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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 13 mai 1992 - Vol. 32 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère du Conseil exécutif


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte. Elle a pour mandat, cet après-midi, de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, c'est-à-dire les programmes 1 et 2, pour l'année financière 1992-1993.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements quant aux membres de la commission?

Le Secrétaire: Oui. M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) est remplacé par Mme Bleau (Groulx); M. Beaulne (Bertrand) est remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean); Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Parizeau (L'Assomption) et M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Paré (Shefford).

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le secrétaire. Je rappelle aux membres de la commission qu'il y a une enveloppe de quatre heures qui est prévue pour cette étude de crédits. D'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue au premier ministre pour la défense de ses crédits et souhaiter, évidemment, la bienvenue aussi aux autres membres de la commission, plus particulièrement au chef de l'Opposition officielle.

J'aimerais, dès ce moment-ci, demander au premier ministre s'il a des remarques préliminaires. Ensuite, je demanderai la même chose pour le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas, quatre heures, si on avait moyen de... J'avais essayé d'accommoder le chef de l'Opposition hier pour qu'il puisse remplir des fonctions officielles. Moi, j'ai possiblement aussi le même problème en début de soirée. Alors, je vais être très, très concis dans mes propos, de manière à pouvoir permettre, si possible, de réduire cette période. Alors, je serai, je dirais, très circonspect également dans mes propos pour ne pas soulever de débat. Je suis heureux qu'on commence par les questions économiques.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Parizeau: Je n'ai pas, non plus, M. le Président, de déclarations préliminaires. Je suggère que l'on procède à l'examen d'un certain nombre de questions économiques, que nous passions ensuite à d'autres matières et que, selon une procédure qui est devenue habituelle, l'adoption des crédits soit faite à la fin de nos propos. Si cela vous va, je suis prêt à procéder.

Discussion générale

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, j'appelle donc les programmes 1 et 2, et je reconnais M. le chef de l'Opposition officielle.

État de l'économie

M. Parizeau: M. le Président, je ne veux pas, en abordant ces questions économiques, essayer d'obtenir du premier ministre des aperçus du budget de demain; il refuserait de m'en donner et ce serait tout à fait approprié. D'autre part, je ne vais pas, non plus, m'attarder très longtemps sur l'état actuel de l'économie, mais je veux, cependant, en dire quelques mots.

Au mois d'avril, l'emploi au Québec a reculé - reculé - pour un sixième mois consécutif. Il y a eu, par rapport au mois précédent, une perte de 23 000 emplois. Au cours des six derniers mois, le Québec a connu 30 % de toutes les pertes d'emplois du Canada. Donc, les souvenirs qu'on peut garder en se disant, comme on se le disait au début de la récession, qu'en Ontario ça cogne plus qu'au Québec, à l'heure actuelle, ce n'est plus exact. Pis encore, on a pensé, il y a un certain nombre de mois, qu'on avait atteint le fond du baril, si on me passe l'expression. En termes d'emplois, ce n'est pas vrai. Ça continue de baisser. C'est très préoccupant pour ceux qui ont la responsabilité du cheminement de l'économie. C'est, évidemment, extrêmement préoccupant pour un grand nombre de Québécois qui, à l'heure actuelle, sont très inquiets. Dans le cas d'un certain nombre de nos concitoyens du Québec qui sont sans emploi depuis déjà un certain temps, c'a atteint un découragement tel qu'ils cessent de chercher de l'emploi. C'est la raison pour laquelle le taux de chômage n'est pas plus élevé qu'il l'est à l'heure actuelle. Si tous ceux qui cherchaient des emplois il y a quelques mois en cherchaient encore, on verrait un taux de chômage apparaître qui est plus élevé. (15 h 40)

Alors, ce qu'on va, cet après-midi, chercher à se poser comme question, M. le Président, c'est: Où va le gouvernement? Qu'est-ce qu'il a comme stratégie, au-delà de réagir aux événements d'une semaine à l'autre ou d'un mois à l'autre? Cela m'amène, d'abord, à établir une sorte de perspective. Avant qu'on aborde clairement ces stratégies gouvernementales, si tant est qu'il y en ait, j'ai, sur la perspective, un certain nombre de choses que je veux tirer, d'ailleurs,

essentiellement d'un document qui sort périodiquement du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, la livraison du mois d'avril.

Là, M. le Président, cette perspective qui sort de ce document est importante. Je ne me souviens pas, moi, d'avoir jamais vu quelque chose comme ça sortir. Je lis au texte dans l'espèce de résumé du document qui nous est fourni: «Les analyses de la conjoncture du ministère prévoient pour 1992 une faible croissance de l'emploi de 0, 4 %. L'ensemble des emplois perdus au cours de l'année 1991 ne pourra être récupéré avant 1994. Entre 1992 et 1996, on estime la création nette d'emplois à 230 000, ce qui devrait permettre au taux de chômage de descendre en dessous de la barre des 11 % en 1996». Pour la première fois, selon ces projections gouvernementales, le taux de chômage baisserait en bas de 11 %, à 10, 9 %, en 1996 seulement.

Bon, est-ce que c'est la toile de fond des perspectives gouvernementales, ça? Il y a bien d'autres études qui sont faites. Le ministère des Finances fait des projections de ce genre-là. Certaines, à plus court terme, vont apparaître demain dans le Discours sur le budget. Mais est-ce qu'on s'entend du côté gouvernemental et au bureau du premier ministre que c'est ça, la perspective de l'emploi, compte tenu des politiques qu'ils suivent? C'est vers ça qu'on va, un chômage supérieur à 11 % au Québec jusqu'en 1995 et on tombe un peu en dessous de 11 % en 1996? C'est ça, la toile de fond?

Si c'est ça, M. le Président, pas besoin de vous dire que je leur souhaite beaucoup de plaisir avec l'équilibre de leurs finances publiques. Ah, avoir des finances publiques saines, si c'est ça la perspective, surtout si on ajoute ce dont le gouvernement et le premier ministre se plaignent périodiquement amèrement, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral, en plus de ça, coupe régulièrement des transferts, si bien que dans quelques années des transferts fédéraux au titre du postsecondaire et de la santé, il n'y en n'aura plus... Ma question au premier ministre, elle est dans le prolongement de ce que je viens de dire: Compte tenu des stratégies économiques qu'il élabore, j'espère, est-ce que c'est ça, la toile de fond, la perspective qu'il envisage: le chômage ne tombera pas en bas de 11 % avant 1996?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, comme toutes les institutions, tous les gouvernements ou plusieurs autres sociétés, il y a des prédictions qui sont faites. Qu'on se souvienne qu'il y a trois ans personne n'aurait prédit que la récession ou le ralentissement aurait duré peut-être deux ans. C'est clair qu'il faudra travailler très fort pour essayer de réduire cette croissance du chômage. Je discute cet après-midi, à la veille de la publication du discours du budget, un peu une main derrière le dos. Je ne peux quand même pas dévoiler le contenu du discours du budget. C'est évident que, par définition, le discours du budget, par ses mesures, influence le développement économique.

J'ai des expériences. En 1971 ou 1970, on se souvient, j'avais parié de 100 000 emplois et, en 1973, on en a eu 125 000. Donc, c'est normal qu'on fasse des prédictions, mais ceci n'atténue pas la volonté du gouvernement d'essayer de créer un maximum de croissance économique. C'est ce que nous avons fait avec la publication de plusieurs documents. Il y a tous les efforts qui ont été faits en matière de promotion pour attirer des investissements. Je pourrais donner toute une liste de nouveaux investissements. Pour épargner du temps, je ne le ferai pas, mais je dispose d'une liste des investissements récents.

Dans le domaine de la fiscalité, nous essayons, avec les mesures fiscales, de maintenir la force concurrentielle du Québec. On doit constater qu'avec tous les problèmes que connaissent les autres provinces, y compris l'Ontario, on a conservé la force concurrentielle du Québec dans le secteur des entreprises, qu'il y a quand même une reprise réelle qui se manifeste plutôt timidement. Le chef de l'Opposition a raison, dans les derniers chiffres publiés sur le chômage, ce n'était pas une avalanche de bonnes nouvelles, mais ce qui est peut-être une meilleure nouvelle, c'est que nos clients, au sud notamment, bénéficient actuellement d'une reprise très nette et que ceci devrait se répercuter sur la reprise québécoise.

Donc, je demeure confiant. On peut faire des prédictions. Je constate les regrets que manifeste le chef de l'Opposition des problèmes auxquels nous aurons à faire face jusqu'en 1996; j'en conclus que son optimisme pour les prochaines élections est assez tempéré, mais je dois lui dire que nous avons la détermination très, très ferme de continuer d'accorder la priorité aux questions économiques et que c'est pourquoi nous travaillons également à la stabilité économique basée sur la stabilité politique.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M- Parizeau: Je pense, M. le Président, que le premier ministre fait erreur. Je suis, au contraire, d'un optimisme considérable à l'égard des prochaines élections et de la possibilité que nous puissions prendre le pouvoir et enfin commencer à bouger certaines choses.

Mais, cela étant dit, quant à la récession que nous avons connue, nous savons tous, ou nous devrions savoir, que cette récession au Canada a été la première à se déclencher dans le monde et qu'elle a été causée par la politique

monétaire suivie par la Banque du Canada. Quand on suit une politique monétaire suffisamment restrictive pour casser une économie, on la casse. Ce n'était pas la première fois que la banque centrale faisait cette démonstration, ça s'est déjà fait dans d'autres pays, d'ailleurs. Quand on veut, avec la politique monétaire, casser une économie, on peut la casser. Ça, ça a été clairement montré au Canada; c'est pour ça que la récession a commencé avant tous les autres pays.

Une fois l'économie par terre, ce gouvernement, ici, a décidé d'une avalanche d'augmentations de taxes, de tarifs, de ponctions dans la poche des gens, qui a eu des conséquences inévitables, considérables sur les achats des particuliers, sur la consommation et aussi sur l'optimisme des consommateurs face à l'avenir. J'entendais, à l'Assemblée nationale, il y a quelque temps, le premier ministre, quand je lui disais que les salaires avaient augmenté au Québec en 1991 de 2 % seulement, la masse salariale, et que c'était la plus faible augmentation depuis qu'on tient des chiffres au Québec, c'est-à-dire depuis 1961 - et là, je ne pouvais pas réagir, je n'ai pas le droit de faire un préambule sur une complémentaire, comme nous le savons tous, M. le Président. (15 h 50)

Une voix: Hé oui!

M. Parizeau: Je l'entendais me répondre que ça n'avait pas beaucoup de signification, parce que c'était aussi un moment où le taux d'inflation était très bas. Bien non, les 2 % s'appliquent à 1991 et, en 1991, le taux d'inflation au Québec était de 7,5 %, 7,5 %. On se rend compte de ce que ça veut dire comme amoindrissement du pouvoir d'achat des gens, ça. C'est à des moments comme ceux-là que le gouvernement, lui, déclenche 3 000 000 000 $ d'augmentations de taxes et de tarifs de toute espèce. J'imagine que ce n'est pas fini. Là encore, je ne vais pas demander au premier ministre de nous donner un aperçu du budget de demain, mais il a une assez grosse décision - j'imagine qu'elle est déjà prise - au sujet de l'extension de la taxe de vente à l'égard des services. Nous allons constater demain si le gouvernement, engagé dans cette voie, poursuit, continue.

Pourquoi est-ce que le gouvernement a mis un tel acharnement à frapper sur une économie que la politique monétaire avait déjà mise par terre? Qu'il se soit senti forcé, pour des problèmes d'équilibre budgétaire, de procéder à certaines augmentations, bien, ça aurait pu s'examiner au mérite. Mais ce n'est pas ça, ça a été une inondation. Je reste persuadé, à cet égard, que ce qui sert de politique économique à ce gouvernement, c'est une fixation sur un dogme qui est le suivant: il ne faut pas emprunter pour payer l'épicerie. Le gouvernement, tout seul, emprunte à certains moments pour payer l'épice- rie. Donc, il faut augmenter les impôts jusqu'au niveau où on n'empruntera plus pour payer l'épicerie. Sain principe, mais complètement dévoyé. Ce qui est important, c'est de savoir si le secteur public québécois emprunte pour payer des investissements ou bien s'il emprunte pour payer l'épicerie.

Pourquoi je dis le secteur public québécois? Parce que c'est tous des vases communicants. Qu'est-ce que vous voulez, selon les décisions qui sont prises de pelleter des factures aux municipalités, vous venez d'ouvrir un déficit à l'égard des municipalités et les municipalités doivent prendre un certain nombre de décisions à l'égard de leurs investissements, à l'égard de leurs dépenses courantes à cause de ça. Vous faites emprunter les commissions scolaires à la place du gouvernement pour construire des écoles, vases communicants. Vous faites emprunter les hôpitaux pour payer les constructions d'hôpitaux, vases communicants. Vous mettez toutes les recettes, tous les revenus nets d'Hydro-Québec dans les revenus du gouvernement. Bon, bien, mettez aussi les emprunts d'Hydro-Québec et les investissements d'Hydro-Québec, vases communicants.

D'ailleurs, c'est tellement vrai que, depuis des années - soit dit en passant, c'est nous qui avions introduit ces tableaux-là dans les notes supplémentaires sur le budget - chaque année, on établit les emprunts du secteur public et puis les investissements du secteur public, chaque année. Et qu'est-ce que ça démontre? Pour 1990 - on va avoir les chiffres de 1991 demain soir -qu'est-ce que ça démontre? Qu'à l'heure actuelle le secteur public québécois, avec son gouvernement, emprunte pour payer à peu près les trois quarts de ses investissements. Ce n'est pas, en soi, quelque chose d'anormal. Le quart des investissements du secteur public québécois est payé par des revenus courants; les trois quarts, par l'emprunt.

Là, on est en face d'un gouvernement complètement bloqué dans sa vision des choses et qui dit: Moi, je prends mon secteur et là ça ne balance pas. Comment je pourrais balancer ça? Je vais massacrer à coups d'augmentations d'impôts tant que mon équilibre, pour mon bout, ne sera pas réalisé. Est-ce que le gouvernement va se débarrasser de ce dogme-là un bon jour? On le voit bien, ça stérilise à peu près toute stratégie économique qu'il puisse envisager. La seule réponse qu'on a, à l'heure actuelle, à n'importe quelle demande: Qu'est-ce que vous allez faire dans tel domaine, c'est de dire: On n'a pas d'argent, puis on se demande si on ne doit pas encore augmenter les taxes ou les impôts le mois prochain.

À cet égard et avant que nous passions à des éléments de stratégie très précis, je demande au premier ministre: Sa perspective - on a vu la perspective pour l'emploi tout à l'heure; on ne tombe pas en bas de 11 % de taux de chômage avant 1996 - à supposer qu'il soit toujours au

pouvoir pour les quelques prochaines années, sur le plan de la fiscalité, c'est quoi? Des augmentations de tabacs, encore, toujours, jusqu'en 1995, jusqu'en 1996? C'est quoi, sa perspective sur le plan des finances publiques? Le fédéral va lui en donner de moins en moins. Le chômage va rester tellement élevé qu'il va avoir des problèmes budgétaires. Sa perspective, c'est quoi? Combien de temps encore, les augmentations de taxes?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: Merci, M. le Président. J'espère que ça permettra une discussion utile. Ce n'est pas souvent que le chef de l'Opposition et moi-même, nous pouvons discuter de ces questions-là qui sont pour nous deux les plus importantes. Sur la question - il a abordé plusieurs points - de politique monétaire, le gouvernement du Québec a une certaine influencé à travers sa représentation au sein du gouvernement fédéral, mais nous avons fait des représentations très fermes, constamment. On sait que, de plus en plus, les politiques monétaires se décident au niveau d'ensembles économiques plutôt que de régions. Nous constatons qu'aujourd'hui la situation d'inflation au Canada est l'une des plus basses du monde libre, 1, 7 %, que le dollar - tout le monde se plaignait de la hausse du dollar - était, hier soir, en bas de 0, 83 $. Il était à 0, 89 $ il y a quatre mois à peu près; là, il est en bas de 0, 83 $. Les taux d'intérêt continuent de baisser. Donc, les paramètres économiques sont plus favorables à la croissance économique qu'ils pouvaient l'être.

Tout le débat des déficits... Bon, il amène un point dé vue: II dit: On doit prendre l'ensemble des investissements dans les secteurs public et parapublic. Je comprends qu'il avait introduit ce calcul, mais il ne faut pas quand même, là aussi, en faire un dogme. Parce que son approche a fait hausser la proportion du budget qui est affectée au service de la dette. Qu'il me corrige, quand il est devenu ministre des Finances, je crois que c'était environ 5 %. Est-ce que je me trompe? C'était 5 % du budget qui était affecté au service de la dette? Environ, je crois que c'est ça. Et, quand il a quitté, oh! la la!, c'était environ le triple.

Je discutais avec M. Harcourt, la semaine dernière, et je lui demandais: Quelle est la proportion de votre Service de la dette dans votre budget? Il disait 6 %. Nous, actuellement, c'est 17 %. C'est combien de milliards? Ça fait 6 000 000 000 $ chaque année. Ce n'est pas productif. Le service de la dette, ça ne crée pas d'emplois, ça.

Je comprends qu'en Ontario on suit une politique différente et, si je comprends bien le chef de l'Opposition, il voudrait que je suive la politique de l'Ontario. Mais l'Ontario n'a que 10 % de son budget qui est affecté au service de là dette; nous, c'est 17 %. alors, je ne peux pas être d'accord avec lui quand il me dit: suivez l'exemple de l'ontario, parce qu'on n'est pas dans le même contexte. je pourrais lui donner d'autres exemples. je veux dire, ce n'est pas une question de philosophie de droite ou de gauche. il suit comme moi de très près ce qui se passe en europe. il n'a qu'à voir la politique qui était suivie par m. bérégovoy, qui est devenu premier ministre. on accordait beaucoup d'importance en france, le gouvernement socialiste, au niveau du déficit. on peut également prendre l'exemple d'autres gouvernements sociaux-démocrates, comme celui de l'espagne, (16 heures)

Alors, quand on regarde ça, on dit: On ne peut pas, chaque année, retransférer ça aux générations futures. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition a pris connaissance d'un volume. Je n'en ai pas pris connaissance, mais je le voyais mentionné dans un éditorial qui a été publié aux États-Unis et il traitait des conflits entre les générations, des jeunes qui devront assumer, de plus en plus, des dépenses qui sont faites aujourd'hui et financées à même leurs taxes, et le titre du volume, c'était «Born to pay», nés pour payer. Alors, il faut quand même qu'un gouvernement responsable n'ait pas une approche que j'appellerais un peu faustienne, c'est-à-dire sacrifier l'avenir pour le présent. C'est pourquoi il y a un point de divergence qui est très sérieux, très important entre l'approche du Parti québécois et celle du Parti libéral. C'est que, nous, nous voulons gérer en tenant compte du présent et de l'avenir et ne pas, d'une façon irresponsable, dire: Les jeunes paieront. Donc, on est obligés de prendre des mesures sur les revenus.

Pour ce qui a trait à la TVQ, indépendamment de ce qui sera annoncé dans le budget demain, le chef de l'Opposition a appuyé la TVQ parce qu'il sait fort bien que le produit de la TVQ a pour but d'aider les entreprises, de rendre le Québec plus concurrentiel par le remboursement des intrants. Ce n'est pas des taxes qui rapportent tellement. C'est des taxes qui ont surtout pour but d'aider les entreprises, et c'est pour ça qu'il l'a appuyée. C'est pour ça qu'il était d'accord, avec ses collaborateurs, que c'était une taxe qui permettait au Québec de préparer l'avenir.

Alors, je veux simplement lui dire que, quand on est au pouvoir... Lui-même a assumé le pouvoir de ministre des Financés, donc il parie en connaissance de cause. Mais la décote que son gouvernement a subie, ce n'était pas facile, puis on travaille, nous, à ne pas être décotés. Je ne crois pas que c'est une source de force économique que d'être jugé par les agences internationales les plus crédibles qui disent: Bon, on décide de décoter la province, de diminuer sa cote de crédit. Un gouvernement lucide doit en tenir compte. Si on compare les augmentations d'im-

pots qu'ont connues les autres provinces avec celle du Québec et les coupures qui ont été faites dans d'autres provinces, je crois qu'on doit constater la relative sagesse de l'administration que nous avons dirigée depuis sept ans.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, oui, il y a un désaccord fondamental entre la gestion qu'un gouvernement du Parti libéral a menée et celle qu'on mènerait dans l'optique d'un gouvernement du Parti québécois.

Une voix: Malheureusement!

M. Parizeau: Je l'entendais parler tout à l'heure de l'augmentation de la charge des intérêts. Une bonne partie de l'augmentation de la charge des intérêts est venue du fait que, pour la première fois, j'ai fait inscrire dans les comptes du gouvernement la charge que représentait le déficit des fonds de pension du secteur public. Ça n'avait jamais été mis dans le budget. À plus forte raison, on n'avait jamais fait de provision pour les intérêts sur le déficit des fonds de pension du gouvernement. Évidemment, on peut montrer des beaux portraits quand on cache. Ah oui, se préoccuper des générations qui viennent! Vous pensez qu'on se préoccupe des générations qui viennent quand on laisse un déficit comme celui de la Régie des rentes prendre l'ampleur que ça a pris. Le déficit de la Régie des rentes, il est de combien à l'heure actuelle? Au-delà de 100 000 000 000 $, le déficit actuariel de la Régie des rentes. Vous vous rendez compte de ce qu'on prépare pour la génération suivante?

M. Bourassa: Raison de plus!

M. Parizeau: Oh! Pas raison de plus. Ne cachez donc pas ces choses-là.

M. Bourassa: Non, mais...

M. Parizeau: Non, mais ne les cachez pas! S'il y a une chose qui est claire, c'est que, pour être en mesure de faire face à des problèmes comme ceux-là, il faut d'abord les révéler. Dans quelle publication gouvernementale est-ce qu'on établit ça ou est-ce qu'on montre ça, le déficit de la Régie des rentes? Essayez de voir. C'est tout un travail seulement d'être capable de le calculer. Alors, encore une fois, puis je m'arrête là-dessus, ne nous faisons pas trop d'illusions quant à l'utilité du braquage que le gouvernement a comme une sorte de dogme sur une partie de ses opérations. Cela étant dit, maintenant on va passer, M. le Président...

M. Bourassa: Juste pour répliquer le plus brièvement possible parce qu'on s'est entendus pour être concis.

Le Président (M. Dauphin): Ça va. Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Ça veut dire que les agences pour les cotes de crédit se sont trompées, si je comprends le chef de l'Opposition, en diminuant la cote du Québec.

M. Parizeau: Je me souviens, M. le Président, d'une époque où une agence de New York était prête à décoter sept provinces d'un coup pour cette sacrée histoire du camouflage des déficits des fonds de pension des employés du secteur public dans chacune de ces provinces. Si ça n'a pas été fait, c'est parce que le Québec, à partir de ce qu'il avait fait pour rectifier la situation à partir de 1978, les a fait changer de point de vue. Il les a fait changer de point de vue à un point tel, d'ailleurs, que Moody's était sur le point de publier, le document était imprimé. Non, non, sur ces choses-là, qu'on ne commence pas à me raconter qu'il y a un avantage quelconque à se draper dans les vertus de l'austérité pour une partie des opérations, puis à cacher le reste.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Trois phrases, M. le Président. Le chef de l'Opposition dit: Vous accordez trop d'importance au déficit. Après, il dit: Des déficits, il y en a, puis il sort le chiffre de 100 000 000 000 $. A fortiori on doit être prudent vis-à-vis des jeunes d'aujourd'hui avec des chiffres comme ceux-là. Au début de son exposé, le chef de l'Opposition disait: Pourquoi ce dogme et tout ça? Le déficit n'est pas à zéro. On a annoncé un déficit de plus de 4 000 000 000 $. Quel est le chiffre acceptable pour le chef de l'Opposition? 6 000 000 000 $, 7 000 000 000 $, 10 000 000 000 $? Il dit que 4 000 000 000 $, c'est trop bas.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Ce que je dis, M. le Président, c'est qu'il y a moyen d'avoir des stratégies qui permettent de faire bouger l'économie sans être braqué sur le déficit des opérations gouvernementales dans le sens le plus strict du terme. J'ai passé, moi, à travers toute la récession de 1982 avec des politiques de relance extraor-dinairement actives et dans une situation où le déficit est resté constant. Il n'est pas parti de 1 500 000 000 $ pour monter au-delà de 4 000 000 000 $. Ce que je dis au gouvernement, c'est que sa préoccupation, son dogme qu'il a établi comme ça l'empêche de voir clair. Mais,

enfin, s'il ne veut pas voir clair, qu'il ne voie pas clair.

