis. Je ne sais pas si cela a été signalé à votre ministère, mais je fais juste vous répéter -je suis intervenu pour cela - les chiffres qui ont été signalés tantôt.

M. Chevrette: Je sais, mais je parle au point de vue de chiffres bruts donnés par M. Beaulieu, je crois. Il a dit: II est parti huit omnis, mais il est arrivé huit spécialistes, si j'ai bien compris. Donc, huit-huit, cela s'annule. Je ne dis pas que ce sont les mêmes spécialités et les mêmes établissements j'ai pris la peine de le dire. Mais au ministère, il n'y a pas eu de baisse; c'est cela que j'ai voulu signaler.

M. Roy (Gérard): M. le ministre, vous avez raison qu'il n'y a pas eu de baisse globale, mais il y a eu une répartition différente qui a fait que certains établissements ont encore des problèmes majeurs.

M. Chevrette: D'où l'importance pour les CRSSS, avec la participation des centres hospitaliers et du réseau de faire des plans d'effectifs médicaux au plus vite. Au moment où on met des incitatifs, on lance les comités de recrutement dans le décor. Présentement, c'est évident que si on avait les plans d'effectifs médicaux, ce serait beaucoup mieux, parce que la prime à l'établissement pourrait servir en fonction des plans d'effectifs médicaux. Les bourses pourraient servir en fonction des plans d'effectifs médicaux.

La commande est passée au CRSSS. Quand j'ai réglé le cas de Dolbeau en février, mars - je ne m'en souviens plus, c'est peut-être avant les fêtes, je ne sais pas, le temps passe vite dans ça...

M. Paradis: II l'a réglé!

M. Chevrette: Pourquoi hésitait-on à donner des réponses précises sur le nombre de médecins ou les primes à donner? Très précisément parce qu'il n'existait pas de plan d'effectifs médicaux. C'est une clé indispensable si on veut planifier correctement, si on veut doter chacune de nos régions d'effectifs de base nécessaires.

Que vous me disiez qu'il y a des problèmes majeurs, je dirais: Oui; on ne le nie pas, et on ne l'a jamais nié. Mais que, dans un même souffle, dans vos paragraphes, vous dites que c'est pire, je trouve que vous y allez un peu fort. D'ailleurs, est-ce que j'ai bien compris votre acolyte de gauche qui a dit tantôt qu'il vaudrait peut-être nuancer le paragraphe?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce qui a été dit.

M. Chevrette: C'est ce qui a été dit?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À peu près.

M. Chevrette: Donc, on avait bien compris.

M. Lagacé: Mme la Présidente, dans mon esprit, il fallait la nuancer parce que nous avons bien précisé que notre étude n'avait pas été exhaustive pour comprendre l'ensemble. Ce que j'ai dit, selon les informations qu'on avait de ces trois régions, c'est que la situation nous apparaissait pire. Pour qualifier le pire, il faudrait peut-être descendre au niveau de certaines spécialités très précises dans certaines régions.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais remercier infiniment... Il y a des suggestions fort intéressantes dont on tiendra sans doute compte, en particulier sur les plans d'effectifs médicaux. Nous comptons sur votre appui concernant les gardes à l'urgence. Je pense qu'on peut améliorer, même si les besoins sont illimités et les ressources très limitées, notre situation globalement. Je vous remercie infiniment de votre témoignage.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

J'aurais seulement quelques questions à vous poser; je vais essayer de le faire le plus brièvement possible. Ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que, après plusieurs années - je vous ai entendus, j'ai entendu les fédérations, etc. - j'ai l'impression qu'on est un peu toujours au même point. Je vais vous donner quelques exemples. Je ne peux pas m'empêcher de me rappeler, au moment où ma collègue de Jacques-Cartier et moi, exactement en décembre 1981, lors de l'étude de la loi 27, avions fait le tour de la fameuse question des médecins en régions éloignées et que des mesures avaient été adoptées... je me rappelle, à ce moment-là, le fameux rapport Landry. Finalement, on est rendu en 1985, bientôt on sera en décembre 1985, c'est quatre ans plus tard, et j'ai

l'impression qu'on tourne en rond.

Un autre exemple qui me frappe, dans le domaine, comme quoi on se redit un peu les mêmes choses et on n'a pas l'impression que ça bouge. À ce moment-là, peut-être avant ou en d'autres occasions, à plusieurs reprises, il a été question de la responsabilité - malheureusement, on ne leur en a pas parlé hier - des universités d'innover - enfin, c'est un grand mot - dans le sens de sensibiliser leurs étudiants à des stages en région. Vous reprenez cette idée aujourd'hui, et ce n'est pas la première fois, d'ailleurs. Finalement, vous dites - il faudrait que je retrouve toutes les pages - que les universités ne se sont pas souciées de ça. Mais cela, ce n'est pas une chose nouvelle, et je ne comprends pas pourquoi... Ce n'est quand même pas très malin; on ne peut peut-être pas trouver les mécanismes, mais on peut essayer de sensibiliser les étudiants à la possibilité d'aller en région, et même de prévoir des stages en région. Je ne comprends pas que ces choses ne débloquent pas parce qu'on ne demande même pas de solution. La solution est là et personne ne semble capable de la mettre en pratique.

Il y a deux questions plus précises. En page 15 de votre grand mémoire évidemment, vous faites un peu comme les spécialistes, hier - vous dites qu'il peut commencer par planifier la main-d'oeuvre. Ils nous disaient hier qui planifie et comment. Enfin, tout cela était bien articulé. Vous reprenez la même chose en faisant valoir qu'il faut planifier sur dix ans, etc. Vous dites en page 15: "Si l'on prend en considération les expériences vécues ailleurs, notamment aux États-Unis, on doit se questionner sérieusement sur la pertinence de maintenir un contingentement au niveau du partage entre omnipraticiens et spécialistes, au moyen de la formation. " Il faudrait que vous précisiez un peu ce point. Cette question a quand même fait l'objet de débat assez long, hier.

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, la question du partage entre omnipraticiens et spécialistes va dans un sens où on doit planifier la main-d'oeuvre médicale au moyen des effectifs médicaux. Si on va dans chaque établissement en planifiant les besoins d'effectifs médicaux tant spécialistes qu'omnipraticiens et si on compile cela globalement dans la province, on pourra avoir une répartition qui s'approche de la réalité des besoins d'omnipraticiens et de spécialistes. C'est pour cela qu'actuellement, on ne dit pas que c'est 40, 48, 52 ou 60, on dit: Faisons tous les plans d'effectifs médicaux, et la compilation de cela va probablement nous donner une idée exacte du besoin en médecins généralistes et en médecins spécialistes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je vous comprends bien, pour vous autres, il n'y a pas de chiffres magiques...

M. Roy (Gérard): Non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... c'est vraiment à partir de la détermination des effectifs médicaux par établissement...

M. Roy (Gérard): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ou des besoins qu'on pourrait établir cette fameuse norme quelle qu'elle soit, celle à laquelle on arriverait.

M. Roy (Gérard): C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

En page 17, vous parlez, compte tenu du développement de la technologie et des degrés de sophistication, des techniques diagnostiques et thérapeutiques, d'allonger la formation médicale d'un an. Je voudrais vous poser une question. D'abord, allonger la formation médicale d'un an, cela coûte cher. Deuxièmement, est-ce parce que vous avez l'impression que la formation médicale est moins longue au Québec qu'ailleurs ou encore qu'elle commence trop tôt comparativement aux autres provinces ou aux pays comparables?

M. Roy (Gérard): Ce qu'on demande surtout, c'est d'améliorer la formation de l'omnipraticien qui va aller travailler en périphérie ou en ville. Le gars qui va travailler en périphérie est souvent avec moins de spécialistes que celui qui travaille en régions urbaines. Â ce moment, pour lui, cela demande plus de formation, plus de préparation parce qu'il devient presque un multispécialiste lorsqu'il est en régions périphériques. C'est pour cela, pour donner de meilleurs soins à la population. Le médecin qui se trouve seul dans une région périphérique va souvent avoir affaire à plusieurs sortes de malades, ce qui touche à plusieurs spécialités et, en première ligne, il devra donner ces soins. C'est pour cette raison que, pour nous de l'Association des hôpitaux, il faudrait que le gars qui va en pratique générale ou en omnipratique soit mieux préparé qu'actuellement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Votre recommandation va dans le même sens que celle de la Fédération des omnipraticiens - c'est cela - elle nous a fait la même recommandation. D'accord.

En page 16, à la question des médecins immigrants, vous faites le point sur ceux qui viennent contribuer à la recherche, à l'enseignement, etc., et vous abordez ceux

qui sont arrivés d'eux-mêmes au Québec. Au 3e paragraphe: "Le caractère particulier de la situation devrait autoriser l'État à conditionner l'accession à la pratique professionnelle à une pratique limitée aux régions mal pourvues. " Sur cela, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas une solution à long terme indéfiniment. Pouvez-vous nous parler de l'expérience... Il y a deux ans et peut-être même l'an dernier, on a dit aux gens: Vous pourrez aller pratiquer en régions éloignées. Mais peut-être qu'ils ne sont pas rendus en régions éloignées. Quelle est votre expérience avec les médecins immigrants qui sont allés en régions éloignées, du point de vue de l'adaptation, du point de vue de la qualité des services et de toutes les autres dimensions de leur pratique. (11 h 15)

M. Roy (Gérard): Je vais demander à M. Pierre Larouche qui a vécu cette expérience de nous en parler.

M. Larouche (Pierre): Voici l'expérience qu'on a vécue en Abitibi-Témiscamingue avec des médecins étrangers, particulièrement spécialisés. Sur 45 spécialistes dans toute la région, on dénombre quinze médecins étrangers. Si on ne les avait pas, on aurait un problème encore bien plus marqué que ce que l'on a aujourd'hui. Ils font de la très bonne médecine et on est très satisfait de leurs services. Il peut y avoir dans certains cas des problèmes d'adaptation, mais je pense qu'on est dans une région où on vient à bout de s'entendre assez bien. Pardon?

Une voix:... hospitalière.

M. Larouche (Pierre):... hospitalière, oui, pour les futurs médecins.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Compte tenu du temps, je vais terminer mes questions. Il reste...

M. Chevrette: Je n'aurais qu'un correctif à apporter, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Chevrette: Non pas un correctif, mais un ajout. Vous avez parlé du stage en région. Le ministère investit 2 400 000 $ par an et les projets commencent à entrer effectivement au ministère. C'est un autre nouveau programme pour essayer d'inciter des gens à y aller.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais je dois vous dire, M. le ministre, que cela fait au moins cinq ans qu'on en parle.

M. Chevrette: Ce n'est pas si mal; là, vous avez une réponse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est vrai.

M. Chevrette: Vous ne pourrez pas dire que c'est toujours pareil, vous en avez une.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Roy (Gérard): Quant au stage, Mme la Présidente. Quel stage... ?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, on vous pose une question: Quel stage?

M. Chevrette: Excusez-moi. M. Roy (Gérard): Quel stage?

M. Chevrette: Le stage, je vais demander au Dr Bergevin, si vous le permettez, qu'il explique l'ensemble de la programmation.

M. Roy (Gérard): D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'ensemble, cela va peut-être être un peu long.

M. Chevrette: Ah, des réponses de qualité à des questions d'envergure.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Bergevin (Yves): Quant au stage touchant l'ensemble médical, cela peut être un stage d'immersion, comme à l'Université de Montréal, en première année; cela peut être un stage d'emploi d'été, durant les années précliniques; cela peut être un stage au préexternat ou à l'externat; un stage en médecine familiale, soit dans la première ou dans la deuxième année de formation; ou encore, dans quelques centres régionaux, un stage en spécialité.

Nous sommes en collaboration étroite avec les établissements et les conseils régionaux des régions et avec les universités et la corporation afin de développer ces stages et de s'assurer que l'encadrement pédagogique soit de haute qualité. Nous avons déjà reçu un bon nombre de projets. Il y en a déjà qui sont en marche. On sait qu'il y a une unité de médecine de famille à Gaspé. Il y en a en Abitibi. Dans la majorité des villes, il y a des stages et nous voulons encourager cela dans les autres régions et dans les autres communautés.

Nous travaillons à l'heure actuelle avec les établissements à parachever ces projets. Les sommes d'argent sont prévues pour le transport et le logement des étudiants, des stagiaires et des professeurs, ainsi que la

rémunération des professeurs en région. Les rencontres se font régulièrement avec les doyens afin de voir l'évolution de la situation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Bon...

M. Chevrette: 11 y a déjà des centres hospitaliers qui travaillent d'arrache-pied pour en bâtir des plans de stages.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste trois minutes à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne les effectifs médicaux dans les régions et les régions périphériques, c'est évident que les mesures établies par la loi 27 et plus récemment ne sont pas suffisantes. J'ai une idée qui est tout à fait différente et j'aimerais avoir votre réaction. Je me demande si on a examiné la possibilité d'établir un programme selon lequel le gouvernement offrirait un "package deal" en échange d'un engagement de la part des jeunes médecins de trois ou quatre années de service peut-être dans les régions éloignées. Par exemple, ce "package" pourrait inclure que les frais de scolarité et leur formation médicale seraient payés par le gouvernement. Deuxièmement, certains avantages fiscaux pour compenser leurs pertes de revenus pendant ces trois ou quatre ans, l'opportunité de sortir de la région, deux, trois ou quatre fois par année pour des stages à des fins de perfectionnement, parce que c'est un des problèmes et tout le monde est conscient du manque de contact avec les grands centres et peut-être naturellement une garantie de remplacement pendant ces stages. Tout cela en échange d'un engagement ferme de trois ou quatre années de service dans les régions éloignées, planifié par le gouvernement en consultation avec les hôpitaux dans chaque région pour assurer une distribution efficace des compétences de ces médecins.

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, la députée de Jacques-Cartier énumère une série de... un "package deal", comme elle dit, que nous avons déjà envisagé et, lors de notre dernier mémoire l'an dernier, on en avait parlé. Avec un "package deal", je pense qu'on serait d'accord, ce serait peut-être un incitatif de plus qui pourrait permettre d'enrichir des régions périphériques de médecins et avec une garantie que quand un médecin va passer trois, quatre ou cinq ans de garantie, il pourra avoir une place après ces cinq ans, c'est une chose dont on avait parlé et dont on serait très favorable.

Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais demander au ministre...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous êtes rappelé à l'ordre.

Mme Dougherty: J'ai proposé une espèce de "package deal"...

M. Chevrette: On est en train justement de formuler des réponses sur l'ensemble du "package".

Mme Dougherty: Apparemment, les hôpitaux étaient favorables à l'idée. Est-ce que c'est vous qui l'avez proposée?

M. Roy (Gérard): Dans notre mémoire l'an dernier, on avait parlé de quelque chose comme cela, qui n'était peut-être pas exactement comme cela, mais qui ressemblait à cela et sur lequel on était totalement d'accord.

M. Chevrette: Pour ce qui est des frais de scolarité, on va les prendre un par un, il y a le système de bourse qui existe. Sur les avantages fiscaux pour perte de revenu, là où je comprends mal, il y a une prime à l'établissement qui existe à compter du 1er juin, mais perte de revenu... Quelle perte de revenu a un médecin en régions éloignées par rapport à un médecin à Montréal? Je ne vois pas tellement la perte de revenu. Au contraire, s'il est sous le régime des 70 % à Montréal, vous pourriez me dire qu'il y a une perte de revenu pour les gens dans les régions par rapport aux régions éloignées.

Pour ce qui est de la possibilité de sortie en cours d'année, cela entre en vigueur le 1er juin prochain à raison de 20 jours par année, ce qu'on appelle le ressourcement, quatre sorties de cinq jours. Pour ce qui est du programme de remplacement, on a instauré un régime de dépannage présentement qui fonctionne assez bien dans plusieurs régions.

Mme Dougherty: Le point, c'est qu'il faut avoir un engagement parce que c'est l'incertitude qui laisse les régions dans l'état ou elles sont. Il faut créer un "package" en échange de l'engagement de la part du jeune médecin.

M. Chevrette: Peut-être que vous pouvez affirmer avec force que c'est cela, mais nous, les intervenants, tout le monde criait après des mesures incitatives et sur une base volontaire. On a répondu à ce que la très grande majorité des intervenants demandaient. Je m'excuse de vous répondre cela, mais c'était au moins une réalité. Je pense que, avoir su que vous poseriez la question, on l'aurait posé à chacun des groupes. C'était effectivement sur une base volontaire et que ce soit des mesures

incitatives et non coercitives.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le

Dr Lagacé voulait ajouter quelques mots.

M. Lagacé: Oui, Mme la Présidente. J'aimerais dire que oui, on est d'accord avec les mesures du type incitatif qui sont proposées ou qui sont déjà en vigueur. J'aimerais, pour être conséquent avec notre présentation, souligner que ce qu'on demanderait, c'est que ces mesures soient gérées en région et par les établissements au lieu de les gérer au niveau central.

M. Chevrette: Je peux vous dire là-dessus, M. Lagacé, qu'on a eu des suggestions fort intéressantes qu'on est en train de regarder. Effectivement, il y a des personnes qui sont venues me rencontrer à Montréal et qui me disent: Au lieu de laisser décider cela par des comités, si vous placiez en région un budget qui permettrait à ces gens de partir avec de l'argent en poche pour attirer le client, ce serait peut-être plus intéressant. Je ne l'écarte pas, on est en train d'évaluer la portée de cela pour voir comment on pourrait concrétiser cela. C'est heureux comme suggestion. Cela a déjà été fait, on le regarde présentement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie, messieurs de l'Association des hôpitaux du Québec et à la prochaine.

M. Roy (Gérard): Nous vous remercions, Mme la Présidente, ainsi que les membres de la commission des affaires sociales. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous invitons immédiatement l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Dr Bois?

M. Bois (Marc-A. ): Oui, c'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Présentez vos collègues et vous pouvez procéder à la lecture. Les règles sont les mêmes que pour les autres groupes.

Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec

M. Bois: D'accord. Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, j'aimerais vous présenter mes accompagnateurs. À mon extrême droite, le Dr Raymond Larouche de Québec, le Dr Dollard Bergeron également de Québec et le Dr Marc Desrochers de la région de Lanaudière. Compte tenu que notre mémoire est court, je vais faire la lecture intégrale.

C'est avec plaisir que l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec vous soumet son mémoire relativement aux deux sujets précipités qui sont à l'ordre du jour.

Il nous apparaît opportun et important de souligner que l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec est une association qui regroupe dans un libre choix la majorité des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Fondée en 1947, notre association se veut l'unique porte-parole des CMDP. Elle a comme objectifs principaux de sauvegarder les prérogatives de ces derniers et de leur fournir l'aide nécessaire pour assumer leurs responsabilités telles que définies dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec.

Je pense qu'il est également opportun de rappeler les responsabilités d'un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens dans un centre hospitalier pour bien nous situer dans le contexte.

Le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens est responsable envers le conseil d'administration, conformément aux normes déterminées par règlement du contrôle et de l'appréciation des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques posés dans l'établissement; du maintien de la compétence des médecins, dentistes et pharmaciens qui exercent dans l'établissement; de faire les recommandations nécessaires afin que les services médicaux, dentaires et pharmaceutiques soient distribués de façon appropriée; de faire des recommandations sur l'organisation scientifique et technique dans l'établissement; de donner son avis sur les règles de soins médicaux et dentaires, sur les services pharmaceutiques ainsi que sur les règles d'utilisation des ressources élaborées par un chef de département clinique; d'établir les modalités d'un système de garde permanent dans l'établissement.

Dans l'exercice de ses fonctions, le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens tient compte de la nécessité de rendre des services adéquats aux bénéficiaires, de l'organisation de l'établissement et des ressources dont dispose cet établissement. Le conseil d'administration de l'association est formé de 25 membres élus répartis dans les diverses régions administratives du Québec.

De plus, l'association a participé à la formation d'assemblées régionales de conseils de médecins, dentistes et pharmaciens dont l'objectif principal est de favoriser une concertation régionale des CMDP sur des dossiers aussi importants que ceux de la complémentarité ou de la régionalisation des services de santé, de la fusion d'établissements, de la répartition d'effectifs médicaux, etc. Ces associations régionales de conseils de médecins, dentistes et pharmaciens sont de plus en plus des interlocuteurs privilégiés auprès des conseils

régionaux. Je pense que ces quelques remarques nous situent un peu mieux dans le contexte de la discussion.

J'aborde les heures de garde supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes. Il faut continuer à considérer les heures de garde comme partie intégrante de la formation du futur praticien de la médecine, qu'il soit omnipraticien ou spécialiste. Son travail, au lendemain d'une garde, sera parfois difficile, mais cela n'implique pas nécessairement une qualité moindre de soins dispensés. Il faudrait cependant considérer d'une façon particulière les lendemains de gardes très occupées ainsi que les périodes immédiates pré-examens. (11 h 30)

Ce qui est essentiel â notre point de vue, c'est de s'assurer que les activités pendant les heures de garde répondent au contenu pédagogigue du programme de formation du futur médecin ou du spécialiste.

Lorsqu'un centre hospitalier doit couvrir des heures de garde supplémentaires à celles convenues, celles-ci pourraient être assumées par des omnipraticiens, des médecins en recyclage ou en ressourcement dans une spécialité donnée - à la condition que leur statut et leurs privilèges puissent le permettre - ou par les résidents et internes du centre selon certaines modalités à être convenues.

Quant aux unités d'enseignement clinique, nous nous référons aux principales caractéristiques d'une unité d'enseignement clinique telle que recommandée par l'Association des facultés de médecine déjà en 1966 et je cite:

Le regroupement géographique des malades, du médecin responsable de l'unité et des étudiants qui tentent de réaliser une masse critique et favorable è l'apprentissage;

L'organisation pyramidale de la prise de responsabilités de sorte que chacun ait des fonctions correspondant à son niveau de formation et à sa compétence;

L'organisation de l'enseignement centrée autour de la solution des problèmes des malades de l'unité associée à la prise en charge exemplaire des malades;

L'organisation d'une consultation pour malades ambulatoires reliée à l'unité afin d'offrir à l'étudiant une situation d'apprentissage pour la continuité des soins;

Les conditions favorables à la recherche clinique et à l'évaluation de nouvelles thérapeutiques.

Par ailleurs, le Conseil des universités, en vue d'assurer la qualité de la formation des médecins spécialistes, recommandait dès 1980: que la formation des futurs médecins spécialistes soit concentrée dans les unités d'enseignement clinique, ou dans d'autres milieux de formation répondant aux mêmes objectifs d'enseignement, où il existe une masse critique qui garantira la qualité des milieux de formation.

De telles unités ont toujours existé, semble-t-il, à l'Université McGill et sont de plus en plus présentes dans les autres universités, en particulier à l'Université Laval.

Donc, un ensemble de prérequis pour le maintien d'une unité d'enseignement clinique idéale: des objectifs bien définis avec un programme prédéterminé; un "patron" reconnu compétent, disponible et intéressé; une pyramide de résidents-internes-externes, un budget protégé.

Cela veut dire que la performance coût-soins peut être acceptable et différente dans une unité d'enseignement clinique par rapport à d'autres unités dans le même centre hospitalier. On est plutôt enclin à comparer deux unités d'enseignement clinique entre elles plutôt qu'une unité d'enseignement clinique avec une unité qui est aux soins courants dans un centre hospitalier.

Des lits et pathologies dits "protégés": Ce que l'on veut dire, c'est que comme il y a une certaine délimitation géographique, il existe un programme prédéterminé des objectifs. Évidemment, pour que l'unité fonctionne bien, il faut que ce soit possible géographiquement. Il faut que le résident senior puisse avoir la possibilité de sélectionner les patients qui y sont admis, soit électivement ou en urgence dans l'unité, et qu'il puisse en contrôler l'entrée et la sortie afin que le programme d'enseignement puisse être réalisé. Un programme d'enseignement comprend évidemment un ensemble de pathologies ou de situations cliniques compte tenu de la discipline qui est étudiée.

La présence de ces unités favorise également une meilleure qualité de soins, un enseignement de haute qualité et la réalisation de projets de recherche clinique.

Cependant, nous croyons que tout programme de formation devrait inclure la possibilité pour un interne ou pour un résident de faire des stages dans des centres hospitaliers en région, stages qui devraient être reconnus non seulement par les universités et la Corporation des médecins du Québec mais aussi par le collège royal.

La planification de la main-d'oeuvre médicale: L'objectif principal • d'une planification de la main-d'oeuvre médicale est de rendre accessibles à tout citoyen des services de santé continus répondant è ses besoins. Il est rapporté que 10 % environ de la population n'aurait pas un accès facile encore aujourd'hui è des soins malgré la gratuité.

Par ailleurs, il ne semble pas que l'augmentation du nombre absolu de médecins, plus particulièrement des omnipraticiens, ait apporté une solution au problème par déversement. C'est la théorie de "spillover", en ce sens qu'on fait des médecins, puis on finit par rejoindre

l'extrême périphérie. Par contre, le contingentement des résidences en spécialités apporte déjà une autre dimension à ce problème, à savoir celui de l'accessibilité à des soins spécialisés, non seulement en régions intermédiaires - j'appelle "régions intermédiaires" celles de Chicoutimi, de Rimouski - mais également en régions urbaines.

Une planification de la main-d'oeuvre médicale doit donc tenir compte de ces constats.

Nous avons participé en 1984, sur invitation du ministère, à une table de concertation sur les mesures à prendre afin de mieux répartir géographiquement les effectifs médicaux.

Certaines mesures incitatives ont été reconnues et ont eu une certaine influence positive sur le recrutement dans les régions en pénurie d'effectifs, et également, espérons-le, sur la rétention des médecins au niveau de ces régions.

La possibilité pour les internes et les résidents de faire des stages en régions qui seraient reconnus dans leur formation, peut les sensibiliser et possiblement les influencer dans leur décision d'exercer dans une région en pénurie d'effectifs.

Une formation plus polyvalente pour certains spécialistes, dont par exemple la chirurgie générale, serait mieux adaptée aux services devant être rendus en régions. Il en serait de même pour la formation en médecine familiale.

Par ailleurs, la détermination d'un excès ou d'une pénurie d'effectifs apparaît beaucoup plus complexe qu'il ne semble à prime abord. Je pourrais par exemple citer l'association dont je suis membre, les cardiologues. On peut parler d'une pénurie de 50 ou 60, alors que le ministère peut considérer une pénurie inférieure. C'est juste pour montrer comment cela peut être difficile de situer une pénurie, un excès ou un quantum adéquat. Il faut tenir compte, selon les régions, des caractéristiques de la population qui demande des services et des effectifs médicaux qui les rendent. Chaque conseil régional, à notre point de vue, devrait planifier, en concertation avec l'ensemble des CMDP de la région concernée, les besoins actuels et futurs en effectifs médicaux à partir des plans soumis par chaque établissement de la région.

Pour atteindre l'objectif régional, il sera donc nécessaire à notre point de vue que des postes additionnels de résidence en spécialités soient ouverts sélectivement à ceux qui désirent pratiquer dans les régions en pénurie.

Il faut également responsabiliser les centres hospitaliers mieux pourvus en services spécialisés à complémentariser les établissements moins bien nantis. Cela peut être facilité également par une planification régionale, interrégionale ou même intrarégionale des effectifs et des services médicaux, c'est-à-dire qu'on peut parler en termes d'une région administrative comme le Bas-Saint-Laurent—Gaspésie, région 01, mais on peut réaliser volontiers - comme nous étions justement le conseil d'administration à Rimouski, pas plus tard que samedi dernier -que c'est même sous-régional et même presque au niveau de certaines communautés. Vous pouvez avoir une région où son problème d'effectifs a été résolu en partie, amélioré, par toutes les mesures qui ont été mises en place par le gouvernement, etc., et à côté, on peut avoir une communauté qui est une communauté à risques, qui voit ses effectifs ayant tendance à diminuer. C'est-à-dire qu'on peut parler de façon globale d'une région, mais il faut penser beaucoup plus en termes de sous-régions et disséquer, si on peut parler ainsi. Je pense que les établissements par le plan des effectifs, l'association ou la concertation régionale des CMDP avec les conseils régionaux concernés pourraient probablement arriver à une meilleure planification des demandes et l'ensemble ferait le quantum provincial.

Dans tout cet exercice de la planification de la main-d'oeuvre médicale, il ne faut pas oublier qu'au-delà de l'objectif principal de rendre accessibles à tout citoyen les services de santé, nous devons tenir compte également des besoins pour les fins de l'enseignement et de la recherche clinique afin de pouvoir maintenir une qualité optimale de la médecine québécoise, c'est-à-dire qu'il faut penser que les médecins, même en régions bien nanties, leur âge moyen peut s'élever, il faut suivre la médecine de pointe, il faut faire le renouveau de nos effectifs nous autres mêmes. Cela nécessite évidemment, également, une technologie de pointe ainsi que des budgets appropriés. Nul besoin d'insister sur le retard technologique actuel, d'une part, et, d'autre part, sur la vétusté de beaucoup d'équipements, résultat direct d'une sous-budgétisation.

Il serait regrettable que le problème d'accessibilité à des soins médicaux soit solutionné par la venue de médecins immigrants ou de moniteurs. Il faudrait plutôt faciliter l'installation des médecins formés dans nos facultés, en poursuivant la recherche de moyens incitatifs additionnels et en améliorant la qualité de vie du professionnel et de sa famille, afin de rendre plus invitante et plus acceptable la pratique médicale en régions en pénurie d'effectifs. Nous croyons que ces diverses mesures pourraient ainsi faciliter la rétention des effectifs dans ces régions.

Enfin, les besoins en termes de médecines omnipraticiens ou spécialistes doivent être évalués périodiquement; et la mise en place d'une table de concertation

permanente entre tous les intervenants concernés par ce dossier donnerait un élément de dynamisme à cette planification à moyen et long termes de la main-d'oeuvre médicale.

Si vous me permettez, je peux vous faire le libellé du sommaire, ni plus ni moins, de quelques points soulevés dans ce bref mémoire: Considérer la garde comme partie intégrante de la formation; s'assurer du contenu pédagogique de la garde; déterminer certaines modalités par entente pour les heures de garde supplémentaires; tenir compte des prérequis nécessaires pour le maintien d'une unité d'enseignement clinique; inclure dans tout programme de formation des stages reconnus dans les centres hospitaliers en régions.

Quant à la planification de la main-d'oeuvre médicale: Tenir compte des erreurs du passé dans la planification de la main-d'oeuvre médicale; influencer, si possible, les internes et résidents dans leur décision par des stages en régions; modifier les programmes afin de donner une formation plus polyvalente aux médecins; réviser les critères de détermination en besoins d'effectifs médicaux pour tenir compte des réalités régionales et sous-régionales; ouvrir des postes additionnels de résidence en spécialités sélectivement à ceux qui désirent pratiquer en régions; responsabiliser à la complémentarité les établissements mieux pourvus en services spécialisés; tenir compte de l'accessibilité aux services de santé ainsi que des besoins de l'enseignement et de la recherche clinique dans la planification de la main-d'oeuvre médicale; allouer les budgets appropriés afin de maintenir une technologie de pointe et de procéder au remplacement des équipements désuets; poursuivre la recherche de moyens incitatifs additionnels et améliorer la qualité de vie du professionnel et de sa famille en régions en pénurie d'effectifs; mettre en place une table de concertation permanente en vue d'une planification dynamique des effectifs médicaux ainsi que des besoins de la population.

Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Bois. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Attendez une seconde, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste neuf minutes et demie.

M. Chevrette: Merci, messieurs. J'ai lu le point 6° de la page 2 de votre mémoire, qui se lit comme suit: "D'établir les modalités d'un système de garde permanent dans l'établissement. " C'est donc la responsabilité directe, si on se fie au texte de loi, du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. C'était un des points, je dirais, cruciaux sur lequel on voulait avoir concrètement votre point de vue.

Dans vos recommandations, vous y allez d'une façon très vague en disant qu'il faut tenir compte du contenu pédagogique. J'aimerais savoir si c'est là votre responsabilité directe, si vous percevez cette responsabilité en fonction des contrats collectifs de travail - l'objet de la commission, c'est le problème qui a confronté la FMRIQ avec le ministère - si vous jugez que le contenu de l'entente au niveau des gardes est incompatible avec la responsabilité qui vous est dévolue par la loi et avec l'objectif que vous vous fixez, à savoir le contenu pédagogique?

M. Bois: Quant au contenu pédagogique, évidemment, il n'est pas de notre ressort de l'établir. Je pense que ça fait partie du programme de formation et, à ce moment-là, la corporation professionnelle, c'est de son ressort d'établir aussi le contenu pédagogique adéquat pour une bonne qualité de formation des médecins. Cela appartient aux universités, évidemment, concernant l'accréditation pour le collège royal, de déterminer le contenu pédagogique qui peut servir à la formation du futur médecin praticien ou spécialiste.

Par contre, souvent, les remarques que nous pouvons avoir, c'est que le contenu d'une garde n'est pas toujours pédagogique, si on peut parler ainsi, dans le cadre du programme, en ce sens qu'il y a beaucoup de petites choses qu'on peut demander sur une garde qui ne font pas partie directement du contenu pédagogique. Ce qu'on veut soulever, c'est que les intervenants directement impliqués avec le contenu d'un programme puissent un peu décanter sur une garde ce qui appartient vraiment au contenu pédagogique.

Il faut se rappeler qu'une garde, c'est un excellent moyen, surtout pour certaines spécialités, d'apprendre sa spécialité. Il ne faut pas toujours apprendre sa spécialité quand on en a quatre ou cinq autour de nous. Je pense que pour un résident, un interne, apprendre à traiter un oedème aigu en pleine nuit, c'est souvent plus valable pour lui. Cela n'exclut pas le jour, mais c'est valable pour lui de le faire. Je ne pense pas qu'un résident ou un interne se plaigne d'avoir eu à traiter, une nuit, avec l'aide ou la supervision de son senior, soit un oedème aigu, soit un coma, etc. (11 h 45)

Le problème des heures de garde, à un moment donné, c'est le lendemain de la garde. On peut avoir des gardes plus tranquilles, comme on dit dans le milieu, et on peut avoir des gardes fort occupées, au

point d'être vraiment fatigué le lendemain. C'est peut-être dans ce sens que la fédération des médecins et résidents en est venue à une entente de délimiter un quantum du côté des gardes. On ne serait pas contre, de toute façon, si une garde correspond bien au contenu pédagogique, surtout dans certaines spécialités, comme la cardiologie, etc., qui est peut-être différente d'autres spécialités comme la dermatologie, l'anatomo-pathologie. On ne serait pas contre que certaines heures supplémentaires soit même faites, par les résidents et internes à l'intérieur même d'un centre hospitalier.

Il y a d'autres ressources aussi pour la garde. Quand on parle de la garde, c'est souvent la garde de première ligne. II peut toujours y avoir d'autres genres sur appel, mais, sur place, la garde de première ligne doit être faite par un médecin diplômé. Dans cette garde de première ligne, il y a aussi d'autres ressources qu'on peut concevoir dans certains centres hospitaliers, surtout depuis qu'un département de médecine générale existe dans chaque centre hospitalier, si je ne m'abuse, à l'exception de quelques centres spécialisés. Il y a des omnipraticiens qui se font même une spécialité de faire du travail de garde, et à ce moment-là... Oui, pardon?

M. Chevrette: Me permettez-vous d'être plus précis?

M. Bois: Oui.

M. Chevrette: Nous avons signé un contrat collectif avec les résidents et internes. Vous avez, en vertu de la loi, la responsabilité d'établir les modalités d'un système de garde permanent dans l'établissement.

M. Bois: Oui.

M. Chevrette: Les résidents et internes nous disent qu'un 1-4, 1-3, c'est suffisant, c'est déjà passablement lourd. Vous avez à organiser concrètement dans un centre hospitalier - prenons-en un - une garde permanente. Vous n'avez pas suffisamment de résidents et internes pour le faire, qu'est-ce que vous faites pour répondre à l'obligation qui vous est dévolue par la loi et, en même temps, au respect - parce que c'est une autre obligation - de la convention de la FMRIQ?

M. Bois: Remarquez bien que si l'urgence est ouverte, c'est parce qu'il y a quelqu'un pour recevoir les gens.

M. Chevrette: Sauf la nuit, dans onze établissements, si j'ai bien compris.

M. Bois: Oui, je le sais, mais les malades sont toujours là, je veux dire....

M. Chevrette: Non, mais j'écoutais les nouvelles hier soir.

M. Bois: Ah bon! On a parlé de deux ressources possibles. Évidemment, il y a toujours la ressource que le résident ou l'interne accepte de faire des heures supplémentaires, moyennant une modalité que je n'ai pas à discuter, mais qui pourrait être convenue. En fin de compte, c'est une convention entre nous...

M. Chevrette: Mais c'est prévu, c'est la compensation en temps.

M. Bois: Deuxièmement, il y a aussi les omnipraticiens qui peuvent faire des gardes. D'ailleurs, il y a beaucoup de centres hospitaliers qui ont un service de première ligne fait par les omnipraticiens. Ils en font même pour plusieurs une spécialisation. Cela veut dire que la première ligne peut facilement être... Cela arrive, c'est plus difficile dans un centre hospitalier, comme dans une institution où on n'a pas de département de médecine générale, par exemple un institut plus spécialisé, c'est peut-être plus difficile d'assurer la garde. Si on assure un service de garde permanent, un certain nombre de gardes sont évidemment assurées par les résidents. S'il y en a moins, il y en a moins d'assurées, c'est fait par les internes sous supervision.

Deuxièmement, il peut y avoir les praticiens généraux et, troisièmement, si on maintient quand même le système de garde, il y a le spécialiste lui-même qui peut faire des gardes. Évidemment, il faut qu'il y ait quelqu'un sur place.

M. Bergeron (Dollard): Pour renchérir, M. le ministre, il est reconnu que l'association sait bien qu'un des rôles importants des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, c'est justement d'assurer ce système de garde permanent. Mais ce système de garde permanent ne signifie pas la présence d'un médecin à l'hôpital. Tous les départements et tous les services ont un système de garde permanent soit sur place ou sur appel. Là où les problèmes sont survenus justement, c'est dans les hôpitaux périphériques; je veux revenir un peu plus loin à la question des internes qui ne sont pas supervisés dans quelques établissements où, par exemple, le médecin n'est pas présent à l'urgence, mettons de minuit à 8 heures. Cela s'est d'abord créé dans les hôpitaux de faible urgence, dans les centres hospitaliers en région de faible urgence. Il a fallu, à un moment donné, offrir une rémunération différente pour que quelqu'un accepte de coucher à l'hôpital. Le CMD établissait un système de garde. Il avait une liste de garde, mais le médecin était sur appel. L'infirmière appelait le

médecin qui se levait et allait répondre à l'urgence de son hôpital quand il y avait une urgence. Pour améliorer cela, dans des régions, des rémunérations différentes ont été acceptées, par exemple, par vacation pour les urgences à faible débit. Mais ce problème existe aussi dans les centres urbains pour les hôpitaux dont les urgences sont à faible débit. Dans un des hôpitaux mentionnés hier pour la région 03, c'est mon hôpital, l'hôpital Laval, et, à minuit, à 1 heure ou à 1 h 30, si c'est tranquille, l'omnipraticien qui surveille l'interne quitte et s'en va chez lui. Mais il reste de garde sur appel. Il peut revenir au besoin ou, au-dessus de la pyramide de l'interne, il y a les résidents en cardiologie, les résidents en médecine interne et les résidents en pneumologie. Alors, autrement dit, il n'y a à peu près pas de cas où l'interne serait obligé de faire appel à l'omnipraticien qui est rendu couché chez lui à cause du faible débit de l'urgence. Je sais que c'est un problème. On a essayé de le régler. On fait des pressions auprès du département de médecine générale qui est responsable d'assurer ce système de garde à l'urgence, mais on se fait répondre: Tant que je vais coucher ici pour voir un ou deux cas dans la nuit, salut, il m'appellera et je viendrai. Le système de garde est établi, mais il est sur appel. Puis, il existe la pyramide des autres résidents à l'intérieur de l'hôpital pour les superspécialités et, à ce moment-là souvent, l'urgence qui s'en vient chez nous - ce n'est pas expliquer une situation particulière - c'est une urgence respiratoire ou en cardiologie et, il y a déjà des résidents et, au-dessus, toutes les spécialités ont un système de garde sur appel aussi.

Alors, cela peut peut-être donner un peu d'explication, et je pense que la solution serait de songer peut-être aussi à offrir à cet omnipraticien à qui on demande de coucher à l'hôpital et qui ne va recevoir à peu près aucune rémunération pour cela, peut-être offrir ce que l'on a offert dans certaines régions pour garder des gens à l'urgence la nuit dans ces régions. C'est sûr que l'on comprend bien que les internes se plaignent et font des pressions au niveau de notre comité d'enseignement qu'ils ne sont pas supervisés, mais tous les cas qui ont été vus la nuit sont révisés par l'omnipraticien qui entre à l'urgence à 8 heures le matin, sont discutés, et certains malades reviennent aussi pour des contrôles. Mais je l'admets que cela existe dans trois hôpitaux de la région de Québec. La solution n'a pas encore été trouvée à cause du faible débit entre minuit et 8 heures de ces urgences. Cela n'existe pas au CHUL ou à l'hôpital de l'Enfant-Jésus qui assurent à peu près 80 % des urgences du Québec métropolitain.

M. Chevrette: À la page 8 de votre mémoire il y a une phrase en haut que je ne comprends pas. Elle est compréhensible au point de vue français, mais j'aimerais savoir les dessous de cela. Il serait regrettable que le problème d'accessibilité à des soins médicaux soit résolu par la venue de médecins immigrants ou de moniteurs. Premièrement, pourquoi, et qu'est-ce que vous voyez de mieux?

M. Bois: C'est sûr qu'il y a un mouvement de la population médicale, il y en a qui partent et il y en a qui veulent venir travailler ici. Je pense qu'on n'a rien contre les médecins immigrants, il ne faudrait pas interpréter cela comme cela, on n'a rien contre les moniteurs qui se sont avérés, dans plusieurs endroits, de bonnes ressources même dans des endroits éloignés, et j'en connais personnellement.

