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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 23 mai 1985 - Vol. 28 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur les horaires de gardes supplémentaires des médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique et la planification de la main-d'oeuvre médicale


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit pour une troisième journée, pour procéder à une consultation particulière sur les horaires de gardes supplémentaires effectuées par les médecins résidents et internes ainsi que les unités d'enseignement clinique, et pour examiner également la planification de la main-d'oeuvre médicale et la surveillance dans les urgences.

Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Desbiens (Dubuc), Gravel (Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Leduc (Fabre), Middlemiss (Pontiac), Paradis (Brome-Missisquoi), Paré (Shefford), Pratt (Marie-Victorin), Sirros (Laurier). M. Chevrette (Joliette), ministre des Affaires sociales, est membre de la commission pour l'exécution de ce mandat.

Je voudrais vous indiquer, Mme la secrétaire, que M. French, le. député de Westmount, remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance) et que Mme Dougherty (Jacques-Cartier) remplace M. Sirros (Laurier). Également, pour l'audition du prochain mémoire, M. Godin, ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, est membre de la commission.

M. Chevrette: Et M. Bérubé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non. Il vient comme témoin. Ah! Il est rendu là.

M. Bérubé: Bonjour, madame.

M. Chevrette: Donnez-moi la liste.

M. Bérubé: Permettez-moi de vous saluer, vous souhaiter un bon avant-midi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est seulement cet après-midi que vous étiez invité.

M. Bérubé: Avant-midi ou après-midi?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Après-midi, Avant-midi. C'est M. Godin, cet après-midi.

M. Bérubé: Pour l'instant, je me joins avec beaucoup de plaisir à vos travaux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, il remplace M. Lavigne (Beauharnois).

M. Bérubé: Je vous promets d'être sage, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes toujours sage.

M. Chevrette: Je l'assois à ma droite, madame, et je m'en occupe.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais inviter immédiatement le Comité de l'Association des médecins diplômés hors Québec, dont le président est le Dr Bien-Aise. Si lui-même et ceux qui, avec lui, doivent intervenir veulent bien se présenter à la table! Dr Bien-Aise, si vous voulez bien présenter vos collègues, s'il vous plaît!

M. Bien-Aise (Yves): À ma droite, nous avons le Dr Cornea, le Dr Van Nho; à ma gauche, le Dr Nasri, le Dr Toussaint, et M. Pereira. Au centre, c'est le Dr Bien-Aise.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais simplement rappeler, avant que vous commenciez que le Comité de l'Association des médecins diplômés hors Québec, comme je le mentionnais hier, a été en quelque sorte, en partie du moins, l'élément déclencheur d'un des aspects que cette commission examine: les effectifs médicaux. C'est à la suite de plusieurs requêtes qui nous avaient été adressées de votre part, tant à moi-même qu'au ministre, que je pense que vous avez aussi rencontré personnellement, que la commission a décidé d'un commun accord, tant du côté gouvernemental que du côté ministériel, de vous entendre pour essayer de faire le plus de lumière possible sur la situation à laquelle vous faites face. Nous avons également convoqué pour cet après-midi le ministre de l'Immigration, qui tout de même a exprimé le désir de siéger ce matin parce que, comme il est, en ce qui touche les aspects

de l'immigration, bien au courant des problèmes qui se posent, il voulait participer à la discussion. Je pense que cela ne pourra qu'apporter plus de lumière à tous les membres de la commission et faciliter les décisions qui, par la suite, pourront être prises par le gouvernement.

Dr Bien-Aise, comme votre mémoire est assez court, je pense que je n'ai pas besoin de vous demander de vous en tenir à 20 minutes. Je pense que cela nous donnera plus de temps par la suite pour des questions de part et d'autre. Si vous voulez y aller, Dr Bien-Aise.

Comité de l'Association des médecins diplômés hors Québec

M. Bien-Aise: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, aujourd'hui, l'Association des médecins diplômés hors Québec, à la suite de l'invitation du ministère des Affaires sociales, sur demande du leader du gouvernement, se propose d'exposer devant ladite commission une situation portée maintes fois et sans succès à l'attention des organismes concernés.

À ce tournant de l'évolution de notre dossier, nous sommes convaincus que cette concertation saura apporter à notre problème la solution qu'il requiert.

Notre situation. Nous sommes tous des médecins diplômés hors Québec établis définitivement dans la province. Depuis des années, nous avons tous notre lettre d'admissibilité à l'internat, rotatoire, stage obligatoire qui doit permettre subséquemment l'obtention de la licence nécessaire à la pratique de la médecine au Québec. Cependant, jusqu'à présent, nous nous heurtons à des refus répétés, pour des raisons que nous tenterons d'expliquer plus loin.

Causes de cette situation. Du côté du gouvernement, une politique vraiment trop restrictive au cours de ces dernières années vis-è-vis des médecins immigrants. En effet, depuis 1981, à la suite d'une directive du ministère des Affaires sociales, il y a eu réduction de moitié du nombre des postes d'internat réservés aux médecins diplômés de l'extérieur. De 60, le nombre de postes est passé à 30 par année, dont 15 reviennent aux Québécois d'origine ayant étudié à l'étranger. Les 15 postes restants sont répartis entre les Néo-Canadiens, immigrants et réfugiés. De plus, le gouvernement ne se soucie guère du mode de répartition de ces postes, pourtant en nombre restreint. Est-ce une façon de ne pas s'immiscer dans le domaine des universités?

Une mauvaise foi manifeste: l'an dernier, lors des pourparlers avec le ministère des Affaires sociales, il était entendu que nous irions pour quelques années dans les régions éloignées qui, depuis quelque temps, souffrent d'une pénurie de médecins, moyennant que le gouvernement assouplisse le contingentement imposé, jusqu'à l'intégration complète des médecins en attente. Or, seulement 20 postes supplémentaires ont été accordés.

Cette année, on est retourné à une situation pire qu'auparavant: le gouvernement n'a pas jusqu'à présent attribué de postes supplémentaires, mais les 30 médecins choisis pour 1985-1986 sont avisés qu'ils devront se rendre pour trois ans en régions éloignées. Nous vous laissons le soin de juger de pareille attitude.

À ce chapitre, le Dr Toussaint va vous lire l'avis qui nous a été envoyé.

Mme Toussaint (Edwine): "Le comité de sélection désire vous aviser que, suite aux entrevues tenues en janvier 1985, 60 candidats à l'internat rotatoire ont été sélectionnés pour les deux prochaines années, soit 1985-1986 et 1986-1987. Il en résulte que, pour l'internat débutant le 1er juillet 1985 et le 1er juillet 1986, tous les postes sont comblés en conformité avec le contingentement imposé par le gouvernement. Il n'y a donc plus de postes d'internat disponibles avant le 1er juillet 1987 à moins que les autorités gouvernementales décident d'accorder des postes supplémentaires. Cet avis vous a été envoyé afin que vous soyez informés de la situation et que voua puissiez planifier votre avenir en conséquence. C'est avec regret que le comité de sélection des facultés de médecine du Québec ne peut vous aider. Pour et par le comité de sélection. Le Dr Guy Lamarche. "

M. Bien-Aise: C'étaient les causes de notre situation du côté du gouvernement. Maintenant, du côté des universités. Une latitude trop grande est laissée à un comité de sélection, très peu imbu du problème des immigrants et de leur dynamique au sein de cette société québécoise en mutation, d'appliquer à sa guise une politique déjà très dure en elle-même. En effet, une discrimination de fait est pratiquée à notre endroit car, depuis le contingentement, les minorités visibles ont été les plus pénalisées, si bien qu'actuellement nous formons la majorité du groupe à problème. Je pense que, Mme la Présidente, îl suffit de jeter un coup d'oeil et puis c'est déjà suggestif. De nombreuses données indiquent que certaines catégories de candidats, notamment de l'Europe francophone, ont pu accéder sans inconvénient à des postes en nombre pourtant restreint sans avoir rempli les conditions minimales d'acceptation, alors que d'autres candidats, avec leur dossier complet, ont été refusés, c'est-à-dire des Haïtiens, des Égyptiens, des Pakistanais, des Vietnamiens

et des Indiens. Pour la répartition des postes, ce comité semble donc curieusement associer compétence et pays d'origine.

De plus, ce comité a décidé, sans préavis aucun et de façon arbitraire de choisir pour deux années consécutives, soit 1985-1986 et 1986-1987. Les médecins restants, constitués, nous le rappelons, en majorité des minorités, ont été avisés de planifier leur avenir", comme vient de le dire le Dr Toussaint.

À un système aussi dur pour les groupes minoritaires vient également s'ajouter un phénomène nouveau, celui des médecins boursiers de leur pays qui, on ne sait comment, obtiennent un statut de moniteur et peuvent poursuivre leur formation, ceci totalement en dehors du système de contingentement.

Les conséquences maintenant de cette situation. Des tendances dépressives s'installent de plus en plus chez plusieurs d'entre nous. Les longues années d'attente, les refus répétés, le mépris du comité de sélection nous poussent de plus en plus au désespoir. L'aide sociale, à laquelle bon nombre d'entre nous ont été forcés de recourir, ne fait qu'aggraver notre frustration et notre sentiment d'être rejetés par une société à laquelle nous appartenons et à laquelle nous pouvons être d'un grand service, comme en témoignent nos propositions d'aller en régions éloignées.

Nos propositions. Depuis plusieurs mois, de multiples démarches ont été entreprises auprès du ministère des Affaires sociales en vue d'obtenir une solution définitive à la situation que nous vivons. Dans un désir évident de conciliation, nous avons proposé au ministère des Affaires sociales d'établir, dès cette année, une politique objective visant à intégrer le groupe de médecins en attente, dans un délai raisonnable de moins de trois ans. Comme nous l'avions soutenu depuis l'année dernière, nous sommes toujours disposés à aller en régions éloignées combler la pénurie de médecins qui ne cesse de s'aggraver. En témoigne l'annonce faite par le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue dans le journal La Presse des samedis 30 mars et 6 avril 1985. On comprend aisément ce cri de désespoir car cette région, à elle seule, a un besoin urgent de 101 médecins. Je peux vous dire qu'il y a d'autres régions qui ne sont pas listées ici. Il y a beaucoup de demandes et, hier encore, au cours de la séance de la commission, on a entendu des chiffres vraiment astronomiques relativement à cette pénurie.

En dépit de tout, le gouvernement ne semble pas pressé de bouger. L'attitude nonchalante du ministère des Affaires sociales en réponse à nos démarches explique, d'ailleurs, notre présence devant cette auguste assemblée. Le gouvernement ne se rend-il pas compte qu'il fait du tort non seulement à ces populations si durement éprouvées, mais aussi à nous, médecins établis définitivement dans la province et impatients de mettre notre savoir à leur service?

Mme la Présidente, je voudrais, en guise de conclusion, faire un petit laïus pour dire aux membres de la commission parlementaire que celle-ci est un exemple indiscutable de démocratie. Sur ce, je peux dire que tout Québécois se doit d'être fier d'appartenir à cette province. Parlant de la commission parlementaire, je peux dire qu'elle est bénéfique, en ce sens qu'elle nous a servi de banque d'informations parce que, jusqu'ici, nous n'en avions pas. À partir des deux séances antérieures, on a appris des choses qu'on ignorait jusqu'alors. Je peux dire que, comme il n'y a pas de bonheur sans chagrin, cette commission a servi aussi à augmenter notre frustration parce que, face à certaines révélations, on explique facilement cette augmentation de notre frustration parce qu'on a vu que tout est clair: on pourrait servir et pourtant, nous sommes là encore à attendre un poste qui nous a été jusqu'à présent refusé.

D'un autre côté, je voudrais que vous remarquiez le ton pacifique de notre exposé. On aurait pu être plus explosifs, mais nous savons pertinemment que nous sommes des petits, nous sommes vulnérables, nous sommes faibles; c'est pourquoi on a voulu faire nôtre la vérité, parce que nous croyons que la seule chose indestructible est la vérité. On peut détruire l'homme, mais la vérité, on ne la détruira jamais.

Naturellement, la vérité est indestructible, mais, quand même, si petite soit-elle, elle peut choquer. Comme le dit le proverbe: "Toute vérité n'est pas bonne à dire. " Souvent, l'homme a cela en lui-même. On peut torturer, on peut faire du mal, mais il ne faut pas réagir. On ne réagit pas, le problème demeure; on réagit, on nous porte grief. C'est assez drôle.

De toute façon, je pense que c'est écrit même au frontispice de l'Assemblée: "Dieu et mon droit". Je crois que ce n'est pas pour rien qu'on l'a mis.

Mme Toussaint: On a ajouté: "Honni soit qui mal y pense!" Nous sommes en train de défendre notre vie et notre avenir. Ce que nous disons, c'est la vérité, il n'y a aucune attaque personnelle de notre part. Alors, honni soit qui mal y pense!

M. Chevrette: Dommage que ceux qui ont défilé ne soient pas tous ici!

M. Bien-Aise: Donc, pour que la commission soit vraiment positive, nous espérons que des recommandations objectives seront faites et seront appliquées dans le

meilleur délai. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, Dr Bien-Aise. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais remercier nos invités. Je les trouve peu bavards dans leur mémoire. Durant la brève rencontre que j'ai eue avec vous, il me semble qu'il y avait plus de jus qu'il n'y en a dans votre mémoire. C'est pour cela que je vais consacrer quelques minutes à vous faire répéter ce que vous m'avez confié. On n'ira pas dans les détails de nos petites farces, mais je vais tenter de vous faire répéter ce que vous m'avez raconté, tout d'abord sur le type de sélection à laquelle vous avez assisté ou que vous avez vécue. J'aimerais qu'on clarifie les entrevues, avant d'aborder le problème du contingentement comme tel avec vous.

Vous avez vécu des expériences personnelles, vous tous à la table; j'aimerais que quelques-uns nous racontent comment ils ont vécu le mode d'entrevue pour recevoir, après dix minutes, une lettre.

M. Bien-Aise: Je vais essayer de vous répondre le plus succinctement et le plus clairement possible. D'abord, si nous sommes peu bavards, c'est parce qu'au départ on a cru que le mémoire devrait comporter un certain nombre de pages. Nous nous sommes dit que ce n'était pas obligatoire de tout écrire et que le reste se ferait...

M. Chevrette: Mais on peut retenir que ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. Effectivement, c'est très explicite, mais les détails peuvent quand même. avoir une influence sur les membres de la commission. C'est ce que je voudrais que vous touchiez.

M. Bien-Aise: Je comprends. Je vais vous dire ce que j'ai vécu personnellement lors de cette entrevue proprement dite. D'abord, on nous a écrit pour nous annoncer la date de l'entrevue. Naturellement, on s'est présenté. On a dû attendre quelques minutes dehors. On est venu me chercher pour passer l'entrevue proprement dite. Au seuil même de la porte, le médecin de me dire: Faites vite parce qu'on n'a que dix minutes. Effectivement, je me suis assis et l'entrevue n'a duré que six à sept minutes. La teneur de l'entrevue - je le dis puisque c'est la vérité - était d'une banalité vraiment déconcertante parce qu'on nous a posé des questions qui, je pense, ne devraient pas entrer dans le cadre de cette entrevue-là, en ce sens: D'où venez-vous? Pourquoi avez-vous choisi le Québec? Votre femme travaille-t-elle? Et j'en passe. Il y avait beaucoup d'autres questions de ce genre-là.

(10 h 50)

Tout de suite après, cela s'est terminé. Comme réponse, deux semaines après, on m'a écrit pour me dire que je n'étais pas accepté, sans savoir pourquoi et le pire, c'est que je ne suis pas accepté non pas pour une année, mais pour deux années consécutives, parce qu'ils ont fait des choix pour deux années consécutives. Autrement dit, c'est à la suite d'une entrevue de six minutes, avec des questions. C'est un peu bizarre. On a choisi pour deux années consécutives. On n'aura le droit de se présenter de nouveau à une entrevue qu'en 1987. Je vous laisse le soin de penser ce que vous voulez.

M. Chevrette: Où avez-vous fait vos études, docteur?

M. Bien-Aise: À Haïti.

M. Chevrette: En quelle année avez-vous eu votre diplôme?

M. Bien-Aise: En 1977-1978.

M. Chevrette: Quand êtes-vous arrivé au Québec?

M. Bien-Aise: Je suis arrivé en février 1980.

M. Chevrette: Et, depuis ce temps, vous faites des demandes annuelles.

M. Bien-Aise: Pardon?

M. Chevrette: Depuis ce temps-là, vous faites des demandes annuelles.

M. Bien-Aise: Chaque année, régulièrement. Je me présente toujours aux entrevues.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont vécu ce type d'entrevues parmi vous?

Mme Toussaint: Oui. Je vais vous raconter mon entrevue. On me fait chercher par un camarade qui venait d'être interviewé et j'entre. On me fait asseoir dans une autre petite salle d'attente et là je suis sous stress à en mourir, mais j'attends. Quelqu'un vient me dire d'entrer. J'entre. On me dit: Assoyez-vous. Je m'assieds. Bonjour, comment cela va? Cela va bien. Etc., etc., bla-bla-bla. D'où venez-vous? Depuis quand êtes-vous là? Mais vous êtes ici depuis ceci? Vous avez passé vos examens, cela, comme ça. À un certain moment, on m'a demandé: Parlez-vous français? Alors que j'étais en train de jaser avec la personnel Mais, bon Dieu, qu'est-ce que je parle? Je me suis pincée, pour vous dire, est-ce que je rêve?

Je parle, je cause, je suis en train de jaser avec quelqu'un et on me dit: Vous parlez français? J'ai dit: Oui, on est obligé de parler français, parce qu'on vient d'un pays où la langue d'ouverture, c'est le français. On étudie en français.

À ce moment-là, j'ai su que c'était fichu. Pour moi, cette entrevue, c'était comme une farce. C'est comme si les gens arrivaient de chez eux avec une série de questions à poser et, envers et contre tous, ils posaient la question. Quelle que soit l'orientation de l'interview, la question était à poser et il fallait qu'elle soit posée. On ne tenait pas compte de la personne en particulier. Ensuite, je leur ai dit: J'ai fait ceci, j'ai fait cela dans l'espoir que je serais choisie un jour. Ils m'ont dit: Oui, c'est difficile, maintenant, à cause du contingentement, mais quand même, on va étudier votre dossier d'une façon objective et on espère que cela fonctionnera. C'est fini. Voulez-vous appeler l'autre camarade?

En sortant, j'ai dit: Quand aurai-je une réponse? Dans une quinzaine de jours. En attendant, priezl Allez prierl Vous voyez l'horreur de cette situation. Les gens se moquent de vous. Vous comprenez qu'ils se moquent de vous, mais vous vous sentez vulnérable et vous ne pouvez pas répondre comme vous auriez pu le faire. Ensuite, on reçoit un avis disant: "Le comité de sélection désire vous aviser que suite aux entrevues tenues en janvier 1985..., " cette partie de la phrase, je ne vois pas ce qu'elle vient faire ici, Mme la Présidente et M. le ministre. Je conçois difficilement qu'on ait pu choisir quelqu'un à la suite de ces entrevues qui ont été tenues en janvier 1985. Peut-être que cela a été tenu en janvier, mais ce n'est pas ce jour-là.

M. Nasri (Nabil): Pour ma part, M. le ministre, j'ai eu une entrevue d'une façon un peu plus détaillée, parce qu'on m'a dit: Eh bien, vous avez passé l'examen d'équivalence, soit l'américain ou le canadien? J'ai passé les deux et je fais ma maîtrise à l'Université de Montréal. On m'a dit: Eh bien, on vous laisse pour faire votre maîtrise, l'année 1985-1986 et l'année 1986-1987. J'ai dit: Alors, je n'aurais pas dû parler de la thèse que je prépare pour qu'on me choisisse. On m'a dit: On va vous demander, mais qu'est-ce que vous faites maintenant? Si je n'avais pas mis la thèse, on m'aurait dit: Mais qu'est-ce que vous faites maintenant? C'est sur ce ton que j'ai terminé mon entrevue.

Mme Toussaint: Je dois vous souligner que, pour ne pas perdre contact avec le milieu médical et pour que les autorités concernées ne disent pas que maintenant on a perdu la main, perdu l'habileté à pratiquer, nous continuons à nous former. Nous suivons des colloques, nous prenons des abonnements à des revues pour pouvoir rester à jour, comme on dit, "up to date". Puis, il y en a certains qui arrivent à se trouver des postes comme observateurs dans certains hôpitaux. Quand on est observateur, légalement on n'a pas le droit de toucher aux patients, on n'a pas le droit de poser certains gestes, mais on est comme un externe II ou comme un interne. On suit les tournées, on répond aux questions, on participe aux débats, on va aux grandes réunions et aux grandes assemblées. On y participe. On fait des présentations. On est actif, quand on est observateur.

D'autres qui auraient voulu être observateurs pour pouvoir être vraiment dans le milieu se sont vu refuser l'entrée comme observateurs dans la plupart des hôpitaux. On ne sait pas pourquoi, parce que, de toute façon, ce n'est pas quelque chose qui entraîne des dépenses. C'est seulement pour pouvoir rester avec les autres confrères québécois qui étudient pour ne pas perdre la main. Même ceux qui ont fait ce stage d'observateur et qui ont demandé des lettres d'attestation aux hôpitaux où ils ont été ont été refusés. Allez voir pour ceux qui ne l'ont pas fait.

M. Chevrette: Combien comptez-vous de membres dans votre association présentement?

M. Bien-Aise: On n'a pas de chiffres exacts parce que, pour nous, tous les dossiers sont confidentiels. Mais on a fait un dénombrement. On a vu que nous sommes effectivement une centaine.

Mme Toussaint: Une centaine.

M. Chevrette: Oui. Est-ce que vous pouvez me faire une proportion entre omnipraticiens et spécialistes au niveau des 100?

M. Comea (Gabriel): À peu près un tiers sont des spécialistes.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y a des anesthésistes dans votre groupe?

M. Cornea: II n'y en a pas.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y a des psychiatres?

M. Comea: Non plus.

M. Chevrette: II y en a un? Il y en a au moins un. Il vient de lever la main. Est-ce qu'il y a des psychiatres? Des cardiologues?

M. Cornea: II y a des pneumologues.

M. Chevrette: Au cours des deux dernières journées, vous avez écouté les différentes positions qui se sont exprimées dans cette salle. La Corporation des médecins s'est montrée assez réticente à l'immigration des médecins. D'autre part, il y a d'autres groupes qui se sont montrés assez ouverts par exemple le groupe de l'Abitibi, hier, è la fin de l'après-midi.

Si j'ai compris votre mémoire, vous recherchez une solution sur trois ans. Que nous suggérez-vous en termes de démarche? Comment voyez-vous cela?

M. Bien-Aise: Tout ce que je peux vous dire, M. le ministre, c'est que ce nous voulons effectivement, c'est notre intégration. Donc, j'ai dit que ce que l'on veut effectivement, c'est une intégration, parce qu'on a assez attendu comme cela. Mais, quant aux mécanismes de cette intégration, je pense que c'est aux organismes concernés de les appliquer*

M. Chevrette: Est-ce que vous reconnaissez... En fait, j'ai une question plus directe: Est-ce qu'une solution sur trois ans étalée dans le temps... On se donne l'objectif de régler le problème pour ceux qui sont actuellement sur la liste d'attente, il faut bien se comprendre parce qu'on ne peut pas régler le problème... Cela fait plusieurs fois qu'on en parle, de toute façon et non seulement avec vous... Je prends un chiffre hypothétique parce que je ne suis pas plus certain que vous du chiffre. À supposer qu'il y en ait 150, il est évident qu'on ne peut régler le problème d'un seul coup, dans une seule année, à cause des décisions antérieures, à cause de la possibilité d'accepter un nombre X. Donc, je suppose qu'on dit trois ans. Est-ce que la solution que votre association recherche est en fonction de tous les médecins immigrants sur place ou à venir ou si vous recherchez une solution précise pour, exclusivement, ceux qui sont sur la liste présentement?

M. Bien-Aise: Je pense qu'en toute logique, cette solution doit viser particulièrement ceux qui sont sur place, ceux qui attendent depuis des années, ceux qui sont, je dirais, légalement inscrits à la corporation. Autrement dit, ceux qui sont connus.

M. Chevrette: Quand vous dites particulièrement, docteur, vous laissez déjà la porte à la possibilité d'avoir une politique à long terme. Je vous pose une question: Vos revendications se limitent-elles exclusivement à ceux qui sont sur la liste d'attente actuellement?

M. Bien-Aise: Oui.

M. Chevrette: Vous comprendrez que, même si les statistiques sont plus ou moins floues... On n'a pas de chiffres précis, personne. Tous les groupes qui sont passés ont toujours des nuances dans les statistiques, vous avez remarqué? C'est assez révélateur, quand même. On peut se rejoindre dans des proportions, mais les chiffres précis, vous avez remarqué que cela varie toujours un peu. Si je me fie aux témoignages que j'ai entendus jusqu'à maintenant, j'ai l'impression qu'on dégagerait un consensus si on avait une solution pour la liste d'attente actuelle, mais on ne peut pas présumer d'un consensus en ce qui regarde l'entrée ou l'ajout d'autres médecins immigrants. Si on se comprend bien là-dessus, d'accord.