M. Bourassa: Mais ce n'est pas...

M. Parizeau: Bon, maintenant, M. le Président, je voudrais...

M. Bourassa: Non, mais là, je ne peux pas... On veut voir clair.

M. Parizeau: Ah bon! C'est bien.

M. Bourassa: On a les pieds sur terre.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Investissements dans l'énergie

M. Parizeau: C'est très bien. Alors, maintenant, puisqu'on a les pieds sur terre, examinons un des grands instruments d'investissement dans n'importe quelle société et, en un certain sens, à plus forte raison dans la nôtre, ce sont les investissements dans l'énergie. C'est un gros bloc, ça, des investissements totaux. S'il y a une chose où il est important, dans une société, de savoir où on s'en va quand la situation économique va mal, c'est sur le plan des investissements dans l'énergie. (16 h 10)

Le premier ministre fonctionne depuis maintenant 20 ans - un peu plus, 22 ans - sur un dogme: le développement hydroélectrique du Grand-Nord. La plus récente étape de ce dogme prévoyait la mise en service de Grande-Baleine. Pour toutes espèces de raisons, dont certaines sont difficilement explicables, le gouvernement aura réussi à se mettre dans une situation telle que le projet, à l'heure actuelle, est bloqué. D'autre part, le grand rêve d'exportation massive d'électricité aux Etats-Unis n'est pas apparu. Je rappellerai au premier ministre que, dans un livre qu'il a déjà publié, il faisait une condition de la réalisation de son dogme de l'exportation de 12 000 MW aux États-Unis. Combien il y en a de fermes actuellement? Un peu plus de 1000? C'est tout. Bon, alors, c'est bloqué. Où est-ce qu'on va à partir de là? Il y a quand même des choses intéressantes comme alternatives, comme autres pistes. Par exemple, Hydro-Québec nous a mis au courant - on ne savait pas ça - qu'il y avait une sorte de plan alternatif du développement de cinq rivières, dans cinq régions du Québec, fournissant des emplois, parce que c'est d'assez gros barrages dans un certain nombre de cas - ce n'est pas une question d'emplois, c'est une question de savoir où ils sont ces emplois -avec des possibilités de retombées régionales importantes.

En même temps, on a vu apparaître toutes espèces de pressions au Québec pour le dévelop- pement de la cogénération. La cogénération est en train de se répandre comme une traînée de poudre en Amérique du Nord et singulièrement dans les États américains à qui on cherche à vendre l'électricité du Nord. Est-ce qu'on y va dans la cogénération? La cogénération, oui, il y a un certain nombre de projets qui sont acceptés, mais tout le monde reconnaît, par exemple, qu'il n'y a rien qui va se produire ou qui va être investi cette année, en 1992, dans ce domaine-là, parce que Hydro n'a pas l'air d'être pressée. C'est le moins qu'on puisse dire.

Il se dégage, en somme, comme stratégie possible, une politique régionale de développement énergétique. Ça serait la première fois au Québec qu'on pourrait avoir des développements énergétiques et, à la fois sur le plan hydraulique et sur le plan des usines de cogénération un peu partout sur le territoire, qu'on voit apparaître la possibilité d'une stratégie d'investissements régionaux dans le domaine de l'énergie représentant des emplois considérables. On parle de milliards de dollars, on se comprend bien.

Alors, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que le gouvernement va nous donner, à un moment donné, une indication quelconque à part constater que sa stratégie de 20 ans a échoué, n'est nulle part? L'alternative, c'est quoi? On attend Godot? Je ne veux pas faire de mauvais jeux de mots, mais enfin.

M. Bourassa: Hier, on attendait Bédard.

M. Parizeau: Comment? Non, il est arrivé. Quelle est l'attitude du gouvernement à cet égard? Est-ce qu'il y a une stratégie? Est-ce qu'il y a une stratégie de remplacement pour une Baie James bloquée? Est-ce qu'il va peser sur les boutons pour faire démarrer une politique régionale énergétique?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition donne l'impression que je me promène d'un dogme à l'autre. Sur le plan économique, c'est vrai que j'ai insisté sur le développement du Nord québécois et j'avais l'appui, à ce moment-là, de la très grande majorité des Québécois. Je l'ai constaté en 1979 quand on a inauguré la première phase de la Baie James. C'est vrai qu'il y a des retards qui sont dus, il le sait fort bien... Il dit mystère. Il n'y a pas de mystère. La demande dans l'État de New York a diminué substantiellement. Il y a un processus qui est en marche pour examiner les conséquences sur l'environnement, processus que lui-même a réclamé le 24 août 1991, si ma mémoire est bonne. Donc, il ne peut pas blâmer le retard dans le début du projet, mais on a annoncé que les besoins tels que prévus justifiaient le début des travaux en 1993. Mais il y

a d'autres options sur le plan économique. C'est vrai que j'ai publié un volume auquel il référait sur l'énergie du Nord. J'en ai publié un également sur le défi technologique. On a eu l'occasion, encore une fois, d'annoncer toute une série de documents de développements économiques qui se situent à l'extérieur du développement des ressources naturelles.

Pour ce qui a trait aux petits barrages ou à la cogénération, la ministre responsable de l'Énergie, Mme Bacon, l'a déjà mentionné, et je crois que le président d'Hydro-Québec, ici même dans cette salle, avait fait part de son intention d'examiner ça de très, très près, mais ça ne veut pas dire qu'au... On a signé des ententes avec le Vermont pour près de 400 MW, un contrat de 5 000 000 000 $; avec l'État de New York, 800 MW sur une période de 6 mois, pour un contrat de 6 500 000 000 $. Donc, ce n'est pas les 17 000 000 000 $ auxquels on référait, qui ont été annulés à cause de la baisse de la demande, mais c'est quand même des montants très, très respectables. On n'a jamais soutenu que c'était la seule façon de développer l'économie du Québec. Pour ce qui a trait à l'importance, soulignée par le chef de l'Opposition, des petits barrages ou de la cogénération, c'est déjà fait, on examine ça de très près. Il enfonce une porte ouverte.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Le premier ministre nous dit qu'il examine ça très, très sérieusement. Bon, j'espère qu'il examine ça très, très sérieusement. Mais est-ce qu'il y a une perspective quelconque qui s'annonce, là? Je l'entendais y référer à je ne sais plus quelle date en 1991, quand je leur demandais de mettre en branle une politique un peu cohérente d'examen environnemental. Je comprends donc, ils avaient deux examens de front qui se contredisaient l'un et l'autre! Mais ce que je demandais aussi à la même date, dans la même déclaration: Qu'il commence à discuter d'une politique énergétique. Et là, quasiment deux ans après, il me dit: On regarde ça sérieusement. Ça, je suis convaincu que, pour l'Association des manufacturiers ou la FTQ ou tous ces gens qui demandent que ça débouche sur le plan de choses un peu concrètes, ça va les satisfaire de savoir que le premier ministre étudie ça sérieusement.

En fait, est-ce qu'il a fait explorer les retombées régionales de ce qu'il appelle des petits barrages dans cinq régions? Est-ce qu'il a fait étudier les retombées économiques régionales des projets de cogénération qui lui sont demandés par un certain nombre d'industries? Est-ce que le gouvernement a une idée sur ces choses-la? Dans beaucoup de régions du Québec, il s'agit de centaines de millions, sinon de milliards de dollars d'investissements en région. On y va ou on n'y va pas? On y va un peu, beaucoup? Il va falloir qu'à un moment donné le gouvernement dise où il veut aller et ce qu'il veut faire.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois que, si le député de Joliette était ici, il pourrait répondre au chef de l'Opposition. Tout cela a été discuté avec M. Drouin et les dirigeants d'Hydro-Québec lorsqu'ils sont venus il y a quelques semaines. Il y en a qui ont déjà été annoncés. On ne peut pas se lancer comme ça et faire de la cogénération un peu partout sans examiner l'impact sur l'environnement et les conséquences financières. Ce n'est pas un dogme. On n'est pas anti-petits barrages ou anticogénération. La politique du gouvernement, ça a toujours été d'être très pragmatique. On a fait des grands barrages. On sait que nous avons les coûts, les tarifs parmi les plus bas au monde. On n'a pas dû se tromper tant que ça, M. le Président. On a les tarifs les plus avantageux au monde, avec des profits de 700 000 000 $ à 800 000 000 $. Il me semble que ce n'est pas une erreur historique d'avoir développé la Baie James.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, tout ce que le premier ministre révèle, c'est que, bien oui, il y a eu des discussions avec Hydro-Québec. On le sait, ça. Mais, concrètement parlant, SM 3, c'est combien d'investissements à Sept-îles, ça? Est-ce qu'on en a une idée? C'est important de le savoir. Combien d'emplois est-ce qu'une politique régionale de développement énergétique est susceptible de créer? Un gouvernement qui cherche à prévoir et à sortir une économie du trou dans lequel elle se trouve devrait vraiment s'occuper de choses comme ça. (16 h 20)

M. Bourassa: II le fait, M. Parizeau.

M. Parizeau: Non, mais...

M. Bourassa: II le fait. Je ne suis pas pour répéter tout ce qui a été dit.

investissements financés par service de dette

M. Parizeau: M. le Président, je vais passer maintenant à tout autre chose, mais qui est toujours relié à cette question des investissements. Où est-ce qu'on va? En période de récession, où on veut quand même surveiller son déficit, un des moyens les plus puissants dont on dispose, c'est d'accélérer les investissements qu'on appelle financé par service de dette. L'impact à court terme sur le déficit est presque

nul pour la raison "uivante: c'est la municipalité qui emprunte, par exemple, pour des questions d'épuration des eaux, ou c'est une communauté urbaine qui emprunte pour du transport en commun, ou bien c'est un hôpital qui emprunte pour s'agrandir, ou bien c'est une université qui fait ça, ou un cégep, ou une commission scolaire. C'est intéressant, ces investissements-là, parce que ça s'exerce sur tout le territoire.

L'impact, la première année, est à peu près nul sur le déficit, parce que les intérêts, pendant la phase de construction, sont capitalisés. L'année suivante, le gouvernement va payer une demi-année d'intérêts et, l'année suivante, là, les intérêts commencent à devenir plus lourds à porter, sauf que c'est le moment aussi où, présumément, l'économie va aller mieux, donc où les rentrées fiscales vont être plus importantes.

C'est un instrument très puissant. Il a déjà été utilisé et, après que j'en eus parié un certain nombre de fois en Chambre, le gouvernement, il y a un certain nombre de mois, nous a dit: Je vais relancer, moi aussi, je vais faire un peu de ça. Le résultat n'est pas brillant. Alors que, dans les crédits de 1991-1992, le gouvernement nous annonçait des investissements de cet ordre-là d'à peu près 1 900 000 000 $, combien en a-t-il réalisé, M. le Président? 1 600 000 000 $, presque rien comme augmentation par rapport à l'année précédente, presque rien. Là, dans les crédits pour 1992-1993, le gouvernement nous annonce 200 000 000 $ de coupures dans ce programme-là, en dessous du peu qu'il a réalisé en 1991-1992.

Mais, là encore, je ne comprends pas. En pleine période de récession, alors que ça n'a à peu près pas d'impact sur le déficit, pourquoi ne pas avoir pesé sur les boutons? Pourquoi, encore aujourd'hui, ne pesez-vous pas sur ces boutons? Mais il y a des milliers et des milliers d'emplois dans la construction là-dedans. Ne venez pas me dire: Ça va s'ajouter à la dette du secteur public. Bien oui, ça va s'ajouter à la dette publique; seulement, ce sont entièrement des emprunts à fonds d'amortissement. Ce n'est pas de l'épicerie et il y a des fonds d'amortissement qui remboursent ces emprunts. C'est prévu, ça. C'est pour ça que ça a été monté. Mais pourquoi le gouvernement ne s'en sert pas?

Est-ce qu'il y a une stratégie quelconque pour les années qui viennent? Est-ce qu'il va finir par voir que ça ne sert à rien de retarder des travaux d'épuration? Ça ne sert à rien de les retarder, il va falloir que ce soit fait. Aussi bien les accélérer en période de récession, vous allez avoir à les faire. Alors, faites donc ça quand l'économie en a besoin au lieu de pelleter en avant et de dire: Manana», le gouvernement qui nous remplacera, c'est lui qui les fera. Pourquoi ne pas faire ces choses-là? Je ne comprends pas. Est-ce que je peux le demander au premier ministre? En Chambre, on a essayé à plusieurs reprises de comprendre cette espèce de carence à la fois intellectuelle et opérationnelle de ce gouvernement. il a entre les mains un instrument puissant, il n'a pas l'air d'avoir encore appris à s'en servir.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai des chiffres qui contredisent le chef de l'Opposition. On prévoyait, par exemple, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, 291 000 000 $ et ça a été 326 000 000 $. On ? dépassé l'objectif. Dans l'aide à la construction immobilière, c'est ça, on prévoyait 800 000 000 $ et on a eu 1 900 000 000 $. Donc, il ne peut pas dire qu'on n'a pas respecté nos objectifs, je lui donne deux exemples où on a dépassé nos objectifs. Je pourrais donner toute une série de chiffres à cet égard-là, démontrant que le gouvernement... Il dit qu'il avait annoncé lui-même la pertinence de cette politique, mais on en avait parlé depuis bien longtemps. Donc, je ne peux pas accepter ses reproches, j'ai des chiffres qui disent le contraire.

Encore une fois, il nous a dit cet après-midi: Moi, je choisis la méthode ontarienne; ça, c'est la méthode des ministres des Finances. Je lui ai dit que je ne peux pas partager son point de vue, étant donné que, nous, notre pourcentage du service de la dette est beaucoup plus élevé qu'en Ontario. Mais, ceci étant dit, on a quand même beaucoup de gestes qui ont été faits. Il ne faut quand même pas oublier qu'un élément clé, c'est la taxation des entreprises. Est-ce qu'il prétend que les entreprises sont moins concurrentielles au Québec à cause du fardeau de la taxation? Je crois que c'est peut-être le seul reproche qu'il ne nous a pas fait depuis le début de cette discussion.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Je n'approuve pas plus ce qui se fait en Ontario que j'approuvais tout à l'heure la TVQ telle que le gouvernement l'a établie. Le premier ministre peut bien me prêter tous les propos qu'il voudra, sauf qu'on n'est pas en période de questions. Je peux répondre.

M. Bourassa: Non, mais sauf que vous voulez faire monter le déficit.

M. Parizeau: Maintenant, pour ce qui est des chiffres qu'il nous a donnés, M. le Président, les emprunts dont je parle, financés par service de dette, comportent les postes suivants: assainissement des eaux, équipements culturels, commissions scolaires, cégeps et universités, santé et services sociaux, transports en commun. Le premier ministre me donne deux morceaux de l'addition. Ce n'est pas sérieux.

M. Bourassa: Je vous fais sauver du temps.

M. Parizeau: Alors, quand on arrive au total de l'addition, dans le livre des crédits pour 1991-1992, projetés, annoncés, 1 888 000 000 $; réalisés, tel qu'on le voit cette année, selon les chiffres qu'on nous a fournis, 1 608 000 000 $. Ils ont réussi à faire une sorte de crédit périmé à concurrence de 280 000 000 $, simplement parce qu'ils n'étaient pas capables de se bouger un peu le popotin. Bon.

M. Bourassa: On va perdre tout le monde. M. Parizeau: II n'y a aucune raison.

M. Bourassa: On va perdre tout le monde, là, avec vos genres de...

M. Parizeau: Avec le popotin?

M. Bourassa: Vous confondez les...

M. Parizeau: Bien non, vous n'allez perdre personne, tout le monde comprend. Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Non, non, ah non. Je ne parle pas de cette expression très colorée.

M. Parizeau: Vous allez perdre des jobs.

M. Bourassa: Ce que je veux dire, c'est que vous confondez le service de la dette avec les montants d'investissements...

M. Parizeau: Absolument pas.

M. Bourassa: Alors, à ce moment-là, on a des gens qui sont quand même futés et qui vont trouver que le chef de l'Opposition...

M. Parizeau: Mais je ne confonds pas le service de la dette. Je m'excuse, M. le Président, mais le premier ministre ne s'imagine tout de même pas que j'imagine qu'en 1991-1992 il y en avait pour 1 888 000 000 $ de service de la dette sur les investissements. Voyons, voyons!

M. Bourassa: Non. Moi, je lui ai donné 1 900 000 000 $ d'investissements réalisés.

M. Parizeau: Non.

M. Bourassa: On avait prévu 800 000 000 $. Le chef de l'Opposition dit: Bon, on n'a même pas dépensé ce qu'on avait prévu.

M. Parizeau: C'est ça.

M. Bourassa: Je lui donne un chiffre, deux, pour lui dire qu'on est allés au-delà. On pourrait en donner, là, j'ai toute une série de chiffres que je pourrais lui citer pour montrer les actions qui ont été prises par le gouvernement.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, qu'il les dépose, parce que là, vraiment - qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? - si je les prends un par un, ils avaient prévu 460 000 000 $ pour l'épuration des eaux, ils en ont réalisé 326 000 000 $; ils avaient prévu 182 000 000 $ pour les équipements culturels, ils en ont réalisé 165 000 000 $. Écoutez, tout est à l'avenant. Pour le transport en commun, c'est une vraie beauté, ils avaient prévu 171 000 000 $ et ils en ont réalisé 78 000 000 $, en pleine récession. Comprenons-nous, il y a une sorte de scandale là-dedans. Ah, que le premier ministre dépose sa liste, on regardera ça attentivement.

M. Bourassa: Là, on parle de scandales.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Bien, là, franchement, il y a d'autres scandales...

M. Parizeau: Que les chiffres soient déposés.

M. Bourassa: ...qui sont plus évidents que ceux-là.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: ...oui, j'appelle un scandale...

M. Bourassa: Ha, ha, ha!

(16 h 30)

M. Parizeau: ...le fait qu'un bon nombre de gens n'ont pas trouvé de travail dans l'année qui vient de se terminer, parce que le gouvernement n'a pas été foutu de réaliser ce qu'il avait annoncé et qui, sur le plan de ses finances publiques, ne lui coûtait à peu près rien. C'est un cas d'incurie remarquable et qui manque totalement de perspective pour l'avenir. Est-ce que vous allez recommencer le même coup cette année? Cette année, M. le Président, le gouvernement a annoncé, dans ses crédits, 200 000 000 $ de moins que ce qu'il a réalisé en 1991-1992, et 460 000 000 $ de moins que ce qu'il avait annoncé, il y a un an. 5 000 000 000 $ de travaux de moins, dans les annonces.

M. Bourassa: M. le Président, il y aura...

M. Parizeau: Est-ce que c'est parce qu'on

va avoir une «ballour>>, demain, dans le Discours sur le budget?

M. Bourassa: ...un débat sur le budget dans les jours qui viennent et on pourra réfuter, point par point, toutes les affirmations du chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je peux demander si le premier ministre veut déposer les chiffres que je lui demande?

M. Bourassa: J'ai dit que, durant le débat sur le budget, on aura l'occasion, à l'Assemblée nationale, de déposer les documents susceptibles de confondre le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Ah bon! Mais, il est trop tôt aujourd'hui pour le confondre. C'est ça?

M. Bourassa: M. le Président, j'ai des documents qui impliquent différentes analyses. Alors, je pense bien que je vais voir comment on peut les présenter d'une façon lisible et convaincante pour le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, je ne lui demande pas d'être convaincant; je lui demande de déposer les chiffres. Voyons! Je les regarderai pour savoir si c'est convaincant ou pas.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Alors, il aura sa réponse la semaine prochaine.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Stratégie de développement industriel

M. Parizeau: Bon! Alors, là, M. le Président, on va passer, toujours, aux investissements industriels, stratégie? Où est-ce que le gouvernement s'en va? C'est assez sérieux. Sur le plan des investissements pour l'année prochaine, ils vont baisser, au Québec, alors qu'il est prévu qu'ils vont monter, ailleurs au Canada. D'autre part - et, à cet égard, ne nous faisons pas d'illusions - les investissements privés, au Québec, pour 1992 par rapport à 1991, doivent tomber de 3,5, alors qu'en Ontario, c'est +4,8. Dans le reste du Canada, ça monte aussi. Il n'y a qu'au Québec que ça va baisser. D'autre part...

M. Bourassa: Vous prenez juste une année comme référence?

M. Parizeau: Non non. C'est ce qu'on nous dit que cette année va présenter. D'autre part...

M. Bourassa: C'est plus réaliste de prendre ça sur trois ans.

M. Parizeau: D'autre part, nous avons de...

Le Président (M. Dauphin): m. le premier ministre, je vais vous reconnaître après. m. le chef de l'opposition, c'est à vc.s. vous permettez?

M. Bourassa: M. le Président, toutes mes excuses.

M. Parizeau: D'autre part, on nous avertit, depuis déjà un bon bout de temps, que, sur le plan de son caractère concurrentiel, l'économie manufacturière, en particulier, est dans une situation difficile. L'industrie manufacturière du Québec a perdu 20 % de tous ses emplois en deux ans. Il y a l'impact de la récession, c'est évident. Mais, quand ça prend une ampleur pareille, il y a plus que la récession. Là, on sait qu'on est en face d'un problème structurel.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce a présenté un document qui a attiré beaucoup l'attention et, dans un premier temps, d'ailleurs, beaucoup de sympathie et d'appui chez les entreprises, avec son concept et sa description de grappes industrielles.

M. Bourassa: Là, maintenant, vous êtes d'accord!

M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre pourrait... Il y avait là une sorte de photographie d'un certain nombre de secteurs industriels au Québec qui a frappé l'imagination d'un assez grand nombre de gens dans les affaires, qui se sont dit: Oui, vraiment, dans mon secteur, c'est comme ça que ça fonctionne. Oui, effectivement, si on se compare à d'autres secteurs, nous sommes peut-être concurrentiels sur tels points, mais moins concurrentiels sur d'autres. Beaucoup de gens se sont dit: Voilà! C'est l'amorce une feuille de route. Qu'est-ce qu'on va faire avec les investissements industriels au Québec? C'est là qu'on va savoir. Et puis, on a attendu les instruments, les moyens de traduire ça en réalité. On n'a rien vu venir. Au-delà de la photo, de la radiographie quasiment, et bien faite, les instruments, où? Où sont les directives des sociétés d'État pour, par exemple, appuyer ce qui est, en un certain sens, et ça se comprend très bien, dans les grappes industrielles, une sorte de test de leur aptitude concurrentielle? On se serait attendu à ce que, sur le pian du financement, sur le plan de l'aide à l'exportation, sur le plan de la modernisation, on voie les sociétés d'État

recevoir toutes espèces d'instructions d'appui. On n'a rien vu. Au contraire, on a vu les programmes de la SDI être fermés les uns après les autres. On a vu des programmes d'aide, sur le plan de la technologie, s'ouvrir en même temps que d'autres étaient fermés. Il faut prendre la liste des programmes du ministère de l'Industrie et du Commerce et regarder cette espèce d'opération qui consiste à faire, si vous me passez l'expression anglaise, du «phasing in» et du «phasing out» de programmes portant sur les mêmes choses.

Il y a combien de programmes qui sont destinés à favoriser la science et la technologie, au ministère de l'Industrie et du Commerce? Une douzaine, dont trois sont en croissance, neuf sont en décroissance. On joue à quoi? Le contraste, ici, est important avec deux autres documents qui ont déjà été présentés par un gouvernement du Québec. Je pense à «Bâtir le Québec» et je pense au «Virage technologique». Ça aussi, c'étaient des documents qui avaient enflammé l'imagination de passablement de gens d'affaires. Mais les instruments étaient là. On a pu constater, dès que ces documents sont sortis, que de la constatation ou de la radiographie de la situation jusqu'à la mise en place d'instruments pour être capable, justement, d'aller dans ces voies-là non seulement il y avait une continuité, mais ça ne prenait pas de temps.

Quelle est la stratégie industrielle du premier ministre, pas seulement pour montrer des choses, mais pour faire des choses? La stratégie du gouvernement sur le plan d'un secteur majeur, l'industrie manufacturière, qui a perdu 20 % de ses emplois en 2 ans, pour la remonter au-delà simplement des problèmes créés par la récession, c'est quoi? Où est-ce qu'il s'en va?

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, juste pour corriger, atténuer un peu la sinistrose du chef de l'Opposition, le budget de l'Industrie et du Commerce, c'était 415 000 000 $ en 1991-1992. Il augmente à 513 000 000 $, environ 20 % d'augmentation. Le Fonds de développement technologique, également, 44 000 000 $ à 61 000 000 $. Il peut y avoir une certaine actualisation des programmes, mais il y a des augmentations très, très concrètes en termes réels. C'est ça qu'on doit examiner, à moins qu'on veuille critiquer pour critiquer.

Dans le domaine manufacturier, je veux dire, il n'y a pas... Tous les programmes... J'ai eu l'occasion, à l'Assemblée nationale, M. Tremblay, le ministre de l'Industrie et du Commerce, également... Il doit constater que plusieurs mesures ont été prises. Je veux dire, il y a toute l'aide qui a été apportée. Il ne m'a pas répondu, tantôt, à la question concurrentielle des entreprises. Quand il parle de la TVQ, il dit: Non, je n'ai jamais été d'accord avec la TVQ. Comment justifiait-il la TVQ, le chef de l'Opposition, quand il était d'accord? Il disait qu'il fallait aider le secteur manufacturier. Est-ce qu'il se souvient d'avoir dit qu'il fallait aider le secteur manufacturier avec la TVQ? Alors, il ne peut pas dire que le gouvernement ne pose pas des gestes de manière à rendre le Québec plus concurrentiel.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition, en vous signalant, quant à l'équilibre du partage du temps, que M. le chef de l'Opposition a pris 43 minutes, M. le premier ministre, 20 minutes. Mais, c'est très souple.