Par contre, dans le contexte d'un contingentement qui pourrait se faire sentir, avec le temps, de plus en plus pesant, si on peut parler ainsi, sur le renouveau des effectifs, il faudrait bien, à un moment donné, concevoir que d'autres ressources devraient venir faire le travail par spécialisation ou en omnipratique.

M. Chevrette: Me permettez-vous juste une petite remarque? C'est parce qu'au niveau des moniteurs, il y en a 300 au Québec dont 99 sont du Canada, 58 du Québec, 33 des autres provinces, 22 des États-Unis et 179 d'autres pays. Donc, les moniteurs, ce sont quand même des gens qui ont le statut d'équivalent à un interne ou à un résident, si on parle d'équivalence de statut.

M. Bois: Oui.

M. Chevrette: Sauf qu'ils n'entrent pas, bien sûr, dans les effectifs devant déboucher sur le marché du travail québécois. Cela constitue une ressource à court terme qui peut être assez intéressante. La question des immigrants, c'est de 150 à 200 sur une liste d'appel. Est-ce que vous voulez dire, concrètement, que c'est un palliatif è court terme mais que ce ne devrait pas exister, ou si vous vous en prenez au statut? J'ai bien compris pour les immigrants vous ne vous en prenez pas au statut, cela a été clair, mais j'aimerais vous entendre sur les moniteurs.

M. Bois: II y en a qui viennent, on les appelle des moniteurs de recherche clinique. En général, ils peuvent venir avec un statut de résident, mais ils viennent souvent avec un statut de moniteur en recherche clinique. Ils font certaines tâches cliniques. Ils peuvent faire des stages en complémentarité, par exemple, avec une technique un peu spéciale. Plus particulièrement dans le centre hospitalier où je suis, on en a toujours

régulièrement plusieurs.

Évidemment, c'est normal de penser que le moniteur, éventuellement, pourrait être intéressé à demeurer au Québec, surtout si le système est différent et lui plaît davantage par rapport à son pays d'origine, surtout s'il prend épouse ou époux au Québec. Il peut prendre son statut d'immigrant, éventuellement. Il peut devenir une excellente ressource à court terme, bien entendu.

Mais si on parle, par exemple, de permettre plus de possibilités pour des postes en résidence, etc., il faut penser tout de même qu'un médecin ne se fait pas en deux ans ou en quatre ans et un spécialiste non plus. Automatiquement, on tombe dans le moyen terme. Si, actuellement, une certaine planification ne permettait pas d'ouvrir un certain nombre de postes alors que nos effectifs en "spécialité" - entre guillemets -deviennent plus âgés ou peut-être qu'on en vient à une espèce de pénurie relative, à ce moment, si on ne pense pas à moyen ou à long terme, il va falloir automatiquement faire appel de plus en plus à une telle ressource. Mais je ne voudrais pas qu'on interprète cela comme si j'étais contre la venue de moniteurs. Au contraire, j'en connais, des moniteurs, qui sont retournés dans leur pays et qui sont revenus dans un deuxième temps. Il y en a qui sont demeurés et ils sont d'excellentes ressources dans des régions intermédiaires, que je connais très bien. (12 heures)

À court terme, je pense qu'on ne peut pas être contre les moyens de permettre l'accessibilité aux soins de première ligne aux citoyens plus en périphérie et de seconde ligne à des niveaux intermédiaires ou pas. On ne peut pas être contre cela à court terme, mais on voit plutôt cela dans une dimension de court ou moyen terme. Je ne sais pas si cela répond à...

M. Chevrette: Oui, en sachant tout de même - vous le savez pertinemment qu'actuellement tout le monde travaille avec des méthodologies et des données différentes. On a pu s'en rendre compte hier, quand on a parlé de l'évaluation des effectifs médicaux.

M. Bois: C'est cela.

M. Chevrette: Je crois que c'est M. Jean Rochon, de l'Université Laval, qui nous disait: Si vous n'excluez pas les chercheurs, cela peut fausser le nombre de médecins nécessaires en fin de compte. On a entendu également les omnipraticiens et les spécialistes nous donner des versions différentes. J'aurais une question là-dessus? Que pensez-vous de la politique ou de l'objectif qui était d'atteindre 60 % d'omnipraticiens et 40 % de spécialistes?

M. Bois: II faudrait peut-être se demander comment on concilie cela avec ceux qui disent qu'il y a un surplus de médecins. Il est paradoxal de dire qu'il y a un surplus de médecins et, en même temps, une pénurie dans l'accessibilité dans plusieurs endroits de ressources. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que si, en régions très périphériques, on pense surtout à des soins de première ligne, ces soins sont assumés par les omnipraticiens en général ou ceux qui sont en médecine familiale. Si, d'une part, on dit qu'il y a un surplus et, d'autre part, on ne peut pas suffisamment combler les déficits qui peuvent exister dans certaines régions, je...

M. Chevrette: C'est une question de répartition. Ce n'est pas nécessairement paradoxal. Vous pourriez avoir un surplus de médecins et avoir carrément des lacunes très graves sur la Côte-Nord...

M. Bois: Oui.

M. Chevrette:... et en Abitibi et cela n'a rien à voir avec les effectifs. Vous pourriez avoir des spécialités qui ne veuillent que se concentrer dans les gros centres urbains. Il pourrait y avoir un surplus de médecins là-bas quand même.

M. Bois: Oui.

M. Chevrette: Deuxièmement, si je vous pose les 60 % - 40 %, c'est à cause du fait suivant. On parle de "désinstitutionnalisation", on parle de services à domicile accrus, on parle d'améliorer les services communautaires en CLSC. On parle de plusieurs autres soins de première ligne à donner et on dit que, pour réaliser cela, il nous faut plus d'omnipraticiens et moins de spécialistes. C'est vrai que cela pourrait être dangereux de se retrouver avec des régions sans spécialistes, surtout si on baisse globalement le nombre de spécialistes et qu'il y a concentration. Est-ce paradoxal, d'autre part, de dire qu'il pourrait y avoir surplus tout en visant cet objectif? Je ne le crois pas.

M. Desrochers (Marc): M. le ministre, on s'est interrogé à quelques reprises sur ce rapport, à savoir que 60 % - 40 %, c'est un chiffre idéalisé. Son origine exacte et jusqu'à quel point cela peut répondre à un idéal dans l'expérience, c'est déjà un point d'interrogation.

Deuxièmement, c'est l'impact de ce résultat souhaité...

M. Chevrette:... un peu plus près parce qu'on a de la difficulté...

M. Desrochers:... c'est-à-dire d'avoir 60 % de généralistes et 40 % de

spécialistes. On s'est aussi interrogé pour savoir si cela va apporter ia disponibilité que vous voulez offrir. Encore là, un déversement - comme on en a parlé - de généralistes n'ira pas nécessairement en CLSC parce qu'il y a des postes de disponibles, encore moins en soins à domicile et ainsi de suite.

Quant à la formation, quand on parle d'une seconde année et d'étendre pas seulement les connaissances et les champs d'activité auxquels est soumis le futur généraliste, je pense que c'est à ce titre-là que le complément de formation peut avoir sa place. Mais sur le rapport 60 % - 40 %, à part d'être une valeur actuarielle pour l'ensemble du Québec pour des rapports entre deux fédérations, je me demande quelle valeur cela aura sur le terrain quand, dans une région ou dans un établissement, on tentera d'en faire une norme. Il est presque improbable de penser que, dans certains établissements, le rapport ne sera pas de 80 spécialistes pour 20 omnipraticiens et, dans d'autres régions, que ce ne sera pas l'inverse, 80 % de généralistes pour une minorité de 20 % de spécialistes. Cela dépend beaucoup du champ d'activité, de la limite au type de soins qui vont être donnés, è l'étalement de la région ou au genre de spécificité. Donc une norme globale comme celle-là ne devrait pas être un carcan, mais devrait être le résultat mathématique d'un ensemble d'individualités. Ainsi, pour un institut de cardiologie, on va peut-être avoir 99 % de spécialistes et, 1 % de généralistes et dans un centre hospitalier de longue durée, on peut avoir l'inverse, 99 % de généralistes. Au total, vous estimez qu'il va y avoir une pondération comme celle-là qui va s'établir et que le résultat prévu va être de 60-40. Si c'est à titre de résultat et que vous l'utilisez comme une prévision, cela peut avoir sa valeur. Si vous l'utilisez comme un objectif, à nos yeux, pour les gens qui pratiquent dans des établissements ou dans des régions, ce n'est pas prévisible comme un idéal, et on en connaît moins que vous l'impact. Est-ce que cela va changer beaucoup la limite de la pratique entre la spécialité et l'omnipratique? Est-ce que, quand il y a de moins en moins de spécialistes, il y a de plus en plus de généralistes qui deviennent des minispécialistes.

M. Chevrette: Avez-vous compris qu'on visait 60-40 par établissement?

M. Desrochers: Non.

M. Chevrette: J'espère.

M. Desrochers: Mais au moins par région sinon pour le Québec.

M. Chevrette: On parle toujours avec une vision plus globale. C'était 60-40 en fonction d'objectifs bien précis. Selon nous, on a plus de chances de répondre aux objectifs de soins de première ligne avec 60-40 qu'avec l'inverse, ne croyez-vous pas?

M. Desrochers: Oui. Encore là, tout dépend des modalités qu'on appliquera dans chacune des régions et, encore là, quand on établit, à partir de ce rapport, la production annuelle des facultés, on risque effectivement de ne pas savoir ce qu'on produit, à savoir où on va les diriger au point de vue des régions, où on va les diriger au point de vue des champs d'activité, et on ne pourra pas se limiter à cette seule norme.

M. Chevrette: C'est une forme de contingentement quand on autorise X étudiants annuellement. J'ai terminé, Mme la Présidente? Ne me grondez pas, c'est ma dernière phrase.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre sous-ministre venait vous en souffler encore.

M. Chevrette: C'est son droit le plus strict, il est engagé pour cela. Je disais que nous tenons compte des manques dans certaines spécialités. La preuve, c'est qu'en psychiatrie et en anesthésie vous savez qu'on permet des nombres additionnels compte tenu du manque. Il y a des possibilités d'une façon intelligente d'atteindre cet équilibre sans être paradoxal, je pense.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui monsieur.

M. Chevrette: Là, je vais être obligé de m'arrêter. Ne suscitez pas de question...

M. Larouche (Raymond): Je voulais ajouter un mot sur les statistiques. J'ai toujours été séduit par les statistiques parce que je connais peu de choses, je suppose, et encore davantage séduit par toutes les conclusions qu'on en tire puisque vous divisez les gens en deux camps, on le sait.

En ce qui regarde les effectifs médicaux, on arrivera a peu de chose si on continue à jouer avec les chiffres et si on ne les décentralise pas, si mon terme est bon. Ce qu'il faut savoir, c'est que, dans la région du Lac-Saint-Jean, par exemple, il faut combien de spécialistes par généraliste? C'est un petit coin que je connais assez bien pour avoir failli y perdre ma vie - cela n'y paraît pas - mais le fait est qu'on se retrouve dans certaines villes là-bas où vous avez 25 à 30 omnipraticiens et où il n'y a personne qui oeuvre en médecine interne, en cardiologie. Et les spécialités d'urgence, c'est la médecine d'aujourd'hui; au départ, c'est une médecine d'urgence. Alors vous tombez

dans une situation absolument paradoxale et quasiment absurde où vous avez beaucoup de gens qui repèrent beaucoup de maladies, mais le nombre de gens qui, par ailleurs, sont capables d'apporter l'aide définitive aussi bien aux praticiens qu'aux malades est déficient. Là, on sort un peu des statistiques générales qui sont toujours à mon sens un peu dangereuses. Qu'on refasse dans chaque région éloignée l'exercice d'établir un prorata de ce qu'il y a comme internistes, comme cardiologues, comme médecins d'urgence, au départ. On ne peut pas s'attendre à avoir un endocrinologue à Sept-Îles, je ne le crois pas; il n'y en a même pas à Chicoutimi avec tout l'équipement qui est installé là. C'est pour cela que cela me porte à regarder cela un peu comme futile - avec tout le respect que je vous dois - disons l'application de statistiques générales. Montréal n'est pas Québec, Québec n'est pas Montréal, Sherbrooke n'est pas Montréal et le Lac-Saint-Jean, etc., et si on continue comme cela, on en a pour longtemps. La solution, il va falloir qu'on la trouve sur le terrain, j'en suis sûr, avec des intervenants locaux, comme des gens l'ont déjà mentionné.

M. Chevrette: Êtes-vous d'accord avec les plans d'effectifs médicaux régionaux?

M. Desrochers: Mais avec des barèmes établis. Qu'on ne nous serve plus les statistiques qu'il faut 60 % par exemple - je sais que vous n'avez pas dit cela - de spécialistes dans l'ensemble de la province -vous m'avez dit que ce n'était pas cela -mais ce jeu s'applique facilement et on descend en statistiques et on arrive à des choses qui sont carrément inapplicables, qui ne le seront jamais et qui, malheureusement, mette en danger notre système médical à l'heure actuelle. Ceux qui ont connu le système de non-accessibilité du vieillard qui vient vous quêter une consultation et qui n'a pas 5 $. Si vous prenez son 5 $, c'est le tabac de sa pipe, c'est tout ce qui lui reste comme joie, souvent. Ceux qui ont connu ce système-là, ils sont contents du système qui existe à l'heure actuelle, bien sûr. Nous autres, on pense qu'on est en danger de le perdre un petit peu par, j'oserais dire, le jeu des chiffres.

M. Chevrette: Je peux vous dire une chose, c'est que les plans d'effectifs médicaux vont nous aider peut-être à oublier précisément les statistiques au niveau national puis à penser plutôt en fonction des régions. C'est un des rôles qui est dévolu aux CRSSS précisément pour que ce soit dans le milieu que se fasse cette analyse, et cela nous permettra probablement de réviser nos approches là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci de votre sagesse. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, j'ai deux questions ou deux séries de questions parce qu'on commence avec une question et on finit en série, parfois. À la page 6 de votre mémoire, au premier paragraphe de votre chapitre intitulé: Planification de la main-d'oeuvre médicale, vous indiquez que: "L'objectif principal d'une planification de la main-d'oeuvre médicale est de rendre accessibles à tout citoyen des services de santé continus répondant à ses besoins. Il est rapporté que 10 % environ de la population n'aurait pas accès facilement à des soins malgré la gratuité des services de santé. " Vous comprendrez que les mots "II est rapporté" m'amènent à une question. Quelle est la source d'information ou les sources d'information qui établissent ces 10 %? Pourquoi 10 %, pourquoi pas 5 %, 15 %?

M. Bergeron: On parle d'une évaluation globale de la consommation des services essentiels au Québec. C'est un chiffre que nos administrateurs ont mentionné samedi dernier lors de notre conseil d'administration à Rimouski. Dans la région de l'Abitibi, cela dépasserait de beaucoup 10 %. On évalue, par exemple, que la région de l'Abitibi-Témiscamingue serait en perte d'un montant global de 12 000 000 $ en services de santé qu'elle ne consommerait pas, qu'elle ne peut pas consommer parce qu'elle ne les a pas.

Samedi dernier, nous étions réunis au Centre hospitalier régional de Rimouski, on faisait le tour de toute la péninsule et quand, dans une région comme celle du Bas-Saint-Laurent, la région 01, on nous raconte que la région a un manque de rétention des services médicaux de 25 %, cela veut dire qu'on a 25 % des gens de cette région qui s'en vont ailleurs pour avoir des services médicaux. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas les services médicaux, ils n'ont pas les effectifs médicaux, ils n'ont pas la technologie, ils attendent sur des listes d'attente trop longues, alors ils vont recevoir leurs soins médicaux ailleurs. Il y a plus de 75 % de rétention dans cette région. Dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a une légère amélioration, selon le Dr Savard qui est président de notre assemblée régionale. Il ne faut pas oublier aussi que, lorsque les gens quittent la région 01 et qu'ils viennent prendre des services de santé ailleurs, cela coûte deux ou trois fois plus cher.

Pour la région 09, la région de la Basse-Côte-Nord, te Dr Archambault, qui est notre administrateur à Sept-îles nous a mentionné que cela avait coûté au-delà de 3 000 000 $ en transport de malades qui viennent pour des visites à Québec, à

Montréal, etc., les billets d'avion payés, etc, On pense nous autres que c'est dans les régions qu'on va trouver les structures qu'il faut. C'est pour cela que, dans notre association ici, on a formé nos associations régionales de conseils de médecins et dentistes. On a rencontré les gens de la conférence des CRSSS. On s'entend bien pour essayer de planifier régionalement les besoins, et, quand une région aura planifié ses besoins en demandes, après cela on sera capable de faire une offre. Combien cela prend de spécialistes? Combien cela prend d'omnipraticiens?

Les CLSC dans les régions périphériques jouent un rôle qui est important mais, pour les CLSC dans les centres urbains, on charrie. Il y a deux ans, on avait soutenu, lors d'un congrès que ce serait le temps que le gouvernement nous fasse un ministère de la Santé et qu'on sache ce qui se rattache au social et ce qui concerne la santé. On a coupé 300 000 000 $ dans nos budgets des hôpitaux en retirant cela de la santé pour le placer où, on ne le sait pas. On veut terminer le réseau des CLSC. Je n'ai absolument rien contre les CLSC. En régions, les médecins sont allés pratiquer dans les CLSC, c'est devenu la porte d'entrée des services de santé, mais pas dans les centres urbains.

Je me rappelle le congrès de la Fédération des CLSC, il y a deux ans à Québec, sur 18 ateliers, il y avait un atelier qui concernait la médecine. On parlait de goutte de lait, des chambreurs, des assistés sociaux, des ci et des ça. Ils font du social mais je voudrais savoir ce qu'on leur donne pour faire le social et ce qu'on est venu chercher dans notre technologie, dans nos établissements qui sont vétustes, en coupant nos budgets de 300 000 000 $ au cours des dernières années. (12 h 15)

C'est encore en revenant dans une région, avec les CRSSS, avec les assemblées régionales des CMDP, qu'on va être capable de connaître les besoins d'une région; après cela, on va faire l'offre. À ce moment, on sera capable de déterminer tout cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse de vous interrompre, mais le temps court et le ministre voulait juste revenir et vous reviendrez après. Continuez et il reviendra. Allez-y.

M. Paradis: C'est juste parce qu'il vient de revenir et il faut que je parte, également, pour la même raison.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: La deuxième question aux séries de questions touche la page 9 dans votre sommaire des recommandations: Planification de la main-d'oeuvre médicale. Tenir compte des erreurs du passé dans la planification de la main-d'oeuvre médicale. Je ne vous demanderai pas de les lister toutes, mais quelles sont les plus importantes erreurs qui ont été commises pour que personne d'autre ne les commette à l'avenir, selon votre organisme?

Remarquez que, tantôt, il y en a une qui a été soulignée à partir des statistiques globales. On tente d'imposer cela dans les régions et de repartir de la base pour remonter vers le haut; j'ai saisi celle-là, mais est-ce qu'il y en a d'autres?

M. Bois: J'aimerais, dans un premier temps, mentionner que, quand j'ai fait la lecture, j'ai dû tenir compte du passé, parce que je ne pense pas qu'on puisse parler d'erreur. Si on dit, par exemple, qu'on va augmenter le nombre de médecins et, qu'on va essayer de régler le problème et, en l'augmentant par des versements, on ne le règle pas, c'est un constat; cela n'est pas forcément une erreur, à mon point de vue. C'est simplement une solution qui n'a peut-être pas donné ce à quoi on s'attendait.

C'est la même chose si on parle d'un contingentement et qu'on s'aperçoit que cela amène peut-être...

M. Chevrette: Voulez-vous parler un peu moins fort que nous; on ne s'entend plus fumer.

M. Bois: Si on parle, par exemple, du contingentement dans les spécialités et qu'on réalise que cela commence à nous donner des problèmes d'effectifs, c'est un constat. Je ne pense que ce soit... Le terme "erreur", je pense, il est très fort, d'ailleurs, et c'est pour cela qu'on l'a enlevé. Je pense que ce sont des constats; ce sont des solutions qui n'ont pas donné ce qu'on attendait ou, alors, on s'interroge sur les solutions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je me vois dans l'obligation de reprendre les propos de M. Bergeron, parce que je vous avoue que, quand on fait l'analyse du cadre budgétaire au ministère, là où on a le moins de contrôle possible, c'est dans le domaine de la santé. Il faut quand même se dire les choses telles qu'elles sont. On a malheureusement - je le dis comme je le pense - fait en sorte que la population ait comme seul et unique réflexe l'institution.

Moi, personnellement, je déplore ce fait. Si on avait habitué les gens collectivement, notre société, à se prévaloir de ressources plus légères, autres, beaucoup moins coûteuses, beaucoup moins

dispendieuses, nous n'aurions probablement pas à faire face à des interrogations majeures, avec les crises budgétaires que l'on traverse, y compris dans le domaine de la santé.

Vouloir dissocier santé et services sociaux m'apparaît une erreur monumentale, parce qu'il y a une complémentarité indispensable, si on veut avoir une société qui ne soit pas dépendante de l'institution. Je vous avoue personnellement que je diverge complètement d'opinions et j'en aurais pour une heure à faire un discours là-dessus, mais je ne voulais pas laisser passer l'occasion que vous m'avez offerte de rectifier cela comme tir de population et comme perception de population, comme perception gouvernementale, on ne peut pas envisager...

On ferait peut-être plaisir politiquement à du monde de scinder mais, collectivement, on s'en irait droit dans un cul-de-sac. Si on n'est pas capable de regarder les complémentarités des deux dimensions, je vous avoue très honnêtement qu'on a une très courte vue de ce que sont les services de santé et les services sociaux dans une collectivité et, surtout, la part importante du budget que cela vient gruger. Quand c'est tout près de 30 % d'un budget et qu'on sait très bien que des soins de santé, c'est illimité, ça n'a pas de limite, on habitue même les gens à avoir comme réflexe l'institution d'abord. Il y a des gens qui y contribuent. Vous décrochez le récepteur de votre appareil téléphonique à 17 h 30 et vous entendez: Ceci est un message enregistré. Si vous avez des maux de tête ou des problèmes, allez donc à l'urgence. Après ça, tout le monde dit: Bien oui, l'urgence est encombrée. Et, là, on est surpris que ça coûte des fortunes, socialement, parce qu'on n'a pas cette ressource légère, précisément, pour venir en aide aux gens, pour les habituer à avoir cette perception de prise en main d'une collectivité qui n'est pas un tant soit peu dépendante de l'institution. Je vous avoue que ça m'horripile.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais continuer, ce n'est pas souvent qu'on voit l'Opposition et le gouvernement sur la même longueur d'onde. Je comprends mal la réaction de M. Bergeron quand on sait que notre population est vieillissante et qu'on va se retrouver, pas en l'an 2050, on l'est déjà, en 1990-1995 ou en l'an 2000 avec une population qui va atteindre probablement 13 % ou 14 % de personnes de 65 ans et plus et une augmentation considérable des 80 ans et plus. Si on doit regarder le vieillissement uniquement dans une perspective de santé, je vous assure que, d'abord, je pense que vous ne tiendrez pas compte des besoins réels des gens et ça va vous coûter une fortune, ce sera de l'argent jeté, il n'y aura plus de limite.

Retourner à une division de la santé et des services sociaux, on retourne avant le rapport Castonguay. Le rapport Castonguay, malgré qu'il ait été difficile d'application, je pense qu'il n'y a pas tellement de gens qui souhaitent qu'on retourne à cette vision absolument étroite de la santé qui serait strictement reliée à des facteurs biologiques sans tenir compte d'autres facteurs. Je pense que ce n'est vraiment pas ça que vous avez voulu dire.

M. Bergeron: Je n'ai pas dit qu'on devait nier ces rapports, pas du tout.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II reste que c'est ça, quand on dit qu'il faut diviser la santé et les services sociaux. Je vous ferai remarquer qu'il y a à peu près 600 établissements sur 800 qui sont des établissements de services sociaux parce que les centres d'hébergement, tout ce qui est ressources, en fin de compte, pour les mésadaptés, pour les personnes vieillissantes, etc., ce sont les institutions des services sociaux. Je comprends mal. En tout cas, je vais arrêter ici, j'ai une question plus précise à vous poser; si vous voulez réagir, vous réagirez, mais je pense que ce serait dangereux de s'en aller dans une orientation comme celle-là.

Une seule question. Quand vous parlez des lits protégés, vous avez d'abord, dans les unités d'enseignement, le regroupement géographique des malades. Je pense que ça rejoint cette idée. L'Association des hôpitaux en a parlé tout à l'heure. Il faut quand même une masse critique pour permettre un enseignement qui soit adéquat. Ceci a suscité passablement de problèmes compte tenu, aussi, des urgences et des lits qu'on gardait pour l'enseignement.

Est-ce qu'on est arrivé, aujourd'hui - ça s'est discuté dans les dernières années - à un meilleur équilibre qui permette en même temps de répondre aux problèmes d'urgence et, d'un autre côté, d'assurer la qualité de l'enseignement ou si vous êtes encore dans une situation où la qualité de l'enseignement devient de plus en plus difficile, compte tenu du manque de lits qu'on appelle protégés? Je pense qu'on se comprend.

M. Larouche (Raymond): Je pourrais dire un mot sur les unités d'enseignement parce que j'ai été mêlé de près à l'organisation des unités d'enseignement à Québec, et je vais citer Québec, mais on pourra extrapoler ailleurs. C'est difficile, mais ce n'est pas impossible. A Québec, ça a été réussi. Je peux vous nommer au moins quatre hôpitaux qui sont maintenant organisés en unités d'enseignement uniquement.

Cela a été difficile pour plusieurs raisons. Évidemment, il fallait contenter tout le monde: les médecins, les spécialités,

satisfaire aux besoins des patients aussi. On a réussi, ici, à l'heure actuelle, dans la ville de Québec, à fonctionner avec des unités d'enseignement, ce que les Anglais nous ont appris, "teaching units". Il y a une mentalité qui s'est formée du côté des médecins et j'oserais dire qu'il y a une mentalité qui s'est formée "surtout du côté des administrateurs, car c'est eux qui avaient des problèmes pour reiocaliser les patients, pour attribuer des ressources de façon privilégiée aux unités d'enseignement en rapport avec le contrat d'affiliation. Alors, en cours de route, il y a eu des difficultés quasi insurmontables, mais de toute façon, elles ont été vaincues.

Les difficultés actuelles, je ne veux pas faire la longue histoire de cela; naturellement, il y a des lits protégés. Ils sont relativement protégés. Quand on dit qu'il faut les protéger contre l'urgence, moi, comme clinicien, cela me fait toujours sourire, parce que je continue à dire que les étudiants qui sortent, vont traiter des urgences jour et nuit s'ils sont bons. S'ils ne sont pas bons, ils vont soigner autre chose. Mais les vrais qui se forment une clientèle, ce sont eux qui vont être demandés. Donc, ils doivent l'apprendre aussi dans les unités d'enseignement et d'une façon bien ordonnée-La difficulté naît donc en partie du côté du nombre des urgences, il y a un choix à faire. La difficulté vient plus de la présence des chroniques et des patients à long séjour qui ont un intérêt didactique. Évidemment, après quinze jours que vous avez regardé les mêmes tics, etc., il y a moins à apprendre que chez un nouveau patient. Encore est-il qu'il y a des unités qui en gardent un ou deux, ne serait-ce que pour enseigner les bonnes manières aux étudiants, si j'ose dire.

Donc, on a réussi à les bâtir avec le concours des étudiants, des résidents qui sont entrés dans le jeu, des administrateurs qui ont dû déranger beaucoup de monde pour y parvenir et aussi aller chercher des ressources financières pour mobiliser et "disponibiliser" les gens qui ne font que cela ou à peu près. Alors, cela s'est bâti ainsi et je dois vous dire qu'on évalue chaque année ce mode de pédagogie et actuellement cela a été jugé comme étant fort respectable. Je compare les unités d'enseignement à des sortes de gymnase où les gens vont s'entraîner à leur vie future.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je pense que notre temps est écoulé. Je veux vous remercier, Dr Bois, ainsi que vos collègues.

Je vais inviter le prochain groupe, qui est la Corporation professionnelle des médecins du Québec, à se présenter. Merci beaucoup.

Bonjour, Dr Roy. Cela nous fait plaisir de vous voir, ainsi que vos collègues.

M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, pendant que j'ouvre ma malle, il faudrait peut-être vérifier avec vous jusqu'à quelle heure la commission siège.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 20 minutes de présentation et, après, nous aviserons.

M. Roy (Augustin): Parce que je n'aime pas trop être obligé d'interrompre une présentation en plein milieu de...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Normalement nous arrêtons à 13 heures.

M. Roy (Augustin): À 13 heures, d'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais j'aimerais que vous essayiez de faire le même effort que vos prédécesseurs.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, il me fait plaisir de participer à cette commission parlementaire et, au tout début, je voudrais présenter mes collègues. À l'extrême gauche, le Dr François Laramée, adjoint à la direction générale, le Dr André Lapierre, secrétaire général adjoint; à ma droite immédiate, Mlle Colette Assaly, responsable de toute la question des admissions de pratique de médecine, admissions en spécialité des internes et résidents, y compris les moniteurs, le Dr Michel Bérard, directeur du service des études médicales de la corporation et votre humble serviteur, Augustin Roy, président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Nous vous remercions de nous avoir invités à cette commission parlementaire, même si nous avons été un peu surpris au début du fait que le ministre ait convoqué la commission durant ses pourparlers avec les internes et les résidents, mais le ministre étant un bon négociateur, nous avons compris un peu les raisons de cette convocation, même si les sujets concernant surtout les gardes et les unités d'enseignement clinique sont plutôt du domaine universitaire. Nous croyons qu'il est peut-être de bonne guerre que le public soit un peu au courant de ce qui se passe et il est légitime que le gouvernement, de temps en temps, fasse un exercice de démocratie. (12 h 30)

En ce qui concerne les effectifs médicaux, nous aurions aimé que le gouvernement ait un document de travail à

nous présenter, ait des données additionnelles à nous donner avant de nous convoquer de nouveau à un autre exercice, parce qu'on pourra faire ces échanges de vues, ces exercices très fréquemment. Malheureusement, on vient chacun exprimer nos points de vue qui semblent concorder considérablement avec ce qui a été dit à la table de concertation du mois de mai, l'année dernière, avec l'ex-ministre des Affaires sociales.

J'en profite avant de passer la parole à un de mes collègues, le Dr Lapierre en particulier, sur la question des gardes et des unités d'enseignement clinique, pour dire au ministre qu'il me paraît un homme très raisonnable, il me paraît avoir un jugement excellent et j'aime beaucoup ses observations sur le plan humain et humanitaire. En conclusion, les propos que je reçois du milieu me semblent assez excellents, bien que des directeurs d'hôpitaux puissent être vexés de certains articles journalistiques, mais il est de bonne guerre de provoquer les gens.

Les propos que j'aurai moi aussi à tenir dans ma présentation sur les effectifs médicaux ne visent aucunement le ministre puisqu'il est nouvellement en fonction et, évidemment, sont l'objet des politiques prises par certains de ses prédécesseurs qui ont fait des erreurs monumentales. Donc, que le ministre ne monte pas sur ses grands chevaux et qu'il ne se sente pas visé lui-même parce que tout ce qui sera dit sera fait dans l'intérêt de la communauté. Dr Lapierre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce déjà de la provocation?

Une voix: Si c'est de la provocation, c'est de bonne guerre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Allez.

M. Lapierre (André): Pour nous, les résidents et les internes font l'objet de préoccupations de la corporation au même titre que tous ses autres membres. Ce sont des membres encore en formation. C'est pourquoi nous avons voulu les intégrer aux structures de la corporation spécialement mandatée pour étudier les problèmes de formation. C'est ainsi qu'ils participent aux activités du comité des études médicales où sont discutées les questions reliées aux études pré et postdoctorales. Ils sont également membres du conseil de formation en médecine qui regroupe des représentants des doyens des quatre facultés, des associations d'étudiants, de la Fédération des médecins résidents et internes et de la corporation. Ce conseil constitue une table de discussion et de concertation sur des questions d'ordre médical. Enfin, de concert avec le comité des doyens, des rencontres ponctuelles ont été organisées avec la Fédération des résidents et internes pour étudier la question de la surveillance des internes au cours de leur stage.

Cela dit, je voudrais parler des horaires de garde. Pour la corporation, la garde est une fonction qui est... Je m'en tiens au mémoire et vous pouvez me suivre en partant de la page 2, au bas de la page où on parle des horaires de garde.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.

M. Lapierre: Pour la corporation, la garde est une fonction qui est dévolue aux résidents et aux internes dans le cadre de leur engagement dans un établissement. Puisqu'elle est primordialement une situation d'apprentissage, la garde se doit de reposer sur des principes applicables à toute forme d'apprentissage et de remplir les conditions suivantes: permettre l'exposition à des situations variées, favoriser la répétition des situations, créer des situations d'autoapprentissage, permettre une approche en première ligne de problèmes encore non différenciés, permettre de faire l'apprentissage de la fatigue et du stress qui sont courants dans l'exercice médical. En bas de page: De cette situation d'apprentissage découlent les services que les résidents et les internes rendent aux patients à l'hôpital. Ces services ne doivent pas être l'objectif de la garde; ils en sont une conséquence évidente.

Parmi les conditions essentielles pour faire de cette situation d'apprentissage une expérience éducative valable, il y a celle de déterminer les objectifs que l'interne et le résident doivent atteindre. Les personnes qui ont pour mandat d'agir comme tuteur de cette expérience éducative doivent jouer à l'égard de l'interne et du résident leur double rôle d'enseignant, de superviseur et de médecin traitant.

La corporation a publié un document sur l'internat dans lequel elle spécifie les objectifs de l'internat. Vous les avez en page 4, qui sont de développer son aptitude à établir une relation avec des patients, à procéder à des examens médicaux, à requérir des examens diagnostiques, à participer aux consultations entre médecins, à effectuer diverses techniques diagnostiques, à établir un diagnostic, à effectuer certains traitements et ordonnances, à faire la relance des patients, à assurer des soins continus et à proposer des mesures préventives. L'autre objectif est de développer son jugement clinique et son esprit de décision.

Et je me reporte à la page 6. Ce document de la corporation portait sur l'internat. Nous disons qu'il y a peu de choses à changer pour qu'il s'applique égale-

ment aux résidents. Les seules variantes à apporter le seraient au paragraphe où l'on traite des objectifs, car les objectifs, pour chacune des spécialités, sont des objectifs plus spécifiques qui leur sont propres.

Alors, ces prémisses étant exposées, la première question que l'on peut se poser au sujet de la garde concerne sa fréquence. Y a-t-il, de fait, une fréquence idéale? C'est surtout au cours de la dernière décennie que cette question a commencé à être posée au Canada et en Amérique du Nord. Au Québec, cela date de près de deux décennies, alors que les parties en présence, le MAS et la Fédération des résidents et internes du Québec, réussissaient, depuis ce temps, à s'entendre sur une fréquence acceptable.

Antérieurement, l'habitude consacrée dans le milieu médical était que, plus on faisait de la garde, plus on avait de chances d'être exposé à une variété de problèmes et, partant, de faire un bon apprentissage. Le modèle qui était proposé était celui du médecin presque exclusivement consacré à son travail professionnel. À l'image de la société dans laquelle ils évoluent, les résidents et les internes se posent des questions sur leur qualité de vie et n'acceptent plus le modèle précité.

À la page 7. Le bon sens veut toutefois que la garde, pour être d'une fréquence acceptable, tienne compte de certains facteurs, comme un repos compensateur. La garde doit permettre au résident ou à l'interne de profiter des cas qu'il est appelé à voir pour se former. La garde doit être un complément utile au programme qu'il suit et au stage qu'il effectue.

Cela dit, on peut se poser des questions sur le concept de gardes supplémentaires, et, pour nous, ce concept peut difficilement être autre chose que la garde qui est en surplus du nombre fixé par la convention qui est intervenue entre le ministre et la fédération.

Ici interviennent inévitablement les effets, d'une part, de l'augmentation au cours des dix dernières années du nombre de centres d'apprentissage et, d'autre part, la réduction du nombre de postes de résidences consécutive au contingentement.

De plus, comme on le dit à la page 8, tout calcul fait des divers types de congés prévus, l'interne et le résident peuvent aussi jouir de près de deux mois d'inactivité hospitalière. Il s'agît là encore d'un élément qui vient compliquer le fardeau de la garde pour ceux qui restent. Il ne faudrait pas non plus fermer les yeux sur certains états de faits, même si d'aucuns se plaignent de la fréquence des gardes, il s'en trouve d'autres qui trouvent le temps d'exercer en dehors de leur cadre de formation, et ici nous parlons du "moonlighting".

Là-dessus, nous voulons ajouter que la corporation n'a jamais favorisé le "moonlighting", mais que la loi 27 l'a reconnu explicitement. Certains des résidents ne cachent pas l'intérêt qu'ils auraient pour des gardes supplémentaires payées en surplus, nonobstant les arguments d'ordre pédagogique fréquemment mentionnés.

Un dernier commentaire pour dire que certains hôpitaux peuvent avoir tendance à oublier que les internes et résidents sont des médecins en formation.

Voilà ce que nous avions à dire au sujet de la garde. Sur la question de l'unité d'enseignement clinique, nous avons cru utile de reproduire, dans notre mémoire, un extrait d'un document de la corporation sur les critères d'agrément des programmes de formation postdoctorale. Il se retrouve aux pages 9 et 10 du mémoire. Nous y définissons l'unité d'enseignement et nous précisons sur objectifs.

Permettez-moi d'insister sur le fait qu'il s'agit d'un concept destiné à définir une structure de formation qui a eu une certaine vogue au milieu des années soixante. Les conditions qui prévalent dans les hôpitaux du Québec et du Canada depuis l'avènement de l'assurance-maladie ont forcé les organismes d'agrément à beaucoup d'assouplissement dans l'interprétation de ce concept.

Depuis quatre à cinq ans, les hôpitaux d'enseignement vivent quotidiennement toute une série de contraintes dont nous mentionnons certaines causes aux pages 12 et 13: Telles la réduction du nombre du résidents, les restrictions budgétaires, l'augmentation des malades chroniques, l'admission dans les hôpitaux qui se fait presque uniquement par la salle d'urgence. Alors, à propos des unités d'enseignement clinique, la Corporation professionnelle des médecins du Québec garde donc une position souple.

En guise de conclusion sur ces deux sujets, les horaires de garde et les unités d'enseignement, nous tenons à souligner à cette commission l'inquiétude que nous éprouvons de voir s'introduire dans des conventions négociées des sujets ou des questions de nature pédagogique. Nous sommes d'avis qu'il est important qu'on garde au sujet relié à la formation, comme la situation de l'apprentissage ou des structures de formation, leur caractère purement pédagogique et qu'on n'en fasse pas l'objet de négociation.

M. Roy (Augustin): Passons maintenant à la question très complexe des effectifs médicaux au Québec ou plutôt de leur planification.

En 1972, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, avec la collaboration - c'est à la page 13 - de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et du département d'administration de la santé de l'Université de Montréal, décidait de mettre sur pied un fichier permanent de ses

membres qui permettrait de faire périodiquement: 1) Une mise à jour de la répartition des effectifs médicaux dans la province et d'en suivre l'évolution. 2) Des prévisions plus ou moins à long terme sur l'évolution de ces effectifs.

J'en profite pour déplorer l'absence de M. André-Pierre Contandriopoulos qui devait être avec nous ce matin, mais qui a dû s'excuser pour des raisons personnelles.

Depuis cette date, la Corporation professionnelle des médecins du Québec publie à tous les deux ans un document qui trace le portrait de l'état des effectifs médicaux au Québec et présente une évolution pour les quatre prochaines années. Le prochain document sera publié à l'automne prochain. S'il y avait eu une collaboration depuis les dix dernières années entre la Corporation professionnelle des médecins du Québec et le ministère, on aurait sûrement évité beaucoup de dédoublements et de dépenses inutiles, surtout quand je vois tous les talents de fonctionnaires ici autour de la table. Il y en a qui ne sont pas présents qui, depuis des dizaines d'années, travaillent à la compilation de données d'effectifs médicaux au Québec y compris ceux du ministère de l'Éducation et ceux du ministère des Affaires sociales. S'il y avait eu une collaboration et une articulation, on aurait de meilleures données et de meilleures politiques.

La première étude, en 1973, a permis à la Corporation professionnelle des médecins du Québec d'attirer l'attention sur le fait que les effectifs médicaux croissaient beaucoup plus rapidement que la population. Elle identifiait que le problème des effectifs n'en était pas un de nombre, mais de répartition. Elle indiquait que les régions de Québec, de Montréal et des Cantons de l'Est étaient favorisées par rapport aux autres régions et qu'elles le demeureraient à moins que des mesures correctrices y soient apportées en 1973.

La seconde étude, en 1975, permettait d'identifier les points suivants: 1) Un attrait plus marqué pour la médecine générale chez les diplômés du Québec; 2) Une entrée importante de médecins étrangers en médecine générale, à la suite de la disparation de l'exigence de la citoyenneté canadienne; 3) La perspective d'une féminisation de la profession. À cet effet, on notait particulièrement que les femmes se concentraient dans les régions métropolitaines et que leur taux de participation était moins élevé que celui des hommes.

La troisième étude, en 1977, notait encore une augmentation des omnipraticiens et une répartition améliorée de ceux-ci dans les diverses régions sociosanitaires du Québec par rapport aux années antérieures. L'étude permettait de prévoir une augmentation de 12, 75 % des spécialistes de 1976 à 1980.

Elle prévoyait aussi que les disparités régionales subsisteraient même dans les spécialités dites courantes.

La quatrième étude, en 1979, a permis de constater et de prévoir encore une féminisation importante du corps médical, une augmentation du nombre d'ornnipraticiens pouvant atteindre 50 % aux environs de 1982, une amélioration du rapport population-médecins, une amélioration de la répartition des omnipraticiens entre les régions sociosanitaires suffisantes pour affirmer que, globalement, il n'y aurait plus de pénurie majeure d'omnipraticiens.

