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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 13 mars 2024 - Vol. 47 N° 55

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l’administration de la justice plus performante


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures dix minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi no 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l'administration de la justice beaucoup plus performante.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin-Roy (Anjou-Louis-Riel) est remplacée par Mme Lachance (Bellechasse) et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri-Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons par la suite les organismes suivants : l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, ainsi que le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, mieux connu sous le nom de CAVAC. Alors, M. le ministre, vous avez la parole pour vos remarques préliminaires pour six minutes. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver et de retrouver les membres de cette commission, ça faisait longtemps. On était dus, M. le Président. Alors, écoutez les Québécois doivent avoir un système de justice performant et accessible qui leur permette de tourner la page rapidement sur ce qu'ils vivent. Une personne victime qui a le courage de dénoncer et de porter plainte doit recevoir une décision dans les meilleurs délais. La situation des délais judiciaires s'est aggravée. Certaines causes ont dû être abandonnées, on l'a vu dans l'actualité, M. le Président, à notre corps défendant, il y a eu des arrêts des procédures. Les procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont dû déposer des... et ça, à chaque fois qu'il y a un arrêt ou qu'il y a... M. le Président, bien, il y a des victimes, derrière ça, il y a des personnes qui ont eu le courage de dénoncer. Et le système de justice doit donner confiance aux personnes victimes.

Et c'est pour ça que je suis heureux qu'on ait mis en place la Table Justice l'automne dernier, avec tous les partenaires du système de justice, avec le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, la Commission des services juridiques, la Cour d'appel du Québec, la Cour supérieure du Québec, la Cour du Québec, le Barreau du Québec, l'Association des avocats de la défense de Montréal, Laval, Longueuil, l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, la Chambre des notaires du Québec, le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Et le travail concerté de tous ces partenaires-là du système de justice a amené le dépôt du plan d'action de la Table Justice 2023-2024, que vous avez pu constater dans les médias, et le projet de loi qu'on va étudier au cours des prochains jours, le projet de loi no 54, vient justement donner suite aux mesures de la Table Justice, celle qui requiert des modifications législatives.

Et je suis heureux qu'on puisse l'étudier et débuter les consultations particulières, parce qu'en permettant le fait d'étudier rapidement et de déposer un projet de loi pour donner suite aux mesures de la Table Justice, bien, ça va avoir de l'influence sur le système de justice, sur la confiance des gens, sur la question des délais judiciaires. Parce que ce sur quoi il faut travailler, et ça fait suite notamment à de multiples péripéties, M. le Président, que vous avez pu constater au cours des dernières années, dans le système de justice... Pour le gouvernement du Québec, ça a toujours été un élément fondamental de limiter les délais judiciaires, parce que, lorsqu'il n'y a pas de dossier entendu, lorsque les dossiers tombent, il n'y a pas de justice, et ce n'est pas ce que l'on souhaite.

Alors, tous les partenaires du système de justice doivent mettre l'épaule à la roue, et c'est ce qui s'est produit cet automne, lorsqu'on a fédéré tous les partenaires pour arriver avec le plan d'action de la Table Justice...

M. Jolin-Barrette : ...et notamment avec le projet de loi que nous avons devant nous. Donc, il y a trois actions-phares émanant de la Table de justice, qui ont découlé de ça, notamment, l'octroi de nouveaux pouvoirs de juge... aux juges de paix magistrats afin qu'ils puissent... les comparaisons et les enquêtes sur mise en liberté, des tâches normalement réservées aux juges de la Cour du Québec. Cette mesure a le potentiel, M. le Président, de libérer 15 à 20 juges à temps plein à la Cour du Québec, s'ils sont assignés pour faire ces tâches. Donc, ça signifie, M. le Président, une bouffée d'air frais. Vous savez, on vient de rajouter 14 juges en matière criminelle et pénale dans la... de justice, plus 15 à 20.

Donc, voyez-vous, ça peut avoir véritablement un impact sur le système de justice. Et je vous rappellerais l'entente que j'ai signée avec l'ancienne juge en chef de la Cour du Québec, justement, pour faire en sorte, suite à la décision unilatérale de la Cour du Québec, de diminuer le nombre de jours siégés, de faire en sorte de se fixer, pour la première fois, des objectifs précis, ciblés, pardon, M. le Président, relativement aux délais que la moyenne des dossiers soit de 212 jours, qu'on ferme plus de dossiers annuellement qu'on en ouvre, pour, justement, limiter l'inventaire avec un taux de fermeture de 1,1, et également de faire en sorte que 87 % des dossiers soient traités à l'intérieur de 18 à 30 mois. Vous allez me dire : Bien là, il en manque 13 %, des demandes qui viennent de la défense et qui ne sont pas comptabilisées. Donc, avec ces cibles-là, lorsque les juges de la Cour du Québec les auront atteintes, on va être à flot, justement, en donnant davantage de ressources comme nous l'avons fait et en libérant un potentiel de 15 à 20 juges.

Alors, ça nous amène, justement, à des gains d'efficacité. Il faut repenser la façon dont on fait les choses. Il faut être lus efficace, plus efficient. Et, aujourd'hui, on a le résultat concret de mesures de la Table Justice qui va nous permettre de faire en sorte que, justement, on donne des outils aux partenaires du système de justice pour faire fonctionner le système de justice. On va permettre la possibilité aux juges de paix magistrats de tenir les comparutions, les enquêtes sur mise en liberté par visioconférence sept jours sur sept, M. le Président. Ça, on le fait déjà les fins de semaine, mais ça va permettre, notamment, quand je dis de mieux travailler, d'éviter que les procès qui ont cours soient suspendus pour faire comparaître ou pour les enquêtes sur mise en liberté en raison des délais plus serrés.

Donc, la façon de travailler va nous permettre justement d'améliorer le tout. On allège également le régime de preuve pour économiser du temps d'audience, éviter des déplacements à la cour aux témoins lorsque les règles étaient trop strictes. Et il y a certains dossiers qui vont aller vers les juges de paix fonctionnaires. L'important, c'est d'avoir le bon officier de justice au bon endroit et qu'il soit optimisé par rapport à ses compétences et à son expertise. C'est ce que nous faisons avec cet effet de cascade là, passant des juges de la Cour du Québec, aux juges de paix magistrats, aux juges de paix fonctionnaires.

On ajoute également sept postes de juge à la Cour supérieure afin d'améliorer l'accès de la justice en région, où la majorité des postes additionnels sont situés. Ça, c'est fondamental parce que, depuis 2016, la Loi sur les tribunaux judiciaires a été modifiée de... à 157 juges et le fédéral n'a jamais désigné les juges. Et c'est une demande conjointe de la part de la Cour supérieure du Québec et de la part du ministère de la Justice que le fédéral accorde des ressources judiciaires supplémentaires à la Cour supérieure. Je pense que c'est fondamental, notamment en matière familiale, notamment en matière civile, les délais sont longs pour les justiciables. Et donc, nous, on fait notre part, on finance l'administration de la justice, les greffiers, les bureaux.

Alors, je pense que c'est un signal qu'on envoie au gouvernement fédéral. Et, avec les multiples communications que j'ai eues avec le ministre fédéral de la Justice, je souhaite que le gouvernement fédéral soit conscient de toute l'importance pour accompagner le système de justice.

Autre élément important du projet de loi, l'optimisation de la procédure de confiscation des biens provenant d'activités illégales. Pour éviter la judiciarisation de nos nouveaux dossiers, on crée la confiscation administrative, justement, pour permettre que les biens issus des produits de la criminalité, bien, ne servent pas à enrichir les criminels. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de l'Acadie pour votre trois minutes, 36 secondes. M. le député, s'il vous plaît!

M. Morin : Merci, merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. le ministre, distingués collègues. Je salue également les fonctionnaires qui accompagnent M. le ministre dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

Dans mes remarques préliminaires, je vous dirai, oui, l'accessibilité à la justice, c'est fondamental. On veut que la justice soit efficace, que ça aille vite. Mais là on a un projet de loi, M. le Président, puis il y a, des fois, bien, quand on va trop vite comme parlementaire, on risque de faire des erreurs. Et je tiens à le souligner, parce que la vitesse à laquelle les différents groupes ont été convoqués, ça s'est fait tellement rapidement que nous n'avons pas reçu tous les mémoires. Il y a des groupes, ce qu'on me dit, qui n'ont même pas pu en produire. Puis le mémoire du Barreau du Québec, et je le salue, qui est quand même très étoffé, on l'a eu ce matin, quelques... en fait, à peine une heure, une heure et demie avant le début des audiences. Et je trouve ça malheureux, parce que, moi, comme législateur, comme parlementaire, j'ai un rôle à jouer. Mais, évidemment, quand on est bousculé puis qu'on arrive à la dernière minute, bien...

M. Morin : ...c'est toujours un peu plus compliqué puis ça diminue, ça diminue, je vous dirais la qualité des échanges qu'on peut avoir avec les différents groupes, et ça, je tenais à le noter.

Évidemment, on ne peut pas être contre la table Justice Québec, c'est un excellent forum. Mais c'est quand M. le ministre disait que tous les partenaires sont là, bien, je pense que M. le ministre en a oublié un, il y a le service des poursuites pénales du Canada, organisme que je connais un peu, qui n'est pas là. Évidemment, ils n'ont pas le volume du DPCP au Québec, je le reconnais, je le sais, mais c'est quand même... ils sont devant les tribunaux criminels au quotidien. Alors, quand on regarde les mesures qui pourraient être adoptées, consolider, renforcer le changement de culture, les différentes rencontres statutaires avec la défense et le DPCP, je pense qu'on gagnerait également d'avoir SBPC.

Ceci... ceci étant dit, c'est sûr qu'il y a des... il y a des éléments du projet de loi que je salue. Un des éléments par ailleurs de la table Justice Québec, c'est étendre les pouvoirs des juges de paix magistrats en matière criminelle. Ça, on va avoir le temps d'en discuter, mais je pense qu'on peut dire d'emblée que c'est une bonne... c'est une bonne mesure puis ça va permettre effectivement d'avoir les bons acteurs judiciaires au bon... au bon endroit pour rendre... pour rendre la justice.

Cependant, et j'ai peut être mal lu, mais je regardais dans le plan d'action et j'essayais de trouver toutes les discussions, les recommandations en lien avec les confiscations, et ça, je ne l'ai pas vu. Donc, c'est un ajout, semble-t-il. On va en parler avec les différents groupes qui vont venir témoigner devant la commission, mais c'est également un élément important, puis ça n'a pas fait partie du plan d'action.

L'autre élément qui est manquant dans le plan d'action, à moins que j'aie mal lu encore une fois, je n'ai absolument rien vu pour la justice avec les Premières Nations et des Inuits et la justice dans le Nord. Ça semble être complètement évacué, puis on sait... on sait, parce que M. le ministre lui-même a demandé à Me Travers ce du produire un rapport sur la justice dans le Nord. J'aurais espéré que, dans le plan d'action, on voie quelque chose là-dessus, mais ça n'y est pas.

Alors, ça complète mes remarques préliminaires. Très heureux d'être avec vous puis surtout très heureux d'entendre des groupes pour traiter de ce sujet important qui est l'accès à la justice. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Donc, je cède la parole maintenant au député de Saint-Henri--Sainte-Anne pour 1 min 12 s M. le député, s'il vous plaît.

• (11 h 20) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Content de vous revoir aussi. Bonjour collègues, bonjour à leur équipe également. Je vais être d'accord avec mon collègue, là encore, de courts délais, des désistements, des mémoires qui sont rentrés hier, qui sont rentrés ce matin également, des communications ou en fait pas de mémoire dans certains cas, parce que les délais sont trop courts. Je pense effectivement que ce n'est pas la première fois qu'on en parle ici, là, dans cette commission. Il y a quelque chose qui s'en vient. Non, non, ça fait... ça fait... Vous le savez très bien, M. le ministre. Il y a des mémoires qu'on a reçus ce matin, puis des mémoires qu'on a reçus hier. Ça fait que vous pouvez nier comme vous voulez nier, là, il y a des mémoires qu'on reçoit en ce moment, ça fait que je pense qu'on pourrait passer notre temps à débattre de choses qui sont actuellement débattables.

Évidemment, on accueille le p. l. positivement... Je pense que c'est moi qui ai le temps de parole, M. le ministre, hein, M. le Président? Exactement. On accueille le p. l. positivement dans ce qui est présenté comme accélérant la justice dans la mesure où c'est ça que ça fait. Évidemment, on voit que le p. l.dépasse les mesures du plan d'action. Mon collègue, on en a parlé. Évidemment, on va voir quelques questions, notamment sur la confiscation administrative, sur les rôles des juges magistrats, sur la question des renvois en Cour d'appel. Donc, il y a plusieurs points à éclaircir. On a beaucoup de travail, alors allons-y. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Vaudreuil, 1 min 12 s, la parole est à vous.

Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer les collègues et vous, M. le Président, je vais être très brève, je ne veux pas être redondante non plus. Comme le disaient... comme le disaient mes précédents collègues, évidemment, on ne peut pas être contre le principe du projet de loi et de ses objectifs. Oui, il y a certaines mesures qui dépassent peut être le plan d'action, et on aura... évidemment, j'aurai des questions, des commentaires pour jouer mon rôle, comme le rôle de l'opposition, de la deuxième opposition ,et de la députée indépendante afin de bonifier le projet de loi. Je pense que c'est notre rôle ici. Bien sûr, je suis heureuse d'entendre les groupes parce que ce sont eux les acteurs du milieu, ce sont eux qui peuvent nous donner la température de l'eau. Donc, ça nous fera plaisir de les accueillir et de leur poser les questions... les questions pour nous donner un coup de pouce afin de livrer un excellent projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, on va débuter les auditions. Alors, ça me fait plaisir d'accueillir officiellement, les représentants de l'association... et représentantes, pardon, de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Alors, merci d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Je vous cède la parole. Mais, s'il vous plaît, d'abord pour présenter qui vous êtes et qui vous accompagne, s'il vous plaît, merci.

M. Michaud (Guillaume) : Alors, merci, merci beaucoup de nous accueillir. Merci pour l'invitation, donc. Guillaume Michaud, président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Évidemment, je suis un procureur depuis 17 ans, mais président depuis sept ans. Je suis accompagné, à ma gauche...

M. Michaud (Guillaume) : ...gauche, de Me Karine Frenette, qui est... qui est membre du conseil d'administration de l'association et qui est la référence au DPCP en matière de confiscation, et, à ma droite, Me Olivier Charbonneau, qui est vice-président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et qui est spécialisé pour les crimes sexuels et abus contre les enfants.

Alors, je vous remercie, effectivement, de nous accueillir ici, là, pour pouvoir nous exprimer. On a accepté cette invitation puisque les absents ont toujours tort, mais je vous préviens, malgré toute notre volonté sincère d'être constructif et d'alimenter vos travaux à partir des recommandations pour bonifier le projet de loi n° 54, on n'est pas ici pour vous parler seulement de ce qu'il contient, mais surtout de ce qu'il ne contient pas.

Donc, avant toute chose, qu'est-ce que l'association? L'association représente uniquement... est la... la représentante unique des quelque 800 procureurs du Québec depuis 1990. On n'a pas le droit de se syndiquer, pas le droit de faire la grève, pas le droit de s'unir avec d'autres groupes. Alors, on est les seuls représentants et on est une association qui fait tout par nous-mêmes. Alors, qui sont les procureurs? Bon, vous le savez, j'y vais rapidement, là. Les procureurs sont des avocats spécialisés qui représentent l'État et ultimement l'intérêt public et non la victime devant les tribunaux. On applique plus de 100 lois canadiennes québécoises ainsi que leurs règlements. On joue un rôle important auprès des victimes, évidemment. Et, en résumé, le procureur travaille afin de veiller à... afin que tous puissent vivre dans une société juste et sécuritaire.

Alors, avant d'aborder le contenu du projet de loi, permettez-moi une observation sur la Table Justice-Québec, qui est à la base de ce projet de loi. Dans le plan d'action, je cite... je cite M. le ministre, là : «Ce plan s'inscrit dans la continuité des autres mesures que nous avons mises de l'avant... mises en place au cours des dernières années, en collaboration avec l'ensemble des partenaires du milieu.» À la page trois, il dit également : «...rassemble l'ensemble des partenaires du milieu judiciaire québécois». Et aujourd'hui je l'entends dire : Tous les partenaires du milieu étaient présents. Alors... Or, je trouve important de dire que nous n'avons pas été invités à cette table, ce qui nous envoie un drôle de message.

Je tiens à dire que nous sommes un acteur incontournable du système judiciaire. On représente l'entièreté des procureurs du Québec. On est un acteur incontournable au Québec, au Canada. On n'est pas la même entité que le DPCP. On ne pense pas nécessairement pareil et on a nos propres opinions. En fait, aujourd'hui, ce que je viens vous dire, je viens vous parler du terrain, je viens représenter l'ensemble des procureurs qui travaillent à tous les jours, à qui on donne bien des directives, des orientations, mais à qui on donne insuffisamment de moyens.

Alors, je vais commencer par reconnaître les avancées du projet de loi, là. Pour la justice criminelle, évidemment, je ne suis pas un spécialiste en droit civil, alors je veux m'attarder à la justice criminelle, pour nous, elles sont minces. J'en ai retenu deux. Tout le volet pénal, là, je vais y aller globalement, là, tout le volet pénal. Les amendements du projet de loi visent que quelques amendements techniques. Évidemment, ça va permettre l'administration de plus de preuves documentaires, permettre à l'absence du défendeur de procéder plus rapidement. Donc, oui, c'est une avancée. C'est un certain gain de temps maintenant parce qu'on va pouvoir assigner moins de témoins, débattre moins de l'admissibilité de la preuve de certains documents. Est-ce que c'est pratique? Oui. Est-ce que c'est une révolution? Non. Est-ce qu'on va se trouver une quantité incroyable de temps? La réponse, c'est non. On va sauver une infime quantité de temps. Oui, ça va être pratique pour les procureurs, oui, les procureurs sont contents, les procureurs qui travaillent au pénal, mais est-ce qu'ils se disent : On va sauver énormément de temps? La réponse, c'est non. L'ajout des juges de la Cour supérieure. Donc, je salue toujours l'ajout de ressources. C'est ce que ça prend et c'est ce que vous allez m'entendre dire aujourd'hui. Ça prend... La priorité, c'est d'ajouter des ressources. Alors, je salue cet ajout-là. Est-ce que je peux dire que c'est assez? Je ne le sais pas, ce n'est pas un groupe que je représente, mais quand même, je salue cet effort-là d'ajouter des juges.

Maintenant, il faut se dire, les avancées pour le droit criminel sont minces pour la réalité du terrain. Pourtant, le titre du projet de loi était chargé d'espoir pour nous, mais parfois, le titre ne suffit pas, il faut regarder dans le contenu. Je ne suis pas un expert du civil, comme je vous ai dit, mais, en criminel, ce n'est pas révolutionnaire. On parle, pour nous, d'économie de bouts de chandelle pour la récupération du temps. Il n'y a pas personne, il n'y a pas un procureur qui m'a appelé en me disant : C'est la bouffée d'air qu'on avait besoin. Au contraire, les procureurs, présentement, sont au bout du rouleau. On a l'impression qu'on les laisse tomber, qu'on laisse tomber les victimes envers qui on a des responsabilités. Alors, on est... on est donc ici. Je vous lance un cri du cœur, on vous lance un cri du cœur afin de tendre vers un véritable changement dans les faits, sur le terrain, là où les enjeux se jouent à tous les jours.

Je vous parle d'un aspect plus spécifique au niveau de la confiscation, ce qui est dans la loi. J'y vais rapidement parce que c'est des modifications à la confiscation civile, et on pourra revenir si vous avez des questions, mais...

M. Michaud (Guillaume) : ...encore une fois, on n'est pas des experts en droit civil. Ce que je peux vous dire présentement, c'est que le droit criminel pour la confiscation criminelle, on a préséance sur le civil. Alors, ce n'est que si on signe un formulaire de refus que le dossier ira en confiscation civile. Alors, il n'y a rien dans le projet de loi sur la confiscation criminelle. Alors, pour nous, ça va continuer comme ça continue présentement. Alors oui, en droit civil, ça semble être bien. On a en facilite la confiscation au civil, mais est-ce que ça va diminuer, enlever la charge du travail du procureur? Moi, je ne le vois pas. Il faudrait qu'on me l'explique parce que, présentement, je ne le vois pas, parce qu'on va continuer à avoir préséance. Et une fois qu'on fait le procès, bien, on va faire la confiscation qui va suivre.

Concernant le fait de donner plus de pouvoir aux juges de paix pour permettre aux juges de la juge du Québec de... la Cour du Québec de faire davantage de procès, moi, je me pose des questions. On va envoyer qui dans ces salles-là? Quel procureur? Quel personnel de cour? On a de la misère à arriver dans l'horaire actuellement avec notre charge de travail. Et là on dit on va libérer des juges. C'est bien... c'est bien beau tout ça, on va libérer des juges, on va ouvrir des nouvelles salles, mais il y a des salles qui ferment parfois parce qu'il manque de greffiers. Les procureurs, on ne peut pas se fendre en quatre, là. Si on a un dossier, on ne peut pas aller en faire un autre dans une autre salle. Donc, est-ce qu'on a pensé à ça, ajouter des nouveaux procureurs? Moi, je ne l'ai pas vu.

On déplace aussi le problème pour les juges. On ferme des salles présentement. On m'avise... Les procureurs au pénal m'avisent que, présentement, on ferme les salles en pénal parce qu'il manque des juges. Ce n'est pas avec les modifications que ça va régler ce problème-là. Et si on les envoie faire du droit criminel, bien, ça va être exacerbé encore une fois. Et ce n'est pas avec les modifications au pénal qu'on va sauver assez de temps. Donc, est-ce qu'il y a des juges qui vont être nommés? Je ne le sais pas également. Et il n'y a personne qui me confirme l'ajout de ressources. Même, j'ai regardé le budget hier, et en coupe de 9 millions par rapport aux dépenses de cette année, le budget du DPCP.

• (11 h 30) •

Alors ça, c'est alarmant pour nous. La pression sur les procureurs pour traiter les dossiers est énorme. On veut une justice qui obtient la bonne peine pour chacun des crimes, mais les procureurs, parfois, doivent régler pour une sentence moindre pour éviter les arrêts de procédure. Ça, c'est inacceptable. Il ne faut plus que ça arrive. Est-ce que c'est ça qu'on veut pour nos victimes? Est-ce que c'est ça qu'on veut pour notre système de justice? Je ne pense pas.

En plus d'influer sur les dossiers, la pression qu'on a, évidemment, a un impact majeur sur notre santé mentale. La charge de travail, présentement, est irréaliste. Je vous le dis, elle l'est, irréaliste. On nous ajoute constamment des responsabilités, des devoirs, des obligations. Et les effectifs, malheureusement, ne suivent pas. Le gouvernement peut s'en... s'enorgueillir à déposer des chiffres en disant que les effectifs ont considérablement augmenté. C'est vrai, mais ça ne suit pas les responsabilités. On a beau ajouter un procureur, mais si ça en prend deux, au bout du compte, il n'y en a pas suffisamment et on ne peut pas faire ce qu'on nous demande. On ne peut pas rencontrer les victimes aussi rapidement qu'on nous le demande. On ne peut pas autoriser les dossiers aussi rapidement qu'on nous le demande. Finalement, on a tellement d'autres tâches à faire que, quand vient le temps de préparer notre dossier, bien, on manque de temps puis on fait ce qu'on peut.

Alors, les recommandations. Je vois le temps filer. J'ai l'impression que... J'ai parcouru plusieurs fois dans le... le projet de loi avec mes collègues. On a l'impression qu'on tente d'améliorer quelque chose par une voie juridique avec le titre, là, les délais judiciaires, là. On ne dit pas qu'il y a juste du mauvais, mais on a l'impression qu'on va... on dit on va améliorer tout ça par le volet juridique, alors que la solution principale n'est pas là, là. Tout d'abord, il faut se concentrer sur l'ajout de ressources humaines et financières, et non seulement sur la loi. Il faut injecter davantage de ressources dans le système de justice pour engager des procureurs, des juges et du personnel de cour, du personnel judiciaire. Ça va avoir non seulement un effet faire diminuer les délais judiciaires, mais aussi les délais inhérents à l'étude des dossiers, parce que le dossier ne commence pas lorsque les délais commencent, là. Le dossier commence dans notre bureau quand on a une pile de dossiers à côté de nous autres puis qu'on n'est pas capables de les autoriser parce qu'il faut suivre les dossiers que les délais sont partis, parce que la préautorisation, là, des dossiers et les victimes, leur dossier commence lorsqu'ils déposent leur plainte et que le dossier arrive dans notre bureau. Et parfois on doit attendre pour l'autoriser parce qu'on sait que les délais vont commencer. Et là, bien, on n'a pas le temps de les traiter. Alors, pendant ce temps là, la victime, qu'est ce qu'elle fait? Bien, elle attend que son dossier se fasse autoriser.

On doit aussi avoir des locaux adéquats. Les procureurs travaillent, pour plusieurs, à deux dans leurs bureaux. Ça, c'est inacceptable. On n'est pas dans une entreprise technologique où on a besoin d'une communauté pour cogiter sur un projet. On gère des choses sérieuses, tristes, désolantes, puis on n'est pas capables de se concentrer parce qu'on doit partager nos locaux. Ça, c'est quelque chose qui nous dérange.