M. Parizeau: Oui, mais enfin...

Le Président (M. Dauphin): II y a une convention, une coutume que c'est très, très souple.

M. Parizeau: On n'avait pas... On pourrait arriver à quelque chose de curieux, n'est-ce pas, où le premier ministre ne prendrait que 10 minutes, je n'en prendrais que 10 et on se demanderait quoi faire avec le reste du temps.

Le Président (M. Dauphin): Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Non non, mais c'est parce que, là, on ne tient pas compte de la qualité et de la quantité.

Le Président (M. Dauphin): Ha, ha, ha!

Alors, ce n'était que pour votre information et ce n'est aucunement pour vous limiter dans votre droit de parole, M. le chef de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition. (16 h 40)

M. Parizeau: Merci, M. le Président. Parlons justement de la qualité. Est-ce que le premier ministre se rend compte que les augmentations du budget du ministère de l'Industrie et du Commerce, dont il parle proviennent, pour l'essentiel, de montants qu'il a été obligé de mettre dans ce budget-là pour sauver des entreprises qui étaient en difficulté? Sacrée politique industrielle! Regardez donc simplement ce qu'il y a dans ce budget pour éteindre les comptes en souffrance de MIL. Aïe! C'est le contrat de frégates que vous avez mis là-dedans. Vous avez des montants partout pour faire en sorte que des entreprises en difficulté, qui relèvent d'une façon ou de l'autre du gouvernement, soient sorties du trou. Ce n'est pas une politique industrielle. Je comprends que vous le fassiez...

M. Bourassa: Vous êtes contre l'aide?

M. Parizeau: Je n'ai pas d'objection à ce

que vous le fassiez, mais, pour l'amour du saint ciel, ne venez pas me dire que c'est une politique industrielle!

M. Bourassa: On parle du Fonds de développement technologique. Mais, je veux dire, aider les entreprises en difficulté en période de récession, il me semble que ce n'est pas un crime d'État. Je veux dire, aider MIL, c'est 3500 emplois. Je ne vois pas... Je ne sais pas, si le député de Lévis était ici, s'il se réjouirait des propos du chef de l'Opposition. M me semble que ça fait partie de la tâche du gouvernement. Il y a des stratégies à moyen terme, puis à long terme, on l'a démontré, mais il doit assumer le présent aussi. C'est ce qu'il a fait dans des cas très précis.

Je rencontrais, ce midi, des travailleurs de Sorel. À la suite des changements qui ont été apportés à Marine industrie, il y a 800 personnes qui travaillent maintenant. On parlait de perspectives beaucoup plus sombres. Je pense bien que, là, le chef de l'Opposition me donne l'occasion de lui souligner comment, dans ce cas particulier de MIL-Davie, le gouvernement a été efficace, créant ou protégeant des milliers d'emplois. Ça, pas un mot pour souligner le travail du gouvernement à cet égard, pas un mot.

M. Parizeau: Pour souligner?

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Mais, M. le Président, le premier ministre n'avait pas le choix. Il n'avait tout simplement pas le choix. Comme je le disais tout à l'heure, je n'ai pas d'objection du tout, au contraire, tout le monde serait forcé de faire ça. Seulement, ce n'est pas une politique industrielle.

M. Bourassa: Oui, mais il y en a qui ne réussissent pas.

M. Parizeau: II y en a bien d'autres que ça. Pertes sur les programmes garantis par le gouvernement, il y a 32 000 000 $ d'augmentation; ça passe de 44 000 000 $ à 76 000 000 $ dans le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce. Je sais bien que le gouvernement est forcé de le faire, c'est des pertes garanties. Il ne va quand même pas revenir sur sa signature, non? Oui, effectivement, il assure les garanties. Mais, tout ce que je lui dis, c'est que c'est à cause de ça que le budget de l'Industrie et du Commerce augmente.

Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Le Fonds de développement technologique...

M. Bourassa: Juste un point, si le chef de l'Opposition m'excuse, pour ne pas que...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: C'est écrit dans le budget de l'Industrie et du Commerce: «Aide à certains projets industriels d'intérêt économique» - c'était 61 000 000 $ en 1991-1992 - 92 000 000 $ en 1992-1993:50 % d'augmentation.

M. Parizeau: Bien oui!

M. Bourassa: C'est: «Aide à certains projets industriels d'intérêt économique». I! me semble que c'est...

M. Parizeau: Mais, pour l'essentiel, c'est ce que je disais.

M. Bourassa: Non, «Aide à la construction navale», c'est à part, ça.

M. Parizeau: Oui.

M. Bourassa: C'est «Entreprises et organismes d'État», c'est 83 000 000 $.

M. Parizeau: 83 000 000 $. Puis, regardez au milieu de la page, 44 000 000 $à76...

M. Bourassa: Est-ce qu'on est à la même page?

M. Parizeau: ...pour les garanties. Bien oui! C'est évident, on ne le nie pas.

M. Bourassa: Ah, oui oui, mais, là, ce n'est pas dans les 92 000 000 $, ça. Vous me parlez de la douzième ligne alors que, moi, je vous parle de la première.

M. Parizeau: La première, la douzième et la je ne sais pas trop quoi, la dix-huitième ou la dix-neuvième...

M. Bourassa: Qu'est-ce que vous avez à dire sur la première?

M. Parizeau: ...c'est tout pareil.

M. Bourassa: Bien, ce n'est pas tout pareil.

M. Parizeau: C'est qu'en fait ce sont des engagements que vous avez déjà pris, dans la plupart des cas, pour des entreprises où vous ne pouvez pas faire autrement qu'apporter de l'aide. Moi, je vous parle des grappes industrielles, de l'aide à la technologie, des perspectives de modernisation d'entreprises. Où est-ce que c'est? Vous me dites: Ah, le Fonds de développement technologique! Oui, c'est vrai. Ça a pris bien du temps à monter. Puis, là, qu'est-ce qu'on voit? «Aide à l'investissement pour les entreprises à technologie moderne et les entreprises dynamiques». C'est flamboyant, hein! Comme nom, c'est

parfait. Il y avait 5 500 000 $ l'année dernière là-dedans, 2 200 000 $ prévus cette année. Vous ouvrez des programmes, vous leur donnez des noms ronflants, puis vous en fermez d'autres qui ont à peu près les mêmes fonctions. Au bout du compte, vous vous retrouvez où? Sans stratégie industrielle du tout! Ne nous leurrons pas. Dans le milieu des industriels, on le sait, ça. L'Association des manufacturiers vous le demande assez souvent: Voulez-vous nous dire où vous allez? Qu'est-ce que vous voulez faire?

Encore une fois, à cet égard, rien de ce que nous dit le premier ministre à l'heure actuelle ne me convainc particulièrement qu'il y a une stratégie industrielle quelconque. Ça, encore une fois, le concept des grappes industrielles du ministre de l'Industrie et du Commerce a soulevé énormément d'espoirs, énormément d'espoirs; il y a des tas de gens qui se sont dit: Tiens, enfin, là, on va avoir une certaine vision des choses. Mais je dois dire, franchement, pour les crédits de cette année: Bravo pour votre beau programme! Il n'y a pas plus de stratégie là-dedans que de quoi que ce soit.

M. Bourassa: Regardez...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai toute une série de chiffres, là. Le chef de l'Opposition choisit les chiffres les plus négatifs, c'est normal, c'est dans la coutume, mais je lui demande d'examiner l'ensemble des chiffres et il va voir qu'il y a quand même des progrès très, très substantiels.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Sociétés d'investissement régionales

M. Parizeau: Bon. Maintenant, passons à quelque chose qui est en train de devenir, oui, une sorte de stratégie, dans un tout autre domaine, en tout cas, qui est un élément de stratégie important, qui attire une attention considérable en région, un intérêt, là, qui ne se dément pas. Beaucoup de régions au Québec commencent à se rendre compte qu'il leur faut des centres financiers de décision régionaux et qu'en un certain sens plus il y en aura... Je ne parle pas ici de programmes gouvernementaux; je parle de sociétés d'investissement, de banques d'affaires, dans certains cas, de fonds, en tout cas, de développement économique. Au niveau des MRC, on a vu l'implantation graduelle des SOLIDE avec l'aide du Fonds de solidarité, à une petite échelle, mais à une échelle qui correspond à des besoins locaux importants. On a vu au Québec - graduellement, c'est encore très gra- duel - des sociétés d'investissement apparaître en région. La plus ancienne, c'est SOCCRENT, là, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais il s'en est fait d'autres, petit à petit, avec, très souvent, pas mal de difficultés de démarrage, d'ailleurs. Même avec l'appui du Mouvement Desjardins et de la Caisse de dépôt - parce que le Mouvement Desjardins est très, très solidement derrière ça, de la même façon que le Fonds de solidarité est très solidement derrière les SOLIDE dans les MRC - il y a un appétit, au Québec, d'avoir chez soi des sociétés de financement locales ou régionales. On y met des espoirs importants.

Le gouvernement a été remarquablement coi là-dessus. On ne sait toujours pas s'il trouve que c'est une bonne idée ou une mauvaise idée. Qu'est-ce qu'il attend, le gouvernement? Qu'avec les moyens du bord les sociétés régionales se soient développées en dépit de vents et marées? Est-ce que le gouvernement a l'intention d'appuyer leurs efforts? Est-ce que le gouvernement a l'intention de placer à cet égard, par exemple, des incitatifs fiscaux? Est-ce que le gouvernement a l'intention de contribuer des montants autres que simplement des cartes de visite dans ces organismes? C'est quoi, la politique du gouvernement du Québec aujourd'hui à l'égard des sociétés d'investissement régionales et des sociétés d'investissement dans les MRC? Est-ce que, sur le plan du développement régional à cet égard, il a autre chose que d'abolir l'OPDQ, d'envoyer 3 000 000 $ dans chaque région et de dire: Trouvez-vous des structures pour administrer ça?

M. Bourassa: Bon.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: C'est simplifié, c'est simplifié! M. le Président, à chaque budget, le ministre des Finances - je ne parle pas pour le budget de demain, je n'ai pas le droit - apporte des mesures; il en a apporté: les SPEQ, SOCCRENT, toutes les mesures fiscales, la contribution de la Caisse de dépôt au développement régional, il y a eu des cas, des exemples très, très importants. Là, on a décidé, avec la nouvelle formule, de faire participer davantage les régions. Mais, je veux dire, on n'a qu'à lire les trois derniers budgets, pour prendre cet exemple-là, pour se convaincre de la volonté du gouvernement d'aider les régions. (16 h 50)

Je pourrais ajouter à cela l'encouragement que le gouvernement a apporté, soit lui-même ou les sociétés d'État, pour des investissements de plusieurs milliards de dollars. Le chef de l'Opposition n'en a pas dit un mot, des 5 000 000 000 $ d'investissements dans les alu-mineries, à Sept-îles, à Bécancour, à Descham-bault. Pour lui, ça ne compte pas, ça, des mil-

liers d'emplois! Alors, je lui dis de ne pas regarder seulement un côté de la médaille.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: J'en ai fait suffisamment, des projets d'aluminerie pour, comment dire, comprendre que le gouvernement veuille bien en évoquer d'autres, mais elle achève, la politique d'implantation des alumineries. D'autre part, des politiques comme celle-là, je le sais et le premier ministre, j'imagine, devrait le savoir aussi, ça ne répond, d'aucune espèce de façon, au désir profond des régions, à l'heure actuelle, d'avoir des instruments financiers qu'elles contrôlent pour le développement économique.

Le premier ministre, c'est la première fois, je l'initie à ce concept-là? Mais il doit être inondé de lettres, d'un peu partout, de gens qui disent: Mais, bougez! J'ai eu l'impression, dans les regards échangés entre lui et un de ses conseillers, qu'on va peut-être avoir des nouvelles dans le budget de demain à cet égard. Si on en a, il faudra dire: À tout péché, miséricorde! Enfin! Enfin! On verra.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne voudrais pas que le chef de l'Opposition commence à interpréter mes regards. J'ai dit simplement de lire les derniers budgets. Déjà, il y avait beaucoup dans ces derniers budgets, parce que, je veux dire, on est d'accord. Le ministre des Finances, qui vient lui-même d'une région, est très, très sensibilisé à toutes les mesures qu'il peut apporter au développement des régions.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Dans un domaine, le gouvernement, à l'heure actuelle, est bloqué, pour une bonne part, pour des raisons qui relèvent du sempiternel conflit fédéral-provincial. Ça a des conséquences qui sont assez fortes, assez dramatiques pour l'économie québécoise. Là, je peux difficilement parler de ça au premier ministre sans, comment dire, en référer, comme on le fera tout à l'heure, à tout ce débat constitutionnel, mais j'aimerais lui rappeler...

M. Bourassa: On parle d'économie seulement.

M. Parizeau: ...à l'égard de ces deux questions, des choses que, personnellement, moi, je trouve, comme d'autres d'ailleurs, assez troublantes.

D'abord, la question de la formation profes- sionnelle. Est-ce que, vraiment, il s'imagine que, par les grands débats de structures qui ont eu lieu en commission parlementaire depuis quelque temps, on s'en va où que ce soit quant à une réforme de la formation professionnelle? Je sais bien que le gouvernement fédéral ne veut pas lâcher le morceau. Je sais bien qu'à Québec la plupart des gens disent: Mais il faudrait qu'il lâche le morceau. Je sais bien aussi, comme tout le monde, qu'il faudra apporter des changements majeurs au système de formation professionnelle au Québec. Il y a quelque chose d'absolument malsain, d'anormal, de penser qua, sur les 500 000 jeunes qui sont à l'école secondaire au Québec, à l'heure actuelle, il n'en reste plus que 15 000 dans l'enseignement professionnel. Une société qui accepte une situation comme celle-là et qui ne la corrige pas d'urgence est une société qui s'en va sur un mur de brique. Est-ce que le premier ministre a l'impression qu'on ne s'en va nulle part avec ces grands virages de structures où les groupes se chicanent entre eux pour avoir un poste de plus, un poste de moins sur le nouveau conseil qui, de toute façon, va administrer des affaires qui relèvent déjà de Québec, sans perspective, véritablement, de pouvoir aller au-delà de ça?

Recherche et développement

Deuxième aspect, deuxième question. Pour la recherche et le développement, le gouvernement a essayé de faire des efforts avec une technique qui est condamnée par bien des gens, celle des crédits d'impôt. On sait bien que, sur le plan des crédits d'impôt, les expériences ne sont pas fameuses. Mais le ministre des Finances a assez protesté contre cet état de choses. On est rendu à cette situation stupide où, quand le gouvernement de Québec donne des crédits d'impôt aux entreprises pour faire de la recherche et du développement, les crédits d'impôt reçus par le gouvernement de Québec sont taxés par Ottawa, si bien qu'une bonne partie, à toutes fins pratiques, de l'aide que le Québec va apporter, c'est le ministre des Finances à Ottawa qui la récupère. Je sais que le ministre des Finances du Québec a protesté à plusieurs reprises. À une conférence fédérale-provinciale, il n'y a pas longtemps, il avait protesté à nouveau. Je lui ai demandé, en Chambre, s'il y avait la moindre possibilité que cette situation-là soit corrigée. Il a été évasif. Bon.

Le Québec fait moins de recherche et de développement que la plupart des sociétés industrielles, pas mal moins. Notre système de formation professionnelle est en ruine. Les débats fédéraux-provinciaux bloquent tout dans ce domaine-là, à l'heure actuelle. Est-ce que le premier ministre entrevoit quoi que ce soit sur lequel on pourrait imaginer qu'un déblocage quelconque se fasse ou bien si la perspective d'avenir, c'est qu'on continue de patauger dans

ces choses-là sans voir beaucoup de lumière au bout du tunnel?

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, pour ce qui a trait à la main-d'oeuvre, je crois que nous avons exprimé clairement la position... Le chef de l'Opposition se réfère à de l'opposition au projet de loi du ministre de la Sécurité du revenu, mais il y a quand même pas mal d'appuis. Les chefs syndicaux l'appuient, je pense; il connaît bien M. Larose, il connaît bien Fernand Daoust, il connaît bien Claude Béland. Je n'ai pas entendu de protestations de leur part. Il y a la récupération du niveau fédéral. Je dois lui dire que, dans mon voyage dans l'Ouest - il a un peu rigolé sur mon voyage, hier - j'ai trouvé beaucoup d'ouverture vis-à-vis la question de la main-d'oeuvre. C'est clair que, bon, on ne peut pas vivre sur une autre planète et le Québec se situe au centre du marché commun canadien. Question de mobilité, un travailleur de Sainte-Thérèse se déplace à Oakville ou à Oshawa, mais, je veux dire, c'est clair que nous insistons pour que, quitte à ce qu'on puisse faire, comme je l'ai dit, des ententes librement négociées sur la compatibilité ou l'équivalence... Mais le Québec a maintenu ses demandes, puis il a reçu une reconnaissance qui n'est pas satisfaisante, mais au moins une reconnaissance dans le rapport Beaudoin-Dobbie. Et il y a eu quand même progrès depuis quelques années à cet égard. Donc, la volonté du gouvernement n'est pas changée, puis il semble que le gouvernement fédéral, sur ce point-là, comprend les représentations du Québec. Ça fait partie, comme il l'a dit lui-même, de la discussion constitutionnelle.

Pour la recherche et le développement, c'est lié un peu à la structure industrielle du Québec. On doit constater, encore là, que grâce à l'aide du gouvernement et aussi du gouvernement fédéral... Qu'on prenne le secteur de l'aéronautique dans la région de Montréal, est-ce que le chef de l'Opposition est en mesure de citer une autre ville, au Canada, qui a, dans un secteur clé pour la qualité du développement économique, autant de développement, autant de dynamisme que la ville de Montréal ou la région de Montréal avec Pratt et Whitney, Bell Helicopter, Bombardier, Canadair? Ça, il n'en parle pas. Pourtant, il y a des milliers et des milliers d'emplois qui ont été créés dans tout ce secteur. Il y a des centaines de millions qui sont dépensés pour la recherche et le développement. Pas un mot. Il se concentre sur les quelques points plus sombres de l'économie québécoise, une sorte de sinistrose, comme je disais tantôt, très déplorable, très navrante. (17 heures)

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas dit que la recherche et le développement économique, au Québec, sont zéro. J'ai dit qu'on consacre, au Québec, la plus petite proportion du produit national brut à la recherche et au développement de tous les pays industriels du monde. Oui, 1,3 % du produit national brut au Québec est consacré - 1,25 %, encore récemment - à la recherche et au développement. 1,25 %, c'est plus gros que zéro. Si le premier ministre veut me demander la liste de tous ceux qui apparaissent dans le 1,25 %, j'imagine qu'on pourrait, en passant des heures, s'échanger des papiers, puis déterminer exactement qui est dans le 1,25 %. Mais je répète au premier ministre: Nous sommes au fond de la cave là-dessus.

M. Bourassa: M. le Président, il y a...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: on peut partir une bataille de chiffres, mais, de toute manière, on a annoncé la création d'innovatech pour, précisément, augmenter l'incitation à la recherche et au développement.

M. Parizeau: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Oui. Et, en 1988, le même gouvernement nous avait promis, dans un livre blanc qui se voulait fameux, qu'en 1992 2 % du produit national brut du Québec seraient consacrés à la recherche et au développement. Nous sommes en 1992. Les 2 % ne sont pas apparus de quelque façon que ce soit. S'il y a quelque chose, on consacre un petit peu moins du produit national brut du Québec à la recherche et au développement aujourd'hui que c'était le cas, il y a quatre ans. Bravo pour vos programmes! Et quelles perspectives pour l'avenir!

M. Bourassa: Oui. Il y a... M. Parizeau: Quelle stratégie! M. Bourassa: ...toute la question...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...de l'aide fiscale et de la définition de ce qu'on entend par recherche et développement.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Développement dps institutions financières

M. Parizeau: Je terminerai, M. le Président, cette liste de choses, en parlant d'un tout autre domaine que celui dont nous avons parlé jusqu'à maintenant, où, là encore, j'aimerais savoir les perspectives du premier ministre. Il s'agit du développement des institutions financières du Québec. À partir de 1981, le Québec s'engage dans une opération de décloisonnement des institutions financières qui est destinée à permettre de construire, au Québec, des entreprises financières sous juridiction québécoise d'une bien plus grande ampleur que tout ce qu'on avait connu jusque-là et à donner aux institutions financières québécoises des avantages importants quant à leur développement.

On savait très bien en lançant cela qu'un jour le Canada, comme d'autres pays, d'ailleurs, s'adapterait aussi au décloisonnement. Ce qu'on cherchait à faire, c'était donner une longueur d'avance aux institutions québécoises. Le fait est que, pour un grand nombre d'institutions financières québécoises, elies ont pris une expansion remarquable. Les avantages du décloisonnement étaient échangés, en un certain sens, si l'on peut dire, contre des contrôles beaucoup plus rigoureux opérés par le gouvernement. Celui qui va avoir ce portefeuille dans le premier cabinet du premier ministre, à partir de 1985, va poursuivre exactement - M. Fortier, l'ancien député d'Outremont - le même genre de politique, en un certain sens, en lui donnant encore plus d'ampleur.

Une voix: Bien conseillé.

M. Parizeau: On fait ce qu'on peut, il a introduit, en particulier, à l'occasion d'un livre blanc, un principe fréquent dans d'autres pays, mais tout à fait nouveau, au Canada, qui était celui de l'imbrication des intérêts financiers et non financiers dans le contrôle des institutions financières. Puis, tout s'est arrêté. Le ministre en question ne s'est pas représenté. Depuis ce temps, nous n'avons plus aucune espèce d'idée où le gouvernement s'en va à cet égard. La politique de décloisonnement, d'organisation, de consolidation, de fusion, de concentration, est-ce qu'elle existe toujours? On a cessé d'un coup sec d'en entendre parler. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral, lui, a bougé. La loi des banques a été amenée à des transformations assez considérables. Le gouvernement fédéral a changé les conditions de la concurrence dans ce secteur-là.

Est-ce que le gouvernement actuel a quelque perspective sur ce qu'il a l'intention de faire dans ce domaine? Si tant est qu'il garde le pouvoir pour plus que quelques mois, là, est-ce qu'il a une perspective quelconque sur les choses? On dit quoi au Mouvement Desjardins, à L'Industrielle-Alliance, au Groupe La Lauren-tienne? La perspective, par rapport à ces années de travail et de développement qui sont faites, et qui est complètement arrêtée, à l'heure actuelle, est-ce qu'elle va déboucher sur quelque chose ou bien si, là encore, c'est le calme plat?

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je m'étonne un peu des questions du chef de l'Opposition, parce qu'il est bien informé sur toutes ces questions, c'est peut-être l'un des secteurs où i! est le plus specialise. Il sait fort bi°n ce qui est arrivé aux États-Unis, au Canaca, tout ça, les déboires financiers de plusieurs institutions et que, c'est normal, la prudence n'est pas une vertu superflue dans un tel contexte. Les objectifs du gouvernement n'ont pas été modifiés et il y a une harmonisation qui se poursuit. M. Loiselle est l'un des ministres responsables, évidemment, avec le ministre des Finances, au niveau fédéral. Je ne peux pas conclure que M. Loiselle n'a pas d'intérêt à s'entendre avec le Québec. Je lui dis simplement que la situation, par rapport à celle qui existait lorsqu'il conseillait le gouvernement du Québec au milieu des années quatre-vingt, a évolué et qu'il a été à même de constater lui-même quelques échecs assez spectaculaires.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Désarmant, M. le Président, désarmant. Alors, oui, il y a eu un échec, hein? !l y a eu un accident, alors on arrête tout?

M. Bourassa: Mais, ce n'est pas ce que je dis.

M. Parizeau: Mais, M. le Président, est-ce que je peux rappeler que la...

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a le désarroi facile. Je lui dis que le gouvernement doit évoluer dans la vraie vie.

M. Parizeau: M. le Président... Alors, en somme, un des moteurs des transformations, certainement le moteur, peut-être, le plus puissant des transformations qui ont été opérées i l'égard des institutions financières du Québec depuis 10 ans, ça a été aussi un accident qui s'appelait la faillite des caisses d'entraide, et c'était gros. Justement, on a constaté un accident, on en a tiré des leçons et on s'est embarqué dans le mouvement, on s'est mis à bouger. Alors, là, si je comprends bien le premier ministre, arrive, 11 ans plus tard, un autre accident. Conclusion de ce gouvernement-là: Ah bien, il y a un accident, dans ces conditions, arrêtons tout. Je m'excuse, je ne comprends pas, je ne comprends pas. Donc, sur le plan des

institutions financières, si je le comprends bien, dans sa perspective à lui, on arrête parce qu'il y a eu un accident, ça gèle. Bien oui, mais les accidents, ça se répare et, les accidents, ça s'arrange. Enfin, j'en tire cette conclusion-là, M. le Président...

M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas...