Par contre, cette étude indiquait de façon explicite qu'il fallait prévoir une diminution importante dans le taux de croissance des effectifs médicaux spécialisés du Québec, ce qui s'est produit, que le rapport population-spécialistes resterait presque constant de 1978 à 1982 et se détériorerait dans certaines régions - ce qui est vrai - et que la répartition régionale des spécialistes ne s'améliorerait pas. (12 h 45)

L'étude attirait également l'attention sur la croissance du nombre de médecins qui décidaient d'exercer hors Québec; première alarme à ce sujet.

La cinquième étude, en 1981, en plus de constater et de prévoir encore une augmentation du nombre des omnipraticiens et une amélioration de leur répartition entre les régions sociosanitaires, signalait un rajeunissement de l'âge moyen des omnipraticiens et un début de vieillissement de celui des spécialistes. L'étude mettait alors l'accent sur la diminution importante du taux de croissance des effectifs médicaux spécialisés; elle indiquait que ce taux devenait presque nul ou même négatif dans certaines spécialités et que, dans certaines régions, il y avait une détérioration dans les rapports population/spécialistes. Elle signalait enfin la diminution importante des anglophones et le nombre important de médecins qui abandonnaient leur droit d'exercice au Québec.

La sixième étude, en 1983, la dernière à ce jour, mais qui sera suivie d'une autre bientôt, confirmait toutes les données antérieurement citées et prévoyait pour 1986: que les omnipraticiens seraient plus nombreux que les spécialistes pour la première fois depuis les années cinquante; que la structure par âge irait en vieillissant chez les spécialistes et en rajeunissant chez les omnipraticiens; que l'importance du nombre de femmes médecins irait en s'accentuant surtout dans les grands centres urbains; que les omnipraticiens semblaient répondre aux mesures instaurées pour assurer une meilleure répartition géographique des effectifs, par contre, les spécialistes semblaient beaucoup moins sensibles à ces mesures.

Quelles mesures le gouvernement a-t-il

pris concernant l'évolution des effectifs médicaux depuis sept ans? Premièrement, l'instauration de bourses aux étudiants qui a donné certains résultats en incitant certains étudiants à aller s'installer dans les régions. Malheureusement ces gens ne font qu'aller et venir, mais c'est encore mieux que rien-Deuxième mesure: Contingentement. C'est la mesure la plus discutable. Le contingentement avait comme objectif de limiter la croissance du nombre des médecins à cause des coûts en général, à cause des coûts qu'engendrent les médecins en pratique et du volume de services qu'ils génèrent; d'atteindre une proportion de 60 % d'omnipraticiens et de 40 % de spécialistes; d'obtenir une meilleure adéquation entre le nombre d'internes et de résidents formés au Québec et le nombre de nouveaux praticiens pour le Québec. Cela vient d'un document du ministère à l'époque.

Pour réaliser ces objectifs, le gouvernement a imposé: premièrement, une limitation du nombre total d'internes et de résidents; deuxièmement, une limitation du nombre d'entrées en spécialités, grave erreur à l'époque et qui a été dénoncée; troisièmement, une limitation du nombre de médecins diplômés de faculté de médecine étrangère.

La corporation ne s'est pas opposée è une limitation de la croissance globale des effectifs médicaux; au contraire, elle a demandé une limitation du nombre d'admissions dans les facultés de médecine, donc, à l'entrée du système plutôt que d'exercer des contractions à la sortie de ce système. Cela a été la grave erreur faite en 1979, 1980 et 1981. Une telle orientation allait dans le sens des données publiées par la corporation.

Par contre, la corporation s'est vivement opposée aux modalités d'application de cette politique du ministère des" Affaires sociales sur les effectifs médicaux bien avant qu'elle ne soit adoptée de façon définitive et imposée par décret gouvernemental. Les principales raisons alors invoquées se résument comme suit:

Premièrement, la base du calcul des prévisions d'effectifs médicaux du MAS ne comportait pas tous les éléments qui auraient permis de l'accepter.

Deuxièmement, l'acceptation du contingentement tel qu'appliqué globalement lui apparaissait contraire à l'expectative de l'évolution des effectifs médicaux.

Troisièmement, les répercussions à long terme d'un tel contingentement sur les besoins de la population n'avaient pas été évaluées.

Quatrièmement, l'objectif de parvenir à long terme à une proportion d'omnipraticiens/spécialistes de 60-40 apparaissait découler d'une décision arbitraire. Aucune démonstration de la valeur de ce rapport 60-40 n'a été faite par le ministère des Affaires sociales et il ne semble pas y avoir d'étude sérieuse pour le démontrer. L'objectif visé n'était pas d'adapter l'offre de services médicaux aux besoins de santé de la population mais de freiner la hausse des coûts du système de soins. Il semblait plutôt basé sur le fait que la rémunération d'un omnipraticien est inférieure à celle d'un spécialiste et qu'il génère moins de coûts. La corporation a alors avisé le ministère que, par son objectif de 60-40, il ne ferait qu'accélérer inutilement une tendance déjà bien amorcée à opter pour l'omnipratique, tendance démontrée par les données de la corporation et qui se continue et qui aurait continué sans l'intervention du gouvernement.

Un rapport 60-40 exige que la population consulte en première ligne les omnipraticiens et réserve les effectifs spécialisés pour les soins secondaires et tertiaires. Cela, on ne l'a jamais dit parce qu'il aurait fallu à ce moment, si on avait été logique, changer notre système de santé, inciter la population et dire vraiment à la population: Dorénavant, n'allez plus voir les spécialistes directement; allez voir les omnipraticiens directement et, lorsque vous voudrez voir un spécialiste, il devra agir comme consultant, passer par un omnipraticien et, à ce moment, pratiquement en arriver à la situation qu'on a dans d'autres pays quand on a des spécialistes dans les hôpitaux et les omnipraticiens dans les cabinets privés. Donc, un chambardement radical de notre système de distribution des soins de santé, ce qui n'a jamais été dit, ce qui, évidemment, n'a pas été fait et ce qui est contraire à nos moeurs.

Dans le contexte des habitudes médicales de l'Amérique du Nord, l'attitude de la population ne changera pas facilement. Pour amener la population à utiliser les omnipraticiens en première ligne, il eût été plus efficace et positif de favoriser une formation plus adéquate de ces derniers pour remplir leurs fonctions. C'est ce que visait le règlement de la corporation sur les conditions et modalités d'émission des permis d'exercice que le gouvernement refuse ou n'a pas encore adopté depuis dix ans.

Nous avons un règlement pour régulariser la formation des omnipraticiens en les obligeant d'avoir un programme spécifique de deux ans en omnipratique pour pouvoir dorénavant exercer au Québec, dans l'intérêt de la population. Ce règlement traîne entre le Conseil des universités et le ministre responsable de l'Office des professions depuis dix ans. C'est un scandale; c'est une vraie honte et on nous envoie de Charybde en Scylla et si l'on avait eu une volonté politique de faire quelque chose, le problème aurait été réglé rapidement, dans l'intérêt de l'amélioration et de la qualité des soins à la population et l'on aurait incité

les jeunes médecins à aller dans les régions éloignées, parce qu'une des raisons que les jeunes nous donnent, c'est qu'ils ne sont pas prêts à aller dans les régions éloignées en finissant leur année d'internat, ceux qui continuent à le faire.

Cinquièmement, compte tenu que ces données indiquaient que, selon les lois du marché, on se dirigeait vers cet objectif de 60-40, la corporation a demandé au ministère des Affaires sociales de s'inquiéter davantage du déficit à court terme des effectifs médicaux dans certaines spécialités. Or, le ministère, par le contingentement, imposait, au contraire, une limitation du nombre d'entrées en spécialité, sans en protéger aucune, ce que faisait la corporation avant le décret de 1981, parce que nous contrôlions la distribution des cartes de stage et nous favorisions d'abord les spécialités en déficit et surtout pour les médecins qui nous indiquaient devoir aller pratiquer dans des régions en pénurie.

Mais, maintenant qu'on nous a évincés du système et qu'on a laissé ce choix aux facultés de médecine, on ne peut plus faire l'arbitrage et on ne peut plus favoriser des spécialités en déficit par rapport à d'autres.

L'état actuel des effectifs spécialisés au Québec démontre que ces prévisions de la corporation étaient justes. Ainsi, on se retrouve aujourd'hui avec un rapport à peu près de 50-50, mais aussi avec des pénuries inquiétantes dans plusieurs spécialités, notamment, la psychiatrie, l'anesthésie, la radiologie diagnostique, la cardiologie, la chirurgie orthopédique. On peut prévoir des difficultés à court terme dans d'autres spécialités comme la chirurgie générale et la médecine interne.

Les facultés de médecine se voient même dans l'obligation de recruter un certain nombre de professeurs à l'étranger. Vous n'en avez pas parlé tellement hier après-midi et je ne comprends pas que vous n'ayez pas posé la question d'une façon plus précise aux facultés de médecine. Je trouve épouvantable qu'on soit obligé régulièrement d'aller recruter des professeurs à l'étranger, alors qu'on forme des médecins en quantité au Québec et au Canada. Je pourrai développer davantage à la période des questions.

À la suite de toutes ces démarches et devant la résistance de la corporation à adhérer à la politique de contingentement du gouvernement, la corporation s'est vue évincée du mécanisme d'application de cette politique. Nous devenions trop malcommodes pour les gens du ministère des Affaires sociales à l'époque. J'ai des cahiers épais de correspondance entre le ministère et moi-même dans les années 1979, 1980 et 1981, avec le ministre et le sous-ministre et certains de ses adjoints sur la question du contingentement des effectifs médicaux.

À ce moment, on n'a pas eu l'audace, évidemment, de nous évincer en 1980, parce que c'était l'année du référendum; vous vous en souvenez très bien. L'année 1980-1981 était une année d'élection et vous vous en souvenez encore très bien. On a eu la prudence du serpent; alors, on a reculé. Mais, après l'élection de 1981 et, surtout, dans les circonstances que vous connaissez tous de votre humble serviteur, on s'est empressé de dire: On va lui régler son cas une fois pour toutes.

Or, vous n'avez pas réglé le cas de votre serviteur, mais vous avez fait un tort épouvantable aux internes et aux résidents et à la population du Québec. Ce n'est pas moi que vous avez visé, c'est la population du Québec par le biais des services à rendre. Vous avez mis la CREPUQ à la place de la corporation pour faire l'arbitrage, un organisme universitaire, que les doyens ont encensé hier et dont nous avons corrigé les erreurs au tout début, que nous avons formé, qui fait un travail raisonnable maintenant; mais les universités ont oublié de remercier la corporation pour tout le travail qu'elle a fait et qu'elle continue de faire pour corriger beaucoup de leurs erreurs.

Troisièmement, la loi 27 et les décrets sur la rémunération différenciée que vous connaissez tous très bien. Deux ans après l'application de ces décrets, le ministère des Affaires sociales procédait à une évaluation de leur impact. Pour être complet et plus instructif, ce travail aurait dû considérer les départs hors de la province.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, Dr Roy. J'étais vraiment prête à vous donner dix minutes de plus, mais il vous en reste seulement cinq.

M. Roy (Augustin): II m'en reste à peu près cinq, mais vous en avez donné pas mal aux doyens, hier. Je me sens jaloux. Vous en avez donné pas mal à d'autres aussi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):...

M. Roy (Augustin): Ce ne sera pas trop long. On aurait dû considérer les départs de la province. Hier, on a posé la question sur les départs. J'espère qu'on va la reposer parce que les bonnes réponses n'ont pas été données. Les départs des médecins du Québec, c'est un problème qui est la cause de beaucoup des situations difficiles qu'on vit aujourd'hui.

En résumé, l'impact des mesures incitatives et désincitatives a été positif chez les omnipraticiens, mais non chez les spécialistes; de toute façon, c'est ce qui serait arrivé parce qu'avec le nombre d'omnipraticiens qu'on forme ils ne peuvent pas faire autrement qu'aller ailleurs que dans les grands centres.

Plusieurs autres effets de l'application de ces décrets ont été constatés par la corporation. Il y a eu des départs de jeunes médecins vers l'extérieur du Québec; c'est bon qu'on le sache. Certains médecins admissibles aux examens de spécialité et qui ne désiraient pas aller en région ont décidé de ne pas se soumettre à ces examens parce qu'il leur apparaissait préférable de demeurer omnipraticiens avec une rémunération de 100 % que de devenir spécialiste avec une rémunération à 70 %.

Certains résidents ont prolongé leur formation spécialisée pour être admissibles à des postes de professeurs et être rémunérés à 100 % dans les hôpitaux universitaires. Certains groupes de médecins des régions urbaines, plutôt que de recruter de jeunes médecins à 70 % pour combler des postes vacants, recrutaient des médecins qui exerçaient déjà dans les centres périphériques et qui étaient rémunérés à 100 %. Cela a contribué à créer une pénurie dans les hôpitaux de ces régions.

Un certain nombre de médecins qui exerçaient dans des hôpitaux situés dans des régions éloignées, mais non désignées, se sont déplacés pour exercer dans la région voisine qui, elle, était désignée. En fait, c'était un "free-for-all" constant. L'application de ces décrets, à cause de son absence d'impact sur la répartition des médecins spécialistes et à cause de ces effets secondaires non désirés, a bouleversé l'équité de la répartition des effectifs médicaux déjà rendue précaire par l'application du contingentement.

D'autres mesures incitatives. Depuis, nous assistons à une multiplication ou à un renchérissement de ces mesures; il y en a énormément qui ont été décrétées. C'est la conséquence d'une compétition entre les régions ou entre les hôpitaux, ce sont des mesures qui sont parfois contradictoires avec certains objectifs énoncés. Il y a plusieurs millions, il y a 27 000 000 $ qui ont été décrétés comme mesure incitative par le gouvernement, 27 000 000 $ qui sont venus je ne sais d'où. Dans les contraintes budgétaires difficiles que le gouvernement vit, on a réussi à trouver 27 000 000 $ dont on me dit que 18 000 000 $ vont à l'achat d'équipements - les hôpitaux me disent qu'ils ont accès à beaucoup d'équipements de ce temps-ci - et le reste va à l'achat de services médicaux, quel que soit le prix. Je vais vous donner des exemples, si vous me le demandez.

Voici quelques exemples de ces mesures. Le jumelage d'hôpitaux entraîne une multiplication des sites d'apprentissage alors qu'on assiste à une réduction du nombre de postes d'interne et de résident imposée par le même ministère. Il faut rappeler que la présente commission parlementaire a été convoquée pour discuter, entre autres, des horaires de garde. Si on diminue le nombre d'internes et de résidents dans un hôpital de Montréal pour les envoyer à Blanc-Sablon ou à Fort-Chimo - ce sont des exemples exacts - à ce moment-là, ça fait plus de garde pour les médecins qui restent dans les hôpitaux de Montréal et ça noie, ça disperse l'enseignement médical, et généralement, ce n'est pas toujours souhaitable. Si les universités en sont rendues à faire ça, c'est à cause des budgets que le ministère des Affaires sociales donne à ces hôpitaux et aux universités pour en faire des centres d'enseignement.

Alors que le ministère des Affaires sociales impose une limitation de l'admission des médecins étrangers, les représentants de ce même ministère et de certaines régions tentent de recruter des médecins étrangers pour combler le déficit en effectifs médicaux. De plus, le ministère des Affaires intergouvernementales dispose de bourses de plus de 1 000 000 $ pour faciliter les échanges et favoriser la venue de médecins étrangers qui, très souvent, après leur stage, décident de demeurer au Québec.

Non seulement on réclame des médecins étrangers, mais on va les chercher à l'extérieur avec des bourses du ministère de l'Education et du ministère des Affaires intergouvernementales, et ensuite on est surpris que certains de ces médecins restent au Québec et demandent leur visa d'immigrant. On va les chercher au Mexique, au Venezuela, en Colombie, au Pérou, ailleurs dans le monde, et ensuite on se scandalise parce qu'ils restent au Québec. En plus, on nous demande d'aller chercher des médecins étrangers pour les régions éloignées, pour lesquelles j'ai beaucoup de sympathie, alors que nos propres Québécois ne peuvent plus entrer en spécialité comme ils le voudraient. Je pourrais en donner des exemples. (13 heures)

Nous constatons qu'il existe aussi des ententes particulières pour certaines spécialités qui, pour fins de dépannage, sont acceptées par les hôpitaux, les fédérations de médecins et le ministère des Affaires sociales. Ces ententes, qui ont comme objectif de combler un besoin dans l'attente de recrutement d'effectifs médicaux appropriés, favorisent une médecine itinérante et peuvent s'avérer un obstacle au recrutement de la ressource recherchée. On en a fait état hier: la médecine itinérante peut être bonne à certains moments, mais elle peut être extrêmement néfaste à d'autres moments. On a ajouté les frais de déménagement, des prîmes d'éloignement et d'isolement, des remboursements de certains nombres de sorties par année, des paiements de ressourcement. À la période des questions, si vous me le demandez, je vous lirai un petit feuillet que certains hôpitaux passent pour recruter des médecins. Je n'ai pas le

temps de le lire, mais je vous le lirai pour vous dérider. C'est drôle et c'est à pleurer également.

Alors, la planification de la main-d'oeuvre médicale, je suis obligé de passer par-dessus cette partie qui avait été préparée par M. Contandriopoulos, mais qui vous montre que la planification avait été mal faite. La planification est une question complexe qui ne peut être réglée que par l'application de formules magiques, telles que les rapports médecins-population. Elle devrait consister à déterminer la quantité et le type de main-d'oeuvre requis à l'avenir pour répondre aux besoins de la société, à adapter le système de formation pour lui permettre d'offrir la main-d'oeuvre requise et à prévoir des mécanismes systématiques et continus d'évaluation de l'adéquation entre l'offre de main-d'oeuvre et la demande.

Dans ces conditions, l'absence d'une planification cohérente de la main-d'oeuvre médicale peut entraîner des inefficacités considérables. Les excédents de main-d'oeuvre entraîneront de façon presque automatique un accroissement de dépenses sans pour autant améliorer la santé de la population. Et je suis complètement d'accord avec le ministre quand il en parle. Mais, par ailleurs, les pénuries de main-d'oeuvre médicale sont encore plus problématiques parce qu'elles peuvent avoir des effets négatifs sur la santé de la population.

Il est clair que la planification de la main-d'oeuvre médicale ne peut être la seule responsabilité du ministère des Affaires sociales. Il faut que cela soit une préoccupation, non seulement de l'ensemble du gouvernement, mais aussi des principaux intervenants du domaine de la santé. Il faut une articulation et une cohésion au gouvernement entre le ministère des Affaires intergouvernementales qui est dans le champ, le ministère de l'Immigration que vous convoquez demain et pour qui j'ai beaucoup de messages à faire, le ministère de l'Education et le gouvernement fédéral, parce qu'il y a une mobilité de médecins dans tout le Canada. Il faut une collaboration de tout ce monde.

En terminant, je vais vous lire une partie de l'éditorial que j'ai écrit l'année dernière dans le bulletin de la corporation, où je dis: II est clair qu'une politique globale des effectifs médicaux s'impose d'urgence. Il faut mettre un frein - et j'écrivais cela l'année dernière - à l'immigration inconsidérée de nouveaux médecins, sans fermer totalement les frontières pour les chercheurs et les compétences particulières, en établissant une réglementation raisonnable connue de tous les intéressés, tout en réglant une fois pour toutes la situation de ceux déjà en place. Il faut revoir la question des admissions dans nos facultés de médecine et en réviser les critères et les conditions de façon à bien choisir le type de médecins dont notre société a besoin. Il faut repenser tout le mécanisme de répartition des médecins. Il faut aussi changer le climat d'insatisfaction généralisée qui prévaut chez les médecins, de façon à les garder au Québec et même à récupérer un certain nombre de ceux qui ont quitté.

Si ceux qui ont quitté revenaient, il n'y aurait plus de problème. On aurait même un problème de surplus à ce moment-là. Il faut aussi corriger les iniquités les plus flagrantes dans notre système de rémunération. Il faut reconsidérer les décrets découlant de la loi 27. Il faut réviser la politique de contingentement des futurs spécialistes, reconnaître que l'objectif d'un ratio 60-40 omnipraticiens et spécialistes est une erreur et aussi rendre obligatoire dans les plus brefs délais un programme de formation spécifique en omnipratique avant l'obtention du permis d'exercice.

Que le gouvernement en profite pour mettre tous les documents qu'il a sur la table. Je sais qu'il y a au Conseil du trésor une brique grosse comme cela sur les effectifs médicaux qui n'a jamais été mise à la disposition de qui que ce soit, sauf les gens du gouvernement. Je voudrais que cette brique soit rendue publique. Elle sert à différentes études, mats jamais on n'a pu avoir le document exact. Il serait temps que le gouvernement collabore et mette ces chiffres sur la table.

La Corporation professionnelle des médecins du Québec serait heureuse de collaborer à tout projet qui permettrait d'établir une politique de main-d'oeuvre médicale au Québec, dans l'intérêt de la population québécoise. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, M. le président. C'est pas mal, 36 minutes. On a bien fait cela.

M. Roy (Augustin): Vous êtes bien gentille.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, je pense qu'on va devoir ajourner sine die jusqu'à ce qu'on ait un autre ordre de la Chambre. Nous reprendrons la période des questions immédiatement après les affaires courantes et j'espère que ce sera vers 15 heures.

Une voix: À 16 heures.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, pas vers 15 heures, vers 16 heures, parce que la période des questions est à 15 heures. Vous avez raison. Vous connaissez mieux les us et coutumes que moi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise à 16 h 8)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission des affaires sociales poursuit ses travaux relatifs à la consultation particulière, premièrement, sur les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique; deuxièmement, sur la planification de la main-d'oeuvre médicale et, troisièmement, sur la surveillance dans les urgences.

Alors, nous avions entendu, ce matin, le mémoire de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et nous étions maintenant rendus à la période des questions. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. J'aurais beaucoup de commentaires. D'autre part, j'ai beaucoup de questions et le fait qu'il y ait eu une interruption, cela permet de passer pardessus les commentaires, en grande partie. Je vais peut-être poser plutôt mes questions et garder le sourire.

Une voix: C'est bien, M. le ministre.

M. Chevrette: II y a quelques petits points que je voudrais cependant soulever et qui ne m'apparaissent pas justes dans les allégations de M. Roy. C'est surtout à titre d'information. Vous avez avancé qu'il y avait 27 000 000 $ en équipement, si ma mémoire est fidèle, je le cite de mémoire, c'était 14 QOQ 000 $ au niveau de l'excellence des établissements dont 7 000 000 $ pour l'équipement et 7 000 000 $ pour le fonctionnement. Donc, en termes d'équipement, c'est 7 000 000 $ et non pas 27 000 000 $.

M. Roy (Augustin): 18 000 000 $.

M. Chevrette: C'est juste pour rectifier certains...

M. Roy (Augustin): Un budget global de 27 000 000 $.

M. Chevrette: De 27 000 000 $, mais pour l'équipement spécifique. Le reste, je pourrais vous donner toute la nomenclature. Cela monte à 25 020 000 $. 11 y a révision du découpage territorial, jumelage, amélioration des ressources, primes d'installation. Dans les 27 000 000 $, tout cela en fait partie. Mais dans l'excellence des établissements où il y a de l'équipement, c'est environ 50 % de 14 000 000 $, donc 7 000 000 $.

Vous avez également affirmé qu'on ne tenait pas compte dans nos statistiques du vieillissement de la population, de la féminisation et de la progression de la population, de l'augmentation de la population. On en a tenu compte et tantôt je donnerai les chiffres autant pour les spécialistes que pour les omnipraticiens.

Je vais m'en tenir plutôt aux questions parce que vous avez quand même annoncé vos couleurs sur plusieurs points. J'aimerais avoir plus de détails et plus de clarification sur certains points de votre mémoire.

Tout d'abord, parlons du sujet pour lequel on est réuni et qui nous a réunis. Vous avez bien fait de souligner que cette commission avait été convoquée dans le cadre d'un règlement de négociation. C'est un fait, il n'y a pas de cachette là-dedans. Vous savez que, si c'était toujours un moyen de règlement, on pourrait en convoquer encore. Dans le cas des internes, la question est la suivante: Est-ce que le médecin tuteur doit toujours accompagner l'interne? Dans votre texte, ce n'est pas très explicite. On se demande si vous soutenez que le tuteur doit toujours être avec l'interne ou doit toujours être près. Dans votre texte - je ne sais pas trop si c'est à la page 6 - vous laissez percevoir cette notion de présence continuelle. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, d'autant plus que vous avez collaboré, je crois, avec la FMR1Q et les universités pour trouver des solutions ou un cheminement sur cela.

M. Roy (Augustin): Le Dr Laramée va répondre è cette question.

M. Laramée (François): Le rôle de médecin tuteur est un rôle qui n'est pas nécessairement un rôle d'accompagnant pour tous les gestes que pose l'interne. L'interne a une certaine latitude dans les gestes qu'il pose et le rôle du médecin tuteur est de procéder, en temps opportun, au terme du travail de l'interne, à une révision du travail qu'il a fait. Cette révision peut se faire de façon très formelle ou de façon très informelle. Quand on parle d'un état progressif dans la supervision des internes et des résidents, cette progression doit tenir compte de la compétence acquise par l'interne ou par le résident. Mais, si on s'en tient strictement au rôle de l'interne - parce que c'est peut-être dans ce sens que vous posez votre question - pour l'interne, il n'y a pas de doute que la supervision doit être plus constante, mais pas nécessairement toujours directe. Il n'y a pas toujours quelqu'un derrière l'interne, Ce n'est pas ce que cela signifie. Il faut permettre à J'interne de poser des gestes mais, avant qu'on règle le sort du malade, il y a une révision qui est faite avec un médecin.

M. Chevrette: Donc, c'est le dossier qui doit être vu et non pas le bénéficiaire.

M. Laramée: Pas nécessairement.

M. Chevrette: Prenez la page 5, l'avant dernier paragraphe de votre page: "Le médecin qui est désigné par la faculté et l'hôpital comme tuteur de l'interne doit, à l'égard du patient, assumer la responsabilité de médecin traitant et, à l'égard de l'interne, celle d'enseignant et de superviseur. " C'est è partir de cette phrase que je vous demandais d'interpréter si c'était une présence continuelle ou si, encore, pour le bénéficiaire lui-même, il faut absolument que le tuteur ait vu le bénéficiaire ou si c'est la révision des dossiers à la fin des examens?

M. Lapierre: Quand on parle de la présence du médecin, la présence du médecin doit se faire sentir avant qu'une décision soit prise quant au diagnostic et quant au traitement du malade. Je ne sais pas si la réponse vous satisfait.

M. Chevrette: Maintenant, vous dites à la page 7...

M. Lapierre: En ce qui concerne la surveillance des internes, M. le ministre, Mme la Présidente, si vous me permettez je peux faire un tour d'horizon en deux temps, trois mouvements. Il y a deux ans, è la corporation, à la suite d'information selon laquelle les internes ne recevaient pas la surveillance suffisante, nous avons fait une visite d'un échantillonnage, d'un certain nombre d'hôpitaux d'enseignement. Nous avons constaté certaines déficiences dans plusieurs des hôpitaux visités. À la suite de cette visite, nous avons préparé un document sur l'internat, dont vous avez reçu copie par le biais de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec. Ce document sur l'internat portait sur l'aspect pédagogique et l'aspect réglementaire du stage de l'internat. On dit, dans ce document, que l'interne ne doit pas seul prendre des responsabilités quant au diagnostic et quant au traitement. Je pense qu'encore là, cela répond à votre question. Le patron doit jouer un rôle de surveillant, mais il doit aussi jouer son rôle de médecin traitant, c'est-à-dire qu'il doit corriger l'interne et faire les corrections nécessaires au dossier en ce qui concerne le diagnostic et le traitement du malade. (16 h 15)

À la suite de ce document diffusé dans les hôpitaux d'enseignement, le document de la corporation, qui avait été approuvé par les doyens, nous avons reçu une plainte de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec, à savoir que dans douze hôpitaux, le document ne serait pas appliqué adéquatement. Alors, il y a eu une rencontre entre la Fédération des médecins résidents et internes du Québec, les doyens, la corporation et le comité des hôpitaux d'enseignement de l'Association des hôpitaux du Québec.

Nous avons, à la suite de cette rencontre, procédé à une seconde visite. Cette fois-ci, nous avons visité treize hôpitaux, parce qu'il y en a un autre qui s'est ajouté, visite qui a dû être reportée de quelques semaines vu les négociations en cours avec les internes et les résidents. Nous avons appris par la suite que le problème de la surveillance était sur votre table.

Par rapport à la visite d'il y a deux ans, nous avons constaté une grande amélioration dans l'ensemble des hôpitaux pour ce qui est du jour et du soir. Il restait le problème de la surveillance dans les salles d'urgence la nuit. Nous avons constaté que la majorité des hôpitaux s'oriente, dans le moment, vers une couverture des salles d'urgence 24 heures par jour, 7 jours par semaine, par un omnipraticien, sauf dans quelques grands hôpitaux où il y a des pyramides qui fonctionnent.

À notre avis, dans le moment, il y a 3 hôpitaux sur 30 - entre 30 et 35 hôpitaux d'enseignement - qui ne seront probablement pas en mesure de satisfaire la politique de la corporation d'ici, je dirais, le 1er juillet. Lors de la dernière réunion du comité administratif de la corporation, qui a eu lieu il y a quinze jours, celui-ci a recommandé que les hôpitaux qui, au 1er juillet 1985 -c'est la date d'entrée en fonction des nouveaux internes - ne seront pas en mesure d'assurer la nuit, à la salle d'urgence, soit la présence d'un médecin du personnel médical de l'hôpital ou la présence d'une pyramide spécifique pour la salle d'urgence, c'est-à-dire un interne, un résident et un patron, patron qui serait chargé de la surveillance de l'ensemble de la salle d'urgence pour ce quart de travail - en fait, que la salle d'urgence devienne, en soi, une unité d'enseignement clinique, si vous voulez - que ces hôpitaux, qui ne seraient pas capables de remplir l'une ou l'autre de ces conditions, soustraient les internes de la garde pour cette période. Les hôpitaux, qui ne seraient pas capables de respecter l'une ou l'autre de ces conditions, devraient alors retirer les internes pour ce quart de travail, parce que le reste du temps, le jour et le soir, dans beaucoup de ces hôpitaux, les internes sont satisfaits de leur stage.

Le fait de retirer les internes, bien sûr, va remettre à l'hôpital le soin de décider si on ferme la salle d'urgence ou si on met du personnel pour la faire fonctionner. Si l'hôpital décide de mettre du personnel pour la faire fonctionner, évidemment, on pourra réinstaller les listes de garde d'internes. Le seul moyen de contrainte que nous avons, à la corporation, c'est que les hôpitaux, qui ne respecteraient pas la recommandation du comité administratif, devraient alors recevoir une visite pour voir si l'entente doit être maintenue.

Cette recommandation a été acceptée par tous les intervenants lors d'une réunion, vendredi dernier, entre les représentants de la fédération des internes et résidents, le comité des doyens, la corporation et le comité des hôpitaux d'enseignement de l'Association des hôpitaux du Québec. Nous avons été un peu étonnés hier de voir que la fédération des internes laissait entendre qu'elle n'acceptait pas la pyramide spécifique pour la salle d'urgence, qu'elle n'acceptait que la présence d'un médecin. C'est une vue différente de celle qui nous a été donnée vendredi dernier.

Autre constatation qu'on a faite qui est en aparté, si vous voulez, de ce rapport. Nous avons constaté que les internes et résidents n'utilisent pas toujours les mécanismes qui existent dans le milieu pour porter leurs plaintes, c'est-à-dire les comités à l'intérieur des hôpitaux prévus dans la conventions, les doyens. La Fédération des internes peut toujours s'adresser aux doyens et à la corporation pour porter plainte. Nos actions, depuis deux ans, en ce qui concerne la surveillance des internes dénotent qu'on est capable de s'occuper d'un problème qui nous est soumis.

M. Chevrette: Je vois que vous aviez anticipé la question et que vous étiez bien préparés pour y répondre. On va essayer de faire un peu plus vite cependant parce que j'en ai beaucoup et je sais qu'il y a beaucoup de questions. À la page 7, vous dites que les CH sont les mieux placés pour les cédules de garde, alors que tous les autres intervenants nous ont dit que c'était plutôt le tuteur. J'aimerais savoir pourquoi vous voyez le CH et non pas le tuteur comme responsable.

M. Laramée: Je pense, M. le ministre, que vous avez déjà donné un élément de réponse ce matin quand vous avez posé la question à l'Association des conseils de médecins et dentistes sur le rôle du conseil des médecins et dentistes dans la planification de la garde. C'est le rôle du conseil des médecins et dentistes de déterminer la garde qui doit être faite. Je crois que la structure a déjà été prévue dans la loi. 11 est prévu que c'est le conseil des médecins, c'est sa responsabilité de voir à ce qu'il y ait dans un centre hospitalier une garde effective. Le conseil des médecins et dentistes est donc celui qui, à notre sens, est le mieux placé pour discuter de ces questions. Il est surprenant de voir qu'on doive toujours faire appel à des organismes extrahospitaliers pour régler des problèmes qui sont intrahospitaliers dans certains cas. Beaucoup de choses ont été prévues pour que les problèmes se règlent à l'intérieur des institutions. Il est surprenant de voir combien il y a peu de ces mécanismes mis en vigueur pour tenter de solutionner les problèmes. On remonte toujours à la maison mère.

M. Chevrette: Peut-être à cause de la façon dont c'est libellé. Vous vous rappellerez que pour les groupes de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec, au point no 6 de leur loi, il est précisé qu'ils avaient la responsabilité; mais tel que c'est libellé ici, ce sont les CH, donc les conseils d'administration via le DG et pas nécessairement les conseils des médecins et dentistes. C'est pour cela que... C'est peut-être purement une question de formulation. Pour vous autres, c'est la même chose.

M. Lapierre: Pour nous, M. le ministre, le conseil d'administration, c'est l'autorité suprême dans l'hôpital.

M. Chevrette: D'accord.

M. Lapierre: C'est sa responsabilité de voir à ce que tout fonctionne selon la loi. En ce qui concerne le respect de la garde à trois ou quatre - en fait, on entend poser ces questions depuis hier - pour nous l'hôpital est lié par la convention. La loi confie au CMD la responsabilité d'établir les modalités de garde. Il y a un coordonnateur de l'enseignement dans presque tous les hôpitaux d'enseignement qui peut voir à ce que les clauses soient respectées. Il y a aussi un DSP qui est là aussi, il y a les chefs de département. On peut recourir aux mécanismes prévus dans la convention. On peut recourir encore une fois à la corporation. Le Dr Desjardins vous disait hier qu'il était prêt à collaborer avec l'ombudsman. Alors il me semble que cela fait beaucoup de mécanismes pour s'assurer du respect d'une clause de convention.

M. Chevrette: Dans un autre domaine, la corporation favorise-t-elle la concentration des centres d'apprentissage pour les spécialités et pour l'omnipratique?

M. Roy (Augustin): Dr Bérard.

M. Bérard (Michel): M. le ministre, quand on fait référence à la nouvelle formation en médecine générale, il faut réaliser qu'actuellement on n'a pas beaucoup de dispositifs dans les hôpitaux spécialisés pour faire face à ce genre de formation. Donc, il va falloir songer à étendre le réseau à des centres d'apprentissage qui peuvent être soit des hôpitaux périphériques ou même en région, mais en faisant attention à ce que l'encadrement soit préservé, les CLSC et les centres d'accueil. Donc, on peut voir une certaine expansion nécessaire pour un bon apprentissage à un type particulier de formation qui va être très près de ce que le

futur omnipraticien aura à faire plus tard. Actuellement, il faut réaliser que ce sont des hôpitaux superspécialisést ou spécialisés dans lesquels ils fontionnement, en général. Il faut les garder aussi pour la formation de l'omnipratique, pour ce qui est des disciplines spécialisées. Mais, pour ce qui est de l'entrevue, les cliniques externes, le suivi aux malades, la relance, on pense que cela va être beaucoup mieux fait en dehors de ces centres-là.

M. Roy (Augustin): En fait, il faut distinguer la médecine générale ou l'ancien internat et la médecine spécialisée. Pour la médecine générale, il faut décentraliser, il faut aller vers des ressources qui n'ont pas été exploitées jusqu'à maintenant, des hôpitaux régionaux. Il ne faudrait peut-être pas aller au diable Vauvert, jusqu'à Blanc-Sablon comme on voudrait qu'on le fasse, mais quand même, aller vers l'extérieur pour donner l'apprentissage de la médecine qui se pratique en dehors des grands centres aux nouveaux omnipraticiens. Actuellement, le ministère, par le biais de ses octrois aux universités pour développer les centres d'enseignement de la médecine générale, l'omnipratique, encourage les régions éloignées, très éloignées, Les Escoumins, Blanc-5ablon, Kuujjuaq, au diable Vauvert. Il ne faudrait peut-être pas exagérer parce qu'il y a beaucoup d'autres centres qui pourraient donner un excellent enseignement.

Pour ce qui est de la médecine spécialisée et surtout ultraspécialisée dans les petites spécialités, cela devrait être plus centralisé. Il devrait y avoir moins de programmes, des programmes-réseaux. C'est vers cela qu'on s'oriente. Les doyens en ont parlé hier après-midi. C'est lent comme solution. Cela prend plus de temps, à mon goût, que cela devrait en prendre, mais c'est difficile de bardasser les universités, c'est difficile à faire bouger. Les professeurs ont des traditions. Il y a l'autonomie en ligne de compte. Mats, à mon avis, il devrait y avoir beaucoup de petits programmes dans les spécialités qui devraient être fermés. Mais, quand vous parlez de fermer un programme en gastro-entérologie ou en hématologie, par exemple, sans viser personne, à Sherbrooke ou à Laval, évidemment, vous faites grimper un paquet de monde dans les rideaux. Il y a des gens qui ont des intérêts à préserver. Mais, pour un bon enseignement de la médecine, il faut une rationalisation des programmes. Cela commence à se faire. Il y a eu des études de faites à la corporation. Il y a eu une étude au Conseil des universités. Il y a ce qu'on appelle le projet COCERAP. Cela bouge, peut-être trop lentement. Il faudrait peut-être être capable de lui donner un coup de pouce un peu plus rapide, mais vous comprenez que, là comme dans d'autres domaines, il y a beaucoup d'intérêts en jeu.

M. Chevrette: Merci. La réduction...

M. Lapierre: Le COCERAP, M. le ministre, si vous me permettez, c'est un organisme qui regroupe corporations et doyens des facultés de médecine. Ensemble, on a fait une étude, à la suite de l'avis du Conseil des universités, de l'ensemble des programmes. Les recommandations qui en sont sorties sont que pour certains programmes, ils doivent continuer, pour d'autres, ils doivent s'associer et pour d'autres, il ne doit y avoir qu'un seul programme pour toute la province, qu'on appelle un programme-réseau, c'est-à-dire que les trois ou les quatres facultés vont s'associer pour élaborer ou maintenir un programme. Alors, cette rationalisation est en marche dans le moment et les vice-doyens ont commencé à l'appliquer.

M. Chevrette: Une question que le Dr Roy attend depuis longtemps parce qu'il m'en a parlé hier soir, on en a reparlé ce matin. Vous avez parlé de la réduction du nombre de postes de résident et je voudrais vous demander pourquoi vous ne considérez pas que le nombre de moniteurs ajoutés au nombre de résidents équivaut à peu près à la situation qu'on avait antérieurement? Je sais que vous en avez long à me dire. J'écoute.

M. Roy (Augustin): Alors, vidons donc la question des moniteurs et posons-la donc clairement. Dites-moi donc: Que se passe-t-il en ce qui concerne les moniteurs?

M. Chevrette: C'est cela.

M. Roy (Augustin): C'est cela. Je suis préparé.

M. Chevrette: Allez-y.

M. Roy (Augustin): Les moniteurs ont toujours existé. Leur nombre, jusqu'il y a à peu près quatre ou cinq ans, c'est-à-dire jusqu'avant le contingentement et le fameux décret rigide et très difficilement applicable, était d'environ 140; et la plupart de ces moniteurs étaient à l'Université McGill. C'étaient des médecins qui venaient passer une année additionnelle de formation, une année de recherche, dans le cadre de leur formation générale. Des Américains, des gens d'autres pays, quelques Canadiens et quelques Québécois. Cela a toujours existé, pour à peu près 140 postes. (16 h 30)

Soudain, le nombre de moniteurs a augmenté. L'année de l'application brutale du décret, les universités ont été prises au dépourvu parce qu'elles avaient fait signer des contrats d'internat ou de résidence à des médecins qu'elles ne pouvaient plus accepter. Alors, elles ont voulu honorer leurs engage-

ments et elles ont exceptionnellement pris, à ce moment-là, une quarantaine ou une soixantaine de médecins additionnels, par le biais des moniteurs cliniques, pour régler la situation, espérant que les négociations avec le gouvernement amèneraient des changements. Ce qui n'a pas été le cas.

Il y a ensuite l'historique des gens qui sont, traditionnellement, moniteurs. Il y a dans cela les gens des forces armées, qui ont toujours été considérés comme des moniteurs, II y en a qui ont des bourses de fonds de recherche divers, comme le Shriners' Hospital, l'Institut de cardiologie. Ce matin, le Dr Bois témoignait ici. Je peux vous dire que l'institut de cardiologie de Montréal ne pourrait pas fonctionner si ce n'était des dix ou douze moniteurs cliniques qu'ils ont à l'heure actuelle. L'Institut de recherche clinique, le Fonds de recherche en santé du Québec, l'hôpital Royal Victoria, le fonds Meakins, le fonds du General, la Fondation Leucan contre la leucémie, l'Institut neurologique. Ensuite, il y a eu des fondations comme celle des maladies du coeur, l'Institut canadien des aveugles qui envoient un médecin ici et là dans un domaine bien précis, financé par eux - il faut dire que les moniteurs ne coûtent rien au Trésor québécois - l'Association canadienne contre l'arthrite.