Deuxièmement, comme proposition, on doit accorder davantage d'autonomie financière au DPCP pour lui permettre d'obtenir les sommes nécessaires à sa mission. La justice ne doit pas dépendre de choix politiques. On veut un système de poursuite indépendant. Mais est-ce qui l'est vraiment quand on voit le budget? Parce que, nécessairement, quand on a un budget moindre, bien, on doit faire des choix. Et c'est ce qu'on a fait dans les dernières années. Le DPCP a une dépendance monétaire et il doit faire des choix. Et parfois on doit faire des choix pour les procureurs qui sont attitrés aux dossiers...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Michaud (Guillaume) : ...couper des formations, limiter le temps supplémentaire, limiter les dépenses de déplacement.

Alors, en conclusion, on vous a prévenus, on n'est pas ici pour vous parler seulement de ce que contient le projet de loi n° 54, mais surtout de ce qu'il ne contenait pas. Je sais, notre intervention est dure, on en est conscients, mais je... on ne s'excusera pas, parce que la justice et le service à donner aux victimes et tous les citoyens sont trop importants pour qu'on l'échappe actuellement. Parce que c'est qui qui va être les principales victimes si on l'échappe? Bien, ça va être les victimes. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Michaud. Donc, on débute la période d'échanges avec la partie gouvernementale pour un premier bloc de 16 minutes 30 secondes. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Michaud, Me Charbonneau, Me Frenette, merci de votre présence à l'Assemblée nationale pour venir participer aux consultations du projet de loi n° 54. Et donc, bien, je pense que c'est important de le dire, que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales font un travail qui est important dans notre société, un travail qui vise à réprimer les infractions criminelles, un travail qui n'est pas facile, parce que lorsque vous êtes procureur en poursuites criminelles et pénales, vous êtes confrontés à des décisions difficiles. D'ailleurs, je pense que mon collègue de l'Acadie va pouvoir en témoigner personnellement tout à l'heure, de la charge que ça amène de prendre des décisions, des dossiers qui sont des dossiers de fraude, de drogue, de stupéfiants, de violence physique, notamment d'agressions sexuelles. C'est des dossiers qui demandent beaucoup d'investissement personnel. C'est des dossiers qui demandent aussi d'agir... comme rempart contre la criminalité avec... avec les corps de police, avec les différents intervenants, avec les intervenants sociaux, judiciaires, les CAVAC, tout ça. Alors, c'est... les procureurs, ce sont eux qui sont à la fois dans les palais de justice, mais dans les bureaux également, pour des dossiers de plus longue haleine aussi, où est-ce que des fois ce n'est pas... ce n'est pas au quotidien que les dossiers se plaident, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas au palais de justice à tous les jours que ce n'est pas moins important. La criminalité se raffine. Vous avez des dossiers de gangs de rues, des choses pas faciles à voir, des meurtres. C'est... c'est... c'est un métier qui est difficile, puis je pense que la société reconnaît l'apport des procureurs en poursuites criminelles et pénales. Au cours des années, vous le savez, il y a eu un cheminement, puis, vous l'avez bien dit tantôt aussi, je pense, vous n'avez pas le droit de grève, vous n'êtes pas un syndicat, vous êtes une association. C'est l'équivalent, ça fait suite à la loi qui a été adoptée en 2011. On a donné un statut particulier aux poursuivants en matière criminelle et pénale. En contrepartie de ça, il y a des comités de rémunération pour les procureurs. D'ailleurs, ça a été déposé, les résultats de cela à l'Assemblée nationale, et la réponse, relativement au comité de rémunération, viendra prochainement par l'Assemblée nationale, ce sera déposé à l'Assemblée nationale.

Donc, essentiellement, vous nous dites : Bon, le projet de loi n° 54, c'est bien, mais ça nous prendrait davantage de ressources. Moi, je vous dirais que je serais un petit peu plus nuancé que vous, puis que c'est des avenues qui sont intéressantes, qui ont été développées par les membres de la Table justice. D'ailleurs, le directeur des poursuites criminelles et pénales était là. En termes de ressources, là, depuis les dernières années, là, on est passé, supposons, en 2018-2019, de 661 procureurs à 793 procureurs. Moi, je ne connais pas beaucoup d'organisation dans l'État québécois en termes de volumétrie et de ressources... a augmenté d'une façon si importante. Si vous retournez en 2010-2011, au moment de la grève, il y avait 450 procureurs, ça fait qu'on a presque doublé. Puis je vous le dis, là, je le sais que ce n'est pas un travail facile. Les procureurs en poursuites criminelles et pénales sont occupés. Il n'y a personne qui se tourne les pouces dans leur bureau. Sur l'ensemble de l'État québécois, je vous dirais, tout le monde souhaiterait avoir davantage de ressources. Vous faites votre travail aujourd'hui comme association représentative de vos membres, effectivement, de venir dire : Bien, écoutez, oui, ça nous prendrait davantage de ressources. On comprend ça. Dans un monde idéal, on pourrait donner des ressources illimitées, mais ce n'est pas le cas. Les ressources ne sont pas illimitées.

L'autre élément qui est important aussi, c'est qu'avec la Table justice, et ça, ça fait partie notamment de plusieurs facteurs, il faut réussir à changer certaines façons de faire, parce qu'au fil de l'histoire, prenez les 25, 30 dernières années, c'est récurrent dans le système de justice. C'est tout le temps... ça prend plus de ressources, ça prend plus de ressources. Puis là je ne vous blâme pas de faire la demande que vous faites. Je parle à la fois pour la magistrature, pour l'ensemble du système. Ce n'est plus... uniquement qu'une question de ressources. C'est une question d'organisation du travail, d'efficience, d'efficacité, puis c'est ça qu'on essaie d'apporter aussi. Puis je consultais des anciens ministres de la Justice, puis ils me disaient la même...

M. Jolin-Barrette : ...la même chose. Il y a 20 ans, c'était le même enjeu, il y a 10 ans, c'était le même enjeu. Il faut donner un électrochoc au système de justice, puis c'est ça qu'on est en train de faire à travers les différentes mesures, autant en matière civile, en matière criminelle, en matière de jeunesse aussi, on a annoncé, cette semaine, le lancement d'une table jeunesse pour s'attaquer aux délais judiciaires. Donc, on s'en va dans cette direction-là, mais on ne peut pas toujours refaire le même gâteau avec les mêmes ingrédients, il faut changer les façons de faire. Puis on est fortement mobilisé, justement, à réduire les délais judiciaires, à ce qu'il n'y ait pas d'arrêt de procédure, à ce qu'il n'y ait pas... que vous ne soyez pas forcés de présenter des... aussi, parce que j'imagine que, pour un procureur en poursuite criminelle et pénale, s'il se retrouve à faire le choix de dire : Bien, je n'ai pas le choix, parce que je n'ai pas de date de cour, de prioriser un autre dossier, sachant que mon délai arrive au bout du compte. Ce n'est pas optimal, puis je suis sûr que ça vous crève le cœur de faire ça aussi, puis ça crève le cœur de vos membres.

Alors, peut-être, au-delà des ressources supplémentaires que vous souhaitez, que vous revendiquez, là, quels autres aspects, dans le quotidien, pour l'efficacité du système de justice, pourraient être une avenue intéressante, là, pour vos membres?

M. Michaud (Guillaume) : Écoutez, je vais être redondant, mais, et je vais répondre à votre question, là, mais un procureur en violence conjugale a 300 dossiers. C'est ça qu'on veut... c'est ça qu'on veut du procureur puis on veut... aux victimes, bien, ce sera ça. Le procureur, présentement, en violence conjugale, a 300 dossiers. Mon collègue, à ma droite, est aux agressions sexuelles, abus d'enfant, avait 300 dossiers, ce qui correspond à peu près à 200, 250 victimes. Ça, 300 dossiers... par année, c'est en même temps. Donc, on a beau dire qu'on augmente les ressources, on a beau dire qu'on n'a jamais autant augmenté, mais le résultat de la chose, c'est qu'on augmente aussi les responsabilités. Donc, si on augmente les responsabilités....

• (11 h 40) •

Moi, quand je suis arrivé, j'ai fait la grève. Quand je suis arrivé à la grève, là... Ce n'est pas compliqué, on rentrait le matin. J'avais 40 personnes dans le corridor. Je ne les rencontrais pas ou à moitié parce que je n'avais pas le temps. J'allais à la cour. Je les faisais témoigner. Je faisais mon possible. Je finissais ma journée. J'avais fait... j'avais sept, huit procès sur le rôle, puis je faisais mon possible. C'est-tu souhaitable? Bien non, la réponse, c'est non. Est ce qu'on a amélioré ça? Oui, c'est sûr que ça s'est amélioré. Maintenant, on veut encore plus, et les victimes veulent plus, et avec raison, et les procureurs veulent en donner aux victimes.

Donc, je répète : Si on a 300 dossiers... 250 dossiers, 300 dossiers, est-ce qu'on a le temps de faire notre travail? La réponse, c'est non. Donc, la première solution, avant de s'attaquer à toute chose, moi, je vous le dis, ça prend des ressources. On a beau trouver n'importe quel moyen, virer en rond, ça va toujours revenir à ça, être efficace. Comment voulez-vous être efficace si vous avez trop de victimes à rencontrer dans votre journée? Si vous avez un horaire qu'à chaque...  à chaque heure, bien, vous avez une victime, puis après l'heure, bien, la victime, ce n'est pas fini, parce qu'elle pleure puis il faut la consoler. Puis on aimerait ça continuer avec elle, mais on est obligé de lui dire : Excuse-moi, c'est parce que j'ai une autre victime après toi. Bien, c'est ça qui se passe présentement.

Donc, nous, présentement, ce qu'il faut, ça nous prend de l'air. Si vous voulez... C'est parfait. Vous voulez ouvrir des nouvelles salles, vous voulez avoir... vous voulez des responsabilités accrues aux juges. C'est correct. Moi, ce qu'on vous dit, c'est que, si on ne fait pas quelque chose, bien, il n'y aura pas de procureur dans la salle. Et, s'il y a des procureurs dans la salle, parce que c'est ce qui va arriver, malheureusement, bien, les procureurs vont piler sur ce qu'ils ont à faire, ils vont encore couper, il faut tourner les coins ronds. Bien, le procureur va se brûler, puis on va avoir des procureurs qui sont... qui vont tomber en maladie.

M. Jolin-Barrette : Vous ne pensez pas qu'il y a une façon de mieux organiser le système de justice que comment ça fonctionne actuellement?

M. Michaud (Guillaume) : Bien, écoutez...

M. Jolin-Barrette : Honnêtement, là, objectivement, là, vous trouvez que, dans le système de justice criminelle et pénale, là, c'est vraiment efficace de la façon dont ça fonctionne dans les différents palais de justice. Supposons, prenons Montréal, là, vous trouvez que, si on rentrait quelqu'un, un spécialiste en optimisation du travail, en analyse, pour voir comment on fonctionne dans les palais de justice, il n'aurait rien à dire  sur comment ça fonctionne.

M. Michaud (Guillaume) : En fait, moi, ce que je vous dis, c'est que, je vais parler pour les procureurs, quand on rentre dans le bureau, bien, on a beau optimiser... Comment voulez-vous qu'on optimise si on a trop de dossiers? Alors, c'est la première question que je pose. Comment voulez-vous qu'on optimise tout ça? On en a trop de dossiers. Si, moi, j'ai une pile de dossiers en arrière de moi, puis je ne suis pas capable de l'autoriser, comment voulez-vous que je... Moi, optimiser mon dossier, j'ai un crayon, j'ai un dossier, il faut que j'aie le temps de le lire, il faut que j'aie le temps de l'autoriser. Il faut que j'aie le temps d'être en cour. Il faut que j'aie le temps de rencontrer ma victime. Comment on va l'optimiser, ça? À un moment donné, il y a un travail humain qui doit se faire, et je n'ai pas de perte de temps dans ma journée, là. Moi, une fois que... Je ne vais pas, à la cour, attendre qu'on me passe, là. Je continue dans mon bureau, j'autorise...

M. Michaud (Guillaume) : ...ici, on m'appelle à la cour. L'optimisation, ça passe par le fait qu'il y a une salle de cour nouvelle qui va être ouverte puis, oui, je vais pouvoir y aller parce que, moi, je vais avoir moins de dossiers, puis là il y a quelqu'un d'autre qui va autoriser mes dossiers. Ça, c'est optimiser, effectivement, puis on va pouvoir aller plus vite comme ça. Mais s'il n'y a pas de ressources en arrière, je ne pourrai pas y aller dans ma salle de cour. Est-ce qu'il y a des choses à améliorer au palais de justice de Montréal? Pour vous donner un exemple, moi, je ne suis pas au palais de justice de Montréal. Je ne sais pas si...

M. Charbonneau (Olivier) : Bien, c'est sûr que la façon que ça fonctionne, ça... il y a toujours place à amélioration. Mais, on revient à la base, quand moi, je reçois un dossier, par exemple, je veux parler de ça parce que c'est ce que je connais, d'agression sexuelle sur enfant, j'ai une panoplie de directives à respecter, puis c'est souhaitable. On veut donner le meilleur service pour ces victimes-là. Mais quand je reçois le dossier, il faut que je visionne les vidéos des interrogatoires des accusés, la déclaration des enfants. Ça prend quelques heures. Il faut que je prenne rendez-vous avec cet enfant-là, que je m'assoie avec lui ou elle puis que je le rencontre. Je veux dire, une rencontre avec un enfant, là, ça va prendre une heure, 1 h 15 min Il n'y a rien à optimiser là, là. Je ne couperai pas dans le service, là. Puis après ça, c'est le dépôt d'accusations.

Donc, oui, dans les salles de cour, certainement que, si un spécialiste venait, comme dans n'importe quelle entreprise, il y aurait des améliorations à faire. Mais je veux dire, dans le «core», en bon français, du travail, c'est très difficile à ce moment-ci si on a 300, 400 dossiers à gérer. Puis c'est plate, on revient toujours à ça, mais je regarde ma semaine, je regarde ma journée comme procureur, il n'y en a pas de temps mort.

Est-ce que j'ai des idées? Évidemment. Par exemple, avant d'être libéré à temps complet pour l'association, j'ai terminé certains dossiers de longue haleine. Donc, je me suis déplacé, encore en octobre dernier, au palais de justice de Montréal, puis le printemps dernier aussi l'année passée. Puis j'arrivais devant la salle de cour, ça ouvre à 9 h et demie. Pas de constable, pas de greffier. Le juge est là. Il ne peut pas ouvrir la salle. Donc, on attend. La victime est là. Il y a d'autres gens qui sont là. Donc, jusqu'à 11 h et demie. Puis là, à un moment donné, la salle ouvre. Mais il y a des dossiers qui n'ont pas pu être traités. Donc, c'est un problème que j'ai vécu, qu'on a tous vécu. Donc, oui, M. le ministre, il y a un spécialiste qui vient au palais de justice de Montréal, puis constate qu'il y a des salles de cour qui ne sont pas ouvertes certaines journées parce qu'il manque de personnel. Il va trouver une façon de dire qu'on pourrait optimiser.

M. Jolin-Barrette : Avant de céder la parole à ma collègue, juste pour dire... Au cours de la dernière année et demie, toutes les salles ont ouvert. Puis quand je disais de changer nos façons de faire, bien, il y a certaines situations où tout le monde il faut qu'il fasse preuve de flexibilité. Puis tout le monde est face au même marché du travail aussi. Alors, la justice, ce n'est pas immuable. Et le système de justice, ce n'est pas parce que ça se passait comme ça depuis les 40 dernières années que ça va continuer. Parce que si tout le monde n'y met pas du sien puis n'adapte pas ses façons de faire, bien, ça ne fonctionnera pas. C'est mon message essentiellement, mais je vais céder la parole à... à ma collègue.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Merci beaucoup. Merci de votre présence. Je suis très sensible à ce que vous dites au niveau de la charge d'une part de travail. Mais la charge émotionnelle, je comprends que vous n'êtes pas dans un secteur d'activité où on peut compresser le temps puis essayer d'aller plus vite, vraiment pas. Alors, j'aimerais ça revenir justement sur l'ajout des juges, tu sais, les juges qui ont été nommés. Là, on parle de 11 postes de juge à la Cour supérieure qui demeurent non pourvus. Pour l'instant, c'est dans la cour du fédéral. Alors, on espère bien la nomination assez... assez prochainement. Mais qu'est ce que ça pourrait changer pour vous? Ça, est-ce que ça aurait une incidence sur votre travail? Est-ce que ça vous permettrait d'avoir quelques allègements?

M. Michaud (Guillaume) : Moi, du moment qu'il y a plus de juges, il y a plus de procès qui procèdent rapidement. Parfait parce que, là, on n'aura pas... on ne se rendra pas au bout des délais. Mais moi, quand il y a un dossier qui rentre, il y en a aussi de finis, il y en a d'autres qui rentrent, là. Donc, nous, pour nous, c'est toujours... Là, je vais... Je vais... je vais répéter la même chose, c'est que même si on ajoute des juges, bien, ça prend un procureur qui est devant. Parce qu'une salle avec un juge tout seul, il ne peut pas rien faire. C'est plate, mais c'est ça. Et... Et, oui, on peut toujours améliorer les choses, mais le système de justice, il va toujours y avoir un accusé puis ça va toujours être son droit de ne pas plaider coupable. Et puis on ne pourra pas le forcer à faire ça, puis c'est correct comme ça. Donc, il va toujours avoir des façons de se parler, mais il va toujours avoir un certain nombre de dossiers qui va se régler, il va toujours avoir un nombre de... un certain nombre de dossiers qui va procéder. C'est sûr que si on n'est pas capable de procéder, bien là, on a un problème si on n'est pas capable de procéder dans le temps. Alors, il faut... il faut le régler, ce problème-là. Puis ça...

Mme Bourassa : ...que c'est impossible de procéder parce qu'il n'y a pas de juge, à quoi ça ressemble?

M. Michaud (Guillaume) : Bien, il y a des dossiers qui... En fait, même, je vais prendre l'exemple de Montréal. Un bon bout de temps, là, il y a des dossiers qu'on... Si on dépassait la première orientation sans fixer, bien, on brisait tout de suite le plafond. Alors, oui, c'est... Oui, c'est arrivé, on le sait, il y en a eu des arrêts de procédure, là. Puis je vous... je ne vous le cacherai pas, il va en avoir encore...

M. Michaud (Guillaume) : ...Et quand il n'y en a pas... Parce qu'on peut parler des chiffres que vous avez, des arrêts de procédure qu'il y a, mais vous n'avez pas tous les procès que les procureurs sauvent. Quand je dis sauver, c'est qu'à un moment donné, si moi j'ai un dossier de stupéfiants, par exemple, je vais dire un dossier sans... sans victime... On sait tous que la drogue, ça fait des victimes, mais un dossier sans victime, bien, peut-être que je n'aurai pas le choix, à un moment donné, de dire : Bien, moi, je vais... je vais baisser mon chiffre, même si c'est des criminels de haut niveau parce que soit que la personne par exemple m'offre deux ans, moi je pense que ça vaut cinq, il m'offre deux ans ou soit que j'essaie de me rendre jusqu'au bout, mais elle va n'avoir rien puis elle va sortir par la grande porte, parce que les délais vont être dépassés. Alors, c'est quoi le choix qu'on doit faire? Ça, c'est de la pression sur les procureurs. C'est-tu souhaitable? Non, ce n'est pas ça qu'on veut. Alors, si on... les délais, bien, le procureur, à ce moment-là, peut-être ne le réglera pas ce dossier-là, il va aller jusqu'au bout. Et là, la personne ne voudra pas plaider coupable, on va procéder et là on va pouvoir procéder devant un juge et pouvoir faire notre travail.

Mme Bourassa : Vous l'avez dit vous-même bon...

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Bourassa : O.K. Bon, je vais être très rapide. J'aimerais juste vous entendre sur... Vous avez dit : L'assignation de témoin, ça va changer. Ça, ça va faciliter quand même un petit peu votre façon de faire. De quelle manière?

M. Michaud (Guillaume) : Au niveau du pénal. Alors, au niveau du pénal, quand il y a des dossiers qui... qui sont... le... la personne, le défendeur n'est pas là. Alors, parfois on doit... on peut déposer le constat, mais si on a une preuve autre, bien, à ce moment-là, de ce que je comprends de la loi, c'est qu'on pourra déposer aussi... faire une preuve, je vais dire, par ouï-dire, de déposer les documents et le défendeur sera condamné par défaut, quand la personne n'est pas là, là. Alors, ça va sauver du... certain temps au procureur au lieu de faire sa preuve, alors qu'il n'y a même pas de défendeur l'autre côté, là. Ça, oui, c'est un irritant au niveau des poursuivants qui font du pénal.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle pour neuf minutes, 54 secondes, M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Me Michaud, Me Frenette, Me Charbonneau, merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci de prendre le temps parce que je comprends, entre autres, de votre témoignage, que du temps vous n'en avez pas beaucoup. Avec les délais qu'on a, puis que je mentionnais au début, c'est probablement pour ça que, malheureusement, vous n'avez pas pu produire de mémoire, mais votre témoignage est quand même très éloquent.

J'écoutais M. le ministre, puis, effectivement, votre travail est difficile. Je suis d'autant plus à même de le comprendre que je l'ai fait pendant des années puis je plaidais, entre autres, des dossiers d'agressions sexuelles sur des enfants, ça fait que je peux vous dire que charge émotive, là, j'ai une bonne idée de ce que vous vous ressentez. Puis après ça, bien, j'ai migré vers le fédéral où j'ai plaidé là aussi comme procureur de la Couronne pendant des années et des années, ça fait que je comprends très bien ce que vous vivez.

Et ce matin on a à regarder un projet de loi, puis j'aurais quelques questions pratico-pratiques pour vous, parce que, dans mon travail maintenant de parlementaire, bien, tu sais, on essaie de bonifier des projets de loi. Quand vous avez parlé de la preuve documentaire puis de l'assignation de moins de témoins, à un moment donné, vous avez dit : Mais on ne sauvera pas de temps. Puis pouvez-vous m'expliquer, en fait, en pratique, ce qui va arriver? Parce que c'est un des éléments importants du projet de loi, puis, si c'est une mesure qui ne donnera pas le résultat escompté, bien, j'aimerais savoir comment on peut peut-être bonifier éventuellement le projet de loi pour que ça soit plus utile pour l'ensemble de la population québécoise.

M. Michaud (Guillaume) : En fait, je ne veux pas vous corriger pour le... On a réussi à déposer un mémoire in extremis, là, de deux pages, là, juste avant de rentrer, là. Donc, je ne sais si vous...

M. Morin : Désolé, je... Tu sais, ça...

M. Michaud (Guillaume) : On l'a déposé à 10 h 45, 11 heures, alors c'est normal que vous ne l'ayez pas...

M. Morin : Bien, je vous remercie. Bien, ça explique davantage mes propos introductifs. Écoutez, je ne l'ai pas lu là. On n'a pas eu le temps. Désolé.

M. Michaud (Guillaume) : Donc, je m'en excuse également d'avoir... mais on l'a fini ce matin. Alors, maintenant, au niveau de votre question, là, ce que je veux dire, c'est que ça ne sauvera pas un nombre énorme de temps. Oui, c'est sûr que, si on arrive, on réussit à faire une preuve documentaire dans certains dossiers... Parce que ce n'est pas dans tous les dossiers, là. Quand le défendeur est là... Bon, de ce que je comprends de la loi, c'est que quand le défendeur ne sera pas là, bien... Normalement, on pouvait le faire déjà. On dépose le constat du... ça roule, là. Les défendeurs, bien, ils ne sont pas là, alors on dépose des constats, et les personnes sont condamnées une après l'autre, si les infractions sont... est remplie. Alors, dans certains cas, il pouvait arriver qu'on doive quand même faire témoigner un témoin pour certaines infractions. Donc ça, ça va permettre de déposer... de ce que je comprends, encore une fois, du projet de loi, ça va permettre de déposer ce témoignage-là. Mais moi, les procureurs qui sont sur le terrain me disent : Oui, c'est parfait, on va sauver du temps. Maintenant, est-ce qu'on va sauver du temps à la hauteur de... C'est une petite mesure qui est positive pour les procureurs, mais est-ce que c'est la manne? Est-ce qu'on va sauver énormément de temps pour libérer les juges et ensuite de ça les envoyer à la Cour du Québec? Ce qu'on me dit...

M. Michaud (Guillaume) : ...c'est qu'on a de la misère, parfois, à ouvrir des salles parce qu'il n'y a pas de juge. Alors là, on dit : Bien, on ne libérera pas... C'est minime, là, de ce que je comprends... Moi, je ne fais pas du droit pénal, je fais du droit criminel. J'ai parlé avec des experts du droit pénal dans les bureaux, et on me dit : Bien, c'est minime, c'est minime, mais c'est positif.

M. Morin : Je vous remercie. Autre élément, celui-là, plus en lien avec les dispositions qui vont traiter de la confiscation, confiscation administrative, donc pas uniquement civile, mais administrative. Vous avez dit : Écoutez, on ne devrait pas sauver beaucoup de temps, parce que, de toute façon, le criminel a la priorité, et vous devez signer, je pense, un document pour, éventuellement, diriger le dossier vers une confiscation civile. Est-ce que ça se pourrait qu'avec le régime proposé il y ait des dossiers qui aillent directement en confiscation administrative, que vous ne voyez pas, et donc que ça pourrait avoir un impact aussi, nécessairement, tous les dossiers de confiscation doivent passer d'abord par le DPCP, les procureurs?