M. Parizeau: ...et, moi, je suis prêt à tirer mes conclusions.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition doit quand même se rappeler qu'on a adopté plusieurs législations. Je lui dis simplement: Qu'il jette un coup d'oeil. Je ne le trouve pas très réaliste, à vrai dire, cet après-midi. Il a commencé la discussion en disant: Le déficit, pas de problème, alors qu'on sait que les taux d'intérêt... Je comprends. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour sa crédibilité. On voit les déficits qui sont prévus par Bélanger-Campeau, 9 000 000 000 $, puis, là, il y a 4 000 000 000 $, il n'y a pas de problème, vous pouvez monter encore. Le gouvernement s'entête, se braque sur la question des déficits. Et là, il arrive et nous accuse de ne rien faire. On a passé des lois sur les courtiers en valeurs, sur les caisses d'épargne. On a bougé. Alors, il voudrait qu'on fasse quoi? On discute avec M. Loiselle sur l'harmonisation, on participe au niveau interprovincial. Alors, ça bouge. (17 h 10)

Je lui ai dit qu'on est obligé de tenir compte du contexte nord-américain. Il y a eu des exemples - il n'y en a pas eu beaucoup au Québec, il y en a un ou deux - je veux dire, un peu partout; alors, on est obligé de tenir compte de ça. Je demande au chef de l'Opposition de reconnaître qu'on a posé des gestes concrets, mais qu'on ne peut pas évaluer ou appliquer des politiques sans tenir compte du contexte où on se trouve, et je lui ai donné des exemples où on a adopté des lois. Ça m'aurait surpris qu'il ait voté contre ces lois-là.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, le premier ministre commence son intervention en disant: Pour lui - parlant de moi - le déficit n'a pas d'importance. Bien, voyons, ça n'a pas d'importance!

M. Bourassa: C'est des déclarations...

M. Parizeau: Au contraire. M. le Président, je reviens sur ce que je disais tout à l'heure. Avec un programme de relance musclé, en faisant beaucoup de choses, en ayant des résultats tels que - c'est ce que disait lui-même le premier ministre actuel du Québec, quand il n'était pas premier ministre, ces années-là - les trois quarts des emplois créés au Canada en 1983, au moment de la reprise au Québec, l'ont été au Québec, on a bougé.

M. Bourassa: J'ai dit ça?

M. Parizeau: Oui oui oui oui. Il est même entré dans une querelle de chiffres.

M. Bourassa: Je serais curieux de voir ça.

M. Parizeau: Et, alors, je disais tout à l'heure: Le déficit, on ne l'a pas changé à travers cet épisode, à peu près pas. On a passé à travers ça avec à peu près le même déficit. Je n'accorderais pas d'importance au déficit? Non! Au sens que le premier ministre lui donne, ça c'est une autre paire de manches. Quand on se paie le luxe de passer à travers une récession, comme il l'a fait, en partant d'une projection d'un déficit de 1 500 000 000 $ ou 1 600 000 000 $ pour monter à au-delà de 4 000 000 000 $ et sans programme de relance, je lui dis: Faut le faire! S'il y a quelqu'un qui ne comprend pas le sens d'un déficit, c'est bien lui. Passer de 1 500 000 000 $ à plus de 4 000 000 000 $ en ne faisant à peu près rien, ah bien, je dois dire qu'il y a une sorte de performance là-dedans. Bon! Moi, je suis prêt...

M. Bourassa: Ce qui a été dit a été dit!

M. Parizeau: ...maintenant à conclure sur cette partie, M. le Président. Je pense que nous nous trouvons devant un gouvernement qui, bien qu'il ait l'économie à la bouche continuellement - c'est important l'économie, c'est beau l'économie, c'est bon l'économie, nous nous intéressons à l'économie - est complètement à court d'idées - il est devenu essoufflé, il se trouve en face d'enjeux qui le dépassent complètement - sur les conditions à venir des économies modernes, en particulier, ce dont on parlait tout à l'heure, de la recherche et du développement, et de la formation professionnelle. Il est complètement dépassé par les enjeux, à l'heure actuelle, des exigences du développement régional. Il ne sait plus très bien comment gérer ses investissements publics. Sur ce qui était autrefois son grand cheval de bataille, c'est-à-dire une politique énergétique, il ne donne plus du tout l'impression de savoir où il s'en va. Il examine, il examine. Dans ce sens, je pense que ce gouvernement-là, à l'égard des perspectives du développement économique du Québec, n'est pas seulement assoupi, il est désorienté. Et ça, pour la préparation de l'avenir, c'est dangereux.

Si je peux l'inciter à une chose, pour le

temps qu'il lui reste pu pouvoir, c'est qu'il essaie quand même, quand même, au moins de définir quelques idées claires, quelques projets un peu sérieux, une certaine perspective sur les choses. On ne peut pas maintenir l'économie du Québec dans une situation où on dit: On ne sait pas très bien ce qu'on veut faire, on ne sait pas très bien où on s'en va; on vous donne simplement une garantie, c'est qu'on augmentera les taxes à répétition tant qu'on sera au pouvoir. Un gouvernement ne doit pas dire ça. Je veux dire, c'est décourageant, c'est décourageant pour le public, c'est décourageant pour les entreprises. Au moins, quelques idées claires pour le temps qu'il vous reste au pouvoir.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je pourrais parler jusqu'à 20 heures et démolir point par point toutes les affirmations du chef de l'Opposition. Il dit qu'on n'a pas d'idées. On a publié une demi-douzaine de documents. Lui-même faisait l'éloge presque lyrique des grappes industrielles, tantôt, et mentionnait également les mesures du gouvernement dans le développement régional. Tout ce que je peux lui dire, c'est que j'espère que, demain soir, après la lecture du discours du budget, il aura un langage différent. Je crois que, comme contribuable ou comme citoyen du Québec, il va certainement apprécier le travail du ministre des Finances. Comme chef de l'Opposition, j'admets volontiers avec lui que ça va être plus difficile. Je ne veux pas ressasser le passé, mais je veux quand même lui dire qu'on a connu des années, au Québec, où il y avait 150 000 emplois qui étaient perdus. C'est quand même, de très loin, beaucoup plus que ce qui est arrivé dans la récession qu'on a connue.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Le premier ministre se rend-il compte qu'en 2 ans le Québec a perdu 164 000 emplois à temps plein? Enfin, passons. La constitution.

M. Bourassa: Et comment! Là, je conteste les chiffres, mais passons.

M. Parizeau: C'est ça. Si ça peut lui faire plaisir, il en a gagné 8000 à temps partiel.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Référendum québécois ou canadien

M. Parizeau: Passons à la Constitution, maintenant, autre domaine où le premier ministre manifeste des idées très claires. On a bien compris que l'échec de Meech était, pour lui, catastrophique. Il avait mis tous ses oeufs dans le même panier. Jamais le Québec n'en avait demandé aussi peu, puis la réponse, ça a été non. Là, une commission constitutionnelle a été créée, la commission Bélanger-Campeau, qui est arrivée à des conclusions, puis à des recommandations. Les conclusions, elles n'ont pas fait l'unanimité du tout. Nous, en tout cas, on a refusé de souscrire à - comment dirait-on? - ce qui sous-tendait ces conclusions-là. Mais, quand Bélanger-Campeau a fait un certain nombre de recommandations, là-dessus, nous y avons ?^uscrit. Il est remarquable de constater que le consensus qui s'est créé autour de Bélanger-Campeau, c'était autour de ses recommandations. Ce n'était pas autour des conclusions, c'était autour des recommandations.

Qu'est-ce qu'elles disaient, ces recommandations? Eh bien, elles proposaient qu'un référendum se tienne sur la souveraineté, au plus tard en octobre 1992. Pas un référendum sur des offres fédérales ou sur la souveraineté. La recommandation de Bélanger-Campeau est parfaitement claire: un référendum sur la souveraineté en octobre 1992. La même recommandation ajoute aussi que, si le résultat est favorable à la souveraineté, alors le Québec deviendra un pays souverain un an, jour pour jour, après la date du référendum. C'est sur cette recommandation qu'il y a eu consensus, pas sur le fait qu'il pourrait y avoir une alternative entre un référendum sur la souveraineté ou un référendum sur les offres. C'est sur la recommandation de Bélanger-Campeau qu'il y a eu consensus. (17 h 20)

Le premier ministre s'est senti forcé de traduire dans un projet de loi les recommandations de Bélanger-Campeau. Ce qu'il a traduit dans le projet de loi ce ne sont pas les conclusions de Bélanger-Campeau auxquelles je faisais allusion tout à l'heure; ce sont, mot à mot, les recommandations de Bélanger-Campeau. Il a agrémenté le projet de loi de toutes sortes d'attendus et de considérants qui indiquaient bien, au fond, qu'il ferait l'impossible pour amender son projet de loi, à un moment donné, puis essayer de s'orienter autrement. Ça, on le sait. C'est, d'ailleurs, soit dit en passant, pour ça qu'on a voté contre le projet de loi. Et, aussi, parce que...

M. Bourassa: On vote sur des arrière-pensées.

M. Parizeau: Non.

Une voix: Sur des intentions.

M. Parizeau: Sur deux pages de considérants.

M. Bourassa: C'est incroyable.

M. Parizeau: Deux pages de considérants, dans un texte de loi qui en comporte six.

M. Bourassa: Mais, M. Lucien Bouchard...

M. Parizeau: Et, d'autre part, les deux commissions parlementaires prévues par Bélanger-Campeau ont été, dans ce texte de loi, montées complètement à l'inverse de nos habitudes, de nos traditions, à l'Assemblée nationale, sur la constitution des commissions parlementaires. À toutes fins pratiques, et, à certains moments, nommément, dans le projet de loi, hein, le premier ministre, littéralement, tentait une sorte de - j'allais dire le mot hold-up, il est trop fort, mais, comment dire? - OPA hostile sur les deux commissions. Ha, ha, ha!

Une voix: Sans tenir compte des minoritaires.

M. Parizeau: Oui. Alors, une fois que ça a été passé, pendant un certain temps, ça a quand même fait peur au reste du Canada. Pas très longtemps, mais, pendant quelque temps, ça leur a fait peur. Alors, nous en sommes arrivés à cette situation où le gouvernement fédéral s'est mis à préparer des offres. On va leur faire des offres à temps, le plus tôt possible, de façon à ce que les intentions du premier ministre du Québec puissent se trouver confortées, hein. Le confort n'a pas été très grand. Les propositions du 24 septembre dernier ont tenu quoi? Trois, quatre jours? Pas seulement à cause des objections qui venaient du Québec; à cause des objections qui venaient des milieux d'affaires d'à peu près tout le Canada et qui se résumaient, je vous le rappelle, M. le Président, dans des termes assez simples. A-t-on idée de vouloir constitutionnaliser des politiques économiques? Il n'y a pas un pays où ça se fait! Ça n'a pas de bon sens! C'est le contraire d'une politique économique, ça, d'être constitutionnalisé. Vous voyez ça? Des gouvernements qui préparent des politiques économiques doivent les faire approuver par toutes espèces de paliers et, d'autre part, ils sont assujettis à des poursuites devant la Cour suprême à tout bout de champ. Ah, ça, je vous en fous un billet que c'est facile de monter une Corvée-habitation, hein! En fait, les protestations sont venues de partout, c'était, à certains égards, sur le plan économique, aberrant, ces propositions du 24 septembre.

Et puis, on est passé à Beaudoin-Dobbie. Beaudoin-Dobbie, même chose. Ça n'a pas tenu beaucoup plus que quelques jours, surtout pour de très fortes réserves ou attaques au Québec, des réserves, d'ailleurs, fortes, du premier ministre lui-même, que Beaudoin-Dobbie n'est pas acceptable. C'est tout à fait clair. Et puis, on a eu la réunion des premiers ministres ou des ministres des Affaires intergouvernementales, dans les autres provinces, avec quatre représen- tants autochtones, ceux de deux territoires. C'était déjà assez compliqué de négocier à 11, au point que le premier ministre ne voulait plus y retourner, et là, maintenant, ils se retrouvent à 17, bien, à 16, puisque le premier ministre tient toujours bon, il n'y retourne pas.

Nous sommes à 15 jours de cette troisième échéance. Dans 15 jours, on va savoir s'il va y avoir la troisième révélation. Il y en a qui voient déjà ces révélations de façon parfois un peu prématurée. Meech est ressuscité, disait M. Clark, juste avant que le premier ministre parte dans l'Ouest. Meech est ressuscité. Le premier ministre ça lui a pris à peu près 48 heures pour se rendre compte que Meech n'était pas ressuscité du tout et que, sur des clauses essentielles dans Meech, si tant est qu'il y avait quoi que ce soit d'essentiel dans ce petit paquet, deux des clauses les plus importantes de Meech, à toutes fins pratiques, ne correspondaient absolument pas avec ce que le premier ministre du Québec pouvait vouloir. Donc, à 15 jours de l'ultime échéance, dit-on, on n'est nulle part. Dans l'intervalle, le premier ministre, d'abord, a fait graduellement disparaître, par ses déclarations, toute portée à la menace - au couteau sur la gorge, disait quelqu'un - qu'il avait sur le reste du Canada. Il n'y a plus de couteau et il n'y a plus de gorge. Ça ne fait plus peur. Peut-être parce que lui-même, le premier ministre, en avait tellement peur.

Puis, d'autre part, il a été aussi cogné, jusqu'à un certain point, par ce document du Parti libéral, le rapport Allaire, qui lui donnait, en somme, le mandat d'aller en récupérer pas mal de l'autre côté. On n'oublie pas que ce rapport Allaire, que le premier ministre lui-même a signé, c'était toute une commande qu'on donnait au premier ministre du Québec. On ne peut pas dire que, depuis que le rapport Allaire est sorti, il y a grand-chose de la commande qui a été obtenu. On n'est donc à peu près nulle part, sauf deux choses. D'abord, la déclaration du premier ministre au journal Le Monde, qui dit: II y aura un référendum sur les offres fédérales, suivie, quelques jours plus tard, par une déclaration de son ministre des Affaires intergouvernementales qui dit: On n'aura peut-être pas besoin d'amender la loi 150, on pourrait faire ça par la Loi sur la consultation populaire. Ah, bon!

Puis, deuxième développement fort intéressant, le gouvernement fédéral dit, devant cette situation que je ne qualifierai pas: J'ai besoin aussi d'un référendum pancanadien. Mais, là, on ne comprend plus. D'abord, est-ce qu'on va en avoir deux, l'un après l'autre? Est-ce que ça va être sur les mêmes offres? C'est une vraie beauté! Le premier ministre du Québec, il veut un référendum sur les offres fédérales. On ne les connaît pas, on ne sait pas ce que c'est, mais il en veut un sur les offres fédérales. Puis, Ottawa en veut un, sur quoi? Sur les offres fédérales. Ça va être la même question? Il faut bien que ce

soit les mêmes offres. J'imagine que M. Mulroney ne peut pas présenter sa thèse des offres fédérales pendant que le premier ministre du Québec présente sa thèse des offres fédérales. Ça va être la même question? Puis, entre nous, si c'est la même question, il va y en avoir un des deux de trop. Lequel?

D'autre part, plus curieux encore le gouvernement fédéral est en train de nous dire que ça ne liera personne, le référendum fédéral. Est-ce que, dans l'esprit du premier ministre, son référendum sur les mêmes offres, ça lie? Est-ce qu'on s'en va vers deux référendums: un qui dit: Moi, ça ne me lie pas, l'autre qui dit: Oui, ça me lie? Je n'en sais rien. On est dans une pagaille absolument remarquable. Là, comment dire, je remercie le premier ministre de l'occasion qu'il nous donne, à l'occasion de l'examen de ses crédits, de clarifier, s'il le peut, s'il le veut, certaines de ces choses. Je pense que ça intéresse. Il suffisait de voir les journalistes attroupés autour de lui tout à l'heure sur ce genre de questions. Ça intéresse tout le monde.

Alors, mes questions sont simples. J'aimerais maintenant voir quel genre de réponses le premier ministre va donner à ça.

Le Président (M. Dauphin): Merci. En réponse, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Ce n'était pas la première fois que les journalistes s'attroupaient autour de moi et ils avaient des questions sur d'autres sujets aussi.

M. Brassard: Ce n'était pas la première fois qu'ils n'avaient pas de réponse, non plus!

M. Bourassa: M. le Président, si le député de Lac-Saint-Jean a des questions à me poser, je suis prêt à lui répondre.

Je ne veux pas être plus long qu'il ne le faut, mais le chef de l'Opposition a traité de plusieurs sujets dans la question constitutionnelle. Il a dit qu'on ne peut faire qu'un référendum sur la souveraineté, selon la commission Bélanger-Campeau. C'est ce qu'il a dit. Et M. Jean Campeau, lui, qu'est-ce qu'il a dit? M. Jean Campeau a dit que je pouvais faire légitimement un référendum... (17 h 30)

M. Parizeau: Ah, il pariait, comment dire, de la pureté de vos intentions.

M. Bourassa: Pardon?

M. Parizeau: II parlait, j'imagine, de la pureté de vos intentions. Seulement, les recommandations de Bélanger-Campeau, ce n'est pas ça. Les recommandations, il faut les lire. Les recommandations de Bélanger-Campeau, qui ont fait consensus et qui sont signées par, combien? 33 commissaires sur 36, je pense, quelque chose comme ça, incluaient les deux présidents. Je m'excuse, mais il suffit de les lire, les recommandations de Bélanger-Campeau. Elles sont écrites.

M. Bourassa: Non, je parle de la déclaration de M. Campeau, il y a quelques jours. Vous parlez de la commission Bélanger-Campeau. Moi, je vous dis: M. Campeau a dit: Le premier ministre du Québec a le droit, la légitimité de faire un référendum sur des offres fédérales, ça fait partie de l'esprit du rapport Bélanger-Campeau. Ça, c'est Jean Campeau qui a dit ça très clairement, très nettement. Le chef de l'Opposition ne peut pas le contredire. M. Campeau est peut-être mieux placé que le chef de l'Opposition, qui a voté contre la loi, pour interpréter le rapport.

Alors, moi, je dis que, s'il n'y a pas d'offres du gouvernement fédéral, je comprends. Mais, s'il y a des offres du gouvernement fédéral tel que le mentionne la loi 150, à ce moment-là, il faut amender la loi, mais, légitimement, on peut amender la loi. C'est ce que j'ai toujours dit. C'est ce que le ministre responsable et tous mes collègues ont dit.

D'ailleurs, le chef de l'Opposition se réfère au rapport Allaire. Est-ce qu'il se souvient de ce qu'il a dit du rapport Allaire, le 30 janvier 1991, quand il a dit que le rapport Allaire était une agression sournoise contre le Canada anglais? Mais le rapport Allaire, M. le Président, recommande un référendum sur des offres du gouvernement fédéral. Donc, s'il se réfère au rapport Allaire, qui est un rapport du Parti libéral, il doit tenir compte que c'est également une recommandation. Le député de Lac-Saint-Jean disait - j'ai glissé là-dessus, cet après-midi, quand il a lu l'interview du Monde; peut-être qu'il a fait cette déclaration sans lire l'interview du Monde: Pas de référendum. D'ailleurs, il l'avait dit, le 4 juin 1991, également. Il n'en veut pas, de référendum.

M. Brassard: Moi, ça? Bien, voyons!

M. Bourassa: Oui. Bien, M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean, immédiatement après l'interview du Monde, sans l'avoir lu, dit: II n'y aura pas de référendum. On va changer la stratégie tout de suite parce que probablement qu'il discute avec Michel Lepage. Le chef de ''Opposition est au courant des chiffres que rendait publics M. Lepage à Radio-Canada, il y a un mois, en disant, selon les chiffres qu'il possédait: S'il y avait un vote sur la souveraineté - au téléphone, pas dans la boîte de scrutin - ça serait 53-47.

Qu'est-ce que ça fait, des chiffres comme ceux-là, au rapport de force du Québec? C'est probablement à ça que pensait le député de Lac-Saint-Jean quand il propose qu'on adopte une stratégie différente. C'est ce qu'il disait. Alors,

je lui dis que, sur le point de la légitimité de pouvoir faire un référendum sur des offres fédérales, il faut admettre que ça se retrouve dans l'esprit de la loi 150, dans l'addendum que j'ai apporté; j'ai apporté un addendum à la commission Bélanger-Campeau. Le chef de l'Opposition s'en souvient. Donc, il n'y a pas de surprise. S'il y a des offres du gouvernement fédéral, légitimement, on pourra dire qu'il y aura un référendum là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Là, M. le Président, au moins, une chose est claire. Ce que le premier ministre est en train de nous dire, c'est que, compte tenu des considérants dont je parlais tout à l'heure qui apparaissent dans 150, compte tenu des addenda qu'il a épingles à Bélanger-Campeau...

M. Bourassa: Compte tenu de la déclaration de M. Jean Campeau.

M. Parizeau: ...lui, s'il veut, se sentira tout à fait à l'aise d'amender la loi 150 pour faire en sorte que, malgré l'obligation qui s'y trouve, à l'heure actuelle, et qui est la seule à s'y trouver - c'est la seule obligation qu'il y a dans ce projet de loi - de tenir un référendum sur la souveraineté, le référendum porte sur les offres. Si c'est ça qu'il dit, c'est évident, il y a une majorité à l'Assemblée nationale. Je ne vais quand même pas lui faire l'injure qu'il contrôle tellement mal son parti qu'il ne sera pas capable de faire passer un amendement comme ça.

M. Bourassa: Oh!

M. Parizeau: II pourra le faire passer, son amendement.

M. Bourassa: C'est risqué, ça. C'est risqué. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Non, mais, enfin, j'espère qu'il a suffisamment confiance dans l'unité de ses forces pour être capable de s'assurer que, s'il veut amender le projet de loi 150, il pourra le faire...

M. Bourassa: Autant que vous.

M. Parizeau: ...là-dessus. Remarquez, c'est important, ce que le premier ministre vient de dire, M. le Président, parce que ce que ça veut dire, c'est que la porte ouverte par le ministre des Affaires intergouvernementales à l'occasion de l'examen de ses crédits avec le député de Lac-Saint-Jean, c'est-à-dire qu'on pourrait ne pas amender 150 et faire un référendum sur les offres à partir de la loi des consultations populaires, cette porte-là est fermée. On se comprend bien?

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Parizeau: C'est déjà d'acquis.

M. Bourassa: ...le chef de l'Opposition doit se souvenir qu'à Bélanger-Campeau le ministre responsable avait dit la même chose. Il avait dit exactement la même chose qu'il a dite durant la discussion des crédits. Je veux dire, on ne fait que répéter ce qui a déjà été exprimé clairement. Vous êtes donc... Je ne sais pas où veut en venir le chef de l'Opposition. Ce sont des évidences. On l'a toujours dit. D'ailleurs, il se référait au rapport Allaire. C'est dans le rapport Allaire, également, s'il y a des offres du gouvernement fédéral, qu'il devrait y avoir un référendum sur ces offres. Alors, je ne vois pas en quoi le chef de l'Opposition peut voir des contradictions avec cela.

D'ailleurs, il se souvient fort bien que ce qui est arrivé... Je le disais à l'émission «Le Point», à M. Simon Durivage, il y a une dizaine de jours. Il se souvient fort bien que plusieurs voulaient un référendum en 1991, d'autres voulaient un référendum en 1992, tout le monde voulait qu'on puisse avoir le choix d'avoir un référendum, soit sur la souveraineté ou sur les offres fédérales. Alors, on a dit: On va accepter le report en 1992, mais, en échange, pour ce qui a trait à des offres, même si c'est présenté comme l'une des deux voies, on fera, à ce moment-là, un amendement à la loi. Ça a été l'entente pour avoir un consensus.

M. Parizeau: Voilà.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Alors, donc, M. le Président, le premier ministre vient de démentir son ministre, revient à un discours que je l'ai déjà entendu tenir, bien sûr, que, s'il veut faire un référendum sur autre chose que la souveraineté...

M. Brassard: II faut qu'il l'amende.

M. Parizeau: ...il faut qu'il l'amende, la loi 150. Bon, très bien. Partons de là. Pas besoin de vous dire que, dans ses tentatives d'amender la loi 150, il va se heurter à bien du monde. Alors, maintenant, puisqu'on a deux référendums, comment va-t-il se situer par rapport à un référendum fédéral sans double majorité - parce qu'on nous dit qu'il n'y aura pas de double majorité - qui servira uniquement à titre in-

dicattf et qui passera avant le référendum au Québec?

Il y a cette autre disposition, dans la loi 150, qui, M. le Président, dans la commission que vous présidez, a créé pas mal de problèmes jusqu'à maintenant. C'est qu'on ne doit pas examiner d'offres ici, à moins qu'elles lient le gouvernement fédéral et les provinces. Là, le gouvernement fédéral vient de nous dire: Je vais tenir un référendum, mais sur quelque chose qui ne lie personne et surtout pas moi, et surtout pas pour l'avenir. Qu'est-ce que le premier ministre va faire avec ça: pas de double majorité, indicatif pour le gouvernement fédéral, ne liant personne? Quels que soient les résultats d'un référendum comme ça, quelle interprétation le premier ministre peut lui donner? Et, quant à son référendum, après avoir amendé la loi 150, sur les offres, est-ce qu'il jugerait que le résultat le lie, lui?

