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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mardi 17 octobre 2006 - Vol. 39 N° 51

Consultations particulières sur le projet de loi n° 33 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Camil Bouchard, vice-président

M. Philippe Couillard

Mme Louise Harel

* M. Régis Paradis, OIIAQ

* M. Georges Ledoux, idem

* Mme Diane Levasseur, idem

* Mme Gabrielle Pelletier, Coalition Solidarité Santé

* M. Claude Saint-Georges, idem

* M. Martin Bernier, FMRQ

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, je constate que nous avons quorum. La Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre ses consultations particulières, les auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bravo. Alors, je vous rappelle que pour la bonne marche de nos travaux l'usage du téléphone cellulaire et téléavertisseur est interdit dans cette salle. Alors, si vous voulez bien les mettre hors tension, s'il vous plaît, il y a suffisamment de tension aujourd'hui, sans qu'on en ajoute. Alors, voilà.

Auditions (suite)

Alors, je vous invite à consulter votre ordre du jour. Nous recevons, ce matin, l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, ensuite Solidarité Santé et enfin la Fédération des médecins résidents du Québec. Nous accueillons pour l'heure l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, alors soyez les bienvenus.

M. Régis Paradis, président-directeur général, je vais vous laisser le soin de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, la parole sera du côté ministériel pour 20 minutes et ensuite du côté de l'opposition pour 20 minutes. Alors, allez-y, nous vous écoutons.

Ordre des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec (OIIAQ)

M. Paradis (Régis): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je me nomme Régis Paradis, je suis le président de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec; et du même organisme, à ma droite, Mme Diane Levasseur, qui est directrice des Relations professionnelles, et, à ma gauche, toujours du même organisme, Me Georges Ledoux, notre conseiller juridique.

Alors, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition, bonjour. Nous voulons tout d'abord remercier les membres de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec de nous donner l'occasion ce matin de nous faire entendre dans le cadre de la présente commission parlementaire et de vous exposer notre position concernant le projet de loi n° 33 portant le titre Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi que d'autres dispositions législatives. Cette présentation s'inspirera, en partie à tout le moins, des commentaires déjà formulés devant la présente commission, le printemps dernier, dans le cadre de notre mémoire concernant le document de consultation Garantir l'accès: un défi d'efficience, d'équité et de qualité.

Au même titre que plusieurs personnes qui ont déjà comparu à l'étape précédente devant la présente commission, nous nous questionnons encore sur l'obligation du gouvernement du Québec de faire une ouverture même partielle en autorisant la souscription d'une assurance privée pour certaines chirurgies, notamment l'arthroplastie et prothèse totale de la hanche, du genou et également l'extraction de la cataracte avec l'implantation d'une lentille intraoculaire, et ce, afin de se conformer, dis-je bien, au jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli et Zeliotis.

Nous soumettons encore, M. le Président, bien humblement que, du strict point de vue juridique, l'introduction d'une garantie d'accès, selon des modalités que nous commenterons un peu plus loin dans notre mémoire, est suffisante pour se conformer aux exigences imposées par la décision du plus haut tribunal du pays. Même si certains en doutent, nous partageons tout de même l'avis de ceux qui soutiennent que l'ouverture même limitée aux assurances privées n'était pas nécessaire pour en arriver à une conformité. En effet, nous demeurons convaincus qu'une proposition gouvernementale d'amélioration de l'accès aux services afin de réduire les délais d'attente est et pourrait toujours être une avenue tout à fait acceptable.

n (9 h 40) n

Cependant, nous signalons de nouveau que le projet de loi ne comporte aucune obligation pour le gouvernement de prendre des mesures plus concrètes pour garantir l'accès à un médecin spécialiste et à des soins postopératoires à domicile, et ce, dans un délai raisonnable. De même, le projet de loi ne prévoit pas de texte ou de disposition comportant de façon expresse la mention d'un délai maximal en regard de la garantie d'accès, alors que le document de consultation le prévoyait ? c'est le six et le neuf mois. Conséquemment, nous nous questionnons sur la forme que prend cette garantie d'accès dans le cadre du projet de loi.

Selon nous, il est opportun, voire même essentiel que le délai maximal soit inscrit à la loi, étant donné que la garantie d'accès est justement proposée pour conférer un droit à la population. Cet enchâssement de la garantie à la loi pourrait mieux répondre ou remédier à des délais qui ont été déclarés comme mettant en péril pour les droits reconnus par la Charte des droits et libertés, suivant la décision de la Cour suprême. Cette approche s'inspirerait également de la situation existante en Grande-Bretagne où les garanties d'accès sont précisées et également rendues publiques. Nous avons toutefois noté que le ministre s'est réservé un pouvoir d'intervention lui permettant de donner des directives et de prendre des mesures afin qu'un service médical spécialisé non disponible dans un délai d'attente raisonnable puisse être rendu dans un délai qu'il juge raisonnable. La notion de «service médical spécialisé» n'est cependant pas définie par le projet de loi. Elle ne semble pas limitée non plus aux trois chirurgies mentionnées dans le document de consultation, et on pense qu'une précision à ce titre serait peut-être nécessaire.

Cependant et suivant ses remarques finales, le ministre a laissé sous-entendre que ce pouvoir particulier n'avait pas pour effet d'étendre formellement, à tout le moins pour le moment, la garantie d'accès à d'autres services que les trois chirurgies préalablement déterminées. Nous jugeons que le texte de l'article 431.2 devrait être revu pour définir plus clairement les chirurgies visées par la garantie d'accès ainsi que le pouvoir d'intervention du ministre lui permettant d'établir, dis-je bien, des mécanismes particuliers d'accès.

D'autre part, ce délai raisonnable n'est pas précisé. Devons-nous comprendre qu'il s'agit du premier délai de six mois ou encore du délai optimal de neuf mois indiqués au document de consultation? Cette disposition nous semble plutôt vague et floue puisqu'elle ne précise pas un délai maximal pour l'ensemble des chirurgies visées par la garantie d'accès. La notion «de délai raisonnable jugé par le ministre» est d'ailleurs reprise au troisième alinéa de ce même article, et la même remarque s'applique également. De plus, les moyens envisagés pour respecter la garantie d'accès sont décrits au deuxième alinéa de l'article 431.2. Ce n'est qu'à cette étape et lorsque le service n'est pas rendu dans un délai raisonnable que le directeur des services professionnels doit proposer au patient une offre alternative de services. En principe, selon le document de consultation, le délai de six mois serait alors déjà expiré et ne serait pas jugé raisonnable. Dans une telle éventualité, le projet de loi confie alors au ministre de la Santé et des Services sociaux le pouvoir discrétionnaire d'assurer le coût de tout service obtenu par un patient auprès d'une autre ressource, soit un centre médical spécialisé ou encore un établissement de santé situé à l'extérieur du Québec. La portée de ce pouvoir ministériel ne semble cependant pas claire puisqu'il n'est pas expressément mentionné qu'il faut préalablement épuiser les autres moyens et excéder le délai jugé raisonnable pour y avoir recours.

Nous voyons évidemment d'un très bon oeil la centralisation des listes d'attente, initiative qui a été suggérée par plusieurs groupes et organismes. Elle représente un outil essentiel pour mieux gérer ces listes.

Par ailleurs, dans le but d'assurer l'étanchéité du système public et du système privé, l'article 10 du projet de loi prévoit une modification, à la Loi de la santé et des services sociaux, interdisant à un établissement public ou encore à un établissement privé conventionné de louer ou de permettre l'utilisation de ses installations par un professionnel non participant au régime d'assurance maladie. De nombreux intervenants ont d'ailleurs exprimé des réserves, voire des inquiétudes concernant l'encadrement des activités des centres médicaux spécialisés.

Les CMS, qui sont des... des entités, dis-je bien, privées, sont officiellement reconnus par l'article 11 du projet de loi par l'introduction de l'article 333.1 à la LSSS. La loi permet aussi d'y réaliser les trois chirurgies déjà mentionnées dans le document de consultation ainsi que tout autre traitement médical spécialisé déterminé par règlement du ministre. Nous sommes cependant satisfaits de constater que la LSSS, telle qu'elle sera amendée, précisera les règles de propriété et d'exploitation d'un CMS. En effet, il est prévu que seul un médecin membre du Collège des médecins du Québec peut exploiter un centre médical spécialisé et que, lorsqu'une personne morale ou encore une société l'exploite, elle doit être contrôlée par des membres du Collège des médecins du Québec et qu'ils doivent même constituer la majorité du quorum de son conseil d'administration.

Répondant également à d'autres inquiétudes, le projet de loi mentionne alors qu'un CMS ne peut être qu'un lieu où exercent des médecins soumis à une entente conclue en application de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie ou encore des médecins non participants en vue de cette même loi. Cet établissement devra alors obtenir un permis dont le coût est temporairement fixé à 500 $ par le projet de loi à l'article 50. Ce permis d'une durée de cinq ans pourra cependant être renouvelé, mais il pourra aussi être sujet à certaines sanctions, notamment la suspension ou voire même la révocation.

L'article 12 du projet décrit la contribution des cliniques médicales associées. Cette clinique médicale est décrite comme étant un cabinet privé de professionnel; un laboratoire; un centre médical spécialisé nouvellement reconnu en vertu de projet de loi, ce qu'on retrouve à l'article 333.3.

Dans le but d'améliorer l'accessibilité aux services médicaux de la région, il est maintenant prévu que l'agence de santé et de services sociaux du territoire peut proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux une association entre un établissement qui exploite un centre hospitalier et une clinique médicale. Dans cette éventualité, l'agence est aussi partie de l'entente prévue à l'article 349.3. Plusieurs dispositions d'ailleurs du projet déterminent les liens qu'ils peuvent développer dans le cadre d'une telle association.

Nous sommes heureux également de constater que, pour assurer l'intégrité du système de santé et pour éviter d'aggraver la pénurie de personnel au sein du réseau de la santé notamment en regard des effectifs médicaux et infirmiers, l'article 12 du présent projet de loi exige que le ministre s'assure qu'une telle association ne se fasse pas au détriment de la capacité de production du réseau public de santé de disposer de la main-d'oeuvre requise pour son fonctionnement. Le projet de loi va même jusqu'à exiger que ce type d'association soit développé en choisissant la clinique médicale offrant des services médicaux spécialisés selon le meilleur rapport qualité-coût. Cette entente peut être résiliée lorsque l'agence estime que la CMA ne s'acquitte pas de ses obligations conformément à l'entente ou dispense des services jugés non sécuritaires. Il semble, d'après la rédaction de cette disposition, que le droit de résiliation est conféré uniquement à l'agence et non à l'établissement de santé. Nous soumettons que ce droit de résiliation devrait être reconnu également à l'établissement, d'autant plus que le ministre peut de son côté demander à l'agence de résilier l'entente pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au premier alinéa de alinéa de l'article 349.10.

De la même manière, nous constatons que le projet de loi encadre l'exercice médical en imposant au médecin la responsabilité de répondre à tous les besoins et de remplir ses obligations envers l'établissement public qui lui reconnaît des privilèges, et ce, avant de dispenser des services médicaux dans une CMA.

n (9 h 50) n

C'est par le biais de l'article 15.1 introduit à la LSSS que le gouvernement, par règlement, pourra étendre l'autorisation de conclure un contrat d'assurance à d'autres traitements médicaux spécialisés. Nous comprenons qu'un tel règlement sera soumis à l'étude de la commission parlementaire compétente avant son adoption.

Comme nous l'évoquions en avril dernier, devant la présente commission, nous maintenons qu'il serait souhaitable que tout autre élargissement des services médicaux pouvant être couverts par un contrat d'assurance ou un régime d'avantages sociaux soit autorisé par un amendement spécifique à la LSSS et non seulement par le biais d'un règlement. Nous estimons en effet que toute privatisation additionnelle des services déjà offerts par notre système de santé doit non seulement être précédée d'un vaste débat au sein de la population, mais aussi faire l'objet de discussions par tous les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec et non par les seuls membres d'une commission parlementaire, même si, M. le Président, nous avons beaucoup de respect et de déférence pour ses membres.

Alors que ces hypothèses avaient été présentées dans le document de consultation, nous n'avons pas retrouvé, dans le présent projet de loi, de disposition concernant la création d'un compte santé et services sociaux ainsi que d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie.

En ce qui concerne d'abord la création d'un compte santé et services sociaux qui, nous l'avons compris, n'a aucune incidence financière, nous doutons que la mise en place d'un compte santé et services sociaux présenterait des avantages de transparence, d'autant plus que le ministre de la Santé peut déjà et a le pouvoir ? et, à maintes occasions d'ailleurs, lors de l'étude des crédits et dans le cadre de ses fonctions ministérielles... sensibiliser le public sur les coûts du système de santé ainsi que ses sources de financement. Des efforts en ce sens doivent continuer pour que la population soit mieux informée que jamais non seulement des coûts de fonctionnement de son système de santé, mais également de la performance de ses établissements.

En ce qui a trait à la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie, les discussions du printemps dernier ne semblent pas avoir permis d'en appuyer l'idée. Nous croyons qu'il s'agit d'ailleurs d'une décision de l'écarter compte tenu de la très grande réticence exprimée face à cette mesure, qui a été mise en lumière.

Par souci d'une plus grande transparence et d'un meilleur contrôle des dépenses publiques, notre ordre continue de penser que le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait continuer à financer les coûts de fonctionnement du réseau de la santé, incluant les soins devant être dispensés aux personnes âgées, à même le fonds consolidé du revenu de la province de Québec.

En conclusion, M. le Président, de manière générale l'ordre a constaté que les dispositions du projet sont fidèles à certaines préoccupations exprimées par les groupes et organismes lors de la consultation du printemps dernier. Cependant, il comporte des lacunes importantes, notamment l'absence d'enchâssement, dans le cadre du projet de loi, du délai maximal d'attente. Cet aspect du projet doit être à notre avis bonifié pour les motifs préalablement indiqués à notre mémoire. Comme le ministre de la Santé et des Services sociaux l'a aussi souligné dans ses remarques finales en juin dernier, dans le cadre de la consultation préalable, nous insistons également sur l'importance d'utiliser de façon optimale les ressources financières et humaines du réseau de la santé. Cela implique nécessairement la modification des lois et pratiques pour reconnaître davantage la complémentarité et pour le travail en équipe interdisciplinaire des intervenants en santé, notamment les médecins, les infirmières auxiliaires ainsi que les infirmières. Le Québec devra compter également sur des ressources financières plus importantes pour faire face à ses nombreuses responsabilités dans le domaine de la santé. Il est d'ailleurs à espérer que les discussions en cours avec le gouvernement fédéral lui procureront, le plus rapidement possible, des ressources additionnelles pour soutenir ses efforts en ce sens.

En terminant, nous estimons que toute privatisation additionnelle des services déjà offerts par notre système de santé doit non seulement être précédée d'un vaste débat au sein de la population, mais aussi de faire l'objet de discussions par tous les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec et non par les seuls membres d'une commission parlementaire. Il s'agit à notre avis ici d'une question de principe, soit favoriser la participation démocratique la plus large possible de la population et de tous les élus à des débats cruciaux pour notre système de santé.

Je vous remercie beaucoup, M. le Président, de votre attention.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, très bien. Merci, M. Paradis.

La parole est maintenant du côté ministériel, au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer mes collègues des deux côtés de la commission au retour de la période estivale qui, j'espère, a été revivifiante pour chacun et chacune d'entre nous. Je crois qu'on aura besoin de nos énergies au cours des prochaines semaines. Je voudrais saluer nos invités également de l'Ordre des infirmiers auxiliaires du Québec, M. Paradis, Mme Levasseur et M. Ledoux, en saluant encore une fois la contribution des personnes que vous représentez au réseau de la santé, contribution qui, on le voit, se développe et, je pense, qui est appelée à se développer également au cours des prochaines années.

Dans votre présentation, vous avez touché un élément qui est revenu dans d'autres mémoires, puis je vais prendre peut-être quelques instants pour en discuter avec vous parce qu'il m'apparaît assez important parmi la panoplie d'éléments ou de principes qui sont inclus au projet de loi. C'est que vous dites, et d'autres groupes nous ont dit également: Bien, le délai d'attente maximal, la garantie d'accès devrait être incluse dans le texte légal. Alors, ce n'est pas le cas nulle part au monde, et, les endroits où ça a été essayé, ça a échoué. Exemple, la Grande-Bretagne dont vous parlez, au début des années quatre-vingt-dix, a fait une tentative de garantie légalisée d'accès qui a échoué totalement. Maintenant, la garantie que le gouvernement britannique offre dans son service de santé est exprimée sous forme de directive aux établissements et non pas dans le texte de loi, ceci pour plusieurs raisons. D'abord, c'est que l'obligation doit être une obligation de moyens.

Alors, ce que le projet de loi dit: Comme on fait d'autres textes légaux pareils, semblables ailleurs, c'est que l'établissement doit mettre en place les moyens nous permettant de donner concrètement cette garantie d'accès. Pourquoi? Parce que d'une part c'est un contexte très changeant, c'est un principe très changeant, ces limites de temps là ? et j'y reviendrai tantôt peut-être plus avec la Fédération des médecins résidents ? et également parce que, dans également l'ensemble des pays qui abordent la question sous forme d'une garantie d'accès, ce qui, en passant, est une tendance très lourde dans l'ensemble des pays qui ont des systèmes de santé actuellement comparables au nôtre, c'est toujours exprimé un peu de la façon suivante: une cible d'accès, c'est-à-dire 90 % des gens étant traités à l'intérieur d'un délai x parce qu'en pratique, comme vous le savez, dans la vie il y a toujours des situations particulières qui font que des gens peuvent passer un peu à côté des mailles du filet, là, que représente cette garantie d'accès là.

Il faut prévoir ces situations-là également. Le meilleur exemple, c'est dans les situations où les patients ne sont pas médicalement prêts à être opérés parce qu'ils doivent avoir des consultations supplémentaires ou personnellement ils doivent repousser l'opération pour différentes raisons. Alors, c'est pour ça que c'est toujours établi de cette façon-là. Et il n'y a pas d'intérêt non plus à légaliser cette notion-là, la Grande-Bretagne étant le meilleur exemple d'ailleurs dans cette question-là.

Évidemment, là, vous êtes relativement satisfaits des encadrements que nous préconisons pour les centres médicaux spécialisés et les cliniques associées notamment en rapport du glissement de personnel ou des mouvements de personnel qui s'y trouvent. Ça m'apparaît extrêmement important. Je pense qu'on devrait peut-être échanger un peu plus là-dessus parce que, sans vouloir caricaturer ? puis il ne faut pas faire ça, et on a eu d'excellentes suggestions à cette commission parlementaire ? mais parfois on entendait des suggestions qui pouvaient se résumer de la façon suivante: gérez les listes d'attente, mais ne les gérez pas trop; faites des cliniques affiliées, mais ne les encadrez pas. Et je pense que, si on veut les faire, les cliniques affiliées, il faut qu'elles soient au contraire très strictement encadrées, de façon quand même relativement souple, et notamment pour la question du glissement de personnel.

Alors, peut-être vous pourriez élaborer sur cet élément, là, qui est à mon avis tout à fait capital autant pour les médecins... les autres types de professionnels qui sont dans les cliniques affiliées.

M. Paradis (Régis): Dans un premier temps, M. le ministre, concernant les délais de six mois à neuf mois, j'ai en tête la situation d'une jeune femme qui avait tout passer les tests préopératoires en attente d'une chirurgie pour une hernie discale. Or, six mois, neuf mois, 12 mois, 18 mois et 24 mois plus tard, carrément oubliée par le système. Et puis parfois, bien, c'est des gens qui ont un peu plus de difficultés. Quand une personne habite seule, qu'elle n'a pas de mobilité, c'est difficile d'aller voir son médecin puis de prendre des rendez-vous, alors que le délai de six mois au moins lui aurait assuré... ou, à tout le moins, maximal de neuf mois lui aurait assuré l'accès à cette chirurgie-là.

Bon. On peut comprendre que la gestion des listes d'attente maintenant par l'établissement devrait en principe éviter que ces situations-là se reproduisent. Je nomme un fait, M. le ministre, mais vous savez comme moi également que ce n'est pas la seule situation au Québec. Alors, le fait de vouloir insister, nous, c'était pour éviter que des situations semblables se reproduisent.

