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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Farrah): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux ce
matin. Je rappelle le mandat de la commission qui est le suivant: la commission
du budget et de l'administration est réunie afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 112, Loi
modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions
législatives. Je dois indiquer aussi qu'on a eu le mandat
d'étudier la loi 109 qu'on fera immédiatement après
l'autre. Oui, M. le député de Gouin.
M. Boisclair: Juste pour vérifier, M. le Président,
parce que je ne suis pas familier avec les procédures. Je sais, par
exemple, qu'il y a un ordre de la Chambre qui détermine un certain
nombre d'heures pour étudier le projet de loi. L'ordre de la Chambre
nous donne de 10 heures à midi. Et si on n'a pas terminé à
midi, il y aura, je présume, un autre ordre de la Chambre qui va...
Le Président (M. Farrah): Alors, il faut attendre l'autre
ordre de la Chambre pour reprendre les travaux.
M. Boisclair: II faut attendre l'autre ordre de la Chambre pour
reprendre les travaux.
Le Président (M. Farrah): C'est 12 h 30. M. Boisclair:
C'est 12 h 30. Oui, ça va.
Le Président (M. Farrah): O. K. Alors, là, il faut
attendre l'ordre du leader...
M. Boisclair: Jusqu'à 12 h 30. Et après ça,
il y aura un autre...
Le Président (M. Farrah):... pour savoir les
coordonnées pour reprendre les travaux par la suite.
M. Boisclair: O. K.
Le Président (M. Farrah): Ça va?
M. Boisclair: Donc, ce n'est pas limitatif.
Le Président (M. Farrah): Non.
M. Boisclair: C'est ça que je comprends.
Étude détaillée du projet de loi
112 (suite)
Loi sur les assurances (suite)
Contrôle de l'assurance privée
(suite)
Placements (suite)
Le Président (M. Farrah): O. K. Si ma mémoire est
fidèle, vous étiez rendu à l'article 25. L'amendement
avait été adopté et nous pariions de l'article 25
globalement. Alors, M. le député de Gouin, est-ce que vous avez
d'autres commentaires eu égard à l'article 25?
M. Boisclair: Oui. Je pense qu'il y a, il faut bien l'avouer,
désaccord quant au fond de la question et quant à la pertinence
de l'article 25. J'aimerais peut-être demander, sur une discussion que
nous avions commencée...
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin, je m'excuse. J'ai fait une petite faute. C'est que j'ai oublié de
demander à la secrétaire d'indiquer les remplacements pour ce
matin.
M. Boisclair: Ah, bien...
Le Président (M. Farrah): Alors, je m'excuse infiniment de
vous interrompre.
M. Boisclair: Oui, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Farrah): Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements pour ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Les
remplacements sont les suivants: Mme Bégin (Bellechasse) par M. Lafrance
(Iberville), M. Chagnon (Saint-Louis) par M. Bordeleau (Acadie), M. Lemieux
(Vanier) par M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon).
Le Président (M. Farrah): C'est tout? La
Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Farrah): Alors, je vous remercie
beaucoup, Mme la secrétaire. Allez-y, M. le député de
Gouin. Je m'excuse encore une fois.
M. Boisclair: M. le Président, ce que j'aimerais demander
à la ministre et on avait commencé à discuter hier soir
aux heures tardives, vers 11 h 30, de la définition des
principales activités connexes, soit la vente ou la location
d'immeubles, la participation à un portefeuille de placements,
prêt et placement, l'affacturage, le crédit-bail, l'offre de
services informatiques, d'actuaire-conseil ou d'assistance-voyage ou toute
autre activité principale déterminée par
règlements. Ce que je voulais demander à la ministre, c'est: En
fonction de quels critères quel genre de consultations... Est-ce qu'il y
a des consultations qui ont été faites avec les gens de
l'industrie sur cette définition d'activités connexes.
Mme Robic: Alors, M. le Président, je pense que juste
avant d'ajourner hier soir, j'ai répondu à cette
question-là en disant que nous avions examiné les
activités qui pouvaient être intéressantes pour une
compagnie d'assurances. Et c'est à partir de ça que nous avons
mis dans notre loi un certain nombre de filiales qui pourraient faire partie de
l'ensemble d'une compagnie d'assurances. C'est tout simplement ça. il y
avait une liste de possibilités de filiales connexes et accessoires et
on les a jugées d'après l'intérêt pour une compagnie
d'assurances d'avoir une filiale dans ce domaine-là.
M. Boisclair: Ça va.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin, ça va?
M. Boisclair: Je comprends alors que la liste a été
élaborée par la ministre et les hauts fonctionnaires du
ministère, mais que d'aucune façon les gens et les entreprises
ont été consultés sur le contenu de cette liste.
Mme Robic: Consultés officiellement, je vous dirais que
non, mais vous comprendrez que, constamment, que ce soit au bureau de
l'Inspecteur général ou à mon bureau, on parle à
ces gens-là, on regarde ce qu'ils font et on croit que cette
liste-là va répondre à leurs besoins.
M. Boisclair: Je vois mal comment vous allez pouvoir
répondre à leurs besoins, puisque la majorité d'entre eux
s'y sont opposés.
Mme Robic: À cette liste-là? Non, je ne crois
pas.
M. Boisclair: Se sont opposés au fond de l'article, que ce
soit...
Mme Robic: Ahf ça, c'est un autre débat, mais vous
avez raison, pour plusieurs, ils auraient voulu, surtout dans les deux
mémoires que vous citez constamment, qu'on conserve les liens en aval.
La décision a été que peut-être il faudrait
réorganiser les liens commerciaux et nous l'avons fait en allant en
amont.
M. Boisclair: Oui, mais en allant en amont, pour les mutuelles
d'assurances, c'est un peu difficile. Est-ce que la ministre peut nous donner
l'assurance que les mêmes arguments qui ont valu pour inclure une liste
semblable à celle présentée à l'article 25 du
projet de loi, limitant la possibilité pour les entreprises de faire des
acquisitions en aval, ne se retrouveront pas dans une future loi ou dans fa loi
qui sera bientôt à réviser, celle des caisses, qui devra
être révisée en 1992?
Mme Robic: Ce n'est pas du tout le même problème qui
se présente au niveau des caisses. Les caisses ont un portefeuille en
amont. Elles peuvent faire des acquisitions dans des sociétés
commerciales ou industrielles, ou dans des entreprises commerciales ou
industrielles. La compagnie d'assurances Desjardins n'a pas de liens
commerciaux en aval.
M. Boisclair. Bien, elle en a...
Mme Robic: Non. La société de portefeuille est au
même niveau que la société de portefeuille qui
détient la compagnie d'assurances.
M, Boisclair: Oui, c'est vrai.
Mme Robic: Pour nous, c'est une compagnie de portefeuille qui est
en amont du Mouvement et non pas de la Confédération.
M. Boisclair: Je pense qu'on a fait le tour de la question de
l'article 25. Je veux juste vérifier le libellé de 4° h.
Le Président (M. Farrah): Allez-y, M. le
député.
Mme Robic: 4° h, oui. Là, il y a...
M. Boisclair: Dans la mesure... C'est ça là:
Investir plus de 50 % de son actif dans l'ensemble des placements visés
aux paragraphes c, d. 1. C'est parce que c'est difficile de... Ce sont les
immeubles, ça?
Mme Robic: Regardez de l'autre côté de la page: Loi
sur les assurances.
M. Boisclair: Oui.
Mme Robic: Vous avez l'article 245c.
M. Boisclair: Ah! c'est les immeubles.
Mme Robic: Investir plus de 4 % de son actif dans un seul
immeuble à des fins de revenus et plus de 15 % de son actif pour
l'ensemble de ses immeubles. D'accord?
M. Boisclair: Oui, ça va.
Mme Robic: Si c'est là, c'est encore une fois
expressément demandé par les compagnies qui nous ont dit que 50
%, c'était beaucoup trop élevé. C'est elles-mêmes
qui nous ont enjoints de réduire ça à 25 %. C'a
été une demande constante dans nos consultations. (10 h 15)
M. Boisclair: "Le placement effectué contrairement au
paragraphe d est nul de nullité absolue." J'aimerais ça tout
simplement qu'on m'informe. Quel genre de vérifications sont faites?
Est-ce que c'est dans le cadre du rapport annuel? Est-ce qu'il y a des rapports
qui doivent être déposés au bureau de l'Inspecteur
général? Est-ce qu'on peut. juste m'expliquer le processus
pour...
Mme Robic: Oui. M. Bouchard, s'il vous plaît.
M. Bouchard (Jean-Marie): Les compagnies d'assurances doivent
fournir, en plus des états financiers, ce qu'on appelle des états
statutaires qui nous permettent de détailler beaucoup plus les
renseignements dont nous avons besoin pour bien s'assurer du respect des lois
Alors, les compagnies d'assurances doivent ventiler leur portefeuille, et
ventiler non seulement le portefeuille, mais le pourcentage qu'elles
détiennent. En plus, mes inspecteurs font l'inspection des compagnies
d'assurances et vont vérifier dans les livres des compagnies, de telle
sorte qu'il arrive parfois très souvent qu'on dise: Avec tel placement,
plus tel autre placement que vous avez fait - parce qu'on oublie parfois de
concilier - vous excédez la marge des 4 %, ou vous excédez
le...
M. Boisclair: Ça se fait une fois par année,
ça?
M. Bouchard: Les rapports? Oui, une fois par année.
M. Boisclair: Les rapports se font une fois par année.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin, d'autres commentaires sur l'article 25?
M. Boisclair: Non. Là, il y a l'amendement qu'on a
apporté à l'article 5. Est-ce que l'article amendé
doit...
Mme Robic:...
M. Boisclair: ...va s'appliquer - oui, 25 -mais je parle au
cinquièmement.
Mme Robic: Ah oui!
M. Boisclair: Sur un peu la clause grand-père qui... Je ne
sais pas si on peut l'appeler comme ça parce que, dans le fond, elle va
être permanente, mais...
M. Bouchard: C'est le papillon qu'on a apporté hier qui va
faire état.
M. Boisclair: C'est ça. C'est le papillon qu'on a
apporté hier. Est-ce que cette disposition va s'appliquer à
beaucoup d'entreprises?
Mme Robic: Non, à deux, je crois, M. l'Inspecteur, si je
ne me trompe pas.
M. Boisclair: Les cas qui sont?
M. Bouchard: Dans un cas donné, par exemple, j'ai une
compagnie d'assurances qui a investi dans un club de hockey bien connu.
Une voix: Québec?
M. Bouchard: Enfin! Québec. Je ne peux pas dire que
c'était un des placements qui me plaisait le plus, mais, enfin,
c'était prévu par, justement, les fameux 4 %. Ensuite, il y a une
compagnie d'assurances qui a un garage...
M. Boisclair: Un garage...
M. Bouchard: ...et, enfin, une autre compagnie d'assurances qui a
une société en commandite dans l'immobilier.
Le Président (M. Farrah): Alors, est-ce que l'article 25
tel qu'amendé est adoptée?
M. Boisclair: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Sur division. J'appelle
maintenant l'article 26, qui se lit comme suit: "Cette loi est modifiée
par l'insertion, après l'article 245, du suivant: "245.0.1 La limite
prévue au paragraphe a du premier alinéa de l'article 245 ne
s'applique pas: "a) aux titres garantis par le gouvernement du Canada, d'une
province ou d'un territoire du Canada, ainsi qu'aux titres émis ou
garantis par un de leurs organismes ou par une corporation municipale
située au Canada; "b) aux titres dont le paiement en capital et
intérêts est garanti par la cession d'une subvention du
gouvernement du Québec payable à même les deniers à
être votés annuellement à cette fin par l'Assemblée
nationale du Québec; "c) aux dépôts bancaires et aux titres
d'emprunt dont le paiement est garanti par une banque; "d) aux titres d'emprunt
émis ou garantis par une institution inscrite à la Régie
de l'as-surance-dépôts du Québec ou membre de la
Société d'assurance-dépôts du Canada et aux
dépôts faits auprès de ces institutions;
ue) aux autres investissements déterminés par
les règlements."
Des commentaires à l'article 26? Mme la ministre, avez-vous des
commentaires sur l'article 26?
Mme Robic: Oui, M. le Président. C'est tout simplement
pour ne pas assujettir certains des investissements à la limite des 4 %
de l'actif prévus dans l'article 245. Les titres garantis n'ont pas
à subir des restrictions qui apparaissent à l'article 245.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouln.
M. Bolsclair: C'est la même disposition dans la Loi sur tes
sociétés de fiducie.
Mme Robic: C'est ça.
Le Président (M. Farrah): Dois-je comprendre que l'article
26 est adopté?
M. Boisclair: "Les autres investissements
déterminés parles règlements."
Mme Robic: M. Bouchard, où voyez-vous ça là?
Les autres... Ah oui! En bas Ici.
M. Boisclair: e).
Mme Robic: "e) aux autres investissements
déterminés par les règlements". M. Bouchard, est-ce que
vous pourriez nous éclairer sur ce que ça pourrait
représenter, ces investissements-là?
M. Bouchard: Ce sont des investissements de la même nature
que ceux qui précèdent, c'est-à-dire des investissements
qui sont considérés comme véritablement - si
c'étaient des actions, je dirais que ce sont des "blue chips", là
- des investissements vraiment de toute sécurité qui,
normalement, par exemple, seraient des investissements que l'on accepterait
pour des normes de liquidité. Alors, pour le moment, ce sont
ceux-là que l'industrie nous a demandés, mais au fur et à
mesure du développement du marché qui prévoirait, par
exemple, des titres de même nature, plutôt que d'avoir à
amender la loi, permettre au gouvernement d'élargir par règlement
des dispositions de même nature, mais "autres investissements", vous
savez que par règle d'interprétation, la fameuse règle de
ejusdem generis, il faudrait que j'aie des choses qui soient à peu
près de même nature que ce qui précède, sinon on ne
pourrait pas l'adopter.
M. Boisclair:...
M. Bouchard: C'est ça.
M. Boisclair: Vous me rappelez mon cours d'interprétation
des lois.
M. Bouchard: C'est ça.
M. Boisclair: Ça va, M. le Président
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 26 est
adopté. J'appelle maintenant l'article 27 qui se lit comme suit:
"L'article 247 de cette loi est modifié: 1° par le remplacement,
dans la première ligne du premier alinéa, des mots "les
paragraphes d et e" par les mots "le paragraphe d"; "2° par le
remplacement, dans la troisième ligne du premier alinéa, de "50
%" par "25 %"; 3° par l'insertion, dans la deuxième ligne du
deuxième alinéa et après le mot "chapitre" des mots "et du
chapitre III. 1"; "4° par l'addition, à la fin, de l'alinéa
suivant: "L'assureur qui le (indiquer ici la date d'entrée en vigueur du
présent article) a investi plus de 25 % de son actif dans un holding en
aval peut conserver cet investissement." Mme la ministre, des commentaires
à l'article 27.
Mme Robic: Oui, M. le Président. Ce sont tout simplement
des modifications de concordance et quant au paragraphe 4°, ce sont des
droits acquis.
M. Boisclair: L'article 27, en ce qui concerne les droits acquis,
c'est un peu la même disposition qu'on retrouvait à l'article
25.
Mme Robic: C'est ça.
M. Boisclair: Cependant, est-ce que vous vous faites la
même réserve pour des investissements qui seraient non
conformes?
M. Bouchard: Non, parce qu'il n'y en a pas. L'assureur qui est le
plus près des 25 % a 22 %. Il n'y a personne qui dépasse les 25
%.
M. Boisciair: Tous les investissements sont conformes. On n'a pas
besoin de faire la même distinction qu'on a faite pour les acquisitions
en aval.
Mme Robic: C'est juste.
M. Boisclair: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): L'article 27 est adopté.
J'appelle maintenant l'article 28. "L'article 248 de cette loi est
modifié par l'addition, à la fin du premier alinéa et
après le mot "financiers", des mots suivants: "et la diversification des
placements". Mme la ministre.
Mme Robic: Alors, l'article, M. le Président,
établit la politique de placements de tout
assureur qui doit comprendre la diversification de ces placements. C'est
un élément de sécurité, alors...
Le Président (M. Farrah): Ça va, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: Oui, mais juste rapidement. Le Président
(M. Farrah): Allez-y.
M. Boisclair: L'ancien article disait... D'ailleurs, les
assureurs sont obligés de se doter d'une politique de placements
adoptée par le conseil d'administration. Quelle interprétation
faut-il donner à "diversification" en termes de l'interprétation
qui sera faite par les entreprises? Qu'est-ce qu'on doit conclure, là?
Parce que "diversification", c'est en fonction de la sécurité du
risque des titres, en fonction du genre de titres, si c'est de l'immobilier, si
c'est des obligations, sur les échéances...
Mme Robic: M. Bouchard, c'est à peu près tout
ça?
M. Bouchard: Si on adoptait une interprétation purement
littérale de l'article 248 - qui n'était pas le but, remarquez,
du 248 primaire en 1984 - ça pourrait signifier que, dès le
moment qu'un conseil d'administration prévoit l'apparie-ment, ce serait
suffisant. Mais, à la pratique, on dit: Bien, c'est plus que ça
que ça prend. Ça prend une véritable politique de
placements, diversification de risques, diversification de portefeuille, pas de
concentration uniquement dans les mêmes titres. Par exemple,
prévoir un certain pourcentage par strates d'activité
économique pour diversifier les risques.
M. Boisclair: Et le recours, parce qu'il y a quand même une
évaluation que vous allez faire annuellement sur le rendement de la
politique de placements. Le jugement, vous le porterez en fonction de...
M. Bouchard: On va le porter sur le résultat global de
l'administration de la compagnie, parce qu'un principe de base de la
législation en 1984, c'était de responsabiliser les conseils
d'administration. Et en remplaçant les règles de critères
qualitatifs par des critères quantitatifs, ça venait
compléter une feuille de route de responsabilités du conseil
d'administration en disant: Vous devez, en plus de bien gérer et en plus
de bien placer, vous assurer que vos placements, même s'ils sont
conformes - vous avez une disposition plus loin qui le prévoit -
même s'ils sont techniquement conformes, si, dans les circonstances,
c'est un mauvais placement, comme gestionnaire, vous êtes responsable
d'avoir fait un placement qui, par ailleurs, pourrait être conforme
à la loi.
M. Boisclair: Et le recours se retrouve dans la loi, aux
articles...
M. Bouchard: La responsabilité personnelle des
administrateurs.
Le Président (M. Farrah): L'article 28 est
adopté...
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): ...M. le député de
Gouin.
M. Boisclair: Oui. L'article 29 aussi.
Le Président (M. Farrah): Adopté? Alors, l'article
28 est adopté. J'appelle maintenant l'article 29 qui se lit comme suit:
"L'article 249 de cette loi est abrogé."
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Je ne pense pas que ça
donne lieu à un débat. Alors, adopté également.
L'article 30: "Les articles 259 à 265 de cette loi sont
abrogés."
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Adopté également.
L'article 31 qui se lit comme suit: "L'article 268 de cette loi est
modifié par le remplacement, dans la quatrième ligne, de "aux
articles 244 à 265" par "aux règles de placements prévues
par la présente loi".
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Adopté. L'article 32.
"L'article 270 de cette loi est remplacé par le suivant: "270. Un
assureur doit effectuer ses dépôts, ses prêts et ses
placements sous sa raison sociale à moins qu'ils ne soient
effectués par l'entremise d'une chambre de compensation reconnue par
l'Inspecteur général ou, qu'à la demande de l'assureur,
l'Inspecteur général ne l'exempte de cette obligation dans les
cas et aux conditions qu'il peut déterminer suivant les
circonstances."
Mme Robic: C'est tout simplement que la présente
règle pose de grande difficultés d'application en raison de son
manque de flexibilité. Alors, on a réécrit l'article pour
qu'il soit plus clair dans son libellé.
M. Boisclair: Non seulement il est plus clair, mais vous l'avez
modifié de façon substantielle. Quel genre de difficultés
avez-vous rencontré dans l'application de l'article 270?
Mme Robic: M. Bouchard, l'article 270...
M. Boisclair: Non. Juste, M. Bouchard...
Mme Robic: ...nous l'avons remplacé, à cause de son
manque de flexibilité... Quels étaient les problèmes que
vous avez rencontrés avec l'article, tel que libellé
présentement?
M. Bouchard: Ah! Des problèmes très graves. Vous
savez que le marché évolue tellement que, de plus en plus,
surtout avec le CDS, le centre de compensation, il y a des marchés
nouveaux. Par exemple, on va prendre l'expression consacrée en
Grèce, les "strip bounds" et d'autres valeurs, titres semblables. Le
principe de base, c'est que toute valeur quelconque, que ce soient des actions,
des titres, des obligations, doit être enregistrée au nom de la
compagnie d'assurances. Or, le marché, maintenant, ne se prête
plus à ça. Vous avez des titres au porteur, de plus en plus, de
différentes natures. Et ce qui vient encore une fois compliquer le
système, mais aussi le faciliter considérablement pour la mise en
marché, c'est cette chambre de compensation de la corporation canadienne
de... Alors, avec l'article 270, les compagnies d'assurances se voyaient
complètement interdites de pouvoir bénéficier de la
CDS.
M. Boisclair: D'où la référence à
l'article 270...
M. Bouchard: C'est ça.
M. Boisclair: ...à la chambre de compensa tion.
Le Président (M. Farrah): L'article 32 est-il
adopté?
M. Boisclair: Non. Juste, M. le Président...
"...l'Inspecteur général ne l'exempte de cette obligation dans
les cas et aux conditions qu'il peut déterminer suivant les
circonstances." Quel genre de circonstances, par exemple, pourrait vous amener
à exempter une compagnie d'assurances de cette obligation?
M. Bouchard: Ce qui arrive, par exemple, dans des cas
particuliers, les assureurs écrivent. Ils nous expliquent le genre de
placements qu'ils veulent faire. Un exemple concret. Je suppose qu'une
compagnie d'assurances veut céder un bloc de son portefeuille de
prêts hypothécaires. Elle peut le faire. Elle cède en bloc
un portefeuille de prêts hypothécaires, sous gestion, par une
compagnie de fiducie qui s'occupe de percevoir les intérêts, vois
en cas de défaut et ainsi de suite. La question qui se pose: Au nom de
qui le placement est-il fait, par suite de la cession de créance?
Voyez-vous, le genre de problème comme ça. Les assureurs
m'écrivent. Je suis obligé de leur dire: Non, vous ne pouvez pas,
vous n'avez pas le droit de le faire. Mais, au fond, ce sont leurs placements.
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 32 est adopté.
J'appelle l'article 33 qui se lit comme suit: "L'article 271 de cette loi est
remplacé par le suivant: "271. Les administrateurs ou les dirigeants
d'un assureur qui donnent leur assentiment à un prêt ou placement
en contravention de la présente loi sont tenus solidairement
responsables des pertes qui en résultent pour l'assureur." Mme la
ministre. (10 h 30)
Mme Robic: Alors, cet article-là, M. le Président,
reprend la règle présente au paragraphe 2° de l'actuel
article 272 de la loi, en l'étendant aux dirigeants d'un assureur.
M. Boisclair: On reprend la même définition qu'on
avait au début.
Le Président (M. Farrah): Est-ce que l'article 33 est
adopté?
M. Boisclair: Juste un instant, M. le Président.
Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Adopté. J'appelle
l'article 34, qui se lit comme suit. "L'article 272 de cette loi est
remplacé par le suivant: "272. Le seul fait que les prêts ou les
placements d'un assureur soient conformes à ta présente loi ne
dégage pas ses administrateurs et ses dirigeants des
responsabilités qui leur incombent".
Mme Robic: Alors, là également, on étend la
responsabilité aux dirigeants.
M. Boisclair: Ça va.
Le Président (M. Farrah): L'article 34 est adopté.
À l'article 35, nous avons un amendement. Dans un premier temps, je lis
l'amendement, qui se lit comme suit: "Modifier l'article 35 par l'insertion,
dans la huitième ligne et après le mot "permises", des mots "par
l'un ou l'autre des articles 245 et 247"." Est-ce qu'il y a des commentaires
concernant l'amendement, Mme la ministre?
Mme Robic: Non, M. le Président, je pense que c'est
clair.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin?
M. Boisclair: Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'amendement à
l'article 35 est adopté. L'article 35, maintenant, qui se lit comme
suit:
"L'article 273 de cette loi est modifié par le remplacement, dans
les première, deuxième et troisième lignes, des mots
"Aucun placement non conforme aux dispositions de la présente loi ne
doit être reconnu comme élément d'actif d'un assureur, sauf
s'il" par les mots "Sous réserve du troisième alinéa de
l'article 245 et du cinquième alinéa de l'article 247, un
placement non conforme au paragraphe d du premier alinéa de l'article
245 ou un montant qui excède les limites permises ne doit pas être
reconnu par l'Inspecteur général et doit être déduit
de l'actif aux fins de ses analyses financières, sauf si le placement en
cause".
Mme Robic: Alors, c'est un article de concordance, M. le
Président.
M. Boisclair: Sous réserve du troisième
alinéa, le troisième alinéa fait référence
à la clause grand-père.
M. Bouchard: C'est ça.
M. Boisclair: C'est quoi? "Sauf si le placement en cause..."
"...doit être déduit de l'actif aux fins de ses analyses
financières" aucun problème. "Sauf si le placement en cause". Je
veux juste essayer de ie replacer dans son contexte.
M. Bouchard: Sauf si le placement en cause a été
effectué avant le 20 juin 1984 et ainsi reconnu par l'Inspecteur
général, pendant la période et aux conditions qu'il
détermine.
Mme Robic: Je regardais à l'autre page, vous le retrouvez
là.
Le Président (M. Farrah): Pardon, Mme la ministre?
Mme Robic: M. le Président, si on regarde l'article 35,
à la page...
Le Président (M. Farrah): O.K. Parfait. Mme Robic:
D'accord?
Le Président (M. Farrah): Alors, est-ce que l'article 35
tel qu'amendé est adopté?
M. Boisclair: Oui. Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, adopté. J'appelle
l'article 36. "Cette loi est modifiée par l'insertion, après
l'article 275, de l'article suivant: "275.0.1 Les administrateurs sont
solidairement tenus responsables de toute somme versée à un
actionnaire ou à un administrateur lorsque, par le versement de cette
somme, l'assureur contrevient à l'article 275."
Mme Robic: Alors, M. le Président, cet article
touche la responsabilité des administrateurs en regard de l'exigence du
maintien d'un excédent d'actifs.
Le Président (M. Farrah): Ça va, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: La méthode fixée par règlement
du surplus des actifs... L'article 275 nous indique la méthode qui est
fixée par règlement: "Nonobstant tout règlement
adopté en vertu du deuxième alinéa, l'Inspecteur
général peut donner des directives écrites à un
assureur pour qu'il maintienne un excédent supérieur à
celui résultant de la méthode fixée par règlement."
La méthode fixée par règlement à l'heure actuelle,
c'est...
Le Président (M. Farrah): M. Bouchard.
M. Bouchard: Oui. L'article 275 prévoit... L'article 275,
en réalité, c'est ce qu'on appelle le capital minimum requis.
M. Boisclair: Oui.
M. Bouchard: Et rendu là à 275, ça veut dire
que la compagnie, c'est grave. C'est qu'avant 275, nous avons beaucoup de tests
préventifs. Le système au Québec, comme vous savez, c'est
un système qui est à base de prévention. Il ne faut pas
arriver à l'article 275 parce que l'article 275, ça veut dire
qu'on a suffisamment d'actifs pour payer les gens compte tenu de la liquidation
dans une situation presque désespérée. Donc, la
méthode qui est déterminée, c'est une méthode qui
est déterminée surtout pour les compagnies d'assurances
générales. Mais tout le système des normes de
capitalisation et surtout des normes de prévention est actuellement en
révision, sur le plan canadien. Nous négocions jusqu'à
maintenant avec le gouvernement canadien et certaines provinces, surtout
l'industrie canadienne des compagnies d'assurances de personnes, pour essayer
de s'entendre sur ce que devraient être les normes de capitalisation des
compagnies d'assurance-vie. Le problème se complique du fait, comme je
vous ai expliqué hier, que maintenant, dorénavant, nous devons le
faire en fonction d'un critère nouveau qui est la pondération des
risques de l'actif. Comment transposer un système, qui est bien
conçu pour une institution de dépôts, dans un
système d'assurance et surtout d'assurance de dommages où, si
ça ne fonctionne pas du tout et où l'industrie n'est pas du tout
d'accord, à juste titre je crois, à ce qu'on transpose un
système semblable? Donc, pour répondre à votre question,
c'est que l'idée à la base de 275, c'est qu'il va y avoir
sûrement un règlement qui va être déter-
miné. En l'absence de règlement, ce seront des directives
de l'Inspecteur général parce qu'il ne faut pas qu'il y ait de
vide. Donc, ce sont des directives que nous appliquons, des tests sur l'actif,
des tests sur le capital, des tests sur le passif, des tests sur le pourcentage
de perception de primes par rapport à... Ainsi de suite, il y en a
à peu près 75 tests de prévention. Et l'idée de 275
- et on a la même chose aussi dans la loi sur les fiducies et la
même chose au niveau des lois fédérales, - c'est que,
même si une loi fédérale établit une norme
applicable pour toute l'industrie, il peut très bien arriver que, dans
des circonstances données, ce capital-là ne soit pas suffisant
pour une compagnie donnée qui est dans une mauvaise passe, d'où
cette nécessité pour l'Inspecteur de dire que, nonobstant le
règlement qui dirait, par exemple, que le test est 10 % de l'actif,
compte tenu de ce que vous avez fait, compte tenu des risques que vous avez
assumés, compte tenu d'un tas de circonstances, on vous demande
d'augmenter votre capital parce que vous êtes une compagnie à
risque, ce que nous ne pourrions pas faire si j'étais limité
à ce que le règlement nous indique comme barème.
M. Boisclair: Ça va. La Loi sur les sociétés
de fiducie fait essentiellement référence au test du ratio
d'endettement.
M. Bouchard: C'est ça. Parce que dans le cas des
institutions de dépôts, comme vous le savez, les normes de
solvabilité se font à partir d'un ratio du capital sur le
passif...
M. Boisclair: Le ratio d'endettement.
M. Bouchard: ...qu'on peut transposer, en termes de pourcentage
de l'actif bien sûr, 5 % de l'actif ou 20 % du dépôt, pour
moi, c'est la même chose. Mais le critère est un peu plus facile,
s'il se fait en fonction du passif dépôt. Dans le cas d'une
compagnie d'assurances générales, ce n'est pas ça et
l'assurance-vie, ce n'est pas ça non plus, dû au fait que, dans le
cas des compagnies d'assurances, l'élément dont 11 faut tenir
compte avec autant d'importance que le capital qui apparaît
supposément comme tel, comme sauvegarde, pour l'institution
financière, ce sont les provisions. Et c'est la raison pour laquelle, en
1984, une des réformes majeures sur le plan administratif qu'on a faite,
c'est d'imposer, pour les compagnies d'assurance générale, la
vérification des réserves par un actuaire. Ce qui n'était
pas le cas et ce qui a créé une distorsion au Canada parce qu'on
était la seule juridiction à le faire, à l'imposer
à toutes les compagnies, les compagnies étrangères et les
compagnies des autres États, des autres pays. On obligeait au
Québec qu'elles nous certifient, par un actuaire, des réserves et
c'était la première fois. Donc, c'est important, la
réserve, pour les compagnies d'assurances et même chose pour les
compagnies d'assurance-vie. Dans l'assurance-vie, une tradition depuis toujours
qui faisait que les réserves existaient puis que les provisions
étaient certifiées par des vérificateurs, par des
actuaires, ce qui n'était pas le cas.
Une voix: Ça va.
Le Président (M. Farrah): C'est adopté.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Farrah): Alors l'article 36 est
adopté. J'appelle l'article 37. "L'article 275.2 de cette loi est
modifié par la suppression, dans la première ligne, des mots "qui
pratique les assurances de dommages."
Mme Robic: Alors, encore là, ça touche des
responsabilités des administrateurs, M. le Président. C'est la
même chose...
M. Boisclair: Adopté.
Cession de l'entreprise
Le Président (M. Farrah): L'article 37 adopté.
L'article 38 qui se lit comme suit: "Cette loi est modifiée par
l'insertion, après l'article 275.3, de ce qui suit: "275.4. Sauf
préavis de 45 jours à l'Inspecteur général, un
assureur ne peut céder la totalité ou une partie de son
entreprise. Le préavis doit indiquer les raison sociale et adresse du
siège social des parties. De plus, ce préavis doit être
accompagné du projet de contrat que les parties ont l'intention de
signer. "275.5. L'Inspecteur général peut interdire la
transaction ou imposer certaines conditions à sa réalisation s'il
l'estime opportun dans l'intérêt des assurés ou dans
l'intérêt de l'une ou l'autre des parties. "Si l'Inspecteur
général est d'avis que le délai qui lui est imparti est
insuffisant pour qu'une étude adéquate de la transaction puisse
être effectuée, il peut prolonger ce délai pour une
période additionnelle de 45 jours. "Inspecteur général
doit aviser les parties de toute prolongation de délai au moins cinq
jours avant l'expiration de tout délai de 45 jours." Mme la
ministre.
Mme Robic: Alors, je pense, M. le Président, que l'article
est très clair. C'est pour s'assurer qu'un assureur avise l'Inspecteur
général s'il doit y avoir cession de la totalité ou d'une
partie de son entreprise et que si la transaction est conclue sans ce
préavis, la transaction pourrait être annulée en vertu de
l'article 325.7. Et l'article 275.5, M. le Président, détermine
le pouvoir de l'Inspecteur général.
C'est un pouvoir essentiellement d'intervention.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin, l'article 38.
M. Boisclair: Mme la ministre, peut-être juste pour
vérifier... Céder la totalité ou une partie de
l'entreprise. On reprend une disposition qui... Bien sûr, l'article 4 du
projet de loi ne s'applique pas dans les cas particuliers, parce qu'on... Mais,
juste pour comprendre où on en est dans la cohérence, dans le
cadre du projet de loi. On est à la section III, sur les actifs, si je
ne me trompe pas, 275.
Mme Robic: C'est la section 111. 1.
M. Boisclair: J'essaie de comprendre tout simplement la...
Mme Robic: Alors, M. Bouchard, s'il vous plaît.
M. Bouchard: L'article proposé veut combler une carence
énorme dans la législation des assurances. Aux articles 4 et
suivants, 43, 44, 45, si vous vous rappelez, on a étudié
l'approbation nécessaire par le ministre de transfert d'actions et de
transfert de contrôle, parce que c'est important, c'est un
privilège et les gens doivent reconnaître ça. Or, une des
façons de contourner le transfert, soit d'intérêts dans une
compagnie d'assurances ou le contrôle d'une compagnie d'assurances, ce
sera de procéder par transfert de fonds de commerce. Et c'est tout
ça qui est prévu ici. On applique exactement le même
principe à l'article 43 que vous avez ici pour le fonds de commerce.
Alors, une entreprise qui voudrait se départir d'une partie de son
portefeuille d'assurances pour le céder à une autre entreprise,
ça nous échappe à l'heure actuelle. (10 h 45)
Est-ce que c'est fait à la bonne valeur, est-ce que les
intérêts des assurés sont protégés? Est-ce
qu'un portefeuille qui est vendu 15 000 000 $ ne vaut pas 25 000 000 $ en
réalité? Ça, on va dire ici non, vous allez me donner les
évaluations, je vais avoir les rapports pertinents, sinon on n'approuve
pas la transaction.
Deuxièmement, la compagnie qui achète, peut-elle acheter?
Est-elle en mesure de payer? Est-ce qu'on ne vient pas handicaper, alourdir
cette compagnie-là? Et c'est pour ça qu'on dit "dans
l'intérêt des deux parties".
M. Boisclair: C'est une disposition qui se retrouve dans d'autres
législations canadiennes?
M. Bouchard: Ça existe au fédéral. Nous ne
l'avons pas, nous.
M. Boisclair: Elle existe à l'heure actuelle?
Et on n'a pas cru bon, dans le libellé de l'article, de retenir
les mêmes dispositions de l'article 4, qu'on a adopté hier soir,
sur le rapport à la ministre, l'avis qui est fait à la
ministre.
M. Bouchard: Sauf qu'ici c'est l'Inspecteur, ce n'est pas le
ministre.
M. Boisclair: C'est ça, on n'a pas cru bon retenir ces
mêmes dispositions qu'à l'article 4.
Le Président (M. Farrah): Mme la ministre.
Mme Robic: Non, M. le Président. On s'assure que s'il y
avait ce genre de transfert qui se faisait, il est important qu'on en soit
avisé, et que l'Inspecteur en soit avisé pour qu'il puisse juger
de la pertinence de transfert.
M. Boisclair: Mais je peux comprendre la crainte que vous avez,
qu'effectivement, au lieu de céder les actions, on cède ce qui
est l'équivalent du fonds de commerce, qu'on cède une partie du
portefeuille, ce qui...
Mme Robic: On peut démanteler une compagnie de cette
façon-là hein.
M. Boisclair:... revient à la même chose.
Mme Robic: On pourrait démanteler une compagnie de cette
façon-là.
M. Boisclair: Ça, c'est clair. Mais, dans le cas des
transferts de blocs d'actions, des actions avec droit de vote, on avait
défini un certain pourcentage, une certaine proportion, où il
fallait une autorisation écrite. Dans ce cas-ci, je ne sais pas, parce
que là, c'est dans tous les cas, une totalité ou une partie, si
mince soit-elle. Est-ce que c'est des transactions qui sont fréquentes,
qui se font...
Mme Robic: M. l'inspecteur.
M. Bouchard: Bien, je ne dirais pas que c'est journalier
là, mais on le voit assez fréquemment, et c'est une chose qui se
fait d'une façon très subtile. Et c'est pour ça que c'est
un aspect technique ici. Remarquez qu'on ne le voit pas comme étant un
transfert de changement de contrôle. Ce n'est pas dans ce sens-là.
On dit "tout ou partie", parce qu'une législation doit être un peu
bien rédigée là, mais ce qui se passe en
réalité, c'est ceci, de façon assez
régulière. Sous couvert de réassurance, et surtout en fin
d'année, pour essayer de bonifier une situation qui ne serait pas
très bien vue des autorités de contrôle, parce que les
tests ne seraient peut-être pas respectés, on fait de la
réassurance. On fait la réassurance, sans, en
réalité, se tenir à de la réassurance pure. Et la
réassurance en
question équivaut à une cession d'une partie de
l'entreprise, parce qu'on cède une partie du passif et une partie de
l'actif. Et ça nous échappe complètement, parce qu'ils
nous disent: J'ai fait de fa réassurance. On va dire: Bien,
écoutez, la réassurance, si vous voulez la faire en vertu de
votre contrat de quote-part, ou en vertu de la clause de coassurance,
normalement c'est pour l'avenir. C'est pour les risques que j'assume et les
risques que j'assumerai, partage de responsabilités d'assureurs.
Mais, lorsque Je le fais en fin d'armée ou en cours
d'année, et que supposément je réassure un portefeuille
que j'ai déjà assumé comme risque, pour moi, ce n'est pas
de la réassurance, c'est une cession d'une partie de ma
responsabilité d'assureur. La raison pour laquelle on dit qu'on
l'approuve, c'est que c'est une question qui est technique. Et ce n'est pas une
question de contrôle ou de décider par exemple la validité,
ou la pertinence de l'acquéreur de l'acquérir. Ce n'est pas comme
pour un transfert d'actions pour (a ministre.
M. Boisclair: Je comprends très bien.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 38 dans son
ensemble est adopté?
M. Boisclair: Oui.
Éthique et conflits d'intérêts
Application
Le Président (M. Farrah): Adopté. L'article 39, il
y a un amendement qui se lit comme suit: "À l'article 39, modifier
l'article 285. 23, par la suppression, dans la deuxième ligne, du
cinquième alinéa, des mots "ou sa filiale"...
Une voix: Avez-vous des copies, M. le Président. Ce n'est
pas dans votre paquet.
Le Président (M. Farrah): O. K. Ça va. Alors, rendu
à l'article 285. 23...
Mme Robic: Non. C'est parce que l'amendement est à
l'article 285. 23. Ce n'est pas à l'article 285. 1.
Le Président (M. Farrah): Ça va. À l'article
285. 23, on l'introduira, pas de problèmes. Alors, O. K. Si on peut
aller numéro par numéro. Article 285. 1? Ça vous va comme
ça? Je pense que ça sera plus simple.
Mme Robic: Ça c'est tout le chapitre, M. le
Président, de l'éthique et des conflits
d'intérêts.
Alors, ça va de la page 68 à 95, cet article-là,
hein?
Le Président (M. Farrah): Alors, je vous ferai grâce
de la lecture de tous ces articles-là dans un même bloc. Alors, on
va appeler l'article 285. 1.
Mme Robic: D'accord.
Le Président (M. Farrah): C'est pour votre bien, pas le
mien, c'est pour votre bien que je fais ça, là.
M. Boisdair: Le libellé de l'article 285. 1 reprend
pratiquement la même chose que pour l'actuel article 243, si ce n'est
pour l'exception: "une société de secours mutuels qui
n'émet pas de polices ou de certificats garantissant pour leur
durée le montant de secours mutuels et des cotisations qui y est
fixé ni à une compagnie d'assurance funéraire". Les
compagnies de secours mutuels, il y en a très peu, c'est tout petit,
c'est pas...
Mme Robic: Très peu. Une centaine, même pas.
De» voix: Non, non.
Mme Robic: Une dizaine. Oui. Une dizaine.
Le Président (M. Farrah): Ça va l'article 285.
1?
M. Boisdair: Oui, ça va.
Administrateur» et dirigeants
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285. 1 est
adopté. Article 285. 2. "Un administrateur ou un dirigeant d'un assureur
doit agir avec soin, prudence, diligence et compétence comme le ferait
en pareilles circonstances une personne raisonnable. "Il doit aussi agir avec
honnêteté et loyauté dans l'intérêt de
l'assureur. À cette fin, il doit tenir compte de l'intérêt
des assurés, des actionnaires ou des membres et éviter de se
placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel
et ses obligations". On ne peut pas être contre la vertu.
Mme Robic: C'est ça. Il agit en bon père de
famille.
Le Président (M. Farrah): L'article 285. 2...
M. Boisclair: Les dispositions... Juste pour vérifier.
Le Président (M. Farrah): Allez-y, M. le
député de Gouin, je m'excuse.
M. Boisdair: Si jamais il y avait des agissements contraires aux
dispositions de l'article
285.2, on les trouve plus loin, hein?
Mme Robic: Plus loin. Les sanctions. Le Président (M.
Farrah): Adopté? M. Boisclair: Oui.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.2 est
adopté. Article 285.3. "Un administrateur ou un dirigeant est
présumé avoir agi avec soin, prudence, diligence et
compétence comme l'aurait fait une personne raisonnable s'il agit de
bonne foi, en se fondant sur l'opinion ou le rapport d'un expert."
M. Boisclair: Ça va.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.3 est
adopté. L'article 285.4. "Un administrateur ou un dirigeant d'un
assureur ne peut être administrateur d'un autre assureur sauf si l'un des
assureurs est un assureur qui pratique l'assurance de personnes et l'autre un
assureur qui pratique l'assurance de dommages ou si les assureurs en cause sont
affiliés".
M. Boisclair: On va le relire, celui-là.
Mme Robic: Alors, M. le Président, cet article vise
à étendre la règle déjà présente
à l'actuel article 61 de la loi à tous les assureurs
constitués au Québec.
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.4 est
adopté. J'appelle l'article 285.5. "Le vote d'un administrateur qui ne
possède pas les qualités requises en vertu de la présente
loi ne peut être déterminant".
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.5 est
adopté. Article 285.6. "Un administrateur ou un dirigeant d'un assureur
doit, lorsqu'il communique un renseignement concernant l'assureur ou ses
assurés, respecter les règlements et, le cas
échéant, les règles adoptées par le comité
de déontologie".
M. Boisclair: À quel genre de renseignements fait-on
référence?
Mme Robic: M. Bouchard?
M. Bouchard: C'est pour la protection. Vous allez voir plus loin,
on est très sévères sur la protection des renseignements
personnels. C'est pour éviter qu'on s'échange des renseignements.
Alors, par réglementation, il y a des dispositions qui sont
prévues, le gouvernement va prévoir ce qui peut être
transmis pour le respect des renseignements personnels. Alors, ici, un assureur
ne peut pas... Un administrateur qui profiterait de ses connaissances au sein
du conseil d'administration et comme un assureur peut maintenant faire partie
de plus d'un conseil d'administration de compagnie d'assurances d'un même
groupe, ça serait facile pour lui de transmettre ces renseignements
à un autre... Un assureur d'assurance de dommages qui transmettrait des
renseignements pour vendre de l'assurance-vie, vice versa.
M. Boisclair: J'aimerais qu'on prenne quelques instants pour
aborder cette question-là de protection des renseignements personnels.
Où se retrouvent les autres dispositions?
M. Bouchard: Par règlement, à l'article 420,
à la fin là, vous allez voir qu'on a un pouvoir de
réglementation...
M. Boisclair: Ça, ça m'intéresse
grandement.
M. Bouchard: Bon. Vous avez d'abord l'article 50 comme tel et
comme ce n'était pas suffisant, vous avez un papillon qu'on vous a
déposé, qui est encore plus sévère, sur l'article
50. Ce qui fait que par papillon, vous avez ap et aq.
M. Boisclair: Là, vous me dites que c'est par
règlements qu'on retrouve ces dispositions sur la protection des
renseignements personnels.
Mme Montminy (Danièle): C'est par règlements qu'on
va déterminer les normes concernant la circulation de l'information et
la protection de l'information.
M. Boisclair: II n'en existe pas. Est-ce qu'il en existe à
l'heure actuelle?
Le Président (M. Farrah): Pour le bénéfice
du Journal des débats, est-ce que vous pouvez vous identifier, s'il vous
plaît?
Mme Montminy: Oui. Danièle Montminy, service juridique de
l'Inspecteur général. Effectivement, actuellement, ce
pouvoir-là n'existe pas dans la Loi sur les assurances. Alors, on
introduit maintenant la possibilité, par règlements du
gouvernement, de déterminer des normes quant à l'usage de
l'information que les assureurs vont détenir. Alors, c'est une
réglementation qui est à élaborer.
M. Boisclair: Ça m'intéresse grandement, cette
question. On touche d'une part les renseignements qui seront détenus par
l'assureur où, dans les articles à venir, dans les
règlements surtout, on va établir un certain nombre de
paramètres qui vont permettre l'utilisation de ces
renseignements-là. La réglementation, vous me dites, n'est
pas prête à ce... Les règlements ne sont pas prêts,
ils ne sont pas rédigés, à l'heure actuelle?
Mme Montminy: La réglementation n'est pas encore
rédigée.