Vous pouvez y aller, Mme la Présidente, Je reviendrai.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le ministre a déjà posé certaines questions que je voulais vous poser. La première question que j'aimerais vous poser: Quand vous estimez qu'il y a de la discrimination à votre endroit - évidemment, comme vous l'avez signalé, si on regarde le groupe qui est ici, c'est peut-être un motif qu'on peut invoquer, du moins en apparence - est-ce que vous auriez des exemples? On peut toujours dire qu'il y a de la discrimination quand on n'est pas choisi pour quelque chose et qu'un autre nous est préféré. Est-ce que vous pouvez nous indiquer de quelle façon cette discrimination s'est exercée? Il me semble que vous m'aviez dit, lorsque nous nous sommes rencontrés, que certains ont été admis parmi les derniers qui sont arrivés. Par exemple, des gens qui sont arrivés en 1985 auraient été admis; d'autres auraient été admis sans avoir leur certificat d'admissibilité à l'internat rotatoire. Pourriez-vous préciser un peu plus pour les collègues ici?

M. Bien-Aise: Mme la Présidente, ce que je veux vous dire, c'est que cette discrimination s'est manifestée de plusieurs façons. D'abord, je dois vous rappeler les écrits mêmes du président du comité de sélection, le Dr Lamarche, dans le journal La Gazette il n'y a pas longtemps, la semaine dernière. Il a eu à dire qu'effectivement les Européens ont été favorisés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous lire au texte? C'est en anglais évidemment. Je m'excuse, mais c'est que je voudrais...

M. Pereira (Daniel): Cela vient de la Gazette du 14 mai 1985: "Statistics supplied by Guy Lamarche, head of the committee that selects immigrant doctors for internships, indicate that more Europeans are

selected for internships than doctors from other areas. Of 18 interns selected over about two and a half years, 26 % were Vietnameses, 13 % Arabics, 8 % Haitians, and 35 % from Poland, Romania, Italy and France. The remaining 18 % came from other countries. Mr. Lamarche, however, said that those doctors who have been waiting four years for an internship are not suitable for admission because of their age, language or level of competence. "

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

D'accord. Évidemment, c'est plutôt le journaliste qui, à l'examen des statistiques qui lui ont été fournies, a tiré la conclusion qu'un plus grand nombre originant des pays européens avait été admis ou, enfin, certaines catégories plus que d'autres. Ce ne sont pas nécessairement les propos du Dr Lamarche, sauf quand il ajoute: Parmi ceux qui ont été refusés, il y en a qui l'ont été à cause de leur manque de compétence, de la langue, etc.

Mrs. Toussaint: L'âge, la langue et le niveau de compétence. (10 h 45)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Il faut quand même tenir compte que, puisqu'ils ne peuvent pas choisir les 200 qui se présenteraient, à un moment donné certains soient mis de côté. C'est pour cela qu'on ne peut pas dire au point de départ que c'est de la discrimination. Peut-être que l'évaluation est mal faite; cela est une autre chose. Mais qu'on ait ce type de critères quand on est obligé de se restreindre à un nombre donné, il ne faut pas nécessairement en conclure que c'est de la discrimination. Cela peut être objectivement fondé aussi. Je ne dis pas que cela l'est, mais ça peut l'être. On ne peut pas conclure. Oui, Dr Bien-Aise.

M. Bien-Aise: Là-dessus, je voudrais vous inviter à jeter un coup d'oeil circulaire pour voir ceux qui sont représentés ici: je pense que ce serait assez suggestif, puisqu'il n'y a que la minorité visible qui y est. On peut faire référence également à certaines déclarations faites par le président de la corporation elle-même, lequel a eu à reconnaître qu'effectivement ce sont les Européens francophones qui généralement on été choisis. Il y a une statistique présentée par Radio-Québec, à l'émission Arrimage. Je pense que, pour ce faire, ils ont dû consulter la corporation et les universités. On a vu que, sur douze Européens à se présenter, douze ont été choisis, tandis que, sur quinze Haïtiens, un seul a été choisi, quatre Vietnamiens sur une possibilité de 50; aucun Égyptien, aucun Pakistanais et j'en passe. Je pense que c'est amplement suggestif, Mme la Présidente.

Mme Toussaint: Mme la Présidente, j'aimerais ajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Toussaint: Quand on arrive au Québec et qu'on soumet son dossier à la Corporation professionnelle des médecins du Québec, ce qu'on nous demande comme critères, c'est d'abord d'être immigrant ou réfugié ou néo-canadien, enfin, canadien, donc, c'est d'être légalement dans la province; la deuxième chose, c'est d'avoir réussi un examen d'équivalence, soit l'examen d'équivalence américain ou soit l'examen d'équivalence canadien; il y en a qui ont les deux, mais on en demande un seul. La troisième chose, quand on a réussi cet examen, on a droit à une lettre d'admissibilité à un internat qui nous permettra de faire un internat rotatoire et cette lettre est délivrée par la corporation professionnelle, ce qui veut dire qu'on est inscrit à la corporation. On attend seulement de se trouver un poste comme interne pour pouvoir se replonger dans le milieu médical et s'accoutumer au système québécois. Ensuite, à la fin, on passe l'examen de la licence pour avoir le droit de pratique.

Quand on a tous ces critères, Mme la Présidente, je vois difficilement d'où viennent les influences de l'âge, la langue et le niveau de compétence. Dans les critères, il n'a jamais été fait mention que vous devez être âgé de moins de 30 ans ou de moins de 40 ans. Il n'a jamais été fait mention de la langue que vous devez parler. En général, on parle français, anglais au moins; on peut parler l'un beaucoup mieux que l'autre. Il y a en qui sont allophones: comme langue d'ouverture, ils ont ou bien le français, ou bien l'anglais. Quand on va aux entrevues, on parle français ou anglais, le plus souvent français. Donc, je pense que, jusqu'à maintenant, cela réfute l'influence de la langue.

Le niveau de compétence. Tous les médecins immigrants qui ont été choisis par leur action et par leur pratique active dans la communauté ont prouvé qu'ils sont compétents. Nous, on ne nous donne même pas la chance d'entrer et on dit que nous sommes incompétents. On choisit toujours les Européens, alors qu'ils n'ont pas encore pratiqué ici. Comment se fait-il qu'on sache qu'ils sont compétents? Comment se fait-il qu'on sache qu'on est incompétents, alors que nous avons rempli exactement les mêmes critères? Et de plus, il y a des Québécois qui laissent le Québec et qui vont faire leurs études en dehors du Québec. Il y en a qui ont étudié en Haïti, il y en a qui ont étudié aux Indes, au Pakistan, au Vietnam, n'importe où et aussi en Europe. Quand ils reviennent, ils sont intégrés, ils sont acceptés comme internes; ils ont eu

exactement la même formation médicale que nous et on n'a rien à leur reprocher quand ils rentrent. Donc, si nous avons eu la même formation qu'eux et que, sans avoir fait un geste malhabile, on nous accuse d'être incompétents, moi, je crie à la discrimination. Peut-être qu'il y a un autre mot qui existe, mais je ne l'ai pas encore trouvé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr

Bien-Aise, quand nous nous sommes rencontrés, vous m'avez dit qu'il y avait des cas ou, enfin, des individus qui n'avaient pas leur certificat d'admissibilité ou leur lettre d'admissibilité et qui, pourtant, ont été choisis pour l'internat rotatoire, enfin, même avant de parler de compétence et des trois premiers critères dont j'ai parlé. Est-ce que vous avez - sans les nommer ici - des noms précis que vous pourriez nous remettre? Je pense qu'on aurait quelque chose de plus tangible, parce que moi, je ne semble pas être capable de l'obtenir. Je ne sais pas si le ministère a accès à ces choses-là, mais nous, on ne l'a pas. Vous, vous avez l'impression que c'est cela.

Je voudrais attirer l'attention du ministre des Affaires sociales sur le fait que, dans la revue Les actualités au Québec, du Journal de l'Association médicale canadienne d'avril 1924...

M. Chevrette: Je n'étais pas là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... je m'excuse, d'avril 1984 - vous n'y étiez pas; même pas moi - on cite le Dr Rochon, doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, qui avoue que des candidats, pour la plupart d'origine québécoise, ont été inscrits au programme d'accueil sans avoir préalablement passé leur examen d'évaluation; ces étudiants n'avaient pas encore terminé leur cours de médecine en France au moment où il fallait se présenter à l'examen d'évaluation. Il s'agit d'étudiants nés au Québec. Il faut quand même tenir compte de cela. Mais il semble que les trois critères...

Une voix: C'est de la discrimination positive.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. Il est évident qu'il y a une discrimination positive à leur endroit. Mais, même eux sont restreints parce qu'il n'y en a que 15 de ceux qui finissent à l'étranger, de ces Québécois nés au Québec, qui peuvent être admis - sur les 30 - à l'internat rotatoire. Certains d'entre eux, J'imagine, doivent être refusés. Est-ce que vous voulez faire des commentaires là-dessus, Dr Bien-Aise?

M. Bien-Aise: Là-dessus, je voudrais dire qu'il faudrait bien comprendre la complexité de la situation. Il y a eu une réduction de 50 %. Donc, le nombre de postes est passé de 60 à 30. Il y a 15 postes pour les Québécois d'origine qui ont étudié à l'extérieur et 15 pour les immigrants. Mais il y a une chose qui n'a pas attiré l'attention de beaucoup d'intervenants. Parmi les immigrants, il y a une distinction à faire. Il y a les immigrants qui sont favorisés et ceux qui sont défavorisés. Donc, ce sont ceux qui sont favorisés qui ont tiré le gros morceau de ces 15 postes. Nous, les minorités visibles, nous sommes constamment à quémander une miette qu'on ne trouve même pas. C'est là, le problème. Donc, de l'autre côté, il y a ce genre de favoritisme.

Un autre problème, c'est qu'il est de notoriété publique qu'il y a eu un scandale: des candidats qui n'avaient pas rempli les conditions nécessaires ont pu trouver des postes. Cette année encore, on a une très grande impression que ces cas se sont renouvelés. Comprenez-moi...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'an dernier...

M. Bien-Aise: Pardon"?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que cette année vous avez l'impression que la même chose s'est passée...

M. Bien-Aise: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... alors qu'il semble que vous n'ayez pas les cas en main.

M. Bien-Aise: Non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, pour ceux de l'an dernier, est-ce que vous pouvez - sans les nommer, encore une fois -nous déposer les faits que vous auriez entre les mains?

M. Bien-Aise: Bon. On peut s'arranger pour avoir des noms de l'année dernière. Mais, cette année encore, on, a certains noms, comme je vous l'ai dit.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Si vous voulez nous les remettre.

M. Bien-Aise: Non, je ne donnerai pas de noms. Mais on soupçonne qu'il y a des candidats qui n'ont pas réussi l'examen et d'autres qui, actuellement, étudient à l'extérieur du Québec. On a fait une petite enquête. On n'a pas de banque d'informations. On est obligé de contacter les hôpitaux pour obtenir les noms des internes qui ont été acceptés, etc. On fait

un travail vraiment extraordinaire pour pouvoir obtenir ces informations.

Mme Toussaint: Mme la Présidente, au sujet des 15 Québécois dont vous avez parlé tout à l'heure qui ont étudié à l'extérieur et qui reviennent ici, donc qui sont immédiatement... Jusqu'à présent, il n'y en a pas 15 par année. Il y en a moins que 15 et le reste est comblé, pas par nous qui sommes là, mais par ceux qui sont toujours favorisés. Jusqu'à présent, il n'y en a pas 15...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils sont comblés par qui?

Mme Toussaint: Ils sont comblés par ceux qui ont été acceptés, non pas par nous. On réserve 15 postes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors qu'eux en ont 20.

Mme Toussaint: Oui. On réserve 15 postes aux Québécois.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais ils ne sont pas nécessairement...

Mme Toussaint: Mais ils ne sont pas 15. S'ils ne sont que 8, les 7 autres places sont comblées par d'autres personnes, non pas par des Québécois.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, parfait.

M. Chevrette: Mme la Présidente, pour le bénéfice des membres de la commission, je pense que je pourrai déposer la liste des candidats acceptés et des candidats refusés, je l'ai ici. Comme il y a de l'écriture dessus, on vous enverra une copie au propre de cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière question. Moi, je suis sensible à votre problème et cela, vous le savez; je pense que vous n'avez pas à avoir de doute dans votre esprit. Il reste qu'il faut aussi regarder la réalité des choses. En tout cas, d'après ce qu'on a su hier, même si, comme le ministre le soulignait, tout le monde ne s'entend pas trop sur les statistiques et les chiffres, il y a, pris dans sa totalité, un surplus de médecins au Québec - tout cela est aussi fonction des critères établis - sauf dans les régions éloignées. Mais là, je le prends dans sa totalité.

C'est vrai qu'on peut juger sévèrement les universités - le ministre de l'Éducation qui aura à répondre à cela ce matin - sur la question du contingentement. Les contingentements ont été diminués parce qu'on se retrouverait, dans dix ans, dit-on, avec une main-d'oeuvre vraiment très coûteuse; on a déjà discuté ensemble du coût que génère un médecin. Êtes-vous conscient de ce problème?

M. Bien-Aise: On est bien conscient de ce problème, mais je dois porter à votre attention, Mme la Présidente, ce fait: nous sommes les victimes, les prototypes mêmes des gens qui ont été contingentés pour avoir attendu quatre, cinq, six et sept ans même un poste d'internat à cause de ce contingentement. Donc, on l'a vécu suffisamment, il est maintenant temps qu'on trouve un poste. Avant 1981, le médecin immigrant n'attendait pas tout ce temps, peut-être un maximum de deux ans. Mais à partir du contingentement, on a attendu quatre, cinq ou six ans. Contingentement ne veut pas dire impossibilité. On a attendu parce qu'il y a eu contingentement, mais il est temps qu'on répare.

M. Nasri: Si je peux ajouter quelque chose. Si on nous avait dit, à l'ambassade du Canada, par exemple: Vous êtes médecin, vous irez au Canada, mais vous ne pourrez pas pratiquer, on y aurait pensé mille et une fois avant de quitter notre pays. Mais tant que nous sommes là... Enfin, vous devez imaginer ce qu'est l'immigration. On ne peut pas immigrer deux fois dans notre vie. L'immigration, c'est un genre de mort.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais être bien sûre sur ce point particulier, parce qu'il est quand même fondamental et c'est pour cela qu'on a convoqué le ministre de l'Immigration cet après-midi. Est-ce que vraiment on vous a dit: Vous immigrez comme médecin, il y aura de l'emploi pour vous au Canada ou si, au contraire, on vous a dit: On ne vous garantit pas un emploi comme médecin au Canada? Qu'est-ce qu'on vous a dit très précisément?

M. Nasri: Je vais être honnête avec vous, Mme la Présidente. On nous a dit... Comme je viens de le mentionner j'ai demandé à l'ambassadeur là-bas: Est-ce impossible de pratiquer la médecine là-bas? Il m'a dit: Rien n'est impossible, mais il y a des "réformations" que vous devez faire, c'est-à-dire que vous devez refaire votre internat, vous devez passer par des examens d'équivalence. Alors, je n'ai pas vu d'inconvénients et je n'ai pas vu d'obstacles. J'ai mis les pieds ici, avec tout l'espoir d'un jeune homme avec sa famille, afin de bâtir un excellent avenir ici, mais je me retrouve avec je ne sais pas quoi, des confrontations inattendues et je passe d'un refus à l'autre que je ne peux pas expliquer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-

ce que vous avez eu des pourparlers avec des représentants du Québec? Au moment de votre arrivée ici, avez-vous eu des contacts avec le ministère de l'Immigration du Québec?

M. Bien-Aise: En arrivant ici? (11 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, avant ou su moment de votre arrivée.

M. Nasri: Non, en arrivant ici, je n'ai rencontré personne à l'échelle politique.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Le ministre de l'Immigration veut vous poser une question. Je vous remercie, je reviendrai peut-être plus tard. Merci.

M. Godin: Merci, Mme la Présidente. Une question du pur domaine de l'immigration à M. Bien-Aise. À votre arrivée ici, étiez-vous ici en tant que réfugié, en tant que conjoint réuni avec sa famille ou en tant qu'immigrant indépendant?

M. Bien-Aise: Je suis arrivé ici comme immigrant indépendant, comme vous dites.

M. Godin: C'est parce qu'il y a trois statuts qu'on peut avoir à l'arrivée au Québec. Le statut de réfugié, c'est quand quelqu'un quitte son pays parce qu'il voudrait échapper à des tourments économiques ou autres. Il peut venir ici comme conjoint dont l'épouse, la conjointe est déjà au pays, ou comme immigrant indépendant. Dans votre cas, j'aimerais savoir quel était votre statut en quittant Haïti.

M. Bien-Aise: La seconde catégorie. Ma femme vivait ici d'abord et j'étudiais à Haïti.

M. Godin: D'accord, merci.

M. Bien-Aise: II était prévu qu'après mes études je viendrais ici.

M. Godin: Cela répond à ma question. Merci, M. Bien-Aise.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Westmount.

M. Frenchs C'est justement là-dessus que je voudrais intervenir moi-même. J'ai posé une question. Le ministre de l'Immigration et moi avons discuté de ce sujet-là lors de l'étude des crédits il y a un an et demi. Le ministre s'est engagé, à l'époque, è regarder le processus de sélection et à me dire ce qu'il en était. Malheureusement, il est tombé malade après. Je ne lui en voudrais pas s'il me disait qu'il n'a pas pu poursuivre l'examen de la question; je pense que c'est le cas. Je vous avoue qu'à l'époque on s'est fait dire par le ministre et par ses fonctionnaires, je crois, que le principe était d'informer les immigrants potentiels qui étaient médecins ou presque médecins dans leur pays d'origine que les possibilités de pratique ici étaient très minimes, sinon nulles.

Il serait extrêmement intéressant de savoir de tous et chacun des membres de l'association, de tous et chacun des postulants, quel genre d'informations ils avaient dans leur pays d'origine. Cela serait très important si nous voulons passer à l'action et implanter une solution au problème de ceux qui sont déjà sur place, dont la situation est très pénible. Je pense qu'il y a un consensus là-dessus et que nous voudrions régler leur problème, mais avec la meilleure volonté du monde, le décideur public ne peut pas entreprendre de régler votre problème, madame et messieurs, si vous faites partie d'un mouvement migratoire qui continuera. La raison est très simple. Le fils de mon collègue veut être médecin et il risque d'être refusé à cause des politiques de contingentement. Nous ne pouvons pas nous mettre dans une situation où il y a une façon - je ne vous accuse pas d'essayer ceci - indirecte de venir au Québec à l'âge de 24 ans, alors que l'étudiant de 18 ans se voit refusé aux écoles de médecine, même si vous êtes qualifié pour pratiquer la médecine. Donc, notre problème, effectivement, c'est de fermer le robinet dans les pays d'origine des médecins immigrants potentiels d'une façon ou d'une autre.

Je ne sais pas si vous avez des réactions là-dessus, mais, pour nous, comme décideurs, c'est extrêmement important parce qu'avant d'entreprendre un projet de récupération à courte échéance on veut savoir que ce projet-là n'aura pas de vie éternelle.

Mme Toussaint: Puis-je répondre immédiatement?

M. French: Oui, madame.

Mme Toussaint: Quand nous sommes entrés ici, nous n'étions pas si nombreux que cela. Quelques années plus tard, on retrouvait toujours les mêmes visages qui défilaient comme à une surprise-partie à la corporation pour aller subir une soi-disant entrevue. Si vous allez regarder dans les papiers le jour de l'immigration, nous sommes là en pratique depuis cinq ou six ans et le flot de médecins - je ne dis pas le flot d'immigrants "at large" - immigrants s'est réduit.

M. French: Le flot d'immigration "at large" s'est aminci également.

Mme Toussaint: Bon! Et tous ceux qui se plaignent d'avoir été discriminés, d'avoir été lésés, sont là depuis cinq ou six ans. Ce que nous vivons n'est pas facile à vivre. Se voir à l'âge actif de la vie réduit à être inutile, à ne rien faire et à vivre une vie d'incertitude face à l'avenir, ce n'est pas facile.

À tous ceux que nous connaissons comme camarades ou amis et même comme ennemis, nous disons de rester là où ils sont, de crever là-bas et de ne pas venir. Cela fait qu'au point de vue de l'immigration nous ne continuons pas d'arriver. Quand on dit qu'il y en a chaque année 100 ou 150, c'est comme si vous preniez un oignon; il y a toujours un centre et la pelure, et c'est la pelure qui s'enlève chaque année. Nous constituons le noyau de ceux qui sont refusés. Chaque année, il y en a d'autres qui arrivent et ceux-ci sont choisis immédiatement à leur arrivée. Cela fait que nous sommes là depuis cinq ou six ans et nous n'avons pas continué à venir grossir le nombre de ceux qui sont en attente. Au point de vue de l'immigration, nous ne faisons pas de problème.

M. Nasri: Je veux ajouter quelque chose, M. le député. Si on m'avait dit que je ne pourrais pas pratiquer la médecine au Québec, c'est trois ans de ma vie qui se sont écoulés et que j'ai perdus, j'aurais dû rester dans mon pays et j'y aurais fait une meilleure vie qu'ici.

M. Van Nho (N'Guyen): M. le député, je m'excuse. Dans notre cas, il ne reste plus que 25 médecins réfugiés vietnamiens et il n'y a plus de médecin réfugié vietnamien qui vient ici. Voulez-vous examiner notre cas?

M. French: Je vous avoue qu'on va peut-être à l'avenir revoir le problème dans le cas des réfugiés, de ceux qui ont le statut de réfugiés, leur situation impossible, cela s'explique et cela s'explique politiquement. Ce qui s'explique moins facilement, si cela continue, ce serait, encore une fois, les immigrants, surtout les immigrants indépendants qui étaient médecins et qui n'ont pas été informés convenablement. Je n'accuse pas le ministère. Je pense que le ministre le sait.

M. Godin: C'est un problème qui n'existe pas ce que vous posez comme réalité. Le Québec et le Canada, d'ailleurs, refusent les médecins qui viendraient ici comme immigrants indépendants depuis des années, dans la mesure où vous savez qu'il y a des milliers de gens de métiers que le Canada et le Québec refusent parce qu'il y a trop de chômage dans ces métiers-là au Québec ou au Canada. Donc, on les refuse systématiquement s'ils viennent comme immigrants indépendants. Ils viennent, par ailleurs, soit comme réfugiés - on ne le leur reproche pas, au contraire, le Québec a une politique d'accueil aux réfugiés - ou pour fins de réunification de familles et c'est la loi fédérale qui fait obligation au Canada d'accepter des gens qui ont des conjoints ou de la famille au pays. Il n'est pas question non plus, je ne le pense pas, de changer cette politique car elle serait discriminatoire et elle irait à rencontre des politiques humanitaires du pays, aussi bien du Québec que du Canada d'ailleurs. Donc, des médecins indépendants, il n'y en a aucun. Dans la liste de M. Bien-Aise, il n'y a aucune - je présume - des personnes qui est venue au Canada comme médecin indépendant, comme immigrant indépendant. Elles sont venues avec un autre statut, soit un conjoint déjà au pays ou la famille au pays, soit comme réfugiés, et tant mieux et pourquoi pas, s'ils sont maintenant à l'abri des sévices qu'ils auraient subis chez eux. Mais il faut trouver une solution pour ce contingent qui est déjà au Québec et on doit trouver une solution, à mon avis, claire, connue et précise à ce problème qui se pose pour eux, pour que ce soit juste et équitable pour tout le monde. C'est l'objectif que nous visons tous ici avec votre aide.

M. French: Mme la Présidente, le ministre est en train de nous dire qu'il est d'accord avec l'association pour dire que le flux de médecins immigrants a au moins diminué substantiellement et que nous pouvons continuer à garder ce niveau suffisamment bas et que nous pouvons contrôler la situation. À ce moment-là, nous pouvons, avec conviction et réalisme, dire à la population que nous réglons le cas de nos concitoyens ou de nos concitoyens en devenir qui sont ici dans une situation pénible. Nous pouvons dire avec raison que cela ne continuera pas indéfiniment et que nous essayons de mettre en place un programme choc, rapide, sur deux ou trois ans, pour donner à tous les membres de l'association la possibilité de savoir s'ils peuvent se conformer aux standards ultimes nécessaires pour pratiquer la médecine au Québec.

M. Godin: Mme la Présidente, je dirais un programme juste et équitable, plutôt que rapide. Connaissant l'ensemble des données du problème aussi bien que vous, je pense qu'il faudrait une solution juste et équitable au problème, et pas nécessairement une solution rapide.

M. French: Sauf que je viens de me faire dire que la rapidité fait partie de la justice et de l'équité.

M. Godin: Oui, "justice delayed is justice denied". Je suis d'accord avec vous

là-dessus.