Maintenant, dans un deuxième temps, suite à vos commentaires concernant les CMS, et CMA, et puis les risques de transfert massif de ressources vers le privé, je vais laisser mon collègue, Me Ledoux, élaborer sur le sujet, s'il vous plaît, M. le Président.

n (10 heures) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie.

M. Ledoux (Georges): Merci. Oui. M. le ministre, je vais céder aussi la parole à ma collègue tantôt, Mme Levasseur, qui complétera.

C'est vrai que théoriquement on retrouve, dans le projet de loi, une série de balises qui sont confirmées sur le plan légal, qui viennent protéger ou essayer d'écarter toute possibilité de transfert de la main-d'oeuvre du public vers le privé. Alors, c'est correct théoriquement. Évidemment, on est tout à fait d'accord de retrouver cette mesure-là; même chose au niveau des règles de propriété, des règles d'utilisation du personnel. C'est même indiqué évidemment, M. le ministre, que vous avez le pouvoir de juger et d'apprécier toute situation qui compromettrait cet équilibre-là et que vous n'approuveriez pas une entente évidemment avec une clinique médicale associée si ça... ce résultat-là, mais on estime, nous, que ce n'est peut-être pas suffisant d'avoir juste des mesures au niveau légal dans le projet de loi.

Il n'y a rien qui empêche effectivement le ministère de la Santé de poursuivre des efforts pour renforcer ou accroître, là, le secteur public au niveau de sa main-d'oeuvre. Peut-être que ma collègue voudrait élaborer là-dessus.

Mme Levasseur (Diane): Juste peut-être mentionner que, par rapport à nos membres, on a encore moins de 40 % d'infirmières auxiliaires qui sont détentrices de postes réguliers dans les établissements de santé, ce qui fait qu'évidemment on aura beau encadrer l'aspect, ces aspects-là au niveau du glissement de personnel, mais tout le monde qui n'a pas de garantie ou de poste dans les établissements... eux, je veux dire, peuvent, je veux dire, pourraient choisir autrement. Donc, nous autres, on pense qu'il va falloir de, peut-être dans d'autres lois, ou dans d'autres, ou dans les conventions collectives, ou dans les négociations locales peut-être, là... Puis je pense que nos collègues vous en parleront peut-être, des syndicats vous en parleront davantage, mais il va peut-être falloir renforcir finalement ou faire des transferts de postes, par exemple avoir plus de postes à temps complet pour les infirmières auxiliaires, que ça aille au-delà du 40 % parce que c'est clair que les gens peuvent être tentés d'aller travailler dans un autre secteur que le secteur public, si évidemment les mesures de rétention ne sont pas plus intéressantes, là, actuellement.

Puis, nous autres, ça fait longtemps qu'on le dit, pour les infirmières auxiliaires, là, qu'il va falloir augmenter le nombre de postes à temps complet pour les infirmières auxiliaires ou les garanties d'heures de travail parce que c'est un problème qui est majeur. Encore après sept, huit, neuf ou 10 ans, certaines infirmières auxiliaires se retrouvent encore à attendre le téléphone pour être sûres d'aller travailler et compléter une semaine de travail.

M. Couillard: Un peu comme ce... introduit auprès des infirmières, lors de la dernière négociation, des garanties minimales de postes, là.

M. Paradis (Régis): ...ça ne s'est pas fait pour les infirmières auxiliaires, M. le ministre.

M. Couillard: O.K. L'exemple que vous citiez, M. Paradis, est tout à fait indicatif. Vous avez entièrement raison à mon avis lorsque vous dites que la véritable réponse à cette personne que vous décrivez, c'est la gestion individualisée de la liste d'attente, la gestion correcte de la liste d'attente.

Vous avez dit, lorsque vous décrivez l'histoire, ce que Dr Bolduc nous a dit également, en commission parlementaire. Il dit: Le problème fréquent des gens qui sont en attente depuis plusieurs mois, c'est qu'ils sont oubliés par le système. Ils sont dans une liste, quelque part dans le milieu de la liste, puis on ne les connaît plus. Et récemment j'ai eu la chance de faire une visite du système de santé en Espagne où il y a ? ça ressemble un peu à ici; il y a ? des régions espagnoles qui ont la juridiction sur le système de santé, et une d'entre elles, l'Andalousie, a mis en place une garantie d'accès, à toutes fins pratiques, similaire à ce que nous introduisons actuellement ? c'est intéressant, d'ailleurs sans qu'il y ait eu de consultation ? les mêmes principes, les mêmes façons de faire. Et je demandais aux dirigeants là-bas de m'identifier, dans le mécanisme de gestion d'accès, quel était le mécanisme qui avait fait en sorte que la situation s'était vraiment améliorée parce qu'effectivement la situation s'est améliorée là-bas suite à cette introduction. Alors, ils m'ont dit: La chose la plus importante, c'est la détermination de la date de la chirurgie.

Ça a l'air d'un détail. Puis c'est quand même assez particulier qu'après 36 ans d'existence de notre réseau de santé on en soit à dire que ça prend une date pour une chirurgie, mais en pratique c'est ça: on ne peut pas se contenter d'amener une formule d'admission, puis la mettre sur une pile, puis attendre qu'un jour ce soit son tour puis qu'elle rentre à l'hôpital. Alors, les personnes qui, dans l'optique de cette gestion d'accès, font l'objet d'une demande d'hospitalisation ou de chirurgie, on doit leur donner une date. Et, une fois qu'on a donné cette date, bien c'est l'organisation qui doit s'ajuster à cette date-là pour que ça se réalise. C'est toute une approche qui est différente de la façon traditionnelle dont on procède actuellement, et je suis très confiant que nos établissements vont pouvoir mettre en place cette chose-là.

Et je reviens à un autre élément de votre présentation: Pourquoi trois chirurgies pour la garantie d'abord et le reste après? C'est justement parce qu'il faut d'abord faire fonctionner ça correctement. Et là également les leçons internationales nous montrent que les États qui sont essayé, d'un seul coup, de proposer une garantie d'accès à l'ensemble des chirurgies ont échoué. Ça leur a pris trois, quatre tentatives pour finalement mettre sur pied quelque chose qui s'approchait de ça.

Alors, je crois qu'une fois qu'on aura mis en place ce nouvel outil, cette nouvelle façon de faire ? et objectivement on peut regretter qu'après 36 ans encore une fois d'existence du système de santé du Québec ce soit maintenant qu'on mette en place ce mécanisme-là ? une fois que ce sera bien ancré dans la culture des établissements, je suis convaincu qu'on va pouvoir l'étendre à d'autres types de chirurgie assez rapidement et sans nécessairement attendre la définition de délai médicalement acceptable. Parce qu'actuellement les délais médicalement acceptables n'existent que dans quelques situations, les trois chirurgies dont nous parlons, la radio-oncologie, les soins cardiaques, par exemple. Dans le reste des cas, il n'y a pas de délai médicalement acceptable reconnu ou établi.

Alors, on est devant deux hypothèses ou bien on se dit: On va prendre les opérations une par une puis avec les médecins on va déterminer quel est le délai médicalement acceptable pour telle, telle ou telle chirurgie. Là, je vous dis d'emblée qu'on en a pour des décennies avant de finir ce travail-là. Ce qu'a fait le gouvernement de Grande-Bretagne, c'est qu'ils ont dit, après avoir installé leur système: Ça va être six mois pour l'ensemble des chirurgies. On ne parle pas de délai médicalement acceptable, on parle de délai raisonnable d'attente, et c'est une approche probablement qui est la bonne. Une fois qu'on a mis en place le système d'accès, ou de garantie d'accès, ou de gestion de l'accès pour certaines chirurgies et que ça fonctionne, je ne pense pas qu'il faille nécessairement attendre que chacune des autres chirurgies se voit définir un délai médicalement acceptable pour l'étendre.

Je pense qu'on doit être dans cette direction-là et procéder de façon méthodique, comme ça, mais je pense que votre exemple que vous avez cité est très, très éclairant parce que ça se produit malheureusement, ça, les gens qui sont dans une pile quelque part et qu'on aurait pu oublier.

M. Ledoux (Georges): Peut-être un commentaire sur l'articulation de la question de la garantie d'accès.

J'ai entendu les commentaires précédents, là, vis-à-vis des mémoires qui vous ont aussi soumis la recommandation d'inscrire, d'enchâsser à la loi la garantie d'accès. C'est parce que, nous, on avait compris, à la lecture du document de consultation, qu'il était facile de comprendre de quelle façon elle devait s'articuler: la première période de six mois; la deuxième étape, entre guillemets, entre 6 et 9 mois; et la troisième étape au-delà de 9 mois, où, là, le ministre pouvait évidemment exercer des pouvoirs pour permettre à la personne d'être opérée soit dans une clinique médicale privée ou même à l'extérieur du Québec ou même du pays. C'est moins facile à comprendre surtout dans l'article 431.2. C'est moins facile à comprendre, ces trois étapes-là, le cheminement de la personne à travers les différents mécanismes, la garantie d'accès. Et là-dessus on a fait des remarques dans notre mémoire. Il faudrait peut-être améliorer soit la rédaction ou la présentation du projet de loi ou on peut peut-être comprendre que c'est à l'intérieur de la directive ministérielle qu'on va retrouver ça, mais une chose est sûre, c'est que, si on lit seulement l'article 431.2, on comprend moins bien comment va s'articuler le passage d'une étape à l'autre au niveau des fameux délais. C'était beaucoup plus clair, on peut le dire, dans le document de consultation que par rapport au projet de loi.

On voulait vous faire au moins cette remarque-là pour au moins signifier qu'il faut que la population là-dessus comprenne bien ce que ça signifie, la garantie d'accès. Si c'est ça que le gouvernement propose comme réponse au jugement de la Cour suprême, on aurait voulu peut-être que ce soit mieux articulé ou mieux exprimé. Parce qu'en Grande-Bretagne vous nous dites que ça ne se retrouve pas dans la loi, mais j'ai ici des extraits, là, du department of health de la Grande-Bretagne, du Royaume-Uni, où, lorsqu'on consulte les sites Internet, on nous dit que pour, par exemple, deux types de chirurgie, c'est bien indiqué que, depuis la fin de janvier 2005, «there was no one waiting more than three months for their first cataract operation», donc. Mais on précise clairement: La population est en mesure de savoir clairement c'est quoi, les délais maximum.

Donc, si ça ne se retrouve pas dans la loi, il faudra trouver quelque chose, en tout cas un mécanisme après ou dans le cadre de la directive ministérielle, qui fasse en sorte que la population sache clairement à l'avance quelles sont les obligations du gouvernement par rapport à la garantie d'accès.

M. Couillard: Bien, vous avez en même temps donné la réponse à votre question. La différence entre le document de consultation, c'est que ça, ce n'est pas un texte de loi, un document de consultation. Vous avez également recité l'exemple de la Grande-Bretagne. C'est exactement comme ça... Alors, effectivement, il faut que la population soit informée, il n'y a aucun doute là-dedans, mais il y a bien d'autres façons qu'un texte de loi d'informer la population, à preuve ce que vous venez de décrire du site Internet de Grande-Bretagne. Et c'est ce vers quoi nous allons également. On a déjà ce type de renseignements là actuellement, par exemple, sur le site Internet du ministère, sur la radio-oncologie. Vous êtes capable de savoir combien de personnes attendent depuis plus de 4 semaines, etc., dans les établissements. Et bien sûr on vise à se rapprocher de zéro le plus rapidement possible.

Alors, la même chose va être communiquée à la population chirurgie par chirurgie. D'ailleurs, il y a un tableau, sur le site Internet, des différents délais médicalement acceptables. Vous allez les retrouver si vous y allez aujourd'hui. Donc, l'information est là, elle doit être communiquée à la population. Et la façon dont tout ça s'articule, comme vous dites, dont on fait fonctionner la gestion de l'accès, bien c'est essentiellement par directives administratives qui peuvent évoluer, là, d'une année à l'autre, selon l'évolution des situations, et nous permettre de nous ajuster selon ces différentes situations-là. Et c'est très important de faire attention au piège facile de tomber dans une approche... de la garantie d'accès qui est très, très peu prometteuse et qui donne peu de résultats d'ailleurs dans les endroits où ça a été tenté.

Ce qu'on doit faire par le projet de loi, c'est l'obligation de mettre en place un mécanisme de gestion de l'accès qui s'appuie bien sûr sur la détermination de délais soit médicalement acceptables soit raisonnables selon l'étape où on sera dans le développement de cette question-là, qui n'ont rien à voir avec le texte de loi mais plutôt avec des pratiques dans le réseau, des façons de s'organiser, des directives administratives et l'information à la population. Je pense que vous avez, en même temps vous avez fait votre remarque, donné exactement la différence entre les deux éléments.

n (10 h 10) n

M. Ledoux (Georges): À la seule nuance près ? juste compléter rapidement; à la seule nuance près ? cependant qu'on dit en Grande-Bretagne que c'est le délai théoriquement maximal. Personne ne devrait attendre au-delà de. Je sais qu'il y a des délais. On fournit une liste, dans le site du ministère, sur les délais au niveau des interventions, mais là on nous dit, dans... que c'est quand même un délai maximal, exemple un mois aussi de délai à partir du moment où vous êtes diagnostiqué pour un cas de cancer. Bien on le dit quand même plus clairement, à cette seule différence, à cette seule nuance là qu'on ne sait pas juste combien de personnes attendent sur la liste et depuis combien de temps, mais on nous dit quand même: Il y a une forme d'engagement ou d'obligation plus précise qui dit que c'est un délai maximum théoriquement de un mois en oncologie et de trois mois, par exemple, pour... opération de la cataracte. Il y a peut-être juste une petite nuance.

M. Couillard: ...la même approche qu'on va suivre, effectivement.

Une voix: Bien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Non.

Alors, je cède la parole aux membres de l'opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais, au nom de ma formation politique, vous souhaiter la bienvenue, M. Paradis, Mme Levasseur ainsi que Me Ledoux. Ma collègue la députée de Rimouski me soufflait à l'oreille tantôt: C'est un bon mémoire, c'est un très bon mémoire, il va droit au but; il est simple, mais il va droit au but.

Alors, je voudrais reprendre cet échange que vous aviez avec le ministre sur la question de la garantie d'accès. Je relisais le document de consultation à parti duquel il y a eu cette commission parlementaire qui nous amène à ce projet de loi. Il s'intitulait Garantir l'accès. Il ne s'intitulait pas Mettre en place un mécanisme de gestion, il s'intitulait Garantir l'accès. Garantir l'accès, c'est une obligation de résultat. Si je veux faire la différence entre une obligation de moyens que se donne le ministre qui vient de nous dire: «Il a choisi une obligation de moyens» et si on la compare avec une obligation de résultat, c'est très simple: une obligation de moyens, j'essaie puis, une obligation de résultat, je dois.

Alors, dans une obligation de moyens, j'essaie d'avoir accès; dans une obligation de résultat, je dois assurer l'accès. Alors, c'est ça qui a été confondant parce qu'on nous a parlé de garantir l'accès. Je relisais tantôt la lettre du premier ministre justement dans ce document de consultation, où il parle d'un mécanisme de garantie d'accès aux services, alors que, là, on est dans un mécanisme de gestion de l'accès. Et, quand on revoit l'article 431.2 du projet de loi, on se rend compte que c'est très peu clair, l'intérieur du délai jugé raisonnable par le ministre. On ne connaît pas le délai jugé raisonnable parce qu'une fois l'inscription faite, là, dans ce mécanisme central de gestion de l'attente le projet de loi prévoit que le directeur des services professionnels doit proposer une offre alternative à l'intérieur du délai raisonnable qui est déterminé par le ministre. Mais, comme vous le dites bien, il n'est pas déterminé dans la loi.

On peut comprendre le ministre de dire: Bon, bien ça peut évoluer avec la science. Bon. Mais il faudrait qu'il soit déterminé par règlement, sinon ce délai dit raisonnable peut être modifié selon le bon vouloir d'un ministre. On ne fait pas des lois pour soi, on fait des lois pour qu'elles durent après soi-même, hein? Alors, à tous égards, je pense que votre mémoire nous précise bien, là, qu'il y a une nécessité d'être beaucoup plus clair, ce que je souhaite qu'on puisse faire au moment de l'article par article du projet de loi.

J'aimerais vous entendre sur justement la question du personnel. C'est un élément important. Et tantôt vous mentionniez, Mme Levasseur, que 40 % de vos membres ont un poste, disons...

Une voix: ...

Mme Harel: Moins?

Mme Levasseur (Diane): Moins de 40 %.

Mme Harel: Moins de 40 %. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Paradis (Régis): En fait, Mme la critique de l'opposition, ce que nous disons, c'est que le transfert de postes à temps complet ne s'est pas fait pour les infirmières auxiliaires dans la planification de la main-d'oeuvre, dis-je bien. Les agences de développement auraient dû s'attaquer, nous pensons, finalement, depuis un certain temps, à cette épineuse difficulté, problématique-là.

Puis effectivement il y a plus de... environ les deux tiers des infirmières auxiliaires sont toujours en précarité d'emploi, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de poste à temps complet. Et, comme le soulignait ma collègue, il y a des gens qui travaillent dans le réseau depuis huit, 10, 12, et j'en connais même jusqu'à 15 ans, qui malheureusement ne sont pas encore détecteurs... détenteurs, dis-je, pardon, de postes. Et puis on pense que finalement il y a des efforts qui devraient être faits à ce niveau-là pour assurer la rétention de ces professionnels de la santé là si on veut éviter effectivement qu'il puisse risquer d'y avoir du transfert vers le privé. Quand je parle de privé, j'entends les agences. Évidemment, les agences, ça foisonne actuellement. Il s'en est ouvert beaucoup. On a lu également, aussi à plusieurs endroits, des coupures de presse, là, dans les médias, où les gens disent qu'ils ont doublé quasiment de salaire. Par contre, évidemment, ça apporte aussi de grandes difficultés. Les gens arrivent dans un environnement, un milieu, un établissement qu'ils ne connaissent pas. Dans le jargon, on dit: Ils ne connaissent pas l'unité de soins, où sont les affaires, la clientèle, etc., et cela, évidemment il faut que les gens qui sont sur place puissent leur indiquer le fonctionnement, et ça accroît à la charge de travail des personnes qui sont déjà en place.

Alors, à ce niveau-là, ce que nous disons: Il va devoir y avoir des efforts de faits à la fois par les CSSS ainsi que les agences de développement pour faire en sorte que, dans leur planification de la main-d'oeuvre que sont en train de faire pour la plupart, il puisse y avoir ce transfert-là pour les infirmières auxiliaires, là, d'heures en postes, en quelque sorte. Voilà.

Mme Harel: Merci, M. Paradis.

M. Paradis (Régis): ...va compléter, si vous permettez, Mme la critique.

Mme Harel: Je pense que c'est un aspect très, très important, là, ce que vous nous apportez ce matin.

Mme Levasseur (Diane): Oui, c'est assez important parce qu'effectivement il y a déjà un transfert qui se fait. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 90, les infirmières auxiliaires sont devenues plus polyvalentes. Elles ont accès à faire des soins de façon autonome, de façon assez importante, ce qui fait qu'il y a d'autres secteurs qui ont commencé à embaucher des infirmières auxiliaires, ce qu'on ne connaissait pas avant: les laboratoires, par exemple, embauchent des infirmières auxiliaires de façon importante; les agences effectivement de soins; les pharmacies qui sont des employeurs d'infirmières auxiliaires; les assureurs aussi sont des employeurs d'infirmières auxiliaires. Ça, c'est des nouveaux secteurs.