Ensuite, il y a des centres hospitaliers, et c'est relativement nouveau. Cela m'a fait dresser le peu de cheveux qu'il me reste sur la tête quand je l'ai appris moi-même. Il y a des centres hospitaliers qui, à cause de la rigidité du contingentement, à cause du quota imposé, ont opté pour la voie des moniteurs dans certains domaines. Je vais vous donner quelques exemples bien précis. On a parlé hier midi avec les doyens du cas de Robert-Giffard à Québec, où il y a trois moniteurs en psychiatrie, payés par l'hôpital, après une entente avec l'hôpital Robert-Giffard, par contrat, et par contrat également avec l'Université Laval de Québec. Ces contrats, en bonne et due forme, dont j'ai copie ici devant moi, stipulent que le médecin - et cela s'adresse à des Québécois, c'est un peu exceptionnel - qui reçoit la bourse de moniteur, qui est de 30 000 $ en l'occurrence, s'engage à retourner pratiquer à l'hôpital Robert-Giffard. S'il ne respecte pas le contrat, cela implique le remboursement d'un tiers du salaire versé. On me dit - et les universités l'ont répété hier - que ce contrat a été envoyé au ministère des Affaires sociales depuis un certain temps, plusieurs mois, même un ou deux ans, m'a-ton dit. Ce n'est pas une nouvelle affaire. Cela date de 1984. C'est la situation de certains moniteurs.

De plus, en psychiatrie en particulier, une spécialité où on a des besoins épouvantables, le même phénomène du contrat de moniteur existe à Montréal entre l'Université de Montréal et l'hôpital Rivière-des-Prairies et l'Institut Pinel, parce qu'ils ne peuvent pas recruter suffisamment de psychiatres. Ils ont trouvé le moyen de donner des bourses, à même leur budget, avec des contrats à l'université, soumis à l'approbation du gouvernement, dont ils n'ont pas eu de réponse. Ils utilisent cette voie pour donner des postes de moniteur et ils nous demandent de les respecter. J'ai ici un exemple d'un dossier - parce que tous les dossiers sont pareils - des contrats en bonne et due forme sont signés entre des hôpitaux et une université.

J'admets, M. le ministre, que je trouve cela un peu difficile à accepter. Je trouve cela inconfortable comme position. Mais, d'un autre côté, je ne vous ai pas entendu hier dénoncer cette question quand l'université en a parlé. Il faudrait bien savoir quelle ligne de conduite suivre. Est-ce qu'on doit donner les postes de moniteur à des Québécois en psychiatrie avec obligation d'aller pratiquer dans un milieu qui est dépourvu de psychiatre, ou si on doit prendre l'autre voie qui nous est demandée, d'aller recruter des psychiatres étrangers? De deux maux, il faut choisir le moindre; nous avons pensé qu'il était acceptable de donner des postes de moniteur dans ces conditions bien précises, malgré le fait que cela contrevienne aux directives du gouvernement. Cela était au vu et au su de tout le monde.

Il y a aussi des moniteurs qui sont financés par des départements hospitaliers, en anesthésie par exemple. Il y a des moniteurs qui sont financés par des provinces: le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, l'Alberta par le biais de l'Alberta Heritage Fund; il y en a qui sont financés par les universités: l'Université d'Ottawa finance un certain nombre de moniteurs pour les transferts de salaire, pour des candidats envoyés dans une autre université. Il y a des boursiers québécois, des boursiers canadiens et des boursiers étrangers.

Le nombre total de moniteurs, M. le ministre, en date de vendredi, moins deux ou trois changements qui sont récents, était de 258. Je l'ai demandé à mon ordinateur et cela m'a pris dix minutes pour le sortir. Je sais que vos fonctionnaires ont travaillé pendant deux ans pour à peu près faire cette liste de moniteurs. Je sais que vos fonctionnaires m'ont demandé la liste des moniteurs depuis trois ans et je ne la leur ai pas envoyée, pour la bonne raison qu'on me l'a demandée par toutes sortes de moyens détournés et que je n'étais pas assuré de la pureté des intentions de votre ministère. Remarquez que vous n'étiez pas là à l'époque.

Le jour où l'on saura exactement où on s'en va, entre le ministère des Affaires sociales et la corporation, on pourra s'asseoir à table et faire le décompte des moniteurs. Je

puis vous dire que parmi les 258 moniteurs -il y en avait 265, effectivement, au 31 décembre - il y en avait 175 qui venaient de l'étranger, 28 qui venaient des autres provinces du Canada et il y avait 62 Québécois. Dans cela, il y a de vrais moniteurs. Il y a des gens qui sont là pour une année additionnelle de formation. Il y en a quelques-uns qui sont une voie additionnelle, parallèle à la spécialité, j'en conviens. Lorsque j'ai vu l'ampleur du phénomène, de 140 à 265, lorsque je m'en suis aperçu, j'ai donné des instructions chez nous, à savoir de vérifier et d'approuver moi-même - cela me cause quand même pas mal de travail - chaque demande de moniteur clinique, ce que je revois avec Mlle Assaly, de façon qu'on ait un dossier complet, qu'on sache où l'on s'en va. On a établi des directives particulièrement précises sur ia ligne de conduite à suivre en ce qui concerne ce genre de moniteur, qui, encore une fois, ne coûte absolument rien au Trésor québécois. Je dois vous dire que, en conversation privée, un de vos prédécesseurs m'avait dit: Ce qui nous importe, ce sont les postes rémunérés d'interne et de résident, les 1800 postes qu'on paie ou, à un moment donné, les 1720; les autres, ce n'est pas notre problème.

Evidemment, là, on a changé un peu d'idée en disant: Bien, s'il y a une voie parallèle d'accès à la spécialité, cela va peut-être nous coûter plus cher. Mais, encore là, de deux choses l'une, vous allez me dire, M. le ministre, est-ce qu'on manque de spécialistes ou non au Québec? Si on n'en manque pas, on est dans l'erreur. À ce moment-là, on ne devrait pas avoir de moniteurs, on ne devrait pas importer de médecins étrangers, on devrait dire: On a assez de médecins, on n'a pas à se préoccuper de ce problème. Si on manque de spécialistes, comme c'est le cas, comme on le prétend et comme on le maintient avec preuve à l'appui, à ce moment-là, la voie des moniteurs est une voie très peu coûteuse pour le gouvernement du Québec et n'ajoute rien en ce qui concerne les nouveaux spécialistes, parce que, de toute façon, ce sont des gens qui sont déjà en pratique, qui ont déjà des licences de pratique pour la très grande proportion, ce qui n'ajoute rien aux coûts du Québec.

Seulement, un cas particulier, c'est celui des étrangers. Autrefois, les étrangers moniteurs retournaient tous chez eux. Maintenant, il y a un fait particulier qui joue; c'est qu'on a noté que parmi quelques moniteurs étrangers, financés par des universités et par des hôpitaux, un certain nombre d'entre eux, malgré notre opposition, reçoivent des visas d'immigrants du ministère de l'Immigration du Québec, non pas du ministère du Canada. Là, ils peuvent contourner notre politique de contingente- ment, rentrer dans le système et demander des postes. Ce sont ces gens qui sont prêts à aller dans des régions éloignées et ce sont eux qui ont court-circuité le système, ce à quoi on s'oppose férocement. Mais ce pourquoi on a des pressions épouvantables. C'est pour cela que je disais ce matin qu'il va falloir que le ministère des Affaires sociales articule sa politique avec celle du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Encore là, vous avez un grand travail à faire parce qu'à l'Immigration, c'est le "free-for-all": il y a des gens qui entrent par la vraie porte comme médecin, il y en a qui rentre comme investisseur pour toutes sortes de raisons, il y en a qui entrent selon les lois et les règlements, mais il y a aussi des médecins étrangers qui entrent par la voie de visas spéciaux donnés de façon discrétionnaire par des ministres du Parti québécois. J'ai des preuves à l'appui, j'ai des médecins étrangers, ici, en chômage, qui sont devenus canadiens et immigrants avec des permissions particulières du gouvernement et qui, ensuite, viennent se plaindre parce qu'ils ne peuvent pas trouver de poste au Québec. Ce n'est pas nous qui les avons fait entrer, M. le ministre, c'est le gouvernement. Une fois que le gouvernement a fait entrer ces gens-là, en donnant des visas par dessus la tête des fonctionnaires, souvent, qu'est-ce que vous voulez, on est pris avec, nous. Je peux vous donner des exemples, des noms, j'ai des dossiers, ici, avec moi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je m'excuse. Je vais rester très calme, mais j'ai des commentaires à faire concernant les affirmations qui sont faites, quitte à ce que cela déborde sur le temps de l'autre; il prendra l'équivalent, si vous êtes d'accord. C'est sur le même sujet.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je suis tout à fait d'accord pour que vous interveniez. Je voudrais simplement rappeler aussi qu'on a trois autres groupes qui attendent; alors, on va essayer de tout concilier cela.

M. Chevrette: Je sais tout cela, ma chère Présidente, mais c'est important quand même. D'abord, je voudrais dire au Dr Augustin Roy que mes fonctionnaires ont fait le relevé aussi, qu'ils n'ont pas pris deux ans et que les chiffres concordent, à quelques chiffres près. C'est trois ou quatre de différence au maximum qu'il y a sur les données que vous avez sur les Québécois; vous avez 62 et j'ai 58. Vous en avez vingt et quelque dans les autres provinces, on en a 33. Dans les autres pays, c'est la même chose. Donc, on a passablement les mêmes

données et on n'a pas d'idée vicieuse, malicieuse, pernicieuse. On s'abstient le plus possible de faire des procès d'intention, en ce qui nous concerne. Donc, si vous êtes prêts à collaborer là-dessus, vous pouvez vous ouvrir parce que, de notre côté, Il n'y en a même pas un qui veut s'en aller en politique. Il n'y a pas de problème, il ne recherchera même pas de tribune.

M. Roy (Augustin): C'est parce que, M. le ministre, vous connaissez le proverbe: Chat échaudé...

M. Chevrette: II ne faut pas charrier, docteur.

M. Roy (Augustin): Non.

M. Chevrette: Nous, on a été calme jusqu'à maintenant.

M. Roy (Augustin): D'accord. Chat échaudé craint l'eau froide.

M. Chevrette: Ne faites pas de procès d'intention, ni à ma machine, ni à personne.

M. Roy (Augustin): C'est ça, c'est parce qu'à un moment donné, en 1980, le ministère nous demandait de donner des informations sur des étudiants en médecine, les internes, les résidents et les moniteurs, et, parmi les informations demandées - je les ai par écrit - on nous demandait le lieu d'obtention du diplôme, le lieu de résidence, le lieu des études collégiales. Lors d'une réunion de la corporation, on nous demandait même le lieu des études secondaires, des études primaires pour tenter de vérifier si quelqu'un était un vrai Québécois ou non, s'il avait fait ses études en français, en anglais ou en arabe.

M. Chevrette: Vous comprendrez...

M. Roy (Augustin): Cela nous a quand même irrités et on a été quand même prudents avant de fournir des informations au gouvernement par la suite.

M. Chevrette: Si vous êtes inquiets par quelle porte peuvent entrer de nouveaux médecins, nous aussi, cela nous préoccupe, c'est évident, parce qu'il y en a qui prennent des détours, on le sait, on est bien conscient de cela et ce n'est pas facile. J'ai eu une longue conversation avec le ministère de l'Immigration qui va témoigner demain matin devant nous. Quand on sait qu'il y a deux paliers pour entrer, il n'y a pas seulement le statut d'immigrant québécois, il y a aussi le statut d'immigrant canadien. Vous savez comment cela fonctionne: il y a le statut de réfugié par rapport au statut d'immigrant et on peut entrer par alliance ou par d'autres moyens: rapatriement de famille, par exemple. Une fois qu'ils sont reconnus ici, il y a plusieurs statuts à ce niveau qu'il faut regarder. J'ose espérer que, demain matin, avec le témoignage de l'Immigration, nous aurons une possibilité de régler des cas. Moi, j'espère qu'on pourra régler des cas. Il y a des cas patents d'individus qui attendent depuis cinq ans déjà ici. Ils sont en instance d'acceptation et, au rythme où il y en a eu d'accepté, vous le savez, cela n'a pas été... Même s'il y a eu une majoration l'an dernier, ce n'est pas un nombre qui permet d'avoir un long espoir de leur côté, d'autant plus qu'en tenant pour acquis... Moi, je tiens pour acquis que la majorité est de bonne foi. S'il y avait des cas d'exception, des cas précis, je suis prêt à les regarder, mais à ne pas faire de quelques exceptions une règle générale pour les gens. C'est de même que je suis prêt à regarder le dossier, autant des médecins immigrants que des autres dossiers de moniteurs, par exemple, qui se seraient introduits et qui veulent passer par la bande par rapport à ceux qui sont de très bonne foi et qui ont été acceptés conformément aux règlements, aux lois et aux directives existantes. Je pense qu'il ne faut pas chercher à généraliser. C'est juste cela que je voulais dire. (16 h 45)

Vous avez des cas particuliers et vous dites avoir des preuves. Je donne un exemple. En ce qui concerne les moniteurs, il y en a au moins dix, et pas plus que cela, qui oeuvrent au vu et au su du ministère selon les formules que vous avez décrites. S'il y en a plus que cela, on ne les connaît pas. C'est un maximum de dix qu'on connaît, qui fonctionnent de telle façon parce qu'il y a eu des autorisations demandées ou des pourparlers avec le ministère. C'est évident qu'il y a de la passe dans cela, on le sait. 11 ne faudrait pas nous prendre pour des naïfs parce qu'on n'a pas tranché avec rigueur jusqu'à maintenant. On sait très bien qu'il y en a pour qui c'est le moyen privilégié parce qu'il y a de l'argent de famille assez important et on réussit à passer surtout par la bande en se faisant nommer moniteur. On sait cela, mais ce n'est pas plus déplorable que de compter 30 médecins anesthésistes quand on forme 20 étudiants par 'année et que c'est un moyen de ne pas être pénalisé sur les 30 %. Au point de vue de la gravité face à l'opinion publique, on a cela. Ce n'est pas pire que de compter 26 médecins en je ne sais pas quelle autre spécialité - je le dirai tantôt - quand tu formes à peu près 15 étudiants par année. C'est un moyen de se dérober au décret dit punitif de 70 %. Il y a des gestes dans le réseau, et je suis d'accord avec vous... Si vous voulez collaborer avec moi, vous allez voir que je n'ai rien à cacher en ce qui me concerne...

Une voix: II n'y en aura pas de collaboration.

M. Chevrette:... et je vous garantis que je suis prêt à étaler tout au grand jour et les cas de fraude, les cas de types qui contribuent précisément à faire resserrer des réglementations et à faire resserrer des lois... La majorité paie toujours pour ces groupuscules de qui, trop souvent, on part pour faire des règles générales. Je vous ouvre toute grande la porte. Amenez-la votre paperasse et je vais vous en passer des tuyaux moi aussi et, si je suis capable de nettoyer, je vous demanderais de tenir un bout du balai aussi, par exemple.

M. Roy (Augustin): J'accepte votre invitation. Moi aussi je suis prêt à ouvrir, M. le ministre, parce que je partage vos inquiétudes. Si c'était seulement quelques cas, cela ne nous énerverait pas, mais moi aussi cela m'inquiète. Quand je vois que de plus en plus de ces boursiers passent par la porte de côté, comme les Libanais, par exemple, qui sont venus ici... On ne les paie pas 40 000 $ ou 45 000 $. Je comprends qu'ils ont des problèmes épouvantables chez eux. Ils font une formation complète et, là, ils deviennent immigrants. Ils sont devenus immigrants parce que la politique du ministère de l'Immigration leur a permis de devenir immigrants, non seulement parce qu'ils se sont mariés, mais il y a eu, à un moment donné, une ouverture vers le Liban. Mais cela m'inquiète quand je vois des médecins libanais qui terminent leur formation et qui sont demandés pour aller dans les régions éloignées. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas bons que cela m'inquiète. Cela m'inquiète parce que, pendant ce temps, on a refusé l'accès à la spécialisation à des médecins québécois. Encore cette année, on empêche des médecins du Québec d'entrer en spécialisation avec la politique de contingentement d'entrées en spécialisation du ministère. Par ailleurs, on favorise la spécialisation des étrangers qui vont rester ici et passer outre à la voie normale. Cela m'inquiète et j'aimerais avoir une directive du ministère, à savoir ce qu'on fait avec les demandes de médecins étrangers qui nous sont faites par les régions éloignées. Vous allez en avoir des demandes à la fin de la journée à ce sujet, alors que les nôtres ne peuvent pas entrer dans la même spécialité.

Vous parliez d'anesthésie tout à l'heure. On en forme beaucoup d'anesthésistes. Ne nous blâmez pas, ce n'est pas nous qui formons les anesthésistes. On forme énormément d'anesthésistes et il y a, malgré tout cela, une prétendue pénurie d'anesthésistes et d'autres personnes en spécialité. Je dois vous dire que cette année, aux examens de spécialité qui s'en viennent, ce ne sont pas tous des gens qui vont terminer. Il y a 570 candidats en spécialité; c'est plus qu'il n'y en a jamais eu, M. le ministre, et il y en a toujours de grandes quantités d'année en année.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a très peu de ces gens qui restent au Québec. Je me demande ce qui se passe. Où est-ce que ces gens s'en vont? On parle de pénurie de psychiatres. Cela a été mentionné hier. Pourquoi manque-t-on de psychiatres? Qu'est-ce qu'ils font les psychiatres du Québec? Où est-ce qu'ils s'en vont? II se produit quelque chose que j'aide la misère à expliquer parce qu'on n'en a jamais tant formé qu'à l'heure actuelle. Pourquoi des psychiatres québécois s'en vont-ils pratiquer la médecine à Ottawa, de l'autre côté de la frontière, et pourquoi certains s'en vont-ils pratiquer à Edmunston au lieu de rester...

M. Chevrette: Vous pourriez vous poser une question beaucoup plus près de vous: Pourquoi sont-ils cantonnés exclusivement à Montréal et à Québec: 575 plus 634, et que les régions dites périphériques n'en ont même pas à une demi-heure, et c'est le cas de Joliette? On peut régler le sort du monde ici. On va regarder à l'intérieur les problèmes qu'on a aussi sur la mobilité de la main-d'oeuvre médicale. On le sait, cela.

Il y a un autre aspect dont je voulais vous parler. Cela a l'air plutôt simple de parler de l'immigration et de demander une directive du MAS. Vous savez très bien, Dr Augustin Roy, depuis le nombre d'années que vous êtes président de cette corporation, que l'immigration ne se contrôle pas par le ministère des Affaires sociales. On a l'odieux dans le contexte actuel, et je vais vous l'expliquer, de trancher ultimement en refusant un individu qui a été accepté. Quand j'assiste à une conférence fédérale-provinciale à Winnipeg et que les gouvernements des dix provinces, représentés par les ministres de la santé, sont assis ensemble et disent tous: On s'en va vers un surplus anticipé très grave en l'an 2000, là, tu te tournes vers le ministre fédéral et tu lui dis: Oui, mais qu'allez-vous faire pour freiner l'entrée? Un coup qu'un type a reçu son statut d'immigrant, qu'il est légalement reçu, vous essaierez contre la Charte des droits et libertés de la personne d'empêcher un individu de devenir médecin. La Cour suprême renverserait même n'importe quelle décision du gouvernement fédéral. Vous demandez au ministre des Affaires sociales de trancher quelque chose que le gouvernement fédéral ne peut même pas trancher, et c'est lui qui a le contrôle. Je ne me prends pas pour le bon Dieu en taxi ni pour un autre dans cela. Je ne fais qu'oeuvrer dans le cadre des juridictions dans lesquelles on m'a placé et je fais mon possible à partir de cela. Je reconnais le côté humain des

médecins immigrants qui vont témoigner demain matin. Je vais leur demander de me raconter exactement ce qu'ils m'ont raconté lors de notre rencontre. S'il peut y avoir des témoignages assez touchants pour démontrer qu'on doit être au moins objectif, je souhaite que ce soit exactement ce qu'ils m'ont conté. Cela pourra ouvrir les yeux à du monde. Quand tu acceptes des gens, que tu leur reconnais un statut, il faut au moins que tu leur permettes d'oeuvrer dans le cadre des juridictions qui sont propres au Québec. C'est ma perception.

M. Roy (Augustin): Je dois dire, M. le ministre...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je regrette, mais, si on veut entendre les autres groupes, je vais devoir donner la parole...

M. Roy (Augustin): Peut-être...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... quitte à ce que vous reveniez, au député de Westmount.

M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, seulement pour terminer...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Roy (Augustin): Je n'ai pas touché la question des médecins immigrants étrangers.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On va y revenir tantôt, Dr Roy.

M. Roy (Augustin): L'immigration, c'est à part. J'attire votre attention sur ce fait qui est extrêmement important et pour une articulation entre le ministère des Affaires sociales, le ministère de l'Éducation, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et même le ministère des Affaires intergouvernementales parce que la voie est là. Avec les accords Cullen-Couture, c'est le Québec qui contrôle l'immigration au Québec. On est quand même chanceux, à cause de notre particularité au Québec de peuple distinct qui parle français, de ne pas avoir tous les problèmes des autres provinces avec les anglophones qui viennent d'ailleurs. On est protégé d'une certaine façon, mais il y a aussi un problème national. Un médecin qui a le droit de pratiquer au Québec a généralement le droit de pratiquer à Toronto, et vice versa.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, Dr Roy. M. le député de Westmount.

M. French: Merci, Mme la Présidente. Je vais poser une question qui est inclusive parce que je sais que je vais être par la suite...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui est quoi?

M. French:... qui est très inclusive, c'est-à-dire une question qui comprend tous les volets dont je voudrais traiter puisque je ne suis pas sûr que... Je sais que le Dr Roy est tellement informé sur le problème que cela risque d'être long. Avec mes dix minutes, je n'aurai pas la chance de revenir.

Ma question touche l'émigration des médecins formés au Québec. Vous avez fait référence à au moins deux reprises dans le mémoire, ainsi que dans ce que vous avez dit cet après-midi, Dr Roy, qu'il y a peut-être un mouvement important des médecins formés au Québec vers l'extérieur du Québec en permanence, c'est-à-dire vers les États-Unis ou vers le reste du Canada, je présume. Je voudrais d'abord vous dire qu'hier on s'est fait dire qu'en effet il y avait un roulement à peu près normal dans ce sens-là, c'est-à-dire que certains partaient et que d'autres entraient. Vous ne semblez pas d'accord avec cela, d'après le mémoire. Je voudrais vous demander si c'est le cas. Si oui, c'est-à-dire s'il y a une saignée ou une perte de médecins formés au Québec vers l'extérieur, pourquoi ce genre de mouvement existe-t-il?

M. Roy (Augustin): C'est une question très importante, M. le député de Westmount. Il y a effectivement un grand mouvement de médecins du Québec vers l'extérieur, et c'est à déplorer. Le vrai problème de la pénurie des spécialistes - j'espère que M. le ministre comprend et M. le sous-ministre également -et je ne parle pas des omnipraticiens, c'est le départ d'un très grand nombre de spécialistes du Québec. Si tous les spécialistes partis du Québec revenaient, le problème serait résolu du jour au lendemain; et même, il y en aurait trop pour les besoins du Québec.

Il part encore - je pense toujours d'année en année que cela va diminuer - de 250 à 260 médecins du Québec; c'est le dernier chiffre de 1984...

M. French: Est-ce que c'est net?

M. Roy (Augustin): Pardon?

M. French: Est-ce que c'est net, ce...

M. Roy (Augustin): C'est net. Ce ne sont pas des médecins décédés, ce ne sont pas des médecins qui ont pris leur retraite; ce sont des médecins en santé, en bonne et due forme, des jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui décident d'aller s'installer ailleurs qu'au Québec.

M. French: Alors qu'il n'y en a pas

d'autres de même niveau professionnel qui viennent au Québec pour contrebalancer.

M. Roy (Augustin): Très peu. Le phénomène contraire est rare. Les départs de médecins du Québec: l'année dernière, à peu près 260; en 1983, 273; en 1982, 242; en 1981, je pense que les gens espéraient des jours meilleurs qui ne se sont pas matérialisés: 193; en 1980, 194; en 1979, 227; l'année catastrophique, cela a été 336 en 1978; en 1977, 179; en 1976, 122; et là, cela a toujours été à peu près 100... C'est un phénomène nouveau depuis l'assurance-maladie. Cela a commencé vers les années soixante-dix. Autrefois, il y avait à peu près une quarantaine de médecins qui quittaient le Québec, surtout des anglophones, en général, très peu de francophones. Maintenant, c'est presque moitié-moitié, francophones et anglophones, et spécialistes omnipraticiens, c'est la même chose. Autrefois, on recevait des médecins du reste du Canada et des Etats-Unis, mais, maintenant, on reçoit très peu de médecins d'ailleurs. Au cours de l'année qui vient de se terminer, dans les statistiques de l'année 1984-1985, nous avons donné zéro permis de pratique à des médecins gradués des États-Unis et 27 à des médecins gradués d'autres provinces, alors qu'autrefois nous donnions toujours une trentaine de diplômes à des médecins américains. Les médecins américains ne veulent plus venir au Québec. Qu'est-ce que vous voulez? Ils ne sont plus intéressés, ils ne sont plus attirés et c'est une des raisons des difficultés du recrutement de professeurs à l'Université McGill. Nous avons encore un certain nombre de Canadiens qui demandent un permis temporaire, en vertu de la loi 101, pour un an ou deux ans, pendant leurs études de spécialité, mais c'est passager, c'est temporaire, parce qu'ils retournent chez eux après. Nous avons une perte nette et sérieuse de médecins.

Nous en fabriquons tellement, nous en formons tellement: 650, 670 et plus, que le problème est amoindri énormément, mais c'est un gaspillage éhonté de ressources humaines que de préparer tant de médecins pour en perdre autant. Il y en a qui partent immédiatement après leur formation en médecine; il y en a d'autres qui partent immédiatement après leur spécialité. Cela coûte très cher à la société parce qu'on ne peut pas garder nos médecins ici; on ne peut pas les attacher, ils peuvent faire ce qu'ils veulent.

Il y en a qui partent pour toutes sortes de raisons. Autrefois, on est parti un peu, au début, pour la question de la loi 101, mais ce n'est plus vrai. On part pour des questions socio-économiques en général et un peu pour la question d'argent pour les États-Unis, évidemment. C'est surtout la question du climat hospitalier, de l'équipement dans les hôpitaux, du fonctionnement de nos hôpitaux, de la difficulté d'admettre des malades dans les hôpitaux et de ia difficulté d'opérer les patients pour les chirurgiens. Ce sont toutes sortes de facteurs qui font que beaucoup de médecins partent, en plus des décrets de la loi 27 en ce qui concerne les jeunes. Beaucoup de jeunes médecins ont été chassés du Québec à cause du décret de la loi 27 et on les comprend facilement parce que ce décret a été une erreur monumentale, on ne le dira jamais assez. Vous gagneriez beaucoup de plumes, M. le ministre, en réparant les erreurs de votre prédécesseur.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Une autre question, M. le député de Westmount.

M. French: Je retiens qu'il y a une perte nette importante de médecins formés au Québec. Cependant, l'impact sur la santé des Québécois est amoindri par le fait que nous produisons trop ou, en tout cas, un nombre relativement élevé de médecins, ici, au Québec. Cependant, il y a un gaspillage de ressources occasionné par ces départs et ce gaspillage ou cette perte a été aggravée par certaines politiques gouvernementales. (17 heures)

M. Roy (Augustin): Absolument. C'est pour cela que je m'interroge énormément, lorsque je vois les régions tenter de recruter des médecins étrangers, dépenser des centaines de milliers de dollars annuellement. Vous pourrez le faire dire à la région du Nord-Ouest du Québec. Elle dépense 300 000 $ par année à des fins de recrutement seulement. La même chose est vraie pour d'autres régions. C'est un gaspillage éhonté de nos ressources pour recruter des médecins d'année en année, alors qu'on en a une couple de centaines, 250 qui partent du Québec et on ne fait rien pour les retenir. Il y a évidemment toutes sortes de méthodes à envisager. Mais les vrais moyens ne sont pas discutés et n'ont pas été envisagés jusqu'à présent, du moins n'ont pas été utilisés d'une manière sérieuse.

M. French: Mme la Présidente, une courte question qui touche un autre problème, soit les horaires de gardes supplémentaires. Les résidents et internes nous ont dit hier que, par suite de la diminution relativement rapide du nombre de postes à l'internat et aux résidences dans les hôpitaux québécois, il y a eu aggravation d'une situation qui s'apparente à de l'exploitation parfois, mais pas systématiquement; donc, le problème du surmenage, des heures de travail impossibles, etc. Ma question se pose de la façon suivante. Si j'ai bien compris ce que disaient l'Université McGill et le Conseil des doyens, c'était surtout dans les hôpitaux de langue anglaise, dans le réseau de McGill,

donc, que cette réduction a eu lieu. C'est beaucoup plus dramatique sur dix ans, la différence de postes d'internat et de résidence dans les hôpitaux du réseau de McGill que dans les hôpitaux de Laval, Sherbrooke et Montréal. Je ne sais pas si c'est le cas, mais c'est ce que j'ai compris du Conseil...

M. Roy (Augustin): Vous avez parfaitement raison, M. le député. Je ne partage évidemment pas la vision apocalyptique des internes et des résidents quant aux heures de travail phénoménales qu'ils ont à faire. C'est vrai pour les internes. Les internes travaillent très fort. Très fort. L'année d'internat est très dure. C'est assez vrai un peu partout. C'est plus vrai à McGill qu'ailleurs parce que c'est inégal d'un hôpital à un autre et d'une faculté à une autre. Pour ce qui est des résidents, il y a des spécialités où il y a très peu de travail la nuit, très peu de gardes. On parle de la pathologie, de ta dermatologie où il y a très peu de gardes. 11 y en a d'autres où il y a beaucoup de gardes. Il y en a toujours eu beaucoup. Cela vous a été dit. C'est bien sûr que celui qui va en neurochirurgie et celui qui s'en va en chirurgie générale doit s'attendre à être de garde souvent. Cela fait partie de sa formation. En plus de cela, vous avez parfaitement raison de dire que la politique de contingentement a frappé McGill, parce que McGill avait traditionnellement, avant 1970, de 950 à 1000 internes et résidents. Cela a baissé à peu près à 600. Les autres facultés en ont plus maintenant qu'elles n'en avaient avant. Donc, normalement, on devrait avoir un meilleur partage des tâches. Elles n'ont pas été touchées par la politique de contingentement. Elles ont même gagné certains postes. C'est McGill qui en a perdu. Alors, c'est vrai qu'à McGill le travail est beaucoup plus fort. Il y a beaucoup plus de gardes, mais c'est moins vrai ailleurs, même si cela peut être vrai dans certaines spécialités particulières.

M. French: Cependant, compte tenu de tout cela, je suis frappé par le fait que, si j'ai bien compris, et encore une fois il se peut que je me trompe, ce n'étaient pas les résidents et internes du réseau de McGill qui ont créé les problèmes qu'on a connus depuis trois ou quatre mois. Est-ce que j'ai raison ou non? Je ne sais pas, mais j'avais l'impression que c'étaient principalement les réseaux de Laval et de Montréal principalement.

M. Roy (Augustin): On doit respecter une association comme la Fédération des médecins résidents et internes du Québec qui est formée de quatre associations. C'est sûr que c'est à elle qu'il aurait fallu demander qui se plaignait le plus. J'ai des doutes. J'ai une opinion, mais j'aimerais mieux que la réponse vienne des intéressés eux-mêmes parce que je sais d'où viennent les plaintes, mais je le sais par personne interposée et, comme c'est du ouï-dire, je préférerais donner la chance à d'autres de vous répondre sur cela.

M. French: Je comprends que vous ne soyez pas la personne... Mon problème, c'est que j'ai appris, après que les résidents et internes ont comparu, que c'était surtout le réseau anglophone qui avait subi là perte nette de postes, mais enfin...

M. Chevrette: Ils veulent revenir.

M. French: Oui, ils veulent revenir. Je vais leur poser la question à la fin de la séance.

M. Lapierre: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?

M. Lapierre: Lorsqu'on a fait des visites dans les hôpitaux d'enseignement, que ce soit dans le milieu anglophone ou francophone, à Montréal, Québec ou

Sherbrooke, nos visites ne nous ont pas permis de constater que les internes de McGill se plaignaient plus que les internes de Québec ou de Montréal.

M. French: C'est le genre de réponse que je cherchais, merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Bourassa, très très court, vu que...

M. Laplante: Vous êtes très gentille, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne me devez rien.

M. Laplante: La question que je voudrais poser, c'est au président de la corporation et non au politicien. Je voudrais avoir une réponse claire et nette.

M. French: Vous ne le reconnaîtrez même pas.

M. Laplante: Sur le rapport 60-40 dans le domaine de la gériatrie, est-ce que la corporation favorise la création d'une spécialité ou considère-t-elle qu'il s'agit d'un champ de pratique régulier des omnipraticiens? J'aimerais que vous vous prononciez là-dessus.

M. Roy (Augustin): Répétez donc. Sur la question de 60-40...

M. Laplante: Je vais vous la reposer.

M. Roy (Augustin): Posez bien la question qui a été posée.

M. Laplante: La question que je vous pose, c'est, dans le domaine de la gériatrie. Est-ce que la corporation favorise la création d'une spécialité ou considère-t-elle qu'il s'agit d'un champ de pratique régulier des omniprattciens?

M. Roy (Augustin): Alors, je dois dire d'abord que cela n'a rien à voir avec la question du 60-40...

M. Laplante: Non, mais cela entre...

M. Roy (Augustin): C'est seulement la question...

M. Laplante: Excusez, c'est parce que vous préconisez 60 omni et 40...

Une voix: On ne le préconise pas.

M. Roy (Augustin): Ce n'est pas nous, M. le député. C'est nous qui avons combattu la politique du ministère. Evidemment, je vois les gens sourire. C'est la politique du ministère que nous avons combattue.

M. Laplante: Oubliez-le, le 60-40, s'il ne fait pas votre affaire, si j'ai erré là-dessus, mais répondez à mon autre question.

M. Roy (Augustin): C'est cela. Je dois vous dire que nous avons créé, il n'y a pas tellement longtemps, la spécialité de gériatrie au niveau de la corporation. Nous avons acheminé notre demande à l'Office des professions pour approbation et publication à la Gazette officielle. Nous espérons que cela va cheminer rapidement. Mais, malheureusement, nous avons toujours les mêmes doléances vis-à-vis de l'Office des professions, c'est un processus extrêmement lent. Le moindre amendement à un règlement prend...

M. Laplante: Répandez à la question que je vous pose. Je vous ai posé une question...

M. Roy (Augustin):... sans exagération, un an et demi, deux ans.

M. Laplante:... simple.

M. Roy (Augustin): Mais nous avons...

M. Laplante: Est-ce que la corporation elle-même favorise cela ou si...

M. Roy (Augustin): Oui,je vous ai dit que...

M. Laplante:... vous préférez que cela soit laissé aux omnipraticiens?

M. Roy (Augustin): Je vous ai dit que nous le favorisons parce que nous avons créé la spécialité de gériatrie, ce qui ne veut pas dire que les omnipraticiens ne peuvent pas s'occuper des personnes âgées. Nous pensons qu'il faut des consultants, des gens pour s'occuper des soins de troisième ligne pour les personnes âgées. Cela prend un certain nombre de gériatres, peut-être 75 dans la province, une centaine au grand maximum, qui vont donner peut-être 5 % des soins en gériatrie ou 10 % au maximum, le reste étant donné par des omnipraticiens pour la première et deuxième ligne. Nous pensons qu'il est important, comme dans les autres provinces, comme ailleurs aux États-Unis et ailleurs dans le monde... Il va falloir des spécialistes pour les personnes âgées pour s'occuper de leurs problèmes particuliers. Nous espérons que le gouvernement va donner suite à notre demande de former une spécialité de gériatrie.

M. Laplante: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président, j'aimerais vous poser une question. Peut-être que vous n'avez 'pas la réponse. Depuis plusieurs jours, on entend constamment parler... et vous l'avez évoqué vous-même tout à l'heure quand vous avez dit: Les gens quittent pour différentes raisons. Vous mentionniez, entre autres, la question du manque d'équipement dans les hôpitaux. Est-ce que vous avez des chiffres précis? J'aurais peut-être dû le demander à l'Association des hôpitaux du Québec, mais je pourrai toujours le lui demander un autre jour. Est-ce que vous avez des... C'est parce que tout le monde dit cela. Je ne parle pas des immeubles eux-mêmes, je parle vraiment de l'équipement technologique. Est-ce que vous avez un ordre de grandeur de ce que peut représenter le manque d'équipement?

M. Roy (Augustin): Non, c'est en dehors du champ de notre préoccupation...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De votre compétence.

M. Roy (Augustin):... de notre mandat. Nous entendons les doléances à gauche et à droite. Il ne faudrait pas exagérer, d'un autre côté. Il y a certainement de l'équipement nouveau à donner, de l'amélioration dans de l'équipement ancien qu'il faut remplacer. D'ailleurs, le ministre a dit tout à l'heure qu'il y avait 7 000 000 $ dans les 27 000 000 $ qui étaient attribués à de l'équipement...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour

les régions éloignées.

M. Roy (Augustin):... pour les hôpitaux dans les régions éloignées. Alors, on me dit justement que, lorsqu'on veut recruter un ophtalmologiste, un oto-rhino-laryngologiste, on lui achète de l'équipement. Il y en a qui veulent renouveler leur équipement de radiologie. Évidemment, il y a beaucoup d'argent qui devrait être investi, d'après ce qu'on dit, dans l'équipement, mais on n'a pas fait de relevé particulier. Il ne faudrait pas non plus exagérer en disant que nos hôpitaux sont complètement démodés et dépassés. On n'a peut-être pas tous les équipements à la dernière mode, mais on a quand même les équipements qui permettent de fonctionner convenablement. Cela serait beaucoup mieux s'il y avait dans certains hôpitaux, particulièrement ceux de troisième ligne et universitaires, de l'équipement très sophistiqué, au niveau, par exemple, de la résonance magnétique, du laser, de la l'arthroscopie, qui pourrait aider à diminuer le temps d'hospitalisation des malades, faciliter le roulement et renvoyer les gens sur le marché du travail.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voici ma deuxième question. Ce matin, le ministre faisait allusion aux trois hôpitaux de la région de Québec - il ne s'agit pas de les identifier - et j'ai aussi entendu cette nouvelle. On faisait état d'une déclaration que la corporation aurait faite selon laquelle vous auriez dit qu'il fallait qu'ils rentrent dans le rang d'ici au mois de juillet. Évidemment, vous faites un suivi, vous autres, du point de vue de la pratique professionnelle, de la qualité et de la surveillance qui est donnée aux résidents et internes dans les hôpitaux. Quelles sont les suites? Comment procédez-vous? Est-ce que vous faites un rapport, avec recommandations aux centres hospitaliers? Est-ce qu'on y donne suite? Comment se fait-il qu'on se retrouve avec onze, dont vous connaissez apparemment l'existence, onze ou trois, peu importe? Quelle est la procédure habituelle qui est suivie?

M. Lapierre: En fait, madame, les hôpitaux n'ont pas été avisés encore. La réunion entre les doyens et la Fédération des internes a eu lieu vendredi dernier. Il y a eu une décision de prise par l'exécutif la semaine dernière et le rapport va se faire comme ceci: quand on a fait notre visite, c'était pour recueillir des données. Nous allons faire parvenir à chacun des hôpitaux concernés la liste des constatations que, nous, on a faites lors de la visite.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À quel moment a eu lieu cette visite?

M. Lapierre: Au mois d'avril.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Alors, c'est tout récent.

M. Lapierre: Cela s'est fait durant tout le mois d'avril.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous faites cela sur une base régulière?

M. Lapierre: Non, pas de façon régulière. Pour ce sujet-là, c'étaient des visites ponctuelles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À cause de la commission...

M. Lapierre: À cause d'une plainte de la fédération des internes et résidents.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord.

M. Lapierre: Nous allons faire parvenir à chacun des hôpitaux concernés les constatations que nous avons faites. Nous allons envoyer copie de ces constatations aux doyens concernés, c'est-à-dire que, s'il s'agit d'un hôpital de Québec, copie sera envoyée au doyen de Laval; s'il s'agit d'un hôpital de McGîll, copie sera envoyée au doyen de la faculté de médecine de McGîll. Par la suite, dès que nous allons revenir à la corporation, nous allons faire ces rapports aux hôpitaux et, en même temps, nous allons leur faire connaître la décision de la corporation qui est appuyée par le comité des doyens et la fédération des internes et résidents.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le passé, quand vous faisiez ce type de recommandation, supposons que c'est arrivé il y a deux ans, il y a des suites qui sont...

M. Lapierre: Nous vérifions l'application.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Lapierre: En fait, toute personne peut porter plainte à la corporation et il y a toujours une vérification, mais, lorsqu'on envoie des avis comme cela, bien sûr qu'on exerce un suivi pour voir jusqu'à quel point c'est appliqué.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière question...

M. Lapierre: Maintenant, là-dessus, madame, je voudrais dire que, depuis deux ans qu'on a commencé à s'occuper de ce sujet-là, il y a eu une amélioration

importante et, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, dans le réseau des 30 à 35 hôpitaux, il n'y aura probablement que trois hôpitaux qui auront de la difficulté à respecter cette recommandation d'ici au 1er juillet.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière question va porter sur les médecins immigrants. On l'oublie peut-être, étant donné que la plus grande partie de la discussion porte sur le probème des résidents et internes, et sur la question des effectifs médicaux, mais il ne faut pas oublier qu'un des éléments déclencheurs de l'objet de la commission ou de la consultation sur les effectifs médicaux a été relié au point de départ à la question des médecins immigrants.

J'ai souvent des échanges de vues brefs, je dois dire, avec le président de la corporation sur les problèmes des médecins immigrants qui sont ici depuis X années. Ce que je veux bien comprendre, Dr Roy, c'est que ces gens-là m'arrivent, enfin ceux dont je suis saisie du dossier, en me disant: J'ai obtenu de la corporation... Comment appelez-vous cela?