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa:... d'abord, je répète que le ministre n'a fait qu'expliciter la situation légale sur la loi sur les référendums. On sait qu'il y aura des amendements pour le délai de la loi sur les référendums, qui seront présentés demain. Je crois que c'est bien connu, à cet égard-là. Il menace d'utiliser la pression de la rue si le gouvernement applique une suggestion du président de la commission, M. Jean Campeau. C'est à lui d'assumer la responsabilité. Il n'est pas le seul. Il y a ses collègues qui disaient: On va faire descendre les gens dans la rue. Drôle de conception démocratique, M. le Président! La souveraineté du peuple, c'est au Parlement; ce n'est pas dans la rue. (17 h 40)

Une voix: Ça existe aussi, le droit de manifester.

M. Bourassa: Alors, bien, je veux dire que je n'ai pas d'objection à ce qu'il y ait des démonstrations pacifiques.

Une voix: Ce sera pacifique.

M. Bourassa: Ça, c'est normal. Il y en a à différentes occasions. Je n'ai aucune objection à cela, mais qu'on dise, bon: II va y avoir du grabuge dans la rue pour forcer le gouvernement à agir, là, de ce côté-là, moi, je m'étonne que le chef de l'Opposition endosse cette attitude. J'espère qu'il va saisir l'occasion de rectifier.

M. Parizeau: M. le Président, du grabuge?

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre est en train d'insinuer que je chercherais le grabuge?

M. Bourassa: Bon, bien, tant mieux. C'est tant mieux. Alors, bon, d'accord.

M. Parizeau: non, mais vraiment! en somme, m. le président, si je comprends bien le premier ministre, ce matin... enfin, commençons. la semaine dernière, deux de ses ministres trouvaient ça absolument raisonnable qu'on fasse des pressions sur des groupes d'intérêts qui contrôlent des postes de télévision ou de radio pour qu'ils lancent 10 000 000 $ dans la voie d'une thèse, celle de l'unité canadienne, et qu'on les fasse chanter par leur permis du crtc. les deux ministres du premier ministre trouvaient ça normal, même louable, en chambre, il y a une semaine.

Là, on sait, depuis hier soir ou ce matin, que le gouvernement fédéral n'aura aucune limite, aucune limite aux montants d'argent qui pourront être mis dans une campagne référendaire fédérale, que ce soit par le gouvernement canadien ou que ce soit par n'importe quel groupe d'intérêts. Le plus riche fera passer à la télévision, à la radio, dans les journaux tout ce qu'il voudra. Et le premier ministre, aujourd'hui, comment dire, ne s'indignait pas plus qu'il fallait. Et là, maintenant, il reprocherait à ceux qui, dans notre société, n'ont pas d'argent, ne représentent pas ces groupes d'intérêts là, de défiler dans la rue pour protester contre ce que le premier ministre s'apprête à faire. Mais vraiment, M. le Président, au nom de la liberté d'expression, grand Dieu!

M. Bourassa: Grand Dieu!

M. Parizeau: Bon, et qu'il ne commence pas, comment dire, à insinuer le grabuge. Je vous demande un peu, le grabuge! La possibilité de manifester, ça fait partie de la liberté d'expression et, quand on est en face de gens qui disposent de sommes énormes d'argent à qui on dit: Vous pouvez influencer l'opinion publique comme vous voudrez, avec l'argent que vous avez, au moins qu'on laisse les gens qui n'ont pas d'argent manifester qu'ils ne sont pas d'accord.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: Alors, M. le Président, le chef de l'Opposition pourra me remercier de lui avoir donné l'occasion d'avoir été très clair qu'il s'agit de démonstrations pacifiques, qui respectent la liberté d'expression et le climat démocratique dans lequel nous vivons.

M. Chevrette: Vous êtes le seul à avoir

insinué ça, le grabuge.

M. Bourassa: Alors, M. le Président... Non, je suis rassuré. Maintenant, c'est clair.

M. Chevrette: II n'y avait aucune ambiguïté là-dessus.

M. Bourassa: Pour ce qui a trait à la loi fédérale, j'ai dit au député de Lac-Saint-Jean, cet après-midi: Attendons de voir le texte de loi. C'est que le chef du gouvernement fédéral a dit: Nous allons déposer un projet de loi, si je me souviens bien, en cas d'impasse. Alors, attendons de voir le texte fédéral pour voir. Je répète ce que j'ai dit cet après-midi: II y a eu un engagement comme quoi on respecterait la loi 150. De toute façon, j'ai dit qu'il faudrait que ce référendum national tienne compte de la loi 150. Je n'ai pas changé d'idée. Alors, attendons de voir le contenu de la loi qui est supposée être utilisée en cas d'impasse. Mais on n'en est pas encore à une impasse. Au contraire, j'ai senti qu'il y avait une volonté d'arriver à un règlement qui était très forte.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, il ne faut pas essayer de se défiler. Des ministres à Ottawa qui ont vu le projet de loi l'ont commenté. Les chefs des partis d'Opposition, M. Chrétien, Mme McLaughlin, l'ont commenté, spécifiquement sur cette question des limites aux dépenses. Des députés conservateurs qui l'ont lu l'ont commenté et, sur des questions de principe, expriment certaines réserves.

Là, nous, nous sommes placés, comme Québécois, devant un vote auquel on nous appellerait, et que ce soit le fédéral qui nous appelle à ça ne change rien au fait que les Québécois seraient appelés par un gouvernement fédéral à se prononcer, dans un système basé essentiellement sur au plus fort la poche, sur rien d'autre. Mettez tout l'argent que vous voudrez, d'où que ça vienne, ça n'a aucune espèce d'importance, alors que le premier ministre sait que c'est contraire à 25 ans de mise en place au Québec d'un système, comment dire, de correction dans le financement électoral, dans le financement politique. Il n'y a rien de plus contraire à nos traditions, à nos habitudes, à notre façon de fonctionner. Le premier ministre lui-même soulève trop souvent les caractéristiques de notre système de financement politique au Québec pour qu'on ne puisse pas lui demander de s'exprimer clairement contre quelque système électoral que ce soit, basé sur au plus fort la poche, sur l'absence de limites financières dans le cadre d'une consultation populaire. Ça, je pense qu'on a le droit de demander au premier ministre de se prononcer là-dessus. Après tout, ce sont les citoyens du québec qui vont avoir à se prononcer. ce n'est pas vrai qu'après 25 ans d'autant de tentatives de se sortir d'un système pourri comme ça on va accepter qu'on nous y replonge, au nom de l'unité canadienne.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: S'il y avait moyen de dramatiser un peu moins! Le chef de l'Opposition est quand même conscient qu'il y a des problèmes juridiques à cause de la Charte et que la loi sur la Charte a été adoptée en 1967. Il y a des problèmes juridiques, et c'est les informations qui nous ont été fournies, qui ont été rendues publiques. Donc, on va voir le texte de la loi. Est-ce que c'est lié à l'application de la Charte? Est-ce que c'est lié aux conséquences juridiques, pour ce qui a trait à l'utilisation des fonds publics?

D'abord, le recours au référendum n'est pas sans risques, je l'ai dit à plusieurs reprises. Je crois, M. le Président, que, avant de recourir à un référendum national, normalement, le gouvernement fédéral va examiner toutes ses implications. Mais là où il a toujours été très clair, c'est que le référendum n'a pas pour but d'empêcher le Québec de décider de son avenir. Une charte a été adoptée en 1982, après le référendum qu'on a connu en mai 1980. On va voir quelles peuvent être les implications. C'est probablement la raison qui a été invoquée. Alors, il ne s'agit pas de dire: Au plus fort la poche. Est-ce qu'il y aurait moyen de garder un certain ton, une certaine dignité dans le débat, au lieu de toujours voir les desseins les plus sombres? On voit où ça mène, cette approche-là, de toujours voir les desseins les plus sombres dans les discussions ou dans les propositions qui peuvent être faites par nos partenaires.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Bon. Alors, je vais poser, sur le ton le plus calme que je peux, la question suivante au premier ministre: Est-ce qu'il est d'accord qu'on impose aux Québécois une consultation populaire où il n'y aurait aucune limite au financement?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (17 h 50)

M. Bourassa: M. le Président, j'ai répondu qu'il va falloir examiner le texte. Si c'était le cas, il va falloir examiner les raisons pourquoi il n'y a pas de limite. On ne peut pas d'avance porter un jugement sur un texte qui nous est inconnu. Je vous dis simplement, parce que le chef de l'Opposition se référait, là, à des complots possibles, que les informations qui ont

été rendues publiques c'était la Charte de 1982 qui était un obstacle à certaines limites dans l'utilisation des fonds publics. Attendons de voir le texte et on aura toute l'opportunité de répondre à cette situation-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, devant le fait que plusieurs des ministres et députés d'Ottawa ont commenté cette question activement, le premier ministre n'a pas encore demandé d'être mis au courant de ce qu'il y a dans un projet de loi comme celui-là? Il attend que tout le monde prenne position, puis il regarde d'où vient le vent sur une affaire aussi importante que ça? Ses contacts avec Ottawa ne sont quand même pas rompus. Même s'il ne siège pas avec les 17, ils se parient quand même au téléphone de temps à autre. La question a une telle importance que le premier ministre ne peut pas pelleter ça en avant, puis dire: Bien, pour le moment, moi, je n'ai pas d'opinion.

Encore une fois, là, il s'agit des Québécois. Les Québécois ont besoin de savoir de leur premier ministre qu'est-ce que leur premier ministre pense de ça, d'une consultation qui serait basée sur pas de limite au financement public, pas de limite au financement. N'importe qui fait n'importe quoi à condition qu'il ait l'argent voulu pour le faire. Le premier ministre du Québec doit se prononcer là-dessus. Voyons! Il ne peut pas dire: Ça ne me concerne pas.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne dis pas: Ça ne me concerne pas. Je dis simplement qu'avant de porter un jugement je vais examiner le contenu, le texte, quand même. Qu'est-ce que c'est ça? Quelle est cette hâte à vouloir un jugement? Je dis, pour rassurer le chef de l'Opposition, que publiquement on a dit qu'on ne posera aucun geste au niveau fédéral, qu'on ne proposera aucune loi au niveau fédéral qui empêchera le Québec de se prononcer sur son avenir, qui pourra empêcher l'application de la loi 150. Il me semble que, ça, c'est une garantie qui est importante pour nous. Alors, c'est ce que je dis au chef de l'Opposition. Je ne peux pas commenter sur du ouï-dire ou des bribes d'information, alors que je ne suis pas sûr que le projet de loi a été adopté au caucus, au Conseil des ministres. Je n'ai eu aucune information, ni directement, ni indirectement, qu'une décision avait été prise, définitive, sur le contenu.

Le Président (m. dauphin): si vous me permettez, sur le même sujet, m. le député de westmount, ensuite, m. le député de lac-saint-jean. m. le député de westmount.

M. Holden: Oui, M. le Président. Le premier ministre doit savoir que les grands experts des questions référendaires, y compris même un député conservateur à Ottawa, Patrick Boyer, prétendent qu'il ne peut pas y avoir un référendum valable s'il n'y a pas de contrôle sur les financements, d'un côté et de l'autre. Et, moi, je vous soumets, M. le Président, que la seule raison pour laquelle on soulève cette question de la Charte, c'est parce qu'on ne veut pas donner au camp du non, sur un référendum pancanadien, des financements. J'aimerais savoir si le premier ministre a des commentaires sur la question de principe. Vous êtes quand même un expert en référendum, M. le premier ministre.

Une voix: Un expert en patinage.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, si je comprends bien le député de Westmount, ce qu'il me demande, c'est si les différents groupes doivent être traités équitablement. Je dis, oui, que la loi ne doit pas Indûment favoriser un groupe plutôt qu'un autre.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Bien, là, M. le Président, comment le premier ministre peut-il dire qu'aucun des groupes ne peut être traité injustement, qu'il faut absolument que chacun des groupes... Puis, dans un référendum, il y en a deux, hein, ce n'est pas compliqué: le camp du oui, puis le camp du non. Comment peut-il dire qu'il faut absolument que chacun des camps soit traité équitablement, puis, en même temps, refuser de se prononcer sur une question de principe aussi fondamentale que celle de la limitation ou du plafonnement des dépenses dans un scrutin référendaire, comme c'est le cas dans une élection? Les deux sont étroitement liés.

Si vous voulez que chacun des deux camps soit traité avec équité, pour ça, il faut absolument plafonner les dépenses, faire en sorte qu'il y ait des maximums de dépenses dans un scrutin donné pour chacun des camps. Si vous n'avez pas de plafonnement, à ce moment-là, ça veut dire que le camp le plus riche, celui qui a le plus de ressources, va évidemment l'emporter et, donc, l'équité que vous souhaitez va disparaître.

Au nom de quoi on invoque la Charte? C'est ce que vous disiez tantôt, il est question de la Charte. Au nom de la liberté d'expression? Alors, ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, si c'est fondé, ces arguments-là, sur la Charte... Je crois plutôt, moi, que c'est bien plus parce qu'on ne veut pas donner un sou au Bloc québécois; c'est pour ça qu'on invoque la Charte, hein. Mais, évidemment, ça ferait mesquin, puis ça

ferait «cheap» pas mal de dire: Si vous pensez qu'on va donner de l'argent au Bloc québécois qui va faire campagne pour le non, il n'en est pas question. Alors, là, ça fait plus digne, ça fait mieux, ça fait plus honorable d'invoquer la Charte, la liberté d'expression, alors qu'en réalité les vraies raisons sont celles que vient de donner le député de Westmount.

Mais, même à supposer que c'est fondé, les arguments, sur la Charte, cela veut-il dire que, dans les prochains amendements que vous allez nous présenter à l'Assemblée nationale sur la Loi sur la consultation populaire du Québec, vous allez enlever le plafonnement des dépenses, considérant que les arguments invoquant la Charte sont fondés?

Écoutez, on ne peut pas à la fois exiger l'équité, la justice et un traitement équitable pour les deux camps dans un scrutin référendaire, puis, en même temps, ne pas se soucier du plafonnement et de la limitation des dépenses. Les deux sont étroitement liés et, si la Charte pose problème, écoutez, vous pourrez faire comme on a déjà fait, comme le Québec a déjà fait devant les tribunaux: vous invoquerez les limites raisonnables dans une société démocratique. Les limites raisonnables dans une société démocratique, je suis convaincu que ça va pencher en faveur de l'équité et de la limitation raisonnable de la liberté d'expression.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, on sait qu'il y a un débat au niveau fédéral, actuellement, entre les partis politiques sur cette question-là. On ne sait pas ce qu'il va advenir. Tout ce que je peux dire au député de Lac-Saint-Jean, puis au chef de l'Opposition et au député de Westmount, et à tous mes collègues, c'est que, aussitôt qu'on va avoir le texte, si, de fait, on dépose un texte, on va demander à nos aviseurs juridiques de nous évaluer le plus rapidement possible les implications. Mais, je veux dire...

M. Brassard: Vous n'avez pas eu d'entretien, vous n'avez pas eu de contact avec M. Mulroney là-dessus...

M. Bourassa: Je me réfère, M. le Président...

M. Brassard: ...sur une question aussi importante? D'aucune façon?

Le Président (M. Dauphin): Un instant, M. le député. Je vais vous reconnaître tout de suite après la fin de sa réponse.

M. Bourassa: Je me réfère à la Loi sur la consultation populaire du Québec, on le sait, à la loi. On connaît le fonctionnement en 1980. Nous, c'est notre point de référence.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Vous n'avez eu aucun contact avec M. Mulroney sur cette question-là, une question aussi importante que celle-là?

M. Bourassa: M. le Président, je ne suis pas pour dévoiler les conversations privées que je peux avoir avec M. Mulroney. Je n'ai pas parlé à M. Mulroney. Je lui ai parié très, très brièvement, au début de la semaine, mais on n'a d'aucune façon discuté du contenu de la législation.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean. (18 heures)

M. Brassard: ...est-ce que, au fond, là, le bourbier dans lequel on se retrouve présentement, ça ne vient pas du fait que, comme gouvernement, M. le premier ministre, vous avez accepté, dès le départ, il y a déjà quelques semaines, le principe d'un référendum pancana-dien sur la révision constitutionnelle et qu'à partir du moment où vous acceptez ce principe-là, c'est évident que vous êtes pris dans un engrenage? On se retrouve, là, dans la situation présente où le gouvernement fédéral s'apprête à voter une loi référendaire prévoyant un référendum pancanadien qui ne prévoit d'aucune façon la double majorité, alors qu'il n'y a pas si longtemps vous en faisiez quasiment une condition essentielle pour donner votre accord à un tel projet, aucune limitation des dépenses, ce qui va faire, pour le camp du oui, une vraie machine à propagande.

C'est déjà commencé; ça va s'amplifier, ça va s'accentuer encore davantage. À partir du moment où vous avez dit oui à un référendum pancanadien, c'est clair qu'à ce moment-là tout découle. Là, vous êtes pris avec ce qui se passe présentement à Ottawa et vous êtes, en quelque sorte, placé dans une situation telle que vous donnez votre caution à cette opération-là, à cette machination-là en provenance du gouvernement fédéral. Ce serait pas mal plus limpide et plus clair, la situation, si, il y a quelques semaines, quand c'est arrivé sur le tapis, cette question-là, vous aviez dit, au nom du gouvernement du Québec: Sur le territoire du Québec, il n'est pas question de tenir un référendum pancanadien. Les consultations populaires sur l'avenir constitutionnel et politique du Québec qui vont se tenir sur le territoire québécois seront organisées, initiées par le gouvernement du Québec seulement et par l'Assemblée nationale seulement, et pas par d'autres.

Si vous aviez dit ça en partant, dès le départ, plutôt que de cautionner l'initiative d'un référendum pancanadien, on ne se retrouverait

pas dans la situation actuelle où on va se retrouver, finalement, avec ce que j'appelais une emmanchure référendaire, qui est en train de se concocter à Ottawa, où, manifestement, l'équité et la justice seront absentes.

M. Bourassa: II ne faut pas exagérer. M. Brassard: Bien, écoutez... M. Bourassa: Quand même!

M. Brassard: Si vous ne limitez pas les dépenses, M. le premier ministre...

M. Bourassa: Bien oui...

M. Brassard: Qu'est-ce qui se produit présentement déjà? Des ministères fédéraux, sous prétexte de Canada 125, sous prétexte du 125e anniversaire du Canada, sous prétexte qu'il y a un rapport Beaudoin-Dobbie qui est sorti, sous prétexte de la Semaine de la citoyenneté, il y a des millions, des millions et des millions de dollars qui sont investis en propagande actuellement. Vous avez juste à zapper sur votre télé le soir et, à tout bout de champ, vous voyez passer des messages de propagande en faveur de l'unité canadienne, puis des belles montagnes Rocheuses. Il y en a un, c'est fait par des enfants, c'est quasiment scandaleux. C'est commencé déjà. Ça va s'amplifier et, en plus, là, les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs privés sont mis à contribution pour des dizaines de millions de dollars.

Après ça, qu'est-ce que vous pensez que les banques vont faire, les grandes institutions financières, Alcan? Qu'est-ce que vous pensez qu'elles vont faire, ces grandes entreprises-là, qui sont toutes membres du Conseil du patronat et qui sont, évidemment, toutes fédéralistes? Elles vont mettre de l'argent en faveur de l'option constitutionnelle fédérale, sans limitation, parce que la loi va le permettre. Vous voyez ça d'ici? Quand on parle d'une emmanchure référendaire, il me semble que ça saute aux yeux que ça va être une emmanchure référendaire inéquitable, injuste à l'égard d'un des camps. Qu'est-ce qui va arriver à ceux qui sont contre les offres fédérales et qui veulent faire campagne contre les offres fédérales? Je pense au Bloc québécois. Je pense à nous, ici, au Québec. Vous, vous allez être dans le camp du oui. Vous allez être dans le camp du oui, avec Brian et Chrétien.

M. Bourassa: Le Bloc populaire, en 1942...

M. Brassard: Le Bloc populaire avait-il les ressources et...

M. Bourassa: Ça a donné quoi, le résultat de la publicité, en 1942?

M. Parizeau: C'était en 1942. Il n'y avait à peu près rien.

M. Brassard: En 1942, il y avait à peine la radio dans les foyers. C'étaient des assemblées publiques.

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Pouvez-vous terminer?

M. Brassard: Non, mais, juand même, je termine là-dessus, M. le Président. Écoutez, c'est une question vitale, ça. Si on veut qu'un scrutin référendaire soit équitable et vraiment démocratique dans sa réalité, il faut absolument limiter les dépenses. C'est fondamental. Sinon, ce n'est plus démocratique. Ça fait 30 ans qu'on sait ça, au Québec. C'est entré dans nos traditions, dans nos coutumes, dans nos lois de limiter les dépenses. C'est dans la loi sur les référendums, c'est dans la Loi électorale, et vous allez accepter qu'un référendum pancanadien viole et foule aux pieds ces coutumes et ces traditions qui sont enracinées chez nous depuis des dizaines et des dizaines d'années? C'est ça qui se prépare. Êtes-vous conscient de ça au moins?

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...je dis au député de Lac-Saint-Jean qu'il cesse, s'il veut rester crédible, de crier au loup constamment avant même de voir les textes. Il dit que ça va être injuste, ça va être inéquitable, ça va être... Tu sais, il n'y a pas d'adjectif...

M. Brassard: Je crie au chacal.

Une voix: II a peur que vous soyez du clan.

M. Bourassa: Oui, bon. Alors, c'est des chacals, maintenant. Alors, c'est des gens pour qui il a voté à deux reprises. Alors, quand même, il devrait... Oui, en 1988, vous avez voté pour le Parti conservateur à deux reprises, je vous l'ai déjà dit.

M. Brassard: J'ai voté pour Lucien Bouchard.

M. Bourassa: Non, mais vous avez fait confiance...

M. Brassard: Je vais voter encore pour lui la prochaine fois.

M. Bourassa: Non, mais vous avez voté... À quel niveau?

M. Chevrette: Dans la superstructure. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre, la parole est à vous.

M. Bourassa: Ce que je dis au député de Lac-Saint-Jean, je ne le blâme aucunement, ni le chef de l'Opposition, de faire preuve de vigilance, d'insister et de mettre en relief les dangers que ça pourrait impliquer pour le débat démocratique. Mais je lui dis que notre référence, nous, c'est la loi que nous avons ici, qui a déjà été appliquée. Nous allons examiner le projet de loi, aussitôt qu'il sera déposé, puis on pourra aviser par la suite. S'il est préjudiciable au Québec, on verra quels moyens seront disponibles. Mais, quand il a dit que j'avais cautionné, j'ai toujours dit qu'il était important pour le gouvernement fédéral - on ne peut pas l'empêcher de dénouer une impasse, s'il y a une impasse - de ne pas usurper le droit du Québec et de respecter l'esprit et la loi 150.

Le Président (M. Dauphin): merci, m. le premier ministre. je suis prêt a reconnaître un prochain intervenant, m. le député de lac-saint-jean.

M. Brassard: Oui, simplement une question très simple sur le plan de l'échéancier. Vous vous apprêtez à déposer un projet de loi modifiant la loi sur les consultations populaires, qui aura pour effet de raccourcir les délais. Actuellement, la loi sur les consultations populaires prévoit un certain nombre de délais. Si on voulait, en vertu de la loi 150, tenir un référendum sur la souveraineté le 26 octobre 1992, il faut que le processus s'enclenche au plus tard le 4 août en vertu de la loi actuelle. C'est la question déposée à l'Assemblée nationale, le débat de 35 heures. Puis, là, les autres délais en découlent. Mais vous avez l'intention de présenter des amendements à cette loi-là pour raccourcir les délais visés.

M. Bourassa: On vous a avertis.

M. Brassard: Oui, je le sais. On n'a pas dit qu'on était d'accord, par exemple, parce qu'on connaît... Les intentions sont claires, là, sont limpides.

M. Parizeau: On n'a pas vu de texte non plus.

M. Chevrette: On n'a pas vos textes.

M. Brassard: On va les juger au mérite quand on aura le texte entre les mains, n'est-ce pas?

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Brassard: Alors, ça veut dire quoi, ça? M. Bourassa: Texte pour texte.

M. Brassard: Ça veut dire qu'il y a des intentions derrière tout ça.

M. Bourassa: Ça fait longtemps qu'on vous a parlé de ça.

M. Brassard: Non. Pourquoi vous faites ça?

M. Bourassa: Le leader parlementaire de l'Opposition le sait. Ça fait combien de temps? Deux mois?

M. Chevrette: Ça fait 15 jours, maximum.

M. Bourassa: Oh là! Vous avez des failles de mémoire.

M. Chevrette: C'est M. Côté qui m'a appelé un vendredi après-midi, il y a 15 jours. Il m'a rappelé ce matin, M. le premier ministre.

M. Bourassa: II ne vous en a jamais parlé? Moi, je lui avais demandé de vous en parler, il y a trois mois.

M. Brassard: Mais mon propos n'est pas sur le fait qu'on a été avisés ou pas. On a été avisés, bon. On n'a pas été consultés, par exemple; ça, c'est une autre affaire. On a été avisés seulement, informés. Mais le fait est qu'on est obligés d'examiner les intentions du gouvernement. Pourquoi vous faites ça? C'est clair que c'est pour gagner du temps, mais c'est clair aussi que c'est pour donner au gouvernement fédéral de la place pour tenir son référendum pancana-dien avant celui prévu dans la loi 150. Sinon, pour quelle raison vous faites ça? Pour quelle raison vous raccourcissez les délais? C'est pour, évidemment, que le gouvernement fédéral puisse appliquer le vieux principe: Ôte-toi de là que je m'y mette, tasse-toi que je prenne la place.