Bon. C'est des secteurs, je vous dirais, dans un certain sens, intéressants pour les infirmières auxiliaires, mais il faut se rappeler qu'une des raisons pourquoi la loi n° 90 est entrée en vigueur, c'était pour permettre justement que les infirmières, entre autres, notamment pas exclusivement mais notamment que les infirmières auxiliaires viennent combler aussi le déficit d'infirmières qu'il y a dans le réseau de la santé. Et la pénurie, elle est là, elle est là encore pour plusieurs années. La réorganisation est d'une lenteur telle qu'on voit les effets dans certains milieux, dans les CSS, mais on ne voit pas encore de façon importante les effets d'utilisation des infirmières auxiliaires. Et ça, nous, on a hâte parce qu'on veut que les infirmières auxiliaires exercent dans le réseau de la santé, principalement. Et ça, il va falloir que le réseau de la santé considère que ça peut être une ressource intéressante, les infirmières auxiliaires. Nous, on a fait les efforts qu'il fallait suite à l'entrée en vigueur de la loi n° 90, pour rapidement mettre à jour toutes nos infirmières auxiliaires, et actuellement, sur 18 500 infirmières auxiliaires, il y a 18 000 qui sont formées pour exercer l'ensemble des activités que la loi n° 90 autorisait.

Donc, je pense qu'il va falloir que le milieu soit vraiment sensible, là, à accélérer le pas pour réorganiser le travail puis permettre des transferts de postes, comme on le disait, d'infirmières auxiliaires qui ont des emplois précaires à des emplois, là, à temps régulier dans les établissements de santé.

Mme Harel: ...mieux rémunérés à ce moment-là.

n (10 h 20) n

Mme Levasseur (Diane): Bien, mieux rémunérés; ça, je laisserai les syndicats discuter de la rémunération. Évidemment, je pense qu'il n'y a pas personne qui va être contre une meilleure rémunération, ça va de soi.

M. Paradis (Régis): ...Mme la critique de l'opposition, c'est que les infirmières auxiliaires ont obtenu de nouvelles activités à l'intérieur de la loi n° 90, et cependant, effectivement, la rémunération n'a pas suivi, là, avec ces nouvelles activités-là.

Et très rapidement aussi, en terminant, un lieu où les infirmières auxiliaires pourraient être vraiment très utiles, ce sont les CLSC, alors qu'elles sont quasiment inexistantes. C'est: l'infirmière auxiliaire aurait beaucoup à offrir dans ce milieu-là, et malheureusement je dirais que le niveau de tolérance, dans cet établissement-là, à l'égard des infirmières auxiliaires demeure malheureusement très élevé.

Mme Harel: On a vu, dans les reportages du Journal de Montréal en particulier, à quel point les agences privées de personnel viennent en fait chercher, de plus en plus, là, du personnel qui ne trouve pas de poste permanent et qui est sur appel ou occasionnel au sein de nos établissements.

J'aimerais bien profiter de votre expertise également pour reprendre avec vous, à la page 9 de votre mémoire, toute la question du préopératoire puis du postopératoire. En fait, ce que vous identifiez, cette espèce de flou qu'il y aurait, dans le projet de loi actuel, sur ces questions-là. Vous nous dites finalement: Il faut se référer aux remarques finales du ministre dans la commission parlementaire sur le document de consultation. Alors, j'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que le préopératoire, en fait c'est tout le diagnostic et puis le postopératoire, c'est tout ce qui peut être soutien, réadaptation. Par exemple, on voit, là, ce qu'ils appellent RFI, là, la réadaptation fonctionnelle intensive, etc.

Est-ce qu'il vous semble que cela aussi pourrait donner lieu à l'introduction d'une assurance privée, parce qu'un peu plus tard dans votre mémoire vous interprétez le fait que le ministre ne parle plus de financement comme mettant à l'abri, si vous voulez, de sorte de caisse, là, d'assurance contre la perte d'autonomie, etc.? Mais est-ce que finalement il ne pourrait pas y avoir justement une sorte d'assurance maintien à domicile qui viendrait continuer l'intervention faite en clinique privée, par exemple?

M. Paradis (Régis): Mon collègue va commenter vos propos, Mme la critique.

M. Ledoux (Georges): Je pense que vous reprenez qu'on a indiqué donc, justement à l'article 9 de notre mémoire où on disait, là, en lisant l'article 333.6 du projet de loi qui est introduit... Pardon, c'est l'article 11 du projet de loi qui introduit l'article 333.6.

Ce qu'on a simplement noté, c'est qu'il y avait une petite nuance. On dit, dans le projet de loi, que le centre médical spécialisé devra fournir, suite à une chirurgie, tous les autres services préopératoires et postopératoires découlant de la chirurgie. Il en est de même pour les services de réadaptation requis. Puis on dit effectivement qu'il est prévu que le centre médical spécialisé pourra faire appel à une autre entité privée, alors que ça n'a pas été prévu pour les services préopératoires et postopératoires. Mais, selon les remarques qu'on avait eues, c'est que ça pouvait être de toute façon... la totalité de cet épisode-là de soins en privé pourrait être assurée directement ou indirectement.

Donc, le projet de loi ne semble pas vouloir, même si ce n'est pas écrit comme ça, là... ça ne reprend pas le sens des remarques de M. le ministre. Le projet de loi apparemment dirait que tout l'épisode comme tel est inclus, mais le projet de loi, il ne l'a pas pris nommément. Mais c'est ce qu'on avait cru comprendre de l'interprétation faite par le ministre, de sorte qu'il n'y a rien qui empêcherait évidemment que tout ça soit fait par une autre entité privée. Donc, le centre médical spécialisé pourrait faire appel, pour l'ensemble des services, à des entités privées.

Mme Harel: À une sorte, par exemple, d'assurance privée contre la perte d'autonomie, par exemple.

M. Paradis (Régis): À ce niveau-là, notre position est très claire: malgré ce qui en a été dit puis qui a été recommandé par la commission Clair, Ménard, je pense, c'est un choix de société qu'on s'est donné en 1970 finalement d'avoir un caractère universel au niveau de la gratuité, de l'accessibilité, etc. Et je pense que c'est peut-être ce qui tient le plus à coeur à l'ensemble des Québécoises et Québécois. Et on doit prendre toutes les mesures possibles pour maintenir le réseau actuel.

Et je pense que le ministre a pris une bonne décision en se retirant de l'idée de créer une caisse vieillesse, qu'on a appelée un petit peu, dans le jargon, là. Et puis d'ailleurs le ministre soulignait à juste titre que la gestion de toute cette caisse-là serait quand même assez problématique. Et puis on reconnaît cependant que c'est quand même 43 % du budget total qui va à la santé, on le sait, mais cependant on pense que le réseau peut continuer à s'ajuster par une meilleure utilisation de l'ensemble de la main-d'oeuvre et arriver à financer, continuer à financer les coûts, là, relatifs au maintien de l'universalité du programme.

Mme Harel: Mais, M. Paradis, si la caisse comme telle où cotiseraient, de manière plus universelle, tous les Québécois est écartée, je comprends, avec l'explication de Me Ledoux, que l'assurance privée postopératoire, elle pourrait être introduite par l'article 333.6.

M. Ledoux (Georges): Bien, il reste à savoir si... De toute façon, tout ce qui n'est pas déjà assuré par le service public... En principe, on peut s'assurer pour tout service additionnel. Il n'y a rien qui empêcherait ça, peut-être même avant l'adoption du projet de loi de toute façon, qui empêcherait des gens de s'assurer pour ce type de services là.

On revient au principe de la loi même avant sa modification, soit au niveau de la modification de la Loi de l'assurance maladie ou de l'assurance hospitalisation. On revient au principe que tout ce qui n'est pas assuré et dispensé par le public pourrait faire l'objet d'une assurance privée. Donc, des gens pourraient déjà se procurer ce type de services là actuellement, si d'abord ils étaient capables, soit dit en passant, d'y avoir accès, là, de l'assumer financièrement. Mais M. Paradis, je pense, a insisté là-dessus, sur le fait que, quand on parle des personnes âgées ou des soins de longue durée, on maintient, nous, notre position que ça devrait demeurer un financement public à 100 % et que c'est l'État qui devrait assumer cette responsabilité-là.

Mme Harel: Alors, à la page 8 de votre mémoire, vous intervenez, là, sur la question des règles de propriété, hein, et avec raison vous vous dites satisfaits que seul un médecin membre du Collège des médecins du Québec peut exploiter, pourrait exploiter, là, ce qui est proposé dans le projet de loi, un centre médical spécialisé, ou, lorsqu'une personne morale ou une société l'exploite, elle doit être contrôlée par des médecins membres du Collège des médecins.

Moi, je me suis posé la question très concrète qui est la suivante: Wal-Mart décide, à travers le Québec, d'ouvrir, comme il l'a fait, là, pour bien d'autres commerces, notamment la pharmacie, n'est-ce pas ? ils ont des pharmacies ? décide donc d'ouvrir, dans le centre que l'on sait est d'une très grande superficie, là, d'ouvrir un centre médical spécialisé avec une entité dans leur lieu, qui est, disons, majoritairement contrôlé par les médecins membres comme la pharmacie l'est aussi par un pharmacien, comme vous le savez, mais tout ça se retrouve dans une même adresse civique. Et la question que je me suis posée, c'est: Pourrait-il y avoir un centre médical spécialisé non participant avec assurance privée duplicative à côté d'un centre médical spécialisé avec des médecins participants couvert par la Régie de l'assurance maladie du Québec mais qui dans le fond utiliserait la même réceptionniste-téléphoniste, et etc.? Et les juristes m'ont dit: Oui. Oui.

Je ne sais pas. Me Ledoux, vous semblez abonder.

M. Ledoux (Georges): En principe, c'est oui. Il n'y a rien dans le projet de loi qui est allé jusqu'à l'interdire. Puis on n'a pas dit, soit dit en passant ? je ne veux pas aller jusqu'à l'absurde ? mais on n'a pas dit non plus que le centre médical spécialisé ne pourrait pas se trouver dans le Wal-Mart, là, dans la grande surface, non. Le projet de loi n'est pas allé jusque-là. Je ne sais pas si c'était nécessaire, mais le projet de loi n'est pas allé jusqu'à préciser une telle éventualité, qui peut sembler bien lointaine aux yeux de plusieurs, mais on n'est pas allé jusqu'à dire ça. Mais, dans les règles de propriété, nous, on s'est dits relativement satisfaits. Il y a quand même un certain nombre de balises, là, mais, je ne sais pas, le législateur n'a pas senti, à ce moment-ci, d'aller préciser des choses aussi détaillées, par exemple, que celles que vous envisagez.

Mme Harel: C'est-à-dire je prends le cas d'un Costco, là, actuellement qui fait signer des pétitions ? Costco de Saint-Jérôme, là ? pour pouvoir vendre de l'essence sans le prix plancher qui est établi. Alors, c'est des milliers de personnes. C'est évident... solliciter pour signer une pétition, il pourrait y avoir des milliers de personnes qui dans le fond trouveraient utile que, dans leur Wal-Mart, ils puissent acheter leurs médicaments, se faire soigner puis en fait etc., etc., etc.

Là, on va toujours me dire qu'il faut quand même un permis du ministre, sauf que le ministre, il n'est pas éternel, et sans doute que sa loi lui survivra. C'est le propre des lois souvent de survivre à leur auteur.

Alors, si on n'a pas de garantie, c'est donc un scénario qui peut être induit de l'ensemble de l'économie générale du projet de loi.

n (10 h 30) n

M. Ledoux (Georges): Il y a peut-être le Collège des médecins qui, dans son code de déontologie, pourra peut-être, à un moment donné, prévoir que ce n'est pas une image correspondante aux attentes de la pratique médicale que d'aller s'installer dans un Wal-Mart. Peut-être que le code de déontologie viendra baliser ce genre de pratique là par rapport à l'image ou à la pratique médicale, mais pour l'instant, dans le projet de loi...

Mme Harel: ...c'est un «peut-être».

M. Ledoux (Georges): Peut-être. Oui, c'est un «peut-être» parce qu'actuellement ce n'est pas le cas parce que ce n'est pas un phénomène qui est répandu. On ne va pas au Wal-Mart pour aller... On va à la pharmacie, mais on ne va pas encore au Wal-Mart pour entrer dans la clinique médicale. Pas pour l'instant, en tout cas.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, nous allons terminer sur cette note la contribution de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec. Je remercie les représentants.

J'invite les participants suivants à se présenter à la table, s'il vous plaît. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, nous allons maintenant entendre les représentants de Coalition Solidarité Santé. Je reconnais M. Claude Saint-Georges, qui est porte-parole, et vous êtes accompagné de Mme Gabrielle Pelletier, coordonnatrice et porte-parole également. Alors, bienvenue à vous deux.

Vous nous présenterez, durant les 20 prochaines minutes, l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, nous aurons deux blocs de discussion avec vous du côté ministériel et ensuite du côté de l'opposition. Alors, nous vous écoutons.

Coalition Solidarité Santé

Mme Pelletier (Gabrielle): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, MM., Mmes les députés.

Tout d'abord, j'aimerais signaler que pour cette commission parlementaire il y a eu très peu de groupes invités à être entendus. Puis c'est un débat important, je pense, et vous le savez. La plupart des organisations syndicales et communautaires n'ont pas été invitées à ce débat. Alors, je voulais quand même le mentionner parce que c'est un projet de loi extrêmement important, et il y avait eu une grande participation lors du dépôt du livre blanc du ministre. Alors, c'était pour commencer.

Alors, pour entrer dans le vif du sujet, pour la Coalition Solidarité Santé tout d'abord le recours à l'assurance privée est une mauvaise solution pour réduire les listes d'attente puisque le rôle des assureurs privés consiste à offrir une couverture de services médicaux au seul bénéfice des personnes mieux nanties, très peu nombreuses qui vont être capables de se payer de tels services. Alors, seules les personnes qui auront les moyens pourront éviter ainsi les listes d'attente dans le secteur public. Alors, en conséquence, c'est clair que pour la coalition, on considère que les ouvertures qui sont faites au secteur des assurances privées et aussi à un système parallèle privé des soins chirurgicaux dans le projet de loi n° 33 ne régleront aucunement le problème des listes d'attente au Québec.

De plus, le projet de loi n° 33... le gouvernement adopte une approche étapiste et progressive à la couverture de soins par la voie d'assurance privée. Et, au fil des ans, à sa guise et, comme dirait Mme Harel, peut-être avec d'autres ministres, ils pourront ajouter d'autres types de services ou d'autres types de chirurgies par simple voie réglementaire, ce que nous déplorons.

La Coalition Solidarité Santé et ses organisations membres ? vous avez pu voir aussi notre sortie de dimanche ? on regroupe les principaux groupes, là, qui ont des employés et des gens qui travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux. Pour nous, la réponse que le gouvernement se donne via le projet de loi n° 33, on s'oppose à ce type de réponse pour le cas de l'arrêt Chaoulli, là, de la Cour suprême du Canada. Pour la garantie des soins dans un délai raisonnable, pour nous il est clair que le seul choix qui soit acceptable pour préserver notre caractère public, universel et accessible du système de santé québécois est que le gouvernement du Québec établisse, avec les acteurs du réseau, des mécanismes garantissant l'offre publique de soins dans des délais médicalement acceptables et reconnus. Ces délais devraient être édictés sous la forme de normes administratives dictées par un plan de gestion ministériel. D'ailleurs, au niveau des normes administratives, le projet de loi n° 33 s'avère silencieux là-dessus, bien que le gouvernement mentionne quand même la question d'une centralisation de la gestion des listes, qui est un pas positif, là.

Donc, pour nous il est clair que le gouvernement du Québec n'a nullement besoin d'un projet de loi pour agir en conséquence. En fait, il s'agit là de prérogatives et de responsabilités imputables au gouvernement et au ministère de la Santé et des Services sociaux en fait qui relèvent d'une saine et bonne gouvernance des services publics. On n'a pas besoin d'un projet de loi pour faire en sorte de diminuer les temps d'attente.

Nous nous opposons aussi à la mise sur pied de cliniques médicales spécialisées privées, qu'elles soient opérées par des médecins participants ou par des médecins non participants. Le gouvernement du Québec n'a aucune raison de légitimer, par la voie législative, des pratiques très discutables qui se sont développées en parallèle au système public. Pour la sécurité des patients et la coordination des ressources, entre autres, aucun permis d'hospitalisation ne devrait être donné hors des centres hospitaliers du réseau public. Or, les cliniques médicales spécialisées, telles que proposées par le projet de loi n° 33, pourraient bien équivaloir à des hôpitaux privés à but lucratif puisqu'elles seront autorisées ? en fait, les cliniques seront autorisées ? à pratiquer les interventions chirurgicales, à faire de l'hébergement et à être rémunérées par les patients ou leurs assurances pour certaines de ces interventions.

De plus, ces cliniques profiteront avant tout aux entrepreneurs de services de santé, que ce soient des consortiums québécois, canadiens ou étrangers, ayant les reins assez solides pour supporter les investissements nécessaires dans les infrastructures. On peut parler, entre autres, de plateaux techniques ou dans les édifices. Pour être rentables, ces cliniques s'occuperont uniquement de chirurgies à haut volume. Elles laisseront ainsi le système public responsable des chirurgies plus importantes et plus lourdes dans un contexte de ressources humaines dont on aura amplifié la pénurie, puisque ces cliniques auront certainement drainé une bonne part des rares catégories de personnel nécessaires à leur bon fonctionnement.

Pour être rentables également, ces cliniques seront à même d'exiger des frais supplémentaires aux patients. Déjà, des cliniques chirurgicales de médecins participant à la RAMQ perçoivent directement ou indirectement trois types de paiement pour financer leurs services de chirurgie: la rémunération à l'acte du médecin normalement payée par la RAMQ; les frais accessoires pour l'utilisation du plateau technique payés par le patient; et les substances médicamenteuses utilisées, que ce soient des médicaments ou des anesthésiques, payées directement par le patient, dont certaines peuvent lui être remboursées en partie par l'assurance médicaments. Loin de profiter à la gestion du système public québécois, la prolifération de cliniques médicales privées suivant le modèle proposé par le projet de loi n° 33 aurait sans nul doute pour effet de dédoubler des infrastructures très coûteuses et d'ajouter des lourdeurs bureaucratiques complexifiant cette gestion publique du système. La Coalition Solidarité Santé ne peut donc que s'opposer au développement des cliniques médicales privées spécialisées, lesquelles constitueraient une brèche importante dans le modèle québécois de soins de santé, que nous devons protéger. La solidarité et la justice sociale sont au coeur de ce système public québécois par son universalité et son accessibilité. Il faut les préserver.

La clinique va privilégier plutôt le développement de cliniques ambulatoires publiques rattachées à une... excusez-moi, administration hospitalière et ayant la responsabilité de certaines chirurgies. On peut penser, entre autres, au centre ambulatoire de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Là, je laisserais mon collègue avant de conclure.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges.

n (10 h 40) n

M. Saint-Georges (Claude): Voilà. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, il est difficile en fait de saisir le centre de gravité du projet de loi. Est-ce que c'est d'abord une réponse à l'arrêt Chaoulli, une solution aux listes d'attente dans le réseau ou, dans son aspect, dans sa dualité, ce projet de loi, est-ce que c'est peut être vu comme une brèche dans le caractère public et l'universalité de notre système de santé?

Même si cette brèche-là ou cette ouverture-là apparaît... circonscrite, pardon, balisée, un peu anodine, en fait c'est un virage majeur, à notre avis. La juriste, Mme Prémont, elle estime que le projet de loi n° 33 pose clairement les premières pierres sur lesquelles pourra s'appuyer une croissance graduelle d'un système de santé à deux vitesses. Est-ce qu'on est en train d'ouvrir la boîte de Pandore? C'est la question que l'on doit se poser. Je pense que la commission devrait, enfin doit, puisqu'elle les a déjà entendus, prendre acte du scepticisme de la profession médicale. On entendait, par exemple, le président du Collège des médecins dire: Est-ce qu'on peut empêcher les promoteurs étrangers d'investir dans des cliniques, à l'issue de cette législation-là?

«Nous comprenons tous que limiter la propriété des cliniques aux seuls médecins ne peut être une garantie. Un médecin pourrait en effet n'être qu'un intermédiaire pour des firmes prêtes à faire de tels investissements en respectant la lettre de la loi sans pourtant en respecter... Il pourrait devenir très difficile de clarifier la nature des rapports d'affaires entre les individus, médecins et des entreprises intéressées.» Alors, ils posent la question: Qui, parmi les médecins, est prêt à investir 10, 15 millions pour une clinique qui est apte à faire de l'arthroplastie, par exemple? Et donc je pense que cette mise en garde là du Collège des médecins doit être prise très au sérieux.