M. French: C'est la situation.

M. Godin: Sauf qu'avant que nous ayons trouvé une solution équitable et juste pour ces candidats à la pratique de la médecine au Québec, je pense que ce serait mentir à nos invités que de leur dire que la solution sera rapide. On peut tenter de l'accélérer, remarquez bien, mais il serait plus juste et plus honnête de dire que cette solution sera juste et équitable. C'est du moins l'objectif que nous visons ici avec la collaboration de tous les partenaires, universités, hôpitaux et le milieu médical en général. Ce serait plus honnête et plus juste de vous dire que la solution, en ce qui nous concerne, doit être juste et équitable pour tout le monde. Nous réfléchirons ensemble sur une solution à cette question, mais une solution rapide, c'est plus difficile à promettre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre. Après, le Dr Bien-Aise.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais peut-être ramasser un peu tout ce qui a été dit. Il y a un des problèmes majeurs, en tout cas, c'est qu'au niveau des ambassades, on ne vous dise pas carrément l'état de la situation. Je reconnais que c'est peut-être là une des clés qui créent autant de frustrations de votre côté. Quand on laisse percevoir de l'espoir et que, rendu sur place, il n'y en a plus ou qu'il y en a peu, à mon avis, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a une lacune à ce niveau.

Cela dit, je pense qu'on n'aura pas d'autre choix, non plus, pour les immigrants à venir que d'être beaucoup plus clair au niveau canadien et au niveau québécois, et de dire carrément à ceux qui viendront: Je m'excuse, mais le robinet est fermé. Au moment où on se parle, en tout cas, selon nos statistiques, même si elles peuvent être contestées, c'est quand même 1200 médecins de trop selon l'évaluation qu'on fait, si on regarde le ratio population - médecin, indépendamment des erreurs qu'on peut avoir faites et des nuances qu'ont pu y apporter quelques groupes qui témoignent.

On a eu quelques hypothèses de suggestions comme regarder les anciennetés de liste, cela peut être une hypothèse à retenir de ceux qui ont témoigné devant nous; regarder l'échéancier, établir un échéancier pour voir comment on peut régler concrètement le problème de ceux qui sont présentement sur la liste; regarder également s'il n'y a pas lieu d'en profiter pour pouvoir atténuer les problèmes vécus au Québec présentement dans le domaine de la médecine.

Vous avez reconnu vous-mêmes, tantôt, que vous aviez accepté des conditions en régions périphériques, par exemple. Il y a des hypothèses que je suis prêt à regarder avec mes collègues afin de soumettre des hypothèses de solution au gouvernement dans les meilleurs délais. Je suis prêt à regarder cela attentivement. Je n'accepte pas beaucoup, surtout dans le domaine de l'immigration, qu'un individu puisse avoir été berné, même au départ, sauf pour ceux qui seraient entrés par la bande. Ce que nous appelons "par la bande", ce sont ceux qui seraient entrés, mais pas dans des conditions correctes. Là, je vous avoue qu'il faudrait être quand même très prudent. Je suis d'accord avec le député de Westmount sur cet aspect. Autrement, les pelures vont s'ajouter indéfiniment et le coeur risque de mourir sur la chaise.

Personnellement, en regardant cela avec les problèmes dont on est responsable collectivement, en regardant les hypothèses à partir du fait qu'on peut peut-être en profiter pour atténuer les problèmes qu'on vit au Québec, il y a sans doute moyen de présenter, d'ici quelques mois, des hypothèses de solutions concrètes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous vouliez ajouter quelque chose? Ensuite, ce sera le Dr Bien-Aise.

M. Godin: Oui. Je pense que la solution la plus simple sur papier est celle qu'évoque mon collègue, dans une formule qui l'a rendu célèbre: fermer le robinet. Sauf que c'est mal connaître la réalité de l'immigration que de dire qu'on ferme le robinet parce que le Québec ne veut pas renoncer, ni le Canada d'ailleurs, à sa politique d'accueil des réfugiés. On a eu déjà la vague des "boat people" du Vietnam. Il n'est pas interdit de penser qu'à l'avenir il y aura d'autres groupes que le Canada voudra privilégier et accueillir ici comme pays de refuge pour refaire leur vie.

On a même eu des cas dont je ne citerai pas les noms, évidemment, celui entre autres d'un Français qui quitte son pays en tant qu'immigrant investisseur pour ouvrir un restaurant ici et qui est médecin de son métier. Il ouvre son restaurant, ne réussit pas aussi bien qu'il le croyait et se remet à penser à la médecine. Il fait partie de ce que Mme Toussaint appelait la tranche de l'oignon qui s'ajoute. Croire que la solution de fermer le robinet est applicable, c'est impossible et ce serait, d'ailleurs, contre les politiques d'immigration du Québec et du Canada parce que ce serait de la discrimination que nous imposerions. (11 h 15)

Deuxièmement, au-delà des groupes de réfugiés que le Québec va toujours continuer à accueillir dans l'avenir, il y a toujours les conjoints. Ce serait, à mon avis, inhumain d'interdire à une famille de se réunir si elle

le désire. Il est toujours possible, M. le ministre, Mme la Présidente, que, dans les groupes que nous accueillons comme réfugiés ou comme réunification de famille, il y ait des médecins, et pourquoi pas? Mais il faut qu'il y ait pour ces médecins présents et futurs une méthode non seulement qui soit juste et équitable, mais qui ait toutes les apparences de la justice et de l'équité afin d'éviter toute apparence de discrimination.

Croire que la solution fermer le robinet est applicable, est la meilleure et la seule, je pense que cela est faux. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas celle-là qu'on doit viser. On doit plutôt viser une solution pour après, pour ceux qui sont déjà arrivés ici et qui veulent pratiquer leur métier de médecin, la profession médicale. C'est plutôt là-dessus que nous devons chercher une solution. Je vous le dis en tant que ministre de l'Immigration qui suis là-dedans depuis bientôt six ans.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr

Bien-Aise.

M. Bien-Aise: Je voudrais apporter une précision à M. le député qui pensait que d'autres médecins immigrants pourraient vouloir pratiquer ici.

M. French: En autant de mots le ministre vient de nous dire que c'est cela: qu'il y aura toujours des médecins qui entrent et qui veulent pratiquer ici.

M. Bien-Aise: Ce que je veux dire, c'est que...

M. Godin: À moins que le Canada ne change sa loi de l'immigration complètement - je ne pense pas que ce soit prévisible maintenant - et que le Québec n'applique une loi de l'immigration entièrement différente de celle du Canada. Or, ce n'est pas notre intention et ce n'est l'intention non plus d'aucun membre du Parlement de Québec.

M. Bien-Aise: Je réponds à ce que le ministre de l'Immigration a dit. Mais ce que je voulais souligner, c'est de façon globale. C'est que, à l'exception de ces cas majeurs dont vous parlez, les médecins qui continuent à arriver au Québec font partie, justement, de ceux qui sont favorisés: C'est toujours en provenance de l'Europe francophone, à l'exception de ces cas majeurs. Si on faisait des études, je dirais, rétrospectives, on verrait que chez les minorités visibles, le nombre n'a pas augmenté généralement. Concomitamment, les Français continuent à venir parce qu'ils savent qu'une fois ici ils vont se trouver un poste. C'est ce que je voulais porter à l'attention de M. le député.

Ensuite à l'endroit du ministre Godin, je voulais dire que la solution serait équitable. Mais vous ne pensez pas qu'il serait bon qu'on ait une idée du temps que cela peut prendre, parce qu'on peut obtenir une solution équitable dans cinq, six ans.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous répondre?

M. Godin: Je pense qu'on doit viser un objectif beaucoup plus rapproché que cinq, six ans. Déjà, vous avez subi pendant cinq, six ans les affres décrites dans votre mémoire et dans vos propos par la suite. Nous ne voulons pas vous imposer ces mêmes examens bidon à l'avenir. Nous devons donc songer, mes collègues de l'Enseignement supérieur, des Affaires sociales et moi-même, également les facultés de médecine, à des solutions aussi rapides que possible.

Je vous dis, en toute honnêteté, de songer plutôt à l'équité qu'à la rapidité pour l'instant, parce que je pense que, dès qu'une solution équitable sera sur la table, au moins vous saurez à quoi vous en tenir et vous pourrez planifier un peu mieux ce qui se prépare pour vous dans l'avenir. Connaissant les partenaires sociaux avec leur comportement passé, je pense qu'il serait illusoire de croire que, dans quelques semaines, dans quelques mois, ils vont régler le problème que vous posez, que vous leur posez et que vous posez au Québec en fait, à juste titre, d'ailleurs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le Dr Bien-Aise sait fort bien que ce n'est pas dans six semaines que le problème des membres de son association va être solutionné. C'est un échéancier quand même un peu raisonnable: il parle de l'échelonner sur trois ans. Est-ce qu'il faudrait l'échelonner sur quatre?

M. Godin: On peut s'engager à un échéancier humainement acceptable et raisonnable, et surtout qui vous sorte des affres auxquelles vous êtes soumis présentement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais porter à l'attention du ministre de l'Immigration que je suis d'accord avec lui quand il parle des réfugiés. Je pense que c'est une catégorie à part et cela correspond à une philosophie des ministères respectifs de l'Immigration du Canada et du Québec. On ne résoudra jamais le problème si on a trop d'échappatoires. En tout cas, cela devra être réglé entre les ministres concernés. Il y a deux ans - vous citez un article de 1984 - il y avait 150 noms sur la liste d'attente; l'an dernier, on en a ajouté 30, donc 30 noms supplémentaires. On se retrouve encore avec au-delà de 150 maintenant. C'est qu'il y a des gens qui se sont ajoutés. Quand j'en

avais discuté avec le Dr Bien-Aise, c'était pour essayer de trouver une solution pour les gens qui sont ici et pour le reste sans fermer le robinet, parce qu'il y a cette catégorie en particulier dont vous parlez.

M. Godin: II y a deux catégories, en fait, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous parlez des investisseurs aussi.

M. Godin: Non, la famille et les réfugiés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Pour la famille, on pourra en reparler cet après-midi de cela aussi.

M. Godin: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis pour la famille, mais vous devez le savoir autant que moi, quelquefois cela sert de subterfuge pour obtenir...

M. Godin:... un accès au pays.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.

M. Godin: Oui, inévitablement. Je ne pense pas qu'on puisse interdire à l'époux ou l'épouse d'un citoyen canadien qui rejoint son conjoint ici de pratiquer la médecine s'il a les qualifications requises. Vous parlez de 30 cette année qui s'ajoutent. Si on ne change pas de philosophie humanitaire par rapport aux personnes réfugiées ou aux membres de la famille - je ne pense pas qu'on la change du moins à vue de nez et même plus loin -on peut prévoir que 30 médecins s'ajouteront par année au contingent de demandeurs d'internat rotatoire au Québec pour les années futures. On peut difficilement baisser en bas de 30. On peut s'engager, nous, à ne pas accepter de médecins comme immigrants indépendants au Québec pour les 20 années futures, mais il y aura constamment les deux autres groupes dont je parle, et cela équivaut à 30 médecins par année. Il faudrait qu'on trouve pour ces 30 médecins par année la solution que j'évoquais tout à l'heure: claire, équitable et juste, afin que le gens sachent à quoi s'en tenir et puissent planifier sur un nombre X de mois ou d'années leur avenir en tant que médecins pratiquant au Québec plus tard.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dites-vous que, selon les statistiques que vous avez, il y en aurait 30 qui arriveraient par année avec un statut...

M. Godin:... avec un chapeau différent...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... avec un chapeau de famille?

M. Godin:... de celui de médecin.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Il y en aurait 30 qui viendraient rejoindre leur famille.

M. Godin: Non, c'est-à-dire 30 qui viennent soit comme réfugiés...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ou soit rejoindre leur famille.

M. Godin: Oui. Par exemple, un Iranien qui quitte son pays et que nous acceptons pour des raisons évidentes est peut-être aussi un médecin en plus d'être un réfugié iranien. Après avoir fait ses trois ans de séjour au Canada, il obtient sa citoyenneté, et aucune loi au monde ne peut l'empêcher de revendiquer un statut de médecin au pays puisqu'il est citoyen comme tout le monde. Ces deux groupes équivalent à 30 par année. Donc, on est mieux de penser...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... qu'il y en aura toujours 30 par année.

M. Godin:... à une solution, bien sûr, pour régler les cas dont parle le Dr Bien-Aise, mais aussi à une solution pour les 30 par année qui vont s'ajouter inévitablement au coeur de l'oignon dont parlait le Dr Toussaint dans une image très éclairante.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne sais pas si vous avez d'autres questions, compte tenu qu'une partie de la matinée vous était particulièrement consacrée. Oui, monsieur.

M. Pereira: Ce n'est pas une question, je veux faire une petite observation. C'est un fait que les minorités ethniques sont sous-représentées au sein du gouvernement. Il y a eu des promesses de la part du gouvernement à savoir qu'il y aurait plus de représentants des minorités ethniques au, sein du gouvernement. C'est un programme d'action positive, ce qu'on appelle en anglais "affirmative action", qui a été promis. On accepte le fait qu'à cause des problèmes budgétaires, etc., le gouvernement ait de la difficulté à embaucher plus de représentants des minorités ethniques au sein de la fonction publique, mais dans ce domaine-là le gouvernement peut démontrer de la bonne volonté vis-à-vis des minorités ethniques en acceptant notre offre de service pour combler des postes qui sont disponibles en régions éloignées.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Pereira: C'est une observation que je peux faire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On prend note de votre remarque.

M. Van Nho: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme la Présidente, je voudrais que vous examiniez les cas des plus de vingt médecins réfugiés qui sont depuis plus de cinq ou six ans sans travail.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le ministre des Affaires sociales a parlé tout à l'heure, par exemple, d'une liste qui s'étalerait sur trois ou quatre ans, qu'on tienne compte de certains critères quant à l'acceptation, en commençant peut-être par ceux qui sont en attente depuis longtemps. Ce n'est pas à nous d'établir cela, mais je pense qu'il y a fait allusion tout à l'heure.

M. Godin: Je pense que l'ancienneté peut être un critère juste et équitable. Les critères généralement reconnus comme étant justes et équitables sont l'ancienneté, la compétence, l'excellence, prouvés par des jurys objectifs autant que possible et moins superficiels que ceux dont vous avez cité les questions tout à l'heure, M. Bien-Aise et Mme Toussaint, des questions futiles qui n'ont rien à voir avec la médecine ou la compétence et l'excellence médicales. Je pense que nous pouvons nous attendre à une solution qui tienne compte de critères objectifs tels que l'ancienneté de la présence au Québec, l'ancienneté de la demande formulée auprès du jury universitaire dont on parle depuis tout à l'heure et également les critères de compétence et d'excellence reconnus par des jurys indépendants et objectifs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?

Mme Toussaint: M. le ministre et MM. les députés, dans la solution juste et équitable que vous entrevoyez pour régler le problème, nous vous demanderons de ne pas oublier de nous protéger aussi, étant donné qu'on a fait ce qu'on appelle communément la grande gueule, étant donné que nous savons que c'est humain qu'il y ait de la rancune et que les vendettas personnelles existent c'est un fait. Nous demandons, quand nous serons choisis, que vous ayez un certain droit de regard sur nous. Je sais que c'est un procès d'intention, mais quand on a eu affaire à un machiavélisme de ce genre, on sait que quand on sera dans le milieu hospitalier où les médecins, en tant que médecins, auront à nous juger, ils peuvent s'arranger. pour prouver qu'on est incompétents.

M. Godin: Je pense qu'on peut s'engager, Mme la Présidente, dans nos bureaux de comté qui sont ouverts plusieurs heures par semaine, à vous recevoir en tout temps pour écouter vos doléances ou vos craintes, et à vous défendre. M. le député de Westmount, je pense que M. le député de Longueuil aussi et Mme la députée de...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La députée de L'Acadie.

M. Godin:... L'Acadie, nous sommes certainement à votre disposition en tout temps, en fait, pour prêter une oreille sympathique à vos témoignages de discrimination d'une façon ou d'une autre, avant ou après l'acceptation comme médecins.

Mme Toussaint: Parce que c'est un fait qu'il y a eu des représailles l'année dernière. Le mouvement a commencé l'année dernière, le regroupement, et celui qui a fait la plus grande gueule a failli ne pas être accepté. Les universités ne voulaient rien savoir de lui et en fin de compte c'est Sherbrooke qui l'a accepté. On l'a accepté, mais on aurait pu ne pas l'accepter du tout. Pourquoi?Parce qu'il a eu la force de crier. Nous, on sait que cela peut se répéter. De toute façon, c'est humain. Mais on demande l'immunité.

M. Godin: En conclusion, madame, je pense que le fait que vous vous soyez regroupés, Dr Bien-Aise et Dr Toussaint, et que vous vous soyez tenus debout est la preuve que vous êtes maintenant des citoyens québécois à part entière et que vous vous tenez debout. C'est ce que nous attendons de vous en tant que citoyens du Québec.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Le ministre des Affaires sociales communiquera, j'imagine, éventuellement avec le Dr Bien-Aise.

M. Bien-Aise: D'accord. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'est pas ici. Je prends un engagement à son endroit, mais j'ai l'impression que cela devrait être ainsi.

M. Bien-Aise: L'association en profite pour remercier tous les organisateurs de la commission parlementaire. Donc, on attend les résultats.

Mme Toussaint: Et on espère vous revoir, mais pas dans ces conditions.

M. Chevrette: Je m'excuse. J'avais une obligation en dehors de la salle, mais je maintiens ce que j'ai souligné à la fin de mon exposé tantôt, et j'ose espérer qu'on pourra se revoir dans un avenir très rapproché. Je vous remercie de votre témoignage et soyez assurés, en tout cas, de notre collaboration la plus entière.

M. Bien-Aise: Merci beaucoup, M. le ministre.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 33).

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II me fait plaisir d'accueillir le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche...

M. Chevrette: Science et Technologie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pardon, je voudrais bien dire votre titre tout à fait exactement. Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

M. Bérubé: Vous pourriez nous rendre un service si vous pouviez trouver un autre nom pour ce ministère. Je cherche désespérément et je n'arrive pas à en trouver. Si jamais l'Opposition...

M. Chevrette: Ministre de la Scientologie.

M. Bérubé: Oui, on m'a proposé Scientologie, mais j'ai mal réagi à la suggestion.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, je pense que si vous vous étiez contenté de l'enseignement supérieur et de la science, cela aurait été suffisant. Bien non, la technologie...

M. Bérubé: Ce n'est pas si bête comme amendement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien oui, écoutez donc.

M. Bérubé: De temps à autre, l'Opposition pourrait faire oeuvre utile et nous proposer des amendements de ce type.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je souhaite également la bienvenue à Mme Fortin, votre sous-ministre adjointe. Vous n'avez pas participé à nos débats depuis le début, mais comme l'un des volets partait sur les effectifs médicaux et que votre ministère a une part très importante de responsabilité dans la détermination des effectifs médicaux par le truchement du contingentement ou du nombre de places qui est alloué dans les facultés de médecine pour les stages de résidence et d'internat, nous avons cru bon de vous inviter pour que vous nous indiquiez les bases sur lesquelles vous fonctionnez. Je sais que vous n'avez pas de mémoire à présenter, mais si vous pouviez au moins rapidement nous dire sur quoi vous fondez vos décisions de contingentement et, peut-être, dans une université par rapport à une autre aussi. Des représentations nous ont été faites quant à la façon dont chacune des universités est affectée à la suite de vos politiques de contingentement. Enfin, globalement, c'est ce qu'on veut vous demander.

M. le ministre des Affaires sociales, avez-vous quelque chose à ajouter tout de suite?

M. Chevrette: Je pourrais peut-être ajouter, pour le bénéfice de mon collègue avec qui je n'ai pu parler, que les positions sont très controversées de la part des groupes qui ont témoigné devant nous, allant de la méthode "at large" pour pallier les lacunes de la médecine ou les soins de santé en région jusqu'à la position contraire du contingentement très sévère, de sorte que, en ignorant la position que vous aurez, vous avez une marge entre les deux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie

M. Bérubé: Mme la Présidente, d'une part, il est vrai que je n'ai pas de mémoire à présenter. Cependant, j'ai une certaine mémoire à titre d'ex-président du Conseil du trésor. Au moment où, précisément, cette politique fut précisée, je présidais les décisions du Conseil du trésor.

Je pense que si on devait se poser la question, à savoir combien a-t-on besoin de médecins au Québec, je vous dirais: Le plus grand nombre possible. Il n'y a pas de raison de limiter le nombre de médecins, comme il n'y aucune raison de limiter quelque exercice de profession que ce soit dans l'univers. En d'autres termes, la société, lorsqu'elle est en mesure de se payer des avantages, doit s'offrir le plus grand nombre d'avantages possible. En soi, si vous me posiez la question: Y a-t-il intérêt à contingenter, je vous dirais immédiatement: Non, il n'y a aucun avantage à contingenter le nombre de médecins, pas plus qu'il n'y a intérêt à contingenter qui que ce soit, nulle part.

Pourquoi contingente-t-on? Essentiellement, parce qu'à un moment donné on estime que les sommes que nous

consacrons à un type d'activités sont trop importantes par rapport aux besoins qui se manifestent ailleurs. Gouverner, finalement, c'est arriver à devoir faire des choix entre différents besoins de la société et décider que nous mettons nos priorités ailleurs.

Qu'avons-nous décidé il y a quelques années, vers 1982-1983? Simplement que la croissance du nombre de médecins était huit fois supérieure à la croissance de la population. On pouvait bien tenir compte des décès, des départs, des migrations nettes, on pouvait bien tenir compte de la modification de la pratique médicale résultant, par exemple, de la féminisation de la profession et du profil de pratique qui est observé comme étant différent chez les femmes médecins, ou encore tenir compte du vieillissement de la population qui requiert, effectivement, une médicalisation accrue. On peut effectivement prendre toute une série de points en considération, dont le fait que nous avons au Québec probablement 10 %, 12 %, 15 % de plus de médecins qu'en moyenne au Canada, du moins d'après les statistiques de 1981. Alors, mettez tout cela ensemble et vous constatez que les coûts de la pratique médicale vont en explosant parce qu'on observe qu'on ne peut pas contrôler la demande. La demande est infiniment élastique pour les besoins en soins médicaux et c'est, finalement, par l'offre qu'on peut arriver à limiter la croissance explosive des coûts. Donc, sur la base d'une considération qui n'a rien à voir avec le développement de l'éducation ou le développement de la santé au Québec, mais purement sur la base de considérations budgétaires, donc, de croissance explosive des coûts à la Régie de l'assurance-maladie, le gouvernement a décidé qu'il devait réduire l'augmentation du nombre de médecins au Québec.

Car un des corollaires de l'augmentation du nombre de médecins au Québec et de l'activité médicale, c'est que, si nous voulons maintenir les coûts globaux, il faut réduire les coûts unitaires. La seule façon, c'est à ce moment-là de rémunérer à l'acte ou de rémunérer nos médecins moins que, par exemple, les niveaux de rémunération existant ailleurs, de telle sorte que nous avons plus de médecins, que nous les payons moins et qu'au total on se retrouve avec des coûts de la santé qui sont, disons, comparables, ce qui nous permet de dégager des ressources pour les injecter ailleurs, là où nous estimons qu'il y a des besoins. Donc, problématique aussi simple que celle qui est reliée à la rémunération des médecins - comme vous le savez, cette rémunération fait l'objet de négociations régulièrement - qui est reliée aussi à la croissance explosive des coûts des soins de santé.

Partant de là, il y a peut-être deux façons de régler le problème: restreindre l'accès à la pratique médicale ou restreindre le nombre de médecins formés.

Restreindre l'accès à la pratique médicale. Nous avons un très bel exemple, par les témoignages qui m'ont précédé, de ce que représente l'impact d'une telle restriction. En effet, si nous devions restreindre l'accès, par exemple, à l'assurance-maladie, nous aurions donc un grand nombre de Québécois qui effectueraient des études en médecine et qui se retrouveraient, à la fin de leurs études, dans l'impossibilité de pratiquer pour la simple raison que le nombre de médecins admis à la pratique médicale, ayant accès la Régie de l'assurance-maladie, serait limité. Vous voyez le genre de problèmes que cela pose. Je pense que les témoins antérieurs sont là pour démontrer qu'il est fort peu agréable d'avoir appris une profession et de ne pas pouvoir l'exercer dans la société qui vous accueille. Évidemment, ce serait la même chose si on devait restreindre l'accès à la pratique médicale directement par un contrôle sur le nombre de médecins pouvant pratiquer.

Qu'est-ce qui vous reste? C'est de diminuer le nombre de personnes que vous formez en médecine. Il nous fut donc demandé de restreindre sur trois ans l'équivalent d'une centaine de médecins formés annuellement par rapport à un nombre qui était, si je ne m'abuse, de l'ordre d'à peu près 600 ou 650, je ne m'en souviens plus trop trop. Il s'agissait donc de réduire d'à peu près 100 à 108 sur trois ans. Nous le ferons, en fait, sur quatre ans.

Comment la répartition s'est-elle faite?Simplement sur la base de l'activité historique des années 1980, 1981 et 1982 des différentes universités en termes de volume de diplômés. On aura donc réparti l'effort entre les universités sur la base du nombre de diplômés.

À l'origine nous voulions épargner l'Université de Sherbrooke, celle-ci étant une plus petite université qui n'avait peut-être pas la marge de manoeuvre et qui risquait de se retrouver avec une faculté de médecine de taille sous-critique. Ultérieurement, toutefois, il fut décidé d'étendre à l'ensemble des universités, incluant Sherbrooke sur la même base que les autres, l'effort de réduction du nombre de médecins formés. C'est donc ainsi que nous nous retrouvons avec les objectifs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quelle est votre part de responsabilité dans le contingentement quant aux postes de spécialistes et aux postes...