Si la loi demeure ce qu'elle est, le processus s'enclenche à partir du 4 août. Ça ne laisse pas assez de temps au gouvernement fédéral pour tenir son référendum pancanadien parce que, là, on arriverait avec deux référendums qui se chevauchent, deux processus qui se recoupent. Alors, on amende la loi. C'est ce que vous allez faire. Vous repoussez les échéances, vous raccourcissez les délais et là ça donne du temps au gouvernement fédéral pour tenir son référendum pancanadien. Écoutez, il ne faut pas être naïf, là. C'est clair que c'est ça, les intentions du gouvernement.

M. Bourassa: Non. Pas du tout, pas du tout.

M. Brassard: Sinon, dites-moi donc pourquoi.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (18 h 10)

M. Bourassa: M. le Président, il me semble que je ne devrais pas être obligé de le dire. Ça va de soi qu'une période référendaire de 84 jours, c'est très long, c'est coûteux; c'est dur pour une société, il me semble, 84 jours. Ça fait plusieurs mois, moi, que j'ai demandé au ministre de voir s'il n'y aurait pas lieu d'avoir une période plus comparable à celle avec laquelle on vit dans des élections.

M. Brassard: Ça n'a rien à voir avec ce qui se fait à Ottawa.

M. Bourassa: d'ailleurs, le député de lac-saint-jean, je l'ai vu dans une interview et il a dit: bon, on aime mieux que le délai soit plus court qu'il y ait un report, comme son chef l'avait suggéré à «sunday morning».

M. Brassard: Ha, ha!

M. Bourassa: II n'a pas dit ça comme ça, là. Non. Je veux dire, le député de Lac-Saint-Jean se souvient qu'il a dit: Entre un report indéfini du référendum, que ce soit pour cause de récession économique ou autre, et...

M. Brassard: Entre deux maux, il faut choisir le moindre.

M. Bourassa: Bon. Ça, c'est... En tout cas, je ne suis pas pour rappeler de mauvais souvenirs. Alors, je dis au député de Lac-Saint-Jean qu'il a exprimé son accord, que ça paraissait quelque chose de défendable, et le député de Joliette, le leader parlementaire de l'Opposition aussi. Je veux dire, ça tombe sous le sens que 84 jours à s'affronter, si on s'affronte, c'est long.

M. Brassard: Mais, M. le premier...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Juste une remarque là-dessus. S'il n'y avait pas la machination qui est en train de se préparer à Ottawa, le référendum pan-canadien, qui va être une vaste opération de propagande et de manipulation de l'opinion publique, s'il n'y avait pas ça qui se tramait actuellement, qui se manigançait actuellement à Ottawa, c'est clair que, là, on pourrait examiner de façon pas mal plus objective les délais prévus dans la loi sur les consultations populaires. Mais, à partir du moment où l'examen de tels amendements se situe dans le contexte qu'on sait, c'est clair, à ce moment-là, que ça éclaire et ça va aussi, évidemment, très, très largement influer sur la position qu'on aura à prendre à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Mais il y a d'autres provinces qui ont des référendums, et elles aussi ont un problème comme ça. La Colombie-Britannique a un référendum, ils vont avoir le problème de choisir. L'Alberta aussi veut faire un référendum. Alors, ça, ce n'est pas un problème particulier au Québec, mais ce qui est imcoiant pour le Québec, c'est que des mesures, ces gestes ou des décisions du Parlement fédéral n'entravent pas notre volonté de décider de notre avenir.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Sur le même sujet, M. le député de Joliette, vous voulez intervenir? Sur le même sujet, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: C'est juste pour donner l'information officielle, là. Quand le premier ministre nous a dit que j'avais été informé, je l'ai été il y a 15 jours, un vendredi après-midi. Je l'ai été ce matin à nouveau pour me faire dire que les deux projets de loi seraient fondus en un sur la réforme électorale et la loi sur les consultations populaires, et le délai raccourci, on ne m'a jamais indiqué de quelle longueur, et ce n'est qu'hier, m'a-t-on appris ce matin, que le Conseil des ministres s'est penché sur le sujet. On m'a avisé pour me demander ce que ça ferait si c'était déposé après le 15 mai. J'ai dit: Le 15 mai, ça fait partie des projets adoptés à d'autres sessions et c'est pour ça que, dans une décision, vous avez uni les deux projets dans un seul. C'est ça la vérité absolue et totale là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je vous dis que j'en ai parlé au ministre. Je veux dire, ce n'était pas une urgence, là, mais j'en ai parlé au ministre, parce qu'on avait jusqu'au 15 mai, au début de l'année, que je trouvais ça trop long, 84 jours.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Alors, maintenant, on va revenir à ces offres fédérales. On ne sait vraiment pas ce qu'elles vont être. Le premier ministre, dans l'Ouest, a constaté que l'appui à la société distincte, c'est un appui à une société distincte qui ne lui paraît pas acceptable. Je reprends sa déclaration du 3 mars. Ça ne lui paraît peut-être pas acceptable, mais, en tout cas, c'est ça qu'ils veulent, dans l'Ouest. Sur le veto, tel que défini dans Meech, il ne l'a pas

non plus. Donc, les offres fédérales peuvent lui être complètement inacceptables. Mais, en tout cas, elles vont être, à un moment donné, sur la table comme question pour un référendum pancanadien. Il va se trouver devant des offres fédérales. Il peut les aimer ou ne pas les aimer. En tout cas, là, campagne fédérale, référendum pancanadien.

D'autre part, il vient de nous réaffirmer que, lui, il veut un référendum aussi au Québec, avec les changements d'échéancier, probablement pas beaucoup plus que quelques semaines plus tard, sur les mêmes offres. Le premier ministre ne peut tout de même pas inventer des offres fédérales. Il y aura eu des offres fédérales faites au référendum pancanadien. Alors, là, je demande au premier ministre: Son référendum à lui sur les offres, il faut donc, forcément, que ça soit sur les mêmes offres ou est-ce qu'il va inventer des offres fédérales pour son référendum? Le fédéral ne pourra pas les changer en trois semaines entre son référendum pancanadien et le référendum québécois sur les offres que souhaite ardemment le premier ministre, les mêmes offres. Il ne peut pas s'en inventer.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, vous êtes bien placé pour me comprendre. C'est votre commission qui va examiner les offres fédérales, qui va faire des recommandations au gouvernement. La loi 150, qu'admet maintenant le Parti québécois, suppose que les offres fédérales soient examinées par la commission sur les offres fédérales à laquelle participent le député de Lac-Saint-Jean et plusieurs autres, et ils vont faire des recommandations au gouvernement. Je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition me demande, là, aujourd'hui, de dire: La commission n'existe plus. Et moi - c'est ce qui va arriver - je veux dire, je veux respecter la juridiction de la commission.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: On approche de quelque chose d'intéressant, là. Donc, très bien, le premier ministre va demander à la commission que vous présidez, M. le Président, d'examiner des offres fédérales. Votre commission sera d'accord ou pas d'accord. Elle pourra amener des atténuations ou des accentuations, mais, enfin, Ottawa, à un moment donné, va sortir sa question et Ottawa va dire: Mes offres, c'est ça. Oui ou non?

Trois semaines plus tard, quand le premier ministre arrive avec son référendum sur les offres fédérales - il faut bien que ce soit les mêmes que celles que le fédéral a mises sur la table - encore une fois, indépendamment des conclusions de votre commission, M. le Président... Vous ne pouvez tout de même pas in- venter des offres fédérales. Ce que je continue de demander au premier ministre: On va donc avoir au Québec, selon sa façon de voir les choses, deux référendums portant sur les mêmes offres fédérales, celles qui auront été définies par Ottawa et mises dans sa question référendaire. C'est ça?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne peux pas parler au nom du gouvernement fédéral. Là, je veux dire, tout ce dont on a été informés, c'est d'une très forte possibilité qu'un projet de loi va être déposé sur un référendum national. Est-ce qu'il aura lieu? Si j'ai bien compris M. Mulroney, c'est s'il y avait impasse qu'il y aurait un référendum. On va examiner les offres. On va voir si ça respecte les critères, les objectifs ou les paramètres du gouvernement, du caucus et du parti. On va examiner et on avisera par la suite. Ne me demandez pas de dire quand aura lieu le référendum fédéral, sur quoi. Je ne peux pas parler au nom du gouvernement fédéral.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, vous aurez compris que je ne demande pas au premier ministre de me dire à l'avance qu'est-ce qu'il va y avoir dans les offres fédérales pour le référendum pancanadien. Je dis simplement: Quand ces offres-là auront été mises sur la table, comment peut-il, lui, trois semaines plus tard, faire un référendum sur des offres différentes? C'est le fédéral qui contrôle le jeu là-dedans. Il va dire: Voici mes offres, votez là-dessus. Le premier ministre du Québec, lui, il est en train de s'engager à faire un référendum sur les offres fédérales, sur les mêmes. Le fédéral va complètement contrôler son jeu. On fera un deuxième référendum pourquoi? Pour rire.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (18 h 20)

M. Bourassa: M. le Président, la commission Bélanger-Campeau propose dans son rapport qui, je crois, a été adopté par l'ensemble des députés ou des représentants de la commission, que des offres soient faites par le gouvernement fédéral liant les provinces et qu'elles soient examinées par une commission ad hoc. Alors, on va respecter l'esprit de la commission Bélanger-Campeau et de la loi 150.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, ce n'est pas ça que recommandait Bélanger-Campeau. C'est un référendum sur la souveraineté.

M. Bourassa: On sait fort bien que, si la

commission Bélanger-Campeau... Est-ce que je devrai le dire 100 fois? Je ne trouve pas... M. le Président, je comprendrais que l'Opposition puisse - ils disent, bon, que c'est dans l'intérêt du Québec - se manifester très fortement si on dit: H n'y aura pas de référendum, si on annule le référendum. À moins de poursuivre la stratégie du député de Lac-Saint-Jean pour qui, une élection est préférable.

Une voix: Déclencher une élection.

M. Bourassa: oui, c'est un peu la stratégie du député de lac-saint-jean, parce qu'ils pensent qu'avec 48 %, ils peuvent prendre le pouvoir, alors que 48 %, pour un référendum sur la souveraineté, ça affaiblit le rapport de force du québec. c'est bien ça qu'est le point de vue du député de lac-saint-jean?

M. Brassard: Ce n'est pas tout à fait ça. C'est parce qu'avec une élection on prendrait le pouvoir et là on peut être sûrs que le gouvernement du Parti québécois, lui, il en ferait un référendum sur la souveraineté, un vrai. C'est ça que ça veut dire.

M. Bourassa: Ça, ça veut dire que vous ne seriez pas d'accord pour que M. Pierre Marc Johnson soit candidat aux élections, contrairement à ce que vous avez dit au journal Le Soleil, il y a quelques mois.

M. Parizeau: Est-ce qu'il le serait vraiment?

M. Bourassa: Bien, dans Anjou, peut-être pas.

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Brassard: A-t-il manifesté cette intention?

M. Parizeau: Cette intention.

M. Bourassa: M. le Président, moi, je ne peux pas...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Ce que je dis, c'est que je constate que le député de Lac-Saint-Jean et le chef de l'Opposition ne sont pas opposés au retour de Pierre Marc Johnson au sein du Parti québécois.

M. Brassard: On n'est surtout pas opposés au départ du premier ministre du pouvoir.

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Mais non. Ce que je disais tantôt, c'est que c'est clair qu'avec une élection à la place du référendum vous pouvez prendre le pouvoir, alors qu'un référendum qui donnerait 48 % - c'est probablement le raisonnement du député de Lac-Saint-Jean et d'autres - ça risque d'affaiblir le Québec dans son rapport de force. Alors, c'est un peu ça qui explique peut-être pourquoi on préfère davantage une élection qu'un référendum.

Mais, pour reprendre ce que je disais tantôt, je comprendrais que l'Opposition manifeste son opposition sur l'annulation d'un référendum, mais qu'on fasse un référendum sur les offres du gouvernement fédéral, comme en parlaient le rapport Bélanger-Campeau et la loi 150, là, je comprends moins les menaces qu'on fait, pacifiquement, d'accord. Je veux être très clair, là-dessus, je ne pense pas que le chef de l'Opposition soit antidémocrate à cet égard-là, mais qu'on dise: II faut descendre dans la rue pour qu'il y ait des démonstrations pour montrer qu'on s'oppose à ce que l'esprit de la commission Bélanger-Campeau soit appliqué... Je fais une distinction entre un référendum sur des offres et l'annulation du référendum. Je ne sais pas si vous me suivez.

Une voix: Hum!

M. Bourassa: Est-ce que vous en faites une?

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: On peut faire toutes les distinctions qu'on voudra, mais H faut revenir aux choses claires. Il n'y a pas d'esprit opposé à la lettre quant aux recommandations de la commission Bélanger-Campeau. Les recommandations - l'esprit et la lettre coïncident parfaitement - demandent au gouvernement de tenir un référendum sur la souveraineté. Le premier ministre a eu tellement de problèmes à interpréter l'esprit qu'il s'est senti forcé de publier un addendum pour corriger l'esprit, parce que l'esprit et la lettre des recommandations de Bélanger-Campeau, c'est clair comme de l'eau de roche: un référendum sur la souveraineté. À cet égard, il faut bien que le premier ministre...

M. Bourassa: Mais pourquoi vous avez accepté... J'interpelle juste le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Pourquoi vous assistez à la commission du député de Marquette, à ce moment-là?

M. Parizeau: Dans un premier temps, il aurait été, je pense, incorrect que nous ne

participions pas. Nous n'étions pas d'accord qu'on examine des offres qui ne liaient pas. D'un autre côté, puisqu'il y avait des propositions fédérales sur la table, celles du 24 septembre en particulier, dans la mesure où la commission voulait examiner et aller au fond de ces propositions du 24 septembre, bien. Lorsqu'on a épuisé manifestement la contemplation de ces offres qui n'en étaient pas, bien sûr, là, on a décidé de cesser l'exercice.

Et cela est parfaitement cohérent et normal, et ne change rien à la détermination que nous avons de faire en sorte que le gouvernement respecte l'esprit et la lettre des recommandations de Bélanger-Campeau, à l'effet qu'un référendum sur la souveraineté se tienne au plus tard le 27 octobre. Et que le premier ministre n'ait pas quelque ambiguïté que ce soit quant à notre résolution et, surtout dans un climat comme celui qu'on dépeint depuis trois quarts d'heure à cette commission, qu'il ne nous en veuille pas de ramasser ceux qui, dans la société, n'ont pas les moyens de monopoliser les ondes ou les médias et de faire en sorte qu'on manifeste cette résolution par des manifestations, par des défilés, par des pétitions, par tout l'appui que des gens qui n'ont pas les moyens d'autres peuvent manifester pour demander que l'esprit et la lettre de Bélanger-Campeau soient respectés quant à la recommandation unique de tenir un référendum sur la souveraineté le plus rapidement possible.

On peut faire appel à tous les sondages qu'on voudra. S'il y a une chose qui est claire, c'est que, quand on demande aux Québécois à l'heure actuelle s'ils veulent un référendum sur la souveraineté en 1992, nous connaissons tous la réponse. Il y a un appui considérable, y compris...

M. Bourassa: 45-40.

M. Parizeau: Ah, non, non, non. Pas sur...

M. Bourassa: Oui, oui.

M. Parizeau: Ah non, pas du tout.

M. Bourassa: Le dernier: 45-40.

M. Parizeau: Non, il y a un appui, à l'heure actuelle, essentiel, fondamental dans cette société-là, pour qu'on se branche, pour qu'on se décide.

M. Bourassa: Sur le référendum?

M. Parizeau: Et se décider, c'est se décider sur, au fond, la seule question véritable qu'il y a devant nous, à l'heure actuelle, c'est-à-dire la souveraineté du Québec.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition sait fort bien que...

M. Parizeau: Maintenant, je voudrais dire quelques mots...

Le Président (M. Dauphin): Vous permettez, juste en réaction, M. le premier ministre.

M. Parizeau: Oui, oui, bien sûr.

M. Bourassa: Oui, parce que, là, il a une bonne avance dans le temps, je pense bien. Le chef de l'Opposition sait fort bien que la définition de la souveraineté n'est pas la même au sein même de son parti. Mais il sait aussi que les sondages, les tout derniers qui ont été rendus publics la semaine dernière, c'était: Voulez-vous un référendum sur les offres ou sur la souveraineté? C'était 45-40, 45-39. Je me réfère au sondage de son propre conseiller dans ces questions; lui, sur la souveraineté, c'était 53-47. Bon, c'est quand même des chiffres qui parlent par eux-mêmes.

Pour la loi 150, M. le Président, il me semble que le préambule est très clair. Je lis juste un paragraphe du préambule: «Considérant la volonté du Québec d'assurer l'égale compréhension de tous tant à l'égard des changements nécessaires pour rendre acceptable au Québec le système fédéral canadien qu'à l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de ses implications politiques, économiques, sociales et culturelles». Donc, on se réfère au système fédéral. Est-ce que le chef de l'Opposition m'écoute? On se réfère dans le préambule au système fédéral.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Cela, M. le Président, ne change rien à l'esprit et à la lettre de la recommandation de Bélanger-Campeau...

M. Bourassa: II n'est pas d'accord?

M. Parizeau: ...telle que traduite, telle quelle, dans une partie de la loi 150. Bien, sur les autres, j'ai exprimé les réserves qu'on a toujours exprimées à l'égard du reste de la loi, mais dans la loi 150 c'est clair. (18 h 30)

II y a une autre chose qui est claire et sur laquelle je voudrais revenir parce que le premier ministre, très souvent, y a fait allusion. Ah! Il y aurait des différences quant à la définition de la souveraineté à l'intérieur du Parti québécois, ou il y aurait des différences quant à la définition de la souveraineté entre une souveraineté à l'ancienne et une souveraineté à la moderne, ou je ne sais pas quoi. M. le Président, s'il y a une chose sur laquelle on s'entend tous au Québec et qu'on définit tous de la même façon, c'est la

souveraineté. Ça a pris du temps, ça a pris des années pour arriver à une définition commune. Mais je vous rappelle que, que ce soit le programme du Parti québécois, que ce soit Bélanger-Campeau, que ce soit la loi 150, que ce soit des bulletins d'information, par exemple, diffusés par le Mouvement Desjardins, tout le monde s'entend sur la définition de la souveraineté. Toutes nos lois sont adoptées par l'Assemblée nationale, toutes les lois qui s'appliquent à des Québécois. Tous les impôts et les taxes ramassés sur les Québécois sont votés par leur Assemblée nationale et tous les traités qui lient le Québec aux autres pays du monde sont adoptés par leur Assemblée nationale. Dans ce sens, il n'y a pas de différence.

Le rapport Allaire, du Parti libéral, définit la souveraineté de cette façon-là. Comprenons-nous bien, cette définition de la souveraineté, elle est maintenant, au Québec, universelle. On peut faire flotter toutes les ambiguïtés qu'on veut. Qu'on soit fédéraliste ou qu'on soit souverainiste au Québec, à l'heure actuelle, on définit la souveraineté de la même façon. Il y en a qui, la définissant comme ça, disent: Je ne suis pas d'accord. D'autres disent, en la définissant de la même façon: Je suis d'accord. Bon! Dans une société démocratique comme la nôtre, c'est peut-être normal que, effectivement, les gens n'aient pas le même point de vue quant à l'objectif. Mais ne commençons pas à laisser flotter qu'il y a une ambiguïté quant à la définition de la souveraineté. On s'entend tous: nos textes, nos lois, tout le monde définit ça de cette façon-là.

Et ça, je tenais à le rappeler au premier ministre parce que, trop souvent, il semble indiquer qu'il y a des divergences de définitions. (I n'y en a pas, de divergences de définitions. Oui, bien sûr, il y en aura qui diront: Un pays souverain peut ou doit déléguer les pouvoirs qu'il a. Et là, évidemment, certains disent: On va déléguer un peu. D'autres disent: On va déléguer davantage. Mais il reste fondamentalement que ça ne change pas la définition de la souveraineté et que, sur le plan de la délégation, on trouvera, là aussi, dans notre société, des gens qui voudraient déléguer davantage ou déléguer moins. Une chose est claire, cependant, c'est qu'on ne peut pas déléguer ce qu'on n'a pas. La première des choses à avoir, c'est les pouvoirs de la souveraineté avant de déléguer quoi que ce soit, ce que reprend tellement bien le rapport Allaire. Parce que le rapport Allaire évoque ce référendum sur la souveraineté et il ajoute: Et puis, après, offrir le maintien de l'espace économique canadien. Le rapport Allaire, à cet égard, est tout à fait remarquable. Les gens qui ont rédigé le rapport Allaire comprenaient parfaitement bien que, d'abord, on devient souverain et, ensuite, on voit ce qu'on va déléguer.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition a cité plusieurs documents. Je ne sais pas s'il se souvient du vote sur la souveraineté à la commission Bélanger-Campeau. Le vote avait été 17 à 15 contre la souveraineté. Il se souvient de ce vote-là? Bon! Alors, qu'il ne dise pas que la commission Bélanger-Campeau implique nécessairement un seul vote sur la souveraineté, quand les commissaires ont voté majoritairement contre la souveraineté. Et je pourrais citer ici un constat clair, page 85 du rapport: «Deux voies de solution tout aussi claires, dont l'une ne peut être adoptée que si les partenaires du Québec le veulent aussi, et dont l'autre requiert d'être préparée quel que soit le choix posé: voilà les éléments soumis à la considération des Québécoises et des Québécois. Avec ses forces et faiblesses, sur le plan de la géographie et ses ressources physiques et humaines, le Québec doit désormais poser son choix et procéder à sa mise en oeuvre dans les meilleurs délais». Donc, c'est écrit dans le rapport, page 85, deux voies.

Pour ce qui a trait au débat sur la souveraineté, on aura l'occasion d'y revenir. On sait qu'en Europe, actuellement, il y a un débat sur les accords de Maastricht et on doit amender la Constitution en France, notamment, pour transférer la souveraineté. Donc, ce n'est pas une délégation. On transfère la souveraineté. D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a des nationalistes québécois bien connus, comme Jean-Marc Léger qui écrivait, il y a quelques jours, dans Le Devoir, qu'il était contre les accords de Maastricht parce qu'il était contre cette souveraineté partagée que, j'espère, le chef de l'Opposition a discutée avec M. Delors quand il l'a vu lorsqu'il est venu le 24 avril. Il a dû se rendre compte que, comme H l'a dit publiquement, l'avenir est à la souveraineté partagée.

On dit: Devenons souverains et après on va mettre en partage, avec tout ce que ça suppose pour les coûts de transition. On réplique à ça, nous: Le Québec a le droit à l'autodétermination. Ça lui a été reconnu. Alors, pour éviter les coûts de transition, travaillons à un fédéralisme profondément renouvelé. Il me semble que notre approche est plus réaliste et, dans la situation géographique où nous nous trouvons, plus applicable que l'approche du chef de l'Opposition.

Le Président (M. Dauphin): Merci, voilà. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Nous y sommes à nouveau. Ce que le premier ministre a commencé par citer de Bélanger-Campeau, c'est un extrait des conclusions. Il sait comme moi que les conclusions du rapport Bélanger-Campeau n'ont pas fait consensus. Elles n'ont pas fait consensus.

M. Bourassa: Qui s'est opposé? Lucien Bouchard n'a pas voté pour ça?

M. Parizeau: Oui, effectivement. Effectivement.

M. Bourassa: M. le député de Westmount et le député de L'Assomption.

M. Parizeau: Les souverainistes. Oui. Ça s'adonne...

M. Bourassa: Les souverainistes... Il y avait le député de Westmount, ce n'est pas un souverainiste encore.

M. Parizeau: Non, non.

M. Holden: M. André Ouellet aussi.

M. Parizeau: M. le Président, je comprends, mais il pourrait ne pas m'interrompre, enfin, me laisser...

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: II n'y a pas eu consensus de la part de beaucoup de souverainistes et de certains qui ne l'étaient pas. Il n'y a pas eu de consensus. Sur quoi est-ce qu'il y a eu consensus? Je pense que c'était, comme je le rappelais tout à l'heure, 33 sur 36, ou quelque chose comme ça, sur les recommandations. Les recommandations n'offrent aucune alternative à part un référendum sur la souveraineté. C'est quand même remarquable que le premier ministre du Québec, quand il prépare sa loi 150, il ne va pas s'inspirer des conclusions, il va s'inspirer des recommandations. Ce que le premier ministre du Québec va mettre dedans, c'est au mot près les recommandations de Bélanger-Campeau à l'égard d'un référendum sur la souveraineté. Pourquoi est-ce que le premier ministre n'a pas choisi les conclusions quand il préparait sa loi, ces conclusions qui lui permettaient deux voies possibles? Pourquoi il a choisi les recommandations? Qu'il soit pris avec à l'heure actuelle, je comprends très bien, de la même façon que je comprends très bien que le premier ministre...