On entendait aussi les médecins spécialistes nous dire que, du côté des orthopédistes, ils trouvent que cette pathologie opérée dans les CMS, c'est une pathologie trop lourde pour la structure qui est présentée. Ils préfèrent que l'on investisse du côté de l'hôpital et augmenter l'accessibilité de l'hôpital. Et on a entendu aussi, de la part des représentants de la profession, le même point de vue à l'effet que, pour régler la question des listes d'attente, il n'est pas nécessaire de procéder à un projet de loi, puisque la loi actuelle donne toutes sortes de possibilités de créer des mécanismes pour résoudre les listes d'attente dans le secteur public, et ça, en quoi on ne s'objecte pas. Au contraire, on demande qu'un véritable plan ministériel pour non seulement les chirurgies, mais d'autres domaines en besoin et où les listes d'attente sont importantes, ne serait-ce qu'en réadaptation, soins... Je pense que la réflexion collective qu'on pourrait se faire autour d'un plan ministériel d'accès serait bienvenue, et on serait heureux d'y participer.

Pour avoir regardé récemment le rapport Clair, le rapport Clair auquel on a fait plusieurs objections, entre autres, pour son pessimisme à l'endroit de notre capacité collective de développer un bon système public, je pense qu'il a fait des erreurs de base sur les enjeux économiques qui nous confrontent. Mais néanmoins, quand on regarde la proposition de Michel Clair, c'est les cabinets. Il ne voyait pas la création d'hôpitaux privés parallèles et il référait uniquement à la pratique multidisciplinaire des spécialistes, excluant le plateau technique et les services d'hébergement, notamment. Je pense que, là, on a franchi une étape, là, qui est loin d'être bienvenue, même si, nous, on n'était pas de l'avis de la commission Clair sur cette avenue-là de créer des cliniques affiliées de propriété privée, là, pour les médecins.

Enfin, où on est confrontés, le projet de loi arrive à un moment où les maux actuels du système sont d'un autre ordre que ce qui nous est soumis. Bon. Je pense qu'on doit le reconnaître, que le système a été très sollicité dans les dernières années, au plan financier. La croissance des dépenses de santé au Québec, elle est plus lente que partout ailleurs au Canada, et, bon, il y a des rattrapages à faire. Et ça, je pense que ça, ce serait de nature à régler un certain nombre de problèmes, là, concernant l'accès.

Il y a aussi la question de la pénurie des ressources humaines. Le projet de loi n'a pas pour objet de résoudre ça. On est, dans le cas, par exemple, de la pratique médicale ou de la profession médicale, en voie de tenter de combler une pénurie qui a été créée un peu artificiellement, dans les 20 dernières années. Je rappelle, par exemple, que le rapport Gobeil, en 1986, nous proposait littéralement ou suggérait la fermeture d'une faculté de médecine, a eu de graves erreurs aussi dans la planification de la main-d'oeuvre infirmière. Et donc on a comme à résoudre de grands problèmes, mais je pense qu'on est conscients que c'est dans cette direction-là qu'on doit aller.

D'autre part, il faut aussi prendre acte qu'on est en train de faire des progrès sur la réduction des listes d'attente. Je pense que, là, je pense qu'il faut l'admettre, qu'il y a une direction qui a été prise et que c'est là la voie de solution qui doit être encouragée. Et on pourrait même dire que, si l'effort qui est fait présentement pouvait en soit être une réponse appropriée au jugement de la Cour suprême, parce que le jugement de la Cour suprême a statué sur des événements qui se sont produits en 1997, et, en 2006, je pense qu'il y a une prise de conscience ou il y a des efforts qui semblent être... Et on l'a vu par certains chiffres qui ne sont pas encore l'idéal, mais il y a effectivement une bonne direction qui est prise.

Et, nous, bon, on lisait Le Devoir ce matin, là, où on a qualifié plus ou moins la Coalition Solidarité Santé d'organisme de gauche. Moi, je pense qu'il y a, au-delà des étiquettes ? puis ce n'est pas personnellement une étiquette qui me répugne, pour moi... mais est-ce que ça veut dire que, nous, comme organisation, nous sommes des gens qui sont à l'opposé, qui sont à l'encontre de l'économie de marché ou encore de la liberté d'entreprise? Ce qui est bon dans plusieurs domaines pour nous ne l'est pas dans le domaine de la santé. C'est bien connu que l'efficience, la capacité et aussi les objectifs même du système de santé, dans son caractère social, universel, se prêtent mal à l'ouverture du privé. Et, comme coalition qui sommes actifs, nous, depuis la commission Rochon en fait, je pense que ce qu'on projette, ce qu'on propose, qu'on met de l'avant, c'est dans le droit fil de ce qui a été la commission Rochon, le forum national en 1997, la commission Romanow et, je dirais même, les points de vue des deux grands partis à l'Assemblée nationale, et c'est-à-dire c'est toute la préservation, le maintien de notre système public universel.

Or, ce qu'on voit dans le projet de loi, je pense que c'est peut-être une approche... comme on dit, vers la privatisation, mais il y a de ça pour nous qui soulève notre grande préoccupation, et c'est dans ce sens-là qu'on dit: Concentrons-nous sur les problèmes réels et utilisons le système public qui a toute la capacité, avec ses gestionnaires, avec son personnel, de répondre aux besoins de la population et ne pas créer le système à deux vitesses ou à multiples vitesses. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous voulez ajouter quelque chose, Mme Pelletier?

Mme Pelletier (Gabrielle): Juste conclure.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, très bien.

Mme Pelletier (Gabrielle): ...qu'aujourd'hui on réclame du gouvernement du Québec un plan de gestion ministériel des listes d'attente propre à garantir les soins dans un délai raisonnable, et ça devrait aussi englober plus que la question des chirurgies, mais tous les délais d'attente, les délais déraisonnables dans les services sociaux, aussi en réadaptation et, vous le savez, même pour les cas des enfants qui attendent longtemps sur des listes d'attente. Et ça devrait être soumis à une vaste consultation publique. Et, si on y répond adéquatement à un niveau ministériel, on n'aurait pas besoin d'un projet de loi, ça, c'est clair.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Pelletier. Merci, M. Saint-Georges. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (10 h 50) n

M. Couillard: Bien, merci, M. le Président. Merci, Mme Pelletier, M. Saint-Georges, pour votre présentation.

Je dirais, d'entrée de jeu, que, vous savez, les étiquettes de gauche et de droite, ça ne doit pas être vu comme une insulte de part et d'autre, c'est tout à fait légitime dans une société d'avoir une orientation qui se situe dans ce spectre-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il y a le centre, aussi.

M. Couillard: Oui, mais Clemenceau disait que le centre est l'expression... de la droite. Un jour, il faut choisir son...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Mais encore une fois je ne vois pas ça comme un reproche. Mais c'est correct et c'est tout à fait légitime. Je souhaite que d'ailleurs ce type de débat là se répande dans notre société.

Je dirais que la réponse au jugement Chaoulli, elle est articulée de plusieurs façons. Le projet de loi est un des éléments, mais effectivement il y a le mécanisme de gestion d'accès, le mécanisme d'accès qui est là. Pourquoi un projet de loi? Effectivement, il y a des sociétés peut-être qui le font sans approche légale. Mais ça fait 36 ans que notre système de santé existe, et on est encore au point à s'assurer que chaque hôpital va gérer ses listes d'attente de façon organisée, alors, moi, je suis convaincu que, s'il n'y a pas de coût de départ législatif, ça ne se fera pas dans tous les hôpitaux, et ça, c'est pour avoir vu le système de l'intérieur également que je suis en mesure de dire ça.

Là où je suis ? et vous allez peut-être être surpris; mais je suis... Un point d'accord assez fondamental avec vous, c'est qu'en aucune façon nous ne présentons l'assurance privée comme étant une solution ni au financement ni à l'accès aux services. C'est abordé sur une question assez fondamentale que soulève la Cour suprême. Mais bien sûr toutes les interprétations du jugement ont été faites, mais il n'en reste pas moins qu'actuellement, jusqu'au jour où le projet de loi sera adopté avec un effet rétroactif, nos articles de loi sur l'assurance maladie et l'assurance hospitalisation sont inopérants, hein? Alors, je veux juste terminer là-dessus parce que je voudrais aborder la question avec vous sur un angle beaucoup plus vaste.

Vous savez qu'il existe actuellement, et je vous dirais que vous êtes plus clairs que d'autres groupes... Je crois savoir que vous ne voudriez pas qu'il existe même actuellement des cliniques privées de médecins participants; il y en a qui font de la chirurgie aujourd'hui même. Dans une société où depuis des années on accepte que ces cliniques existent avec des médecins non participants, que des gens puissent aller payer 12 000 $ aujourd'hui, c'est possible, ça se produit aujourd'hui même, à Montréal, pour avoir une prothèse de hanche, de quel droit veut-on empêcher les gens qui le veulent d'avoir une assurance pour ces services-là? Et là je vous dis tout de suite que nous restreignons ce droit dans le projet de loi, puisque nous le limitons seulement aux chirurgies pour lesquelles une garantie d'accès est offerte.

Mais, moi, je voudrais entendre votre point de vue sur un enjeu beaucoup plus large que le simple système de santé, c'est un enjeu de droit et de liberté. À partir du moment où, moi, j'ai le droit de prendre 12 000 $ de ma poche pour aller me faire faire une prothèse de hanche dans Montréal, que tous les partis successifs ont reconnu que c'était quelque chose qu'on acceptait, pourquoi est-ce que je n'ai pas le droit d'avoir une assurance pour ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Pelletier.

Mme Pelletier (Gabrielle): ...relancer une question: Pourquoi les gens qui ne peuvent pas se permettre ça devraient, eux, attendre dans des délais déraisonnables, et souffrir, et attendre.

M. Couillard: Mais ça n'a rien à voir.

Mme Pelletier (Gabrielle): Non, mais je veux dire, on peut poser la question dans l'autre sens. La justice sociale, ça se fait des deux côtés, aussi.

M. Couillard: ...mais, je m'excuse, ça ne va pas, ce n'est pas ça. Il n'est nulle part dit que les gens qui n'ont pas d'assurance vont attendre. À mon avis, je m'excuse, c'est une grosse déformation de ce qu'on propose. Il n'est nullement... que ceux qui n'ont pas d'assurance attendent. C'est faux. C'est faux.

Mme Pelletier (Gabrielle): ...une assurance vont attendre dans le réseau public.

M. Couillard: De la même façon que ceux actuellement qui paient 12 000 $ ? c'est sur cet enjeu-là que je voulais vous amener ? alors, logiquement, vous devriez réclamer la fermeture de ces cliniques-là parce que c'est le même principe. On ne peut pas être à moitié pour ça puis à moitié contre. Ou bien on est pour ou bien est contre. Ou bien on accepte que ça existe ou bien on ne tolère pas que ça existe, mais c'est un phénomène sur lequel il faut se brancher un jour, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges, je vous inviterais à prendre un petit temps de délai entre vos interventions, de telle sorte à ce que l'on puisse mieux suivre vos échanges. Merci.

M. Saint-Georges (Claude): Très bien. Bon. Sur les cliniques privées actuelles, bon, on a lu certains points de vue à l'effet qu'ils sont à la marge de la légalité, entre autres, sur le fait qu'ils sont des quasi-hôpitaux, je veux dire, que le fait qu'ils sont... et qu'ils font de l'hébergement, des soins posthospitaliers. On parle, entre autres, dans les chirurgies orthopédiques. Alors là, il y a... et là on est en train...

Bon. Le problème qu'on voit, ce n'est pas, bon, qu'on minimise la sortie des médecins du régime de la RAMQ. Et ce qu'on s'oppose avant tout, c'est le fait que dorénavant les assureurs puissent couvrir ce type d'assurance là. Je comprends que la Cour suprême a invalidé des articles, mais quelle pourrait être la réponse gouvernementale? Je ne suis pas un juriste, mais on nous dit que, par exemple, que, s'il y avait... il pourrait y avoir une réponse adéquate aux problèmes soulevés par Chaoulli, c'est-à-dire les longs délais d'attente résolus ou en voie d'être résolus en affirmant un plan de réduction encore plus solide ou plus affirmé, est-ce qu'on ne pourrait pas ? et certains juristes le disent ? de réintroduire ou...

Une voix:

M. Saint-Georges (Claude): ...les deux articles puissent être à nouveau adoptés par l'Assemblée nationale, puisque la réponse a été faite?

Alors donc, nous, c'est beaucoup plus de ne pas autoriser l'ouverture à la couverture de chirurgies par les assureurs privés en sachant même que la loi prévoit qu'il pourrait s'en ajouter d'autres et que l'intention actuelle du gouvernement, c'est de limiter au maximum. Mais je dirais: Est-ce qu'on pourra résister à des opérateurs, des gens d'affaires: Nous, on a investi 25 millions, puis ça ne rapporte pas assez; il faudrait ouvrir à d'autres chirurgies. Je pense que, là, éventuellement la pression pour élargir ces hôpitaux privés parallèles pourra être inévitable, et c'est ce dont Mme Prémont soulevait: Est-ce que ce n'est pas la petite brèche qui fait qu'on se retrouvera avec quelque chose de déplorable à long terme?

M. Couillard: Mais vous avez probablement remarqué que, dans le projet de loi, on réintroduit justement l'article de prohibition de l'assurance hospitalisation parce qu'on définit l'encadrement qui est actuellement ? vous avez raison là-dessus ? très flou sur ce qui se produit en pratique dans les centres où il se fait des chirurgies qui sont des chirurgies importantes, où il n'y a absolument pas d'encadrement et de définition du contexte légal dans lequel ces choses-là se font. Je ne veux pas prolonger la discussion sur cette question-là parce qu'il faut accepter dans la société qu'on ait des désaccords, là, mais je ne peux pas comprendre qu'on puisse aller payer cash pour une chirurgie puis on n'a pas le droit d'avoir d'assurance. J'ai de la misère avec le concept même, mais ça, je pense que c'est une discussion qu'on pourra reprendre.

Maintenant, vous parlez des cliniques affiliées. Évidemment, Michel Clair a fait un rapport de commission dans lequel lui-même suggère la mise en place de ce qu'on appelle les cabinets affiliés mais qui sont clairement, dans son esprit comme d'ailleurs dans l'esprit du gouvernement précédent qui, en décembre 2002, a publié un document recommandant la mise en place de ces cliniques-là, les cliniques conventionnées ou affiliées qui font de la chirurgie... Et d'ailleurs je pense que, si vous aviez une conversation avec M. Clair, vous verriez que pour lui le concept est assez clair, sans faire de jeu de mots, sur cette question-là.

Donc, justement on réintroduit. Aviez-vous remarqué que, dans le projet de loi, il y a une réintroduction de la prohibition de l'assurance hospitalisation?

M. Saint-Georges (Claude): Oui.

M. Couillard: Oui. O.K. Maintenant...

Une voix: ...

M. Couillard: ... ? on vous l'indiquera plus tard dans le débat ? la question même, M. Saint-Georges, Mme Pelletier, du principe de faire faire des chirurgies à basse infrastructure. J'en profite pour rappeler encore une fois qu'il ne se fera pas de prothèse de hanche et de genou dans les cliniques affiliées. C'est de la chirurgie à basse infrastructure dans les trois, uniquement la cataracte et probablement les endoscopies, les chirurgies à faible infrastructure qui sont faites actuellement dans ce gros vocable qu'on appelle la chirurgie d'un jour.

Il y a un autre élément fondamental sur lequel je voudrais échanger avec vous. Mon poste me donne des inconvénients puis des avantages. Les avantages, c'est d'avoir l'occasion de me promener dans le monde puis de visiter d'autres systèmes de santé. Et ce que je constate, c'est que, dans les autres États, même quand il y a, au gouvernement, des gouvernements franchement socialistes, notamment en Europe de... cette question-là, ce n'est pas un débat. J'étais en Catalogne il y a quelques jours: 50 % à 60 % des activités... se font sur mode conventionné. Et franchement, quand ils apprennent le type de débat qu'on a actuellement sur le principe même de faire faire certaines chirurgies à paiement public par des prestataires privés, honnêtement ils se demandent un peu, là, dans quel monde on évolue. Parce que ce à quoi vous nous appelez et qu'on partage, qui est le respect du principe de justice sociale et d'équité, je pense qu'un survol moindrement attentif de la réalité du monde d'aujourd'hui montre que ce n'est pas juste le système de santé canadien et québécois qui apporte une réponse dans l'optique de la justice sociale et de l'équité, il y a plusieurs façons d'assurer ces principes-là. À mon avis, c'est ça qui est le point de discussion qui m'apparaît intéressant.

Donc, ce que je constate, moi, c'est qu'il y a des situations où il y a des gouvernements appelés de gauche ? je m'excuse d'utiliser encore le même vocable ? des socialistes qui se retrouvant au pouvoir après que le gouvernement précédent ait introduit ces mécanismes-là, les laissent en place parce qu'ils considèrent que c'est une façon tout à fait correcte ou même les mettent en place eux-mêmes dans certains cas. Pourquoi, au Canada et au Québec, ça semble un enjeu si fondamental et qu'on est presque les seuls, dans l'orbite des pays développés, à avoir ce type de débat là? Moi, c'est quelque chose qui me frappe à chaque fois que je me déplace et que je visite d'autres systèmes de santé de pays, en passant, qui ne sont pas moins socialement avancés que le Québec ou le Canada.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges.

n (11 heures) n

M. Saint-Georges (Claude): Bien, on a eu un peu cette conversation-là à l'occasion d'autres commissions parlementaires. C'est que, bon, le système a son originalité ? notre système canadien, québécois. La loi canadienne a fait en sorte que la gratuité pour les soins médicaux et les soins hospitaliers sont garantis par cette loi-là, et on a inscrit, dans ces principes-là, la gestion publique. C'est bien sûr qu'il y a des variantes partout dans le monde, mais je dirais que la couverture québécoise et canadienne, comparée à d'autres pays, elle est passablement limitée. On va prendre, par exemple, les soins dentaires de base qui peuvent être dans le régime public ou les soins à domicile en Scandinavie, par exemple. Il y a toutes sortes d'autres configurations, mais par ailleurs, nous, on est amenés à se comparer aussi dans l'univers nord-américain où on est. Et, quand on regarde le résultat de notre système de santé, on voit comment il est efficient, comment notre culture, notre tradition administrative de gestion ont été bienfaisantes. Et il reste que c'est un système qui a sa présence d'interventions privées.

L'organisation de la profession médicale selon nous échappe, pour une certaine partie, à la gestion publique. Il y a d'autres modèles dans le monde qui sont beaucoup plus avancés, selon nous. Alors donc, il n'y a pas de modèle importé, selon nous. Plutôt regarder quel est le potentiel, quelles sont les réalisations et quelle est la fierté d'avoir réussi ce modèle-là, qui fait en sorte que ça assure à la fois l'universalité des soins mais aussi notre compétitivité qui permet aussi à l'État. Puisqu'on sait que les dépenses de santé, les dépenses de programmes du gouvernement du Québec, c'est parmi les plus basses au Canada, il y a quelque chose de réussi dans... modèle. Il n'y a pas... Regardez ce qui se passe ailleurs, très bien, mais regardons dans les deux sens aussi.

M. Couillard: Je suis d'accord. D'ailleurs, ce n'est pas le système de santé du Québec dans ses principes qu'on met en cause, pas du tout. D'ailleurs, moi-même, je disais dans Le Devoir, dans un cahier récemment sur la santé ? puis je pourrais le démontrer sur toutes les tribunes ? qu'on a probablement, au Québec, actuellement, un des systèmes de santé les plus efficients. On peut le démontrer en termes de rendement entre l'investissement et les résultats.