M. Bérubé: Aucune, en ce sens que la politique concernant les postes d'internes, de résidents, l'internat rotatoire, l'accès à la spécialisation est élaborée par le ministère

des Affaires sociales en cherchant à répondre le mieux possible aux besoins de la société québécoise en soins médicaux. C'est donc à la suite de l'élaboration de cette politique par le ministère des Affaires sociales que nous sommes amenés à l'appliquer dans les universités en limitant, par exemple, le nombre de nouveaux internes annuellement et le nombre total de places.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je comprends bien, vous recevez une commande et vous l'exécutez.

M. Bérubé: Exactement, en ce qui a trait aux internes et aux résidents plus particulièrement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que des fois le ministère des Affaires sociales dit: Ce n'est pas ma responsabilité, c'est le ministère de l'Éducation. Et là, vous avez l'air de dire que la commande vient du ministère des Affaires sociales.

M. Bérubé: Il faut comprendre que, dans la mesure où nous sommes concernés, dans le secteur de l'Éducation nous n'avons aucune raison de limiter l'accès, objectivement. La seule raison qui peut nous amener à limiter l'accès, c'est, à un moment donné, une croissance explosive des coûts ou encore une volonté exprimée par le ministère des Affaires sociales d'établir un équilibre entre les spécialistes et les omnîpraticiens.

De fait, la volonté du ministère des Affaires sociales a été d'accroître le nombre d'omnipraticiens, donc de favoriser le développement de la médecine de première ligne et, depuis quelques années également, de favoriser le développement de la médecine familiale. C'est sur la base des objectifs de santé fixés par le ministère des Affaires sociales que nous nous entendons avec les universités, sur la base des étudiants déjà inscrits dans nos universités, quant à des objectifs d'inscription en internat dans les universités. (11 h 45)

Mme Fortin, qui m'accompagne, pourrait décrire le mécanisme plus précis, si vous voulez aller dans le détail du fonctionnement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme

Fortin.

Mme Fortin (Michèle): Globalement, en ce qui concerne les internes et résidents, je pense que le ministère des Affaires sociales a un certain nombre de grands objectifs, dont le 60-40, que nous ne sommes pas en mesure de contester, certains objectifs concernant le développement de la médecine familiale, mais la décision n'est pas prise pour l'ensemble des omnipraticiens, et certains objectifs spécifiques concernant des spécialités en pénurie: psychiatrie et anesthésie. Étant donné les objectifs visés par le ministère des Affaires sociales, nous procédons annuellement, avec le ministère des Affaires sociales et la conférence des recteurs, à une analyse des flux d'étudiants déjà dans le système pour essayer de déterminer combien de nouveaux entrants nous devons permettre pour atteindre, premièrement, les objectifs des Affaires sociales sur la période visée et, deuxièmement, pour permettre aux étudiants qui sont déjà inscrits dans le système de terminer leurs études. Au tout début, lorsque nous avons commencé ce processus, nous fonctionnions avec de grandes masses. Nous avons dû le réviser l'an dernier, l'année d'avant, pour tenir compte, par exemple, des allongements de programmes dans certains types de spécialité ou d'une plus grande demande en médecine familiale. Globalement, l'objectif est fixé par les Affaires sociales, l'analyse des processus ou du flux d'étudiants est fait conjointement entre notre ministère, les Affaires sociales et la conférence des recteurs. Les objectifs de détermination à l'entrée sont donc faits conjointement et sont présentés au Conseil des ministres qui détermine, par décret, année après année, quels seront les objectifs è l'entrée en spécialité, en médecine familiale et dans les spécialités comme l'anesthésie et la psychiatrie à l'intérieur du contingentement global. Cela se fait selon un mécanisme récurrent.

L'autre partie de notre responsabilité, c'est de s'assurer que les universités respectent les objectifs déterminés par le Conseil des ministres. Nous avons, à l'intérieur des règles budgétaires, un certain système de contrôle, de pénalité, pour que, de façon récurrente, nous ayons l'information, à savoir combien de médecins ont été formés et si les cibles ont été respectées; sinon, pour faire varier les cibles de telle sorte que l'objectif final soit atteint en fin de période.

Sur le plan financier, l'entente que nous avons prise avec les universités est la suivante: les universités ne sont pas pénalisées financièrement pour les étudiants qu'elles contingentent dans les facultés de médecine. Elles ont une incitation financière à ne pas prendre les étudiants, mais, par ailleurs, si elles dépassent les contingentements définis et si elles acceptent des étudiants supplémentaires, elles sont pénalisées pour l'équivalent. Donc, sur le plan financier, l'université a une responsabilité de surveiller l'application de sa politique et les règtes budgétaires sont le moyen que nous utilisons pour nous assurer que, sur une longue période, les universités se conforment à la politique étant donné qu'on n'a pas d'autres moyens de traiter

avec les universités en ces matières.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je vous comprends bien, Mme Fortin, en ce qui a trait à une inscription additionnelle d'étudiants en médecine, elles seraient pénalisées.

Mme Fortin: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En ce qui a trait au contingentement des spécialités, je sais qu'une année - je pense que c'était le Dr Laurin qui était ministre, je crois, de l'Éducation ou des Affaires sociales - il y avait eu un montant supplémentaire accordé aux universités pour prévoir des postes additionnels en anesthésie et en psychiatrie, si je ne m'abuse.

M. Bérubé: Oui, et en médecine familiale.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les universités n'avaient pas utilisé ce montant à cette fin, mais l'avaient utilisé... Je ne dis pas que ce sont toutes les universités, mais, dans certains cas, des universités l'auraient utilisé strictement pour augmenter le contingentement d'une façon générale ou peut-être dans d'autres spécialités. À ce moment-là, est-ce qu'il y a une pénalité?

M. Bérubé: II n'y en a pas eu vraiment, mais on a renégocié avec la CREPUQ. Disons que c'est la première année d'application de la politique qui nous a donné -soyons honnêtes - quelques ennuis. Toutes les facultés de médecine ne partageaient pas nécessairement la volonté gouvernementale et disons que la première année il y a eu quelques difficultés, mais cela s'est complètement résorbé. Mais il est exact que nous avons dû, la première année, renégocier un étalement différent de certaines cibles. Nous avons même dû, dans certains cas, appliquer certaines pénalités, mais je pense qu'à l'heure actuelle c'est satisfaisant.

Mme Fortin: Ce qui s'est passé en ce qui concerne l'anesthésie et la psychiatrie c'est que la première année où ces spécialités sont devenues prioritaires on a ajouté un certain nombre de postes avec une condition générale, en disant: On vous les donne, mais vous devez accepter tous les candidats admissibles dans ces spécialités; en général, il faut dire. Ensuite, on s'est rendu compte, de part et d'autre, que c'était difficile de savoir ce qu'était un candidat admissible, parce qu'il y a quand même un jugement de dossier académique et il y avait des gens qui discutaient: Moi, je suis admissible ou je devrais l'être, etc. On a aussi fait face, lors de l'élaboration de la politique, l'an dernier, après la consultation avec les universités, au phénomène que, étant donné qu'il n'y avait pas de contingentement sur ces spécialités, on s'en allait vers à peu près la moitié des facultés de médecine qui formatent des anesthésistes ou des psychiatres, ce qui, pour la planification de la main-d'oeuvre médicale à long terme et pour l'équilibre des structures universitaires, n'était pas nécessairement intéressant.

Alors, on s'est entendu avec les Affaires sociales et on a des contingents spécifiques pour les anesthésistes et les psychiatres qui tiennent compte des capacités de formation des facultés de médecine et d'un certain équilibrre parce qu'il faut - en tout cas, de notre point de vue et c'est vraiment un point de vue de l'Enseignement supérieur - conserver, a l'intérieur des facultés de médecine, des capacités de formation dans toutes les disciplines et ne pas faire des virages brusques, c'est-à-dire que trois ans d'une discipline, trois ans d'une autre, trois ans d'une troisième.

Maintenant, on a des contingents spécifiques pour les anesthésistes et les psychiatres à l'intérieur du contingent global, mais l'objectif est toujours déterminé par les Affaires sociales. Elles pourraient ajouter cinq autres spécialités, diminuer les contingents; on pourrait s'entendre pour les mettre hors quota, mais c'est en fonction de leur évaluation des besoins de la main-d'oeuvre. Nous pouvons participer à cela. Nous participons plutôt à la relation à l'étude, combien il faut contingenter ou combien il faut former d'étudiants pour atteindre les objectifs du MAS, et non combien il faut de psychiatres pour soigner les Québécois. C'est nettement de leur côté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Maintenant, pour revenir du côté de la psychiatrie et de l'anesthésie, parce qu'il y a d'autres spécialités maintenant qui commencent à émerger en termes de carences; on parle un peu de cardiologie, d'orthopédie, de ces choses-là, mais on revient toujours à l'anesthésie et à la psychiatrie. Compte tenu que ces mesures ont été prises depuis au moins deux ans, est-ce qu'on sent que... Je ne sais plus à qui je dois le demander, si c'est à vous ou au...

Mme Fortin: Aux Affaires sociales.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ministère des Affaires sociales, si on arrive à flot. Il semble que non parce qu'on vient toujours... Est-ce que les universités réussissent à remplir les postes que vous allouez dans ces spécialités?

Mme Fortin: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors,

il n'y a pas de problème de ce côté.

Mme Fortin: Écoutez, c'est tout à fait normal. Étant donné qu'on contingente beaucoup à l'entrée, souvent, la seule façon de faire une spécialité, c'est d'aller en anesthésie ou en psychiatrie. Évidemment, la demande dans ces spécialités est beaucoup plus élevée que les postes qu'on réserve.

La question qui va se poser, si on veut aller en planification de main-d'oeuvre fine -cela ne nous concerne pas, mais cela concerne les Affaires sociales - c'est: Est-ce qu'on fait des contingents spécifiques pour toutes les spécialités ou si on laisse effectivement les universités ou les organismes locaux, en fonction de la qualité des candidats ou d'un équilibre général, faire eux-mêmes cette planification? Jusqu'à maintenant, on a laissé les universités, à l'intérieur de leurs contingents, choisir les étudiants dans la spécialité qu'elles voulaient, en fonction de la qualité des dossiers académiques, sauf en anesthésie et en psychiatrie où on a déterminé des priorités gouvernementales, étant donné les besoins qui semblaient particulièrement criants du côté des Affaires sociales.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Maintenant, je voudrais revenir, Vous ne l'avez probablement pas, mais nous avons reçu un mémoire, en annexe au mémoire des doyens des facultés de médecine du Québec, de la faculté de médecine de l'Université McGill dans lequel on exprime des inquiétudes vis-à-vis de la politique de contingentement qui a été mise en oeuvre. Eux parlent de l'année 1979; tout à l'heure, vous pensiez que c'était 1980-1981. Je pense que cela n'a pas d'importance pour la discussion.

Je vais le lire exactement: Nous ne cherchons pas à laisser entendre que les postes accordés aux facultés des autres universités sont répartis de manière irréfléchie, mais que les politiques et les conditions actuelles pénalisent indûment la faculté de médecine de l'Université McGill, qui voit, semble-t-il, ses postes diminuer d'année en année. Je pense que vous étiez partis avec l'hypothèse que McGill et Montréal, du point de vue des postes, seraient à peu près équivalentes et cela a été le cas pour, peut-être, jusqu'en 1982. En tout cas, depuis un an ou deux, il semblerait que des pénalités, prises dans un sens général, seraient plus fortes à l'endroit de McGill. Je ne sais pas si vous êtes capable...

Mme Fortin: Premier cycle ou les internes et résidents. Ce sont deux dossiers différents.

M. Bérubé: Entrées en première année de médecine?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Les postes rémunérés à l'Université McGill.

M. Bérubé: Postes internes et résidents?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non.

Mme Fortin: Rémunérés, ce sont les internes et résidents.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Internes et résidents, oui.

M. Bérubé: Moi, j'ai la première année,

Mme Fortin: Nous, on impose un contingent global.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je peux vous lire l'autre paragraphe, si vous ne l'avez pas: On compte présentement 603 postes rémunérés à l'Université McGill; 630 à l'Université de Montréal; 412 à Laval, 226 à Sherbrooke. Les prévisions laissent craindre que les postes disponibles à la Faculté de médecine de l'Université McGill deviennent de moins en moins nombreux à moins qu'on opère un changement dans la méthode d'allocation des postes ou qu'on reconnaisse à notre faculté son rôle distinct dans le domaine de l'enseignement médical. J'imagine que McGill a fait des représentations.

Mme Fortin: Globalement, je pense qu'il y a deux éléments d'information que je peux vous donner là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce que je voudrais comprendre.

Mme Fortin: Nous déterminons un contingentement pour l'ensemble des facultés de médecine. Nous donnons ce contingentement à la CREPUQ, dans le fond, et il est alloué, entre les universités par le comité des doyens. En première année, étant donné que nous avions des positions, on a proposé une distribution en disant: Si vous avez une autre proposition à nous faire, on va l'accepter. Sinon, voici ce qu'on applique: dans le cas des internes et résidents, nous fixons un contingentement pas par université, nous fixons un contingentement provincial. Deuxièmement, McGill avait un problème particulier concernant ses postes d'internes et de résidents pour les étudiants canadiens et pour les résidents américains, c'est-à-dire les échanges avec les États-Unis. On a eu des représentations là-dessus et ce qu'on a fait, étant donné qu'avec le ministère des Relations internationales toute la politique de formation des médecins étrangers, et non seulement américains, devait être considérée... L'an dernier, McGill demandait 40 postes. On a dit: On va vous en donner dix réservés aux Américains, en première

année, pendant qu'on examine la situation avec les Relations internationales pour l'ensemble.

Si, effectivement, cela en prend 40, étant donné que ces gens doivent faire des cours de quatre ou cinq ans, on pourra en ajouter dix par année et avoir un contingent de 40 ou 50 à l'intérieur du corps étudiant de McGill, mais uniquement réservé aux résidents étrangers américains et en fonction d'une politique d'échange avec les États-Unis et non en fonction d'une politique de main-d'oeuvre médicale. Il faut bien se dire - et, pour nous, c'est important - que, si on donne des postes pour politique d'échange, c'est l'équivalent de former des médecins chez nous. Si on forme des Américains ici en échange d'un Canadien qui se forme là-bas, c'est un médecin de plus qui est formé et dont on doit tenir compte en fonction des objectifs de main-d'oeuvre des Affaires sociales. C'est un peu cela qu'est l'enjeu présentement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il n'y a pas un nombre plus important de Québécois qui sont en internat ou en résidence ailleurs aux États-Unis que ce que, nous, nous recevons?

Mme Fortin: Nous avons essayé d'avoir des données précises là-dessus. Il est très difficile de savoir combien il y en a, combien il y en a qui font un an ou deux à l'intérieur de leur programme, qui sont des résidents inscrits dans nos universités et combien il y en a qui vont revenir. On s'est entendu avec les universités sur une définition de poste, ce qui fait que, si vous avez un étudiant qui entre, par exemple, en première année, qui fait son cours de deuxième année et qui va en troisième année aux États-Unis pour parfaire sa formation, l'université peut mettre quelqu'un sur ce poste pendant un an, mais il doit le lui réserver quand il revient. Nous devons contrôler les entrées dans les programmes de spécialité non seulement en première année, mais en deuxième, troisième, quatrième années parce qu'on avait des mouvements selon lesquels les gens allaient faire leur première année ailleurs, la deuxième année ailleurs et ça entrait de toutes parts. De toute façon, on n'atteignait jamais notre objectif en fin de période. C'est un peu compliqué. (12 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas. Une autre question que je voulais vous poser touche le problème des comités d'évaluation - je vais les appeler comme cela de sélection, peut-être davantage, des immigrants par les universités pour l'admission à l'internat rotatoire. Vous n'y étiez peut-être pas, mais je pense que le ministre était ici. On a soulevé tout à l'heure, à tort ou à raison - je ne veux pas prendre partis là-dessus - l'objectivité ou le type de décisions qui sont prises à l'endroit des médecins immigrants quand ils se présentent devant les comités de sélection. Le ministre l'a entendu? Je voudrais lui demander si la formule, telle qu'elle est appliquée présentement par les comités de sélection, lui semble acceptable ou s'il a l'intention de l'examiner d'un peu plus près. Comme je le dis, je ne peux pas, moi non plus, prendre position sur le fond, à savoir qui a raison et qui a tort parce qu'on n'est là ni l'un ni l'autre. Il reste qu'on est venu ici en commission parlementaire faire des affirmations qui sont quand même assez sérieuses à l'endroit des comités de sélection. Je comprends l'autonomie des universités, etc., mais il reste que l'autonomie ne peut pas être poussée non plus jusqu'à permettre des situations qui ne seraient pas acceptables.

M. Bérubé: Nous ne sommes pas intervenus dans la sélection des candidats, justement, au nom de l'autonomie des universités. Il n'y a pas de loi sur les universités au Québec et notre contrôle s'effectue au niveau des règles budgétaires. Il est vrai cependant que les règles budgétaires sont souvent un instrument tout à fait adéquat pour, finalement, orienter un système universitaire comme le nôtre et l'expérience nous montre que le système réagit bien aux préoccupations financières et qu'en conséquence il atteint généralement les objectifs qu'on peut se fixer comme société, sans qu'on ait besoin d'une loi sur les universités et d'une planification directive de l'État. Mais, effectivement, en ce qui a trait à l'admission à l'université, ce sont des politiques internes aux universités à l'intérieur desquelles nous ne nous sommes jamais immiscés.

M. Chevrette: Avez-vous eu des plaintes directement de l'association des médecins immigrants ou si toutes les plaintes sont acheminées au MAS?

Mme Fortin: Vous nous les envoyez toutes avec une feuille de transmission pardessus. Alors, on a toutes les mêmes que vous.

M. Chevrette: Mme la sous-ministre, c'est pour cela que je vous pose la question: Quelles suites avez-vous données aux plaintes qui vous ont été acheminées par le MAS?

Mme Fortin: En général, les...

M. Chevrette: Oeil pour oeil, dent pour dent, la loi du talion.

Mme Fortin: Oui. En général, les

plaintes sont de deux ordres. Si vous parlez des plaintes pour lesquelles il n'y a pas assez de postes, ce qu'on fait, c'est qu'on explique la politique, les mécanismes, etc. On met les responsabilités à la bonne place et on répond gentiment.

En termes du choix des candidats, là-dessus, je ne peux que répéter ce que M. Bérubé disait: S'il y a une prérogative qui est celle de l'établissement d'enseignement, c'est de choisir entre deux candidats celui qui, sur dossier, après interview, etc., est considéré comme le plus apte à faire des études et à pratiquer la médecine. Là-dessus, nous avons toujours retourné les candidats auprès des universités responsables en disant: 11 y a dans les universités des mécanismes d'appel pour les candidats qui ne sont pas satisfaits. Dans ce sens-là, c'est la responsabilité de l'université, qui est beaucoup mieux équipée que nous; elle a un comité de médecins pour choisir un candidat à la médecine. Là-dessus, on n'intervient pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On parle des résidents et des internes, on ne parle plus des étudiants qui arrivent en première année. Est-ce qu'eux aussi ont le même droit d'appel? Ils ne sont même pas inscrits à l'université.

Mme Fortin: Non. On les a retournés au comité qui avait assuré la sélection, mais nous ne sommes jamais intervenus là-dedans.

M. Chevrette: Si...

Mme Fortin: Vous allez probablement recevoir les gens des universités en témoignage là-dessus; il faudrait leur demander comment ils réagissent.

M. Chevrette: Ce sont deux versions tout à fait contradictoires, il n'y a pas de cachette.

Mme Fortin: Oui.

M. Chevrette: Je ne me souviens plus du nom du doyen qui soutenait qu'il n'y a aucune discrimination...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!

C'est le Dr Lamarche.

M. Chevrette:... et le groupe qui vous a précédés a dit qu'il y avait discrimination. Des plaintes, j'en ai reçu et je vous les achemine parce que c'est de la juridiction du ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

M. Bérubé: Pas tout à fait.

M. Chevrette: Dans le sens suivant: la responsabilité... Le ministre tuteur, si vous voulez, c'est quand même vous.

M. Bérubé: Non, il n'y a pas... Nous sommes dans une situation un peu particulière. Il y a une loi des collèges et j'accepte bien à ce moment-là le titre gentil de ministre de tutelle. Je ne suis pas certain que les collèges le prennent aussi facilement, mais cela m'étonnerait qu'on puisse utiliser ce vocable pour décrire la responsabilité du ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie vis-à-vis des universités. II n'y a pas de tutelle. 11 n'y pas de mineur.

M. Chevrette: Vous savez très bien, M. le ministre, qu'un ministre de tutelle, c'est celui qui écope de la facture, de toute façon. D'accord?

M. Bérubé: Ah! Si vous le présentez sous cet angle-là, oui.

M. Chevrette: À partir de là, je ne parle pas sur le plan théorique et juridique. Je parle sur le plan pratique.

M. Bérubé: Oui. C'est cela.

M. Chevrette: Moi, quand je reçois une plainte et que c'est sous ma juridiction, je ne vous enverrai pas la feuille. Si c'est sous votre juridiction, j'essaie de m'en enquérir et je suis surpris que Mme Fortin dise: On n'intervient d'aucune façon.

M. Bérubé: On l'envoie à l'université.

M. Chevrette: Est-ce que cela prendrait une preuve hors de tout doute raisonnable qui vous obligerait à changer la loi pour intervenir ou s'il y a une intervention au moins indirecte?

M. Bérubé: À mon avis, il faut référer à ce moment-là aux lois générales. Il peut exister dans des entreprises privées, par exemple, de la discrimination, mais nous avons une charte des droits. Nous avons effectivement des lois qui protègent les droits des citoyens et des résidents au Québec. Lorsqu'il n'existe pas de pouvoirs réglementaires de l'État dans un domaine comme, par exemple, celui du recrutement et de la sélection des candidats dans les universités, à ce moment-là, on retombe automatiquement sur les lois fondamentales du Québec et c'est par le biais de contestations juridiques de cet ordre qu'il peut y avoir une intervention, mais non par le biais, si on veut, d'une intervention politique directe qui va au-delà des juridictions que le Parlement a bien voulu conférer au ministre responsable. Je pense qu'il faut bien comprendre que la seule loi que vote le Parlement ici, à l'Assemblée

nationale, et touchant les universités, ce sont les crédits budgétaires aux universités. Point à la ligne. Et, à ce moment-là, on peut bien évidemment, par le biais des règles budgétaires, imposer certaines contraintes, mais je crois qu'il faut prendre garde à l'utilisation abusive du pouvoir politique qui consisterait à aller au-delà de la gestion des deniers publics et à se servir de l'instrument de financement pour appliquer des politiques. Je pense que, lorsqu'on finance en vue d'obtenir une certaine qualité du système, on peut, oui, imposer des contraintes quant à l'utilisation des sommes. Les deniers publics ne doivent pas être gaspillés. Ils doivent donc être utilisés à bon escient, mais, lorsqu'on parle de faire appliquer une loi comme la charte des droits, par exemple, en utilisant des règles budgétaires, là, c'est plus difficile.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, comme ces personnes-là ne sont pas inscrites à l'université, elles n'ont pas les recours habituels que les étudiants des universités ont; ce que vous suggérez, c'est que le seul recours qu'elles auraient, si vraiment elles ont l'impression qu'il y a discrimination véritable, ce serait de faire appel à la Commission des droits de la personne.

M. Bérubé: À mon avis, car nous n'établissons pas de politique de sélection dans nos universités et honnêtement, si vous me demandiez mon avis, je vous dirais que j'y serais personnellement opposé. Je pense que nous avons un système universitaire qui est capable de "s'autoréguler", qui est capable de tendre à des objectifs de grande qualité. Il l'a démontré par le passé. Il n'est pas parfait et, quand il n'est pas parfait, il y a lieu pour le pouvoir politique de souligner au réseau qu'il est imparfait. Il y a lieu, par exemple, d'introduire des incitations budgétaires à l'amélioration constante de la performance. Je pense que c'est vraiment le rôle du gouvernement dans son financement, mais cela ne doit pas aller au-delà de cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là-dessus, je suis d'accord avec vous, M. le ministre, à savoir qu'il ne faut pas que le pouvoir politique commence à s'immiscer dans la régie interne des universités, mais vous avez glissé une phrase dans vos derniers propos: On peut laisser savoir à l'université que le régime est peut-être imparfait. Est-ce que vous n'avez pas dit quelque chose comme cela? C'est-à-dire que le régime ou que telle fonction du régime...

M. Bérubé: C'est ce qui fait que nous transmettons...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Bérubé:... aux universités concernées les plaintes que nous recevons-La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. M. Bérubé:... et c'est là l'étendue.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cela avait été fait dans le cas qui nous préoccupe présentement?

Mme Fortin: C'est fait dans tous les cas. Souvent, quand nous avons des plaintes individuelles, on s'informe auprès de l'université pour avoir une idée exacte de ce qui s'est passé et pour donner une réponse pertinente. Si nous avions une plainte collective, effectivement, nous la transmetterions en demandant à l'université de voir si quelque chose peut être fait à l'intérieur de cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cela a été fait dans les cas des médecins immigrants?