M. Boisclair: Est-ce que vous avez l'intention de... Parce que ce
n'est pas simple, vous savez qu'il y a tout un autre débat qui concerne
l'extension de la loi d'accès au secteur privé. Bien des gens
voudraient voir étendre la portée de la loi sur l'accès
à l'information et sur la protection des renseignements personnels au
secteur privé. D'ailleurs, un rapport de la Commission d'accès
suggérait que le secteur des banques et des compagnies d'assurances soit
un des premiers secteurs auxquels on étendrait la portée de la
loi sur l'accès à l'information.
Et là, s'il y a un domaine qui est sensible, c'est bien
celui-là. Certains, bien sûr, invoqueront la protection des
renseignements personnels, la protection de la vie privée.
Au-delà de cela, il s'agit d'avoir travaillé dans une institution
financière pour voir comment c'est facile d'avoir accès aux
renseignements, comment souvent les employés, au sein d'une même
institution, sont liés, dans leur contrat d'embauché, par une
clause de secret professionnel, mais que c'est très facile d'avoir
accès aux informations, par exemple, dans une institution bancaire.
Ça doit être la même chose dans une compagnie d'assurances,
à tous les clients, les portefeuilles, des choses semblables, qui sont
détenus.
Moi, j'aimerais entendre votre réflexion, Mme la ministre, sur
ces préoccupations-là et si on pouvait m'expliquer de
façon générale, dans son ensemble, ce qu'il en est de
cette probléma-tique-là. Parce que là, on parle d'un
administrateur ou un dirigeant d'un assureur, donc ça, ce sont les deux
notions qui ont été reprises précédemment dans le
projet de loi. "Lorsqu'il communique un renseignement concernant l'assureur ou
ses assurés, respecter les règlements et, le cas
échéant, les règles adoptées par le comité
de déontologie." On parle d'un administrateur ou d'un dirigeant. Quelle
réflexion faites-vous? Parce que là, on peut aussi aborder la
question des conflits d'intérêts. Dans le milieu des institutions
financières, particulièrement les banques, souvent on voit des
banques qui transmettent le nom de leurs clients à la
société de portefeuille. C'est sûr que la main droite ne
regarde pas la main gauche, mais ça se fait de façon courante.
(11 heures)
Mme Robic: C'est une question très sérieuse et
délicate. Il faut absolument protéger le client et s'assurer que
ses dossiers confidentiels demeurent confidentiels. Et d'un autre
côté, on dit qu'on veut créer des conglomérats, on
dit que ça crée une synergie, pour créer des synergies...
Donc, ce n'est certainement pas facile, à régler, ça
demande beaucoup de réflexion là-dessus. Jusqu'où peut-on
se permettre de passer des renseignements? Certainement pas sur la vie
privée, certainement pas sur les avoirs des clients, ça, c'est
bien entendu. Est-ce qu'il est possible cependant que... Et vous avez raison,
il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas se conter d'histoires, les gens se
parlent. Donc, j'aimerais passer la parole à l'Inspecteur
là-dessus parce que c'est réellement à ce niveau-là
que la réflexion se fait, à savoir comment on peut circonscrire
ça dans un règlement et s'assurer qu'il y ait la protection
voulue des dossiers.
M. Bouchard: Oui, c'est exact, c'est une question qui est
très difficile. Dans le secteur des valeurs mobilières, comme
vous le savez, les commissions se sont entendues, sur le plan canadien, sur des
normes minimales qui ne sont pas très sévères en
réalité, au fond, sur ce qui concerne la transmission des
renseignements, dû au fait maintenant que les banques...
M. Boisclair: Les recours sont pratiquements inexistants.
M. Bouchard: Pardon?
M. Boisclair: Les recours sont pratiquement inexistants.
M. Bouchard: C'est ça. Alors, mais c'est un peu
saupoudré, si vous me permettez l'expression, au moins il y a quelque
chose pour dire: Bon, il y a un effort de réflexion qui a
été fait. Dans le secteur des institutions financières
où on parte maintenant de conglomérats, parce qu'il faut le faire
en termes de conglomérats des institutions financières
isolées, il n'y en a presque plus, sauf les petites
sociétés de secours mutuels ou des choses semblables. Le principe
qui a été retenu ici, c'est le même que pour
l'administration de la Loi sur les assurances. Responsabilité
partagée entre l'institution financière et l'autorité
gouvernementale. Et vous allez voir plus tard dans le mandat du comité
de déontologie...
M. Boisclair: Oui.
M. Bouchard: ...composé majoritairement de personnes qui
ne sont pas des employés mais qui sont toutes des administrateurs...
Devront, entre autres, édicter des règles sur la protection des
renseignements à caractère confidentiel dont l'assureur dispose
sur ses assurés, 285.14. Et, une disposition très forte, pour
être bien certain que ce comité-là a rempli
adéquatement sa mission: les règles édictées par le
comité de déontologie lient le conseil d'administration et lient
l'assureur, n'ont pas à être approuvées ou ne peuvent pas
être renversées par le conseil
d'administration. Premier palier. Deuxième palier, le
gouvernement, par sa réglementation. En pratique, comment ça
fonctionne? Déjà, on peut prendre l'expérience du secteur
des fiducies. Le secteur des fiducies, depuis deux ans, vit un système
comme celui-là et doit transmettre à l'Inspecteur
général annuellement les règles qu'il se donne.
Deuxième exemple, le Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins,
depuis sa loi, est dans l'obligation d'avoir un comité de
déontologie au niveau de chaque fédération, selon les
grands paramètres, les grands principes élaborés par la
confédération. Et ces règles, ensuite, sont
appliquées par chaque conseil de surveillance dans les caisses. Donc, il
y a toujours le même principe de responsabilisation du milieu dans
l'élaboration, en ce qui concerne la protection, non seulement des
renseignements confidentiels sur les assurés, mais également,
comme il est prévu ici l'article 285.6, des renseignements qui
concernent l'assureur ou ses assurés.
M. Boisclair: On reviendra. Je veux juste voir quelque chose.
Vous en faisiez mention dans votre Rapport quinquennal, des comités de
déontologie?
Mme Robic: Oui. Vous allez le retrouver ici.
M. Boisclair: On pourrait reprendre la discussion lorsqu'on
discutera de l'article 39, plus loin, l'article 285.13...
Mme Robic: Si vous regardez à l'article 285.13, on touche
au comité de déontologie. D'accord?
Le Président (M. Farrah): L'article 285.6,
adopté?
M. Boisclair: Oui. Là, on est dans quelle section? Je
comprends qu'il y a une section nouvelle qu'on ajoute sur le comité de
déontologie.
Le Président (M. Farrah): Ethique et conflits
d'intérêts, section II, administrateurs et dirigeants.
M. Boisclair: Éthique et conflits
d'intérêts.
Le Président (M. Farrah): La section 11 de ce
chapitre-là, administrateurs et dirigeants. Sur le comité de
déontologie, la section IV.
M. Boisclair: Oui, je comprends très bien. Ces
règlements-là vont être disponibles quand, Mme la
ministre?
Mme Robic: M. l'Inspecteur.
M. Boisclair: Mon collègue, le député de
La
Prairie, n'était pas dans l'erreur lorsqu'il demandait la
réglementation
Mme Robic: Non, on n'a pas besoin de ça pour vivre avec le
projet de loi, là. Oui, c'est ça.
M. Boisclair: Je comprends très bien. Mais je suis heureux
de voir que vous êtes sensible à cette préoccupation
là, de la façon dont on... Vous le savez, il s'agit d'avoir
travaillé dans une institution pour voir de quelle façon les
informations circulent, de quelle façon les banques de données
même se promènent d'une façon... Est-ce que la ministre
verrait d'un bon oeil que la loi d'accès s'applique, soit étendue
au secteur des institutions financières?
Mme Robic: Mais vous savez, le gouvernement se penche sur cette
question-là, le ministre de la Justice, le ministre des Communications.
C'est quelque chose qui nous inquiète au plus haut point et c'est une
question qui ne se règle pas facilement avec toutes les
possibilités qu'on a aujourd'hui d'obtenir de l'information. On peut
s'asseoir devant un ordinateur pour obtenir toutes sortes d'informations.
M. Boisclair: Non, mais c'est parce que...
Mme Robic: Alors, tout ce domaine-là de la transmission de
l'information doit être regardé. Et c'est ce qu'on tente de faire
ici. C'est ce que le Bureau de l'Inspecteur tente de faire. Et on va sans doute
s'inspirer de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et de
la loi sur les sociétés. Il existe des choses là-dedans,
mais, encore une fois, c'est une grande préoccupation chez nous et
ailleurs. Je vous avoue qu'en ce moment je ne pourrais pas vous donner une
réponse concrète. Je pense qu'il faut avoir le temps d'y
réfléchir et de s'assurer qu'on peut protéger les
consommateurs le plus possible.
M. Boisclair: Puisque cet article fait partie de la section II
sur les administrateurs et les dirigeants, dans la mesure où un
administrateur ou un dirigeant ne se conformerait pas aux dispositions de
l'article 285.6, il y a des pénalités.
Mme Robic: Nous avons un chapitre sur les sanctions. Allez
voir...
M. Boisclair: C'est à l'article 39?
Mme Robic: Les sanctions se retrouvent...
Une voix: À l'article 48.
Mme Robic: ...à l'article 48.
M. Boisclair: Oui, mais est-ce que l'article
48 s'applique à l'article 285.6?
Mme Robic: L'article 406, paragraphe p. Vous avez ça...
:
M. Boisclair: Ah! qui est déjà... i
I
Mme Robic: On a déjà une clause
générale.
M. Boisclair: O.K. Ça va, adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.6 est
adopté. J'appelle maintenant l'article 285.7 qui se lit comme suit: Tout
administrateur qui résigne ; ses fonctions pour des motifs reliés
à la conduite des affaires de l'assureur doit déclarer ses motifs
à l'assureur et à l'Inspecteur général: "1°
lorsqu'il a des raisons de croire que cette conduite est contraire à une
disposition de la présente loi ou de ses règlements, à une
disposition de toute autre loi, à une ordonnace de l'Inspecteur
général ou au Code criminel; "2° lorsqu'il a des raisons de
croire que cette conduite a pour effet de détériorer la situation
financière de l'assureur. "L'administrateur qui de bonne foi produit une
telle déclaration n'encourt aucune responsabilité civile de ce
fait." Mme la ministre.
Mme Robic: Cet article, M. le Président, est
inspiré des articles de la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit et de la Loi sur les sociétés de fiducie.
M. Boisclair: Adopté.
Obligations de divulgation
Le Président (M. Farrah): L'article 285.7 est
adopté. Maintenant, section III, obligations de divulgation. L'article
285.8. Tout administrateur d'un assureur qui a un intértêt qui est
en conflit avec celui de l'assureur doit, sous peine de destitution de ses
fonctions, dénoncer son intérêt, s'abstenir de voter sur
toute question reliée à cet intérêt et éviter
d'influencer la décision s'y rapportant. Il doit également se
retirer de la réunion pour la durée des
délibérations et du vote relatifs à cette question."
Toute autre personne qui occupe des fonctions de dirigeant et qui a un
tel intérêt doit, sous peine de destitution de ses fonctions,
dénoncer par écrit son intérêt à l'assureur.
En outre, elle ne doit en aucune façon tenter d'influencer la
décision des administrateurs." Mme la ministre.
Mme Robic: C'est...
M. Boisclair: Oui.
Le Président (M. Farrah): Ça vous va?
Mme Robic: Oui.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285.8 est
adopté. J'appelle l'article 285.9. "Un administrateur ou un dirigeant
est réputé avoir le même intérêt que celui
d'une personne qui lui est liée."
M. Boisclair: Ça va.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.9 est
adopté. "285.10 Toute personne destituée de ses fonctions pour
avoir contrevenu à l'article 285.8 ou qui démissionne
après avoir contrevenu à cet article devient inhabile à
siéger comme administrateur de tout assureur pendant une période
de cinq ans à compter de sa destitution ou de sa démission."
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Ça va. L'article 285.10
est adopté. "285.11 Lorsqu'un administrateur ou un dirigeant contrevient
à l'article 285.8, le tribunal, à la demande de l'assureur, d'un
actionnaire ou d'un membre, d'un assuré ou de l'Inspecteur
général, peut, entre autres mesures, ordonner à cet
administrateur ou à ce dirigeant de rendre compte et, le cas
échéant, de remettre à l'assureur le profit
réalisé."
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.11 est
adopté. "285.12 Un administrateur ou un dirigeant d'un assureur doit,
dans les trois mois de sa nomination ou de son élection et par la suite
annuellement, déclarer au conseil d'administration de l'assureur, par
écrit et sous serment, ses intérêts dans toute entreprise.
"Un administrateur ou un dirigeant ne peut exercer ses fonctions tant qu'il est
en défaut d'exécuter cette obligation. Le vote d'un
administrateur qui malgré cette interdiction exerce ses fonctions, ne
peut être déterminant. "Toutefois, aucune déclaration
d'intérêt n'est requise pour la détention, par une personne
et celles qui lui sont liées au sens de l'article 49, de moins de 10 %
des actions émises par une corporation ou des droits de vote
rattachés à de telles actions." M. le député de
Gouin.
M. Boisclair: La présente loi est muette à ce sujet
d'obligation de divulgation; c'est un nouvel article qu'on ajoute. Est-ce qu'on
prévoit des dispositions parce qu'au moment de l'entrée en
vigueur de la loi toute la période de trois mois va s'appliquer et qu'il
y a des dispositions transitoires ou des...
Mme Robic: M. Bouchard.
M. Bouchard: Ça ne crée pas de problème
parce qu'il n'y a pas de rétroactivité. On dit: Dans les
trois mois de sa nomination.
M. Boisclair: Oui, justement.
M. Bouchard: Alors, lors de la prochaine assemblée, ils
devront se conformer.
M. Boisclair: C'est à partir de la prochaine
assemblée qu'ils vont devoir s'y conformer, l'assemblée
générale. Adopté.
Comité de déontologie
Le Président (M. Farrah): Ça va. L'article 285. 12
est adopté. Section IV, comité de déontologie. "285. 13 Un
assureur doit former un comité de déontologie au sein de son
conseil d'administration. "Ce comité se compose d'au moins trois
administrateurs dont la majorité n'est pas constituée: "1° de
dirigeants et employés de l'assureur; "2" de membres d'un autre
comité du conseil d'administration; "3° d'administrateurs,
dirigeants, autres mandataires et employés d'une corporation
affiliée à l'assureur; "4° si l'assureur est une
société mutuelle d'assurance, d'administrateurs, dirigeants et
autres mandataires de la fédération à laquelle elle est
affiliée, de la corporation de fonds de garantie dont elle est membre ou
d'une corporation faisant partie du même groupe que cette
fédération; (11 h 15) "5° d'actionnaires qui
détiennent 10 % ou plus des droits de vote rattachés aux actions
émises par l'assureur ou par une corporation affiliée à
l'assureur ou 10 % ou plus de telles actions. "L'Inspecteur
général peut autoriser la formation d'un comité dont la
composition ne répond pas aux prescriptions du deuxième
alinéa lorsqu'il estime que les circonstances le justifient. "
À l'article 285. 13, Mme la ministre, avez-vous des
commentaires?
Mme Robic: Oui, M. le Président. L'article
détermine des règles quant à la composition du
comité de déontologie et confère à l'Inspecteur
général le pouvoir d'autoriser une autre composition lorsqu'il
estime que les circonstances le justifient. Pour une petite compagnie, par
exemple, où ce serait difficile d'avoir plusieurs comités,
l'Inspecteur pourrait juger que les mêmes personnes pourraient servir sur
plusieurs comités. On va le voir à l'article 285. 14. Elles
pourraient cumuler des responsabilités si l'Inspecteur
général le jugeait approprié.
M. Boisclair: Là, on pourrait étudier dans un bloc
les articles 285. 13 à 285. 16. Mme Robic: C'est juste.
Le Président (M. Farrah): 13, 14, 15, 16.
M. Boisclair: 13, 14, 15 et 16.
Le Président (M. Farrah): Ils sont tous
interreliés, il n'y a pas de problème.
Mme Robic: C'est ça.
Le Président (M. Farrah): Alors, s'il y a consentement,
moi, je n'ai aucune objection.
M. Boisclair: Le comité de déontologie adopte des
règles pour l'application à l'assureur... il doit veiller
à l'application de ces règles et aviser sans délai le
conseil d'administration de tout manquement grave à l'une de ces
règles.
Ces règles portent notamment sur la conduite de l'assureur avec
des personnes qui lui sont intéressées ou avec des personnes qui
sont liées à ses administrateurs ou à ses dirigeants, sur
les formalités et conditions des contrats avec des personnes
intéressées... Là, on continue.
Je comprends qu'on insiste sur l'importance de la composition du
comité de déontologie avec un certain nombre de règles,
mais outre l'article 285. 14 au deuxième paragraphe, sur quoi le
comité de déontologie va-t-il devoir statuer?
Mme Robic: M. Bouchard.
M. Boisclair: Sur quoi les règles vont-elles devoir
porter? Je veux juste essayer de comprendre. Le comité de
déontologie, on définit sa composition, mais quelles sont tes
obligations du comité de déontologie? Il doit statuer sur...
L'article 285. 14 en fait mention, mais la conduite de l'assureur avec des
personnes qui lui sont intéressées ou avec les personnes qui sont
liées à ses administrateurs ou à ses dirigeants, sur les
formalités et conditions des contrats avec des personnes
intéressées et sur la protection des renseignements à
caractère confidentiel dont l'assureur dispose sur ses assurés.
Ce sont les quatre éléments que vous définissez sur
lesquels le comité de déontologie devra adopter des
règlements. Vous vous êtes inspirée de ce qui se passe dans
les sociétés de fiducie. Est-ce qu'on a l'expérience
d'autres provinces où il existe des comités de déontologie
semblables à ceux-là?
M. Bouchard: Le fédéral vient de proposer un
comité qui s'appelle le comité de révision, mais c'est
l'équivalent de notre comité de déontologie comme tel.
D'abord, je vais répondre à votre question sur l'article 285. 14
et ensuite l'expérience vécue dans les fiducies. Le principe
à la base de toute cette section, c'est un principe qui prévoit
que les transactions avec les
personnes intéressées ne sont pas interdites, sauf
quelques cas d'exception qui sont prohibées. Donc, c'est le principe du
régime permissif.
Le régime permissif, la loi prévoit: à la condition
que les transactions se fassent à la juste valeur marchande pour ne pas,
justement, pénaliser l'institution financière comme telle. Mais
une fois qu'on a dit ça, l'industrie doit se donner des règles
pour que le système fonctionne suivant ces principes-là. Alors,
prévoir, par exemple, que les personnes intéressées...
Vous allez voir un peu plus loin quelles sont les personnes
intéressées. Donc, de se donner des règles de structure
interne, de contrôle interne, de mécanisme d'application, de faire
en sorte que lorsque l'institution, à quelque niveau que ce soit,
transige avec une personne dite intéressée, de ne pas oublier de
suivre les règles fondamentales prévues et de se donner des
procédures d'observance de ces règles qui porteraient sur tous
ces points-là. En pratique, c'est ce que les compagnies de fiducie ont
fait et c'est ce que Desjardins a fait. Il a dit à ses employés:
N'oubliez pas les principes suivants lorsque vous faites affaire avec telle
personne, telle personne ou telle personne. Et il énumère les
critères qua l'employé doit suivre pour bien s'assurer que
les règles sont faites. Vous allez voir également que, dans
certains cas, le comité de déontologie va pouvoir
déterminer ce qu'on appelle des transactions pour des sommes minimes. Il
ne faut quand même pas exagérer non plus dans les transactions
intéressées quand ça porte sur des sommes minimes. Le
comité de déontologie va pouvoir statuer ce qui peut être
considéré comme somme minime.
Donc, au fond, c'est ce que j'appellerais la grande charte que
l'institution se donne pour appliquer chez elle ces règles de
déontologie. On doit les recevoir. On ne doit pas nécessairement
se substituer à eux; au contraire, c'est un partenariat qui existe entre
la responsabilité partagée par l'industrie et par
l'autorité de contrôle.
On doit les recevoir, on en prend acte, on les étudie et
lorsqu'on trouve que vraiment tout ce qu'ils ont fait, c'est un peu dessiner
à très larges traits un portrait qui mériterait
d'être beaucoup plus précisé, eh bien, on leur dit: II me
semble que vous n'avez pas fait votre devoir, que vous devriez resserrer
davantage les liens, sans pour autant leur donner les directives comme telles.
Quoique maintenant, avec la modification qui est apportée ici dans la
Loi sur les assurances qui n'existait pas avant, l'Inspecteur
général a un certain pouvoir de directive qui n'est pas
contraignant, qui n'est pas celui qui se compare à "ordonnances"
à l'article 46, à l'article 325.1. Ce ne sont pas des directives,
au sens de la Commission des valeurs mobilières comme telle. Il ne
faudra pas mélanger les termes, mais c'est une espèce de pouvoir
d'ordonnance de l'Inspecteur qui est sanctionné par une injonction. En
cas de contravention, l'Inspecteur pourra présenter une requête
à la Cour supérieure pour obtenir une injonction, rendre
exécutoire par le tribunal et non par un simple dépôt de
l'ordonnance de l'Inspecteur général au greffe de la Cour
supérieure.
Donc, au fond, à l'article 285.4, on donne la mission au
comité en lui disant: Vous devez vous doter d'une charte de droits et
libertés pour faire en sorte que les règles des transactions
intéressées qui sont prévues dans la loi fonctionnent.
M. Boisclair: Mais, est-ce qu'il y a une obligation expresse qui
est faite à l'assureur de déposer sa charte à l'Inspecteur
général?
M. Bouchard: Vous avez l'article 285.15: Une copie de ces
règles est également transmise à l'Inspecteur
général.
M. Boisclair: Mais on ne fait pas mention, si ce n'est que
lorsque...
M. Bouchard: Mais on ne les approuve pas, on ne sanctionne pas
ces règles-là, on les reçoit. On les évalue.
Ça ne nous empêche pas de parler, mais on ne peut pas dire:
Vos règles sont inadéquates et on ne les accepte pas.
M. Boisclair: Pourquoi?
M. Bouchard: Parce que le gouvernement décide qu'il y a un
partage. Autrement, on mettrait le comité de déontologie en
tutelle. Est-ce qu'on prévoirait une espèce de tutelle ou un
désaveu, un droit de désaveu?
M. Boisclair: Non, mais sans mettre un droit de désaveu,
il pourrait rendre des recommandations qui pourraient être publiques.
M. Bouchard: Qui pourraient?
M. Boisclair: Qui pourraient être publiques. Vous
n'êtes pas obligé d'ordonner à l'assureur de réviser
son code de déontologie, mais, à tout le moins, vous pouvez
rendre... Souvent, on voit ça dans le milieu de l'éducation, dans
bien d'autres secteurs. Un exemple me vient en tête: Chaque institution
d'éducation est obligée d'adopter une politique institutionnelle
d'évaluation et d'apprentissage.
Mme Robic: Vous n'êtes pas dans le privé,
là.
M. Boisclair: Je comprends tout à fait. Je prends un tout
autre secteur.
Mme Robic: M. le Président, connaissant notre Inspecteur
général des institutions financières, si un comité
de déontologie lui transmet-
tait ses règles et qu'elles n'étaient tout à fait
pas sérieuses, je pense bien qu'il y a des appels
téléphoniques et des conversations qui se feraient.
M. Boisclair: Mais, cependant...
Mme Robic: À ce moment-là, on tente de
responsabiliser les administrateurs, on les oblige à créer un
comité de déontologie. Je pense bien qu'il faut leur faire
confiance. Ce sont des gens qui sont sérieux, des gens qui veulent faire
un bon travail. Si on les responsabilise, vous avez vu que je serais
tentée de dire que l'on ne leur rend pas nécessairement la vie
plus facile, avec ce projet de loi-là. Et juste le fait de dire que
copie de ces règles d'ordre doivent aller à l'Inspecteur, ils
font faire un travail sérieux, je n'en doute pas. Sinon, je pense bien
qu'on peut réagir.
M. Boisclair: Dans le fond, c'est beau créer des
comités de déontologie, on peut tenir de beaux discours sur la
protection de l'épargnant, mais c'est vraiment là le coeur du
problème. Concrètement, et après l'application de la loi,
les compagnies seront dans l'obligation de se doter d'un comité de
déontologie. Est-ce qu'il y a, par exemple, un délai, ou vous
vous attendez à ce que ce comité de déontologie soit
créé... Je ne sais pas si, dans les dispositions transitoires,
là, il y a...
M. Bouchard: Non, je comprends votre question, c'est que vous
avez à la fin, concernant... Attendez un petit peu que je vous la
trouve, 300... Bon, c'est une obligation, à 285.14, vous avez une
obligation, c'est impératif. C'est vrai qu'il n'y a pas de délai,
on ne dit pas "doit, dans les trois mois, ou à la fin de l'année,
etc." Vous avez une obligation de constituer un comité de
déontologie. Or, ça devient une responsabilité de
l'assureur.
M. Boisclair: Oui.
M. Bouchard: Et si l'assureur ne s'y conforme pas, l'Inspecteur
général va recourir à l'article 325.1, qui est son
ordonnance...
M. Boisclair: Oui.
M. Bouchard: ...et si l'ordonnance n'est pas respectée -
on a modifié l'article de pénalité - ça devient une
infraction pour l'assureur comme tel, et si ce n'est pas suffisant,
l'Inspecteur général peut recourir à 325.5, pour demander
une injonction et forcer l'assureur à créer son comité de
déontologie.
M. Boisclair: Quelle attitude, entendez-vous prendre... Vous vous
attendez à quoi, comme délai?
M. Bouchard: Le délai ne sera pas là. Si je me fie,
M. le député, à l'expérience des compagnies de
fiducie, où là on démarrait, c'était vraiment du
neuf, on a vraiment pris le milieu, je ne dirais pas au dépourvu, mais
c'était pour lui un chambardement majeur et, en passant, juste pour vous
reprendre une affirmation que Mme la ministre a faite tout à l'heure,
vous n'avez pas idée jusqu'à quel point ça paraît
insignifiant, mais c'est plus que psychologique, le simple fait de dire qu'une
copie des règles est transmise à l'Inspecteur
général, vous n'avez pas d'idée jusqu'à quel point
ça les fatigue. Ça les fatigue, parce que même dans le cas
des fiducies, parce que j'ai une obligation semblable, on court après
les copies, puis on dit: On n'a pas reçu vos copies, comment se fait-il
que vous êtes en retard, et combien de temps et pourquoi vous ne l'avez
pas fait? Ça les fatigue. Je n'ai pas besoin d'un pouvoir coercitif
épouvantable. Vous devez transmettre un rapport, vous ne l'avez pas
fourni, pourquoi? Or, dans le milieu des institutions financières que
vous connaissez bien, il y a des exceptions comme partout ailleurs, bien
sûr, mais il y a aussi du professionnalisme, et les institutions
financières sont dirigées par d©s personnes
professionnelles, pour qui le respect de la loi est primordial. Donc, se faire
dire qu'elles sont en infraction, c'est la pire des injures.
Je pourrais vous donner un exemple très rapide là-dessus.
Une institution étrangère - je prends ce petit exemple-là
pour vous démontrer jusqu'à quel point l'épiderme est
sensible - une institution étrangère qui n'avait pas fait ses
dépôts requis pour ses états financiers, on lui a fait deux
rappels. Et le respect des échéances, vous savez que c'est
primordial dans les méthodes de prévention, si les
échéances ne sont pas respectées, ça ne veut plus
rien dire, notre système tombe. Et comme ils ne l'ont pas fait, j'ai
intenté des procédures en Cour des sessions de la paix contre
cette compagnie-là, pour une amende minime; 600 $, je sais très
bien que ce n'est pas 100 $. Mais j'ai reçu un téléphone
du président de New York, qui me suppliait de retirer la demande, qu'il
était prêt à payer 5000 $ s'il fallait, pour payer les
avocats et les procureurs. J'ai dit: Non, l'amende est là, vous allez
être condamné. Il ne voulait pas être condamné, parce
que, pour lui, que la Cour des sessions de la paix condamne sa compagnie,
c'était épouvantable. C'est un exemple que je vous donne pour
vous dire que ça l'air de rien de dire qu'une copie est transmise
à l'Inspecteur général, mais ça les fatigue. Alors,
on va les réviser, bien sûr. (11 h 30)
M. Boisclair: Est-ce que, par exemple, dans votre rapport annuel,
vous pourriez faire mention du nombre de... Reprenons la question, dans le cas
des sociétés de fiducie, toutes les compagnies se sont
dotées de comités de déontologie dans
des délais relativement acceptables.
M. Bouchard: Oui, oui. Il y en a qui se sont fait tirer
l'oreille. Elles me donnaient des raisons, c'était un conseil
d'administration qui était gros, Immense, avec des gens, enfin en
conciliation d'intérêt, mais comme c'était le premier et
qu'on Innovait, il ne fallait pas non plus être intransigeant, il fallait
leur faire comprendre en quoi ça consistait. On bouleversait tellement
les habitudes, c'étaient encore, vous savez, les sempiternels arguments:
structurite, comité de trop, pas nécessaire, on l'a
déjà, on a tout ce qu'il faut à l'interne, enfin tout ce
genre d'argument qu'on peut entendre. On a eu la même chose dans le cas
de Desjardins, ils ne l'ont pas accepté de gaieté de coeur non
plus, le comité de déontologie, au niveau des
fédérations. C'était épouvantable, des conseils de
surveillance, elles n'avaient pas besoin de ça et ainsi de suite. Je ne
suis pas si certain que ça qu'elles n'en avaient pas besoin. La preuve,
c'est que là, elles vivent avec le système et puis, on les suit
et on reçoit les plaintes du public, on sait où les
référer. Ici, dans le cas des compagnies d'assurances, elles vont
respecter la création du comité. La preuve, c'est que les
préoccupations dont vous faisiez état hier, par exemple: Est-ce
qu'il y a trop de comités? Est-ce que ça va devenir trop
onéreux? C'est ça, la préoccupation et surtout pour les
petites. C'est pour ça qu'il y a deux provisions aux articles 14 et 15
pour faire en sorte que le système, sans l'alourdir, puisse fonctionner
en cumulant des responsabilités pour un même comité.
Mme Robic: Vous savez, M. le Président, c'est très
grave. Si vous regardez tous nos articles, entre autres, l'article 285. 7 sur
les obligations d'un administrateur qui démissionne, d'être
obligé de faire rapport au conseil et à l'Inspecteur
général. Vous savez, il y a des réputations qui sont en
cause aussi. Les entreprises financières, vous savez comment c'est
sensible et comment c'est important de conserver leur image au niveau du public
et la confiance du public. Je pense que là-dedans, on a des articles qui
font que, pour un administrateur, ça devient excessivement grave de
manquer à ses obligations, telles que décrites dans le projet de
loi.
M. Boisclair: Ça, je n'en disconviens pas, Mme la
ministre. Il y a un élément plus important. On dit que les
règles du comité de déontologie devront, entre autres,
porter sur la protection des renseignements à caractère
confidentiel dont l'assureur dispose sur ses assurés. Cette disposition,
à moins que je ne me trompe, fait aussi partie de la Loi sur les
sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne. L'Inspecteur général formulera, suite à
la réception du code des normes applicables pour le code de
déontologie, un certain nombre de commentaires. À quoi vous
attendez-vous sur cette question de protection des renseignements
personnels?
Le Président (M. Farrah): M. Bouchard. M. Bouchard:
Je m'attends...
M. Boisclair: Vous allez l'analyser on fonction d'un certain
nombre de critères. Où se situe votre préoccupation
à ce niveau-là? Qu'est-ce qui vous semble fondamental sur cette
protection des renseignements personnels?
M. Bouchard: D'abord, le respect fondamental des renseignements
nominatifs et surtout les ventes liées. Au fond, tout tourne à
ça. Faire en sorte que moi, je me serve des renseignements que je peux
posséder sur un client et transférer cette information-là
à une autre personne du groupe...
M. Boisclair:... à une filiale.
M. Bouchard: Pardon?
M. Boisclair À une filiale ou à...
M. Bouchard: À une filiale quelconque ou à une
autre personne du groupe pour faire une vente, sinon à pression, du
moins faire une vente quasi liée, de telle sorte que le consommateur se
voie dans une espèce de système de compression pour acheter des
produits d'un seul conglomérat. Et ça, remarquez, c'est
l'objectif, je ne vous dis pas qu'on va l'atteindre dans un an, dans deux ans.
C'est un travail de longue haleine, ça. Mais au moins, la
préoccupation, il faut qu'elle soit là, le problème, il
est là pour le consommateur. Les institutions veulent développer
des produits, elles veulent vendre, bien sûr. Le consommateur, lui, il
faut le protéger. Il ne faut pas que le consommateur soit pris en
souricière dans un système que, par ailleurs, on veut
développer. Il y a deux éléments qui semblent en
contradiction, mais qui, au fond, doivent être respectés avec
autant d'importance.
M. Boisclair: Mais est-ce que vous attendez, entre autres...
Parce que je n'ai jamais consulté ces codes de déontologie.
Est-ce qu'ils seront publics?
M. Bouchard: Non. Ils ne seront pas publics. Les institutions ne
veulent pas les rendre publics.
M. Boisclair: Donc, d'aucune façon, si un consommateur,
par exemple, veut adresser une plainte au comité de déontologie,
puisqu'il serait en droit - le comité de déontologie sera celui
qui recevra les plaintes - il ne sera pas au
courant des dispositions - prenons l'exemple de la protection des
renseignements personnels -qui s'appliquent.
M. Bouchard: Oui. Une des règles du comité de
déontologie, c'est de faire en sorte qu'on indique que le consommateur,
d'une certaine façon, est protégé. Mais la meilleure
sauvegarde pour le consommateur, savez-vous où elle se trouve? C'est que
j'ai une personne, presque deux personnes par année qui ne font que
ça, recevoir des plaintes ou des renseignements, tant dans le secteur
des fiducies, de l'assurance, que des caisses populaires. Et très
souvent, le rôle de ces personnes-là, c'est de les informer, leur
faire connaître leurs droits, leur faire apprendre, entre autres, que
ça existe, et où s'informer. On leur demande de
référer aux bonnes instances et s'ils n'ont pas satisfaction, de
nous rappeler. Ça arrive très souvent d'ailleurs, même
parfois la ministre reçoit des lettres de ces personnes-là qui se
plaignent, et lorsque l'institution en question n'a pas adéquatement
répondu, là, j'interviens officiellement auprès de
l'institution pour lui dire: Tel renseignement ou pourquoi n'avez-vous pas
répondu de façon satisfaisante à cette personne-là
et qu'est-ce qui se passe dans le dossier?
M. Boisclair: Mais on a un droit ou on a un recours, tant et
aussi longtemps qu'on est au courant qu'on a ce droit-là ou ce
recours-là. Je conçois bien cette
responsabilité-là...
Mme Robic: C'est vrai dans tous les domaines.
M. Boisclair: Oui, mais moi, je me demande, sur la protection des
renseignements personnels, les renseignements nominatifs par exemple, si ce
n'est que par les nouvelles techniques, que ce soit par le biais de
l'informatique où, facilement, on peut avoir des renseignements sur la
façon... Qui y a accès? Vous savez que ce n'est pas simple, la
protection des renseignements personnels. Ça touche autant la
responsabilité des employés, ça touche les critères
de sécurité pour des gens qui ont accès à du
matériel informatique qui contient des banques de données
importantes. Ça touche une série de dispositions.
Mme Robic: C'est d'ailleurs ce que je disais tout à
l'heure, quand on disait que le gouvernement est très sensible à
cela. Que ce soit le ministre de la Justice, que ce soit le ministre des
Communications, dans tous les domaines et avec la nouvelle technologie,
ça nous donne la possibilité d'obtenir toutes sortes de
renseignements. Comment est-ce qu'on va protéger le consommateur? Bien,
il faut qu'on se penche sérieusement là-dessus. Dans le domaine
des institutions financières, c'est un domaine très sensible. On
veut permettre des synergies, on veut permettre la création de
conglomérats, donc, on veut permettre qu'il y ait une raison
économique de créer ces conglomérats. Mais en même
temps, comment fait-on pour protéger le consommateur qui, lui, fait
affaire avec les différentes entreprises d'un conglomérat? Et
comment le protège-t-on devant l'obligation de faire une transaction
liée? Comme est-ce qu'on le protège? C'est ce qu'on tente de
faire ici en responsabilisant les administrateurs.
M. Boisclair: Pourquoi n'a-t-on pas précisé, dans
l'article sur la protection des renseignements à caractère
confidentiel, entre autres, quel genre d'utilisation des renseignements
à caractère confidentiel pourrait être abusive ou contraire
à ce qui vous semble opportun?
M. Bouchard: Non, remarquez, encore une fois... Je serais
porté à vous répondre par une affirmation
générale. C'est que le principe, à 285.14, c'est un peu
comme l'article 1053 du Code civil. Je me dis: Tu ne peux pas créer
dommage à autrui. Au père, on va déterminer ce que c'est.
Dans une loi, je ne peux pas quand même tout prévoir, on ne peut
pas tout dire.
M. Boisclair: Je comprends très bien, mais...
M. Bouchard: On s'en tient aux principes généraux.
Et là, on énumère les principes qui doivent guider, en
prenant le pari que le milieu va assumer cette responsabilité-là
sans, par ailleurs, se sentir assumé, oui, mais pas tout à fait
parce qu'en arrière, vos règles de déontologie vont
être approuvées, supposons, par la ministre ou par l'Inspecteur
général. Ce n'est pas ce que j'appellerais une autoparticipation
dans une autodiscipline que l'on veut conférer.
Mais sans faire perdre confiance au milieu, disons que le
législateur s'est conservé une prudence
élémentaire. Il dit ça à l'article 285.14 et il va
très loin en disant: Ce n'est même pas le conseil d'administration
qui va le faire, on ne prend pas de chance. On prévoit un accroc au
droit corporatif parce que vous savez, les seules délégations
possibles, c'est mon comité exécutif. Et c'est le seul qui,
normalement, pourrait être habilité pour avoir un pouvoir
décisionnel. D'ailleurs, il a fallu qu'on le plaide, ça, au
comité de législation, parce qu'ils savaient que c'était
un accroc qu'on faisait. On a dit: Non, c'est important. C'est tellement
important, le comité de déontologie qu'on veut créer, on
veut tellement discipliner le milieu, lui donner une responsabilité
très grande, qu'on en fait une émanation du conseil
d'administration à l'état réduit, un groupe composé
en majorité seulement d'administrateurs et composé en
majorité de personnes qui ne sont pas des personnes
intéressées. C'est onéreux, ça, tellement que cette
compagnie dit: Écoutez, là, il va falloir trouver du monde, nous
autres, parce qu'à nos conseils
d'administration, c'est pas si certain que ça qu'on... Ah! c'est
votre responsabilité d'en trouver. Bon. Puis on dit: Vous devez suivre
les principes de l'article 14. Et on dit: On regarde aller et on va faire
confiance. Oui, mais par ailleurs, par règlements, notre filet de
sécurité, il est là. Et le gouvernement, par
règlements, va venir soit suppléer, soit compléter les
carences qu'il pourra voir à l'article 285.14, sans par ailleurs
annihiler ce qui pourra être fait par ce comité-là.
Et c'est pour ça que le papillon que vous avez, M. le
député, est tellement important, il est différent de ce
que vous avez dans le projet de loi. "ap) déterminer des normes quant
à l'usage qu'un assureur peut faire de l'information qu'il
possède sur ses assurés ou sur les clients d'une autre
institution financière dont il offre les produits." C'est immense, le
filet, il est là. On dit: On fait confiance, oui, vous avez ce qu'il
faut pour fonctionner, mais n'oubliez pas que si vous ne le faites pas, il y a
quelqu'un quelque part qui va intervenir et il va vous les imposer, les
normes.
M. Boisclair: Le papillon se glisse à quel article?
Le Président (M. Farrah): Le papillon, il est à
23.
M. Boisclair: Celui dont on pariait.
Le Président (M. Farrah): Ah! je m'excuse...
M. Boisclair: C'est à l'article 50.
Le Président (M. Farrah): Je m'excuse, M. le
député de Gouin. Est-ce que la discussion est terminée sur
le comité de déontologie, M. le député de
Gouin?
M. Boisclair: Sur l'article 14, oui.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285.13 est
adopté.
Mme Robic: On est à l'article 14.
Le Président (M. Farrah): L'article 285... Non, mais c'est
une discussion en bloc. L'article 285.13, c'est adopté, l'article
285.14, adopté.
Mme Robic: Excusez-moi, M. le Président.
M. Boisclair: Non, mais j'en suis à l'article 15. Une
copie des règlements est transmise à l'Inspecteur
général. On ne spécifie pas qu'il fera des commentaires.
Juste ça, ça ne vous convainc pas... Votre
expérience...
M. Bouchard: Pour les raisons que je vous ai données
tantôt, seulement ça, M. le député, je vous avoue
que si...
M. Boisclair: Ça les fait grimper...
M. Bouchard: ...la ministre enlevait ce bout de phrase là,
elle ferait beaucoup d'heureux.
M. Boisclair: Et on n'ajoute même pas, pour...
M. Bouchard: Je ne lui conseillerais pas de le faire, par
exemple.
M. Boisclair: Même pas pour évaluation ou pour... On
ne spécifie pas, là... On vous fait confiance.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.15 est
adopté. J'appelle l'article 285.16.
M. Boisclair: O.K. En plus de ça, à l'article
285.16, le conseil d'administration va pouvoir donner des mandats au
comité de déontologie. Ces rapports d'activités là
non plus ne seront pas publics. (11 h 45)
Mme Robic: Non. J'ai réellement donné le terme.
M. Boisclair: Où est-ce qu'on spécifie que ces
documents-là ne seront pas publics?
Le Président (M. Farrah): Monsieur... Mme Robic:
Oui, certainement.
Le Président (M. Farrah): ...pouvez-vous vous identifier,
pour le Journal des débats, s'il vous plaît?
M. Boivin (Richard): Richard Boivin, Surintendant des assurances.
L'article 16 de la Loi sur les assurances prévoit un pouvoir
discrétionnaire à l'Inspecteur général. Alors, il
peut, à sa discrétion, décider qu'un renseignement est
confidentiel ou pas.
M. Boisclair: O.K.
Le Président (M. Farrah): Ça va, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: Oui.
Le Président (M. Farrah): Article 285.16...
M. Boisclair: C'est quand même aussi intéressant de
voir que vous ajoutez le cas où les règles adoptées par le
comité n'ont pas été respectées. Donc, le
comité aura l'obligation, dans le fond, de divulguer les cas où
les règles du comité...
M. Boivin: Ça va avec le rôle du comité
effectivement de s'assurer que les règles qu'il a approuvées
soient effectivement suivies et le rapport de la supervision qu'il aura faite
devra effectivement tenir compte de ces manquements aux règles de
déontologie.
M. Boisclair: Est-ce que l'Inspecteur général des
institutions financières va disposer de ressources
supplémentaires pour exercer ces nouvelles responsabilités?
Est-ce que ça va impliquer, pas une réorganisation, mais
l'embauche de personnel supplémentaire? Comment l'Inspecteur
général va-t-il s'acquitter de ses nouvelles
responsabilités parce que ce ne sera pas une chose simple? Il y a un
paquet de codes de déontologie qui vont lui arriver. Il doit analyser
les rapports annuels. Il doit...
Mme Robic: M. le Président, bien des choses dont le
député parle en ce moment sont déjà faites par
l'Inspecteur. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Mais il a absolument
raison, au moment où on décloisonne, au moment où on
permet à des compagnies d'aller dans des champs d'activité
nouveaux, il est bien sûr qu'on tente de donner plus de pouvoirs à
notre Inspecteur pour protéger les épargnants et c'est
certainement pour moi important de m'assurer qu'il est bien
équipé pour faire son travail.
M. Boisclair: Je vais poser la question à M. Bouchard, si
vous permettez. Est-ce que dans l'organisation interne chez vous, vous
prévoyez l'embauche de personnel supplémentaire pour faire
l'analyse, par exemple, des... Écoutez là, ce n'est pas simple,
vous allez en recevoir un maudit paquet.
M. Bouchard: Si ce n'était que ça.
M. Boisclair: Ça va prendre... Ça va prendre...
Ça prend quelqu'un.
M. Bouchard: Si je n'avais que ce problème-là pour
des effectifs, vous m'aiderez à plaider ça au Conseil du
trésor. Mme Robic connaît mes sentiments là-dessus.
Mme Robic: M. le Président, je l'ai dit publiquement que
je crois qu'il est très important de bien équiper notre
Inspecteur général, nos organismes, pour qu'ils puissent faire
leur travail adéquatement.
M. Boisclair: Est-ce que vous estimez réaliste, avec les
nouvelles obligations qui sont faites aux compagnies d'assurances, qui devront
vous soumettre un code de déontologie que vous devrez analyser, qui
devront vous soumettre un rapport annuel contenant un certain nombre
d'informations, qui devront elles aussi être analysées... Vous
devrez faire des recommanda- tions. Vous devrez faire un suivi sur les
recommandations. Ce n'est pas une mince tâche dont vous héritez.
Est-ce que vous vous estimez suffisamment bien équipée avec les
budgets que vous avez à l'heure actuelle pour répondre à
ces nouveaux besoins?
M. Bouchard: Bon, remarquez que ça, c'est vrai. Mais je ne
le mettrais pas en tête de liste de mes priorités pour justifier
les effectifs requis pour la supervision dorénavant du système
des institutions financières dans la province de Québec. Dans le
système dans lequel nous vivons, la multiplication et la
prolifération des produits par institution, les difficultés de
contrôle parce que vous avez différents niveaux d'institutions et
de conglomérats financiers, les nouvelles règles qui s'installent
dans le marché font que la surveillance et le contrôle doivent
suivre des impératifs beaucoup plus rigoureux que ce qui existait il y a
seulement quelques années. Ce n'est qu'une responsabilité
additionnelle, une responsabilité additionnelle qui n'est pas à
minimiser, loin de là, par rapport aux normes de solvabilité, par
exemple, et par rapport aux pratiques financières, par exemple.
On s'interroge, on discute beaucoup et on met l'accent sur les normes de
solvabilité. Mais est-ce qu'on songe que ce qui est aussi important,
peut-être davantage, parce que ça arrive, à la fin, sur les
normes de solvabilité: les pratiques financières suivies par les.
institutions financières? Est-ce qu'elles ont de saines pratiques
financières? Dans ce projet de loi, on a des principes partout.
L'Inspecteur général doit s'assurer que les institutions
financières ont de saines pratiques financières. Là, on a
tout écrit, on a tout dit. Parfait, tout le monde dort tranquille. Mais
comment faire, ensuite, pour assurer ça? Ça prend de la
compétence, ça prend du personnel, ça prend des effectifs.