Maintenant, où on réussit très bien actuellement, c'est dans la santé de la population. Nos chiffres de résultats de santé de population sont parmi les meilleurs au monde. Il n'y a pas grand monde qui, au niveau de l'espérance de vie, la mortalité périnatale, etc., a des résultats similaires au Québec. Là où on réussit moins bien, puis c'est de ça qu'il est question actuellement, c'est dans la mission du système de santé envers l'individu, l'accès aux services pour plusieurs raisons que vous avez bien démontrées, mais là où il faut, je pense, faire progresser le système de santé sur la base même des principes qui l'ont vu naître, c'est de donner plus de flexibilité dans les options qu'on présente aux gens qui se présentent pour avoir des soins et un élément de compétition avec l'aspect sain de la compétition sous forme d'émulation plutôt que de compétition de type commercial, et ça, c'est absolument essentiel pour moi.

Maintenant, je ne demande pas qu'on soit d'accord, j'explique le point de vue. Là où je veux ramener encore le point de discussion précédent, c'est: d'accord tout à fait pour comparer les systèmes, puis on a, au Québec et au Canada, des éléments de système que d'autres nous envient aussi, mais là où je ne suis plus, c'est lorsqu'on dit que quelqu'un qui veut modifier l'organisation de ce système-là par définition pèche contre les principes de justice sociale, d'équité et d'universalité. À mon avis, ce n'est pas une association qui est correcte parce que je peux vous montrer plein d'exemples de systèmes de santé organisés complètement différemment du nôtre qui sont entièrement valables sur le plan de la justice sociale, de l'équité et de l'universalité.

Alors, ce que je regrette dans le débat actuel, c'est que, dès qu'on essaie d'apporter une évolution ? moi, je considère que c'est une évolution à notre système de santé ? on se fasse immédiatement taxer d'aller contre les principes de justice sociale et d'équité. À mon avis, il y a un raccourci qui est un peu court, pour ne pas faire de pléonasme.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges ou Mme Pelletier.

Mme Pelletier (Gabrielle): En fait, aujourd'hui, on est surtout là pour... Et puis c'est drôle parce que vous êtes en train justement d'annoncer les plans de gestion d'accès. Vous avez fait Québec, bon, Montréal. Et on voit qu'à l'intérieur même de notre système public et avec les investissements qu'on s'est faits collectivement... Et, même dans les dernières années, tout ce qui a été fait au niveau de la technologie médicale, les améliorations qu'on a apportées dans les centres hospitaliers, et tout ça, on a investi là-dedans collectivement. Pourquoi on ne maximiserait pas d'abord ça et de faire en sorte que ça fonctionne mieux, là?

Et, vous-mêmes, vous décidez d'investir dans le réseau public pour faire en sorte qu'on diminue certaines listes d'attente déraisonnables. On est en train de le prouver, qu'on peut le faire, là, actuellement, et la réponse, elle est là. On n'a pas besoin d'avoir une autre chose à côté. Et si ce n'était que répondre à la Cour suprême? Vous êtes en train de mettre des balises en place. Et, si évidemment on continue et on soutient ça, et en plus que ce soit récurrent, évidemment le 50 millions, vous l'investissez déjà dans... C'est notre argent collectivement qu'on met là-dedans. On a payé tout ça, les plateaux techniques, les centres hospitaliers. Pourquoi on ne maximiserait pas ça?

On le sait, que le... public, c'est encore lui qui coûte le moins cher et qui est le plus efficace. Là, on va ouvrir quelque chose d'autre et, entre autres, avec aussi une partie du financement public qui va aller vers ces... Pourquoi ne pas le garder avec ce qu'on a là, actuellement? Et c'est ça que, nous, on essaie d'expliquer, puisqu'on se l'est donné collectivement. Ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas, ce n'est pas parce que notre système ne fonctionnerait pas. Il peut fonctionner. Et vous êtes en train de... C'est un peu un paradoxe. Dans les dernières semaines, vous avez d'ailleurs annoncé des choses, et même on voit qu'il y a des listes qui ont diminué. Vous-même, vous le savez, qu'il y a des chirurgies au niveau de la cataracte, même du genou qu'il y a des listes d'attente qui ont diminué. Il faut continuer. Vous l'avez prouvé en radio-oncologie, en cardiologie. Pourquoi ne pas continuer là-dedans?

Et c'est ça qu'on trouve un peu paradoxal. Actuellement, il y a cette espèce d'ordre de la cour qui nous pend au-dessus de la tête, où on sait qu'on peut y répondre, et un plan de gestion suffirait amplement pour y répondre, ça, juridiquement, je parle.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges.

M. Saint-Georges (Claude): Bien. Sur le fait d'introduire des secteurs témoins, de la concurrence, de l'émulation, je ne partage pas ce point de vue là, puisqu'il y a déjà, dans le système, des options. Ça veut dire que le choix de l'établissement ou le choix du professionnel entraîne une dynamique de... pas de concurrence, mais d'émulation où il y a certains choix pour le patient. Et on sait que, quand on regarde le projet de loi, on ne peut pas voir qu'il n'y aura pas, dans sa suite, des lourdeurs bureaucratiques dans tout ça. Et toute la théorie sur la gestion des systèmes de santé démontre que les systèmes à payeurs multiples ou à intervenants multiples créent des... Et c'est le modèle américain qui coûte maintenant 16 % de l'économie. Et, dans 10 ans, c'est 20 % de l'économie américaine qui sera... Bon. On ne s'en va pas dans cette direction-là, heureusement, mais, on a un contre-modèle où on voit que la concurrence et le marché de la santé, ce n'est pas un système approprié pour obtenir des résultats.

Si on demande: Est-ce que la déréglementation, c'est une bonne chose?, c'était très bon pour le transport aérien ou la téléphonie, c'est très mauvais pour l'hydroélectricité, par exemple, ou la distribution de l'électricité. On le voit présentement aux États-Unis. Et c'est très, très mauvais aussi pour la gestion des soins de santé. Je pense que tout le monde en convient, que la théorie économique est solide là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il reste deux petites minutes à ce bloc.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais dire tout d'abord que, vous avez raison, le système le plus efficace, effectivement c'est un système à payeur unique, et c'est pour ça que les cliniques affiliées sont là. C'est encore l'État qui paie, le payeur demeure unique. Et je pense que c'est toujours également l'amalgame... qu'on fait, où on mélange le financement, la gestion du système et la prestation des services. Les cliniques d'omnipraticiens de l'autre côté de la rue, ici, c'est des entreprises privées financées par l'État, conventionnées. C'est le même principe.

Je pense que vous avez... C'est paradoxal, comme dit madame, parce qu'on a, sur beaucoup de points, beaucoup de points d'accord, sauf quelques points assez importants cependant que vous avez mis en lumière. On va les continuer, les plans d'accès. Il n'est pas dit nulle part qu'on va arrêter ça. D'ailleurs, on voit très bien, si vous regardez les chiffres actuels, que, dans toutes les régions du Québec, quasiment toutes les régions du Québec, il ne sera pas nécessaire d'utiliser même les cliniques affiliées pour arriver au niveau de l'accès garanti pour les patients. Regardez, au Saguenay?Lac-Saint-Jean ? je regardais les chiffres il y a quelques jours ? on est prêt de 95 %, 100 % des gens opérés à l'intérieur des délais. Ils n'ont pas besoin de faire ça. Le P.D.G. de l'agence de Québec est venu ici, en commission parlementaire. Lui non plus ne pense pas avoir besoin de le faire. Je pense cependant qu'il y a des situations où il faut donner cette flexibilité au réseau, notamment les situations de grandes concentrations urbaines et de grandes populations. Et, pour un volume de chirurgies à infrastructure petite, ce qu'on appelle actuellement, dans le jargon, la chirurgie d'un jour, qui est en fait composée littéralement de centaines de situations puis de procédures différentes, il y a là-dedans un élément d'option qu'il faut donner au réseau de la santé.

Mais l'initiative, elle va venir du réseau de la santé. Ce n'est pas parce que quelqu'un, dans le champ, va dire: «Bien, moi, je vais faire une clinique affiliée» qu'il va y en avoir une demain. Il faut que le projet vienne du système de santé dans le cadre de l'organisation régionale des soins, et je pense que c'est ça que je voulais mettre au point avec vous. Ai-je réussi à vous convaincre? Peut-être pas, mais au moins on a eu...

n (11 h 10) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous avez une réponse par oui ou non, ça ferait l'affaire, parce qu'il ne reste...

M. Couillard: ...au moins on a eu un échange intéressant.

Une voix: ...une bonne discussion.

M. Couillard: On a eu un échange intéressant.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors merci. Je cède maintenant la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je pense que le ministre a par-devers lui l'article de son projet de loi. C'est l'article...

M. Couillard: 39.

Mme Harel: ...39, hein, merci. Alors, M. Saint-Georges, Mme Pelletier, bienvenue à cette commission parlementaire. Et c'est impressionnant quand on lit la liste de tous ces organismes très représentatifs du Québec en fait dans toutes les régions, dans tous les milieux, alors qui sont membres de votre coalition.

Ça m'a beaucoup surprise tantôt, la première intervention que le ministre a faite. Il donnait l'exemple de ce patient qui veut débourser 12 000 $ aujourd'hui en fait pour obtenir une intervention sur la hanche. J'avais l'impression d'entendre Mario Dumont. En fait, j'avais l'impression d'entendre plutôt le député de Rivière-du-Loup, parce que, si c'était le cas, comment se fait-il justement que cette prohibition de l'assurance privée duplicative dans le projet de loi qui est devant nous, à l'exception seulement de trois chirurgies, les genoux, la cataracte... avec en plus le sous-ensemble des hanches qui va être très, très limité... Bon. Ce n'est pas rien de penser qu'actuellement, à peu près à travers tout le Québec, 96 %, 98 % des listes d'attente hors délai médicalement acceptable le sont pour des chirurgies d'un jour, alors que les listes d'attente hors délai médicalement acceptable pour les genoux, les hanches, les cataractes sont presque inexistantes.

La liste d'attente pour ce que le ministre introduit visiblement, dans le projet de loi, avec l'assurance privée duplicative ne connaît plus de listes d'attente hors délai médicalement acceptable, et la crainte, c'est qu'est-ce qu'il y a en plus qu'on ne connaît pas de ce projet de loi. Bon. Au point de départ, pourquoi, il y a 46 ans, avons-nous choisi un régime public universel accessible à tous et à gestion publique? Pourquoi, il y a 46 ans? C'était dans les années 1960, hospitalisation puis après assurance maladie. Parce que, là, on introduit l'hospitalisation... Pourquoi est-ce qu'après 46 ans on choisirait autre chose, alors que l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique, le Manitoba puis bien d'autres provinces maintiennent la prohibition de l'assurance privée duplicative? Pourquoi? La question est tout à fait légitime, là. Elle est ni de gauche, ni de droite, ni de centre, elle se pose simplement: Pourquoi est-ce que, par exemple, aujourd'hui même, dans d'autres secteurs que la hanche, le genou et la cataracte, pourquoi est-ce qu'un autre député, celui de Rivière-du-Loup, pourrait dire au ministre: «Vous prohibez l'assurance privée duplicative, et il y a de nos concitoyens au Québec qui voudraient pouvoir payer aujourd'hui même, etc.»? Il doit bien y avoir une raison pour ça.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît.

Mme Harel: Non, ce n'est pas simple comme ça. Puis le ministre, finalement le ministre lui-même le sait très bien. Ce n'est pas simple comme ça.

J'aime beaucoup la Catalogne, j'y suis allée très souvent, et le mode conventionné qu'ils ont choisi il y a des décennies n'est pas le nôtre. Et, à ce moment-ci, introduire un mode privé conventionné pour faire la chirurgie d'un jour, c'est dans le fond la chirurgie ambulatoire, hein, c'est finalement payer des nouveaux édifices, payer des nouveaux plateaux techniques puis dans un contexte de pénurie du personnel. On est la dernière année d'équilibre entre les départs et les arrivées des infirmières, m'a encore rappelé le directeur du CHUM hier, le directeur général, et, à partir de l'an prochain, il va y avoir systématiquement, avec les années qui vont suivre, pénurie de personnel. Mais c'est quoi, l'idée? Moi, personnellement, je ne pratique pas de religion en matière de soins de santé. Si on me démontrait que c'est ce qu'il faut à ce moment-ci, moi, personnellement, je serais prête à le regarder. Mais, dans le contexte actuel, où est-ce que c'est qu'on va payer en double, on a des édifices publics magnifiques... en est un bon exemple, on a de l'équipement, des édifices publics, on va payer en double, là, il ne faut pas se faire accroire.

Le ministre le dit lui-même: Le meilleur système ? je l'ai bien noté ? le système le plus efficace, c'est celui à payeur unique. Alors, à quelques exceptions près, on va continuer à payer, mais on va continuer à payer pour nos équipements qu'on a déjà, publics puis nos plateaux techniques puis on va encore payer pour amortir des nouveaux édifices puis des nouveaux plateaux techniques dans un contexte de pénurie du personnel. C'est quoi, l'idée, tu sais? On a à gérer l'histoire, et cette histoire est celle d'un réseau public qui peut lorsqu'il y a un financement adéquat. On l'a vu, notamment dans le cas des chirurgies de la hanche, du genou et des cataractes, on a vu réduire les listes d'attente hors délai. Alors, il faut le faire.

Là, je lisais le rapport de l'Institut Fraser qui démontre qu'on est toujours la dernière province en termes de financement public des soins de santé. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire de plus? Le ministre dit: 6 000 chirurgies... à Montréal avec 14 millions. Je dois donc comprendre, même s'il jouait à Robinson Crusoé, là, à Robin Hood plutôt avec l'argent des médecins spécialistes puis un peu partout à travers le Québec, mais je dois comprendre qu'en en mettant un peu plus il en reste encore 10 000, là, qui sont hors délai médicalement acceptable malgré son annonce. On pourrait, avec un peu plus donc d'argent, réduire à néant les hors délai médicalement acceptable. Alors, l'accès aux services, finalement c'est ça, la grande question, parce que, si tant est qu'on veut changer de système public universel, accessible, il faut un vrai débat public et ne pas prétendre qu'on est obligé à cause du jugement Chaoulli.

Vous nous le rappelez d'ailleurs, dans votre mémoire, à la page 3. C'est là d'ailleurs, en exergue, ce que vous nous dites: «L'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli dit qu'en l'absence de délai d'attente raisonnable pour obtenir une chirurgie, la prohibition de l'assurance privée duplicative est valide ? la prohibition.» Ça veut dire que, si les délais d'attente sont raisonnables, il n'y a pas lieu, n'est-ce pas, de prohiber l'assurance privée. C'est une question d'accès de services. Alors, la question, c'est: Est-ce qu'on se tire dans le pied, en se dédoublant pour payer deux fois ce qu'on devrait payer une fois seulement?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Pelletier ou M. Saint-Georges? Mme Pelletier.

Mme Pelletier (Gabrielle): Bien, juste un ajout. Effectivement, d'abord, il faut y avoir accès, aux assurances privées. On ne se le cachera pas, ce n'est pas facile. De deux, il faut aussi, une fois qu'on a payé ça... bien évidemment, pour des traitements comme ça j'imagine que ce n'est pas des petits coûts. On connaît, hein, maintenant les montants des assurances privées, qui augmentent à chaque année, et c'est vraiment là où on crée une catégorie de gens d'abord qui... C'est d'avoir accès à ces assurances et en plus de pouvoir se permettre de se les payer. Ça, c'est quand même... Moi, c'est là où je trouve que c'est inéquitable, évidemment. Donc, ce n'est pas évident.

Alors, on parle de qui? On parle vraiment d'un système pour quelques personnes, on ne parle pas d'un système pour la majorité. Et de là à dire que ça va rentrer comme une normalité et que, là, les gens vont dire: Bien, je paie déjà une assurance privée, je vais en plus payer, via ma fiscalité, le système public, à un moment donné, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Les gens, ils ne sont pas prêts non plus à payer indéfiniment. Et il y a la question aussi de savoir est-ce que c'est des choses qui vont rentrer avec des ententes avec les employeurs, et tout ça. Il faut voir aussi jusqu'où on pourra avoir accès à ce type d'assurance là. Je veux dire, souvent les gens qui ont une assurance l'ont sur une base collective ou via leur employeur, et on sait que, bon, c'est quand même une partie aussi, ils ont à débourser une partie de ça. Donc, moi, je ne vois pas comment une grande partie de la population pourrait se permettre de se payer déjà des assurances privées, là.

Et on sait qu'au niveau des assurances, si ce n'est pas régulé adéquatement, vous avez des frais administratifs importants et vous avez des augmentations annuelles qui reviennent, là. Je veux dire, on peut le voir dans l'assurance médicaments et dans d'autres types. On voit qu'effectivement on a des augmentations à chaque année, et, de ce côté-là, ce n'est pas parti pour que les assureurs aillent dans le sens contraire là-dessus. Donc, c'est un peu un cercle vicieux aussi, là, hein?

Mme Harel: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges...

n (11 h 20) n

M. Saint-Georges (Claude): ...une petite chose sur les assureurs. Tantôt, le ministre nous demandait: Pourquoi quelqu'un qui est prêt à dépenser 12 000 $ pour une chirurgie orthopédique ne pourrait pas l'avoir autrement, ne pourrait pas être couvert autrement par un assureur privé? Je pense que le problème reste le même selon nous, puisque l'assurance, ce n'est pas une affaire démocratique. On l'a soulevé déjà à notre présence précédente.

Quand on regarde ? ça date un peu, mais, je pense, ça reste valable ? l'Enquête Santé Québec démontrait que, dans le dernier quintile du revenu, les 20 % les plus pauvres, seulement 8 % de la population a des assurances duplicatives, alors que, chez le quintile le plus le plus haut, il y a un gradient, c'est 80 %. Donc, le potentiel de marché pour les assureurs va être dans les entreprises, chez les cadres, enfin chez probablement les salariés déjà dans les autres échelles de revenus, et les entreprises qui ont des charges salariales déjà lourdes ne seront pas intéressées. Et déjà on a des signaux de l'entreprise privée que l'élargissement ou l'ouverture...

Et l'ouverture à l'assurance privée, est-ce que ce n'est pas un signal à des groupes d'affaires de se lancer dans des projets de cliniques qui autrement n'auraient pas vu le jour, puisque, là, il y a un marché qui est même supporté ou encouragé par les assureurs privés? Alors, je pense que là-dessus enfin il y a d'autres interrogations qui sont soulevées.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. D'autres questions du côté de l'opposition?

Mme Harel: Oui. Oui. Alors, M. le Président, finalement, dans l'échange... avec le ministre, il peut y avoir aussi en fait une troisième voie, là, je le dis en toute modestie. La loi actuelle de santé et services sociaux permet à des établissements de contracter... C'est l'article 108 en fait de la loi actuelle qui permet à un établissement de contracter avec tout organisme, n'est-ce pas, une entente pour la dispensation de certains services de santé ou de services sociaux requis pour un usager de l'établissement. Ça, c'est déjà la loi actuelle, l'article 108 de la Loi sur les services de santé et services sociaux. Ça veut dire qu'il y a un établissement qui, à un moment donné, a l'impression qu'il va y avoir des délais déraisonnables parce qu'il ne peut combler... les soins pour tous les usagers qui le requièrent, peut contracter avec, si vous voulez, une clinique.

C'est autre chose dont le projet de loi nous parle. Ce qu'il nous parle, le projet de loi, c'est de faire un réseau dédoublé. C'est un réseau qui va dédoubler par une programmation régionale, avec autorisation du ministre, et qui va mettre l'établissement devant le fait accompli ? l'établissement. Dans le projet de loi, c'est l'agence qui recommande et c'est le ministre qui décide, mais le budget, ça va être pris à même, ça va être prélevé à même le budget de l'établissement. Veux veux pas, ça va être décalqué, là. Il va prélever à même le budget de l'établissement en moins pour faire quelque chose à côté. En fait, c'est de ça dont il s'agit, là, dans le projet de loi. Et la question, c'est de savoir pour faire quoi. Si, dans le projet de loi, on nous disait pour faire quoi. Mais ce qu'on sait, pour faire les hanches, les genoux et les cataractes, il n'y a quasi plus de liste d'attente hors délai médicalement acceptable, et tout ça, c'est fait dans le public.