M. Roy (Augustin): L'admissibilité à l'internat.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ça, l'admissibilité à l'internat. Alors, évidemment, vous, vous remplissez la fonction qui vous est dévolue en leur accordant ce - je ne sais pas si c'est un certificat qu'on accorde - appelons-le certificat pour les fins de la cause. Après cela, pour eux, cela correspond à une possibilité d'être admis et ils ne le sont pas après deux, trois, quatre ou cinq ans. (17 h 15)

Je comprends votre point de vue de donner priorité aux Québécois qui ne peuvent même pas avoir accès à une spécialité, mais là il s'agit de l'accès à l'internat, et non à la spécialisation. Est-ce que je dois comprendre qu'à l'égard - j'aurais souhaité qu'en 1984 on ferme le robinet dans la mesure où il peut se fermer; là, on est rendu presque en 1986 et le robinet a continué de couler - de ceux qui sont ici, vous aurez une attitude sympathique qui permettrait de régler un problème, lequel va aller en s'accentuant si on ne prend aucune mesure, ou si, au contraire, vous avez des restrictions à les envoyer en régions éloignées ou ailleurs? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Roy (Augustin): Mme la Présidente, tout à l'heure, quand on a parlé d'immigration, particulièrement de l'immigration de moniteurs cliniques, on parlait de médecins qui n'étaient pas ici et qu'on allait recruter, que des hôpitaux ou des régions allaient recruter dans les pays étrangers pour les amener ici et leur donner le statut d'immigrants, alors que, sur place, on a des immigrants à qui on dit qu'ils ne peuvent pas pratiquer. Alors, il y a une incohérence dans le système; c'est cette incohérence que je veux démontrer et vous faire comprendre. Cela n'a pas d'allure qu'on aille chercher des médecins à l'extérieur, à moins de conditions particulières, alors qu'on en a déjà sur place et qu'on les laisse dans leur misère. Alors, il faut trouver une solution pour ceux qui sont déjà ici comme immigrants bona fide. Sauf qu'il est bien évident qu'on ne peut pas accueillir les médecins du monde entier au moment où on se dirige vers un surplus de médecins et au moment où il y a des surplus de médecins dans bien des pays du monde, y compris la France où il y a de 25 000 à 30 000 médecins de trop. C'est pour cela qu'il est facile de recruter des médecins en France, en Belgique, en Italie - nommez-moi les pays du monde - où il y a pratiquement partout des surplus de médecins. Je ne voudrais pas qu'au Québec on en arrive, ni le ministre ne le voudrait, à cette situation où on aurait de 3000 à 5000 médecins de trop. Cela coûte très cher à la société et c'est un fardeau social insupportable. Donc, il faut planifier, il faut prévoir.

Ceci dit, il faut, d'après moi, arrêter l'immigration. C'est cela que j'ai écrit l'année dernière et c'est ce que je vous ai dit, ce matin, en conclusion de mon mémoire: il faut mettre un frein à l'immigration des médecins, il faut la stopper. C'est bien clair que, comme le ministre l'a dit, il y a des règles pour l'immigration. Il y a des familles qui veulent se réunir. Il y a des conjoints qui s'ajoutent. Il y a des lois qui permettent ce genre d'immigration, mais il faudrait avoir une politique gouvernementale claire et connue de tout le monde, disant: Écoutez, c'est bien dommage, on ne vous empêche pas de vous marier avec un Québécois ou une Québécoise, mais, si vous le faites et que vous êtes médecin, ne vous attendez pas à pratiquer la médecine au Québec. Il faudrait le dire à l'avance. C'est cela qu'il faut faire. Je dis cela depuis quatre ou cinq ans et je semble prêcher dans le désert, parce que le problème, qui n'était pas si grave il y a cinq, six ans, va s'aggravant. Il y a deux ans, on avait 100 cas; l'année dernière, on en avait 160. 11 s'en est ajouté depuis ce temps et il continue de s'en ajouter.

Alors, il faut établir une politique claire et nette tout de suite, identifier ceux qui sont sur place et qui répondent à nos critères et leur dire: On va vous donner la possibilité de vous qualifier pour pratiquer la médecine - parce qu'il y en a peut-être un certain nombre qui ne pourront pas le faire -

on va au moins vous donner la chance de te faire. Si vous vous qualifiez, vous allez pouvoir exercer votre profession comme tous les médecins, mais on va fermer la porte, sauf à des cas exceptionnels, aux autres qui voudraient entrer. Là, on va régler le problème. On en a parlé hier avec les doyens. C'est bien sûr qu'il y a des gens qui attendent depuis quatre, cinq ou six ans et qui deviennent moins bons après ce temps-là. C'est bien sûr qu'il y en a qui arrivent un mois ou deux avant le procédé de sélection, qui sont de jeunes médecins tout frais émoulus de l'université, qui parlent bien français, qui se présentent très bien, qui donnent une très bonne impression aux interviewers des facultés, mais qui ont la préférence parce que, dans tout choix, on fait une certaine discrimination, qui n'est pas nécessairement mauvaise. En fait, on choisit parce qu'on a 30 postes à choisir parmi 160 candidats.

Il reste que, dans cela, il y a aussi le problème des Québécois dont il va falloir s'occuper. Il va falloir s'occuper des problèmes des Québécois qui vont étudier à l'extérieur. Quand ils reviendront ici, qu'est-ce qu'on va faire avec eux? En 1980, je sais qu'au ministère il y avait un projet de politique qui disait que, dorénavant, après 1981 - j'ai encore le projet dans mes poches - on ne vous donnera pas la permission de revenir pratiquer au Québec. C'est cela qu'on a dit, mais, sur le plan constitutionnel, cela va probablement être compliqué. Il reste qu'il y a un problème important à solutionner et il va falloir le faire le plus rapidement possible.

D'un autre côté, cela m'inquiète quand je vois que l'année dernière, sans en parier à personne, votre prédécesseur a adopté un décret pour 20 postes additionnels créant une obligation, pour les médecins étrangers, d'aller passer trois ans dans les régions éloignées sous peine d'être pénalisés de 50 000 $ par année; donc, 150 000 $ pour les trois ans. Cette obligation, maintenant, d'aller dans les régions éloignées s'applique dorénavant à tous les autres médecins étrangers. On fait signer une feuille, un engagement par le biais du ministère selon quoi l'individu, avant de commencer son internat, doit aller dans ces régions éloignées. Je me demande, et c'est important, Mme la Présidente, si une politique semblable n'est pas de la discrimination, si ce ne sont pas deux poids, deux mesures que d'obliger les médecins étrangers à aller trois ans dans les régions éloignées, alors que les médecins québécois ne sont pas obligés de le faire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Roy (Augustin): Si ce n'est pas de la discrimination, j'aimerais qu'on m'explique ce que c'est.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là-dessus, vous posez un problème, Dr Roy, qui n'est probablement pas sans fondement, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que cela a été fait en consultation avec l'Association des médecins étrangers. Ils se sont regroupés en association et ils étaient consentants. Enfin, je ne veux pas entrer dans le fond du problème...

M. Roy (Augustin): Ce qu'on m'a dit, c'est que les 20 étaient consentants, pas les autres, et les Québécois qui vont en Europe, qui, cette année, vont être obligés de faire trois ans dans les régions éloignées, n'ont pas été consultés, alors que les Québécois qui ont été acceptés l'année dernière n'ont pas à faire les trois ans.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Enfin, c'est comme ceux qui, avant, allaient dans les régions éloignées et n'étaient pas pénalisés et maintenant ils sont pénalisés.

C'est un autre type de débat dans lequel je ne veux pas entrer. Je vous remercie, Dr

Roy. M. le ministre.

M. Chevrette: Mme la Présidente, j'aurais quelques commentaires. Tout d'abord, il y a une affirmation dans le mémoire selon laquelle vous accusez le MAS de ne pas avoir donné suite à un rapport d'une commission d'étude concernant la formation de deux ans pour les omnipraticiens.

M. Roy (Augustin): Pas le MAS.

M. Chevrette: Non, j'espère, parce que c'est ce que j'avais compris. C'est pour cela que je voulais le préciser. Vous savez qu'actuellement le MAS l'a accepté depuis deux ans; c'est un avis du Conseil des universités qu'on attend. D'autre part, je voudrais rappeler que c'était le rapport Scott qui avait mis en question et remis en question ce...

M. Lapierre: Ce qu'on veut faire ressortir par cela, M. le ministre, c'est davantage l'incohérence du système, c'est-à-dire que le rapport 60-40 préconisé par le MAS veut former plus d'omnipraticiens; par contre, on leur refuse une formation. Le refus de la formation ne vient pas du MAS, il vient d'un blocage de l'Office des professions et du ministre responsable de l'Office des professions.

M. Chevrette: Maintenant, je voudrais parler de l'exode des médecins québécois. Un n'a vraiment pas les mêmes statistiques. Dr Roy, vous affirmez avec beaucoup d'emphase que les médecins spécialistes, nos jeunes spécialistes que nous formons quittent le

Québec et, une des causes les plus importantes, vous dites que c'est le décret punitif. En 1981, au moment où le décret a été adopté, il est parti 33 spécialistes, ce qui représentait 17 % de la cohorte; en 1982, l'année de l'application du décret punitif, 15, 8 %, une baisse de 29 individus; en 1983, toujours avec le décret punitif, 12, 1 % de la cohorte, 21 individus. Qu'on ne vienne pas affirmer ici que c'est le décret punitif qui fait que les médecins spécialistes sortent du Québec.

Deuxièmement, vous dites qu'au Québec c'est effrayant, on perd tous nos jeunes. C'est la province la moins touchée du Canada, selon les statistiques. Il me semble que vous-même avez affirmé cela dans L'Actualité. Comment se fait-il que vous grossissiez le problème aujourd'hui alors que dans une entrevue vous étiez sur la même longueur d'onde que le ministre actuel quant à la migration des médecins du Québec? Je suis surpris de voir que ce que je lis dans un journal; vous dites le contraire ici. Il y a quelque chose qui accroche.

Troisièmement, sur les moniteurs...

M. Roy (Augustin): Est-ce qu'on pourrait répondre au décret tout de suite?

M. Chevrette: Oui, mais je vous prierais de ramasser un petit peu parce que vous répondez longuement.

M Roy (Augustin): Juste le décret... Vous avez certainement mal compris parce que j'ai donné plusieurs causes; j'en ai donné sept ou huit et, la dernière que j'ai donnée, c'est le décret de la loi 27. Je n'ai pas dit que c'était la plus importante, je n'ai pas donné de chiffres. J'ai dit que c'était une des raisons et j'ai dit que l'année dernière il en est parti à peu près 260. C'est une des causes, avec plusieurs autres, évidemment.

Qu'on retienne un certain nombre de médecins, c'est bien normal, et le Québec en a toujours retenu traditionnellement plus que les autres provinces à cause de sa particularité francophone. Comme je vous le dis, avant 1970, il n'y avait pratiquement pas de départs de médecins du Québec; c'est un phénomène relativement nouveau. Ceux qui partaient, c'étaient des anglophones et des allophones. Maintenant, c'est autant de francophones que d'anglophones et d'allophones; cela, c'est nouveau, par ailleurs. C'est sûr que le nombre 250 m'inquiète. Evidemment, il n'est peut-être pas si gros sur 675, mais pourquoi préparer tant de médecins si on en perd presque le tiers?

M. Chevrette: Ce n'est pas le tiers, c'est 12 %.

M. Roy (Augustin): Oui, mais cela, c'est seulement pour le décret, mais il y a d'autres raisons. Il y en a qui partent parce qu'il n'y a pas d'équipement.

M. Chevrette: Ce n'est pas pour le décret, c'est ce qui part annuellement. Je m'excuse! Il ne faut pas en mettre, là! Je ne sais pas où vous puisez vos statistiques, mais il y a des limites.

M. Roy (Augustin): Vous interprétez mal vos statistiques, M. le ministre.

M. Chevrette: Écoutez, je comprends qu'on n'est pas les seuls à avoir la science infuse. J'ai dit, au chapitre des spécialités, qu'il sortait 12 % de la cohorte.

M. Lapierre: M. le ministre, vous dites qu'il y en a 21 qui sont partis en 1981; nous, on en a 200...

M. Chevrette: En 1983.

M. Lapierre: En 1983, on en a combien?

M. Roy (Augustin): On en a 260.

M. Lapierre: 260; il y a une marge entre les chiffres.

M. Roy (Augustin): II y a quelque chose qui ne va pas dans vos statistiques, M. le ministre.

M. Chevrette: Quand on parle des jeunes finissants...

M. Roy (Augustin): Mais je parle de tous les médecins du Québec, moi. Je n'ai jamais parlé d'un groupe seulement.

M. Chevrette: Vous avez affirmé, avec beaucoup d'emphase, que les jeunes qu'on formait quittaient.

M. Roy (Augustin): Oui, il y en a.

M. Chevrette: Donc, on vous a sorti les jeunes finissants, on a vérifié les chiffres par rapport à ce que vous avanciez et on dit: Cela n'a pas d'allure. Deuxièmement, si c'était l'effet du décret punitif...

M. Roy (Augustin): Je vous parle des rapports en général.

M. Chevrette: Si c'était l'effet du décret punitif, comment expliqueriez-vous qu'on émigrerait vers les Etats-Unis plutôt que d'émigrer dans certaines régions périphériques où on manque de médecins et qui ne sont pas touchées par le décret punitif? C'est grossir vraiment les choses.

M. Roy (Augustin): Écoutez, je pense...

M. Chevrette: À mon point de vue, en tout cas.

M. Roy (Augustin):... qu'on peut faire dire n'importe quoi à des chiffres. Je vous donne des chiffres globaux du départ de tous les médecins du Québec, quels que soient leur êge, leur formation, leur langue et leur religion. Il en est parti 273 en 1983: des Anglais, des Français, des Hongrois, de toutes les sortes, des omnipraticiens et des spécialistes qui viennent de Montréal, de Québec ou d'autres régions. Je n'ai pas fait de distinction entre les catégories. C'est facile à articuler, je les ai dossier par dossier.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): N'en ouvrez pas trop grand.

M. Chevrette: Combien sont revenus?

M. Lapierre: M. le ministre, avec une collaboration...

M. Chevrette: Excusez-moi, trente secondes. Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre qui est revenu?

M. Roy (Augustin): Qui est revenu? II en revient, oui, j'ai des réinscriptions. Toujours à peu près - je ne l'ai pas sur celui-là, mais dans le dernier - je pense que cette année il y a eu une cinquantaine ou une quarantaine de réinscriptions.

M. French:... c'est 200 cette année.

M. Roy (Augustin): 249, au mois de novembre.

M. French: Ce n'est pas net, cela. Il y en a qui rentrent, M. le Président.

M. Roy (Augustin): Ceux qui sont de retour?

M. French: L'émigration nette; c'est ce que j'essaie de savoir.

M. Roy (Augustin): L'émigration nette, l'entrée.. - Avez-vous les dernières statistiques?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le président, est-ce qu'on pourrait vous demander de nous envoyer un tableau statistique des entrées et des sorties, disons, pour 1983-1984?

M. Roy (Augustin): Tout cela est publié dans le rapport annuel, dans nos rapports d'effectifs médicaux; c'est accessible.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais le dernier qui est sorti, c'est quelle date?

M. Roy (Augustin): Le dernier, c'est 1983-1984, et 1984-1985 va être sous presse bientôt. Alors, il n'y a pas de problème. Si on peut s'asseoir avec le ministère...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, parfait! On peut s'obstiner longtemps si vous en avez quinze de moins ou quinze de plus, vous savez.

M. Lapierre: La meilleure façon d'avoir les mêmes données, c'est de s'asseoir à la même table et de travailler ensemble.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis bien d'accord avec vous.

M. Chevrette: Vous savez, il ne faut pas faire de procès d'intention avant utilisation sur les formules, vous avez raison.

M. Lapierre: II n'y en a pas dans le mémoire.

M. Roy (Augustin): Des départs, ce n'est pas toujours prévisible. On a perdu, en deux ans, à peu près 35 orthopédistes, ce qui fait que la spécialité qui était presque en surplus est devenue en déficit ' et des hôpitaux pas éloignés, des hôpitaux de Montréal ou de la périphérie de Montréal cherchent des orthopédistes, des cardiologues. Ce sont des spécialités en équilibre très instable. (17 h 30)

Actuellement, on recrute pour les régions éloignées, mais on en a autant besoin de psychiatres, par exemple, pour des hôpitaux à Québec et à Montréal. Ce matin, je n'ai pas eu le temps de le dire, mais je voulais vous faire part des offres que l'on fait pour recruter des psychiatres dans certaines régions éloignées où on dit: Viens faire un tour, c'est payant. C'est le mot clé. C'est payant parce que tu vas rendre un service immense à ta communauté et l'estime de toi-même va se prolonger jusque dans ton compte de banque. Pars avec un dépôt, et non avec un emprunt. Une bourse de 25 000 $ si tu t'engages pour deux ans. Une bourse de 10 000 $ si tu t'engages pour un an. Une prime d'établissement de 10 000 $ sans impôt, répétable pendant quatre ans si tu prends goût à la Gaspésie, dans ce cas, 120 % sur tes revenus de base. Vacation: salariat ou à l'acte. Vingt jours de ressourcement è chaque année avec quatre sorties payées jusqu'à Montréal. Plein revenu pendant sept jours avec forfait de dépenses. Vingt jours accumulables après quatre ans. Quatre mois sabbatiques, en plus des vacances, après quatre ans. En plus, le sanatorium Ross facilitera ton installation et ton logement. Viens faire un tour. - C'est

presque: C'est à ton tour - Appels à frais virés.

C'est le recrutement dont on a besoin!

M. Chevrette: Je suis heureux que le Dr Roy donne un exemple poussé à l'extrême. Mais, au moment où on parle d'engorgement des urgences à Montréal, savez-vous qu'un centre hospitalier recrute des clients pour l'urgence par des circulaires? On a des aberrations dans notre système, j'en conviens. Mais il ne faut pas partir de l'aberration pour parler d'une règle générale. Écoutez une minute. C'est pareil comme si ce qui se fait là était une règle générale.

M. Roy (Augustin): C'est la règle générale pour les régions éloignées, M. le ministre.

M. Chevrette: Entre vous et moi, quand j'ai lu qu'un centre hospitalier montréalais -et je l'ai montré en Chambre - recrutait des clients pour sa salle d'urgence quand on pense qu'à Montréal tout le monde se plaint des urgences, c'est le bout de je ne sais pas quoi. D'accord? Mais on vit cela. On vit ces aberrations. Notre rôle, autant à vous qu'à nous, est d'au moins essayer de chercher à travailler avec les normaux, la normalité des choses, et essayer de les améliorer. C'est cela qu'on vise. Quand bien même qu'on sortirait une liste d'aberrations qui pourraient occuper la corporation pendant plusieurs mois... J'aimerais cela que vous assistiez à des entrevues, par exemple, chez les médecins immigrants pour voir si c'est vrai qu'il y a de la discrimination. J'aimerais cela que vous assistiez à certaines séances de conseil d'administration où on prend une heure et demie pour discuter de la couleur de la brique plutôt que de s'occuper de trouver une formule simple, rapide, pour faire un diagnostic médical à l'urgence. Vous pourrez scruter le rapport du Dr Spitzer, ce matin, et nous dire s'il y a du bon dans cela, s'il y a du vrai. Vous pourrez peut-être contribuer grandement à la commission d'étude que j'ai annoncée et qui sera officialisée très prochainement. Vous pourrez peut-être nous aider également au contingentement. Je remarque qu'à la page 26 vous dites ceci: "Bien que difficile, cette planification demeure indispensable", contrairement à ce que j'ai entendu de plusieurs groupes, selon lesquels le libre marché devait prévaloir. Je pense que là-dessus on est sur la même longueur d'onde.

M. Roy (Augustin): Absolument, M. le ministre.

M. Chevrette: On a vraiment des points en commun. Mais essayons de s'en tenir, peut-être, aux gestes de la normalité au lieu d'amplifier à partir d'un petit fait.

M. Roy (Augustin): Je suis complètement d'accord, M. le ministre. Il faut joindre nos efforts. Nous sommes absolument prêts, parce qu'il y a des aberrations épouvantables dans le système, des aberrations que le monde ne connaît pas, que les députés n'ont pas l'air de connaître, que le commun des mortels, encore bien moins, n'a pas l'air de connaître. Il y a des dépenses...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On en connaît plus que vous ne le croyez.

M. Roy (Augustin): Oui. Je viens vous mettre au courant. Vous devriez être contente de connaître la vérité.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Excusez-moi, Dr Roy. Excusez-moi. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy (Augustin): II se dépense de l'argent, c'est épouvantable.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Le député de Brome-Missisquoi aura la dernière question, et vous aurez la dernière réponse, M. le président. Je vous ferai remarquer que cela fait plus de deux heures que...

M. Roy (Augustin): Moins que les doyensl

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!

II va falloir retourner regarder les livres. Je ne suis pas convaincue de cela.

Vous avez la parole, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Ma question au Dr Roy touche les 60-40. Elle ne m'a pas été inspirée par le député de Bourassa. Dans toute la question des 60-40, on dénote chez l'ensemble des intervenants, vous n'êtes pas les seuls à le souligner, qu'on vit présentement une carence de certaines spécialités un peu partout au Québec, dans d'autres spécialités dans des régions plus éloignées ou périphériques. Il y a toute la question des usagers qui utilisent des médecins spécialistes comme médecins de première ligne. Il y a toute la question de l'avenir de notre société... on est en 1985 et tout le monde nous dit qu'on va manquer de spécialistes dans à peu près l'ensemble des spécialités. Dans le but d'avoir une approche constructive, je ne veux pas connaître les causes, ce sont des choses du passé, je suis conscient des avertissements que votre corporation a donnés au gouvernement dans le passé et qui sont résumés là-dedans, mais, pour l'avenir, qu'est-ce que vous recommandez au gouvernement comme approche dans le but d'éviter qu'on se retrouve devant une situation qui pourrait

être très pénible pour les usagers?

M. Lapierre: Mme Lavoie-Roux, si vous n'avez pas d'objection à ce que la dernière réponse me vienne.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah oui?

M. Lapierre: En fait, la corporation n'a pas recommandé un rapport particulier soit 60-40, 55-45, on n'a pas fait de recommandation sur un rapport particulier. Ce qu'on constate, c'est que le rapport vers lequel on vise semble nous amener dans un cul-de-sac en ce sens que, dans le moment, on constate qu'avec un rapport de 50-50 à peu près, on semble, sur le plan des omnipraticiens, avoir une répartition qui semble être acceptable et qui va encore s'améliorer. Mais on constate qu'avec ce rapport de 50-50, on manque de spécialistes. 5i on veut s'en aller comme ça avec un manque de spécialistes actuellement et se diriger vers un rapport de 60-40, il faudra d'abord assurer une meilleure formation aux omnipraticiens pour qu'ils puissent bien faire le travail qu'ils auront à faire, leur donner au moins deux ans comme notre règlement le recommande pour une formation spécifique en omnipratique, il va falloir les distribuer correctement dans toute la province pour répondre à la première ligne et une partie de la deuxième ligne.

Il va falloir retirer les spécialistes de la première ligne, retirer les spécialistes de leur cabinet de consultation et les retenir dans les hôpitaux pour qu'ils s'en tiennent à des soins secondaires et tertiaires. Il ne faudra pas accepter qu'un malade consulte directement un spécialiste sans avoir au préalable consulté un omnipraticien qui va décider de le diriger vers le spécialiste ou pas. Pour arriver à cela, il faut modifier le système de rémunération. Si on se dirige vers un rapport 60-40 et qu'on ne fait pas cela, on s'en va vers une pénurie de spécialistes.

M. Paradis: Est-ce que le rapport 60-40 est la solution?

M. Lapierre: On marche évidemment à l'encontre du contexte nord-américain, parce qu'on est dans le contexte nord-américain où la population a l'habitude de se diriger selon ce qu'elle désire, vers un omni ou un spécialiste.

M. Roy (Augustin): M. le député, c'est à cause de ce rapport 60-40 qui est devenu la bible au ministère qu'il faudrait changer, c'est à cause du contingentement de l'entrée en spécialité que les régions nous demandent des médecins étrangers. C'est cela que j'attends du ministre comme directive. La semaine dernière, à mon comité d'examen des titres, j'avais 24 demandes de médecins étrangers pour venir au Québec comme professeur ou pour pratiquer, 24 demandes et cela augmente à chaque comité. Je me dis: Cela n'a pas d'allure que ce soit comme cela. Il y a eu des demandes de refusées, il y en a eu de différées. Je suis extrêmement sympathique aux problèmes des régions de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Gaspésie, qui manquent de certains spécialistes, qui manquent de psychiatres, qui manquent de radiologistes, qui manquent d'anesthésistes, par exemple. Comment trouver la solution? Il y a des décisions des fois qui sont un peu arbitraires.

Pourquoi est-ce qu'on accepte un psychiatre à Lévis? Parce qu'on en a déjà accepté des psychiatres étrangers à Lévis. Entre parenthèses, à Lévis, il y a encore une aberration. Le psychiatre étranger qui va à Lévis est payé è 100 % de ses honoraires, mais, quand il pratique à Québec, il est à 70 %; parce que le Dr Dominique Bédard était un ami du Dr Laurin, il a réussi à faire adopter un amendement au décret pour faire en sorte qu'à Lévis, le psychiatre soit payé à 100 %, mais, de l'autre côté du pont, à Québec, il est payé à 70 %. Des aberrations comme cela, il y en a plein le système. Qu'est-ce que je vais faire, moi, avec les médecins des régions éloignées qui veulent aller pratiquer là et pour lesquels on demande des postes? Est-ce que je vais dire oui, alors que le ministère contingente l'entrée en spécialité pour nos propres Canadiens, nos propres Québécois? Est-ce que je vais dire oui, alors qu'on contingente l'entrée de nos médecins à la faculté de médecine?

Il y a là des décisions importantes et urgentes à prendre. Je me dis: On serait d'accord, nous, à la corporation, M. le ministre, pour donner des permis, et je vais clore sur cela - temporaires ou restrictifs à des médecins étrangers, mais temporaires sur une base d'un, deux ou trois ans, de façon à permettre la formation de spécialistes québécois pour aller dans ces régions, éventuellement. Mais ce n'est pas la demande qu'on nous fait. On nous fait des demandes pour des médecins immigrants, qui vont devenir Canadiens, qui vont s'installer ici ad vitam aeternam. C'est à quoi on se refuse jusqu'à présent, parce qu'on a affaire à des médecins de 30 ans, qui vont encombrer nos postes, qui vont prendre la place de nos Québécois pour la vie et qui vont nous créer des problèmes épouvantables tantôt.

Je pense qu'il est urgent qu'on s'en rende compte et qu'on articule nos positions ensemble avec l'Immigration, avec l'Éducation, avec les Affaires intergouvernementales, afin qu'on en arrive à une solution commune, réaliste et raisonnable.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Alors, on vous remercie, Dr Roy, ainsi que ceux qui vous accompagnent. Si vous vouiez, je peux vous donner le nombre de minutes pour vous comparer aux universités.

M. Roy (Augustin): Merci, Mme la Présidente, M. le ministre et MM. les députés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela nous a fait plaisir et c'est toujours mouvementé, quand on a votre visite.

M. Roy (Augustin): Nous avons essayé de vous éclairer, il y a encore beaucoup de choses à dire, mais tout ce qu'on dit, c'est dans l'intérêt de la communauté québécoise. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Merci beaucoup. Le prochain groupe, c'est la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît! M. Sénéchal, si vous voulez présenter vos deux collègues, M. Bélanger et M. Perras. Vous ne me croirez peut-être pas, mais vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes de questions du côté du gouvernement et du côté de l'Opposition. Alors, vous pouvez procéder immédiatement.

Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec

M. Sénéchal (Marcel): Alors, Mme la Présidente, MM. les députés, nous allons traiter strictement de la seconde question qu'aborde la commission, soit la question de la planification des effectifs médicaux, ce qui est une question importante pour les CLSC. D'abord, je m'excuse de vous avoir fait parvenir le mémoire seulement cet après-midi, mais des contraintes d'ordre matériel et humain ne nous ont pas permis de vous le présenter avant aujourd'hui.

Un mot sur les effectifs médicaux et la pratique médicale en CLSC. De fait, sont inclus les 12 CLSC dont la création a été récemment annoncée. On compte maintenant, au Québec, 136 CLSC sur les 166 qui seraient nécessaires pour couvrir l'ensemble du territoire. Les 136 CLSC existants rejoignent, au moins théoriquement dans le cas des nouveaux, environ 70 % de l'ensemble de ta population.

Les CLSC qui étaient en fonction en janvier 1985 avaient à leur emploi 532 médecins. Comme on peut le constater, une très forte proportion de ces médecins, 94 % en fait, sont rémunérés à honoraires fixes ou à vacation. Il s'agit là d'une première caractéristique importante de la pratique médicale en CLSC, sur laquelle nous reviendrons, d'ailleurs, un peu plus loin.

Ces 532 médecins oeuvrant en CLSC représentent quelque 8 % de l'ensemble des 6694 médecins omnipraticiens qu'on devrait compter au Québec en 1985-1986, selon les projections de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Il y a eu, à cet égard, une progression constante. Par exemple, en 1978, les 221 médecins oeuvrant en CLSC représentaient 4, 7 % du nombre total d'omnipraticiens qu'on comptait à cette date au Québec.

Cette présence des médecins de CLSC varie cependant beaucoup d'une région à une autre, comme on peut le constater. Cette présence est plus marquée en Gaspésie, 22, 5 % de tous les omnipraticiens travaillant en CLSC, sur la Côte-Nord, dans l'Outaouais et en Montérégie. Elle est relativement plus faible dans la région de Montréal, 5, 5 %, qui regroupe à elle seule 37 % de tous les omnipraticiens du Québec. (17 h 45)

Le parachèvement du réseau des CLSC dans les régions où il est encore incomplet devrait faire augmenter la présence relative des médecins pratiquant en CLSC. On peut escompter en effet qu'à ce moment entre 15 % et 20 % de tous les omnipraticiens du Québec oeuvreront en CLSC. Depuis 1978, le quart environ des nouveaux effectifs d'omnipraticiens qui se sont ajoutés au Québec se sont retrouvés en CLSC.

L'augmentation du nombre d'omnipraticiens au Québec au cours des dernières années - 610 omnipraticiens de plus de 1979 à 1982 - jointe à la mise en oeuvre des différentes mesures gouvernementales, a permis une amélioration du ratio population-médecin-omnipraticien dans toutes les régions du Quebec. Cela, cependant, a à peine ralenti le mouvement de concentration des effectifs d'omnipraticiens dans la région de Montréal puisque, de 1979 à 1982, 30 % des effectifs supplémentaires se sont concentrés dans la région de Montréal. Il y a donc un problème important de concentration de la profession médicale à Montréal et cela, même chez les omnipraticiens.

Notre analyse des données nous amène, à cet égard, à deux constatations supplémentaires. La première, c'est que, dans la région même de Montréal, les nouveaux effectifs d'omnipraticiens tendent à se concentrer là où il y a déjà le plus de médecins. La deuxième constatation, c'est qu'en dehors des régions les plus urbanisées et en dehors des grands centres urbains, la présence de médecins omnipraticiens en CLSC constitue un facteur déterminant de l'amélioration de l'accessibilité aux services médicaux.

Comme on peut le voir au tableau 4, l'accessibilité aux services des omnipraticiens s'est améliorée de près de 10 % de 1979 à 1982. Or, le tiers, soit 36 % de cette

amélioration, est imputable à l'augmentation du nombre de médecins pratiquant en CLSC. Ce phénomène est surtout remarquable dans la région 01, où des médecins déjà installés ont quitté la pratique solo pour la pratique en CLSC, ainsi que les régions 02, 05, 07 et 09.

On a une autre illustration de l'importance des CLSC en matière d'accessibilité aux services médicaux dans certaines régions lorsqu'on constate que, sur les territoires des CLSC ruraux créés avant 1978 et qui ont donc atteint un certain rythme de croisière, près des deux tiers de tous les omnipraticiens pratiquant sur ces territoires étaient rattachés au CLSC. Cela couvre des territoires comme ceux de Lac-Etchemin, Portneuf, Jardin du Québec ainsi que plusieurs CLSC de la Gaspésie et de l'Outaouais. Sur ces territoires, il n'y a pas de doute que la présence de CLSC a largement contribué à l'amélioration de l'accessibilité à la pratique médicale et que cela a pu compenser en partie la tendance à la concentration des effectifs en milieu urbain. Voilà pour les effectifs.

Pour ce qui est de la pratique comme telle, à partir d'un échantillon de 33 CLSC représentatifs, on peut tenter d'extrapoler le nombre de personnes rencontrées en CLSC au cours de l'année budgétaire 1984-1985. L'exercice nous permet de constater qu'au cours de la dernière année l'ensemble des CLSC aurait posé 2 200 000 interventions à plus de 650 000 personnes différentes.

Là-dessus, les médecins des CLSC auraient posé près de 700 000 interventions ou visites individuelles à 400 000 usagers différents. Les médecins des CLSC auraient donc rencontré au moins une fois 61 % de toutes les personnes venues aux CLSC au cours de cette année pour des services individuels. Ces mêmes médecins auraient posé 31 % de toutes les interventions individuelles en CLSC.

Cela illustre pleinement l'importance des services médicaux comme porte d'entrée aux CLSC pour l'ensemble des services qui y sont distribués.

Quant à l'organisation de la pratique médicale en CLSC, règle générale, la pratique des médecins en CLSC se répartit à peu près équitablement entre la pratique dite curative et la pratique dite préventive.

La pratique curative consiste surtout en consultations médicales sur rendez-vous, sans rendez-vous ou d'urgence. Cela répond à un besoin de la population, mais en même temps cela permet aussi au CLSC de se faire connaître et de faire connaître ses autres programmes, notamment ceux à caractère préventif. Le curatif sert donc, à certains égards, à établir la crédibilité du CLSC.

Cette organisation des services curatifs médicaux en CLSC se reflète de la façon suivante: Sur les 107 CLSC en opération et comptabilisés dans l'enquête, 49 CLSC avaient un service d'urgence en plus des consultations médicales. Les 58 autres n'avaient que les consultations médicales. Les 49 qui ont une urgence en ont une accessible 24 heures par jour dans 26 cas. Cette urgence est assurée par une garde sur place à 10 endroits. Ailleurs, on compte plutôt sur un mode de disponibilité des médecins.

Ces données traduisent les efforts des CLSC, compte tenu des ressources dont ils disposent pour rendre leurs services médicaux accessibles à la population.

Quant à l'action préventive des médecins oeuvrant en CLSC, elle se traduit de la façon suivante: le médecin agit comme personne ressource au niveau du contenu de la programmation; il agit comme intervenant direct dans le cadre des programmes de prévention: notamment, il réalise les examens médicaux nécessaires dans les programmes comme la périnatalité, le contrôle des naissances, la santé et la sécurité du travail; il contribue à élargir la pratique des autres intervenants dans le cadre des équipes multidisciplinaires, il apporte une plus grande cohérence dans son message à livrer et il contribue à asseoir la crédibilité des équipes d'intervention. Voilà pour le rôle des médecins en ce qui concerne les activités préventives.

En plus de constituer un secteur important parce que l'activité médicale constitue, comme on le dit, une porte d'entrée très importante pour les CLSC, ce que nous développons dans la deuxième partie du premier chapitre, c'est qu'il doit exister dans les CLSC un secteur témoin qui fait référence à la pratique médicale privée. Je passe rapidement là-dessus pour aborder deux problèmes spécifiques, soit la question du recrutement des médecins et la question de leur formation.

Sur la question du recrutement des médecins, la fédération a déjà eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur la question le printemps dernier, lors de la table de concertation qui s'est tenue sur cette question. Nous devons vous dire à cet égard que le problème n'est pas encore réglé. Plusieurs CLSC ou centres de santé sont encore aux prises avec de sérieux problèmes de recrutement. Nos administrateurs en région éloignée doivent encore continuer à dépenser des énergies folles en recrutement et cela, au détriment des autres activités.

Le problème fondamental de la disponibilité des ressources médicales en région éloignée n'en est pas un de nombre, cela a souventefois été dit, mais de répartition régionale. Nous avons vu aussi, précédemment, qu'à l'intérieur même de la région de Montréal les effectifs médicaux sont aussi mal répartis et que la situation ne va pas en s'améliorant.

Compte tenu du fait que la tendance des omnipraticiens à se concentrer dans les grandes régions urbaines continue, même si elle a connu un léger ralentissement, il nous semble inévitable qu'on en vienne d'ici à quelques années à une forme de contingentement du nombre de médecins qui seront autorisés à pratiquer dans une région donnée.

Nous proposons, pour notre part, une forme de contingentement modulé qui limiterait le nombre de nouveaux médecins autorisés à pratiquer sur le terriroire de Montréal, mais qui permettrait un nombre de postes de médecins là où ils sont nécessaires. On pourrait aussi tenir compte, dans cette forme de contingentement, des besoins dans les centres hospitaliers de courte durée. Nous pensons surtout aux urgences, à Urgences-santé, aux CLSC, puisque c'est à Montréal qu'il en manque le plus et qu'ils auront besoin de médecins salariés pour actualiser leurs programmes de santé et donner les services courants requis, aux sous-territoires mal desservis et à certains établissements sous-développés, comme les centres d'accueil et d'hébergement.

Une telle mesure pourrait, de plus, être mise en place progressivement et être annoncée suffisamment d'avance pour permettre è tous de s'y faire à l'avance.

Nous vous soulignons aussi le cas particulier de la santé et de la sécurité au travail, où il y a même - bien sûr, le phénomène est encore plus réel en région éloignée - en région urbaine un problème. Il est très difficile et souvent impossible de recruter des médecins qui ont une formation en santé et sécurité du travail et c'est là, quand même, un programme important de prévention, dans notre société.

Quant à la formation des médecins, nous proposons une amélioration du curriculum et nous déplorons le peu de place qui est fait actuellement à la prévention et aux autres aspects non médicaux de la santé dans la formation actuelle des médecins. Nous déplorons aussi le peu de préparation des nouveaux médecins à travailler en équipe multidisciplinaire. Or, cela devient de plus en plus fondamental, même pour ceux d'entre eux qui continueront à s'orienter vers la pratique privée.

Nous proposons aussi, comme formule pour améliorer cette formation des médecins, des CLSC universitaires. On pourrait aussi atteindre en partie cet objectif en multipliant les occasions de stages des étudiants en médecine dans les CLSC au cours de leur formation. Cela contribuerait certes à mieux les familiariser avec la réalité des CL5C, de même qu'avec plusieurs aspects de la pratique médicale en santé communautaire.

Déjà, certains ont développé de tels liens de formation avec les universités. C'est le cas, notamment, de CLSC comme Lac-

Etchemin, Arthur-Caux et Portneuf, à Québec, et des CLSC Métro et Saint-Hubert, dans la région de Montréal. C'est là, à notre avis, une pratique qu'il faudrait largement étendre et cela, d'autant plus qu'elle peut contribuer à faciliter le recrutement et avoir des répercussions favorables sur l'ensemble du CLSC. Cela pourrait aussi contribuer à vaincre la méconnaissance que les médecins de pratique privée ont des CLSC, de leur fonctionnement et de leurs services.

Le contexte sera d'autant plus favorable si, comme on le propose, la résidence en médecine familiale doit être étendue à deux ans. Il faudra alors doubler les endroits de stage. Déjà, à cet égard, la faculté de médecine de Laval s'est engagée à ce que tous ses futurs diplômés en médecine familiale aient fait au moins un stage en CLSC.

Pour rendre cette opération possible, il faudra donner aux CLSC les moyens financiers requis pour rendre possibles ces opérations de formation.

Enfin, ce que nous souhaitons, c'est également qu'on incorpore dans la formation des médecins une formation en gérontologie et je passe là-dessus rapidement.

Il y a finalement un dernier problème, en guise de conclusion, que nous voudrions soumettre à cette commission, c'est le problème de l'accessibilité des CLSC.

En termes d'accessibilité, nous avons vu qu'en milieu rural la présence des CLSC joue un rôle déterminant dans la mesure où le CLSC a atteint un niveau de maturité et de ressources suffisant. Cela se traduit notamment par des efforts pour rendre les services d'urgence plus accessibles selon les besoins.

En milieu urbain, cependant, surtout à Montréal, les CLSC ont pris plus de temps à identifier le créneau qui leur permettrait d'assumer plus entièrement leur vocation en termes d'accessibilité. Une récente rencontre des directeurs généraux de la région de Montréal a permis, à cet égard, de dégager des pistes intéressantes.

Une première est le problème majeur à Montréal en termes d'accessibilité, celui des urgences. C'est le problème qui revient régulièrement et qui monopolise toute l'attention. Ce n'est pas en développant les urgences ambulatoires dans les CLSC qu'on pourrait régler le problème. Le problème se situe à un autre niveau: les civières encombrent les corridors parce qu'il manque de lits disponibles aux étages supérieurs. On ne sait pas quoi faire avec les patients, avec les malades mentaux, avec les malades chroniques, les personnes âgées.

Il ne faudrait pas non plus attendre des miracles, en matière d'urgence, d'une ressource qui n'a à sa disposition que 5 % des médecins omnipraticiens de l'île de Montréal et cela, d'autant plus que la pratique médicale a Montréal s'est largement

réoganisée su sein de polycliniques qui peuvent déjà assumer une partie substantielle des urgences ambulatoires mineures.

Il faut aussi garder à l'esprit qu'il n'existe actuellement que 18 CLSC à Montréal sur les 39 qui seraient requis. Les CLSC existants ne desservent que 43 % de la population. Les nouveaux CLSC annoncés vont certes améliorer la situation, mais ils ne sont pas encore tellement opérationnels.

Dans ce contexte, les CLSC de la région de Montréal ont convenu des priorités suivantes:

Premièrement, à très court terme, augmenter l'accessibilité téléphonique de tous les CLSC;

Deuxièmement, d'ici à décembre 1985, développer une accessibilité téléphonique 24 heures par jour et 7 jours par semaine avec une équipe volante d'intervention disponible le soir et la nuit pour les cas à domicile;

Troisièmement, assumer une permanence pleine et entière en termes de maintien à domicile afin notamment d'accélérer le retour à domicile des patients des centres hospitaliers de courte durée avec toute la garantie de service requise. Cela aurait notamment comme impact de réduire l'engorgement des urgences. Ces services pourraient aussi s'étendre à des formes d'hospitalisation hors les murs, comme certaines expériences actuellement tentées au Nouveau-Brunswick et aux États-Unis le laissent entendre.