C'est ce que je dis constamment à la ministre qui en est convaincue. Ce
n'est pas elle que je dois convaincre, mais les organismes centraux qui ont des
points de vue différents.
M. Boisclair:... le président du Conseil du trésor,
mon bon ami.
Le Président (M. Forget): Alors, est-ce que l'article 285.
16 est...
Mme Robic: Non, mais, M. le Président, je voudrais dire
ici que ce n'est pas une question de mauvaise volonté. C'est une
question tout à fait budgétaire qui nous affecte tous. Mais,
encore là, je suis fort consciente que l'institution du bureau de
l'Inspecteur doit être bien équipée et avoir les ressources
nécessaires pour faire son travail adéquatement.
Le Président (M. Forget): Est-ce que l'article 285. 16 est
adopté dans son entier?
M. Boisclair: Un instant, M. le Président. J'en suis
encore à l'article 285.16. Juste le relire une dernière fois.
Est-ce qu'il n'aurait pas été opportun, par exemple, d'ajouter
dans le rapport du comité de déontologie les décisions qui
ont été prises par le comité? Je prends l'exemple de
quelqu'un qui fait une plainte. Le comité aura à rendre une
décision. On fait mention de la composition, de la teneur des mandats,
des conflits d'intérêts, des transactions
intéressées.
M. Bouchard: Oui. Je répondrais peut-être que
ça aurait pu être utile. Mais, encore une fois, la crainte qui
était à la base de la rédaction, il fallait le faire avec
beaucoup de prudence aussi pour ne pas donner l'impression que le comité
de déontologie, qui était censé être une
émanation du conseil d'administration qui a sa responsabilité
comme telle, transmettre au fond, ses décisions. C'est sa
responsabilité, comme comité de déontologie, de le faire.
Alors, l'Inspecteur n'a pas à se substituer aux décisions prises
par le comité de déontologie, pas plus que la Cour
supérieure ne va se substituer à une instance
inférieure.
Donc, il y avait quand même l'idée du respect du conseil.
Et [e me rappelle les discussions qu'on avait eues dans le cas des compagnies
de fiducie et de Desjardins où les gens étaient très
chatouilleux sur cet aspect de cette espèce d'omniprésence. Un
Inspecteur général, c'est cette espèce de mal
nécessaire ou de mal aimé, si vous voulez. Mais quand vous le
voyez à quelque part et que vous transmettez des documents, ça
prend l'allure d'une espèce de pouvoir empirique exorbitant qui fait
qu'on s'immisce même dans la gestion interne, qui leur donne l'impression
qu'ils n'ont plus de marge de manoeuvre, qu'ils n'ont même plus de
décisions à prendre, même s'ils en prennent une, que
ça doit être connu. Est-ce que c'est vraiment nécessaire
dans le contexte actuel?
Mais il y a quelque chose quand même. Il y a quelque chose qui
pourrait être utilisé dans des cas extrêmes. C'est comme le
président des États-Unis. Il peut déclarer une guerre
nucléaire, mais il ne le fait pas tous les jours. Il a le pouvoir de le
faire. Avec le nouvel article qu'on a inséré, on a étendu
les pouvoirs d'un Inspecteur général pour demander les
renseignements. On va le voir un peu plus loin. Demander tout renseignement
nécessaire pour l'application de la loi. Alors, si, à partir d'un
cas d'espèce, sans vouloir généraliser, on a des plaintes,
par exemple, sur un comité de déontologie et on a raison de
croire que, là, il s'agit d'une pratique financière, non pas
d'une pratique financière comme telle, parce que ce n'est pas
nécessairement relié à des opérations
financières, mais que l'assureur ne respecte pas, par l'entremise de son
comité de déontologie - parce que comité de
déontologie, conseil d'administration, c'est du pareil au même -
l'esprit de la loi, là, on pourra se prévaloir de l'article qu'on
verra un peu plus loin, l'article 316, pour demander tous les rapports que nous
jugerons nécessaires sur le comité de déontologie pour
juger de sa pertinence. Mais ça sera un cas extrême. On ne pourra
pas dire qu'on le fait systématiquement et que tous ces
rapports-là seront transmis et que là, les officiers,
l'Inspecteur et le personnel rentrent dedans.
M. Boisclair: Est-ce que dans votre rapport annuel, vous ferez un
survol de l'application, par exemple... Je n'ai pas pris connaissance du
dernier rapport annuel qui a été déposé
récemment en Chambre, si je ne me trompe pas. Est-ce que vous faites un
rapport de l'application de la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit? Entre autres, est-ce que, par exemple, il serait possible de
croire que, dans votre prochain rapport annuel, vous ferez état en
disant: Sur x compagnies d'assurances, tant se sont dotées de
comité de déontologie, tant ne l'ont pas fait, mais devraient s'y
conformer dans un avenir prévisible.
M. Bouchard: Non.
M. Boisclair: Est-ce que, d'une façon ou d'une autre...
Bien, un peu comme le Vérificateur général le fait sur un
certain nombre de critères qu'il détermine: Voici, tant de
ministères ont fait telle action. Tant se sont conformés.
D'autres ne le font pas. D'autres le feront bientôt. Est-ce qu'il serait
possible de croire que dans votre rapport annuel, c'est un genre de sujet que
vous pourrez aborder sans, bien sûr, mentionner les noms, mais, à
tout le moins, donner un survol pour informer les parlementaires de
l'efficacité de ces comités de déontologie?
Mme Robic: Je pense que les parlementaires ont tous la
possibilité d'obtenir cette information-là au moment de la
défense des crédits où, là, vous passez en revue
chacun des organismes et à ce moment-là, l'Inspecteur est en
mesure de répondre à ce genre d'inquiétude que vous
pourriez avoir.
M. Boisclair: L'Inspecteur doit rendre compte de ses
activités une fois par année...
Mme Robic: C'est juste.
M. Boisclair: ...dans le cadre d'un rapport annuel qu'il
dépose à l'Assemblée nationale. Moi, ce que je veux
savoir, c'est si, dans le cadre de cette obligation qui lui est faite...
Là, je ne sais pas s'il est obligé de le faire. Je lui demande.
Est-ce qu'il serait possible de croire que vous pourriez faire présenter
un état de la situation dans votre rapport annuel? Est-ce que, par
exemple, dans votre rapport annuel, vous faites mention des plaintes que vous
recevez?
M. Bouchard: Non. On n'indique pas... Vous ne l'avez pas dans le
rapport annuel que l'Inspecteur fait sur les assurances. L'Inspecteur
général, il fait beaucoup de rapports qui sont
déposés à l'Assemblée nationale, un rapport
spécifique sur les assurances, un rapport sur les caisses
d'épargne et de crédit, un rapport sur la loi sur les fiducies,
un rapport sur la tarification. Je n'ai pas l'impression que ce sont des
best-sellers qui sont lus par tout le monde comme Anatole.
M. Boisclair: Non.
M. Bouchard: Et un rapport de l'Inspecteur général
sur ses activités, sa responsabilité comme Inspecteur
général. Dans ce dernier rapport, on étudie tous les
services de l'Inspecteur et il est indiqué le nombre de plaintes que
nous avons reçues et les renseignements que nous avons traités
par division: la Direction générale des assurances, la Direction
générale des institutions de dépôt et la Direction
générale des intermédiaires de marché. On indique
les activités du personnel. Dans le rapport qui est fait sur
l'état des affaires des institutions financières, c'est un
rapport financier qui ne contient pas et ne contiendra jamais des
renseignements de nature confidentielle et qui portent sur les infractions ou
l'observance de la loi. C'est un rapport qui vous indique les assurances...
M. Boisclair: Oui.
M. Bouchard: ...que vous connaissez, même chose sur les
fiducies et même chose sur les caisses. C'est un rapport qui indique
l'état de la situation, le nombre d'assureurs, les actifs, les passifs,
les primes, le pourcentage, ainsi de suite. C'est un rapport statistique sur
l'état des affaires. Il n'y a pas de rapport public sur l'état
des compagnies ou l'état de l'observance de la loi comme telle. Ce
rapport-là, les renseignements sont fournis à la ministre de
façon confidentielle. (12 heures)
M. Boisclair: C'est quand même intéressant. Parce
que se demander jusqu'à quel point le consommateur... Parce que c'est la
aussi tout l'élément de la question. Il faut que. d'une
façon ou d'une autre, le consommateur soit informé de ses droits.
Et moi, je n'ai jamais vu, soit dans une compagnie d'assurances ou une
institution bancaire, des gens nous faire part de l'existence de comités
de déontologie ou de recours devant l'Inspecteur général
ou...
Mme Robic: Mais, d'un autre côté, on sait fort bien
que ceci étant un domaine sensible, le consommateur qui se sent
lésé ou qui se sent mal servi ou qui pense qu'il l'a
été, qui a eu un problème important avec une institution
financière, je pense bien qu'il ne s'en va pas chez lui pour tenter
d'oublier ça, il va agir là-dessus et c'est au niveau des
officiers qu'il va agir souvent. On responsabilise nos dirigeants, on
crée, on leur demande de créer des comités de
déontologie. Ces gens-là sont responsables des décisions
qu'ils prennent et avec possibilité de sanctions. Alors, je pense que ce
que l'on fait là, c'est très important et ça
protège certainement le consommateur, hein! Le consommateur qui s'en va
sur la place publique, vous savez ce que ça peut représenter pour
une institution financière. Alors, il a des moyens importants à
sa disposition, ce consommateur-là. Mais, également, M. le
Président, et je le dis: On tente de responsabiliser tous les niveaux,
puis il faut responsabiliser également le consommateur. Il est
d'ailleurs de plus en plus averti. Et je pense qu'il a des moyens importants
à sa disposition s'il veut s'en servir, s'il n'obtient réellement
pas satisfaction auprès de son institution.
M. Boisclair: Nul doute, en tout cas, que c'est un pas en avant
comparativement à la loi actuelle. Ça, c'est sûr que
personne ne va le contester.
Mme Robic: Mais, encore une fois, c'est révolution. Les
besoins ont changé, les conditions ont changé; peut-être
que ce n'était pas évident en 1984 que ces besoins étaient
là. Aujourd'hui, on s'en rend compte et on essaie de bonifier,
justement, la loi de 1984.
M. Boisclair: O.K. Adopté, M. le Président. Est-ce
qu'on pourrait suspendre juste deux minutes?
Le Président (M. Forget): Oui, on peut suspendre pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprisée 12 h 4)
Le Président (M. Forget): L'article 285.16 est
adopté. J'appelle l'article 285.17. Alors, Mme la ministre, des
commentaires?
Transactions avec des personnes
intéressées
et avec des personnes liées aux
administrateurs et dirigeants
Mme Robic: Alors, M. le Président, c'est une nouvelle
section qui traite des transactions avec des personnes
intéressées et avec des personnes liées aux
administrateurs et aux dirigeants. L'article détermine un principe selon
lequel un assureur ou sa filiale doit transiger à distance à
l'égard des personnes intéressées à l'assureur et
des personnes liées aux administrateurs et dirigeants de l'assureur.
M. Boisclair: La contestation dont il fait mention... À
quel genre de contestation fait-on référence?
Mme Robic: M. Bouchard.
M. Bouchard: Ah! Ça, c'est une règle, c'est un
fardeau de la preuve qui est très onéreux pour l'assureur.
M. Boisclair: Bien oui, c'est ça. Il appartient à
l'assureur ou à sa filiale de démontrer qu'il s'est
comporté...
M. Bouchard: Exactement. Alors, comme on dit que c'est un
régime... Au lieu de faire comme, par exemple, le gouvernement
fédéral qui lui adopte la théorie du "ban transaction"
sauf opérations permises, ici le ministre a une politique
différente. C'est une...
Mme Robic: Libérale...
M. Bouchard: C'est une opération, mais à la
condition que ce soit traité à distance avec
responsabilité et fardeau de la preuve très lourd dont toute
personne pourrait contester une décision, par exemple, un prêt ou
une transaction qui interviendrait entre la compagnie d'assurances et une
personne intéressée que vous allez voir plus loin, qui n'aurait
pas été fait à distance et qui, à sa face
même, ou suivant l'opinion de cette personne-là, confierait ou
accorderait un privilège à cette personne-là, alors qu'il
n'aurait pas dû, par exemple, l'actionnaire principal ou l'épouse
de l'actionnaire principal. Dans un cas de contestation, c'est l'assureur qui a
à démontrer qu'il a agi en traitant à distance. C'est
lourd, mais ça, c'est le prix à payer avec le permissif.
Le Président (M. Forget): M. le député de
Gouin.
M. Boisclair: Et vous pouvez autoriser, à certaines
conditions... Juste rapidement, la contestation dont on fait mention, ça
se fait devant qui? Quel recours? Devant les tribunaux? Elle pourrait venir de
qui, par exemple?
M. Bouchard: Toute personne intéressée, suivant les
règles du Code civil ou du Code de procédure civile. On l'a
prévu à l'article 327, même c'est précisé
à l'article 325.7: "L'inspecteur général, un
assuré, un membre, un créancier.
M. Boisclair: O.K. Adopté.
Le Président (M. Forget): Adopté. L'article 285.17
est adopté. J'appelle l'article 285.18. Mme la ministre, vos
commentaires.
Mme Robic: M. le Président, c'est un long article - je
regarde tout ça - qui définit qui sont les personnes
liées. Il y en a toute une série, M. le Président. On
s'inspire là-dessus de la Loi sur tes caisses d'épargne et de la
Loi sur les sociétés de fiducie.
Le Président (M. Forget): M. le député de
Gouin.
M. Boisclair: Je veux juste prendre le temps de le lire
attentivement, M. le Président.
Mme Robic: Oui.
M. Boisclair: Encore là, vous ouvrez la porte à des
modifications.
Le Président (M. Forget): Mme la ministre.
M. Boisclair: Non, ça va. Encore là, vous ouvrez la
porte à une modification possible à l'étendue de l'article
285 en vous réservant le pouvoir par règlements de modifier la
portée de l'article. On dit bien: Toute personne
déterminée par les règlements.
Mme Robic: C'est juste. Si on se rendait compte que la liste
n'est pas exhaustive et qu'il y avait peut-être un nouvel arrivant sur la
scène qui pourrait faire partie de ces personnes fiées, il
faudrait pouvoir facilement l'inclure dans cette liste. Ou tout simplement,
oui...
M. Boisclair: C'est ça...
Mme Robic: ...devant un rapport à l'Inspecteur qui
pourrait juger que c'est en réalité, malgré qu'il ne fasse
pas partie de ce groupe-là, une personne qui est liée.
M. Boisclair: L'article 14 est un article nouveau, qui ne
s'inspire d'aucune loi existante et, à plusieurs reprises, on retrouve -
à trois ou quatre reprises, on l'a vu dans l'étude du projet de
loi - cette référence aux règlements. On l'a vu pour les
acquisitions en aval, on le voit dans ce cas-ci et on l'a vu dans d'autres cas.
C'est une préoccupation qui n'existait pas au moment de l'adoption de la
loi sur les fiducies, en 1988, puisqu'on ne la retrouve pas, cette
disposition-là. D'où vient cette préoccupation de ne pas
tout se garder? Est-ce que c'est simplement parce qu'on veut être capable
de se garder une certaine souplesse à procéder par le processus
législatif?
Mme Robic: II y a ça. il y a également la
réalisation avec le décloisonnement... Il y a une
évolution qui se fait et on devrait... De là, la beauté
d'avoir un Rapport quinquennal qui nous force à regarder, tous les cinq
ans, la loi et à l'ajuster au besoin, mais il faut pouvoir agir, sans
doute, rapidement à des moments donnés et c'est ce qu'on se
donne. On veut avoir une loi
souple qu'on pourrait ajuster par règlements si le besoin
était.
M. Boisclair: Si le besoin s'en faisait sentir. Mme Robic: C'est
ça.
M. Boisclair: Je présume que vous tiendrez compte des
différents règlements que vous aurez eu à adopter au cours
des cinq prochaines années. Le prochain Rapport quinquennal est dû
pour...
Mme Robic: 1994.
M. Boisclair: ...1994. Je présume qu'à ce
moment-là vous ferez état des... De toute façon, on va
spéculer, là, c'est encore loin. Oublions ça.
Mme Robic: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285.18 est-il
adopté, M. le député?
M. Boisclair: Ça ne sera pas long. Oui, adopté, M.
le Président.
Le Président (M. Farrah): L'article 185.18 est
adopté. J'appelle maintenant l'article 285.19. "L'Inspecteur
général doit aviser toute personne qu'il désigne comme
étant intéressée conformément au paragraphe 15°
de l'article 285.18 ainsi que l'assureur concerné par cette
décision. "L'Inspecteur général peut, à la demande
de la personne ainsi désignée ou de l'assureur concerné,
réviser sa décision. "L'Inspecteur général doit,
avant de rendre sa décision ou d'en refuser la révision, donner
à la personne et à l'assureur concernés l'occasion
d'être entendus."
M. Boisclair: Qu'est-ce qu'il en est? Est-ce qu'on
pourrait...
Mme Robic: M. le Président, je voudrais revenir
peut-être à l'article 285.18. Si vous regardez la Loi sur les
caisses d'épargne et de crédit, vous retrouvez le même
article presque: Toute autre personne dont les intérêts ou
rapports avec une caisse sont, de l'avis de l'Inspecteur, susceptibles
d'influencer les placements et les transactions. Alors, c'est à peu
près... Ça veut dire la même chose. Alors, ici, à
l'article 285.19, l'Inspecteur a une obligation d'aviser la personne qu'il
désigne comme étant intéressée ou qui s'ajouterait
à la liste des personnes intéressées ou liées.
M. Boisclair: Mais là, on fait une liste des personnes
intéressées, à 285.18. À l'article 285.19:
"L'Inspecteur général doit aviser toute personne qu'il
désigne comme étant intéressée conformément
au paragraphe 15°..." Le paragraphe 15°...
Mme Robic: Oui. O.K. C'est là que je vous disais que
ça existe ailleurs.
Le Président (M. Farrah): Toute autre personne qui, de
l'avis de l'Inspecteur général, est susceptible d'être
privilégiée au détriment des intérêts de
l'assureur ou de ses assurés."
M. Boisclair: Est-ce que ce processus de révision... Il y
a des gens qui se sont prévalus des dispositions dans le cadre de la Loi
sur les caisses d'épargne et de crédit, de cette
possibilité, pour eux, de réviser votre demande de personnes que
vous aviez désignées intéressées? (12 h 15)
M. Bouchard: Non, pas encore, parce que c'est tout récent,
la loi sur les caisses. Ici, c'est le même principe que je vous ai
expliqué, par exemple, pour les règles de capital qui sont
déterminées par règlements, qui sont valables pour tout le
monde. L'Inspecteur peut, dans un cas particulier, avoir des exigences
particulières de capitalisation. Ici, ce qui est prévu à
l'article 285.18 et complété par l'article 285.19, c'est par
exemple un administrateur qui siège à un conseil d'administration
et qui, par sa décision, favorise constamment un de ses amis. Ce n'est
pas de la malice comme personne intéressée, mais on constate
qu'à un moment donné, il y a une concentration de prêts
toujours à la même personne. Alors, on dit: Ça commence
à être dangereux, ça commence à devenir une relation
privilégiée particulière. C'est l'équivalent, pour
nous, d'une transaction intéressée.
M. Boisclair: À une personne intéressée.
M. Bouchard: Alors, là, l'Inspecteur va dire: Je dis que
cette personne-là, c'est une personne intéressée. Par
ailleurs, je ne peux tout de même pas juger comme ça sans entendre
les parties. Alors, l'article 285.19 vient prévoir comment on le fait.
On avise l'aviseur, on avise l'assureur. Les personnes en question font valoir
leur point de vue, elles vont nous démontrer peut-être qu'on se
trompe, peut-être que ce n'est pas vrai. Avant de les juger, il faut les
entendre.
Le Président (M. Farrah): Est-ce que ça va, M. le
député?
M. Boisclair: Comment les entendez-vous? Ça se fait par
quel processus, concrètement?
M. Bouchard: On suit un peu... Enfin, remarquez qu'on ne l'a pas
fait dans le cas des caisses d'épargne et de crédit, mais dans
tous les cas d'audition - parce que dans toutes les lois, il y a des auditions,
entre guillements, ce n'est pas une véritable audition de
tribunal - c'est qu'on convoque les parties en leur donnant les raisons pour
lesquelles on les convoque, donc, pour ne pas que les parties soient surprises.
On donne un
délai suffisant, sauf que le délai peut être plus ou
moins court, dépendant de l'urgence. Si j'ai une compagnie qui a un
besoin urgent de capital et qui ne répond pas, on l'entend. On donne
toutes les chances de les entendre, soit par procureur, soit directement, en
respectant intégralement les règles de justice naturelle parce
qu'on sait très bien que le tribunal pourrait nous renverser. Alors, il
n'y a pas de chance à prendre quant aux règles de
procédure. Ensuite, on prend la décision et on la transmet.
M. Boisclair: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285. 19 est
adopté. J'appelle l'article 285. 20 qui se lit comme suit: "Les
opérations d'un assureur avec des personnes intéressées ou
avec des personnes liées à l'un de ses administrateurs ou de ses
dirigeants doivent être conformes aux dispositions de la présente
loi, de ses règlements et, le cas échéant, aux
règles adoptées par le comité de déontologie.
''
M. Boisclair: Là, il va donc falloir que le code de
déontologie prévoie des dispositions à cet égard.
Je suis convaincu que vous allez vous faire un devoir de vous assurer qu'il
comporte des règles. Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): L'article 285. 20 est
adopté. J'appelle L'article 285. 21. "Un assureur ne peut investir dans:
"1° la corporation qui le contrôle; "2° ta corporation qui lui
est affiliée et qui exerce des activités autres que celles
mentionnées aux paragraphes d. 1 et e du premier alinéa de
l'article 245 sauf s'il s'agit d'un holding en aval; "3° la corporation qui
détient directement ou indirectement 10 % ou plus des droits de vote
rattachés aux actions de l'assureur ou 10 % ou plus de telles actions;
*4° la corporation qui détient directement ou indirectement 10 % ou
plus des droits de vote rattachés aux actions de la corporation qui le
contrôle ou 10 % ou plus de telles actions; "5° la corporation qui
contrôle la corporation visée au paragraphe 3°; "6° la
corporation contrôlée par une personne qui détient
directement ou indirectement 10 % ou plus des droits de vote rattachés
aux actions de l'assureur ou 10 % ou plus de telles actions et, (e cas
échéant, le conjoint de cet actionnaire, son enfant mineur et
celui de son conjoint. "L'interdiction visée aux paragraphes 3° et
4° s'applique également à une personne physique, son
conjoint, son enfant mineur et celui de son conjoint. "
Mme la ministre, avez-vous des commentaires?
Mme Robic: M. Bouchard, je pense que c'est très technique
tout ça et j'aimerais peut-être que vous fassiez certaines
remarques.
Le Président (M. Farrah): Allez-y, M. Bouchard.
M. Bouchard: L'article 285. 21, c'est le seul article qui
interdit des transactions. Dans tout le système des transactions
intéressées, vous avez vu au tout début, c'était
permis. Ici, on vient limiter les cas où, même en traitant
à distance, même en traitant à la juste valeur marchande,
la transaction ne peut pas se faire. C'est vraiment limité au strict
minimum, en ne partant pas de rien, mais en s'inspirant beaucoup de ce qui
existait déjà à l'article 259 actuel qui interdisait tout
prêt, tout investissement fait à l'actionnaire principal et en
limitant, encore une fois, l'interdiction aux personnes qui sont
véritablement les plus susceptibles d'influencer l'assureur ou la
corporation qui la contrôle en sa faveur. Et là, c'est vraiment le
"ban transaction" total.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin.
M. Boisclair: L'article 285. 21 vient préciser les
domaines dans lesquels un assureur ne peut investir. Dans l'article 259 de la
loi actuelle - là, je veux juste être bien sûr que je
comprends bien - il y avait une liste restrictive avec laquelle un assureur ne
pouvait consentir un prêt.
M. Bouchard: Mais, ça, c'est l'article 259 et l'article
262 qu'il faut lire ensemble, les deux articles actuels. L'article 259 porte
sur les prêts et l'article 262 porte sur les titres.
M. Boisclair: C'est ça.
M. Bouchard: Donc, ils doivent être lus ensemble. Et vous
voyez que la plupart de ces dispositions-là sont maintenues dans le
nouvel article 285. 21, mais précisées en tenant compte d'un
contexte tout nouveau de l'actionnaire principal. Non seulement celui qui
contrôle, non seulement la maison mère, mais également
l'actionnaire principal et les personnes liées à cet actionnaire
principal là ou encore une notion très importante, par exemple,
surtout dans le conglomérat financier: prenez l'exemple d'un empire
comme Power Corporation, les institutions financières de Power
Corporation ne peuvent pas financer le journal La Presse, puis elles ne
peuvent pas financer les entreprises commerciales du groupe Des Marais.
Ça, c'est interdit.
M. Boisclair Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285. 21 est
adopté. J'appelle l'article 285. 22: "Une
transaction ayant pour objet l'acquisition par un assureur de titres
émis par une personne intéressée ou le transfert d'actifs
entre eux doit en outre être approuvé par le conseil
d'administration de l'assureur qui, le cas échéant, prend avis du
comité de déontologie. "Les mauvaises créances, les actifs
improductifs ou les actifs repris d'un débiteur en défaut ne
peuvent toutefois être transférés à un assureur sauf
s'il s'agit d'un transfert d'actifs en bloc qui s'effectue dans le cadre d'une
restructuration et que l'Inspecteur général a autorisé"."
Mme la ministre.
Mme Robic: M. le Président, je pense que l'article parle
par lui-même. Je n'ai pas de remarque particulière.
M. Boisclair: Ça va.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.22 est
adopté. À l'article 285.23, nous avons un amendement.
Mme Robic: C'est juste.
Le Président (M. Farrah): Alors, je lis l'amendement.
"À l'article 39, modifier l'article 285.23 par la suppression, dans la
deuxième ligne du cinquième alinéa, des mots "ou sa
filiale"."
Alors, dans un premier temps, on pourrait adopter l'amendement puis
passer à l'article après. Ça vous va, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: Oui, oui. Juste sur l'amendement.
Le Président (M. Farrah): Allez-y.
M. Boisclair: Quelle est la différence entre une filiale
et une corporation qui lui est affiliée?
Mme Robic: M. Bouchard. Une filiale et?
M. Boisclair: Une corporation qui est affiliée
à...
M. Bouchard: Affiliée, c'est ma soeur. M. Boisclair:
Oui.
M. Bouchard: Tandis qu'une filiale serait en ligne
descendante.
M. Boisclair: Pourquoi enlève-ton la filiale?
Mme Montminy: En fait, si je peux me permettre, c'est que le
premier alinéa...
Le Président (M. Farrah): Mme Montminy, c'est
ça?
Mme Montminy: Oui, c'est ça. Danièle
Montminy. Le premier alinéa introduit une règle applicable
aux assureurs par rapport aux personnes intéressées, mais elle ne
s'applique pas à la filiale. Alors, c'est un amendement de concordance
tout simplement qu'on apporte au quatrième alinéa puisque
là, c'est l'exception à la règle.
Le Président (M. Farrah): Est-ce que l'amendement à
l'article 39...
M. Boisclair: Je comprends.
Mme Montminy: C'est ça. C'est à peu près une
coquille finalement qui s'est glissée dans le projet.
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'amendement est adopté.
Est-ce que l'article 285.23 est adopté tel qu'amendé?
M. Boisclair: C'est intéressant de voir que, encore
là, c'est une obligation qu'on donne au comité de
déontologie de juger si les sommes sont minimes. C'est donc une autre
responsabilité qui s'ajoute à toutes celles qui étaient
inscrites à l'article du projet de loi qui traitait de cette question.
La décision du comité de déontologie à cet
égard sera finale.
Mme Robic: Ici, on permet la synergie, mais à certaines
conditions, hein?
M. Boisclair: Ça va être du sport dans
l'application, ça, hein? Je me vois faire partie d'un comité de
déontologie.
Mme Robic: Avec un conglomérat qui a des branches partout,
hein?
M. Boisclair: Est-ce que vous allez fournir un support quelconque
aux entreprises pour la création de ces comités de
déontologie-là, pour leur faire comprendre la loi et les
obligations qui sont faites aux comités de déontologie? Est-ce
que vous prévoyez un certain support aux entreprises de ce
côté-là?
M. Bouchard: Les compagnies communiquent avec nos professionnels
constamment pour les aider même à composer le code de
déontologie. Sans leur donner de modèle, on les aide à
mettre sur pied le système. On leur fait comprendre comme il faut. Par
exemple, pas plus tard qu'hier, j'ai reçu, en prévision de cette
loi-là qui est déposée maintenant par la ministre depuis
un mois, une des plus grosses compagnies du Québec qui est sur le point
de nommer ses conseils d'administration. Ils sont tous sur le point d'avoir
leur assemblée annuelle de la fin de janvier. Il faut bien s'assurer que
tous ces conseils d'administration, partout dans les filia-
les, parce qu'on a vu tout à l'heure qu'on ne peut pas
siéger à différents conseils d'administration d'assureurs
dans un môme groupe, sauf si on fait partie d'un groupe. Alors, elle n'a
pas pris de chance. Elle m'a envoyé trois feuilles avec des x partout de
personnes qui pouvaient siéger: Est-ce que c'est correct? Si je les
nomme à ces postes-là, est-ce que ça va être
correct? Alors, elles sont préventives.
Le Président (M. Farrah): Ça va, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: Oui.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.23 tel
qu'amendé est adopté. J'appelle l'article 285.24. J'aurais
peut-être une petite suggestion à vous faire, si vous permettez.
Même si on dépasse la demie un peu, si on pouvait finir l'article
39 au complet, étant donné qu'on a discuté de l'ensemble
des articles. C'est une suggestion tout simplement. Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Boisclair: Ah oui, oui, oui! Je consens, M. le
Président.
Le Président (M. Farrah): Est-ce qu'il y a consentement?
D'accord, M. le député de Gouin?
M. Boisclair: Oui, oui. Je consens.
Le Président (M. Farrah): On aura fait ce bloc-là,
je pense. Ce sera intéressant.
Mme Robic: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Alors, je vous remercie de votre
bonne collaboration. L'article 285.24 se lit comme suit: "Un assureur ne peut
consentir de prêts à une personne intéressée ou
à une personne liée à l'un de ses administrateurs ou de
ses dirigeants à des conditions plus avantageuses que celles qu'il
consent dans le cours normal de ses opérations, sauf si cette personne
est l'un de ses employés." Mme la ministre, vous avez des commentaires
en regard de cet article?
Mme Robic: Non. Là, encore, l'article est clair, M. le
Président. On ne défend pas, on permet, mais à certaines
conditions.
M. Boisclair: Peu importe la somme impliquée?
Mme Robic: Oui. Du moment...
M. Bouchard: Sauf qu'à l'article suivant, vous allez voir
qu'on a un tempérament quand même pour certaines choses, pour les
administrateurs et les dirigeants, vous avez. C'est le montant de la
rémunération ou le montant de la valeur de l'hypothèque.
Alors, c'est garanti.
M. Boisclair: Dans bien des cas, c'était limité
à 25 000 $, si je ne me trompe pas.
M. Bouchard: Oui, mais au lieu des 25 000 $ ici, on prend la
rémunération. Un dirigeant qui a 150 000 $, on va lui permettre
un prêt personnel de 150 000 $. Un dirigeant qui voudrait avoir un
prêt hypothécaire sur sa résidence qui en vaut 200 000 $ et
qui voudrait 300 000 $, ça va être interdit.
Mme Robic: Ça doit se faire aux conditions du
marché.
M. Boisclair: Oui, oui. Mais pour les employés, c'est une
pratique...
M. Bouchard: Pour les employés, c'est différent,
parce que ...les avantages, participation aux bénéfices et ainsi
de suite...
Le Président (M. Farrah): Adopté, M. le
député de Gouin?
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.24 est
adopté. J'appelle l'article 285.25. "Un assureur ne peut consentir de
prêts à l'un de ses administrateurs, de ses dirigeants ou à
une personne qui leur est liée pour un montant total excédant la
rémunération annuelle versée par l'assureur à cet
administrateur ou à ce dirigeant ou, si cet administrateur ou ce
dirigeant n'est pas rémunéré, le montant
déterminé selon les normes du comité de
déontologie, à moins que les prêts ne soient garantis par
une hypothèque de premier rang sur la résidence principale de
l'emprunteur." Mme la ministre, avez-vous des commentaires?
Mme Robic: M. le Président, encore là, je pense que
c'est clair. Ça ne demande pas de commentaires.
M. Boisclair: "...une hypothèque de premier rang sur la
résidence principale de l'emprunteur".
Le Président (M. Farrah): Une première
hypothèque.
M. Boisclair: Encore une obligation qui est faite au
comité de déontologie.
Le Président (M. Farrah): En fin de compte, il est bien
encadré, ce comité-là.
Mme Robic: Mais là encore, c'est à cause de notre
système qui est permissif, donc il faut encadrer toutes ces
activités-là à travers notre
comité de déontologie.
M. Boisclair: Alors, adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 285.25 est
adopté. L'article 285.26. "Un assureur doit, le cas
échéant, déclarer à son comité de
déontologie les prêts qu'il consent à une personne
intéressée ou à une personne liée à l'un de
ses administrateurs ou de ses dirigeants. "Cette déclaration indique le
nom de la personne intéressée ou de la personne liée, le
montant du prêt, l'échéance, le taux d'intérêt
et les garanties consenties.". Ça va, Mme la ministre? C'est clair.
Mme Robic: Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Gouin?
M. Boisclair: Ces déclarations qui sont faites au
comité de déontologie ne font-elles pas partie du contenu du
rapport annuel du comité de déontologie qui sera
déposé au Vérificateur général?
M. Bouchard: Le rapport annuel, on l'a vu tout à l'heure,
ça comprend seulement les cas dont ils sont saisis. L'article qu'on a vu
là, dans le rapport, c'est l'article 16.
M. Boisclair: Comment avez-vous...
M. Bouchard: La teneur des mandats et la liste des situations do
conflits d'intérêts et de transactions intéressées
dont le comité a pris connaissance. Mais son rôle n'est pas
surtout là. Vous avez vu, il a un pouvoir de législation
tellement grand pour encadrer tout ce qui se fait. Sa responsabilité
première, au fond, c'est de légiférer.
M. Boisclair: O.K. Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 285.26 est
adopté. Est-ce que l'article 39, dans son ensemble, tel qu'amendé
est adopté?
M. Boisclair: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Adopté. Alors, la
commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise à 16 h 47)
Le Président (M. Audet): Alors, je constate qu'il y a
quorum. Je déclare la séance ouverte et je vous rappelle le
mandat de la commission du budget et de l'administration qui est de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement
du Québec.
Mme la secrétaire, est-ce que vous pouvez annoncer les
remplacements, s'il vous plaît?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme
Bégin (Bellechasse) sera remplacée par Mme Loiselle
(Saint-Henri), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) par Mme Caron (Terrebonne), M.
Chagnon (Saint-Louis) par M. Bordeleau (Acadie), M. Lemieux (Vanier) par M.
Gautrin (Verdun) et M. LeSage (Hull) par M. Audet (Beauce-Nord). C'est
tout.
Le Président (M. Audet): Merci, madame. Alors, avant de
débuter l'étude du projet de loi, est-ce qu'il y a des remarques
préliminaires? M. le ministre, voulez-vous nous présenter votre
projet de loi, s'il vous plaît?
Étude détaillée du projet de loi
109
Remarques préliminaires
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi
que les membres de cette commission connaissent bien et que vous connaissez
bien vous-même, un projet de loi très court d'ailleurs, qui fait
certains amendements touchant essentiellement la structure de l'administration
supérieure de la Caisse de dépôt et placement du
Québec et qui fait en sorte de remplacer le P.-D.G. de la Caisse par la
nomination d'un président du conseil d'administration et chef de
direction et d'un président et chef de l'exploitation. Le projet de loi
indique leurs fonctions respectives et porte également à 11 le
nombre total de membres du conseil d'administration de la Caisse ayant droit de
vote.
Alors, M. le Président, ce projet de loi donne suite à une
décision gouvernementale annoncée déjà depuis
plusieurs mois. Je vous soumets, M. le Président, le désir que
nous avons de pouvoir procéder à l'étude article par
article de ce projet de loi.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Oui, M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Je pense qu'il s'agit, malgré ce qu'en
dit le ministre, d'un projet de loi important parce qu'il y a parfois de ces
petits changements qui ont des conséquences majeures sur la suite des
choses. Quant à moi, je suis d'opinion que c'est justement le cas qui
nous occupe ici. Je voudrais, à titre de remarques préliminaires,
faire quand même une certaine rétrospective
sur notre système financier et le rôle que la Caisse joue
dans ce système. Si je fais une citation de quelqu'un que vous
connaissez bien, peut-être la reconnaîtrez-vous. Je vais la lire et
je suis sûr que vous allez y applaudir. À plusieurs égards,
dit cette personne, notre système financier constitue une
réalisation remarquable du génie économique
québécois attribuable au dynamisme des dirigeants et
propriétaires des institutions ainsi qu'à une législation
financière maintes fols innovatrice. C'était d'un
ex-collègue du ministre des Finances actuel que nous avons devant nous,
qui s'appelait M. Pierre Fortier, dans sa préface du livre gris sur la
réforme des institutions financières qu'il a signée en
octobre 1987.
Les institutions financières jouent un rôle de toute
première importance dans une économie. Non seulement elles
permettent d'établir un système de paiement, à l'aide de
la monnaie évidemment, mais surtout elles permettent de récolter
l'épargne, d'en faire l'allocation qui est un élément
indispensable à l'investissement et au développement
économique. Si l'on revient en arrière, le retard
économique du Québec à la fin des années cinquante
n'est pas étranger aux lacunes du système financier
québécois. À titre d'exemple, rappelons qu'en 1901 les
grandes banques anglophones ne possédaient au Québec que 11 % de
leurs succursales canadiennes, ce qui était loin d'être la part
dans le Canada d'alors. Nous étions pratiquement 30 % de la
population.
La situation n'a guère changé puisque, en 1987, à
peine 12,6 % des succursales des cinq grandes banques anglophones
étaient situées au Québec. Outre Montréal et
Québec, le reste du Québec ne disposait pas d'un réseau
d'institutions financières capable d'allouer efficacement
l'épargne québécoise. L'absence d'institutions
financières francophones puissantes limitait et entravait le
développement économique du Québec, et, jusqu'à la
fin des années cinquante, on disait que les institutions
financières anglophones avaient le pouvoir d'ouvrir ou de fermer les
cordons de la bourse et d'ainsi contrôler les politiques
économiques du gouvernement du Québec.
Le manque d'intérêt des banques anglophones pour le
Québec aura permis de maintenir en vie, plus longtemps que dans le reste
du Canada, un certain nombre de petites banques francophones, en l'occurrence,
pour la plupart en tout cas. Celles-ci n'ont toutefois jamais été
en mesure de se développer suffisamment pour jouer un rôle
comparable à celui des grandes banques. Le peu d'égard des
grandes banques anglophones pour le Québec et l'absence de banques
francophones auront permis de développer tout un réseau de
caisses populaires. Aujourd'hui, le Mouvement Desjardins, avec des actifs de
plus de 44 000 000 000 $, est non seulement la plus grande institution
financière au Québec, mais elle se classe au sixième rang
au Canada derrière les cinq grandes banques anglophones. Le Mouvement
Desjardins constitue certes l'élément le plus original du
système financier québécois.
La réglementation des caisses d'épargne et de
crédit est de juridiction québécoise. Ce fait n'est pas
étranger au refus du gouvernement fédéral d'accorder un
statut juridique aux caisses populaires au début du siècle.
Après des années de "lobbying" auprès d'Ottawa sans
obtenir de succès, Alphonse Desjardins se tournait vers Québec
où il obtenait gain de cause le 9 mars 1906 et, depuis, la
législation québécoise a accordé à
Desjardins une série d'avantages qui lui ont permis d'offrir des
services que les banques ne pouvaient offrir. En fait, Desjardins aura
été la première institution financière à
bénéficier du décloisonnement. Son succès n'est
sans doute pas étranger à la réforme des lois sur les
institutions financières amorcée par le gouvernement du
Québec au début des années quatre-vingt.
Malgré le développement remarquable du Mouvement
Desjardins, cette institution concentrait encore ses efforts sur les
activités de financement de ses membres par des prêts personnels,
mais surtout par des hypothèques. Au début des années
soixante, l'absence de grandes institutions aptes à agir comme levier
économique faisait encore cruellement défaut au Québec. Ce
levier économique, les Québécois se le sont donné
en 1965, avec la création de la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Le Québec aura cependant été
obligé d'affronter le gouvernement fédéral et de faire
preuve de détermination afin de pouvoir contrôler les flots
d'épargne considérables générés par
l'instauration des régimes de rentes universels, le Régime de
rentes du Québec que nous connaissons bien. Et, depuis sa
création jusqu'à aujourd'hui, le gouvernement du Québec
s'est préoccupé de procurer à la Caisse de
dépôt et placement du Québec une taille critique lui
permettant de pleinement jouer le rôle que la loi lui donnait en
1965.
C'est ainsi qu'au Régime de rentes du Québec, des
institutions comme la CARRA, la CSST et la Société de l'assurance
automobile se sont ajoutées à la liste des déposants de la
Caisse de dépôt. Aujourd'hui, la Caisse de dépôt
dispose de plus de 37 000 000 000 $ d'actifs, ce qui en fait la septième
institution financière au Canada et le plus important
propriétaire d'actions canadiennes au pays. Donc, juste derrière
le Mouvement Desjardins, nous trouvons la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Par ailleurs, la fusion de la Banque Provinciale et
de la Banque Canadienne Nationale, survenue en 1979, procure finalement au
Québec une grande banque francophone qui, avec des actifs de 30 000 000
000 $ en 1987, la Banque Nationale du Canada, maintenant la sixième plus
grande banque canadienne et la huitième institution financière
canadienne par la taille de ses actifs.. Donc, cette fois-là,
derrière le Mouvement Desjardins et derrière la
Caisse de dépôt, nous trouvons la Banque Nationale du
Canada. Donc, ces trois institutions financières constituent les trois
grands piliers du système financier québécois. Et c'est
grâce à ces institutions que le Québec dispose aujourd'hui
d'un secteur financier diversifié et efficace qui lui permet d'affronter
un monde où les affaires ne connaissent plus de frontières.
À cet égard, il est bon d'indiquer que, depuis une quinzaine
d'années, les institutions financières québécoises
démontrent une ouverture marquée sur les marchés
internationaux. Il s'agit d'un fait historique qui démontre
l'émancipation du Québec depuis une trentaine
d'années.
Outre ces trois grandes institutions, les Québécois ont
également fait preuve d'originalité en étant les premiers
au Canada à se lancer dans l'aventure du décloisonnement des
institutions financières au Canada. Et c'est grâce à la
réforme entreprise par le gouvernement du Parti québécois,
poursuivie par l'actuel gouvernement - à tout seigneur, tout honneur, M.
le ministre des Finances - que le Québec a vu croître plusieurs
importants groupes financiers. On a parlé du Mouvement Desjardins, mais
il faut aussi mentionner La Laurentienne, L'Entraide, Coopérants,
L'Industrielle-Alliance. Et dans le milieu bancaire, on parle maintenant
d'équité et on réclame d'Ottawa les avantages
déjà consentis par Québec à ces institutions. Le
Québec demeure encore aujourd'hui le leader en matière de
législation financière.
La politique québécoise en matière d'institutions
financières vise deux objectifs principaux: améliorer les
services offerts aux Québécois et permettre de développer
des institutions financières plus fortes et aptes à affronter la
concurrence internationale. Et l'impressionnant développement du groupe
La Laurentienne et de L'Industrielle-Alliance n'est pas étranger au
leadership du gouvernement québécois. Donc, en 1990, le
Québec dispose d'un réseau d'institutions financières
diversifié, puissant, efficace qui le place en bonne position pour
affronter les défis de l'avenir et assurer son autonomie. Au fil des
années, le Québec a développé une expertise dans
ces matières qui en font un leader au Canada. Et lorsqu'on voit les
remarques de la Chambre de commerce du Québec à l'effet que le
Québec ait pleine juridiction, je pense que nous y souscrivons.
M. le Président, pour résumer tout cela à ce point,
nous avons trois grandes institutions financières majeures. La
première, c'est le Mouvement Desjardins, la deuxième, c'est la
Caisse de dépôt et placement et la troisième, c'est la
Banque Nationale du Canada, toutes avec des actifs qui dépassent
maintenant les 33 00 0 000 000 $, 34 000 000 000 $, 35 000 000 000 $. Donc,
nous avons ici, dans ce projet de loi, une de ces deux institutions, la
deuxième, finalement, au Québec dont les actifs viennent
d'épargnes du Québec. C'est dans ce sens-là que n'importe
quoi, n'importe quel projet de loi, n'Importe quelle décision qui va
affecter la Caisse de dépôt et placement va revêtir son
importance.
Alors, ce qu'on peut aussi souligner, qui l'a été
abondamment dans de la littérature, dans des articles de journaux et
particulièrement au cours de l'hiver, du printemps dernier, de
l'été, c'était la réussite de la Caisse de
dépôt et placement qui est partie, lors de sa création, en
1965, de 2 300 000 000 $ et qui en est maintenant à 37 000 000 000 $. La
Caisse de dépôt et placement joue ce rôle déterminant
à l'intérieur... Je l'ai située dans la grande panoplie de
nos institutions financières, mais il faut dire qu'elle touche
pratiquement chacun des Québécois, tous ceux qui ont des rentes.
Et ça, ça veut dire que tous les travailleurs du Québec
ont, d'une façon ou d'une autre, directement, mais surtout
indirectement, des fonds, des épargnes à la Caisse de
dépôt et placement, institution considérable. (17
heures)
Et voilà, nous avons maintenant ce projet de loi. Alors qu'on
peut dire que depuis sa création, la Caisse de dépôt et
placement a connu un succès extraordinaire, nous en arrivons avec des
changements proposés par le gouvernement à l'heure actuelle.
Personne ne s'attendait à de tels changements, parce qu'au fond, tout le
monde va convenir que lorsque nous avons une combinaison gagnante, ce n'est pas
le moment de changer les dispositions qui l'affectent, de changer sa structure,
de changer son organigramme.
Mais c'est pourtant ce qu'on nous convie à faire dans le
présent projet de loi. M. le Président, on nous a dit, en
deuxième lecture, que les changements qui étaient proposés
voulaient aligner la structure de la Caisse de dépôt et placement
sur celle d'Hydro-Québec. C'a été une
référence qu'on a abordée assez
régulièrement. J'ai été voir dans la Loi sur
Hydro-Québec, pour m'apercevoir que, finalement, parmi des dispositions
pratiques, concrètes, ce qui était proposé n'était
pas du tout ce qu'il y avait dans la Loi sur Hydro-Québec. Dans la Loi
sur Hydro-Québec, c'est le gouvernement qui nomme les dirigeants, donc,
un décret du Conseil des ministres. Dans l'actuel projet de loi, c'est
l'Assemblée nationale qui nomme ces deux personnes. C'est fort
différent. Un vote de l'Assemblée nationale. Moi, c'est ce que
j'ai lu dans ce projet de loi, et je voudrais qu'on...