M. Bourassa: Je ne peux pas être pris avec, vous avez voté contre.

M. Parizeau: Pris avec? Qui l'a proposé? M. Bourassa: Mais qui a voté contre?

M. Parizeau: Écoutez, encore une fois, compte tenu de tout ce qu'il y avait dans cette loi-là, oui, de notre point de vue, il fallait voter contre. Mais qui prend la responsabilité de la loi? Pourquoi le premier ministre du Québec a choisi les recommandations? Il pouvait choisir les conclusions. Si, effectivement, il pensait qu'il pouvait vraiment offrir deux voies d'importance égale, pourquoi ne les a-t-il pas offertes? Il a choisi la recommandation qui offre une voie. C'est pour ça qu'il faut qu'il amende la loi 150. Il le sait très bien. Il me dit: Je serai légitime d'amender la loi 150.

M. Bourassa: Ce n'est pas moi qui ai dit ça.

M. Parizeau: Qu'est-ce que vous voulez? Forcément, quand on a une majorité en Chambre, on est toujours légitime d'amender n'importe quoi. Mais l'important, c'est qu'on sache ce soir que, s'il continue dans son intention de tenir un référendum sur les offres, il va amender la 150 avec tout le débat que ça impliquera.

M. Bourassa: Juste pour conclure une phrase.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Quand je dis: Je serai légitime, encore une fois, je lui répète que je ne fais que citer M. Jean Campeau qui a coprésidé la commission.

M. Parizeau: II a reconnu que, effectivement, le premier ministre a une majorité en Chambre.

M. Bourassa: Non, non. Il a reconnu que j'avais le droit légitime d'amender la loi 150...

M. Parizeau: Voyons! (18 h 40)

M. Bourassa: ...étant donné la page 85 que je lui ai citée et qui fait partie du rapport. Quand même, il ne faut pas... Ce serait dans l'intérêt de l'Opposition... Ils peuvent avoir des motifs de faire des débats, mais je crois tout à fait injustifié de dire que nous ne respectons pas l'esprit du rapport Bélanger-Campeau et de la loi 150 en faisant un référendum sur des offres fédérales. Non.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, moi, dans ces conditions, j'ai quelques conclusions à tirer avant de passer la parole à mon collègue de Shefford qui a quelques questions à poser au premier ministre sur un de ses dossiers.

Commençons par cette question constitutionnelle que nous venons de voir se développer au cours de la dernière heure et demie. Le premier ministre nous a confirmé que, dans son intention, actuellement, il veut un référendum sur les offres fédérales. Il nous a confirmé que, pour faire ça, il va falloir qu'il amende la loi 150, contrairement à ce que disait son ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Bourassa: Le ministre ne faisait que reprendre la loi existante.

M. Parizeau: Troisièmement, le premier ministre nous a confirmé que la Loi sur la consultation populaire va être amendée de façon à raccourcir les délais et permettre à Ottawa de faire passer le sien avant. Le premier ministre a refusé de confirmer, une fois que le référendum pancanadien sera passé sur des offres définies par le fédéral, que le référendum québécois sur les offres portera sur les mêmes offres. Il refuse de confirmer qu'il est pris, au fond, dans cette affaire-là, qu'il ne pourra pas s'inventer ou demander à la commission parlementaire d'inventer des offres fédérales. Là, j'admets qu'il est un peu pris, qu'il ne sait pas trop exactement comment ça va tourner.

Je pense qu'il est confirmé aussi que les possibilités que les 17 ou les 16, à l'heure actuelle, arrivent à des offres sont de moins en moins fortes, au fur et à mesure qu'on se rapproche de l'échéance de mai. D'autre part, le premier ministre n'a pas voulu nous dire, protester même contre le fait que la première consultation populaire à laquelle les Québécois vont être amenés va être une consultation populaire qui rompt avec tous nos usages, nos lois et où il n'y aura pas de limite à la façon dont le pouvoir d'argent peut s'exercer sur les médias. Je vous avouerai, M. le Président, que je regrette que le premier ministre n'ait pas pris position là-dessus. Je crains pour lui que son refus, aujourd'hui, de se prononcer là-dessus, il risque de le traîner longtemps.

J'en tire la conclusion, sur le plan constitutionnel, M. le Président, que le premier ministre n'a pas l'air de savoir très précisément ce qui va se passer. Je ne le blâme pas. Il est clair que le gouvernement fédéral a repris l'initiative du jeu et que le premier ministre a probablement fait une imprudence en donnant cette interview au Monde, où il s'est, à toutes fins pratiques, enlevé le peu de pouvoir de «bargaining» qu'il pouvait avoir à l'égard du reste du Canada. Mais, enfin, écoutez, il l'a fait, il l'a fait. On va voir comment, au fur et à mesure que ça se passe, ces choses vont s'éclair-cir, si jamais elles s'éclaircissent. Une chose est évidente, cependant, et je tiens à la lui rappeler: nous allons faire tout ce que nous pouvons faire pour l'amener à maintenir ce référendum sur la souveraineté avant le 26 octobre 1992.

Sur les questions économiques, je voudrais conclure de la façon suivante. Je pense que, aujourd'hui, là, nous nous sommes rendu compte de l'absence de perspective, alors que le Québec traverse une longue, longue récession, sur le plan des politiques économiques, des politiques industrielles du gouvernement. On sent une sorte d'essoufflement et vraiment une seule chose claire dans sa façon de procéder: multiplier périodiquement, régulièrement les augmentations de taxes ou d'impôts. C'est devenu à peu près la seule chose intelligible dans la façon dont le gouvernement voit l'avenir.

J'ai essayé de le montrer, cet après-midi, dans un certain nombre de politiques économiques, au fond, faciles à mettre en place. Je pense encore à ces investissements financés par service de dette, des politiques faciles à mettre à place. On reste un peu démonté quand on constate à quel point ce gouvernement a perdu l'aptitude de bouger. Et, peut-être que ces deux constatations se rejoignent: une grande incapacité de bouger et d'avoir une certaine perspective sur l'économie du Québec, puis, d'autre part, des réflexes, à l'égard de la question constitutionnelle et à l'égard de la souveraineté du Québec, qui ont été marqués pendant un certain temps par des réactions un peu frileuses, par l'abandon d'un pouvoir de «bargaining» élémentaire ou de négociation avec les autres provinces, pour en arriver, finalement, à un jeu qui maintenant est passé, je pense, largement entre les mains du gouvernement fédéral.

Voilà, M. le Président, le constat n'est pas agréable à faire. Je pense que nous méritons mieux que ça. Je pense que l'avenir peut être mieux que ça. En tout cas, nous allons faire tout ce que nous pouvons pour faire en sorte que ce gouvernement épuisé soit remplacé par un autre aussi rapidement qu'il est possible. Merci, M. le Président.

Le Préskient (M. Dauphin): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai écouté attentivement le chef de l'Opposition et je n'ai pas mesquine sur son droit de parole. Il a fait le bilan de mes propos, mais je dois lui dire que, si jamais sa carrière politique prenait fin, je ne lui conseille pas d'aller dans le journalisme. Il ferait un très mauvais journaliste. Il a déformé mes propos à plusieurs reprises. Je n'ai pas l'intention, parce que je veux garder un certain temps pour discuter avec le député de Shefford, de les reprendre point par point. Je veux dire, j'ai quand même référé à la loi québécoise sur les consultations populaires. J'ai cité le rapport Bélanger-Campeau - je pourrais le citer encore - et la loi 150.

Sur les finances publiques, bon, d'après lui, on n'a fait que taxer depuis sept ans. Je ne crois pas qu'il y ait eu des augmentations sur l'impôt des particuliers. Là, on parle des particuliers, et vous défendez les corporations. Alors, je vous dis que, sur les particuliers, il n'y a pas eu d'augmentation dans les... Le chef de l'Opposition disait que la seule chose qu'on a faite d'intelligible, c'est augmenter les impôts. Je pense que c'est exagéré.

Alors, ce que je veux lui dire, bon, c'est que j'ai été heureux de pouvoir dialoguer avec lui. Il l'a fait avec dignité, mais avec emphase,

selon son habitude. Je veux le rassurer sur la détermination du gouvernement de continuer à travailler comme il l'a fait. Il a quand même référé à certains documents sur un ton différent de celui qu'il avait employé lorsque ces documents avaient été rendus publics. Il a fait une défense presque lyrique du rapport Allaire, et on se souvient qu'il l'avait dénoncé sur tous les tons lorsqu'il a été rendu public. C'est quand même assez révélateur, peut-être, du désarroi politique de son parti. (18 h 50)

Sur la question de la souveraineté, la définition de la souveraineté, son application en Amérique du Nord, tout cela, nous aurons amplement l'occasion d'élaborer sur ces questions-là. Je maintiens mon point de vue, que j'ai toujours maintenu, c'est que la géographie nous justifie, nous incite très fortement à la souveraineté partagée: nous sommes presque au centre de l'Amérique du Nord. Et, comme le disait M. Jacques Delors, cette souveraineté partagée doit s'appliquer avec une forme de fédéralisme. On n'en sort pas si on ne veut pas se retrouver avec des unions économiques temporaires, avec tous les risques de fuites de capitaux que ça peut comporter. Donc, il y a un lien entre l'intégration économique et l'intégration politique.

Alors, voilà, M. le Président. J'aurais aimé pouvoir poursuivre davantage avec le chef de l'Opposition. Il y aura probablement des interpellations qui devraient être faites, normalement, dans les prochaines semaines, li n'y en a pas eu encore à cette session-ci. Je suppose qu'il y aura une interpellation. Alors, on pourra poursuivre le dialogue ensemble.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.

Situation des jeunes au Québec

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. À mon tour, je vais parler d'un constat qui n'est pas très agréable. Il s'agit de la situation des jeunes au Québec. Quand on parle des jeunes, on parle de l'espoir de demain, mais ça demande enfin qu'on leur donne quelques espoirs parce que ce n'est pas le cas présentement. Je me rappelle, l'an passé, à l'étude des crédits aussi, je donnais un portrait de la situation vécue par la jeunesse, au printemps de 1991. Je vais être obligé de faire un nouveau constat, cette année, qui est pire que l'an passé par rapport à la situation de notre jeunesse, comme je le disais tantôt, qui est l'espoir, qui est l'avenir et qui, malheureusement, vit plus de désespoir que d'espoir au moment où on se parle.

La situation des jeunes, vous le savez, M. le premier ministre, est lamentable et elle ne va pas en s'améliorant. Je vais prendre quelques chiffres, pas pour exagérer les choses, mais, si on veut prendre des mesures, il faut d'abord reconnaître la réalité et, cette réalité, elle nous est mise dans la face à chaque jour. Quand ce n'est pas par les médias, c'est par des études qui ont été faites par des groupes qui sont mandatés et qui ont la compétence pour le faire.

Le chômage est à 19 % et quelques, presque 20 %, chez les jeunes à la recherche d'emploi. Je dois vous dire, c'est inquiétant pour ces jeunes-là qui se sont formés et, dans bien des cas, qui sont prêts. Vous allez me dire: C'était un petit peu plus l'an passé, à ce moment-ci. Je vais vous dire peut-être, sauf que, si on regarde les chiffres, par contre, concernant l'aide sociale, on s'aperçoit qu'il y a une augmentation de 16,2 % des jeunes de moins de 30 ans à l'aide sociale, c'est-à-dire quelque chose comme 21 000 jeunes de plus. Donc, après l'assurance-chômage, c'est l'aide sociale. C'est vraiment la danse infernale d'un programme à un autre. Donc, 20 % ou presque de chômage.

Les assistés sociaux, il y en a 130 000 sur l'aide sociale, des jeunes de moins de 30 ans, 29 ans et moins. Il faut le dire, c'est une catastrophe. Je ne comprends pas qu'on ne s'en préoccupe pas plus que ça, qu'on ne semble même pas intéressé. Ça ne revient pas dans le discours, ça ne revient pas dans les mesures, en tout cas, et, depuis un an, décembre 1990 à décembre 1991, l'augmentation des moins de 30 ans sur l'aide sociale, ça représente 40,6 % de l'augmentation totale des gens sur l'aide sociale: 4 sur 10 de ceux qui sont entrés sur l'aide sociale en l'espace d'une année, c'est des 29 ans et moins. Quelle sorte d'avenir on va donner à ces gens-là? on dit que 36 % des jeunes décrochent du secondaire? je vais vous dire, quand je vois, moi, l'actualité - et là, je ne parle pas d'un exemplaire de l'actualité très vieux - de mars 1992: les ratés de l'école... le québec a le record de l'abandon scolaire en occident. pourquoi? là, je cite des gens. c'est une réalité. c'est ce qu'on a à voir et à lire, mais ça reflète ce que les jeunes vivent. là, on parle de 36 % qui ne font pas leur secondaire, qui ne finissent pas, qui n'ont pas leur diplôme du secondaire. c'est quoi, l'avenir pour ces gens-là, quand on sait que, pour entrer dans les usines, c'est la clef? sans la clef, on n'ouvre même pas la porte. 40 % abandonnent les études maintenant au niveau collégial. donc, encore une fois, de ceux qu'on réussit à amener un petit peu plus haut, c'est encore 40 % qui ne se rendent pas jusqu'au papier qui est nécessaire pour la reconnaissance des études que ces jeunes-là vont avoir faites.

Il y a 12 000 jeunes, au moment où on se parle, qui sont pris en charge par la DPJ, la Direction de la protection de la jeunesse. On sait, selon les dernières études qui ont été confirmées par, entre autres, le rapport Bouchard et d'autres rapports, qu'il y a 80 % à 90 % des jeunes qui consomment de l'alcool dans les

écoles, au niveau du secondaire, et 20 % au niveau du secondaire consomment de la drogue. Donc, il y a vraiment une situation là dont on n'a pas à se vanter, au contraire. À Montréal, il y a 8000 jeunes de moins de 30 ans qui sont des sans-abri. Ça aussi, ce sont des chiffres qui sont connus et reconnus, et même confirmés par les ministères.

Tout dernièrement, le 10 mai 1992 - donc, c'est dimanche dernier - «Québec, médaillé d'or dans l'indiscipline du suicide». On a un record mondial du suicide chez les jeunes dans une société qu'on dit avant-gardiste, qu'on dit riche, une société nord-américaine, une société à qui on veut vendre tous les espoirs. Les records qu'on a, c'est l'abandon scolaire, c'est le suicide chez les jeunes. Ça aussi, malheureusement, c'est une réalité et on n'a pas le droit de se le cacher. On doit plutôt essayer ensemble, collectivement, de trouver des solutions.

L'endettement de ces mêmes jeunes, pas ceux qui décrochent maintenant, mais l'endettement de ceux qui continuent. On sait l'inversion qui s'est produite depuis 1985 alors qu'il y avait plus de bourses, moins de prêts, à ceux qui veulent poursuivre leurs études. On a inversé totalement. C'est devenu beaucoup plus de prêts et beaucoup moins de bourses. Donc, ça veut dire que les jeunes qui doivent continuer doivent assumer quelque chose comme 20 000 000 $ à 30 000 000 $ d'endettement de plus par année, quand on les prend globalement, collectivement. Ça, c'est chez nos jeunes qui se préparent un avenir. Donc, on a inversé prêts et bourses, ce qui veut dire une économie pour le gouvernement, mais pas pour les citoyens qui sont aux études.

Les frais de scolarité. Vous avez vu les frais de scolarité. Ça a été haussé de 350 $ en 1990-1991 et en 1991-1992. Ça veut dire 130 % d'augmentation sur 2 ans. Et, très subtilement, dernièrement, on a enlevé le plafond d'augmentation dans les universités. On a vu dans les journaux dernièrement, à l'Université de Montréal, je crois, entre autres, et à d'autres, une augmentation encore des frais de scolarité de 25 % pour l'année 1992. À ces jeunes qu'on encourage à poursuivre, on dit en même temps: Surveille bien la surprise, en bout de ligne; quand tu vas sortir de l'école, tu vas peut-être avoir des papiers, mais tu vas avoir une dette aussi à rembourser qui va être énorme. On ne cesse d'augmenter les charges qu'on leur impose, à ces gens qui n'ont pas encore commencé à retirer des gains de travail, donc sans gains de travail, sans salaire, sans emploi stable, avec peu même d'espoir, dans certaines disciplines, d'avoir un emploi. S'il y a une chose qui est certaine, c'est que, avec le diplôme, il y aura une dette énorme rattachée à ce papier.

La situation est bien connue. Je le dis maintenant parce qu'on a une occasion par année de s'asseoir ensemble, de regarder la situation et d'essayer - et je l'espère - de trouver des solutions, puis de leur donner un peu d'espoir. La situation, elle est là, elle est claire et elle a été confirmée, en cours d'année, par plusieurs rapports qui avaient été commandés. Dans bien des cas même, on a eu des surprises qui étaient, je dois dire, bien plus négatives que positives, c'est-à-dire plus inquiétantes encore.

Mais ce n'est pas seulement de cette année. Oui, il y a eu le rapport Bouchard, cette année, qui, à mon avis, est une merveille et qui mérite qu'on en fasse un document gouvernemental de travail en essayant de suivre et d'appliquer les recommandations qu'on y trouve, si on veut que notre jeunesse actuelle ait de l'espoir, se trouve des voies d'avenir, mais ça implique et ça oblige à des décisions, à des recommandations. Il y en avait eu d'autres avant. Il y avait eu le document qui a été déposé en 1989 par le Conseil permanent de la jeunesse «Les couleurs de la jeunesse... noir sur blanc». Je l'avais dit, l'an passé: Là-dedans, avec les couleurs noir et blanc, c'est très significatif, ce qu'ont voulu nous passer les jeunes. C'est qu'ils voient la vie en noir et blanc avec tout ce que je viens de décrire, puis avec l'inquiétude, l'insécurité, la confusion dans laquelle la société québécoise se retrouve. Ils demandaient qu'on leur donne des objectifs, des orientations, des programmes et de l'aide. (19 heures)

Donc, ça fait - 1989 à 1992 - bientôt trois ans. Il y en avait, des recommandations extraordinaires, là-dedans. Malheureusement, on ne les a pas suivies, on ne les a pas écoutées, on n'a pas, finalement, répondu aux principales préoccupations qui étaient là-dedans, qui étaient le constat de la situation, mais qui étaient, en même temps, une direction qu'on voulait donner. On n'a pas suivi ça. Donc, mon inquiétude par rapport au rapport Bouchard, c'est qu'il suive la même voie que le rapport qui avait été déposé par le Conseil permanent de la jeunesse.

Je veux, à ce moment-ci, rendre hommage au Conseil permanent de la jeunesse. Je le sais comment ils travaillent bien. On a juste à regarder leur implication dans tous les dossiers qui concernent la société et, dans presque tous les domaines, ils sont intervenus. On les a vus en commission parlementaire, autant quand il s'agissait de la culture, de la commission Bélan-ger-Campeau, de la formation professionnelle, de l'éducation en général. Ils ont toujours émis des avis, des recommandations, des rapports très complets, entre autres, sur la formation professionnelle, sur l'éducation, mais, malheureusement, ces rapports-là n'ont pas eu le suivi qu'on pouvait espérer. Je comprends que, dans bien des cas, y compris dans celui-ci, il y avait beaucoup de prises de position qui étaient des dénonciations par rapport à des mesures gouvernementales qui avaient été prises. Mais, malgré ça, c'était toujours, à mon avis, justifié, bien étoffé, après

consultation et après analyse.

Donc, le Conseil fait un boulot extraordinaire. Ils consultent, ils sortent beaucoup, on les voit dans toutes les conférences et à toutes les commissions parlementaires, mais, malheureusement, ce n'est pas à eux autres qu'il faut faire des reproches, ce n'est pas à leur niveau que ça bloque. C'est lorsque c'est rendu plus haut, là où on voudrait que ce soit reçu, que ce soit bien accueilli et qu'il y ait un suivi qui soit donné. Je ne suis pas en mesure, avec tout ce qu'on a vu, tout ce qu'on voit encore, les annonces qui ont été faites, le manque, finalement, d'orientations, même on doit le dire, dans le dernier discours inaugural et dans les crédits qui ont été déposés... On pourrait en parler tantôt.

Je ne vous parlerai pas beaucoup des crédits qui sont déposés par rapport au budget du conseil permanent ou du Secrétariat à la jeunesse, parce que, quand on joue de quelques centaines de milliers de dollars en plus ou moins, qui est pour la consultation et le fonctionnement... Je suis convaincu de ça, autant pour M. Bouchard et son équipe que pour le président et son équipe du Conseil permanent de la jeunesse, ce qui les intéresse, ce n'est pas qu'on discute des budgets par rapport à leur fonctionnement, c'est ce qu'on fait par rapport à ce qu'ils demandent, par rapport aux suggestions qui nous amènent les demandes, les espoirs des jeunes au Québec. C'est ça que les gens veulent. Donc, je préfère qu'on discute de la situation des jeunes, de ce qu'on va faire par rapport aux recommandations et de ce qu'on a de concret à proposer aux jeunes.

Ça m'amène, d'une façon simple et claire, à demander: Qu'est-ce qu'on peut attendre de concret, dans l'année qui va venir, pour que, l'an prochain, s'il n'y a pas eu de mouvement politique d'ici là, on n'ait pas un tableau aussi noir et qu'on puisse dire: Ça s'est au moins amélioré, c'est dans la bonne direction, et non pas que je doive commencer en vous disant que j'ai encore un constat désagréable, une situation qui ne s'est pas améliorée, au contraire, et que l'espoir, on le cherche encore?

Est-ce qu'on peut s'attendre, cette année, qu'il y ait une préoccupation jeunesse au gouvernement? Comment ça pourrait se traduire pour que les jeunes, suite à notre rencontre, puissent se dire: Bien, on peut au moins s'accrocher à quelque chose, puis il y a de l'espoir? Ou est-ce qu'on va me dire: Bien, on a pris une foule de mesures. Il y a un paquet de programmes, puis je suis sûr que ça va aider les jeunes. Si ce sont les mêmes programmes, avec le peu d'augmentation, ce que j'ai vu par rapport aux autres ministres avec qui j'ai eu la chance d'échanger, je vais vous dire, le constat des programmes mis en place actuellement, s'il n'y en a pas d'autres, c'est le constat que ça ne fonctionne pas, que ce n'est pas suffisant. La preuve, ce sont les résultats, qu'on est en train de regarder, des programmes en place et je n'en ai pas vu de nouveaux. est-ce qu'on a quelque chose à offrir aux jeunes pour l'année à venir, m. le premier ministre?

M. Bourassa: Bon!

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, vive la concision. Je dirais au député que, d'abord, s'il y a un point sur lequel je veux exprimer mon approbation, c'est sur la qualité du Conseil permanent de la jeunesse. Je suis d'accord avec lui. Je les ai rencontrés il y a quelques semaines - ce n'était pas la première fois non plus - très récemment, il y a un mois et demi, et j'ai été très, très impressionné par la qualité des membres du conseil d'administration et des discussions qui avaient été abordées, de même que par les sujets et les éléments de solution.

Quand le député dit qu'on n'est pas intéressé à la question des jeunes, je suis obligé de lui rappeler tout ce qu'on a énoncé dans le discours inaugural, une quinzaine de mesures: la réussite éducative, la question des cégeps, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, le soutien accru aux jeunes parents, le plan d'action pour soutenir le développement social des jeunes, les suites du rapport Chambers pour les jeunes anglophones, etc.

Je ne veux pas prendre chacun des points, mais pour les prêts et bourses, en 1991-1992, on a injecté 78 000 000 $ supplémentaires aux 370 000 000 $ pour satisfaire les besoins du régime d'aide financière aux étudiants. Depuis trois ans, le nombre de boursiers a augmenté continuellement et la bourse moyenne est en hausse de 21,1 %. Ça, c'est plus que l'inflation, c'est une aide directe à la poursuite des études postsecondaires. Pour 1992-1993, c'est 8 % d'augmentation avec une inflation de 1,5 % en ce qui concerne les bourses consécutives aux prêts: en 1991, 234 000 000 $; en 1992, 252 000 000 $. Je prends un exemple parmi tous ceux qui ont été donnés par le député de Shefford et je lui dis qu'il fait erreur. Je le dis avec regret, mais sans surprise.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Moi aussi, c'est sans surprise que je reçois votre réponse, mais ce n'est pas avec beaucoup d'espoir. Je ne déferai pas tout ça, mais je vais aller sur une question. On pourra aller spécifiquement, si le temps nous le permet, dans certains secteurs dont il vient de parler.

Le 20 juin 1991, donc, il y a une année, on sortait des crédits. M. Perreault, qui est le président du Conseil permanent de la jeunesse, après avoir fait, lui aussi, en conférence de

presse, le constat de la situation des jeunes, l'an passé, concluait en disant: «L'absence de vision globale et à long terme contribue à la marginalisation des jeunes et renforce le cercle vicieux de la dépendance à l'égard de la famille et à l'égard de l'État». Ça l'amenait à faire une demande bien précise: Le Conseil souhaite donc que le gouvernement du Québec, par le biais de son ministre responsable de la Jeunesse, M. Robert Bourassa, annonce publiquement et dans les plus brefs délais son intention d'aller de l'avant dans cette nouvelle approche en faveur de la jeunesse. On se souvient que le Conseil permanent avait recommandé l'instauration d'une politique de la jeunesse, notamment dans son «rapport» aux audiences publiques sur la jeunesse déposé en février 1990. Donc, on l'a demandé en 1990. On l'a redemandé en 1991. On est en 1992.