M. Michaud (Guillaume) : Alors, j'ai la chance d'avoir la référence au DPCP avec moi, donc, évidemment, je vais la laisser répondre, comme elle pourra vous étayer davantage que moi.

M. Morin : Merci.

Mme Frenette (Karine) : Alors, bonjour. Alors, en matière de confiscation administrative, ce que je comprends du projet de loi, puis je ne suis pas une spécialiste de la loi civile sur la confiscation, mais que... c'est qu'une fois qu'on va envoyer l'avis, la personne peut contester avec, elle aussi, un avis. Puis ça fait en sorte que le procureur général civil va instruire sa procédure, là, comme s'il n'y avait pas eu de confiscation administrative.

Le problème que je vois à ça, c'est que, souvent, quand on demande la confiscation de produits et instruments d'activités illégales, bien, ça correspond aussi, au sens du Code criminel, aux biens fractionnels et aux produits de la criminalité. Puis, souvent, on va accuser quelqu'un pour avoir fait ce crime-là. Et, au niveau du criminel, ce qu'on fait, c'est qu'on fait le procès où la personne est déclarée coupable, et là admet certaines, certaines choses et, après ça, on va demander la confiscation. Ça fait que ça devient un accessoire, tu sais, à une instance qui est déjà en cours au criminel. Ça fait que ma crainte avec ça, ce serait de dupliquer les procédures judiciaires, de faire deux recours avec les mêmes faits dans deux instances différentes. Ça fait que la façon de faire actuellement, je trouve qu'elle fonctionne bien. Le dossier... Puis c'est souvent des blocages de résidence, des blocages de compte bancaire. C'est mon service, là, le service de la gestion des biens au DPCP qui va évaluer. On va procéder aux ordonnances de blocage. Si on voit que le procureur n'accuse pas, on va l'envoyer tout de suite en confiscation civile. Mai, s'il y a des accusations, on va privilégier la voie criminelle, justement, pour ne pas qu'il y ait deux juges saisis des mêmes instances, là, pense que c'est pour une bonne administration de la justice.

M. Morin : Oui, je vous comprends. D'ailleurs, dans le projet de loi, on ne parle pas spécifiquement de biens infractionnels, là. Est-ce que c'est...

Mme Frenette (Karine) : ...l'activité illégale, ça correspond aux biens fractionnels au niveau du Code criminel.

M. Morin : Sensiblement. Oui, c'est sensiblement la... la même chose.

Mme Frenette (Karine) : Tu sais, c'est... c'est la même chose...

M. Morin : Maintenant, c'est vrai que dans... Souvent, là, ce qu'on... ce qu'on vivait à la cour, parce que j'ai aussi plaidé des dossiers de produits de la criminalité, c'est qu'on a... il y a des... on a du substantif, puis là, après ça, on a des produits, puis évidemment, on fait la preuve des produits. C'est une preuve qui est faite hors de tout doute, puis après ça, bien, pour la...

Mme Frenette (Karine) : ...prépondérance des probabilités lorsque c'est attaché à l'infraction. C'est que c'est le même fardeau que la confiscation civile.

M. Morin : Vous avez raison. Sauf qu'il y a... Des fois, il y a des accusations de produits qui ne sont pas rattachés à du substantif.

Mme Frenette (Karine) : Exact. Ça peut être...

M. Morin : Donc là, il faut faire la preuve au complet.

Mme Frenette (Karine) : Mais la plupart du temps c'est...

M. Morin : Puis quand ça ne marche pas, bien, souvent, après ça, on envoyait ça au civil.

Mme Frenette (Karine) : Au civil, on le fait encore.

M. Morin : Parfait. Moi, ma question, c'est : Ça peut-tu aller directement au civil ou à l'administratif sans même que vous en soyez saisi ou si c'est forcément un renvoi que vous allez faire au civil après une enquête criminelle?

Mme Frenette (Karine) : Bien, en fait, là, maintenant, avec la nouvelle loi civile, le... il y a une demande d'information qui peut être faite. Ça fait que le procureur général va pouvoir aller voir combien l'individu déclare à Revenu Québec. Avant, ce n'était pas possible. Ça fait que, moi, les policiers m'appelaient : Karine, j'ai saisi 15 000 $, il y avait un peu de stupéfiants. Ça fait que, moi, je demandais tous les compléments aux policiers. Je regardais mon dossier puis je me disais : Je n'ai pas...

Mme Frenette (Karine) : ...assez. Puis le fardeau, tu sais... Puis je n'ai pas d'infraction, parce qu'on n'accusait pas dans ces cas-là, ça fait que ça va être plus facile d'obtenir la confiscation au civil. Ça fait que ces dossiers-là, on les envoie, mais on demandait quand même des compléments. Puis c'est mon bureau, en général, qui fait ça. On est... maintenant, on est six procureurs, là, mais c'est récent, avant, on était trois, là. Ça fait que c'est des dossiers de conseil, ça fait que ça va relativement vite. Puis je pense que ça va continuer pour que je puisse demander des compléments encore. Puis après ça, on va les... on les envoie. S'il n'y a pas d'accusation criminelle, normalement, on va privilégier la voie civile, là.

M. Morin : Et je comprends, dans le projet de loi, que, pour une confiscation administrative, ça peut aller quand même vite. Parce que c'est... d'après le projet de loi, c'est le procureur général qui introduit la procédure, il envoie l'avis, puis il y a même une présomption que l'avis de confiscation a été reçu cinq jours après sur la transmission.

Mme Frenette (Karine) : Exact.

M. Morin : Ça fait que là, comme ça, pour le défendeur...

Mme Frenette (Karine) : C'est ça. Sauf que, si on enverrait tout l'argent, exemple, que les policiers saisissent, on dit : Bon, on envoie tout ça en confiscation civile, bien, il y a des gens qui vont faire des avis, puis là ça va dédoubler les recours. Ça fait que si moi, je préconise la voix de dire est-ce qu'on accuse, si on accuse, on va voir le même fardeau. Parce qu'après ça, si on va au civil, on ne peut pas revenir au criminel. Ça fait que c'est dans cette optique-là.

M. Morin : Je vous... je vous remercie.

Mme Frenette (Karine) : Mais ça facilite vraiment, tu sais, de confisquer davantage, là, les biens provenant d'activités illégales ou de produits de la criminalité, là. C'est une loi qui a du mordant, là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Alors, M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour trois minutes, 18 secondes, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci à vous trois. Corrigez-moi, si je me trompe, mais j'ai entendu beaucoup de colère ce matin dans votre intervention. Si je comprends bien, ça ne va pas si bien, là. Ça ne va pas très bien chez vous, chez vos procureurs. J'aimerais ça vous entendre.

M. Michaud (Guillaume) : Je ne sais pas si je pourrais... si... je ne sais pas si c'est de la colère, peut-être plus du désespoir, du... Je sais qu'il y a une... il y a une grande... il y a une grande problématique au niveau de la santé mentale au niveau des procureurs, alors... Et je les présente, donc peut-être que je viens émotif parce que je fais... je fais partie d'eux, je les présente et je les vois. Je les vois, les procureurs, qui nous appellent en pleurant, les procureurs, qui sont désarmés devant... devant tout ce qu'ils ont à faire, là. Ils ne le montreront pas aux victimes, évidemment, mais il la charge émotive est immense, là...

• (12 heures) •

M. Cliche-Rivard : Puis là vous dites : J'ai reçu un appel, des appels, mais, je veux dire, c'est plus qu'anecdotique, là?

M. Michaud (Guillaume) : Oui, oui, oui.

M. Cliche-Rivard : C'est tout le monde?

M. Michaud (Guillaume) : Bien, c'est... je vous dirais... je vous dirais qu'on... les procureurs qui sont en détresse psychologique, malheureusement, qui se qualifient pour la détresse psychologique sont en nombre très, très, très important, malheureusement, très important.

M. Cliche-Rivard : Dans le message que vous êtes venus livrer ce matin, est-ce que vous avez perçu ou senti beaucoup d'écoute?

M. Michaud (Guillaume) : Bien, j'espère que M. le ministre nous écoute. J'espère qu'on nous écoute, là. Je... On hoche de la tête, là. Je suis ici, et le but de la chose, ce n'est pas... comme je vous dis, ce n'est pas d'être en colère, c'est de vous dire : ça existe, là. On a... on a beau faire l'ensemble des mesures, mais il y a des procureurs... moi, je représente le terrain, alors je vous dis que, sur le terrain, ça ne va pas si bien que ça.

Ça ne va pas si bien que ça, l'implantation du tribunal spécialisé. Il y a des écueils. C'est normal, vous allez me dire, il y a des écueils quand on fait quelque chose. Oui, mais quand on a des procureurs qui disent : moi, j'en peux plus, je veux plus y aller, sur cette équipe-là, parce qu'on manque de temps, on manque de ressources. Ça ne se garroche pas aux portes, là, pour aller sur cette équipe-là, là, je vous le dis, là, même si c'est quelque chose qui vient chercher les procureurs. Quand on fait ce travail-là, c'est pour aider les victimes, hein? Puis, les premières victimes, bien, c'est des crimes comme ça, là, c'est des crimes de violence conjugale, des crimes d'agression sexuelle. Vous ne savez pas ce que ça peut faire, d'aider ces gens-là. Mais, quand on n'est plus capables parce qu'on n'a pas de ressources, bien, on ne veut plus le faire, là. Donc, c'est ça qui arrive pour plusieurs procureurs, on les brûle. Puis on est en train de brûler, bien, nos procureurs, là. Donc, si on ne fait pas de quoi rapidement, bien, ça va... On a promis beaucoup de choses aux victimes, hein? Il faut livrer. Puis on est prêts à livrer, là, on veut livrer, mais il faut qu'on nous donne les ressources. Parce que, sinon, à un moment donné, on va vous dire : on n'est plus capables, on ne peut pas faire ce que vous nous demandez de faire.

M. Cliche-Rivard : En terminant, vous en avez glissé un mot tantôt, est-ce que, dans ce sens-là, le budget vous a rassuré?

M. Michaud (Guillaume) : Bien non, il ne m'a pas rassuré. C'est la première chose que j'ai faite, hier à 3 h et 10, et cinq, quand j'ai... quand j'étais sur le site... le site de l'Assemblée nationale. Alors, le budget de cette année était, je pense, de 221... 220, 221 millions. L'année... Le budget réel qui a été dépensé, autour de 228, 229 millions. L'année prochaine, on dit au DPCP : Bien, vous aurez 218, 219 millions. Alors, on est 9 millions de moins. Et on n'est pas... on n'est pas un endroit où on...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Michaud (Guillaume) : ...construit... on n'est pas... on ne fait pas des autoroutes, là. Où on peut couper, c'est dans quoi... on a, comme matériel. On a des crayons, on a des codes criminels, puis on a des ressources. Ça fait que le calcul est assez simple. Où on coupe, on coupe dans les ressources. Présentement, on s'est fait annoncer qu'on coupait dans nos formations. Il faut former les procureurs, il faut continuer de former. Alors, c'est ça, nous, présentement, on le sent directement, là. On nous demande... On nous dit : Bien, temps supplémentaire, essayez d'en faire moins. Oui, mais il faut que je sois prêt pour le lendemain, là. Donc, si je ne suis pas prêt, je fais quoi?

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Michaud, merci. Mme la députée de Vaudreuil, pour 3 min 18 s, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Bien, merci à vous trois d'être ici. Merci de nous partager... Tu sais, nous, on est des députés à l'Assemblée nationale, ça fait qu'on ne connaît pas nécessairement, justement, la charge de votre travail puis votre quotidien, finalement, donc merci de venir nous sensibiliser puis de le partager avec nous, du moins, de prendre le temps de le faire, c'est apprécié.

Me Frenette, vous avez parlé, là, juste avant... en répondant au collègue de l'Acadie, vous avez parlé que, tu sais, souvent, la voie civile va être privilégiée. Là, vous demandez un complément, vous regardez tout ça, puis, finalement, ça arrive que la voie civile est privilégiée, puis vous dites que les avis vont sûrement dédoubler. Avez-vous, tu sais... puis il va y en avoir...

Mme Frenette (Karine) : Bien, en fait, si on décide d'aller en confiscation civile, souvent, ça va être parce qu'on n'a pas pris d'accusations criminelles, ou il y a eu un arrêt Jordan. Tu sais, des fois, on saisit 100 000 $, mais comme ça. Ça fait qu'il n'y a pas de stupéfiants. On demande les revenus. On voit que l'individu gagne 20 000 $. Bien, moi, au niveau du Code criminel, je vais avoir de la difficulté à obtenir la confiscation. Ça fait que je vais le référer au dossier... tu sais, en confiscation civile, à ce moment-là.

Mme Nichols : Puis, selon vous, ça va doubler la charge, il va y avoir encore plus de demandes au civil? Non? Ça n'a pas...

Mme Frenette (Karine) : Ce n'est pas ça que je dis. Ceux qu'on réfère...

Mme Nichols : ...qui va le permettre, mais vous, vous le faites déjà, donc.

Mme Frenette (Karine) : En fait, ce que je dis, c'est que, si jamais on décidait, toute la confiscation, aller au civil, là, ça dédoublerait. Ça fait que la façon de faire est bonne, dans le sens qu'on regarde le dossier, les procureurs, on se dit : Ah! on a une infraction, on va être sur le même fardeau de preuve qu'à la loi civile, alors on va le garder chez nous, pour éviter que deux instances soient prises. Puis, s'il y a un arrêt Jordan, il n'y a rien qui empêche qu'on refuse, à ce moment-là, puis qu'on transfère le dossier au civil. Puis il y a une bonne... il y a un bon partenariat, ça va bien. Depuis, je vous dirais... depuis 2019, là, on en transfère beaucoup, puis ça va bien. Puis la loi améliore grandement, là, le travail de mes confrères au civil.

M. Michaud (Guillaume) : Mais nous, pour nous... Moi, je regarde le titre de la loi. Pour nous, améliorer les délais judiciaires, pour nous... Moi, ce que je comprends, c'est que ça ne change rien pour nous, là. C'est qu'on va faire le procès pareil, puis on n'aura pas moins de confiscations à faire, à moins qu'on nous dit : Bien, vous n'en faites plus du tout. Puis, si c'est ça... c'est ça qu'essayait d'expliquer Me Frenette... si c'est ça qui arrive, qu'on nous enlève tout, bien là, on va remettre les délais sur le civil, parce qu'eux vont avoir à recommencer encore, on va faire réentendre les mêmes témoins que nous, on a fait entendre. Ce n'est pas souhaitable, là. On veut que les témoins puis les victimes... on veut leur... La charge judiciaire est importante, on ne veut pas qu'ils reviennent. Et là on va être obligés de recommencer encore. Ce n'est pas ça qu'on veut, je ne pense pas que c'est ça qu'on veut. Enfin, j'espère que ce n'est pas ça qu'on veut, là.

Mme Frenette (Karine) : Non, ce n'est pas ça qu'on veut.

Le Président (M. Bachand) :...donc, Mes Frenette, Charbonneau et Michaud, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin, très apprécié.

Et, là-dessus, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 07)

(Reprise à 12 h 09)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes du Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qu'on connaît bien sûr sous le nom de CAVAC. Alors, merci beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation, d'une durée maximale de 10 minutes. Merci beaucoup d'être encore avec nous aujourd'hui. Merci.

Mme Mac Donald (Karine) : Merci. Je vais laisser Mme Charest.

Mme Charest (Jenny) : Oui, bonjour. Bien, merci, merci de nous accueillir aujourd'hui et de nous permettre en fait de venir vous parler de certaines préoccupations et certains éléments qu'on constate. Alors, mon nom est Jenny Charest, je suis la directrice générale du CAVAC de Montréal, et je suis accompagnée de Karine Mac Donald, qui est criminologue, et coordonnatrice, et responsable des communications au Réseau des CAVAC.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, vous pouvez débuter votre présentation, s'il vous plaît.

Mme Mac Donald (Karine) : Parfait, merci. Donc, on tient premièrement à remercier la commission de nous recevoir aujourd'hui, de l'avoir, l'opportunité de se faire entendre sur le projet de loi n° 54 en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale, donc ce projet de loi qui découle de la Table Justice-Québec, sur laquelle nous siégeons. Nous sommes vraiment enchantés de siéger sur cette table-là, et il nous fait plaisir d'approfondir aujourd'hui nos préoccupations avec vous. Nous avons déposé un court mémoire en raison du délai alloué, mais on le jugeait vraiment important de partager avec vous nos préoccupations et de souligner notre appui aux principes véhiculés par ce nouveau projet de loi. Donc, nous vous remercions de cette opportunité d'échanger avec les membres de la commission.

Pour les personnes qui connaîtraient peut-être moins le CAVAC, le Réseau des CAVAC a pour orientation de promouvoir les besoins des personnes victimes d'infractions criminelles ainsi que les proches et les témoins, de chercher les meilleures pratiques d'intervention en victimologie, les mettre en commun, en favoriser l'harmonisation, les faire connaître et faire valoir l'expertise des CAVAC et de soutenir le déploiement des services à l'échelle provinciale. On vise une forme d'uniformité.

Les CAVAC, en soi, c'est 17 CAVAC qui sont distincts. La mission des CAVAC, c'est d'offrir des services qui sont gratuits, confidentiels aux personnes victimes, aux proches et aux témoins d'une infraction criminelle, peu importe la nature du crime, et, c'est important de préciser, que le crime ait ou non été dénoncé à la police. On a près de 200 portes d'entrée partout en province en plus des bureaux, points de services un peu partout, on est dans tous les palais de justice du Québec, on est aussi dans plusieurs postes de police, autant municipaux que provinciaux. Nos différents services d'information proactifs nous permettent de rejoindre un très grand nombre de personnes victimes par année. Ces personnes-là vont pouvoir bénéficier d'un suivi psychosocial post-traumatique d'accompagnement dans les différentes démarches qu'occasionne une victimisation, de préparer à rendre témoignage, tout simplement d'être informées sur le processus et les droits recours dans ce dédale qu'est le système de justice.

Les services sont offerts par des équipes d'intervenants constituées principalement de travailleurs sociaux, criminologues, sexologues, psychoéducation. C'est environ 450 personnes qui oeuvrent quotidiennement pour la mission des CAVAC. Les CAVAC, aussi, je pense, c'est important de le mentionner, on ne cesse d'innover afin de répondre plus spécifiquement aux besoins des personnes victimes. Donc, on a mis en place des meilleures pratiques, notamment avec le Programme témoin-enfant, l'équipe d'intervention dédiée en exploitation sexuelle, le Programme de soutien pour les proches de victimes d'exploitation sexuelle, et c'est sûr, notre rôle, là, est quand même important dans le projet pilote des tribunaux spécialisés. Donc, je cède la parole à Mme Charest.

Mme Charest (Jenny) : Bon. Merci, Karine. Alors, en fait, en bref, la présentation du réseau, c'était un peu aussi pour démontrer qu'on... notre... nos services et nos actions dépassent grandement ce qu'on appelle le processus judiciaire, hein, c'est de façon très globale qu'on accompagne les personnes victimes. Alors, pour nous, dans nos actions quotidiennes, en fait, on voit vraiment l'impact des délais, hein, ça... et le fait de participer à la Table Justice nous a permis quand même de discuter déjà de plusieurs préoccupations, mais on veut comme un peu les approfondir aujourd'hui. Les délais, en fait, pour essayer de vous mettre en contexte, pour une personne victime qui attend, ça veut dire pour elle d'être obligée de se rappeler, de s'assurer que les détails, elle les garde en tête, donc...

Mme Charest (Jenny) : ...il ne peut pas passer à autre chose parce que le système de justice lui demande de s'en rappeler. Donc, on était totalement d'accord avec la réduction des délais. Malheureusement, ce qu'on a vu avec l'arrêt Jordan, c'est un effet un peu pervers auquel on n'avait pas pensé, mais qui fait que parfois, avec l'arrêt Jordan, quand des procédures sont arrêtées, bien, ce que ça fait, c'est que la personne victime, elle a non seulement gardé en tête, elle a travaillé fort à s'assurer de rester un bon témoin et un bon acteur du système judiciaire, mais elle ne peut pas terminer, elle ne peut pas finaliser son processus. Parce que, bon, je pense que je n'ai pas besoin d'en parler longtemps, ça prend beaucoup de courage de porter plainte, et le fait de se retrouver en fin de processus sans avoir eu la possibilité de voir l'agresseur ou l'auteur de l'agression reconnu coupable ou non... Parce que parfois on va voir que le fait de se présenter dans le système de justice permet aux personnes victimes de reprendre un certain pouvoir. Sauf que, quand il y a un arrêt des procédures, ce qu'on constate, c'est que ce pouvoir-là, elles le perdent. Elles ont un sentiment de perte qui est quand même important.

Alors, je vous dirais que ce sentiment d'injustice là, de boucle jamais fermée, a un impact direct sur le rétablissement. On constate malheureusement que certaines personnes veulent rester prises avec ça, et c'est plus de l'amertume. Et cette amertume-là, elle s'élargit à la société, en fait. On dépasse le système de justice parce que, d'une part, ça a un impact sur le public, parce que c'est souvent bien... c'est malheureusement souvent bien, je cherche le mot, désolée, connu en fait quand il y a des gros... des...

Une voix : Médiatisé.

Mme Charest (Jenny) : Médiatisé. Merci. Ah! C'est pour ça que je ne suis pas la coordonnatrice et porte-parole. Et, en fait, ce volet-là a une influence sur la confiance du public, et ça a aussi une influence sur notre travail. Parce qu'en fait, c'est nous qui, dans notre façon de tenter d'accompagner les personnes victimes, devons travailler avec cet élément-là pour essayer de leur ramener le pouvoir qu'elles ont. Mais je vous dirais que c'est très, très difficile. Puis ce qu'on constate, en fait, quand on parle de confiance, c'est que ça a un impact direct sur la capacité de dénoncer. Les gens ne veulent plus dénoncer. Donc, suite à un arrêt Jordan qui est médiatisé, ce qu'on voit, c'est que les personnes ne veulent plus le faire. Hein, on le constate tous les jours.

En ce qui concerne le projet de loi, en fait, d'entrée de jeu, on veut le saluer. On trouve que c'est une autre avancée qui va beaucoup dans le sens de tout ce qui a été mis en place dans les dernières années. Il y a différentes mesures qui ont été là pour faire avancer les choses. Et le projet de loi permet, en fait, d'aller chercher encore plus d'outils pour continuer d'être, je vous dirais, socialement parlant, là pour les personnes victimes, les soutenir et les amener à reconnaître que, même si elles ne sont pas une partie officielle dans le système de justice, elles sont reconnues, elles sont entendues. Le bout entendu fait partie des droits de la charte canadienne des personnes victimes, et c'est hyper important dans le fond.

Alors, le réseau des CAVAC que Karine vous a présenté est en majorité financé par le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Alors, c'est clair que, pour l'article 1, nous, on le salue parce que ce qu'on constate régulièrement, c'est qu'actuellement les mesures qui ont été mises en place pour faire connaître les services d'aide fonctionnent très, très bien. On en est contents. Sauf que ce que ça apporte aussi comme enjeux, c'est une augmentation des demandes et une augmentation de délais. Et ça, les délais, je vous dirais, pour tous les intervenants, en fait, dans les CAVAC, c'est un peu terrible parce que, quand on sait qu'on peut prendre une semaine avant de rappeler quelqu'un ou que ça peut prendre de deux à six mois avant d'avoir un service d'aide, un accompagnement et un suivi psychosocial, ce n'est pas la meilleure façon d'offrir des services auprès de personnes qui viennent de vivre un crime qui est quand même assez dévastateur.

Alors, on... le fait de vouloir trouver de nouvelles façons et d'améliorer le financement du FAVAC, pour nous, c'est très... c'est très positif parce que, justement, ça va faire en sorte qu'on va être en mesure de continuer de développer. Un peu comme Karine le disait, on cherche des moyens toujours le plus adéquat pour répondre aux besoins. Les services des CAVAC visent à être personnalisés. Alors, quand on a trop de monde, malheureusement, ce que ça fait, c'est que ça crée des détresses chez les personnes victimes. Et c'est... Ce n'est pas du tout ce qu'on veut. Donc, pour nous...

Mme Charest (Jenny) : ...l'article un est excellent parce que justement, ça... on voit que ça va continuer de... d'apporter au Québec la vision de précurseur dans l'aide aux victimes, hein? Le Réseau des CAVAC est parfois allé dans d'autres pays, et je vous dirais que le fait de financer à même le fonds d'aide, à même les différents volets liés à la criminalité, fait en sorte que c'est une mesure qui démontre, en fait, que les personnes victimes, même si elles ne sont pas un acteur officiel, sont reconnues par notre système de justice, sont reconnues par notre gouvernement.

Alors, pour nous, c'est une mesure qui va aider à répondre à des besoins essentiels. Parce que malheureusement, puis je suis vraiment triste de vous dire ça, ce n'est pas vrai qu'actuellement on est capables de répondre à tous les besoins des personnes victimes. Et ça, c'est souvent parce qu'on... plus de gens demandent de l'aide, ce qui est une excellente nouvelle. Alors, on... le fait de... d'augmenter le financement du FAVAC, pour nous, bien, ça veut dire nous donner les moyens de continuer d'offrir les meilleurs services possibles, nous et d'autres services d'aide aux victimes. Parce que le FAVAC finance quand même plusieurs services d'aide qui sont tous, je dirais, essentiels et importants.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ça va très vite. Alors, on va débuter avec la période d'échange, et faites-vous-en pas, il reste encore du temps. M. le ministre, s'il vous plaît.