M. Levesque: ...me permet de me lire à l'endroit où
il a lu ça, là.
M. Léonard: Dans le projet de loi, vous l'avez à
l'article 2, il me semble bien. Ah! c'est pour la destitution que c'est
l'Assemblée nationale. Oui, très bien, mais ce que ça veut
dire, c'est qu'une fois qu'ils sont nommés, ils sont inamovibles. Et
donc, à mon sens, ce n'est pas la
disposition qu'on retrouve dans la Loi sur HydroQuébec. En
réalité, je suis content qu'on me fasse la correction maintenant,
mais ces deux personnes étant nommées, elles sont en poste pour
10 ans, elles ne peuvent être destituées, ni voir leur salaire
réduit. En quelque sorte, après la décision, c'est
terminé pour 10 ans.
Et ce que je dois comprendre dans tout cela, c'est qu'on Introduit,
à mon sens, un élément conflictuel. En
réalité, lorsqu'une personne aura été nommée
à ce poste, lorsque les deux personnes auront été
nommées, s'H survenait un conflit, 9 me semble évident que le
seul organisme qui peut trancher, ça va être finalement
l'Assemblée nationale, puisque c'est ça qui va se retrouver. Il
me semble qu'on vient de nommer deux têtes pour diriger un organisme.
Et la question qu'on peut poser, c'est: Pourquoi le gouvernement a-t-il
décidé de procéder ainsi? Je n'ai pas vu, même dans
le privé, une telle disposition, où on est obligé de
revenir à l'Assemblée nationale pour nommer des gens, pour
destituer des gens, dénommer des gens. Mais la disposition pratique
revient au même, parce que, au fond, dénommer, en cas de conflit,
c'est la chose qu'on est parfois obligé de faire. Dans les grandes
corporations qu'on nous cite aussi en exemple, lorsqu'il y a conflit,
évidemment, le conseil d'administration en vient à prendre ces
décisions. Ce n'est pas l'assemblée des actionnaires, à
mon sens, qui prend la décision. Mais surtout, ce qu'il y a
d'indiqué très clairement, c'est qui est le patron de l'autre et,
en cas de conflit, le supérieur a un pouvoir sur l'autre personne.
M. le Président, à un moment donné, des gens nous
en ont parlé, ils nous ont référés à ce qui
avait été dit par exemple dans le discours de M. l'ex-ministre de
l'Énergie et des Ressources, qui était M. le député
de Mont-Royal à l'époque, qui avait émis ses idées
sur le principe du projet de loi 32, en 1988. Ce qu'on prétend vouloir
faire, c'est assurer le bon fonctionnement de la société
d'État, en la dotant d'une direction supérieure souple,
adaptée à un environnement complexe. Et on a aussi donné
l'exemple d'Alcan, de la Banque Royale, de Bell Canada, de Petro-Canada, de la
Banque Nationale du Canada, où il y a un président du conseil et
chef de la direction et, par ailleurs, un président de l'entreprise et
chef de l'exploitation. Il me semble que nous ne nous retrouvons pas dans la
même situation, absolument pas. L'organigramme, à mon sens, ne
correspond pas à la même situation. C'est tellement vrai que
lorsqu'on creuse davantage, on s'aperçoit que cette décision a
été rendue publique, c'est-à-dire une décision de
nommer des personnes a été rendue publique et, ensuite, on a
annoncé qu'on modifierait le projet de loi constituant la Caisse de
dépôt et placement. Mais cette décision a été
annoncée alors qu'on n'avait pas discuté de réorientation
de la Caisse à la table du conseil d'administration. Ça,
ça me paraît déterminant. Ça me paraît la
première chose à faire lorsqu'on veut changer une structure,
lorsqu'on veut changer un organigramme. On va discuter des orientations, c'est
ce que l'on cherche, ce que l'on vise et les personnes habilitées
à le faire siègent au conseil d'administration ou bien ce conseil
d'administration n'a plus de raison d'être. Je ne vois pas pourquoi on
nomme, on désigne un conseil d'administration, si c'est pour ne pas
l'informer, si, lorsqu'il s'agit de réorientation, on n'en parle pas
avec lui; et, à mon sens, il fallait d'abord en parler à
l'administration.
Je dirais aussi que, peut-être, on aurait pu procéder
à la nomination de quelqu'un avec des Idées, certaines
idées, peut-être bien, pour pouvoir en discuter avec lui. En
l'occurrence, on aurait pu en discuter, par exemple, avec M. Jean-Claude
Delorme, après avoir désigné possiblement - encore
là, c'est selon la structure actuelle... Et à mon sens, il
fallait au moins éviter de donner une décision publique, parce
que c'était une indication, c'était non seulement une indication,
c'était mettre le conseil d'administration en face d'une décision
déjà prise, qui doit découler d'orientations
déjà prises. C'est ça, c'est là que le bât
blesse, parce qu'au fond il aurait fallu discuter de ces orientations,
désigner une personne, peut-être bien, si le gouvernement les
avait, mais il n'y a aucune directive publique qui a été rendue
publique, sauf une décision émanant d'un décret,
même pas, je pense, d'une annonce du bureau du premier ministre. C'est
comme cela que, finalement, le conseil d'administration a regimbé, je
pense que c'est inhabituel que des membres de ce conseil d'administration, qui
comporte des gens très importants dans la société
québécoise, aient eu à émettre leur
désaccord par rapport au moins au processus. Par exemple, le
président du Mouvement Desjardins, M. Claude Béland, a dit qu'il
n'avait pas été consulté, qu'il trouvait très
curieuse la façon de procéder. On pourrait retrouver ses
expressions qui étaient, d'ailleurs, dures, à mon sens, polies
mais dures; d'autres ont été plus colorées. Tout le monde
se le rappelle. Le conseil d'administration qui s'est réuni pour une
décision, quant à l'organigramme, en a discuté
lui-même dans sa réunion du 12 juillet 1990 et il a opté
pour une structure différente de ce qui avait été
annoncé pour introduire une autre personne qui soit entre le
président-directeur général et les vice-présidents
et partager les tâches en quelque sorte. On voit tout de suite que le
conseil d'administration avait l'air plutôt d'entériner une
décision déjà prise, ce dont il s'est plaint. C'est ainsi
que trois des cinq premiers vice-présidents, ceux de la planification et
relations avec les déposants, des affaires juridiques et
institutionnelles et placements immeubles, d'administration et contrôle,
sont placés directement sous l'autorité du
président-directeur général qui va devenir, selon
les plans, les décisions annoncées à l'époque,
président du conseil d'administration et chef de la direction. C'est ce
qu'on retrouve ici dans le projet de loi 109.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Labelle, si vous pouviez conclure. On a échappé un peu le temps,
alors...
M. Léonard: Non, je pense que je n'ai pas
dépassé mes 20 minutes.
Le Président (M. Audet): Non.
M. Léonard: En tout cas, M. le Président...
Le Président (M. Audet): C'est pour ça que je vous
demande de conclure.
M. Léonard:... je pourrais... Très bien. M. le
Président, en conclusion, il y a des modifications majeures entreprises
sans discussion quant aux orientations et on a indiqué d'emblée,
sans discussion avec les conseils d'administration, un organigramme qui devrait
avoir été la conséquence plutôt d'une
réflexion avancée au conseil d'administration, alors que
ça n'a pas été le cas, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député
de La Prairie...
M. Lazure: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet):... vous avez 20 minutes.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. C'est un peu triste
d'avoir à exprimer notre opposition la plus féroce possible
à ce projet de loi. C'est un peu triste parce que cette année on
célèbre le vingt-cinquième anniversaire de la
création de la Régie des rentes et de la Caisse de
dépôt et placement. Parce que la Caisse de dépôt et
placement a accompagné, sinon suivi de très près, la
création de la Régie des rentes. Et il faut rendre hommage
à des gens clairvoyants à l'époque, au début des
années soixante, à l'époque où le Parti
libéral était progressiste, où il y avait des
éléments progressistes dans le Parti libéral, dans ce
temps-là, à commencer par M. Lesage et son équipe du
tonnerre. Et on est privilégié, dans un sens, au plan humain,
d'avoir le ministre des Finances qui a fait partie de cette équipe du
tonnerre. Au plan humain, je dis bien, mais au plan politique, on est
obligé de le critiquer, parce qu'il s'est fait complice d'un geste de
son chef qui est reprehensible, ce geste-là. Et moi, je suis sûr
que son premier patron, M. Lesage, n'aurait pas posé un tel geste, le
geste que son chef actuel a posé, il y a quelques mois, en nommant le
collecteur de fonds la personne numéro deux à la Caisse de
dépôt et placement. Donc, des gens clairvoyants, l'équipe
du tonnerre des années soixante. Il y avait aussi l'autre
Lévesque évidemment, celui qui, à un moment donné,
ne pouvait plus endurer, tolérer les hésitations
constitutionnelles de son chef à l'époque et de ses
collègues au parti et qui a senti le besoin de sortir de cette formation
et de créer le Parti québécois qui va bientôt faire
avancer de façon importante le Québec vers son destin.
Donc, c'est triste parce que pas plus tard que la semaine passée,
on célébrait, avec les dirigeants de la Régie des rentes,
le vingt-cinquième anniversaire, comme je le disais, mais je ne pense
pas que les gens à la Caisse de dépôt et placement aient le
goût à la fête ces jours-ci, depuis quelque temps. Les gens
de la Caisse de dépôt et placement ont très mal
réagi. Ils ont observé évidemment le devoir de retenue,
ils ont été discrets, mais c'est bien évident qu'ils
n'étaient pas contents, comme d'ailleurs l'ensemble des
éditorialistes n'étaient pas contents du tout, du tout.
Mais cette création de la Caisse de dépôt, avec la
Régie des rentes, a eu des répercussions considérables sur
le développement économique au Québec, la
société québécoise. Ça a pris un certain
nombre d'années avant qu'on en récolte les fruits, mais c'est
fait. En grande partie, les fruits sont bien visibles depuis quelques
années. Avec des actifs qui frôlent les 40 000 000 000 $, non
seulement c'est un énorme bas de laine des épargnes des
Québécois pour leur assurer une retraite convenable par le biais
du Régime de rentes, mais aussi, deuxième mission de la Caisse de
dépôt et placement et aussi importante que la première,
c'est de stimuler le développement économique, c'est de servir de
bras gouvernemental à la prise en main par les Québécois
de leur économie, parce que Dieu sait que, quand on se replace il y a 25
ans, ce n'était pas large, le pan de l'économie qui appartenait
aux Québécois. Ce n'était pas large, c'était un
tout petit pan de mur qui était très fragile. (17 h 15)
Alors, aujourd'hui, grâce, en grande partie, au geste
éclairé de la Caisse de dépôt du Québec, on a
vu non seulement le développement d'institutions financières qui
existaient déjà, mais aussi on a vu surtout le
développement d'industries secondaires, les PME. On a vu aussi la prise
de contrôle de plusieurs grandes industries primaires dans le secteur des
pâtes et papiers par exemple. Et on pourrait énumérer toute
une série d'entreprises, où, à cause de la sagesse de la
Caisse de dépôt et placement du Québec, on a maintenant une
emprise. La société québécoise a une emprise
beaucoup plus considérable sur sa propre économie. Au lieu
d'être une économie de
type colonial comme celle qui existait dans les années cinquante
ou au début des années soixante, nous avons maintenant un type
d'économie que j'appellerais semi-autonome. Un peu comme le statut
politique du Québec d'ailleurs, semi-autonomie. Nous, on ne va pas se
contenter politiquement de cette semi-autonomie, comme les
Québécois ne veulent pas se contenter d'une semi-autonomie
économique. Il faut aller vers une économie complète.
Et dans cet hommage que je rends à l'équipe des
clairvoyants, il ne faut pas oublier un conseiller spécial du premier
ministre Lesage à l'époque que nous, nous connaissons bien, qui
est devenu notre chef, chef du Parti québécois, chef de
l'Opposition et qui a été un des principaux conseillers de M.
Lesage, de l'équipe du tonnerre, dans la négociation très
dure avec le gouvernement fédéral à l'époque. Et il
y a aussi, puisqu'on est à la période des hommages, le consort le
prince consort de l'honorable Jeanne Sauvé, de ma tante Jeanne, le
prince consort Maurice Sauvé qui a joué un rôle important
et le ministre des Finances s'en souvient. Le ministre des Forêts
à l'époque, Maurice Sauvé, a été un
intermédiaire extrêmement précieux dans la
négociation qui a eu lieu entre Québec et Ottawa Parce qu'il faut
se rappeler qu'Ottawa voutait créer une seule Régie des rentes
pour l'ensemble du Canada, y compris pour le Québec, et ç'a
été un geste extrêmement heureux que le gouvernement
libéral de l'époque, progressiste qu'il était dans ce
temps-là, qui ne l'est plus maintenant, à l'époque, dise:
Non, le Québec doit avoir sa propre Régie des rentes, son propre
Régime de rentes et, par conséquent, ensuite la Caisse de
dépôt et placement du Québec venait comme un
complément nécessaire.
C'est une histoire de succès à répétition
depuis plusieurs années, Les placements de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Et on pourrait sortir les
rapports annuels et on se rendrait compte que le taux des intérêts
et le taux de fructification, si on veut, du capital est toujours plus
élevé que la moyenne pour des institutions semblables. Donc, on
peut être fiers de cette Caisse de dépôt et placement du
Québec et elle fonctionnait très bien. On peut s'étonner
du fait que ce gouvernement arrive tout à coup et chambarde cette
Caisse, alors que c'était une formule gagnante. Pourquoi changer une
formule gagnante? Tout le monde s'est posé la question. Créer une
direction à deux têtes, est-ce qu'on a une idée du genre de
problèmes qu'on va susciter? Il n'y en avait pas de problème de
leadership les 10 dernières années avec M. Jean Campeau, les
années précédentes avec M. Cazavan. Il n'y en avait pas de
problème de direction.
On savait, les gouvernements savaient, les institutions
financières savaient, le public savait qu'il y avait un patron à
la Caisse de dépôt et placement du Québec et qui
était au-desssus de tout soupçon. Mais ce ne sera pas le cas
maintenant, il va y avoir deux patrons à la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Et on sait qu'il y aura des problèmes. Et
on prétend, par cette loi-là, dire: Bon, s'il y a des
problèmes, l'Assemblée nationale réglera ça. Voyons
donc, ça n'a pas d'allure, comme dirait la députée de
Johnson. Il faut vraiment revenir aux critiques acerbes qui ont
été exprimées à l'égard de cette nomination.
Je cite un éditorial du journal Le Soleil: Les basses oeuvres
à la Caisse. La Caisse de dépôt et placement du
Québec reçoit une publicité dont elle se serait bien
passée cette semaine. C'est le vendredi 1er juin 1990. Le gouvernement
vient de nommer M. Jean-Claude Delorme, personnage apolitique dont nul ne remet
en cause la compétence. Peut-être n'a-t-il aucune
compétence des marchés financiers, mais il apprendra vite. Mais
le premier ministre Bourassa le flanque du comptable Guy Savard, sans doute
efficace, si on en juge par l'état de la caisse électorale du
Parti libéral du Québec, mais entaché d'une
mésalliance partisane inacceptable.
Que la Caisse de dépôt et placement du Québec passe
à travers le collimateur du patronage politique brise une tradition
d'objectivité et de sérieux fondée sur 25 ans de ce que
l'on peut appeler bons et loyaux services au Québec. Le gouvernement a
même décidé de modifier la législation en
catastrophe pour permettre cette pirouette à tout le moins
étrange au plan de l'éthique. Rentable pour les retraités
québécois qui lui confient leurs régimes de rentes
publics, rentable pour l'économie par son appui constant à la
formation de groupes financiers et industriels contrôlés par des
francophones, la Caisse de dépôt et placement du Québec ne
survivra pas à une renaissance du patronage à la Gérald
Martineau, celui qui détenait les clés de la caisse
électorale de Maurice Duplessis. Ça va rappeler des souvenirs au
ministre des Finances aussi. Parce qu'il a connu cette époque où
le premier ministre Duplessis avait son grand collecteur de fonds, qui
s'appelait Gérald Martineau, et qui faisait la pluie et le beau temps
dans tous les organismes gouvernementaux. Il fut facile jadis de mobiliser les
Québécois pour sauvegarder les pouvoirs de la Caisse contre le
fameux projet de loi S-31 présenté par les libéraux
fédéraux. Vue comme objet de convoitise partisane, confiée
en partie à un individu qui, la semaine avant sa nomination, tentait
encore d'amasser des fonds pour un politicien libéral, la Caisse aura
désormais - et c'est là que c'est grave, - du mal à
convaincre la population qu'elle défend les intérêts de
tous hors de tout conflit d'intérêts. "L'assiette au beurre semble
sous contrôle", dit Le Nouvelliste le mercredi 6 juin: "Tout
récemment, la nomination à la Caisse de dépôt d'un
percepteur de fonds libéral, Guy Savard, a été
reprochée avec raison à M. Bourassa. On comprend mal que le
premier ministre ait voulu ou qu'il ait approuvé cette nomination, lui
qui
cherchait visiblement, depuis son retour en politique, à effacer
l'image déplorable qu'il s'était acquise au cours des
années soixante-dix". "La succession de Campeau", Le Devoir, le
1er juin: "Avant même que la loi ne soit modifiée et sans qu'un
débat n'ait eu lieu à l'Assemblée nationale sur la
nécessité de modifier la haute direction de la Caisse de
dépôt, le gouvernement a procédé à une autre
nomination qui laisse planer des doutes sur la gestion future de la Caisse de
dépôt. Celle-ci a beau avoir atteint sa maturité, elle
navigue encore dans un environnement économique périlleux. Son
personnel est plus expérimenté, mais la Caisse aura besoin d'une
équipe unie et très motivée pour passer à travers
l'étape qui l'attend désormais". M. le Président, La
Presse, le samedi 22 juin: "Une question de confiance". Un article de
Claude Picher, il s'y connaît, c'est le chroniqueur économique
à La Presse. "La Caisse de dépôt doit être
au-dessus de tout soupçon. Elle se sert non seulement de ses
dépôts de 40 000 000 000 $ pour financer les régimes de
rentes, mais aussi comme d'un véritable levier économique. Et il
est normal qu'elle entoure ses activités d'une certaine
discrétion. Personne, société d'État ou non, n'a
avantage à préparer une prise de contrôle, une
coparticipation ou un montage financier au su et au vu de tous. Les
Québécois doivent faire confiance à la Caisse et pour
cela, ils ne doivent pas entretenir la moindre poussière de doute sur
ses hauts dirigeants. Or, peu importent les qualités personnelles et
professionnelles de M. Savard, sa nomination laisse flotter beaucoup plus
qu'une poussière dans le paysage".
Finalement, M. le Président, je voudrais qu'on retienne, que les
députés ministériels retiennent aussi - et ils sont libres
de s'exprimer sur la question, je ne pense pas qu'ils soient
bâillonnés par leur leader, leur chef - qu'il est dommage que, par
la nomination de ce collecteur de fonds, la Caisse de dépôt se
voie miner en partie, pas totalement, mais en partie, dans sa
crédibilité. C'est un changement de structures qui, de toute
évidence, a été fait sur mesure pour accommoder M. Savard,
pour accommoder le premier ministre et son Conseil des ministres qui avait une
dette de reconnaissance à payer envers M. Savard. Ils prennent la
décision de le nommer, mais ils se rendent compte par la suite qu'il va
falloir des changements à une loi. Et on va lui faire un habit sur
mesure, on va lui faire une loi à sa mesure, mais on ne se
préoccupe pas des répercussions, non seulement dans les milieux
financiers - je viens d'y faire allusion par des commentaires
d'éditorialistes - mais aussi à l'intérieur même de
l'équipe de la Caisse. L'équipe de la Caisse s'identifiait bien
à son grand patron - qu'il se nomme Campeau ou Cazavan, peu importe, ou
Prieur, maintenant décédé - et ¦I y avait, dans
cette équipe de la Caisse de dépôt, des employés de
la Caisse de dépôt, du personnel, une motivation, un climat de
travail particulièrement dynamique.
Il me semble, M. le Président, que le gouvernement aurait
été avisé d'au moins consulter les grands patrons de la
Caisse. Qui sont-ils, les grands patrons de la Caisse? Bien, c'est le conseil
d'administration. Et à la courte honte du gouvernement actuel, le
conseil d'administration n'a même pas été consulté,
imaginez-vous/ Même pas été consulté. Ces
gens-là qui, depuis 1985, se sont fait inspirer beaucoup par la
philosophie Provigo, à tel point qu'on a même parlé
d'État Provigo, ces gens-là n'auraient pas osé faire
ça à une entreprise privée, imposer un patron à une
entreprise privée, un numéro un ou un numéro deux, sans
consulter le conseil d'administration; mais ils le font, ils le font pour la
plus importante de nos organisations, le plus important de nos organismes
publics gouvernementaux, la Caisse de dépôt et placement.
C'est grave, ce qu'ils ont fait! C'est une insulte à ces
personnalités, qu'ils viennent du monde patronal ou du monde syndical ou
du monde de la finance - comme Claude Béland, du Mouvement Desjardins -
ces gens-là n'ont pas été consultés. Ils ont appris
après le fait que M. Bourassa avait décidé qu'il allait
verser une récompense quand même intéressante à M.
Savard. C'est quoi, son salaire? 130 000 $ plus 60 000 $ de prime au
départ, à part tous les autres comptes, évidemment, hein?
Ce n'est pas une petite fiole de rien, ça. Puis ça, c'est pour 10
ans, sécurité complète pour 10 ans. On a fait fi de
l'avis, on n'a pas voulu, on n'a pas osé demander l'avis du conseil
d'administration de peur de se faire dire par le conseil d'administration,
probablement, que non, ce n'est pas une bonne idée. Deux choses: ce
n'est pas une bonne idée de changer la structure à la direction
de la Caisse, parce que ça allait très bien, tout le monde
convenait que ça allait très bien, on n'avait jamais entendu de
critiques sur la forme de structure de la Caisse, et deuxièmement, ce
n'est pas une bonne idée de nommer un "patro-neux", comme numéro
deux, ou quasiment un numéro un en réalité. Où
est-ce qu'il se situe? Il n'est pas tout à fait numéro deux, pas
tout à fait numéro un, il est "un et demi". C'est un "un et demi"
qu'on a nommé, M. Savard, alors, imaginez-vous!
Puis, M. Savard a eu le don de se mettre dans des drôles de
situations. À un moment donné, il était
vice-président de la SDI, la Société de
développement industriel, poste gouvernemental; il était en
même temps vérificateur pour une grosse firme de
vérificateurs dans les Cantons de l'Est; et puis il était aussi
collecteur de fonds pour le parti; triple fonction. Alors, vous avez un emploi
dans une entreprise, M. Savard va vous voir, puis aujourd'hui, il porte le
chapeau de vice-président de la SDI, parce que vous avez fait une
demande, bon, il va vous écouter, vous avez fait une demande; mais,
le
lendemain, il revient, il a ie chapeau du collecteur de fonds du Parti
libéral; ah! mais là, II dit: Moi, je ne suis pas le même
homme, là. Je ne suis pas le même homme. Mais, imaginez-vous,
l'entrepreneur, l'employé, le cadre qui se fait demander 3000 $ par le
même individu, même s'il a changé de chapeau, bien, il
comprend le message, puis il va les donner, les 3000 $, et c'est comme
ça que le Parti libéral collecte des sommes fantastiques: 6 000
000 $, 7 000 000 $.
M. le Président, M. Savard a eu le don de se placer dans des
positions où on pouvait avoir des doutes sur le fait qu'il y ait conflit
d'intérêts ou pas. Alors, pour un personnage public, comme c'est
le cas maintenant avec sa fonction, il y a un vieux proverbe qui dit, M. le
Président, que: "Non seulement la femme de César doit être
pure mais elle doit avoir l'air pure aussi. " Alors, non seulement faut-il
éviter de faire du patronage, de récompenser les collecteurs de
fonds, mais en plus, et c'est ça que ce gouvernement-ci n'a pas compris,
il faut éviter de poser un geste qui donne l'apparence de faire du
patronage. Merci, M. le Président. (17 h 30)
Le Président (M. Audet): Merci, M. Je député
de La Prairie. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le
député de Bertrand, vous avez 20 minutes.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je dois dire que
lorsque j'ai pris connaissance des intentions du gouvernement de modifier la
composition de la gestion de la Caisse de dépôt, j'ai
été un peu surpris surtout de la proposition qui a
été faite en raison de la conjoncture économique et
financière dans laquelle elle s'intégrait. Dans un premier temps,
j'ai été surpris de voir que le gouvernement avait l'intention de
scinder la direction de la Caisse en deux postes distincts. Bien sûr,
comme l'ont fait remarquer mes collègues et comme l'ont souligné
ceux qui avaient à l'époque, en 1988, critiqué une
décision semblable de la part du gouvernement quant à la
structure administrative d'Hydro-Québec, cette pratique se fait dans
certaines institutions financières et certaines autres grandes
institutions comme Bell Canada et, entre autres, la Banque Nationale que je
connais un peu mieux pour y avoir travaillé pendant presque huit
ans.
On n'a pas dit cependant que cette structure, en particulier en ce qui
concerne certaines institutions financières, ne diluait d'aucune
façon le pouvoir de décision finale qui était entre les
mains du numéro un. Il ne s'agissait pas simplement d'une question de
distinctions pour des fins de protocole, mais il s'agissait également de
distinctions sur le plan des prises de décisions et, en particulier, en
ce qui concerne les institutions bancaires, de la prise de décision
ultime en ce qui concerne les décisions de crédit et les
allocations budgétaires.
C'est un modèle d'administration qui peut peut-être
convenir à certaines institutions. C'est un modèle de structure
administrative qui pourrait, en théorie, s'appliquer à la Caisse
de dépôt et placement, sauf que le contexte dans lequel cette
décision est introduite s'explique mal et surtout porte à
confusion et risque d'envoyer un message un peu confus à la population
du Québec et, en particulier, au milieu des affaires, non seulement
québécois, mais à l'extérieur du Québec. Je
m'explique. Depuis un certain temps, depuis quelques années, les milieux
d'affaires et, en particulier, certains groupes de l'extérieur se sont
attaqués à la Caisse de dépôt comme entité
qui possédait un pouvoir d'intervention énorme sur les
marchés financiers et, de façon générale, dans
l'économie québécoise et canadienne. Je vous rappellerai,
à ce sujet, tout le fameux débat sur le bill C-31, je crois, le
bill que le gouvernement fédéral avait l'intention d'introduire
il y a quelques années et qui visait à interdire à la
Caisse de dépôt et placement de nommer des administrateurs
à la direction du Canadien Pacifique, même si la Caisse de
dépôt, en fonction de toutes les lois du capitalisme actuel et en
fonction de toutes les normes qui s'appliquent aux actionnaires qui
détiennent un certain nombre d'actions dans les entreprises,
était tout à fait justifiée de nommer des administrateurs.
Il s'ensuivit un débat qui a réveillé les élans
nationalistes au Québec et qui, de surcroît, a mis te doigt sur un
certain comportement double standard à l'endroit, d'une part, des
entités purement privées par rapport aux entités
publiques.
Suite aux diverses pressions qui avaient été
exercées et suite à la conjoncture politique, le bill C-31,
finalement, n'a jamais vu le jour. Mais il est quand même important de
souligner cette tentative qui existait et de se rappeler que cette tentative
avait été mise de l'avant sous les pressions des groupes
financiers anglo-torontois qui voyaient d'un mauvais oeil la Caisse de
dépôt et placement, avec les fonds énormes qu'elle avait
à sa disposition, pouvoir influencer les marchés et surtout
pouvoir prendre le contrôle d'un bon nombre d'entreprises
anglo-canadiennes qui exerçaient un pouvoir et une influence importante
sur l'économie.
Depuis ce temps-là, depuis que la Caisse dépôt a
joué un rôle non seulement important au niveau de la structuration
des entreprises du Québec, depuis que la Caisse de dépôt a
permis à bon nombre d'entrepreneurs québécois de se forger
une place enviable sur les marchés canadiens et dans l'économie
canadienne, depuis cette époque où la Caisse de
dépôt, au cours des dix dernières années, a permis
aux Québécois de prendre en main leur propre économie,
jusqu'au point où, aujourd'hui, 61 % de l'économie
québécoise appartiennent aux Québécois
francophones
et que 78 % de la création de nouveaux emplois au Québec
sont le résultat de compagnies qui appartiennent à des
Québécois francophones, c'est grâce entre autres à
l'intervention de la Caisse de dépôt et placement.
Et dans ce sens, ce qui a permis à la Caisse d'avoir ce
rôle si important et ce qui lui a permis d'avoir le poids qu'elle a dans
l'économie au point où, comme je le rappelais tout à
l'heure, le gouvernement fédéral avait jugé opportun
d'introduire un bill allant à rencontre des principes les plus
fondamentaux de la gestion d'entreprises, il était important de
réaliser que si la caisse a pu effectuer toutes ses activités,
d'ailleurs, pour lesquelles elle a reçu des louanges, non seulement de
l'Opposition officielle, mais également du gouvernement et ce, à
plusieurs reprises, c'est parce qu'elle avait une force unifiée, c'est
parce qu'elle était dirigée par un seul dirigeant et parce
qu'elle fonctionnait sur les marchés comme une entité unique, et
non pas une entité morcelée.
Il y a certaines propositions qui ont été faites par des
porte-parole soi-disant gouvernementaux, que le premier ministre Bourassa s'est
empêché lui-même de rejeter, proposant que la Caisse de
dépôt puisse être fractionnée en diverses
entreprises, ce qui aurait pour effet de réduire son impact et son
pouvoir d'intervention sur les places financières et soit dit en
passant, ce qui ferait bien l'affaire de nombre de financiers et
d'entrepreneurs anglo-canadiens, qui préféreraient voir une
Caisse de dépôt faible, plutôt que de voir cette
société détenue par le gouvernement du Québec jouer
le rôle qu'elle a.
Et dans ce sens, l'introduction de ce projet de loi, qui voudrait
bicéphaliser la Caisse de dépôt, lance un message confus,
à mon avis, à la population du Québec et aux gens des
milieux des affaires, message confus, dans le sens où on donne
l'impression que le gouvernement a fait marche arrière face aux
recommandations de scinder les activités de la Caisse, mais que, par
contre, il veut donner une satisfaction à ceux qui voyaient la Caisse
comme un peu trop puissante, en divisant la tête dirigeante. C'est un
message confus également parce que plusieurs vont y voir
l'opportunité de différends entre les deux administrateurs
principaux de la Caisse, parce que certains milieux défavorables aux
interventions de la Caisse vont également pouvoir jouer, un dirigeant
contre l'autre, parce que, on va pouvoir affaiblir l'unité d'action que
la Caisse avait. Et dans ce sens, je pense que ce projet de loi lance le
message confus qu'il n'est absolument pas opportun de lancer, au moment
où tous les Québécois sont en train d'examiner leur avenir
constitutionnel. Et je dis cela sans présumer des conclusions de la
Commission Campeau-Bélanger. Simplement, je fais allusion aux
commentaires qui ont été faits par la presse en
général sur la façon dont les Québécois
examinaient leur avenir de façon unie jusqu'ici et sur la base d'un
certain consensus. Et ce qui permet à ce consensus de s'établir
et ce qui nous permet aujourd'hui de pouvoir discuter de l'avenir du
Québec sur une base sereine, sur une base beaucoup plus rationnelle et
beaucoup plus informée que nous l'avions fait dans les années
passées, c'est que nous avons à notre disposition des moyens
financiers et des moyens économiques qui nous permettent de prendre une
décision politique en s'appuyant sur des moyens concrets.
La décision de vouloir scinder la direction de la Caisse de
dépôt en deux et de cimenter, en quelque sorte, cette
différence en plaçant les deux postes sous le contrôle de
l'Assemblée nationale et, par conséquent, en rendant beaucoup
plus difficile la modification des hautes structures de la Caisse de
dépôt, à mon avis, est un pas vers le fractionnement des
activités de la Caisse de dépôt et, dans ce sens, il me
semble que cette mesure est fort déplacée et d'aucune
façon elle ne peut recevoir l'assentiment de l'Opposition.
J'aimerais également souligner le fait qu'à plusieurs
reprises, et non seulement en fonction de l'introduction du bill C-31, et,
d'ailleurs, tout récemment, il y a à peine deux mois, les milieux
d'affaires de Toronto continuaient à s'inquiéter de l'importance
que prenait la Caisse qui compte, aujourd'hui, un actif d'environ 40 000 000
000 $. Attitude qui me semblait un peu tenir du pharisaïsme étant
donné que si l'on regarde les actifs des grandes corporations
anglo-canadiennes, dont celles de la Banque Royale et des autres grandes
institutions bancaires anglo-canadiennes, elles dominent, en termes d'actifs,
nos institutions québécoises, dont la Caisse de
dépôt et placement. Dans ce sens, je pense qu'il est important
d'envoyer non pas un message confus aux milieux d'affaires, mais un message
clair et précis, à savoir que le gouvernement du Québec
maintiendra la Caisse de dépôt avec toute !a force d'impact
qu'elle a et maintiendra son rôle non seulement comme gestionnaire des
fonds de retraite d'une grande partie des Québécois, mais
également son rôle comme intervenant majeur de notre
économie et surtout au moment où le gouvernement devra prendre
des mesures pour relancer l'économie dans un contexte de
récession.
On se plaint de plus en plus et on a entendu des commentaires à
l'effet... Je rappelle, à cet effet, les commentaires d'Alain Dubuc qui,
il n'y a pas tellement longtemps, dans un editorial qui paraissait hier ou
avant-hier, disait que le gouvernement du Québec, dans le contexte
actuel, devrait intervenir pour relancer l'économie non pas,
nécessairement, à la manière dont ça s'est fait
traditionnellement, c'est-à-dire en augmentant de façon
faramineuse les déficits et en donnant des subventions à des
compagnies casse-cou ou à des tonneaux sans fond, mais plutôt par
des moyens d'intervention de style partenariat avec l'entreprise. Et c'est
d'ailleurs
ce que favorise le Parti québécois. Ce n'est pas une
intervention de style cadeau ou de style don offert à des entreprises,
mais sous forme de partenariat. Ce partenariat que, d'ailleurs, des deux
côtés de la Chambre, nous acceptons volontiers comme clé de
développement de l'économie québécoise, doit
s'appuyer sur des mécanismes concrets et sur des institutions capables
de jouer ce rôle de partenariat. Nous en avions quelques-unes au
Québec. Nous avions la Société générale de
financement, nous avons la SOI et nous avons la Caisse de dépôt et
placement.
Je suis convaincu que le débat sur les grandes orientations que
devrait prendre la Caisse, non seulement en termes de politique de partenariat,
mais également en termes d'implication avec les autres entreprises, en
termes d'investissement, n'est pas terminé. Il est loin d'être
terminé et, dans ce sens, il est important que la Caisse de
dépôt soit dotée d'une structure unifiée. Qui nous
dit, par exemple... Qui peut nous dire que - dans un, deux, trois, quatre ans,
dépendant de l'évolution de la conjoncture économique et
politique au Québec - le débat sur le rôle que devrait
jouer la Caisse de dépôt, en tant que partenaire d'autres
sociétés, en tant qu'investisseur dans notre
société, ne sera pas remis en question et qu'encore une fois,
puisque ç'a fait l'objet de discussions de façon
périodique, quelqu'un ne proposera pas de scinder la Caisse de
dépôt et placement? (17 h 45)
Bien sûr, II faudra passer par une modification de la loi
organique de la Caisse votée par l'Assemblée nationale. Mais dans
un débat comme celui-là, rien nous dit, si la direction de la
Caisse est morcelée, que les intervenants, qui proposeront encore une
fois de scinder ces activités et ce pouvoir d'Intervention de la Caisse,
ne puissent jouer un des principaux administrateurs contre l'autre, et que le
fait de posséder une sorte d'immunité pendant 10 ans pour ces
deux personnages ne vienne en quelque sorte consacrer au sein de l'organisation
leur zone d'influence et, du fait même, de paralyser l'intervention de la
Caisse surtout lorsque des projets d'envergure nécessiteront une
décision forte et unanime du conseil d'administration, mais
également de faire le jeu de ceux qui voudraient miner de
l'intérieur les activités de la Caisse. On nous propose la
nomination de deux personnes dont l'une, j'en conviens, même si elle
n'est pas directement puisée à même le milieu bancaire ou
le milieu des institutions financières, peut s'adapter à la
tâche, comme le font de nombreux banquiers qui passent de l'industrie
manufacturière au secteur bancaire ou vice versa, ou des banquiers qui
passent du secteur bancaire au secteur industriel, comme l'ancien
vice-président de la Banque de Nouvelle-Ecosse, M. Bisson, qui est
passé du secteur bancaire au secteur industriel, de la même
façon que l'ancien ministre du gouvernement, M. MacDonald, a fait une
démarche un peu semblable.
Mais, ceci éteint dit, il n'est pas impossible également
que les intervenants qui veulent limiter les interventions de la Caisse de
dépôt ne puissent s'appuyer en particulier sur la deuxième
nomination qui, elle, tout en étant à l'abri de tout
soupçon jusqu'ici, demeure quand même assez vulnérable aux
pressions qu'elle pourrait subir, surtout en raison des activités
qu'elle a eues dans le passé. Et dans ce sens, il me semble que ce
qu'ont fait remarquer mes collègues est tout à fait acceptable.
Je ne dis pas ça sur une base partisane. Je le dis simplement, pour
avoir discuté de cette question avec mes anciens collègues du
milieu des affaires, du milieu bancaire qui se sont, effectivement,
étonnés de voir une personne, qui a trempé plutôt
dans les milieux politiques, tout à coup parachutée à la
tête de la Caisse de dépôt. Même les entreprises
privées et même les institutions bancaires sont réticentes
à voir des individus qui ont un rôle politique trop
prédominant exercer un rôle de première envergure dans les
institutions financières. Bien sûr, il y a des individus dans les
banques qui sont membres de parti politique, comme je l'ai été
moi-même, qui ont également participé à des
campagnes de levée de fonds. Mais de là à avoir des
indidivus qui étaient directement liés à la campagne de
financement d'un parti politique et ce, sur une grande envergure, il y a de
quoi s'étonner.
Et dans ce sens, sans reprendre les arguments qui ont été
invoqués quant à la nomination de M, Savard en particulier,
j'estime que le débat sur l'orientation de la Caisse de
dépôt n'est pas terminé. Ce débat n'étant pas
terminé, il faudrait que les deux personnes, d'abord, qu'elles soient
à la tête de la Caisse, soient à l'abri de tout
soupçon politique, d'une part. D'autre part, compte tenu des attaques
dont la Caisse a été victime, surtout par les concurrents du
milieu anglo-canadien de la finance, il serait important de maintenir et
d'envoyer un message clair et précis à ces gens de même
qu'à l'ensemble de la population du Québec que la Caisse de
dépôt et placement va demeurer une entité unique, avec une
force d'impact et une force d'intervention unique dans les milieux financiers
et qu'à ce titre elle demeurera un des principaux piliers de toute
action économique et de toute action de partenariat du gouvernement du
Québec, particulièrement dans ces temps troublés de
récession. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Bertrand. Est-ce qu'il y a d'autres... M. le député de Gouin,
vous avez la parole pour 20 minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, jamais je
n'aurais cru qu'on aurait passé autant de temps ensemble. On
s'est vus tout l'avant-midi à discuter d'un autre projet de loi
d'intérêt public, qui était le projet de loi 112, Loi sur
les assurances. On se retrouve ce soir et sans doute jusqu'à 18 h 30,
à tout le moins, et peut-être plus tard en soirée, pour
discuter du projet de loi 109...
Une voix: Le projet de loi 101 demain.
M. Boisclair: Ah! le projet de loi 101 demain, effectivement.
Franchement, c'est le festival des institutions financières! M. le
Président, on se retrouve ici ce soir pour discuter du projet de loi
109, projet de loi qui modifie la Loi sur la Caisse de dépôt et
placement du Québec. M. le Président, vous comprenez facilement
qu'à titre de porte-parole de l'Opposition officielle en matière
d'institutions financières, j'ai porté une attention
particulière à ce projet de loi et à son contenu.
M. le Président, il y a plus de 20 ans - 25 ans exactement, en
1965 - les Québécoises et Québécois se dotaient
d'un nouvel outil de développement économique: la Caisse de
dépôt et placement. Aujourd'hui, la Caisse de dépôt
et placement représente des actifs de plus de 37 000 000 000 $, ce qui
en fait la septième institution financière d'importance au
Canada. La Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est
aussi la propriétaire d'actions canadiennes la plus importante au
Canada. C'est donc dire, lorsqu'on touche à la Loi sur la Caisse de
dépôt et placement du Québec, tout le sérieux qu'il
faut accorder aux modifications proposées. On ne parle pas d'un petit
dépanneur du coin, on ne parie pas d'une petite société
d'État qui a des responsabilités limitées, on parle d'un
des fleurons de notre économie québécoise dont l'ensemble
des politiciens et politiciennes, d'ailleurs, prend toujours plaisir à
vanter les succès et les retombées positives pour l'ensemble des
Québécois et Québécoises.
M. le Président, j'aimerais plaider sur le fond et essayer
d'éviter la discussion de la nomination de M. Savard - j'y reviendrai
rapidement - mais rappeler que tout ce que les députés
ministériels ont réussi à faire lorsque nous avons
discuté, au moment de la deuxième lecture du projet de loi, au
salon bleu de l'Assemblée nationale, l'ensemble des intervenants
ministériels qui ont pris la parole sur cette question s'est
limité à vanter les mérites de M. Savard, sans parler du
fond de la question, qui est celui de l'administration de la Caisse.
M. le Président, il y a un certain nombre de principes
fondamentaux qu'il est important d'étudier, lorsqu'on parle de
l'administration de cette institution financière, la septième
d'importance au Canada. Il y a un certain nombre de principes, dont deux qui,
à première vue, peuvent sembler contradictoires, mais qui sont
tout à fait fondamentaux dans l'administration de la Caisse. En premier
lieu, M. le Président, il est important de faire en sorte que la Caisse
de dépôt et placement puisse jouir, à l'égard des
pouvoirs publics aussi bien qu'à celui des pouvoirs privés, de
toute l'indépendance nécessaire, d'une indépendance la
plus nette possible. Un organisme aussi important que la Caisse de
dépôt et placement ne peut éviter d'attirer, bien
sûr, un certain nombre de convoitises à la fois du secteur
privé et du secteur politique ou du secteur public.
On peut comprendre, puisque la Caisse de dépôt et placement
est souvent appelée à prendre les décisions dont les
retombées peuvent être importantes. Il peut souvent s'agir d'une
question de survie d'une entreprise. Il peut s'agir de plusieurs centaines
d'emplois qui sont mis en cause ou qui peuvent être affectés par
des décisions de la Caisse de placement. Vous comprenez donc toute la
sensibilité des gestes et des conséquences des gestes
posés par la Caisse de dépôt et placement. Ce n'est pas
pour rien, M. le Président, qu'on a accordé au directeur
général de la Caisse de dépôt et placement un
certain nombre de précautions, qu'on a aussi accordé un certain
nombre d'attentions particulières au moment de sa nomination pour
justement que celui-ci puisse être à même de prendre des
décisions qui apparaissent être les plus conformes aux objectifs
de la Caisse de dépôt et placement.
C'est d'ailleurs pour ça, M. le Président, que le
président de la Caisse de dépôt et placement est
nommé par un vote à l'Assemblée nationale pour une
période de 10 ans. M. le Président, vous conviendrez facilement
avec moi que s'il avait fallu, par exemple, de façon arbitraire, revoir
son traitement tous les ans, si, par exemple, son mandat avait
été beaucoup plus court que 10 ans pour l'empêcher
d'adopter des politiques à long terme, vous comprenez l'impact que cela
aurait pu avoir sur tout l'exercice de la Caisse.
M. le Président, il était donc clair qu'il fallait
éviter que des pressions indues s'exercent sur le président de la
Caisse de dépôt et placement, par exemple, à l'occasion
d'un renouvellement trop fréquent de son mandat. Une institution
financière peut être révolutionnaire de par sa nature
même. Elle ne se développe, cependant, qu'en acceptant une grande
rigueur de principe et en soumettant son personnel à un
entraînement long et laborieux. C'est dire combien est essentielle la
stabilité de la direction.
C'est d'ailleurs pour ça, M. le Président, - je reviens
sur ce que je disais tout à l'heure - que le président de la
Caisse de dépôt et placement est nommé sur une
période de 10 ans et qu'il ne pourrait être renvoyé de son
poste que suite à un vote de la Chambre, de l'Assemblée
nationale. M. le Président, il y a un deuxième principe aussi,
qui est fondamental,
qu'il faut souligner lorsqu'on discute de l'administration de la Caisse,
qui est celui de la coordination des opérations de la Caisse avec la
politique générale économique de l'État. C'est par
le truchement, M. le Président, du conseil d'administration que cette
synchronisation se fait normalement, par le biais de la nomination d'un certain
nombre de fonctionnaires au conseil d'administration.
M. le Président, maintenir un équilibre entre ces deux
principes qui, à première vue, peuvent sembler contradictoires,
exige à la fois que la politique de l'État veille à
l'indépendance de la Caisse, veille aussi à
l'intérêt de l'ensemble des Québécois et
Québécoises. Cet équilibre entre les exigences de la
Caisse et celles de l'État peut sembler contradictoire, mais, cependant,
il est important d'adopter une voie qui puisse, une voie pas facile, mais qui
puisse concilier ces deux intérêts. M. le Président, il y a
des gens qui se sont succédé à la Caisse de
dépôt et placement, qui ont réussi à maintenir ce
juste équilibre entre, à la fois, les exigences de l'État
et les exigences d'une grande indépendance de la Caisse de
dépôt et placement, qui ont réussi à le faire
grâce à une structure efficace, grâce à une structure
qui a permis au président et à l'ensemble de ses
vice-présidents qui sont sous sa responsabilité de voir à
l'atteinte de ce double objectif.
M. le Président, il y a un principe bien simple qu'on m'a
rapidement appris, en anglais, vous me permettrez, mais comme l'expression
anglaise le veut: "When your car is not broken, you do not fix it". Quand votre
auto n'est pas brisée, vous n'essayez pas de la réparer, M. le
Président. Quand tout baigne dans l'huile, vous ne vous essayez pas, M.
le Président, de changer des pièces. Ce principe fondamental, on
devrait le rappeler au ministre des Finances...