Mme Fortin: Écoutez, il faudrait que je relève la correspondance. Normalement, je dirais oui, mais je ne pourrais pas vous l'affirmer.

M. Chevrette: On en reparlera. Mais je ne voudrais pas laisser l'impression... Il y a eu une ambiguïté au départ dans vos questions. Quand on dit que c'est le MAS qui s'occupe de préparer un décret, c'est une décision gouvernementale. Il faut bien se comprendre, dans le contingentement comme tel, le Conseil du trésor intervient...

M. Bérubé: Cela m'étonnerait que le ministère des Affaires sociales soit intéressé à limiter l'accès à la pratique médicale en tant que telle. C'est contre la mission du ministère, c'est contre la mission du ministère de l'Enseignement supérieur. Soyons honnêtes. C'est une décision gouvernementale qui vient d'un choix de priorités.

M. Chevrette: C'est cela. Donc, c'est une décision gouvernementale et, à partir de la décision gouvernementale, nous, on planifie en fonction de nos politiques et le gouvernement applique cette... D'ailleurs, on signe conjointement la demande du décret gouvernemental.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Il n'y a pas d'autres questions? On vous remercie, M. le ministre et Mme la sous-ministre.

C'était notre programme pour ce matin. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 16 h 5)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous nous excusons du retard mais c'était inévitable et je pense que l'ordre de la Chambre n'a pas encore été donné pour que nous siégions, mais de consentement mutuel, nous avons décidé de procéder.

La première personne qui est invitée, c'est le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et je le remercie de s'être encore déplacé cet après-midi puisqu'il était ici ce matin. Évidemment, nous n'aurons pas beaucoup de questions à vous poser puisque, déjà, vous avez fait voir certaines difficultés dans l'application d'une formule possible que nous recherchons pour tenter de trouver une solution au problème des médecins immigrants. Peut-être qu'à ce moment-ci, brièvement et à votre bon jugement, M. le ministre, vous pourriez essayer de montrer quelles sont les difficultés que vous pourrez... Évidemment, ce qu'on trouve comme formule la plus simple, c'est de fermer le robinet, comme disait le ministre des Affaires sociales. À votre point de vue, même si on règle le problème - disons dans une période de trois ou quatre ans, peu importe ce qu'on retiendrait - qu'arrive-t-il de l'avenir? On pourrait se retrouver, dans quatre ans, encore à cette commission parlementaire, avec un problème analogue.

M. Chevrette: Mme la Présidente, il faudrait peut-être que le ministre reprenne la distinction qu'il faisait ce matin...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

M. Chevrette:... concernant les réfugiés, les rassemblements de familles et les immigrants indépendants pour qu'on voie vraiment où le robinet peut être fermé, clos, ou bien, où il doit nécessairement être entrouvert; j'espère qu'il n'y en a pas un qui est pleinement ouvert parce qu'on a des problèmes, comme vous voyez.

Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration

M. Godin: Mme la Présidente, je suis à votre entière disposition et je ne suis ici que pour faire mon devoir de membre de l'Assemblée nationale. Je suis à votre service ainsi qu'à celui de mon collègue des Affaires sociales et de tout autre membre de la commission. Malheureusement, il y en a peu aujourd'hui.

Je vais poser le problème tel qu'on le voit et tel qu'on le vit à l'Immigration. Je pense que l'idée de fermer entièrement le robinet est une idée trop simple qui ne résiste pas à un examen sérieux de la réalité de l'immigration du Québec comme de n'importe quel pays.

Il y a, comme source d'immigration, dans le Québec, des immigrants dits indépendants: une personne adulte qui veut immigrer au Québec pour des raisons économiques, personnelles ou autres dans l'espoir de refaire sa vie. Comme deuxième famille, il y a les réfugiés qui, depuis quelques années, sont surtout venus pour échapper à des catastrophes économiques ou politiques de leurs pays respectifs, les plus connus étant Haïti et le Vietnam. Le troisième groupe, c'est la réunification de famille, c'est-à-dire quelqu'un dont la famille vit au Québec - le conjoint ou la conjointe -et qui vient la rejoindre. La loi canadienne nous fait obligation d'accueillir ce troisième groupe. Donc, il y a, pour reprendre l'expression du ministre plombier des Affaires sociales, trois robinets et non un seul.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce matin, on avait une horticultrice!

M. Chevrette: II a été une secousse où je me croyais plus pompier que plombier.

M. Godin: C'est peut-être une expérience à la commission Cliche, M. le ministre des Affaires sociales, qui vous a rendu si sensible au vocabulaire de la plomberie ou de la construction.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Godin: Je vous dirai que le robinet qui, au Canada et au Québec, est fermé depuis de nombreuses années, c'est celui des immigrants indépendants. Dès que quelqu'un se déclare médecin, comme, d'ailleurs, de mille autres métiers, je pense, M. le sous-ministre...

M. Vigneau (Régis): Oui, effectivement, sur près de 9000 emplois qui sont répertoriés dans le Code canadien de classification des emplois, le CCDP, il n'y en a que 18 qui, actuellement, sont admissibles au Québec.

M. Godin: La politique étant que si, au Québec ou au Canada, il y a surplus de main-d'oeuvre dans les 8982 emplois qui font l'objet d'un refus, on refuse la personne au nom de l'emploi déjà occupé ou de l'emploi où il y a surplus. La profession médicale -les médecins - fait partie des 8982 emplois dont on refuse les pratiquants parce qu'il y a surplus au Canada et au Québec. La médecine n'est pas un cas particulier pour ce qui est du refus pour raison d'emploi dans lequel il y a surplus au pays. Donc, on ferme ce robinet. Il est fermé depuis de nombreuses années. Il n'y a pas un médecin qui a été accueilli au Québec en tant

qu'immigrant indépendant et, en tant que médecin depuis de nombreuses années.

L'autre groupe, l'autre famille de réfugiés - prenons le cas d'un Vietnamien que le Québec sauve sur un bateau en Thaïlande ou qui passe par un camp de réfugiés en Thaïlande - on ne demande pas quelle est sa profession quand on le choisit pour le Québec, pour des raisons évidentes. On l'accueille ici pour des raisons humanitaires et c'est en tant que tel qu'on lui demande de remplir des formules et on ne lui demande même pas sa profession.

De ce deuxième groupe, il est possible que, d'une année à l'autre, il vienne un nombre X de personnes qui sont médecins de profession et qui, après avoir fait leur période d'intégration de trois ans au pays, obtiennent leur citoyenneté canadienne. Par la suite, ils sont médecins et comme n'importe quel citoyen canadien, ils peuvent pratiquer la profession au Québec s'ils répondent aux normes professionnelles connues.

Le troisième groupe, c'est leur indication de famille. Si une personne est accueillie comme immigrante indépendante, une Française, une Belge, une Haïtienne, et que son conjoint vient au Québec la rejoindre et devient citoyen canadien, dès qu'elle est citoyenne canadienne, cette personne peut alléguer les droits de tout citoyen canadien pour pratiquer sa profession de médecin ici si, évidemment, elle répond aux critères et normes des écoles de médecine et de la pratique médicale au pays.

Donc, il y a un robinet qu'on peut éventuellement fermer, il l'est d'ailleurs depuis fort longtemps, c'est celui d'immigrant indépendant. Il y a deux autres groupes, deux autres contingents, qu'on ne peut pas envisager de fermer à moins qu'il y ait - je ne crois pas que ce soit l'intention ni de l'Opposition, ni du gouvernement, ni de la population québécoise - il y a deux autres groupes, dis-je, qui continueront à faire partie des 15 000 ou 16 000 immigrants qui viennent chaque année au Québec. Dans les deux tiers du total de ce nombre, nous estimons qu'environ une trentaine de personnes par année sont des médecins qui entrent ici avec un chapeau de réfugié ou d'unification de famille. Ils sont en fait des médecins et aucune loi, aucune charte des droits ne peut les empêcher de pratiquer leur métier au Québec.

Le problème se pose maintenant et se posera dans l'avenir de toute manière à moins de changements profonds dans la politique canadienne de l'immigration. Si, par exemple, on décidait que la réunification de familles n'est plus une obligation pour le ministère de l'Immigration du Québec, cela pourrait affecter un des deux robinets, mais les réfugiés resteraient là comme source d'immigration au pays.

En gros, c'est la déclaration ministérielle que je fais au début pour bien situer le débat et pour que tout le monde comprenne de quoi il s'agit quand on parle d'immigration et des trois sources d'immigrants qui viennent au Québec. J'ai terminé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le premier, c'est clair, ils sont indépendants. Il y a toujours la possibilité que quelqu'un arrive au pays, se présente, je ne sais pas, comme spécialiste ou avec un métier qui pourrait être accepté et que, deux ans après, il se déclare médecin. Évidemment, il était médecin dans son pays. Je me demande quand même, sans manquer de respect aux droits et libertés de la personne, si on ne peut pas dire: Monsieur ou madame, vous êtes ici parce que vous répondez à tel critère quant à l'occupation que vous aviez. À ce compte-là, même dans vos trois catégories, on va se retrouver avec le même problème, même avec votre catégorie d'indépendants.

D'ailleurs, ce matin, vous donniez l'exemple de votre immigrant qui est venu comme investisseur. Ces choses ont plus ou moins marché puis, finalement, il dit: Moi, j'ai déjà pratiqué la médecine chez nous, je voudrais me réorienter là-dedans. Il n'y a pas eu de fraude, il est venu comme investisseur et il change d'orientation. Là, même votre premier groupe n'est pas étanche dans le sens du robinet.

M. Godin: Non plus, non. (16 h 15)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les refuser, je croîs qu'on n'a pas de problème là-dessus. Je passe par-dessus, je pense qu'on le dit, c'est ça les conditions des réfugiés. Dans le cas de réunification des familles, est-ce que ce serait vraiment enfreindre la Charte des droits et libertés de la personne si cette personne vient rejoindre son conjoint ou sa conjointe? Elle le peut. C'est un engagement ou, enfin, une politique que vous avez de favoriser d'abord la réunification des familles - et même si cet individu est médecin et qu'il y a une indication qu'il n'y a pas d'ouverture pour lui en tant que médecin. Mais quel sera l'état des choses dans quinze ans? On ne le sait pas. À ce moment-là, il n'y a plus rien d'étanche. Je pense qu'on va tenter de régler le problème des personnes qui se sont présentées devant nous ce matin. On peut se retrouver avec le même problème dans trois ans, avec 150 autres qui se seront ajoutés. Je me demandais si vraiment c'est enfreindre les droits des personnes, qu'elles viennent rejoindre un conjoint, une conjointe. Si on trouve qu'au plan humanitaire c'est important, - ça l'est d'une certaine façon -est-ce que c'est aussi important ou est-ce

que cela a la même valeur qu'il puisse, en même temps qu'il vienne rejoindre son conjoint ou sa conjointe - et je parle toujours des cas à venir, je ne parle pas des cas qui sont ici - à ce moment-là on dise aussi: Écoutez, cela sera peut-être difficile, mais il n'y a rien qui peut nous permettre de vous empêcher de pratiquer la médecine. Sans cela, on se retrouve dans la même difficulté avec les trois groupes.

M. Godin: Je vous dirai, Mme la Présidente, que nous faisons signer une déclaration solennelle aux personnes qui émigrent au Québec et dont on sait qu'ils ou elles sont des médecins. C'est un questionnaire que je peux déposer au bénéfice des membres de la commission. Nous le faisons signer depuis six mois seulement et il a fait l'objet d'une entente-consultation avec le ministère des Affaires sociales. Il rappelle précisément que, pour pratiquer la médecine au Québec, il y a des exigences à respecter qui sont établies par la Corporation professionnelle des médecins du Québec et qu'il y a aussi des difficultés pour se qualifier et pour avoir accès à l'internat rotatoire. Nous informons donc les personnes, quand on sait qu'elles sont médecins, des problèmes et des difficultés qu'elles peuvent avoir, au Québec, à pratiquer leur métier. Elles signent cette déclaration solennelle, mais sans renoncer pour autant à leurs droits éventuels de pratiquer la médecine. Ce n'est qu'un avis qu'on leur donne et qui vaut ce qu'il vaut. Je pense bien qu'au plan du droit, on ne peut pas empêcher une personne de vouloir pratiquer la médecine ici, mais il faut, à tout le moins, informer les personnes - je pense que c'est une des premières obligations que nous avons envers la loi -que pratiquer la médecine au Québec, quand on arrive comme immigrant, ce n'est pas facile. Il y a une course à obstacles à franchir et rien ne garantit que ces personnes pourront pratiquer la médecine ici. Je pourrais déposer la formule, pour le bénéfice de la commission et des intervenants.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, sans vouloir être trop sévère, je me dis que tous les autres qui sont ici, les membres de l'association, peut-être pas tous, mais un bon nombre d'entre eux, à certains égards, même s'ils n'ont pas signé une lettre ou ce genre de formule, avaient sans doute été mis au courant que ce serait difficile pour eux de pratiquer la médecine. Mais on n'éliminait pas pour eux la possibilité d'obtenir éventuellement un internat rotatoire. Évidemment, c'est peut-être impossible. Ce que je veux éviter, c'est qu'on se retrouve dans la même situation. Je trouve qu'une formule comme celle-là, en fait, ce qu'elle dit...

M. Godin: Cela ne garantit rien par rapport aux problèmes que nous vivons présentement, c'est sûr.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est sûr. "Je déclare avoir été clairement informé que le Québec est une région en situation de surplus de médecins, que les possibilités de pratique médicale sont extrêmement restreintes compte tenu du contingentement imposé sur le nombre de postes d'internat et de résident au Québec. " C'est déjà mieux que quand il n'y avait rien avant! Il n'y a pas de doute là-dessus. Il faudrait également, je ne sais pas dans quelle mesure, aller un peu plus loin que cela. C'est à vous d'examiner cela. Vous êtes les spécialistes. Vous en avez des spécialistes, là?

M. Godin: Mme la Présidente, je tiens à souligner que l'article 3, paragraphe g, de la loi du ministère fait obligation au ministère de prendre les mesures pour établir des normes de reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à l'étranger, des études qui ont été poursuivies, de la formation reçue, de l'expérience acquise, en vue de l'attribution d'équivalences correspondantes. Pour des raisons très simples. C'est que si on n'avait pas cet article, on se priverait d'experts. En dehors de la médecine, il y a d'autres métiers d'experts en quelque métier que ce soit, en quelque profession que ce soit. La loi nous fait obligation de reconnaître les équivalences au métier ou à la profession pratiquée par des immigrants qui viennent au Québec.

La Présidente Mme Lavoie-Roux: C'est moins nécessaire.

M. Godin: Disons que je ne peux pas ne pas prendre des mesures pour reconnaître les équivalences aux diplômes obtenus ailleurs.

M. Chevrette: Ce qui arrive si on se rappelle, vous n'étiez malheureusement pas ici, hier... mais les doyens des facultés nous ont bien expliqué qu'ils pouvaient juger tout le monde compétent, reconnaître les diplômes, comme la corporation après l'examen. La corporation n'a pas d'autre choix s'ils réussissent l'examen, elle reconnaît une forme de compétence. Là où le problème survient vous avez raison d'aviser au moins qu'il y a des difficultés -c'est au moment où la personne a fait une preuve de compétence devant la corporation et qu'elle a réussi à avoir son papier qui lui permet de solliciter une rencontre avec le comité de sélection. C'est au comité de sélection qu'il y a une forme de discrimination dans le sens qu'il doit choisir X personnes sur 150 ou 200.

L'individu qui quitte, quel que soit le pays, qui arrive au Québec, même s'il

reconnaît qu'il peut y avoir des difficultés, il est bien évident que s'il se juge compétent, il se dit: Je passerai bien pardessus ces difficultés, parce que je vais travailler, je vais m'inscrire à des cours, je vais essayer d'être observateur, je vais essayer de me recycler au système du Québec, et on ne pourra faire autrement que de reconnaître, à moyen terme, ma compétence. Et à ce moment, il y a nécessairement - je ne parle pas des gens qui sont intervenus ce matin, parce qu'on ne leur a pas dit qu'il y avait des difficultés avant qu'ils arrivent.

M. Godin: C'est un fait.

M. Chevrette: Au contraire, et c'est là qu'est le dilemme majeur, comme vous nous dites qu'il n'y a pas de possibilité de fermer le robinet, vous nous dites à toutes fins utiles: Vous avez un problème, vous en aurez un autre et vous en aurez toujours un.

M. Godin: Non, c'est-à-dire qu'il faut penser à une solution, M. le ministre, M. le député de Juliette.

M. Chevrette: Oui, mais vous êtes là pour nous en donner.

M. Godin: La solution que nous proposons, c'est qu'il y ait des normes qui s'inspirent peut-être du monde syndical, d'où vous venez, soit ancienneté, ou examens plus difficiles, peu importent les méthodes prises, mais les critères connus, acceptés et respectés par ceux qui s'y soumettent, acceptés et respectés par ces personnes, de manière qu'il n'y ait pas apparence d'injustice ni de discrimination, parce que pour l'instant on n'a pas de preuve de discrimination, enfin c'est très dur à faire ces preuves de toute manière, mais, les résultats obtenus en fin de compte donnent à croire, d'après les chiffres qu'on a vus, qu'il y a apparence de... La preuve n'est pas faite qu'il y a eu discrimination, mais il y a apparence de, et il faut éviter cela. Et le meilleur moyen est-il l'ancienneté? S'il y a quinze postes par année ouverts en internat rotatoire - je pense que c'est le cas, pour les non-Québécois - qu'au moins ces quinze postes soient attribués en fonction d'un critère connu qui soit l'ancienneté, c'est-à-dire à quelle date tel candidat a passé son examen FMGEMS ou autre.

M. Chevrette: J'ai vécu un problème un peu analogue, M. Godin, dans mon expérience syndicale justement, où l'ancienneté joue un rôle, mais c'était libellé à peu près toujours comme suit: à compétence égale, l'ancienneté prévaut. Et là, toute la notion, la dimension, l'analyse de compétence égale, vous retombez dans une discrétion assez grande, parce que uniquement le critère d'ancienneté, là vous allez avoir des groupes qui vont se mettre à crier que vous y allez aux dépens de la qualité, n'est-ce-pas?

M. Godin: Je pense qu'il appartient précisément à nos collègues de l'enseignement supérieur et à nos partenaires du CREPUQ du monde universitaire de voir à déterminer eux-mêmes les moyens qui leur permettront de déterminer l'excellence ou la compétence supérieure d'un candidat par rapport à un autre. C'est à eux... et nous pouvons, nous, faire partie d'un comité, enfin c'est la vieille solution du comité, qui est peut-être une fuite en avant me direz-vous, mais nous sommes prêts à contribuer, à collaborer à un groupe, quand il sera prêt, le plus tôt possible pour que justice soit rendue, pour mettre au point une formule qui ait toute apparence de justice et d'équité et qui respecte les deux critères généralement reconnus comme étant objectifs, c'est-à-dire l'ancienneté et la compétence ou l'excellence.

M. Chevrette: Est-ce que cela aurait du bon sens d'avancer une hypothèse qui se formulerait à peu près comme suit. Pour un certain nombre en tout cas, jusqu'à il y a six mois, compte tenu que des gens n'ont pas été prévenus des difficultés pour accéder à la médecine au Québec, est-ce que pour ceux qui sont sur les listes présentement, le critère d'ancienneté pur joue et que tous ceux qui auraient à venir, vu que nous ne sommes pas capables de fermer le robinet, ce serait à compétence égale que l'ancienneté prévaudrait? Est-ce que cela aurait de l'allure comme formule?

M. Godin: Je pense qu'on s'est mal compris sur les six mois. Ce que je veux dire, c'est que la formule que je vous soumets est vieille de six mois. Mais, c'est parce qu'on y travaille régulièrement. C'est celle qu'on a pondue depuis la dernière mouture, si vous voulez, une formule qui a existé depuis de nombreuses années et dont on se sert depuis six mois. Mais, en fait, une formule semblable ou équivalente, aussi précise et explicite existe depuis plusieurs années au ministère. On l'a fait signer dans plusieurs pays où on a des bureaux par les candidats à l'immigration qui sont médecins de profession.

Mais on pourrait peut-être vérifier si, dans le groupe en question, il n'y en a pas qui n'ont pas été avisés de cette obligation au Québec et de cette difficulté. Ce groupe pourrait bénéficier d'un statut particulier à l'intérieur du contingent dont on parle. Mais, cela peut être à vous, à nous ou ensemble ou conjointement à le faire, mais le plus tôt possible, nous sommes à votre disposition, M. le ministre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que l'objectif de notre rencontre d'aujourd'hui, c'est vraiment la nécessité de trouver une formule, pour reprendre vos termes, qui soit juste et équitable et, dans l'immédiat, de solutionner le problème auquel à peu près 150 personnes font face. Je pense bien qu'on ne trouvera pas la formule idéale cet après-midi, mais j'ai l'impression... Il me semble qu'on pourrait trouver une formule un peu plus serrée que celle-là pour les gens à venir.

Dans le fond, si je recevais cela, que je pensais que j'étais un bon médecin et que je signais cela, je suis informé que c'est difficile d'exercer la médecine, les possibilités sont restreintes. Mais ce n'est pas dit que la réalité des choses est telle que je ne pourrai pas pratiquer la médecine dans un avenir prévisible, au moins pour dix ans. Parce qu'il reste quand même que, beaucoup de gens nous ont dit qu'il fallait faire des projections sur une période de dix ans, vu que pour un spécialiste, cela prend dix ans, etc. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que, dans un avenir prévisible de cinq ans ou de huit ans - c'est aux gens à établir cela - il n'y aura pas de possibilité de pratiquer la médecine, à moins qu'on vienne comme médecin chercheur ou professeur ou quelque chose comme cela? Je trouve qu'elle est pas mal large. En tout cas, si je la recevais, je me dirais, comme disait le ministre des Affaires sociales, je vais me débattre et je vais finir par y arriver. Je pense qu'on en a aussi la démonstration parce qu'on a ici des gens qui se débattent depuis cinq ou six ans et qui disent: Je vais finir par y arriver. Au moins, ils sont rendus à l'Assemblée nationale. En tout cas, je pense que cela reste à examiner.

L'autre question que je voudrais vous poser...

M. Godin: Une chose, Mme la Présidente, sur ce que vous dites. Effectivement, c'est une formule qui n'est pas étanche parce qu'il n'existe aucun papier qui soit une renonciation des droits de la personne. Une personne pourrait même signer une formule beaucoup plus serrée et aller en cour, supposons la Cour suprême, et se faire dire qu'elle n'a perdu aucun droit de pratiquer la médecine au Québec ou au Canada.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, si on peut faire des prévisions, par exemple, que d'ici cinq ans, on n'a pas besoin de médecins immigrants qui viennent pratiquer la médecine, on pourrait venir parler au moins d'un délai, ce qui ne l'éliminerait pas si un jour cela devient possible. C'est juste pour ne pas créer, je trouve, de fustrations, de faux espoirs qui, finalement, ne peuvent pas se réaliser.

M. Godin: Madame, le ministère a envoyé une lettre à M. Augustin Roy, bien connu comme président de la Corporation des médecins du Québec, lui proposant de réfléchir avec lui, avec la corporation et le ministère des Affaires sociales à une formule qui permettrait de régler autant que possible... Bien sûr, rien n'est parfait, ni ici, sauf en haut où on sera peut-être un jour, si Dieu le veut, mais on attend toujours une... On attend toujours de temps en temps... C'est votre influence, Mme la députée...

M. Chevrette: Une "inside joke". (16 h 30)

M. Godin: Mais nous sommes prêts à réfléchir sur toute formule à laquelle seraient associés la Corporation des médecins, la CREPUQ et le groupe du Dr Bien-Aise, une formule qui soit juste, équitable, raisonnable et respectable, au fond, et surtout conforme aux droits des personnes dans ce pays.

Je vous avoue que ce n'est pas une tâche facile, Mme la Présidente. Maintenant, si la solution de consultation est mise sur pied dans un groupe d'étude avec un mandat accéléré ou si un mandat de résultats accélérés peut satisfaire cette assemblée, nous sommes disposés à nous mettre à l'oeuvre dans les plus brefs délais.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous remercie, M. Godin. Une dernière question. J'imagine que dans le même sens, si jamais on arrive à une formule qui soit satisfaisante pour l'avenir, si vous avez des contacts avec le ministère canadien de l'Immigration, parce que je ne sais pas si vous êtes dans tous les bureaux où il y a des... Je ne pense pas.

M. Godin: Non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans tous les pays... Alors qu'eux laissent la porte ouverte comme si de rien n'était et je ne sais pas quel est présentement... Vous t'avez indiqué tout à l'heure que déjà, pour les indépendants, on n'admet plus de médecins généralement, mais que si on arrivait à d'autres conclusions, évidemment, il faudrait faire les mêmes arrangements avec le ministère canadien de l'Immigration.

M. Godin: De toute façon, nous avons déjà dans l'organigramme des deux ministères un sous-comité qui se réunit, au besoin, pour étudier tout problème nouveau qui peut se présenter et celui-là peut être soumis à ce comité - qui s'appelle comment, M. le sous-ministre? - Le comité mixte d'application des ententes Couture-Cullen. On peut donc amener devant ce comité mixte ce problème nouveau et lui demander quelles solutions il trouve, pour sa part. S'il se pose dans

d'autres provinces que le Québec, c'est possible qu'ils aient trouvé quelque chose ailleurs, on ne sait jamais.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Godin: Mais on peut, effectivement, l'inscrire è l'ordre du jour lors d'une prochaine rencontre du sous-comité mixte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre de votre disponibilité ainsi que M. Vigneau. Je ne sais pas si le ministre des Affaires sociales voulait ajouter un petit mot.