Mme Charest (Jenny) : Parfait.

• (12 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Mme Charest, Mme Mac Donald, merci beaucoup d'être présentes avec nous aujourd'hui pour la consultation. Écoutez, merci pour votre mémoire, merci également pour votre participation à la Table Justice. Je pense que ça a été éclairant. Puis je souhaite vous remercier également du travail que vous faites puis que vos intervenants et intervenantes font à la grandeur du réseau. Depuis que je suis ministre la Justice, je me... je me suis promené dans quelques palais de justice, j'ai rencontré plusieurs personnes qui travaillent pour les CAVAC, puis je dois dire qu'à toutes les fois, je rencontre des personnes qui sont passionnées, qui sont dédiées à leur travail, qui ont la volonté d'accompagner les gens qui sont dans des situations difficiles, de vulnérabilité, qui sont souvent désorientés quand qu'ils arrivent au palais de justice. Alors, chapeau pour le travail que vous faites, c'est un travail extrêmement important. Puis, honnêtement, on est chanceux de pouvoir compter sur la qualité de vos employés, des gens qui travaillent pour vous, du Réseau des CAVAC aussi. Puis vous êtes toujours également en mode solution, alors je pense que c'est grandement apprécié, votre contribution.

Puis vous avez raison de dire que c'est important, les victimes, dans le système de justice. Puis ce qu'on essaie de faire, c'est de les mettre au centre du processus pour voir à quel point, parfois, elles n'ont pas été considérées, n'ont pas été mises au centre du processus durant des années. Puis même, écoutez, on avait le témoignage de Maître Michaud tout à l'heure, qui disait : Moi, en 2011, j'étais là, puis je ne prenais pas le temps de rencontrer les victimes ou, si j'avais le temps, j'essayais. Voyez-vous, on amène ce changement de culture là dans le système de justice, la poursuite verticale en matière de violence sexuelle, violence conjugale, on déploie les ressources à travers le tribunal spécialisé. Je suis d'accord, ce n'est pas parfait, mais on est en train de s'ajuster pour arriver partout en 2026. Les lieux également, on essaie de faire en sorte que les locaux des CAVAC notamment, soient plus accueillants, plus accessibles. Puis ça, je pense qu'on s'en va dans la bonne direction.

Puis quoi de plus choquant, puis je le raconte souvent, là, quand je vais dans les palais de justice puis je constate que, des fois, le CAVAC avait le dernier local au bout du corridor, devant les deux salles d'audience en matière criminelle, puis que les victimes doivent passer à travers là, puis aller aux salles de bain, après ça, à l'autre bout, la salle des pas perdus, retraverser la salle. C'est complètement inacceptable, puis on est en train de travailler là-dessus pour améliorer tout ça.

Sur le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, c'est important, vous avez raison, de bien le doter. Là, on vient augmenter la contribution. Ma collègue, la vice-première ministre également fait la même chose avec les radars photo dans le projet de loi n° 48 pour aller chercher des sommes. On a une difficulté à pérenniser les sommes depuis la décision sur la suramende compensatoire, qui n'est plus obligatoire, ça a fait beaucoup diminuer les revenus. Là, le ministre Finances est venu combler les déficits de par rapport au fonds, mais effectivement, on cherche des sources de revenus pour bien financer les CAVAC.

Autre point, je crois, que vous avez soulevé dans votre mémoire, la question des pôles de comparution. On est très conscients de l'importance du suivi. Parce que, pour imager ça, là, je pense que vous faites référence à, supposons, quelqu'un qui est arrêté pour violence conjugale, il passe la nuit en prison, mais on veut... la victime veut savoir, il est-tu remis en liberté par la suite, le lendemain. Pouvez-vous nous parler de ça, de l'importance de ça?

Mme Charest (Jenny) : Bien sûr. Merci de votre question, hein, c'était l'autre partie que je n'ai pas eu le temps. Mais, en fait, oui, pour les pôles, c'est aussi une excellente nouvelle, hein, d'augmenter les pôles et de s'assurer, en fait, que le plus grand nombre de personnes puissent être entendues et que... Mais...

Mme Charest (Jenny) : ...ce qu'on constate, c'est que, souvent, le temps imparti à cette information-là est sous-estimé, hein? On évalue à à peu près 45 minutes, minimum, ou, en tout cas, de moyenne, pour une intervention, quand on appelle une personne victime pour l'informer du résultat de la comparution. On parle ici d'un mandat qui implique une sécurité hyperimportante, et qui est gros, en fait, parce que c'est une responsabilité sur les épaules de la personne qui tente de joindre une personne pour l'informer, par exemple, qu'un accusé est libéré.

Vous l'avez nommé, on parle de violence conjugale, où on parle de femmes qui sont en danger, hein? On l'a vu, des féminicides, il y en a beaucoup. Il y a eu beaucoup de cellules d'action rapide qui ont été mises en place un peu partout au Québec. alors, ça aussi, il faut le prendre en compte. Quand on a à appeler une victime, quand on a à appeler une personne qui est en attente, bien, il faut, pour le faire, avoir accès à l'information, hein? Il y a plein de travaux qui se font actuellement, mais, avant, ce qu'on... ce que nous, on voudrait, c'est qu'avant de mettre en place différentes choses, de toujours s'assurer qu'on prend aussi en compte les services d'aide pour que les personnes soient rejointes en temps opportun et qu'on puisse, dans le fond, travailler tous ensemble pour faire en sorte qu'il n'y aura personne qu'on n'aura pas rejoint qui, finalement, le lendemain, va faire la une parce qu'elle a été assassinée. C'est quand même... On parle de risque homicidaire. Je vous dirais qu'on le constate régulièrement. Si je parle seulement pour Montréal, le CAVAC constate et demande des cellules d'intervention rapide régulièrement, je vous dirais, presque à chaque semaine. C'est le cas aussi dans plusieurs... dans toutes les régions du Québec. Et ça implique d'ailleurs, dans des pôles, si on a plusieurs pôles, qui va faire cette information-là, qui va être en mesure d'attacher tous les fils pour déclencher des cellules, si c'est nécessaire. Donc, on parle d'information, mais c'est beaucoup plus large que ça.

Et le Réseau des CAVAC est très heureux, là, de se voir confier ce mandat-là, mais il doit avoir les moyens de le faire. Et, en fait, dans tout processus de changement... Vous l'avez... vous en avez parlé tantôt, on parle ici d'un changement de culture, donc il faut vraiment attacher tous les acteurs, incluant les gens dans le Réseau des CAVAC, pour qu'on puisse aussi faire ce travail-là, pour aider les personnes victimes, qui vont, après coup, devenir des bons témoins aussi, qui vont devenir une partie... une personne qui va bien participer au processus. Parce que l'accompagnement, ce que ça donne, comme résultat, c'est de faire en sorte que les personnes vont jusqu'au bout. Et, notamment, violence conjugale, les tribunaux spécialisés, c'est un peu dans la perspective qui a été mise de l'avant, de bien accompagner, pour que les personnes puissent faire valoir leurs droits.

Dans le Réseau des CAVAC, on parle beaucoup de promotion de besoins, hein? On n'est pas là pour défendre des droits, mais on veut promouvoir les besoins des gens, et le besoin d'information, de sécurité et de soutien au moment où une personne porte plainte. Ou que quelqu'un d'autre que cette personne-là a porté plainte, parce que ça arrive fréquemment que ce n'est pas la personne elle-même qui a appelé la police. Elle doit être sécurisée, et les liens doivent être faits.

Donc, ce qu'on dit, en fait, c'est qu'on est d'accord et on veut vraiment embarquer dans ce train, qu'on trouve excellent, mais c'est clair qu'on doit avoir une vision globale, qui implique qu'on pense... et on donne les ressources nécessaires pour le faire, parce que c'est quelque chose de trop gros de jouer avec la sécurité des personnes victimes.

M. Jolin-Barrette : Vous avez raison. Peut-être un dernier point avant de céder la parole à mes collègues. Je pense que... J'ai vu, dans votre mémoire, vous aviez une inquiétude par rapport à la formation des juges de paix magistrats relativement au fait qu'ils vont entendre les comparutions, les enquêtes sur remise en liberté. Déjà vous dire qu'ils doivent... lorsqu'ils soumettent leur candidature pour être juge de paix magistrats, ils sont assujettis à la loi 92... bien, en fait, le projet de loi n° 92, la loi sur le tribunal spécialisé, de prendre l'engagement de suivre les formations. Bien entendu, on va sensibiliser le Conseil de la magistrature au fait que tous les juges de paix magistrats qui vont présider où qu'il y a des enquêtes sur remise en liberté soient formés en matière de violence conjugale.

En terminant, là, peut-être juste... Vous nous en avez parlé, mais l'impact, là, sur les personnes victimes quand il y a des arrêts des procédures ou des nolle prosequi, puis ça ne procède pas, là, c'est extrêmement défavorable pour la dénonciation. Puis les gens voient ça dans les médias puis ils se disent : Ah! bien, c'est ça, ça ne donne pas rien d'aller dénoncer, mon dossier ne procédera pas. Puis c'est ce sur quoi on veut travailler, puis tous les partenaires de la Table Justice en sont conscients. On a une obligation collective, là. Il ne faut pas que ça...

M. Jolin-Barrette : ...il y en aura toujours, le moins possible, mais c'est le message qu'on veut envoyer puis c'est un peu l'objectif du projet loi 54. Mais je ne fais pas plus de commentaires. Je laisse la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Oui. Merci beaucoup de votre présence. J'ai apprécié ce que mon collègue ministre a dit. Effectivement, il faut être créatifs pour trouver des sous ces temps-ci. Mais justement, l'augmentation du fonds d'aide, de quelle manière est-ce que ça pourrait concrètement vous donner des outils pour mieux soutenir les victimes? Est-ce que vous avez déjà quelque chose en tête? Est-ce que c'était quelque chose de souhaité? J'imagine que oui, là, on veut toujours plus de sous?

Mme Charest (Jenny) : Bien, en fait, c'est... On voit et on constate l'augmentation, hein. Quand on parlait, les mesures qui ont été mises en place pour changer la culture, pour bien informer la population sur les services d'aide, elles fonctionnent. Il y a eu plusieurs enjeux sociaux aussi, les féminicides, le #moiaussi, on a constaté différentes choses qui font que les gens vont plus vers les ressources d'aide. Avant, on avait le défi de faire valoir qu'il existe des services d'aide au Québec, parce que, combien de fois on a entendu : il n'y a pas d'aide, et le fait de ne... d'envoyer ce message-là fait en sorte que les gens restent isolés. Alors, maintenant, on pense que ça va de mieux en mieux. Les gens nous connaissent, les gens connaissent les autres services d'aide également. Et ça augmente les demandes.

Donc, qui, finalement, paie, au bout du compte, si les demandes augmentent et que les ressources ne sont pas là? Ce sont malheureusement les personnes victimes elles-mêmes, mais également nos intervenants. Parce que, de dire à quelqu'un : on va pouvoir vous rappeler dans deux mois pour vous donner un rendez-vous, c'est épouvantable, parce que c'est de la gestion de détresse tous les jours. Et c'est la même chose chez nos... chez les personnes qui travaillent auprès des personnes victimes.

La vision, c'est la proactivité, la vision, c'est une intervention rapide. Parce que ce qu'on constate, c'est quand on fait ça, ça fait toute la différence pour atténuer, en fait, les conséquences du crime. L'objectif et la mission des CAVAC, c'est de travailler, d'agir pour tenter d'atténuer au maximum et d'accompagner dans le processus judiciaire. Parce que, d'accompagner une personne, ça fait en sorte que justement, le processus, même s'il n'est pas parfait, même si ce n'est pas facile, peut devenir une source de réalisation personnelle. Combien de personnes victimes on voit sortir de la cour la tête haute d'avoir réussi. Un arrêt Jordan, c'est complètement... la différence, c'est la personne sort avec une colère extrême, souvent, parce que là, on vient lui enlever du pouvoir sur sa vie, alors qu'elle pensait et elle croyait dans le système. Parce que quelqu'un qui va vers le système, qui est accompagné, le comprend mieux et est prêt à investir. Donc, il y a ce volet-là.

• (12 h 30) •

Alors, augmenter le FAVAC, ça veut dire que quand on évalue les besoins, on est en mesure d'y répondre. Parce qu'actuellement on est en mesure d'évaluer les besoins, on a eu quand même beaucoup de soutien, on ne dit pas qu'il n'y a rien qui se passe, sauf qu'on estime que les besoins vont aller en augmentant. Le tribunal spécialisé, ce que ça fait, c'est que ça montre que ça peut marcher. Alors, quand ça peut marcher, les gens vont vers les services. Alors, les gens, dans les services, veulent avoir les moyens de le faire. Et d'augmenter le FAVAC, bien, c'est ce que ça fait.

En fait, le financement, malheureusement, on parle souvent du nerf de la guerre, je pense que Karine l'a nommé, on est très créatifs. Mais, en fait, on a le... on a le souci de dire que malgré notre bonne volonté, on n'y arrive pas toujours. Et ça, je vous dirais qu'on le dit avec un déchirement, là, parce que les gens qui travaillent dans les CAVAC, c'est des personnes dévouées. On dit souvent que les personnes ont le CAVAC tatoué sur le cœur, et c'est vraiment ce qu'on constate, là. Donc, oui, augmenter le financement ou trouver d'autres sources. Et ça permet aussi de dire, bien, c'est vrai qu'on croit dans le rétablissement des personnes victimes, c'est vrai qu'on croit dans les services, qui sont professionnels, qui existent depuis 35 ans, et qui là sont de plus en plus connus. Alors, c'est ce que ça va faire, ça va nous permettre d'offrir encore plus de services.

Mme Bourassa : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député Saint-Jean, pour 3 min 40 secondes.

M. Lemieux : Oui, M. le Président. Merci de suivre mon chronomètre comme ça. Bonjour, mesdames, Mme Charest, Mme Mac Donald. Je veux juste revenir, Mme Charest, vous avez dit tout à l'heure : Voilà pourquoi ce n'est pas moi qui est porte-parole. Votre directrice des communications, qui est à l'écran avec vous, va vous le dire, vous êtes une très bonne porte-parole parce que vous êtes en train de nous parler avec des mots simples d'une réalité et d'une vérité qui n'est pas toujours facile là où vous êtes.

C'est là où je veux vous amener d'ailleurs. Parce que vous avez aussi dit, en commençant, que vous étiez très contente de l'exercice de la Table Justice, et je voudrais en savoir un peu plus. C'est relativement nouveau en tout cas, que vous y soyez, là, et puis qu'on réussit en séquence avec...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Lemieux : ...le projet de loi qui suit une table, puis... bon, et je me demandais... Vous êtes probablement, parmi tous ceux qui sont assis là et avec qui vous discutez, vous êtes probablement les mieux placés pour être le plus proche possible de la... la perception du grand public. Malheureusement, le grand public qui s'approche autant de vous, mais c'est des victimes, alors c'est moins drôle, là, mais vous êtes relativement neutre là-dedans. Et je me demandais dans tout ce que vous avez entendu dit, discuté, sans violer de secrets puis sans tirer dans la chaloupe de mon ministre, ce que vous auriez voulu avoir de plus que ce que la Table justice n'a pas réussi à attacher, parce qu'il y a quand même un minimum de consensus puis de gros bon sens là-dedans, là.

Mme Charest (Jenny) : Mais en fait, je pense que le fait d'inviter les services d'aide à cette table-là, ça a donné une voix et... aux personnes victimes parce que comme vous le dites, nous on parle on constate des choses, et c'est les constats qu'on amène. Tu sais, il y a plusieurs éléments qui... qui apparaissent nouveaux pour plusieurs, mais pour nous, ce n'est pas nouveau'est ce qu'on entend et ce qu'on voit dans nos bureaux depuis des années. Donc, est-ce que... qu'est-ce qui resterait à attacher? J'ai envie de vous dire, c'est de poursuivre dans cette vision-là, parce que notre notre volonté, c'est de s'assurer que les services d'aide soient toujours impliqués et intégrés dans les réflexions, dans les choix de mesures et qu'on intègre. En fait, on veut faire en sorte que tout soit attaché, et je pense que c'est ça l'objectif de la justice. Je pense que ça doit se poursuivre parce que chacun des acteurs de la Table justice est à apprendre à se connaître aussi, et de pouvoir parler à des juges, de pouvoir parler avec les procureurs, de pouvoir parler avec des gens de la probation, des détentions, ça permet de se connaître, ça permet d'amener des éléments, des exemples comme vous le dites, pour faire avancer les choses. Mais... et ce qu'on voit, c'est ça donne lieu à un projet de loi, ça donne lieu à un plan d'action qui est quand même ambitieux. Et ce qu'on se dit, c'est qu'il faut vraiment que tout le monde s'assoie et comprenne la réalité de chacun pour faire en sorte que ce plan-là soit bien... soit... soit une réussite.

M. Lemieux : Mon temps est écoulé, mais je suis content de votre enthousiasme après l'exercice, et j'espère que vous êtes aussi contentes du projet de loi, et c'est la grâce que je nous souhaite pour la suite des choses. Merci, mesdames.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.  

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Charest, Mme Mac Donald. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre témoignage devant la commission aujourd'hui.

J'ai eu moi-même la chance d'aller rencontrer le CAVAC à Drummondville, puis on a visité le palais de justice, et effectivement, je vous confirme que vous avez là des gens enthousiastes et dévoués, et c'est très rafraîchissant de... de voir ça. Si vous permettez, j'aurais... j'aurais quelques questions pour vous en rapport avec le mémoire que vous nous avez... vous nous avez envoyé.

À la page 9 de votre mémoire, à 6.2, vous parlez de l'article 21 pour... qui... du projet de loi qui va prévoir un mode de confiscation administratif afin de dégager les tribunaux de la confiscation d'un bien d'une valeur de 100 000 $. Mais vous dites un peu plus loin qu'en lien avec l'article 31 : De même, ne serait-il pas pertinent de revoir le partage de ce type de biens? Pouvez-vous élaborer davantage là-dessus, s'il vous plaît?

Mme Charest (Jenny) : Oui. Bien, en fait, c'est une question qu'on se pose parce que, ce qu'on... ce qu'on comprend, c'est qu'il y a à peu près un 25 % des produits de la criminalité qui vont dans le Fonds d'aide aux personnes victimes, mais le Fonds d'aide aux victimes, mais le Réseau des CAVAC dit toujours «personne victime» parce qu'avant une victime il y a une personne, et c'est ce sur quoi on travaille. Alors, on s'est questionné en se disant : Est-ce que le fait de mettre en place un nouveau projet de loi peut faire en sorte que ce soit un bon moment pour réfléchir à comment on départage les produits de la criminalité pour faire en sorte que, justement, les services d'aide aux personnes victimes soient soutenus pour mieux soutenir les personnes victimes. Tout ça, dans notre tête, c'est comme au bénéfice des personnes victimes. Est-ce qu'il y aurait moyen aussi d'aller revoir cet aspect-là? Est-ce qu'on a des recommandations officielles? Non, mais on s'est posé la question en se disant : Comme ce sont des produits de la criminalité, la criminalité cause... les crimes causent des victimes et comme société, on veut les soutenir. Alors, est-ce qu'il y a une possibilité ou une perspective de revoir?

M. Morin : Je comprends que vous avez dit qu'il y a 25 % des produits de la criminalité...

M. Morin : ...qui vont aux victimes. Est-ce qu'il y aurait lieu d'augmenter ce pourcentage-là? Et puis, une fois que... Oui, allez-y. Je vous écoute.

Mme Charest (Jenny) : Bien, je crois que c'est... c'est certain qu'on aimerait que ce pourcentage-là soit augmenté, mais ça demande quand même une analyse. Parce qu'on ne dit pas qu'il y a seulement 25 % qui vont aux personnes victimes parce que les... les organismes qui sont financés, les services policiers, les mesures de prévention peuvent aussi avoir un impact sur les personnes victimes. Mais on est à chercher des façons de mieux soutenir l'aide aux victimes au Québec parce que l'aide aux victimes fonctionne de mieux en mieux. Alors, c'est aussi une façon. Donc, oui, s'il y a une possibilité, mais on ne dit pas de le faire sans faire une analyse préalable. Ce n'est pas du tout notre... notre suggestion, là.

M. Morin : Je vous... Je vous remercie. L'autre élément sur lequel j'aimerais avoir votre... vous pourriez partager votre expertise, et vous en avez parlé un peu avec... avec M. le ministre, mais c'est l'importance pour vous d'avoir accès à l'information. Mais rapidement. Et je note qu'à la page 10 de votre mémoire, vous soulevez des problématiques en lien avec des difficultés technologiques pour avoir accès à de l'information. Est-ce que vous pouvez préciser davantage? Peut-être nous donner des exemples concrets. Puis avez-vous des pistes de solution pour nous?

Mme Charest (Jenny) : En fait, il y a toutes sortes d'avancées technologiques qui se font actuellement. Il y a beaucoup de travaux qui se font pour améliorer les outils technologiques et du ministère de la Justice, et des CAVAC, et du DPCP, et des greffes, mais, en fait, c'est... En temps opportun, on n'a pas toujours la capacité d'avoir accès à l'information et on doit voir comment mieux arrimer les choses. Et ce qu'on dit, en fait, c'est qu'on doit s'assurer que ces travaux-là soient avancés pour qu'on ait l'accès. Actuellement, on n'a pas nécessairement, pas dans tous les programmes d'information, un accès direct à l'information, un accès informatique. Et parfois on doit aller chercher de l'information. Et ça, ça fait en sorte que c'est du temps qu'on n'a pas pour une intervention. Mais j'ai envie de dire qu'on voit qu'il y a beaucoup de changements actuellement qui... qui se passent, il y a beaucoup de travaux qui se passent, mais on a le souci de s'assurer, avant de prendre un mandat qui va nous... nous amener à être responsable de la sécurité de personnes victimes d'avoir la certitude d'avoir ces accès-là.

• (12 h 40) •

Je vous dirais que ça fait plusieurs années qu'on travaille à vouloir trouver des façons. Ce n'est pas simple. Il y a différents... Les acteurs ont chacun, hein, leur mécanisme, leur accès à l'information, alors, comment on les partage. Actuellement, il y a des travaux qui se font au provincial avec la direction des poursuites criminelles et pénales, les CAVAC, le ministère de la Justice, pour voir aussi comment on peut mieux partager tout ça dans le respect des lois, mais pour le bien être et le bénéfice des personnes victimes.    Alors, avant de pouvoir faire un mandat comme celui-là, il faut qu'on soit certains d'avoir les accès parce qu'on ne les a pas toujours et on ne peut pas, s'il y a des pôles un peu partout au Québec, sans avoir l'accès rapidement, faire ce travail-là. Et en fait, on a envie de dire que quand on fait un travail, on a des professionnels, on veut s'assurer qu'on fait bien le travail parce qu'on a trop à cœur le bien-être et la sécurité des personnes victimes.

M. Morin : Écoutez, je vous comprends, puis vous l'avez... vous l'avez évoqué vous-même, c'est sûr, par exemple, en niveau... au niveau de la charte des droits des victimes, donc, qui est incluse entre autres dans le Code criminel, là, si quelqu'un est remis en liberté avec des conditions, bien, pour vous, ça devient hyperimportant d'avoir les conditions puis d'être capables d'en informer la victime, puis de dialoguer avec elle. Donc, je comprends que ça, là, ce document-là, qui est hyperimportant, vous, vous ne l'avez pas toujours automatiquement ou rapidement. Puis, si vous ne l'avez pas, qu'est-ce qui bloque? Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider?

Mme Charest (Jenny) : Bien, je pense qu'il doit y avoir des liens qui se font entre les différentes structures, entre les différentes plateformes, et on sent une volonté de le faire. Et je pense qu'on voit, je dirais, une certaine lumière au bout du tunnel. Parce que l'accès à l'information, c'est complexe. Parce que, oui, il y a des éléments qu'on ne peut pas partager, il y a des... Tu sais, chaque acteur a ses contraintes aussi, et on est à travailler, à faire en sorte de trouver des façons de faire pour que ça fonctionne mieux, pour qu'il y ait des ententes officielles avec chacun des acteurs. Mais ce qu'on veut, en...

Mme Charest (Jenny) : ...c'est de savoir qu'avant de mettre en place quelque chose, ces accès-là sont réglés, que ces... ces travaux-là, préalables, soient finalisés pour que, si on a à faire un mandat de cette ampleur-là, qu'on puisse le faire, parce que si on avait un accès direct à... ça ferait toute la différence. Parfois, on a accès aussi, puis on peut avoir des accès, mais les informations ne sont pas toujours à jour, selon les régions. Il y a plein... Et ce n'est pas un manque de volonté des acteurs, loin de là, mais c'est toutes sortes d'enjeux autres. Alors, il faut trouver des façons que les choses... que l'information se communique plus facilement.