J'ajouterais, pour terminer, que, pour réaliser ces deux dernières priorités, il va sans dire qu'un ajout de ressources est absolument nécessaire. Les CLSC de la région de Montréal pensent qu'ils peuvent réaliser la première priorité à même les moyens actuels, mais il faudra un ajout de ressources pour réaliser les deux dernières priorités que je viens de mentionner. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Vous avez fait cela avec une célérité exemplaire. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je voudrais remercier la Fédération des CLSC. J'ai quelques questions, d'abord sur le contingentement modulé. Je voudrais savoir si vous ne considérez pas qu'actuellement -les mesures incitatrices, quand même, portent d'assez bons résultats en ce qui regarde les omnipraticiens - on pourrait attendre quelques années, avec les ajouts qui se feront à cette liste déjà assez imposante de mesures incitatrices, avant de prendre des mesures coercitives?

Une voix: M. Bélanger va répondre.

M. Bélanger (Jean-Pierre): Il faudrait évaluer l'effet des mesures qui sont en place maintenant. Quand on a consulté les gens de nos milieux, ils me semblaient plutôt, je dirais, sceptiques à l'égard des effets à long terme qu'auraient les mesures incitatrices. Dans notre esprit, cela était assez clair qu'il fallait envisager, à moyen terme, je veux dire, une certaine forme de contingentement. Maintenant, si le contingentement dont on parle n'est pas un contingentement universel, dur et fermé, c'est une forme de contingentement qui permet des aménagements, en termes de satisfaction de besoins d'effectifs médicaux qu'il resterait quand même à satisfaire dans les grands centres urbains.

M. Chevrette: Ma deuxième question porte sur les plans d'effectifs médicaux. Hier je ne me souviens pas quel groupe, malheureusement - il y a un groupe qui a témoigné devant nous et qui nous disait: Les plans d'effectifs médicaux préparés par les CRSSS devraient comprendre également les CLSC, les centres d'accueil, les centres d'accueil et d'hébergement. Est-ce que vous souscrivez à ce commentaire qui a été fait, je pense, soit par le groupe des universités ou celui des médecins spécialistes? (18 heures)

M. Sénéchal: De fait, oui, si on revient, en tout cas, à ce qu'on propose comme formule, ce qu'on appelle le contingentement modulé, cela présuppose effectivement qu'il y a des contingentements établis dans différents secteurs, donc une espèce de contingentement universel, et nous sommes d'accord.

M. Chevrette: Est-ce que, jusqu'à présent, vous avez participé au plan des effectifs médicaux?

M. Sénéchal: Non.

M. Perras (Denis): Dans deux régions, oui.

M. Sénéchal: Dans deux régions? Est-ce que vous pouvez répondre, M. Perras?

M. Perras: Dans deux régions éloignées, à ma connaissance, dans la région 01 et dans la région 08, où les CLSC ont déposé des plans d'effectifs médicaux.

M. Chevrette: Mais vous ne voyez aucune objection à ce qu'on demande aux CRSSS d'en tenir compte.

M. Sénéchal: Non, sauf qu'il faudrait trouver aussi des moyens. Il y a des problèmes pratiques dans la mise en application des plans d'effectifs. Cela existe pour les centres hospitaliers, mais...

M. Chevrette: Déjà, dans l'élaboration,

si vous y participez, au moins, on n'échappera plus...

M. Sénéchal: Oui. Ce que je veux dire, c'est qu'à toutes fins utiles, c'est un peu théorique, les plans d'effectifs, et il faudrait trouver les moyens pour que cela s'applique. On serait d'accord pour qu'on établisse aussi des quotas, si on veut, pour les CLSC.

M. Chevrette: Vous parlez de la difficulté de recruter des médecins spécialisés en santé du travail. Est-ce que vous voyez tout d'abord une formation plus particulière directement à l'université? Quelle en est la cause?

M. Sénéchal: On le dit dans notre mémoire, il n'y en a pas. Il n'y apas de médecins qui ont...

M. Chevrette: Je sais, mais j'aimerais vous entendre parler de la formation spécifique que vous aimeriez voir donner à ces médecins, soit par l'ajout d'une année de spécialisation, comme on le demande, par exemple, en gériatrie.

M. Sénéchal: Ce qu'on dit, c'est qu'on ne remet pas en question la formation qui est actuellement donnée. Il existe un certificat en santé du travail que les médecins peuvent obtenir.

M. Chevrette: Comment expliquez-vous ce peu d'intérêt?

M. Sénéchal: Le problème qu'on a, ce n'est pas un problème de manque de formation. Il ne porte pas sur la formation comme telle. Il y a peu de médecins qui ont suivi cette formation. Il y a peu de médecins qui sont intéressés à la santé du travail.

M. Chevrette: À cause de la loi qui a été adoptée, je crois, en 1979 ou 1980, comment expliquez-vous ce peu d'intérêt?

M. Bélanger: II y a à la base un problème d'information. Les étudiants en médecine sont mal informés de la loi.Donc, avant de prendre la décision de suivre un certificat de formation dans un domaine, cela suppose, au préalable, qu'on sache un peu ce que sera l'implication éventuelle du médecin, ultérieurement. C'est un mouvement qui est lent à amorcer, parce que c'est un milieu de pratique qui est relativement particulier. On pense que si on arrive à susciter une masse suffisante de médecins dans ce secteur, la dynamique va faire en sorte qu'il y en a d'autres qui vont être attirés par la suite.

M. Chevrette: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais vous remercier. J'ai trouvé intéressantes les statistiques que vous avez au début quant à la répartition même à l'intérieur d'un grand centre urbain comme Montréal où, finalement, il semblerait qu'il y ait une concentration de médecins dans des endroits donnés. À votre point de vue, j'imagine que ce que vous laissez entendre, cela peut même se refléter sur l'accessibilité à des services médicaux plus près de chez soi, alors qu'ordinairement on s'imagine que c'est seulement dans les régions éloignées que le problème est soulevé.

J'ai une autre question. Quand vous avez préparé ce mémoire, est-ce que des médecins ont participé à l'élaboration du mémoire?

M. Bélanger: IIaurait pu y en avoir. On n'a malheureusement pas eu le temps. Je pense que c'est une question de temps et non pas de manque de volonté de la part de la fédération.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La raison pour laquelle je vous dis cela, c'est que, souvent, on entend - enfin, souvent, il ne faudrait pas faire comme tout le monde qui affirme un paquet de choses - des reproches de la part des médecins, à savoir que, parfois... D'ailleurs on l'a déjà vu; je pense que M. Sénéchal s'en souviendra au moment de la loi 27, quand des médecins des CLSC sont venus faire une espèce de plaidoyer en faveur des médecins en disant qu'ils se sentaient - je cite de mémoire, évidemment - un peu mis à part dans les CLSC. C'est pour cela que je trouve étonnant que, dans un document qui les concerne quand même directement, pour les raisons que vous nous donnez et que j'accepte fort bien, ils ne soient pas impliqués. Je pense que vous prêtez flanc à cette difficulté que, parfois, les médecins semblent éprouver, à tort ou à raison, à s'intégrer dans les CLSC. Enfin, c'est une remarque générale, mais je dois vous dire que je trouve cela un peu étonnant.

M. Sénéchal: Si vous me le permettez, Mme la Présidente, là-dessus, je pense que vous faites référence à la position de l'association des médecins des CLSL. à l'occasion du règlement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.

M. Sénéchal: Ce que je veux dire là-dessus, c'est qu'il reste que le climat, je pense, s'est beaucoup amélioré dans les CLSC. Notre habitude, quand nous préparons des mémoires, est justement de faire référence aux intervenants et aux coordonnateurs des CLSC qui viennent

travailler à l'intérieur de groupes ad hoc pour préparer des mémoires. De ce temps, nous nous promenons de commission en commission et de comité de consultation en comité de consultation; il faudrait être à temps plein là-dessus.

Effectivement, on n'a pas eu le temps, pour la préparation de ce mémoire, de créer un comité de ce genre. Il a fallu se fier plutôt à des positions qui avaient été discutées auparavant, dans d'autres groupes, et pour d'autres fins afin d'élaborer ce mémoire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Maintenant, en page 27... Non, à la suite de cette première question, vous dites qu'en région éloignée il y a encore des problèmes de recrutement de médecins omnipraticiens qui probablement s'apparentent au recrutement des médecins en général en région éloignée; cela, je le comprends. Vous indiquez - je ne peux vous citer la page, vous allez le replacer immédiatement - qu'il y a aussi ce problème de recrutement des médecins en CLSC même dans les milieux urbains. Est-ce que vous avez une explication à cela?

M. Bélanger: En milieu urbain, c'est moins un problème de recrutement qu'un manque de CLSC. Quand on parle de la région de Montréal, par exemple, où une partie substantielle des CLSC n'ont pas été créés, évidemment, les CLSC qui n'existent pas ne peuvent pas engager de médecin.

Maintenant, à la fédération, on reçoit régulièrement des offres d'emploi de la part de médecins qu'on fait circuler dans les régions. Ce n'est pas un manque... S'il y avait vraiment un problème en termes d'intérêt des médecins à l'égard des CLSC, il n'y aurait pas cette demande qui circule.

Pour ce qui est des régions qui ne sont pas trop éloignées de Montréal évidemment, c'est un problème différent qui se pose dans les régions éloignées - je pense à Laurentides-Lanaudière ou à la Montérégie, actuellement, on a beaucoup plus de demandes d'emploi de la part de médecins qui seraient intéressés à travailler dans un CLSC qu'on a de postes disponibles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Alors, c'est dans ce sens qu'était votre remarque en ce qui concerne les centres urbains. En haut de la page 27, vous indiquez: "Nous croyons fermement que la pratique médicale salariée en CLSC doit constituer progressivement un secteur témoin significatif. " Vous terminez en disant: "À ce niveau, la pratique médicale salariée en CLSC pourrait avoir un impact qualitatif bénéfique sur l'ensemble de la pratique médicale au Québec. " J'aimerais que vous développiez un peu ce point de vue.

M. Bélanger: Concrètement, des gens nous ont rapporté des expériences concrètes qui se sont passées dans leur milieu comme, par exemple, après l'installation d'un CLSC dans un village où il y avait déjà une clinique, les gens ont commencé à comparer le type de soins qu'ils pouvaient recevoir dans un et l'autre des établissements. Je pense, par exemple, à des choses comme des suivis de grossesse pour les femmes enceintes. Les femmes qui sont allées aux deux endroits ont pu comparer et, après, poser des questions aux médecins de pratique privée pour constater, après quelques années, que les médecins de pratique privée finissaient par appliquer les mêmes modèles d'intervention que ceux qui étaient à salaire au CLSC.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mats quand vous parlez de la pratique médicale salariée vous m'avez expliqué que, du fait que la pratique médicale soit salariée, elle se fait d'une façon différente.

M. Bélanger: Elle se fait d'une façon différente. Cela a été démontré par des études qu'on n'explique pas en détail dans notre mémoire, mais qu'on cite, des études qui ont été faites et qui ont comparé ce que faisaient les médecins à salaire par rapport au type de pratique qu'avaient les médecins payés à l'acte. Il a été démontré que les médecins à salaire avait une qualité de pratique généralement supérieure à celle des médecins payés à l'acte, notamment, en termes de qualité du diagnostic, de qualité des prescriptions, mais aussi en termes du nombre d'actes préventifs associés qui peuvent être posés lors d'une consultation médicale. On cite notamment à cet effet les études de Marc Renault, de l'Université de Montréal, mais aussi de Renaldo Batista, de l'Université McGill.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Je ne retrouve pas la page exacte, je l'ai lue en même temps que vous, quand vous parlez des problèmes d'urgence - je pense que c'est à la page 28 - où vous indiquez qu'ils ne pourraient être résolus uniquement par les CLSC, parce que vous n'auriez jamais suffisamment de médecins è Montréal pour répondre aux demandes d'urgence - ce n'est pas à la page 28 - vous faites allusion aux services à domicile en disant... Si vous retrouvez la page, j'aimerais le lire textuellement.

M. Bélanger: À la page 28, je crois. La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?

M. Sénéchal: Non, 29. En termes de priorités, en termes de problèmes, non. C'est probablement à la page 29.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ce n'est pas cela.

M. Sénéchal: Non?

La Présidente (Mme La voie-Roux): Je vais vous le donner de mémoire. Vous dites qu'il faudrait que les services à domicile puissent fonctionner à plein - ce n'est pas exactement ce que vous avez dit, mais c'est dans le même sens - en autant qu'on leur donne la chance de fonctionner à plein. Je pense que ce serait un moyen de répondre aux urgences. Ma question pratique et concrète est celle-ci: Est-ce que vous avez fait une évaluation, à la fédération, des ressources qui seraient nécessaires justement pour permettre aux services à domicile -l'expression est de moi - de fonctionner vraiment à pleine maturité ou à fond et d'avoir cet effet bénéfique, finalement?Quelles sont les ressources? Dans le moment, il y a 84 000 000 $ à la disposition des services à domicile. Il y a 4 000 000 $ qui ne vont pas chez vous, mats à des organismes bénévoles. Disons, grosso modo, que c'est 80 000 000 $. Qu'est-ce que cela prendrait pour arriver à cette maturité dont vous parlez, pour permettre cette détente au niveau des services d'urgence et des services médicaux en général? Je pense que vous faisiez probablement allusion davantage à la région de Montréal.

M. Bélanger: C'est une opération qu'on est en train de faire actuellement, qui prendra évidemment quelques mois. 80 000 000 $ pour le maintien à domicile, ça semble toujours gros, mais il faut mettre cela en rapport avec les besoins aussi de la population; 80 000 000 $, c'est le chiffre du budget protégé officiel donné par le ministère. Les consultations qu'on fait auprès des CLSC nous disent, surtout quand c'est un CLSC sur un territoire où il y a beaucoup de personnes âgées, que le CLSC doit ajouter de 15 % à 20 % de son propre budget au maintien des services à domicile, donc, pris en composante générale du budget du CLSC parce que la pression de la demande est trop forte.

Si on en vient maintenant au problème particulier de Montréal, les CLSC de la région nous disent constater une pression de la demande de maintien à domicile tellement forte qu'ils arrivent à peine à suffire et qu'ils doivent devenir de plus en plus sélectifs dans les cas qui sont choisis. C'est un des problèmes. Quand un CLSC est amené à couper le nombre d'heures de services par semaine à des personnes âgées, par exemple, qui vivent à domicile, on n'est pas exactement dans la bonne direction si on pense, à un moment donné, qu'un système de maintien à domicile peut avoir un impact sur le non-hébergement des personnes.

C'est une opération d'évaluation qu'on est en train de faire actuellement, à plusieurs volets, à la fois en termes qualitatifs, c'est-a-dire du type de ressources qui seraient nécessaires - il n'y a peut-être pas seulement des infirmières et des auxiliaires familiales qui seraient nécessaires; il y a peut-être aussi beaucoup d'autres types de ressources - et aussi en termes de volume pour essayer d'évaluer effectivement ce que cela prendrait.

Dans l'ensemble, les CLSC sont extrêmement conscients que c'est l'une de leurs responsabilités majeures et ils essaient de trouver des moyens de l'assumer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment-ci, vous n'avez pas l'évaluation.

M. Bélanger: Onne l'a pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Je vous remercie.

M. Laplante: Je suis heureux d'apprendre que vous voulez faire ouvrir des CLSC 24 heures sur 24. C'est dans votre projection pour Montréal, si j'ai bien compris.

M. Sénéchal: Oui.

M. Laplante: Croyez-vous que si les citoyens vont moins dans les CLSC que dans les urgences actuellement, ou dans les cliniques privées, c'est à cause de cela, c'est-à-dire que les gens ne connaissent pas assez les heures d'ouverture ou les services offerts dans les CLSC

M. Sénéchal: II y a d'autres phénomènes qui jouent. Il faut toujours se rappeler qu'il n'y a pas de CLSC partout. À Montréal, c'est 18 ou 19 CLSC sur les 39 qui doivent exister; c'est 43 % de la population qui est desservie par les CLSC. À Québec, c'est un CLSC, 30 000 de population sur 165 000 personnes desservies par un CLSC. Donc, cela joue.

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de voir ou d'élaborer un système de services qui tiendrait compte du fait que les CLSC doivent exister mais qu'ils n'existent pas. C'est un peu difficile. (18 h 15)

M. Laplante: Ce que que je regarde surtout chez nous, au CLSC Montréal-Nord qui couvre à peu près 125 000 de population, ce qui est énorme pour un CLSC... Quand on connaît l'état de l'hôpital Fleury, où l'urgence est fermée... Je pense qu'un jour sur deux on doit communiquer les heures de fermeture de l'urgence qui est bondée. Ils font ce qu'ils peuvent. Vous avez aussi Maisonneuve d'un côté et Sacré-Coeur complètement de l'autre bout. Si on faisait

de ce CLSC une espèce d'urgence pour tous les petits cas, croyez-vous sincèrement - je ne sais pas si vous avez fait une étude - que cela contribuerait à décongestionner les urgences de Sacré-Coeur, Fleury et Maisonneuve?

M. Bélanger: Est-ce que l'urgence de Fleury est congestionnée par des cas mineurs?

M. Laplante: Malheureusement, elle est surtout congestionnée par des cas psychiatriques, des drogués et des personnes âgées, des cas chroniques.

M. Bélanger: II y a à peine un mois, on a réuni tous les directeurs généraux de CLSC de la région de Montréal ou les responsables des équipes de secteur là où il n'y a pas de CLSC, justement pour regarder cette question. On a invité les directeurs d'hôpitaux, on a invité des médecins responsables de système d'urgence, on a invité à peu près tous ceux qui pouvaient être concernés en termes de personnes: des médecins, des représentants d'associations de médecins de Montréal, le directeur général du CRSSS, les spécialistes de la question pour évaluer avec eux cette question. Pour reprendre à peu près les termes d'un directeur d'hôpital, on nous a dit: Ne vous embarquez surtout pas dans la distribution d'urgences mineures car vous allez nous faire une certaine forme de concurrence à ce niveau. Il considérait que ce qui lui permettait d'avoir un nombre suffisant de médecins pour répondre aux besoins de son urgence, c'est qu'il y avait un assez grand nombre d'urgences mineures; donc, le médecin pouvait générer un niveau de revenu suffisant qui lui permettait de s'occuper en même temps des cas lourds.

Maintenant, c'est sûr qu'il est possible dans un CLSC de développer des urgences ambulatoires; il y a au moins un CLSC qui le fait, celui de Châteauguay, qui a un volume d'urgences mineures ambulatoires d'à peu près 45 000 cas par année, ce qui se compare à peu près au volume d'un hôpital comme celui de Verdun qui, lui, a à peu près 49 000 ou 50 000 cas par année. Maintenant, le même CLSC se posait des questions quant à son avenir car on est en train d'installer un hôpital sur son territoire qui aura lui aussi une urgence. C'est un peu le même phénomène qui se pose: le CLSC serait en mesure, dans ce cas, d'assumer les urgences mineures, mais il y a des cas qui nécessitent une hospitalisation et ce n'est nettement pas la vocation d'un CLSC d'hospitaliser des cas urgents ou des malades chroniques pour de longues périodes.

Donc, les mêmes spécialistes qu'on avait ramassés nous ont dit: Le problème majeur est un problème de congestion dans l'hôpital. Il y a d'ailleurs, dans le Devoir d'aujourd'hui, les résultats préliminaires d'une étude qui démontrent aussi que ce n'est pas seulement le nombre de personnes âgées ou de malades chroniques qui pose des problèmes, mais c'est peut-être aussi lié au mode de fonctionnement à l'intérieur même de l'hôpital. Ce que tout le monde nous a dit - tous étaient unanimes là-dessus - c'est: Rendez au moins vos services à domicile accessibles 24 heures par jour, sept jours par semaine, parce que pour accepter de demeurer à domicile, pour que des familles acceptent de garder des malades chroniques plus longtemps, elles demandent une espèce de garantie de service, une garantie d'accessibilité. Cela faisait l'unanimité chez les directeurs de CLSC, c'est même devenu leur objectif dans la région de Montréal d'arriver à offrir cela.

Maintenant, les services de maintien à domicile, dans la majorité des CLSC actuellement, sont accessibles au-delà de la période de 9 heures à 17 heures, à condition que la demande soit rentrée à 17 heures. C'est cela qu'on veut changer, d'abord quant à l'accessibilité téléphonique, pour au moins connaître les demandes et, après, articuler les ressources qui permettront d'être plus mobile et plus souple dans la distribution de ces services.

M. Laplante: Je pense à une concentration de personnes âgées. Si je regarde chez nous, dans les édifices de 20 étages, on a environ 10 000 personnes âgées qui s'y logent. Que penseriez-vous d'une décentralisation du personnel ou, eu moins, d'avoir un bureau de services dans ces grosses bâtisses qui contiennent parfois 400 ou 450 personnes? J'ai un exemple à l'esprit où de 30 à 40 cas auraient besoin de services à domicile pour les maintenir chez eux; ils se cherchent actuellement une place en centre d'accueil alors qu'en réalité, ce n'est pas leur place. Ils peuvent encore vivre dans ces logements. S'il y avait une décentralisation des effectifs, s'il existait un endroit dans cet immeuble, que les propriétaires ne demanderaient pas mieux que de fournir gratuitement, est-ce que cela aiderait?

M. Bélanger: II faudra peut-être un jour en arriver là, mais il y aurait peut-être un problème qu'il faudrait régler auparavant parce qu'on parle de conciergeries à but lucratif pour personnes âgées. Ce sont aussi les propriétaires qui ont attiré leur clientèle en garantissant, dans plusieurs cas, un certain niveau de services, que ce soit la présence d'une ou deux infirmières. Je pense qu'il serait possible d'arriver à des ententes ou des contrats qui définiraient relativement bien la part de responsabilité de chacun là-dedans. Je connais au moins un cas où cela

se fait relativement bien, c'est-à-dire que l'administrateur ou le propriétaire de la bâtisse accepte de fournir certains types de services et un certain volume, et le CLSC complète. C'est même l'infirmière engagée par le propriétaire qui appelle le CLSC quand elle juge que les cas sont du ressort du CLSC. Je pense qu'il y a des choses comme celles-là auxquelles il faudra en arriver.

M. Laplante: Je ne peux pas être tout à fait d'accord avec vous là-dessus, parce que si ces cas n'existaient pas là ils seraient ailleurs. Ils seraient dans leur petite maison unifamiliale, dans des duplex ou dans des triplex. Actuellement, on a la chance de les desservir en groupe, indépendamment des services que le propriétaire pourrait offrir à ce moment-là. Ils seraient quand même à notre charge, soit dans un CLSC ou ailleurs.

M. Bélanger: Je pense que c'est plus une question de nuance. Je ne dis surtout pas que les CLSC ne doivent pas y aller avec leurs services de maintien à domicile. Ce que je dis, c'est que, quand un propriétaire s'est engagé à quelque chose et que c'est dans le bail, il faut aussi lui faire respecter ses engagements. Évidemment, engager du personnel infirmier, cela représente des coûts et cela réduit la marge de profits. Il y a beaucoup d'endroits où les ententes sont tout à fait cordiales entre les deux parties.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai une dernière question. Je vais peut-être me faire dire que j'enfreins le règlement, mais comme il ne reste plus de questions...

Une voix:... il ne vous le dira pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez le droit.

Une voix:... M. le député de Westmount.

M. French: Sûrement.

M. Chevrette: Cela ne me forcerait pas à le faire non plus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une question qui me tracasse depuis longtemps. Comme il ne reste plus de questions et qu'on a encore cinq minutes, je me permets de vous la poser. Il y a une situation qui m'inquiète depuis longtemps. Évidemment, en soi, ce n'est pas cela le problème, mais on a dit: On va compléter le réseau des CLSC. Alors, de 80 qu'on avait il y a une couple d'années, on est rendu à 130 et, éventuellement, on va se rendre à 150. C'est parfait. Je trouve qu'on emprunte toujours la formule la plus dispendieuse pour l'établissement des CLSC. Je vais vous dire cela d'une façon concrète.

C'est l'exemple d'un CLSC que je ne vous nommerai pas parce que je ne veux pas le faire sauter, surtout que cela touche des collègues libéraux; ils ne sont pas ici, mais en tout cas... On dit qu'il y a un CLSC qui devrait être... On est peut-être sur le point de l'accorder; il faudrait le demander au ministre. Dans ce milieu, il y a un petit centre hospitalier dans une municipalité d'environ 8000 à 9000 âmes qui, en fait, donne des services de première ligne parce qu'il est situé pas très loin d'une ville où il y a au moins trois hôpitaux universitaires, etc., et ce n'est pas Montréal. Quand il y a quelque chose de plus compliqué, on les envoie là-bas. Derrière ce petit hôpital, il y a un centre d'accueil. Pourquoi, à partir de ce petit centre hospitalier, d'abord plutôt que de louer des espaces à côté ou même construire, plutôt que d'acheter de l'équipement de radiologie, de laboratoire, enfin tout cela... On va se trouver à avoir en parallèle deux établissements avec des équipements semblables qui, à toutes fins utiles, au plan médical du moins, puisque c'est de cela qu'on parle, rendent à première vue des services de première ligne de même type. On pourrait y ajouter les services à domicile dont on a besoin, etc. À partir de ce noyau, qui est quand même relativement considérable pour une petite ville comme celle-là, on pourrait continuer de développer une philosophie des CLSC.

On sent toujours beaucoup de résistance de la part des CLSC à s'éloigner de la formule plus traditionnelle. Enfin, elle n'est pas tellement traditionnelle puisque cela fait seulement à peu près quinze ans, mais on a beaucoup d'hésitation à s'éloigner des sentiers battus dans ce sens-là. Je pense que cela permettrait de réaliser des économies considérables et je ne suis pas certaine non plus que, pris globalement dans ce genre de complexe, on ne rendrait pas de meilleurs services et on ne serait pas plus efficaces auprès des bénéficiaires. J'aimerais savoir quelles sont vos résistances à l'endroit d'une approche qui ne se situerait peut-être pas, au point de vue de l'organisation, strictement dans la ligne des CLSC, du moins celle qu'on connaît présentement?

M. Bélanger: Ce dont vous parlez a existé pendant plusieurs années. À l'époque, on appelait cela les CHCLSC. Ils ont à peu près tous pété les uns après les autres, comme s'il y avait une espèce de forme d'incompatibilité entre la mission d'un petit hôpital régional et celle que le CLSC se devait de développer. L'évaluation qui en a été faite à ce moment, c'était que le cadre de l'hôpital ne permettait pas et rendait beaucoup plus difficile le développement de

ce qu'on peut appeler la vocation spécifique CLSC, qui n'a pas qu'à recevoir des gens qui ont des problèmes de santé sur une base ambulatoire, mais qui doit aussi appliquer des programmes de santé préventive, des programmes d'intervention communautaire, etc. Après l'évaluation qui en a été faite à l'époque par le ministère, le ministère a décidé que ce n'était pas la solution à proposer. Il a élaboré à ce moment, il a reconnu ces centres sous le nom de centres de santé, qui continuent d'ailleurs à exister, où il a cherché à accentuer l'aspect vocation communautaire. Pour le reste, il a préféré créer des institutions autonomes pour leur permettre justement de développer et d'affirmer leur personnalité.

Inversement et curieusement, pourrait-on dire, lorsque c'est le CLSC qui intègre un autre genre d'institution, on n'a pas nécessairement constaté les mêmes problèmes parce qu'on sait qu'il y a un certain nombre de CLSC qui ont pris en charge la mise en place de centres d'accueil d'hébergement. Cela se fait notamment à Montréal. Il y a quelques CLSC qui ont intégré aussi des CHSP. Au niveau des économies, il y a une expérience qui a été tentée, c'est celle du CLSC de la Vallée où, sur le même territoire, il y avait un centre d'accueil d'hébergement, un petit hôpital et un CLSC, et où il y a eu une entente pour justement faire des économies de coûts et revenir à peu près essentiellement à ce qu'on aurait eu si on avait eu une seule administration, une entente de services entre trois établissements qui restaient cependant juridiquement autonomes.

L'entente avait pour but de mettre en commun des services, notamment, la direction générale, la comptabilité, etc. Il y a eu une évaluation qui en a été faite. Cette évaluation conclut à de petites économies réelles, mais à cet égard, après avoir regardé attentivement l'étude en question, pour notre part, on doute qu'il y ait eu effectivement des économies réelles, étant donné que la base de comparaison avec d'autres types d'établissements n'était pas nécessairement adéquate. Pour ma part, je ne suis pas convaincu qu'il y a des économies à faire à long terme en amalgamant des organismes ou des établissements qui sont à vocation très distincte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là, vous faites référence strictement aux économies administratives, c'est-à-dire une administration commune. Je vais plus loin que cela. Quand vous êtes sous le même toit, cela coûte moins cher que sous deux toits. Quand les mêmes équipements médicaux peuvent servir à deux fins, une série d'équipements médicaux, à comparer à deux, c'est moins dispendieux, parce que quand ça devient désuet vous en avez un qui va peut-être être à remplacer, qui va s'user plus vite - je suis prête à l'admettre - que deux... Ce que vous notiez au début, les difficultés qui ont eu lieu, je les comprends: c'était le début de l'élaboration des CLSC et on voulait... Je pense que chacun était dans un cadre beaucoup plus rigide. On est devant une réalité qui est... Le peu de disponibilité financière, dans le fond, on le sait, tout le monde le sent, tout le monde a eu ses coupures et il ne faut pas penser que demain cela va être des milliards qui vont couler non plus.

Il y a une réalité qui fait qu'avec le vieillissement cela coûte plus cher, etc. Moi, je me dis: II faut trouver moyen d'économiser. Dans votre mémoire, vous disiez: En 1978, il y avait 35 % des gens qui connaissaient les CLSC. En 1984, il y en a 85 % qui les connaissent. Il y a eu une évolution aussi - et j'imagine que ce n'est pas juste dans la population, à l'intérieur des établissements - à l'endroit des CLSC. À ce moment-ci, on serait peut-être plus prêt à faire ce genre d'amalgamation qui, finalement, serait au bénéfice des bénéficiaires. En tout cas... (18 h 30)

M. Bélanger: J'aimerais juste ajouter que je crois, je suis convaincu qu'il y a des économies possibles dans la mesure où on développe la collaboration entre les établissements et cela, beaucoup plus qu'en amalgamant sous un même toit ou une même administration des établissements à vocations différentes. Des exemples de collaboration interétablissements qui permettent des économies de fonds et qui desservent mieux la population, on en a sur la rive sud de Montréal où les CLSC font les prélèvements d'analyse pour les examens demandés par les médecins et les envoient analyser au centre hospitalier. Chaque CLSC ne s'est pas équipé de toute la batterie qu'il fallait pour faire les analyses, mais ils ont convenu d'un mode de collaboration avec l'hôpital qui fait en sorte que c'est le CLSC qui est le plus près du lieu de résidence des gens qui recueille les échantillons et qui les achemine à l'hôpital, ce qui évite d'ailleurs un problème d'engorgement de la salle d'analyse de l'hôpital responsable.

C'est beaucoup plus par des exemples comme cela qu'on arrive à améliorer le fonctionnement du système et à faire des économies qu'en forçant des fusions parce que, quand on regarde le niveau d'équipement nécessaire dans un CLSC, ce n'est pas énorme, finalement. C'est beaucoup plus une question d'effectifs humains. Que vous en ayez 20 dans deux établissements distincts plutôt que 40 dans un, cela reste quand même 40 personnes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que cela prendrait une discussion plus

longue que cela. Je ne vous ai pas convaincu et vous ne m'avez pas convaincue non plus.

M. Sénéchal: Quand vous dites, Mme la Présidente, qu'il y a évolution, il faut bien reconnaître que cette évolution est très fragile. Quand on se réfère aux difficultés qu'on a éprouvées dans le dossier des transferts CSS-CLSC, quand on se réfère aux dernières déclarations du président... Si vous me permettez...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais c'étaient des chicanes de chapelle.

M. Sénéchal: Oui, mais...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et entre les établissements eux-mêmes...

M. Sénéchal: Oui, c'est ce que je dis, ce n'est pas fini. Quand on se réfère aussi à la dernière déclaration du président de l'Association des hôpitaux, à savoir qu'il faut évaluer le système et qu'il faut bien reconnaître que les CLSC n'ont pas joué leur rôle au plan de l'accessibilité, il faut se demander s'il y a eu évolution mais cela me...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai en tête, par exemple, un ancien directeur de CLSC qui est actuellement directeur d'un hôpital. Comme il y en a plusieurs, vous ne pourrez pas l'identifier. Qu'est-ce qui l'empêcherait, à partir de son établissement, de développer des services de CLSC ou des services qui ne sont peut-être pas toute la gamme ordinairement offerte dans un CLSC en région éloignée... On y reviendra une autre fois. Merci beaucoup.

Nous invitons maintenant le Comité régional de recrutement et de rétention des effectifs médicaux en Abitibi-Témiscamingue. Je regrette, ce sont les centres d'accueil?

Une voix:...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais si vous avez tout fait cela dans la même journée, vous pouvez vous compter heureux parce que, des fois, cela prend deux jours. Cela ne sera pas long...

M. Thibault, bonjour. Si vous voulez présenter vos collègues.

Comité régional de recrutement et

de rétention des effectifs médicaux

en Abitibi-Témiscamingue

M. Gotten (Jean): Pardon, madame, M. Thibault, qui est président du comité, n'a malheureusement pu venir. Il m'a demandé de le remplacer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes monsieur?

M. Gotten: Jean Cotten, président du CRSSS 08. J'aimerais vous présenter, en commençant à l'extrême droite, M. Pierre Lajoie, qui est le secrétaire du CRRREMAT, M. Normand Laliberté, directeur général du Centre hospitalier Rouyn-Noranda, M. André Bianki, DSP au Centre hospitalier Rouyn-Noranda et, à mon extrême gauche, M. Joseph Tsa-Tsa, directeur général du Centre hospitalier Saint-François de La Sarre, M. Alain Brisset, DSP au CH Saint-Sauveur de Val-d'Or et M. Reginald Grenier, directeur général du Centre hospitalier Saint-Sauveur de Val-d'Or.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Cotten: Je vous remercie. Le Comité régional de recrutement et de rétention des effectifs médicaux en Abitibi-Témiscemingue remercie les membres de la commission parlementaire de l'occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue sur la répartition géographique des médecins.

Créé au cours d'une crise majeure d'effectifs médicaux en Abitibi-Témiscamingue, le CRRREMAT est un regroupement de citoyens et de représentants des établissements ayant pour mandat général de faciliter le recrutement et l'accueil des nouveaux médecins en Abitibi-Témiscamingue. Ses principales activités sont les suivantes: promotion de la participation de la communauté aux démarches de recrutement et d'accueil des médecins; promotion de la région et des possibilités de pratique auprès des médecins susceptibles de s'installer en Abitibi-Témiscamingue; organisation et coordination des visites des médecins dans les établissements; recommandation aux instances concernées sur toute mesure pouvant favoriser une répartition géographique équitable des médecins. 5ur la base de notre expérience concrète en matière de recrutement, nous désirons présenter une analyse de la problématique de répartition géographique des médecins, une critique positive des mesures actuelles de répartition et, surtout, des propositions concrètes visant à assurer une accessibilité équitable aux services médicaux dans les régions plus défavorisées à cet égard.

Avec l'adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et l'instauration d'un régime universel d'assurance-maladie, tous les Québécois devraient, indépendamment de leur condition sociale ou de leur lieu de résidence, avoir un accès équitable aux services sociosanitaires. Cette réforme du système de soins a réglé, en grande partie, l'inéquité attribuable au

statut socio-économique des individus, mais elle a atteint des résultats beaucoup moins probants en termes d'accessibilité géographique aux services.

Dans une certaine mesure, la réforme du système de soins est à l'origine même des disparités régionales. En transformant les habitudes de consommation des Québécois, elle a également modifié les comportements des médecins. Pour les besoins de cet exposé, nous retiendrons trois conséquences majeures de la réforme du système de soins sur l'équilibre du marché médical. Ces trois conséquences résultent, à des degrés divers, de la mixité du système de soins (régime public et pratique privée).

Premièrement, l'amélioration de l'accessibilité économique aux services médicaux est à l'origine d'un accroissement de la demande des services médicaux et, par conséquent, d'un changement du profil de pratique des médecins qui ne suffisaient plus à la demande. Deuxièmement, les médecins ne sont plus soumis aux lois traditionnelles du marché dans le choix de leur lieu d'exercice. Troisièmement, l'instauration d'un régime public est à l'origine de la constitution de syndicats de médecins qui négocient centralement les conditions de pratique de leurs membres dont la majorité sont installés dans les régions centrales.

À mesure que s'installait ce nouvel équilibre du marché, on assistait à une transformation importante des modes de pratique médicale au Québec. La formation médicale, le travail en équipe et l'utilisation de techniques diagnostiques et thérapeutiques plus sophistiquées favorisent grandement la concentration des médecins. Cette concentration des médecins s'est effectuée, bien sûr, è l'intérieur de chacune des régions, mais c'est principalement la répartition interrégionale des médecins qui a été affectée. Au fil des ans, là situation relative des régions périphériques s'est détériorée à un point tel que plusieurs établissements ou régions n'avaient plus les ressources requises pour assurer un niveau adéquat de services médicaux à la population.

Compte tenu des difficultés énormes de recrutement et de rétention des médecins, les établissements des régions périphériques ont fait appel, temporairement en principe, à des médecins itinérants pour assurer les services plus spécialisés. Le recours aux spécialistes itinérants a permis de colmater certaines brèches dans le système mais pose, à long terme, plus de problèmes qu'il n'en résout. Outre le manque de continuité des services, la présence d'itinérants constitue, dans certains cas, une entrave au recrutement de permanents.

Avec la détérioration de la situation dans les régions périphériques, l'augmentation de leur dépendance à l'égard des régions centrales et l'essoufflement des équipes en place, ce qui devait arriver arriva. Au début des années quatre-vingt, une crise majeure d'effectifs médicaux éclate dans les régions périphériques, dont l'épisode le plus connu est le débrayage des équipes médicales dans certains établissements. Le temps était venu d'agir, autant au niveau régional qu'au niveau provincial.

Considérant que la pénurie de médecins dans les régions constitue un problème de santé publique, le ministre des Affaires sociales présente dans un bill omnibus une série de mesures législatives visant à favoriser une meilleure répartition des médecins. Au nombre de ces mesures, il faut noter l'obligation faite à tous les centres hospitaliers de préparer un plan d'organisation clinique, la possibilité de taux de rémunération différents selon les régions, la possibilité de négocier des ententes particulières dans certains établissements ou parties d'établissement, le jumelage inter-établisssements, les congés de perfectionnement, etc.

Le ministre a donc opté pour une série de mesures contraignantes pour les établissements et incitatrices (ou désincitatrices) pour les professionnels de la santé.

Dans ce nouveau contexte, le CRSSSAT et les établisseements de l'Abitibi-Témiscamingue ont procédé avec diligence à la préparation de plans d'effectifs médicaux et, en concertation étroite avec le CRRREMAT, lancé une campagne intensive de promotion de la région et de recrutement des médecins.

Compte tenu de l'impact des mesures de répartition, de la nouveauté et de l'intensité des moyens adoptés par la région, cette campagne intensive a porté ses fruits. En deux ans, l'effectif net a augmenté de plus de 40 médecins, pour la plupart omnipraticiens. Pour les spécialistes, les mesures n'ont pas produit les résultats attendus et l'effectif net s'est tout au plus stabilisé durant la même période.

Cependant, l'impact de ces mesures a été de courte durée et la situation tend à se détériorer à nouveau dans les régions périphériques, qui ne parviennent pas à attirer et retenir les médecins., À titre d'exemple, nous pouvons mentionner la campagne de recrutement amorcée en avril dernier et s'adressant à tous les médecins intéressés à pratiquer en Abitibi-Témiscamingue. Sur près de 200 candidatures reçues, on peut compter sur les doigts d'une seule main celles qui proviennent de médecins ayant reçu une formation complète au Québec.

Compte tenu de la persistance du problème de répartition géographique des médecins et pour faire suite à une table de concertation tenue en mai 1984, le ministre a annoncé un nouveau train de mesures

incitatrices, soit: soutien aux comités de recrutement et d'accueit des médecins; nouveau mode de rémunération dans les ugences è faible débit; primes d'installation pour les médecins qui vont s'établir dans les régions en pénurie; programme de bourses en résidence pour les médecins qui s'engagent à offrir des services en régions désignées; augmentation du nombre de bourses pour les étudiants en médecine qui s'engagent à pratiquer en régions désignées, avec possibilité de remboursement; augmentation des jours de formation continue; rehaussement des équipements et des budgets dans les établissements des régions désignées.

Au moment où nous écrivons ce mémoire, nous ne pouvons évaluer l'impact de ces nouvelles mesures, dont plusieurs font toujours l'objet, six mois après leur annonce, de négociations entre le MAS et les fédérations de médecins. Nous nous interrogeons d'ailleurs sur la pertinence de négocier de telles mesures avec les fédérations, dont la majorité des membres résident dans les régions centrales. Cela nous amène au coeur du problème: la négociation des mesures de répartition et la centralisation de leur application. Nous allons exposer brièvement les effets de cette pratique sur les principales mesures de répartition.

Analyse des principales mesures de répartition. Avant de proposer des nouveaux moyens de répartition, il convient d'examiner ce qui est advenu des principales mesures de répartition mises de l'avant par le ministère des Affaires sociales.

Depuis l'adoption de la loi 27, les centres hospitaliers sont tenus de produire un plan d'organisation clinique, prévoyant le nombre de médecins et dentistes pouvant exercer leur profession dans chacun des départements et services. Comme on devait s'y attendre, les établissements et les CRSSS des régions périphériques ont été les premiers à produire de tels plans, qui démontrent l'état de pauvreté qui les caractérise.