M. Chevrette: Je remercie mon collègue de son offre de collaboration. À la fin de cette commission, je pourrai sans doute officialiser quelque chose dans ce sens qui nous permettra de travailler ensemble.

M. Godin: À votre service mesdames et messieurs. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup.

M. Chevrette: Votre disponibilité nous enchante.

M. Godin: Elle est traditionnelle. M. Chevrette: Proverbiale.

Conférence des conseils régionaux

de la santé et des services sociaux

du Québec

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite la Conférence des conseils régionaux de santé et de services sociaux du Québec à se présenter. M. Dumas en est le président. Bonjour, M. Dumas.

M. Dumas (Paulin): Bonjour madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II me semble qu'il y a un autre nom pour les Joliettains.

M. Chevrette: C'est un Lanaudois. M. Dumas: Je suis un Lanaudois.

M. Chevrette: Un Lanaudois, Lanaudière.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon! J'imagine qu'il doit y en avoir d'autres régions. Si vous voulez bien nous les présenter.

M. Dumas: Oui, madame- Cela me fait plaisir. Je vais vous présenter Mme Hélène

Maurais, directrice générale de la conférence; à ma gauche, le Dr Claude Voisine, président du conseil de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean; M. Jean-Yves Simard, notaire, président du conseil régional de la région de Québec qui composent la délégation, qui sont membres du conseil d'administration de la conférence.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien. Je sais que Mme Maurais était ici hier. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et après nous procéderons à la période des questions. Je pense que vous pouvez même le lire, il n'y en a pas pour plus de 20 minutes.

M. Dumas: Je n'ai pas l'intention de le lire compte tenu, d'abord, que vous êtes en fin de commission et je ne veux pas m'attarder aussi sur la présentation des principes ou de la problématique et même sur l'ensemble des mandats des conseils régionaux. Je voudrais m'attarder sur trois volets qui regroupent, effectivement, le contenu de cela. D'abord, la validité de la position que nous avons prise à la conférence et que nous avons transmise et les assises des conseils régionaux, particulièrement pour le problème qui nous préoccupe, le seul sujet sur lequel nous intervenons, c'est-à-dire la planification de la main-d'oeuvre médicale. Je voudrais vous présenter ou vous résumer les trois moyens que nous proposons pour assurer l'application des mandats des conseils régionaux dans ce domaine, ainsi que deux moyens qui sont relatifs à la formation médicale.

Sur la validité, tout ce que je veux répéter, c'est que la conférence regroupe les douze conseils régionaux; à la page 2, ils sont listés. Tous ces conseils sont solidaires de la position qui vous est présentée, en tenant compte - c'est important - de leur vécu et de leurs différences en région sur la question des effectifs médicaux comme sur l'ensemble des autres questions qui constituent le vécu des conseils régionaux et des établissements avec lesquels nous travaillons quotidiennement.

Quant aux assises des conseils, je voudrais d'abord rappeler que le gouvernement nous a confié un mandat par règlement concernant l'approbation des plans d'effectifs médicaux, qui sont élaborés par les centres hospitaliers avec lesquels nous travaillons. C'est bien connu de tout le monde. La deuxième assise, c'est une déclaration de "partnership" entre le ministère des Affaires sociales et la conférence des conseils régionaux, signée récemment. Avec votre permission, j'aimerais la déposer à la commission et, également, la distribuer aux membres de la commission, si vous n'avez pas d'objection.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Dumas: Nous pourrions le faire immédiatement, si cela vous agrée, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfaitement.

M. Dumas: Oui.

M. Chevrette: Madame est heureuse de voir qu'il y a bonne entente.

M. Dumas: Je veux juste dire un mot là-dessus, parce que c'est important.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Je présume...

M. Dumas: C'est dans ce cadre que nous nous présentons devant cette commission, parce que dans cette déclaration, qui dépasse, évidemment, le mandat dont je viens de faire mention, il y a une volonté explicite, une volonté très claire d'affermir les relations de partenaires pour l'ensemble des responsabilités qui sont ou bien très distinctes, ou bien partagées entre nous, complémentaires. C'est dans ce cadre que nous nous présentons devant vous pour expliquer, nous le croyons fermement, des solutions qui, selon nous, vont régler cette question qui semble si difficile, soit la répartition de la main-d'oeuvre médicale.

Donc, je vais aborder les trois premiers moyens, qui sont des moyens pour permettre et pour assurer l'application de notre mandat. Nous les retrouvons aux pages 7, 8 et 9 du mémoire. Le premier s'intitule: L'implication des conseils régionaux au processus de négociation. Je vais tenter, brièvement, d'expliquer pourquoi et, lors de la période de questions, je serai en mesure d'aller plus loin. C'est, dans le fond, très simple. Nous avons un mandat d'approbation des plans d'effectifs médicaux préparés par les établissements, mais nous savons aussi que dans l'entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec il y a un des deux objets de cette entente qui porte, effectivement, sur la répartition géographique des effectifs médicaux. Je dirais même que, dans l'entente avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec, il y a des lettres négociées qui portent aussi sur l'identification des secteurs isolés et que, dans les deux ententes avec les syndicats médicaux, c'est sûr que la rémunération ou les mesures d'incitation ont des effets sur la répartition. Compte tenu de la responsabilité qu'on a, il nous semble qu'il n'est plus possible qu'on soit exclu d'un processus qui va avoir des effets et qui a des effets sur la répartition. Voilà pourquoi nous croyons qu'il serait très sage et efficace d'intégrer la présence des conseils régionaux dans le processus de négociation qui est un processus central.

Quant au deuxième moyen, il s'agit de la gestion régionale des mesures de répartition géographique. Je n'ai pas envie d'insister beaucoup là-dessus puisque déjà en mai 1984, il y a un an, nous avons fait connaître à une commission semblable notre position à cet égard. Cela touche évidemment les mesures de la répartition telles les bourses d'études, les primes d'installation. Nous sommes absolument convaincus que cette question n'est pas facile à gérer centralement et qu'elle devrait être gérée en région puisque les conseils régionaux, quotidiennement, avec leurs établissements, voient l'ensemble de la problématique et ont une connaissance intime de ces questions. Cela me permet d'ajouter ceci: on parle aujourd'hui de la répartition des effectifs médicaux ou de la main-d'oeuvre médicale, mais on a une chose en tête, c'est que cela doit être intégré à la répartition des services, à l'organisation des services de santé et des services sociaux dans les régions pour répondre aux besoins de la population. Ce n'est pas un dossier à part qui n'a aucun lien avec la réalité du réseau des affaires sociales en région. C'est très important de le regarder dans cette problématique.

Deuxièmement, le mémoire le dit, le mandat est donné pour que les plans d'effectifs médicaux ne soient élaborés que dans les centres hospitaliers. Ce mandat ne parle pas du tout des CLSC, des centres d'accueil ou des autres établissements. La main-d'oeuvre médicale, que je sache, n'est pas uniquement dans les centres hospitaliers, mais elle travaille aussi avec différents types de clientèle et différents types d'établissements.

Le troisième moyen qui permettrait d'assurer l'application de notre mandat par rapport à l'approbation des plans d'effectifs médicaux, c'est la coordination par les conseils des ententes inter-établissements. J'ai envie de vous dire qu'il faudrait que cela cesse, que les ententes soient faites par tête de pipe, mais qu'elles soient faites d'une façon permanente par la responsabilité des établissements. Tant et aussi longtemps qu'on fera des ententes sur des personnes, chaque fois qu'une personne quitte pour des raisons qui lui sont tout à fait personnelles ou autrement, l'entente doit être recommencée et le vacuum ou la pénurie recommence, on doit refaire les ententes avec une autre personne. On pourrait avoir des ententes institutionnalisées qui seraient coordonnées par les conseils dans une perspective de répartition équilibrée des ressources en région, mais qui sont des ententes qui lient les établissements.

Évidemment, on pose des conditions à

cela. Cette gérance doit être faite comme on en parle à la page 9, selon le respect des principes suivants: l'autosuffisance des établissements pour les services de base par région; l'autosuffisance des régions pour les spécialités de base - on parlait, semble-t-il, hier d'à peu près 17 - et l'accès à tous aux services surspécialisés qui sont habituellement dans les grands centres. Ce qu'on veut dire clairement, c'est qu'on ne veut plus de colonisés, on ne veut plus de colonisateurs. On veut que les services de base, dans les établissements, et les services spécialisés de base visant à l'autosuffisance pour être en mesure, en région, de gérer ces ententes pour viser à l'autosuffisance. (16 h 45)

Cette question-là, nous pourrons la développer lors de la période des questions. J'ajoute que les ententes intrarégionales, c'est-à-dire à l'intérieur d'une même région, nous sommes favorables à ce qu'elles passent avant les ententes interrégionales pour des raisons évidentes de concertation entre les établissements qui savent comment équilibrer et comment faire des accords entre eux. Il est souhaitable que ces ententes-là soient incluses aussi dans le processus de planification régionale des effectifs médicaux - pour nous, c'est une cohérence évidente - et que les conseils régionaux concernés par les ententes participent au choix des moyens et aux modalités d'application des ententes. Enfin, il s'agirait que les instances concernées se rendent responsables de l'application et de la continuité de ces ententes. Donc, on institutionnalise les ententes au niveau des établissements.

Voilà pour le bloc des trois moyens qui, selon nous, assureraient, à partir de demain matin s'ils étaient appliqués, la réalisation concrète du mandat qui nous est confié.

Les deux autres moyens sont relatifs à la formation médicale; on les retrouve aux pages 11 et 12. Le premier, c'est celui des stages de formation obligatoires répondant aux besoins des différentes régions et des différentes catégories d'établissements. Cela me semble aussi évident qu'il faut donner, il faut permettre à ceux qui sont en formation médicale de vivre d'une façon pratique et concrète des modes de pratique différents dans des régions différentes, dans des établissements différents et, surtout, pour des clientèles différentes. Il me semble qu'il y aurait moins de surprise après, ou moins d'anomalies après, si, finalement, on avait vu passer le train un peu partout à l'intérieur de ce qu'on appelle la formation qu'on doit avoir avant de pratiquer professionnellement.

Là-dessus, le dernier paragraphe met l'emphase sur une collaboration qui nous apparaît évidente entre les universités et les divers milieux de pratique médicale. C'est notre plus grand souhait, notre plus grand désir de pouvoir travailler avec ceux qui sont concernés par cette question.

Le deuxième moyen, c'est celui de l'allocation d'un certain nombre de postes de résidence en fonction des spécialités et en fonction des besoins des régions. J'insiste là-dessus pour vous dire que ce n'est pas strictement un problème de régions périphériques parce que le premier réflexe qu'on a, c'est de penser à elles. Nous, on a regardé cela avec l'ensemble de nos membres et c'est aussi vrai pour les grands centres soi-disant très bien nantis que pour n'importe quelle autre région du Québec. Il peut y avoir et il y a, effectivement, des pénuries par spécialité, par secteur géographique et par région, autant à Montréal et Québec qu'en Abitibi ou dans ma région de Laurentides-Lanaudière. Nous pensons qu'il va falloir, dans les plus brefs délais, allouer un certain nombre de postes qui seront affectés ailleurs que là où ils le sont maintenant.

Nous terminons en vous disant qu'un certain mécanisme de concertation a déjà été proposé ici, il n'y a pas si longtemps, et nous sommes absolument d'accord que cette table de concertation soit permanente et qu'elle regroupe tous ceux qui interviennent dans ce qu'on appelle la répartition des effectifs médicaux et la formation. Si on est capable de le regarder ensemble, à partir de la première phase du processus de production jusqu'à la fin, nous sommes convaincus qu'en dehors des crises ou des négociations annuelles, on peut de façon permanente régler ces questions par une communication permanente et institutionnalisée. Cela se fait, des gens peuvent se parler, on peut travailler ensemble et nous vous listons ce que nous croyons être les principaux intervenants, les principaux concernés par cette question.

Mme la Présidente, c'est l'ensemble des moyens que nous proposons et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je voudrais remercier la Conférence des CRSSS. J'ai quelques questions. Le mémoire, en soi, est très clair. Vous reprenez vos principes en les élaborant. Je voudrais tout d'abord vous questionner sur les mesures incitatrices pour l'amélioration des services médicaux en région. Vous dites qu'on ne devrait pas... À toutes fins utiles, vous reprenez d'une façon un peu différente ce qui nous a été dit hier par la région de l'Abitibi, se soustraire à la négociation. Vous dites que vous êtes partie prenante à la négociation ou si c'est vraiment de soustraire à la négociation l'ensemble des mesures incitatrices? Vous parlez d'administration régionale des mesures incitatrices. Donc, il ne sera pas question de faire l'objet de

négociations d'aucune façon. Est-ce que j'interprète bien vos propos ou si je les interprète mal?

M. Dumas: Oui. Sur la partie de la gestion des mesures, on vous dit que cela va être plus simple de gérer cela en région. Par contre, on vous dit que, étant donné que le processus existe et qu'il va exister, il y a aussi des enjeux qui sont inscrits dans les objets des ententes entre la FMOQ et la FMSQ, qui ont des incidences directes sur cette répartition et on ne peut pas voir comment on va s'amuser longtemps à faire des papiers avec strictement aucune possibilité d'en influencer l'application. Je pense que vous êtes un homme pratique vous aussi et que vous n'avez pas envie de vous amuser à faire du papier; nous non plus. Si on doit réaliser notre mandat de la planification des effectifs médicaux, il faut être en mesure d'être dans le giron de l'application. Comme cela se fait à un niveau central, dans un premier temps, on vous dit: On va être là pour vous éclairer et pour influencer, finalement, les accords qui se préparent et qui se négocient là, toujours parce qu'on a mandat et toujours parce que, à l'échelle d'une région, on sait clairement où sont les problèmes de pénurie dans les établissements. On pourrait, à ce moment-là, ne pas parler strictement que des centres hospitaliers, mais de l'ensemble des établissements qui requièrent des services médicaux.

M. Chevrette: On achète cette suggestion qui nous est faite depuis deux, trois jours par plusieurs groupes. Je pense qu'il se dégage un consensus à l'effet de l'élargir aux CH, aux centres d'accueil et même aux CLSC. Hier, je crois que cela nous a été souligné et on y adhère pleinement. Je pense que c'est véritablement avoir une vision beaucoup plus globale des besoins en région, de sorte qu'on n'échappe pas de morceaux et qu'on ne permet pas à ce moment-là de fausser les statistiques.

M. Dumas: Êtes-vous en train de me dire, M. le ministre, que vous acceptez aussi qu'on fasse partie du processus?

M. Chevrette: Partie du processus? M. Dumas: De la négociation?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, il n'est pas encore rendu là.

M. Chevrette: Pas tout à fait mais je ne suis pas rébarbatif aux propos que vous tenez en page 7. Il y a effectivement une incidence. Je ne sais pas comment cela pourrait se concrétiser. Effectivement, quand on négocie, si on vous demande de remplir un boulot et que vous êtes complètement ignoré dans le processus, je reconnais que cela peut être un problème; on en a eu des preuves avec la FMRIQ hier et l'AHQ nous a dit - je suis rendu que je parle par sigle, comme vous...

M. Dumas: Ne faites pas cela.

M. Chevrette:... je vais commencer è les apprendre par coeur. Je devrais continuer à garder l'habitude que j'avais au départ, de parler avec des mots complets. Les centres hospitaliers, hier, nous disaient qu'ils avaient été frustrés de ne pas avoir participé à la négociation avec la FMRIQ, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec et, effectivement, je crois que nous devrions chercher des moyens d'associer nos structures qui ont un rôle bien défini et bien spécifique, je le reconnais. Sans me geler nécessairement dans la forme que cela prendrait, je reconnais que c'est tout à fait valable comme point de vue.

M. Dumas: J'espère que ce ne sera pas par un coup de téléphone.

M. Chevrette: Ce n'est pas mon habitude. Quand vous voulez me voir, vous savez où me trouver, M. Dumas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Surtout dans Lanaudière.

M. Chevrette: La question des ententes interétablissements. Vous y avez touché. Vous les basez sur le respect de principes bien précis. Il y en a un sur lequel je voudrais vous entendre davantage, c'est l'accès aux services surspécialisés. J'aimerais que vous développiez votre perspective à partir de ce principe. On a parlé, bien sûr, depuis quelques mois, d'équiper nos régions au moins d'équipements minimaux pour donner un ensemble ou une gamme de services qui soient adéquats dans chacune de nos régions. Mais, quand vous parlez d'équipements surspécialisés, est-ce que vous parlez d'équipements qui seraient concentrés dans une capitale régionale ou lancez-vous ce principe en disant: Voici les trois • principes de base qui doivent nous guider dans l'établissement des ententes interétablissements?

M. Dumas: D'abord, on accepte le constat que les services surspécialisés ne sont pas omniprésents en région. D'accord? C'est clair. Mais, gérer des ententes suppose aussi gérer ces ententes-là. C'est-à-dire comment as-tu accès aux services surspécialisés que tu ne peux pas retrouver à de multiples exemplaires partout?

M. Chevrette: Est-ce que cela irait, par

exemple, au niveau d'une entente entre le bouclier et le CHRDL, quand vous parlez de gérance d'ententes?

M. Dumas: Ce sont des ententes intrarégionales. Dans ce cas-là, étant donné qu'il y a une rareté de ces services, on peut peut-être parler de surspécialisation. C'est dans le cas des ententes intrarégionaies. Mais cela va aussi avec les ententes là où les centres ont les services surspécialisés. Il faut avoir une prise là-dessus qui répond à des besoins en région. Autrement dit, ce qu'il faut éviter, c'est de faire des planifications d'effectifs en fonction des effectifs. On fait une planification d'effectifs en fonction des besoins. Les besoins sont analysés, identifiés et vécus avec les établissements et le CRSSS quotidiennement. Il faut donc qu'on soit capables de libeller ces ententes, de les fabriquer en fonction d'une réponse à des besoins. Et là, on vous décortique les principes qui sont les nôtres. Je vous disais tantôt qu'on ne voulait pas de colonisés et qu'on ne voulait pas de colonisateurs, c'est qu'on ne veut pas être totalement dépendants de régions soi-disant bien nanties sur l'ensemble des services. Elles vont venir nous visiter cinq jours par semaine. En fin de semaine, c'est rare, elles ne viennent pasî Des affaires comme celles-là, on n'en veut plus!

Les deux premiers objectifs sont de viser l'autosuffisance sur les services de base par établissement, et l'autosuffisance, par région, des spécialités de base.

Quant au reste, on doit réaliser des ententes extrarégionales ou intrarégionales pour pouvoir réaliser cela sans demander que l'ensemble des services spécialisés se retrouvent partout dans chacune des régions.

M. Chevrette: Vous partagez donc le point de vue de l'Abitibi sur l'itinérance?

Mme Maurais (Hélène): Cela rejoint aussi le point de vue de l'Abitibi et le point de vue de l'Association des hôpitaux quant à l'autosuffisance de l'établissement pour les services de base, de la région pour les spécialités de base et l'interrégional pour des services surspécialisés.

M. Chevrette: Vous pouvez y aller, madame, je vais revenir...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que votre mémoire est assez clair, enfin, la façon dont il est divisé et articulé. Il y a une seule question que je voudrais vous poser et qui est plutôt une question d'information. C'est au sujet des ententes interétablissements, peut-être même davantage que les ententes interrégionales ou même... Évidemment, ce n'est pas une nouveauté. Cela fait longtemps que c'est une de vos fonctions de planifier les ressources à l'intérieur de la région entre les établissements. On sait que cela n'est pas toujours sans difficultés. Est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle mesure les mentalités évoluent et permettent une planification - on peut bien l'articuler sur papier - et une coordination véritablement vécue entre les établissements? On sait que cela tiraille entre l'un et l'autre et ainsi de suite. Enfin, c'était comme cela. Il y avait toute une question de mentalité. Chacun demeure maître à bord de son établissement. Ce qui est une bonne chose, mais je veux dire qu'il y avait passablement de "concurrence" -entre guillemets - entre les établissements. Est-ce que ce sont des difficultés qui s'atténuent, par exemple, entre les hôpitaux de courte durée et les CLSC, entre les hôpitaux de courte et longue durée et les centres d'accueil? Enfin, on pourrait en ajouter d'autres. J'aimerais savoir dans quel sens cela a évolué. Est-ce que c'est plus facile? Parce que c'est uniquement dans la mesure où cette coordination sera réussie qu'on pourra parler... Évidemment, il faudra toujours qu'il y ait une autosuffisance de l'établissement au point de départ, mais aussi, c'est dans la mesure où cette collaboration s'établira qu'on pourra parler d'une gamme de services complète pour les bénéficiaires. (17 heures)

Mme Maurais: Je pense que votre question est très large, à savoir: Est-ce que les mentalités évoluent? Je peux affirmer -l'ensemble des conseils régionaux pourraient vous l'affirmer - que, depuis dix ou cinq ans, il y a effectivement une nette évolution dans les relations interétablissements et interservices. Cela fait partie de la préoccupation majeure des conseils régionaux. Ceci ne se fait pas sans difficulté, sans tenir compte aussi, comme ressources importantes, du temps et des communications. Je vais demander à M. Simard d'aller plus loin sur cette question. Mais, c'est très large. Je pense qu'on pourrait vous en parler longuement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, avant que M. Simard me réponde, il y a une deuxième question que je voudrais vous poser immédiatement. Peut-être que M. Simard pourra l'intégrer. On sait fort bien - j'ai écouté cela à quelques reprises - que, souvent, dans ce qu'on appelle les sous-régions, il y a des déficiences de services, même si elles ne sont pas des régions désignées; il y a une insuffisance de services. Je voudrais savoir de quelle nature est cette insuffisance de services dans des sous-régions du Québec.

Mme Maurais: Vous parlez de services de santé...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De santé, sociaux ou autres.

Mme Maurais:... de façon générale. La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Maurais: De quelle nature est l'insuffisance des services?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Est-ce qu'elle existe véritablement? Puisque vous êtes des conseils régionaux, vous faites la planification des régions et des sous-régions. On a mentionné que, souvent, il y avait des sous-régions qui étaient mal pourvues, alors que la région, en soi, n'était pas considérée comme une région mal pourvue.

M. Simard (Jean-Yves): Cela tombe justement... La région de Québec est un exemple de votre deuxième question. Effectivement, lorsqu'on considère le territoire de la région de Québec, si on parle de la ville de Québec ou de ce qu'on appelle plus communément le Québec métropolitain, on va considérer... Je pense qu'on fait consensus pour dire que c'est un territoire bien pourvu en ressources, de façon générale, même si on peut identifier, pour certains services très ponctuels ou certaines spécialités, des déficiences.

Par ailleurs, sont compris dans la région 03 des territoires comme l'amiante, la Beauce, la région de Charlevoix, qui est la mienne, et la région surtout la plus éloignée qui est Rivière-du-Loup, qui est presque aussi éloignée de la ville de Québec que Montréal l'est de Québec, ce qu'on est souvent porté à oublier. Ce sont des exemples où, effectivement, dans ces sous-régions, il y a des manques de ressources ou d'effectifs médicaux pour répondre, par exemple, aux trois principes de base ou aux trois principes minimums qu'on expose à la page 9.

Est-ce que vous me permettez de revenir à votre première question de tout à l'heure, sur la concurrence interétablissements? La concurrence interétablissements, que vous avez soulignée, a existé et elle existe probablement encore en certains milieux. Mais, lorsque nous parlons d'ententes interétablissements à la page 9 de notre document, à mon sens, ce n'est pas influencé ou cela ne pose pas de problème à cause de la concurrence que vous avez mentionnée. Ce dont on parle ici, ce sont des ententes interétablissements, par exemple, entre deux hôpitaux de régions différentes ou entre deux hôpitaux d'une même région pour fournir des services d'un hôpital bien pourvu à un hôpital moins bien pourvu. Ce qu'on veut surtout souligner par nos commentaires de la page 9, c'est qu'au lieu que les ententes reposent uniquement sur des individus ou que ce soient des ententes ponctuelles avec des équipes bien identifiées, qui n'ont pas une garantie de stabilité dans le temps, on dit: II faut institutionnaliser ces ententes en impliquant davantage les établissements concernés, d'une part, et aussi les conseils régionaux, d'autre part, et que ces instances soient responsables de la stabilité et de la continuité des ententes, c'est-à-dire que si, par exemple, une équipe médicale qui couvrait un service n'est plus disponible, il faut que les instances, comme les établissements ou les conseils régionaux, entrent en action immédiatement pour pouvoir combler le vide, à ce moment, au lieu de laisser cela uniquement à quelques individus qui, malgré leur bonne volonté, ne peuvent pas assurer cette continuité.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cette entente ne pourrait pas être aussi efficace entre individus? Je comprends, si c'est une équipe médicale avec une autre équipe médicale, c'est plus aléatoire comme longévité, c'est fort possible, mais dans le cas d'établissements entre eux, est-ce que cela ne les rend pas plus responsables quand ils sont eux-mêmes responsables des ententes et de leur application plutôt que de toujours se référer, pour utiliser une expression à la mode, au grand frère qui est le conseil régional? C'est parce que là vous avez l'air de dire: Les établissements ne peuvent pas le faire d'une façon satisfaisante. II faudrait qu'on parraine tout cela aussi.