M. Morin : Mais corrigez-moi si je fais erreur, mais, tu sais, on parlait, là, d'un cas concret, par exemple, les conditions pour remise en liberté, là. Bien, en vertu du Code criminel, ça se fait à la cour. Le juge de paix est là, l'accusé est là, les parties sont là, puis ils remplissent un document, puis c'est public. Ça fait que, qu'est ce qui fait que vous ne l'avez pas tout de suite? Je comprends que, dans les hôpitaux, il y a encore des fax, là, mais... Mais dans le milieu de la justice, il y en a un peu moins, là. Ça fait que pourquoi vous n'êtes pas capables d'avoir accès, par exemple, à la fin de la journée, là, numérisation des documents puis... ou même un accès... un accès direct. J'ai de la misère à comprendre comment ça se fait que vous ne l'ayez pas maintenant parce que c'est un document qui est tellement fondamental. Si quelqu'un est remis en liberté, ça arrive, là, avec des conditions strictes, puis il y a, entre autres, une condition de ne pas s'approcher de la victime, rencontrer la victime, être en contact avec la victime. Puis là, vous, vous avez la victime. Bien, c'est fondamental. Puis c'est votre mandat. Donc, c'est fondamental que vous ayez ça illico, rapidement et immédiatement. Ça fait que comment ça se fait que ça ne fonctionne pas comme ça?

Mme Charest (Jenny) : Parce que les documents ne sont pas nécessairement toujours déposés rapidement. Et c'est... Il y a plein d'éléments de réponse à votre question, en fait. Chaque région est différente aussi. Il y a des régions où les personnes arrivent à avoir l'information tout de suite. Mais quand on parle de régions à gros volume, on n'est pas du tout dans cette perspective-là parce qu'il y a plein d'éléments qui font en sorte que l'information n'est pas accessible au moment où elle sort. Il faut trouver la façon d'aller la chercher, mais c'est justement ce qu'on essaie de faire pour avoir un accès direct. Mais il faut s'assurer que les choses sont déposées, que l'information, elle est au bon endroit. Si on parle des comparutions de fin de semaine, jours fériés ou soir, bien, il y a... c'est un peu nos préoccupations. On veut s'assurer qu'on va l'avoir, l'information, et très rapidement.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci infiniment. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Et merci pour votre travail au quotidien, évidemment. Et merci pour ce que vous faites pour les personnes victimes. C'est... c'est essentiel. Je reviens sur un point. À 6.2, là, vous nous parlez d'une préoccupation relative à la santé financière du FAVAC. Vous en parlez, vous en avez parlé aussi dans votre témoignage. J'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus. Vous dites qu'il y a un... une augmentation des délais des demandes. On n'est pas capable de répondre à tous les besoins. M. le ministre vous a dit qu'il cherchait des sources de revenus. Mais est-ce que vous demeurez inquiète quand même? Est ce qu'aujourd'hui le message que vous nous dites, c'est : Faites attention, il y a un risque, ici, là?

Mme Charest (Jenny) : Le message qu'on vous dit, c'est oui. Ce projet de loi est excellent parce qu'il cherche des solutions. En fait, ce qu'on constate, c'est que le ministre cherche des solutions en déposant un projet de loi comme celui-là. Nous, on le salue vraiment parce que cette problématique-là, des surdemandes, qui a fait baisser les fonds est très problématique parce qu'en fait on doit dire que les financements de base n'ont pas diminué. Mais ce qu'on constate, c'est que la demande augmente parce qu'il y a quand même eu beaucoup d'augmentation. On ne dit pas que le financement n'a pas été augmenté, n'a pas été revu ou ne répond pas entièrement. C'est que ce qu'on constate, c'est que les augmentations de demandes font en sorte que, malgré le fait qu'on est soutenus, maintenant, on n'arrive plus à faire exactement ce qu'on voudrait faire dans un service de qualité, comme on le sait, va faire la différence.

On continue quand même d'offrir des services, on continue de trouver toutes sortes de façons. Alors, oui, ce financement-là, il est important. Mais il y a également de voir est-ce que d'autres financements pourraient être possibles? Le fonds d'aide, s'il n'est plus suffisant, on ne voudrait pas, dans quelques années, se retrouver qu'il n'y a plus d'argent, on n'offre plus de services d'aide, alors que ça fait 35 ans qu'il y a une expertise et qu'il y a plusieurs autres services qui existent. Là, on parle des CAVAC aujourd'hui parce qu'on parle de notre réalité, mais on le constate aussi, là, d'autres... Les autres ressources aussi se retrouvent un peu débordées. Et le terme «liste d'attente» n'était pas un terme qu'on entendait. Je suis là depuis plusieurs années, Karine encore plus que moi, et «liste d'attente», Karine, c'est... on avait... on n'avait jamais vu ça avant.

Mme Mac Donald (Karine) : Non. C'est nouveau des... d'à peu près huit... six, huit ans, je crois. Mais, moi, ça fait 20 ans que je suis dans le réseau. On pouvait offrir des services très rapidement aux personnes victimes...

Mme Mac Donald (Karine) : ...puis, on le sait, la recherche le dit, si la personne réussit à recevoir des services dans moins d'un mois suite à l'acte criminel, il va y avoir beaucoup moins de chances qu'elle développe un stress post-traumatique, ce qu'on n'est pas en mesure de faire en ce moment. Donc, c'est... quand on parle de services de qualité, c'est ça qu'on n'est plus capables de faire. Donc, en ayant plus de ressources, plus de financement, on serait en mesure d'offrir un très bon service.

Le Président (M. Bachand) :M. le député, oui.

M. Cliche-Rivard : ...je vous laisse sur un deuxième point. Pour l'article 37, là, puis l'élargissement de la compétence des juges, vous parlez d'enjeux de sécurité majeurs. J'aimerais ça, vous entendre sur c'est quoi, les enjeux de sécurité majeurs.

Le Président (M. Bachand) :En quelques secondes. Le temps file. Merci.

Mme Charest (Jenny) : Parfait. En fait, de ne pas informer une personne de la libération d'un auteur de violence, ou de violence sexuelle, ou violence conjugale, entre autres, bien, ça peut se terminer par un décès, si vous voulez que je sois très courte, ou par le fait que la personne va être victimisée à nouveau, et la personne qui est en attente doit avoir... Le travail qu'on doit faire comme intervenants, comme service d'aide, c'est d'assurer la sécurité de cette personne-là, de mettre autour d'elle un filet de sécurité. Je dis «elle» parce qu'on parle des personnes victimes, c'est en majorité des femmes, mais autour d'eux, je devrais plutôt dire, là, eux et elles, et ne pas le faire, c'est comme un peu garder la personne isolée. Je vous dirais, j'ai déjà...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme Charest. Désolé, je dois céder la parole à la députée de Vaudreuil. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bien, à mon tour, mesdames, de vous réitérer, là, l'importance de la CAVAC... du CAVAC, du centre d'aide aux victimes d'actes criminels. J'ai travaillé avec la CAVAC en tant qu'avocate en droit familial pendant de nombreuses années. Maintenant, comme députés, bien, évidemment, on les réfère aussi à... on les réfère chez vous. Votre mission de servir gratuitement et confidentiellement, là, les citoyens dans le besoin est un service essentiel. Donc, comme mes collègues, je vous réitère que vous faites un excellent travail. Vous le transmettrez à l'ensemble des gens qui vous entourent.

• (12 h 50) •

Je reviens rapidement aussi sur les enjeux de sécurité dont vous parliez. On les comprend. Puis vous en parlez aussi, là, dans l'article 37, vous en avez parlé aussi à mes collègues. Dans le fond, ce qu'on comprend, là, le défi, c'est de relayer l'information afin que l'information vous revienne. Est-ce que vous n'avez pas, concrètement, une idée à soumettre? Parce que vous dites que le ministre travaille justement dans ce sens-là. Vous n'avez pas une idée à soumettre concrètement, un moyen de notification justement pour aider les victimes, ou parce que vous, vous allez le dire aux victimes, enfin, à ceux avec qui vous travaillez, un moyen de notification rapide?

Mme Charest (Jenny) : Bien, il y a... Oui, il y a différentes mesures qui sont à se mettre en place, oui, justement, que la notification entre rapidement, que toutes les... on a parlé des conditions, qu'on les reçoive rapidement, qu'il y ait des liens directs.

Mme Nichols : Je m'excuse de vous interrompre, mais présentement vous recevez la notification, vous êtes informés dans environ quel délai?

Mme Charest (Jenny) : Ça dépend des régions. En fait, ça dépend des régions, et la problématique, elle est souvent liée au volume. Donc... Mais... Et on parlait de créativité, hein. Chaque région trouve aussi des modes pour être encore plus créative pour avoir accès à l'information, puis le fait d'avoir de très bons liens avec les acteurs judiciaires nous permet d'avoir l'information. On est en lien avec les procureurs de façon quotidienne et on peut l'avoir, l'information aussi. Parfois, on doit aller la chercher, pour toutes sortes de raisons. Le greffe va mettre l'information, mais elle n'est pas nécessairement à jour le jour même.

Donc, quand on parle de sécurité maximale, ou en tout cas d'une personne qui est en danger, c'est là où on a beaucoup de craintes, et parfois il y a des régions où on n'est pas en mesure de le faire le jour même ou les jours suivants, ça peut aller quelques jours avant qu'on puisse informer une personne de ce qui se passe. On parlait tantôt de c'est quoi, les impacts. On a déjà eu une personne qui avait été victime de violence sexuelle qui a rencontré son agresseur à l'épicerie. Cette personne-là a été en état de stress post-traumatique, tout est revenu, et c'est un peu... on repart toute l'intervention qui avait été faite. Et son sentiment de confiance, il était nul, parce qu'on n'avait pas réussi à rejoindre cette personne-là. Ce n'était pas parce qu'on n'avait pas eu accès à l'information, il y avait des éléments autres. Mais ça nous montre à quel point ce n'est pas banal de ne pas informer quelqu'un.

Mme Nichols : Bon. Définitivement, il faut trouver une solution pour faire mieux. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, Mme Charest, Mme Mac Donald, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, très apprécié. Puis, à mon tour, puis j'aurais un paquet de témoignages à vous donner, mais merci pour le travail des CAVAC au Québec, vous faites un travail merveilleux. Merci beaucoup.

Alors, cela dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 50. Tantôt!

(Suspension de la séance à 12 h 53)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l'administration de la justice plus performante.

Cet après-midi, nous allons entendre l'Association du Barreau canadien, division du Québec, mais d'abord, on a le privilège d'avoir les représentants et représentantes de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense. Ce n'est pas une première à la Commission des institutions, d'ailleurs. Alors donc, merci beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci.

Mme Boulet (Marie-Pier) : Bonjour à tous. Alors, Marie-Pier Boulet, présidente de l'AQAAD, qui sera le diminutif que j'utiliserai pour présenter l'association... Me Benoit, qui m'accompagne, Me Jean-François Benoit, qui est le président du comité projet de loi que nous formons au sein de l'association.

Alors, sans plus tarder, j'imagine que vous souhaitez que j'enchaîne avec la présentation? Alors, l'AQAAD est une association qui est fondée en 1995 et qui représente plus de 650 avocats et avocates qui oeuvrent en défense, en droit criminel et pénal, partout au Québec. Le volet de notre mission, qui consiste à défendre les droits et libertés des justiciables, a amené l'AQAAD à agir dans... à plusieurs reprises, pardon, comme intervenante dans des dossiers devant la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême du Canada. Les membres de l'AQAAD représentent des milliers de justiciables devant les tribunaux du Québec, notamment les cours municipales de la province. Comme ils agissent en défense, leur expérience, aux avocats de l'association, se rapproche beaucoup de celle de tout justiciable devant les cours de justice.

L'AQAAD vous remercie. Elle remercie la Commission des institutions pour l'invitation. Notre intervention aujourd'hui vise à souligner les avancées les plus importantes, selon nous, du projet de loi et surtout vous faire part de notre expérience terrain. Nous sommes en mesure d'anticiper les effets du projet de loi dans la pratique et donc, dans une certaine mesure, de pouvoir déjà en mesurer l'efficacité. Nous vous ferons par des propositions d'amendement et partagerons avec vous certaines inquiétudes à l'égard du projet de loi. Et je cède donc immédiatement la parole à Me Benoit...

M. Benoit (Jean-François) : ...Merci. Donc, d'entrée de jeu, l'ACAAD appuie les modifications proposées au Code de la procédure pénale qui permettent un allègement de certaines règles de preuve, dont la preuve documentaire jointe au rapport d'infraction, soit l'article 2, ou des extraits de registre public, soit l'article 3 du projet de loi. L'ACAAD est aussi en accord avec le fait que le juge puisse rendre un jugement par défaut en son cabinet, l'article 6 du projet de loi. Ces modifications permettront des audiences moins longues, de réduire le nombre de témoins, tout en préservant l'équité procédurale. Les jugements par défaut en cabinet libéreront des salles... pardon, les employés du greffe et les poursuivants.

La seule réserve de l'ACAAD touche le premier alinéa projeté de l'article 191.01. Ce dernier prévoit que, lorsque le défendeur ne se présente pas pour l'instruction, après avoir été régulièrement convoqué, que toute preuve pertinente qui offre des garanties raisonnables de fiabilité est admissible, notamment la preuve documentaire et les dépositions écrites des témoins. La rédaction proposée rend admissibles des éléments de preuve qui n'auraient pas pu légalement être admis en preuve par témoignage en raison d'autres règles de preuve telles que celles prohibant le ouï-dire. Ainsi, nous proposons de limiter la preuve par déposition écrite des témoins aux éléments sur lesquels ils auraient pu témoigner en conformité avec les autres règles de preuve. Cette proposition permettra d'atteindre l'objectif de simplifier les audiences et l'administration de la preuve, sans pour autant rend admissibles des éléments de preuve par ailleurs inadmissibles en vertu des autres règles. L'efficacité sera préservée, et l'équité du procès assurée.

Le projet de loi modifie l'annexe V de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui énonce les attributions des juges de paix magistrats, que je vais nommer les JPM pour les fins de l'élocution. Cette modification leur donne plus de pouvoir afin de libérer les juges de la Cour du Québec de certaines tâches. D'entrée de jeu, nous tenons à mentionner que les JPM sont des juristes compétents soumis aux mêmes règles de sélection que les juges de la Cour du Québec et qu'ils bénéficient des mêmes garanties d'inamovibilité et d'indépendance. Ils utilisent déjà leur discrétion judiciaire lors de l'émission de mandats et lors de nombreux procès pénaux qu'ils entendent. Essentiellement, le projet de loi prévoit que les juges de paix magistrats aient les mêmes attributions que les juges de la Cour du Québec, sauf que les JPM ne pourront pas présider de procès, et ce, peu importe le mode de poursuite. Les JPM pourront accepter des plaidoyers de culpabilité, mais ne pourront sentencer que les infractions poursuivies par voie sommaire. Donc, ils ne pourront pas le faire pour les actes criminels. Les JPM pourront accepter des renvois à procès de consentement que si aucune preuve n'a été présentée. Les JPM ne pourront pas présider d'enquête préliminaire.

L'objectif est louable, mais nous sommes d'opinion qu'en pratique l'effet risque d'être plutôt limité et même contre-productif. Nous concevons difficilement comment la gestion des rôles dans les palais de justice permettra d'avoir recours efficacement aux nouvelles attributions des juges de paix magistrats. Nous croyons pertinent de vous partager notre expérience terrain sur ce point.

Il faut comprendre que les... que seuls les rôles des cours municipales sont composés uniquement de dossiers poursuivis par voie sommaire, et que les rôles de la Cour du Québec sont composés de dossiers poursuivis par voie sommaire et aussi de dossiers poursuivis par actes criminels. Ces dossiers sont donc appelés dans la même salle et devant les mêmes juges. De plus, dans les plus petits palais, il n'y a souvent qu'une salle de cour ouverte, et conséquemment le juge doit entendre l'ensemble des dossiers qui y sont prévus peu importe le stade des procédures et peu importe le mode de poursuite. Sur le même rôle, il y a des comparutions, des enquêtes sur mise en liberté, des enquêtes préliminaires, des sentences et des procès. Il est donc important que le juge ait l'ensemble des pouvoirs requis pour écouler le rôle. Les attributions projetées des JPM ne leur permettront pas de siéger efficacement.

Dans les plus grands palais. Il n'y a habituellement une salle à volume qui traite les comparutions, les pro forma, les plaidoyers de culpabilité avec suggestions communes ou contestées qui nécessitent de courtes représentations. Les attributions des juges de paix magistrats ne leur permettront pas de siéger efficacement puisqu'ils ne pourront pas sentencer les accusés par actes criminels. Toujours dans les plus grands palais, les enquêtes sur la mise en liberté, les enquêtes préliminaires, les sentences contestées et les procès se retrouvent dans les autres salles, mais sur un rôle qui comporte tous ces types de... de dossiers. Il est donc impératif que le juge ait l'ensemble des pouvoirs requis pour écouler le rôle. Or, les juges de paix magistrats ne pourront pas le faire efficacement.

Seuls quelques palais, à notre connaissance Montréal et Québec, ont un volume suffisant de dossiers.

M. Benoit (Jean-François) : ...avoir une salle réservée aux enquêtes sur mises en liberté. Les attributions projetées des JPM leur permettront de traiter presque tous les dossiers dans cette salle, mais ils ne pourront pas accepter, encore une fois, de plaidoyers et sentencier un accusé poursuivi par acte criminel, ce qui nécessitera un changement de salle ou un changement de juge.

Quant aux rôles de fin de semaine, ils sont composés de dossiers au stade de la comparution ou de l'enquête sur mise en liberté. Les attributions projetées des... JPM, pardon, ne leur permettront pas de traiter l'ensemble des dossiers, puisqu'ils ne pourront pas, encore une fois, accepter des plaidoyers et sentencier un accusé poursuivi par acte criminel qui désire plaider coupable à ce stade des procédures. Ainsi, un accusé arrêté le vendredi qui comparaît pour un acte criminel et qui désire disposer de son dossier, même avec une suggestion commune ne comportant pas de détention, ne pourra pas le faire. Conséquemment, ces dossiers devraient être renvoyés devant un juge de la Cour de Québec, sollicitant les employés du greffe et en retardant indûment la mise en liberté possiblement de quelques jours, jusqu'à tant que le dossier se retrouve devant un juge de la Cour du Québec.

Ainsi, les gains escomptés ne se concrétiseront pas. Nous envisageons même que cela aura pour effet de nuire au bon déroulement des audiences en forçant des suspensions, des transferts de dossiers entre salles, des changements de juges en cours de journée et des remises inutiles de dossiers. Nous envisageons même des détentions prolongées.

Nous sommes d'opinion que l'objectif de rendre l'administration de la justice plus performante serait atteint si les juges de paix magistrats devenaient des juges de la Cour du Québec à part entière. Cette proposition permettrait un meilleur déploiement des ressources judiciaires en augmentant leur flexibilité ainsi pour mieux répondre aux besoins du système de justice.

• (16 heures) •

Nous devinons que cela implique un investissement, puisque les salaires des JPM sont inférieurs à ceux des juges de la Cour du Québec, mais nous croyons que les gains justifient cet investissement. Il faut aussi considérer que le projet de loi comporte des coûts cachés : reports inutiles de dossiers, suspensions d'audience, transferts de salles, retards de mise en liberté des citoyens. Cela augmente également les vacances à la cour des témoins, des victimes, des intervenants, des procureurs et des avocats. Sans oublier qu'il est à prévoir un réajustement salarial des juges de paix magistrats, puisque leur attribution sera étendue par le projet de loi et qu'elle sera... et que leurs pouvoirs se rapprocheront de ceux des juges de la Cour du Québec.

S'il est de votre intention de maintenir une différence entre les attributions des juges de paix magistrats et les juges de la Cour du Québec, nous suggérons que les attributions soient définies pour simplifier l'administration dans les palais. Donc, nous proposons, subsidiairement, de permettre aux juges de paix magistrats de présider des enquêtes préliminaires, de... excusez-moi, d'ordonner aux prévenus de subir leurs procès avec consentement. Donnez-moi une petite seconde, si vous permettez. Bien, je vais céder la parole à ma collègue, mon temps est écoulé, donc je lui cède la parole.

Le Président (M. Bachand) :Votre micro est fermé, maître.

Mme Boulet (Marie-Pier) : J'allais dire : Il restait un seul point, je pense qu'il est important : recevoir des plaidoyers de culpabilité et procéder à la sentence, peu importe le mode de poursuite, pour ce qui est de définir les pouvoirs du juge de paix magistrats. J'enchaîne rapidement avec les commentaires, nos commentaires sur les articles 12 et suivants, c'est-à-dire le volet qui concerne la Loi sur la confiscation, administration et affectation des produits. Simplement, nos commentaires ressemblent grandement, peut-être, à ceux que le Barreau du Québec a soumis, c'est-à-dire que l'article premier de la loi prévoit que la confiscation civile vise, là, la confiscation de biens provenant d'activités illégales. Le texte actuel, justement, limite l'application de la loi aux activités qui sont visées par le Code criminel et un peu étendu à la loi sur certaines drogues  et autres substances, loi sur le cannabis, etc. Par contre, et de plus, le présent... pardon, texte de loi, c'est-à-dire l'article sept actuel, prévoit des mécanismes permettant au tribunal de protéger les tiers de bonne foi, pour les qualifier ainsi, et toujours dans ce même article 7, qui prévoit également la mise en œuvre de l'objet de la loi via le critère de l'enrichissement. Ainsi, la confiscation vise les produits ou les instruments susceptibles d'enrichir illégalement l'auteur ou le bénéficiaire et les prive de cet enrichissement. Le projet de loi ne modifie pas l'objet de la loi, mais retire tous les éléments qui permettaient d'atteindre cet objectif. Alors, nous suggérons de...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, on est rendus à la... Merci beaucoup, hein, désolé, le temps file rapidement. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Boulet, Me Benoit, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...je vous remercie également d'avoir participé au... bien, aux travaux de la Table Justice Québec et du plan d'action également, qu'on a pu arriver ensemble avec tous les partenaires justice. Je pense que c'était important que les avocats de la défense soient autour de la table également. On a vu, je pense, puis vous pourrez le confirmer, mais je pense, le fait que d'être assis ici avec... à la même table, avec le poursuivant, avec le DPCP, bien, ça va permettre justement aux avocats de la défense, au DPCP d'avoir des canaux de communication encore plus ouverts. Je pense que vous allez avoir des réunions également à... prévues à... certaines statutaires, si je pourrais dire, justement, pour faciliter le tout. Puis je pense que, dans le système de justice, si les différents intervenants peuvent se parler d'une façon plus soutenue, plus adéquate pour trouver des façons que ça fonctionne mieux, à la fois pour les avocats de la pratique privée en défense, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, vos clients, les victimes, c'est au bénéfice de tout le monde. Alors, je tiens à vous remercier d'avoir participé à la Table Justice, puis au plan d'action également.

Peut-être un point à éclaircir. Je pense que c'est vous, Me Benoit, tantôt qui en parlait, là. Sur la question du ouï-dire, là, au début, vous nous avez dit : Bon, on est en accord avec le fait que le régime de preuve permet désormais de déposer les documents. Cependant, on ne veut pas que la preuve qu'il faut déposer autrement n'aurait pas été admissible. Pouvez-vous juste nous expliquer davantage ce volet-là, là, de votre intervention?

M. Benoit (Jean-François) : Oui. Bon, ça serait sur la...

M. Jolin-Barrette : ...nous donner un exemple.

M. Benoit (Jean-François) : Oui. Bien, ça serait sur la discussion qui permet le dépôt des dépositions écrites des témoins. Parce que souvent, on le voit même dans les tribunaux, lorsque les gens témoignent, ils ont le réflexe de dire : Oui, mais lui, il m'a dit ça, ou je ne l'ai pas vu, mais lui, il m'a dit ça puis c'est comme ça. Ça fait que ce genre d'information là, qui se trouve déjà dans les témoignages à la cour, risque de se retrouver dans les déclarations écrites. On le voit déjà régulièrement dans les déclarations. Donc, l'objectif n'est pas d'empêcher le dépôt de ces dépositions-là, mais c'est que le juge, dans son analyse de la preuve documentaire, fasse abstraction des éléments qui sont du ouï-dire, donc, que le témoin n'a pas pris ou n'a pas eu connaissance directement par ses sens, tout simplement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que, normalement, s'il y avait eu un dossier où les personnes physiques auraient été présentes, vous vous seriez objecté à cette preuve-là parce que, bon, ce n'est pas lui qui l'a constaté. Puis c'est, supposons, Roger m'a dit qu'il a vu Ginette faire ça.

M. Benoit (Jean-François) : L'homme qui a vu l'ours, effectivement. Ça fait qu'en réalité c'est ça le problème, parce qu'on ne peut pas... C'est un des problèmes, c'est une règle qui est répandue, autant pénal et... pénal, criminel. Donc, je pense que c'est important de le préciser. Et ça ne limite pas vraiment la portée du projet de loi. Donc, on va quand même pouvoir déposer les dépositions des témoins. C'est juste que le juge ne tiendra pas en considération les éléments qui sont du ouï-dire.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Peut-être plus largement, là, on a pris acte de vos commentaires sur... sur le projet de loi. Sur Table Justice, les mesures un peu que... Pour informer, là, les gens, là, qui nous écoutent, les mesures prônées par les avocats... les associations d'avocats de la défense. Comment vous entrevoyez ça, les mesures... la mise en place des mesures, là, sur lesquelles vous êtes partenaires?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Je vous dirais, sur lesquelles nous sommes partenaires, M. le ministre, principalement... Vous parliez tout à l'heure des rencontres, là, statutaires avec le DPCP. Je peux vous dire que, déjà, il y en a une. Alors, nous avons été particulièrement proactifs en la matière, et ça nous a amenés même à créer d'autres projets, là, complémentaires à ceux qui étaient déjà prévus dans la Table Justice. Pour notre part, on était évidemment partenaires dans le sens où on va collaborer aux mesures. Là, vous vous souviendrez, celles relativement aux enquêtes préliminaires hors cour. C'est une pratique pour laquelle nous étions déjà des partenaires, où nous contribuons. Et nous faisons des demandes en ce sens-là. Et l'objectif actuel est que ce soit une pratique qui soit étendue. Alors, nous allons finalement parler de ça dans les comités de liaison. Donc, en plus de parler avec le DPCP, nous avons des rencontres dans les palais avec... qui entourent, là, tous les intervenants judiciaires, le greffe, les consultants spéciaux. Donc, avec ces gens-là, là, nous allons leur faire part, parce que, vous savez, une enquête préliminaire hors cour, il y a également la question de l'attribution des salles, la disponibilité du personnel. Donc, nous, on s'assure finalement de mettre ce dossier-là à l'ordre du jour pour que ça se passe concrètement sur le terrain. Ça fait que c'est un des éléments, là, qu'on... qu'on met en place, en plus des rencontres, comme on vous avait mentionné.