Une voix:...
M. Boisclair: Ah! c'est la conclusion à laquelle je
voulais arriver, M. le Président. On voulait le rappeler, M. le
Président, ce principe. On voulait le rappeler au ministre des Finances.
Les seuls, M. le Président, qui ne suivent pas le principe, ce sont les
garagistes qui souvent essaieront de réparer une auto, même si
tout fonctionne bien. Alors, est-ce que je dois conclure que le ministre des
Finances est un garagiste? Ce serait peut-être sauter des étapes,
mais, à tout le moins, ce que je veux tout simplement illustrer par mon
propos, c'est de dire que nous avons à l'heure actuelle une structure
qui a permis de concilier tes deux objectifs, à la fols de
l'indépendance de l'État, et d'une certaine conciliation aussi
des intérêts économiques du gouvernement du
Québec.
M. le Président, ces deux objectifs et l'administration de la
Caisse et la philosophie de gestion doivent faire en sorte que la direction de
la Caisse puisse jouir, à l'égard des pouvoirs publics et
privés, d'une indépendance la plus nette et la plus claire
possible, parce qu'un organisme financier, M. le Président, aussi
considérable que la Caisse de dépôt ne peut éviter
d'attirer la convoitise du secteur public et du secteur privé. M. le
Président, jusqu'à présent, les cinq premiers
vice-présidents de la Caisse de dépôt et placement - on le
voit bien lorsqu'on étudie la composition du conseil d'administration:
vice-président placements à revenu fixe; vice-président
placements à revenu variable; vice-président planification et
relations avec les déposants; vice-président aux affaires
juridiques et institutionnelles et placements immeubles; et
vice-président administration et contrôle - étaient,
à l'heure actuelle, tous sous la responsabilité du
président et directeur général.
C'est un organigramme de type pyramidal ou un peu en forme de totem qui
fait que l'ensemble de ces cinq vice-présidents sont sous la direction
immédiate du président-directeur général, ce qui
consacre un peu, M. le Président, un principe fondamental, qui est celui
de l'unité de la direction. On a - pour un certain nombre de
considérations peut-être politiques, je crois que mes
collègues l'ont bien illustré, la polémique qu'a
suscitée la nomination de M. Savard - proposé un certain nombre
de modifications et il est intéressant de voir que la direction,
l'organigramme de la haute direction décidé au mois de juillet
1990 diffère de celui qui était proposé par le
gouvernement. (18 heures)
Le gouvernement proposait une formule de type pyramidal, sous forme de
totem. Or, à la tête, nous avions le président du conseil
d'administration et chef de la direction, en l'occurrence M. Delorme; sous sa
responsabilité immédiate, le président et chef de
l'exploitation, M. Savard, et sous la responsabilité de ces deux
individus, l'ensemble des cinq vice-présidents, alors que l'organigramme
de la haute direction, décidé le 12 juillet, est fondamentalement
différent. C'est toujours le président-directeur
général qui a la responsabilité de trois
vice-présidents, planification et relations avec les déposants,
affaires juridiques et administration et contrôle, alors qu'on confie
à un vice-président exécutif la responsabilité de
deux autres vice-présidents, celui du placement à revenus fixes
et celui du placement à revenus variables.
M. le Président, ces modifications ne sont pas mineures. Ces
dispositions, dans le fond, qui sont les conséquences du projet de loi
109, viendront modifier et viendront attaquer ce principe fondamental
d'unité dans la direction. Et M. le Président, cette formule qui,
pourtant, avait fait l'objet d'un consensus à l'époque et qui
avait permis d'arriver à des résultats dont tous se font le
plaisir de vanter les mérites, est aujourd'hui remise en question. M. le
Président,
est-ce qu'il y a un malaise à la Caisse de dépôt et
placement du Québec? La question, on peut maintenant se la poser. Mon
collègue, le député de Bertrand, soulevait avec pertinence
les critiques qui sont adressées par le Canada anglais au sujet de la
Caisse de dépôt et placement du Québec. Je crois qu'il faut
éviter de susciter ce genre de critique, il faut éviter d'ouvrir
le front à de plus amples critiques. Hélas, M. le
Président, nous sommes obligés de constater que c'est ce que fait
le ministre des Finances en modifiant, pour répondre à des
considérations bassement partisanes, le projet de loi 109.
M. le Président, sous la gouverne de M. Campeau, la Caisse de
dépôt et placement du Québec a connu des succès
impressionnants. Dans de telles circonstances, M. le Président, personne
au Québec ne pouvait imaginer que son remplacement amènerait
aussi un changement de structure. La décision annoncée à
la fin du mois de mai par le premier ministre n'a pas soulevé que des
remous dans l'Opposition officielle, elle a été
sévèrement critiquée par des observateurs, à la
fois à l'intérieur mais aussi à l'extérieur de la
politique, mais aussi par certains administrateurs de la Caisse. M.
Béland, membre du conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, disait, et je cite: "On nous
demande à nous d'administrer la Caisse de dépôt; alors,
c'est la moindre des choses que ceux qui administrent proposent au moins un
organisme qui convient à la planification qu'on s'est donnée.
Alors là, il va falloir vivre avec une structure qui nous tombe du ciel.
Le conseil d'administration, qui est notamment chargé d'approuver ou pas
les plans stratégiques, aurait dû être consulté.
M. le Président, c'est essentiellement une décision qui a
été prise sans consultation avec les différents
intéressés. Il ne faut pas un grand cours de gestion des finances
publiques ou d'organisation industrielle, ou d'organisation corporative pour
comprendre que le conseil d'administration, une de ses premières
responsabilités, c'est de définir les orientations
stratégiques, de faire une planification à court, à moyen
et à long termes pour une entreprise. Et vous comprenez les
conséquences que ça peut avoir pour une entreprise aussi
importante que la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Alors, sans même consulter les différents intervenants, on
impose une nouvelle structure d'organisation aux dirigeants de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Et ce sont les dirigeants
actuels eux-mêmes de la Caisse, qui disent que cette structure ne
convient pas aux différentes priorités ou, à tout le
moins, à la planification sur laquelle se sont entendus les membres du
conseil d'administration. M. le Président, pourquoi changer une formule
gagnante, comme le disait M. Béland? C'est la question que je poserais
au conseil d'administration, car ce qui me surprend, c'est qu'on change la
structure sans savoir si cela est nécessaire ou valable. C'est comme
ça, M. le Président, que M. Béland concluait son
intervention.
Il faut rappeler aussi, M. le Président, que le choix des
successeurs de M. Campeau relève du premier ministre, et ça,
personne ne le conteste. Et ce dernier, cependant, doit respecter certains
principes. Ces principes, M. le Président, avaient été
énoncés clairement par l'honorable Jean Lesage au mois de juin
1965, à l'occasion de l'étude du principe du projet de loi 51 qui
créait la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec. M. Lesagè disait: il est absolument essentiel de
sauvegarder deux principes en apparence contradictoires. En premier lieu, il
faut faire en sorte que la direction de la Caisse puisse jouir, à
l'égard du secteur privé, d'une indépendance aussi nette
que possible. Un organisme financier aussi considérable que la Caisse de
dépôt et placement du Québec ne peut éviter
d'attirer les convoitises du secteur public comme du secteur privé.
C'est ce principe que je
Le second principe qu'il faut établir, disait-il en continuant,
est celui de la coordination des opérations de la Caisse et de la
politique économique générale de l'État. C'est par
le truchement du conseil d'administration que cette synchronisation doit
normalement se faire.
Et ici, le premier ministre actuel du Québec a violé ce
principe, en ne consultant pas le conseil d'administration de la Caisse. M. le
Président, la Caisse de dépôt est la
propriété de tous les citoyens et citoyennes du Québec. En
raison de l'importance des sommes qu'elle va administrer, de l'autorité
morale qu'elle doit acquérir sur les marchés financiers, elle
doit se prémunir contre toute transaction qui ne serait pas
justifiée par les intérêts économiques et sociaux du
Québec. Elle doit être placée à l'abri de tout
soupçon de favoritisme politique ou de corruption. M. le
Président, l'actuel premier ministre a fait fi des remarques de
l'honorable Jean Lesage au sujet du conflit d'intérêts, par la
nomination de M. Guy Savard.
M. le Président, on pourrait peut-être discuter des
compétences de M. Savard, mais permettez-moi tout simplement de citer un
certain nombre de critiques qu'a soulevées la nomination de M. Savard
à la Caisse de dépôt.
Jean-Claude Leclerc dit, dans un editorial du Le Devoir du 1er
juin: "Ceci dit, il est peu opportun de recruter un "bagman" libéral,
même pour un simple poste au conseil d'administration de la Caisse. Les
entreprises ont beau n'avoir plus le droit de verser des fonds aux partis,
plusieurs parmi elles ont trouvé les moyens d'inciter leurs gens
à le faire. La Caisse de dépôt a déjà la
réputation malheureuse d'intimider ceux qui ne se plient pas à
ses politiques. S'il fallait que s'y ajoute le stigmate
qu'un collecteur a désormais l'oeil sur les dossiers, sa
crédibilité même serait ternie". Ce n'est pas l'Opposition
officielle, M. le Président, qui dit ça. Jean-Claude Leclerc,
éditorialiste au Devoir.
Lysiane Gagnon, dans La Presse: "Cette nomination
éminemment partisane veut, de toute évidence, calmer les
rancoeurs des gens d'affaires libéraux qui reprochaient depuis longtemps
au premier ministre de tolérer que la Caisse soit, comme ils disent, un
nid de politiciens.
M. le Président, on pourrait continuer, Raymond Giroux, dans
Le Soleil: "II ne fallait pas toucher, même de loin, à la
réputation de la Caisse, surtout en cette période, où une
partie de l'opinion canadienne grogne en douce contre l'interventionnisme
québécois dans l'économie. "
Lysiane Gagnon aussi continuait et faisait d'autres critiques acerbes:
"Voilà une nomination qui risque de démolir la
crédibilité de l'organisme autour duquel tourne toute
l'économie québécoise et dont le moins qu'on puisse
exiger, c'est une neutralité sans failles et une compétence
à toute épreuve. "
M. le Président, vous me permettrez, à cette
étape-ci aussi, de parier des dispositions précises contenues
dans le projet de loi 109. Faut-il rappeler... Et vous allez me donner quelques
instants pour que je puisse retrouver le projet de loi.
Le Président (M. Audet): II vous reste deux minutes.
M. Bolsclair: Les articles 14 et 14. 1, qui remplacent l'article
14 de l'actuel projet de loi, modifient les rôles et les attributions
donnés au président et au président et chef de
l'exploitation. On y dit: "Le président du conseil d'administration et
chef de la direction préside les réunions du conseil et voit
à son bon fonctionnement". Alors que c'est le président et chef
de l'exploitation qui agit sous la responsabilité du président du
conseil d'administration et chef de la direction. "Il est principalement
chargé de l'exploitation des activités de la Caisse que
détermine le conseil d'administration".
Ce qu'il faut soulever, M. le Président, c'est que ce sont deux
personnes, à la fois M. Delorme et M. Savard qui maintenant, ne pourront
être destituées que sur une résolution de
l'Assemblée nationale adoptée à cet effet. M. le
Président, que le président du conseil d'administration jouisse
de cette protection, soit, personne ne s'y oppose. C'est d'ailleurs le cas pour
le président de la Commission d'accès à l'information.
C'est le cas pour le Protecteur du citoyen. C'est le cas pour le
Vérificateur général. C'est le cas aussi pour bien
d'autres Intervenants qui ont un rôle important à jouer dans
l'administration publique.
Mais, M. le Président, dans aucune loi existante à l'heure
actuelle, on ne retrouve une pareille protection pour celui qui dirige des
opérations financières, commerciales ou industrielles, au nom de
l'État.
Quant à nous, M. le Président, il s'agit d'une protection
qui n'a pas sa place. Qu'arriverait-il par exemple, si un conflit venait
à éclater entre M. Delorme et M. Savard qui est une situation qui
s'est vue dans plusieurs entreprises privées? Les deux jouiraient de la
même protection.
En concluant, M. le Président, je voudrais peut-être
profiter de l'occasion pour manifester notre intention d'entendre un certain
nombre de personnes qui pourraient venir témoigner, un certain nombre
d'experts qui pourraient venir témoigner, et faire part de leur
expérience, aux membres de cette commission.
Alors, nous souhaitons pouvoir débattre tout à l'heure,
peut-être après le souper, ces propositions, et je suis convaincu
que mon collègue, le député de Labelle, déposera
des motions. Je ne sais pas si c'est son intention de le faire, mais c'est une
recommandation que je lui fais. Il me semblerait pertinent, à ce
moment-ci, d'entendre peut-être M. Campeau ou d'entendre les
présidents qui ont précédé M. Campeau, M. Cazavan
ou d'autres membres qui ont occupé des postes dans l'administration de
la Caisse de dépôt et placement.
Le Président (M. Audet): D'accord. M. Boisclair:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres remarques
préliminaires? Ça va. Alors, M. le député de
Labelle.
Motion demandant d'entendre M. Marcel Cazavan M.
Jacques Léonard
M. Léonard: À moins qu'il y ait d'autres remarques
préliminaires, je vais...
Le Président (M. Audet): Personne n'en a manifesté
l'intention.
M. Léonard:... déposer une motion, M. le
Président...
Le Président (M. Audet): Vous pouvez en faire la
lecture.
M. Léonard:... qui est la suivante: "II est proposé
qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la
commission permanente du budget et de l'administration tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi
modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec, des consultations particulières quant à tous les
articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin, elle entende M. Marcel
Cazavan.
Le Président (M. Audet): Est-ce que vous avez une copie de
la motion, s'il vous plaît? Alors, la motion est recevable. Vous avez la
parole, M. le député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, je vois sourire le
ministre des Finances, mais, quand même, il s'agit d'un sujet fort
important que celui de la Caisse de dépôt et placement. Je suis
sûr qu'il en est convaincu lui-même. Il sait tous les milliards
qu'il y a là-dedans. C'est plus que le budget du Québec en une
seule année.
M. Levesque: Vous allez arrêter de rire vous aussi, par
exemple.
M. Léonard: Je crois qu'il s'agit là, donc, d'un
sujet important. J'ai abordé un certain nombre de sujets plus
généraux dans mes remarques préliminaires et je voudrais
mentionner, ici, des cas plus précis quant à ce qui concerne le
projet de loi. Je pense qu'il y a des questions qui doivent être
soulevées comme telles. À mon sens, nous devons nous poser des
questions quant à l'expérience des gens qui ont vécu la
Caisse de dépôt et placement durant 10 ans pratiquement.
Peut-être que M. Cazavan n'a pas été tout à fait 10
ans à la direction de la Caisse de dépôt et placement,
mais, quand même, il en a été un bon bout de temps le
président.
Je voudrais l'inviter à venir nous parler de son
expérience parce que, au fond, par rapport au projet de loi qu'il y a
ici, il y a une modification majeure quant à la direction de la Caisse.
Je crois que le P. -D. G. - poste qu'il a assumé durant le temps
où il a été là - voit modifier ses attributions. Si
je lis, par exemple, l'article 5 qui modifie les articles 14 et 14. 1 du projet
de loi, ou qui crée, en quelque sorte, l'article 14. 1, maintenant, ces
articles vont se lire comme suit. "Le président du conseil
d'administration et chef de la direction préside les réunions du
conseil et voit à son bon fonctionnement. Il est responsable de
l'administration et de la direction de la Caisse et assume les autres
responsabilités que lui confie le conseil d'administration. Il est
responsable des relations de la Caisse avec le gouvernement. "
L'article 14. 1, maintenant, se lira comme suit: "Le président et
chef de l'exploitation agit sous la responsabilité du président
du conseil d'administration et chef de la direction. Il est principalement
chargé de l'exploitation des activités de la Caisse que
détermine le conseil d'administration. Il assume les autres
responsabilités que lui confie le président du conseil
d'administration et chef de la direction. "
Par ailleurs, à un article précédent, à
l'article 3 qui modifie l'article 8 de la loi constitutive de la Caisse de
dépôt et placement, on peut lire ceci maintenant. Le nouvel
article 8: "Le président du conseil d'administration et chef de la
direction et le président et chef de l'exploitation sont nommés
pour dix ans par le gouvernement qui fixe leur traitement, lequel ne peut
être réduit. "Ils ne peuvent être destitués que par
résolution de l'Assemblée nationale. "
M. le Président, au-delà des remarques, je dirais aussi,
de tout ce qui s'est dit lorsque nous avons connu, dans la
société québécoise, le nom des deux personnes
pressenties à l'époque, au-delà de cela, je crois qu'il
faut discuter de la proposition à son mérite, la proposition
contenue au projet de loi, quelles que soient les personnes. C'est sur cette
question que je voudrais centrer mon intervention pour vous convaincre
d'entendre M. Cazavan, en l'occurrence. (18 h 15)
Alors, à mon sens, ce qu'il est important de comprendre, c'est
qu'on vient ou on va créer deux postes de président: l'un
chargé de ce qu'on appellerait la direction et l'autre, chargé de
l'administration, tous les deux étant nommés par le gouvernement,
mais ayant une garantie particulière qui est celle de l'Assemblée
nationale parce que si ces personnes sont en poste sans qu'on ne puisse les
révoquer mais qu'on ne puisse le faire que par l'Assemblée
nationale, cela leur confère une espèce de
pérennité, de garantie d'emploi qu'on ne trouve dans aucune
loi.
M. le Président, au fond, on est en train de modifier
complètement la direction de la Caisse. À l'origine, lorsque les
nominations ont été annoncées, on pensait qu'il y aurait
un aménagement, que l'une des personnes relèverait de l'autre,
sans plus, et que, finalement, il y aurait un poste d'importance, un poste
numéro 2 de la Caisse qui serait créé, ce qui a
été effectivement le cas de M. Marcel Cazavan. En
réalité, la loi qui créait la Caisse de dépôt
et placement, à l'heure actuelle, était assez flexible. Il y
avait un président qui avait des garanties. Lui aussi ne pouvait
être destitué que par l'Assemblée nationale. Donc, il avait
une garantie d'emploi à toute épreuve. Ça n'existe pas
dans beaucoup de lois, ça, au gouvernement, des garanties comme
celle-là, et surtout le fait que seule l'Assemblée nationale
puisse le destituer.
Le chef de l'Opposition a mentionné à l'Assemblée
nationale, comme exemple d'une telle clause, le cas du gouverneur de la Banque
du Canada. C'en est un cas où le gouverneur de la Banque du Canada peut
démissionner évidemment, mais il ne peut pas être
congédié sur simple décret du gouvernement
fédéral. Il doit y avoir un vote, si je comprends bien, à
la Chambre des communes, entériné par le Sénat, et il est
nommé pour 10 ans. Donc, c'est une garantie qui le met à l'abri
d'interventions et qui lui donne finalement une grande indépendance dans
l'exercice de ses fonctions. On l'a vu très bien lorsque M.
Diefenbaker a eu à traiter avec M. Coyne dans les années
1961 où il y a eu un différend quant aux directives. Finalement,
M. Coyen, je crois, avait démissionné à l'époque,
mais le gouvernement avait tenté de lui dire de s'en aller. Je pense
qu'il y avait eu un vote aux Communes et ça avait été
bloqué au Sénat. C'est juste pour vous dire que c'était
une garantie considérable.
Il y a peut-être des détails dans ce que je dis qui ne sont
pas tout à fait exacts, mais l'essentiel, c'est que M. Coyne avait une
protection de 10 ans, que ce que le gouvernement fédéral peut lui
donner, ce sont des directives, mais que le gouverneur général de
la Banque du Canada n'est pas tenu de les suivre; mais s'il ne les suit pas, le
gouvernement a une décision à prendre.
En quelque sorte, lorsque la loi constitutive de la Caisse de
dépôt et placement a été votée,
c'était l'exemple qu'on avait en tête pour donner des garanties
d'indépendance au président-directeur général de la
Caisse de dépôt et placement. En l'occurrence, maintenant, lorsque
nous arrivons à la Caisse de dépôt et placement, la
première des choses, personne n'avait soulevé cette question dans
le public, et je n'ai pas entendu dire qu'il y avait des conflits avec l'actuel
ministre des Finances et le président-directeur général de
la Caisse de dépôt et placement, toutes les choses allaient bien.
Je crois qu'on s'attendait qu'il y ait un renouvellement du poste du
président au poste de président lorsque, tout à coup, on a
appris qu'il y avait deux personnes.
Et ça a soulevé des questions parce que, en nommant deux
personnes, la première des choses, on lui a donné une garantie de
10 ans. On veut, par la loi actuelle, donner une garantie de 10 ans à la
deuxième personne. On aurait pu, par exemple, donner une garantie
beaucoup moins longue. À supposer que ce soit souhaitable qu'on la
destitue, par un vote de l'Assemblée nationale, on pourrait au moins lui
donner une garantie moins longue, de sorte que la relation de subordination
entre les deux personnes soit claire parce que s'il y en a une dont le mandat
est plus court que l'autre, bien, on peut penser qu'en cas de conflit la
personne dont le mandat est le plus long va avoir un mot à dire au
renouvellement de l'autre personne, de la deuxième, en l'occurrence, par
exemple, le président chargé de l'exploitation. Alors, ça
se sont des techniques qu'on utilise dans le privé couramment,
régulièrement. Le mandat d'un subordonné est plus court
que celui du supérieur, de sorte que le subordonné le sait,
ça se sent, c'est psychologique, je suis convaincu que mon
collègue de La Prairie sait très bien ce que cela signifie...
M. Lazure: Oui.
M. Léonard:... et en psychologie industrielle que c'est
très clair..
M. Lazure: Élémentaire.
M. Léonard: Oui, c'est même
élémentaire. Là, on lui a donné une garantie qui,
à mon sens, est exorbitante. Autant la garantie de 10 ans est
exceptionnelle - et je crois qu'elle est valable dans le cas de la
présidence de la Caisse de dépôt et placement - autant
ça m'apparaît exorbitant qu'on donne une garantie d'emploi de
même durée à une deuxième personne dans la
même boîte. Simplement sur cette question, il y a beaucoup à
dire et beaucoup d'interrogations et, j'y reviendrai plus loin sur les
conséquences d'une telle décision.
Deuxième élément qui, à mon sens, doit
être soulevé, c'est qu'on fait une distinction entre direction et
exploitation. Lorsqu'on nous explique le pourquoi de la décision, on
fait une comparaison avec Hydro-Québec. C'en est une qu'on a
apportée en particulier et on en a apporté aussi dans les autres
grandes entreprises. Mais il faut savoir de quoi on parle lorsqu'on fait une
telle distinction. Dans le cas de très grandes entreprises, où on
fait cette distinction, il y a 20 000 employés, 30 000 employés;
à HydroQuébec, il doit y avoir à peu près 19 019
employés. On peut penser que c'est ça, c'est-à-dire que
les opérations sont considérables, il y en a beaucoup et qu'il
est important qu'on préserve le président-directeur
général dans son rôle de direction, de planification, de
stratégie; il faut qu'il ait le temps de penser à des objectifs,
il faut qu'il ait le temps de consulter, disons qu'on veut le dégager du
poids des opérations quotidiennes, au jour le jour. Important, ça
s'entend très bien.
Mais de quoi parle t-on lorsqu'on parle de la Caisse de
dépôt et placement? Il n'y a pas 20 000 employés à
la Caisse de dépôt et placement, il n'y en a pas 300. Il y en a
moins que ça. Ce sont des professionnels qui préparent des
décisions d'investissement, donc d'une nature très
différente de ce qu'on trouve à Hydro-Québec, de ce qu'on
trouve à Alcan, de ce qu'on trouve à Canadien National, Labatt,
dans les grandes entreprises dont nous avons parlé. C'est très
différent.
Au fond, c'est quoi les opérations quotidiennes de la Caisse par
rapport aux décisions de direction? À mon sens, lorsqu'on prend
des décisions importantes, genre investir dans Domtar, est-ce qu'il
s'agit là d'une opération quotidienne ou bien s'il s'agit
là d'une grande décision stratégique de direction qui doit
relever nécessairement du président qui est chargé de la
direction? Et sur ce plan là, n'importe quelle décision est
importante parce qu'à chaque fois elle implique des capitaux importants.
La Caisse prend des décisions importantes par sa nature même. Il y
a 300 personnes. Il n'y en a pas 20 000 impliquées dans les
opérations. Ce sont
300 personnes qui prennent des décisions de qualité et,
à mon sens, c'est très difficile de faire la distinction entre
direction et exploitation, très, très difficile. À mon
sens, il n'y en a pas et je ne vois pas comment on peut justifier un
deuxième poste de président avec les mêmes garanties que
pour la première personne. lorsqu'il s'agit de 300 personnes, qu'on ne
peut pas faire la distinction entre exploitation et direction. Des
décisions, à la Caisse de dépôt et placement,
d'investir 50 000 000 $, 100 000 000 $, 150 000 000 $, ça se prend
régulièrement, je ne dis pas à la douzaine par jour, mais
ça se prend régulièrement. On décide d'acheter des
obligations du gouvernement du Québec, le ministre des Finances doit
savoir que ça se passe assez souvent, que ça se transige, et
donc, on l'a le cas, ce sont des décisions qui sont importantes en soi
et qui demandent que la direction soit impliquée parce qu'il s'agit
chaque fois de traiter du niveau des opérations.
Moi, je pense, M. le Président, que ce qu'on voulait faire, c'est
d'abord de garantir l'emploi du président-directeur
général pour le mettre à l'abri des pressions politiques
de toutes sortes. D'ailleurs, ça a été mentionné
dans le discours du premier ministre du Québec d'alors, qui était
M. Lesage, j'ai eu l'occasion de le citer dans le discours de' deuxième
lecture. On voulait le mettre à l'abri. On lui a donné une
protection.
Donc, on en est à avoir deux présidents et avec des
mêmes garanties, deux personnes sur le même pied. On peut se
demander, pourquoi. Ce n'est pas du tout le cas d'Hydro-Québec,
absolument pas. Il n'y a pas d'opération d'une aussi grande importance.
Et, en ce qui concerne la direction, à chaque fois, comme il s'agit de
sommes importantes, on ne peut pas dissocier ça de la direction. Alors,
je pense que la loi elle-même permettait au président de
s'organiser comme il l'entendait. M. Cazavan a fonctionné, lui, avec un
numéro 2 - il a vécu des années comme celles-là -
toutes les années où il a été là, il a
vécu avec M. Paris qui était son numéro 2 à Caisse
de dépôt et placement du Québec. M. Campeau, quant à
lui, a fonctionné avec une équipe de cinq vice-présidents.
Donc, un modèle beaucoup plus flexible. Il a constitué une
équipe en quelque sorte, alors que M. Cazavan fonctionnait avec une
personne. C'est peut-être le modèle que nous avons en tête
actuellement, que le gouvernement a en tête lorsqu'il veut avoir un
numéro 2 à la Caisse. En l'occurrence, dans le cas de M. Cazavan,
lui-même l'avait deviné, l'avait pensé comme ça,
d'avoir un numéro 2, mais le gouvernement l'impose actuellement dans la
loi elle-même. Il donne les mêmes garanties que le numéro 1
de la Caisse. Et, c'est là, à mon sens, que ça devient
extrêmement grave. Parce qu'au fond, on peut se demander ce qui va se
passer par rapport aux garanties qui sont proposées.
Supposons qu'il y a un conflit entre les deux personnes - c'est
très possible, je dirais que sur dix ans, ce serait étonnant que
ça n'arrive pas - qu'il se dessine des avenues très
différentes. La loi dit ou dirait, si on l'adoptait telle quelle, que
ces personnes ne peuvent être révoquées que par une
décision de l'Assemblée nationale, donc que nous serions
amenés à décider entre deux personnes dans un débat
à l'Assemblée nationale. Je vous donne simplement à penser
si cela peut être possible, si cela est faisable, qu'on amène un
tel débat à l'Assemblée nationale qui, en fait, va porter
sur des chicanes entre deux personnes, ne parlons pas de chicane, tout
simplement sur des perceptions, sur des orientations que ces deux personnes
verraient de façon différente. C'est ça qui risque de se
produire tout bonnement disons par, l'évolution de la situation
elle-même. Est-ce que le gouvernement va laisser aller les choses comme
cela? Laisser aller une chicane à l'Assemblée nationale, au grand
jour, ça me paraît peu probable. En réalité,
ça me paraît peu probable.
Alors, qu'est-ce qu'il va arriver? Le gouvernement va tenter de
concilier les choses. C'est ça qui risque d'arriver. Le gouvernement va
refuser que dans un de ses dossiers les plus importants, les chicanes
apparaissent en public. Alors, lui-même va tenter de les résorber.
Donc, il va essayer d'arbitrer entre les deux personnes. Ça me
paraît ce qui va être tenté à tout le moins. Et
qu'est-ce qu'il va se développer? On peut penser qu'il y a une des deux
personnes qui va s'écraser. Est-ce que c'est le numéro 1 qui va
s'écraser? Je crois que, là, tout de suite, on pose la question
qu'on ne veut pas soulever, mais qui est celle de l'indépendance du
président-directeur général, chef de la direction de la
Caisse de dépôt et placement du Québec. Est-ce que le
ministre souhaite qu'on suspende à ce stade-ci? On pourrait reprendre
à 20 heures. C'est ça que sont les honoraires. Proposez-vous
qu'on suspende, M. le ministre?
Une voix: Comme vous voudrez, c'est vous qui avez la parole.
M. Léonard: Je peux proposer la suspension. Je continuerai
à 20 heures.
Le Président (M. Audet): Alors, étant donné
qu'il est presque 18 h 30, la commission va suspendre ses travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 30) (Reprise à 20 h
12)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La séance va commencer.
M. Léonard: Ce qu'on m'a dit, c'est qu'il y avait une
conférence des leaders, et on pensait que c'était notre
commission qui était en cause.
C'est ce qu'on m'a dit. Maintenant, est-ce que c'est bien
là-dessus...
M. Levesque: II y a de l'ouvrage à faire, il n'y a pas de
problème.
M. Léonard: Ça avait été
convoqué à 19 h 50 et ça devait avoir lieu de 19 h 50
à 20 heures, mais je sais que Chevrette est parti 10 minutes en
retard.
Une voix: Ça a commencé en retard. M. Levesque:
On peut attendre.
M. Léonard: On peut attendre quelques minutes? On peut
s'informer...
Le Président (M. Audet): Alors, étant donné
qu'on n'a pas ouvert la séance, on va tout simplement reporter
l'ouverture de la séance à une dizaine de minutes à peu
près, quoi?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Audet): D'accord, ça va.
(Suspension de la séance à 20 h 13) (Reprise à 20 h
37)
Le Président (M. Audet): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat qui est de
procéder à l'étude détallée du projet de loi
109. Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Alors, nous en étions à une motion de M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, sur une question de
règlement. Je ne sais pas à quel numéro du
règlement il faut référer, mais nous apprenons qu'il y a
une motion de clôture qui a été déposée, qui
nous touche à l'heure actuelle et qui est actuellement débattue
en Chambre. Comment peut-on continuer nos débats si, finalement, c'est
une décision qui est prise d'arrêter les travaux de cette
commission? Est-ce qu'on ne doit pas attendre que le débat soit
terminé entre les deux leaders et le Président de
l'Assemblée nationale, parce que c'est de ça qu'il s'agit
actuellement?
M. Levesque: M. le Président, sur cette question de
règlement.
Le Président (M. Audet): M. le ministre.
M. Levesque: J'aimerais faire remarquer que si on suit les
dispositions du règlement, en autant que je me rappelle, ce n'est pas le
fait qu'il y ait eu une conférence des leaders et un dépôt
d'une motion, ou l'annonce d'une motion, un avis de motion par le leader du
gouvernement, même si ça amène des questions de
règlement et des discussions à l'Assemblée nationale, que
cela change en quoi que ce soit le mandat que nous avons reçu de
l'Assemblée.
Le Président (M. Audet): Tant et aussi longtemps que la
motion n'est pas adoptée, la commission doit poursuivre ses travaux.
M. Léonard: M. te Président, est-ce que vous
pourriez requérir, par vos services ou autrement, le texte de cette
motion ou le libellé de la motion d'une façon ou de l'autre,
parce que...
Le Président (M. Audet): C'est fait, le texte, n'est pas
disponible au moment où on se parle, mais il doit nous être remis
sous peu. Alors, normalement, on doit poursuivre l'étude...
M. Léonard: M. le Président, je trouve que
continuer à délibérer ici alors qu'il y a une motion de
clôture qu'on vient de commencer, c'est comme si on venait de s'asseoir
à...
Le Président (M. Audet): Tant et aussi longtemps qu'elle
n'est pas adoptée, on a un ordre de la Chambre de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi. Alors...
M. Léonard: Je trouve ça un peu inhabituel, vous me
permettrez de...
Le Président (M. Audet): Vous aviez commencé une
motion.
M. Léonard: Pas juste un peu. Je n'ai jamais vu ça.
Je n'ai pas été ici aussi longtemps que le ministre des Finances
qui nous raconte assez souvent qu'il siège ici depuis 35 ans, je n'ai
pas son expérience évidemment, mais c'est la première fois
que je vois une telle chose ici, au Parlement. Je trouve...
M. Levesque: Au contraire, M. le Président, c'est la
règle générale. C'est arrivé maintes et maintes
fois qu'à ce stade-ci du processus parlementaire, c'est arrivé
très régulièrement que les commissions continuent de
siéger jusqu'au moment où la Chambre en décide
autrement.
Le Président (M. Audet): Oui, à cet effet
là, je voudrais simplement vous faire la lecture de l'article 251 de
notre règlement qui dit ceci: Motion de clôture, article 251: "Si
aucun accord n'a pu être conclu, le leader du gouvernement peut alors
faire une motion indiquant le moment où la commission devra mettre fin
à ses travaux et faire rapport à l'Assemblée. " Alors,
à ce moment-là, la commission poursuit ses travaux et s'il y a
une motion de déposée à l'effet que la commission devra
avoir complété l'étude du
projet de loi demain soir, par exemple, alors pendant ce
temps-là, la commission pout siéger jusqu'à demain soir.
Alors, je vais vous redonner la parole, M. le député de Labelle,
puisque vous étiez en train de délibérer sur la
motion.
M. Léonard: II me reste combien de temps à l'heure
actuelle, M. le Président?
Le Président (M. Àudet): Je pense qu'il vous
restait une dizaine de minutes, 11 minutes exactement.
M. Levesque: M. le Président, j'aimerais simplement
intervenir pour dire que je partage cependant l'esprit des remarques de
l'honorable député de Labelle parce qu'on sent, à un
moment donné, que le travail que l'on poursuit en commission, même
si c'est en vertu de nos règlements, est plus ou moins, il me semble,
bénéfique pour la société. Mais, enfin! Ceci
étant dit, nous allons nous conformer aux règlements.
M. Léonard: M. le Président, justement, je trouve
qu'on charrie, carrément. Je ne sais pas si on peut employer ce
mot-là, s'il est parlementaire, mais vraiment! J'ai eu l'occasion
d'exprimer mon opinion sur toute cette affaire. Je vais simplement constater
que nos commissions parlementaires ne marchent plus. J'ai déjà
dit, noté en particulier que, par exemple, on avait aboli le Conseil
législatif en 1968; donc, nous avons, en fait, enlevé tout un pan
du processus parlementaire. Dans le système britannique et comme dans la
plupart des démocraties du monde, il y a deux Chambres. Ce n'est pas
pour rien que ça existe. C'est que l'Assemblée nationale, qui est
souveraine, en règle générale, dans la plupart des lois,
il n'y a pas de problème. Le Sénat respecte les décisions
de l'Assemblée nationale. Mais le Sénat constitue une
deuxième Chambre où des citoyens peuvent encore intervenir et le
gouvernement lui-même peut se raviser suite à des remarqués
qui sont faites par des membres du Sénat qui, habituellement,
constituent une partie importante d'un Conseil législatif ou d'un
Sénat. Et, ils s'expriment sur des projets de loi, ils apportent des
corrections, ils peaufinent, ils corrigent et, au bout d'un certain temps,
généralement ça prend un mois, deux mois, la loi est mise
en vigueur. Alors, là...
Le Président (M. Audet): Si vous pouvez conclure, s'il
vous plaît.
M. Léonard: J'avais 11 minutes.
Le Président (M. Audet): Êtes-vous toujours sur
votre motion? C'est parce que l'esprit...
M. Léonard: Bien, c'est que vous m'aviez donné la
parole pour parler là-dessus, mais là franchement...
Le Président (M. Audet): Non, excusez-mot, M. le
député de Labelle. C'est que votre motion est à l'effet
d'entendre M. Marcel Cazavan. C'est parce que là, vous discutez de la
motion de clôture, alors je veux...
M. Léonard: Oui, j'étais là-dessus, vous
allez voir.
Le Président (M. Audet): Si vous revenez à votre
motion comme telle, je n'ai pas d'objection. Parce que si vous voulez...
M. Léonard: Je dis que s'il y avait une deuxième
Chambre, M. le Président...
Le Président (M. Audet): Laissez-moi terminer un peu. Si
vous voulez parler de la motion de clôture, vous pourrez le faire en
Chambre. C'est ça. D'accord?
M. Léonard: Oui. Très bien. Mais ce que je veux
dire, M. le Président, c'est que s'il y avait une deuxième
Chambre, je pourrais laisser aller, je pourrais être plus permissif sur
le plan des traditions parlementaires, des règles parlementaires, mais
surtout des traditions. Je pense qu'en l'occurrence il s'agit de traditions. En
fait, les gens qui ont de l'expérience comme ceux qui ont
déjà été présidents de la Caisse de
dépôt et placement du Québec pourraient intervenir
auprès des membres d'une deuxième Chambre pour dire:
Voilà, je pense que vous faites fausse route, faites telle correction,
au lieu de 10 ans, mettez 5 ans, et puis, ne lui donnez pas une permanence
garantie par l'Assemblée nationale, comme il est pratiquement
écrit dans le projet de loi.
Alors, on a donc aboli le Conseil législatif. Le ministre des
Finances qui est devant nous a participé à cette
opération, et au fond...
Le Président (M. Audet): Je vais être obligé
de vous arrêter. M. le député...
M. Léonard: ...on est obligé de revenir aux
commissions parlementaires. Un instant! On revient aux commissions
parlementaires II n'y a pas de deuxième Chambre, mais, en contrepartie,
on doit assurer le bon fonctionnement des commissions parlementaires. Et quand
on dit le bon fonctionnement, il y a un minimum de règles
là-dessus, en termes de délais, en termes d'étapes, et les
parlementaires doivent avoir l'occasion de s'exprimer. Une de ces
étapes, au début de l'étude d'un projet de loi, consiste
à entendre des citoyens, entendre, par exemple, des personnes
d'expérience, entendre des experts. Mais le raisonnement est sans faille
sur un plan démocratique, en tout cas. Je n'ai pas l'expérience
du ministre des Finances pour plaider ces choses. Il fait de grandes
circonlocutions pour s'exprimer, de grands discours autour d'une idée,
seulement une seule idée. Moi, j'essaie d'aller
plus au fond. Alors, les commissions parlementaires fonctionnent avec
des étapes. La première, c'est d'avoir des remarques
préliminaires; ensuite, d'avoir des motions particulières comme
celles que nous avons, qui donnent l'occasion à des gens de venir se
manifester, à des groupes de venir se manifester. Et le gouvernement
entend ce que pensent les citoyens. C'est d'autant plus important de respecter
ce processus-là qu'il n'y a plus de deuxième Chambre. (20 h
45)
Or, là, le gouvernement dépose des projets de loi à
la dernière minute et il refuse d'entendre des gens. Il s'arrange pour
que les citoyens ne prennent pas connaissance des projets de loi, qu'il n'y ait
pas de débat public sur ces projets de loi. On l'a vu sur la TPS
québécoise, la semaine dernière et cette semaine,
même processus. Des débats fondamentaux pour la
société sont escamotés. Ils ne viennent pas devant les
commissions parlementaires, encore moins devant le public. C'est comme s'il
avait honte de ses lois, s'il se cachait par rapport au contenu de ses lois.
C'est ça qu'il essaie de faire.
Actuellement, faut-il le dire, il y a une commission parlementaire
extraordinaire qui siège sur l'avenir constitutionnel du Québec.
Toute l'attention de la presse se porte là-dessus et il n'y a rien sur
ce qui se passe dans les commissions. Alors, le gouvernement en profite pour
faire ses coups pendables; c'est ça qui arrive. Ce sont des coups
pendables, en termes démocratiques. Ça n'a pas de sens. Et il
pense que personne ne va s'énerver, personne ne va relever la chose. Les
journalistes, évidemment, ont l'attention attirée ailleurs. Et il
n'y en a pas de débat; c'est ça qui se passe. Les seuls qui
élèvent la voix quelque peu, dans la mesure du possible, ce sont
les gens de l'Opposition, ici, qui disent des choses. Mais, à ce qu'on
voit, les décisions sont déjà prises, le processus est
déjà terminé avant même qu'il ne commence,
pratiquement. Parce que là, c'est ça qui nous attend, si je
comprends. Même si on fait des propositions, des motions pour entendre
des groupes ce soir, on ne les aura pas.
Moi, j'ai connu une autre période où, lorsqu'on avait les
projets de loi, on faisait une commission parlementaire, ou, même, on
faisait une consultation avant de déposer un projet de loi sur des
livres d'intention, soit verts, soit blancs et, après, on s'amenait avec
un projet de loi. Et encore, sur le projet de loi, on faisait des commissions
parlementaires pour entendre les groupes. Parce que là, entre les
intentions écrites de façon générale, sous forme de
principes, dans des livres, verts ou blancs, et le projet de loi, il y a des
différences majeures. Quand le projet de loi arrive, là, on sait
très bien tout l'environnement juridique qu'il y a dans le projet de loi
et dans les lois antérieures. J'ai connu ça, moi, lorsqu'on a
passé la loi sur l'aménagement, par exemple; il y a eu beaucoup
de consultations.
Aujourd'hui, on sait qu'on vit avec les MRC. Il peut y avoir des
problèmes, mais, dans l'ensemble, ça s'applique parce qu'il y a
eu des gens d'expérience qui sont venus ici nous dire ce qu'ils en
pensaient. Nous avons apporté beaucoup d'amendements, beaucoup de
corrections, et ça a été pour le mieux. Ça a
été pour que la loi soit meilleure. Et c'est ça qui s'est
passé, réellement. Alors - qu'est-ce que vous voulez? - ça
fait une heure, une heure et demie à peine que nous sommes en commission
et on vient nous dire que c'est terminé: Pas de débat. Alors,
ça veut dire qu'il n'y aura personne qui va venir dire ce qu'il en
pense. Quelqu'un comme M. Jean Campeau, qui a vécu une expérience
considérable, très large, à la direction de la Caisse de
dépôt et placement, pourrait venir nous dire ce qu'il en pense, de
ce projet de loi. Il pourrait venir nous dire quels sont les récifs
auxquels on risque de se heurter, comme société. Parce que la
Caisse de dépôt, je le rappelle, c'est la deuxième plus
grande institution au Québec, en termes de finances. Et quand on sait ce
que ça représente, les finances, c'est l'expression des
décisions économiques que les gens prennent qui se traduisent en
monnaie et, en termes de valeurs mobilières, en actions, en pouvoirs
décisionnels. C'est ça que ça représente, les
institutions financières. Ce n'est pas juste une décision
opérationnelle. Ce sont des décisions d'orientation qui se
prennent dans des conseils de banque comme celle-là, des conseils comme
celui de la Caisse de dépôt et placement. Et quand le
président-directeur général prend des directions, adopte
des directions ou des orienta tions. il oriente les épargnes de
milliers, de millions de Québécois.
Alors, le projet de loi qu'on a sous les yeux, c'est un projet de loi
qui va rompre l'unité de direction de la Caisse. Il va y avoir deux
têtes, deux têtes qui vont relever du gouvernement, à toutes
fins pratiques. Et puis, quand il va y avoir des chicanes à
l'intérieur, il y en a qui vont être portés à
appuyer tel président et d'autres qui vont être portés
à appuyer tel autre président. Quand il y aura des
décisions qui vont impliquer 50 000 000 $, 100 000 000 $, 150 000 000 $,
je peux juste vous garantir que ça ne se passera pas comme ça. Il
y a des gens qui vont essayer d'avoir les bons appuis aux bons endroits. Quand
il y aura un président, exploitation ou direction, qui va dire qu'il
n'est pas très favorable à un projet, qu'il émet des
objections importantes, ces gens - et il faut les comprendre - vont essayer
d'utiliser toute leur influence pour faire changer la direction et vont
s'adresser à l'autre tête, à l'autre président, et
ils vont essayer de les opposer l'une à l'autre. C'est du connu, du
déjà su, du vu dans le monde des affaires et c'est
inévitable que ça se passe comme ça. Alors, qu'est-ce
qu'il va arriver, M. le Président? Il y a quelqu'un qui va ramasser
les
options des uns et des autres et qui va vouloir trancher. Qu'est-ce que
ça veut dire? C'est que le ministre des Finances qui est devant nous va
avoir à trancher dans un sens ou dans l'autre parce qu'il y a aura deux
têtes. Ça veut dire que le monde politique va venir
s'ingérer dans l'administration quotidienne ordinaire de la Caisse, dans
ses décisions d'investissement, dans ses décisions d'orientation
et ça c'est la plus grande catastrophe qu'on pourrait avoir.
Là-dessus, M. Jean Lesage, qui était premier ministre du
Québec, lorsqu'il a fait son discours sur la création de la
Caisse de dépôt et placement du Québec, a été
très clair sur cette question. Je voudrais simplement reprendre la
citation - je la cherche, M. le Président - je pense que ça vaut
la peine de reciter cette citation, parce qu'elle est majeure. Je vais conclure
cette citation. Tiens, c'est celle-ci, le 9 juin 1965, l'honorable Jean Lesage,
à l'occasion de l'étude du principe du projet de loi 51 qui
créait la Caisse de dépôt et placement du Québec:
"II est absolument essentiel de sauvegarder deux principes en apparence
contradictoires. En premier lieu, il faut faire en sorte que la direction de la
Caisse puisse jouir à l'égard du secteur privé d'une
indépendance aussi nette que possible. Un organisme financier aussi
considérable que la Caisse de dépôt ne peut éviter
d'attirer les convoitises du secteur politique comme du secteur privé.
"
Alors, le gouvernement vient de se donner un bras long justement pour
faire ce que M. Jean Lesage craignait et voulait éviter que l'on
fasse.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. M. le député de La Prairie. Vous avez 20 minutes.
M. Lazure: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Non, 10 minutes, excusez-moi.
M. Lazure: Oui, merci. Je pense que c'est honteux que le
gouvernement, par son leader et avec la complicité du ministre des
Finances, complicité tacite du moins, présente une motion de
clôture après à peine quelques heures de débats en
commission parlementaire. C'est du jamais vu. Vous me permettez un petit
préambule.