Alors, c'est: Pour faire quoi d'autre dans le privé que le public ne pourrait pas faire? En fait, c'est ça, la question, et ce n'est pas répondu dans le projet de loi. C'est à la discrétion du et des ministres qui suivront l'actuel.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va? Vous voulez ajouter à cela? Non. D'autres questions du côté de l'opposition?

Mme Harel: ...peut-être la conclusion.

Mme Pelletier (Gabrielle): Bien, on se pose toujours la question: C'est quoi, les impératifs, ou qu'est-ce qu'il y a derrière tout ça? Et je pense qu'on est capables ? et on l'a dit aujourd'hui, je pense que d'autres le disent aussi ? de démontrer que, si ce n'était que pour répondre à la Cour suprême, je pense que la réponse peut être tout autre. Et ça, je pense que c'est démontrable même là, actuellement. Alors, est-ce qu'il y a une autre raison? Et là la question peut être envoyée de votre côté en fait, M. le ministre. Parce que, pour nous, actuellement il n'y a aucune raison et rien qui justifient qu'on ait besoin d'une législation comme ça, qui d'ailleurs semblait en tout cas être ou complexe ou confuse ou du moins mélanger pas mal de monde et dans les termes et dans son application.

Et, si c'est pour ne faire que quelques cliniques en réseau urbain, en milieu urbain parce qu'il y a plus de population, vous l'avez dit vous-même, qu'en région, ce ne sera peut-être pas nécessaire. Alors, raison de plus pour dire: Bien, pourquoi ça? Pourquoi? Pour Montréal? Pour une ou deux cliniques? Oui, le pourquoi? Comme vous avez dit, une fois, à... économique, excusez-moi, à l'Institut du Nouveau Monde...

Une voix: ...

Mme Pelletier (Gabrielle): ... ? oui, ce n'est pas tout à fait la même chose ? pourquoi pas? Bien, nous aussi, on vous renvoie la balle: Pourquoi ce projet de loi là, alors que...

Une voix: ...

Mme Pelletier (Gabrielle): Oui. On peut se poser la question dans les deux sens, mais je pense que les réponses sont là, actuellement, et on n'a pas besoin d'un tel projet.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors...

Mme Harel: ...de la preuve repose toujours sur celui qui veut changer les choses, hein? On ne touche pas à quelque chose quand on pense que c'est... Il y a un vieux proverbe américain, là, qui le dit. Alors...

Une voix: Alors...

Mme Harel: ...la question est que tout pourrait bien aller si le gouvernement choisissait...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Un instant, s'il vous plaît!

Mme Harel: ...de le faire dans le secteur public.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Un instant. Un instant, s'il vous plaît! Le temps de l'opposition n'est pas terminé.

Mme Harel: Bien non, hein?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Le temps de l'opposition n'est pas terminé. Je vous prie de rester en place, la conversation dure toujours.

Alors, allez-y, Mme la députée.

Mme Harel: Alors, la question est: Est-ce que tout cela est possible? Est-ce que c'est possible, dans le système public, qu'il n'y ait plus de délai déraisonnable? La réponse, c'est: Oui, c'est possible. Est-ce que c'est possible, dans le système public, que l'on investisse pour qu'il n'y ait plus de délai déraisonnable? La réponse, c'est oui. Alors, pourquoi amortir un réseau et se dédoubler, dans le secteur privé, avec des nouveaux édifices puis des nouveaux plateaux techniques? C'est ça, la question. Et le fardeau de la preuve, il n'est pas sur vous, la coalition, il est sur la proposition que le ministre fait. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ceci met fin à l'échange. Je remercie beaucoup les représentants de la Coalition Solidarité Santé, Mme Pelletier, M. Saint-Georges, et je demande aux représentants de la prochaine organisation de bien vouloir s'installer à la table, s'il vous plaît.

Je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux.

Nous accueillons la Fédération des médecins résidents du Québec. Je laisse à M. Bernier le soin de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous avons deux blocs de discussion avec vous. La parole est à vous.

Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)

M. Bernier (Martin): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre de la Santé, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Mmes, MM. les députés, mesdames messieurs, merci bien de nous accueillir aujourd'hui, en commission parlementaire. Mon nom est Martin Bernier, je suis président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis résident de quatrième année en cardiologie à l'Université McGill. Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Martin Girard, qui est nouvellement certifié en anesthésiologie de l'Université de Montréal et poursuit actuellement une formation complémentaire en soins intensifs; également du Dre Marie-Andrée Girard, qui est actuellement en résidence, à l'Université de Sherbrooke, en anesthésiologie également; et de M. Jean Gouin, qui est le directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.

Donc, l'objectif aujourd'hui de la présentation, c'est de couvrir plusieurs points, de couvrir essentiellement, on pense, l'essentiel des grands chapitres de ce que contient le projet de loi n° 33 et de faire référence aussi au document Garantir l'accès, là, dont on a déjà discuté antérieurement. Le projet de loi n° 33 pour la relève médicale avait soulevé de grandes attentes, lançait de grandes idées et s'annonçait fondamentalement une réforme en faveur de l'accessibilité aux soins. Je vais vous dire, d'entrée de jeu, que le projet de loi n° 33, dans sa mouture actuelle, nous a déçus à plusieurs égards face à ces attentes-là, et essentiellement je pense que l'essentiel de notre présentation aujourd'hui va, jusqu'à un certain point, remettre en question la pertinence du projet de loi n° 33 tel qu'il est formulé à l'heure actuelle.

D'entrée de jeu, on avait mis la barre très haute. Je vais m'attaquer directement à la question des délais d'attente et là je fais plus spécifiquement référence à l'article 7 du projet de loi n° 33, où on met sur pied donc un mécanisme qui relève des hôpitaux pour la gestion de l'accès aux services dans un délai raisonnable. Force est de constater qu'il s'agit là d'un recul assez important par rapport à ce qui avait été énoncé antérieurement comme orientation pour favoriser l'accès aux soins. Le mécanisme garantit un accès raisonnable mais laisse aux établissements la gestion et la définition essentiellement de ce qu'est un accès raisonnable, de ce qu'est un épisode de soins, de ce qui doit être fait essentiellement. Je crois qu'on prête flanc ou qu'on se rend sujet à faire en sorte qu'on ait une grande hétérogénéité dans la pratique et dans la dispensation des soins, en termes d'accessibilité pour les patients dans les différentes régions, et, nous, on voit ça comme un problème.

L'organisation du système de santé a été refondue en grande partie et régionalisée. Des structures régionales ont été mises en place, on a regroupé des établissements en CSSS, on a créé des RUIS. On a donc essentiellement coordonné le système pour que la gestion soit centralisée à un niveau régional. On se serait attendu d'un mécanisme de gestion de l'accès aux soins à ce qu'il fasse un peu la même chose et d'autre part à ce qu'il soit aussi plus précis. Dans Garantir l'accès, on avait mis, on avait quantifié, en termes de mois, l'accès aux services qu'on avait décidé de prioriser. À ce moment-là, on avait débattu de la façon dont on calcule ce qui est une attente raisonnable pour un service donné, mais là force est de constater qu'on n'en est même plus là, on a reculé, et il n'y a plus de garantie formelle en termes définis. Je veux dire, un accès raisonnable aux soins, ça veut dire quoi? Pourquoi on manque cette opportunité de donner une vraie garantie au patient? Si c'est ce qu'on veut vraiment faire, il s'agit donc de s'en remettre, jusqu'à un certain point, aux sociétés scientifiques qui oeuvrent dans ces disciplines-là. Il y a une quantité de littérature appréciable là-dessus, ce qui est une attente raisonnable et acceptable pour les différents types de soins, et on pense qu'on aurait pu faire un pas additionnel dans cette direction-là.

Et par ailleurs force est de constater aussi qu'à l'intérieur du projet de loi tel qu'il est formulé à l'heure actuelle tout ce qui est accès au médecin de famille, attente pour voir le médecin spécialiste, avoir son test diagnostique ? et là on ne parle pas encore d'être sur la liste d'attente pour l'opération en question ? tout ça, c'est éludé, ça ne fait pas partie du projet de loi, et donc, encore là, on a manqué une opportunité, mais finalement ce qui nous amène à penser qu'on n'ajoute pas grand-chose à la situation actuelle autrement que de dire aux hôpitaux: S'il vous plaît, faites ce que vous pouvez pour améliorer l'accès aux soins.

Bon. Et par ailleurs je pense qu'on aurait pu aussi faire le pas de plus en donnant des recours aux patients, parce que, là, on dit: Bon, les hôpitaux vont faire ce qu'ils peuvent pour garantir l'accès dans un délai raisonnable, et, si jamais ce n'est pas le cas, bien il revient au ministre de la Santé de faire ce constat-là et de changer la direction du bateau. Le patient là-dedans, à l'heure actuelle, n'a pas de mécanisme spécifique lorsqu'il est dans une situation de délai déraisonnable, et ça, ça n'a pas changé avec le projet de loi n° 33.

Donc, essentiellement, ça, c'est ce qui touche les garanties d'accès. Pour ce qui est de l'assurance privée comme telle, nous aussi, on est d'avis qu'à l'heure actuelle la démonstration a été faite, en particulier pour les trois interventions que l'on cible, la démonstration a été faite qu'on est capable d'atteindre les objectifs autrement que par l'instauration de l'assurance privée duplicative. Et, à l'heure actuelle, on ouvre une porte qui essentiellement ne répond pas à un besoin donné, puisque, comme ça a été discuté précédemment, les listes d'attente ont fondu significativement dans ces domaines-là. Donc, on instaure ni plus ni moins qu'un mécanisme dont on sait qu'il n'y a pas vraiment d'intérêt à se prévaloir, et d'autre part c'est un mécanisme qui crée un précédent dangereux et ouvre une porte importante à une assurance beaucoup plus étendue que les gens pourraient être intéressés de contracter pour des services différents.

Donc, simplement, on se rapproche, on se donne les mécanismes pour éventuellement élargir la gamme des soins à laquelle cette assurance privée duplicative pourrait s'adresser. J'ai entendu les réserves du ministre face à ça tantôt. On pourra y revenir peut-être plus tard lors de la discussion, mais, nous, on considère que d'ouvrir cette porte à l'assurance privée n'est pas la voie à privilégier pour garantir l'accès aux soins et on est capable de le faire comme on l'a fait en l'espace de quelques mois. Quand on s'y met vraiment, on est capable de le faire à l'intérieur des ressources du système actuel. Bon.

Par rapport à la question des CMS et des CMA, donc des centres médicaux spécialisés, cliniques médicales affiliées, c'est une structure qui nous laisse très perplexes à l'heure actuelle. Une concession qu'on va faire, c'est qu'on continue de penser qu'il y a lieu de diversifier les milieux de prestation de soins. On a des gains à faire en termes d'efficience dans la dispensation des soins, possiblement en chirurgie d'un jour ou d'autres, en ayant des milieux qui seraient plus flexibles, plus souples, moins lourds en termes d'infrastructure que les centres hospitaliers que l'on a à l'heure actuelle, et ça, ça peut se faire à l'intérieur d'un financement public. Que la prestation soit privée, ce n'est pas un problème. Ça demeure un financement essentiellement public.

Les CMS et les CMA, tels qu'ils sont actuellement formulés, sont une structure lourde, peu attrayante pour les gens qui sont en pratique, qui demande des investissements majeurs de départ. Il y a des barrières à l'entrée très importantes, et donc je ne crois pas qu'on fait un pas dans la bonne direction. On pourrait discuter longuement du nombre d'interventions ou des types d'intervention qui auraient besoin, qui pourraient bénéficier d'un accès augmenté via des infrastructures flexibles. À l'heure actuelle, le jour où le projet de loi n° 33 va être adopté, on ne sera pas plus avancé en termes d'accès aux soins pour ces différents services là.

Donc, je ne crois pas qu'avec le projet de loi n° 33 on se dote réellement d'outils particulièrement efficaces pour cibler les interventions qui ont vraiment besoin d'être priorisées, d'autant plus qu'à l'heure actuelle ce qui est dans le projet de loi vise trois interventions pour lesquelles on nous dit qu'il n'y a plus réellement d'attente hors délai.

n (11 h 40) n

Par ailleurs, une autre question à laquelle il faudra répondre, c'est: Dans la mesure où on développe des infrastructures additionnelles ou parallèles, qui sont les gens qui vont y travailler? Dans un contexte de pénurie de ressources, dans un contexte très serré, du point de vue des médecins, des plans d'effectifs médicaux, on se demande vraiment comment, dans la comptabilité actuelle qui est faite, on va pouvoir honnêtement arriver à libérer des gens dans les centres où on verrait ce genre de cliniques naître, comment on pourrait libérer des médecins pour travailler là. Essentiellement, où je veux en venir avec ça, c'est qu'on continue de penser que le calcul des effectifs médicaux doit se faire en équivalents temps complet et que, tant qu'on n'est pas rendu là, créer une infrastructure additionnelle sans adapter le calcul, la comptabilité qu'on fait des effectifs médicaux, ce n'est pas quelque chose de souhaitable.

Bon. Le temps passe rapidement, alors je vais passer au point suivant, sur la question du désengagement, là. Je parle de l'article 43 du projet de loi n° 33. Ça, on n'est pas le premier groupe à soulever cette problématique-là. Ça nous a particulièrement choqués que ce genre de disposition, que ce genre de prérogative soit donné au ministre. Je pense que toutes les mesures doivent être prises pour maintenir l'engagement des médecins dans le système de santé public. Je crois que de se donner des pouvoirs d'empêcher un désengagement et de reconduire cette interdiction indéfiniment est une prérogative extrêmement lourde de signification et qui, je pense, laisse poindre que peut-être le gouvernement s'est rendu compte qu'une gestion fautive des effectifs le rend susceptible de voir le système en payer le prix. Moi, je pense qu'il y a beaucoup d'autres façons. On a plusieurs recommandations à faire plutôt que ce genre de coercition. Si jamais on veut s'assurer du maintien de l'engagement des médecins dans le système, on a des recommandations à faire, et ça... avec la façon dont on négocie avec les organismes représentant les médecins. Les gens se présentent de bonne foi aux tables de négociation, sont intéressés, ont l'intérêt du système à coeur, et le message qu'on reçoit, essentiellement c'est qu'on n'est pas nécessairement les bienvenus à cette table de discussion.

Si on veut aider le système à s'aider, on va aussi s'assurer de rendre disponibles les plans d'effectifs médicaux en temps opportun. C'est des exemples concrets de choses qu'on peut faire, qui vont aider le recrutement et l'engagement des médecins dans le système à l'heure actuelle et essentiellement qui font en sorte qu'on n'a pas besoin de recourir à ce genre de mesures extrêmes, telles que celles qu'on inclut, là, dans le projet de loi n° 33, pour empêcher le désengagement des médecins. Donc, essentiellement, nous, on prône une approche qui serait plus positive, proactive plutôt que d'armer le bâton pour maintenir les gens dans ce qu'on considère être le droit chemin.

Point d'importance pour les médecins résidents au Québec: ils sont 2 500 actuellement, environ, en formation postdoctorale dans plus de 100 établissements répartis partout dans la province. Les milieux de formation se multiplient. L'augmentation des cohortes médicales a imposé une pression énorme sur les milieux de formation que l'on a à l'heure actuelle. Dans la mesure où on va considérer développer des structures additionnelles, qu'ils soient sous la forme de CMS ou d'une autre, il faut d'emblée prévoir que ces milieux devront aussi être des milieux de formation. Je pense que c'est se compter des histoires que de dire qu'on va faire de ces centres exclusivement des centres pour la prestation de soins sans en faire des milieux de formation parce que tous les milieux, tous les plateaux techniques actuellement dévoués à la formation débordent, un problème qui est appelé à s'accentuer, alors que le nombre de médecins résidents en formation va rapidement atteindre plus de 3 000 d'ici 2009.

Sur la question de la qualité de l'acte, qu'on souhaite garantir dans ces nouveaux milieux qu'on va continuer d'appeler CMS, puisque c'est ce qui est dans le projet de loi n° 33, nous, on considère que le contrôle de la qualité de l'acte devrait relever... Parce qu'il faut comprendre que les médecins qui travailleraient dans ce centre, dans ce genre d'établissement, seraient tenus d'avoir des privilèges dans un établissement, donc feraient partie d'un CMDP d'établissement, et on pense que la qualité de l'acte, dans ces nouvelles infrastructures, devrait relever également du CMDP. Puisque tous les médecins vont faire partie d'un CMDP, le CMDP responsable du contrôle de la qualité de l'acte dans les institutions qu'on a à l'heure actuelle, nous croyons qu'il serait simplement logique de demander aux CMDP aussi d'assumer cette responsabilité-là si jamais on devait diversifier les milieux où on fait la prestation des soins.

Sur la question on a un point, une recommandation qui est particulière au terme de notre mémoire, qui fait référence essentiellement, là, à l'article 417.3. Nous avons recommandé l'ajout d'un alinéa à 417.3, pour l'inclusion d'un poste aux médecins résidents au DRMG dans les régions où il y a une faculté de médecine. Et là, pour mettre ça en contexte, c'est une occasion qui a été manquée lors des... sur le projet de loi n° 83, à ce moment-là. Il y a un poste qui avait été accordé à un représentant des résidents à la table des chefs en médecine spécialisée dans les régions où il y a une faculté de médecine. Par contre, on n'avait pas saisi l'opportunité de concéder un poste à un médecin résident pour les DRMG, donc le pendant, l'équivalent pour la médecine de famille. On continue de penser que l'implication des médecins résidents à titre de futurs médecins en pratique ? pour certains, c'est un peu plus loin; pour d'autres, c'est demain ? est importante à ces instances-là et on voudrait saisir l'opportunité qui se présente actuellement, où on rouvre la loi, pour corriger ce manquement-là. Il faut comprendre aussi que la FMOQ à l'époque s'était prononcée en faveur de l'ajout d'un poste d'observateur pour le médecin résident. Donc, je continue de penser que c'est oubli ou une erreur et j'ose croire qu'on va saisir l'opportunité ici pour corriger le tir là-dessus. Bon.

Alors, dernier point d'importance dont je vais discuter, c'est un point qui n'est pas directement ciblé dans le projet de loi n° 33, cependant c'est un point qui est assez fondamental, puisqu'il sous-tend tout l'exercice qui a été fait, qui a conduit à ce projet de loi là, qui est la question du financement et de la pérennité des soins. Le document Garantir l'accès... les présentations qui avaient été faites par le gouvernement au moment de la présentation du livre blanc étaient plutôt éloquentes et assez claires en termes de l'impasse financière vers laquelle on se destinait, et ça, c'était basé sur les conclusions du rapport Ménard, entre autres. Depuis, force est de constater qu'il y a une position, que la position ministérielle a considérablement changé, et essentiellement il semble que maintenant il n'y a plus de problème comme tel en termes de financement; pas qu'il n'y a plus d'enjeu. Seulement, le financement de la santé est viable à moyen et long terme, dans le système public ? c'est un revirement majeur ? et je serais curieux d'entendre le ministre davantage sur cette question-là: Comment un problème qui était aussi majeur, et ce qu'on appelait une catastrophe annoncée, s'est-il ainsi résorbé?

Nous, on continue dans le système de voir des problèmes, des lacunes majeurs, et, bien que de façon ciblée on ait amoindri les listes d'attente dans les chirurgies de hanche, de genou et cataracte, il demeure que les enjeux sont énormes, que le système demeure largement sous-financé, et, nous, on est un peu déçus qu'essentiellement on ait été conduits sur une voie et qu'on se présente ici, aujourd'hui, finalement avec une position ministérielle qui est complètement changée, qui est essentiellement à l'autre extrême.

Donc, de ce point de vue là, on serait intéressés de savoir qu'est-ce qu'il en est exactement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je constate que vous avez terminé, M. Bernier, c'est ça?

M. Bernier (Martin): Je crois comprendre que notre temps est expiré, donc, d'accord, on va en rester là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, vous avez quand même un petit temps de grâce de 30 secondes devant vous, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Bernier (Martin): On va poursuivre dans la discussion.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (11 h 50) n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci Dr Bernier, et Drs Girard ? au pluriel ? et M. Gouin pour votre présence aujourd'hui.