Dans les régions centrales et en excédent de médecins, où l'adoption de tels plans devait avoir un effet contraignant sur le niveau de ressources, le processus d'élaboration et d'adoption de ces plans est beaucoup moins avancé. Ce retard peut s'expliquer en partie par les délais d'adoption des nouveaux règlements, les limites de mandat confié aux CRSSS, qui n'ont pas à approuver les plans d'effectifs médicaux des autres catégories d'établissements, et la complexité de l'organisation médicale dans ces régions. Il n'en demeure pas moins qu'on met la pédale douce et que les effets de cette mesure sur la répartition des médecins se font attendre.

La rémunération différenciée est, de toutes les mesures en vigueur, celle qui devrait avoir le plus d'influence sur la répartition géographique des médecins. Comme elle affecte directement la répartition des enveloppes globales de rémunération, cette mesure est combattue par les fédérations, qui sont parvenues à en réduire les effets. Ce détournement s'est effectué d'abord par la négociation d'une structure tarifaire qui désavantage les spécialistes des régions périphériques, qui ont un profil de pratique plus lourd.

Par ailleurs, les spécialistes des régions centrales qui desservent les régions désignées sur une base itinérante ont également droit à la rémunération majorée, en plus du remboursement des frais de transport et des frais de subsistance. Tout est en place pour une récupération complète du système. C'est un secret de polichinelle que la Fédération des médecins spécialistes entend faire annuler le décret sur la rémunération différenciée en organisant la desserte des régions périphériques sur la base de l'itinérance. Les établissements des régions périphériques reçoivent actuellement des propositions qui vont en ce sens et qui limiteraient pour plusieurs années le recrutement dans certaines spécialités. (18 h 45)

Dans les cas où la santé publique le justifie, la loi 27 permet la conclusion d'ententes particulières avec les professionnels de la santé pour assurer une couverture médicale adéquate. Cette mesure pourrait, si les établissements avaient une marge de manoeuvre suffisante, permettre d'adopter un mode de rémunération plus adéquat dans certains cas. Malheureusement, cette mesure est liée à l'approbation des fédérations et des associations de médecins qui, pour les raisons indiquées plus haut, ne favorisent pas la conclusion de telles ententes qui affectent la répartition de l'enveloppe globale.

Concernant les bourses aux étudiants en médecine, ce programme, selon lequel les étudiants en médecine peuvent obtenir des bourses de formation en retour d'un engagement à pratiquer dans des localités désignées, est la plus ancienne et jusqu'à maintenant la plus efficace des mesures de répartition. Elle était également celle qui avait le caractère le plus coercitif parce que les médecins ne pouvaient résilier leur engagement. On a reconnu l'efficacité de cette mesure en doublant le nombre de bourses, mais on en a limité l'impact en permettant aux médecins de se désengager en remettant les bourses reçues. Nous considérons qu'il s'agit là d'un recul majeur du ministère des Affaires sociales.

En ce moment, nous ne pouvons évaluer l'impact des autres mesures de répartition annoncées par le ministre des Affaires sociales. En principe, l'octroi de bourses en résidence et de primes d'installation devrait

favoriser la permanence des services médicaux dans les régions défavorisées. À la lumière de ce qu'il est advenu aux autres mesures, nous regrettons que la répartition de ces nouveaux "incitatifs" fasse l'objet de négociations avec les fédérations de médecins qui n'ont jamais véritablement reconnu les besoins des régions périphériques.

J'aimerais faire ici un aparté pour souligner l'exception faite d'une plus grande ouverture de la part de la Fédération des médecins omnipraticiens.

À titre d'intervenant dans le dossier de recrutement des médecins, le CRRREMAT dénonce la récupération actuelle des principales mesures de répartition et propose une approche plus contraignante, s'appuyant sur les objectifs mêmes de la réforme du système de soins.

L'objectif d'accessibilité, qui constitue le fondement de la réforme des Affaires sociales, est remis en cause par la mixité du système de soins et par le processus de négociation qui en découle. À défaut d'une étatisation plus poussée du système, le ministre doit décréter que l'accessibilité équitable aux services médicaux n'est pas négociable. En conséquence, on devrait retirer du processus de négociation avec les fédérations toutes les mesures qui ont une incidence directe ou indirecte sur la répartition géographique des médecins.

La régionalisation est le deuxième objectif majeur de la réforme des Affaires sociales. Malgré la décentralisation de plusieurs mandats de planification, de programmation et de coordination des services, les conseils régionaux et les établissements n'ont pas les leviers requis pour assurer une couverture adéquate des services médicaux. La centralisation de l'application des mesures de répartition constitue une entrave réelle è la solution de problèmes particuliers dans les régions périphériques. En conséquence, si on décentralise le mandat de planification des services de santé, il faut également donner aux régions les moyens requis pour assumer cette responsabilité.

Finalement, nous avons souligné la transformation des modes de pratique médicale depuis l'avènement de la réforme du système de soins. L'enseignement universitaire s'est modelé à ces nouveaux modes de pratique qui favorisent la concentration des ressources médicales. Considérant l'impact de la formation reçue sur le choix du lieu de pratique des médecins, il faudra adapter la formation universitaire aux besoins de toute les régions et non seulement des régions centrales.

Sur la base des principes que nous venons d'énoncer, une mesure parviendrait à elle seule à résoudre la problématique de la mauvaise répartition des médecins au Québec: il s'agit du contingentement à l'entrée du cours de médecine. Comme cette mesure aurait un effet à long terme, nous présenterons par la suite une série de moyens qui devraient être adoptés à très court terme.

Considérant les résultats du libre choix du lieu de pratique pour les médecins, nous croyons qu'il faut adopter des mesures contraignantes quant à la répartition des médecins. Pour éviter toute discrimination, nous proposons que l'admission en médecine soit conditionnelle à l'obligation de rendre des services dans une région prédéterminée.

Pour être admissibles à un programme de formation, les candidats sélectionnés par les universités devraient obtenir un poste en omnipratique ou en spécialité dans une région donnée. Ces postes seraient déterminés sur la base des plans régionaux d'effectifs médicaux et seraient alloués en retour d'un engagement è pratiquer pour un certain nombre d'années dans ces régions.

L'instauration d'un tel système de contingentement permettrait également aux universités d'adapter leurs programmes de formation aux besoins spécifiques de chaque groupe d'étudiants.

Avec l'adoption d'une telle mesure, le ministère des Affaires sociales pourrait éliminer progressivement les programmes de bourses et de primes d'installation et utiliser les budgets épargnés pour consolider la structure d'accueil des nouveaux médecins dans les établissements. On sortirait ainsi du cercle vicieux de l'acquisition d'équipements par rapport à l'arrivée de nouveaux médecins.

Malgré ses avantages à long terme, cette mesure n'aura pas d'effet immédiat sur la répartition des médecins. Il faut donc envisager d'autres mesures à court et à moyen terme.

À court et à moyen terme, le MAS doit modifier les règles du jeu en ce qui a trait à l'application des mesures de répartition et donner aux régions des moyens accrus pour améliorer l'accessibilité aux services médicaux. Nous proposons les mesures suivantes. 1° Élargissement du mandat des CRSSS en matière de planification des ressources médicales. Nous avons signalé plus haut les limites de l'article 70 de la loi en matière de planification médicale globale. Le mandat d'approbation des plans d'effectifs médicaux devrait couvrir l'ensemble des établissements et des ressources médicales de chacune des régions. Cette planification globale est d'ailleurs essentielle à la mise en place de la mesure que nous proposons a long terme. 2° L'allocation de cartes rémunérées d'internat et de résidence aux régions. Toujours dans le cadre de la mise en place d'une mesure de contingentement à l'admission, nous proposons l'allocation aux régions d'un certain nombre de cartes

rémunérées en internat et en résidence. À court terme, une telle mesure permettrait de compléter la formation de plusieurs médecins, formés à l'étranger, qui s'engageraient en retour à assurer un certain nombre d'années de service en Abitibi-Témiscamingue. À moyen terme, elle permettrait le recrutement de candidats qui se dirigent en spécialité aux mêmes conditions. 3° La gestion régionale des mesures incitatrices. Considérant les limites d'une gestion centralisée des mesures de répartition géographique, nous recommandons que l'ensemble des mesures incitatrices au recrutement et à la rétention des effectifs médicaux soit géré par les conseils régionaux. Nous croyons qu'une gestion efficace de ces mesures doit s'appuyer sur les particularités régionales et locales, qui ne peuvent être considérées adéquatement dans un processus central de négociation.

Nous signalons également que les nouvelles mesures de répartition, qui s'appliquent généralement aux nouveaux médecins» peuvent être perçues négativement par les équipes en place. Il y aurait lieu d'ajouter certaines mesures de rétention à l'intention des médecins qui sont déjà installés dans les régions périphériques. 4° La constitution d'enveloppes régionales de rémunération en spécialité. Nous avons signalé les contraintes à la conclusion d'ententes particulières pour la rémunération en spécialité. Afin de contourner cette difficulté, nous proposons la constitution de banques régionales de vacations en spécialité, gérées par les conseils régionaux. Ces vacations seraient allouées aux établissements en fonction du nombre de médecins en place et du volume d'activité. Cette mesure assurerait une marge de manoeuvre suffisante aux établissements pour conclure des ententes de rémunération adaptées à leur situation.

En conclusion, à la lumière de révolution du réseau des affaires sociales et de notre expérience concrète, nous avons proposé des principes et des mesures qui, selon nous, assureraient une accessibilité équitable aux services médicaux.

Nous espérons que ces orientations, partagées par l'ensemble des intervenants du réseau des affaires sociales en Abitibi-Témiscamingue, le seront également par les membres de la commission parlementaire et le gouvernement.

Nous vous remercions de nous avoir permis de présenter notre point de vue sur cette problématique et les membres qui m'accompagnent se feront un plaisir de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je dois vous dire que, quand j'ai eu votre appel, je trouvais que c'était fort à point puisque, dans les faits, il n'y avait pas vraiment d'organisme d'une région éloignée comme telle qui venait présenter la situation des effectifs médicaux en région éloignée. Vous êtes les seuls à l'avoir demandé, ce qui nous a facilité la tâche pour accepter.

M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Je voudrais les remercier de ce mémoire. Je pense qu'il y a des idées fort intéressantes. Il y a des jugements complètement différents de ceux que nous avons entendus jusqu'à maintenant, d'ailleurs. C'est peut-être le fait que vous soyez directement du milieu. Vous arrivez avec le témoignage du milieu qui fait que cela détonne un peu par rapport à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, même si on parlait de grands problèmes qui touchaient les problèmes que vous soulignez. Il n'en demeure pas moins qu'à mon avis vous touchez du doigt plus "réalistement" des choses et vous avez des suggestions qui sont peut-être plus révolutionnaires que ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, qui vont de la persuasion jusqu'à la coercition.

C'est un peu différent comme approche. Je dois vous dire qu'il y a plusieurs principes que je partage d'emblée, entre autres, le fait de doter chacune des régions d'équipement. Je vous avoue que cela fait au moins quatre mois ou cinq mois que je me promène dans le décor et que je ne me gêne pas pour dire qu'on devrait doter nos régions d'un minimum d'équipement, un minimum de spécialité. Cela ne veut pas dire à un seul endroit à l'intérieur d'une région. Cela veut dire, par exemple, à l'intérieur d'une région, qu'on puisse retrouver un peu cette gamme d'accessibilité qui permettrait une certaine équité dans les services. Je suis parfaitement en accord avec votre approche, votre perception. Bien sûr, j'ai des questions. Est-ce que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère contre les fédérations médicales? Je vais vous demander des exemples concrets qui prouvent que les gestes des fédérations médicales ont annihilé les effets recherchés par les moyens incitateurs que nous avons mis sur pied. Est-ce que vous auriez des exemples concrets à nous donner?

M. Cotten: M. Bianki va répondre à cette question.

M. Bianki (André): D'accord, il y a des exemples bien pratiques. On pourrait peut-être parler des spécialistes volants. Vous savez qu'existent dans à peu près toutes les régions périphériques des spécialistes qui viennent périodiquement prodiguer des soins à la population. Cette volance, d'accord, ne coûte rien en fait aux spécialistes, c'est-à-dire que les spécialistes sont nourris, logés et transportés et ont en plus la rémunération de 120 %. Or, ce qui est en train de

s'organiser dans le fond, c'est une systématisation de la volance, c'est-à-dire des équipes qui grossissent dans les grands centres pour envoyer des volants dans les régions périphériques. Ces volants donnent des services qui sont plus ponctuels. Il y a une absence de continuité dans les soins; ils ne participent pas aux activités médico-administratives et à l'organisation scientifique des établissements de sorte que ce qui est en train de se produire, c'est que les spécialistes volants vont bientôt occuper toute la place dans la périphérie et vont finalement empêcher le recrutement. Ce qui va arriver, c'est que les équipes vont grossir dans les grands centres. La volance va être de plus en plus continue, mais les services qui vont être donnés en périphérie vont être plus ou moins adéquats.

M. Chevrette: Vous dites que "c'est pas un secret de polichinelle - j'ai lu cela quelque part, à la page 6 - que la Fédération des médecins spécialistes entend faire annuler le décret sur la rémunération différenciée en organisant la desserte des régions périphériques sur la base de l'itinérance". Est-ce que vous avez entendu officiellement cela comme demande?

M. Bianki: Ce n'est pas officiel, mais c'est une façon d'agir. Dans le fond, ils disent qu'il n'est pas possible pour les régions périphériques de recruter en spécialité et que la meilleure façon d'avoir des services, c'est la volance. D'accord? Mais en organisant une volance trop systématique, les gens, au lieu de venir s'installer en région, vont plutôt joindre des équipes de volants et vont venir périodiquement nous donner des services du lundi matin au vendredi soir, mais ils ne seront jamais sur place. Dans leur façon d'agir, notamment, cela va jusqu'à la proposition de certains contrats qui disent à peu près ceci: Nous allons vous desservir pendant cinq ans, par exemple, mais pendant ces cinq années -et là je parle de volants - vous ne recruterez pas.

M. Chevrette: Vous manifestez une inquiétude à savoir que cela prend bien du temps à négocier après qu'on a eu l'annonce d'une mesure incitatrice. Pour votre information, c'est signé par la FMOQ, le paraphe de la FM5Q est fait, à ce qu'on me dit, et il manquerait la signature du ministre. Apportez-la moi dès l'instant et je la signe. De ce côté, je pense que vous aviez un bon nombre d'inquiétudes. La suspense qui existait n'existera plus parce que c'est signé pour un bon nombre de mesures. (19 heures)

Je veux y aller par étapes. Vous dites que la rémunération différenciée est, de toutes les mesures en vigueur, celle qui devrait avoir le plus d'influence sur la répartition géographique des médecins, etc. Vous dites que par la négociation d'une structure tarifaire qui désavantage les spécialistes des régions périphériques qui ont un profil de pratique plus lourd... Pouvez-vous me donner un exemple de cela?

M. Bianki: Je peux vous donner l'exemple de mes pédiatres. J'ai quatre pédiatres qui pratiquent exclusivement en établissement. Ils ont donc une rémunération d'établissement et ils n'ont pas le temps d'avoir une pratique dans un bureau en ville. Je peux également vous donner l'exemple d'un chirurgien de fin de carrière qui fait de l'assistance opératoire. Je pense que vous connaissez les tarifs pour l'assistance opératoire. Lorsqu'on parle à la Fédération des médecins spécialistes d'augmenter ta tarification pour l'assistance opératoire, elle ne veut pas en entendre parler. Dans les régions centrales, l'assistance opératoire est assurée par les médecins résidents, mais en périphérie cela prend des médecins pour faire de l'assistance opératoire et ils sont obligés de le faire à des tarifs qui sont ridicules, dans le fond.

Donc, à cause du déficit en effectifs, les médecins en périphérie sont. obligés de faire des tâches que les médecins dans les régions mieux nanties ne sont pas obligés de faire et la tarification n'est pas adéquate dans ces cas-là.

M. Chevrette: Vous contestez avec énergie le fait que les ententes particulières soient soumises à l'approbation des fédérations, ce qui vous fait déborder sur une recommandation, si j'ai bien compris, à l'effet de soustraire les ententes particulières du champ de négociation. Est-ce que je vous ai bien interprété jusque là?

M. Bianki: Oui.

M. Chevrette: Quand vous parlez d'ententes particulières, parlez-vous d'une entente très particulière dans le cas d'un ou deux spécialistes ou si vous parlez d'ententes particulières au niveau d'un centre hospitalier comme tel?

M. Bianki: Non, c'est plus large que cela parce que, pour une entente très particulière, je pense que cela va prendre, de toute façon, l'approbation de la FM5Q. Je ne pense pas qu'aucun spécialiste voudra s'embarquer dans une entente très particulière. Par exemple, si on parle de rémunération à salaire ou à vacation pour un chirurgien dans une région très périphérique, je ne pense pas que le chirurgien voudra s'embarquer là-dedans. Nous parlons des ententes particulières plus larges pour

l'ensemble de la région.

M. Chevrette: Si je partais du principe que dès qu'on reconnaît à un groupe le pouvoir de négocier quelle que soit l'assise juridique, que ce soit par la loi de la RAMQ, que ce soit par le Code du travail, etc., - il est vrai que normalement on doit conclure des ententes ponctuelles en cours d'application quand on a des problèmes - il n'en demeure pas moins que pour des cas particuliers, vous savez pertinemment que nous avons un pouvoir discrétionnaire en ce qui regarde la loi du ministère où le ministre peut, pour des raisons de santé publique, décréter certaines choses. Je vous donne cela comme information. J'ai failli l'utiliser d'ailleurs dans le cas de Mégantic-Compton, la semaine dernière. Si on n'avait pas conclu une entente à court terme, je l'aurais utilisé parce que j'avais fait faire l'analyse au contentieux et si on n'avait pas eu d'entente particulière, si on n'avait pas eu d'entente avec la FMSQ, on aurait dû l'utiliser. Cela était clair. Cela existe toujours comme pouvoir dans la loi du ministère.

C'est bien sûr qu'il ne faut pas y recourir constamment parce que cela fait fi du jeu normal des négociations, mais comme ministre responsable je vous certifie que je ne bloquerai pas une région et que je ne bloquerai pas un centre hospitalier pendant des heures, des semaines et des mois parce qu'on ne s'entend pas sur une négociation, surtout quand on sait que les individus touchés accepteraient l'entente particulière. Il faut être capable de se dire cela très candidement et très franchement, sinon, où s'en va-t-on?

Si on blâme un simple syndiqué de ne pas remplir ses devoirs parce que la santé publique est en cause dans une négociation des secteurs public et parapublic, on ne permettra pas plus d'extravagance ou d'exagération chez les professionnels de la santé, c'est clair. Je pense qu'on doit être capable de se dire cela sans agressivité, mais d'une façon précise.

Vous avez parlé - et, chaque fois, cela me frappe, vous mettez toujours un bémol sur le fait que c'est relier l'insuccès des mesures incitatrices... Je suis heureux, d'ailleurs, que vous les connaissiez toutes. Cela prouve une chose: il y en a eu quelques-unes, en tout cas. Ceux qui me disent depuis deux ans que rien n'est fait pourraient lire votre mémoire. C'est encourageant, au moins de ce côté-là. Mais il y a toujours un bémol de votre part. Vous dites que c'est toujours en péril à cause de l'attitude des négociations. Est-ce que c'est parce que vous vivez cela, que vous faites des constats réels ou si c'est parce que vous avez entendu dire cela?

M. Brisset (Alain): Tout à l'heure, on parlait de contrats généraux avec les spécialistes. Ce qu'on vit à la base, c'est une crainte, une espèce de médium de façon individuelle. Chaque fois qu'on veut recruter un spécialiste, un résident 5, il y a toujours cette crainte. On nous a même dit de façon textuelle qu'il ne fallait jamais dire aux patrons à Montréal que les résidents 4 négociaient des ententes pour travailler en Abitibi parce qu'ils avaient réellement peur de se faire couler aux examens. Je me suis fait dire cela à deux ou trois reprises. On parlait tout à l'heure d'un contrat. II y a un contrat qui est véhiculé actuellement en Abitibi-Témiscamingue, un contrat présenté par le président d'un groupe de radiologistes fort puissant qui tente d'offrir une espèce de service global à l'Abitibi. Au même moment, il y a deux spécialistes qui négociaient chez nous pour s'établir en région. Il y en a un qui était résident 5, qui devait avoir sa réponse de la corporation le 16 mai. Quand le radiologiste a su qu'il y avait - je parle du président du groupe - un résident qui devait venir s'implanter chez nous, il nous a dit: Je veux avoir une réponse concernant la signature du contrat le 15. Quant au deuxième radiologiste, il a été approché par ce même résident pour faire partie de son groupe. Donc, ce qui nous pendait au bout du nez en Abitibi, c'était une espèce de eartel, un monopole. Dans le contrat, ils nous imposaient un quasi-droit de veto sur la gestion des ressources au niveau de ce service. Alors, ce qui est véhiculé... Évidemment, hormis le contrat, on n'a jamais eu de preuve écrite qu'il y avait un contrôle trop important des fédérations sur la gestion des effectifs en Abitibi. Évidemment, on n'irait pas jusqu'à le dire non plus dans les journaux sauf que, de façon tangible, quotidiennement, il y a toujours une crainte des résidents et des patrons établis de venir s'établir de peur de se faire "ostraciser" par les fédérations.

M. Chevrette: À ce stade-ci de votre témoignagne, je vous conseillerais de demander à Mme la Présidente la protection naturelle par rapport à ce que vous dites pour ne pas que les paroles que vous venez de dire soient retenues contre vous dans aucune cour, autre que celle-ci. On pourrait se servir de cela contre vous si on ne demande pas la protection de la cour. Ordinairement, dans une commission d'enquête ou une commission parlementaire, c'est à peu près le même statut. J'ai fait partie d'une commission d'enquête et, ici, à l'Assemblée nationale, depuis huit ans, on s'en est servi à quelques reprises en disant au témoin: Pour ce que vous venez de dire, nous vous accordons la protection et toutes les paroles que vous avez dites ne peuvent être retenues contre vous à aucun autre palier. Je vous conseille de le demander à

Mme la Présidente avant que je fasse des commentaires, parce que moi, j'ai l'immunité parlementaire.

M. Brisset: Mme la Présidente, j'aimerais vous demander la protection de la commission pour les faits que j'établis. Je voulais noter que l'intervention qu'on apporte aujourd'hui est strictement dans l'intérêt du public. On tente d'amener aux gens de chez nous, en Abitibi, des soins de qualité qui sont en rapport avec l'idéologie fondée par tous les intervenants tels que M. Castonguay au niveau de la réforme. Si on n'intervient pas pour redonner aux régions périphériques un mandat plus large, plus intense, quant à la gestion des ressources, on va avoir beaucoup de difficulté, à long terme, à gérer ces ressources et à contrer les mesures qui sont en contradiction avec toute cette idéologie qui avait été fondée à l'époque.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Brisset, je pense que la commission est consentante à vous accorder cette protection et que votre témoignage ne pourra être utilisé par d'autres contre vous, à d'autres niveaux ou à d'autres paliers. Si vous voulez continuer, à moins que le ministre ne veuille répondre à ce moment-ci?

M. Chevrette: Est-ce que vous aviez autre chose à ajouter?

M. Brisset: Non, cela va.

M. Chevrette: D'accord. Mme la Présidente.

M. Bianki: En fait, ce que je pourrais ajouter - Alain a eu un peu plus de courage que moi - c'est que ce contrat dont vous parliez tout à l'heure, tout ce qu'il voulait traduire, c'est effectivement des pressions. Ce n'est pas uniquement une impression vague. Ce sont des pressions qu'on a contre l'installation de spécialistes dans la région.

M. Chevrette: D'abord, vous me permettrez de vous féliciter pour votre courage. Si j'ai un conseil à vous donner, quand vous serez coincés, s'il y en a qui veulent vous coincer, rendez donc tout public. Vous allez voir que les jars du huis clos s'écrasent ordinairement en public. C'est la meilleure protection, bien souvent, qu'on est obligé d'avoir avec certains individus. C'est la même chose dans certaines enquêtes qu'on est obligé de faire présentement. La seule façon de protéger les personnes qui viennent se confier parce qu'elles en ont ras le bol, c'est de l'officialiser. Si jamais il y avait des problèmes, vous pouvez compter à 175 % sur ma collaboration. Certaines choses se font et d'autres ne se font pas. En 1985, quand on prêche la vertu, il faut commencer par l'exercer. C'est clair? Il y en a qui ne sont pas cohérents avec leurs principes. Personnellement, pour le temps qu'il me reste s'il ne m'en reste pas beaucoup je vais tout donner pendant que je serai là. Si j'en ai pour longtemps, je vais en ajouter en revenant. C'est clair? Cela est inadmissible dans un système. Tout le monde se gave de beaux discours en disant qu'on veut une répartition équitable. Cela est beau dans les discours. On nous fait des sermons ici, dans les micros qui sont devant vous. On est obligé de tout gober cela comme du "cash". Quand on sait ce qui se passe concrètement, il y a des aberrations que, moi, je n'accepte pas et que je n'accepterai jamais. Cela est clair.

Ce cas précis, je vais l'étudier à part cela. C'est très précis. S'il faut faire des dénonciations publiques, je les ferai, car je ne tolérerai pas cela, d'aucune façon. D'ailleurs, je suis aussi ému que vous. Je ne suis même plus capable de vous questionner. Je reviendrai après, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais passer à des questions relativement plus neutres. D'abord, je veux vous remercier pour votre mémoire. Il est évident que vous n'avez pas réussi, malgré toutes les mesures incitatrices, tout ce dont on discute depuis 1980 particulièrement, à résoudre les problèmes. Cela semble être un cercle vicieux et vous recommencez continuellement. Je voudrais, par contre, examiner avec vous quelques-uns des moyens que vous mettez de l'avant. D'abord, ma première question, je voudrais l'adresser au ministre, qui a de l'expérience comme négociateur. Quand on parle de soustraire de la négociation des fédérations, dans le fond on parle dans le sens d'une décentralisation -c'est ce que ces gens-là sont venus nous dire - à certains égards.

M. Chevrette: Non. Je ne crois pas comprendre cela à la suite de leur intervention. Ce que j'ai compris, c'est qu'ils n'ont pas d'objection à ce qu'il y ait une négociation normale avec la FMSQ et la FMOQ. Mais pour des ententes particulières qui risquent de compromettre la rétention d'un ou de deux spécialistes, ils disent: Pourquoi ne pas donner l'autorité aux centres hospitaliers de conclure l'entente particulière sans que cela ne soit soumis à l'approbation des fédérations? C'est comme cela que je l'ai interprété.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais n'y a-t-il pas aussi... En ce qui a trait à la négociation, je suis d'accord que c'est cela que ça touchait, mais eu égard aux montants d'argent que peuvent impliquer les mesures incitatrices ou ces choses, est-ce que vous ne demandez pas que ce soit

appliqué au niveau régional? Ou est-ce que cela l'est déjà? À un moment donné, vous dites - je ne le retrouverai pas moi non plus - que, localement, vous êtes mieux placés pour employer ces mesures incitatrices ou des sommes d'argent qui seraient mises à votre disposition en vue d'une utilisation qui tienne davantage compte de vos besoins locaux. Est-ce que je comprends bien quand... ? Oui? (19 h 15)

M. Grenier (Reginald): Dans les systèmes de bourses - les boursiers au Québec, ce n'est pas d'hier - vu la façon dont ces bourses sont négociées par les fédérations avec le ministère, les régions sont impliquées un peu plus depuis quelques mois. On s'aperçoit que lorsque le boursier vient s'établir dans nos régions - cela est une mesure - on est placé pour savoir où le boursier devrait aller. L'endroit de pratique a été négocié il y a trois ou quatre ans, mais quand il arrive pour pratiquer, les endroits ont changé ou les modalités de pratique ont changé. Là, c'est la négociation qui se fait avec la FMOQ ou la FMSQ, selon le cas, mais la FMOQ la plupart du temps. C'est très long et cela ne donne satisfaction à personne. On a vu des exemples très récents où le ministre a dû se prononcer sur les choses en Abitibi-Témiscamingue. Normalement, cela aurait dû se régler au niveau de la région, sans faire tout le chiard qu'on a dû faire pour arriver à avoir des boursiers, qui avaient été prévus, initialement, il y a trois ou quatre ans, lesquels sont venus avec les moyens du bord. Mais on a été obligé de s'impliquer et combien de temps a-t-on perdu pour cela, alors que cela aurait été si facile de trancher, puisque dans telle région on avait droit à tant de boursiers! On connaissait nos besoins sans...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, cela va un peu plus loin que ce que le ministre indiquait comme...

M. Grenier: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... - je ne sais pas s'il m'écoute -...

M. Grenier: Oui, je pense que oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... décentralisation.

M. Grenier: Et on voit venir le système de primes, par exemple.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Grenier: On se dit: Encore des mesures incitatrices. L'enveloppe des primes devrait être dans les régions et on pourrait les répartir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va plus loin que strictement la question des ententes.

Dans les suggestions que vous faites -cela est à court et à moyen terme - vous parlez de l'admission dans les universités, qui serait soumise à certaines conditions, par exemple: "Pour être admissible à un programme de formation, les candidats sélectionnés par les universités devraient obtenir un poste en omnipratique ou en spécialité dans une région donnée. " Est-ce que je saisis ou si je saisis mal, est-ce que vous voulez dire pour tous les candidats qui seraient admis dans une faculté de médecine?

M. Bianki: Non, effectivement pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Je comprends mal, alors.

Une voix: Non.

M. Bianki: II pourrait y avoir une proportion de postes qui seraient réservés, finalement. On va prendre un nombre hypothétique de 600 postes disponibles. Il pourrait y avoir, par exemple, 50 à 100 postes - d'accord? - réservés aux régions périphériques. Les candidats pourraient postuler, finalement, ou bien faire une demande en médecine uniquement pour les postes où il n'y a pas de contraintes à ce niveau ou faire une demande d'admission et pour les postes non contraints et pour les postes à contraintes. Finalement, cela pourrait être 100 sur 600, par exemple, quelque chose du genre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Alors...

M. Bianki: Donc, ce ne sont pas tous les postes, cela ne serait pas possible.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qui voudrait dire que, par exemple, les 500 premiers qui seraient admis - disons qu'il y aurait une faculté de médecine unique, mais cela va s'appliquer dans toutes les facultés de médecine - n'auraient pas de contraintes, mais que ces dernières s'exerceraient è l'égard des 50 derniers.

M. Bianki: Cela pourrait être cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être cela. Bon.

Maintenant, en page 10, sur la question des médecins immigrants, j'essaie de comprendre aussi l'allocation de cartes rémunérées en internat et en résidence aux régions. Vous dites que le fait qu'il y aurait cette allocation de cartes rémunérées, cela permettrait de compléter la formation de

plusieurs médecins, formés à l'étranger, qui s'engageraient en retour à assurer un certain nombre d'années de service en Abitibi-Témiscamingue.

Dans le fond, je ne saisis pas exactement comment cela fonctionnerait, comment cela s'articulerait. En même temps, j'ajoute la question du programme que vous avez lancé, je pense que cela vient de l'Abitibi-Témiscamingue, où il y avait de grands encarts publicitaires, à savoir que vous recrutiez dans votre région et que vous étiez prêts à admettre les médecins immigrants. À cet égard, je me demandais comment vous auriez pu vous arranger pour l'internat de ces gens-là. Est-ce vous qui l'assumeriez? Ou leur donniez-vous un droit de pratique -c'est-à-dire ce n'est pas vous qui donnez le droit de pratique, c'est la corporation... Toutes les implications de cette mesure, c'était difficile de les saisir par la publicité que vous avez faite, sauf que vous vouliez des médecins.

M. Bianki: D'accord. Dans le fond, notre idée, c'était de financer des postes d'internes et de résidents.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Bianki: D'accord? De demander à ces gens-là, en retour, de venir pratiquer en région. Ce qu'on peut dire sur les médecins étrangers, c'est que si on parle beaucoup du droit des petits Canadiens français de faire leur cours de médecine, il faut également penser aux 160 000 habitants d'Abitibi-Témiscamingue qui n'ont pas de services. À court terme, ce ne sont pas les petits Canadiens français, semble-t-il, qui vont réussir à régler notre problème. Peut-être que s'il y avait un contingentement au début du cours de médecine, par exemple, on finirait, dans cinq, six ou sept ans, à avoir des omnipraticiens et, dans dix ans, des spécialistes. Mais, à brève échéance, par exemple, on risque de se retrouver, en Abitibi-Témiscamingue, sans radiologiste pendant des mois. On pourrait peut-être... On connaît un résident étranger, qui a quand même fait trois années de formation au Canada, qui pourrait venir faire de la radiologie chez nous. On serait prêt, finalement, à payer sa carte de résident ou sa carte d'internat rotatoire et il viendrait, en retour, s'installer chez nous et travailler, par exemple, pendant trois ans. Il donnerait, en région, des services à brève échéance, c'est cela qu'on veut dire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, ce que vous demandez, est-ce que cela serait qu'on accorde, en sus des postes qui sont déjà accordés, en sus du contingentement actuel, des postes supplémentaires qui seraient donnés à ces personnes?

M. Bianki: Cela pourrait être cela également.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être cela également ou à l'intérieur...

M. Bianki: Contre l'engagement de pratiquer en région.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Brisset: Cette mesure vise un peu à apporter une solution à court terme, surtout en psychiatrie, finalement, et en radiologie. Actuellement, chez nous, à Val-d'Or, il n'y a aucun psychiatre établi dans la région pour environ 40 000 de population. Cette stratégie nous permettrait d'aller même sur le marché européen, en fait, de faire un concours et d'être capable d'amener des gens qui pourraient offrir un service à court terme en psychiatrie en Abitibi. On ne prévoit pas, avec les mesures actuelles, être capable de combler les besoins d'ici cinq ans, finalement, avec les postes de résidents qui ont été diminués de moitié.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Maintenant, pour ce qui est de votre encart publicitaire, est-ce que vous avez eu un nombre important de réponses?

M. Grenier: 200, mais tous de médecins étrangers.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. M. Grenier: Pas un seul Québécois.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pas un seul Québécois sur les 200.

M. Grenier: Ce qu'on voulait faire, c'est la preuve et on l'a faite. C'est que les Québécois, actuellement, ne sont pas intéressés tellement par les régions périphériques, même avec les quatorze mesures annoncées dernièrement. Ce n'est pas encore suffisant pour régler nos problèmes à court terme. Alors, on a fait une percée dans le monde des médecins étrangers. On savait bien à quoi on s'attaquait. Ce n'était pas très orthodoxe ce qu'on a fait, mais on l'a fait quand même. On a la preuve en main qu'il n'y a pas de médecins québécois qui sont prêts à s'établir en Abitibi, en tout cas pour les prochaines années.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais à ce moment, cela veut dire qu'il faut que vous fassiez ouvrir...

M. Grenier: II faut changer les règles du jeu quelque part. Là, il y a plusieurs intervenants: les universités...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je me demandais comment vous aviez pu procéder en dehors de la réalité du contingentement pour pouvoir dire: Nous, on va vous accueillir, alors que ces gens se voyaient refuser leur internat rotatoire ici à Montréal ou dans les centres urbains.

M. Grenier: On était prêt à les payer à même les budgets des établissements. Je ne sais pas ce que le ministre aurait fait avec les DG à ce moment, mais...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, il y a deux personnes qui veulent... J'essais de comprendre. Dans le fond, vous ne pourrez pas le réaliser, à moins que vous n'ayez d'autres accords quelque part ailleurs. C'est cela dans le fond?

M. Grenier: Oui, oui, c'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Brisset et M. le directeur général, j'oublie votre nom...

M. Tsa-Tsa (Joseph): Tsa-Tsa.

M. Brisset: J'aimerais faire une intervention quant aux raisons qui motivent les médecins, en fait, à ne pas s'établir... Je ne voudrais pas qu'il y ait un sentiment négatif à l'égard des jeunes médecins. Je pense, après les démarches que j'ai faites en recrutement, que le médecin canadien-français est beaucoup plus attaché sur le plan familial et culturel à son milieu alors que c'est un peu évident que pour le médecin qui vient de l'étranger, aller en région, cela a peut-être un impact personnel moins grand.

Ce que j'ai remarqué, comme incitatif extrêmement important, actuellement, pour les nouveaux médecins, c'est le milieu scientifique. J'ai remarqué que les incitatifs financiers peuvent être même secondaires dans certains cas. On s'est attiré certains médecins cette année avec l'encadrement universitaire et la qualité de la médecine -en tout cas, sans prétention - qui se faisait chez nous.

Je pense qu'actuellement, chez les jeunes médecins, la qualité des équipements qu'on a et qu'on pourrait avoir en surplus, les projets de jumelage avec des universités des centres urbains qui améliorent la qualité de la médecine, c'est un facteur extrêmement important, à mon avis, et qu'il faudrait peut-être développer à long terme.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. M. Tsa-Tsa.

M. Tsa-Tsa: C'est simplement, Mme la Présidente, pour dire ceci. Si nous sommes venus ici, c'est pour vous présenter, devant la commission, quasiment un ultime recours. Quand vous nous demandez ce que nous allons faire ici et maintenant, je pense que les recommandations que nous faisons dans notre mémoire sont là devant la commission et devant le gouvernement. Je ne pense pas, comme région, que nous puissions aller au-delà des règles, au-delà des lois établies.

Nous avons un certain nombre de médecins étrangers qui ont répondu à notre demande. On vous a dit 200. Il y a une première évaluation qui a été faite. Il y a un premier refus que nous avons enregistré récemment pour une spécialité. À partir de là, nous attendons.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'avez pas pu procéder plus loin. D'accord. J'ai complété.

M. Chevrette: Vous avez été, je crois, la première région à produire le plan d'effectif médical. C'est clair, ce n'est pas tout entré au moment où on se parle, mais cela nous servira sans doute, pour le contingentement, à avoir un portrait plus global des besoins dans l'ensemble du Québec. J'entrevois pour vous d'énormes difficultés. Je prends l'exemple des fameuses cartes pour l'entrée ou l'accès à l'université cela va jusque-là. C'est tout le principe de la liberté qui est mis en cause. Vous n'êtes pas sans savoir que cela présuppose des pourparlers assez longs, pour ne pas dire ardus. Je regarde le doyen de la faculté de médecine de Laval et je suis convaincu que cela susciterait, si c'était une mesure radicale, énormément de débats dans notre collectivité. Il faudrait au moins préalablement avoir soumis ce genre de mesure à une certaine forme de débat public si on ne veut pas se ramasser avec un problème généralisé au Québec.

D'autre part, il y a certaines mesures que, personnellement, je suis prêt à regarder, à étudier et à gratter et, au besoin, je suis prêt à rencontrer à la fois la corporation des médecins, les universités et les fédérations pour voir s'il n'y a pas lieu, effectivement, de vous donner plus d'outils que vous n'en avez présentement pour vraiment avoir la possibilité d'attirer chez vous un nombre plus important de médecins. C'est clair et je vous comprends. Dans les quatorze mesures qui sont connues présentement, il y en a certaines qu'on étudie pour les régionaliser davantage, en tout cas. Par rapport aux recommandations que vous faites, je suis prêt à en regarder deux, trois, à l'oeil, qui pourraient fort probablement se réaliser.

D'autre part, il y en a qui font partie carrément de la négociation. Il s'agirait de

voir jusqu'à quel point, lors d'une négociation, on pourrait les régionaliser. C'est possible quand même qu'on puisse laisser au milieu, à la suite d'une entente avec les fédérations médicales, le soin d'administrer certaines de ces mesures qui pourraient vous permettre, à ce moment-là, comme équipe de recruteurs, d'avoir des outils en main. Je suis prêt à regarder cela d'une façon plus spécifique.

Il y a une chose qui m'a donné un petit frisson à la lecture, c'est que - ce n'est sûrement pas ce que vous voulez dire mais je vais dire quand même ce que j'ai lu -vous dites: Vous avez maintenant majoré les traitements, il faudrait peut-être penser maintenant à introduire un supplément additionnel pour ceux qui sont en place. Je suis convaincu que vous ne voulez pas me dire de tomber dans le cercle vicieux: augmentez l'un, l'autre va crier, vous allez l'augmenter, réaugmentez l'un, l'autre va crier, vous allez l'augmenter; etc. Je suis convaincu que ce n'est pas cela que vous voulez dire. J'aimerais que vous soyez plus explicite parce que, selon le libellé, on pourrait se retrouver dans une situation où on annule complètement l'incitatif de la rémunération. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire ou que vous me donniez un exemple de ce que devrait être...

M. Laliberté (Normand): M. le ministre, malheureusement, si on l'a indiqué là, c'est une toute petite phrase, vous l'avez détaillée et je pense que le message est clair.

M. Chevrette: Oui, mais c'est important de la noter parce que...

M. Laliberté: C'est très important, effectivement. C'est pour vous signaler qu'effectivement on a des demandes régulièrement de la part de médecins spécialistes et de médecins omnipraticiens, même qui sont arrivés récemment, afin de savoir... Il y a toutes les mesures qui ont été mises en place, il y a les primes qui sont maintenant disponibles - primes d'installation, etc. - qui sont quand même alléchantes. Qu'est-ce qui arrive à ceux qui sont là? Évidemment, on nous pose le problème. La question est soulevée régulièrement. Il est certain que cela nous cause quelques soucis quand, par exemple, dans certaines spécialités, on est en équilibre extrêmement instable et fragile. Par exemple, en gynécologie, où on offre des services très importants, actuellement, et où on doit les dispenser avec un gynécologue, le second étant absent pour plusieurs semaines, on est coincé. Je pose seulement l'hypothèse que si ce médecin nous disait: Écoutez, il y a des mesures pour les nouveaux, si on ne me donne pas certains incitatifs pour me retenir, qu'est-ce que je fais? On est placé constamment devant ce dilemme-là et on veut vous le signaler. (19 h 30)

M. Chevrette: Je voudrais vous signaler ceci. C'est peut-être de l'incompréhension de ma part mais, que je sache, l'ensemble des mesures s'applique à tout le monde, à l'exception de la prime d'établissement. C'est pour cela que j'ai de la difficulté à comprendre ce qu'ils veulent de plus.