Le Président (M. Audet): Très bref. Votre
collègue l'a étiré un petit peu.
M. Lazure: II fallait le dire, il fallait le dire.
M. Léonard:... M. le Président...
Le Président (M. Audet): Oui, M. le député
de Labelle.
M. Léonard:... je pense qu'on vient d'apprendre qu'il y a
une motion de déposée à l'Assemblée nationale. Vous
comprendrez que c'est un geste qui est officiel, qui vient, à toutes
fins pratiques, déterminer nos travaux. Comment peut-on. parler, alors
qu'on a ça derrière la tête tout le long?
Le Président (M. Audet): M. le député de
Labelle, je veux juste reprendre un peu le début de votre intervention
lorsque vous avez parlé tantôt de notre système
parlementaire, alors qu'autrefois le Conseil législatif était
autonome par rapport au Parlement.
M. Léonard: Ah! je suis prêt à respecter le
règlement...
Le Président (M. Audet): Alors, ici nos commissions
parlementaires sont quand même autonomes par rapport à
l'Assemblée en haut. Alors, ce qui se passe à l'Assemblée
n'affecte en aucun point les travaux de la commission ou n'est pas
supposé affecter les travaux de la commission parlementaire.
M. Léonard: Mais quand vous avez un char d'assaut qui vous
arrive dans le dos, je pense qu'on pourrait peut-être juste faire un saut
de côté pour éviter de se faire écraser!
Le Président (M. Audet): Oui, écoutez, juste pour
reprendre ce que vous avez dit tantôt. Sur la motion de clôture, le
discours se tient en haut. Alors, je voudrais qu'on évite de parler de
ça. Puisqu'on n'a pas ordre d'arrêter nos travaux, on doit
continuer.
M. Lazure: M. le Président, vous admettez...
Le Président (M. Audet): Alors, sur la motion, à
l'effet d'entendre M. Marcel Cazavan, M. le député de La Prairie,
je vous écoute.
M. Léonard: Vous admettez vous même... M. Denis
Lazure
M. Lazure: Oui, vous avez raison de dire que la commission doit
poursuivre ses travaux, mais humainement parlant, on ne peut s'empêcher
quand même d'éprouver un certain choc devant ce geste qui vient
d'être posé. Alors, devant ce traumatisme, je ne peux
m'empêcher de passer quelques commentaires. Mais je vais aller
directement à la motion de mon confrère de Labelle, tout à
fait pertinente.
Moi, j'ai aussi travailé des longues soirées comme
ministre pilote de projets de loi pour écouter patiemment des groupes,
des experts, des représentants de la population venir exposer leur point
de vue, à l'occasion de l'étude en deuxième lecture d'un
projet de loi. Ici, on vient chambar-
der, du jour au lendemain, une structure qui avait donné
d'excellents résultats pendant 25 ans. On vient chambarder ça et
on le fait sans solliciter d'avis de personne, ex cathedra, de façon
tout à fait dogmatique. La vérité est de leur
côté. Us n'en doutent pas du tout. Ils n'en doutent pas. Des
commentaires du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, ce n'est pas nécessaire. C'est un peu pour
la frime, un conseil d'administration à la Caisse. Quand ça fait
notre affaire, on s'en sert, quand ça ne fait pas notre affaire, on leur
passe sur le corps. Des réactions et des commentaires des anciens
présidents de la Caisse, comme M. Cazavan, le premier président,
le pionnier, le premier président qui a mis sur pied tous les rouages de
la Caisse, toute la structure de la Caisse, qui a commencé à
zéro, c'est certainement une expérience qui aurait pu être
profitable à notre commission. Le ministre des Finances ne nous a pas
fait la preuve. Il s'est réfugié dans le silence, on va
peut-être l'entendre un peu tantôt. M. le Président,
à travers vous, par votre intermédiaire, je peux demander au
ministre des Finances s'il a objection à ce qu'on lui pose des
questions?
Le Président (M. Audet): Vous pourrez poser des questions
lorsqu'on aura commencé l'étude détaillée du projet
de loi. À l'étape des motions préliminaires, ça ne
permet pas l'échange de... Parce que si je reconnais M. le ministre, je
vais immédiatement mettre fin à votre intervention,
M. Lazure: Bon. Alors, je vais poser des questions et je vais y
répondre. Connaissant bien le ministre des Finances depuis moult
années, je vais y répondre. Le ministre des Finances,
sérieusement...
M. Léonard: Je suis sûr que ce seront de meilleures
réponses que celles qu'il vous donne...
M. Lazure: Oui. Le ministre des Finances, j'en suis convaincu, ne
peut absolument pas nous faire la preuve qu'il est nécessaire de changer
la structure, changer l'organisation de la Caisse. Il ne peut pas et s'il le
veut, il peut m'écrire un petit message, me donner la réponse par
écrit, puisqu'il ne peut pas, selon nos règles, intervenir
à ce stade-ci, mais je voudrais aussi le mettre en garde contre une
action intempestive. Le personnel de la Caisse de dépôt et
placement du Québec a déjà accumulé, non seulement
une crédibilité, mais un ensemble de traditions, de pratiques qui
se sont avérées fort efficaces et là, on introduit deux
autorités: l'une pour s'occuper de l'exploitation et l'autre de la
direction. Dans une boîte où il y a relativement peu de personnel,
environ 200 à 250 employés, on ne viendra pas me faire croire que
l'exploitation d'une telle entreprise, d'un tel groupe d'employés est
comparable à l'exploitation d'une grande usine, d'un grand commerce
où il y a des centaines et des milliers d'employés.
Qui - et c'est ma deuxième question au ministre des Finances - va
définir ce qui est exploitation et qui va définir ce qui est
direction? En entendant M. Cazavan, en recevant M. Cazavan, avec toute
l'expérience qu'il a eue, on aurait pu, le ministre des Finances aurait
pu être éclairé là-dessus. Moi, je soupçonne
que M. Cazavan, lui, aurait dit: Écoutez, dans une entreprise qui a des
décisions aussi délicates, des décisions aussi lourdes de
conséquences à prendre, l'expérience démontre que
l'unité de direction est primordiale. Il vaut mieux faire de la
prévention et une façon de prévenir les conflits, parce
qu'il y a toujours l'aspect interpersonnel qui entre en jeu, et par
conséquent le risque de conflits dans la haute gestion, la haute
administration... Et en désignant une deuxième tête, en
instituant cette direction bicéphale, on double le pourcentage de risque
de conflits interpersonnels. Et ça, ça va se faire au
détriment de l'efficacité de la Caisse, au détriment du
moral des troupes dans la Caisse, du moral du personnel. (21 heures)
Et une autre remarque, M. le Président, ça va coûter
plus cher aussi, la multiplication des cadres. Est-ce qu'on se rend compte que
sur la moitié de son mandat, c'est 1 000 000 $, c'est 200 000 $ et plus
par année qu'il faudra donner à M. Savard pour un rôle,
à toutes fins pratiques, qui n'est pas utile, qui n'est que superflu,
à moins, à moins, à moins, M. le Président, que le
gouvernement du Parti libéral tienne absolument à avoir son chien
de garde, expert argentier, expert collecteur de fonds, à la Caisse de
dépôt, de manière que la Caisse de dépôt fasse
des investissements qui vont, directement ou indirectement, favoriser les
petits amis du parti. Si c'est ça, le rôle qu'on veut donner
à M. Savard, bien, ayons le courage de le dire et ayons le courage
d'essayer de démontrer - parce que d'autres l'ont dit, les
éditorialistes l'ont dit, on en a cité plusieurs cet
après-midi - de faire la preuve que ce n'est pas vrai, que ce n'est pas
du patronage, que la présence d'un vice-président à
l'exploitation va apporter quelque chose d'original...
Une voix: Un président à l'exploitation...
M. Lazure: ...un président à l'exploitation, c'est
ça...
Une voix: C'est deux têtes.
M. Lazure: ...ce n'est pas deux bras, ce n'est pas deux
vice-présidents, c'est deux têtes. Alors, un président
à l'exploitation à côté d'un président -
à côté ou en dessous, on le sait pas, c'est
légèrement en dessous et légèrement à
côté - qu'est-ce qu'il va apporter de nouveau dans la
gestion de la Caisse de dépôt? M. le Président, en
refusant, comme on soupçonne que le parti ministériel va refuser
notre motion, la motion de mon collègue de Labelle, le parti
ministériel continue la tradition de cette session-ci: attitude
antidémocratique, refus de recevoir des groupes, refus de recevoir des
experts. Est-ce que c'est parce que dans l'autre commission, celle qui est
très spéciale sur l'avenir du Québec, ils se rendent
compte maintenant qu'en recevant des groupes, qu'en recevant des experts sur la
question de l'avenir du Québec, leur thèse se trouve pour le
moins négligée, mise de côté, ou mal
représentée par les groupes ou par les experts, ou mal
acceptée? Est-ce que c'est à cause de cette
expérience-là que, tout à coup, on voit à cette
session-ci, plus que jamais, cette attitude de refus de convoquer des groupes,
de convoquer des experts. Alors, la motion est tout à fait dans l'ordre?
Nous continuons de croire que la démocratie est mal servie lorsqu'on
impose le bâillon après quelques heures de débat.
M. le Président, je répète que la communauté
financière, au Québec et à l'extérieur du
Québec, ne comprend pas le pourquoi du geste du gouvernement. Et il n'y
a pas eu d'explications rationnelles, il n'y a pas de démonstrations par
le premier ministre ou par le ministre des Finances que cette nomination d'une
deuxième tête allait apporter une amélioration
spectaculaire à ia gestion de la Caisse de dépôt. Au
contraire, tout le monde s'entend pour dire qu'il y a un danger, un danger
réel de créer de la chicane, de créer des conflits et, en
mettant les choses au pire, c'est l'Assemblée nationale qui devra
trancher. Ça, c'est du jamais vu. On donne à ce M. Savard, sur un
plateau d'argent, non seulement un poste où l'apparence de pureté
doit toujours être de mise - et elle ne l'est pas dans ce cas-ci - non
seulement on lui donne ce poste sur un plateau d'argent, mais, en plus, on lui
dit: Dors tranquille pendant au moins 10 ans, il n'y a personne qui pourra te
déplacer de là, même si, à la prochaine
élection, les mauvais péquistes arrivent au pouvoir, ils ne
pourront pas te déplacer, c'est l'Assemblée nationale qui devra
te déplacer.
Or, M. le Président, c'est cette déconnection avec la
population, avec les groupes, avec les représentants, qui amène
le gouvernement à poser des gestes autoritaires comme ça, des
gestes que le gouvernement va regretter lui-même, parce qu'il va entacher
l'excellente réputation qu'a développée la Caisse de
dépôt à travers les ans, à travers les 25
années de son existence. Nous allons tenter, puisque vous allez refuser
que M. Cazavan vienne nous faire part de son expérience, de vous faire
accepter la venue d'un autre expert, qui est dans l'édifice
actuellement, je crois, M. Campeau, qui a été pendant 10 ans
président de la Caisse. Lui aussi aurait bien des choses à nous
dire. Il a été discret au moment où le gouvernement a fait
son coup d'éclat. Je pense qu'il a été un bon serviteur de
l'État. Il a été discret. Mais nous allons tenter de le
faire venir afin qu'il éclaire le ministre des Finances. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de La Prairie. Est-ce qu'il y a d'autres remarques sur la motion? Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous savez, au cours
des deux dernières semaines, j'ai participé aux travaux de quatre
commissions parlementaires. Je dois dire qu'il y a un point commun dans ces
quatre commissions parlementaires: le refus systématique d'entendre des
groupes. Ce refus se traduit parfois par des réactions plus vives, comme
ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est-à-dire à la
première motion, on ne désire même pas entendre les motions
préliminaires, les motions particulières. Ou, comme dans d'autres
commissions, où nous avons entendu les motions, mais où nous
n'avons aucunement donné réponse à l'Opposition, on a
refusé d'entendre les groupes.
Le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi 109, vient
modifier la composition du conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Un outil aussi majeur pour
l'économie du Québec, je pense qu'il faut qu'il y ait prudence
avant de modifier les structures et c'est ce que nous propose ce projet de
loi.
M. Marcel Cazavan, étant le pionnier, le premier président
de la Caisse de dépôt et placement du Québec, serait
peut-être le plus habilité à nous dire si ce changement de
structure vient répondre aux objectifs premiers de la Caisse. Pour se
les remémorer, on peut se référer au texte de M. Jean
Lesage, en 1965, qui, lorsqu'il parlait de la philosophie
générale de l'administration des fonds de la Caisse de
dépôt, nous disait que l'importance, c'était la
sécurité des dépôts, leur protection contre
l'inflation, le développement des ressources financières du
secteur public et du secteur privé. Il nous disait que, bien sûr,
la Caisse de dépôt et placement était appelée
à devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant
que l'on ait eu jusqu'ici au Québec. Et c'est ce qui est arrivé,
puisque, maintenant, la Caisse de dépôt et placement se retrouve
avec 37 000 000 000 $ d'épargnes des Québécois et des
Québécoises.
Est-ce que la nouvelle structure qu'on nous propose nous permettra de
maintenir cette formule gagnante que nous avons connue au cours des 25
dernières années? M. Marcel Cazavan sera sûrement
habilité à nous le dire. Lorsqu'on a fondé la Caisse de
dépôt et placement, on a établi deux grands principes
essen-
tiels. On disait même à ce moment-là qu'ils
étaient, en apparence, contradictoires. Ce qu'on disait, c'est qu'en
premier lieu, il faut faire en sorte que la direction de la caisse puisse
jouir, à l'égard des pouvoirs publics aussi bien qu'à
l'égard du secteur privé, d'une indépendance aussi nette
que possible. Un organisme financier aussi considérable que la Caisse de
dépôt et placement ne peut éviter d'attirer les convoitises
du secteur politique comme du secteur privé.
On pourrait poser la question à M. Marcel Cazavan si, selon lui,
la nouvelle structure qu'on nous propose vient en contradiction avec ce
principe essentiel qu'il fallait sauvegarder, ce principe d'indépendance
de la Caisse de dépôt et placement par rapport au secteur
politique. Le deuxième principe Important qu'il fallait sauvegarder, on
nous disait, dès la création de la caisse: il faut que le
directeur général de la caisse soit en mesure de prendre les
décisions qui, en dernier ressort, lui paraissent être les plus
conformes aux objectifs de l'institution qu'il dirige. Pour cela, il faut qu'il
soit à l'abri, aussi bien d'un renvoi intempestif que d'une
réduction arbitraire de son traitement.
On ajoutait: D'ailleurs, une institution financière comme la
Caisse de dépôt doit développer, au sein de son personnel,
une tradition et une continuité qui, sans exclure l'élaboration
de politiques hardies, la garantissent cependant contre celles qui sont trop
hasardeuses. C'est la question qu'on doit se poser aujourd'hui. Le changement
de structure qu'on nous propose, est-ce qu'il va permettre aux deux
présidents, finalement - puisqu'on crée deux présidents -
de prendre des décisions?
Lorsqu'il y a un seul président, un seul directeur
général, il a les mains libres, avec ses vice-présidents,
bien sûr, pour prendre des décisions. En ajoutant une
deuxième tête, ça se complique, et quand on parlait de
maintenir une tradition et une continuité puis d'éviter
l'élaboration de politiques trop hasardeuses, on peut s'interroger
à savoir si la nouvelle structure qu'on nous propose n'entre pas
justement dans ce qu'on pourrait qualifier de structures hasardeuses qui ne
nous garantit aucunement le maintien du respect des politiques qui ont
été établies depuis vingt-cinq ans, à la Caisse de
dépôt et placement du Québec. La naissance de ce projet de
loi là, parce qu'il faut se rappeler que le tout début - je
dirais même la conception, avant la naissance de ce projet de loi - la
conception a eu lieu au printemps et c'a été une conception qui
s'est traduite, autant dans le public que dans la presse, par beaucoup de
protestations. Il y a eu un tollé de protestations, et on sait
qu'à ce moment-là la crédibilité de la Caisse de
dépôt et placement du Québec a été mise en
doute, et ça, c'est très grave. C'est très grave, compte
tenu l'importance de son rôle pour notre économie et de
l'importance quelle doit jouer dans les années à venir, puisque,
après l'échec du lac Meech, on se doit de repenser la
constitution du Québec, et le rôle de la Caisse de
dépôt et placement du Québec sera déterminant dans
les années à venir.
Donc, la conception de ce projet-là s'est faite avec beaucoup de
doutes, beaucoup de réactions négatives, presque unanimement
négatives, beaucoup d'interrogations sur la confiance qu'on pouvait
maintenir dans la direction de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Devant ces réactions, le gouvernement a proposé
une structure quelque peu différente, un poste intermédiaire de
vice-président exécutif, qui permettait de faire entrer une
nouvelle personne à la direction, sans changer officiellement les
statuts.
La loi 109 vient donner naissance officiellement à une nouvelle
structure, une nouvelle structure qui ne fait peut-être pas l'affaire des
vice-présidents qui faisaient partie du conseil d'administration et qui
ont eu à vivre avec cette formule-là depuis de nombreuses
années. Et c'est à ce titre que M. Marcel Cazavan, serait une
personne intéressante à rencontrer et à questionner parce
qu'il pourrait vraiment faire les nuances et les différences entre
l'ancienne structure qui nous a permis les succès que nous connaissons
et la nouvelle structure que nous avons aujourd'hui devant nous. M. Cazavan,
ayant été un pionnier, ayant connu les débuts qui ont
sûrement été un petit peu difficiles parce que quand on
commence quelque chose, il faut toujours s'ajuster, pourrait à tout le
moins nous prévenir des embûches que nous risquons de rencontrer
avec l'adoption de cette nouvelle structure bicéphale. Et son expertise
m'apparaît d'autant plus importante, comme je le disais tantôt, M.
le Président, en ce moment où la Caisse de dépôt et
placement du Québec est appelée à jouer un rôle
primordial. Est-ce que j'ai terminé, M. le Président?
Le Président (M. Audet): Vous pouvez conclure.
Mme Caron: Ça va? Bon. Alors, en conclusion, M. le
Président, je pense que tout gouvernement qui se respecte et qui se veut
un législateur efficace se doit d'entendre des groupes avant de prendre
des décisions aussi importantes que celles que nous avons devant nous
aujourd'hui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres remarques? M. le
député de Bertrand, vous avez 10 minutes. (21 h 15)
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'écoutais tout
à l'heure les commentaires de mes collègues de Labelle et de La
Prairie sur la
situation qu'on est en train de vivre à l'heure actuelle. Vous me
permettrez, comme parlementaire issu des milieux financiers, qui siège
ici pour la première fois, de trouver quelque peu kafkaïen,
l'exercice que nous sommes en train de vivre, où nous sommes en train de
nous égosiller ici sur un projet de loi sur lequel l'Assemblée
nationale s'apprête, dans quelques minutes, à nous imposer le
bâillon. Je trouve qu'il y a quelque chose quand même d'un peu
ridicule, dans cette procédure, qui fait que, alors que nous sommes ici
en train d'essayer d'apporter des améliorations à un projet de
loi qui nous semble déficient, à plusieurs égards,
à peine une heure, ou maintenant une heure trois quarts après que
nous avons commencé à étudier en commission ce projet de
loi, on parle déjà de nous imposer le bâillon.
Ceci étant dit, je trouve que la proposition de mon
collègue de Labelle, d'écouter M. Marcel Cazavan, est tout
à fait acceptable, dans le sens où, lorsqu'on est sur le point de
prendre une décision qui risque d'avoir des répercussions
administratives importantes sur un organisme de l'ampleur de la Caisse de
dépôt, il serait sage, à mon avis, d'écouter les
commentaires de ceux qui ont présidé aux directions de cette
institution pendant plusieurs années et, en particulier, d'entendre leur
point de vue, sur les impacts que pourrait avoir une direction bicéphale
de la Caisse de dépôt.
En discussion sur le projet de loi et au cours des remarques
préliminaires, la réflexion suivante m'est venue à
l'esprit, réflexion à savoir qu'un organisme, qui compte en son
sein plusieurs milliers d'employés, peut bien vouloir
différencier entre le chef de la direction et le chef de
l'administration. Et les exemples d'entreprises qui ont adopté cette
structure et qui ont été mentionnées à titre de
précédents, que ce soit Hydro-Québec, ou certaines
entreprises comme Bell Canada, ou la Banque Nationale, ont à leur charge
plusieurs milliers d'employés. Ce n'est pas le cas de la Caisse de
dépôt et placement. En ce sens, je ne vois pas ce qu'une
deuxième direction, ce qu'un chef de l'exploitation pourrait ajouter aux
contrôles qu'ont toujours exercés, à la fois sur les
orientations et sur l'administration, les présidents qui se sont
succédé à la tête de la Caisse de dépôt
et placement.
M. Cazavan aurait sans doute une expérience intéressante
à nous apporter, non seulement parce qu'il a dirigé pendant
plusieurs années la destinée de la Caisse de dépôt,
mais il serait en mesure également de nous expliquer les
particularités de la gestion d'une entreprise d'État, par rapport
à une entreprise strictement privée. La Caisse de
dépôt ayant participé à de nombreuses transactions
avec des entreprises privées, les présidents de la Caisse de
dépôt, dont M. Cazavan, ayant eu l'occasion de négocier
avec leur contrepartie dans les grandes entreprises privées, seraient
sans doute en mesure de nous éclairer sur les impacts que pourrait avoir
ce projet de loi sur l'administration de la Caisse de dépôt.
Tout à l'heure, j'ai eu l'occasion d'indiquer qu'il me semblait
tout à fait inapproprié que, dans la conjoncture actuelle, on
lance un message équivoque au milieu des affaires et qu'on laisse
planer, de façon indirecte, ce qu'on n'a pas osé dire de
façon ouverte et de façon directe.
Lorsque le premier ministre Bourassa, au cours de l'année
dernière, déplorait et en fait se dissociait des propos qu'avait
tenus un des représentants au conseil d'administration, qui se
prétendait à l'époque représentant du premier
ministre Bourassa, lorsque ce représentant avait indiqué qu'il
serait peut-être approprié de fractionner la Caisse de
dépôt, à ce moment-là, la réaction avait
été unanime. Elle avait été unanime, au
Québec, dans les milieux d'affaires. Mes collègues ont eu
l'occasion de souligner les interventions du président du Mouvement
Desjardins à cet effet, M. Béland. Non seulement elle a
été unanime du côté du milieu des affaires, mais
également du côté des intervenants politiques, que ce soit
l'Opposition officielle ou le bureau du premier ministre lui-même.
Alors, c'est dans ce sens qu'il m'apparaît tout à fait
étonnant qu'aujourd'hui, malgré les mises en garde, malgre les
commentaires qui avaient été formulés à ce
moment-là par les différents intervenants du milieu, nous en
soyons encore à examiner une proposition qui viserait, à toutes
fins pratiques, à scinder l'administration de la Caisse de
dépôt et placement. Et, au niveau de l'efficacité de la
gestion elle-même, je pense qu'on a tendance à escamoter un peu
trop facilement les répercussions que, sur une base de 10 ans, une telle
proposition pourrait avoir. Bien sûr, en début de mandat, la
première, la deuxième, la troisième année, il est
fort probable que les deux principaux gestionnaires s'entendraient entre eux,
mais il n'est pas aussi évident que, sur une base de 10 ans, le
même consensus puisse continuer à régner et, dans ce sens,
il serait déplorable que toute modification à la structure
administrative de la Caisse de dépôt et toute modification
subséquente aux titulaires qui en occuperaient les postes fasse l'objet
encore une fois d'un débat public à l'Assemblée nationale.
Tous ces débats, à mon avis, n'ont comme résultat que
d'entacher la réputation de la Caisse de dépôt,
réputation qui, jusqu'ici, était à l'abri de tout
soupçon et de toute critique.
Bien sûr, nous avons eu l'occasion de formuler certains
commentaires quant à l'arrière-plan professionnel des personnes
qui ont été proposées par le gouvernement, mais je ne
pense pas que ce soit là l'objet principal de nos observations,
certainement pas des miennes. Chaque individu a ses mérites et chaque
individu peut, à la longue, justifier une performance
acceptable. Ceci ne nous empêche pas de constater que, sur le plan
strictement de la structure, sur le plan strictement administratif, il y a
quelque chose d'incohérent dans ce qui nous est proposé. Et de
sans cesse rappeler que la structure a bien fonctionné chez
Hydro-Québec ou dans les autres entreprises, cela fait fi de la
dissimilarité qui existe entre ces organismes. La Caisse de
dépôt, au fond, c'est un regroupement de professionnels, de
gestionnaires expérimentés qui ont à prendre des
décisions quant aux investissements des fonds de pension des
Québécois et quant à l'orientation d'une institution
financière de l'ordre de 40 000 000 000 $. Dans ce sens, je ne vois pas
comment la distinction entre un chef de l'administration qui s'occuperait de
l'intendance quotidienne des opérations pour une entreprise qui compte
environ 300 employés justifie l'ampleur du salaire et l'ampleur des
privilèges qui fui seront attribués en vertu de la loi. Par
contre, il est tout à fait admissible que les responsabilités de
gestion et d'orientation politique puissent être combinées par une
seule personne comme ça a été le cas depuis la fondation
de la Caisse de dépôt et placement. Des modifications à la
structure administrative sont possibles. Certains présidents de la
Caisse de dépôt s'entouraient d'un bras droit principal, d'autres,
comme M. Campeau, se sont plutôt entourés d'un conseil de
vice-présidents ayant chacun leurs responsabilités. Enfin, chacun
peut s'entourer de la structure qui lui paraît la plus convenable, mais
il demeure que jusqu'ici il n'y avait qu'une seule tête dirigeante qui
concentrait les décisions de l'organisme et à notre avis cette
structure a donné pleinement satisfaction et elle devrait continuer
à être maintenue en vigueur. Je vous remercie.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le
député de Gouin, la parole est à vous.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. J'interviendrai
à mon tour pour appuyer la motion de mon collègue, le
député de Labelle, qui, essentiellement, vise, à ce
moment-ci de l'adoption du projet de loi avant d'entreprendre l'étape
qu'on appelle, de façon commune, l'étude article par article du
projet de loi, à faire entendre un certain nombre d'experts qui
pourraient venir témoigner sur la pertinence ou non du projet de loi. Je
crois que la proposition de mon collègue député de Labelle
est d'autant plus pertinente qu'elle vise à faire entendre M. Cazavan,
exsous-ministre des Finances nommé par l'ancien premier ministre, M.
Jean Lesage, qui a occupé les fonctions de président-directeur
général de la Caisse de dépôt et placement.
M. le Président, permettez-moi, sur la proposition, de rappeler
le rôle que M. Cazavan a joué au cours de son mandat à la
Caisse de dépôt et de placement, lui qui à Ottawa, avait
mis sur pied la Corporation de développement du Canada, lui qui a
succédé à M. Prieur, premier président-directeur
général de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, qui a fait partie du conseil d'administration de la Caisse
jusqu'en 1972 et qui, faut-il le rappeler, a été le premier
sous-ministre canadien-français catholique à taire partie du
ministère des Finances. C'est donc dire, M. le Président, que la
pertinence de la motion du député de Labelle n'est pas à
démontrer. M. Cazavan, au cours de sa carrière, a su
développer une longue expérience, une expertise valable de
l'administration publique et aussi, par les fonctions qu'il a occupées,
les fonctions fondamentales, les fonctions cruciales qu'il a occupées au
sein de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a
été à même de vivre le fonctionnement de la Caisse
de dépôt et placement du Québec. Il a été
à même, de façon quotidienne, de confronter les lacunes,
les forces et les faiblesses de la structure actuelle de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Il pourrait venir
témoigner de la pertinence de modifier la composition actuelle de la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
M. le Président, c'est quand même assez spécial de
voir que nous sommes ici ce soir - j'aimerais le dire en faisant un peu une
parenthèse sur mon propos plus général - à discuter
d'une proposition semblable à celle-là, alors que nous savons
fort bien, nous l'avons appris après souper, M. le Président, que
le gouvernement entend abuser de sa majorité parlementaire en
décidant, après une heure et demie de débat, d'imposer une
motion de clôture. Je suis convaincu que le ministre des Finances, qui a
une longue expérience du parlementarisme à cette Assemblée
nationale, qui a toujours su au cours de sa carrière se montrer
respectueux de l'institution, qui, de plus, au cours de sa carrière a eu
l'occasion de connaître à la fois l'Opposition, à la fois
le gouvernement, qui a su apprécier aussi la pertinence des
règles de procédure adoptées par l'ensemble des
parlementaires, est sûrement déçu de son leader qui n'a pas
su appeler à temps, ou le déposer à tout le moins, le
projet de loi 109.
M. le Président, cette parenthèse étant faite, je
suis convaincu que je n'ai pas besoin de plaider ma cause plus longtemps. Le
ministre des Finances m'a compris et vous aussi, M. le Président. Je
suis convaincu que vous partagez ce point de vue et que vous auriez
préféré utiliser une façon beaucoup plus
élégante, à tout le moins, pour discuter et faire adopter
ce projet de loi. Mais puisque vous vous entêtez, M. le Président,
à baîllonner l'Opposition, pas vous personnellement mais les
membres du gouvernement... M. le Président, je suis convaincu que vous
exercez votre rôle avec la plus grande neutralité et la plus
grande impartialité qui est
nécessaire dans l'exercice de vos fonctions et que vous
êtes même sensible aux propos qui sont tenus par l'Opposition. Vous
avez été à même de nous le démontrer hier en
Chambre, au salon bleu, lorsque vous êtes intervenu vous-même sur
le projet de loi 109.
M. le Président, la motion de l'Opposition officielle vise
à faire entendre un certain nombre d'experts qui pourraient venir
témoigner de l'efficacité de la structure actuelle ou, à
tout le moins, peut-être, proposer d'autres modifications qui viendraient
confirmer les propos du ministre, ou qui viendraient peut-être proposer
d'autres modifications.
Et, M. le Président, nous serons obligés de conclure,
parce qu'il ne faut pas des grands talents de devin, nous sommes convaincus que
le gouvernement utilisera encore une fois sa majorité parlementaire et
fera battre cette proposition. Je ne sais pas, peut-être que les
députés, après le souper, se sentent plus à l'aise,
plus disposés à discuter sur le fond de la question et des
modifications à apporter à la Caisse de dépôt et
placement du Québec.
Mais à tout le moins, M. le Président, nous serons
obligés de conclure que si le gouvernement et si les
députés ministériels s'entêtent à refuser ce
type de motion, il y a anguille sous roche. À tout le moins, le ministre
aurait peut-être pu profiter de l'occasion de faire entendre des gens qui
partagent peut-être les mêmes points de vue que lui. On aurait pu
lui donner la chance de faire valoir le bien-fondé de son projet de loi.
M. Cazavan aurait peut-être - je ne veux pas présumer de son
propos, M. le Président, je ne voudrais surtout pas parler à la
place de M. Cazavan - défendu la même position que celle
défendue par le ministre des Finances. Il aurait été
intéressant qu'il vienne le dire. Et je vois déjà, M. le
Président, le titre le lendemain dans les journaux: Cazavan apppuie le
projet de loi 109... (21 h 30)
Une voix: C'eût été fort.
M. Boisclair: C'eût été fort, M. le
Président. Je suis convaincu que le ministre des Finances qui s'est
toujours montré soucieux de son image publique se serait fait un plaisir
de rappeler l'appui que M. Cazavan aurait pu lui donner. Nous lui donnons une
chance, finalement, de dire à l'Opposition qu'elle est dans l'erreur,
dans la mesure, bien sûr, où M. Cazavan appuie son projet de loi.
C'est un pari que nous faisons, M. le Président, et vous savez que nous
faisons cette proposition avec toutes les conséquences qu'elle pourra
avoir, parce que c'est un risque que nous prenons. Nous prenons le risque, M.
le Président, de voir une série d'individus qui viendront
témoigner en commission parlementaire et qui viendront peut-être
dire que le ministre des Finances a raison. Nous prenons ce risque, M. le
Président, de voir le ministre des Finances qui peut-être se
plaira en rappelant l'appui que peut-être les intervenants pourraient lui
donner, se moquer de l'Opposition et dire: Je vous l'avais bien dit. Vous
voyez, tous les intervenants qui viennent témoigner devant cette
commission appuient mon projet de loi. Nous sommes convaincus, M. le
Président, que puisque nous demandons à entendre des gens, comme
M. Cazavan, ou peut-être comme M. Campeau... Ce serait une suggestion que
je ferais à mon collègue, le député de Labelle,
tout à l'heure, qu'il fasse une motion pour entendre l'ancien
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec qui, en plus de ça, est dans la bâtisse, M. le
Président, pas loin, au salon rouge. Je suis convaincu qu'il se ferait
un plaisir de descendre quelques instants pour venir nous parler de la Caisse
de dépôt et placement du Québec. C'est un pari que nous
faisons, M. le Président, nous serons prêts à vivre avec
fes conséquences. Nous demandons aux députés
ministériels de relever ce même pari et d'accepter de venir
entendre un certain nombre de gens qui pourraient venir témoigner sur la
pertinence des modifications apportées au projet de loi.
Alors, M. le Président, s'ils refusent de faire entendre des
témoins devant cette commission, nous serons donc forcés de
conclure que c'est parce qu'ils ont peur que les gens qui possiblement
pourraient venir témoigner en commission s'opposent au projet de loi
109, sinon c'est une belle occasion pour mettre l'Opposition devant ses
contradictions si jamais ils venaient appuyer, encore une fois, la
réforme proposée par le ministre. Alors, nous ne comprenons pas
ce qui motive le ministre et les députés ministériels
à s'entêter, à refuser d'entendre les intervenants.
M. le Président, il faut le rappeler, on ne parle pas du conseil
d'administration d'un CLSC, on ne parle pas du conseil d'administration d'un
hôpital, on ne parle pas du conseil d'administration d'une compagnie
manufacturière, on parle du conseil d'administration de la
septième institution financière la plus importante au Canada, la
plus importante détentrice d'actions canadiennes. Nous parlons d'une
entreprise québécoise, d'une institution financière qui a
des actifs d'environ 37 000 000 000 $. On se permet, sans discussion, sans
consultation, à la sauvette, à la toute dernière minute,
ce projet de loi n'a été déposé, M. le
Président, que tout récemment, il n'y a pas un mois que ce projet
de loi a été déposé ou à peu près un
mois... Nous demandons au gouvernement et nous demandons aux
députés ministériels de nous appuyer dans nos
démarches, eux qui sont si fiers de parler des mérites de la
Caisse de dépôt et placement du Québec dans leur discours.
Tout le monde se permet de vanter les mérites de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Moi aussi, M. le
Président, je suis fier de cette réalisation, mais, cependant, il
faut faire attention, il faut traiter cette institution
avec tout le respect qu'elle mérite. Et si nous sommes si fiers
de parler de la Caisse de dépôt et placement du Québec et
de ses succès, c'est parce qu'elle a su exercer un leadership
fondamental sur l'économie québécoise. Et si vraiment nous
respectons cette institution, si vraiment nous en sommes fiers, nous devons
aussi et je termine en disant...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Gouin, pourriez-vous conclure, bien sûr.
M. Boisclair: ...que nous devons aussi faire attention aux
changements qu'on propose au conseil d'administration. Souhaitons, M. le
Président, que les députés ministériels appuieront
la proposition de l'Opposition officielle, sinon nous serons obligés de
conclure et de croire qu'ils ont peur de se faire renverser ou peut-être
de se faire critiquer par des intervenants qui pourraient venir
témoigner devant cette commission.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le
député.
M. Boisclair: M. le Président, j'aimerais les
entendre...
Le Président (M. Gautrin): Un instant. Juste après
votre intervention, je pense que, suivant le règlement, le ministre peut
vous répondre. Le ministre aimerait pouvoir prendre son temps de parole
et intervenir. Alors, M. le ministre des Finances, s'il vous plaît.
M. Levesque: Alors, M. le Président, à la demande
générale...
Une voix: ...sur la motion.
Le Président (M. Gautrin): Un peu de sérieux...
Bien sûr, avec la pertinence de l'article 211.
Une voix: Je suis convaincu, M. le Président...
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: II me fait plaisir d'intervenir, très
brièvement d'ailleurs, sur la motion du député de Labelle
à l'effet d'entendre M. Marcel Cazavan. Je pense que, du moins, mes
premiers mots sont pertinents et je respecte la lettre et l'esprit du
règlement. Cependant, je suis un peu surpris d'entendre des gens
évoquer à ce moment-ci, de l'autre côté de la table,
avec une certaine stupeur et même, on a employé des termes
très forts pour évoquer ce qui se passait dans un autre lieu
où on discutait, où on déposait plutôt une motion de
clôture. Je pense qu'il ne faut pas se surprendre de cela lorsque l'on
voit les mesures dilatoires que nous vivons et dont nous sommes témoins
ici depuis cet après-midi.
Il est bon de se rappeler que la commission parlementaire dont nous
faisons partie a reçu de l'Assemblée nationale un mandat, le
mandat de venir étudier article par article le projet de loi qui a
été adopté en principe par l'Assemblée nationale.
Alors, je pense que tous ceux qui ont voulu s'exprimer ont eu l'occasion de le
faire à l'Assemblée nationale sur le projet de loi
lui-même. Personne n'a été privé de son droit de
s'exprimer et pendant des heures, on a eu l'occasion d'entendre divers
intervenants exerçant leur droit de parole comme ils ont voulu le faire,
le tout en vertu du règlement qui guide les travaux de
l'Assemblée nationale. A la fin du débat, il y a eu un vote
démocratique où l'Assemblée nationale, très
majoritairement, avec l'équipe ministérielle oui, mais
également avec les indépendants, ont voté pour l'adoption
de ce projet de loi. Seuls les députés péquistes s'y sont
opposés, mais démocratiquement, ils devront, ils doivent,
à mon sens, sinon se rallier, du moins reconnaître que le
processus démocratique a été suivi d'une façon
impeccable. Par la suite, l'Assemblée nationale, unanimement, M. le
Président, a donné le mandat à cette commission
d'étudier le projet maintenant, au cas où on pourrait le bonifier
article par article.
Or, M. le Président, depuis des heures, nous sommes ici et nous
ne sommes pas arrivés encore à l'article 1. Nous sommes
évidemment devant une volonté très ferme de la part de
l'Opposition qui, même si elle a été défaite
démocratiquement à l'Assemblée nationale, poursuit ici,
non pas le travail qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale, mais un travail d'obstruction et, on se surprend,
de l'autre côté, que dans cette Assemblée nationale qui
nous a donné un tel mandat, on songe à mettre fin à un
processus qui n'a aucune relation avec le mandat qui nous a été
confié. Et c'est d'autant plus grave, M. le Président, que nous
n'avons pas affaire ici à un projet de loi de quelques centaines
d'articles comme ça arrive dans certains cas. De fait, il n'y a qu'un
article dans ce projet de loi. C'est l'article 5. Les autres, ce sont des
articles de concordance. Il y a à peu près huit articles dont
sept de concordance. Il n'y a qu'un seul article de fond et c'est l'article 5.
Le travail qu'on nous a confié, c'est justement de faire l'étude
article par article. On aurait pu immédiatement passer à
l'article 5, discuter sur le fond de la question et voir s'il n'y a pas lieu de
faire des amendements qui seraient de nature à bonifier le projet de
loi. Ce n'est pas le cas, M. le Président. Ce que l'on fait
présentement, après avoir fait des discours les uns après
les autres, tant qu'il y a eu des intervenants du côté de
l'Opposition, là maintenant, on commence à procéder... Et
ça, évidemment, on l'a déjà vu. Je n'ai pas
à faire de reproches particuliers à l'Opposi-
tion sur les procédures employées parce qu'elles existent.
Elles ont été employées par plusieurs partis politiques,
plusieurs formations politiques dans le passé et je ne peux pas dire
qu'on est surpris, qu'on est abasourdis. Mais au moins, je pense qu'on doit se
rendre compte de ce qu'on fait et on est en train d'assister encore à
cette procédure que l'on retrouve en fin de session, ordinairement,
vis-à-vis de certains projets de loi où l'Opposition utilise le
procédé du "filibuster". Bon, libre à nos amis de le
faire, mais libre également à nous de mettre à nu un peu
cette procédure-là afin que l'on comprenne bien ce que nous
faisons.
Je reviens à mes propos du début. Nous avons reçu
un mandat. Nous sommes en train présentement d'esquiver ce mandat par
une procédure d'obstruction systématique. Et la dernière
de ces obstructions, c'est la motion que nous avons devant nous, M. le
Président, à l'effet de quoi? D'interroger M. Marcel Cazavan. Or,
M. le Président, M. Marcel Cazavan est un homme que j'estime beaucoup,
pour qui j'ai toujours eu des sentiments d'admiration, mais il y a au moins une
douzaine d'années, je pense, que M. Cazavan occupait ces
fonctions-là. Et je ne vois pas, M. le Président, la pertinence
de cette motion, d'autant plus que ce que contient l'article 5, pour revenir
encore là, c'est simplement un changement de structure qui coïncide
avec une structure qui est adoptée maintenant presque
généralement dans les grandes sociétés, autrement
dit d'avoir un président chef de la direction et un président
chef de l'exploitation. Il n'y a rien là. Il n'y a rien là, M. le
Président.
Une voix: C'est clair.
M. Levesque: C'est clair. Ha, ha, ha! Et pourtant, on en fait un
plat. Pourquoi? Parce qu'on s'attaque à une personne en particulier qui
a eu simplement à se reprocher, non pas sa compétence parce que
tout le monde reconnaît sa compétence... Et le chef de
l'Opposition disait - et je le remercie de ce témoignage, - que
lorsqu'il s'agissait de ce haut fonctionnaire, si on peut employer le mot, il
s'agissait, et je cite ce qu'il a dit: C'est un homme - quel était le
mot qu'il a employé - qui, à tous égards, était un
homme...
Une voix: Honorable.
M. Levesque: Pas seulement honorable. C'est plus fort que
ça. Ça incluait la compétence, ça incluait
l'intégrité, ça incluait enfin toutes les qualités
que l'on peut retrouver chez un administrateur de cette qualité et
occupant de telles fonctions. Dans les circonstances, M. le Président,
je ne peux que regretter la procédure employée. J'espère
que ça n'entrera pas trop dans les moeurs de nos successeurs.
J'espère que les jeunes députés qui sont avec nous se
rappelleront ce soir, ce soir du 12 décembre 1990. Je les incite
à convoquer une réunion de la commission de l'Assemblée
nationale, sinon cette année, l'an prochain. Mais à un moment
donné, si vous êtes encore ici et si vous en aviez encore le
goût, convoquez la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale pour inciter les députés à se trouver une autre
façon d'exprimer leur désaccord. Faire des discours à
répétition, M. le Président, comme on en fait... Et
d'ailleurs, je n'ai pas, encore une fois, à faire des reproches
particuliers à l'Opposition d'aujourd'hui. L'Opposition d'aujourd'hui
agit comme l'Opposition d'hier et l'Opposition d'hier agissait comme
l'Opposition d'avant-hier. Mais que de paroles, que de paroles, que de temps,
que d'énergie, que de dépenses de temps, d'argent! (21 h 45)
Je suis peut-être plus philosophe à i'époque
où je suis dans ma carrière politique, mais j'espère que
ceux qui viendront après nous ne suivront pas ces sentiers et que l'on
trouvera une autre façon pour que le public, qui a le droit d'être
informé, le soit d'une autre façon, que ce soit aussi bien, d'une
façon aussi démocratique, ne privant personne de son droit de
parole, mais enfin qu'on cesse ces nuits à se regarder d'un
côté et de l'autre de la table et de répéter
à satiété des discours qui ennuient autant les uns que les
autres, les unes que les autres. Et tous les gens sont là, face à
face, vivant leur pensum collectif et continuant ainsi la vie politique que
l'on pense être revalorisante mais dont certains aspects nous laissent
songeurs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le ministre. Est-ce
que du côté ministériel, vous avez encore quelques
remarques à faire? Alors, je pense que le temps disponible pour
l'étude de cette motion est épuisé et je vais donc la
mettre aux voix. Est-ce que vous demandez un appel nominal?
M. Léonard: Oui.
Vote sur la motion
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr. Bon, je m'y
attendais. Bon. Oui, je sais. M. le député, je ne commence pas
comme ça. C'est parce que j'en ai pris trois. M. le député
de Bertrand.
M. Beaulne: Pour la motion.
Le Président (M. Gautrin): Pour la motion. M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Pour.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Pour.
Le Président (M. Gautrin): Bien, j'en ai pris trois. M. le
député de La Prairie, j'aurais dû prendre votre vote, c'est
ça?
M. Lazure: Est-ce que vous pourriez relire la motion, M. le
Président?
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, c'est avec
plaisir que je lirai la motion et je reprendrai le vote, parce que j'ai compris
que vous vouliez absolument voter. Alors, je relis. "Il est proposé
qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la
commission permanente du budget et de l'administration tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi
modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec, des consultations particulières quant à tous les
articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende M. Michel
Cazavan." Le vote a été appelé... Marcel Cazavan merci.
Alors, je comprends que vous devez vous exprimer, M. le député de
La Prairie, alors je reprends le vote et je vous demande: Est-ce que vous
êtes pour ou contre la motion?
M. Lazure: Je suis pour la motion, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je pense que c'est une
petite étoile, il faut que je demande aussi... Alors, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Je suis pour.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je reprends. Le
député de Bertrand.
M. Beaulne: Pour.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je passe de l'autre
côté. M. le député... Pardon? M. le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Contre la motion, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Prévost.
M. Forget: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): M. le député le
Limoilou.
M. Després: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): M. le député
de
Bonaventure.
M. Levesque: Contre.
Le Président (M. Gautrin): Moi, je vote aussi. M. le
député de Verdun est contre aussi. Alors, ça en fait...
C'est rejeté. Alors, encore une motion, M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, M le Président, j'aurais une autre
motion à vous présenter qui est la suivante.
Le Président (M. Gautrin): Oui. Alors, je suis bien
tombé.
Motion demandant d'entendre M. Jean Campeau M. Jacques
Léonard
M. Léonard: "II est proposé qu'en vertu de
l'article 244 de nos règles de procédure, la commission
permanente du budget et de l'administration tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi modifiant la
Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin, elle entende M. Jean Campeau."
Le Président (M. Gautrin): J'ai gagné. Et on avait
tous deviné. M. le député de Labelle, vous avez donc 30
minutes, en fonction de nos règlements, pour défendre cette
proposition.
M. Léonard: M. le Président, j'entendais la
réplique du ministre des Finances, en ce qui concerne la motion que nous
venions de présenter, la dernière, et je suppose qu'il va garder
à peu près les mêmes termes pour la motion qui s'en vient.