Bien sûr, je ne pourrais pas prendre tout notre 20 minutes là-dessus ? mais je voudrais qu'on parle spécifiquement du projet de loi ? mais la question du financement, et j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, c'est beaucoup plus complexe, comme beaucoup d'autres choses, que ce qui peut paraître à l'examen initial.

D'abord, on n'a jamais dit qu'il n'y avait pas de problème. Il y a un problème, et la solution, ce n'est pas d'accroître le fardeau fiscal des Québécois par des primes santé ou des assurances. Il y en a d'autres qui veulent proposer ça, ils le feront, mais ce n'est pas notre proposition. Ce qu'on constate également, c'est que, même si le problème, lorsqu'on le regarde dans l'optique des finances publiques, semble préoccupant ? et il l'est, préoccupant ? il faut quand même le moduler. Et je pense qu'il y a des présentations en commission parlementaire sur lesquelles vous devriez vous pencher, notamment celle d'un groupe... de Montréal sur la question du financement de la santé, où d'ailleurs, de façon intéressante, on citait une prédiction de la Conférence économique du Canada de 1970 qui disait que, dans le milieu des années quatre-vingt, il n'y aurait plus de système de santé au Québec, etc. Ce qu'on constate, c'est que, par rapport au PIB, le Canada et le Québec sont parmi les meilleurs exemples, au monde, de contrôle des dépenses de santé. Donc, par rapport à la richesse collective du Canada et du Québec, il n'y a pas d'explosion des dépenses de santé au Québec. C'est un fait en fait que c'est l'inverse.

Maintenant, la question est: Comment quantifier cette dépense-là dans le cadre des finances publiques? Et là on utilise le pourcentage des dépenses de programmes. Mais on compare au début des années quatre-vingt-dix, alors qu'il y avait des programmes gouvernementaux beaucoup plus vastes puis des déficits gouvernementaux également. Alors, c'est un autre élément qu'il faut mettre en modulation.

Alors, à notre avis, la meilleure façon et la façon la plus productive de gérer le financement de la santé, ce n'est pas de charger des taxes puis des primes aux citoyens, qui en paient déjà pas mal, de taxes puis d'impôts, c'est de le gérer plus largement, dans le contexte des finances publiques, avec un contrôle de la dette, une saine gestion des finances publiques, qui vient d'ailleurs d'être récompensée par l'augmentation de la cote de gestion du Québec pour la première fois depuis 1992, et également la question des répartitions fiscales entre les deux paliers... Ça, c'est la façon correcte de le faire. Tout ce qu'on a dit, là, c'est qu'il faut moduler les prédictions qui avaient été faites et que, nous, on n'augmentera pas le fardeau fiscal des Québécois. On va s'occuper de la question d'une autre façon. Alors, c'est ce qui a été mentionné.

Je vous donne juste un exemple très bref avant de terminer sur ce sujet-là. Puis je voudrais vraiment qu'on ait un échange sur le projet de loi, là. Supposons qu'on fait une taxe santé ? il y a d'autres provinces qui l'ont fait ? ça va très bien les deux premières années puis après ça ne va plus du tout parce que, dès que le produit de la taxe est imbriqué dans la base récurrente du réseau, il faut en assurer la... l'indexation des nouveaux services, et on projette la spirale en question dans la spirale de la taxe, et vous avez une taxe qui est condamnée à monter sans arrêt. Alors, comme les gouvernements ne veulent plus monter la taxe, ils ne la montent pas, donc ils ne font que différer le problème de deux ans. Ça s'observe actuellement, dans d'autres provinces canadiennes. Bon. C'est un autre point de discussion complètement.

M. Bernier (Martin): ...simplement vous dire là-dessus: le travail du groupe auquel vous faites référence a retenu notre attention, et on a rencontré M. Béland, d'ailleurs à ce sujet-là, pour voir qu'est-ce qu'il en est exactement.

Je pense que le point fondamental, c'est que, si, en l'espace de six mois, on en est venu à changer de position complètement, diamétralement en tout cas... de position significativement sur ce thème-là, ça soulève l'importance d'une des recommandations qu'on avait déjà formulées, qui est celle d'avoir un compte santé. Ce n'est pas une taxe additionnelle. Un compte santé, c'est... de rendre compte de façon objective de l'état actuel des dépenses en santé au Québec. Et ça, force est de constater que l'ensemble des intervenants ont été conduits dans l'erreur, si la lecture qu'en fait le groupe de l'Université de Montréal est juste, pendant une bonne période de temps. Donc, on continue de penser qu'il y a lieu de développer le compte santé qui va être une espèce de portrait crédible et complet, non partisan, de la situation du financement au Québec.

M. Couillard: Bien, on est tout à fait d'accord avec ça. D'ailleurs, le compte santé, je pense que c'est une bonne chose de le publier. D'ailleurs, on a, parmi nous, le Commissaire à la santé et au bien-être qui pourrait facilement... dans son rapport annuel. Ce genre de bilan là est assez facile à faire. Les informations sont là, il faut juste les concentrer de façon digestible pour la population, qu'on puisse comprendre d'où viennent les sources de revenus pour le système de santé.

Je vais en venir maintenant, si vous me permettez, au projet de loi lui-même, là, dont on voudrait discuter, d'abord pour vous répéter que l'assurance privée, telle qu'elle est présentée dans le projet de loi, n'a aucun lien avec l'amélioration de l'accès. Je le répète ? ça doit faire à peu près 420 fois que je dis ça, là, mais ça vaut la peine de le dire une 421e fois ? c'est une question assez fondamentale de droit sur laquelle je vous invite, vous aussi, à vous poser comme organisation, la question du fait que les gens ont accès, avec leur propre argent, actuellement, à des chirurgies en dehors du système de santé et qu'ils n'ont pas le droit de s'assurer. La députée de l'opposition me posait une question à laquelle je veux apporter la réponse. Elle dit: Oui, mais pourquoi vous limitez seulement à trois chirurgies? Parce qu'on est capable, dans ces... vous venez de le confirmer, de même que beaucoup d'autres intervenants, parce qu'on est capable d'impliquer ou d'inclure une garantie d'accès pour l'ensemble de la population, donc la très grande majorité des gens qui n'auront pas les moyens de se payer des assurances.

Alors, c'est ça qui est la logique à la base de ça, mais ça n'a pas de lien du tout avec soit le financement soit l'amélioration de l'accès. L'amélioration de l'accès, elle se fait par les plans d'accès qu'on est en train de déployer, par une meilleure gestion des listes d'attente et également par l'utilisation de formules plus souples de dispensation de services, comme, vous-même, vous l'avez dit.

Je vais aborder une question de définition assez fondamentale entre ce qu'on appelle des délais raisonnables et des délais médicalement acceptables. Lorsqu'on a, comme les autres provinces canadiennes d'ailleurs, publié des délais médicalement acceptables ? et d'ailleurs certains sont plus rigoureux au Québec qu'ailleurs en certains domaines, notamment en cardiologie; je vous invite à faire la comparaison entre ce qui a été fait au Québec et ce qui existe ailleurs ? on s'est basé sur ce qui existait en termes de littérature médicale et de preuves scientifiques. Et c'est assez faible. Si vous faites une étude approfondie de la question, vous allez constater que l'évidence scientifique est assez faible. Là où elle existe, on l'a utilisée puis on l'a incorporée. Exemple, la radio-oncologie; exemple, certaines situations en cardiologie; exemple, la chirurgie de la cataracte; exemple, la chirurgie de la hanche.

Puis, même la chirurgie de la hanche, je vous donne un exemple du degré de preuve scientifique, là: on a trouvé quelques articles ? et quelques avec un très petit S ? qui disaient que, si le délai dépassait six mois, le patient pouvait être l'objet de complications plus importantes après sa chirurgie. C'est le genre d'évidences scientifiques qu'on a trouvées, qui ne sont pas d'un très haut niveau en termes d'analyses basées sur la preuve. Maintenant, on a décidé de les incorporer dans la réflexion. Le point fondamental est le suivant: c'est que, si on attend de développer des délais basés sur l'évidence scientifique de bon niveau pour l'ensemble des chirurgies une par une, on va avoir des barbes blanches jusqu'au plancher puis on n'aura pas fini, là. Je veux dire, il y en a pour des années de discussions d'experts, de contre-experts, d'évaluations. Le vrai phénomène, c'est le suivant: c'est qu'il n'y a pas un patient comparable à un autre patient, puis il y a un patient qui, vous le savez très bien, il y a un patient qui peut être en attente pour une chirurgie élective, qui, dans son cas particulier, doit l'avoir absolument pour plusieurs raisons ? médicales, sociales et autres ? rapidement ou d'autres où le délai peut être plus...

Alors, ce qu'on doit absolument faire, c'est la distinction entre le délai médicalement acceptable tel qu'on le définit, basé sur la preuve scientifique ? puis, dès qu'il y en a, on est prêts à les incorporer dans nos directives ? et ce qu'on appelle délai raisonnable. La Grande-Bretagne, par exemple, ce qu'ils ont fait, ils n'ont pas poussé très loin la réflexion sur les délais médicalement acceptables puis la preuve scientifique parce qu'ils ont fait le même constat que je viens de vous dire. Ils ont dit: Bien, l'ensemble des procédures chirurgicales, à part les urgences, là, l'ensemble des procédures électives, on considère que c'est six mois, le délai qui est raisonnable. Et c'est un concept qui est très différent du concept de délai médicalement acceptable et c'est important de se le dire et de le répéter.

Lorsque vous dites qu'il y a un recul dans le projet de loi, par rapport au texte de consultation, vous allez bien sûr vous attendre à ce que je vous dise que ce n'est pas le cas parce qu'il y a une différence très nette entre un document de consultation puis un texte légal. On ne met pas, dans un texte légal, tous les éléments qui appartiennent à la réponse de la problématique qu'on soulève. Par exemple, ce qu'on met là, c'est une obligation de mettre sur pied un mécanisme de gestion de l'accès dans les centres hospitaliers. Dommage qu'il faille le faire par projet de loi. Moi, je vous affirme, pour m'être promené dans les corridors puis avoir vu des listes d'attente dans les poches de sarrau épaisses de même, là, que, si on ne le fait pas par loi, ça ne se fera jamais. Il faut absolument le faire.

Les autres éléments, comme la définition de ce qui est parfois un délai médicalement raisonnable lorsque ça existe, parfois un délai raisonnable lorsqu'il n'y a pas d'évidence scientifique, c'est du ressort des directives administratives et de la gestion du système de santé non seulement au Québec, mais dans tous les autres États du monde qui ont mis en place des... Alors, je pense c'est une distinction qui est extrêmement intéressante et importante à faire.

Vous avez parlé de la liste d'attente en amont de l'inscription... Vous avez raison. On le reconnaît nous-mêmes. On le dit clairement. Moi, j'ai dit souvent que, si vous parlez aux citoyens québécois, le principal problème d'accès que ces gens-là vivent, ce n'est pas de se faire remplacer la hanche ou le genou puis se faire opérer le cristallin, c'est d'avoir un médecin de famille. Et là-dessus vous le vivez vous-mêmes dans vos cohortes de résidents. Des médecins de famille, il va y en avoir un joli paquet de plus dans quelque temps, et on va en parler dans quelques minutes. Je vais avoir un échange là-dessus avec vous, sur la question des effectifs.

Donc, la liste d'attente en amont de l'inscription... elle existe. Il y a des actions dans tous les domaines, que ce soit l'imagerie, que ce soit l'accès au médecin de famille, qui sont en place actuellement et il n'y a pas beaucoup d'exemples dans le monde ? je n'en connais pas; il y en a peut-être un ou deux ? où on inscrit même la mesure de ces délais-là parce qu'ils sont très difficiles à quantifier puis à mesurer. Mais on est tout à fait conscients et on reconnaît qu'il n'y a pas juste le délai de la liste d'attente, il y a ce qui précède la liste d'attente.

Les recours du patient. Les patients ont des recours déjà à travers le système de plaintes, qui est devenu plus indépendant à la lueur de la loi n° 83. C'est toute la distinction encore une fois entre une approche légaliste et l'approche surtout de direction, là, quant à la mise en place d'une garantie d'accès. Il n'y a personne qui a intérêt à transformer le système de santé québécois en un terrain de... continue.

Je vous donne un exemple. Supposons qu'on met dans la loi que c'est six mois... il peut fort bien se produire qu'il y ait un patient en particulier qui, pour une raison qui est tout à fait correcte, acceptable, compréhensible, ne peut pas être opéré avant six mois ? problèmes médicaux qui se sont présentés, consultations qui doivent être complétées, problèmes sociaux, choix du patient, choix du médecin compte tenu de son emploi du temps, etc. Si on se met à faire une situation où, à chaque fois que quelqu'un va dépasser d'un jour ce qui est écrit dans la loi il y a une poursuite, ça va être très bon pour les avocats puis le système juridique, mais ce ne sera pas très bon pour le système de santé.

n (12 heures) n

D'ailleurs, il n'y a pas de pays au monde qui a choisi cette voie-là. Mais je pense c'est très important de faire cette distinction-là.

Bon. Je voudrais parler avec vous des cliniques médicales associées, là, des cliniques affiliées. Il y a toutes sortes de noms. Je dois reconnaître que c'est un peu difficile, tout ce vocabulaire-là. Moi, à mon avis il n'y a aucun obstacle que ce soient des lieux de formation. Mais ce n'est pas la gouvernement qui va l'imposer par loi, ça, là, c'est des décisions des programmes de formation des universités. De la même façon qu'il y a des résidents qui vont faire des stages dans des cliniques médicales, il n'y a pas de raison qu'ils n'aillent pas également faire des stages dans les cliniques affiliées. Là-dessus, il n'y a aucune limitation qui est faite. Ces cliniques-là, c'est bien de valeur, mais il faut qu'elles soient encadrées. Tu sais, je ne veux pas faire de la caricature, mais, quand on nous dit: Faites des cliniques affiliées, mais encadrez-les pas, ça ne marche pas, là. On ne peut pas faire ça. Il y a trop de biais possibles en termes de glissement de personnel justement, de financement, de contrôle de la qualité de l'acte. Et ce n'est pas des sinécures, c'est des choses importantes qu'il faut encadrer.

D'ailleurs, encore une fois, les pays qui ont bien réussi cette expérience de conventionner certains soins l'ont faite avec un mécanisme d'encadrement très, très étroit. Alors, il va y en avoir un, mécanisme d'encadrement. Est-ce qu'on peut le rendre plus souple, plus «user-friendly», entre guillemets? Peut-être, là, on va essayer, mais on ne peut pas dire: Bien, ceux qui veulent faire une clinique affiliée, ils en feront une, puis c'est la bonne initiative des gens qui va faire en sorte que la qualité va être reconnue.

La qualité de l'acte, oui, le CMDP, vous avez raison, mais je n'ai pas compris le sens de votre remarque. Est-ce que vous voulez dire qu'il ne faudrait pas permettre au Collège des médecins ou demander au Collège des médecins d'aller également? Je n'ai pas compris pourquoi vous arrivez à cette question, parce que la raison pour laquelle on demande que les médecins qui participent soient membres des CMDP, c'est justement pour que le contrôle de l'acte soit assuré à travers cet organisme-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Bernier, il vous reste huit minutes pour répondre.

M. Bernier (Martin): Huit minutes? J'ai huit points, donc ça devrait être correct. Spécifiquement sur cette question-là des CMDP, c'est qu'on... dans le projet de loi à l'heure actuelle, que le mandat n'est pas spécifiquement confié au CMDP de l'effectuer. Ce n'est pas d'enlever le privilège du Collège des médecins de faire son travail. Seulement, on considère que, pour éviter d'alourdir les structures actuelles, il y a moyen de procéder à l'intérieur des structures existantes, et c'est ce qu'on voulait réitérer, et c'est sur quoi on veut mettre l'accent, et c'est le sens de notre intervention.

Il faut effectivement encadrer sérieusement les nouvelles structures qu'on mettra en place. Je pense qu'on n'est pas les premiers à amener et à vous soumettre qu'autant que possible il faudrait éviter d'alourdir la bureaucratie qui est sous-jacente à tout ça. L'objectif est de donner des soins et n'est pas de s'empêtrer de mécanismes additionnels de contrôle. Donc ça, c'est sur la question de l'encadrement de ces nouvelles institutions là.

Sur la question de l'assurance privée, je pense que, M. le ministre, vous soulignez des arguments de cohérence essentiellement et de justice fondamentale pour faire valoir qu'il est souhaitable d'ouvrir à l'assurance privée les trois interventions qui sont ciblées dans le projet de loi. Nous, on vous soumettra en réponse que d'une part, si on veut vraiment faire valoir l'argument de droit à sa pleine valeur, bien pourquoi on n'ouvre pas complètement l'assurance privée? Parce que les soins, ce n'est pas seulement ce qui est accessible aujourd'hui, dans une clinique à Montréal, qu'il faut cibler. Au sud de nous, pas très loin, l'ensemble des soins sont disponibles à celui qui a les fonds pour s'en prévaloir. L'ensemble complet de la gamme de soins est disponible à cette personne-là, et donc on peut se dire: Bien, ce n'est pas correct, on empêche cette personne-là de contracter une assurance pour des soins qu'elle peut obtenir d'une manière ou d'une autre.

Nous, on fait valoir que la situation existe à l'heure actuelle, spécifiquement à Montréal, pour certains types d'interventions. Ceci étant, on ne croit pas que c'est un modèle qu'il est souhaitable d'étendre ou de valoriser ou pour lequel il faut faciliter l'accès, et donc c'est pour cette raison-là qu'on voit mal la pertinence de l'assurance privée dans cette perspective-là. Et, si jamais on fait valoir l'argument de la réponse à l'arrêt Chaoulli, je pense que la démonstration a été faite assez clairement, au cours de l'été, qu'on a pu répondre par d'autres moyens à cette problématique-là en particulier. Donc, encore là, je veux dire, on comprend votre point de vue, mais on s'explique mal l'ouverture qui est faite.

Sur la question des délais d'accès, on dit que ça existe. Il y a une littérature. Vous dites qu'elle est mince. Cependant, elle existe, elle existe notamment pour les hanches, et force est de constater que, par rapport à ce qui avait été mentionné dans Garantir l'accès, dans le livre blanc, même si on dit qu'il existe des délais qui sont reconnus par certaines sociétés scientifiques, des délais acceptables, bien on ne les a pas enchâssés dans la loi. S'il y a du travail à faire pour l'accès à un médecin de famille, le degré de recherche scientifique qui démontre ce qu'est un délai acceptable probablement va cibler des délais inférieurs à ce qui se calcule souvent, actuellement, en termes d'années, de plusieurs mois, sinon d'années.

Donc, encore là, ce qu'on soulève, c'est qu'il y avait un travail additionnel qui aurait pu être fait. Vous avez mentionné certains exemples. Il y a peu de juridictions qui ont statué en termes de délais d'accès spécifique. Cependant, on a en tête le modèle scandinave, le 0-7-90-90, où on met tout en place pour garantir l'accès à un médecin de famille, à un spécialiste à l'intérieur de délais relativement brefs. On aurait pu être imaginatifs et proactifs et mettre à profit les institutions qu'on a à l'heure actuelle, comme Info-Santé, pour aider les gens à se trouver un médecin de famille. Donc, essentiellement, tout ce qu'on dit ici, c'est qu'on a fait un pas, on pense, un peu timide en termes de favoriser l'accès d'une part aux médecins de famille, aux spécialistes et éventuellement aux chirurgies, parce que, même dans les cas où il y a un certain degré de donné, bon, on s'est abstenu de le spécifier clairement dans le projet de loi.

Et je veux revenir encore une fois sur le mécanisme de gestion des listes d'attente. On salue l'intention qui est faite et on reconnaît qu'il y avait visiblement un problème à ce que les gens se promènent avec les listes d'attente dans leurs poches, dans leur sarrau, et ce n'est pas ça qu'on remet en question, ce n'est pas l'intention avouée de s'attaquer à ce problème-là. Encore une fois, ce qu'on dit, c'est que: dans la façon de le faire, qu'est-ce qui est une intervention prioritaire? Qu'est-ce qui constitue un délai? À partir de quand est-ce qu'on compte un délai? C'est toutes des choses qui à l'heure actuelle demeurent très floues et vont être laissées au bon jugement des différentes institutions, alors que, nous, on croit qu'il y aurait eu lieu d'intervenir pour, disons, jusqu'à un certain point, uniformiser et dans le sens vraiment au bénéfice des patients, d'uniformiser ce qu'on définit comme étant un épisode de soins, une intervention et un délai d'attente donnés dans les différentes régions.