M. Jolin-Barrette : O.K. Comment vous entrevoyez ça, puis je sais qu'il y en a déjà, là, mais le fait que la Cour du Québec, notamment, souhaite élargir la facilitation, la superfacilitation dans les différents dossiers? Parce que, tu sais, il y a beaucoup de dossiers qui se règlent la veille ou le matin même aussi, puis là on... on se retrouve à sacrifier du temps de cour alors que tout le monde s'est préparé de part et d'autre...

M. Jolin-Barrette : ...la défense, la couronne se préparer, le juge aussi, connaissance du dossier. Comment vous entrevoyez ça, là, la facilitation, superfacilitation avec le DPCP puis la cour?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Alors, c'est une mesure qui était déjà existante, qui était, encore une fois, comme l'enquête préliminaire en cour, qui n'était peut-être pas suffisamment étendue, donc des districts où c'était très exploité, d'autres où ça l'était moins. Je vous dirais qu'on est très, très favorables en défense, là, et c'est mur à mur, de participer à ce genre de... disons, de mesure de rechange, si on peut le dire ainsi, là... une façon différente de faire le procès, de le faire à l'avance, de discuter, c'est hyperefficace. On a toute l'ouverture, là, je vous dirais, des membres, là, pour y participer, et c'était d'ailleurs une mesure qu'on présentait au départ, là. Donc, ce n'est pas... Dans le document final de la Table-Justice, là, c'est une mesure qui se retrouve plutôt attribuée à la Cour du Québec, mais c'est une mesure qu'on avait déjà également identifiée comme étant hyperefficace.

Vous savez, la facilitation, il y a un volet confidentialité qui vient avec ça qui est hyperimportant, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas nécessairement dévoiler par exemple au poursuivant, sachant que par exemple ça pourrait contrecarrer une défense. Mais, si ça se fait dans un cadre de confidentialité et qu'on peut avoir à l'avance l'opinion d'un juge... Si moi, je reviens de facilitation et je dis à mon client : Vous savez, j'ai présenté nos arguments, et le juge m'a dit que je n'ai aucune chance, c'est certain que ça peut avoir un impact sur le client, et, vice versa, la poursuite qui se ferait dire : Écoutez, l'argument de la couronne... de la défense est très fondé, vous devez évidemment l'envisager. Alors, on repart chacun de notre côté avec ça, déjà on ébranle nos positions, et plutôt, comme vous le dites, de le faire le matin du procès, eh bien, on le fait à l'avance. C'est extraordinaire, je vous le dis, là, rien de moins.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : C'est bon, ça. C'est des bonnes nouvelles, des bonnes nouvelles. Peut-être m'éclairer sur un point, là. Tout à l'heure, Me Benoit, vous avez soulevé... Vous, vous avez une crainte, avec le projet de loi, que le juge de paix magistrat, si, supposons, la personne arrive en comparution devant lui, supposons, il est poursuivi sur infraction sommaire, que dans le fond il ne puisse pas enregistrer son plaidoyer de culpabilité, supposons qu'il veut plaider à la première occasion. Est-ce que je me trompe? C'était ça, votre...

M. Benoit (Jean-François) : Si vous me permettez, en réalité, je ne vois pas de problème au niveau sommaire, c'est plutôt si l'accusation est prise par acte criminel. Parce que ce que nous comprenons du projet de loi... Il peut recevoir le plaidoyer, mais il ne peut pas procéder à la sentence.

M. Jolin-Barrette : Exactement.

M. Benoit (Jean-François) : Donc... Mais donc, l'individu ne pourra pas être remis en liberté, même si le poursuivant ne recherche pas nécessairement de la détention. Donc, on prolonge une détention, on fait en sorte... on vient scinder un petit peu, parce qu'on a un juge de paix qui a des pouvoirs très limités, puis on ne permet pas de traiter l'ensemble du dossier. Donc, il y a un report, un changement de salle, un changement de jour, donc on retarde cela, et ça, ça peut être préoccupant, parce qu'on parle de la liberté des individus. Donc, à mon sens, la question de... lors de la comparution, parce que 515 du Code criminel le prévoit, on peut recevoir un plaidoyer à ce stade-là. Donc, un des problèmes qu'on voit, c'est surtout par acte criminel, notamment parce que, bon, le juge se retrouve à n'avoir pas l'ensemble des pouvoirs pour traiter le dossier, donc on risque de voir des reports et une privation de liberté indue, la plus grande inquiétude que nous avons.

M. Jolin-Barrette : Oui. Juste avant de céder la parole à mes collègues, dans votre pratique, là, est-ce que vous en avez beaucoup, de clients qui plaident coupable à la comparution?

M. Benoit (Jean-François) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Oui. C'est quelle proportion?

M. Benoit (Jean-François) : Écoutez, je n'ai pas de statistiques, parce qu'il faut savoir qu'on a des pratiques toutes différentes. Il y a des avocats qui ont des clientèles très détenues, il y a des avocats qui ont des clientèles très peu détenues. Dans mon jeune temps, j'avais une clientèle qui était détenue, j'ai une clientèle qui est moins détenue pour l'instant. Mais je peux vous dire que, même s'il n'y a qu'une personne qui veut le faire, puis cette personne-là est détenue indûment, c'est une de trop. Ça, c'est clair. Donc, en tant que société juste et démocratique libre, on doit tout faire en sorte pour faire en sorte que cette privation indue n'arrive pas. Puis, à mon sens, limiter les pouvoirs du juge de paix, c'est un peu ce qui se faisait dans le C-24, si vous me permettez... C'est pour ça que la loi a été déclarée inconstitutionnelle sur certains points. Puis on se retrouve un peu dans une même dynamique.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je note, M. le Président, que Me Benoit a dit «dans son jeune temps». Alors, je ne sais pas s'il est rendu dans son vieux temps, mais...

Le Président (M. Bachand) :Mais, vous savez, à la Commission des institutions, on ne fait pas d'âgisme.

M. Jolin-Barrette : Non, non!

Le Président (M. Bachand) :Alors donc, Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Merci beaucoup. Bon après-midi. On ne vous a pas beaucoup entendus lors de l'exposé sur la question de... que les JPM pourraient faire la comparution et les enquêtes sur remise en liberté à distance et sept jours sur sept. On est tous là pour un système de justice plus accessible. Comment est-ce que ça va vraiment changer votre façon de faire?

M. Benoit (Jean-François) : Présentement, écoutez, les enquêtes sur remise en liberté...

M. Benoit (Jean-François) : ...il y en a distance. Il y en a aussi pour lesquels on demande une présence physique. Donc, à mon sens, c'est quand même une avancée importante qu'on puisse contacter un juge de paix magistrat qui a des pouvoirs, l'entièreté des pouvoirs nécessaires pour tenir une enquête sur remise en liberté. C'est un gain important. Que ça puisse se faire, en fait, techniquement, il n'y a rien qui limite cela à des heures régulières de la cour. Donc, c'est une question de liberté. Donc, le plus rapidement qu'on peut traiter de la légalité de la détention, le mieux que c'est. Le fait que ça soit à distance, ça devrait... je ne vois pas...  C'est correct que ça puisse se faire à distance, mais, lorsque le citoyen désire le faire en personne, il devrait avoir la possibilité de le faire.

Est-ce qu'il devrait avoir la possibilité de le faire 24 heures sur 24? On n'a pas étudié la question. Mais je pense que le fait de la capacité de le faire à distance... de toute façon, c'était prévu au Code criminel depuis très longtemps. C'était même possible, selon le Code criminel, de le faire par téléphone. Donc... Mais le fait... avec le système actuel en place, c'est déjà une avancée majeure, la fin de semaine, c'est déjà ce qui est fait d'ailleurs.

Mme Bourassa : Et j'imagine ce que les gens veulent, une certaine modernisation. Tu sais, on a les outils, alors, surtout quand il est question de détention, comme vous disiez, là, que c'est quand même assez important de faire valoir ses droits le plus rapidement possible.

M. Benoit (Jean-François) : Oui, je suis d'accord avec vous. Cependant, le procédé à distance, ça a des impacts sur la capacité de l'avocat de rencontrer son client, la capacité d'échanger rapidement de l'information, de faire un retour, parce que le procureur de la couronne parle avec la défense, c'est difficile de parler régulièrement avec le client. Donc, ça ralentit le processus. Ça rend plus facile d'avoir une audience devant le tribunal, mais le processus en arrière-plan est un petit peu plus compliqué. Quand l'individu est au palais de justice, je parle avec mon collègue de la poursuite, je vais voir mon client... comme ça, les choses vont très vite. Mais c'est un gain parce qu'on va étendre les plages... lors desquelles on peut avoir des enquêtes sur remise en liberté, mais il faut avoir... Par contre, si l'individu veut avoir son enquête en personne, parce qu'il doit témoigner souvent dans le cadre de l'enquête de l'enquête, puis, s'il le désire, c'est important qu'il puisse le faire.

Mme Bourassa : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Député de Saint-Jean, s'il vous plaît!

M. Lemieux : ...

Le Président (M. Bachand) :Quatre minutes 17 secondes exactement, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. M. Benoit, Mme Boulet, merci beaucoup d'être là. J'ai juste assez de temps pour commencer par vous parler des travaux de la table, parce que j'observais la conversation avec le ministre, et je voyais dans vos yeux, Mme Boulet, que la participation à la table ne vous a pas juste réjouie, mais vous a rendu très optimiste pour la suite des choses, même que vous avez commencé à travailler sur certaines choses qui ont semblé vous plaire énormément. Ça, pour moi, c'est extraordinairement important, puis je voudrais vous entendre davantage. Parce que le projet de loi, c'est une chose, puis on va en parler, puis on va adopter article par article, puis on va s'organiser, puis on va tenir compte de ce que vous nous dites pour voir dans quel but... dans quelle mesure on peut améliorer tout ça.

Mais, au fond, on n'aura pas tout réglé pour réduire les délais en matière criminelle et pénale, et puis on n'aura pas rendu l'administration de la justice plus performante pour toujours, juste plus performante pour un petit bout. Vous voyez ça comment, vous deux, la suite des choses?

M. Benoit (Jean-François) : ...ça... c'est de l'argent qui manque dans le système de justice. Le système de justice est sous-financé. Il y a eu un budget hier, je n'ai pas les chiffres, là, mais la part 31 millions pour la sécurité dans les palais, c'est bienvenu, mais ce n'est pas de l'argent qui est mis pour rendre plus d'audience, de faciliter le processus. Donc, il y a un sous-financement, je pense, dans le système de justice. Quand les salles ferment, parce qu'il manque de greffiers, il y a un problème. Quand un greffier gagne 38 000 $ par année, il y a un problème. Il est là, le problème, à mon sens. Donc, oui, présentement, on fait des actions dans le but de sauver le système, parce que les acteurs du système le portent à bout de bras, le système, les juges la font, la défense le fait, la poursuite le fait. Mais on arrive à un point où on n'est plus capable de soutenir ce rythme-là et de sauver ce système-là.

Donc, oui, c'est des salles, oui, c'est des juges, oui c'est des ressources, c'est des mesures alternatives de règlement. Il y a différentes avenues, mais aussi à des visions à plus long terme, je pense.

M. Lemieux : Des juges... Je m'excuse. Peut-être Mme Boulet, vous vouliez raconter quelque chose, mais je vais rebondir sur Me Benoit. Des juges, il y en a sept de plus, là, non?

M. Benoit (Jean-François) : Il y a en sept de plus. Pouvez-vous me dire la part qui va à Québec, Montréal?

Une voix : ...

M. Lemieux : Ah! Il y a 14 juges de plus. Et puis j'ai entendu, dans une conversation précédente, la déclinaison d'où allaient les juges, mais je ne sais pas comment quelqu'un pourrait m'aider à vous donner la liste, à moins que M. le Président me permette...

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Benoit (Jean-François) : Je n'ai pas besoin de la liste exacte, mais juste pour vous dire que la part du lion va toujours dans les grands...

M. Benoit (Jean-François) : ...Les régions, c'est un petit peu plus difficile. Ça, c'est une réalité. Mais le nombre de juges, c'est une réalité. Mais la réalité quotidienne de la pratique est de beaucoup plus complexe qu'elle était. Dans mon jeune temps, ça fait 17 ans que je fais ça, je peux vous dire que j'ai vu les choses. Il y a beaucoup plus de requêtes à faire, il y a des requêtes préliminaires à faire qui n'existaient pas avant. Ce qui fait qu'il y a une multiplication, dans le même dossier, des audiences, et ça demande des ressources considérables à tous les acteurs. Donc, c'est la réalité au quotidien.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le ministre de la Justice, voulez-vous répondre sur la répartition des juges?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, les juges qu'on a nommés à la Cour du Québec, il y en a huit à Montréal, et on en a, je pense, un à Québec, on en avait deux à Laval, je crois. Mais, si vous faites référence aux sept, c'est les juges de la Cour supérieure. Mais je crois que vous pratiquez en Outaouais, Me Benoit, puis on a vu le Barreau de l'Outaouais qui nous a indiqué très clairement qu'il souhaitait avoir des postes de juges de la Cour supérieure qui soient fixés à Gatineau. Moi, je suis très ouvert avec cette réalité-là. D'ailleurs, la Cour supérieure, on a concocté d'un commun accord la disposition des sept postes de juges qui sont tous en région. Mais je comprends qu'il y a un besoin particulier pour Gatineau, puis je suis extrêmement sensible à ça. Donc, on aura... Les travaux ne font que débuter, alors... du présent projet de loi, alors, moi, j'ai beaucoup d'ouverture. Mais j'entends votre cri du cœur de l'Outaouais.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Lemieux : ...

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie.

• (16 h 20) •

M. Morin : Merci, merci, M. le Président. Alors, bonjour, maître Benoit, Me Boulet. Ça me fait plaisir de dialoguer avec vous à nouveau en commission parlementaire.

J'ai quelques questions pour vous. La première qui touche la compétence qui sera un peu étendue des juges de paix magistrats. Le projet de loi prévoit que, dans le cadre de l'enquête préliminaire... Puis je comprends qu'on a... on a restreint au Code criminel des crimes pour lesquels on peut demander ou bien avoir une enquête préliminaire, là, ça, c'est clair, là. Mais, en fait, ce qu'on leur permet de... d'accepter, comme on dit dans le jargon, c'est un 5.49, c'est-à-dire le poursuivant, la défense sont d'accord, puis on saute l'enquête préliminaire puis on s'en va au procès. Il y a peut-être certains grands centres où un juge peut avoir un rôle de 5.49, mais j'imagine que dans certaines régions, il ne peut pas avoir un rôle de 5.49, là, il n'aura peut-être pas assez de dossiers. Comment... comment voyez-vous ça au niveau de la gestion des dossiers? Est-ce que c'est un avantage? Est-ce que ça va aller plus vite?

Puis à l'enquête préliminaire, là, dans le Code criminel, c'est un juge de paix qui préside l'enquête préliminaire. Ce n'est pas un juge de la Cour du Québec, là, tu sais. Alors, c'est sûr que le juge de la Cour du Québec, il a plusieurs chapeaux, là, mais, dans le code, c'est un juge de paix. Donc, il ne pourrait pas entendre des témoins, le juge de paix magistrat?

M. Benoit (Jean-François) : Si vous me permettez, je pense que l'enquête préliminaire est le très bon exemple, exactement, de ce qu'un juge de paix magistrat devrait être capable de faire. Il entend des témoins. Il n'y a pas d'évaluation de crédibilité, il n'y a rien. Le juge, à l'enquête préliminaire, fait juste gérer les règles d'admission de la preuve, là. Il va traiter de... du renvoi à procès, ce qui est relativement très rare. Mais, tu sais, est-ce qu'il y a une preuve prima facie? C'est la seule règle. Donc, en réalité, moi je pense que tous les juges de paix magistrats devraient faire partie de la... les juges de la Cour du... Cour Québec. Mais, si vous voulez limiter les pouvoirs, donnez-leur au moins l'enquête préliminaire. C'est tout désigné pour un juge de paix magistrat. Faire un 5.49, un renvoi, écoutez, c'est tout le monde consent qu'on ne fera pas l'enquête préliminaire puis qu'on s'en va de suite au procès. Je veux dire, c'est un acte purement administratif. Le juge n'a absolument aucune discrétion à faire. Il reçoit le consentement des parties. On l'empêche de faire ça. S'il y a eu une présentation d'une preuve, logiquement, c'est parce qu'il y a un début d'enquête préliminaire. Souvent, il va y avoir un début d'enquête préliminaire, on va la limiter, on ne fera pas une enquête complète, on va faire un renvoi au procès avec 5.49. Donc, si le juge a la... juge de paix magistrat a la capacité d'entendre l'enquête préliminaire, logiquement, il devrait avoir la capacité aussi de faire un 5.49, là, parce que ça va un petit peu ensemble. Mais il n'y a pas une salle de cour, dans aucun palais, que c'est toutes des 5.49, là. Oubliez ça, là. C'est un... c'est un... c'est un sac de bonbons mélangés, tout ça, là.

M. Morin : Ce qui fait qu'actuellement le juge de paix magistrat pourrait entendre un 5.49. Mais la défense, comme ça arrive parfois, qui veut entendre un témoin et puis faire un 5.49 pour le reste, bien là, ça ne marchera pas.

M. Benoit (Jean-François) : En plein ça.

M. Morin : Donc, ça ne pourrait pas être le juge de paix magistrat. Il faudra aller devant un juge de la Cour du Québec, qui est par ailleurs un juge de paix. O.K., très bien. Bien, écoutez, merci, merci beaucoup. Ça... ça m'éclaire.

Autre chose, vous n'en avez pas beaucoup parlé, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, comme... comme avocat de la défense, c'est tout le régime de confiscation administratif. Vous aviez commencé à en parler un peu, mais le temps nous a fait défaut, donc j'aimerais... j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a, dans le projet de loi, plusieurs présomptions...

M. Morin : ...il y a même une présomption à l'effet que le défendeur va avoir été présumé recevoir l'avis de la confiscation. Comme avocat de défense, qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Je vous dirais que... Oui, vas-y. Allez-y...

M. Benoit (Jean-François) : En quelques mots, le projet de loi multiplie la portée de la loi sur la confiscation, l'étend à toute infraction. Première chose, on enlève la discrétion du juge pour rendre des ordonnances qui vont dans l'intérêt de la justice. On enlève les protections contre les tiers de bonne foi. Donc, c'est tous des effets multiplicateurs. La loi est sans limites, elle est... c'est une loi qui ne... je vous dirais, qui vise absolument tout. Qui vise un excès de vitesse. Le véhicule pourrait être confiscable, selon cette loi-là. Une résidence a... n'a pas de piscine... n'a pas de clôture autour de sa piscine, l'immeuble pourrait être confiscable. La portée est incroyable, de ce projet de loi là. Pour faire... rebondir sur ce que vous avez mentionné, sur l'avis envoyé par courrier simple, puis confisquer un bien d'une valeur jusqu'à 100 000 $, ça n'a aucun bon sens, ça n'a aucun bon sens, parce que là, il va falloir, par la suite, aller devant le tribunal, revenir en arrière. C'est contre-productif.

Donc, il y a beaucoup de choses dans ce projet de loi là. Il y a... La portée est étendue, elle est multipliée, on enlève les barrières, on simplifie la procédure. Je vois ou je peux prévoir... Puis, écoutez, on peut se fier à la bonne foi du poursuivant ou du Procureur général, mais c'est le rôle du législateur d'encadrer ce pouvoir-là. Le simple fait qu'on présume que le pouvoir qui est accordé par une loi va être exercé de bonne foi, ce n'est pas une garantie suffisante. C'est le rôle du législateur de mettre les quatre coins à l'intérieur desquels le Procureur général va devoir travailler, puis je pense que c'est le gros problème avec ce projet de loi là, il n'y a même pas de quatre coins.

Mme Boulet (Marie-Pier) : Et j'ajouterais, l'article 16 du projet de loi, qui retire les mécanismes, là, qui protègent les tiers de bonne foi, donc, le tribunal va être obligé de donner droit à une confiscation, même si le propriétaire du bien n'a pas participé à l'activité illégale, il ne pouvait pas s'en douter. Alors, on va littéralement punir des tiers qui sont totalement de bonne foi, les priver d'un bien qui, comme on le disait, là, n'est pas nécessairement un bien mince ou d'une faible valeur.

M. Morin : Je comprends que, dans le projet de loi, il y a toujours, par la suite, un mécanisme de contestation, mais là on peut se demander en quoi ça va accélérer le processus, parce que, s'il y a, effectivement, des tiers qui ont été dépossédés, bien, ils vont vouloir contester. Donc, finalement, on est peut-être partis très vite avec un sprint, mais, vu que c'est un marathon, ça va finir où ce ne sera pas plus vite. J'ai une bonne compréhension du projet de loi ou je me trompe?

Mme Boulet (Marie-Pier) : C'est en plein ce qu'on dit, qu'au niveau de l'objectif du projet de loi d'accélérer, là toute la question de l'efficacité, là on est à rebours là-dessus.

M. Morin : O.K. Il y a d'autres éléments aussi. Quand on dit, dans le projet de loi... Je regarde, entre autres, l'article 18, qui va... bien, en fait, qui va insérer, après l'article 12, 12.2 : «Un bien présumé est un produit d'activités illégales dans l'une ou l'autre des situations suivantes. Il s'agit d'une somme d'argent comptant trouvée à proximité de substances interdites.» Le mot «proximité», pour vous, c'est précis? C'est vague, ça mériterait d'être précisé?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Ça ne peut pas être plus vague, en fait, parce que la proximité, là, du moment qu'on est à l'intérieur d'un immeuble, par exemple, mais qu'on n'est pas dans des pièces, par exemple, avec un colocataire, où moi, j'ai des choses, lui, il a les siennes, il y a... on a des espaces privés même à l'intérieur d'un même espace. Je vous dirais que juste passer le temps à interpréter, finalement, devant les tribunaux, cette notion-là, on va perdre beaucoup de temps et de ressources.

M. Morin : Et...

M. Benoit (Jean-François) : Si vous me...

M. Morin : Oui, allez-y, je vous en prie.

M. Benoit (Jean-François) : Bien, la même chose pour «une disposition est incompatible avec les pratiques des institutions financières». On parle des sommes d'argent. Je vais vous avouer que je n'ai aucune idée qu'est-ce que veut dire «disposition est incompatible avec les pratiques des institutions financières». Ça fait qu'encore une fois le projet de loi crée un concept qui est nébuleux, qui va se retrouver devant les tribunaux et qui va... qui risque d'augmenter le volume de dossiers, notamment devant la Cour supérieure, là. Ce n'est pas devant des instances criminelles, c'est devant des instances civiles, ces dossiers-là, il faut le dire, mais de la Cour supérieure.

M. Morin : Et ça, on n'en a pas parlé, mais qu'est-ce que vous pensez de la disposition qui prévoit que, si c'est adopté, dorénavant, tous les renvois seront déposés à la Cour d'appel à Québec?

M. Benoit (Jean-François) : Ce n'est pas un sujet que nous avons discuté en comité, donc on n'émettra pas d'opinion personnelle sur ce point.

M. Morin : Parfait, je vous remercie. Si on revient...

M. Morin : ...en option et quand on regarde toujours l'article 18 du projet de loi l'insertion de 12.1, «un bien est présumé être un instrument d'activité illégale lorsqu'une infraction de nature sexuelle a été commise en utilisant ce bien». D'après vous, est-ce que ça pourrait permettre une... Parce que «bien», bon, évidemment, n'est pas défini. On est dans un contexte de droit civil. Si on regarde la définition d'un bien au Code civil, ça peut être un immeuble ou un meuble. Donc, ça voudrait-tu dire que le législateur peut venir confisquer un immeuble?

M. Benoit (Jean-François) : Écoutez. Moi, je crois que l'interprétation se tient. Également, je vous donne... Je vous donne un exemple. C'est la victime qui est propriétaire de l'immeuble. Le projet de loi permettrait de saisir cet immeuble-là si l'agression sexuelle a lieu chez elle, même si l'auteur de l'infraction n'est même pas propriétaire du bien et n'a pas... n'a pas de lien avec ce bien-là. Moi, je pense que ce que je viens de vous dire est permis. Et on peut l'interpréter de cette façon-là si on se fie au projet de loi. Ce qui fait... Je suis convaincu que ce n'est pas l'intention du législateur, mais il faut faire en sorte que ce type d'interprétation là, là, ne soit pas possible.