Nous en sommes à la deuxième motion, M. le ministre des Finances,
la deuxième, et déjà il parle d'exagération. Nous
ne parlons, en l'occurrence, que des présidents de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Ce sont quand même des
gens qui ont une certaine expérience. Et en ce qui concerne M. Cazavan,
"il a dit que ça fait au moins une douzaine d'années qu'il est
parti; M. Jean Campeau vient de terminer son mandat, ça fait 10 ans.
Donc, il a remplacé M. Marcel Cazavan, ça fait peut-être 10
ans et quelques mois qu'il est parti. Et ne le faites pas remonter au
déluge ni au grand-père de Jésus-Christ, ça fait 10
ans et quelques mois. Alors, c'est de ça, en l'occurrence, qu'il s'agit.
Alors, une deuxième motion, qu'on ne parle pas de mesures dilatoires
parce qu'il faudrait se poser la question sur le règlement 244, à
quoi il sert si on ne peut pas s'en servir sans être accusés de
faire des motions dilatoires, enfin, à quoi il sert? M. le
Président, je suis sûr que vous me comprenez, vous avez
déjà utilisé la procédure en d'autres enceintes,
comme celle de l'Université
de Montréal, et vous savez que là aussi, vous en avez
utilisé, de ces motions. Et puis vous savez que derrière des
motions qui ont l'air des motions de forme, il se cache des problèmes de
fond.
Le Président (M. Gautrin): Le bon temps. Tout à
fait.
M. Léonard: Tout à fait. Alors, je pense que vous
me comprenez très bien. En fait, il s'agit de consulter les
intéressés, des gens d'expérience. Le ministre, lorsqu'il
a répondu à la première motion, à mon sens, a
minimisé, lui, la portée du projet de loi, parce que ce projet de
loi porte sur la direction de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Et je voudrais simplement lui rappeler un certain nombre de
choses qu'il a entendues à l'Assemblée nationale, sûrement.
Je vais lui rappeler ce qui a été dit à l'époque.
Par exemple, en ce qui concerne l'administration de la Caisse, il est
absolument essentiel à la Caisse de sauvegarder deux principes qui sont,
en apparence, contradictoires. J'ai eu l'occasion d'assister M. Jean Lesage
à l'époque de la création de la Caisse. Mais il disait
aussi, en ce qui concerne le directeur: II faut que le directeur
général de la Caisse soit en mesure de prendre des
décisions qui, en dernier ressort, lui paraissent être les plus
conformes aux objectifs de l'institution qu'il dirige et pour cela, il faut
qu'il soit à l'abri aussi bien d'une renvoi intempestif que d'une
réduction arbitraire de son traitement. Il faut enfin que le mandat du
directeur général soit suffisamment long pour qu'il ait le temps
et la possibilité d'adopter des politiques à long terme sans
avoir à les remettre continuellement en cause. En effet, les pressions
ne manqueraient pas de s'exercer sur lui à l'occasion de renouvellements
trop fréquents de son mandat. Il faut en outre qu'une direction
suffisamment stable préside au recrutement et à la formation d'un
personnel hautement qualifié dont la compétence technique sera le
meilleur gage d'une bonne administration. Et d'ailleurs, une institution
financière comme la Caisse de dépôt et placement du
Québec doit développer, au sein de son personnel, une tradition
et une continuité qui, sans exclure l'élaboration de politiques
hardies, la garantissent cependant contre celles qui sont trop hasardeuses.
Une institution financière peut être révolutionnaire
de par sa nature même. Elle ne se développe cependant qu'en
acceptant une grande rigueur de principes et en soumettant son personnel
à un entraînement long et laborieux. C'est dire combien est
essentielle la stabilité de la direction. Et dans ces circonstances, il
a été décidé que le directeur serait nommé
pour une période de 10 ans, qu'il ne pourrait être renvoyé
qu'à la suite du vote de deux Chambres - dans le temps, le Conseil
législatif existait - et que pendant la durée de son mandat, son
salaire ne pourrait pas être réduit. Vous voyez, c'est ça,
son projet de loi qu'il avait déposé et fait adopter par son
gouvernement. Il sera donc possible, pour la Législature du
Québec, de limoger un directeur général dont la politique
serait notoirement insatisfaisante. Mais il sera alors nécessaire de
provoquer un débat public et d'expliquer en détail le conflit qui
oppose le gouvernement et le directeur général de la Caisse.
Il est évident que, de cette façon, on offre au
gouvernement la possibilité de dénouer une crise, mais il est
évident aussi que l'on a recours à une telle
extrémité que dans une situation grave. On connaît, - et je
l'ai rappelé tout à l'heure, - le cas du gouverneur de la Banque
du Canada, M. Coyne. Ce qu'il en dit, la politique du gouvernement a finalement
prévalu dans le cas du fédéral, mais il est apparu
clairement qu'on n'avait pas le moindre désir de faire face à une
semblable crise tous les cinq ou six ans.
Le second principe qu'il faut établir est celui de la
coordination des opérations de la Caisse et de la politique
économique générale de l'État. Et c'est par le
truchement du conseil d'administration que cette synchronisation doit
normalement se faire. Si le directeur général est en même
temps président de la Caisse, le président de la Régie des
rentes en est le vice-président. Et là, on parle de la
composition du conseil. Mais le hic dans tout cela, c'est que le présent
gouvernement a annoncé tout à coup, dans le décor, au mois
de juin, il me semble bien, oui, début de juin, la nomination de deux
présidents. Alors là, on peut se reposer la question sur la
stabilité et la continuité de la direction.
M. le Président, c'est ça, la question de fond et quand
vous dites qu'il y a un article dans le projet de loi, il y en a deux au moins
très importants: l'article 3 que vous n'avez pas mentionné et
l'article 5, parce que quand vous faites une comparaison avec le secteur
privé et je dirais aussi avec Hydro-Québec, j'ai eu l'occasion de
vous rappeler qu'il ne s'agissait pas, en l'occurrence, de la même
situation, absolument pas. Lorsqu'il y a deux présidents dans une
entreprise, généralement, les opérations sont très
importantes et impliquent un grand nombre d'employés. On a deux postes
de présidence à Hydro-Québec. Je crois que ça
s'admet. Il y a 19 019 employés à Hydro-Québec. Puis vous
avez Labatt, Canadien National, Alcan. Vous pouvez en trouver d'autres, mais
dans toutes ces entreprises, il s'agit d'entreprises dont les opérations
impliquent des dizaines de milliers d'employés. À la Caisse de
dépôt et placement du Québec, il n'y en a pas 300. Et il ne
s'agit pas d'opérations comme celles d'Hydro-Québec,
d'opérations manuelles impliquant toute une pyramide avec des cadres et
des employés ici et là. Il y a une petite pyramide - 300
personnes, c'est sûrement une petite pyramide - dont la
moitié comporte du personnel de bureau ou de soutien et le reste,
une équipe de 100, 150 professionnels, mène, dirige, organise les
affaires de la Caisse de dépôt et placement. C'est une petite
boîte, la Caisse de dépôt et placement, mais qui gère
des dizaines de milliards: 37 000 000 000 $.
La distinction dans une entreprise de ce type entre des
opérations et des décisions de direction m'apparaît bien
ténue. Une opération peut impliquer 100 000 000 $, 150 000 000 $.
On prend une décision d'investir, on a acheté à un moment
donné avec une autre entreprise le contrôle de Domtar. Est-ce une
opération de direction? Je pense que le président du conseil
d'administration et chef de la direction ne pourrait pas ignorer une telle
opération, mais est-ce que, en l'occurrence, la décision va
être prise par le président de la Caisse de dépôt et
placement, responsable des opérations ou responsable de la direction? Je
pense par les deux. Et là, on est vraiment dans une situation
d'entreprise bicéphale où la distinction entre les deux ne pourra
pas se faire. Elle n'est pratiquement pas possible dans la pratique des choses.
Alors, de quoi parle-t-on finalement? D'une entreprise où il y aura deux
cuisiniers à la sauce. Nécessairement, avec le temps, il va se
développer des orientations différentes de l'un par rapport
à l'autre. C'est évident, ça ne peut pas faire autrement
et je pense qu'il n'y a personne d'exactement pareil. Même si je
m'entends bien avec le ministre des Finances actuel, H va comprendre que sur
une période de dix ans à travailler avec lui, j'aurai
sûrement des différends, profonds même. Pourtant, c'est
quelqu'un que j'estime beaucoup, mais je suis sûr que je ne pourrais pas
être d'accord partout, à preuve plein de projets de loi qu'il a
déposés, un discours sur le budget qu'il a fait et une
façon d'amener la TVQ qui est très discutable.
Bon, bref, à ta Caisse de dépôt et placement, vous
allez avoir deux hommes qui vont s'opposer de par l'évolution de la
situation, de la nature des choses. Et je pense que quelqu'un comme Jean
Campeau serait bien placé pour nous en parler.
Alors, ces deux hommes vont s'opposer nécessairement. Qu'est-ce
qu'il va arriver? Est-ce qu'ils vont s'adresser au ministre des Finances?
Possiblement, si les désaccords sont profonds, si la situation
s'envenime, si elle se communique au personnel, vous allez vous sentir
obligé d'intervenir, à mon sens. De quelle autorité
allez-vous intervenir à la Caisse de dépôt et placement du
Québec, alors que justement, l'objectif était de la tenir
éloignée des décisions de type politique et des hommes
politiques, c'était de donner une autonomie à ces deux
présidents? Vous allez intervenir. Alors, si vous intervenez entre les
deux, vous allez choisir ou bien vous allez amener possiblement un tel
débat au Conseil des ministres. Est-ce que le Conseil des ministres va
amener toute la question à l'Assemblée nationale? (22 heures)
En réalité, si le désaccord est profond, si vous
vouiez avoir une prise sur les gens qui seront à la direction de la
Caisse, vous êtes pratiquement tenu de venir à l'Assemblée
nationale en dernier ressort, un débat à l'Assemblée
nationale, parce que ces deux personnes sont protégées de la
même façon. On ne peut pas diminuer leur salaire. On ne peut pas
les destituer, sauf par un vote de l'Assemblée nationale. Imaginez que
cette sanction arrive, vous allez amener ce débat à
l'Assemblée nationale, M. le ministre des Finances? Ça
m'étonnerait beaucoup. Parce que ça vous ferait un raffut
terrible et ça amènerait l'Assemblée nationale à
choisir entre deux hommes. Il y aurait des tenants de l'un et, je suppose
qu'à cette époque-là, vous serez retourné dans
l'Opposition, il y aurait des tenants de l'autre. Et ça vous ferait des
débats passionnés sur la tête de deux hommes au
détriment de deux personnes. À mon sens, vous n'y viendrez
pas.
Une voix: Mais avec des motions de clôture.
M. Léonard: Avec des motions de clôture sur un tel
débat, je suis convaincu. Mais si nous sommes là, je pense que
l'expérience que nous avons eue, c'est que nous avons respecté
plus la démocratie que ce gouvernement actuel. Alors, on n'ira pas
à l'Assemblée nationale. Comment allez-vous faire pour imposer,
pour essayer de trancher, pour essayer de résorber un tel conflit? Vous
allez parier à ces gens directement. Vous avez vous-même les mains
dans la sauce. Vous êtes devenu le troisième cuisinier à la
sauce, le troisième, quotidiennement, et dans la position la pire, parce
vous êtes dans un univers de chicane. Il faut voir que par
l'évolution même des psychologies, les conflits vont s'envenimer.
Il va y avoir une équipe pour l'un et une équipe pour l'autre,
c'est évident. Je pense que le gouvernement se met dans une situation
absolument intenable. Il y en a un des deux qui va devoir céder. Je
pense que si on veut régler la situation, il va dévoir
céder. Qu'est-ce qu'on est en train d'admettre? C'est que ça ne
pourra pas marcher. Ce que vous imposez par ce projet de loi, c'est une
situation conflictuelle, parce que la sanction véritable au bout...
Une voix: ...soyez pertinent.
M. Léonard: M. le député des
Îles-de-la-Madeleine en appelle à la pertinence. Je ne suis pas
sûr qu'il comprend le débat qu'il y a ici. Alors, je pense
que...
M. Farrah: Je ne parie pas de la pertinence, monsieur. Je faisais
juste référence à l'article 5 qui dit qu'il y en a un qui
est quand même plus haut que l'autre.
M. Léonard: Non. Je pense que j'ai simplement
démontré que par l'évolution des choses, par le fait que
les deux tiennent leur mandat pratiquement directement de l'Assemblée
nationale, ils le tiennent du gouvernement, mais au cas où ils ne
seraient pas compétents ou qu'il y aurait des conflits, la sanction est
au plan de l'Assemblée nationale. Ça ne peut pas marcher. C'est
une situation conflictuelle et il faut l'admettre en partant.
Donc, quelqu'un qui pourrait beaucoup nous en parler comme ça,
c'est Jean Campeau. Comment pourrait-il fonctionner dans un tel univers?
Comment pourrait-il fonctionner? Je pense que ça lui serait
extrêmement difficile, mais j'aimerais bien l'entendre ici pour savoir ce
que lui penserait d'une telle situation. Moi, je pense que je suis tout
à fait dans la pertinence du débat. J'explique comment les choses
peuvent évoluer et je les vois venir comme cela. Alors, si vraiment on
veut régler le conflit, on va acheter la paix ou écraser l'un
plutôt que l'autre. Je ne sais pas comment on va le faire. On va acheter.
On va le payer à rester chez lui. Mais à quel titre? Parce qu'au
fond, on serait en train de dilapider des fonds de l'État pour quelqu'un
qui ne ferait pas son travail.
M. le Président, je trouve qu'on est en train de créer une
situation conflictuelle. Dans le cas, ça ne sera même pas une
situation conflictuelle d'une entreprise, parce que ça peut arriver dans
une entreprise où il y a deux présidents. Prenez
Hydro-Québec, il peut y avoir une situation conflictuelle. Il y en a un
qui s'occupe de la direction et l'autre de l'exploitation. Mais je ne pense pas
que dans la situation d'Hydro-Québec, on vienne à
l'Assemblée nationale, que ces gens-là soient
protégés par l'Assemblée nationale. Et il y en a un dont
le mandat est plus court que l'autre. Effectivement, j'ai cru voir, dans la
littérature sur la question, que M. Richard Drouin est président
et chef de la direction et qu'un autre est chef de l'exploitation. Mais il y en
a un dont le mandat, l'engagement est plus court que l'autre, qui prend ses
ordres de l'autre et d'un point de vue psychologique il est établi
très clairement, sur le plan des opérations, qu'il est
subordonné à l'autre. La sanction, ici, la garantie disant
à l'Assemblée nationale...
Une voix:...
M. Léonard: Non, je ne pense pas. Alors...
M. Levesque: L'un est sous la responsabilité de
l'autre.
M. Léonard: Non, en termes de description de fonctions,
mais en termes de garanties, la révocation directement à
l'Assemblée nationale, ce n'est pas pareil. La situation n'est pas
pareille. C'est deux univers différents d'ailleurs. Hydro-Québec,
c'est l'exploitation où il y a beaucoup de monde là-dedans. C'est
une grosse entreprise, en termes d'opération, tandis que la Caisse de
dépôt et placement du Québec, c'est une entreprise de
décisions. Fondamentalement, c'est une entreprise de décisions
d'investissement. Pourquoi y aurait-il deux patrons là-dedans? Je pense
que non. O.K. C'est correct.
Le Président (M. Gautrin): Non, vous êtes
parfaitement dans le temps et dans la pertinence, M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Je pense qu'on ne peut pas...
Le Président (M. Gautrin): Je vous écoute avec
beaucoup d'intérêt.
M. Léonard: Je pense qu'on ne peut pas voir comment ces
conflits-là vont se régler. Alors, il y en a un qui va
s'écraser par rapport à l'autre si on est capable de le faire
s'écraser. Mais encore là, ce qui arrive, ces conflits, avant
qu'on en arrive à une espèce de solution, vont éclater sur
la place publique, vont venir possiblement à l'Assemblée
nationale parce que j'imagine que s'il y a des chicanes à l'interne,
ça peut aboutir. Si les libéraux à l'époque
étaient dans l'Opposition, ils poseraient des questions au gouvernement,
donc ils les mettraient sur la place publique. Les conséquences sont
terribles pour une boîte comme la Caisse de dépôt et
placement du Québec et il faut l'admettre. Les conséquences vont
être terribles. C'est toute la crédibilité de la
deuxième institution financière au Québec dont il s'agit,
la deuxième institution financière au Québec.
Moi, je suis convaincu que le ministre, qui fait sans arrêt de
beaux discours sur sa performance et qui est toujours très critique sur
celle de l'ancien gouvernement auquel il reproche des tas de choses tout
à coup qu'il a retrouvées, au fond, il devrait admettre que la
structure actuelle a été bénéfique, qu'elle a rendu
très bien. M. Jean Campeau - et on pourrait parler de ses
prédécesseurs - a opéré dans un univers où
il y avait une tête et où, lui, contrairement à son
prédécesseur qui avait un bras droit qui était M. Paris,
lui, il a choisi d'en avoir cinq vice-présidents. Donc, il a
constitué une équipe avec différents titres. On pourrait
tous les relever. Il y en a un aux affaires juridiques, il y en a un aux
investissements, etc. Il a fonctionné avec une équipe de cinq
vice-présidents très bien. Je pense que c'est dans l'ordre des
choses. Vous nommez un président avec certaines orientations et
là, lui-même a sa façon de procéder; son
équipe, il l'a construite et ça a bien rendu. Je pense que M. le
ministre des Finances et, à l'époque, plutôt, le
président du Conseil du trésor, en commission parlementaire au
mois de juin, a fait l'éloge après moi parce que j'ai
été le premier à souligner le travail de Jean Campeau
qui se trouvait à l'étude des crédits des Finances
et il en a fait l'éloge. Et je pense que le ministre des Finances est
d'accord pour dire qu'il a fait un excellent travail dans cette structure avec
une boîte qui n'a pas 300 employés, la Caisse de
dépôt et placement du Québec - on n'est pas avec 20 000
employés - avec cette structure qui, à mon sens, convient le
mieux. Pourrait-on entendre M. Campeau, ici, devant cette commission pour nous
dire ce qu'il en pense et nous dire comment il voit le projet de loi, comment
il voit cette répartition entre deux présidents, président
direction, président exploitation? Comment il verrait ça? On peut
suspendre si... Ça va?
Le Président (M. Gautrin): Vous pouvez continuer. Il est
allé voir les disponibilités de M. Campeau.
M. Léonard: Oui, il est allé voir les
disponibilités de... Alors, comment nous expliquerait-il ça? En
plus d'avoir deux garanties qui sont exceptionnelles, je pense qu'au
gouvernement du Québec, c'est le seul poste, mis à part les
présidents, le Vérificateur général,
peut-être le Directeur général des élections, le
Protecteur du citoyen qu'on me dit, certains postes de type beaucoup plus
politique que de type affaires, comme celui qui nous concerne. Il y a certains
postes qui ont besoin d'une garantie. Mais dans le monde des affaires, le
président de la SGF n'a pas cette garantie-là. Le
président de la SDI n'a pas cette garantie-là. Prenez-les tous,
ils n'ont pas cette garantie-là. L'Assemblée nationale a
donné cette garantie à la Caisse de dépôt et
placement du Québec pour la mettre à l'abri des pressions et
politiques du gouvernement, du Conseil des ministres qui peut cependant
s'asseoir avec le président et lui dire des choses, mais qui ne peut pas
les imposer. Le ministre des Finances ne peut rien imposer au président
de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Alors, dans ce secteur économique, à mon sens, c'est le
seul poste où on a donné une garantie, il faut voir ce que
ça implique. Cet homme va avoir, va se voir confier les épargnes
de la Régie des rentes du Québec, de la Régie de
l'assurance automobile, de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, pour parler de trois grands organismes, et
il y en a un certain nombre d'autres. Il y a certains fonds de pension aussi,
la CARRA - c'est important - qui confient les épargnes à la
Caisse de dépôt et placement du Québec. C'est important et
ça prenait quelqu'un à l'abri de toute pression pour ne pas
être obligé d'investir de façon impromptue dans des
secteurs névralgiques, en danger, où il y aurait un
intérêt politique à l'obliger à agir, et à
court terme, dans ces secteurs.
Moi, je pense que c'est une bonne chose, mais pourquoi deux personnes
à la Caisse de dépôt et placement du Québec?
Pourquoi deux?
C'est ça. C'est là que l'on crée la situation
conflictuelle. Pourquoi cette personne ne serait-elle pas engagée...
Peut-être qu'on pourrait trouver, si M. le président du conseil
d'administration et chef de la direction à l'heure actuelle voulait un
deuxième, un vice-président au-dessus des autres, comme M.
Cazavan, à la façon de M. Cazavan à l'époque... Je
pense que ça, c'est une recommandation que le président a faite.
Et puis, à l'époque, on aurait pu adopter un projet de loi, si
celui-ci n'avait pas été assez flexible, mais, en
réalité, il est déjà assez flexible. Il peut
procéder avec un bras droit. M. Marcel Cazavan avait
procédé avec un bras droit, mais M. Campeau avait
procédé avec une équipe. Donc, il avait réparti les
responsabilités, fort bien. Moi, je trouve que ça s'admet, que
nous pouvons être d'accord, encore faut-il savoir pourquoi, tout à
coup, on procède comme ça.
Je pense que celui qui a le plus d'expérience en la
matière pour nous parier, c'est encore M. Campeau. Il a une
expérience toute récente. Le ministre des Finances, tout à
l'heure, nous a dit que M. Cazavan avait quitté depuis de longues
années. Prenons quelqu'un qui est tout près de nous, M. Jean
Campeau, qui est connu, qui a réussi à la Caisse de
dépôt et placement du Québec, qui a eu un taux de rendement
extraordinaire. Quand on critique la gestion du Parti québécois,
dans le temps, le ministre des Finances pourrait au moins mettre du
côté positif la nomination de M. Jean Campeau à la Caisse
de dépôt et placement du Québec, excellente nomination, je
suppose. Il ne le dit pas mais, au moins, il a félicité M.
Campeau de ses succès à la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Je suppose qu'il va être d'accord que c'a
été un bon geste, même un excellent geste. Quand il parle
des déficits, il pourrait, à ce moment-là, mettre au
compte, à l'encontre, les surplus réalisés par la Caisse
de dépôt et placement du Québec parce qu'elle a pu
justement réaliser des profits. M. Campeau pourrait venir nous en
parler, il a réalisé ces surplus, cette excellente performance,
lui-même, avec l'équipe qu'il s'est donnée, dans la
structure qui était dans la loi à ce moment.
Moi, M. le Président, je pense qu'une boîte comme
ça, ça fonctionne avec une tête, pas avec deux et que le
responsable de l'exploitation, si on veut en nommer un, doit relever du
président-directeur général, qui donne les bonnes
directions, qui lui dit comment faire. Parce que, présentement, si je
vois la répartition des tâches des deux présidents, j'en ai
traité un peu tout à l'heure, j'essaie de voir la
répartition des fonctions et je me dis que quelqu'un qui veut emprunter
50 000 000 $, est-ce que c'est de nature à modifier la direction de la
Caisse de dépôt et placement du Québec? Un investissement
de 150 000 000 $, est-ce que c'est de nature à modifier la direction?
Est-ce que c'est juste une direction d'exploitation? (22 h 15)
Je dirais aussi, par exemple, que la décision d'investir dans des
sociétés à capital de risque - ça existe, je le
sais par ailleurs, la Caisse de dépôt et placement du
Québec a décidé de s'impliquer dans de petites entreprises
à capital de risque. Il s'est formé des sociétés
à capital de risque en Estrie, à Trois-Rivières, au centre
du Québec, la Mauricie et une autre ici, à Québec - est-ce
que c'est une décision de direction ou une décision
d'exploitation? Je pense que c'est une bonne question. Et l'on sait que dans ce
domaine-là encore une fois, comme c'est une boîte
décisionnelle, essentiellement décisionnelle, il me semble qu'on
ne peut pas faire de distinction entre direction et exploitation. Une banque,
et ce n'est d'ailleurs pas une banque, mais une société comme
celle-là qui fait des investissements, je ne vois pas quelle est la
distinction entre les deux. Une exploitation, est-ce que c'est le
système comptable qui est l'exploitation, alors que la décision
c'est la direction? Ou est-ce que la décision d'investir dans tel
secteur, c'est une exploitation, alors qu'une autre décision à un
coût moins élevé, c'est une direction? Là, on se
rend compte qu'essayer de faire la distinction entre les deux types
d'opération, ce n'est pas possible, que là, on place l'un en
conflit avec l'autre presque en partant à moins de ne pas
connaître ce qu'est la Caisse de dépôt et placement.
J'ai l'impression que le gouvernement s'est mis dans de mauvais draps.
Il s'est fait une déclaration au mois de juin, à mon sens, dans
des circonstances où on pourrait expliquer que c'est une erreur de
parcours, parce que les gens et le premier ministre lui-même
étaient très occupés à autre chose, à
essayer de faire passer l'accord du lac Meech à tout prix et que cette
décision-là a été traitée en deux temps,
deux mouvements rapidement. On a dit: Oui, c'est une excellente chose. Regardez
ce qui se passe à Hydro-Québec. Et on copie. Quand on regarde le
projet de loi, il est copié directement d'Hydro-Québec. À
ce qu'on m'a dit aussi, c'est que la description des fonctions avait
été pratiquement calquée sur ce que c'était
à Hydro-Québec. Alors, Hydro-Québec, à mon sens,
c'est une tout autre situation. Je l'ai expliqué. Je ne veux pas revenir
là-dessus, M. le Président. C'est très différent.
Je ne vois pas comment ça peut s'appliquer, la Caisse de
dépôt et placement.
Le Président (M. Gautrin): Votre temps semble
écoulé, M. le député de Labelle. Est-ce que vous
pourriez conclure, s'il vous plaît?
M. Léonard: Alors, M. le Président, il faut
entendre M. Campeau. C'est la personne la plus éclairée pour nous
en parler de façon objective. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le
député de Labelle. M. le ministre, est-ce que vous voulez
répondre? Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté
ministériel qui voudrait intervenir? Alors, comme c'est une motion de
forme, d'autres personnes peuvent intervenir. Je pense que vous avez 10
minutes. C'est bien cela? Alors, M. le député de La Prairie.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Ça
n'étonnera pas les députés ministériels ni le
ministre que j'élève ma voix pour appuyer la motion de mon
collègue de Labelle. Surtout qu'il s'agit d'une personnalité, M.
Campeau, président de la Caisse, à venir jusqu'à tout
récemment, qui laissera, dans l'histoire de la Caisse, dans l'histoire
du gouvernement du Québec, un souvenir tout à fait remarquable,
parce que c'est sous son règne que la Caisse a vraiment non seulement
consolidé son fonctionnement, sa façon de procéder, sa
façon de gérer le bas de laine des Québécois et des
Québécoises, mais c'est sous son règne que la Caisse aura
connu l'essor le plus intensif, le plus spectaculaire. Ce n'est pas par
accident que c'est sous son règne aussi que les sociétés
financières du Canada anglais, comme on l'appelle communément,
aussi bien que les sociétés qui relèvent du gouvernement
fédéral, que tout ce beau monde a essayé par diverses
tentatives de contrer l'action de la Caisse de dépôt, de limiter
ce champ d'action de la Caisse de dépôt et, par conséquent,
de limiter la croissance économique du Québec.
Et rappelons-nous certains projets de loi du gouvernement
fédéral, soit par le biais de la Chambre des communes ou par le
biais du Sénat, qui heureusement ont fait lever un front commun ici
à l'Assemblée nationale alors que le Parti
québécois était au pouvoir. Il a présenté
une opposition farouche à ces tentatives fédérales. Et il
faut bien admettre, il faut bien reconnaître que l'Opposition
libérale de l'époque a fait front commun avec le gouvernement.
Donc, les actions du président Campeau, lorsqu'il était à
la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont
été extrêmement fructueuses, ont suscité, je dirais
même, l'envie de sociétés semblables à
l'extérieur du Québec, que ce soient des sociétés
d'État ou des sociétés privées. Or, comment
fonctionnait-il, M. Campeau? Il fonctionnait de façon normale,
traditionnelle. J'ai devant moi l'organigramme qui était en vigueur en
décembre 1989, au moment où M. Campeau était encore
président. Et personne n'a mis en doute l'efficacité de cet
organigramme, à ce que je sache. Et c'est là que le silence du
ministre des Finances, pour ne pas pas parler de son sommeil, mais
tenons-nous-en à son silence, devrait devenir gênant pour ce
gouvernement parce qu'il n'a pas expliqué pourquoi il fallait changer
cet organigramme, ce plan de fonctionnement. Parce qu'il s'agit encore une fois
- rappelons-le-nous toujours - d'une boîte où il y a environ 250
employés et non pas
d'une entreprise publique ou privée où on compterait 20
000 employés, 15 000 employés, comme c'est le cas à
Hydro-Québec.
Donc, il s'agit d'une boîte modeste quant au nombre des
employés. Une boite prestigieuse quant à la qualité de son
action et quant aux répercussions de ses décisions de placement,
d'accord, mais modeste quant au nombre d'employés, 250 employés,
260 employés. Il est normal alors qu'il y ait un seul président,
un seul patron, un P.-D.G. qui a sous lui cinq bras droits, cinq
vice-présidents: aux placements à revenu fixe, aux placements
à revenu variable, à la planification et aux relations avec les
déposants, un autre vice-président, aux affaires juridiques et
institutionnelles de même que placements immeubles et le cinquième
vice-président, administration et contrôle. C'est la formule
classique, le bon vieil organigramme d'une institution petite en nombre, mais
grande en réalisation qui est de nature à créer un climat
d'équipe. Une seule direction, une seule autorité, cinq
vice-présidents, de qui relevaient 30, 40, 50, 60 personnes, donc, un
ensemble d'employés en nombre assez limité pour que chaque
vice-président puisse pratiquement connaître chacun de ses
employés, chacune de ses employées. C'est presque l'idéal,
M le Prési dent.
Le ministre des Finances sait que j'ai une certaine expérience
quand même en administration et une certaine formation en administration
hospitalière et le président le sait aussi. Le président
le sait, je le prends à témoin. Et, sans fausse modestie, j'ai
été P.-D.G. d'hôpitaux qui n'avaient pas 250
employés, mais 2500 employés, 3000 employés et cette
structure classique fonctionnait très bien aussi. Un directeur
général qui a quatre ou cinq vice-présidents qu'on appelle
directeur des finances, directeur du personnel, directrice des soins
infirmiers, le parallèle, la comparaison est valable. Bon. Il ne serait
jamais venu à l'esprit du conseil d'administration de qui je relevais ou
du ministre de la Santé et des Services sociaux de qui je relevais
indirectement à l'époque, de nommer un deuxième directeur
général. Jamais! De même qu'il n'est jamais venu à
l'esprit, même du gouvernement actuel, de nommer dans d'autres organismes
gouvernementaux, un deuxième président. Encore une fois, je
répète que le parallèle avec Hydro-Québec est
absolument impertinent, inapplicable. Hydro-Québec, c'est une
énorme entreprise, 15 000 à 20 000 employés et il y a
effectivement une très grosse exploitation à Hydro. Alors,
à la limite, il peut être acceptable qu'on ait, à
Hydro-Québec, un président directeur de l'exploitation qui
relève du président à la direction. Ça peut
être acceptable, dans une entreprise aussi considérable, ça
couvre tout le territoire du Québec et même à
l'étranger, comme on le sait, une vocation internationale. Mais je mets
le ministre au défi et les députés minis- tériels
au défi de m'identifier un autre organisme gouvernemental ou
paragouvernemental de taille modeste, en nombre d'employés, 250
employés, où on a désigné un deuxième
président, une deuxième autorité. Il n'y en a pas. Il n'y
en a pas, M. le Président.
Donc, on est obligé de conclure que c'est un poste qui a
été improvisé, un habit fait sur mesure pour M. Savard. On
était mal pris, on l'avait nommé, on s'était engagé
à son égard, c'était devenu public. Puis là, il y a
eu des remous, on n'avait même pas parlé au conseil
d'administration. D'ailleurs, moi, je pense que, ce soir, en plus de faire
venir M. Campeau, on devrait faire venir M. Béland aussi. Si je ne
m'abuse, M. Béland a été président ou, en tout cas,
il a été membre du conseil d'administration. Il est membre du
conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Je pense qu'il aurait des choses à dire sur le geste que
le gouvernement a posé. D'ailleurs, il en a dit des choses, à
l'époque.
Mais, M. le Président, M. Campeau a eu une expérience
considérable, il a un prestige considérable. La preuve, c'est que
le gouvernement, le même gouvernement qui vient de faire cette gaffe en
nommant M. Savard, son collecteur de fonds, a quand même fait de bons
gestes de temps en temps. Avec l'incitation du chef de l'Opposition, le chef du
gouvernement a quand même nommé M. Campeau coprésident
d'une commission aussi prestigieuse. Je pense que si le gouvernement refuse que
M Campeau vienne nous faire part de son expérience, ce n'est pas parce
qu'il n'a pas de respect pour la qualité du personnage, la
compétence du personnage. Il y a d'autres raisons. Quelles sont ces
raisons? Peut-être que le ministre...
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
La Prairie...
M. Lazure: ...voudra nous les donner tantôt, quand on
passera au vote. Je termine en vous disant que c'est un poste improvisé
donc absolument superflu pour l'organisation, inutile, même que c'est une
semence de discorde qu'on fait là. Je pense, encore une fois, que le
gouvernement aura à répondre de cette action-là qui vient
miner la crédibilité de la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le
député de La Prairie. M. le ministre, est-ce que vous avez
quelques commentaires?
M. Levesque: Pas pour mot.
Le Président (M. Gautrin): MM les députés
ministériels, auriez-vous quelques interventions?
Une voix: Pas pour l'instant, on va attendre...
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne, avec le brio qu'on vous connaît.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment, il
m'apparaît essentiel d'appuyer cette deuxième - il faut le
rappeler, c'est seulement la deuxième - motion particulière du
député de Labelle, compte tenu des compétences et de
l'expérience de M. Campeau. Mais il m'apparaît important, en tout
début d'intervention, M. le Président, de m'étonner que le
gouvernement ait jugé bon de présumer des intentions de
l'Opposition, puisque, dès le dépôt de la première
motion particulière, alors même que le discours de celui qui l'a
présentée n'était pas terminé, alors que son temps
de parole n'était pas terminé, on a jugé bon de
déposer une motion de clôture. Ça m'étonne, M. le
Président, et vous allez comprendre pourquoi.
Vous avez siégé, cet après-midi, sur le projet de
loi 102. Sur ce projet de loi 102, l'Opposition a présenté deux
motions particulières pour entendre deux groupes, ce qui se fait
normalement dans beaucoup de commissions, la plupart des commissions
parlementaires auxquelles j'ai assisté. Et ce n'était pas
l'intention de l'Opposition de bloquer le projet de loi 102, mais bien
d'entendre deux groupes pour répondre à deux principes, deux
articles qui posaient problème, c'est-à-dire celui qui regardait
la Commission d'accès à l'information et l'autre article qui
touchait la surveillance des dîners. Là, on se retrouve devant le
projet de loi 109 où il y a deux articles qui posent problème.
C'est exactement la même chose. On a deux articles qui posent
problème, l'article 3 et l'article 5, et on demande à entendre -
nous sommes à la deuxième motion particulière - une
deuxième personne qui est compétente sur le sujet. C'est une
règle de procédure tout à fait normale. Le ministre des
Finances tantôt nous disait que les députés, les nouveaux
députés, se souviendraient du 12 décembre. Effectivement,
parce qu'on crée un précédent, celui de mettre une motion
de clôture immédiatement après le dépôt d'une
première motion particulière, alors que le premier intervenant
n'a même pas terminé son temps de parole, c'est un
précédent. (22 h 30)
Vous savez, M. Campeau, il est reconnu, ses compétences ont
même été reconnues, on a eu un article du Wall Street
qui reconnaissait que, durant ses deux mandats de cinq ans, le
président, Jean Campeau, a transforme le rôle traditionnellement
tranquille de la Caisse de dépôt et placement du Québec en
une puissante entreprise d'investissement. Et c'était rapporté le
1er juin lorsque M. Campeau a quitté son poste. Au moment de son
départ, M. Campeau, lorsqu'il a fait le bilan de son travail, le bilan
de ses deux mandats, a insisté énormément sur le fait
qu'il avait réussi grâce à la structure avec laquelle il
travaillait. Et là-dessus, M. Campeau a été très
clair. Lorsqu'il a déposé son bilan, lorsqu'il a fait un bilan de
toutes les réalisations de ses deux mandats, il a bien
spécifié et, à plusieurs occasions, que ce qui lui avait
permis d'obtenir autant de résultats, c'était la structure
actuelle.
Donc, si on décide immédiatement après son
départ de changer de structure, on peut s'interroger et il serait bon de
l'interroger lui-même. D'autant plus que le gouvernement a quand
même reconnu ses compétences puisqu'on a jugé bon de le
nommer coprésident de la Commission Bélan-ger-Campeau, Commission
sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, une commission
extrêmement importante. Donc, on a jugé que M. Campeau pouvait et
faisait preuve de grande neutralité. Ce qu'il pourrait faire aussi pour
le sujet qui nous préoccupe, d'autant plus que c'est un sujet qu'il
connaît parfaitement. Personne mieux que lui ne connaît le rouage
de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Vous savez, M. le Président, ma formation politique est toujours
quelque peu sceptique sur les problèmes que peut causer la
dualité, la dualité à tous les niveaux, vous le savez
très bien. Nous restons toujours extrêmement pertinents avec
nous-mêmes. Nous nous interrogeons et d'ailleurs le Québec entier
s'interroge présentement sur les problèmes de dualité. Peu
importent les paliers où ils peuvent se poser. Alors, il y aurait
peut-être lieu ici, devant ce projet de 101 109, de se poser des
questions sur le problème de la dualité. Et si quelqu'un peut
comprendre, c'est bien le gouvernement que nous avons en face de nous. Puisque,
quotidiennement et régulièrement, à la période de
questions, nous nous retrouvons devant des ministres qui ont des
dualités d'opinion. C'est la nouvelle expression qu'on nous a apprise,
M. le Président, des dualités d'opinion. Et je citerai l'exemple
du dossier de Grande Baleine, présentement, qui amène certaines
dualités d'opinion entre la ministre de l'Énergie et des
Ressources et le ministre de l'Environnement. Nous retrouvons exactement la
même dualité pour le projet de loi 102 auquel je faisais
référence tantôt, entre le ministre de l'Éducation
qui a des besoins d'information et le ministre des Communications qui se doit
de respecter la loi d'accès à l'information.
Cette dualité-là, elle est vécue quotidiennement,
autant entre ministères qu'entre paliers du gouvernement, et là,
on s'apprête à voter un projet de loi qui va faire vivre cette
dualité-là...
Le Président (M. Gautrin): ...au Conseil des
ministres.
Mme Caron: ...à l'intérieur même de
l'administration de l'outil économique le plus important du
Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Et nous, nous devons accepter, sans
poser de questions, sans nous informer à qui que ce soit, sans
nous informer auprès des personnes qu'on Juge les plus
compétentes pour ce faire et, là-dessus, du moins, les
parlementaires ministériels devraient comprendre qu'on souhaite entendre
M. Jean Campeau, puisque c'est celui qui a l'expertise. Tantôt, le
ministre des Finances nous disait que M. Cazavan n'était plus
président depuis plusieurs années et que, peut-être, il
pourrait porter un jugement moins éclairé. Nous ne partagions pas
son avis évidemment, mais il ne peut nous servir ce même argument
avec M. Campeau. M. Campeau vient de quitter et, physiquement, ce serait
très facile à réaliser, M. le Président, puisque M.
Campeau se retrouve ici même, au Parlement, et pour quelques jours. Donc,
ce serait très facile d'organiser nos horaires pour nous permettre
d'entendre M. Campeau.
Donc, je m'étonne que ce gouvernement décide de
présumer de nos intentions, alors que nous n'avons fait que le travail
régulier et que nous n'avons même pas terminé le travail
régulier que nous avons fait à d'autres commissions, dont la loi
102 qui est étudiée actuellement et dont nous poursuivons
l'étude dès demain matin, M. le Président.
Alors, je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas entendre des
experts parier de cette nouvelle structure et poursuivre après
l'étude du projet de loi article par article, comme on le fait
habituellement, selon nos règles de procédure et selon notre
règlement.
On peut s'interroger sur le rôle de l'article 244 pour ce
gouvernement, puisque, dès la première motion, on décide
d'annuler tout simplement, dans les faits, cette partie de notre
règlement. Or, M. le Président, je demande aux membres de cette
commission de reconsidérer leur décision et de voir s'il n'y
aurait pas lieu de recevoir M. Jean Campeau. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme la
députée de Terrebonne. On a vu le brio de votre plaidoyer. Est-ce
que quelqu'un, du côté ministériel, aurait le goût de
s'exprimer sur la proposition? Pas pour l'instant. Ça viendra, n'ayez
crainte. M. le député de Prévost. Non, pas pour l'instant?
Alors, M. le député de Bertrand, sur la motion.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je comprends
l'empressement du gouvernement à vouloir faire adopter ce projet de loi,
mais compte tenu de l'importance qu'il revêt surtout pour l'avenir de la
Caisse de dépôt et placement, je reviens sur les commentaires que
j'ai faits tout à l'heure, en indiquant qu'il serait souhaitable qu'on
entende une personne d'expérience nous parler de sa vision de la Caisse,
ainsi que de l'impact que le projet de loi dont nous discutons pourrait avoir.
Tout à l'heure, nous avons proposé d'entendre M. Cazavan qui a
été président de la Caisse de dépôt, les
collègues ministériels ont rejeté cette proposition sans
nous donner véritablement de raison pour justifier leur attitude. Nous
avons pensé que c'était peut-être en raison du fait que M.
Cazavan avait exercé ses fonctions il y a déjà un certain
temps et que peut-être le gouvernement aurait été davantage
intéressé à entendre quelqu'un qui avait administré
la Caisse dans une conjoncture qui ressemble un peu plus à celle que
nous vivons à l'heure actuelle. Effectivement, M. Campeau est le dernier
président en titre de la Caisse de dépôt et, pour avoir
présidé aux destinées de la Caisse depuis les 10
dernières années, il a passé à travers des cycles
économiques aussi divers que la récession du début des
années quatre-vingt et les années de prospérité qui
ont suivi, en fait, années de prospérité de sept ans sans
interruption, période inégalée dans les annales modernes
de l'histoire économique.
Ceci étant dit, il me semble que les mêmes raisons qui
s'appliquaient tout à l'heure et qui justifiaient, à notre avis,
la proposition d'écouter M. Cazavan sont d'autant plus valables dans le
cas de M. Campeau. J'aimerais, si le gouvernement décide de rejeter
encore une fois cette proposition, connaître les raisons pour lesquelles
il ne la juge pas appropriée.
Vous ne pourrez pas m'empêcher, M. le Président, d'avoir la
réflexion suivante sur le dilemme qui se présente à nous
aujourd'hui. D'une part, nous n'avons pas d'objection, comme ça s'est
fait dans le passé et comme c'est déjà prévu pour
certains organismes d'État importants, que le président-directeur
général de ces organismes soit nommé par le gouvernement
et qu'il jouisse de la protection de l'Assemblée nationale. Dans ce
cas-ci, effectivement, pour protéger en quelque sorte
l'objectivité et la neutralité de la Caisse de
dépôt, nous n'aurions pas d'objection à ce que le
président de la Caisse ne puisse être révoqué
qu'à la suite d'un vote de l'Assemblée nationale. Ce qui nous
intrigue davantage, c'est le fait que deux postes doivent relever finalement de
l'Assemblée nationale quant à leur révocation. Et je ne
puis m'empêcher de songer que cet empressement du gouvernement de voter
cette loi coïncide étrangement avec les sondages qui placent le
gouvernement au désavantage par rapport à notre formation
politique et que, de surplus, la personne, dont la protection de
l'Assemblée nationale semble la plus controversée, est une
personnalité qui a une connotation, pour ne pas dire, une couleur
politique très prononcée.
Dans cette situation, j'estime qu'il semble y avoir une
corrélation directe entre l'empressement du gouvernement de
protéger ce poste par rapport à l'individu qui a
été pressenti pour l'occuper. Vous conviendrez avec moi que
ce
genre de manoeuvre vise à répondre à des objectifs
partisans, j'en conviens, mais que du point de vue du public et du point de vue
de la crédibilité d'un organisme de la réputation de la
Caisse de dépôt, c'est une manoeuvre plutôt contestable. Et
c'est ce que nous essayons justement de démontrer.
Nous n'avons pas d'objection à ce que les grandes entreprises qui
relèvent de l'État soient gérées et soient
conduites de la façon la moins partisane possible. D'ailleurs, c'est
souhaitable. Et ici, j'aimerais amener l'analogie suivante. Je me demande ce
que diraient les intervenants du milieu de même que la population du
Canada si, par exemple, la Banque du Canada était gérée de
la façon que le gouvernement veut gérer la Caisse de
dépôt, c'est-à-dire avec deux têtes plutôt
qu'un seul gouverneur qui relève du Conseil des ministres et dont la
révocation doit, effectivement, passer par le Parlement. Dans ce sens,
la Caisse de dépôt et placement, même si elle n'a pas la
même fonction et le même rôle que la banque centrale, a
développé au cours des dernières années
néanmoins un volet important de ses activités qui s'apparentent
beaucoup à celles d'une banque de développement, d'une banque de
développement, dans le sens où les activités de la Caisse
de dépôt qui s'orientent vers l'investissement en partenariat avec
des petites et moyennes entreprises, investissement au niveau de l'appui...
Le Président (M. Gautrin): Monsieur, pourriez-vous
vérifier s'il s'agit d'un quorum ou d'un vote? Je m'excuse, M. le
député de Bertrand. On avait entendu la cloche sonner.
M. Beaulne: Oui, c'est une bonne idée.
Le Président (M. Gautrin): Poursuivez. Je suis tout
ouïe à vos propos.
M. Beaulne: Bon. Alors, j'avais amené l'analogie
avec...
Le Président (M. Gautrin): C'est le quorum. Merci.
M. Beaulne: ...la Banque du Canada, dans le sens où
certaines activités de la Caisse de dépôt et placement,
surtout au cours des dernières années, s'apparentent
énormément à celles d'une banque de développement.
Quand on parle d'investissement en partenariat avec des entreprises
québécoises, quand on songe aux investissements récents
qui ont été soulignés à maintes reprises dans les
journaux, que ce soit dans le cas de Steinberg, que ce soit dans d'autres cas
qui ont fait les manchettes, il est incontestable que la Caisse de
dépôt est en train de développer un volet de banque de
développement qu'elle n'avait pas auparavant, tout en demeurant
assujettie aux règles qui concernent ses limites d'investissement dans
les différents titres financiers.