M. Simard: Lorsqu'on parle des deux instances, on dit: Cela doit être fait par les établissements avec la collaboration des conseils régionaux concernés. Ce sont les deux ensemble. Vous avez raison de dire que si c'étaient uniquement les conseils régionaux, il y aurait probablement une déficience parce qu'il faut impliquer les établissements là-dedans aussi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous remercie.

M. Dumas: Pour nous, Mme la Présidente quand on parle de coordination, c'est pour être capables d'assurer la cohérence à l'échelle de la région. On ne peut pas isoler cela en se fermant les yeux sur l'ensemble. C'est pour cela que par le biais d'une coordination du conseil, on va s'assurer que ces ententes sont vraiment dans une planification régionale et répondant à des besoins locaux, de toute façon. D'ailleurs, nous faisons ces choses avec les établissements; nous ne les faisons pas seuls.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.

Simard.

M. Simard: Je vaudrais juste ajouter un

autre élément pour expliquer l'importance de l'implication des conseils régionaux avec les établissements. Lorsqu'il y a des ententes interétablissements, cela implique la plupart du temps, pour l'établissement qui est en région éloignée qui fait une entente avec une région bien pourvue, des budgets ou des ressources en équipement pour soutenir la pratique médicale qu'on fait venir en région. Comme les conseils régionaux ont aussi des responsabilités en ce qui concerne la planification des ressources dans leur région et des budgets, c'est une autre raison importante pour laquelle ils doivent être impliqués là-dedans.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La dernière question que je voudrais vous poser, c'est au sujet des équipements dans les milieux hospitaliers. Je sais que, dernièrement, le ministre a prévu un certain nombre de mesures. Il y a 7 000 000 $ des 14 000 000 $ - si je l'ai bien écouté hier -qui iront au renouvellement d'équipements. Mais je m'étais fait dire par un de ses prédécesseurs - je ne le nommerai pas, d'ailleurs, ce n'est pas un blâme non plus -que les équipements médicaux, à l'intérieur des centres hospitaliers en régions éloignées, étaient satisfaisants. Maintenant, qu'il faille en ajouter, cela se peut, mais quelle est exactement la qualité des équipements des centres hospitaliers en régions éloignées?

M. Dumas: M. Voisine va...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Voisine (Claude): Je viens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je peux vous dire que dans notre réseau régional, nous avons des équipements qui sont satisfaisants. C'est sûr que M. Chevrette va me regarder peut-être drôlement lorsqu'on songe qu'à Dolbeau, cela a fait l'objet de plusieurs crises, mais il reste que dans l'ensemble, les équipements, chez nous, sont satisfaisants. M. Lamonde, il ne faudrait pas qu'il me regarde de travers pour me dire par la suite: Vous n'en aurez plus besoin d'équipements chez vous.

Le problème auquel on fait face, chez nous, pour répondre au premier volet de votre question, Mme Lavoie, en sous-région et dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a des disparités énormes. Le secteur de Dolbeau en est un. Je dois vous dire que la répartition des effectifs médicaux, chez nous, si la norme provinciale et fédérale est d'un psychiatre, par exemple, pour 6500, chez nous, c'est 1 pour 45 000. Chez nous, nous n'avons plus d'endocrinologue, nous n'aurons plus, à partir de bientôt, un neurochirurgien qui est superéquipé. Cette ultraspécialité à l'hôpital de Chicoutimi est très bien équipée et le seul neurochirurgien qu'on avait réussi à avoir - un émigré, qui était venu chez nous; on avait fait les démarches pour qu'il obtienne sa citoyenneté; après deux ans, il l'a eue - s'en retourne à Montréal. Dans la sous-région chez nous, nous manquons d'effectifs et les effectifs que nous avons sont peut-être mal répartis.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, si je vous ai bien compris, c'est que du point de vue équipement, c'est satisfaisant...

M. Voisine: Relativement satisfaisant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... c'est du point de vue des effectifs médicaux. Maintenant, vous dites que du point de vue sous-régional, vous êtes mal en point. Vous donnez comme exemple le cas de Doibeau. Comment se fait-il que le CRSSS qui a la responsabilité de faire la planification des effectifs et des équipements, en particulier, au niveau régional, comment se fait-il qu'on retrouve des... Doibeau n'est quand même pas un petit village. C'est assez gros Doibeau, je ne me souviens plus, j'y suis déjà allée.

M. Chevrette: C'est très joli, je suis allé dernièrement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 10 000 de population dans le coin, c'est une ville quand même d'importance. En tout cas, peu importe. Comment se fait-il que vous ayez cette responsabilité et que vous vous retrouviez dans des coins comme cela où il y a définitivement un décalage au point de vue des ressources?

M. Voisine: À la grandeur du Québec, il y a de ces décalages. Pour ma part, j'aurais le goût de vous répondre tout de suite qu'au CRSSS, on peut planifier les choses, mais il faut avoir de l'argent pour le faire, pour réaliser des choses.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais vous me dites que par exemple, dans...

M. Voisine: Je vous parle d'équipements hospitaliers...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je parle d'équipements. Comment se fait-il que d'autres coins... C'est vous autres qui avez fait la distribution.

M. Voisine: Qu'on a fait la distribution?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est vous autres qui avez fait la planification de la distribution, pardon.

M. Voisine: Non, non, vous ne...

M. Chevrette: Me permettez-vous de vous donner un petit bout de réponse?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, je m'en doute un peu.

M. Chevrette: Ils vont expliquer comment le revenu allait au pif. On distribuait l'équipement d'une façon...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais...

M. Chevrette:... tout à fait discrétionnaire, de sorte qu'on a...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais Il reste que... Une minute...

M. Chevrette:... bâti des centres hospitaliers bien équipés et aujourd'hui, cela se fait d'une façon rationnelle. C'est pour cela qu'on se retrouve en déséquilibre, mais qu'on est en train de le faire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais, M. le ministre, on ne voudrait quand même pas entrer dans un débat tous les deux.

M. Chevrette: Oui, mais c'est parce qu'eux n'oseront pas vous le dire. Ils ne veulent pas faire de politique.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ils ne veulent pas faire de politique, mais il reste que les CRSSS sont là depuis combien de temps? Treize ans?

Une voix: Quatorze.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quatorze ans. Alors, savez-vous qu'il y a... Depuis quatorze ans...

M. Chevrette: Vous avez fait un bout dans les quatorze ans, en plus de cela, vous avez....

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais vous autres, cela fait quand même...

M. Chevrette:... fait un grand bout avant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... neuf ans que vous êtes là. Là, vous avez voulu mettre cela sur un autre terrain.

M. Chevrette: Cela va bien, avez-vous remarqué, ils sont satisfaits.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, à Dolbeau, ils nous disent... Non, ils semblent être satisfaits de ce qu'ils ont eu avant, mais pas de ce qu'ils ont maintenant puisque Dolbeau est en carence chronique.

M. Chevrette: Était en carence.

Mme Maurais: Cela a rapport à votre...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela ne fait pas longtemps que la carence est corrigée.

M. Chevrette: Cela ne fait pas longtemps, mais cela est fait. J'y suis allé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais ils débrayaient avant le jour de l'An. Alors...

M. Chevrette: Ah! Ils débrayaient... Bien sûr...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Simard: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne voulais pas embarquer sur ce terrain-là.

M. Simard:... sans faire de politique, il y a effectivement des éléments historiques qui expliquent cela d'une part et, d'autre part, il faut dire et là, cela aussi repose sur une rationnelle, on n'installe pas des équipements dans des établissements lorqu'il n'y a personne pour les utiliser.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment-là... Hier, on nous a dit: Si on n'a pas d'équipement, on n'a pas de personnel.

M. Simard: C'est ce que je vous soulignais tout à l'heure, que lorqu'on parle d'impliquer les conseils régionaux dans les ententes interétablissements, si, pour utiliser une expression, on importe dans un établissement une équipe dans une spécialité quelconque, c'est important, que les conseils régionaux de toutes les instances finalement soient impliqués pour que, faisant venir la main-d'oeuvre médicale, on puisse donner des équipements appropriés. Mais, d'installer des équipements sans être sûr d'avoir la main-d'oeuvre pour les utiliser, là...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, c'est un peu comme la charrue et les boeufs, cela?

M. Chevrette: C'est cela. Il y a peut-être autre chose. On pourrait ajouter un troisième élément. C'est qu'il y a peut-être des hôpitaux qui ont été flanqués à des endroits, à des moments X et qui n'auraient pas dû être à ces endroits. Il faut dire cela aussi. Cela ne faisait pas partie d'une

planification... La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est...

(17 h 15)

M. Chevrette: C'était quasiment un honneur de mettre un hôpital à telle place indépendamment de ce qui pouvait se passer.

Je ne vois aucune planification en termes de développement démographique, rien du tout.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'ailleurs...

M. Chevrette: C'était la couleur de la brique qui était importante puis le choix de l'entrepreneur.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'ailleurs, M. le ministre, si on veut continuer dans la même veine, il faut dire que Chicoutimi a eu plusieurs ministres importants.

M. Chevrette: II y a un gros hôpital, aussi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si on remonte à M. Talbot, en passant par les Harvey auxquels je suis moins familière et maintenant M. Bédard, c'est peut-être pour cela qu'ils sont tous à Chicoutimi.

Une voix: M. Tremblay.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, M. Tremblay aussi, j'avais oublié.

M. Dumas: J'ai deux éléments de réponse là-dessus. Il faut constater humblement et modestement qu'on ne peut pas refaire l'histoire en quatorze ans. Mon ami Jean-Claude, le sous-ministre, disait souvent: On ne peut pas déménager les hôpitaux, ils ne sont pas sur des roulettes et c'est difficile aussi de déménager les équipements. Donc, avant de refaire l'équilibre à partir d'un irrationnel existant depuis de fort nombreuses années, sans vouloir accuser personne, il faut vraiment travailler d'une façon très cohérente avec les établissements là-dessus.

Deuxièmement, je pense bien qu'on est tous conscients que le mandat des conseils régionaux par rapport à la planification des effectifs médicaux, ce n'est pas vieux, cela, c'est à toutes fins utiles lors de la mise en vigueur de la loi 27 pour l'ensemble des conseils régionaux. Je pense bien qu'on est tous conscients aussi que ce n'est pas juste un exercice statistique de savoir combien il nous manque de médecins dans telle spécialité et dans tel secteur. N'importe qui est capable de faire ça ou à peu près. C'est plus que ça parce que cela touche aussi la vocation des centres et le profil de la pratique médicale dans les centres, autant CLSC, centres d'accueil ou hôpitaux. C'est un exercice qui est très complexe, qui concerne beaucoup de gens et qui remet en question, finalement, ce qu'on fait dans ces hôpitaux-là en vocation, en profil, en orientation des services à donner. C'est vrai en milieu urbain, c'est vrai dans les milieux périphériques ou intermédiaires et cet outil est absolument nécessaire pour qu'on puisse arrêter de faire des erreurs en suréquipements ou être capable de clarifier que, si le plan est valide et qu'il a été validé par l'ensemble des intervenants, il va falloir qu'ensuite, dans les cas où il y a des besoins de services, les services viennent, les budgets, etc.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, je ne voulais pas vous mettre sur la défensive, je me demandais juste... Là, on ne sait plus qui est sur la défensive, de toute façon. Je reviens à ma question initiale. Ce que je voulais savoir, on l'a su pour la région de Chicoutimi-Lac-Saint-Jean.

J'aimerais avoir une idée; oublions Québec, Montréal, Sherbrooke pour le moment. Dans les autres régions, est-ce que... ? Ce que je veux savoir, c'est si le manque d'équipement est vraiment criant partout ou si le manque... Vous avez dit: Nous autres on est relativement satisfaits. Quel est le cas en ce qui concerne les autres régions du Québec?

M. Dumas: Peut-être que Mme Maurais pourrait vous faire l'ensemble. Si je parle de ma région, je peux vous dire qu'il y a deux niveaux de problèmes. D'abord, il y a ce que l'on peut appeler les centres hospitaliers de mission régionale, de nature régionale, de caractère régional où, la, il faut effectivement donner un peu plus d'équipement, un peu plus d'équipes professionnelles parce que les autres hôpitaux, les citoyens de cette région-là vont se rabattre sur un centre qui est un peu plus équipé, qu'on appelle un centre régional. Mais on constate... Il y a quinze jours ou trois semaines, j'étais à un hôpital qui s'appelle Saint-Eustache. C'est épouvantable, ce n'est quasiment pas concevable que, dans un bassin autour de 150 000 à 200 000 habitants, on puisse avoir en 1985 autant de carences, autant de pénuries là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avec un bon ministre cela va se corriger.

M. Dumas: Apparemment, on a un excellent ministre, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, à Saint-Jérôme vous allez avoir cela.

M. Dumas: À Saint-Jérôme, c'est un hôpital régional.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est ça.

M. Chevrette: C'est fait maintenant.

M. Dumas: Bon, c'est fait. Au centre hospitalier de Lanaudière, c'est fait. À Saint-Eustache et Lachute, cela s'en vient, je ne sais pas quand.

M. Chevrette: Lundi après-midi.

M. Dumas: Lundi après-midi, bon, voyez-vous! J'apprends les nouvelles en même temps que vous, c'est merveilleux. Si on faisait le tour des régions comme cela, on aurait la question de la mission et des services qui doivent être dans les hôpitaux dits régionaux et les hôpitaux périphériques, pas à la capitale, si vous voulez, qui seraient capables de se rénover un peu puisque parfois, cela fait 15 ou 20 ans qu'il ne s'y est pas passé grand-chose et la population a augmenté ou diminué, c'est un des deux.

M. Chevrette: Dans le cas de Lachute, par exemple, en plus d'y avoir un état de vétusté et de non-fonctionnalité, je vais vous dire qu'il y a une compétition qui est plus correcte avec Hawkesbury. Automatiquement, la clientèle va plutôt vers l'Ontario et la facture est galopante pour les soins à payer à l'extérieur.

C'est la même chose à Shawville, par exemple, et nous allons régler cela également prochainement. Cette année on met le paquet pour ce qui est de la vétusté des équipements - je pourrai en parler tantôt -pour qu'on puisse améliorer précisément ces endroits d'une façon plus particulière.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on ne peut pas faire tout le tour des régions. Je vais arrêter mes questions ici.

M. Chevrette: Cela m'aurait permis de faire mes annonces en double.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez y aller, je n'ai pas d'objection. Avez-vous d'autres questions à lui poser sur d'autres régions?

M. Chevrette: Je pense que j'en ai une à vous poser. Je voudrais que vous me donniez l'état d'avancement des plans d'effectifs médicaux, mais en particulier dans les régions dites universitaires.

M. Simard:... de Québec. En fait, pour faire un peu d'historique, lorsque la région de Québec a eu son premier mandat pour la planification des effectifs médicaux, cela ne devait concerner que les hôpitaux universitaires. Cependant, dans la région de

Québec, sur une base volontaire, tous les établissements hospitaliers ont accepté, à l'époque, de faire un plan d'effectifs, selon le mandat qui nous avait été confié par le ministère, de sorte que la région de Québec a des plans d'effectifs médicaux pour tous ses hôpitaux depuis 1981. Cela a été fait jusqu'en 1983. À ce stade-ci, nous en sommes à la révision de ces plans d'effectifs médicaux, c'est-à-dire dans le cadre d'une deuxième opération.

Ce qu'on peut dire, à la suite de cette expérience de quelques années, c'est que cela nous a permis de constater un certain nombre de difficultés d'application et que, pour faire de bons plans d'effectifs médicaux pour la région, on doit de plus en plus fonctionner par identification de besoins d'abord et, par la suite, tenter d'accorder les effectifs appropriés. C'est assez facile è dire dans une formule comme celle-là mais, lorsqu'on arrive sur le terrain pour appliquer un principe comme celui-là, cela pose quand même un certain nombre de difficultés, d'abord, dans l'identification des besoins, mais davantage encore pour ajuster la maîn-d'oeuvre médicale à ces besoins. Lorsqu'on arrive dans les technicités, cela nous oblige à recueillir un certain nombre d'informations qui sont très diversifiées. On a fait allusion tout à l'heure, par exemple, aux profils de pratique médicale, aux endroits où les médecins pratiquent, etc. Cela devient une opération assez complexe, mais qui est quand même en cours de route.

Cela implique aussi que les conseils régionaux doivent avoir de bonnes relations avec les instances de la profession médicale; qu'on pense tant au Conseil des médecins et dentistes qu'aux fédérations médicales.

Par ailleurs, sans vouloir répéter tout ce qui a été dit tout à l'heure là-dessus, la première opération nous a aussi révélé que la planification des effectifs médicaux touche aussi à la vocation de certains centres hospitaliers. Effectivement, au cours de la première opération, dans notre région, il y a des centres hospitaliers qui ont modifié leur vocation et des recommandations à cet effet ont été faites au ministère, qui les a acceptées dans la plupart des cas.

Cela implique aussi que les établissements doivent poser certains choix sur les types de services qu'ils offrent à la population et qu'il doit y avoir une coordination régionale entre les choix que peuvent faire les divers établissements.

M. Dumas: Je voudrais ajouter, Mme la Présidente, qu'on se rend compte, à partir de l'expérience du conseil régional de Québec, avec ses établissements, qui, en 1979, était une des trois régions qui avaient le mandat de faire cela, que, d'une part, cela ne se fait pas que sur les hôpitaux universitaires. Voilà pourquoi eux ont tenté l'expérience

pour les 37 centres hospitaliers.

Deuxièmement, on se rend compte qu'aussi longtemps que l'ensemble des régions n'aura pas la possibilité de le faire, compte tenu de ce que cela implique - ce n'est pas juste un jeu de statistiques, je le répète - on ne pourra pas non plus voir la cohérence entre le produit de cette planification dans une région et la conséquence sur les autres. II y a même ici, semble-t-il, des équipes médicales ou des CMD qui ont utilisé comme outil rationnel de réponse, d'acceptation ou de refus d'un médecin qui veut s'ajouter à une équipe le dossier des effectifs médicaux de Québec. Mais, si cette personne candidate comprend qu'effectivement ils ne peuvent pas la recevoir pour des raisons bien évidentes d'un plan bien fait, elle peut aussi bien se retrouver è Montréal ensuite. Alors, qu'est-ce qu'on vient de régler? Il faut que l'ensemble de ces plans soit fait selon les besoins des régions et qu'on puisse être capables de les coordonner, ce que nous pouvons faire, comme conseils régionaux, à l'intérieur de la conférence, mais il faut être au même niveau. Alors, comme les mandats n'ont pas été donnés aux mêmes dates et au même temps, on se rend compte que l'exercice doit être absolument fait, mais avec un train de mesures. Ce sera dans quelques années que vous pourrez juger de l'efficacité de cet outil qui s'appelle les plans d'effectifs médicaux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous vous remercions et nous aurons certainement l'occasion de nous revoir.

M. Chevrette: J'aurais peut-être une question pour Mme Maurais...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!

M. Chevrette:... le temps que vous regardez votre petit texte. Je demanderais à Mme Maurais si elle pourrait me faire un rapport du style de celui de M. Simard concernant l'Estrie et Montréal?

Mme Maurais: Je me préparais, avant que vous disiez que vous vouliez conclure, à parler un peu de Montréal. Malheureusement, ils ne sont pas là pour aller aussi loin que Québec l'a fait, question d'engagement prioritaire. Montréal procède à l'approbation des plans d'organisation clinique des centres hospitaliers depuis 1980 et à la mise à jour des plans d'organisation clinique. D'autre part, ce processus d'approbation des plans ne produit peut-être pas les effets désirés d'une meilleure rationalisation et d'une meilleure répartition ou d'une meilleure limitation de l'entrée des nouveaux médecins, pour des raisons que nous avons déjà expliquées quant à la limitation du champ d'application et des moyens d'application.

Quant à la région de l'Estrie, j'avais une question: Est-ce que les centres hospitaliers ont élaboré leurs plans d'organisation clinique? Le conseil régional, pour la région de Sherbrooke, a une démarche d'analyse des ressources et des besoins, qui est une démarche globale de planification, qui devra aboutir à l'approbation de plans d'organisation clinique fondés sur des besoins et des vocations. Est-ce qu'ils procèdent à l'approbation des plans strictement selon la lettre de la loi? Je ne le sais pas.

M. Chevrette: Donc, M. Painchaud, pour les fins de l'enregistrement.

M. Painchaud (Albert): Pour la région de Sherbrooke, on a fait, en 1981, une préparation de plans pour l'ensemble des hôpitaux de la région. On s'est rendu compte que ces plans devenaient difficilement acceptables parce qu'ils étaient davantage fondés sur du développement plutôt que sur une reconnaissance de la situation qui était en vigueur à ce moment-là. La contrainte qu'on a eue aussi là-dedans: au-delà de la question des plans médicaux, on se retrouvait aussi avec une question de plans de service ou d'organisation de services dans la région. De façon complémentaire, ce sur quoi on a plutôt travaillé depuis 1982 et 1983, c'est sur un ensemble de mesures de rationalisation de services et de regroupement de services. C'est ce qui fait que, par exemple, dans la région de l'Estrie, on a procédé durant les deux dernières années, à un certain nombre de regroupements, entre autres au niveau des services d'obstétrique et de pédiatrie, ce qui arrive, d'une certaine façon, aux mêmes résultats. (17 h 30)

Les autres problèmes qu'on a éprouvés, outre le fait que cela se passait uniquement dans les régions universitaires, c'est le fait que les régions, comme Sherbrooke, Montréal ou Québec, n'aient pas été impliquées dans tout le processus de négociation...

M. Chevrette:... en 1981 par la loi 27... M. Painchaud: Oui.

M. Chevrette:... cela s'est étendu à l'ensemble des hôpitaux.

M. Painchaud: Pardon?

M. Chevrette: C'est depuis 1981 que cela s'étend à l'ensemble des hôpitaux.

M. Painchaud: Oui, mais disons que les applications ont commencé plus tard. Ce que je disais, c'est qu'il y a vraiment un problème d'ensemble, je pense, qui a été vu

dans la région de l'Estrie comme dans les deux autres régions dont on parlait tantôt. À ce moment-ci, ce qu'on complète, c'est aussi l'inventaire de l'ensemble des spécialités médicales et de l'ensemble des médecins. Ce qu'on vise de façon simultanée au courant de la prochaine année, c'est, en même temps, de travailler sur un plan d'effectifs médicaux et aussi d'en arriver à une espèce de plan directeur des services pour la région. Pour ma part, je pense qu'on ne peut pas traiter l'un sans l'autre.

M. Chevrette: Merci.

Fédération des médecins résidents et internes (suite)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie. Après l'audition du premier mémoire de mardi dernier, qui était le mémoire de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec, on nous avait adressé une demande pour se faire entendre de nouveau, pendant un quart d'heure, à la fin de nos travaux. Je dois vous dire que c'est une mesure un peu inhabituelle. En fait, on peut strictement le permettre, sauf qu'on pourrait toujours retrouver quelqu'un qui voudrait réagir à tout ce qu'il a entendu pendant les journées qui ont suivi.

Compte tenu que, pour une partie, la commission avait été motivée par des problèmes découlant de la négociation, après en avoir discuté ensemble, on a pensé qu'on pouvait lui permettre de revenir nous causer ou nous présenter son point de vue pendant un quart d'heure additionnel. Alors, je vous invite à venir en avant.

M. Larose (Michel): Je vous remercie, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, M. Larose.

M. Larose:... d'avoir bien voulu accéder à notre demande. Sans préambule, je vais passer immédiatement au petit texte qu'on a préparé.

En fait, sur les quatre points qu'on avait présentés à l'intérieur de notre mémoire, je voudrais faire une rétrospective de ce qui, selon nous, a été présenté comme éléments essentiels lors de la commission.

En ce qui a trait à la garde, la démonstration que la norme maximale d'une garde aux quatre jours répond aux objectifs nous semble désormais faite. Comme en a conclu le Dr Rochon, président du Comité des doyens, comme l'a reconnu le Dr Richer, président de la FMOQ, comme l'a accepté indirectement le Dr Desjardins, président de la FMSQ, qui reconnaît aux doyens et à la corporation la juridiction sur l'aspect académique de celle-ci, on peut donc considérer que, désormais, toute dérogation à cette règle relèvera de l'abus et la FMRIQ réaffirme la nécessité de mettre en application ces recommandations pour régler le problème une fois pour toutes.

M. Chevrette: Je suis en train de dire que vous êtes fort habile, M. Larose.

M. Larose: Je vous remercie, M. Chevrette, mais je ne serai jamais aussi habile que vous!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De négociateur à négociateur.

M. Larose: Elle souligne que la réponse de la FMSQ au ministre, qui tentait de soulever la discussion sur l'importance du problème, était non seulement très vague, mais qu'elle faisait mention que, dans certains services, le nombre insuffisant de résidents rendait impossible le respect de la norme, ce qui, comme l'affirme la FMRIQ, n'est nullement un aspect académique et renforce sa position lorsqu'elle demande une rationalisation de ses effectifs.