Le Président (M. Bachand) :Je vous laisse la parole, M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Oui. Puis alors, je comprends que ces dispositions-là risquent éventuellement d'être débattues devant la cour. Donc, ça ne va pas accélérer le système.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Morin : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

• (16 h 30) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Rapidement. Est-ce qu'on a connaissance dans le reste du Canada ou dans les autres provinces d'un élargissement similaire de ce qui existe ou l'équivalent du juge de paix magistrat? Ça nous aiderait dans notre réflexion.

M. Benoit (Jean-François) : Oui. Bien, écoutez, à ma connaissance, il faut savoir que le juge de paix est... date depuis très longtemps, c'est un vieux concept. Alors qu'il n'y avait pas de juge disponible, c'est le juge de paix qui gérait les petites urgences, là, si vous voulez. Il y a eu une contestation à l'époque au Nouveau-Brunswick sur, justement, la règle des 24 heures, la disponibilité des juges. Mais à ma connaissance, on a aboli tout simplement la notion de juge de paix. C'est tous des juges de la Cour provinciale au Nouveau-Brunswick. Ce qui donne une plus grande flexibilité, ici, et je ne touche pas... Parce qu'au Québec on a les juges de paix fonctionnaires, là. Les juges de paix fonctionnaires devraient rester des juges de paix fonctionnaires, bien entendu, mais, à mon sens, pour donner une vraie flexibilité à l'appareil de la justice, avec des gens qui sont déjà présentement nommés et qui ont une compétence juridique, qui sont déjà... qui font déjà des procès en matière pénale, bien, il y a... Il y a une quarantaine de juges de paix magistrats qui sont déjà disponibles.

M. Cliche-Rivard : Ça fait que vous dites que... Vous dites que l'exemple de la... du Nouveau-Brunswick vous amène à penser qu'il pourrait avoir un recours en contestation similaire.

M. Benoit (Jean-François) : Eh non! Du tout. Il y a eu... À la suite d'une contestation sur la question de la disponibilité des juges de paix, ils ont tout simplement aboli les juges de paix, puis c'est tous des juges de la Cour provinciale aujourd'hui.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Il y a l'article 34 qui fait passer le nombre de juges à Montréal de 101 à 99. Est-ce que vous aviez une position ferme là-dessus ou est-ce que vous aviez pris une position?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Ce n'est pas un sujet qu'on a discuté non plus en comité.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Vous avez répondu assez franchement tout à l'heure au collègue de... le député de Saint-Jean, là, comme quoi ça allait continuer à être compliqué dans l'avenir pour l'administration de la justice. Est-ce que vous pensez qu'on s'attaque à la bonne chose ici avec le projet de loi?

Mme Boulet (Marie-Pier) : Moi, je pense sincèrement que vous êtes à la recherche de la solution. En tout cas, quand on regarde l'étendue des pouvoirs pour les juges de paix magistrats, ça m'apparaît évident. Et l'échange plus tôt avec le ministre a quand même effet. C'est-à-dire que nous aussi, on va continuer de ne pas simplement faire les choses de la manière qu'on le faisait puis se remettre en question. C'est ce qu'on fait lors des rencontres. On va faire preuve de plus d'ouverture. Mais ce qu'on vous dit, c'est que les questions, puis on va parler des avocats de la défense, parce que ça, ça ne se nomme pas, un avocat de la défense, ça se crée, là, de... C'est un... C'est une vocation, j'ose croire.

Et je vous dirais que je vais ajouter à la difficulté, je vais vous parler de la négociation des tarifs de l'aide juridique. Vous savez qu'en ce moment, là, vous... On risque d'arriver au... à un délaissement ces dossiers-là à nouveau si le point n'est pas réglé. Moi et Me Benoit, aujourd'hui, là, on est bénévoles et tous les membres de l'association, on est bénévoles. Ma participation à la Table Justice l'était. À la dépense, on... Comme je le dis, c'est une vocation, et on souhaite continuer de faire ainsi. Je pense que c'est ce qui nous motive de donner de notre temps. Mais à un moment donné, ça va avoir quand même ses limites, surtout quand ça vient avec des grandes responsabilités, comme celle de représenter un justiciable pour lequel la liberté et, par exemple, la possibilité de... d'antécédents judiciaires, là, est un risque évident. Je pense qu'à un moment donné, c'est beaucoup nous demander. On va continuer de mettre beaucoup d'efforts, du bénévolat, mais il faut régler ces dossiers-là au niveau du financement, et ça passe par l'aide juridique.

M. Cliche-Rivard : Et les discussions continuent, là, avec le juridique, si je comprends bien, pour le financement, là.

Mme Boulet (Marie-Pier) : Oui. Bien, en fait, nous, on n'est pas directement impliqués, là. On l'est indirectement, là. Vous savez qu'on arrive plus au moment où il y a des moyens de pression à part pour les inciter à régler. Pour l'instant, on se fait bien patients. On continue de prendre les dossiers, mais je sais que le délaissement va être assez imminent du moment que ça ne se... que ça ne se réglera pas.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui, merci...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Nichols : ...Merci, M. le Président. Merci à vous deux de votre participation. Merci de partager votre... votre longue expérience, Me Benoît. J'avais... En conclusion, Me Boulet, là, vous aviez parlé dans... vous n'aviez pas eu le temps, là, de terminer votre conclusion. Vous étiez sur la partie de la loi sur les confiscations. Je ne sais pas s'il y avait des points à ajouter ou si on les a abordés avec mes collègues précédemment.

Mme Boulet (Marie-Pier) : Avec vos collègues précédemment, on a pas mal réussi à faire le tour...

Mme Nichols : Parfait.

Mme Boulet (Marie-Pier) : ...parce que je vous dirais que notre conclusion était que... d'abandonner finalement littéralement ce volet-là. Parce que ce qui était en place à l'heure actuelle, on trouvait que ça répondait bien et qu'il y avait les garanties, en fait, on dit que ça répond bien. Mais il y a déjà une grande difficulté de contestation, et là on la rend littéralement illusoire, là, avec le projet de loi et on vient condamner des tiers innocents, notamment pour ce qu'on... pour ne pas reprendre ce qu'on a déjà dit.

Mme Nichols : Ça fait que, dans le fond, ce qu'on comprend, c'est que dans le projet de loi qui vient proposer les cinq nouvelles présomptions pour un certain nombre, là, de biens présumés, comme des produits d'activités illégales, des exemples dont a donné Me Benoît, ça viendrait porter à confusion puis ça n'aiderait pas du tout. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à la place de venir plutôt préciser... d'apporter certaines... que certaines présomptions soient précisées? Est-ce qu'il y aurait un effet bénéfique de préciser certaines... certaines présomptions?

M. Benoit (Jean-François) : Pour ma part, je peux vous dire pour les dossiers que j'ai faits en cette matière, ce sont tous des dossiers qui viennent après un dossier au criminel. C'est des biens souvent qui ont été saisis dans le cadre d'une instance criminelle, pas seulement, mais souvent, et le procureur général a 30 jours, après l'instance, pour signifier la demande introductive d'instance.

Donc, souvent, il y a déjà des plaidoyers de culpabilité, il y a déjà de la preuve qui est déjà disponible. Donc... selon moi, la preuve est déjà très facile à faire dans ces dossiers... dans ces dossiers-là. Donc, on étend énormément la portée, on enlève la protection... et en plus on rajoute des présomptions. Je vous soumettrais que la portée est nettement, nettement excessive.

Mme Nichols : Parfait. Merci. Je n'avais pas d'autre question. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Sur ce, Me Boulet, Me Benoît, merci infiniment d'avoir été avec nous. Ça a été très, très, très agréable et un grand privilège. Sur ce, la commission suspend ses travaux quelques instants. Merci beaucoup. À bientôt.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, c'est avec un grand privilège que nous... nous avons les représentants de l'Association... Association du Barreau canadien, division du Québec. Alors, merci infiniment d'être avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Je vous inviterais d'abord à vous présenter et débuter votre présentation. Merci encore d'être avec nous aujourd'hui.

M. Sévéno (Louis) : Alors, bonjour. Bonjour à tous et à toutes. Je me présente. Je m'appelle Louis Sévéno. Je suis le président de l'ABC-Québec. Je suis également praticien en matière de litige, principalement civil et commercial, au cabinet Woods à Montréal. Je suis un associé du cabinet et je suis membre du Barreau du Québec depuis 2004. Je suis accompagné aujourd'hui... et j'ai la grande chance d'être accompagné d'un avocat expérimenté exerçant dans les domaines du droit pénal, criminel et disciplinaire, nul autre que Me David Robert Temim, associé fondateur du cabinet Dumoulin-Temim. Il est membre du Barreau du Québec depuis 2012 et il a contribué à la rédaction du mémoire que nous avons déposé à titre de membre du comité exécutif de notre section droit pénal et criminel.

Donc, je vais passer la parole dans quelques instants à Me Temim puisque c'est lui qui va vous adresser la parole, principalement sur les aspects du projet de loi qui concernent le... qui concernent le droit pénal et qui concernent en grande partie le...

M. Sévéno (Louis) : ...le plan d'action de la Table Justice-Québec, modifications dont nous saluons la présence puisqu'elles visent à mettre en œuvre ce plan d'action avec lequel notre... notre association est grandement d'accord. Moi, je vais par la suite vous adresser la parole concernant les modifications qui ont plus trait à l'administration de la justice de façon générale et puis nous allons pouvoir vous exprimer notre accord avec certaines dispositions, mais aussi certaines réserves que nous avons exprimées dans notre mémoire, mais avec peut-être un peu plus de détails.

Donc, sans tarder, je cède la parole à M. Temim.

M. Temim (David Robert) : Merci, Me Sévéno. Oui, comme... comme l'annonçait Me Sévéno, nous saluons, nous accueillons avec beaucoup d'enthousiasme certaines mesures et, essentiellement, une mesure phare qui est la nomination des juges, je vais laisser Me Sévéno revenir là-dessus ultérieurement. En ce qui me concerne, j'attirerais votre attention sur le pouvoir élargi qui va être dévolu aux juges de paix magistrats. On considère que c'est une mesure qui est véritablement de nature à favoriser une diminution des temps de cour. Les juges de paix magistrats vont être maintenant en mesure d'entendre, par exemple, des enquêtes caution, des enquêtes sur remise en liberté, mais aussi d'enregistrer ce qu'on appelle des 549, des renonciations à l'enquête préliminaire, ce qui va permettre de libérer considérablement du temps pour les juges de la Cour du Québec, la juge... les juges de la Cour provinciale. Ça, nous pensons que ça n'est pas négligeable. Pour certains autres aspects, effectivement, comme on aura l'occasion de vous l'expliquer plus en détail ensuite, nous avons... nous émettons des réserves.

Je recède la parole à mon confrère.

• (16 h 40) •

M. Sévéno (Louis) : Donc, en ce qui concerne la nomination de juges de la Cour supérieure, nous ne pouvons que saluer cette modification. Il a été noté et voire décrié à moult reprises le manque de ressources judiciaires à divers niveaux. Bien sûr, la présence de juges supplémentaires en Cour supérieure aiderait à réduire les délais, aiderait à ce que le travail de la justice se fasse et, je dirais même, pourrait aider également à diminuer la charge au niveau des juges de la Cour supérieure qui siègent actuellement. Donc, c'est une chose que nous saluons. D'ailleurs, notre association, tant au niveau de notre division au Québec, au niveau de la division au niveau national, nous comptons écrire au ministre de la Justice fédérale pour l'exhorter à donner suite à ces modifications-là et à, effectivement, procéder aux nominations tout de même qu'aux remplacements ou, disons, des nominations pour veiller à remplir des vacances actuelles. Donc, c'est définitivement une chose que nous saluons. Nous allons tout de même souligner le fait qu'avec la présence de plus de juges va devoir venir, de la part du gouvernement du Québec, un budget pour que ces juges-là soient épaulés par, par exemple, un personnel de soutien, personnel administratif, par les ressources en matière d'informatique. Donc, nous espérons que cette mesure-là n'est que la pointe de l'iceberg et que, finalement, il y aura plus de ressources en matière judiciaire.

Maintenant, en ce qui concerne l'article concernant le renvoi, plus particulièrement l'article 32 du projet de loi, c'est un article... Et d'ailleurs j'ai eu l'occasion de lire le mémoire du Barreau et nous sommes d'accord quant au fait que cette disposition-là n'a pas lieu d'être et devrait être retirée du projet de loi, bien humblement dit. Selon nous, premièrement, ce n'est pas une disposition qui a trait au droit pénal, n'est pas du genre à améliorer les délais en matière judiciaire, ne ressort pas du plan d'action de la Table Justice-Québec, et nous ne pouvons que constater que ça semblerait être un ajout. Donc, on peut se demander le pourquoi d'une disposition comme celle-là, et on a indiqué dans notre mémoire être étonnés de sa présence puisque le fait de pouvoir...

M. Sévéno (Louis) : ...procédé dans un de deux centres, donc dans un de deux... de deux cours pour... ne pourrait qu'aider à ce que les dossiers procèdent plus rapidement. Ayant eu l'occasion de discuter avec plusieurs, par exemple anciens juges de la Cour d'appel, force est de constater que lorsque vient le moment d'entendre ces renvois-là, ces renvois-là peuvent être de toutes sortes de nature et les... et le ou la juge en chef va devoir composer un banc en fonction de toute une série de critères. Et ce qui s'est passé dans le passé, c'est que plusieurs de ces renvois-là ont dû être... être entendus à Montréal, parfois pour des raisons purement pratiques, mais parfois pour toutes sortes de raisons, incluant le fait que ce n'est que dans l'édifice de... de la Cour d'appel à Montréal actuellement qu'on a les dispositions... le dispositif, pardon, pour recevoir un banc de cinq ou de sept juges. Et c'est ce qu'on fait lorsqu'il y a des renvois sur des questions qui sont très importantes. Donc, on voit mal, au niveau de notre association, à quoi ça pourrait servir d'indiquer que les renvois ne seraient entendus qu'à Québec dorénavant.

Et on a peu considéré que, par exemple, si ce sont des juges qui... qui résident dans la région de Montréal, on doive les faire déplacer à Québec pour entendre certains renvois, ça n'occasionne que plus de frais pour les contribuables, dans un contexte où les ressources judiciaires ne sont pas nécessairement les plus... Donc, dans ce contexte, nous considérons que cette mesure-là n'est pas souhaitable et je vous dirais que nous sommes d'accord avec la position avancée par le Barreau à l'effet qu'elle pourrait même atteindre à l'indépendance judiciaire, puisqu'il a toujours été énoncé que l'administration... en ce qui concerne les tâches administratives de la Cour, que l'indépendance judiciaire inclut également l'indépendance administrative, et ce rôle-là est normalement dévolu au ou à la juge en chef. Et ce n'est pas le genre de chose qui devrait changer, bien humblement dit, selon nous. Donc, je repasse la parole à Me Temim pour le reste.

M. Temim (David Robert) : Merci, Me Sévéno. Petit point qui nous préoccupe à l'ABC, pour vous donner des exemples, par exemple, l'article premier du projet de loi qui vise à l'augmentation du montant de la contribution pénale, qui viendrait s'ajouter au montant total des amendes et des frais réclamés sur un constat d'infraction. Alors, si, effectivement, nous n'avons pas, par principe, d'objection à une telle augmentation, juste par principe, nous craignons que ça risque d'avoir un effet un petit peu... un petit peu contraire et d'inciter plus de gens à contester des constats d'infraction. Et donc on se demande si, véritablement, ça va permettre de réduire les délais pour certains genres de dossiers ou à les augmenter. D'autant que nous pensons qu'une telle mesure ne fait pas partie du plan d'action de la table Justice... Justice Québec et que ça semble aller à l'encontre même de l'esprit du projet de loi qui vise à réduire les délais en matière criminelle et pénale.

Si je vous réfère, par exemple, autre petit point de réserve, à l'article 13 du projet de loi qui est censé remplacer l'article deux de la Loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activité illégale par, donc, l'article deux, nous considérons qu'à l'heure actuelle, l'article deux de la loi se lit comme : «Pour l'application de la présente loi sont des activités illégales les activités visées par le Code criminel, la loi et les règlements... du règlement... de la loi réglementant, pardon, certaines drogues et autres substances.» La loi qui a trait aux infractions liées aux stupéfiants et la loi sur le cannabis plus récente. On considère qu'il s'agit là d'un élargissement peut-être trop important du champ d'application de la loi et que c'est un élargissement qui, couplé avec la possibilité de confiscation administrative sans audition, pourrait, selon nous, mener à peut-être certains débordements. On considère que la confiscation ne devrait pas être limitée aux infractions pénales les plus graves, et on considère que...

M. Temim (David Robert) : ...au niveau de l'ABC, l'ABC Québec...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup, Maître. Désolé, on est rendus déjà à la période d'échange.

M. Temim (David Robert) : Je vous en prie.

Le Président (M. Bachand) :Alors, M.... Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Sévéno, Me Temim, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire aujourd'hui sur le projet de loi n° 54.

Écoutez, d'entrée de jeu, votre mémoire, la première page, vous faites... vous citez un extrait de la décision Jordan. Je pense que c'est à bon aloi de le faire, vous avez bien raison de le faire pour dire qu'en résumé la confiance du public dépend des délais puis le fait, à la fois pour les accusés, mais à la fois pour les victimes, d'être... d'être jugés dans un délai raisonnable, puis je suis d'accord avec vous là-dessus puis je trouve que c'est un bon extrait que vous avez cité. Puis c'est une... j'ajouterais que c'est une responsabilité partagée de tous les acteurs du système de justice, puis c'est pour ça que je suis heureux d'avoir déposé ce projet de loi là, parce que ça découle de la Table Justice où tous les partenaires se sont assis ensemble autour de la même table et tout le monde a trouvé des solutions qui je pourrais dire dans leurs chaumières, qui pourraient répondre et aider les délais en matière judiciaire. Donc, chacun y a mis du sien puis c'est comme ça qu'on va réussir à contrer les délais judiciaires en matière de justice. Alors, je pense que c'est de bon aloi que vous ayez cité cette décision-là et surtout que ce n'est pas uniquement une responsabilité qui est gouvernementale, parce qu'il y a des bouts importants dans le système de justice criminelle et pénale où ce n'est pas le ministre qui assigne les juges, ce n'est pas le ministre qui fait les rôles, ce n'est pas le ministre qui fait horreur. Alors, c'est un travail de collaboration avec tous les acteurs.

• (16 h 50) •

Cela étant, j'en profite, puisque vous êtes là aujourd'hui, pour solliciter votre collaboration sur le fait que les juges de la Cour supérieure... vous avez écrit dans votre mémoire, à la page 2, que neuf postes sont à combler présentement. Je vous soumettrai que c'est plutôt 11 postes, parce qu'à l'époque une de mes prédécesseurs, Mme Vallée, à l'époque où elle était ministre de la Justice, suite à l'arrêt Jordan, en 2016, elle avait modifié la loi pour faire passer la Loi sur les tribunaux judiciaires de 155 à 157 postes et le gouvernement fédéral n'a jamais comblé ces postes-là. Nous, on a fait notre part au Québec, écoutez, en 2016, on a nommé 16 juges de plus à la Cour du Québec. Là, on vient d'en nommer 14 de plus, avec les modifications législatives qu'on fait, s'ils sont utilisés à 100 %, on calcule, c'est entre 15 à 20 juges de plus à la Cour du Québec. Et là on fait de l'espace de nouveau dans la Loi sur les tribunaux judiciaires pour ajouter sept postes de juge à la Cour supérieure, mais il y a déjà les deux de Jordan, les postes 156, 157. Alors, je... je vous sollicite pour compter sur votre collaboration, vous aussi, pour faire pression sur le gouvernement fédéral, pour que ces deux postes-là depuis huit ans, qui n'ont pas été comblés et qui sont nécessaires, je pense que c'est important que le Québec parle d'une seule voix et que ces postes-là soient comblés parce que ça va avoir un impact, notamment sur les délais judiciaires. Puis, quand on parle d'investissement dans le système de justice, oui, l'État québécois le fait, fais sa part, mais si le fédéral ne veut pas nommer les juges, nous, on pourrait prendre la compétence pour le faire. Alors, voyez-vous, c'est un cri du coeur que je vous lance pour avoir votre appui avec nous puis je suis convaincu que vous allez nous appuyer là-dedans.

Peut-être, vous entendre un peu, là, sur... vous avez abordé l'article 32, là, sur le fait que, la Cour d'appel, les renvois allaient être entendus à Québec, là. Vous avez dit, je pense, Me Sévéno : Bien, écoutez, les juges vont devoir venir à Québec pour entendre, supposons, les renvois des juges basés à Montréal. Sauf qu'à ma connaissance, à la Cour d'appel, les juges qui ont davantage une résidence à Montréal viennent siéger à Québec fréquemment, et vice versa également, des juges de Québec viennent siéger à Montréal aussi. Puis, de ce qu'on nous dit, c'est que la Cour d'appel n'est qu'une seule et même cour, même si elle a deux sièges. Alors, ça, je pense que c'est important de le dire aux Québécois : Il n'y a qu'une seule Cour d'appel et elle est un tout unique, les 23 juges de la Cour d'appel sont ensemble et travaillent ensemble.

Bien, peut-être une question sur... sur la contribution pénale, là, qu'on augmente. Vous, vous avez une réticence, hein, par rapport à ça?

M. Temim (David Robert) : Mais c'est parce qu'on se demande si ça ne va pas avoir un effet unique, si ça ne va pas, au contraire, encourager les individus à contester des constats d'infraction qu'ils auraient l'habitude de payer plus rapidement qu'autrement. C'est notre préoccupation. C'est notre interrogation.

M. Jolin-Barrette : Basée uniquement sur des faits qui... qui vont au FAVAC puis au FAJ parce que...

M. Temim (David Robert) : Si possible, oui.

M. Jolin-Barrette : ...oui, il y a une augmentation, mais vous savez...

M. Jolin-Barrette : ...de compensatoire, elle n'est plus obligatoire. Donc, c'est important de financer adéquatement. Et là, dans le projet de loi n° 48, sur les sanctions administratives pécuniaires en matière de radars photo, on a augmenté les contributions. Donc, c'est important aussi de le financer adéquatement. Mais je suis preneur, si vous avez d'autres suggestions pour financer les fonds, là.

M. Temim (David Robert) : En tout cas, on a accueilli évidemment la nécessité de... qu'il y ait une augmentation pour trouver du financement. Ça, évidemment, on ne dira pas le contraire. Mais on avait un petit peu l'interrogation par rapport au... à l'objectif général de réduire les délais et au fait que ça puisse avoir un effet un petit peu un peu contraire à ce qui est souhaité, même si je comprends effectivement votre... votre... votre argument, M. le ministre.

M. Sévéno (Louis) : M. le ministre, je crois qu'il y avait quand même certaines questions qui m'étaient adressées tout à l'heure concernant la Cour d'appel. Si vous me permettez, je pourrais peut-être y répondre. Bien, premièrement, je salue la précision que vous avez fournie quant au nombre de juges de la Cour supérieure. Puis, comme je vous l'avais mentionné dans notre allocution, nous avons déjà été dans le passé par rapport à la nomination de juges et au niveau de la Cour supérieure... et aussi au fait, là, de combler des vacances, nous comptons, une fois que ce projet de loi ci deviendra loi, d'écrire à nouveau au ministre de la Justice à ce sujet. Donc, comptez assurément sur notre pleine collaboration à ce sujet là.

En ce qui concerne l'article 32, je suis tout à fait au courant que des juges ayant une résidence habituelle à Montréal peuvent être appelés à siéger à Québec et que, dans ce contexte-là, le gouvernement défraie déjà des coûts de subsistance pour les juges alors qu'ils sont là. Là n'était pas exactement mon propos. C'est plutôt qu'à l'heure actuelle la juge en chef, puisque c'est une femme actuellement, elle, juge en chef, bénéficie d'une latitude pour nommer les juges qui vont siéger dans le cadre de certains renvois, une latitude qui doit demeurer et qui est... qui parfois doit être exercée dans des conditions très particulières, où, par exemple, il peut y avoir des conflits d'intérêts, qui peuvent faire en sorte que certains juges peuvent ou ne peuvent pas siéger. Et, dans ce contexte-là, il est entièrement possible que, si jamais on décidait d'avoir un banc, par exemple de sept juges... il est possible que, pour un renvoi qui exige habituellement une audience quand même plus longue, et parfois sur une période plus... plus importante, il est possible que, sur un banc de sept juges, ce soit cinq juges de Montréal, à ce moment-là, et ça pourrait effectivement créer une certaine pression à ce niveau-là.

Mais, à la base, on doit se rappeler que c'est une grande richesse. Et d'ailleurs, c'est le... c'est dans le mémoire du Barreau, que ça a été écrit explicitement, c'est une grande richesse que d'avoir une cour d'appel qui a deux greffes, deux sièges et non pas un seul siège unique. Et, cette richesse-là, je ne pense pas qu'on devrait... qu'on devrait l'éliminer dans les cas des renvois. Et notre association ne voit pas vraiment d'utilité à le faire dans le cadre des renvois, surtout compte tenu des faits... du fait que chaque envoi est distinct et chaque envoi peut avoir ses propres exigences particulières. Donc, dans ce contexte-là, nous préférons conserver la latitude qui existe actuellement.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais vous conviendrez avec moi, Me Sévéno, que la juge en chef du Québec conserve son entière prérogative de composer le banc. Dans le fond, ce qu'on dit, les renvois sont initiés par l'État québécois. Et, à partir de ce moment-là, le législateur dit : Ils sont... ils sont entendus à Québec, puis ce sont des dossiers d'importance. Vous avez dit également, dans votre mémoire, je pense, qu'ils peuvent siéger à trois. Cependant, la Cour suprême, on a accueilli la Cour suprême, puis ils ont siégé à neuf à Québec, au Palais de justice de Québec, quand ils sont venus, sur plusieurs dossiers. Donc, je pense qu'on est capable de faire les choses comme il faut dans la Capitale-Nationale, à Québec aussi. Puis la composition du banc, ce n'est pas le ministre qui s'en occupe, ça relève de l'indépendance judiciaire. Puis j'imagine que ça doit arriver, parfois même sur des bancs de trois à Québec, que ça soit trois juges qui ont leur résidence à Montréal. Alors, on n'intervient pas là-dedans. On dit simplement que les renvois seront entendus à Québec.