Et dans ce sens, il m'apparaît que l'analogie avec la Banque du
Canada est quelque peu pertinente. Personne autour de cette table, ni
même à l'Assemblée nationale, ni même au Conseil des
ministres ne pourrait concevoir que la Banque du Canada et que, d'ailleurs,
toute autre institution financière centrale puissent être
dirigées par deux personnes dont la révocation exigerait un vote
du Parlement, de l'Assemblée nationale, de la Chambre des communes,
enfin, du corps des élus. Pourquoi, tout à coup, introduire cette
dimension, dans le cas de la Caisse de dépôt et placement? Et
c'est particulièrement, comme je l'ai souligné tout à
l'heure, la conjoncture politique. Même si ça peut n'être
que temporairement, il demeure qu'au moment où nous discutons ce projet
de loi, les sondages ne favorisent guère le gouvernement pour le moment
et le fait de vouloir garantir le poste d'une personnalité politique
jette, à mon avis, quelque peu de discrédit sur la manoeuvre qui
a été introduite. (22 h 45)
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais
également revenir sur la proposition d'inviter M. Campeau. Non seulement
M. Campeau a l'expérience d'une gestion de 10 ans à la Caisse de
dépôt, mais également et ceci est important, il me semble,
à l'aube d'un ralentissement ou d'une récession
économique, d'écouter le point de vue de quelqu'un qui a eu une
expérience diversifiée et variée de conduire les
opérations de la Caisse à partir d'actifs qui étaient
beaucoup moins importants que ceux qu'elle connaît à l'heure
actuelle, et qui a dû s'ajuster aux politiques de partenariat et
d'intervention des gouvernements successifs en matière de relance
économique, en matière de partenariat québécois des
entreprises et en matière de conserver chez nous le contrôle de
certains secteurs-clés de notre économie. Et j'aimerais
également, j'apprécierais écouter les commentaires de M.
Campeau sur les problèmes que peuvent poser pour un gestionnaire de
calibre important et de la trempe de ceux qui sont proposés ici, sur un
débat public concernant leur révocation advenant une mise en
tutelle ou advenant un conflit de personnalités ou d'idéologies
de gestion entre les principaux dirigeants de l'entreprise. Et dans ce sens,
j'estime que M. Campeau serait une personne tout à fait
appropriée dans le contexte actuel.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le
député de Bertrand. Est-ce qu'un député
ministériel voudrait intervenir?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gautrin): De ce côté-ci? Un
jeune député futur ministériel, si j'ai bien
compris, le député de Gouin.
M. Boisclair: Ah, bien là, M. le Président, si,
si... C'est justement.
Le Président (M. Gautrin): Lorsqu'il aura vu la
lumière, il aura compris.
M. Boisclair: Oui, de toute façon, ce serait inscrit au
Journal des débats pour la postérité.
M. Farrah:... l'objectivité, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Alors, M. le
député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci. Alors, il me fait plaisir, M. le
Président, à mon tour, d'intervenir sur la motion de mon
collègue, le député de Labelle, qui vise à faire
entendre, devant les membres de cette commission, l'ex-président de la
Caisse de dépôt et placement, qui a dirigé cette
institution pendant les 10 dernières années. M. Campeau est
certes un homme qui a su prendre une large expérience de la gestion de
cette noble institution et qui serait sûrement à même de
nous conseiller sur des modifications aux structures, qui pourraient être
à même de préserver le Juste équilibre dont
plusieurs de mes collègues m'ont fait mention tout à l'heure,
à savoir cet équilibre entre le besoin d'autonomie de la Caisse
de dépôt et le besoin pour l'État de contrôler et
d'orienter les grandes décisions économiques.
M. le Président, le ministre avait raison tout à l'heure
lorsqu'il disait qu'essentiellement, c'est l'article 5 qui viendra modifier la
composition ou la structure de l'organigramme et la composition de
l'administration de ta Caisse de dépôt et placement. Et c'est
là que M. Campeau pourrait intervenir et nous conseiller sur cet
article, puisque l'article 14 de l'actuelle loi sur la Caisse de
dépôt serait remplacé. On créerait un poste de
président du conseil d'administration et chef de la direction qui
présiderait les réunions du conseil et qui verrait à son
bon fonctionnement. Ce même président serait responsable de
l'administration et de la direction de la Caisse et assumerait les autres
responsabilités que lui confie le conseil d'administration. Il serait
responsable des relations de la Caisse avec le gouvernement. Le deuxième
poste, M. le Président, serait le poste de président et chef de
l'exploitation qui agirait sous la responsabilité du président du
conseil d'administration et chef de la direction, qui serait principalement
chargé de l'exploitation des activités de la Caisse que
détermine le conseil d'administration; il assume les autres
responsabilités que lui confie le président du conseil
d'administration et chef de la direction.
M. le Président, vous comprenez que, comme parlementaire
nouvellement élu en cette Chambre, il est bien sûr que j'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt les propos qu'a tenus
le ministre des Finances, qui nous a parlé du fonctionnement du conseil
d'administration à la Caisse de dépôt et placement et qui
faisait un parallèle avec ce qui se passait à
Hydro-Québec.
Cependant, j'ai aussi retenu du propos du ministre des Finances qu'il a
rejeté la proposition tout à l'heure qui consistait à
faire entendre M. Cazavan devant cette commission, à lui demander de
venir témoigner devant cette commission. Le ministre disait: Bien, vous
savez, M. Cazavan, malgré tout le respect que j'ai pour ce noble
individu...
Est-ce qu'on nous appelle pour voter, M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Non, non, pas du tout. C'est la
confirmation de la disponibilité de M. Campeau.
M. Boisclair: Ah, bien là, on peut attendre, M. le
Président, de voir quelle sera la... Est-ce que M. Campeau est
disponible?
Le Président (M. Gautrin): Vous pouvez poursuivre, M. le
député.
M. Boisclair: Ce que je disais, M. le Président, je
reprenais les propos du ministre des Finances qui disait, en parlant de son bon
ami, l'ex-président de la Caisse de dépôt et placement, M.
Cazavan: Malgré tout le respect que j'ai pour cet individu, qui a
dirigé les destinées de la Caisse de dépôt et
placement avec beaucoup de brio et beaucoup de doigté, ça fait
quand même plus d'une dizaine d'années qu'il n'est plus à
la présidence, et malgré tout le respect que nous avons pour les
connaissances qu'il a et pour son expérience, il n'est peut-être
pas l'individu le plus approprié pour venir témoigner sur les
modifications que le gouvernement, que le ministre propose.
Alors, nous nous sommes rendus à ses arguments, M. le
Président, peut-être que l'Opposition avait tort de faire une
proposition demandant d'entendre M. Cazavan. Nous avons décidé de
prendre bonne note des commentaires du ministre, pour essayer de faciliter tout
simplement le processus ici ce soir, pour éviter qu'on ait à
débattre pendant des heures et des heures de motions
préliminaires. On s'est dit: Bien voilà, nous allons demander
à M. Campeau, qui dirigeait jusqu'à tout récemment les
destinées de la Caisse de dépôt et placement.
Alors, nous sommes donc convaincus, M. le Président, que le
ministre acceptera d'entendre M. Campeau, d'autant plus que, vous comprendrez
comme moi aisément, ça pourrait se faire sans tenir compte de
délais importants, puisque M. Campeau, me dit-on, est dans l'immeuble.
Il est au salon rouge. Je suis convaincu que votre bon
ami, M. Bélanger, se ferait un plaisir de le remplacer quelques
instants, à la présidence de la Commission. Je sais que vous vous
sentez en sécurité lorsque M. Bélanger préside, M.
le Président, et que vous vous reconnaissez, d'ailleurs, dans ce grand
défenseur des intérêts des Québécois et
Québécoises.
Mais, M. le Président, je suis convaincu que M. Campeau se ferait
un grand plaisir de venir témoigner quelques instants pour nous parler
de la pertinence des modifications à apporter au fonctionnement et
à la composition de l'organigramme du conseil d'administration.
Ce que nous voulons aussi peut-être mettre en évidence et
ce que M. Campeau pourrait venir nous expliquer, c'est de quelle façon
les membres du conseil d'administration ont été consultés
sur cette modification proposée par le ministre des Finances. Vous
comprendrez, M. le Président, que n'importe quel gouvernement, qui est
le moindrement respectueux d'une institution aussi importante que celle de la
Caisse de dépôt et placement, rappelons-le, M. le
Président, plus de 37 000 000 000 $ d'actif...
Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans une intervention
précédente, on ne parle pas d'un dépanneur du coin
là, ou d'un hôpital, ou d'un CLSC, on parle de la septième
institution financière la plus importante au Canada. Alors, M. Campeau,
pourrait venir témoigner des consultations qu'il a eues ou pas avec le
ministre responsable de l'application de la Loi sur la Caisse de
dépôt et placement, en l'occurrence, ie ministre des Finances, et
faire part des réflexions des membres du conseil d'administration devant
la proposition de modification suggérée par le ministre des
Finances.
M. le Président, à lire les journaux et à entendre
les commentaires qui ont été formulés, soit par M. Louis
Laberge, vous comprendrez que je n'oserai pas les répéter devant
vous, parce que je suis convaincu que vous me rappelleriez à l'ordre,
puisque vous conviendriez avec moi que ces propos seraient sûrement
antiparlementaires.
Le Président (M. Gautrin): Disons qu'il a un langage
coloré.
M. Boisclair: il a un langage coloré, M. le
Président, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais il serait
intéressant, puisque nous avons eu vent d'un certain nombre de
discussions assez soutenues entre les membres du conseil d'administration de la
Caisse de dépôt et placement du Québec... M. Laberge,
président de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, a publiquement affirmé qu'aucune
consultation n'avait eu Heu avant de proposer une modification à la
structure du conseil d'administration.
Donc, M. Campeau pourrait venir peut-être confirmer ou infirmer
ces faits. De plus, M. le Président, non seulement M. Laberge a fait
connaître publiquement, non pas son opinion, mais, à sa
connaissance, à tout le moins, les consultations qui ont eu lieu ou qui
n'ont pas eu lieu, mais le président du Mouvement Desjardins et actuel
membre du conseil d'administration de Caisse de dépôt et placement
semblait dire, et là, je ne voudrais pas déformer sa
pensée, mais vous permettrez, à ma façon, de
résumer son propos. M. Béland disait qu'il était
inconcevable qu'un conseil d'administration - oui, je vous remercie M. le
Président, de me faire signe qu'il me reste deux minutes - M.
Béland semblait indiquer que le conseil d'administration qui, lui, a la
responsabilité de définir les orientations, de faire une
planification stratégique, n'avait pas été consulté
sur la proposition de modification proposée par le ministre des Finances
et qu'en ce sens, si l'on considère uniquement la décision
d'affaires prise par le ministre des Finances, le moins qu'on puisse dire,
c'est que cette décision, au dire de M. Béland, n'était
pas appropriée. Alors, M. Campeau pourrait venir témoigner, hors
de tout doute, de ces discussions qui ont eu lieu au conseil
d'administration.
Un autre élément, M. le Président, et je
l'aborderai rapidement, puisqu'il doit me rester environ une minute, une minute
trente...
Le Président (M. Gautrin): Seulement une minute.
M. Boisclair: ...qui est la question de l'unité dans la
gestion et l'administration de la Caisse de dépôt et placement.
Vous comprenez, M. le Président, que ce n'est pas pour rien que
l'actuelle loi prévoit un certain nombre de garanties dans ces
dispositions, pour faire en sorte que le président ou la
présidente - peut-être un jour, souhaitons-le - de la Caisse de
dépôt et placement ne soit pas soumis à différentes
pressions privées ou publiques. C'est d'ailleurs pour ça qu'il
est nommé pour une période de 10 ans, qu'il reçoit
même la bénédiction des membres de cette Assemblée
nationale et, de la même façon qu'il est soustrait à toute
décision arbitraire d'un gouvernement ou qu'il est à tout le
moins mis à l'abri de l'humeur des différents gouvernements
successifs, en étant en poste plutôt pour une période de 10
ans.
M. le Président, nous sommes inquiets, et je crois que M. Campeau
pourrait juste - et je termine là-dessus - venir nous renseigner
jusqu'à quel point il est pertinent de donner cette même garantie
pour le président et chef de l'exploitation. J'aimerais bien entendre M.
Campeau venir nous dire ce qu'il arriverait dans une situation, par exemple,
où il y aurait un conflit important entre le président du conseil
d'administration et le président et chef de l'exploitation, conflit qui
pourrait se répercuter au sein même de l'entreprise, cette petite
entreprise d'environ 300 employés. Alors, M. le Président, pour
ces raisons, je crois qu'il serait opportun d'entendre M. Campeau qui pourrait
venir nous donner, à
tout le moins, son point de vue.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le
député de Gouin. Est-ce que quelqu'un du côté
ministériel voudrait intervenir?
M. Boisclair: J'en conclus que mes arguments ont laissé le
ministre béat.
Vote sur la motion
Le Président (M. Gautrin): C'est ce que je crois. Donc, on
va passer au vote sur la motion suivante: "II est proposé qu'en vertu de
l'article 244 de nos règles de procédure, la commission
permanente du budget et de l'administration tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi modifiant la
Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin, elle entende M. Jean Campeau." Mme la
secrétaire, pourriez-vous appeler les députés sur le
vote.
La Secrétaire: Bien, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Compte tenu que j'ai fait une
erreur tout à l'heure.
La Secrétaire: M. le député de La Prairie,
pour ou contre?
M. Lazure: Pour la motion.
La Secrétaire: M. le député de Gouin?
M. Boisclair: Pour.
La Secrétaire: M. le député de Bertrand?
M. Beaulne: Pour.
La Secrétaire: M. le député de Limoilou?
M. Després: Contre.
La Secrétaire: M. le député de
Prévost?
M. Forget: Contre.
La Secrétaire: M. le ministre des Finances?
M. Levesque: Contre.
La Secrétaire: M. le député de Verdun?
M. Gautrin: Contre.
La Secrétaire: La motion est rejetée.
Le Président (M. Gautrin): La motion est rejetée.
C'est malheureux.
M. Boisclair: Est-ce que vous pouvez nous rappeler le
résultat du vote, M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Oui, certaine ment, la
secrétaire va certainement vous le dire.
La Secrétaire: Trois: pour. Quatre : contre.
Le Président (M. Gautrin): Trois pour, quatre contre. La
motion est donc rejetée. (23 heures)
M. Boisclair: Je pense que ça vaut la peine qu'on en
essaie une dernière, M. le Président. On est sur la bonne
voie.
Le Président (M. Gautrin): Bon. M. le député
de La Prairie.
Motion demandant d'entendre M. Claude Béland M.
Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, je suis heureux de prendre la
relève de mon collègue de Labelle, qui est responsable du
dossier, comme vous le savez, mais qui est retenu à l'Assemblée,
en Chambre, pour défendre les prises de vue, les prises de position de
notre parti, du parti de l'Opposition, en regard de quelques projets de loi
dont il est le critique. Alors, je présente la motion suivante: "II est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure, la commission permanente du budget et de l'administration
tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet
de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et
placement du Québec, des consultations particulières quant
à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle
entende - devinez qui? - M. Claude Béland."
Le Président (M. Gautrin): On aurait presque
deviné, M. le député de La Prairie. Alors, je pense que
c'est une motion de forme et qu'en fonction des règles de
procédure, vous pouvez vous exprimer durant 30 minutes.
M. Levesque: Mais si le député avait
présenté sa motion antérieurement, ça aurait
peut-être été plus facile. Je viens de rencontrer M.
Béland, il y a cinq minutes, et il quittait pour ailleurs. Il me semble
qu'on aurait dû me prévenir de cette motion-là.
M. Lazure: M. le Président, nos ondes, les ondes du
ministre des Finances et mes ondes convergent vers M. Béland. Il y a
exactement sept ou huit minutes, avant de revenir dans cette salle, j'ai moi
aussi rencontré M Claude Béland qui sortait de la Commission.
Le Président (M. Gautrin): Les grand esprits se
rencontrent ici, au Parlement.
M. Lazure: Et M. Claude Béland s'est réjoui de
cette initiative que j'allais prendre, parce que je l'en ai informé,
j'ai pris la précaution de m'assurer qu'il serait disponible. Et il est
disponible. Pour une chose aussi importante, je me rends disponible, dit-il,
même s'il avait le manteau sur le dos.
Le Président (M. Gautrin): Alors, plaidez, mon cher ami,
plaidez.
M. Lazure: J'y arrive, M. le Président. M. Béland
est membre du conseil d'administration depuis trois ou quatre ans, membre du
conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Il est, comme on le sait, président du Mouvement
Desjardins qui a des actifs légèrement supérieurs à
ceux de la Caisse de dépôt et placement du Québec,
légèrement supérieurs, parce que le Mouvement Desjardins
est le numéro un actuellement, au point de vue des actifs, au
Québec.
Et il s'agit d'une personne, là aussi, qui a obtenu des deux
grands partis politiques du Québec toutes sortes de marques de
confiance. Le gouvernement, avec l'accord du chef de l'Opposition, l'a
nommé membre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel
du Québec, c'est ce qui explique qu'il est dans le Parlement à
cette heure-ci. Le Québec, dans l'ensemble de ses institutions, a
reconnu la compétence de M. Béland depuis qu'il a fait ses
preuves à la tête du Mouvement Desjardins. M. Béland, donc,
a toute la crédibilité qu'il faut, en plus d'avoir
l'expérience au conseil d'administration depuis trois ans et demi, pour
venir éclairer les membres de cette commission. Remarquez, M. le
Président, que j'aurais pu aussi proposer M. Laberge, M. Louis
Laberge...
Le Président (M. Gautrin): Alors, c'est ce qu'on pensait
être le quatrième.
M. Lazure: M. Louis Laberge, à qui je suis redevable
à bien des égards puisqu'il a été mon parrain en
politique. A une certaine époque qui va vous rappeler des souvenirs, M.
le Président, au Nouveau Parti démocratique...
Le Président (M. Gautrin): Où nous oeuvrions dans
le même parti.
M. Lazure: ...alors que vous aviez encore certaines convictions
sociales-démocrates Que vous avez, hélas, perdues en cours de
route.
Le Président (M. Gautrin): Mais vous étiez
fédéraliste, à l'époque, mon ami.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: J'étais nationaliste. Il n'existait pas encore,
malheureusement, de parti politique souverainiste et vous êtes bien au
courant qu'aussitôt qu'il a été créé, ce
parti souverainiste, j'ai délaissé rapidement le NPD pour me
joindre au Parti québécois, alors que vous, vous êtes
resté, vous avez langui quelques années encore au NPD avant
d'être récupéré par le Parti libéral. Bref,
je ferme la parenthèse.
Le Président (M. Gautrin): Ha, ha, ha! Cela manque de
pertinence, quand même.
M. Lazure: Donc, M. Louis Laberge qui, lui, a plus
d'ancienneté au conseil d'administration de la Caisse. Je pense qu'il
est là depuis au moins 7 ou 8 ans, sinon 10 ans. Il fait un bon boulot
à la Caisse, il surveille, il est là pour représenter le
syndicalisme, comme on disait autrefois, la classe ouvrière, alors
qu'une autre personne représente la classe patronale. Ça aurait
pu être M. Louis Laberge. Ça aurait pu être aussi M. Claude
Legault, qui est président de la Régie des rentes, justement,
dont j'ai parlé au début de la soirée et dont on a
fêté le 25e anniversaire tout récemment. M. Legault aussi
aurait eu toute la compétence voulue pour venir nous éclairer,
parce que M. Legault, avant d'être nommé par le gouvernement du
Parti québécois à la tête de la Régie des
rentes, avait été à la tête du deuxième plus
gros organisme de gestion de fonds de pension au Québec, à savoir
celui de la Fraternité des policiers de Montréal. M. Legault a
fait ses preuves aussi comme gestionnaire. C'est un homme
éclairé, pondéré, raisonnable et plein
d'initiatives. Rappelons-nous son action à Corvée-habitation. Il
a présidé Corvée-habitation. Corvée-habitation,
c'était un projet extrêmement dynamique, qui a mobilisé les
forces patronales, syndicales, communautaires, à une époque
où le Québec était en crise économique, comme tout
le monde occidental. Et beaucoup de monde a la nostalgie d'un programme tel que
Corvée-habitation, beaucoup de gens au Québec se disent:
Où sont les programmes qui vont nous faire sortir de la crise le plus
rapidement possible? Des programmes du genre Corvée-habitation? Alors,
c'était le choix douloureux que j'avais à faire. M.
Béland, M. Laberge, M. Claude Legault, et je pourrais en nommer
d'autres. Mais le choix de l'Opposition s'est arrêté sur M.
Béland.
Alors, je vais vous parler un peu aussi des commentaires que M.
Béiand a faits suite à l'annonce faite par votre chef, M.
Bourassa, le samedi 2 juin, dans Le Soleil: "Le changement de structure
déplaît à Claude Béland." Et je me permets d'en
citer quelques paragraphes: "Le président du Mouvement Desjardins, M.
Claude Béland, estime que la décision du gouvernement Bourassa de
scinder le poste de président de la Caisse de dépôt est une
erreur qui aura pour effet de démotiver les vice-présidents de la
société d'État. M. Béland, qui est membre du
conseil de la Caisse depuis trois ans, trouve surtout regrettable que le
conseil n'ait pas été
consulté sur ce changement de structure et entend soulever la
question lors de la prochaine réunion. Il est cité ici: "On nous
demande à nous d'administrer la Caisse de dépôt, alors
c'est ta moindre des choses que ceux qui administrent proposent au moins un
organigramme qui convient à la planification qu'on s'est donnée.
Alors là, il va faSoir vivre avec des structures qui nous tombent du
ciel. " Le ciel, c'est beaucoup dire pour un gouvernement du Parti
libéral. Ce n'est pas tout à fait le ciel, quand même!
Quant aux nominations de Jean-Guy Delorme et de Guy Savard, qu'il dit
avoir apprises dans les journaux, comme tout le monde, il ne faut pas les
mettre dans le même sac. M. Delorme est un homme qui a fait ses preuves
et c'est sûrement une nomination valable. Le président de
Desjardins ne connaît pas M. Guy Savard. Il ne s'Inquiète pas de
ses liens avec le parti au pouvoir. J'imagine qu'il a toute la
compétence requise, en ajoutant toutefois que l'expérience des
marchés financiers, que ni M. Delorme, ni M. Savard semblent avoir, lui
apparaissait comme un minimum pour occuper ces fonctions. Selon lui, la
nomination de M. Savard est une erreur, parce qu'elle a pour effet de faire
baisser d'un cran les vice-présidents de la Caisse dans la
hiérarchie. Ces vice-présidents, d'une compétence rare,
ont fait un travail remarquable, estime M. Béland. Pourquoi changer une
équipe gagnante? Pourquoi changer une structure gagnante? C'est ia
question que j'ai l'intention de poser, dit-il, il ne croit pas à la
division des tâches de direction à la Caisse de
dépôt, dont le président doit être proche de ses
dossiers. J'ai toujours été favorable à un
président de la Caisse qui est en même temps chef des
opérations.
Et quelques semaines plus tard, effectivement, en juillet, le conseil
d'administration de la Caisse tenait sa réunion. Voici ce que Le Soleil
du 13 juillet rapporte des commentaires de certaines personnes, suite à
leur réunion. "Malgré le tollé que cette nomination avait
suscité, celle de M. Guy Savard, le conseil d'administration de la
Caisse de dépôt et placement du Québec a accepté
hier de créer un nouveau poste de vice-président exécutif
et de le confier à M. Guy Savard, ancien collecteur de fonds du Parti
libéral. " Ils n'avaient pas le choix, les pauvres gens au conseil
d'administration, hein! Le gouvernement leur dit: C'est fait, c'est fait, puis
trouvez-lui une niche. "Après trois heures de discussion, le conseil de
la Caisse est arrivé à un compromis qui satisfait tout le monde,
a expliqué M. Béland, qui s'était opposé
publiquement à un tel changement de structure à la Caisse. Ce
compromis devrait éviter l'empoisonnement du climat à l'interne
et permettre à la Caisse de continuer à bien performer avec sa
structure bicéphale, malgré sa structure bicéphale,
espère M. Béland. 11
Le président de Desjardins s'était aussi offusqué
du fait que le premier ministre avait décidé
unilatéralement de modifier la structure de la Caisse sans consulter le
conseil d'administration qui, pourtant, a le mandat de gérer la
société d'État. M. Béland a fait savoir hier que
les membres du conseil avaient unanimement condamné cette façon
de faire du premier ministre. Ce genre de nomination
téléguidée, dit-il, ce n'est pas très bon pour
l'image de la Caisse, mais maintenant que le mal est fait, notre message est
qu'il ne faut pas que ça se produise de nouveau.
M. le Président, il s'agit là de commentaires
extrêmement durs de la part d'un membre d'un conseil d'administration
d'une société d'État, à toutes fins pratiques, d'un
organisme public, gouvernemental, la Caisse de dépôt et placement
du Québec. Moi, j'ai rarement vu, depuis que je suis assidûment la
politique, pas tout à fait depuis aussi longtemps que mon
aîné, le ministre des Finances, député de
Bonaventure, mais depuis quand même un bon nombre d'années,
jamais, je ne pense avoir vu un blâme aussi sévère de la
part d'une personne nommée par le gouvernement comme membre d'un conseil
d'administration, blâme aussi sévère à
l'égard du gouvernement. Évidemment, il a raison, il a
raison.
Et on n'a qu'à regarder l'article 5 du projet de loi justement,
il dit bien clairement: "Le président du conseil d'administration et
chef de la direction... il est responsable de l'administration et de ia
direction de la Caisse... " Bon ça va. Et quand on passe au paragraphe
suivant, là, il s'agit de M. Savard... Le président et chef de
l'exploitation agit sous la responsabilité du préskient du
conseil d'administration et chef de la direction. Il est principalement
chargé de l'exploitation des activités de la Caisse que
détermine le conseil d'administration. Il assume les autres
responsabilités que lui confie le président du conseil
d'administration et chef de la direction. "
Votre propre loi, M. le ministre des Finances, dit clairement que c'est
le conseil d'administration qui doit déterminer les tâches de ce
président et chef de l'exploitation, de ce M. Savard. À ce
moment-là, comment comprendre que le gouvernement ait le culot,
l'audace, l'indécence de nommer un individu sans même en parler
à ce conseil d'administration auquel il semble attacher tellement
d'importance puisque, dans son projet de loi, il en fait l'organisme - ce
conseil d'administration - qui est responsable pour la définition des
tâches de M. Savard?
Un peu plus tôt ce soir, j'ai eu l'occasion, M. le
Président, de vous parler de l'organigramme qui existait avant cet
ouragan de nominations intempestives et mal éclairées.
C'était un organigramme classique, un président-directeur
général, qui était M. Campeau, à l'époque,
il n'y a pas si longtemps, et il avait cinq vice-présidents sous lui
avec des tâches bien définies. Maintenant, le nouvel organigramme
découle des décisions que le conseil d'administration a
finalement prises. Placé devant le fait accompli, celui-ci avait
la commande du gouvernement: On a nommé M. Savard, notre collecteur de
fonds et il faut absolument que vous lui trouviez une niche, il faut que lui
définissiez des fonctions. Ça donne cet organigramme bâtard
qui place M. Delorme un tout petit peu plus haut que M. Savard, parce qu'ils
ont quand même tous les deux le titre de président. Alors, M.
Delorme est un petit peu plus haut avec le titre de président et de
directeur général, patron de la direction, si on veut, et l'autre
est un petit peu plus bas, président et chef de l'exploitation. (23 h
15)
Là, on vient de briser l'unité de direction parce qu'il
faut bien l'occuper ce M. Savard. Qu'est-ce qu'on lui donne comme
responsabilités? On lui donne deux boîtes sur cinq, deux cases sur
cinq cases. Il va être responsable de deux vice-présidents, mais
pas les moindres, M. le Président. Quand on regarde les
responsabilités des deux vice-présidents, M. Ferland et M.
Paillé, l'un est responsable des placements à revenu fixe,
l'autre est responsable des placements à revenu variable. Dans ces deux
vice-présidences, ou dans les mains de ces deux vice-présidents
réside, à toutes fins pratiques, l'ensemble, la partie
importante, la majeure partie des investissements, des placements de la Caisse
de dépôt. On voit à quel point ce M. Savard est
placé à un carrefour névralgique. C'est lui maintenant qui
contrôle, chef de l'exploitation, qui est le patron des deux
vice-présidents qui sont en charge des placements, l'un à revenu
fixe, l'autre à revenu variable.
La nature humaine étant ce qu'elle est, nous pensons,
l'Opposition, que c'est imposer un niveau de tentation trop élevé
pour M. Savard. Il sera tenté, dans ses démarches de placements,
dans ses décisions de placements, de se rappeler les grandes
bontés d'individus du monde de la finance, du monde des affaires, qu'il
allait voir lorsqu'il était collecteur de fonds pour le Parti
libéral, qui répondaient généreusement à son
appel. Il sera tenté de se rappeler ça et lorsqu'il aura à
prendre des décisions: Est-ce que ces 50 000 000 $, on les place dans
l'entreprise A ou dans l'entreprise B? Et si les dirigeants de l'entreprise A
étaient ses donateurs assidus lorsqu'il allait les voir comme collecteur
du Parti libéral, comment ne pas comprendre, quand on connaît le
moindrement la nature humaine, qu'il serait tenté, de façon
presque irrésistible, d'aller du côté de l'entreprise A? M.
le Président, je pense qu'on vient de placer le loup dans la
bergerie.
L'autre partie, les trois autres vice-présidents,
dorénavant, vont relever de M. Delorme, vice-président à
la planification, les relations avec les déposants, l'autre, affaires
juridiques et institutionnelles, placements immeubles et le dernier,
administration et contrôle. On vient de créer, M. le
Président, deux sortes de vice- président. Un type de
vice-président, les trois derniers que je viens de nommer qui, eux,
relèvent directement du grand patron. Un autre type de
vice-président qui relève de celui qui n'est pas tout à
fait grand patron. Il est plus que vice-président, il n'est pas grand
patron. Il est dans un "no man's land", il est dans une zone grise, il est dans
une zone très ombragée. Ça, ça n'augure pas bien,
surtout quand il s'agit d'un ancien collecteur de fonds du parti politique.
Mais nous aurons, à l'intérieur de cette petite équipe de
gestion, qui était composée avant, lorsque M. Campeau
était là, de six personnes, un seul patron, cinq adjoints, comme
on voit normalement dans une petite boîte où il y a 260
employés, deux sortes, deux catégories de vice-président,
une catégorie qui a le privilège de relever directement du grand
patron et l'autre qui a un privilège plus douteux de relever de M.
Savard. La force de la Caisse jusqu'ici a été de fonctionner de
façon extrêmement efficace avec un minimum de tension interne, un
minimum tellement bas que, de l'extérieur, on n'a pas perçu ces
tensions-là. Il y a en eu sûrement comme dans n'importe quelle
organisation humaine. Il y en a sûrement eu. Mais le président,
avec une autorité qui était si évidente et avec des canaux
de communication qui étaient si clairs, avec ses cinq
vice-présidents, pouvait résoudre, à l'intérieur de
cette boîte modeste quant au nombre d'employés, des
problèmes sans qu'il soit nécessaire d'aller sur la place
publique ou de venir à l'Assemblée nationale, comme le projet de
loi le propose.
Je m'interromps moi-même, M. le Président. Est-ce qu'il
s'agit d'un appel au vote?
Le Président (M. Gautrin): On va demander. Ils en
appellent au quorum. Bon, alors...
M. Lazure: On peut suspendre quelques secondes.
Le Président (M. Gautrin): C'est un vote actuellement? Il
s'agit d'un vote. Excusez-moi.
M. Lazure: C'est possible qu'il y ait un vote.
Le Président (M. Gautrin): Donc, on va suspendre
actuellement nos travaux pour aller en Chambre. Il s'agit d'un vote.
(Suspension de la séance à 23 h 22) (Reprise à 23 h
42)
Le Président (M. Gautrin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Suite à la suspension de la séance, la commission reprend
ses travaux pour étudier le projet de loi 109. Actuellement, M. le
député de La Prairie, je pense qu'il vous reste 10 minutes
pour nous convaincre de l'importance d'écouter M.
Béland.
M. Lazure: Oui, M. le Président. Merci. Alors, je reviens
à mon propos. M. Béland, ayant été membre de ce
conseil d'administration pendant plus de trois ans, pourrait nous renseigner
sur les répercussions de ce changement radical dans l'organigramme, dans
l'organisation, la structure de la Caisse de dépôt. D'ailleurs, je
vous al lu un peu plus tôt quelques-unes de ses déclarations. Il
s'en était inquiété. Il avait dit carrément:
Ça me déplaît cette nouvelle structure-là. Ça
me déplaît, parce que c'est de nature à vicier le climat
à l'intérieur de la boîte, le moral des troupes. Alors
qu'avec l'organisation précédente, il y avait une petite
équipe compacte, un patron avec cinq adjoints, là, on va avoir un
grand patron, un autre qui n'est ni grand patron, ni vice-président,
avec ce statut bâtard, qui lui aura une partie des
vice-présidents, deux vice-présidents et les trois autres
demeurant sous l'autorité directe du grand patron.
Je pense que le gouvernement actuel devra être très
vigilant s'il veut racheter sa faute jusqu'à un certain point. Toute
faute est, jusqu'à un certain point, rachetable. Et il va falloir qu'il
multiplie les contacts avec le conseil d'administration, non seulement M.
Claude Béland, mais M. Louis Laberge. Je comprends que le ministre des
Finances et son gouvernement, ses autres collègues ministres, ne soient
pas tellement enclins à multiplier les contacts avec M. Laberge.
M. Levesque: M. Laberge est un de mes bons amis.
Détrompez-vous.
M. Lazure: M. le Président, lorsque arrivent des moments
importants dans l'histoire, on a vu des amitiés mal résister
à des luttes politiques...
Une voix: Se dissoudre.
M. Lazure: ...se dissoudre, fondre même au soleil de
l'ardeur des troupes qui sont en train de bâtir un pays. Au soleil de
l'ardeur, à la lumière de l'ardeur...
Une voix: C'est poétique.
M. Lazure: ...à la chaleur de l'ardeur. M. Béland
pourrait, au nom de ses collègues du conseil d'administration, parce que
quand on regarde les journaux, on se rend compte qu'il y a peu de membres du
conseil d'administration qui ont fait des déclarations publiques,
à part M. Béland... Ça se comprend un peu, parce que M.
Béland a un leadership naturel, si on veut, et étant à la
tête du Mouvement Desjardins, je répète, le mouvement
financier, l'organisme financier le plus important au Québec, il est
normal qu'il exerce un leadership naturel et que ses collègues du
conseil se reconnaissent en lui. C'est une des raisons pour lesquelles
d'ailleurs l'Opposition, après mûre réflexion, a choisi de
proposer M. Claude Béland, au lieu d'un autre membre du conseil
d'administration
Nous pensons qu'il est important de se faire dire par les membres du
conseil pourquoi le changement, la décision du gouvernement
plutôt, va chambarder cette structure qui allait si bien et quels en
seront les effets à moyen et long termes. Je vois que le ministre des
Finances refuse de se le faire dire, mais j'espère qu'il va au moins
avoir des contacts avec M. Béland et les autres membres du conseil
d'administration, comme je le disais tantôt. Il ne s'agit pas d'aller
leur dire quoi faire, mais il s'agit d'aller écouter ce qu'ils ont
à dire. C'est un gouvernement qui n'a pas l'habitude d'écouter.
On commence l'étude d'un projet de loi, puis au bout d'une heure, deux
heures, trois heures, on dit: Assez! On vous a assez entendus. On essaie durant
ces quelques heures de proposer au gouvernement de rencontrer des experts ou
des groupes, des représentants de la population qui sont touchés
par le projet de loi en question. On dit: Non, ce n'est pas nécessaire.
Nous, on sait ce qui est bon. Alors, ce n'est pas surprenant qu'ils aient pris
cette décision-là sans consulter le conseil d'administration
qu'ils chargent eux-mêmes dans leur loi d'énumérer, de
définir toutes les fonctions aux postes de direction de la Caisse de
dépôt.
Or, M. le Président, je trouve qu'il est essentiel... Si le choix
de M. Béland déplaît au ministre des Finances, j'en doute,
je ne vois pas pourquoi ça lui déplairait, mais on pourra, dans
une autre tentative de compromis, lui proposer, soit M. Laberge, soit M. Claude
Legault, ou d'autres qui sont à la Caisse de dépôt. Mais
j'espère que le refus de la partie gouvernementale d'entendre M. Claude
Béland, ce n'est pas une espèce de prolongement de l'attitude
arrogante, pour ne pas dire plus, qu'elle a eue envers le conseil
d'administration en ne le consultant pas avant de nommer M. Savard.
M. le Président, je sais que vous n'êtes pas partie
à cette décision-là. Ce sont vos collègues du
Conseil des ministres qui ont pris la décision, après discussion
ou pas, je ne le sais pas. Ce n'est pas impossible que le Conseil des ministres
ait été ignoré comme le conseil d'administration a
été ignoré - ce n'est pas impossible, ça - et que
la décision ait été téléguidée du
bunker. Ça, c'est possible, M. le Président. On aurait pu
profiter des connaissances, de l'expertise de M. Béland en
matière de gestion de grandes entreprises. Et je pense que là
aussi, c'est regrettable, le parti ministériel aura à vivre avec
ça.
Quand viendra le temps de voter, il semble bien que notre motion sera
défaite et je pense que ce sera une autre façon qu'aura le
gouver-
nement de dire: Laissez-nous gouverner tout seuls, nous savons ce qui
est bon. On appelle ça de l'arrogance et souvent c'est un signe
prémonitoire d'une fin de régime. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le
député de La Prairie. M. le ministre, avez-vous quelque chose
à ajouter?
M. Levesque:...
Le Président (M. Gautrin): Non. Attendez un instant! M. le
député de Prévost, oui. M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Très brièvement, cependant, pour donner
la chance à Mme la députée.
Le Président (M. Gautrin): Elle a déjà fait
de très bonnes performances aujourd'hui.
M. Georges Farrah
M. Farrah: M. le Président, j'aurais aimé entendre
davantage nos collègues de l'Opposition, article par article, pour
travailler vraiment au coeur du projet de loi comme tel et peut-être, M.
le Président, s'il y a lieu, le bonifier. On n'a pas la
prétention d'être parfaits. Seulement pour un article, je pense
qu'on aurait pu avoir une discussion fort intéressante. Dans ce
sens-là, c'est avec beaucoup de regret quand même que je constate
et que je vois l'attitude de l'Opposition qui, à mon point de vue,
manque à son boulot en contournant le fond de la question en appelant
des consultations, M. le Président, avec des motions
préliminaires pour inviter MM. Béland, Cazavan et Campeau.
Je pense qu'il faut aussi relever certains faits, M. le
Président. Et pour relever ces faits-là, je pense que je vais
lire l'article 5 parce qu'on a laissé sous-entendre que la nomination de
ces deux personnes-là au sein de la Caisse de dépôt, au
niveau de la nouvelle structure orga-nisationnelle, faisait en sorte qu'il
pouvait y avoir un conflit entre ces deux personnes. Je pense que l'article 5
nous démontre clairement que ces deux postes, il y en a un qui est
au-dessus de l'autre au niveau de la structure hiérarchique. C'est
important, justement, pour qu'à ce moment-là il y ait une ligne
de conduite qui soit . introduite et qui soit respectée au niveau de
l'organisation.
M. le Président, si vous voulez bien, je vais vous lire l'article
5.
Le Président (M. Gautrin): Avec plaisir
M. Farrah: Parce que c'est le coeur du projet de loi, l'article
5.
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, ce
serait...
M. Farrah: Et je pense que c'est tout à fait normal de le
lire.
Le Président (M. Gautrin): Oui.
M. Farrah: L'article 5 se lit comme suit, M. le Président:
"5. L'article 14 de cette loi est remplacé par les suivants: "14. Le
président du conseil d'administration et chef de la direction
préside les réunions du conseil et voit à son bon
fonctionnement. Il est responsable de l'administration et de la direction de la
Caisse et assume les autres responsabilités que lui confie le conseil
d'administration. Il est responsable des relations de la Caisse avec le
gouvernement.
L'article 14.1, M. le Président, qui fait toujours partie du
nouvel article 5, se lit comme suit. Et c'est très important, c'est
là qu'on constate vraiment la différence au niveau des deux
postes comme tels. Je lis, M. le Président: "14.1 Le président et
chef de l'exploitation agit sous la responsabilité du président
du conseil d'administration et chef de la direction." Agit sous la
responsabilité, je ne vois pas là de conflit majeur, M. le
Président. On sait qui est le maître à bord. C'est
important qu'il soit désigné, j'en conviens, mais je pense que
c'est très clair dans cet article-là, M. le Président. Et
je poursuis. "Il est principalement chargé de l'exploitation des
activités de la Caisse que détermine le conseil d'administration.
Il assume les autres responsabilités que lui confie le président
du conseil d'administration et chef de la direction."
M. le Président, je ne vois pas de conflit de direction à
ce niveau-là, compte tenu que c'est indiqué très
clairement au niveau de la loi, qui doit et qui va mener au niveau de la Caisse
de dépôt. Je pense que c'était important de soulever
l'article 5, M. le Président, qui est vraiment le coeur du projet de loi
et qui démontre nettement que les possibilités de conflit sont
minimes, compte tenu de la clarté de cet article-là et
l'assumation des responsabilités de chacun, M. le Président.
Ce que j'ai pu remarquer aussi, au niveau des remarques de nos
collègues d'en face, c'est qu'on faisait allusion à
Hydro-Québec alors qu'on a changé la structure; on a amené
une direction bicéphale, comme on l'a appelée. Si ma
mémoire est fidèle, M. le Président, et vous me corrigerez
si j'ai tort...
Le Président (M. Gautrin): Oui, bien sûr.
M. Farrah: ...jamais l'Opposition, lors de l'introduction de
cette nouvelle façon de voir les choses, cette nouvelle direction
à Hydro-Québec, a fait un tollé épouvantable
à cette époque-là. Je pense quand même
qu'Hydro-Québec est une entreprise très, très importante,
une entreprise
majeure au Québec et une entreprise gigantesque. À ce
moment-ci, je pense que je peux un peu cerner la stratégie de
l'Opposition, c'est qu'on veut viser plus la personne qui occupe les postes
indirectement, en contestant le projet de loi parce qu'ils sont mal à
l'aise en contestant l'individu qui est là. Moi, je dis, M. le
Président, que l'important au niveau de ce projet de loi, c'est que les
responsabilités de chacun sont délimitées de façon
très, très précise, très, très claire.
Môme si on invitait ces gens ici, qui sont de très bons
gestionnaires... On a parlé de M. Campeau, on n'a jamais
dénigré M. Campeau, loin de là. M. Campeau a fait un
travail exceptionnel à la Caisse de dépôt et on n'a jamais
dénigré non plus la Caisse de dépôt. On a toujours
dit que c'était un fleuron. Et ce projet de loi ne fait pas en sorte non
plus de dénigrer la Caisse de dépôt, au contraire, M. le
Président. Avec les nouveaux défis qui nous attendent, je pense
que c'est tout à fait utile, c'est tout à fait opportun de revoir
une structure pour s'assurer qu'elle soft aussi efficace que dans le
passé. Compte tenu qu'elle a pris une ampleur considérable au fil
des années, je pense que c'est de prévoir justement pour
s'assurer que cette entreprise4à puisse croître comme elle a
crû au cours des dernières années. Alors, M. le
Président, je ne comprends vraiment pas l'attitude de l'Opposition
officielle avec ses motions préliminaires sans fin. J'aurais
préféré, et je pense que l'Opposition aurait eu à
gagner quand même à au moins s'attarder au niveau de
l'étude article par article. J'aurais préféré
attendre. C'est parce qu'on n'a pas eu non plus de la part de l'Opposition des
mesures alternatives, à ma connaissance. J'aurais aimé entendre
les gens de l'Opposition dire ce qu'ils avaient à proposer, eux, au
niveau de la Caisse de dépôt et placement du Québec eu
égard au projet de loi présenté. Je n'ai pas entendu de
mesures alternatives ou d'amendements qui auraient pu être
apportés, en tout cas, au cours de cette discussion.
Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je pense qu'il
est important de faire le point un peu à la fin de cette commission
parlementaire. J'espère que la nuit portera conseil à nos
collègues de l'Opposition afin qu'ils puissent faire leur devoir de
façon peut-être plus efficace. Par galanterie, comme m'invitait
à le faire M. te député de La Prairie, je vais même
laisser quelques minutes à la députée de Ter-rebonne.
Peut-être que je l'aurai convaincue, je l'espère, et
peut-être qu'on appellera l'article 5, que sais-je! Pour toutes ces
raisons, je donne une dernière chance à Mme la
députée de Terrebonne de se racheter.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne, vous avez encore peu de temps parce que l'ordre de la Chambre finit
à minuit comme...
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je vais d'abord
commencer par répondre à certaines interrogations du
député des Îles-de-la-Madeleine et l'assurer que lors de la
proposition de la nouvelle structure d'Hydro-Québec, l'Opposition
officielle avait dénoncé cette mesure en 1988. Elle
s'était opposée, M. le député des
Îles-de-la-Madeleine. Alors, vous n'étiez pas sûr si nous
nous étions opposés, je vous confirme que nous nous étions
opposés a cette structure-là et nous nous opposons davantage
puisque, effectivement, la Caisse de dépôt et placement du
Québec a beaucoup moins d'employés qu'Hydro-Québec; on ne
parle pas du tout du même type de structure.
Si le député des Îles-de-la-Madeleine n'a pas
compris que durant la présentation des trois motions
particulières, nous avons parlé du fond, eh bien, c'est qu'il ne
nous a pas écoutés, M. le Président, parce qu'à
chacune de nos motions, nous avons effectivement parlé du fond,
amplement et régulièrement.
Ce qu'il y a d'intéressant dans la formule et si le
député des Îles-de-la-Madeleine n'a pas compris ce que nous
proposions, je lui répète parce que nous l'avons dit dans tous
nos discours en Chambre et ici même, nous voulons le maintien de la
structure actuelle et nous voulons, s'il y a d'autres choses à proposer,
entendre les experts qui s'y connaissent pour qu'ils nous fassent d'autres
propositions et non l'Opposition, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne, le temps étant fini, CendriHon fée superbe redevient
citrouille...
Une voix: C'est une belle fée!
Le Président (M. Gautrin):... après minuit et
à ce moment-là, je m'excuse on va donc ajourner la commission
sine die. Mais attendez un instant, il y a un débat actuellement,
à savoir s'il reste une minute ou pas, mais en tout cas... Mais vous
auriez votre temps de parole certainement, mais le carrosse est redevenu
citrouille.
M. Léonard: Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, chers amis, la
commission du budget et de l'administration est ajournée sine die.
(Fin de la séance à 23 h 59)