M. Brisset; J'aimerais peut-être apporter... Je vais récupérer le même sujet que j'avais défendu tout à l'heure, c'est que... Je vais vous donner un exemple. Chez nous, on a recruté un spécialiste en anesthésie qui, à mon sens, est d'une grande qualité. Dans nos salles d'anesthésie. à Val-d'Or, les respirateurs datent d'au-delà 15 à 20 ans et marchent avec des systèmes de pression. Il n'arrive pas, dans les cas de malades souffrant d'obésité, d'emphysème ou de bronchite chronique, à assurer un volume constant. C'est en fonction de la pression. C'est un système dépassé. Je sais qu'à McGill on a des appareils de type volumétrique dans toutes les salles d'anesthésie. Chez nous, nous n'en avons aucun. Quand on parle d'incitatifs, je défends le régime d'incitatifs d'ordre scientifique. C'est un exemple. C'est sûr que l'anesthésiste qui vient chez nous, qui travaille avec des équipements de qualité, cela demeure pour moi un incitatif d'une grande importance. On tente d'établir une salle d'ophtalmologie chez nous. Là aussi, si on établit un encadrement technique et stimulant pour le spécialiste, à mon sens, il n'y a aucun incitatif financier qui va arriver à côté de cela. Je pense que c'est d'une importance primordiale, la qualité de la médecine et du contexte scientifique en région éloignée.

M. Chevrette: Cette année, vous avez quand même eu une bonne part du gâteau au niveau régional en équipement. Vous avez aussi eu tout l'équipement de l'hôpital de la Baie-James... le surplus, je veux dire. Vous avez quand même été, par rapport à certaines régions, là-dessus, si on parle d'équipement - je vous dis que ce n'est pas le Pérou, c'est cela que je vous dis - assez choyés.

M. Brisset: Sauf que cette année - je vais vous donner un exemple - on a été obligé de refuser un cas de sclérose en plaques chez nous parce qu'on n'avait pas un type d'appareil qui coûte environ 20 000 $. C'est sûr que cela paraît peut-être en principe lourd à transporter, mais dans les faits, quotidiennement, nous sommes en retard par rapport aux grands centres urbains. Cela est extrêmement important

pour attirer nos spécialistes et les garder.

M. Bianki: Je dois vous rendre quand même justice, M. le ministre. Effectivement, cette année, notamment au Centre hospitalier de Rouyn-Noranda, il est entré énormément d'équipement. Je voudrais simplement attirer votre attention sur quelque chose, M. le ministre. Si vous pensez que vous ne pouvez pas donner d'incitatifs aux médecins qui sont déjà installés en région, il faudrait au moins leur enlever l'idée suivante: Pourquoi ne deviendrais-je pas un médecin volant, parce que cela ne me donne rien de plus d'être en région? Il faudrait au moins, parce que cela n'est même pas hypothétique... J'ai un spécialiste en médecine interne qui commence à me dire: Écoute, André, moi je veux bien m'installer à Rouyn et donner une très bonne couverture, mais je ne vois pas pourquoi je ne deviendrais pas un volant parce que j'aurais tous les avantages de vivre à Montréal et je n'aurais aucun des désavantages de vivre à Rouyn.

M. Chevrette: En d'autres mots, il ne faut pas que l'équipe volante devienne plus payante que la résidente.

M. Bianki: C'est ce qui se produit actuellement. Finalement, venir à Rouyn-Noranda pour un volant, cela coûte une heure d'avion. Pour une heure d'avion, il est nourri et logé.

M. Chevrette: Je vais regarder cela. De prime abord, il faudrait qu'on me fasse la preuve et la démonstration que c'est plus payant parce que je ne suis pas certain, non plus, de l'allégation que vous faites. J'ai regardé des chiffres dernièrement et il me semble que ce n'est pas plus payant un médecin qui a la prime d'établissement, qui a la rémunération majorée. Je vais regarder cela. C'est possible que... On ne prétend pas avoir la vérité absolue, non plus, on va regarder cela.

M. Maltais (Roger): Sans que cela soit plus payant, il y a quand même certains avantages, il y a les mêmes avantages au niveau de la rémunération. Disons que pour un spécialiste, il a les 120 % de la même façon que s'il était sur place à Rouyn, mais il n'a pas les inconvénients, comme résident en région éloignée, d'assumer des coûts un peu plus élevés, souvent afférents à la région éloignée. Il n'a pas l'inconvénient de participer aux activités médico- administratives, de participer à l'évaluation médicale, de participer aux comités médicaux, de s'impliquer dans le développement d'une organisation, de faire des gardes de fin de semaine et tout ce genre de choses qui sont afférentes à la pratique de la médecine. Ce sont des gens qui arrivent le dimanche soir, par exemple, en radiologie, et qui repartent le vendredi soir. La fin de semaine, comme on dit, on se débrouille avec nos troubles. Cela pose énormément d'inconvénients aux omnipraticiens qui font de l'urgence de ne pas avoir de radiologiste les fins de semaine, même s'ils sont là durant la semaine. Mais cela ne les empêche pas, durant la semaine, de lire les films qui ont été faits en fin de semaine.

M. Chevrette: Je pense que votre message est compris. Je vous remercie infiniment de vous être déplacés pour nous sensibiliser. Soyez assurés que ce n'est pas tombé dans l'oreille de sourds.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci beaucoup. Bon voyage de retour.

M. Bordeleau: Ce n'est pas pour ce soir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non. Ils vont finir par retourner.

M. Chevrette: Vendredi matin, 7 h 5.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous sommes rendus au dernier groupe.

Une voix: Ils avaient nolisé un avion.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils avaient nolisé un avion, ce n'était pas triste.

L'Association des centres d'accueil du Québec. Je voudrais d'une certaine façon vous remercier de nous avoir signalé l'oubli dont nous nous étions rendus coupables. On avait vraiment tenté de dresser la liste complète. C'est peut-être parce que, la dernière fois qu'on a discuté des effectifs médicaux en centres d'accueil, c'était au moment de la loi 27 et des règlements de la loi 27 et j'avais oublié qu'il y en avait.

M. Dallaire, je vais vous demander de présenter vos collègues.

Association des centres d'accueil du Québec

M. Dallaire (Marcellin): Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs les députés, à mon extrême gauche, Dr Yvette Lajeunesse, qui est aux centres d'accueil Émilie-Gamelin et Armand-Lavergne, de Montréal; à ma gauche immédiate, M. Jean Quintal, conseiller aux affaires professionnelles de l'Association des centres d'accueil du Québec; à ma droite, M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec; à mon extrême droite, M. Jean-Marie Girard, directeur général du centre d'accueil Beaumanoir de Chicoutimi et membre du

conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Dallaire, je vais vous demander, compte tenu que vous avez quand même un mémoire assez dense, de le résumer si possible en 20 minutes.

M. Dallaire: Je vais tenter de piger un peu dans le mémoire...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Dallaire:... à partir des idées que nous osons juger les plus importantes, quitte à répondre en termes d'éclaircissements aux questions des membres de la commission.

On peut peut-être nous situer tout de suite en disant que l'association est un cadre d'établissements comprenant 384 établissements. Cela situe tout de même un cadre important. Le cadre le plus important, c'est 80 000 personnes en difficulté dans le Québec - c'est peut-être l'impression qu'on veut laisser - donc un besoin assez spécial et spécifique en soins médicaux. Cela représente actuellement près de 1000 médecins qui, d'une façon ou d'une autre et suivant un système ou l'autre, pratiquent en centres d'accueil et en centres d'accueil et d'hébergement, dont, au mois de mars dernier, seulement 19 étaient des salariés. Cela vous situe dans une gamme de pratique médicale qui a encore besoin de réajustement.

Notre mémoire vise à donner un éclairage supplémentaire quant à la planification à considérer pour les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées des centres d'accueil pour que ces personnes reçoivent les soins médicaux requis par leur état en quantité et en qualité suffisantes.

Nous faisons état des problèmes éprouvés relativement à l'accessibilité et à la continuité des services médicaux en rapport avec les objectifs poursuivis en centres de réadaptation et en centres d'hébergement. Certains de ces problèmes sont communs aux deux types d'établissements. C'est le cas, notamment, de la disponibilité des services médicaux spécialisés, du manque d'adhésion du médecin aux valeurs et aux objectifs d'intervention de l'établissement, de la rareté des activités préventives ainsi que du manque de connaissances pertinentes des problématiques particulières aux centres d'accueil.

D'autres éléments sont plus spécifiques à l'une ou l'autre des catégories d'établissement considérées. Dans le secteur de la réadaptation, les services de médecine générale disponibles dans les CLSC, les centres hospitaliers, les cliniques ou les cabinets privés répondent assez bien aux besoins des clientèles capables d'y avoir accès dans une démarche de normalisation et d'intégration sociale. Pour la clientèle plus captive et dépendante, l'accessibilité aux services médicaux généraux est parfois limitée à la disponibilité du ou des médecins qui sont rattachés à l'établissement.

De plus, les médecins que le centre réussit à recruter intègrent difficilement dans leur pratique les attitudes et comportements compatibles avec l'approche préconisée auprès d'une clientèle donnée. De même, parce qu'ils ne sont pas bien préparés pour ce type de travail d'équipe, ils sont peu impliqués dans l'élaboration et l'articulation du plan d'intervention multidisciplinaire du bénéficiaire qui est sous leurs soins.

En raison d'une charge de travail peu flexible et d'un horaire fixé généralement en termes de rentabilité, les activités médico-administratives et préventives n'occupent que peu de place comparativement aux activités curatives. La présence du médecin et le type d'intervention qu'il réalise sont fortement conditionnés par un mode de rémunération peu adapté aux conditions de pratique en centre de réadaptation.

Dans le secteur de l'hébergement, la nouvelle réglementation régissant l'organisation médicale est peu appliquée en raison d'un problème aigu de recrutement d'effectifs médicaux. Dans ce contexte, les établissements éprouvent de sérieuses difficultés à nommer un médecin responsable et encore plus à créer un service médical ou un conseil de médecins, dentistes et pharmaciens qui leur permette en outre d'appliquer le décret sur la délégation des actes médicaux.

Ainsi, peu de médecins omnipraticiens sont vraiment intéressés par ce champ de pratique, notamment en raison de la clientèle très âgée et fortement détériorée physiquement ou mentalement. Ceux qui, par choix ou non, acceptent d'y consacrer leur carrière se voient souvent défavorisés sur plusieurs plans, soit la rémunération, les possibilités de formation, recherche ou enseignement sur place ainsi que le peu de rayonnement de ce type d'établissement sur la profession médicale.

D'autres problèmes caractérisent la dispensation des services médicaux en centre d'hébergement en raison surtout du peu de place accordé aux activités médico-administratives. D'une part, la difficulté pour le médecin de faire corps avec l'équipe multidisciplinaire et d'ajuster ses interventions au plan d'intervention et aux objectifs poursuivis par l'établissement; d'autre part, le réflexe spontané de donner à la pratique en centre d'hébergement un caractère de pratique en cabinet privé. Même si le système de rémunération explique, pour une bonne part, ces

difficultés, l'absence d'un plan rationnel de répartition d'effectifs médicaux constitue un autre élément pouvant justifier cet état de fait.

Si on tente de résumer rapidement pour le bénéfice de la commission et pour activer un peu le débat, on pourrait rappeler les points principaux qui, selon nous, doivent être pris en considération pour la planification des effectifs médicaux. Dans le secteur de l'hébergement: Premièrement, l'augmentation du nombre de bénéficiaires en perte d'autonomie sévère amène un accroissement substantiel des besoins en services médicaux, mais tout en rendant plus difficile le maintien d'une "démédicalisation" du milieu.

Deuxièmement, même si la demande est très forte de la part des centres d'hébergement, plus de médecins manifestent un intérêt marqué pour ce champ de pratique et ceux qui le font se voient défavorisés sur plusieurs plans, ce qui enlève à l'établissement un potentiel d'attraction indéniable.

Troisièmement, les facteurs qui donnent au centre d'hébergement un caractère de lieu de pratique de deuxième ordre sont: le système de rémunération inadéquat, le peu de place accordé aux activités médico-administratives ou préventives dans un mode de rémunération qui le permet, l'impossibilité pour le médecin de trouver sur place les conditions favorables à la formation, l'enseignement et la recherche et la difficulté de développer des méthodes d'intervention innovatrices en raison des possibilités limitées d'accessibilité au plus important dispensateur de connaissances dans le domaine de la géronto-gériatrie. (19 h 45)

Quatrièmement, la difficulté pour le médecin de faire corps avec l'équipe multidisciplinaire et d'ajuster ses interventions en fonction du plan d'intervention et des objectifs de l'établissement.

Cinquièmement, le réflexe parfois involontaire de donner à la pratique en centre d'hébergement un caractère correspondant è la pratique en cabinet privé, ce qui défavorise le développement d'un véritable sentiment d'appartenance.

Il faudrait ajouter à ceci le fait que la pratique médicale est différente en milieu de centre d'hébergement. Pour nous donner des exemples de cette spécificité et de cette différence, je demanderais à ce moment-ci au Dr Yvette Lajeunesse de nous parler de cette différence de la pratique médicale en centre d'hébergement.

Dr Lajeunesse.

Mme Lajeunesse (Yvette): Par mon expérience, j'ai pu constater qu'il y a effectivement des différences. Je suis passée de la pratique de bureau à un travail en centre d'accueil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourriez-vous parler plus fort, s'il vous plaît?

Mme Lajeunesse: Je m'excuse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est votre micro, excusez-moi.

Mme Lajeunesse: J'ai pu constater, depuis que je travaille en centre d'accueil, qu'il y a des différences entre le travail de la pratique privée, en bureau, et le travail au centre d'accueil. J'ai dû procéder à des réajustements quant à la formation parce que, quand on travaille en centre d'accueil, il faut tenir compte de certains problèmes propres à la personne âgée mais surtout à la personne âgée en perte d'autonomie, ce qui est différent des personnes âgées que l'on recontre dans nos bureaux.

Quelques exemples de ces différences. Certaines présentations cliniques sont très différentes. Par exemple, une personne confuse qui devient subitement plus confuse, c'est rare que l'on rencontre cela en bureau. Il ne faut pas nécessairement se dire que c'est dû à sa confusion, que c'est sa maladie qui s'aggrave. Bien souvent, ce peut être une pathologie aussi traitable qu'une pneumonie, malgré l'absence des signes classiques qu'on nous a enseignés à l'université et dans les hôpitaux, c'est-à-dire de la température et de la toux. Le seul symptôme que la patiente va avoir, c'est de la confusion. La même chose en ce qui concerne les traitements, les médicaments; les doses de médicaments ne sont pas celles qu'on nous a apprises chez les adultes. Il faut que ce soit vraiment ajusté aux personnes âgées.

Enfin, il y a également des notions de prévention qu'on nous a enseignées qui changent un peu au niveau des personnes âgées de centre d'accueil. La prévention peut être en rapport avec les chutes, avec les plaies de lit, avec la confusion et non plus en rapport avec le tabagisme et les autres choses que nous côtoyons dans une pratique privée.

J'ai également dû apprendre à travailler en équipe multidisciplinaire parce qu'en centre d'accueil on peut retrouver, par exemple, une personne qui fait une paralysie. La récupération de cette personne, même à 80 ans, est possible pour autant que les traitements sont entrepris tôt et de façon concertée.

Enfin, j'ai été obligée de modifier la base même de mon approche aux patients. En bureau privé, j'ai un patient devant moi et cela implique nécessairement un acte médical. En centre d'accueil, des patients me sont assignés et cela n'implique pas nécessairement, chaque fois que je me rends

au centre d'accueil, qu'un acte médical est posé. Ce peut être d'autres types d'actes qui peuvent être des appels à la famille, des appels aux intervenants de l'extérieur, des appels à la curatelle et ces actes sont aussi importants pour le patient qu'un acte purement curatif.

J'ai également appris à me batailler pour faire reconnaître que les personnes âgées avaient les mêmes droits à des services médicaux de qualité. Encore hier, j'ai dû me battre pour cela. On voulait transférer un patient à l'urgence et le service d'urgence nous refusait en disant: Écoutez! c'est une personne âgée, vous connaissez la situation. En été, on coupe des lits; alors, on désire garder nos lits pour d'autres types de personnes. Je pense que les personnes âgées ont le droit aux mêmes soins que les personnes d'autres groupes d'âge.

M. Dallaire: Je me permets de continuer, Mme la Présidente. C'étaient des exemples pratiques et il n'y a rien comme des exemples pratiques pour nous situer dans une problématique de la différence dans la pratique médicale en centre d'accueil d'hébergement.

Dans le secteur de la réadaptation: Premièrement, les services de médecine générale répondent bien aux besoins des clientèles capables d'y avoir accès dans une démarche qui s'inscrit dans un objectif de normalisation et de réintégration sociale.

Deuxièmement, pour la clientèle dont l'autonomie n'est pas suffisante, les services de médecine générale sont ordinairement dispensés par un médecin attaché à l'établissement mais dans les limites et les temps de la disponibilité du médecin.

Troisièmement, les services médicaux spécialisés sont nettement insuffisants autant pour les clientèles autonomes que pour celle qui l'est moins et ce, dans les proportions qui varient selon les régions et selon la perception que se fait le spécialiste du bénéficiaire à traiter.

Quatrièmement, les professionnels médicaux en général ont beaucoup de difficultés à intégrer dans leurs attitudes et comportements la philosophie d'intervention qui est spécifique à une clientèle.

Cinquièmement, les professionnels médicaux s'impliquent très peu dans l'élaboration et l'articulation du plan d'intervention du bénéficiaire qui est sous leurs soins.

Sixièmement, les activités médico-administratives et préventives n'occupent pas la place qu'elles devraient dans l'ensemble des activités du médecin.

Septièmement, le système de rémunération en centre d'accueil est à repenser.

Quelques pistes de solutions: Comme il a déjà été suggéré, les centres d'accueil, les centres d'accueil d'hébergement et de réadaptation doivent définir présentement à leur façon les besoins médicaux et aimeraient que ces besoins soient intégrés à la démarche du CRSSS pour l'élaboration du plan d'effectifs médicaux prévoyant une répartition adéquate des médecins spécialistes et omnipraticiens affectés à la dispensation des services médicaux auprès des bénéficiaires des centres d'accueil de leur territoire. Une première suggestion.

Cependant, pour l'établissement de cette répartition, il faudrait d'abord que des instruments de mesure soient mis au point afin d'identifier avec précision les effectifs requis et que les établissements puissent ainsi fournir un état de leurs besoins réels à partir d'une évaluation de leur clientèle.

Pour assurer une rémunération véritablement adaptée aux conditions de pratique en centre d'accueil et favoriser un meilleur recrutement des médecins, particulièrement en zones éloignées des grands centres, nous croyons que le système actuel de rémunération se doit d'être modifié. Par ailleurs, il serait pertinent que toute nouvelle forme de traitement soit suffisamment souple pour tenir compte des caractéristiques de chaque établissement et laisser aux gestionnaires une certaine marge de manoeuvre sur la composante médico-administrative.

Enfin, pour faciliter la préparation des médecins désireux d'orienter leur carrière vers la pratique en centre de réadaptation ou en centre d'hébergement, il conviendrait de rendre plus simples les mécanismes de reconnaissance de certains centres d'accueil comme établissements affiliés à une institution d'enseignement. Cette démarche aurait ainsi pour effet d'accroître le rayonnement des centres d'accueil et elle contribuerait à en faire des lieux de pratique de premier ordre.

Nous sommes conscients, Mme la Présidente, que d'autres solutions pourraient s'ajouter à celles que nous proposons ici et nous sommes prêts à participer activement à toute recherche d'avenues pouvant conduire à une amélioration sensible de la situation présente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.

M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais remercier les gens des centres d'accueil. J'aurais quatre ou cinq questions. Vous dites dans votre mémoire qu'il y a des difficultés à voir un spécialiste - presque au début - et vous revenez à la réadaptation en ajoutant ceci: Lorsqu'on a un patient retardé mentalement, les reports sur la liste se font de plus en plus grands. D'abord, est-ce que c'est généralisé? Deuxièmement, est-ce que c'est

pour l'ensemble de la clientèle pour ce qui est de la deuxième partie, en réadaptation ou si c'est vraiment exclusivement pour les patients retardés mentalement? Troisième question, en quoi attribuez-vous les difficultés de voir un spécialiste?

M. Dallaire: Pour les spécialistes, prenons peut-être un premier exemple dans le cas de centres d'accueil pour personnes avec une déficience intellectuelle. Il pourrait arriver une intervention à caractère spécialisé tout à coup quand la demande se fait pressante - et je pense qu'on pourrait avoir des faits là-dessus - et on va peut-être laisser attendre un peu plus longtemps une personne à cause, peut-être, d'un préjugé que je ne peux pas juger. Elle sera plus longtemps sur la liste d'attente et d'autres personnes qui sont ce qu'on appelle généralement normales passeront avant pour une intervention à caractère spécialisé et élective. Je pense qu'on pourrait citer des exemples là-dessus.

C'est peut-être un peu moins évident, mais on nous présente des choses similaires avec des personnes âgées où on va dire: La personne étant assez vieille, à l'heure actuelle, on peut peut-être retarder un peu l'intervention. Si le docteur veut, compléter là-dessus, je pense que c'est ça, ta situation. C'est une attitude plus qu'une liste de cas qui pourrait se faire importante. On peut présenter aussi des cas de spécialistes qui sont plus difficilement disponibles et dans les centres d'accueil pour mésadaptés socio-affectifs je crois que ce sont surtout les psychiatres qui sont plus difficilement disponibles dans ces centres d'accueil.

M. Cloutier (Pierre): Les références, effectivement, en psychiatrie, dans les cas, par exemple, de mésadaptation sociale et, à l'occasion, de certains handicapés mentaux où les diagnostics sont complexes, etc., cela manque énormément. Il y a les centres d'accueil d'assistance-maternité aussi qui ont à l'occasion des besoins de recours aux spécialistes en psychiatrie et où on retrouve exactement les mêmes problématiques pour pouvoir avoir accès à ces consultations, ce qui très souvent retarde aussi la capacité des équipes d'intervention de pouvoir commencer un travail adéquat, d'avoir l'ensemble des informations nécessaires pour qu'on sache alentour de quel problème on travaille plus spécifiquement.

M. Chevrette: Une autre question. Vous dites que les médecins ont peu ou pas d'intérêt à aller travailler dans les centres d'accueil. Vous faites une allusion au mode de rémunération un peu plus loin. Est-ce que ce serait une des causes majeures? Si oui, quel type de rémunération? Avec les projets que nous avons conclus avec la FMOQ, est- ce que vous croyez que ce n'est pas de nature à améliorer cela?

M. Dallaire: Peut-être que je répondrais à la première partie. C'est un des facteurs, la rémunération, mais l'autre facteur également, ce que l'on constate généralement et que l'on entend fréquemment, c'est que c'est un peu moins intéressant de pratiquer dans un centre d'accueil parce que la situation de la personne est relativement stable, les chances de ce qu'on pourrait appeler une guérison sont peut-être un peu moins grandes. C'est plutôt la prévention, de l'entretien, du maintien et du développement des qualités de vie. C'est un facteur ou c'est un secteur qui est relativement nouveau. En ce qui a trait à la rémunération, M. Cloutier.

M. Cloutier: Une chose assez surprenante, M. Chevrette, pour répondre à votre question: par exemple, en centre d'accueil d'hébergement, l'acte médical est rémunéré de 12 % ou 14 % moins qu'en centre hospitalier de soins prolongés. C'est exactement la même clientèle ou à peu près. Je ne sais pas scientifiquement d'où cela vient. C'est peut-être vrai historiquement, les bases, que ça avait des nuances. Je pense qu'aujourd'hui c'est une réalité qu'il faudrait revoir. La distinction entre le cabinet privé et la pratique en établissement est encore là. C'est une forme d'incitatif à tout le moins qu'on peut qualifier. Dès le départ, l'incitation à intéresser des futurs professionnels dans ce genre de clientèle existe très peu. C'est très récent que dans les universités on commence à se préoccuper de cette dimension de la population vieillissante, par exemple. Je suis loin d'être sûr qu'on attaque le problème avec suffisamment d'agressivité en termes de formation, en termes de sensibilisation, de stages que les jeunes médecins peuvent faire en formation dans les centres d'accueil.

Par exemple, de pouvoir être affilié à un centre universitaire pour la formation des jeunes médecins et pour les stages, ce seraient des façons de pouvoir en intéresser un certain nombre d'entre eux. C'est un certain nombre de facteurs cumulatifs qui font en sorte que la pratique devient une pratique de deuxième ordre. (20 heures)

L'autre dimension - et peut-être que le Dr Lajeunesse peut ajouter quelque chose là-dessus - c'est qu'en établissement du genre centre d'accueil, la perception des médecins, c'est de voir une série de clients, d'être pris entre le bureau privé et l'hôpital, et il faut que je passe au centre d'accueil parce que j'ai aussi mes vieux patients à aller voir là. Ils ont une moyenne d'âge de 82 ans, on ne fera pas de hautes performances médicales et on ne passe pas à la télévision parce

qu'on a soigné une personne âgée, vous savez. C'est mieux de transplanter des coeurs. Vos chances sont plus grandes, en tout cas. Dans ce sens-là, les médecins pratiquent de façon solo en centre d'accueil et de façon très individuelle. On ne réussit pas à créer un "noyau de discussions scientifiques" - entre guillemets - autour de la problématique spécifique que la gérontogériatrie apporte. Dans ce sens-là, c'est vu comme une pratique de second ordre. Vous voyez aussi souvent des médecins qui veulent changer leur forme de pratique - en préretraite, par exemple - qui, pour changer de clientèle, vont commencer à s'intéresser à la pratique en centre d'accueil. Cela fait globalement une médecine de second ordre et la tendance de vraiment développer un intérêt professionnel autour de ce genre de clientèle n'est pas présente globalement dans la société des médecins en ce moment.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Cloutier, j'aimerais vous poser une question; vous pourrez peut-être me rafraîchir la mémoire. Les règlements de la loi 27 ou peut-être la loi 27 elle-même - cela commence à faire loin - ne prévoyaient-ils pas - ce n'était évidemment pas un conseil de médecins et dentistes à l'intérieur des centres d'accueil - un bureau médical? Est-ce que cela est en marche? Vous dites que les médecins ont moins de motivation. On avait senti à ce moment-là des tensions entre le personnel des centres d'accueil et les médecins parce que, souvent - je pense que le Dr Lajeunesse l'a mentionné, c'est-à-dire qu'elle l'a présenté sous une autre forme - la conception des soins n'était pas la même. D'abord, ma première question - il me semble que c'était "bureau médical" qu'on devait l'appeler, si ma mémoire est bonne - est-ce qu'il est en place et est-ce que cela a permis d'apporter une meilleure cohésion ou un certain sentiment d'appartenance au personnel médical? La deuxième partie: Est-ce que ces tensions se sont atténuées? C'est ce que je voulais vous demander.

M. Cloutier: Pour la deuxième partie -et j'ai demandé à M. Quintal de vous donner l'information pour la première partie -effectivement, on commence à pouvoir sensibiliser les médecins à une autre forme pour aborder la question. Je pense que le travail qui est fait en ce moment sur le terrain va faire en sorte qu'on va diminuer les tensions dont vous parlez. La conception des médecins qui pratiquent auprès des personnes âgées est relativement différente. On utilise le mot "démédicalisation" dans notre mémoire en parlant des médecins. C'est un peu spécial, mais c'est à bon escient qu'on le fait. Il n'est pas dans les intentions du réseau des centres d'accueil québécois de transférer le modèle hospitalier, curatif, avec les mêmes conceptions du rôle du médecin dans ce genre d'équipe de travail, dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil. L'approche bio-psycho-sociale, cela a peut-être l'air théorique quand on prononce le mot, mais, en pratique, on veut vraiment tenir compte de l'ensemble des besoins des gens. On veut que le médecin s'intéresse à ces dimensions. Dans ce sens-là, je pense que, progressivement, il y a moyen de diminuer les tensions et certains travaux, notamment de l'association, du ministère, par exemple, sur le projet pilote dont on parle, des colloques qu'on fait...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela pourrait être encore un facteur qui fasse que l'attraction, même si elle n'est pas grande au point de départ, soit diminuée parce que cela oblige à une forme de recyclage, si je puis dire, de la pratique médicale.

M. Cloutier: C'est une nouvelle... Le témoignage du Dr Lajeunesse était le plus important. Elle disait: Cela m'a obligée à voir les choses différemment en termes de pratique de médecin. Cela est une source de tension quand le modèle hospitalier, par exemple, est importé dans les centres d'accueil et d'hébergement à peu près tel quel. Cela pose un certain nombre de problèmes parce que les autres participants de l'équipe de santé ne voient pas tout à fait les choses de la même façon, mais le temps joue pour nous dans ce sens-là, je pense, malgré l'alourdissement de la clientèle. Cela est notre grande crainte, parce que le nombre d'interventions des médecins va croissant, c'est bien certain, et leur nécessité, à l'intérieur de nos équipes de travail, est de plus en plus importante.

M. Chevrette: Vous vivez les mêmes problèmes dans les milieux externes, si j'ai bien compris votre mémoire. Exactement de la même nature?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais avoir ma réponse sur le bureau médical, après.

M. Dallaire: Si on prend les centres de jour pour personnes âgées...

M. Chevrette: Excusez, j'ai interrompu madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais avoir ma réponse sur le bureau médical.

M. Chevrette: Elle est présidente, imaginez-vous qu'il ne faut pas faire cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II

faut dire qu'on fait cela d'une façon un peu informelle, la période des questions. Sur le bureau médical?

M. Quintal (Jean): Oui. Au moment où on a fait une enquête, en mars 1984, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, le 1er octobre 1984, nous avions interrogé les établissements. Sur 146 établissements qui avaient répondu, il y en avait 50, soit 34 %, qui avaient un médecin responsable et, possiblement - ce n'était pas demandé officiellement - on présumait qu'il y avait au moins un médecin responsable qui était en fonctions à ce moment-là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quant à la réglementation, maintenant...

M. Cloutier: Je me permets d'ajouter qu'on a encore un certain nombre de discussions avec le ministère des Affaires sociales quant à l'application de la réglementation en question et qu'il y a des documents-guides qui doivent paraître bientôt, dont on discute le contenu depuis un certain temps, qui vont faire en sorte qu'on devrait pouvoir ajouter au chiffre qu'on vous donne. Depuis octobre 1984, qui était la date d'application, la situation s'est légèrement améliorée, mais pas d'une façon très significative.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que ce n'était pas une obligation qu'il y ait cette structure à l'intérieur du centre d'accueil?

M. Cloutier: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est dans la loi.

M. Cloutier: Ce n'est pas une obligation au sens... Il y a différentes options qui sont données aux centres d'accueil...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Cloutier:... le conseil des médecins et dentistes, etc.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, oui.

M. Cloutier: Les gens peuvent choisir la date d'application de ces choses. C'est un certain nombre de choix possible, mais les gens n'ont pas encore assimilé complètement ce que veulent dire les contenus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, normalement, il devrait y avoir une structure quelconque qui se mette en place au niveau médical.

M. Quintal: Le minimum étant un médecin responsable.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. D'accord.

Une voix: C'est l'évolution.

M. Girard (Jean-Marie): Ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que certaines régions n'ont même pas les médecins nécessaires pour constituer l'équipe, parce que le choix qu'ils font, c'est de venir uniquement à l'acte. Alors, ils ne sont pas intéressés, en aucune façon, parce que leur clientèle au bureau ou à l'hôpital est tellement forte... Ils viennent nous voir, mais c'est par regorgement. Alors, ils vont faire un choix, c'est-à-dire de venir une fois par mois ou une journée dans la semaine pour passer peut-être les 50 bénéficiaires, sauf qu'ils n'ont pas le goût d'aller plus loin et même, je peux vous dire que dans la région 02 il n'y a pas un seul médecin qui est responsable attitré. J'en avais un et il a donné sa démission hier.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'êtes pas chanceux.

M. Girard: On n'est pas chanceux. Au niveau de la formation des comités, la difficulté que nous avons, c'est que les médecins ne sont pas intéressés à y participer; là, toute la question qui nous est posée et qu'on pose ici dans notre mémoire est la suivante: Quelle sera la forme que cela devra prendre en termes de souplesse? Est-ce que ce sera à vacation? Est-ce que ce sera au salariat"? En fait, l'établissement veut vraiment avoir la capacité de choisir le moyen qui lui sera le plus utile.

En ce qui concerne les centres de jour et les externes, le problème s'amplifie davantage, parce qu'en réalité, si on n'en a pas pour les résidents, en ce qui concerne les externes, souvent, les médecins pensent que, parce que le client fait affaires avec le centre d'accueil, tous les problèmes sont réglés. Souvent, le médecin va se décharger de cette responsabilité en tenant pour acquis que le centre d'accueil a pris sous sa responsabilité la personne âgée à l'externe. Donc, pour nous, le problème est encore plus grand, parce qu'on a à desservir aussi cette population.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: En tenant pour acquis, à la suite des suggestions qui ont été émises par votre groupe et par d'autres qui ont comparu devant cette commission, que votre cas va être calculé dans ce qu'on appelle l'établissement des effectifs médicaux sur

une base régionale, en tenant pour acquis qu'on vous donne raison, en vous disant qu'en ce qui concerne les médecins généralistes le temps joue, pour utiliser votre expression, en votre faveur, il m'apparaît, suivant une des conclusions qu'on retrouve à la page 20 de votre mémoire et qui parle des services médicaux spécialisés, et suivant d'autres témoignages qu'on a recueillis au cours de cette commission parlementaire, que sur le plan des spécialistes, non seulement le temps ne joue pas en votre faveur, mais le temps joue en votre défaveur et cela risque de s'aggraver. Le problème que vous vivez présentement, de quelle façon percevez-vous cela?

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre les autres mémoires, la question des 60 %-40 %, du contingentement en ce qui concerne les spécialistes, etc. Est-ce que vous avez des recommandations à nous faire ou si ce que je viens de vous dire ne vous apparaît pas comme un problème?

M. Dallaire: C'est le même problème, c'est-à-dire qu'il est extrêmement difficile d'avoir un spécialiste pour une intervention, disons, au centre d'accueil. C'est presque impensable. Donc, c'est le transport vers le centre spécialisé au départ. La consultation sur place, ce n'est pas pensable comme premier point.

Deuxièmement, le spécialiste n'est pas si facilement accessible que cela, surtout si on prend l'exemple des personnes avec un handicap intellectuel. On va les mettre sur la liste et on va les laisser attendre; ils peuvent attendre assez longtemps. Ce n'est pas facile non plus d'obtenir une intervention, disons, une chirurgie corrective. Tout à coup, on va dire: Cela dépend, etc. La chirurgie corrective n'arrivera pas à moins qu'il y ait de bonnes pressions du groupe du centre d'accueil pour définir que cette chirurgie est importante pour le développement de la personne. Non, on est dans la même situation que celle que vous mentionnez. Ce n'est pas plus facile présentement.

M. Paradis: Maintenant, sans faire la lecture, dans les paragraphes quatre, cinq ou six, en des termes tellement bien dits, vous reflétez une situation que vous semblez vivre, c'est-à-dire cette absence d'intérêt, si je peux utiliser ce terme, multidisciplinaire de l'ensemble des médecins, que ce soient les médecins spécialistes ou les médecins omnipraticiens.

Disons qu'au point de vue de la fréquence de l'acte, le temps joue en votre faveur avec des effectifs mieux répartis, etc., mais sur cette question de l'attitude multidisciplinaire du corps médical, est-ce que vous avez l'impression qu'il y a des progrès qui s'effectuent et qui sont quantifiables de mois en mois dans les expériences que vous vivez?

M. Cloutier: De mois en mois, vous savez, la plus grande qualité c'est d'être jeune dans ce genre de dossier, ce qui est de moins en moins mon cas. Le fait que le nombre de personnes âgées va devenir un problème très crucial - et on en parlait récemment à cette même place au sujet des relations du travail et des négociations - va faire en sorte que le système médical et de santé social va lui-même être confronté à la situation. Cela, c'est une marche de non-retour.

Dans ce sens, le nombre de médecins quotidiennement confrontés à des problèmes de personnes âgées va faire en sorte qu'ils vont devoir se préoccuper de cela davantage. Je pense que le constat qu'ils vont faire, obligatoirement, c'est celui que le Dr Lajeunesse a fait peut-être dix ans avant les autres, c'est de constater que les personnes âgées, notamment en centre d'accueil, mais aussi comme personnes âgées, ne se traitent pas totalement comme l'ensemble de la population. Il y a des besoins spécifiques et il y a des façons particulières d'intervenir.

La notion d'équipe multidisciplinaire, pour ce qui est des centres d'accueil, c'est une volonté ferme que cela puisse s'installer, et du côté de l'association c'est une idée qu'on défend et qu'on continue de promouvoir. Je pense que les gens qui vont venir y travailler vont devoir regarder cela de près. Juste le papier qui s'appelle chez nous le "plan d'intervention" oblige un certain nombre de personnes à s'asseoir alentour des tables, donc des médecins...

M. Paradis: Mais sur le plan de la formation - parce qu'il faut toujours remonter à la source - ce qui se produit dans le système universitaire - les contacts que vous avez ou que vous n'avez pas, je ne sais pas, avec le milieu universitaire - vous permet-il de percevoir sur le plan de la formation du médecin comme tel une amélioration dans cette direction?

M. Dallaire: Ce sont pratiquement les premiers cours qui commencent à se donner. Docteur, je vais vous laisser... (20 h 15)

Mme Lajeunesse: Oui, Il y a effectivement une amélioration, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les hôpitaux. Dans certains hôpitaux où on a des unités de gériatrie, actuellement je pense que le stage est volontaire, mais je crois qu'il va devenir obligatoire. Alors, à ce moment, je pense que les médecins, en ayant une approche beaucoup plus globale, vont réaliser que la médecine gériatrique ce n'est pas une médecine d'adultes habituelle. Ils vont répondre, à ce moment-là beaucoup mieux.

M. Paradis: Est-ce que je peux conclure en disant que sur le plan de l'omnipraticien et même de celui qui se spécialise en gériatrie - si on peut utiliser cette expression parce que c'est un contentieux qui n'est pas encore réglé, en gériatrie - l'avenir semble prometteur? Sur le plan des spécialistes il semble y avoir des carences?

Mme Lajeunesse: Oui.

M. Cloutier: Dans la mesure où on va sensibiliser dès le départ les jeunes médecins à l'importance de la clientèle à laquelle ils vont avoir à répondre tantôt... Cela représente presque 20 % au moins des clients qu'ils vont voir à leur bureau; c'est 10 % de la population, mais c'est au moins le double de visites de la moyenne des autres. Cela veut dire que, une fois sur cinq, ils vont être confrontés à ces problèmes. J'ai l'impression qu'ils vont devoir s'y intéresser.

Je veux vous citer deux autres choses. La première, c'est qu'on a fait un colloque au mois d'octobre sur la pratique médicale en centre d'accueil et il y avait 110 médecins qui travaillent en centre d'accueil à ce colloque parmi 350, 400 personnes qui y ont assisté. Pour moi, c'est le genre de choses qui, je pense, nous permettent d'entrevoir que les gens commencent à s'intéresser à cela.

Par contre, négativement, je dois vous dire que les milieux universitaires, étant donné la situation presque intellectuelle des centres... il n'y a pas beaucoup de grands spécialistes en centre d'accueil et d'hébergement notamment, il n'y a pas de grands docteurs pour préparer des projets de recherche. À peu près tous les projets de recherche - ce n'est pas à peu près, c'est tous les projets de recherche - présentés par un centre d'accueil ordinaire - du vrai monde qui fait de l'ouvrage sur le terrain, et j'ai des exemples à vous donner en liste, sériés -sont refusés parce que ce n'est pas signé par un Ph. D. de telle place, et que les recherches on se distribue cela entre nous. Bien sûr, on n'est pas dans ce circuit parce que nous sommes avec des préposés aux bénéficiaires, des infirmières et des auxiliaires qui font du travail sur le terrain.

En termes d'intérêt scientifique et de faire en sorte que les facultés de médecine et autres développent des perspectives sur ce genre de choses, je vous dis: Là-dessus, je suis beaucoup trop vieux pour pouvoir voir comment on va en sortir. On ne l'a pas, l'affaire. C'est une dimension qui n'est pas sans signification. On est dans des milieux de professionnels, d'intellectuels qui s'intéressent à la dimension scientifique. On n'en fait pas de recherche en centre d'accueil; on en fait peut-être dans quelques cercles universitaires mais cela n'atterrit pas chez nous, on n'est pas connecté là-dessus et les pistes, en ce moment, ne sont pas établies pour que cela puisse se faire; cela, c'est grave. Excusez-moi.

M. Paradis: Pas d'excuse, il n'y a pas d'offense.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux dire à l'ACAQ que je trouve son approche intéressante, sur le plan des effectifs médicaux. Je partage votre point de vue. Je trouve intéressant, également, la perspective de faire en sorte que les centres d'accueil puissent être affiliés à certains centres universitaires. On pourra en parler plus longuement si l'occasion nous est donnée prochainement. Je trouve intéressant cette perspective d'ouverture et de faire en sorte d'humaniser les soins dans les centre d'accueil. Je voudrais vous féliciter, vous avez fait cela comme une équipe multidisciplinaire. Je voudrais également souhaiter bonne chance au président; il va faire un excellent directeur d'hôpitaux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui devient directeur d'hôpital?

M. Chevrette: M. Dallaire. Une voix: Quel hôpital?

M. Chevrette: À Saint-Georges de Beauce.

M. Paradis: Brome-Missisquoi va perdre un autre actif.

M. Dallaire: On pourra négocier tout à l'heure.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup et je pense que vous avez été obligés aussi de produire cela assez rapidement, compte tenu du fait que la communication ne s'est pas faite dès le début.

M. Cloutier: C'est heureux, c'était une longue fin de semaine.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela a l'air qu'on a tous eu le même sort. Merci beaucoup et à bientôt.

M. Dallaire: On vous remercie beaucoup, Mme la Présidente et messieurs de la commission. Et je pense que, là-dessus, pour nous, c'est encore un sujet de recherche et on participera certainement à toutes les démarches qui continueront dans ce domaine.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien. Nous ajournons les travaux de la commission à demain, 23 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 20)

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