M. Sévéno (Louis) : O.K. Je ne suis pas certain s'il y avait une question, mais, en ce qui nous concerne, avant de changer la loi pour limiter le siège à un seul, lorsqu'on parle de renvoi, ce n'est pas qu'une question de pourquoi pas, c'est une question plutôt de pourquoi. Et, à date, je veux dire, c'est la Cour d'appel du Québec, non pas la Cour d'appel de Québec...

M. Sévéno (Louis) : ...de la ville de Québec. On a une cour d'appel qui a deux sièges. On a un nombre de juges, dont certains sont plutôt dans la région de Montréal... montréalaise, d'autres dans la région de Québec. Donc, on... On n'a pas vraiment vu. Et surtout que ça ne... Ce n'est pas quelque chose qui avait été discuté au niveau de la Table Justice Québec, c'est quelque chose qui était un, je veux dire, qui est un ajout. Donc, avant qu'on modifie cette loi-là et qu'on vienne limiter les prérogatives de la juge en chef, la question, c'est plutôt de savoir pourquoi. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question, là.

M. Jolin-Barrette : Mais je veux juste vous poser... Je veux juste vous poser une question. Est-ce que la capitale nationale du Québec a une importance relative pour vous? Le fait, là, que la Cour d'appel fait partie des institutions québécoises, est-ce que, pour vous, il n'y a pas un intérêt, notamment, sur la question des renvois, à  ce que ce soit entendu dans la capitale du Québec, comme à Ottawa les renvois du gouvernement fédéral sont entendus dans la capitale du Canada?

M. Sévéno (Louis) : Écoutez, c'est une question qui se pose. Je peux dire que notre association ne s'est pas penchée spécifiquement sur cette question-là, mais on en demeure au principe que c'est une richesse pour nous, pour notre association, que notre cour d'appel ait deux sièges officiels. Je ne pense pas que les... l'endroit des renvois ait été problématique dans l'histoire de la Cour d'appel, depuis qu'ils existent. Si c'est le cas, certainement, ça pourrait être discuté et j'imagine que ça pourrait faire l'objet de consultations dans des tables... de justice Québec où il y a des membres de la magistrature qui sont présents. On pourrait avoir la convocation et l'avis de toutes les parties prenantes à ce niveau-là, et j'imagine que c'est quelque chose qui pourrait être étudié en temps et lieu.

• (17 heures) •

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. C'est apprécié. Merci au Barreau, à l'Association du Barreau canadien. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Bonjour. Bon après-midi. Écoutez, moi, je ne suis pas avocate du tout. Je vous entendais parler avec le ministre de technicalités importantes dans un jargon judiciaire. Moi, ce que je veux savoir sur ce projet de loi là, c'est qu'est-ce que ça va changer pour les citoyens. Donc, tout à l'heure, vous parliez en début d'exposé, bon, qu'avec les nouvelles fonctions des JPN, l'organisation de la cour pourrait s'améliorer, ça va libérer du temps de juge provincial. Qu'est-ce que ces juges-là vont pouvoir faire de plus? Puis comment est-ce que M., Mme Tout-le-monde, ça va faciliter leur expérience dans le système de justice?

M. Temim (David Robert) : Bien, ce qui arrive, c'est que, dans la pratique du droit criminel et pénal, ou du droit... on va prendre l'exemple du droit criminel, il y a plusieurs procédures qui jalonnent un dossier au cours de son existence et il y a des moments où un juge de paix magistrat serait tout à fait à même de remplir la responsabilité qui est aujourd'hui dévolue à un juge de la Cour du Québec, qui serait probablement mieux utilisé à entendre une cause sur le fond, alors qu'on sait que, par exemple, il y a des dossiers où on ne peut pas avoir un juge de disponible pour avoir un procès et où ça occasionne des arrêts de procédure.

Pour le citoyen, peut-être plus directement, au niveau... si on prend l'exemple des victimes, elles vont avoir l'occasion d'entendre leur cause, de voir leur cause entendue plus rapidement et peut-être de moins s'exposer à des arrêts des procédures. Si on prend le cas d'un accusé qui, vous en conviendrez avec moi, est aussi un citoyen, il va avoir l'opportunité d'avoir une enquête sur remise en liberté de manière plus facile, qui est un droit constitutionnel, alors qu'au jour d'aujourd'hui, on peut se retrouver dans des cas où effectivement on n'a pas de greffier disponible. On peut ne pas avoir de juge de la Cour de Québec disponible et on peut avoir des délais qui s'accumulent. Donc, à ce niveau-là, je pense qu'effectivement tout le monde a... y gagne.

Mme Bourassa : Parfait. Et justement, dans l'organisation du travail, concrètement, sur le terrain, comment... comment ça va s'organiser? Qu'est-ce que ça changerait? Mais j'entends les répercussions, mais comment ça va s'organiser?

M. Temim (David Robert) : Bien, la façon dont ça va s'organiser, c'est qu'il va y avoir plus... probablement plus de juges de paix, magistrats qui vont prendre le banc afin de pouvoir justement faire face à ce genre de procédures qui, au jour d'aujourd'hui, nécessitent la présence d'un juge de la Cour provinciale, qui remplit parfaitement cette fonction, entendez-moi bien, mais qui n'est peut-être pas absolument indispensable à ce stade. Par exemple, un exemple très simple, une procédure comme l'enquête préliminaire. Lorsque l'enquête préliminaire se tient effectivement, on va solliciter évidemment un juge de la Cour du Québec. Si...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Temim (David Robert) : ...y a renonciation à l'enquête préliminaire à un moment donné, alors qu'elle a été effectivement tenue, et qu'on fait ce qu'on appelle un 549, bien, le juge de paix magistrat va être en mesure d'entendre cette procédure, qui est très, très rapide, et on n'aura pas besoin de faire siéger un juge de la Cour du Québec, alors que l'enquête ne sera pas effectivement tenue. Il pourrait être dévolu à une autre fonction ou, peut-être, à entendre une enquête préliminaire qui, elle, sera effectivement tenue.

Mme Bourassa : On ne vous a pas nécessairement attendus là-dessus, mais tout à l'heure on a entendu d'autres groupes parler de la modernisation avec les comparutions sept jours semaine, des juges justement... des JPM qui pourraient aussi être sept jours-semaine à distance. C'est quoi, votre position par rapport à ça?

M. Temim (David Robert) : C'est effectivement souhaitable. C'est effectivement souhaitable de faciliter la comparution des personnes qui sont arrêtées. Ça permet aussi, là, de ne pas scléroser inutilement le système en amont et ça va permettre de respirer davantage en aval, automatiquement.

Mme Bourassa : C'était demandé, là, par les justiciables, que vous côtoyez aussi, j'imagine, ou par les gens au sein du système de justice?

M. Temim (David Robert) : Les deux. Vous savez, tout le monde est préoccupé par les mêmes considérations. Je crois qu'il y a des décisions qui doivent être prises par les législateurs, mais, comme semblait le dire M. le ministre tantôt, et à bon escient, je crois que c'est une question de culture générale, tout le monde doit y mettre un petit peu du sien. Et il y a beaucoup de mesures dans le projet de loi qui vont dans le bon sens...

Mme Bourassa : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Temim (David Robert) : ...même s'il y en a d'autres qui nous interpellent, excusez-moi.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Sévéno, toujours heureux de vous revoir, Me Temim, bonjour. Merci pour la mémoire que vous avez produit. Ma première question est en lien avec les pouvoirs étendus qui seront éventuellement dévolus aux juges de paix magistrats. Et vous l'avez souligné, Me Themim, dans le projet de loi, on va permettre... en fait, le projet de loi permettrait à un juge de paix magistrat d'entendre un article 549 du Code criminel, c'est-à-dire, en fait, de consentement, avec le poursuivant, de sauter l'enquête préliminaire. Sauf que, dans les faits, en pratique, il arrive souvent qu'un avocat de la défense, par exemple, voudra faire entendre un témoin, puis, comme on dit, faire un 549 pour le reste de la preuve. Et là je comprends que, dans un cas comme ça, le juge de paix magistrat ne pourra pas présider cette enquête-là. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'étendre davantage le pouvoir du juge de paix magistrat puis de lui permettre d'entendre un témoin, étant entendu qu'à l'enquête préliminaire il ne va pas entendre des requêtes de charte, ne va pas évaluer la preuve, ne va pas déclarer l'individu, la personne, le prévenu coupable ou pas? Est-ce que ça pourrait aider? Est-ce que ça pourrait rendre la justice plus accessible et plus rapide?

M. Temim (David Robert) : Écoutez, c'est une question... Vous me faites beaucoup d'honneur en me posant cette question. Je ne sais pas si j'ai l'envergure pour pouvoir répondre à cette question. Je vous dirais qu'en principe pourquoi pas. Je vous dirais que probablement il faut voir comment les changements vont évoluer et que peut-être ça va devenir quelque chose d'impérieux qui va s'imposer à nous avec le temps, lorsqu'on va être confrontés, justement, aux questionnements que vous soulevez. Au jour d'aujourd'hui, je ne sais pas si je suis en mesure de vous dire s'il est souhaitable d'aller... d'aller plus loin encore avec les pouvoirs dévolus aux juges de paix magistrats. Je vous dirais simplement que, de manière un petit peu conservatrice... je vous dirais que c'est déjà un bon pas dans la bonne direction, et qui vivra verra, mais une possibilité, pourquoi pas, pourquoi pas.

M. Morin : Oui, je suis... je suis d'accord avec vous pour dire que c'est... c'est quand même... Cette mesure-là, c'est un pas dans la bonne direction, d'accord, sauf qu'au fond, pour que ce soit vraiment efficace, il faudrait à peu près qu'il y ait un rôle complet de 549 pour l'enquête préliminaire, parce que, sinon, dans un palais de justice, au quotidien, là, s'il y a deux 549 sur le rôle, bien, le juge de paix magistrat va faire les deux puis, après ça, il... quoi, il va partir. C'est le juge de paix, mais qui est aussi un juge de la Cour du Québec, qui va entendre les témoins. Donc, dans dans le quotidien... en fait, peut-être que, dans certains grands districts, ça va fonctionner pour un rôle au complet, mais, dans plein d'autres districts, c'est un mélange qu'on se ramasse avec toutes les étapes préliminaires. Donc, j'essaie de voir quel est le gain qui pourrait être fait au niveau de l'accès de la justice puis de la confection des rôles, et c'est un peu pour ça que je vous posais la question. Mais j'entends de votre réponse que, d'après vous, il n'y aurait pas nécessairement d'empêchement juridique à ce qu'un juge de paix magistrat entende des témoins à l'étape d'une enquête préliminaire...

M. Temim (David Robert) : ...Mais s'il n'a pas de décision à rendre sur la suffisance de la preuve, pour citer un procès par exemple, pourquoi pas? On fait... on fait bien des... des interrogatoires avec des greffiers... avec des sténographes, pardon, puis hors cour, donc pourquoi pas? On le fait au criminel aujourd'hui.

M. Morin : Tout à fait.

M. Temim (David Robert) : Quand on... quand on estime qu'il n'y aura pas nécessairement de questions à trancher, on peut gagner du temps. Donc, effectivement, je crois... je crois que vos questions sont... je ne suis pas... je ne me sens pas à même de vous apporter peut-être la réponse que vous auriez souhaité de manière aussi tranchée que vous l'auriez aimée, mais je pense que vous soulevez des choses qui sont... qui sont pertinentes, parce qu'effectivement au fur et à mesure que le projet de loi... au fur et à mesure que la nouvelle loi va être implémentée et qu'on va rencontrer au jour le jour ces petits problèmes que vous mentionnez, qui sont plus que des petits problèmes, qui sont des choses qui vont arriver, effectivement.

M. Morin : Je vous... je vous remercie beaucoup. J'aimerais, dans le temps qui nous reste, qu'on parle un peu du régime des... des confiscations administratives parce que c'est... c'est un aspect important du projet de loi. Moi, je n'ai pas vu, dans le plan d'action de la Table Justice Québec, qu'on avait discuté de ces choses-là entre l'ensemble des intervenants. Et je me dis, bon, écoutez, on a un régime de confiscation des produits de la criminalité en matière criminelle avec, bon, des fardeaux de preuves, une procédure qui est bien établie. Par la suite, si ça ne fonctionne pas, il peut y avoir une procédure de confiscation civile qui est déjà dans la loi québécoise. Là, je comprends que M. le ministre va aller un peu plus loin et parler de confiscations administratives.

• (17 h 10) •

Et là j'aimerais vous entendre là dessus, parce qu'en plus d'avoir une confiscation administrative, il y a une foule de présomptions, même une présomption que quelqu'un a reçu la signification de l'avis de confiscation. Puis je comprends qu'on réduit aussi la protection accordée à des tiers innocents. Donc, quelle est votre position là-dessus? Est-ce qu'on va trop loin? Est-ce qu'il y a des garanties qui sont évacuées? Est-ce qu'on risque de se ramasser dans une situation où finalement on va être obligé de reprendre des procédures parce qu'il y a un tiers innocent qui va lever la main puis va dire : Écoutez, c'est à moi, ce bien là, je n'ai rien fait, donc arrêtez tout. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Temim (David Robert) : Ça nous... ça nous préoccupe, effectivement. Ça a... ça a attiré notre attention. On considère que l'article 21 serait de nature à créer une procédure de confiscation administrative, comme vous l'appelez. Or, nous nous questionnons tout d'abord sur le nombre de dossiers de confiscation civile, comme vous l'avez mentionné, qui est quelque chose qui existe. Il s'agirait de quelque chose qui serait de nature d'une ordonnance de blocage, mais qui ne requérait pas d'aller devant un juge pour avoir une autorisation préalable. Selon notre compréhension, à l'ABC, le procureur général du Québec serait essentiellement, comme on le dit dans notre... dans notre mémoire, en mesure d'obtenir, en vertu donc de ces dispositions, une ordonnance de la nature d'une ordonnance de blocage, c'est ce que je vous disais juste à l'instant, sans contrôle judiciaire préalable. Ça, c'est toujours quelque chose qui nous préoccupe effectivement dans une association comme l'ABC. On se questionne effectivement sur le caractère opportun d'un tel changement qui, c'est ce qui nous avait aussi... c'est ce qui avait attiré notre attention, ne semble pas faire partie de... du plan d'action de la Table Justice Québec, ça va plus loin, et on ne pense pas que ce soit nécessairement opportun. Ça comporte des risques.

M. Morin : Et... non, je vous remercie. Quand on regarde le... le libellé, la rédaction de certains articles, là, par exemple l'article 18, quand on parle de... de bien qui est présumé être un produit d'activités illégales et qu'on parle d'une somme d'argent comptant trouvée à proximité de substances interdites, est-ce que vous trouvez que c'est flou? Est-ce que le législateur pourrait trouver un terme plus précis? Est-ce que c'est trop vague? Est-ce que ça pourrait entraîner des abus?

M. Temim (David Robert) : Mais c'est... ça pourrait entraîner... Vous savez, c'est toujours la même chose, chaque cas est un cas d'espèce. Je vous dirais que, dans certaines... dans certains cas, on peut considérer de toute façon, d'ores et déjà qu'une somme d'argent conditionnée d'une certaine manière, qui serait trouvée à côté de produits illégaux pourrait provenir des produits de la criminalité, quelque chose qui existe déjà de toute façon...

M. Temim (David Robert) : ...vous me parlez de l'article 18, moi, j'attirerais votre attention par rapport... pour mettre en exergue avec l'article 21, sur l'article 13, par exemple, qui viendrait remplacer l'article 2, qui existe aujourd'hui, de la loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités criminelles. Nous, on considère que l'article d'aujourd'hui est convenable et on s'interroge sur la mouture que représente l'article 13, qui correspondrait à une sorte d'élargissement, peut-être trop important pour nous, du champ d'application de la loi, ce serait un élargissement qui, couplé justement avec la possibilité de confiscation administrative qu'on vient d'évoquer ensemble... bien, ça pourrait mener à potentiellement des débordements, effectivement.

M. Morin : Parce que ma compréhension de la procédure, c'est qu'admettons qu'un policier, dans le cadre d'une enquête, saisisse des biens, le poursuivant n'est pas intéressé nécessairement de... d'intenter une infraction ou une poursuite pour une infraction de blanchiment d'argent ou de confisquer des produits, le procureur général pourrait décider d'envoyer un avis et donc de vouloir saisir ces biens-là d'une façon administrative sans qu'il n'y ait à peu près pas de preuves de présentées devant le juge.

M. Temim (David Robert) : C'est ce que ça dit. C'est ce que ça suggère.

M. Morin : D'accord. Donc, on a la même... on a la même compréhension des dispositions.

M. Temim (David Robert) : Oui, oui. La même... peut-être aussi.

M. Morin : Merci. Merci beaucoup, maître.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député d'Acadie. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup à tous les deux pour votre présentation. Vous avez parlé, en matière de nomination des juges, encore une fois, on semble coincés face à une machine fédérale qui ne fonctionne pas. Comment on fait pour régler cette problématique, alors qu'on semble faire la sourde oreille à Ottawa depuis longtemps? Quel message ça envoie, là, d'être obligés de mettre autant de pression juste pour que le Québec puisse gérer efficacement son système de justice?

M. Sévéno (Louis) : ...bonne question. Ce que je peux vous dire, c'est que nous, au niveau de l'ABC-Québec, on met la pression où on le peut. On va, par exemple, siéger sur des comités pour la nomination des juges. Il y a eu tout de même beaucoup de juges de nommés en Cour supérieure au cours des dernières années. Ce n'est pas suffisant. Donc, je ne suis pas ici pour vous dire que c'est suffisant, mais il y en a tout de même eu beaucoup, si on compare, au niveau statistique, mettons, les cinq dernières années avec les cinq ou les 10 années d'avant, il y en a tout de même eu beaucoup. Le travail demeure à faire. Par exemple, tout simplement pour nommer un juge en chef adjoint à la Cour supérieure, ça a pris une période de plus... d'un an ou d'un an et demi, si je ne m'abuse. Nous avions écrit une lettre à cet effet suite au décès de l'ancienne juge en chef adjointe. Donc, il y a... il y a un travail à faire au niveau du ministère de la Justice fédéral. Loin de nous, à titre d'association, d'aller dire aux politiciens comment faire leur travail, mais nous le faisons au moyen de ce que nous pouvons faire, c'est-à-dire dans des conférences, dans des lettres, dans des sorties, et nous continuerons à le faire.

M. Cliche-Rivard : Très bien. Parce que le ministre ne semble pas vouloir aller au bout de sa pensée sur le fait que le Québec soit seul maître de toutes ses compétences en toutes les matières, alors qu'on refuse de nous entendre, finalement. Mais, au moins, là, quand est-ce que le Québec va au moins demander ne serait-ce qu'à rapatrier son pouvoir de nomination?

M. Sévéno (Louis) : Poser la question, c'est y répondre, là. C'est une question beaucoup plus politique qui dépend de nos lois constitutionnelles.

M. Cliche-Rivard : Bon. Alors, on donne un mandat à notre ministre de la Justice? On donne ce mandat-là à notre ministre, c'est ce que je comprends?

M. Sévéno (Louis) : Ça dépasse entièrement le mandat de... qui m'a été conféré aujourd'hui et certainement celui de Me Temim.

M. Temim (David Robert) : Oui, absolument.

M. Sévéno (Louis) : Également, ce sont des questions politiques.

M. Cliche-Rivard : Parce que c'est un fait, là, vous le dites, là, je veux dire, le ministre le demande aussi, la classe politique québécoise le demande aussi, puis on n'a pas de réponse, puis ça fait des années, là, que ces juges-là devraient être nommés. Alors, je pense qu'il y a une seule conclusion, à un moment donné, qu'il va falloir tirer, puis il va falloir que le Québec soit maître d'oeuvre dans ce... ces situations.

La position de conseiller ou le nouveau poste ou l'ancien poste de conseiller en lois de l'État du Québec, est-ce que vous avez une position là-dessus?

M. Sévéno (Louis) : Écoutez, pour être franc, là, on a... j'ai tout simplement lu la position exprimée par le Barreau aujourd'hui. Ça dépasserait mon mandat que de venir vous donner une position formelle. Mais la réserve exprimée par le Barreau est tout de même juste, en ce sens que, si on veut accorder un titre honorifique, ça ne devrait pas être exactement le même titre que quelque chose que le Barreau offre déjà à des gens qui veulent desservir des fonctions qui ne sont pas 100 % la fonction d'avocat. Donc...

M. Sévéno (Louis) : ...je peux vous dire qu'ayant lu leur position, j'ai... j'ai tendance à l'épouser, mais je n'ai pas de mandat spécifique à cet effet-là.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Merci. Alors, on va attendre la demande formelle du ministre de la Justice du Québec de rapatrier les pouvoirs de nomination auprès du fédéral.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci à vous deux de... de votre présence. Vous avez répondu en partie, j'avais une question relativement... vous vous êtes prononcé sur l'article 13, puis la députée de l'Acadie l'a abordé, a commencé à l'aborder. Vous avez dit qu'il s'agissait, entre autres, d'un élargissement important, là, du champ d'application de la loi puis vous avez... dans votre mémoire, vous donnez, par exemple, les infractions au Code de la sécurité routière. Vous parlez aussi que ça peut mener à des débordements. Quand vous parlez de mener à des débordements, vous faites référence à des débordements où, des débordements comment, des débordements sur le rôle, des débordements sur...

M. Temim (David Robert) : Non, peut-être aller trop loin au niveau des pouvoirs qui vont être donnés, ou du champ d'application qui est suggéré par l'article. C'est beaucoup plus circonscrit, beaucoup plus délimité avec l'article 2.

• (17 h 20) •

Mme Nichols : Parfait. Puis quand vous parlez que la confiscation ne devrait-elle pas se limiter aux infractions pénales les plus graves, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que tout ça aurait besoin de précision, c'est juste pas assez précis.

M. Temim (David Robert) : Oui, entre autres. Entre autres, oui, c'est très large.

Mme Nichols : Puis avez-vous des exemples de...

M. Temim (David Robert) : Non, je n'aurais d'exemples à vous soumettre, aujourd'hui.

Mme Nichols : ...ou des cas, des cas problématiques, là. Comme, quand vous parlez du Code de la sécurité routière, il doit... il y a quelque chose qui vous vient en tête, c'est sûr, des cas problématiques, des exemples à nous donner.

M. Temim (David Robert) : Peut-être, Me Sévéno.

M. Sévéno (Louis) : Mme la... Mme la députée, si je peux me permettre, c'est... nous, notre position, c'est que la loi, dans sa mouture actuelle, donc, ce qui est déjà édicté, c'est déjà assez précis. On précise quelles sont les lois dont l'infraction pourrait mener à une confiscation. Et là, maintenant, ce qu'on propose comme modifications, c'est que plutôt que de spécifier ces lois-là, c'est que ce soit à tout acte ou omission qui constitue une infraction à une loi du Québec, à une loi fédérale, donc là, c'est... c'est rendu tout et n'importe quoi. Donc, nous avons soulevé des exemples de lois qui contiennent des infractions qui pourraient paraître peut-être... je ne veux minimiser aucune infraction, mais il y a certaines infractions qui sont plus anodines, par exemple, personne ne voudrait se faire confisquer ces biens parce qu'il a grillé un... un arrêt-stop, par exemple. Donc, je pense que ça dépasserait l'entendement, c'est à ce genre de débordements là qu'on fait référence en termes d'abus de pouvoir. La mouture actuelle se réserve à des infractions graves que nous, en tant que société, en tant qu'avocat, en tant que législateur, nous considérons comme graves, et donc nous nous posons la question : Pourquoi rendre ça plus flou, plus large, sans restriction?

Mme Nichols : Puis risquer que ce soit disproportionné, c'est ce que je comprends?

M. Sévéno (Louis) : Bien oui, parce que, ce qui risque d'arriver à la fin, c'est que ce sera plutôt les tribunaux, encore une fois de façon engorgée, qui vont devoir aller décider qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis, qu'est-ce qui est trop fort, qu'est-ce qui est trop loin, qu'est-ce qui est de l'abus? Alors que la loi, tel qu'elle existe actuellement, elle est déjà tout à fait appropriée.

Mme Nichols : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée de Vaudreuil. Alors, merci beaucoup à vous deux d'avoir été avec nous en commission parlementaire, ça a été plus qu'intéressant.

Cela dit, la commission ajourne ses travaux au jeudi 14 mars... ah, oui, j'oubliais, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et cela dit, la commission ajourne ses travaux au jeudi 14 mars à 13 heures où elle va se réunir en séance de travail. Merci beaucoup. À plus tard.

(Fin de la séance à 17 h 22)


 
 

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