Elle affirme également la mauvaise foi de certains milieux hospitaliers et soutient que, lorsque l'on maintient que les mécanismes actuels assurent le respect de la norme et que les directeurs de département sont le pour arbitrer la situation, on falsifie la réalité puisque ce sont souvent ces mêmes directeurs qui menacent les résidents et les internes.

Elle affirme, en outre, que la situation où un grand nombre de spécialistes seraient de garde toute leur vie aux deux jours est exagérée, puisque la majorité de ceux-ci oeuvrent dans les hôpitaux universitaires des grands centres urbains et sont, en général, couverts par des résidents ou des internes. Ils sont ainsi si peu dérangés que certains d'entre eux ne portent même pas de télé-avertisseur.

Enfin, la FMRIQ rappelle à la commission que le mécanisme de contrôle qu'elle propose ne se veut pas exclusif, mais complémentaire à ceux existants, de telle sorte que, si les autres mécanismes sont réellement efficaces à faire respecter l'entente signée avec le ministre, aucun déboursé pour une garde faite au-delà de la norme ne sera effectué.

Il s'agit donc là d'une garantie qui permettra de passer de la discussion du problème à sa solution sans que l'odieux de la plainte repose, dorénavant, sur le résident ou l'interne lésé dans ses droits.

En ce qui a trait aux unités d'enseignement clinique, la FMRIQ déplore le peu d'intérêt des milieux universitaires et le peu de compréhension des médecins spécialistes. Elle souligne que non seulement il n'a jamais

été demandé au MAS de lier, dans l'entente collective, les exigences académiques de la formation médicale mais que, bien au contraire, c'est pour assurer le respect de celles-ci qu'elle demande que les centres hospitaliers soient contraints, par le biais de l'entente, à les mettre en application.

L'affirmation de la FMSQ concernant la non-juridiction du ministère des Affaires sociales en ce domaine est tout à fait injustifiée car, s'il est vrai que le ministère des Affaires sociales n'a rien à voir avec l'aspect pédagogique, il peut néanmoins assurer l'implantation de structures en harmonie avec les conditions de travail des résidents et internes et permettre ainsi de réaliser les objectifs pédagogiques qui auront été élaborés par les universités en collaboration avec la Corporation professionnelle des médecins du Québec, qui doit fournir son agrément.

À cet effet, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec remercie de son appui l'ACMDPQ et elle demeure confiante que la commission s'arrêtera sur ses recommandations, qui sont celles de jeunes médecins qui constitueront un corps médical pour la prochaine décennie et dont la qualité de la formation est garante de l'excellence des soins qu'ils apporteront à la population québécoise.

En ce qui a trait à la supervision dans les urgences, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec reconnaît la bonne foi de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et les efforts du Comité des doyens pour régler le problème malgré l'opposition des centres hospitaliers. Elle déplore, cependant, qu'il ait fallu plus de quatre années d'efforts pour que la situation soit reconnue de tous les intervenants et elle insiste pour que les garanties législatives que l'on retrouve dans les recommandations de son mémoire soient adoptées pour assurer que cette situation soit définitivement réglée.

Elle maintient sa position en ce qui a trait à la présence physique d'un médecin membre du conseil des médecins et dentistes à l'urgence parce que des internes ou des résidents en stage y sont de garde, ceci pour assurer leur supervision et leur dispenser l'enseignement nécessaire au raffinement de leur jugement clinique et, surtout, au perfectionnement des techniques propres à la médecine d'urgence. Elle demande donc à la corporation de respecter ses engagements en ce sens et de retirer son agrément pour des stages à l'urgence aux centres hospitaliers dissidents et ce, avant juillet 1985.

Enfin, Mme la Présidente, je vais tenter de détailler davantage sur la planification des effectifs médicaux. Je tiens d'abord à affirmer le vif intérêt de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec sur ce sujet qui touche ses membres, non seulement en ce qui concerne le nombre d'admissions à la faculté de médecine et le contingentement, mais également pour ce qui est de la planification à long terme en ce qui a trait au nombre total prévisible de médecins, à la proportion de spécialistes par rapport aux omnipraticiens et, surtout, à la répartition des effectifs dans toute la province.

Ainsi, si la planification à court terme touche nos conditions académiques et nos conditions de travail immédiates, la planification à long terme risque d'influencer nos conditions de vie futures et nous sommes plus qu'intéressés à participer, non seulement au processus décisionnel, mais également au règlement des problèmes qui se présentent. À cet effet, nous ne saurions que féliciter ceux qui, comme par exemple les doyens, les CRSSS et la FMSQ, suggèrent une concertation permanente des intervenants dans le but de partager les données statistiques et d'arriver ensemble à des solutions acceptables pour tous et qui tiendront compte des impératifs économiques de la province. La FMRIQ appuie sans réserve cette recommandation et elle l'apprend à la commission dans son mémoire en soulignant l'urgence de la mise en application d'un comité statutaire permanent constitué du ministre des Affaires sociales et des présidents des principaux regroupements concernés par la situation.

De plus, nous ne saurions mettre suffisamment en garde le ministère des Affaires sociales contre la mise en application de toute mesure contraignante visant à répartir, par la force, les futurs effectifs médicaux québécois. Nous lui rappelons que des soins dispensés de force à une population, c'est une situation insensée qui, non seulement va è rencontre de la démocratie et de la justice sociale, mais menace, de plus, la qualité de l'acte médical que ne peut raisonnablement poser un médecin qui, affecté contre sa volonté dans un milieu incompatible avec ses aspirations personnelles, ne pourra se consacrer à sa profession avec la liberté d'esprit que celle-ci exige.

La Fédération des médecins résidents et internes du Québec constate donc avec beaucoup d'inquiétude que certains organismes exaspérés, et avec raison, par le peu de main-d'oeuvre médicale de plusieurs milieux périphériques proposent le contingentement régional avant même que toutes les mesures incitatives élaborées depuis mai 1984 n'aient été mises en application.

Soucieuse de solutionner une situation dont ses membres risquent d'être les premières victimes et qui pénalise de nombreux citoyens québécois, elle propose donc à la commission de recommander au ministère des Affaires sociales que,

premièrement, celui-ci reconnaisse que le volontariat est ia base essentielle du recrutement en milieu périphérique; deuxièmement, qu'il reconnaisse également que les moyens incitatifs actuels, incluant la surtarification, c'est-à-dire 115 % pour les omnipraticiens et 120 % pour les spécialistes, associés à une exonération du décret pour les jeunes médecins ayant oeuvré une année en périphérie, soient les mécanismes favorisés par le ministère des Affaires sociales; troisièmement, qu'il accepte que, dès qu'une amélioration sensible aura été observée, soit ramenée à deux ans la période d'application du décret pour les jeunes médecins n'ayant pas choisi de pratiquer une année en périphérie et, ultérieurement, de réduire successivement cette période à une année, puis d'abolir complètement le décret lorsqu'une situation d'équilibre aura été atteinte.

Après en avoir discuté avec plusieurs de ses membres, la fédération est persuadée que, par la mise en application de ses recommandations, les milieux périphériques pourront bénéficier d'une main-d'oeuvre médicale suffisante et, s'il apparaît que certains milieux ne possèdent pas les facteurs de rétention professionnels ou sociaux favorisés par les jeunes médecins, nous observerons alors l'établissement d'une médecine temporaire, mais néanmoins stable, où il suffira de planifier la rotation annuelle des effectifs. Ce genre de pratique, potentialisée par le jumelage, I'itinérance et le dépannage, réduira néanmoins de beaucoup l'utilisation de ces derniers et il devrait en résulter une réduction importante de certains coûts, notamment des coûts de transport.

De plus, Mme la Présidente, sans vouloir faire sensation, j'aimerais soumettre à la connaissance de la commission et du ministre des Affaires sociales une situation qui illustre l'incohérence du système actuel. Il existe actuellement à Gaspé un centre hospitalier, le sanatorium Ross, dont la vocation est en partie celle d'un centre hospitalier psychiatrique. Depuis environ huit mois, un psychiatre, un omnipraticien et un coopérant français en deuxième année de résidence oeuvrent dans ce milieu où les besoins d'effectifs psychiatriques seraient de cinq - cinq psychiatres.

La FMRIQ, soucieuse de participer à l'effort du recrutement, a collaboré activement, dans cet endroit, à la création d'un comité d'accueil efficace et, parallèlement, par le biais d'une banque de résidents intéressés à rendre occasionnellement des services comme omnipraticiens dans les milieux périphériques afin de les mieux connaître, la fédération a déjà envoyé à plusieurs reprises certains de ses membres se spécialiser en psychiatrie pour réduire, de temps à autre, la tâche des médecins permanents et leur permettre de vaquer à d'autres activités.

Or, Mme la Présidente, à cause des lacunes de notre système de santé, ces jeunes médecins, qui rendaient des services très appréciés par la communauté de Gaspé, risquent de ne plus pouvoir se rendre dans ce milieu. En effet, la Régie de l'assurance-maladie du Québec a décidé récemment qu'ils étaient des hors-la-loi et, non seulement refuse de les rémunérer pour le travail qu'ils pourraient fournir à l'avenir, mais retient actuellement leur rémunération sur le travail déjà fait.

Cette situation, que l'on qualifiera de cas particulier, est l'un des multiples exemples des difficultés que rencontrent les milieux dans le recrutement de main-d'oeuvre médicale et dans la dispensation des services à la population. Une telle situation ne peut plus durer et je prie le ministre d'intervenir personnellement pour la régler, de telle sorte que de Gaspé, dont la FMRIQ voulait faire le prototype de participation en périphérie, il ne résulte pas un état de découragement qui minerait ses futurs efforts.

Dans la même ligne de pensée et considérant l'utilité des services offerts par certains résidents oeuvrant, dans leur temps libres, comme omnipraticiens auprès de la population, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec s'étonne que la corporation, garante auprès du public de la qualité des services médicaux qui lui sont offerts, remette en question cette pratique que l'on nomme "moonlighting". Il faut réaliser que celle-ci permet de combler plusieurs lacunes du système de santé en créant un effet tampon qui assouplit ainsi les changements parfois rapides de la main-d'oeuvre médicale disponible pour certaines catégories de soins.

Toujours dans la même optique, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec est d'accord avec la corporation et la Fédération des médecins omnipraticiens lorsqu'elles affirment que la formation de l'omnipraticien devrait être portée à deux ans. Elle exprime cependant certaines réserves sur la formation en spécialité où on tente actuellement d'établir des programmes où les résidents ne détiendraient pas de permis de pratique avant la fin de leur formation d'une durée de cinq ou six ans. Cette situation abolirait par le fait même la pratique du "moonlighting" et ferait disparaître des services offerts par une main-d'oeuvre médicale disponible pour les dispenser. Elle propose donc un mécanisme d'équivalence, permettant aux résidents d'obtenir leur permis de pratique en début de spécialité en choisissant des stages correspondants aux exigences de la formation en omnipratique.

Enfin, en ce qui a trait au contingentement, la fédération partage l'avis de la Fédération des médecins spécialistes du

Québec et elle a déjà fait part à la commission de ses recommandations dans son mémoire. Elle partage de plus l'avis des doyens en ce qui concerne la création d'une cohorte réservoir qui permettrait d'éviter de décimer certaines spécialités. (17 h 45)

En ce qui a trait aux médecins immigrants, et avec tout le respect qu'elle voue aux groupes minoritaires, la Fédération des médecins résidents et internes du Québec recommande, en accord avec le Comité des doyens, que les futurs arrivants soient avisés avant leur arrivée que leurs droits sont ceux de tout autre Québécois et que, dans l'esprit où on limite le nombre de professionnels de la santé au Québec, on ne peut leur garantir de pratiquer leur profession. Elle recommande de plus, en ce qui concerne les immigrants déjà sur la liste d'attente de la corporation, que ceux-ci soient intégrés en tenant compte des mêmes critères d'excellence que ceux exigés des Québécois

En ce qui concerne l'engagement de médecins pour fournir des services en périphérie, la FMRIQ comprend l'aigreur des représentants de l'Abitibi, aigreur qui ne peut être qu'exacerbée lorsqu'on observe le porte-parole de la corporation ridiculiser la publicité de certains milieux qui font des efforts pour se nantir d'une main-d'oeuvre suffisante. À cet effet, la fédération porte à l'attention de la commission qu'elle est d'accord que des médecins étrangers engagés spécifiquement à cet effet et sur une base temporaire fournissent des services en périphérie pourvu que les règles du jeu leur soient expliquées clairement avant leur arrivée et que la durée totale, de leur engagement soit limitée à trois ans. Elle a déjà fourni l'an dernier à la Corporation professionnelle des médecins du Québec une suggestion de contrat d'engagement qui permettrait à un centre hospitalier périphérique, conjointement avec celle-ci, de signer une entente avec un médecin étranger, la corporation étant ainsi garante de son départ en n'émettant plus son permis de pratique à la fin de son contrat.

Enfin, en ce qui a trait aux inquiétudes des représentants de l'Université McGill au sujet des échanges interprovinciaux et interrégionaux, la fédération ne s'oppose pas à ceux-ci et elle est même assurée qu'ils contribuent à l'excellence de la formation. Cependant, elle est d'avis que les individus ainsi formés devraient être avisés avant leur arrivée qu'aucune garantie de permis de pratique, à la fin de leur formation, ne leur est fournie et, sur le principe "à travail égal, salaire égal", elle exige que ceux-ci soient intégrés à ses effectifs.

Pour terminer, Mme la Présidente, en mon nom personnel et au nom de tous les résidents et internes du Québec, je tiens à vous remercier de votre compréhension et votre collaboration. Je tiens également à remercier tous les membres de la commission et, en particulier, le ministre des Affaires sociales, ' M. Chevrette, pour l'attention qu'il a su apporter à nos revendications. Je ne peux que l'honorer d'avoir respecté sa parole et de nous avoir appuyés. Je remercie également tous les organismes qui se sont présentés à cette commission qui, par leurs témoignages et leurs recommandations, ont, j'en suis certain, éclairé la commission sur les sujets qui lui ont été soumis. Je suis convaincu que, de cette consultation, les résidents et internes tireront l'argumentation qui leur permettra de maintenir leur enthousiasme et leurs efforts en vue d'assurer à la population québécoise une qualité grandissante de sa main-d'oeuvre médicale et, également, de lui garantir une plus grande accessibilité à celle-ci. En contrepartie et dans les mêmes objectifs, il faut souhaiter que le ministère des Affaires sociales tiendra compte des recommandations qui ont été faites à la commission et qu'il en fera des réalisations. Je vous remercie tous de votre attention.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci, M. Larose. J'écoutais la première partie de votre présentation et je me disais: Heureusement que vous êtes le seul groupe qu'on a prévu faire revenir pour se faire entendre parce qu'on aurait pu recommencer la ronde des discussions, particulièrement pour la première partie.

Alors, M. le ministre, vous aviez...

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, dans un premier temps, vous me permettrez de faire état du fait qui a été souligné par le Dr Larose. Le rapport qui m'a été soumis pour ce qui est du centre hospitalier de Gaspé, c'est le rapport suivant. Premièrement, c'est du "moonlighting" qui est fait là. Deuxièmement, c'est de la facturation qui a été faite pour la santé communautaire alors que ce sont des services psychiatriques. Troisièmement, il n'y a jamais eu de démarches préalables de votre part auprès du ministère pour avoir un arrangement quelconque. Donc, ce sont les raisons pour lesquelles la RAMQ a cessé de payer. Voilà pour ce point-là.

Deuxième point, nous signerons dans quelques minutes la convention collective avec la FMRIQ. Le décret est passé.

Conclusions

À la conclusion des travaux de cette commission, je voudrais relever quelques points de discussion, non pas pour lancer un nouveau débat, Mme la Présidente, mais pour regarder les quelques consensus qui se dégagent et peut-être annoncer certaines orientations.

Tout d'abord, en ce qui regarde les horaires de gardes supplémentaires, je croîs que le Dr Larose a raison de dire qu'il s'est dégagé un consensus, à savoir que la garde est primordialement d'ordre pédagogique et que les périodes préétablies, un sur quatre, un sur trois, correspondent grosso modo aux besoins, avec peut-être un bémol en ce qui regarde certaines spécialités, en obstétrique par exemple, ce qui a été soulignée ici, et quelques autres spécialités chirurgicales.

Maintenant, dans la surveillance des internes dans les salles d'urgence, on a pu constater que la corporation a pris des positions avant même de témoigner à cette commission. Effectivement, il semble que tout serait dans l'ordre le 1er juillet prochain. J'ai été questionné aujourd'hui sur le sujet. Il est bien évident que ce sont les conseils des médecins et dentistes - vous avez relaté, d'ailleurs, l'article de leur loi dans leur propre mémoire - qui ont la responsabilité, et ils sont eux-mêmes redevables aux conseils d'administration des centres hospitaliers. Ce que j'ai garanti c'est qu'ils auraient notre soutien et que j'espérais qu'avec le dialogue on pourrait en arriver à un correctif complet d'ici le 1er juillet, sans avoir à se prévaloir des pouvoirs discrétionnaires de la loi du ministère, en d'autres mots sans avoir à utiliser, par exemple, les articles nous permettant d'enlever certains privilèges. Je suis convaincu qu'on est capable dans le dialogue d'en arriver à une conclusion correcte de ce problème.

Les unités d'enseignement clinique. Je pense qu'il y a également là-dessus le concept des unités d'enseignement clinique tel que vécu dans d'autres provinces et, ainsi que le définit la Corporation professionnelle des médecins du Québec, il s'agit là d'une formule pédagogique qui est davantage une unité fonctionnelle ou opérationnelle qu'une unité géographique. En ce qui regarde le ministère comme tel, ce qui nous préoccupe d'abord ce sont les soins de santé. On peut être assez souple quant aux modèles qui pourraient s'appliquer en l'occurrence.

La concentration sur les spécialités. Je crois qu'il y a un accord majoritaire pour favoriser les concentrations en ce qui regarde les spécialités.

En ce qui regarde les omnipraticiens, la formule décentralisée, vous savez qu'elle est encouragée par le ministère présentement puisqu'on y consacre même de l'argent pour soutenir certaines facultés dans ce secteur.

Pour ce qui est des plans d'effectifs médicaux, je pense que, oui, on peut prendre l'engagement d'apporter les modifications qui feront des plans d'effectifs médicaux actuels des plans territoriaux qui refléteront la totalité des médecins requis dans une région donnée.

Pour ce qui est de la commission d'enquête sur la santé et les services sociaux, je vous rappellerai qu'elle sera officialisée fort probablement la semaine prochaine. J'espère que les groupes qui n'en ont pas parlé, mais il y en a au moins deux qui, officiellement, se sont commis, c'est la Corporation des médecins et l'Association des hôpitaux du Québec... J'espère que tous les autres groupes collaboreront également à cette commission d'enquête.

Pour ce qui est de la concertation d'études qu'il nous fallait mener en ce qui regarde les effectifs médicaux, on est heureux de voir que la Corporation des médecins du Québec nous offre sa participation pour, peut-être, corriger l'ensemble des statistiques. Combiné avec les plans qui seront rédigés dans chacune de nos régions, et avec une notion beaucoup plus globale, cela nous permettra peut-être, je dis bien peut-être, de réévaler les perspectives des 60-40. C'est une orientation, bien sûr, parce qu'on visait, par la désinstitutionnalisation, les services de première ligne, les services à domicile; on visait une réponse adéquate. Si jamais les plans d'effectifs et les statistiques qui nous étaient fournis nous amenaient à corriger cette perspective, on le fera. On n'est pas figé dans le béton là-dessus.

En ce qui regarde les médecins immigrants, j'accepte volontiers la recommandation ou la suggestion qui a été faîte par mon collègue de l'Immigration. On pourra mettre sur pied un comité composé d'un représentant de mon ministère, d'un représentant du ministère de l'Immigration, d'un représentant de la corporation et d'un représentant du groupe des médecins immigrants qui pourra nous faire des suggestions en deux volets. Un volet pour régler le problème des médecins immigrants qui n'ont pas reçu présentement cet avis de difficulté préalable; un autre volet, à savoir ce qu'on fait puisqu'on n'est pas capable de fermer complètement les robinets. Qu'on puisse nous donner également des suggestions pour ceux qui viendraient éventuellement s'ajouter.

Pour ce qui est des rencontres, je vous avoue que j'ai compris le message. Je dirai aux doyens des facultés de médecine que le ministère est non seulement avec • eux, mais avec l'ensemble des intervenants du réseau. Nous allons tâcher d'accentuer le nombre de rencontres avec l'ensemble des intervenants. Je pense qu'on y gagne tous à se parler. C'est à se parler qu'on se comprend. J'ai découvert, au cours de ces audiences, que tout ce beau monde ne se parlait pas trop, parce que, s'il y avait eu le moindrement d'échanges entre certains groupes - et je pense que c'est avec les gens de la corporation que j'en discutais à l'heure du midi -s'il y avait le moindrement de dialogue entre certains intervenants, il y aurait beaucoup de problèmes qui ne seraient même pas soulevés

en commission parlementaire. Pour ce qui est de McGill et son problème particulier, j'ai rencontré personnellement le doyen. Il y aura des réponses qui suivront prochainement.

Pour la gestion décentralisée des mesures incitatives, nous allons étudier la possibilité de remettre aux régions la gestion administrative et budgétaire des mesures incitatives et nos efforts iront sûrement dans ce sens.

Pour ce qui est de l'évaluation des mesures incitatives, je dois dire qu'à ce stade-ci, comme la majorité de ces mesures sont à peine amorcées, il nous faut quand même prendre un délai pour voir quels sont les résultats concrets que ces mesures donnent avant de commencer un processus d'évaluation. Je crois que plusieurs intervenants nous ont souligné qu'il était trop tôt pour commencer à porter un jugement sans voir, effectivement, dans le temps quels sont les résultats concrets.

Le ministère, également, réitère son accord sur l'ajout d'une année d'internat à la formation des médecins omnipraticiens et nous espérons que les avis attendus d'autres partenaires viendront.

En ce qui regarde l'itinérance, je vous dirai personnellement que je partage d'abord l'objectif de la rétention de la main-d'oeuvre médicale, des établissements de médecins plutôt que l'itinérance. Mais, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu les effets, il va bien falloir s'accommoder, à court terme, pour certaines régions, de ce système, mais personnellement je favorise, bien sûr, l'établissement de médecins en région même. Cela, c'est clair.

C'étaient là mes principaux commentaires, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Chevrette:... à la suite de cette commission parlementaire. Je voudrais en profiter pour remercier l'ensemble des intervenants. Si, à quelques reprises, le ministre des Affaires sociales a semblé élever la voix, c'est peut-être parce que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une vieille habitude.

M. Chevrette: Non. Je dirai, Mme la Présidente, que c'est le contraire. C'est que ma spontanéité et mes convictions me font, des fois, paraître, exubérant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais à mon tour, à titre de présidente de la commission permanente des affaires sociales, remercier tous les groupes qui se sont présentés devant nous et qui ont apporté un éclairage important sur des problèmes qui ont des répercussions considérables sur nos services de santé. Évidemment, le ministre a touché à toutes les questions relatives aux problèmes soulevés par la Fédération des médecins résidents et internes du Québec. Je pense que d'avoir eu l'occasion de discuter du problème beaucoup plus large des effectifs médicaux, particulièrement en relation avec les régions éloignées, nous a rendus bien conscients, même si de temps à autre les choses remontent à la surface publiquement, qu'il y a encore beaucoup de choses à résoudre dans ce domaine. 11 reste, quand même, qu'il y a eu beaucoup de suggestions extrêmement intéressantes qui ont été faites.

Il y avait un problème plus particulier qui était ma responsabilité - parce que j'avais un autre chapeau cette fois - en tant que représentante de l'Opposition officielle, touchant les médecins immigrants. Je peux assurer l'association que je vais continuer de talonner le gouvernement, non parce qu'il n'a pas de bonnes intentions d'agir dans ce domaine, mais pour que les échéanciers prévus ne soient pas trop longs, parce qu'il y a quand même des gens qui attendent depuis longtemps.

Quant au reste, je pense qu'il y a également des propositions concrètes que le ministre vient de souligner. Ce sera toujours, en tant que membres de l'Assemblée nationale et intéressés au domaine des affaires sociales, avec mes collègues, notre responsabilité de continuer à aiguillonner, si je peux dire, le gouvernement pour que, par exemple, la table de concertation permanente dont il a été question et la mise à jour de tous les effectifs, etc., apportent, finalement, des réalisations concrètes.

À M. le ministre et aux deux autres ministres qui se sont présentés devant nous, à tous les organismes, aux membres de la commission, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, aux fonctionnaires, merci pour votre collaboration. Je pense que cela a été une commission qui s'est déroulée sans tension, et l'exubérance du ministre y a apporté simplement un peu de vie, cela est toujours très bon pour les débats. Alors, merci à tout le monde.

M. Chevrette: Je voudrais répondre à une question que j'ai oubliée tantôt pour les équipements. L'an passé en haute technologie nous avons mis 4 500 000 $; pour l'année 1986-1987 cela sera 10 000 000 $. Et pour les régions éloignées, en termes d'équipements, nous y mettrons cette année 6 500 000 $.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, la commission, ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 2)

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