Et finalement, sur la question du recours du patient, bien on ne souhaite surtout pas judiciariser le processus actuel. Cependant, force est de constater que, dans sa mouture actuelle, il relève des hôpitaux de faire ce qu'ils peuvent et du ministre de noter un délai déraisonnable avec toutes les ambiguïtés et le flou que ça suppose sans que le patient comme tel, qui est celui qu'on souhaite aider ici, n'ait de mécanisme spécifique, de recours spécifique pour régler son problème, peu importe la raison, mais qui peut régler une situation, pallier à une situation où il se retrouverait dans un délai déraisonnable.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une petite minute.

M. Couillard: Oui, bien rapidement, là. D'abord, le modèle scandinave 0-X, c'est leur quatrième tentative et ce n'est pas dans la loi, justement. C'est une directive administrative au système de santé. C'est un exemple de plus qu'il faut faire une distinction entre un texte de loi et une directive comme la façon qu'on gère le système de santé. Vous avez entièrement raison. D'ailleurs, une directive administrative au système de santé, elle ne s'applique pas différemment à Montréal et à Trois-Rivières. Si on décide que c'est six mois pour un type de chirurgie, bien c'est six mois pour l'ensemble du Québec. Ce n'est pas différent d'une région à l'autre.

Écoutez, là, la question des effectifs ? je veux juste terminer rapidement là-dessus parce que c'est important pour votre groupe, particulièrement cette question-là ? une petite remarque pour dire que les plans d'effectifs, ça se fait avec des partenaires. Puis c'est facile de faire porter le chapeau au gouvernement pour les retards, mais il faut également que l'ensemble des partenaires soient à la table pour... Ceux des omnipraticiens, ça se fait bien, ils sont prêts, et ceux des spécialistes, on espère rapidement qu'ils vont se compléter également. Alors, je vous engage à nous... là-dedans.

n (12 h 10) n

J'espère que votre fédération fait une réflexion poussée actuellement sur le changement profond de la situation des effectifs médicaux au cours des prochaines années parce que le nombre d'étudiants, dont vous avez vous-même parlé, dans les cohortes de résidents fait que, d'abord pour les médecins de famille et assez rapidement pour les spécialistes, on va revenir à une situation qu'on a connue avant, où il va souvent y avoir pour des postes même en région éloignée ou intermédiaire deux ou trois postulants par poste. Et ça va être complètement différent de la situation d'effectifs manquants qu'on connaît depuis des années.

Il faut absolument que la profession médicale ? ce n'est pas juste les résidents; les omnipraticiens et les spécialistes ? repense la façon dont elle est en relation avec l'État dans un contexte où cet élément-là va être changé de façon très, très spectaculaire au cours des prochaines années. Et je suis pas mal plus inquiet pour la pénurie d'infirmières que pour la pénurie de médecins au cours des prochaines années.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...M. le ministre. Nous devons interrompre ce bloc et passer maintenant aux membres de l'opposition.

Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Drs ? j'allais dire «Me Bernier» tant votre présentation est bien articulée; alors, Drs ? Bernier, Girard ? Martin Girard, Dre Marie-Andrée Girard ? et M. le directeur général, je comprends que de prime abord ce que vous nous dites, en particulier à la page 19 de votre mémoire, c'est ce que nous avons entendu depuis le début de cette commission, à savoir que la réponse du gouvernement au jugement Chaoulli aurait très bien pu se limiter à la mise en place de normes précises, de prescriptions de délais, de garanties d'accès. Ça aurait pu se faire par des directives ministérielles ou par règlement en fonction, bon, de ce qui est médicalement requis et raisonnable, et là le ministre et son gouvernement ont choisi en fait autre chose.

Je comprends que, quant à la gestion, aux mécanismes de gestion centralisée des listes d'attente, vous nous dites: C'est une obligation de moyens, n'ayant pas d'obligation de résultat, mais c'est: Faites votre possible en fait, en quelque sorte, hein? Je ne veux pas caricaturer, là.

M. Bernier (Martin): ...mais essentiellement c'est un peu ça. Ce n'est pas de la caricature, mais on n'est pas loin de la réalité. Essentiellement, pour revenir au modèle scandinave, sans le citer comme étant le seul exemple souhaitable, s'il s'agit d'une directive administrative qui ne fait pas partie de la loi, cependant elle a l'avantage d'être une directive énoncée et claire à l'heure actuelle, c'est ce qu'on pense... fait défaut dans le projet de loi. Et donc l'obligation revient aux intervenants d'être redevables aux bénéficiaires et de faire la démonstration claire qu'ils utilisent tous les moyens qui sont à leur disposition pour rendre accessibles les soins en temps opportun.

Cependant, je veux dire, on a pris la peine de réorganiser l'ensemble de la gestion du système de santé à un niveau régional, dans certains cas suprarégional, et il nous aurait apparu logique qu'on fasse le même genre d'exercice pour quelque chose d'aussi important que l'accès aux soins spécialisés. Donc, il y avait lieu de développer davantage le concept et à la limite de prendre un peu l'initiative, le leadership là-dedans. Malheureusement, ce n'est pas là, maintenant.

Mme Harel: Brièvement, là, nous diriez-vous en quoi consistent ces règles dites directives, ministérielles dans les pays nordiques?

M. Bernier (Martin): Oui. Bien, essentiellement, c'est une directive qui est en quatre volets. Quand on parle du 0-7-90-90, là ? ça, c'est la façon simple par laquelle on y réfère ? le zéro, c'est pas d'attente pour tout ce qui est urgent, ce qui est besoin d'intervention immédiate. Ça, ça va de soi, ça coule de source. Pour ce qui est d'avoir accès à un médecin de famille, on s'assure de faire en sorte que ce soit disponible à l'intérieur d'un délai de sept jours et, éventuellement pour l'accès au médecin spécialiste et aux tests diagnostiques, à l'intérieur de 90 jours et 90 jours supplémentaires. Donc, c'est de cette façon-là.

Et, encore là, loin de nous la prétention de dire que c'est la seule façon de procéder. Ce n'est pas ça. Seulement, on se doit de reconnaître qu'il s'agit d'une façon relativement claire et qui permet aux gens de savoir un peu à quoi ils peuvent s'attendre. Et, quand on veut donner des garanties à des patients et aux bénéficiaires, on peut le faire en termes clairs, et c'est ce que certains ont choisi de faire, c'est ce qu'on souhaitait voir. Et je pense que Garantir l'accès, jusqu'à un certain point, pointait un peu dans cette direction-là, dans la mesure où on avait dit: Bon, à l'intérieur de six mois, il faudra avoir fait les opérations de la hanche. On peut débattre de la pertinence du six mois ou du moment à partir duquel on le compte, cependant on avait quelque chose d'un peu plus explicite, et je pense que les gens auraient été en mesure de dire: Ah, bon, bien, donc dans six mois, là, je peux m'attendre à ce que ce soit réglé.

À l'heure actuelle, on leur dit: Bon, on va faire ce qu'on peut. C'est ça.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 26, vous parlez de planification d'effectifs qui est faite per capita plutôt que par équivalents temps complets. Écoutez, pour des non initiés, là, je pense que ça mérite des explications.

De quoi s'agit-il exactement?

M. Bernier (Martin): M. le ministre a fait allusion à cette planification des effectifs dans sa dernière intervention. Il faut comprendre que les médecins résidents sont en formation postdoctorale, donc font leur spécialisation. Que ce soit dans une des 34 spécialités reconnues au Québec ou en médecine de famille, ça exige une certaine spécialisation pour devenir généraliste. Et, au terme de cette formation-là, l'installation est régie, au Québec, par l'obtention d'un poste aux plans d'effectif médical, lesquels, plans, sont mis à jour normalement à chaque automne. Et ça, c'est une période critique. L'installation, la planification de cette installation-là prend du temps, O.K.? Le médecin résident, lui, il va terminer... L'année se termine au 30 juin. Ça prend au bas mot huit mois, dans beaucoup de cas, pour ceux qui doivent planifier des formations additionnelles. Des formations complémentaires comme mon collègue est en train de poursuivre, ça se planifie au-delà de un an à l'avance.

Si on veut coordonner les postes, et prioriser les postes, et s'assurer que les formations et que l'installation se fassent de manière cohérente, on a le devoir de rendre disponibles ces plans-là en temps opportun. Et, nous, ça fait plusieurs années qu'on rappelle et qu'on formule le souhait que ce soit mis de l'avant au mois d'octobre, et ce n'est pas un caprice. La période d'entrevues pour les finissants en médecine de famille a commencé au début de cette semaine et s'étend jusqu'au 30 octobre. Donc, c'est important d'avoir les plans, à cette date-là, pour les gens en médecine de famille. Cette année, on a la chance de les avoir. La problématique n'est pas moins complexe en spécialité, et le besoin est tout aussi criant d'avoir les plans à ce moment-là. On a eu, le 3 octobre cette année, une journée carrière où on a plus de... établissements de partout dans la province qui sont venus, au Palais des congrès à Montréal, rencontrer les médecins résidents. On avait, je crois, 600 médecins résidents, 650 médecins résidents qui étaient là. Si on veut utiliser pleinement ce potentiel-là, bien il faut qu'on rende publics les postes, les postes qu'on veut voir de façon prioritaire comblés. Et on a manqué, encore une fois cette année, l'occasion d'utiliser à son plein potentiel cet événement-là.

Donc, sur l'opportunité de sortir les plans d'effectifs et ce que sont les plans d'effectifs médicaux, c'est un peu ça.

Sur la question de l'équivalent temps complet et du calcul, on va prendre l'exemple d'un hôpital en centre universitaire. Bon. Le centre universitaire a quatre missions. Oui, il soigne des patients. C'est très important, c'est la mission numéro un. Cependant, il fait aussi la formation des médecins, de la relève et des étudiants. Il y a aussi un grand volume de recherche qui se fait là, et ces centres-là sont responsables d'évaluer les nouvelles technologies. Donc, forcément, le médecin qui est compté comme un individu travaillant à tel hôpital va, en bout de piste, dans beaucoup de cas, donner 0,3 équivalent temps complet de services cliniques, de services à la population. À l'heure actuelle, de la façon dont la comptabilité se fait, cet individu-là compte pour un au même titre que n'importe quel autre médecin ailleurs en province qui va faire 100 % de pratique clinique, et c'est là toute la distinction et toute la nuance. C'est vrai, c'est bien qu'on augmente les cohortes d'étudiants en médecine, c'est vrai que c'est bien qu'on souhaite former plus de médecins de famille, cependant, pour faire ça, les milieux de formation ont besoin davantage de professeurs.

Un professeur en médecine, pour un résident c'est un médecin, en pratique. Donc, on a besoin davantage d'individus, on a besoin davantage de personnes. Et à l'heure actuelle on fait des calculs un peu simplistes sur la façon dont on va répartir les nouveaux facturants justement en calculant un individu comme équivalant un, alors qu'on sait très bien qu'il équivaut à 0,3 de temps clinique et qu'il est partagé entre ses quatre différentes occupations, sans compter les tâches administratives qu'il a aussi.

Et donc, de ce point de vue là, on dit: Ça fait plusieurs années qu'on manque de reconnaître les besoins particuliers de plusieurs centres de formation. On en est au point où dans certains cas on met en péril la formation de la relève parce que les groupes augmentent, et il n'y a pas suffisamment de professeurs. Donc, au lieu d'avoir quatre, cinq étudiants, ils sont rendus sept, huit à suivre. En termes absolus, ça n'a pas l'air si impressionnant, mais, sur une unité d'enseignement, ça fait toute la différence, quand on est le huitième en arrière à peine, entendre les explications du professeur. C'est bête, mais c'est comme ça. Et on arrive au point où la formation peut en souffrir.

n (12 h 20) n

Il y a une limite à faire valoir l'approche populationnelle pour justifier les plans d'effectifs médicaux tels qu'ils sont à l'heure actuelle. M. le ministre le soulevait tantôt lui-même, les listes d'attente, au Saguenay, pour la grande majorité des interventions, l'accès aux services est parmi les meilleurs au Québec. Donc, il y a un mythe ici qui est le mythe de la grande séduction, je l'appelle, mais qu'on aime véhiculer et alimenter, de dire que la pénurie, elle est exclusivement en région éloignée ou en région intermédiaire et pas dans les centres universitaires. Nous, ce qu'on s'acharne à répéter, c'est: Cessons d'ignorer les besoins particuliers de ces centres-là qui ont donc la mission importante de fournir des soins à la population et aussi de former la relève, et ça, ça nous tient particulièrement à coeur forcément, puisqu'on est en formation.

Dans certains cas, la région ? on va prendre l'exemple de la région de Montréal, mais ce n'est pas le seul cas ? en termes d'accès à un médecin de famille, est probablement une des plus mal servies au Québec donc, mais ça, ce n'est pas tout le monde qui est au courant de ça. On continue de penser que, si on est en région éloignée, bon, ça va être plus facile de se trouver un médecin de famille que n'importe où ailleurs.

Mme Harel: Dr Bernier...

M. Bernier (Martin): Oui.

Mme Harel: ...vous suscitez une commotion de l'autre côté. Mais demain nous aurons l'occasion d'en discuter avec les représentants de l'Agence de santé et de services sociaux de Montréal. Et c'est à l'évidence. Les chiffres que nous avons eus à date le démontrent bien: sur les 1 800 000 personnes qui habitent sur l'île de Montréal, il y en a 66 000 qui sont desservis par un GMF et il y en a à peine un peu plus de 150 000 ? c'est à peine 15 % de la population ? qui a accès à un médecin de famille quand j'additionne à la fois les GMF et à la fois les cliniques-réseaux.

En tout cas, je peux vous dire, moi qui suis députée dans le bas de la ville de Montréal, au sud du boulevard Rosemont, c'est un demi-million de personnes, là; à l'exception de la pointe de l'île, il n'y a pas de GMF, il n'y a pas de clinique réseau, il n'y a rien d'autre que de la clinique sans rendez-vous et sans suivi en fait même pour des malades chroniques.

Dr Bernier, je vous remercie. Et je suis consciente, bon, que les plans d'effectifs médicaux ont été adoptés dans une loi du gouvernement précédent, en décembre 2002. Est-ce que ce que vous nous décrivez comme le calcul à partir de la pratique clinique, qui n'est pas pris en compte, est-ce que c'est dans la loi, dans le règlement, dans la directive? Qu'est-ce qu'il faut changer pour que cela ne soit plus ainsi, tel que vous le décrivez?

M. Bernier (Martin): Bien, je pense qu'il faut démontrer une volonté claire de changer la façon dont on fait la comptabilité, et ça, ça nous importe peu que ça se fasse par une directive ou autre pour autant que l'exercice se fasse. Et, à l'heure actuelle, ce qu'on ressent... on se présente aux tables de concertation, on participe aux travaux des comités de gestion des effectifs médicaux, et, dans la mesure où il n'y a pas une directive et un souhait de changer la façon dont on fait cette comptabilité-là, bien ça ne se produira pas. Et il s'agit ? le travail doit être fait et il a été commencé et, en bonne partie dans certains cas, réalisé pour plusieurs établissements ? de dire: Bon, chez vous, que fait un anesthésiologiste, par exemple? Donc, c'est quoi, là, son occupation moyenne? Quel pourcentage de son temps est dévolu à la recherche, est dévolu aux tâches administratives, etc.? Et, à partir de cette comptabilisation-là, bien là on peut redéfinir les effectifs en place en termes de, bon: Bien, en termes simples, nos 100 médecins, pour prendre un exemple simple, représentent 40 équivalents temps complet.

Donc, c'est ce chiffre-là qu'on doit prendre en considération dans le calcul de l'accessibilité aux soins. Ce n'est pas le 100, c'est le 40 qui fait la différence en termes du patient qui se cherche un médecin de famille. Et donc je pense que les établissements ont commencé leur travail dans ce sens-là. Les RUIS seront d'une grande utilité là-dedans, vont pouvoir participer, collaborer à ça, de même que les fédérations médicales ou les différentes associations de spécialistes et de médecins de famille au Québec qui vont pouvoir présenter leur comptabilisation. Et c'est de notre devoir de solliciter leur support et leur apport pour aller de l'avant dans ce sens-là.

Cependant, dans la mesure où il n'y aura pas d'intention claire et affirmée... Là, on tergiverse depuis plusieurs années sur des «peut-être qu'on va migrer vers ça», mais ça ne se fait pas. Mais là il faut, à un moment donné, il faut prendre une direction, donner une direction, dire: C'est par là qu'on s'en va, c'est ce qui est logique, et ça va se faire. Donc, on n'est pas si loin, ce n'est pas un travail si monstrueux que ça. Cependant, il faut une volonté à la fois politique et essentiellement transmettre ça aux différentes tables, aux différentes instances qui ont le devoir et le mandat de planifier cette répartition des effectifs de pouvoir le faire avec les bonnes données et ultimement de faire ces recommandations au ministre, parce qu'il revient au ministre d'accepter et d'entériner le plan final, mais donc de faire cette recommandation-là sur la base de données probantes.

Nous, on continue de contester la comptabilité qui est faite, qui ne sert, ni plus ni moins, qu'à servir des intérêts, des objectifs politiques plus que vraiment l'accès aux soins à la population.

Mme Harel: Je voudrais qu'on ne se quitte pas avant que vous ayez pu échanger avec moi, mais en fait en souhaitant que cela soit retenu par les membres de la commission au moment où on fera l'étude article par article, sur votre recommandation d'ajouter un médecin résident aux DRMG, là, aux directions régionales, et que ce médecin le soit à titre d'observateur.

Je veux vous interroger là-dessus. Pourquoi à titre d'observateur et est-ce uniquement sur les territoires des agences où il y a une faculté? Est-ce que vous concevez que Trois-Rivières et Saguenay?Lac-Saint-Jean sont aussi considérés comme des territoires d'agence où il y a faculté?

M. Bernier (Martin): Ah, bien vous soulevez un point très intéressant.

Tout d'abord, sur la question du terme, l'utilisation du terme «observateur» ? on va faire ça rapidement; sur la question du terme «observateur» ? on reprend ça tout simplement par souci d'uniformité avec ce qui se fait actuellement avec les spécialistes. Ceci étant dit, si le choix nous est donné, on aimerait évidemment avoir un poste votant à ce genre d'instance.

Et, pour ce qui est de définir qu'est-ce qu'une région où il y a une faculté de médecine, bien, forcément, force est de reconnaître qu'avec les nouvelles facultés satellites et l'éclatement des milieux de formation à notre sens Chicoutimi ou Trois-Rivières sont des régions où il y a une faculté de médecine à toutes fins pratiques, et donc idéalement, dans ces régions-là aussi, il y aurait un représentant des médecins résidents parce que les médecins en formation à l'Université de Montréal à Trois-Rivières devraient avoir leur mot à dire dans ce qui se passe aux instances régionales de cette région-là. Ils sont en formation, mais ils participent aussi à la dispensation des soins dans ces régions-là. Le médecin résident n'est pas un étudiant sur les bancs d'école. Il passe en moyenne 72 heures, souvent plus de 100 heures-semaine à donner des soins à la population en plus de l'apprentissage didactique qu'il doit faire et de la préparation aux différents examens de certification. Donc, c'est à ce titre-là qu'il souhaite participer aux différentes instances.

Mme Harel: Alors, Dr Bernier et les membres, qui vous accompagnent, de la fédération, je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, c'est tout le temps dont nous disposons. Merci aux derniers participants. Mme Girard, M. Girard, M. Bernier, M. Gouin, merci bien. Et, l'ordre du jour étant complété, la commission ajourne ses travaux au mercredi 18 octobre 2006, à 9 h 30, afin d'effectuer un autre mandat.

(Fin de la séance à 12 h 29)


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