Est-ce que, pour vous, une politique québécoise de la jeunesse, c'est quelque chose de pensable? Est-ce qu'on peut espérer un commencement de politique cette année là-dessus ou si une politique québécoise de la jeunesse, telle que demandée et recommandée par le Conseil permanent de la jeunesse, pour vous, ce n'est pas utile et il n'en est pas question?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: On a déjà posé des gestes par le ministère de la Santé et des Services sociaux. On a démontré une volonté d'aller de l'avant. Il y a eu une réaction rapide. Il y a des annonces qui ont été faites ou qui vont être faites. Alors, je ne pense pas qu'on puisse dire que le gouvernement n'a rien fait. J'ai donné quelques exemples tantôt, et on poursuit nos consultations. J'ai rencontré M. Perreault, comme je vous le disais, et on a soulevé toute la question du décrochage scolaire. Je crois que le ministre de l'Éducation a répondu, en Chambre, sur les budgets qui étaient affectés et sur la volonté du gouvernement pour régler cette question-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Shefford.

M. Bourassa: Je veux juste compléter, M. le Président, parce que le député ne semblait pas intéressé par les budgets, mais il y a eu des augmentations pour l'ensemble des programmes qui touchent la jeunesse: en 1990-1991, c'était 593 000 000 $; en 1991-1992, c'est 691 000 000 $. Donc, il y a eu une hausse de 16,4 %. Ce n'est quand même pas négligeable.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Paré: Ce n'est pas négligeable. Ce n'est certainement pas suffisant.

M. Bourassa: Ça, ça ne le sera jamais aux yeux du député.

M. Paré: Peut-être que ce ne le sera jamais, sauf que ça ne suit même pas, probablement, l'augmentation de la clientèle en besoin pour la jeunesse. Je vous ai donné des chiffres tantôt, et je ne les répéterai pas, par rapport à ceux qui sont en chômage, ceux qui sont sur l'aide sociale, ceux qui sont sans abri. Prenez-les tous et vous allez vous apercevoir que... Donnez-moi une augmentation de quelques dizaines de millions pour venir en aide à toute cette clientèle, cette mixité de cas problèmes, je ne suis pas capable de penser qu'on a réglé le problème avec ça. Je vous l'ai dit en commençant: C'est un portrait réel de la situation des jeunes que je vous ai donné au début, et vous me dites: Regardez tout ce qu'on a fait. (19 h 10)

Moi, je vous dis: Regardez tout ce que vous avez fait et regardez les résultats qu'on a au bout de ça. Il faut faire autre chose. Vous me dites que vous avez parlé au ministre de la Santé et des Services sociaux qui va prendre des mesures. Je le sais. J'ai discuté avec lui aussi en commission parlementaire sur les budgets de la santé et des services sociaux.

Il y a deux choses dans ça qui est le rapport le plus important et qui mérite qu'on s'y attarde. On exige deux choses là-dedans pour être capable de réaliser des activités qui vont avoir des résultats concrets sur l'amélioration du sort de nos jeunes. Entre autres, il faut qu'il y ait une politique parce qu'on demande des modifications à ce qui existe déjà dans des domaines, surtout celui de la protection de la jeunesse. Il y a, en plus, les crédits minimums qui doivent être injectés si on veut être capables de faire de la prévention. C'est d'abord de la prévention qu'il faut faire à partir de maintenant parce que ça nous coûte moins cher autant en éducation, en santé que dans les autres domaines. C'est de la prévention.

M. Bourassa: II faut régler... Je m'excuse d'interrompre le député.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: II dit qu'on ne fait rien. Il y a des problèmes réels. Il y a la prévention. Je pense aux maisons d'hébergement jeunesse. C'était 700 000 $ quand on a pris le pouvoir et là c'est 4 300 000 $. Il faut faire face à ça. Ce sont des besoins immédiats, ça.

M. Paré: Oui, ce sont des besoins immédiats.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Paré: Ce qu'on nous dit là-dedans, la

politique, j'étais en train de le dire, c'est un minimum de 25 000 000 $ pour cette année pour être capables de mettre un début pour répondre aux urgences, spécialement en prévention. Qu'est-ce que le ministre nous a annoncé? C'est que la politique, elle viendra probablement, on l'espère, avant la fin de 1992, donc, pas maintenant. On va mettre 9 000 000 $ au lieu de 25 000 000 $. Ça, ça entre dans les budgets qu'on va utiliser pour les organismes communautaires, pour des nouveaux organismes qu'on va mettre sur pied, pour aider, entre autres, les associations de parents pour être capables de venir en aide parce qu'on nourrit les enfants dans les écoles. Là, on dit qu'il faut les aider encore davantage. Quand, en même temps, on annonce 9 000 000 $, c'est mieux que rien. Effectivement, c'est un pas dans la bonne direction, je le reconnais, sauf qu'on vient nous dire, par exemple, que, pour les organismes communautaires, on va ajouter quelque chose comme à peu près 9 000 000 $, mais que l'autre collègue, qui est le ministre de l'Éducation, lui, il décide qu'il coupe 3 900 000 $ dans les OVEP, c'est du financement d'organismes communautaires, la même affaire. C'est ça qu'il ne faut pas oublier.

C'est pour ça qu'il va falloir qu'il y ait ce que demandent M. Bouchard et son équipe, un ministre responsable par rapport à la jeunesse. Ce que ça dit là-dedans, ce que vous semblez me dire et ce qu'a dit le ministre de la Santé, c'est comme si, lui, il prenait le dossier et il va le régler. En même temps, vous êtes le ministre responsable du dossier jeunesse. Probablement que, lui, ça va être l'enfance ou jusqu'à 18 ans et vous, de 18 à 30 ans. On est capables de vivre avec ça, mais au moins qu'il y ait une coordination, ce qu'il n'y a pas présentement.

Quand le ministre de la Santé et des Services sociaux annonce une augmentation de 8 000 000 $ à 9 000 000 $ sur les organismes communautaires et que le ministre de l'Education coupe 3 900 000 $ aux organismes communautaires, les mêmes, on n'a pas avancé beaucoup. Ça nous amène probablement en bas de l'indexation, alors qu'on sait que l'éducation, l'alphabétisation est un problème majeur au Québec et on s'en vient couper à ceux qui nous aident dans les organismes communautaires. Ça, c'est une inquiétude.

Il faut absolument qu'on retrouve et dès maintenant une préoccupation au niveau de la jeunesse. Il n'y en a pas au moment où on se parie et les ministères fonctionnent d'une façon individuelle. Pendant que de l'un on peut dire: Bravo, il a fait un pas dans la bonne direction, les autres vont exactement dans le sens inverse. Prenez le ministère de l'Éducation. Vous avez dit: Oui, oui, on a mis de l'argent de plus en éducation, mais en même temps on a coupé dans les OVEP et en même temps on a mis un plafond sur le nombre d'adultes inscrits. Quand on parle d'adultes, de retour à l'école des adultes, il y en a un très fort pourcentage et beaucoup de centaines et de milliers qui sont des jeunes de 18 à 30 ans. C'est ces jeunes-là qu'on est en train de bloquer encore une fois.

Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une conduite un peu harmonisée par rapport au sort qu'on veut réserver aux jeunes? On peut - je le sais, d'autres ministres l'ont utilisé - utiliser, par exemple, l'aide qu'on apporte à la famille. Mais, en même temps, on pose des gestes antifamiliaux qui sont même antinature. Là-dessus, c'était une des recommandations qu'on retrouvait là-dedans, une recommandation qui est revenue régulièrement, autant par le Protecteur du citoyen que par les autres organismes voués, finalement, au respect de l'individu dans la société: le partage du logement. Y a-t-il une mesure plus antifamiliale, plus antisociale, plus antihumaine? Essayez de me trouver un seul exemple dans le monde où le fait que deux personnes veulent s'aider, ou qu'une mère ou un père ou un couple veulent garder des enfants avec eux, leur amène automatiquement une pénalité parce qu'ils sont pauvres. Je ne sais pas si vous l'avez lu - vous auriez dû le lire si vous ne l'avez pas lu - le rapport qui a été amené par M. Moscovitch, de l'Université Carleton, qui dit: Québec crée sa propre pauvreté. Ça ne peut pas faire autrement que d'amener l'itinérance. Donc, le nombre d'itinérants augmente et il n'augmente pas pour rien, c'est par des mesures qu'on nous a amenées au niveau social.

Qui peut coordonner? Qui doit coordonner? Comment va-t-on faire? Est-ce qu'on peut s'attendre à une orientation un peu plus unifiée cette année par rapport aux programmes ou si on va encore permettre à un ministre d'annoncer des choses qui vont juste être le correctif par rapport à une clientèle qu'on a affectée par d'autres ministères?

M. Bourassa: M. le Président, j'ai eu l'occasion d'apporter plusieurs chiffres. Je ne veux pas prendre le temps du député, mais j'ai eu l'occasion, dans des exemples très concrets, d'apporter plusieurs chiffres pour dire que le député n'avait pas raison de faire des reproches au gouvernement sur l'intérêt qu'il portait à la question. Pour ce qui a trait à la coordination, qui est le dernier point soulevé, le Secrétariat à la jeunesse, son mandat, c'est de coordonner. Je crois qu'il fait un excellent travail et je suis constamment mis au courant. J'accepte la responsabilité de cette fonction-là, parce que je trouve qu'elle est fondamentale pour l'avenir du Québec. J'ai mon adjoint parlementaire, qui me donne à cet égard-là un appui exceptionnel. Mais qu'on ne dise pas qu'il n'y a pas de coordination quand il y a un organisme qui relève du Conseil exécutif à cette fin-là.

Sur les organismes, je demanderais à mon

adjoint parlementaire de vous dire quelques mots.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Je vais juste apporter un ajout à ce que le premier ministre disait sur les organisations jeunesse, M. le député de Shefford. Il y a eu, entre 1985-1986 et ce moment, une augmentation des subventions de l'ordre de 131 % et du nombre d'organismes de tout ordre de 58 %. Alors, les budgets sont maintenant de 35 700 000 $ pour 501 organismes. Alors, on touche à beaucoup de monde, et tout ça n'a pas commencé avec votre arrivée. Le gouvernement en place fait énormément de choses avec les organismes jeunesse.

Le Président (m. dauphin): merci. m. le député de shefford, en signalant aux membres de la commission que nous allons terminer dans 15 minutes au maximum. alors, il est 19 h 15.

M. Paré: O.K. Je veux bien comprendre que les budgets ont augmenté, c'est tout à fait normal. Qu'ils aient augmenté considérablement, les besoins le justifient.

M. Benoit: 131 %.

M. Paré: Oui. Bien, 131 %, ça fait déjà sept ans. Je ne recommencerai pas, mais, avec les résultats que j'ai énumérés au début, ne venez pas me dire que c'est assez, que c'est suffisant et que ça va bien dans le meilleur des mondes. Ça va mal, je suis obligé de vous le dire. Tout le monde le dit. Vous avez vu les manchettes que je vous ai données tantôt. Je pourrais vous sortir de la presse en masse. Les jeunes sont inquiets, les jeunes s'endettent, les jeunes s'appauvrissent. On dit qu'il y a 20 % des jeunes qui sont pauvres au Québec, et ça, c'est un document qui a été déposé dernièrement et qui n'a jamais été contesté. Les plus pauvres, c'est les jeunes ménages au Québec. Donc, ça, c'est la réalité.

Que vous veniez me dire qu'on a fait telle affaire, je vais vous répondre comme j'ai répondu tantôt: Vous avez fait telle affaire; on a tel résultat. Qu'est-ce qu'on est prêt à faire pour avoir de meilleurs résultats? Je ne les ai pas trouvés dans les crédits; je ne les ai pas trouvés dans les orientations. J'espère les trouver dans les budgets. Mais ma question, et je la ramène, elle était simple, c'est une demande qui est faite par les jeunes, une demande qui avait justifié une sortie de M. Perreault, puis avec justesse à part ça, qui avait dit: Ce que les jeunes veulent, c'est une politique québécoise de la jeunesse.

Une politique québécoise, je dois vous dire... Regardez tous les ministères où on a une préoccupation, puis on a une clientèle qu'on veut desservir efficacement; on trouve tout à fait normal d'avoir une politique. Les ministères, et plusieurs l'ont fait cette année, se trouvent comme justifiés, puis très heureux de dire: J'ai déposé ma politique. Le ministre de la Santé et des Services sociaux dit: Je vais déposer bientôt ma politique sur la santé et le bien-être. Bravo! Ça prend ça parce qu'une politique, c'est un cadre dans lequel tout le monde peut se retrouver avec des objectifs et des orientations, puis, finalement, on peut se retrouver un peu. (19 h 20)

Est-ce qu'on a l'intention de se donner une politique québécoise de la jeunesse ou si l'annonce que vous nous faites aujourd'hui d'une façon claire, c'est: On a déjà le Secrétariat qui fait la jonction entre les différents ministères et qui s'organise pour qu'il y ait un peu d'harmonisation, on n'a pas besoin d'aller plus loin? Est-ce qu'on a l'intention de se donner une politique québécoise de la jeunesse, qui était un engagement en 1985? C'était une préoccupation très importante. La situation est pire maintenant. Est-ce que c'est encore une préoccupation et est-ce que c'est une volonté de se donner une politique québécoise de la jeunesse?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: On n'a jamais dit, M. le Président, qu'on n'avait pas l'intention de... Mais il n'y a pas contradiction. On est arrivés avec des mesures concrètes, j'en ai donné plusieurs exemples. La préparation d'une politique québécoise de la jeunesse, je veux dire, les deux démarches ne sont pas contradictoires.

M. Benoit: Est-ce que je pourrais juste ajouter quelque chose...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Orford.

M. Benoit: ...M. le premier ministre? Vous semblez laisser sous-entendre aussi, M. le député de Shefford, que le livre «noir sur blanc», il n'y a que vous qui l'avez lu et qui vous en servez. J'ai des pages et des pages, ici, de ministères qui se sont inspirés, dans leur politique, de ce document qui est suivi très religieusement. Ça me fera plaisir de vous transmettre ce document où à peu près tous les ministères, dans les énoncés de politique, dans les projets de loi qu'ils ont avancés, se sont inspirés de recommandations précises et les ont mises en application. Je sais que vous revenez constamment en commission parlementaire en disant que «noir sur blanc» a été tablette. Ce n'est vraiment pas un fait de la vie, c'est tout le contraire, chaque ministère en a. C'est notre job, le premier ministre et moi, de nous assurer qu'il y a des suivis qui sont faits là-dessus et je peux vous assurer qu'on les fait.

M. Paré: Ce qu'on dénonçait là-dedans, entre autres, c'était la fameuse politique, la fameuse décision du partage du logement; elle est toujours là. C'est, entre autres, de ne pas augmenter les frais de scolarité. Ça a été fait, on a des inquiétudes, et je vais avoir une question là-dessus. On parlait de logement social, de coopératives d'habitation, et le ministre des Affaires municipales, responsable de l'Habitation, vient de déclarer, cette année, qu'on remet en cause et qu'il n'est pas question qu'on prenne la relève du fédéral, qui a abandonné les coopératives d'habitation, qui est une formule d'aide aux familles, pour permettre d'aider les familles. Effectivement, il y a des jeunes à l'intérieur de ça. Quand on regarde ça, et on pourrait prendre mesure après mesure, on demandait une politique de plein emploi là-dedans. Où est-ce qu'elle est, la politique de plein emploi? On n'en parle même pas. Il faut aussi regarder les choses telles qu'elles sont, la réalité de la vie.

Augmentation des frais de scolarité

Ça m'amène à une question un peu plus précise. On a parlé d'éducation tantôt et on a parlé de cégeps. Le premier ministre a donné un mandat au Conseil permanent de la jeunesse pour faire la lumière par rapport à sa vision sur les cégeps. Bon, bravo! Mais, là-dessus, il y a la Fédération étudiante des universités du Québec, qui a fait parvenir à l'ensemble de l'appareil gouvernemental - on en a eu, tous les députés ont dû en avoir, donc le premier ministre, le premier - en mars 1992 - c'est tout à fait récent - une série de recommandations, et ce que nous disent les jeunes, c'est: Eh bien, oui, on accepte, nous autres aussi, de faire notre part. On accepte qu'il y ait augmentation des frais de scolarité en fonction, par exemple, d'une indexation, tel qu'on s'était déjà entendu, telle que se l'étaient fait promettre les universités. Ils avaient accepté, les jeunes, de s'impliquer.

Donc, quand on parle d'études postsecondaires - je veux qu'on parle des universités et, ensuite, je veux qu'on parle des cégeps en espérant qu'on ait le temps - par rapport à la demande qui est faite ici par la FEUQ, il y a comme deux demandes qui sont importantes. On dit qu'on est prêts à faire notre part à condition que le gouvernement fasse sa part aussi dans le sous-financement des universités et qu'on ne fasse pas payer seulement les étudiants.

Dans ce cadre-là, ce qu'ils disent dans leurs recommandations, que je trouve très intéressantes - il y en a deux - c'est que, au lieu de toujours augmenter les prêts, de toujours augmenter les frais de scolarité, on étudie la possibilité qu'il y ait un impôt postuniversitaire. Là-dessus, qu'est-ce qu'on en pense? Est-ce qu'on l'étudié? Est-ce que, au moins, on a pris connaissance de la recommandation qui est faite et qu'on est en train de la regarder comme une possibilité par rapport aux jeunes? Ils ne disent pas qu'ils ne veulent pas faire leur part; ils disent qu'ils sont prêts à faire leur part à la condition, bien entendu, que l'État fasse sa part, et ils nous font des suggestions concrètes. La première, un impôt postuniversitaire et la seconde demande, l'adoption d'une loi qui encadrerait le processus de majoration des frais de scolarité.

Est-ce qu'on est prêts à regarder ça d'une façon attentive, correctement? Eux disent: Ce n'est pas normal - qu'on fasse notre part, oui -qu'on nous augmente sans savoir exactement... Comme cette année, on espérait - parce qu'on nous l'avait laissé entendre - si on acceptait l'augmentation, comme je vous disais tantôt, de 130 % sur 2 ans, que, par la suite, ça serait selon l'augmentation du coût de la vie. Là, on nous est arrivé cette année avec une augmentation qui n'est pas l'augmentation du coût de la vie. On ne veut pas augmenter la fonction publique parce qu'on dit: L'augmentation est seulement de 1 % et quelques, donc, c'est très bas. Mais, dans ce cas-ci, par exemple, on n'en tient pas compte. On dit: On accepte une augmentation de 25 % pour les jeunes dans les frais de scolarité. Ce qu'ils disent, c'est qu'il devrait y avoir une loi qui encadrerait le processus de majoration des frais de scolarité. Est-ce que vous avez pris connaissance des demandes qui sont faites par la FEUQ et est-ce que vous avez répondu ou avez-vous l'intention d'étudier sérieusement les recommandations qui sont faites par ces gens-là?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, juste trois points. Le député parle beaucoup, mais il va me laisser peut-être prendre quelques minutes. J'ai envoyé à M. Perreault, du Conseil permanent de la jeunesse, une lettre, il y a quelques semaines, au début d'avril, sur la question de la commission parlementaire, sur le mandat de la consultation générale sur l'avenir de l'enseignement collégial. Alors, est-ce qu'il a une copie de cette lettre où je fais part des points que je voudrais voir examiner par le Conseil permanent: la formation générale dispensée dans les cégeps, la persévérance aux études collégiales, le temps que doivent partager les étudiants entre les études et un travail rémunéré, les modalités des pratiques concernant l'évaluation des apprentissages, etc.? Donc, on a là une collaboration qui va se faire et qui va au coeur du système d'éducation pour les jeunes. Je pense bien que ça devrait donner des résultats favorables.

Pour ce qui a trait aux frais de scolarité, le député est sensible au fait qu'il n'y a pas eu d'impact significatif sur le niveau de la fréquentation universitaire. Je lui ai donné les chiffres

tantôt sur les prêts 3t les bourses, des augmentations très, très importantes. Tout ça dans une période de ralentissement économique et de coupures budgétaires. Ce sont des augmentations très, très substantielles. Même chose pour l'ensemble des programmes qui touchent la jeunesse: 100 000 000 $ d'augmentation de 1991 à 1992. Alors, je ne peux pas accepter ses reproches sur le manque de volonté du gouvernement d'aider !a jeunesse.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le député d'Orford, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Benoit: M. le député de Shefford, avec les frais universitaires les plus bas sur le continent... Alors, il y a eu des efforts de faits constamment par le gouvernement en place, je pense.

M. Paré: C'est facile de se comparer avec les autres, sauf qu'il faut regarder la totalité de la réalité vécue par les jeunes et par les gens. Dans certains cas, on est peut-être les plus bas, mais dans d'autres on est loin d'être les plus bas. Donc, par rapport à ce facteur-là, je dois vous dire qu'il faudrait regarder l'ensemble des charges et des responsabilités financières de chacun globalement. On n'est pas les plus riches. Ma question était claire et je la repose. Par rapport aux études...

Le Président (M. Dauphin): Dernière question, M. le député de Shefford.

M. Paré: Ah, bien, si c'est la dernière, je vais plutôt aller à une autre.

Le Président (M. Dauphin): D'accord.

M. Paré: Sachant l'importance maintenant des frais de scolarité... Même le Conseil permanent de la jeunesse allait jusqu'à dire dernièrement, par rapport à la demande que vous avez faite: On va parler de gratuité et d'aide financière, a-t-il précisé, on va voir ce qui empêche l'élève de se consacrer entièrement à sa tâche d'étudiant. Il y a ça aussi qu'il faut regarder quand on veut inciter les gens à poursuivre leurs études et à consacrer du temps à l'étude. Est-ce que vous pouvez prendre l'engagement pour rassurer les jeunes qu'il n'y a pas de danger par rapport aux frais de scolarité dans les cégeps?

M. Bourassa: Dans les crédits pour les dépenses, je veux dire, au Conseil des ministres, il n'y a pas eu de représentations qui ont été faites par la ministre responsable à cet égard-là. Je veux dire, au moment où je vous parle, la ministre n'a pas fait des représentations à cet égard-là.

M. Paré: Moi, ce que j'aimerais, c'est que vous, comme premier ministre, comme ministre responsable du dossier de la jeunesse, étant donné les problèmes qu'on vit... On sait qu'au niveau économique un des graves problèmes, c'est la formation professionnelle. Tout le monde sans exception reconnaît ça. Donc, ce qu'on veut, c'est former nos jeunes. Ça leur coûte déjà assez cher, vous le savez, j'en ai parlé au début, de l'endettement Est-ce que vous êtes prêt, comme premier ministre, à prendre l'engagement qu'il n'est pas question qu'on impose d3' frais de scolarité dans les cégeps? On est sn train da revoir ies cégeps. C'est une inquiétude qui est manifestée. Les jeunes n'en parlent pas pour rien. Ça se parle et c'est comme une. possibilité. J'aimerais ça que vous veniez comme mettre un peu de soleil dans le ciel en disant: Enlevez ce nuage-là, il n'en est pas question. Moi, comme premier ministre, j'y suis opposé et je n'accepterai pas ça. (19 h 30)

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Non, mais je ne comprends pas le député, là. Il a fait l'éloge du Conseil permanent de la jeunesse avec lequel je suis totalement d'accord. J'ai demandé au Conseil permanent de la jeunesse d'examiner différents points de vue, dont celui de la persévérance que doivent partager les étudiants entre l'étude et un travail rémunéré, etc. Alors, c'est normal que j'attende le point de vue du Conseil permanent de la jeunesse, entre autres. Il veut avoir des engagements urbi et orbi, alors qu'il y a des organismes qui examinent la situation, qu'il y a une commission parlementaire et qu'il y a le Conseil permanent de la jeunesse.

M. Paré: C'est deux choses de parler de ce qu'on veut comme institution dans les cégeps et des frais de scolarité dans les cégeps. Ce n'est pas la même chose. Donc, leur demander de nous dire quel genre d'institutions ils veulent, après 25 ans, nos cégeps soient, c'est une chose, mais que, nous, on décide d'aller chercher davantage d'argent en imposant des frais de scolarité, c'est une autre chose. On peut attendre l'étude par rapport à ce qu'on veut se donner comme régime pédagogique, comme horaire, comme avenues, comme développement technologique, mariage avec les cégeps et le milieu, c'est une chose, mais les frais de scolarité, c'est l'autre chose. C'est sur la deuxième que j'aurais aimé ça avoir une assurance de votre part, mais je ne l'ai pas.

M. Bourassa: Non, mais je veux dire...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Vous êtes le seul député qui a

soulevé cette question-là. Je pense qu'on a déjà répondu à cela. Je ne vois pas pourquoi le député dramatise ce problème-là.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous me permettez, mesdames, messieurs, malheureusement, tout le temps qui nous était imparti est expiré.

M. Bourassa: Ah! C'est malheureux, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Alors, j'aimerais remercier le premier ministre ainsi que ses collaborateurs et collaboratrices pour cet exercice démocratique que constitue l'étude des crédits de son ministère.

Avant de nous quitter, j'aimerais que nous adoptions les programmes 1 et 2 du ministère du Conseil exécutif. Est-ce que ces deux programmes sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1992-1993 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Alors, mesdames, messieurs, bonne fin de soirée. La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 33)

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